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DESCRIPTION
TOPOGRAPHIQUE , PHYSIQUE,
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CIVILE, POLITIQUE et HISTORIQUE
r .: DELA
PARTIE FRANÇAISE
, s
DE
L'ISLE SAI-NT-DOMINGUE.
^If "^ ''!.' °^''"'"'"'"' 8"""'" '■'"• "i P-Pularion , fur le Caraftère & les
Mœursde fesdwersHabitans; fur ,b„ Climat, fa Culture, fes P™d„aTo„s
fon Admimflration , &c, &c. . ^u-^uuns,
Jccon^^ag^ées des détails les plus propres à faire connaître l'état de cette Colonie â
r époque du i8 Oâîobre 1789 j
Et d'une nouvelle Carte de la totalité de l'Ifle.
P^»" M. L. E. MOREAU DE SAINT-MÉ
R Y.
TOME PREMIER.
Co.PK...... outre les objets généraux , la Defcription des vingt .- une Paroiffes de la Partie du
Nord & de l'Ifle la Tortue.
Les fources de fa profpirité ne fon
t pas toutes taries.
. A PHILADELPHIE,
Et s'y trouve
Chez l'AUTEUR , au coin de Front & de Callow-Hill ftreets
A Paris , chez DUPONT, Libraire , rue de la Loi.
Btà Hambourg, chez les principaux Libraires.
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1797.
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I
I,
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ÎMPRIMÉ SELON LA Loi.
La Soujcripiion àt cet Ouvrage devant rtjîer ouverte ja/qu'au rAoment de la
■livrai/on de ce Premier Volume, la Lifte de MeJJieurs les Soiifcripeurs fera mif&
G. la tête du Second Volume,
*M^-*:-*^H^^>^M^M?:-^>K^^^^M^^H^>H^-*-i^i^;*:^i^^^^
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DISCOURS
PRÉLIMINAIRE,
J\. cette vérité, depuis fi long-tetns répétée, que rien n'ed auffi peu connu
que les Colonies des Antilles, fe réunirai: peut-être bientôt l'impoffibilité
de connaître celle qui a été la plus brillante d'entr'elles , fi je ne me hâtais d'otfrir
le tableau fidellc de fa fp'.endeur pafféc.
Occupé depuis quatorze années à recueillir tout ce qui appartenait à la Def-
cription, à la Légiflation & â l'Hiftoirc des Colonies, j'avais déjà publié fix
volumes ;«-4<', du Recueil des Loix des IHes Françaifes de l'Amérique fous le
Vent (*) , dont Saint-Domingue était le chef-lieu , & d'immenfes matériaux
«talent déjà préparés pour que les autres parties de mon plan , fur ces îles , paruf,
fent fucceffivement , lorfque la révolution françaife , difpofant de moi prefque
tout entier, m'a mis dans l'impuiflance d'accomplir mon projet.
Jette eniuite loin de la France par la tempête politique qui a pouffé des
Français fur prefque tout le refte du globe , j'ai eu le bonheur de fauver, avec
ma vie, les preuves de m'a confiance à rch-rrcher tout ce qui a trait aux
Colonies, & lorfque mes infortunes me l'ont permis, j'ai repris la tâche que
mon dévouement à la chofe publique m'avait fait entreprendre. Plein de cette
fenfée, que les vérités utiles ne fauraient être long-teras méconnues, j'ai toujours
Jijouté à celles que j'avais à préfenter à ma Patrie , & j'ai p'us d'une fois con-
i») Sous le titre de Loix ^ Co»J},t,aion, àa Colonie, Fran;ai/h de l'Jmêrijuejou^ le njenu
l.l
.a 2
\y DISCOURS
folé ma douleur d'habiter loin d'elle , en dirigeant mes idées vers Ton bonheur,
tandis que mon cœur s'ennorgueilliffaic de Tes fucces.
Une première occafion s'eft offerte de lui donner nne marque de mon zèle ,
& c'eft à la ceffion faite par l'Efpagne à la France , de la Partie Efpagnole de
Saint-Domingue , qu'eft due ma Defcription de ce territoire ( i ).
Combien j'ai regretté alors que les coups de la fortune me filTent la loi de
mettre de côté la Defcription de la Partie Françaife ! Mais l'amitié n'a pas été
inaftive , & c'eft fous fes aufpices que mon zèle s'eft ranimé.
Je puis donc enfin publier la Defcription de cette Colonie, qui a été Ci
juftement enviée par toutes les Puiffances , qui fut l'orgueil de la France dans
le Nouveau- Monde, & dont la profpérité faite pour étonner, était l'ouvrage
de moins d'un fiècle & demi.
A cette rapide énonciarion de la gloire de Saint-Domingue, comme colonie
françaife , il me femble entendre une foule de perfonnes , me prêtant des vues
peut-être contradictoires , m'accufer ou de me livrer à un travail inutile ou de
chercher à exciter de regrets déformais fans rem,ède.
Je dois donc faire ici une profeiïion de foi claire & franche de mes motifs.
Quelle que foit la fituation dans laquelle la paix générale de la France avec
tous ceux qui s'étaient coalifés pour lui ravir fa liberté , trouvera Saint-Do-
mincrue j quel que puiffe être le fyftème que ma Patrie adoptera , à cette époque ,
.fur fes Colonies à fucre , il ferait abfurde de fuppofer que cette fituadon , que
ce fyftème n'auront aucun rapport avec ce que ces Colonies étaient au moment
où leur Métropole a fait une révolution dont les fecouffes font fenties jufqu'aux
extrémités de la Terre. N'exifta-t-il plus que les objets purement phyfiques
dont leur enfemble eft compofé, il faut que la connaiflance de ces objets
éclairent fur la détermination quelconque qu'on adoptera.
Or , fi cette propofition a toute la folidité que je lui trouve , par rapport à
( i) Publiée à Philadelphie en 1796, en 2 vol. in-8°.
PRÉLIMINAIRE. v
laquelle des Colonies cette connaiflance fera-t-elle plus nécefTaire , que pour
celle qui l'emportant à elle feule fur toutes les autres réunies , doit par cela
même attirer les regards la première , & exciter une foUicitude plus vive ?
La Colonie françaife de Saint-Domingue eft , je le fais , celle qui a éprouvé
de la manière la plus cruelle, les convulfions révolutionnaires. C'eft dans fon
vafte fcin qu'elles ont fait plus de ravages : divifions inteflines , guerre étran-
gère , tout s'efl réuni pour l'accabler de maux , pour la déchirer , & il fem-
blerait que ce corps vigoureux & robufle , que cet Hercule colonial , eût été
deftiné à n'être plus un jour qu'un fquelette décharné.
Cette opinion fut-elle fondée, &je ne l'adopte pas, ( comme le prouve alTez
mon épigraphe ) , pourquoi la peinture ficlcUe de ce qu'était n'aguères encore
une Colonie qui donnait cent cinquante millions tournois de produits annuels ,
qui fe glorifiait judement d'influer fur la profpérité de fa Mère-Patrie, ne
ferait-elle pas préfentée , du moins , comme un monument en quelque forte
hiftorique , & comme un chapitre à méditer par tous ceux qui ont part au
gouvernem.ent des États ?
Il ne peut donc jamais être indifférent , & il eft encore bien moins inutile
de montrer ce que le génie français avait crée à deux mille lieues de la
Métropole ; d'expofer avec détails ce que ce génie , très-fouvent contrarié par
le Gouvernement , était parvenu à produire prefqu'en un inftant &c avec une
fupériorité qui lailTait loin derrière elle tout ce que les autres nations ont entrepris
de femblable.
Mais , & cette efpérance je ne faurais l'abandonner , la France pour laquelle
l'importance des Colonies finira par être une vérité mathématique, voudra
réparer leurs malheurs par ce qu'elle ne peut s'empêcher de les compter parmi les
fiens propres ; parce qu'elle doit les confidérer comme des maux qu'il faut
guérir, s'il eft vrai qu'un corps politique ne faurait recouvrer toute Ton énergie
tant qu'une plaie profonde altère Sj: mine les fources qui concourent à conferver
fon exiftcnce. Lorfque cet inftant aura été amené par la paix générale , la France
r
1
^
vj DISCOURS
aura befoin , furtouî peur Saint-Domingue , d'avoir des renfeignemens capables
de la diriger dans le choix des moyens qu'elle devra adopter pour en faire
enèore une utile Colonie.
Précendrait-on que ma Deicription s'ar; étant précil'ément au jour où les
premiers mouvemens de h révolution ont été îl;ntis à Saint-Domingue , elle
ne faurait éclairer fuiFiiamment les efprits , ni procurer les avantages que je
viens d'indiquer ?
Je réponds que la Defcription , telle que je la publie , eft précifément ce
qu'il faut défirer : car ou ce qu'elle efl: deftinée à faire connaître fubfiftc
encore , où il a été détruit en tout ou en partie. Dans le premier cas , rien ne
peut la fupp'iéer ; dans le fécond , en ajoutant ces deux feuls mots n'exijie fins ,
ou à la fin du livre ou aux divers articles defcriptifs , on aura la connailTance
xiétaillée de la nature , de l'emploi des objets dont il faut déplorer l'anéantiflè-
ment. C'eft même l'unique manière d'apprécier la valeur de la perte qu'on
aura faite , & s'il exifte des m.oyens de la réparer , rien n'efl propre à les
fug-gérer comme ces détails mêmes.
DO
f Et fans cela, comment faire la comparaifon de ce que fut Saint-Domingue
avec ce qu'il fera au moment oïj ce rapprochement deviendra le premier devoir
de quiconque devra travailler à fa reftauration ? Sans cela comment mettre fin
à l'interminable difpute qui fubfiHe déjà depuis trop long-tems entre ceux qui
exagèrent & ceux qui diffimuknt tout ce qui contrarie leurs vues dans ce parallèle?
Il ne s'agit plus , comm,e en 1630, d'attendre que l'audace des Aventuriers
enfante des prodiges i il ne s'agit point de venir, comme autrefois, s'emparer
du fruit de leurs conquêtes , & de ne les en récompenftr eux ou leurs
defcendans , qu'en les rendant durant p'us d'un dtmi-fiëcle le jouet continuel
d't fiais , de tâtonnemens , de pincipes incohérens &. de ks vexer fous le pré-
texte qu'ils ne pouvi'.itnt fe pafi^lr d'une prottélicn qui fut quelquefois leur
fléau II faut maint, nant , & c'eft à coup sûr le but qu'on fe propofera , faire
fortir de ce qui fera relié à Saint-Domingue de fon ancien état, les moyens de le
PRÉLIMINAIRE. vij
rendre encore un jour une fource de richeffe & de puillance pour la France. Dans
ces channps tout fumans de fang &. de carnage , il faut faire renaître l'abon-
dance , & que rafpeft du bonheur foit le partage d'une terre où il faut enfevelir»
s'il ell pofTible , jufqu'au fouvenir des calamités dont elle a été le théâtre.
Et l'évidence de cette vérité une fois bien établie , quel flambeau plus pré-
cieux peut-on prendre pour marcher avec afllirance fur cette immenfe furface ^
que celui qui fera diftinguer les chofes qui y fubfiftent encore & reconnaître
par leurs ruines mêmes, celles qui ne font plus !
Qu'on fuppofe en effet une portion quelconque de la Colonie qui aura fouf-
fert le plus de ravages ; par exemple , une paroifîè entière. La Defcription à la
main, la plus fimple infpeflion dira ce qu'elle a perdu de manufactures , d'ha-
bitans , de cultivateurs, d'ctabliflTemens publics, de relTources de tous les
genres , & de cette efpèce de revue , douloureufe il eft vrai , fortira la connaif-
fance des pertes qu'on devra réparer. Se celle des moyens qui reftent. On
connaîtra encore de cette paroifTe fon étendue , fon fol , les avantages ou les
inconvéniens de fa fituation j fa température, fes produélions , fa minéraloo-ie
fes rivières, leur direftion , fes côtes, leurs ports , leurs mouillages, &c. &c.
On peut même juger par la marche progreflive qui l'avait conduite au degré
d'utilité où elle était parvenue au moment de la révolution , ce qu'on a raifon-
nablement droit d'efpérer pour l'avenir. Quelquefois même des fautes ou des
erreurs que des obftacles particuliers avaient fait commettre , feront tout indi-
qués afin qu'on les évite.
Il n'cft donc point d'hypothèfe où l'on puiffe prétendre , avec raifon , que la
D«fcription que je donne aujourd'hui n'efl; plus utile; & il efl fi affreux , j'ai
prefque dit fi abfurde , de fuppofer la feule qui puifïe donner du poids à cette
affertion , c'eft-à-dire , celle de la perte abfolue de Saint-Domingue , par l'impcf--
fibilité de le ramener à être une Colonie agricole & manufafturière , que je la re-
pouffe avec un fcntiment d'indignation qui a mon patriotifme même pour principe,.
vilj DISCOURS
Et enfin fi ce fort réellement déplorable était celui qui menace Salnt-I>omin-
gue , il ferait néceffalre encore à l'Hiftoire des Nations de réunir un chapitre au
grand livre de l'expérience , pour montrer ce qu'a été , dans fa courte exiîlence,
une Colonie que fa nature , fa fplendeur & fa deflru^lion rendraient le
premier exemple de ce genre dans les annales du monde. Nous recherchons
avec curiofité les ruines des anciens établiiTemens qui ont fait la gloire &
l'admiration des peuples & nous recourons à de pénibles recherches , à de fa-
vantes dilTertations pour arriver, par elles , à la connaiffance imparfaite des mœurs
& du gouvernemeni de ces peuples. La Grèce , l'Itahe appellent, chaque jour,
les obfervateurs. Eh bien! avec cet Ouvrage, on méditerait fur Saint-Do-
mingue ; 8v fans doute on peut , à quelques égards , retirer autant de fruit de
cette contemplation que de celle des débris d'Herculanum , qu''on va tirer du
milieu des cendres qui les recouvrent depuis tant de fiècles.
Mais mon cœur & mon efprit rejettent également cette fuppofition , & c'eil
plein de confiance dans ma Patrie , que je publie cette Defcription.
Je dois répondre d'avance à une obfervation que je me fuis déjà entendu faire
dans des entr'^ticns privés ; c'eft de n'avoir pas établi , dans cet Ouvrage , quel eft
rétataétuel des lieux que j'y décris.
Premièrement, il faudrait que j'adoptafTe pour cela une époque quelconque, &
comme je ne regarderai jamais comme vrai , ce qui n'eft pas marqué pour moi
au coin de la certitude , je laifferais iurement encore un intervalle entre cette
époque & le moment oij je fais paraître ce livre , ce qui ne me garantirait qu'à
demi du reproche j miais à coup sûr , cet é:at ne ferait pas celui où la paix
trouvera Saint-Domingue. Je me ferais donc livré à des travaux pénibles &;
incomplets.
D'ailleurs , comm.ent aurais-je pu appliquer à cette portion , ma méthode
d'entrer dans des détails hiftoriques pour rendre la Defcription plus
curieufe & plus inîéreiïante ? E aurait donc fallu parler de la révolution , & je
mç
PRÉLIMINAIRE. jx
me fuis impofé la loi de montrer Saint-Domingue tel qu'il était le premier
jour que la révolution s'y eft manifeftce. Suis-je en ce moment affez inftruit pour
parler de cette révolution avec la véracité que rien ne me fera jamais abandonner ?
Le moment eft-il venu d'écrire fur la révolution coloniale ? — Je déclare haute-
ment que je ne le crois pas.
D'un autre côté , je n'ai ni le défir , ni la prétention de m'ériger en juge de ce
qui s'eft paffé relativement aux Colonies & particulièrement à Saint-Domingue j
ni en confeiller pour les mefures qu'on doit adopter à leur égard. J'ai publié
depuis plus de quinze ans la réfolution d'écrire l'hiftoire des Colonies & là je ne
négligerai, ne trahirai, ni n'excéderai les droits qui appartiennent au titre facré
d'hiftorien ; mais dans cette hiftoire , je diftingue auITi tout ce qui a précédé la
révolution , & 1789 eft encore là un terme qui me commande un repos. C'eflau
tems & aux circonflances à rendre publique cette portion de mes veilles : au tems
parce que j'en ai befoin pour exprimer mes idées & les rendre dignes du grand
jour: aux circonftanccs , parce que les malheurs perfonnels que j'ai éprouvés
depuis la révolution , m'empêchent de calculer , avec certitude , le moment où
mon zèle ne fera point enchaîné par des motifs que je n'ai déjà trouvé.^ que trop
impérieux.
Je ne veux, à préfent , exprimer furies Colonies qu'une feule penfée. C'eft
que quelle que foit la deftinée qui les attend , quiconque ofera fe mêler de les
adminiftrer fans favoir ce qu'elles ont été & fans fe convaincre qu'en gouverne-
ment , c'eft toujours par la comparajfon du point d'où l'on eft parti avec celui
où l'on fe trouve , qu'on doit juger celui où l'on peut arriver, ne fera jamais
propre à y faire ceflcr le défordre & à les rendre encore précieufes pour leur
Métropole.
Et quel eft l'homme raifonnable qui croit qu'après tous les chângemens que
la France a éprouvés depuis huit ans , il ferait poffîble qu'elle fut gouvernée par
~<eux qui ignoreraient ce qu'elle a été auparavant ? C'eft parce qu'elle eft encore
Tome I. jj
N
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DISCOURS
remplie de Français & d'hommes qui la ccnnaiffent , qu'elle eft capable cle«
grandes réiclutions & des étonnans fuccès qu'on admire.
Mais où font ceux qui connaiiTent les Colonies ? J'entends par là non pa&
ceux qui les ont vues , qui même les ont habitées , mais ceux qui les ont étudiées
fous un rapport quelconque & qui font en état d'éclairer fur ce qui les con-
cerne. Peut-être même s'en trouverait - il encore affez d'exiftans fi on les
rêuniiïait & n on pouvait les interroger tous fur les pardes qui leur font le
plus familières ; mais le m.alheur les a difperfés par-tout , & ce malheur n'il pas
îe moindre qu'ait éprouvé Saint-DomingLie.
D'une autre part , les opinions de quelques - uns & la prévention
cruelle qui s'eft élevée contre eux & qui les confond tous , permettent-ils qu'on
fonge à les confulter ou qu'on veuille croire à ce qu'ils diraient de plus vrai ?
Et c'eft à deux mille lieues des Colonies qu'on doit ftatuer fur ce qui les
concerne l N'y eût-il que cet inconvénient infurmontable , quelle raifon pour
chercher des lumières & pour les accueillir I
J'ofc croire que je ne mg livre pas à un mouvement préfomptueux en difant
qu'on en paifera d'importantes & de multipliées dans cet Ouvrage. Par un hafard
qu'il faut trouver heureux ^ il a été fait à une époque où Saint-Domino-ue était
parvenu au fommet de la profpérité , & on y trouve affez clairement la marche
progrefTive qui l'avait fait arriver à ce terme. J'ai décrit l'état de cette Colonie,
jufqu'en 1789, fous les yeux de fes habitans & aidé par les connaiffances de
beaucoup d'entr'eux & par la bienveillance qu'alors je pouvais appeler géné-
rale. Si même je m.e cite quelquefois, fi le terrible moi ^ toujours défavorable
pour l'écrivain , eft forti fréquemment de ma plume , c'eft pour donner la\
preuve que je parle avec certitude ; c'eft pour augmenter , relativement à quel-
que fait, la confiance que j'ofe croire que le Lecteur m'accordera, & pour
mieux rappeler à mes contemporains que nous avons vu^ enfemble ce que je-
rerracc. Il n'eu: pas un rapport fous lequel lapins belle des. Colonies n'y foit
A"
■H
PRÉLIMINAIRE. ^4
prcfcntéc: adminiftrateur , commerçant, agriculteur, phyficien , philofophe,
marin , homme de lettres, tous peuvent y trouver dis chofes dignes
d'atention.
Jamais , & ce fait ne me fera pas conteflé , jamais aucun pays n'aura été
décrit avec autant de particularités. Cette entreprifc , nul ne l'avait formée avant
moi, & déformais l'avantage même d'une longue priorité fuffit pour que je
puiflê dire qu'elle ne ferait tentée par perfonne. D'ailleurs , commuent retrouver
ce que je pofsède feul depuis les évènemens arrivés à Saint-Domingue ? Com-
ment faire renaître toutes les circonflances qui ont nourri & quelquefois fécondé
un zèle que tout s'était plu à encourager & que tous les fuffrages femblaient
avoir voulu récompenfer d'avance? Il eft donc vrai que c'eft de moi feul qu'oa
peut attendre l'ouvrage que j'offre en ce moment au Public.
Il eft tel qu'il eft forti de ma plume , fi l'on excepte quelques réflexions , qui
pouvaient, huit ans plutôt, porter un caractère de courage , & auxquelles j'ai
craint qu'on n'en prêtât un autre qui m'aurait bleffé.
C'eft donc, en confervant toujours cette idée, que j'ai écrit j ufqu'en 1789, qu'il
faut lire cette Defcription, où plufieurs chofes auraient befoin d'excufe fi elles
avaient une date plus récente. Il faut même remarquer que je dis dans plus
d'un endroit ^^//<r «»;?f'^ : expreffion qui fe rapporte toujours à 1789; & qu'en
défignant ou des époques paffées ou des époques futures , fans les marquer
autrement qu'en difant il y a tant d'années ou dans tant d'années , c'eft encore de
1789 qu'il faut partir pour les compter.
Quelque amour-propre qu'on puiffe foupçonner dans cette obfervation , je
dirai néanmoins qu'il n'eft pas de Colon de Saint-Domingue pour lequel
la defcription des objets qu'il connait le mieux n'aura pas quelque
chofe de nouveau, parce que perfonne n'a employé comme moi quatorze
années à chercher, foit dans la Colonie foit au Dépôt fi précieux de
Vcrfailles, les détails hiftoriques de manière à retracer plufieurs origines. C'eft
b 2
?ij DISCOURS
encore un caractère particulier à cet Ouvrage que de dire le premier une
multitude de faics déjà vieux pour Saint-Domingue, oij la nature détruit vite
parce qu'elle eft occupée, fans relâche, de reproduftlon.
J'ai adopté dans mon plan les divifions civiles de la Partie Francaife de
Saint-Domingue comme les plus fimples & les plus généralement connues. Je
me fi.is arrê;é avec une forte de complaifance fur les divers établiflemens publics,
parce qu'ils prouvent quels progrès la civilifation avait faits dans cette Colonie ,
& qu'ils font miieux relTortir l'importance qu'elle avait acquife. J'ai blâmé &
quelquefois même avec force , mais je n'héfite point à dire que i'en'ploi
que je me fuis permis de ce moyen que l'écrivain a droit d'employer , eft
juftifié par l'ufage miême que j'en ai fait. Pourquoi ne m'a-t-il pas été toujours
permis de fuivre le penchant de mon cœur & de louer fans ceffe L
Je n'en ai pas perdu une feule occafion, & le Lecteur trouvera furement plus
d'une preuve du plaifir que j'ai goûté en citant les hommes que leurs vertus ou
leurs talens , &. quelquefois la réunion des unes Se des autres ont rendus dignea
d'éloge.
Je ne me fuis cependant pas diflimulé , depuis que le foin de l'imprefTion de
mon livre en a remis toutes les parties fous mes yeux , qu'il eft des hommes
que la haine ou l'affection préfente , depuis la révolution y fous des couleurs bici.
différentes de celles que j'ai employées pour les peindre. Mais je répète que
je finifTais d'écrire avec 1789, & je crois de ma probité d'écarter ce que j'ii
entendu , & ce que j'ai vu depuis lors ; ou bien il me faudrait renoncer à
la confiance que j'ai voulu infpirer , en déclarant que j'avais éloigné de moi , avec
un fcrupule religieux , tout ce qui n'avait pas précédé la révolution.
Il me refiera encore à publier l'Hiftoire de Saint-Domingue ; j'ai aufïï en
réferve des traités complets fur les différentes cultures coloniales. Le Public en
recevra pareillement l'hommage, fîmes vœux qui n'ont jamais pour objet que
l'utilité de tous, ne font pas contrariés.
PRÉLIMINAIRE. xiij
Je ne puis ni ne dois me flatter que ce livre n'aura point de détrafteurs.
Comme je ne facrifierai jamais mon opinion à aucune confidération , je n'attends
ni ne veux ce facrificc de perfonne. Je place au-defîus de tout, la France & Ton
bonheur, & je compterai pour rien tout ce qui tendra à nuire au livre par des
motifs fauflement prêtés à Ton Auteur. Rien ne me fera facrifier la vérité : lorf-
que je la montrerai elle fera toute nue.
Je ne prétends cependant pas rejetter des obfervations Se même des critiques
fondées : je les provoque , au contraire. L'erreur eft l'appanage de l'homme &
j'adreffe d'avance des actions de grâce aux petfonnes qui m'auront affez bien jugé
pour croire que je n'ai commis que des fautes involontaires.
Ce témoignage & celui que nul autre intérêt que l'utilité de mon pays ne m'a
fait prendre la plume , font écrits au fond de ma confciçnee. Si la France
retire le moindre fruit des vérités que je publie en cet inftant , mes longues &
pénibles recherches ne feront que trop récompenfées. PuifTe-t-elle y voir une
preuve nouvelle des fentimens que je lui ai jurés & auxquels je mourrai fidelle 1
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AVERTISSEMENT,
L'Atlas dont je parle plufieurs fois dans cet Ouvrage en eft cependant affez
indépendant pour que l'on puifle prendre l'un fans l'autre ; il eft facile néan-
moins de concevoir qu'une Defcription acquiert bien de la clarté par des
plans & des vues perfpeftives ( i ).
J'avais d'abord penfé à ne mettre qu'une Table générale des Matières de
tout l'Ouvrage à la fin du lecond volume ; mais réfléchiiïant que la recherche
des détails defcriptifs veut qu'on recourt fouvent à la Table, j'ai cru me rendre
plus agréable au Leéleur en en faifant une pour chaque volume.
Je me fuis félicité auffi de ce qu'une divifion naturelle formait celle des
deux volumes. La Partie du Nord & rWe la Tortue compofent le premier
tandis que le fécond renferme la Partie de l'Oueft avec llfle la Gonave • la
Partie du Sud avec l'Ifle à Vache, & les débouquemens de Saint-Domingue
Il pourra arriver qu'en calculant la population ou le nombre des manufaéTures
quelconques de l'une des Parties de la Colonie ou un autre objet d'après la
defcription de chaque paroiffe , on ne trouve pas un réfultat femblable ^
l'énoncé général que je place à la tête de la defcription de chacune des trois
Parties, mais cet énoncé je l'ai tiré des recenfemens fournis par l'Adminiftra-
tion, tandis que les autres documens, je les ai recueillis dans les faroifles
mêmes, & avec plus d'exaftitude. C'eft donc à ces derniers que la préférence
doit appartenir.
Commej'ai employé plufieurs termes confacrés par l'ufage à S.int-Domin-
gue. J'ai cru devoir en donner une explication concile mais fuffifante pour
(i ) Le prix de cet Atlas eft de huit gourdes»
i
x«
xvj AVERTISSEMENT.
que cette efpèce de nomenclature coloniale ne puiffe arrêter aucun Ledeur ;
d'autant que la Table des Matières peut encore fervir de fupplément à cet
égard.
Pour garantir le Public de l'inconvénient de contrefadions qui fourmille-
raient néceffairement de fautes dans les noms propres des perfonnes , des lieux
& des chofes , j'ai jugé utile de mettre ma fignature à chaque exemplaire , à la
fin de cet Avertiffement. •
EXPLICATION
Wiim I
«t^ww^^nMimnuH^miMijuw iiu»i.M>itiiu.-'M'n.i.n-Li»'-i...B'_v i^^.ivrtarn
EXPLICATION
De quelques termes employés â Sai7it-Dcmin^ue
ce Premier Volume,
a an s
A. L'ufage du figne du datif remplace fouvent ,
à Saint-Domingue , celui du génitif-". Ainfi au
lieu de dire L'iiabitation GalifFec ou de GalifFet,
on dit riiabitation à GalifFet , la café à un
tel , la rhière « Mancel , la ravine à Pré-
voll , &c.
AcuL. Signifie , à Saint-Domingue , un enfon-
cement.
AjouPA. Petite hutte baffe , en forme de toit ,
faite de quelques petits pieux & couverte de
feuillages.
Argent. L'exprelîion -argent ries Colonies , ou
Amplement des Colonies , après une fomme ,
doit être entendue du taux de la monnoie colo-
niale de Saint-Domingue , où la piallre-gourde
vaut iuit /ivres cinq Joics.
Argent de France ou feulement de France ,
veut dire , fur le pied de la monnoie courante
de France , qui vaut 50 pour cent de plus que
la monnoie courante de Saint-Domingue j de
forte que les huit livres cinq fous de la piaftre-
gourde ne font que cinq livres dix fous ,
argent de France ou tournois; Se que cent
livres de France valent cent cinquante livres
de Saint-Domingue.
Quand on trouve une fomme fans aucune
défignation particulière , c'efl toujours argent
des Colonies qu'il faut l'entendre.
£.\c A Vesou. Vafe de bois ou de maçon-
nerie dcfdné à recevoir le jus des cannes à
fucre , en attendant que les chaudières en ayent
befoin pour le cuire.
Bois Debout. Bois compofé d'arbres fur
pieJ.
Tome /,
Bois Debout ( Faire un ). Abattre les arbrea
qui couvrent un terrain.
Bois de Fardace. C'eft le bols d'arrimaye
pour remplir les vides entre ks objets àt ïa
cargaifon d'an vaifîeau.
Boucan. Lieu où l'on fut rôtir ou ^rrlUer dea
viandes , en les perçant de morceaux de Lois
en guile de broches ; ou bien où l'on expose
des viandes ou d'autres fubltances à l'aftion dg
ia rumee.
Boucaner. Faire rôtir, gr;iJer ou fumer des
vjandes , du poifTon , &iz.
Boucanier. Nom donne' auY premiers habi-
tans chafTeurs de Saint-Domingue , à caufe de
leur ufage de faire rôtii- ou griller des viandes
dans un boucan.
Boucherie Maronne. Boucherie accidentelle
& qui fe fouftrait aux règles de la police.
Brise. EU fynonyme de vent.
; de terre, elt le vent qui vient de l'inté<
rieur de l'ile.
• du large, eft le vent qui vient de la mer.
• carabinée , efl une brife violente.
Cal le. Mot venu de PEfpagnoI. Calle , Det'te
rue, petit paffage. En Francnis . c'./t" une
avancée fur la mer , pour embarquer &c dC
barquer.
Carabiné , Carabinje. Adjcdif qui ej.
I
EXPLICATION BE ^JEL^JÊS TERMES.
Quand il fe rapporte au vent Se
Pojiucle quand il ie rapporte à un chemin.
Carreau. Étendue de terrain qui , à Saint-
Domingue , comprend cent pas de trois pieds
& demi en carré. Dans d'autres Colonies
comme la Guadeloupe & Ciyenne , le carreau
-n'a que cent pas de trois pieds feulemeiit en
carré.
Le carreau de Saint-Domingue a environ
trois arpens vingt-cinq trente-deuxièmes de
Paris , Si plus d'an acre un quart anglais.
Case. Mot fouvent fynonyme aux Colonies avec
cel'ai de I,L::j'jn. Cependant , en général , il
déngne une conllrudion de médiocre impor-
tance.
Che?^in ccrrahiné. Ciiemm qu'on a obftrué ex-
près pour en interdire Paccès.
Caye. Banc ou Roche qui efl dans l'eau.
£cueil.
Corail. Lieu fpéciaiement deftiné à élever des
cochons. ^
Coupe. Point par lequel un chemin fait fran-
ciiir une chaiiiê de montagnes.
Défriche. Svnonyrr.e de défrichement.
Embarcadère. Lies oii l'on embarque. On
dit au3i quelquefois Débarcadère pour dé-
figaer un' lieu de débarquement. Msjs le ieul
' iîK>t eiTibarcadère emporte maintenant la dou-
ble idée d'embarquer & de débarquer. Il vient
de rEfoaj'-'iol.
Ester. Autrefois Ex-terre. Nom donné à des
parties marécageufes & noyéss , formées le
long des côtes par des alluvions _ ^
retraite de la mer , & qui font pour ainf dire,
extra terra , au-delà de la terre , da terrain
folide dont ces elbers fout même quelquefois
détachés.
Étage. Comme les défricheœens ont commen-
ct le long du rivage & que ce n'eft que par
lUCcefEon de tems qu'on a défriché fupérieure-
ment , en gagnant vers l'intérieur , on a ap-
p3]lé la féconde , la troifième ligne dès défri-
chemcns &c , le fécond , le troifisir.e étage.
Far une an?iogie tii-ée de cette expreffion , en
dit qu'une habitation ell: aux étages de tel!%
autre , lorfqu'une ligne tirée de la mer vers
l'intérieur & pafîant par la première habitation
va , dans une difcance quelconque , rencontrer
celle qui eft à fes étages.
Flibustier. Nom venu de Flj-hoot , ou Fly^'
boat , barque légère , marchant vite. Comme
les premiers habitans de Saint - DominguC
étaient prefque tous occupés de la courfe fur
mer , ils reçurent le nom de Flibufîiers fous
lequel ils firent les exploits les plus étonnans.
FouRQ^ Bifurcation. Ainfi le fourq_ d'un
chemin eft l'endroit où ce chsmin fe divife en
deux ou même en un plus grand nombre de
branches.
GiiNERAL. C'éft l'exprefîion dont on fe fert !e
plus communément pour défigner le gouver-
neur-général de la Clouie , qu'un appelle
même Gé;isral , ou mon Général , en lux
parlant.
. & IrvTEN'DAXT ( MM. les ). Expreiîîon
qu'on em.ploye pour parler colleftivement du
Général & de l'Intendant , au lieu de dire
M. le Général & M. l'Intendant.
Gourde. — A'oy. Fiafîre-gourde.
Habituer un terrain ; le défricher.
Hatte. Mot tiré de l'Efpagnol k qui figniiïe
Haras , lieu où on élève des beftiaax.
Lagon. Marécage , lieu noyé.
Lieue. Exprime , dans cet ouvrage , une éten-
due de deux mille tcifes de iix pieds français.
par la Livre. — Voy. Argent.
Mante GUE. GraiiTe de cochon fondue ; yâ;'.'?-
doux.
Marittgouiii. L^^e£l^ bourdonnant très-ref-
femblant au coujîn de France & dont les pi-
qôi-es font cuifantes.
Marcn. Sauvage ; qui habite les bois j les
forets ; fjgiîif.
MoKKCiE. — Ycy. J'r^fa?.
%
BH
EXPLICATION DE ^UEL^UËS TERMES.
x\%
MoKNE. Montagne.
MonNET. Petite montagne ; mocùcule.
MousTiQDE. Petite mouche prcfqu'im percep-
tible , dont l'aiguillon pcaètrc la peau &: y
cauic une vive doulcuF.
Passi. P.i/nige , iflbe vers un mouillage, une
côte. — Point ou uns rivicre elt guéable.
Piastre - Gourde. Monnoie d'Efpagne va-
lant cinq livres dix fous de France. On l'ap-
pelé aulîi jimplement^««r^V.'; & on la dillingue
ainfi de la piaftre fimple qui était une ancienne
monnoie d'Efpagne , qu'on ne voit plus dans
la circulaciou £i qui valait huit-onzièmes de la
piallre gourde.
On appelé gourdin la pièce qui elt le quart
de la piaihe-gourde.
Racadeau. Efpèce de petite mouche dont
la piqûre caufe une forte douleur & lailfe une
efpcce d'auréole cramoilie.
Raqjje. Lien quelquefois no)'é , mais toujours
bas , où font de petits arbres rabougris.
Savane. Pr-iirie naturelle.
Sucre. ^o>r. Terrer le fucre.
Tache. Feuille du Palmier.
Terrer ( le Sucre ) C'eft le foumettre à l'ac-
tion de l'eau mife en état de fufpenfion dans
une certaine quantité de terre très-battue ; cette
eau , en filtrant depuis la partie large de la
forme de fucre jufqu'à fon fommet qui, dans
cette opération, fe trouve inférieurement placé,
lave les crillaux du fucre & emporte de leur
furface toutes les parties firupeufes qui y étaient
encore unies. Delà, l'expreifion Sucre /erre fOur
défigner le fucre qui a fubi cette aftion.
Tournois. P'ej. Argent.
Vide d'un moiùlin. C'eft l'eau fortant de fon
canal après qu'elle l'a fait mouvoir.
•—-- ; d'une Indigoterie. C'eft le canal qui char»
rie l'eau qu'on a fait fervir à la macération
de l'indigo.
Vivres de Terre. C'eft l'appelation généri-
que par laquelle on défigne colleaivement les
racines telles que le manioc , la patate , le tayo
ou choux caraïbe , l'igname, la couche-couche
&c.
du Pays. C'eft , outre les vivres de terre,
les bananes , les figues-banaues , les pois?
le mahis , &c.
^■****-'^'-'-'^ ""--■"" ' - " ■^■. -.-t>^^
ERRATA.
Du Premier Volume*
dère de la Petite -Anfei
12 , lifez : 2 lieues.
II, mettez au-deffous en titre;
Ville du Cap.
10, lifez : nef.
25 , effacez : général.
27 , lifez : fecretaire.
8 , au lieu du 9 ou 10 ; lifez :
du 9 au 10.
21 , au lieu de Trivial , lifez,:
Tréval.
^ant «ti!< fautes furmm typographiques > h USieur ,v? înfiamment prié d'y fuppUir.
Pacs 47,
ligae i«re. au Heu de nmmt , lifez :
contre.
217.
go.
30 , lifez : Occidentaux.
296,
121 ,
9, lifez : Artau.
143.
3^ ' lifez : \ Daxabon.
1ère., j
336'
38s >
150,
151 »
10 , au lieu àt/aurt , lifez :
507.
faut.
600,
217,
10 , au lieu de : Au bourg du
Cartier - Morin , lifez :
69s
Au bourg de l'embarca-
^
«pn
DESCRIPTION
T O P O G R A P H I Q_U E et P O L I T I QJJ E
DE LA
PARTIE FRANÇAISE
D E
L'ISLE SAINT-DOMINGUE.
_L(A Partie Françaife de l'île Saint-Domingue eft , de toutes les pofleffions de la
France dans le Nouveau-Monde , la plus importante par les richelTes qu'elle
procure à fa Métropole & par l'influence qu'elle a fur fen agriculture & fur fon
commerce.
Sous ce rapport, la Partie Françaife de Saint-Domingue eft digne de l'ob-
fervation de tous les hommes qui fe livrent à l'étude des gouvernemens , qui
■cherchent dans les détails des différentes parties d'un vafte état, les points
capitaux qui peuvent en éclairer l'adminiftration , & montrer les bafes réelles du
meilleur fyftème de profpérité publique.
La connaiflance particulière de la Partie Françaife de Saint-Domingue, peut
encore intéreffer l'.homme qui, fans faifir l'enfemble dont je viens de parler,
défire connaître les mœurs , le caraélére , les produftions , la population & le
commerce d'une Colonie , que fon éloignement même de la Mère -patrie ^
Tome L . ^
1
1 DESCRIPTION DE LA PARTIE
empêche de lui reffembler, & dont la perte ou la confervation efc un des plus
grands événe mens fur lequel elle ait à méditer.
Enfin le philofophe , le naturalifle , l'agriculteur & prefque tous ceux que la
contemplation phyfique ou morale de la nature occupe, ne peuvent voir fans
fruit le tableau fidèle d'un établiliement , placé ibus le ciel de la Zone torride &
dont le fort peut influer fur les deftinées de la France.
Mais tous les motifs que je viens de rappeller , comme propres à faire défirer la
Defcription de la Partie Françaife, acquièrent encore une nouvelle force quand on
remarque que la propriété de l'île efc partagée entre deux nations , qui ont dû
adopter des vues particulières à chacune d'elles, relativement à leurs colonies»
parce qu'elles ont dans les principes de leur gouvernement, & même dans
leur caraftére , des différences remarquables. Ainfi , une peinture exaéle de
la totalité de l'île Saint-Domingue , doit avoir le double avantage de faire
connaître le génie Français & le génie Efpagnol , agiflant à de grandes dif-
tances, & de montrer quel genre de moyens l'uii & l'autre a fait fervir à fes
defîeins.
C'eft dans la periu.îfion qu'on pouvait retirer un grand fruit de cette Defcription
générale , que je me fuis déterminé à l'entreprendre (*).
JLiA Partie Françaife de Saint-Domingue , forme la portion Occidentale ds
cette île im.menfe , dont les Efpagnols occupent abfoiument l'Orient.. Mais elle
n'offre pas , comw.t la Partie Efpagnole , une furface d'une longueur à-peu-près
égale , & peu variable dans fa largeur. Saint-Domingue Français a une fio-.jre
irréguliêre , produite par une double caufe ; l'une eft la direéllon finueufe de la
ligne des limites qui fépare le territoire des deux nations , & l'autre deux pointes
de terre inégales , ou plutôt deux prolongemens , qui partent du bord Sud & du
bord Nord de l'île , pour courir dans l'Ouefb , & qui laiffent entr'eux une efpèce
d'enfoncement ou de petit golfe.
(*) L'accueil qu-e le Public a daigné faire à la publication de la Defcription de la Partie
Efpagnole, que j'ai imprimée à Philadelphie l'amiée dernière 1796 , ell: tout à-la fois , & un véhicule
de pins pour mon zèle , & un fevorable augure pooT cç qui a rapport à k Partie Françaife.
PRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. j
Ktendue de la Partie Françaife.
Le prolongement Méridional qui eil le plus allongé , puifque fon extrémité eft
de trente lieues plus Occidental que l'autre , a environ foixante-quinze lieues de
long , comptées depuis la limite jufqu'à cette extrémité, fur une largeur qui ,
variant depuis fept jufqu'à quinze lieues, peut être évaluée à onze lieues de
largeur moyenne.
Le prolongement Septentrional a environ cinquante lieues de long , mefurées
aufTi depuis la ligne des limites , qui là fe trouve un peu plus reculée dans l'Eft ,
jufqu'au point oîi ce prolongement finit dans l'Oueft , fur une largeur variable
depuis fix jufqu'à quinze lieues, & qu'on peut eftimer à douze lieues de largeur
moyenne.
L'efpace qui refte enfuite entre ces deux pointes , & qui borde le fond du
petit golfe , pré fente à fon tour, une bande d'environ trente lieues du Nord au
Sud , fur une largeur moyenne de dix lieues de l'Eft à l'Oueft.
D'après ces données , qui offrent un réfultat d'environ dix-fept cens lieues
carrées , & confidérant que la Partie Françaife eft très-montueufe , on peut
évaluer , la furface totale de cette colonie , à deux mille lieues carrées ; lefquelles
réunies aux trois mille deux cens lieues carrées , déjà trouvées , à-peu-près ,
pour la Partie Efpagnole , offrent pour la furface totale de l'île St-Domingue ,
cinq mille deux cens lieues carrées, dont la Colonie Françaife ne forme guères
plus du tiers , quoique , par fa configuration ,' elle ait au moins cinquante lieues
de côtes de plus que le territoire Efpagnol.
Bes Montagnes & des Plaines.
La Partie Françaife eft , comme celle qui l'avoifme , compofée de parties
montueufes & de parties planes , mais ce font les premières qui font les plus
nombreufes. Elles forment des chaînes que l'on peut appeller principales, & qui
font des prolongemens de celles de la Partie Efpagnole , dont on a vu dans la
defcnption de cette partie , que le groupe ou centre , était en quelque forte au
Cibao. J'ai même dit que la première chaîne de ce groupe fe prolonge par une de
A 2
\ .!
DES
CRIPTION DE LA PARTIE
Tes branches jufques vers le Port-de-Paix, en fe fubdivifant pour arriver au Cap
du Môle Saint -Nicolas ; tandis que d'autres cliaînes vont gd^gmx \t Dondon , la
Marmelade , \t Gros Morne , les Gondhes ,\t Mirebalais , & s'étendent, par des
embranchemens faccefTifs , jufqu'à l'extrémité de la pointe qui fe termine vers
le Cap Tiburon. ^
De ces chaînes principales, qui courent à-peu-près de l'Eft à l'Oueft , fe
détachent j comme je l'ai fait remarquer en parlant de l'île en général, des
chaînes fecondaires qui parcourent fa furface en différons fens, & qui fe dirigent
vers la mer. C'eft entre elles que font placées les plaines françaifes , qui ne
diffèrent de celles que nous avons adnnirées dans la Colonie efpagnole, que parce
qu'elles font moins étendues.
Quant aux montagnes que je confidère comme les premières chaînes, elles
occupent à-peu-près le miheu de chacune des deux pointes de la Partie
Françaife, mais leur hauteur eft plus confidérable dans la pointe Méridionale.
Les Montagnes de la Partie Françaife fervent , comme celles de la Partie
Efpagnole , à faire varier k climat, qui dépend, dans l'une comme dans l'autre,
de leur hauteur , de leur proximité , de la m.anière dont elles Ibnt placées par
rapport au vent dominant, & de plufieurs circonftances que Ton peut appeller
accidentelles. Mais en général, la Partie Françaife eft plus chaude & plus expofée
aux féchereffes qu'on voit devenir & plus fréquentes & plus longues, depuis que
par une avidité qui compte l'avenir pour rien , & qui trompe fouvent fur la valeur
du préfent ,on a abattu les bois qui couvraient ces points élevés , qui y aopellaient
des pluies fécondes , qui y retenaient des rofées a'oondantes ^ & une humidité don&
des forêts prolongeaient encore l'utile influence.
Je répète ici, qu'il ferait impoffible de donner une defcription qui convînt à
toutes les montagnes, & j'adopterai la même méthode que pour la Partie
Elpagnole : c'eft-à-dire ; que je placerai aux lieux qui leur font particuliers , les
détails propres à faire bien juger de ces portions du territoire français.
Le m.ême motif veut le même ordre de chofes à l'égard des plaines, entre
lefquelles j'aurai des différences fenfibles à faire remarquer. Et fi l'on veut fe
rappeller ce que j'ai dit à cet égird dans la Defcription de la Colonie efpagnole,,
5in fera convaincu de l'avantage de cette méthode.
,V
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 5
Royaumes dont dépendait ,Johs les Caciques , ce qui fonne la Partie Françaife.
On le foiulenc lans doute auffi , que la Colonie françaife fe trouve formée
d'une grande partie du royaume de Marien , & de la prefque tctalité du royaume
de Xaragua; mais où il ne reliait plus un leul Indien, lorfqus les Français vinrent
dilputer l'ile aux Efpagnols.
C'eft à h partie hiftorique à nous dire quels furent les efforts, les combats , les
défaites & les fuccès de ces hommes , dont le courage étonnera la poftérité , &'
qui, défignés fous le titre d'^w«/«r?Vr^ par leurs ennemis, qui ne voyaient ta
eux qu'un ramas d'êtres obfcurs & de pirates , devinrent un peuple cultivateur , à
l'héroïfme duquel la France doit fa plus belle poffeffion d'outre-mer. Mais en
parlant de la pénurie des beftiaux qu'éprouve la Partie Françaife, j'ai déjà ofFeru
le tableau progreffif des écablilTemens que ces premiers Français, ces Bcucaniers ,
ic ces Flibuftiers , dont la dénomination fernble toujours réveiller des idées
d'audace & de terreur, formèrent à Saint-Domingue. J'ai dit comment n'ofant
y paraître d'abord , qu'en s'y ménageant les moyens de fuir à l'afped d'un ennemi
pxiiflant, ils s'étaient tenus rapprochés les uns des autres, bordant la côte ^
de quelle manière prenant enfuite de la confiance dans leur nombre , ils avaient"
étendu leurs petits domaines , pafîe du rivage à un élcigc ou bord fupérieiir ,
puis de celui-ci à un autre encore ; comment enfin , par des progrès dont on ne'
peut afiTez s'étonner , les Colons français font parvenus à foumettre , à leur-
courage & à leur perfévérante induftrie , toute la furface qu'ils occupent
aujourd'hui.
Population de la Partie Françaife de Saint-Dcmingue.
Cette furface a environ cinq cens vingt mille individus, divifés en quarante!
mille blancs , vingt-huit mille afl^ranchis ou defcendans d'afi^ranchis , & quatre
cens cinquante deux mille efcîaves. Ce qui offre la proportion fuivante : onzu-
efclaves trois dixièmes pour un blanc ; dix blancs pour fept affranchis , & feize
efcîaves pour un affranchi.
On trouve auffi qw la li-eue carrée de Saint-Domingue français contient deu;{
6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
cens foixante individus, c'eft-à-dire , fix fois & demie autant que la lieue carrée
de Saint-Domingue efpagnol ; mais, à fon tour, ce nombre n'eft que le quart de
la population de la lieue carrée de France. Difons enfin , qu'en fuppofiint aue
l'île entière eût, lors de fa découverte , un million d'Indiens également répartis,
la Partie Francaife eft plus peuplée en ce moment , qu'elle ne l'était alors.
Les trois claffes, prefque phyfiquemient diftinftes , qui compofent la population
de h Colonie Francaife , rendent cette population très-diîFérente de celle des
contrées européennes. Ce ferait m^êmie prendre une idée bien fauiïe de cette
Colonie , que de croire à chacune de ces trois claffes un caractère propre , qui
fert à la faire diftinguer toute entière des deux autres. Chaque claffe a des traits
particuliers , qui femblent former des fubdivifions , que ie tâcherai de faire faifir ,
en offrant fuccelTivem.ent à mes Leéteurs ce qui concerne le^ blancs , les efclaves
& les affranchis,
DesBlancs.
Dan'S les lieux oij les hommes fe trouvent raffemblés depuis une lono-ue
fuccefTion de temps, leur réunion prélênte un amalgame plus ou moins parfait,
& tous les m.embres de la famille générale ont entr'eux des traits de reffemblance
faciles à appercevoir ; mais dans des étabhffemens coloniaux récemment fondés
par une émigration fuccelTive , on ne peut trouver des marques d'un véritable
enfcmble : c'efl: un compofé informe qui fubit des imprefTions diverfes , & cette
inconhérence eft remarquable fur-tout , lorfqu'une grande colonie eft formée par
des individus qui font venus y trouver un cHmat lointain , & abfolument différent
du leur ; parce que chacun conferve alors l'habitude de quelques ufages des lieux
qu'il abandonne , feulement modifiés & appropriés au pays où il eft tranfporté.
Que fera-ce , fi dans la nouvelle patrie qu'ils fe font faite , & où ils fe trouvent
mêlés , com.me par hafard , les Colons font environnés d'efclaves !
D'après ces raifons qui donnent un caraélère particulier aux mœurs des
colonies de l'Amérique , je vais tâcher de faifir celui qui diftingue les Colons
français de Saint-Domingue.
Des Flibuftiers , accoutumés à chercher leurs befoins à travers les périls d'un
élément redoutable , ^ à les obtenir par la force des armes i des Boucaniers , la
K
FRANÇAISE DE S A I N T - 13 O M I N G U E. 7
Krreur des forêts , dont ils détruiraient ks habicans , ne pouvaient avoir que des
mœurs farouches & fiinguinaires.
Ce furent cependant de pareils hommes, mélange de plufieurs nations, que des
ipéculateurs qui calculaient dans la métropole de la France quel parti l'on pouvait
tirer de leurs conquêtes , entreprirent d'aflervir , & de foumetcre à leurs vu.s
intérenées. Ce projet, infenfé en apparence, ne pouvait réi.nir que par le
moyen d'un chef, dans lequel fe réuniraient les talens les plus extraordinaires ,
C>: ce chef, h Compagnie des îles de l'Amérique le trouva.
En effet, jamais pcrfonne n'influa autant que d'Ogeron , fur les mœurs des
intrépides conquérans de Saint-Domingue Français , dont il parvint à faire des
agriculteurs. Pour leur en donner les qualités les plus néccffaires , d'Ogeron
invoqua le fecours d'un fexe féduifant , qui fait par-tout adoucir l'homme , &
augmenter fon penchant pour la fociabilité : il Ht venir de France des êtres
intérelTans , de timides orphelines pour foumettre ces êtres orgueilleux , accou-
tumés à la révolte, 6c pour les changer en époux fenfibles & en pères de famille
vertueux. C'en de cette manière que Saint-Domingue eut une population qui lui
devint propre , & qu'on commença à le confidérer comme une vérit.ible patrie.
Lorfque ces premiers Colons furent parvenus à s'affranchir de la tutelle
ruineufe des Compagnies de commerce, lorfque par les vexations même qu'on
leur faifait éprouver pour la vente de leur tabac , on les eut forcés à fubftituer
d'autres cultures à celle de cette plante , ils commencèrent ù connaître l'aifance \
& tranquilles & contens , ils virent s'augmenter leurs moyens de fortune. Bientôt!
riches fans luxe, ils eurent une exiilence d'autant plus digne d'envie, qu'ils
n'avaient pas encore appris l'art de changer les fuperfluités en befoins. L'empire
de ces mœurs coloniales s'étendit même, pendant long-tems, iufques fur les
guerriers , qui le font prefqu'accoutumés à fe diftlnguer par-tout des autres
citoyens. Chaque foldat pouvait devenir Colon , & fi le changement fréquent
des chefs & les évcnemens politiques n'avaient pas influé fur le fort des habitans
de cette île , ils n'auraient rien eu à envier à ceux de la Métropole.
Mais ce bonheur paifible , devint lui-même la caufe d'un changement confi-
dérable. Des Colons qu'une culture dirigée avec intelligence avait enrichis^
deftinèrent leurs enfans à divers emplois. II fallut les envoyer en France pour
y faire des études analogues à leur état futur. Ceux qui revinrent dans leur
pays, y apportèrent des goûts qu'on ne pouvait pas y fatisfaire i ils s'étaient
8 DESCRIPTION DE LA PARTIE
arrachés quelquefois à des penchans déjà trop fortifiés ; enfin ils rougirent peut-
être des mœurs ruftiques de leurs parens. De là, ce dégoût du lieu natal, cette
efpèce d'ennui qui fait qu'on ne fe regarde plus que comme paffager dar.s le pays
eu l'on elL forcé quelquefois de réfider toute fa vie. De-là, cette infouciance
pour l'avantage & la profpérité d'une patrie , de laquelle on n'attend plus que le-s
moyens de vivre éloigné d'elle, & de payer cher des jouifîances qu'on ne
.iBukipîie que parce qu'elles ne fâtisfont point.
A ce malheur, qui a rendu la plupart des Colons étiangers à la terre qui les a
vu naître, s'en joignit encore un autre: letir goût pour la difîipation , leurs
dépenfes éclatantes les faifant remarquer, on fe fit des Colonies une idée exagérée.
Les contrées dont les productions pouvaient fuffire à un luxe auffi effréné, devaiens;
être confidérées comm.e des mines inépuifables ; & l'amour des Européens pour
l'or , les fit partir po'.ir aller prendre leur part de ces tréfors immenfes; en vain ,
im climat deflrufteur en moliTonna la maj-eure partie , on ne vit que les dépouilles
rapportées par ceux qui revenaient.
La Colonie paraîfiait cependant fatisfaire â tant d'ambition, & en 1738,
elle fut confiée à deux adminiftrateurs , dont le génie & l'union la rendirent
-encore plus importante. L'idée la plus heureufe de ces deux chefs, fut de
déterminer les habitans à employer l'eau , qui coulait fans utilité dans des plaines
immenfes, à en augmenter la fertilité. Alors on vit s'ouvrir de toute part,
des canaux qni fécondèrent des plantes précieufes. D^s routes plus commodes
s'ouvrirent , & les diverfes parties de la Colonie purent communiquer entr'elies.
La population s'accrut doublement, parce que les Colons goûtant fous Larnage
& Maillart , les douceurs d'une admdniftration paternelle , s'arrêtèrent dans leurs
foyers , où cet avantage attirait encore les Européens.
Mais ce nouveau degré de civilifation , changea auffi les mœurs du fécond
âge de h Colonie , que d'autres événemens devaient faire varier encore.
La perte de quelques-unes de nos Colonies, pendant la guerre de .1756,
n'ayant que trop appris ce qu'on pouvait craindre pour les autres , on y fit
pafîer des régimens & d'autres troupes réglées, pour les conferver fous la
domination Françaife. Ce fut ainfi que Saint-Domingue reçut en 1762 plufieurs
bataillons. Les défenfeurs de la patrie , ne font pas les gardiens des mœurs :
relies de St.-Domingue en firent l'épreuve. Le luxe fe propagea dans la Colonie ,
& il n'y eut aucune profefTiOn préfervée de fçs atteintes. Ce fut lur-tout fur le
.fexCi
rviCSSBUi
v^^irs^'itXt-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 9
fjxe qu'il obtint les plus grands avantages , & ces mariages où l'or ëc l'orgueil
règlent tout, fe multiplièrent avec une forte de fcandale. Depuis, une autre
guerre, dont la caufe & le fiège principal étaient en Amérique, en multipliant
les troupes , les marins & même les aventuriers que les tems de fermentation
fembient faire éclore , a augmenté les maux de Saint-Domingue, pui{q,.e la
dépravation des mœurs eft une fource réelle de maux.
Dans l'état aéhiel de la Colonie françaife , la population blanche n'offre
guères qu'un quart de Créols ; c'eft-à-dire , de perfonnes nées dans l'île, &
encore les femmes en forment-elles la majeure partie ; le refte eft compofé
d'Européens des divers points de la France , auxquels font mêlés quelques
étrangers , & des Créols des autres Colonies.
Parlons d'abord des Européens , puifqu'ils ont été les fondateurs de la Colonie
qui , dans fon origine , comptait parmi les Français un grand nombre de Nor-
mands, de ces premiers navigateurs des Mes du Vent, dont l'influence eft encore
remarquable dans pluficurs ufages domeftiques , & dans plufieurs mots du patois
Créol.
<~««l' ^1' ^KAM' <|l'-<lli •«11-*!. .411 .<ll, <||,.^|,..<,.,
Des Européens qui habitent Saint-Y^omino-ue. '
Les Européens qui viennent à Saint-Domingue , ont communément une rude
épreuve à fupporter , à l'époque de leur débarquement. Lorfqu'on a quitté fon
pays avec l'efpoir d'une fortune qui femble placée fur le rivage américain &
qu'on s'y trouve ifolé & fans reffource, on voudrait porter le pied en arrière •
mais .1 n'eft plus tems. Des befoins , difficiles à fatisfaire parce que tout eft
coûteux, fe multiplient j l'avenir prend une forme hideufe , le fang s'ai^^rit la
fièvre ardente de ces climats brûlans arrive , & la mort eft fouvent le terme de
projets auffi courts qu'infenfés. Mais la Métropole a fes inutiles , fes téméraires
fcs enfans crédules , fes hommes dangereux peut-être , & ils ne manqueront pas
a la terre qui les dévore , & qui appelle auffi des hommes précieux , privés
de reffiources en Europe , & qui viennent exercer au loin leur aélivité & des
talens , dont le Nouveau-Monde s'énoro-ueiUit.
Lorfque l'Européen qui débarque a un'afile, d'où il peut confidérer le lendemain
fans mqu.étude , il doit s'occuper de ce qu'exige de lui le luxe de la mode. Il
ne lui demande pas des étoffes riches, mais légères^ des toiles que la fineffe de leur
i-ome L g
ïo DESCRIPTION DE LA PARTIE
tiffu ait rendu très-chcres , 8>: dont il relèvera la fimplicité par des bijoux , dont
l'œil paiiTe être frappé. C'eft le premier emploi qu'il doit faire de fes gains ou
de fon crédit: c'ell la livrée coloniale. Ne la point porter, c'eft fe déprécier
foi-même, ou prendre l'air d'un cenfeur , dans un pays où l'on s'eft promis de
n'en pas écouter.
Il eft \m autre foin non moins important, c'eft de vanter fa naiffance. On
fupplée même dans ce genre à la réalité , & cette partie de l'invention eft aiïez*
fîuftueufemeiu cultivée. Du mioins , faut-il taire fon origine lorfqu'elle n'a rien
de noble , & c'eft déjà trop d'avoir à redouter que l'envie n'en révèle la vérité.
Telle eft miême la force de l'habitude qu'on contracte à Saint-Doraing'je , de
fe croire anobli par fon feul féjour dans l'île , qu'il eft des Européens qui
rompent tout com,merce avec leur famille, qui la fuyent en repaiTant en France
& qui détournent avec grand foin leurs regards du lieu oij ils appercevraienc
l'humilité du toit paternel. Ils fe choifiiTent enfin un héritier dans la Colonie ,
pour garantir leur mém.oire de la honte que répandraient fur elle des parens
grolTiers , qui viendraient recueillir leur fucceffion.
L'un des écuells les plus dangereux pour ceux qui arrivent à Saint-Domino-ue,
c'eft la paiTion du jeu qui y eft prefque générale. On y trouve ces lieux où l'on
établit fon bonheur fur l'infortune d'autrui , où Ton eft appelle généreux pour
avoir fu faire contraécer à un être quelquefois au défefpoir , des dettes qu'on a
décorées du nom facré d'honneur , où l'on va oublier enfin qu'on eft époux y
père & citoyen.
Mais fi l'on fe préferve de cette contagion, il eft plus difficile de réfifter aux
attraits d'une autre pafTion, dont la nature fe plaît à mettre le germe dans tous
les cœurs. On ne trouve pas à Saint-Domingue comme dans les grandes villes
d'Europe , le fpeélacle dégoûtant d'un fexe attaqué par celui qui doit favoir fe
défendre pour embellir fa défaite ; mais on n'y eft pas protégé non plus par
cette décence publique qui préferve les mœurs , dans les Heux où l'on rougit de
la dépravation des capitales. On s'expatrie , le plus fouvent , dans l'âge où les
défirs font efferv^efcensj on vient quelquefois de fe fouftraire à la furveillance
gênante de fes parens , & tout-à-coup maître de foi , on le trouve expofé à la
féduétion la plus dangereufe , puifque fa fource eft en nous-mêmes. Il faudrait
un courage éprouvé pour échapper à un pareil danger, & l'on répète tant à
Saint-Doxninguje que k climat défend d'efpérer la vidoire , qu'on eft peu tenté
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
II
de la clifputer. On fe livre donc à Ton penchant, & calculant la vie plutôt par
l'emploi agréable qu'on en fait que par fa durée , on arrive rapidement au terme
de la dcftruftion.
L'intempérance de la table eft encore un défaut aflcz commun à Saint-
Domingue ; quoique l'on ait banni des repas la joie tumultueufe des anciens
Colons , qui annonçait au loiù la perce de leur raifon , on traite toujours à la
créole , c'ell-à-dire avec profufion. D'un autre côté , comme la grande chaleur
diminue les forces, on croit les réparer par des alimens fortement afîaifonnés.
Tout prend à Saint-Domingue un caraftère d'opulence , qui étonne les
Européens. Cette foule d'efclaves qui attendent les ordres & même les fignes
d'un feul homme , donnent un air de grandeur à celui qui leur commande. Il
eft de la dignité d'un homme riche, d'avoir quatre fois autant de domeftiques
qu'il lui en faut. Les femmes ont principalement le talent de s'environner d'une
cohprte inutile , prife dans leur fexe même. Et ce qu'il eft: difficile de concilier
avec la jaloufie que leur caufent quelquefois ces fervantes rembrunies , c'eft
l'attention de les choifir jolies , de rendre leur parure élégante : tant il eft vrai
que l'orgueil commande à tout ! Le bien fuprême pour un Européen étant
de fe faire fervir , il loue des cfclaves en attendant qu'il puiflè en avoir en
■propriété.
En arrivant à Saint-Domingue , on eft étranger à prefque tous ceux qu'on y
trouve. On ne les entretient le plus fouvent que du projet qu'on a de les quitter;
car k manie générale eft de parler de retour ou de paffage en France. Chacun
répète qu'il part Vannée prochaine , & l'on ne fe confidère que comme des
voyageurs , dans une terre oij l'on trouve fi fouvent fon dernier afile. Cette
malheureufe idée eft tellement familière, qu'on fe refufe ces riens commodes qui
donnent du charme à l'exiftence. Un habitant fc regarde comme campé fur
un bien de plufieurs millions ; fa demeure eft celle d'un ufufruitier déjà vieux ;
fon luxe, car il lui en faut, eft en domeftiques, en bonne chère , & l'on croirait
qu'il n'eft logé qu'en hôtel garni.
A ce tableau des m-œurs qu'on pourrait appeller générales , il eft nécef-
faire d'ajouter ce qui appartient d'une manière plus fpéciale aux Blancs
Créols , parce que plufieurs caufes & particulièrement l'aftion d'un folcil
conftamment brûlant, produifent dans les habitans de la Zone Torride des
modifications qui les font différer des habitans des Zones tempérées.
B 2
■-'Jî'jiH»^^-*-
12
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Pes Créds Blancs.
Les Américains qui ont reçu le jour à Saint-Domingue & qu'on défignc
fous le nom de Crhls ( commun à tous ceux qui naiffent aux Colonies ),
font ordinairement bien faits & d'une taille avantageufe. Il ont une figure
allez régulière ; mais elle eft privée de ce coloris dont la nature égay? &
embellit le teint dans les pays froids. Leur regard eft expreffif, & annonce
même une forte de fierté , capable d'élever contre eux des préventions défa-
vorables , lorfqu'on ne fait que les appercevoir.
Exempts de la torture du maillot , leurs membres offrent rarement la
moindre difformité. Et la température du climat , en les favoriiant encore ,
leur donne une agilité qui les rend propres à tous les exercices , pour lef-
quels ils ont autant de penchant que de dilpofition.
Ce développement rapide des qualités phyfiques ; le fpedacle fans cefTc
renaiffant, des produftions dont une caufe toujours aftive & toujours féconde
enrichit leur pays ; peut-être encore la vue continuelle de cet élément qui
les fépare du refte de l'Univers ; tout concourt à donner aux Créois une
imaginadon vive & une conception facile. Ces dons heureux préfagcraienî
des fuccês pour tout ce qu'ils voudraient entreprendre , fi cette facihté ne
devenait pas plle-m.ême un obftacle en produifant l'amour de la variété , & fi les
préfens dont la nature fe montre fi libérale dans leur enfance , ne fe chan-
geaient pas, le plus fouvcnt, en maux pour eux-mêmes & en fujcts d'éton-
nement pour l'obfervatcur.
Différentes circonftances s'accordent encore pour faire perdre aux jeunes Créois
l'avantage qu'ils ont d'abord fur les enfans des autres climats. En premier
lieu , la tendreffe aveugle & exceffive des parens qui foufcrivent à leurs
volontés & qui croyent que cette tendreffe leur défend la plus légère réfif-
tance. Il n'eft point de caprice qui ne foit flatté , point de bifarrerie qu'on
n'excufe , point de fantaifie qu'on ne fatisfaffe ou qu'on n'infpire même; enfin
point de défauts que l'on ne laiffe au tems le foin de corriger : au tems qui
fuffirait quelquefois pour les rendre incorrigibles. (*).
(*) Tout le monde connaît ce trait attribué à un enfknt Créol & qui peut en peindre urt
grand nombre, — " Mon vlé gnon zé. — Gnia point. — A coze ça mon vlé dé, „ •— " Je
Yeox un ceuf, — Il n'y en a point, — A caufe de cela j'en veux deux ,^^
A"
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ,j
Heureux encore l'enfant Créol q,.'u;,e fanté ferme garantir tic l'occallon
fimefte cl éprouver toute la fenGbiliié des auteurs de fes jours. Car f, fa vie
cft menacée fi fon exirtence ell frêle , il ne peut échapper au malheur d'être
un fu;et d ,dol.itr,e. Tous les dégoûts de la maladie font pour fes parées des
preuves de prétendus défirs qu'on ne lui croit pas la force d'exprimer Alors
on uwcnte pour lui . on fe livre aux idées les plus extravagantes , & f, le
tempérament de l'enfant Créol . plus fort que les obflacles qu'un attachement
fervde lu, oppofe tnomphe du mal phyfique, les germes peut-être indef-
truftibles d une maladie morale menacent le relie tie fes jours.
Qu'on ajoute à ces inconvcniens ceux de l'habitude d'être' entouré d'ef.
claves . & de n'avoir befoin que d'un regard pour tout fa.re céder autour
de fo,. Jamais defpotc n'a eu d'hommages plus affidus . ni d'adulateurs plus
conftans que l'eniant Créol. Chaque efclave eft founns aux variations de fon
humeur. & fes dep.ts enfantins ne troublent que trop fouvent la paix domef
t.ques, parce qu'il ft.ffit pour qu'il commande l'injuKice, qu'elle foit iTbi „
dune volonté qu'il ne fait pas encore diriccr ■•
Enfin ju'ques dans fes jeux l'enfant Créol" ell réduit à n'être qu'un tyran
Place au m,l,et, de pet.ts efclaves qu'on condamne à flatter fes caprices
ou ce q,u eft plus révoltant encore , à renoncer à tous ceux de leur „e
.1 ne veut pas fouffrir la moindre contrariété. Ce qu'il voit il le ^ '
qu'on lu, montre il l'exige. & fi ,a f.talité permet 'q^unT 'le ti^lT
pagnons lu, refifte il s'ii-rite , on accourt de toute 'parc à fes c ris & ce^;
de l,„fortune que ,a couleur a défigné pour la foumifllon . apprennent atf
fitot quon l'a contramt à céder & peut-être même qu'un chTtiment p uni
la de,obe,fl-ance dans celui qui n'a pas encore l'inftina de la fe" idc
C eft pourtant dans les actes même de ce defpotifme honteux qu le bon
heur e quelques efclaves prend aflez fouvent fa fource . parce qt^fi Wa„;
me,lleur fort. Et même fi c'eft un autre enfant que le C,-éol adopte & s'il .randit
vec fon ma.,re, d deviendra un jour, fuivant fon fexe . l'objet ou 1 Cn i
re de les p a.firs & l'afcendant qu'il prendra le garantira, lui & L'Z^s
efclaves qu',1 voudra protéger . des injuftices du maître
du Cr'ol'tl-sT 7""'"? T '"""'" '■^"" P°" '-"ff" dans l'ame
duCreol toutes les femences d.u b,en . & auxquelles il faut ajouter encore te
!(Ji
14'
DESCRIPTION D
A PARTIE
dangers qui acceKnpagnent les bienfaits de h fortune , ne feraient rien fi une
éducation furveillée combattait tous ces ennemis de Ion bonheur. Éloigné
du preftige & ne confervant de fes inclinations naiiTintes , qu'une efpèce
d'énergie & d'élévation, que des inftituteurs intelligens Se attentifs pourraient
changer en vertus , rAm.éricain déjà favorifé par la conf!:itution phyfique ,
ceiT^rait d'être condamné à la médiocrité.
^ Mais c'ef!; à cette occafion qu'il faut déplorer le fort des Créols. Confiés
en France , le plus fouvent > à des êtres pour qui ils font étrangers où à
des mercenaires qui leur vendent des foins fouvent au-deiTous du prix qu'ils
favent en exiger , ils n'ont pas même l'efpoir de profiter de l'éducation
imparfaite des collèges où on les rélègue. Perfonne ne les excite , perfonne
ne les encourage. Incapables de défirer les fuccès pour les fuccês mêmes-, ils
comptent , avec ennui les jours paiïcs dans l'exil de la maifon paternelle &
avec impatience ceux qui doivent en borner le terme, On ne leur parle de
leurs parens que pour flatter cette efpèce d'amour-propre qui , au lieu de
porter à mériter des fuffrages , fait croire qu'on en eft toujours afîez digne.
On ne leur en parle que pour réveiller le fouvenir des faiblefîes de ces parens
pour eux 8: la comparaifon de ce premier état avec l'abandon dans lequel
ils font tombés , n'eft guères propre à les enflamm.er pour l'étude dont tout
le prix efr dans l'avenir.
C'eft ainfi que la plupart des Créols parviennent , foit dans la Colonie
fbit en France , à l'âge où ils doivent paraître dans le monde. Il ne refte
peut-être plus pour leur ravir l'efpoir de devenir des hommes eftimables que
^e flatter leurs goûts pour la dépenfe & pour des jouifTances dont l'efpèce
fouille quelquefois l'ame encore plus que l'excès , & enfin de ne les con-
traindre que dans un feul point , précifément parce qu'il femblerait devoir
être libre , le choix d'un état ; ce choix c'eft l'orgueil des përes qui le fait ,
même de deux mille lieues.
Tout autorife à croire qu'une éducation dont le premier foin ferait l'étude
même des jeunes Créols & de leurs penchans , favoriferait les difpofitions
qu'ils montrent dans leur enfance, & qui fe perdent à mefure qu'on les plie
d'avantage à une méthode dont tout accufe la trifte uniformité. En effet ,
il eft des Créols qui ont rempli l'efpérance qu'ils avaient fait concevoir ,
parce qu'ils ont trouvé cet intérêt touchant qui devient un véhicule & une
,V
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 15
rccompenfe pour celui qui a fu l'infpirer. Il en eft mcme qui ont furmonté
les obllacJcs dont on les avait comme entoures. Et pourquoi dans un pays
où les plantes étrangères excitent tant de curiofité &c de foins , ne femble-
t-on indifférent que pour celles qui n'y font tranlplantées qu'afin d'éprouver
les innuences d'un climat bienfaifant 8c dont les fruits utiles payeraient fi
bien les travaux du cultiv.iteur laborieux & eftimable qui les aurait entrepris !
C'eft faute d'avoir fait ces obfervations qu'on a adreffé aux Américains
le reproche- d'être incapables de tout. Il fallait auparavant remarquer de quel
point ils partaient ; confidérer que pour connaître les Sciences & les Lettres
&par conléquent s'enflammer pour elles , ils étaient forcés de s'expatrier. Alors
on aurait apperçu que cette néceffité même les plaçait dans une hypothèfe,
dont les défavantages ne pouvaient être balancés par les influences de leur
climat , qu'on a mieux aimé accufer de favorifer leur phyfique aux dépens
de leur moral. De là quelques favantes inepties dont on a enrichi les Recherches
fur les Am-ru<:i„s & que le génie Américain de Franklin a foudroyées pour
jamais.
Le Créol qui n'eft pas forti de Saint-Domingue , où il ne peut rccevoiV
aucune éducation, & ccl.i qui revient dans fon pays natal , aorès que fon
éducation a été négligée en France, font donc entièrement livrés à cette
imagination vive & effcrvefcente dont j'ai dit que la nature les douait fous
un ciel brûlant j aux iuites de la tendrelîè dangereufe de leurs parens
& de la facilité de donner leurs volontés pour loix à des efclaves. Qu^Is
dangers pour l'âge où les pafilons fe difputent entr'elles la poffeffion d'un cœur
difpofé à éprouver vivement & leur choc & leur tumulte !
C'eft alors que le Créol perdant de vue tout ce qui n'efl pas propre à
fatisfaire fcs penchans , dédaignant tout ce qui ne porte pas l'em-preinte du
plaifir, fe livre au tourbillon qui l'entraîne. Aimant avec tranfport la danfe ,
la mufique , il fembk n'exifter que pour les jouiffances voluptueufes.
Combien il eft difficile que de femblables difpofitions ne deviennent pas
funeftes dans un lieu où les mœurs ne font rien moins que propres à les mai-
trifcr. Comment enchaîner un tempéramment ardent dans un lieu où \à clafTe
nombreufe des femmes qui font le fruit du mélange des Blancs & des femmes
cfo^laves , ne font occupées que de fe venger , avec les armes du plaifir ,
d'être condamnées à l'aviiiffement. Auffi les paffions déploycnt - elles toute
DESCRIPTION DE LA PARTIE
leur puiîTance dans le cœur de la plupart des Créols ; & Icrrqu'enfin les glaces
de l'ào-e arrivent: , elles n'éteignent pas toujours ledéfir, la plus cruelle de
toutes les pafTions. - '
On peut donc dire , avec vérité, que tout concourt pour former chez les Créols
le caractère impérieux j vif & inconftant qu'on leur connaît, & qui les rend
peu propres à l'hymen , dont les beaux jours ne peuvent être l'ouvrage que
d'une confiance miUtuelle. Jaloux par amour-propre, ils font tourmentés parla
crainte de l'infidélité , dont ils donnent l'exemple. Heureufe encore lepoufe
trahie, fi en éprouvant tout ce que le foupçon a d'injurieux., elle n'eft pas
condamnée à avoir quelquefois fous fes yeux , l'objet qui lui ravit les preuves
d'un amour qui lui fut folemnellement juré. ' •
Les défauts des Créols, au nombre defquels il faut compter celui de fe livrer
au jeu, font cependant rachetés par une foule de qualités efximables. Francs,
affables, généreux, peut-être avec oflentation , confîans , braves, amis fûrs &
bons pères, ils font exempts des crimes qui dégradent l'humanité : les faffes
d'une Colonie aufTi étendue que celle de Saint-Domingue , offriraient à peine
les noms de quelques Créols à infcrire dans la lifle des fcélérats. Combien il
ferait facile de rendre les habitans de cette brillante Colonie , auffi recommen-
dables que ceux qu'on fe croit permis de leur citer, comme des modèles inimita-
bles pour eux !
Une vertu principale des Créols, c'efl l'hofpitalité. Ce que j'ai dit de la
manie d'aller en France , doit fuffire pour prouver qu'il y a peu de fociété à
Saint-Domingue, & que cet efprit fugitif efl du moins peu fait pour la rendre
agréable. C'efl donc un motif pour accueillir dans les campagnes , les voyageurs
qui jettent quelque variété fur un plan monotone. Dans un pays vafte oti l'on
efl opulent, où il n'y a point de pofles , où des auberges en petit nombre ne
fervent qu'à des individus qui n'ont pas de relations dans la Colonie , l'hofpitahté
prend un caraftère de générofité , qui honore ceux qui l'exercent. Il efl des habi-
tans qui facrlfient un capital de plus de trente mille livres, en chevaux, en voiture
& en cochers , pour la commodité de ceux qui ont befoin d'aller d'un point à
un autre de la Colonie. Mais de quoi n'abufe-t-on pas ! Il y aurait trop à rougir
pour les Européens , de révéler les fcènes par lefquels ils fe font efforcés de
rendre les Colons difEciles fur ce point. Malgré cette défoWigeante expérience ,
un homme avoué par l'ami d'un feul habitant, peut encore entreprendre le tour
de
iii^BiV -
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 17
de la Colonie , &c Ci les qualités perfonnelles en font un homme aimable , il efl:
fur d'emporter des regrets de tous les lieux, dont une recommandation luccefTivc
lui aura ouvert l'entrée.
Le caraftcre Créol paraît auITi dans la manière de voyager. De petits
chevaux de médiocre apparence , font parcourir aux chaifes ou efpèces de
cabriolets, trois & même quatre lieues par heure. Cette vîteffe annonce l'ha-
bitude de vouloir & d'être obéi avec promptitude. Le cocher qui connaît le
génie de Ton maître , partage Ion impatience , & met de la gloire à n'être
pas devancé. C'eft donc encore un article de luxe pour les habitans , que celui
des chevaux; d'autant que pour le plus léger motif, on expédie un meflager
à cheval , qu'à la rapidité de fa courle & aux cris dont il anime fa monture
couverte de fueur , on prendrait pour un courrier qui porte la nouvelle d'un
événement , auquel toute la Colonie eft intéreffée.
Les Créols de Saint-Domingue font moins fujets que les Européens , aux
maladies de leur climat. Mais une jeunefle prématurée , l'abus des plaifirs
peut-être ce levain , dont l'origine eft déiormais la feule chofe fur laquelle
l'Europe .:\: l'Amérique puident avoir à difputer , ne fuffifent que trop fou-
vent pour détruire le tempérament le plus robude. Alors s'accélère le moment
où le Créol a befoin de faire ufage de l'cfpèce d'infouciance , avec laquelle il
envifage la ceflation de la vie, & que femble lui donner le fpeftacle fréquent
de la mort.
Mais quittons ce tableau lugubre , pour efquifler le caractère de la portion Ja
plus touchante du genre humain.
Des Créoles Blanches'.
A la délicateffe des traits , les femmes Créoles de Saint-Domingue réuniffent
cette taille & cette démarche élégante , qui femblent être l'apanage des femmes
des pays chauds. Rarement douées de cet enfemble & de cette exaftitude
rigoureufe , qui conftiEuent effentiellement la beauté , leur figure offre prefquc
toujours cette combinaifon , plus féduifante & plus difficile à peindre qu'on
nomme la pliyfionomic 3 & fi l'on obtient aifcment de la Grèce & de h
Tome I. r
i8
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Géorgie un tribut de femmes belles, il ferait facile à Saint-Domingue d'en
fournir un de femmes jolies.
C'cft dans les grands yeux fpirituels des Créoles , qu'on trouve le contrafle
heureux d'une douce langueur, & d'une vivacité piquante. Si l'âpreté du climat
ne rendait pas auffi paflagère la fraîcheur de leur teint , il ferait difficile de fe
défendre d'un regard oij la tendrefîe & une forte de gaieté , fc mêlent fans fc
confondre. Mais fâchant employer, avec un goût exquis, les reflburces délicates
que la toilette peut offrir , fans rien emprunter du menfonge , les Créoles , aidées
de ces grâces , favent conferver l'empire que la nature leur a donné.
Vêtues avec une légèreté que le climat exige , elles ne paraîfient que plus
libres dans tous leurs mouvemens , & mieux faites pour réveiller l'idée d'une
volupté d'autant plus leduifante , que la nonchalance caradérife tous leurs
mouvemens.
L'état de défceuvrement dans lequel les femmes Créoles font élevées ; les
chaleurs prefque habituelles qu'elles éprouvent ; les complaifances dont elles
font perpétuellement l'objet ; les effets d'une imagination vive & d'un déve-
loppement précoce; tout produit une extrême fenfibilité dans leur genre nerveux.
C'eft de cette fenfibilité même , que naît encore leur indolence qui fait s'allier
à leur vivacité , dans un tempérament dont le fond eft un peu mélancolique.
Cependant il ne faut qu'un défir, pour rendre à leur ame toute fon énergie.
Accoutumées à vouloir impérieufement , elles s'irritent à raifon des obftacles ;
& dès qu'ils ceiTentj l'infouciance renaît. Sans émulation pour les talens agréables
qu'il leur ferait fi facile d'acquérir , elles les envient , cependant , avec une
forte de dépit , dès qu'une autre les pofTède. Mais ce qui les affeéle jufqu'à
les afîliger, c'eft la préférence que les charmes de la figure peuvent faire obtenir
à quelques-unes d'elles , fur les autres. Il eft même facile de foupconner cette
antipathie , née d'une rivalité fecrête , quand on remarque combien les femmes
Créoles cherchent peu à fe réunir , quoiqu'elles fe prodiguent les carelTes dès
que le hafard les rafTemble,
Les Créoles portent à l'excès leur tendreffe pour leurs enfans. Ce font elles
furtout qui leur infpirent les plus finguliêres fantaifies. J'ai affez dit combien
leur aveuglement eft funefte à ces enfans qu'elles ne commencent à traiter en
mères , qu'au moment oxx elles confentent à les envoyer en France , dans l'efpoir
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. rj
qu'ils y recevront une éducation cultivée. Elles aiment auiïl leurs parens avec
affeftion, & leur en prodiguent à chaque inftant les témoignages les plus doux.
L'amour, ce befoin , ou plutôt ce tyran des âmes fenfibles, règne fur celle
des Créoles. Aimables par leur propre fenfibilité & par des moyens qu'elles ne
tiennent que de la nature, fans impoliure , flins artifice, elles fuivent leur
penchant, qui, pour rendre parfait le bonheur de ceux qui en font l'objet,
aurait peut-être befoin de dépendre davantage du fentiment.
Il faut cependant ajouter, que fi l'amour égare quelquefois les Créoles, h
durée de leur attachement pour le choix qui les rend coupables, rachèterait leurs
fautes , fi la décence pouvait jamais ceffer de s'en ofFenfer.
Heureufe la Créole , pour qui les fermens de l'hymen ont été les vœux de
l'amour! Chérilfant fon amant dans fon époux , fa fidélité, plus communément
encore le fruit de fa nonchalante fagefle, que de la vertu qui fuppofe des combats
& une viftoire , aiïlirera leur tranquillité commune. Mais fi le mari n'a d'autres
droits que ceux du devoir, qu'il redoute en les exerçant defpodquement de
meprifer ceux de la compagne , fon exemple pourrait être fuivi.
Toutes ces difpofitions aimantes font que la perte de celui auquel elles
étaient hces , amènent prefqu'aufïïtôt un nouvel engagement. Aufii peut-on
leur appliquer ce que M. Thibault de Chanvallon a dit des Créoles d'une
aucre Colonie -, " qu'il n'eft point de veuve , qui , malgré fa tendrefle pour
„ ies enfans,n efface bientôt, par un nouveau mariage , le nom & le fouvenir
„ d'un homme dont elle paraifTait éperduement éprife ". Peut-être même
n'exifte-t-il pas de pays où les fécondes noces foient auffi communes qu'à
Sa.nt-Domingue , & l'on y a vu des femmes qui avaient eu fept maris
L'attachement des Créoles efl mêlé de jaloufie , & malgré leur indifférence
pour l'époux que les feules convenances leur aura donné , elles ne peuvent
lui pardonner fes infidélités. C'efl contre tout ce qu'elles peuvent foupçonner
quel es s'irntent avec fureur. La jaloufie a donné la mort à des femmes
Créoles qui n'ont pu fupporter le changement d. celui qu'elles idolâtraient
Elles font même capables de préférer la perte de l'objet aimé à celle de
fa^tendreflè : tant cette odieufe paffion dénature tout , jufqu'au fentiment
pieme ou elle prend fa fource J
^ La danfe , mais la danfe vive a tant d'attrait pour les Créoles qu'elles
s y livrent fans rélcrve , malgré la chaleur du climat & la faiblelTe de leur
Ç a
f'
DESCRIPTION DE LA PARTIE
conftit'jtion. Il femble que cet exercice ranime leur exigence, & elles favent
trop bien quels charmes nouveaux il donne à une figure exprciïive & à
une taille gracieufe , pour qu'elles ne le recherchent pas avec ardeur. Il leur
fait oublier l'indolence qu'elles paraiiT;nt chérir. On les entend même prelTer
ia mefure qu'elles fuivent avec une précifion rigoureufe , mais fans contrainte.
Enfin telle eft l'erpècc de délire oij la danfe les plonge , qu'un fpeélateur
étranger croirait que ce plaifir eft celui qui a le plus d'empire fur leur ame.
En voyant âùfTi que dans un bal la retraite de quelques femmes devient un
iigp.al pour que les autres quittent la danfe , on imaginerait que ne formant
qu'une feule famille , elles ne jouiffcnt de cet amufement qu'autant qu'elles
le partagent toutes. Combien il efh regrettable que ce mouvement de tcn-
drefîe apparente ait befoin d'un nouveau bal pour reparaître !
Les Créoles aiment le chant. Leur gofier facile fe prête agréablement aux
airs légers & aux airs tendres ; mais la romance efc ce qui leur plaît d'avantage.
Ses fons plaintifs femblent faits pour flatter leur difpoficion langoureufe , &
elles en accentuent les exprefîlons avec une vérité qui féduit le cœur après
avoir charmé l'oreille.
La folituJe plaît beaucoup aux femmes Créoles qui y vivent volontiers ,
mêmxe au fein des villes. Elle leur donne un caraftère de timidité qui ne les
quitte pas dans la fociété où elles répandent peu d'agrémens ; à moins qu'elles
n'aient appris en France à fentir tout le prix d'une amabilité qu'elles favent
rendre touchante.
Les Créoles font três-fobres. Le chocolat , les fucreries , le café au lait
furtout , voilà leur nourriture. Mais un goût qui femble plus fort qu'elles ,
les porte encore à refufer les alimens fains & à leur préférer les falaifons
apportées d'Europe ou des mets du pays , bifarrcment préparés & connus fous
des noms plus bifarres encore. L'eau pure eft leur boifîbn ordinaire , mais
elles lui préfèrent par fois une limonade compofée de firop & de jus de
citron. Les Créoles ne mangent guères aux heures du repas , mais indifcinc-
tement , lorfqu'elles éprouvent les défirs d'un appétit dont elles fuivent toute
îa dépravation.
Un fommeil trop prolongé , l'inaftion dans laquelle elles vivent , des
écarts de régime de toute efpéce j des alimens mal choifis , des pafiîons vives
prefque toujours en jeuj telles font les fources des maux qui menacent les
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^i
femmes Créoles , & les caufes qui flctrinent fitôt leur charmes : brillantes
comme les (leurs , elles n'en ont aufli que la durée.
Une autre caufe de cette rapidité avec laquelle les Créoles perdent Se les
moyens de plaire & leur fanté , c'eft l'habitude pernicieufe de les marier
avant que la nature ait achevé toute leur croiirance. Mères avant d'avoir
acquis tout leur développement , elles ne donnent la vie qu'en abrégeant
la leur. Généralement fécondes , ibutenant leur grofleffe fans maladie & l'en-
fantement fans accident , elles s'abufent fur ces avantages qui ne font dûs
qu'à la faible fie de leurs organes.
Il me lemble voir naître l'étonnement en apprenant que dans un pays où
la tendrefTe maternelle eft une vertu exaltée , les enfans prefTent un fein
étranger. Il n'cll: que trop vrai que s'il efl peu de femmes Créoles qui ne
tentent de nourrir leurs enfans , il en efl très-peu qui achèvent de remplir
ce devoir. Faibles par conftitntion & parce qu'on a hâté le moment de la
maternité , faibles parce qu'elles détruifent leur eftomac & que le climat
& peut-être des vices hérédit.iires ont rendu le genre nerveux très-irritable ;
les Créoles font réduites à folliciter d'une efclave Je lacritice de fbn fano-
pour conferver l'être à qui elles n'ont pu donner que la vie. Mais leurs enfans
font nourris fous leurs yeux , elles difputent leurs careiTes à la nourrice qu'on
afFranchit prefque toujours pour prix de ce bienfait ; enf^n les mères rachè-
tent par leurs foins , par leurs foUicitudes , l'impuiiTance oij elles fe trouvent
de fatisfaire à une loi dont l'oubh eft quelquefois cruellement puni dans
d'autres climats.
Les femmes Créoles ne reçoivent aucune é.ducation à Saint-Domingue ; &
quand on les juge d'après cette obfervation , on eft étonné de leur trouver
un fens aufîî jufte. Leur efpiic naturel , plus dégagé de préjugés, donne à leur
ame une trempe forte qui , fi elle contribue à les égarer dans ce qu'elles veulent
d'irraifonnable , procure à leurs réfolutions bien dirigées un caradère de ftabi-
lité dont quelques détrafteurs chagrins avaient prétendu que leur fexe était
incapable.
On peut même demander avec confiance aux femmes Créoles un confeil
dès qu'il intéreffe le fcntiment ou la délicateffe. Douées d'une efpèce de taél
qui vaut fouvent mieux que nos principes , elles fe portent naturellement
vers ce qui eft préférable. Fière , indignée de tout ce qui avilit , méprifant
DESCRIPTION
PAR
t.>y
plus que les hommes mêmes , les hommes dégradés , une femme Créole
partage vivement l'affront fait à celui qu'elle aime. Il faut qu'il renonce à
fa tendreffe s'il eft capable de dévorer un affront j elle n'écoutera jamais les
foupirs d'un lâche & préférerait de pleurer fur fa tombe.
Il n'eft malhcureufement que trop facile de leur prouver qu'on eft digne
d'elles à cet égard. La plus grande preuve du peu de fociabiHté de Saint-
Domingue , c'eft le faux point d'honneur qui y maîtrife encore l'opinion.
Dans un p:iys où la fortune fait tant de rivaux , il eft difficile de prendre
ces dehors polis qui font peut-être les premières fauvegardes de la fureta particu-
lière. L'habitude de commander aux efclaves & de ne trouver que de la
foumilTion, rend néceffairement le caractère un peu altier, & des Colons défen-
feurs de leur propres foyers, doivent être dominés par un préjugé aufTi ancien
que la Colonie ; il donne même aux magiftrats un extérieur o-uerrier.
Les Créoles font auffi naturellement affables , généreufes , compatiffantes
pour tout ce qui porte l'empreinte de l'infortune & de la douleur, mais elles
oublient quelquefois ces vertus envers leurs efclaves domcâiques.
Qui ne ferait révolté de voir une femme délicate à qui le récit d'un mal-
heur moindre que celui qu'elle va caufer , ferait répandre des larmes , préfider
à un châtiment qu'elle a ordonné ! Rien n'égale la colère d'une femme Créole
qui punit l'efclave que fon époux a peut-être forcée de fouiller le lit nuptial.
Pans fa fureur jaloufe elle ne fait qu'inventer pour affouvir fa veno-eance.
Ces fcénes affreufes qui font très - rares le deviennent encore plus de
jour en jour. Peut-être même les Créoles perdront - elles , avec le tems
ce penchant pour une domination févère , dont elles contractent l'habitude
dès l'âge le plus tendre. Le foin d'en faire élever un très-grand nombre en
France , l'influence des ouvrages qui font l'éloge des vertus domeftiques &
.qu'elles lifent avec attendriffement , amèneront fans doute cette heureufe révo-
lution. Déjà les Créoles trouvent du plaifir à adoucir le fort des efclaves
qui les approchent i déjà elles prodiguent aux enfans de tous leurs efclaves
des fouis qu'elles dédaignaient autrefois. Il eft plus d'une Créole eftimable
dont le premier foin en s'éveillant eft d'aller vifiter l'hôpital de fon habita-
tion , & de veiller à ce que les maux des nègres foient foulages , & leurs
peines adoucies. Quelquefois même leurs mains délicates préparent des médj-
çanjens tandis que la çonfolation coule de leur bouche perfuavive,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ,,
Sexe charmant! Tel efl votre apanage , k douceur & la bonté. C'cft pour
tempérer la fierté de l'homme, pour le captiver, pour lui rendre agréable le
fo.ige de la vie, que la nature vous forma. Ne dédaignez donc pas 'de régner
par les moyens qu'elle vous a donnés. Le fondateur d'une religion , en peignart
avec des traits de feu un lieu de délices éternelles, a fenti qu'il fallait, poui-.
exciter l'enthoufiafme , vous montrer dans ce féjour douces & belles , & il a
féduit par ce tableau vraiment enchanteur !
Je ne prétends pas, dans ce tableau du caraftère des blancs qui habitent
l'île Saint- Domingue , avoir recueilli tout ce qui peut le diftingucr, mais
feulement offrir les principales généralités, qui en font comme la°bafe.' Il fc
préfentera dans le cours de la Defcription de la Partie Françai/e , plus d'un
détail relatif aux mœurs & aux caraélères de fes habiians , plus d'une exception
remarquable , plus d'un fujet de louange ou de blâme , & le Leéteur attentif
n'aura pas toujours befoin qu'on les lui indique , pour en être frappé. Il doit
fentir,dèsàpréfent, que dans une Colonie où chacun , apportant fes vices &
fes vertus , fe dirige vers le temple de la fortune , félon fes opinions , k^
befoins & les circonftances , il doit y avoir des nuances fenfibles, même des
diffemblances abfoluesi
DesÈsclaves.
Quoioyî les Èfclaves ne forment pas la clalTe qùî , dans la population , fuit
immédiatement celle des blancs , il paraît naturel d'en parier avant que de rien
dire des affranchis , puifque ceux-ci offrent le réfultat modifié de l'efclavage des
uns , & de la liberté des autres.
L'obfervation infpirée par la population blanche , en ce qu'elle n'eft pas toute
compofee de Créol. , doit être rcnouvellée par rapport aux Efclaves , puifque
les deux tiers de ceux-ci ( qui font prefque tous nègres ), font venus d'Afrique
tandis que le furplus eft né dans la Colonie. Il faut donc parler d'une manière
diftincle de ces deux claffes , qui ont , à certains égards , des traits qui leur font
plus ou moins particuliers»
DESCRIPTION
PARTIE
Bes Efdaves venus d'Afrique.
Saint-Domingue eR: le premier lieu de l'Amérique où il y ait eu des
Elclaves Africains , & perfonne n'ignore qu'ils y furent introduits comme culti-
vateurs , d'après l'avis de Barthélémy Las Calas , qui en avait vu quelques-uns
amenés par hafard à Saint-Domingue depuis 1505. Il propoTa de les fubiliituer
aux naturels de l'île , que le travail des mines rendait l'objet des plus cruelles
vexations, & menaçait de faire difparaître abfolument'de leur terre natale. L'idée
de Las Cafas , égaré par l'humanité même , fut adoptée , parce qu'elle offrait
des moyens de plus ; car la cupidité ne cefla pas de moiffonner les malheureux
Indiens.
Toutes les Colonies françaifes des Antilles eurent , dès leur nalflance , des
Efclaves Africains. Mais l'île Saint-Domingue en avait déjà, puifque fes
premiers conquérans en polTédaient alors , depuis près d'un fiècle & demi.
On croira aifément , que dans les commencemens des tentatives des Aventuriers,
ils avaient à peine quelques nègres qu'ils enlevaient, foit à terre, foit dans leurs
courfes mariâmes , à leurs ennemis , & ce ne fut qu'en fe livrant à la culture ,
que les Colons français connurent le befoin réel des Africains. On les vit même ,
pendant affcz long-tems, cukiver de leurs propres mains, aiïbciés à des efpèces
d'efclaves blancs, appelles Engages ou Trente-fix viois , noms qui exprimaient
l'état fervile oij ils étaient & fa durée.
' Tourmentés du défir d'aller provoquer la fortune dans les Colonies , une
foule d'individus fe vendaient en France pour trois ans , à un capitaine de navire
qui , pour prix de Leur tranfport , les cédait à fon tour à un Colon , pour uns
fomme convenue. Mais cet ulage , dont il eft affez remarquable que les Anglais
aient les premiers donné l'idée dans les Colonies de l'Amérique Septentrionale ,
où il exifte encore aujourd'hui malgré leur indépendance , ne put pas fe foutenir
aux îles françaifes. Ce ne fut même que jufqu'à l'époque où le tabac fut l'objet
principal & même unique du commerce colonial, que les Engagés furent
trouvés propres aux mêmes emplois que les nègres. Mais la culture de l'indigo
& furtout celle de la canne à lucre , exigèrent impérieufement des individus
plus capables de réufter à l'effet continuel d'un foleil ar,ientj & cette culture
offranç
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. o^
ofiVant à Ton tour , dans fes bénéfices , les moyens de payer les nègres que les
commcrçans envoyaient prendre en Afrique , le nombre des efclaves s'eft conti-
nuellement accru iufqu'au nombre que j'ai déjà indiqué , & qui b'éiève
maintenant à quatre cent cinquante-deux mille.
Les Engagés qu'on avait continué de tranfporter en très-petit nombre &
que plufieurs lois exigeaient impérieufement que les armateurs des navires mar-
chands envoyafient à leurs frais , ne furent plus que des chefs d'ateliers de
nègres ; mais depuis un grand nombre d'années , il ne refte des Engagés que
le fouvenir de l'impôt que le gouvernement leur avait fubftitué & qiri a été
converti d'abord en une fourniture de fufiîs que leur mauvaife qualité a fait
juflement rejeter ,& enfuite en une obligation de tranfporter des foldats , des
officiers ou des agens quelconques du gouvernement aux Colonies ou de celles-
ci en France. On pourrait cependant ajouter que quelquefois le fouvenir
des Engagés fert à réprimer l'orgueil de ces hommes qui , par des airs dédai-
gneux, forcent l'amour-propre blefîé à rechercher leur origine.
Une grande partie de l'Afrique eft, pour ainfi dire , tributaire de l'Amérique
à qui elle donne des cultivateurs. Saint-Domingue pofsèdc , à lui feul , au
moins les trois cinquièmes des efclaves des îles françaifes de l'Amérique.
L'étendue de l'Afrique , celle des parties où h triilte a lieu , les immenfes
intervalles qui féparent ces différentes parties , tout doit faire féntir que les
mœurs des Africains réunis dans les Colonies y forment un enfemble où
l'on ne trouve pas exaélement les moeurs particulières de ces divers peuples.
AgUrant fur le moral les uns des autres , les nuances du caraclère qui dilHn-
gue l'Africain des autres habitans "du globe fe fondent en quelque forte en
un tout qui ne conferve que le ton principal & qui fert à montrer l'Africain
devenu colonial : c'eft cet enfemble que je veux tracer.
Ce qu'il offie de plus remarquable & qui eft le moins fournis à l'influence
de la tranfplantatlon , c'eft l'infouciance dont on peut former par-tout la
caraclériftique du nègre. Elle eft chez lui , fans doute , l'effet d'une tempé-
rature qui rendant les premiers befoins infiniment bornés , lui ôte tous les
foucis & les foins que l'homme trouve dans l'idée de l'avenir. De cette
difpofition de l'ame doit naître inévitablement l'indolence , & c'eft l'état favori
du nègre. Privé de toute é.lucation , livré à tous les préjugés , à toutes les
terreurs de l'ignorance , il eft faible & craintif quoiqu'il puiffe s'élever au
Tom, I, jy
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f
2*5
DESCRIPTION DE LA PARTIE
mépris des dangers phyfiques , préclféraent parce que fon imagination perd
fon empire à leur égard.
Les qualités corporelles varient extrêmement chez les nègres à raifon des
dlfférens points de l'Afrique où ils ont reçu le jour. Pour mieux remarquer
ces qualités , la manière la plus sûre eft de les obferver dans leurs rapports
ai'ec ces lieux eux-mêmes ; d'autant qu'elle fera voir de combien de peuples
li population noire de la Colonie eft tirée.
Lcrfqu'à la naiffance du feizième fiècle , les Portugais commencèrent à
introduire quelques nègres en Amérique , ce furent les environs du Sénéga
qui les fournirent^ & c'eft encore la partie la plus Septentrionale de l'Afrique
où l'on va chercher des efclaves. On y amène quelquefois auffi , en très-
petit nombre il eft vrai, des Maures , des defcendans ou des viéli mes de ces
Arabes procréés d'Ifmaël , qui lé répandirent comme un torrent débordé dans
l'Afrique vers le milieu du feptième fiècle & dont les connaifTances étonnent
encore l'Europe qu'ils ont contribué à éclairer. Ces Maures ou Arabes , placés
le loncr du fleuve Sénégal , font une guerre cruelle aux nègres leurs voifms
& vont même à de très-grandes diflances dans l'intérieur de l'Afrique che.r-
cher des efclaves qu'ils vendent , ainfi que leurs prifonniers nègres , pour payer
un tribut à l'Empereur de Maroc fous le joug duquel ils font courbés.
Malo-ré l'infériorité de leur nombre , les Maures ufent envers les Nègres d'une
audace qu'on a de la peine à concevoir , & c'eft dans les cas extraordinai-
rement rares où ceux-ci réfutent avec fuccès , qu'ils vendent quelquefois, à
leur, tour , parmi d'autres nègres , des Maures , qu'ils maffacrent le plus fouvent
tant ils les haïiTent. C'eft ainfi qu'on a vu des Maraboux , livrés par les
nèo-res fur lefquels ils exercent cependant .un empire d'autant plus abfolu
qu'il eft fondé fur la fupcrftition , aller montrer à une colonie conquife autre-
fois par les Efpagnols , des efclaves ilTus de ceux qui furent auffi autrefois
les conquérans de l'Efpagne.
Les nègres Sénégalais , furent encore les premiers qu'apportèrent aux Colons
français les Compagnies , qui parvinrent à fe faire accorder le privilège exclufif
d'un commerce, que les étrangers firent feuls dans les premiers tems de la
Colonie de Saint-Domingue. Ces nègres font grands & bienfaits, élancés, d'un
noir d'ébène. Leur nez eft allongé , & aflez femblable à celui des blancs j leurs
cteveux font moins crépus & plus fufceptibles de s'étendre &: d'êçre treflCés^
II
i£v
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 27
que l'efpèce de laine qui couvre en général la tête de l'Africain. Dans Ton
moral, le Sénégalais a auffi des marques d'une efpèce de fupériorité -, lui, que les
Maures fubjuguent , quoique belliqueux & aguerri. Il eft cultivateur, intelli-
gent , bon , fidèle , même en amour , reconnaiffant , excellent domeilique.
Vivant de petit mil , de maïs & de riz , il eft très-fobre , très-propre à la o-arde
des animaux , difcret & fur-tout filencieux, qualité fi rare chez les Africains^
& qu'on ne prife pas afîez chez les peuples policés.
Les Tcdoffes , voifins des Sénégalais , n'en diffèrent guères que parce qu'ils
font encore plus grands. On peut comparer aux Sénégalais , les nègres du
Cap-Verd, qui bordent le pays des Yoloffes , & qu'on nomme fort impropre-
ment aux Antilles dc% 'Calvaires. Leur couleur noire , eft encore plus foncée que
celle du Sénégalais ; leur taille eft avantageufe , leurs traits font heureux , & lea
femmes auraient tojs les caraétères de la beauté, fi leur gorge n'excédait pas quel--'
quefois par fa groffeur, les belles proportions. Des dents d'un ivoire éblouifiânt ,
gArniiTent une bouche d'oîj fort un fon doux , & fur lequel il femble qu'influe le
lait qui eft leur nourriture favorite. Qiii croirait qu'on peut reprocher aux hommes
^ à qui la nature préfente de pareilles compagnes , un penchant qui l'outrao-e !
Les Feules , appelles vulgairement Pcules ou Foulards , voifins des Sénégalais
& des Yoloffes, mais plus intérieurem.ent placés, font affez femblabks aux Sé-
négalais parla taille feulement, car leur couleur eft rougeâtre.-
C 'eft des points qui font encore plus à i'Eft du Sénégal , que viennent le?
Bamharc.s , les hommes de la plus haute ftature qus donne l'Afrique'', mais'
qui ont , fur \\n vifage trifte , de longues marques qui dekendent des tempes
vers le cou , & qur s'élargiffent à leur milieu. Le Bambara eft lent, fa démarche
mal afiurée peint l'indolence , & telle eft l'opinion qu'il a fait concevoir , ainfi
que d'autres nègres amenés de plufieur^ centaines de lieues à I'Eft de l'Afrique
& vendus avec lui , fous la dénomination générique de Bambara , que ce mot
fert à indiquer un grand corps fans grâces. Le fobriquet qu'il a aux îles, eft
celui de Voleur de dinde s^ & Voleurdemoutcns, dont il eft très-friand.
Les flambas, voifins des Bambaras,font auffi grands qu'eux, mais ils n'ont paî
un extérieur auffi gauche , & ils ont trois longues raies fur chaque côté du vifao-e.
Il faut ranger enfuite les Mandingues. Ils habitent au Sud des Yoloffes, fur la.
côte qui porte leur nom , & lur hi bords de la rivière de Gambie. Ici la teints
du noir^dt la- peau s'affaiblit, & le caraélère a-changé encore plus,- Le Mandingiit
D a
> î
DESCRIPTION DE LA PARTIE
efl: un maître févére , quelquefois cri^el , & il eft fripon par habitude ; fa princi-
pale nourriture eft le riz. Mais l'efclave Mandingue, par cela même qu'il a été
plié violemment au joug, eft bon à employer aux îles où fon fort eft am.élioré
& il y perd quelquefois fon penchant pour le larcin.
Prefque en face des Mandingues , & en tirant au Midi , font les îles des
^Hf^-S'^f^ ' dont la traite appartient aux Portugais. Il en vient fort rarement ,
ainfi que des paities voifines , des Sc/cs , & quelques nègres très-guerriers qui ont
dans leur pays l'ufage de boucliers de peaux d'éléphant de toute leur hauteur,
Se derrière lefouels ils font à l'épreuve de la balle. Ces nègres font pour les
habitations de bons chaffeurs , & des gardiens fûrs des places à vivres.
Tous les Africains dont j'ai parlé juiqu'ici, & qui font embarqués fur divers
points d'une côte qui comprend environ trois cens lieues, depuis le dix-
feptième degré de latitude Septentrionale , où eft placée l'embouchure de la
rivière du Sénégal , jufqu'à Serre -Lione, font en général Mahométans , du
moins ceux qui habitent près de la mer. Mais cette religion eft mêlée d'une
.. _ idolâtrie, qui prévaut d'autant plus , qu'on pénètre d'avantage dans l'intérieur,
& fouvent mxême les preuves de la circoncifion , font les feules auxquelles on peut
reconnaître qu'ils font foumis à des idées de Mahométifmie.
. Après Serre-Lione, allant au Sud, fe trouve la Côte des Graines ou de
Malagiiettâ ou du Poivre , qui finit au Cap des Palmes, puis la Cote d'Ivoire ou
i^(?^ Dé'«/j , qui fe termine au Cap ApoUonie. C'eft de la côte de Malao-uette
que viennent les Bouriquis , les Mijérables ; non loin d'eux font les Mefurades ou
Çangas , parmi lefquels ceux qui habitent vers le haut des rivières, font anthro-
pophages. Mais la traite de la côte de Malaguette & celle de la côte d'Ivoire
appartiennent exclufivement aux Anglais; de manière qu'on ne voit qu'infiniment
peu de ces nègres à Saint-Domingue , où ils ne font introduits que par le
commerce interlope. Ces nègres font très-hardis , prompts à la révolte , aimant
la défertion , & en général très-peu propres à la culture coloniale. Les nëores
du Cap des Palmes & des lieux circonvoifins, font très-adroits à la chaffe &
à la pêche , très-grands nageurs & plongeurs audacieux.
Vient enfuite la Côte d'Or, qui fournit beaucoup de nègres à Saint-Domino-ue,
où l'on eft dans l'ufage de comprendre dans cette côte , qui commence au Cap
ApoUonie & qui finit à la rivière de Volta , la Côte des EJclaves , qui fuit cette
îivière au Sud, & qui eft entre elle &: le Bénin. Les nègres de la Côte d'Or
r
FRANÇAISE DE S A î N T = D O M I N G U E. 29
font en général bienfaits & intelligens j mais on leur reproche d'être communé-
ment trompeurs, artificieux, diffimulés, pareiTeux, fripons, flatteurs, gourmands/
ivrognes & lafcifs. Ils ont l'œil étincelant , l'oreilie petite , les fourcils épais ,
le nez applati & légèrement recourbé , la bouche aiTez grande , les dents
blanches & bien rangées , la peau iuifante & les cheveux fufceptibies d'être
trèfles.
Ces nègres font connus dans la Colonie fous diverfes dénominations , parce
que la Côte d'Or renferme plufieurs populations difixrentes , & que le langage
y varie à de très-petites diflances. La plus générale de ces dénominations , celle
qu'on y regarde prefque comme générique , efl; celle à' Âradas , qui s'efl: formée
de la prononciation corrompue d'Jrdra, nom de l'un des royaumes de la Côte
des Efclaves , mais on fait aufli diftinguer les vfais Aradas des autres.
L'ufage a encore fait confidérer comme nègres de la Côte d'Or , ceux qui
{ont tirés du Cap Laho ou Lahou , qui eft à la Côte d'Ivoire , & par cette raifon
on les nomme Caplaous. Ils foBt intelligens, petits, m.ais forts.
La véritable Côte d'Or procure d'abord les Mirées dont le pays fournit
de l'or de mine & non pas feulement de la poudre d'or. Leur peau' efl: d'une
nuance qui tient prefque le milieu entre le noir & le cuivré ; puis les Jgouas
leurs très-proches voifins avec lefquels ils n'ont de différence que par leurs
dialeftes ; enfuite des 6"^^, des Fa;mns. Ces habitans de la Côte d'Or font
très-orgueilleux , livrés à des guerres continuelles , capricieux & prompts à fe
donner la mort.
De la Côte des Efclaves, qui n'a pu recevoir ce nom particulier dans une
partie du monde où la fervitude eft univerfellement connue que parce que
l'efclavage y eft plus hideux & que le fang de ceux qui y font afîervis eft
verfé fous le plus léger prétexte , on reçoit les Coiocolis qui habitent le royaume
,de Cote le plus feptentrional ^e cette Côte , puis des Pops , plus entre-
prenant que les premiers; les Fidas ou Feëdas placés au Sud & qui précè-
dent les Jrdras ou Jradas & de l'intérieur viennent des Fonds , des Mais ,
des Joujas , des 3ûs & des Ni?gos.
L'mtelligence eft un caraftère commun à tous les nègres de la Côte d'Or
& à ceux de la Côte des Efclaves', mais les mœurs de? derniers font vraiment
fanguinaires , furtout chez les Judas ou Jradas proprement dits, dont la férocité
eft aflez connue par tout ce que l'hiftoire a publié ,de vrai mais de prefque
10"
5S DESCRIPTION DE LA PARTIE
incroyable fur les Behmeis a qui les Rois de Juda ont fait aimer le fan^.
à force d'en répandre eux-mêmes.
Tous ces nrgres que je confondrai auffi pour être mieux entendu de3
Colons de Saint Domingue , n'ont pis la peau d'une couleur réellement noirs
mais toujours d'une teinte jaunâtre qui fait qu'on pourrait en prendre plu-
fieurs pour des mulâtres , fi des marques plus ou moins multipliées , plus
o-u moins ridicules pour l'œil qui n'y a pas été accoutumé dès l'enfance ne
montraient qu'ils font Africains & nèo-res.
Il eft m.ême de ces m.arques , par exemple celles des nègres Mines, qui les
défigurent parce qu'elles les déchiquetent. L'orgueil s'ell emparé de ce trait
national & il eft des lieux où la prérogative de s'enlaidir eft un droit qui
n'appartient qu'aux rangs élevés i car en Afrique aum il y a- des rangs. Oa
a même vu des nègres Mines reconnaiflant des princes de leur pays , à ces
fignes bifarres, fe profterner à leurs pieds & leur rendre des hommages dont
3e contrafre avec l'état de fcrvitude auquel ces princes étaient réduits dans
la Colonie offrait un tableau aftèz frappant de l'inftabilité des grandeurs
humaines.
Les nègres de la Côte d'Or font aélifs , adonnés au commerce & ce o-oût
ils le manifeftcnt aux îles, où ils en perdent un autre, celui de man^-er les-
chiens dont on a fait le fobriquet particulier des Aradas ; car on aime afîez
aux Colonies à cara-flérifer ainfi lesdiverfes nations Africaines : l'on dit donc
Arada mangeur de chiens ou Avare ccr,m$. un Arada; car ce vice eft très-fort
chez eux (*).
On eftin-iC les nègres de la Côte d'Or p^ôur la" culture , mais en o-énérâl
leur caraiflêre altier en rend la conduite difficile & elle exige des maîtres
qui fâchent les étudier.- C'eft principalement à l'égard des Jbcs- qu'une grande
furveillance eft néceiTaire, puifque le chagrin ou le mécontentement le plus
léger les porte au fuicide dont l'idée loin de les épouvanter femble avoir
quelque chofe de féduifant pour eux , parce qu'ils adoptent le dogme de la
tranfmigradon des âmes. On n'a vu que trop fouvent les Ibos d'une habitation
former le projet de fe peiadre tous pour retourner dans leur pays. Il y a lons-
tems qu'on oppofe à leur erreur une de leur propres opinions ; lorfqu'cn
(*^ En Créol : " Rada mangé chien „. — " VaiicHé tan com' Rada
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 31
n'a pu prévenir abfQlument ce voyage pythagoricien , on fait couper h tête
du premier qui fe tue , ou feulement fon nez & fes oreilles que l'on
conferve au haut d'une perche ; alors les autres convaincus que celui-là n'ofera
jamais reparaître dans fa terre natale ainfi déihonorc dans l'opinion de fes
compatriotes & redoutant le même traitement , renoncent à cet affreux plan
d'épxiigration.
Cettr difpofidon de l'ame qui fait défigner les Ibos par ces mots Créols :
3os pend' cor à yo , ( les Ibos fe pendent ) fait que beaucoup de Colons
redoutent d'en acheter; mais d'autres par cela même qu'ils en pofsèdent déjà
les préfèrent parce qu'ils font très-attachés les uns aux autres & que les
nouveaux venus trouvent des fecours , des foins & des exemples dans ceux
qui les ont devancés.
Les femmes Aradas , caufeufes éternelles , font rarement employées comme
domelViques , attendu que de tous les Africains les Aradas font ceux qui par-
yiennent le moins à parler le français & que c'eft à l'entendre dans leur
bouche qu'on peut faire confifter la plus grande épreuve de ceux qui fe flattent
,de pofféder le langage Créol. Ces femmes font auffi accariâtres & querelleufes j
.on les reconnaît extérieurement à des hanches & à des fefîes dont l'ampli-
tude eft devenue le dernier terme de toute comparaifon de ce genre. Une
-étude pouffée plus loin ferait rencontrer d'autres traits d'autant plus particuliers
qu'ils fuppofent des ufages évidemment contradidoires ; l'excifion des nymphes
ou leur dilatation dans une étonnante proportion ; dilatation qu'accompagne
.celle d'une autre partie , au point qu'un fexe pourrait en quelque forte rem-
plir le rôle de l'autre.
Mais il eft tems de palTer au Bénin qui ne donne que peu de nègres à
Saint-Domingue , parce qu'on eft dans l'ufage d'y facnfier les prifonniers
.& ce n'eft que depuis peu de tems qu'on y voit quelques efclaves du royaume
.d'Ouaire qui eft limitrophe du Bénin au Sud. Ces derniers font cependant
fort doux malgré .ce voifinage & ils font les uns & les autres d'une teinte
plus foncée que ceux de la Côte d'Or. Ce font les Anglais qui font prefque
Jtoute la traite de ces deux royaumes , ainfi que celle du Calbar ou Galbar
dont les nègres , quoique de la taille de ceux d'Ouaire & du Bénin, font taci-
lurnes & attaqués du fcorbut parce que leur pays eft marécageux. On ne fait
.pas cas à Saint-Dcmingue des nègres du Bcnin parmi lefquels viennent les
1
52
D E
S C R I P T I O N
DE LA PARTIE
Mokos , ni de ceux du Galbar. AufTi a-t-on.pris le parti de les annonce?
Goinme Ibos afin de ne pas réveiller "la prévention & l'on uie de la mêir.e
précaution pour les nègres de la rivière du Gabon qui font encore plus au
Sud que ceux du Galbar , mais qui font auffi mai-lains & auffi maladifs.
Les Africains , depuis le Cap Apollonie où commence la Côte d'Or juf-
qu'au Galbar, font tous plongés dans la plus ténébreufe idolâtrie à laquelle ils
mêlent des pratiques qui appartiennent évidemment au mahométifme. Ils n'eft
pas jufqu'aux reptiles les plus dégoutans qui ne foient déinés dans quelque
lieu, & Eofman, dans Iba voyage de Guinée , raconte le fait de l'extermi-
nation générale des cochons , parce que l'un d'eux avait mangé un ferpent ,
tandis que cet inftincl rend les cochons encore plus précieux aux habitans de
celles des Antilles où les fcrpens font éprouver les plus vives & les plus
ufres craintes.
Nous fomm es parvenus aux nègres qui font les plus com.muns à Saint-
Domingue, èi qu'on y prife beaucoup ; c'eft-à-dire, à ceux de la Côte de Congo &
d'Angole , qu'on connaît dans la Colonie fous le nom générique de Congos.
C'eft de cette immenfe étendue qui, du Cap Lopez au Cap Nègre, comprend
près de trois cent lieues comptées en ligne droite , que l'on reçoit quelques
Mayombês , placés vers l'Eft-quart-Nord-Eft , les Ccngos proprement dits, qui
font au milieu, puis les Movjomhés & les Mondongues , qui font pris à i'Eit dans
l'intérieur, & qu'on conduit au Congo, mais qu'on doit bien difcinguer des
habitans de la Côte d'Angole, comme je vais le faire voir.
Les Mayorabés que l'on traite particulièrement à Malimbe & à Loano-o ,■
ou que donne quelquefois Gabimde ; ou les Malimbes , tirés du royaume du
même nom , font com.m-e tous les Congos, d'une taille moyenne & d'une nuance
qui tient le milieu entre celle du Sénégalais, & celle des nègres confidéres
en général comme nègres de k Côte d'Or, quoique ces derniers placés entre
Serre-Lione & le Cap Lopez, foient plus au Nord qu'eux. Les nègres du Zaire ,
qui font entre Gabimde & Ambris , montrent auffi dans leur caracftère une teinte
de fierté , qne n'ont pas les autres habitans qui les avoifment.
Les vrais Congos ou F'ranc-Ccngos , pour me fervir de l'expreffion de Saint-
Domingue , fortent des royaumes de Congo & d'Angole , & font , comme tous
ceux de cette Cote , d'une douceur & d'une gaieté qui les fait rechercher^
Aimant le chant , la danfe & la parure ils font d'excellens domeftiques >
&
■k^JBoK
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^j
& leur intelligence, leur facilité a parler purement le Créol, leurs figures
enjouées & fans marques , furtout chez les femmes , qui n'ont que deux
petites élevures près des tempes & que la coquetterie pourrait ne pas
toujours condamner , les fait préférer pour le fervice des maifons ; on en fait auffi
d'habiles ouvriers & de bons pêcheurs. On prife beaucoup les femmes Congos
pour la culture , parce qu'elles y font accoutumées dans leur pays , & qu'en
général les Congos y vivent de manioc , & encore plus de bananes , qu'ils
aiment tellement, qu'on les caraftérife en difant : Congo mangé banane , ( Congo
mangeur de bananes). D'ailleurs excellens mimes , ayant toujours le rire fur la
figure , ils font précieux dans un atelier où ils appelent la gaieté , qui ne conver-
,tit pas toujours le travail en délaffement, mais qui retarde du moins la fatigue
qui marche à fa fuite. Peut-être auffi, que dans un pays oij les mœurs n'ont
pas une pureté exemplaire , le penchant des négreffes Congos pour le libertinage
a-t-il augmenté celui qu'on a pour elles.
Il y a beaucoup de Congos qui ont des idées de catholicité , notamment ceux
de la rivière du Zaïre. Elles leur font venues des Portugais , mais elles n'onC
pas banni celles du mahométifme & de l'idolâtrie ; de manière que leur religion
forme un affemblage alfez monftrueux. On peut leur reprocher d'être un peu
enclins à la fuite.
Tous ces traits du caractère des Congos les rend abfolument diffembkbles
d'avec les Moufombés & les Mondongues , leurs voifins. Jamais on n'eut un
caraftêre plus hideux que celui de ces derniers , dont la dépravadon eft parvenue
au plus exécrable des excès , celui de manger leurs femblables. On amène auffi
à Saint-Domingue de ces bouchers de chair humaine , ( car chez eux il y a des
boucheries où l'on débite des efclaves comme des veaux), & ils y font, comme
en Afrique , l'horreur des autres nègres , & notamment des Congos , qui , à
caufe du voifinage , font le plus expofés à leur cruauté. On les reconnaît à leurs
dents incifives , toute fciées en autant de canines aiguës & déchirantes. On a eu à
Saint-Domingue des preuves que des Mondongues y avaient gardé leur odieufc
inchnation, notamment en 1786, dans une négreffe accoucheufe & horpitalièrc
fur une habitadon des environs de Jérémie. Le propriétaire ayant remarqué que
la plupart des négrillons périmaient dans les huit premiers jours de leur naiflance ,
fit épier la matrone j on lafurprit mangeant un de ces enfant récemment inhumé;,
& elle avoua qu'elle les faifait périr dans ce delTcin.
Tcme L E
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H
34
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Li
Les Mondongues paraiffent néannioins affez fcnfibles aux reproches des autres
nègres , pour qu'on croye qu'ils fentent eux-mêmes l'horreur de leur penchant
féroce. Oa fait d'ailleurs que les Congés tâchent de les avoir jeunes , & qu'ils
les gardent parmi eux , pour leur ôter les principes qu'ils peuvent avoir fucé
dans leur pays. Mais quant à un goût honteux que les femmes furtout rappellent
avec amertune aux Mondongues, on prétend que ni au Congo ni dans la Colonie,
en ne réuffit pas toujours à le leur faire perdre.
On ne voit , point à Saint-Domingue , d'Africains venus du relie de la côte
Occidentale de l'Afrique , qui va fe terminer au Cap de Bonne- Efpérance. La
Côte d'Angole eft dans cette partie , la borne de la traite pour les Colonies
françaifes d-l'Amérique ; car celle du royaume de Benguèle eft aux Portugais.
On y a cepen.iant vu quelques nègres du Monomotiipa & de Madagaftar,
mais on les devoit à des circonftances fortuites, & ce n'eft que depuis quelques
années, que la côte Septentrionale de l'Afrique a augmenté les cultivateurs de
Saint-Domingue, de quelques nègres Mozambique?.
On diftingue parmi eux , les Mozar^^iques proprement dits , les ^i/ci , les
^uiriam , les Montfiat , qui font les plus propres à la culture , & d'autres nègres
appelles auffi Mi;2:.?;;?%«^j , mais qui viennent de points plus avancés vers le
Cap de Bonne - Efpérance , & qu'on ne peut pas fe flatter de plier à la
fervitude. Les vrais Mozambiques font d'une nuance qui n'eft pas extremem^ent
noire, d'une taille plus avantageufe que celle des Congos, mais la dlfpropordon
de leurs bras avec leur corps, dénote affez les affeftions de poicrine auxquelles
ils font très-fujets. Fort doux , très-intelligens , ils ont les uns pour les autres
un attachement, qui les porte à fe rechercher , & toutes les démonftrations de
l'amitié accompagnent leur rencontre.
Déjà malheureux par une complexion faible , beaucoup d'entr'eux le {ont
encore par l'effet d'une pradque révoltante, ( dont d'autres Africains offrent
auffi quelquefois des preuves aux îles ), U qui leur enlève le titre d'homme
en leur laiffant la vie^ furtout lorfque viélimes involontaires de ce crime , qu'ils
cherchent conftamment à tenir fecret, ils fe l'entendent reprocher , eux qu'on ne
peut pas en confoler. On fait que l'Orient de la péninfulc d'Afrique fournit
par milliers des efclaves à l'Afie , où ils font deftinés à être eunuques , & l'on
affure mêm.e qu'elle envoyé de ces derniers en Aoiffinie & en Arabie.
Tels font les divers habitans de l'Afrique réunis à Saint-Domingue ^ qui
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 35
devient déforiTiais leur patrie, & où ils prennent une manière d'être, oui ne
peut ni refîembler à celle qu'ils avaient dans les lieux de leur origine, ni en
.différer abfolument.
Il y a bien des endroits de la Colonie , oii la nomenclature que j'ai donnée
cil plus nombreufe ; mais cette difrérence ne vient que de ce que des nègres
interrogés fur le lieu de leur naifîance , en citent le canton qu'on transforme en
royaume , comme fi l'on diflinguait un Havrais d'un Normand & d'un Français.
Les Africains devenus habitans de Saint-Domingue , y refient en vénérai
indolens & parefTeux , querelleurs , bavards , menteurs & adonnés au larcin.
Toujours livrés à la plus abfurde fuperflition , il n'eft rien qui ne les efîraye
plus ou moins. Incapables de clafTer dans leur efprit les idées religieufes , ils font
confiller toute leur croyance dans les démonftrations extérieures. S'ils vont aux
éghfes , ils y marmotent quelques prières qu'ils favent mal , ou bien ils y
dorment. Ils ont cependant leurs dévots & furtout leurs dévotes , dont les
grimaces feraient même envie à certaines dévotes européennes , qui ne feraient
pas toujours capables de leur apprendre quelque chofe en hypocrifie.
Comme les nègres Créols prétendent , à caufe du baptême qu'ils ont reçu ,
à une grande fupériorité fur tous les nègres arrivant d'Afrique , & qu'on défigne
fous le nom de Bojals , employé dans toute l'Amérique efpagnole ; les Africains
qu'on apoflrophe en les appellant Chevaux , font très-empreffés à fe faire
baptifer. A certaines époques telles que celles du Samedi Saint & du Samedi
xle la Pentecôte , oij l'on baptife les adultes , les nègres fe rendent à l'églife ,
& trop fouvent fans aucune préparation , & fans autre foin que de s'affurer d'un
-parrain & d'une marraine, qu'on leur indique quelquefois à l'inllant, ils reçoivent
le premier facrement du Chrétien , & fe garantiffent ainfi de l'injure adreffée
aux non-baptifésj quoique les nègres Créols les appellent toujours baptifés debout.
- Le refpea des nègres pour leur parrain & leur marraine eft pouffé fi loin , qu'il
.l'emporte fur celui qu'ils ont pour leur père & pour leur mère. Jurer la marraine
d'un nègre , c'eft lui faire l'injure la plus fanglante , & on les entend après de
longues querelles, dont le trait capital qui paraît venir du royaume d'Angole ,
.eft d'adreffer à la partie qui caraftérife le fexe de la mère & de la marraine,
<ies injures fouvent extraordinaires par leur bifarrerie, s'écrier: il m'a infulté »
mais il n'a pas cfé jurer ma marraine. Cet afcendant eft même un objet qui doit
fixer l'attention des maîtres -, car fur une habitation , par exemple , il n'eft pas
E 2
m
36 DESCRIPTION DE LA PARTIE
rare qu'un nègre abufant du titre de parrain , fe faffe fervir par un nouvel arrivé ,
& augmente ainfi le travail de ce dernier , d'une manière fouvent nuifible pour
fa fanté, f)arce qu'il n'ell pas encore acclimaté. Les nègres s'appellent entre eux
frères Sz/a'/os , lorfqu'ils ont en commun un parrain ou une marraine.
Les nègres croyent à Tintlaence malheureufe de certains jours ; par exemple ,
du vendredi, & s'abftiennent alors de rien entreprendre de ce qu'ils croyent
important. Si un nègre fe choque le pied droit, il eft content , c'eft le
bon pied ; mais fi c'eft le gauchp , cela le trouble. Si même il s'eft heurté
de ce pied concre quelqu'un , il faut qu'on lui donne un petit coup du pied
droit : il appelle cela lui rendre fon pied. Mais ce qui l'irrite , c'eft de voir
paiTer un balai fur quelques parties de fon corps; il dem.ande auffitôt fi on
le croie more & demeure convaincu que cela abrèo-e fa vie.
Les nègres croyent à la magie & l'empire de leurs fétiches les fuît au-
delà des mers. Plus les contes font abfurdes plus ils les féduifent. De petites
figures groffières , de bois ou de pierre , repréfentant des hommes ou des
animaux , font pour eux autant d'auteurs de chofes furnaturelles & qu'ils appellent
garde-corps. Il eft un grand nombre de nègres qui acquièrent un pouvoir
abfolu fur les autres par ce moyen & qui fe fervent de leur crédulité pour
avoir de l'argent, de la puiiTance & des jouiffances de tous les genres, même
celles que la crainte ne devrait pas favoir ravir à l'amour.
On fera moins étonné de cette efpèce d'affervifTement fi l'on confidère que
parmi les Africains tranfporcés en Amérique , il y en a peut-être un quart
qui ont été vendus d'après un jugement de leur compatriotes qui les a dé-
claré forciers. Heureufe la partie du monde oh. on les envoyé pour expier
ce crime , fi celui d'empoifonnement qui donne auffi lieu à un grand nombre
de jugemens de déportation était auffi imaginaire que l'autre ! Ce n'eft pas
que ces monftres qui mettent leurs foins à faire périr leurs femblables foient
auffi communs aux Colonies qu'on l'a crû pendant long-tems , & qu'on
doive leur attribuer tous les m.aux produits par des caufes très-phyfiques &
dépendantes du climat. Mais il eft malheureufe ment trop certain que de vieux
Africains profelTent à Saint-D'omingue l'art odieux d'empoifonner; je dis pro-
fcfîent, car il en eft qui y ont une école où là haine & la vengeance envoyent
plus d'un difciplc.
Chez les nègres 3 comme chez tous les peuples nan-civilifés , les geftes
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. j;
font très-multipliés & ils forment une partie intrinsèque du langage. Ils aiment
furtout à exprimer les fons imitatifs. Parlent-ils d'un coup de canon ? Ils
ajoutent boume -, un coup de fuCû , poum ; un fovfRtt , pimme ; un coup de pied
ou de bâton bimme -, des coups de fouet, v'iap v'iap. Eft-on tombé léo-èrement ?
c'efl: bap ; fort , c'cft boum ; en dégringolant , blou coutoum -, & toutes les fois
qu'on veut rendre un fon augmentatif, on le répète kùi , loin , loin, loin, qui
exprime une grande diftance.
Les nègres aiment les proverbes & les fentences. Ils en ont même de très-
moraux. Après une faute , on dit communément en fe repentant : Ah ! fif avais
Ju\ Les nègres en ont tiré ce proverbe: Si mon tè conné ! pas jamais douvan ^
U toujours derrière , pour marquer qu'on ne réfléchit que lorfqu'il n'en efl:
plus tems.
Tous les Africains font polygames à Saint-Domingue & jaloux. Les mariao-es
y font extrêmement rares entr'eux , & les maîtres les plus religieux font pref-
qu'obligés de renoncer à les porter à cette union qui n'eft qu'un fujet de
fcandale. L'influence de leurs mceurs primitives & la difproportion même
du nombre des femmes comparé à celui des hommes , dont les premières
ne forment guéres qu'une moitié , font des caufes très-naturelles de cette plura-
rite que le climat favorife encore.
Les nègres maltraitent violemment les négreffes qui les trompent ou qu'ils
foupçonnent de les avoir trompés , & il en efl: parmi celles-ci que ces mauvais
traitemens attachent encore , lors mêmes qu'ils ne les dégoûtent pas d'être
infidèles. Les négreflTes ont auffî leurs accès de jaloufie , mais ils font tou-
jours relatifs à leurs forces , parce qu'elles redoutent d'irriter celui qu'elles
accablent de reproches. Malheur à lui cependant fi fon amante efl: vigoureufe,
car il doit craindre alors quelque chofe de plus que la menace.
Cependant , en général , les Africaines accoutumées à des maris polygames ,
n'ont pas une jaloufie furieufe > & il eft même afîbz commun d'en voir plu-
fieurs qui viyent dans une forte d'harmonie quoiqu'elles aiment le même objet.
Elles; fe nomment alors entr'elles matelotes ; mot tiré d'un ancien ufage des
Flibufl:iers qui formaient des fociétés dont les membres s'appellaient^ réci-
proquement matelot. Parmi ces femmes , comme parmi toutes les autres,
il y a une efpèce de ligue contre les hommes, & fans s'aimer, fans pref-
que fe connaître , elles font volontiers officieufes l'une pour l'autre dès qu'il
3S DESCRIPTION DE LA PARTIE
s'agit de rendre un amant dupe. On ne faurait même croire jufqu'à quel
point les deux fexes aiment à fe charger du rôle qui prépare la féduflion.
Un caractère très-diftinftif des négreffcs nées en Afrique , c'efl leur pen-
chant invincible pour les nègres. Ni leurs habitudes avec les S'a-^ ^ ni
les avantages qu'elles y trouvent , & au nombre defquels l'afFranchifTement fe
rencontre fouvent, pour elles ou pour leurs enfans, ni la crainte d'un châàment
que l'orgueil & h jaloufie peuvent rendre extrêmement févère , ne ioat ca-
pables de ics retenir. Elles combattent plus ou moins long-tems , ou cachent
plus ou moins heureuiemenc cette inclination qui finit toujours par l'emporter ;
& l'on en a la preuve dans le choix public qu'elles font toujours d'un nègre
lorfqu'un événement quelo-que , en les rendant à elles-mêmes, détruit leurs
rapports avec des Blancs. L'analogie des penfées , celle du langage, l'égalité
parflùte , la familiarité qui en réfulte & qui n'eft pas le moindre charme
de l'amour , font uns doute les principales caufes de cette tendance que fortifie
l'éducation primitive. Peut-être auffi (& j'ai entendu plufieurs négreffes l'avouer)
l'avantage que la nature , ou l'ulage du vin de palme a donné aux nègres
fur les autres hommes dans ce qui conftitue l'agent phyfique de l'amour ,
a-t-elle une grande influence dans ce choix pour lequel le Blanc n'efl qu'un
ehétif concurrent.
Ce qui a cependant de la peine à s'accorder avec les faits que je viens
de rapporter , c'eft d'amour-propre que les négreffes Africaines mettent à
être réputées créoles. Les nègres de leur côté ne font pas exempts de ce défir :
tous aiment à être au moins confidérés comme venus en bas âge dans la
Colonie. C'eft une fuite de cet amour-propre qui les engage à refufer de
fervir d'interprètes à ceux de leur nation qui arrivent , fous le prétexte qu'ils
ont oublié leur langue ; & comme il faut des inconféquences à l'homme de
tous les pays , les Africains gardent machinalement l'habitude de s'appeller
entr'eux hâtïmens lorfqu'ils ont été tranfportés dans le même navire , ce qui
les décèle.
Un amour-propre d'un autre genre eft caufe qu'ils refufent affez obftiné-
ment de donner des détails fur les moeurs de leur pays , parce qu'on ne leur
diffimule pas affez combien on les trouve ridicules. Il n'y a guères que ceux
venus déjà vieux qui s'en entretiennent quelquefois ou qui en parlent aux
enfans blancs. C'eft ainfi qu'on fait qu'ils adorent toutj les mont.ignes ^ les
arbres, les mxDuches à miel, les caymans, &c. &c.
•%
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 39
Il y a trop d'analogie, même de reflèmblance , entre les productions natu-
relles de l'Afrique & celles de Saint-Domingue pour que la vue de celles-
ci faffe éprouver aux nègres un grand éconnement lorfqu'ils débarquent. Mais
prefque tous les objets d'art les frappent. Parmi ceux-ci ce qui les furprend
le plus c'eft la réflexion produite par une glace. Le nègre s'y contemple
il palpe le verre , il court vite par derrière , pour y faifir un fécond lui-
même. Convaincu de l'inutilité de cette tentative répétée , il fait mille fmge-
ries , mille grimaces & prend toutes les attitudes pour jouir d'une imitation
dont rien ne peut lui expliquer. Une montre produit d'autres fenfations
qui l'intéreffent encore j il croit au premier inftant qu'un animal eit la caufe
du mouvement.
Il eft des nègres à qui le vin caufe une vive horreur , la première fois qu'on
leur en préfente. Comme c'eft d'ordinaire du vin de Bordeaux ou de Provence ,
qui cft d'un rouge foncé , il le prend pour du fang , & ce liquide réveille les
idées de crainte qu'il a eues en fe voyant tranfporté dans un navire , par des
Blancs. Mais rien n'efl moins durable que cette impreffion de la liqueur bachique»
à laquelle ils finiflfent toujours par reprocher de n'être pas affez piquante pour
leur palais ,& ils lui préfèrent bientôt le tafia, qu'ils aiment fouvent jufqu'à
l'excès.
Comme ce qui me refte à dire des nègres d'Afrique fe rapporte également aux
nègres Créols , il eft naturel que j'entretienne d'abord le Leéleur de ce qui elt
pardculier à ces derniers.
\
Des Efdaves Créols.
Les nègres Créols naiflent avec des qualités phyfiques & morales , qui leur
donnent un droit réel à la fupériorité fur ceux qu'on a tranfportés d'Afrique;
& ce fait qu'ici la domefticité a embelli l'efpèce , en appuyant une vérité de
l'Hiftorien fublime de la nature , pourrait peut-être fournir matière à douter par
rapport aux excès qu'on a reproché au defpotifme des maîtres.
Il eft aifé de fentir cependant ,, que les qualités du nègre Créol ont elles-mêmes
des degrés de comparaifon , parce que le produit de -deux nègres Créols , pas-
exemple , a de l'avantage fur celui de deux nègres Bambaras, U ainfi des autres
40 DESCRIPTION DE LA PARTIE
combinaifons & du croifement de peuples difFérens ; & cette dernière raifon efl
peut-être même , une des plus influentes. A l'intelligence , le nègre Créol
réunit la grâce dans les formes , la fouplefle dans les mouvemens , l'agrément
dans la figure , & un langage plus doux & privé de tous les accens que les
nègres Africains y mêlent. Accoutumés , dès leur naifîance , aux chofes qui
annoncent le génie de l'homme , leur efprit efl moins obtus que celui de
l'Africain qui , quelquefois par exemple , ne fait pas difcerner les iubdivifions de
la monnoie ; de manière qu'il veut obftinément la pièce qu'on lui a dit d'exiger ,
ou il refufe de vendre. Il n'eft aucun objet pour lequel on ne préfère les
nègres Créols , & leur valeur eft toujours , toutes chofes égales d'ailleurs , d'un
quart, au moins, au-defîus de celle des Africains. Une prédileftion affez générale,
fait préférer les nègres Créols pour les détails domeftiques , & pour les
diôercns métiers. Il eft affez fimple , qu'étant élevés avec des Blancs , ou fous
leurs yeux , ces derniers fe les attachent d'une manière plus immédiate, & qu'on
leur deftine des foins moins pénibles , & une vie qui a aufTi plus de douceurs ,
notamment celle d'une nourriture plus agréable & plus facile.
Le développement dans les enfans nègres , eft communément plus rapide
chez les Créols , que chez ceux qui Ibnt conduits d'Afrique en très-bas âo-e ,
fans douce parce que la nature fouifre toujours une révolution pour les acclimater.
Les jeunes négreffes Créoles font auffi plutôt pubères , que les jeunes Africaines.
Il me femble qu'on peut attribuer cette dernière différence , à la précocité
des jouiffances qui troublent l'ordre phyfique & pervertiffent l'ordre moral ,
- & auxquels la négrite Créole a plus d'occafions de fe livrer, C'eft furtout dans
les villes , que la corruption des mœurs offre de fréquens exemples de femmes
qui n'ont pas été enfans affez long-tems. J'affligerais encore , fans ceffer d'être
vrai, fi j'ajoutais que cette fatale anticipation eft quelquefois le réfultat d'un
calcul dont le profit eft pour les mères , que la feule idée de ce trafic devrait
révolter j d'autant qu'elles favent qu'une négreffe , dans quelque lieu qu'elle foit
née 5 refte toute fa vie dans une efpèce de dépendance de l'homme qui moiffonna
la plus précieufe de toutes les fleurs , lors même qu'elle ne l'aime plus , & ce
qui eft plus étrange encore , lors même qu'elle ne l'a jamais aimé. On n'a pas
afîèz réfléchi , que l'une des caufes qui doit s'oppofer le plus à la reproduélion
des nègres, ce font les maternités hâtives, ou les abus qui retardent l'époque
de la maternité..
Les
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 41
■ Les négrefîes accouchent avec une grande facilité , & à peine les douleurs les
avertiffent-elles aflez tôt, pour qu'elles puiflent s'y difpofer. Il eft même
aflfez fingulier, de voir une négreffe revenir du travail, chargée d'une
pierre , fous le poids de laquelle fes mufcles fe gonflent , & qui fe preffe autant
qu'elle le peut , avec ce fardeau volontaire , pour gagner le lieu où elle
doit accoucher , perfuadée que fans cette compreflion , elle n'aurait pas le tems
d'arriver.
On ne s'occupe malheureufement pas affez, d'avoir des fages femmes inftruites;
& je ne puis m'empêcher de dénoncer ici à l'humanité & à la raifon , l'ufagc
où font pkifieurs d'entr'elles , d'épuifer en efforts pénibles & quelquefois dano-e-
reux , les forces de celle qui va accoucher, fous l'abfurde prétexte de l'aider,
& comme elles le difent elles-mêmes , de lui faire Jervir fes douleurs. On voit
des Blanches qui partagent cette erreur, & qui pouffent l'ineptie jufqu'à frapper
violemment la malheureufe que les fouffrances accablent , afin que l'excès
même de ces fouffrances devienne un fecours. Je me fuis demandé pourquoi
les apologifles de ce remède bifarre , ne fe le faifaient pas adminiftrer.
On ne peut donner affez de louanges aux fentimens que l'amour maternel a
placé dans le cœur des négreffes. Jamais les enfans , ces faibles créatures,
n'eurent de foins plus aîTidus -, & cette efclave qui trouve le tems de baigner
chaque foir fes enfans & de leur donner du linge blanc , efl un être refpeftable.
Elles nourriffcnt long-tems , & même fi l'on ne leur impofait pas l'obligation du
fevrage , elles prolongeraient encore ce terme. Il y a d'autant plus de mérite dans
la durée de l'allaitement, que les mères nourrices paffent pour très-exaftes à
éviter alors tout commerce fufpeA , fi l'on en excepte avec le père de l'enfant ,
qu'un préjugé univerfel dit qu'on peut ne pas comprendre dans le fcrupulc
général.
C'efl à l'orgueil de la maternité, que la plupart des négreffes facrifient l'un
des charmes les plus féduiians de la beauté , celui d'une jolie gorge. Elles
affeébent de l'aplatir pour qu'on les traite en mères j & il efl affez fingulier
de voir des femmes occupées de perdre des appas , qu'on cherche tant 1
conferver ailleurs. Il efl donc peu commun de voir des négreffes avec un beau
fein ; quoiqu'il foit ridicule de croire , du moins à l'égard de celles qui font en
Amérique , à ces tétons qu'elles jettent , dit-on , par-deflTus leurs épaules , à deg
enfans qui ne favcnt comment faifir ces monftrueux vafes à Uir.
Tome I. F
iiii— iln-lurfVtftl'
DESCRIPTION D
LA PARTIE
Une autre preuve du prix que les négrefles attachent à la maternité , c'eft
i'ufage où font plufieurs d'entr'elles de fe faire défigner par le nom de mère de
leur fils aîné ; ainfi une négreffe dont le fils s'appeleraiî Louis , ferait nommée
Man-Lcuis ; ce genre de vanité peut bien en valoir d'aitres.
Quel dommage que des idées d'incontinence , & quelquefois des idées
chagrines , portent des mères à ravir l'exiftence à leur fruit , avant même qu'il
ait vu le jour ! Je trahirais la vérité , fi je taifais que cet outrage fait à la nature
efi: même affez commun parmi les négreffes des villes ou ne leurs environs,
& que réuni au mal de mâchoire ou tétanos , que la haine & la jaloufie favent
muldplipr, il détruit un grand nombre d'êtres. Ces avortemens , & ce oue j'ai
dit de l'inexpérience des accoucheufes , expliquent aflfez pourquoi il eft tant
de négrefTcs fujettes aux mialadies hyftériques , que de vieilles matrones favent
encore aggraver , en fe faifant guéri fleufes du -mal de mère.
C'eft d'ailleurs une manie générale de tous les nègres , d'aimer à fe droguer.
Il ell même reçu parmi eux , qu'un médecin eft fans talens lorfqu'il ne donne
pas beaucoup de rem.èdes. Auffi , en reçoivent - ils de plufieurs mains , ainii
que de la nourriture ; parce que , félon eux , la médecine des Blancs fait
périr le plus grand nombre des malades par la diète.
En fanté , le nègre peut mériter la qualité de fobre , quoiqu'il fe m»ontre
gourmand & même goulu , dans les occaficns où il trouve à manger avec
profufion. Content de peu dans fa vie comm,une , il eft peut-être de tous \ts>
homm.es celui qui confomme le moins d'alimens, furtout comparativement à
fon travail. Nourri de caffave , de racines peu fucculeiites ou de grains qui
femblent plus pefans que nutritifs , il recherche avec avidité les viandes & le
poifiTon falé \ d'abord parce qu'ils corrigent l'infîpidité de fes autres alimens , que
le piment combat encore, & parce qu'en les mangeant fouvent crus, du moins
le poiffon , il économife encore les inflans dont il a la difpcfition.
Le nègre n'a d'autre règle pour manger , que fon appétit. Afiêz ordinairement
il ne fait que deux repas, l'un vers dix ou onze heures du madn , & l'autre
vers cinq heures du foir. Il aime à réunir plufieurs mets dans le même plat,
& même dans chaque bouchée. Un couïs , ( demi-calebaffe ), une affiette s'il
eft plus opulent , contient tout ce qui doit faire fon repas , & il n'a d'autre
couteau , d'autre cuilliére , d'autre fourchette, que fes doigts & fes dents. \]n
grand plaifir pour lui , c'eft de caufer en mangeant , & s'il fe trouve plufieuïs
m-
bSiw
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 43
nègres enfemble , chacun à fon afllette , ou bien chacun puife à fon tour dans un
piat commun. C'eft le moment des contes , qu'interrompent de grands éclats de
rire. La faillie, l'épigramme , carie nègre eft railleur, animent les convives
& l'hyperbole eft admife pourvu qu'elle amufe. Quand on a fini de manger ,
chacun boit un énorme coup d'eau, It feul de tout le repas. Ce n'eft pas que
les nègres, même Créols, n'aiment le tafia, mais c'eft le plus petit nombre, & les
ivrognes font bien plus rares parmi eux , que chez la portion du peuple d'Europe
privée d'éducation.
Dès qu'on a fini de manger, on fe lave les mains & furtout la bouche, avec
un foin extrême ; ce font principalement les négreffes , qui le prennent exafte-
ment. Il eft même affez commun de leur voir un petit morceau de bois , un
bout d'une liane favoneufe , qu'elles mâchent d'abord pour en former une efpèce
de broffe , & qui leur fert à frotter , plufieurs fois dans le jour des dents qui ne
font cependant pas toujours aufîl faines que blanches, furtout celles des négreffes
créoles. -
Cela conduit à dire que la propreté eft un des caractères des nègres &
fmguliêrement des femmes. Elles recherchent l'eau fans ceffe , & lors même
qu'elles font réduites à n'av-oir que des vêtemens mal-propres , leur corps
eft fréquemment plongé dans le bain d'une eau vive & courante ; à moins
qu'elles ne foient forcées de fe contenter de l'eau pluviale qu'elles ont recueil-
lies ou que des puits leur donnent. Cette habitude fi heureufe dans un climat
chaud , contribue encore à augmenter la fraîcheur de leur peau qu'on fait
être comparativement plus grande que celle des femmes des climats froids.
Auffi les Turcs qui méritent qu'on les regarde comme de bons juges en ce
genre, préfcrent-ils ( fcîon Bruce ), dans la faifon brûlante, l'Éthiopienne au
teint de jais à l'éclatante CircafTîenne. C'eft encore par propreté que les négreffes
s'impofent certaines abftinences périodiques , & il ferait défirablc qu'elles vou-
luffent auffi fe priver alors de leurs bains froids qui deviennent un principe
d'obftruftion & d'autres accidens caufés par la répercuffion,
Puifque je parle d'abftinence je ne puis en taire une dont le motif eft la
crainte bifarre d'un châtiment qui doit , félon les nègres , affimiler un inftant
à l'efpcce canine ceux qui ofent facrifier à l'amour durant toute la Semaine
Sainte. Il m'a été impoffible de remonter à l'origine d'une pareille opinion ,
& j'ai feulement vu plufieurs fois une foule de nègres prodiguant dans les
E 2
44
DESCRIPTION DE LA PARTIE
rues des huées à des individus que l'on prétendait avoir trouvés fubifîant la
punition ; mais aufli i'efFroi s'évanouit-il à l'inftânt ou l'horloge fait commencer
le jour de Pâques.
Les nègres aiment le tabac en poudre avec une forte de fureur & ceux
d'Afrique y réunifient l'habitude de fumer que les femmes partagent. Le jeu
eft encore une de leurs paffions & le jeu de hafard , c'eft-à-dire avec des
dez , ou avec trois des petites coquilles des Maldives appellées coris & dont
il faut pour gagner , que deux au moins foient tournées du même
côté. Il eft peu de nègres qi:i entendent quelque chofe aux jeux de cartes,
fi ce n^ell à ceux d'une extrême fimplicité. Ils aiment aufTi les paris & ils.
en ont une occafion dans les combats des coqs qu'ils élèvent avec ce deffein.
Mais ce qui ravit les nègres, foit qu'ils aient reçu le jour en Afrique,
:&it que l'Amérique ait été leur berceau, c'eft la danfe. H n'eil point de
fatigue qui puiffe les faire renoncer à aller à de très-grandes diftances , &
quelquefois même pendant la durée de la nuit , pour fatisfaire cette paffion.
La danfe nègre eft venue avec ceux d'Afrique à Saint-Domingue, & pour
cette ralfon même elle eft commune à ceux qui font nés dans la Colonie
& qui la pratiquent prefque en naiflant : on l'y appelle Calenda.
Pour danfer le Calenda , les nègres ont deux tambours faits , quand ils
le peuvent , avec des morceaux de bois creux d*une feule pièce. L'un des
bouts eft ouvert, & l'on étend fur l'autre une peau de mouton ou de chèvre.
Le plus court de ces tambours eft nommé Bamhoula , attendu qu'il eft formé
quelquefois d'un très-gros bambou. Sur chaque tambour eft un nègre à cali-
fourchon qui le frappe du poignet & des doigts , mais avec lenteur fur
l'un & rapidement fur l'autre. A ce fon monotone & fourd fe marie celui
d'un nombre , plus ou moins grand , de petites calebaffes à demi remplies de
cailloux ou de graines de maïs & que l'on fecoue en les frappsjit même
fur l'une des mains au moyen d'un long manche qui les traverfe. Quand on
veut rendre l'orcheftre plus complet on y aflbcie le Banza , efpéce de violori
groffier à quatre cordes que l'on pince. Les négreffes difpofées en rond règlent
la mefure avec leurs battemens de mains & elles répondent en chœur à une
ou deux chanteufes dont la voix perçante répète ou improvife des chanfons ;
car les nègres pofsèdent le talent d'improvifer & c'eft lui furtout qui fert à
montrer tout leur penchant pour la raillerie.
BOI
i*^
. I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 4^
Des danfeurs & des danfeufes , toujours en nombre pair , vont au milieu du
cercle ( qui eil formé dans un terrain uni & en plein air ) & f e mettent
à danfer. Chacun afFefte une danfeufe pour figurer devant elle. Cette danfe
que l'on voit gravée dans mon Atlas & qui offre peu de variété , confifte
dans un pas oij chaque pied eft tendu & retiré fucceflivement en frappant
avec précipitation , tantôt de la pointe & tantôt du talon fur la terre , d'une
manière affez analogue au pas de VAnglaife. Le danfeur tourne fur foi-même
ou autour de fa danfeufe qui tourne auffi & change de place en agitant les
deux bouts d'un mouchoir qu'elle tient. Le danfeur abaiffe & lève alter-
nativement fes bras en gardant les coudes près du corps & le poing prefquc
fermé. Cette danfe à laquelle le jeu des yeux n'eft rien moins qu'étrano-er
eft vive & animée , & une mefure exaftc lui prête des grâces réelles. Les
danfeurs fe fuccèdent àl'envi, & il faut fouvent qu'on faffe ceffer le bal
que les nègres n'abandonnent jamais qu'à regret.
Une autre danfe nègre , à Saint-Domingue , qui eft auffi d'origine Africaine
c'eft le Chica , nommé fimplement Calenda aux Iles du Vent , Congo à Cayenne ,
Fandangue en Efpagne &c. Cette danfe a un air qui lui eft fpécialement
confacré & oià la mefure eft fortement marquée. Le talent pour la danfeufe
eft dans la perfection avec laquelle elle peut faire mouvoir fcs hanches & la
partie inférieure de fes reins en confervant tout le refte du corps dans une
efpèce d'immobilité que ne lui fait même pas perdre les faibles agitations de
fes bras qui balancent les deux extrémités d'un mouchoir ou de fon juoon.
Un danfeur s'approche d'elle , s'élance tout-à-coup > & tombe en mefure
prefqu'à la toucher. Il recule, il s'élance encore & la provoque à la lutte
la plus féduifante. La danfe s'anime & bientôt elle offre un tableau dont
tous les traits d'abord voluptueux , deviennent enfuite lafcifs. Il ferait impof-
fible de peindre le Chica avec fon véritable caraftère , & je me bornerai à
dire que l'impreffion qu'il caufe eft fi puiffante que l'Africain ou le Créol,
de n'importe quelle nuance , qui le verrait danfer fans émotion pafferait pour
avok perdu jufqu'aux dernières étincelles de la fenfibilité.
Le Calenda & le Chica ne font pas les feules danfes venues d'Afrique
dans la Colonie. Il en eft une autre que l'on y connaît depuis long-tems ,
principalement dans la partie Occidentale , & qui porte le nom de Vaudoux.
M
w-
46 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Mais ce n'eft pas feulement comme une danfe que le Vaudoux mérite d'être
confîdéré , ou du moins il eft accompagné de circonftances qui lui affignent
un rang parmi les ioftitutions où la iuperfticion & des pratiques bifarres ont
une grande part.
Selon les nègres Aradas , qui font les véritables feftateurs du Vaudoux dans
la Colonie , & qui en maindennent les principes & les règles , Vaudoux fignifie
tin être tout-puilTant & furnaturel , dont dépendent tous les événemens qui fe
paffent fur ce globe. Or , cet être c'efr le ferpent non venimeux, ou une efpéce
de couleuvre , & c'eft fous fes aufpices que fe raflemblent tous ceux qui
profeffent la même doc1;rine. Connaifîance du pafle , fcience du préfent , pref-
cience de l'avenir, tout appartient à cette couleuvre , qui ne confent néanmoins
à communiquer fon pouvoir , & à prefcrire fes volontés , que par l'organe d'un
grand-prêtre que les fedateurs choififlent, & plus encore par celui de la négreiTe,
que l'amour de ce dernier a élevé au rang de grandc-prêtreffe.
Ces deux miniftres qui fe difent infpirés par le Dieu , ou dans lefqucls le don
de cette infpiration s'eft réellement manifefté pour les adeptes , poitent les noms
pompeux de Roi & de Reine , ou celui defpotique de maître & de maîtrefîè ,
ou enfin le ntre touchant de papa & de maman. Ils font , durant toute leur vie
les chefs de la grande famille du Vaudoux , & ils ont droit au refpect illimité
de ceux qui la compofent. Ce font eux qui déterminent fi la couleuvre a<^rée
l'admifTion d'un candidat dans la fociété j qui lui prefcrivcnt les oblic^ations ,
les devoirs qu'il doit remplir ; ce font eux qui reçoivent les dons & les préfens
que le Dieu attend comme un jufte hommage i leur défobéir , leur réfifler c'eft
réfifter au Dieu lui-même , c'eft s'expofer aux plus grands malheurs.
Ce fyftême de domination d'une part , & de foumiffion aveugle de l'autre
bien établi , on forme à des époques déterminées , des affemblées où préfidenc
le Roi & la Reine Vaudoux , d'après les ufages qu'ils peuvent avoir empruntés
tle l'Afrique , & auxquels les mœurs créoles ont ajouté plufieurs variantes &
des traits qui décèlent des idées européennes ; par exemple , l'écharpe ou la
riche ceinture que porte la Reine dans ces afTemblées , & qu'elle v varie
quelquefois.
La réunion pour le véritable Vaudoux , pour celui qui a le moins perdu de
la pureté primitive, n'a jamais lieu que fecrêtement, lorfque la nuit répanii
kSlM
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 47
Ton ombre , & dans un endroit fermé Se à l'abri de tout œil profane. Là
chaque initié met une paire de fandales , & place autour de fon corps un nombre
plus ou moins confidérable de mouchoirs rouges, ou de mouchoirs oij cette
nuance eft très-dominante. Le Roi Vaudoux a des mouchoirs pl-js beaux & en
plus grande quantité , & celui qui eft tout rouge & qui ceint fon front , eft
fon diadème. Un cordon communément bleu , achève de m.arquer fon éclatante
dignité.
La Reine vêtue avec un luxe fimple , montre aufTi fa prédilection pour h
couleur rouge , qui eft le plus fouvent celle de fon cordon ou de fa ceinture.
Le Roi & la Reine fe placent dans un des bouts de la pièce , & près
d'une efpèce d'autel , fur lequel eft une caiffe oij le ferpent eft confervé , &
où chaque affilié peut le voir à travers des barreaux.
Lorfqu'on a vérifié que nul curieux n'a pénétré dans l'enceinte , on commence
la cérémonie par l'adoration de la couleuvre , par des proteftations d'être fidèles
à Ton culte , &: fournis à tout ce qu'elle prefcrira. L'on renouvelle entre les
mains du Roi & de la Reine le ferment du fecret, qui eft la bafe de l'aflbciation,
& il eft accompagné de tout ce que le délire a pu imaginer de plus horrible ^
pour le rendi-e plus impofant.
Lorfque les feftateurs du Vaudoux font ainfi difpofés à recevoir les impreffions
que le Roi & la Reine femblent leur faire partager , ces derniers prenant le ton
afFedueux d'un père & d'une mère fenfibles , leur vantent le bonheur qui eft
l'appanage de quiconque eft dévoué au Vaudoux ; ils les exhortent à la confiance
en lui, & à lui en donner des preuves, en prenant fes confciis fur la conduite
qu'ils ont à tenir dans les circonftances intéreftantes.
Alors la foule s'écarte , & chacun félon qu'il en a befoin , & fdon l'ordre
de fon ancienneté dans la feéle , vient implorer le Vaudoux. La plupart lui
demande le talent de diriger l'efprit de leurs maîtres ; mais ce n'eft pas aiïez
l'un follicite de plus de l'argent, l'autre le don de plaire à une infenfible-
celui-ci veut rappeller une maîtrefîe_ infidèle ;, celui-là défire une prompte
guérifon , ou uhc exiftence prolongée. Après eux , une vieille vient conjurer
le Dieu de faire ceffer le mépris de celui dont elle voudrait captiver l'heureufe
adolefcence. Une jeune follicite d'éternelles amours , ou elle répète des vœux
que la haine lui difte comme une rivale préférée. Il n'eft pas une paffion 9m
^
48 DESCRIPTION DE LA PARTIE
ne profère un vœu, & le crime lui-même , ne déguife pas toujours ceux qui
ont Ton fuccès pour objet.
A chacune de ces invocations, le Roi Vaudous fe recueille j l'Efprit agitent
lui. Tout-à-coup il prend la boîte où eft la couleuvre , la place à terre & fait
monter fur elle la Reine Vaudoux. Dès que l'afile facré eft fous fes pieds,
nouvelle pythoniffe , elle eft pénétrée du Dieu , elle s'agite , tout fon corps
eft dans un état convulfif, & l'oracle parle par fa bouche. Tantôt elle flatte
& promet la félicité, tantôt elle tonne & éclate en reproches; & au gré de
fes défirs , de fon propre intérêt ou de fes caprices , elle difte comme des loix
fans appel , tout ce qu'il lui plaît de prefcrire , au nom de la couleuvre , à la
troupe imbécille , qui n'oppofe jamais le plus petit doute à la plus monftrueufe
abfurdité , & qui ne fait qu'obéir à ce qui lui eft defpotiquement prefcrit.
Après que toutes les queftions ont amené une réponfe quelconque de l'oracle,
■qui a aufTi fon ambiguïté , on fe forme en cercle , la couleuvre eft remlfe fur
l'autel. C'eft le moment oij on lui apporte un tribut, que chacun a tâché de
rendre plus digne d'elle , & que l'on met dans un chapeau recouvert , pour
qu'une curiofité jaloufe n'expofe perfonne à rougir. Le Roi & la Reine promettent
de les lui faire agréer. C'eft du profit de ces oblations , qu'on paye les dépenfes
de l'aiïemblée , qu'on procure des fecours aux membres abfens ou préfens ,
qui en ont befoin, ou de qui la fociété attend quelque chofe pour fa gloire ou
fon illuftration. On propofe des plans , on arrête des démarches, on prefcrit des
aftions que la Reine Vaudoux appuyé toujours de la volonté du Dieu , & qui
n'ont pas auflî conftammcnt le bon ordre & la tranquillité publique pour objet.
Un nouveau ferment , auffi exécrable que le premier , engage chacun à taire
ce qui s'eft paffé , à concourir à ce qui a- été conclu , & quelquefois un vafc
oîi eft le fang encore chaud d'une chèvre , va fceller fur les lèvres des affiftans ,
la promefle de fouffrir la mort plutôt que de rien révéler, & même de la donner
à quiconque oublierait qu'il s'eft auffi folemnellement liç.
Après cela , commence la danfe du Vaudoux.
S'il y a un récipiendaire , c'eft par fon admiffion qu'elle s'ouvre. Le Roi
Vaudoux trace un grand cercle avec une fubftance qui noircit , & y place celui
qui \eut être initié , & dans la main duquel il met un paquet compofé
d'herbes , de crins , de morceaux de corne & d'autres objets auffi dégoûta.is.
3Le
'•Il
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M I N G U E. 45
Le frappant cnfiiite légèrement à la tête avec une petite palette de bois il
entonne une chanfon africaine , (*) que répètent en chœur ceux qui environnent
le cercle j alors le récipiendaire fe met à fembler de à danfer; ce qui s'apoelle
monter Vaiidoux. Si par malheur l'excès de fon tranfport le fait fortir du cercle le
chant cefTe auffitôt , le Roi & la Reine Vaiidoux tournent le dos, pour écarter le
préfage. Le danfeur revient à lui , rentre dans le rond , s'agite de nouveau , boit , *
& arrive enia à des convulfions auxquelles le Roi Vaudoux ordonne de ceffer
en le frappant légèrement fur la tête de fa palette ou mouvette, ou même d'un
coup de nerf de bœuf s'il le juge à propos. Il eft conduit à l'autel pour jurer
& de ce moment, il appartient à la/e6te.
Le cérémonial fini , le Roi met la main ou le pied fur la boîte où eft la
couleuvre , & bientôt il eft ému. Cette impreffion , il la communique à la
Reine j & par elle la commotion gagne circulairement , & chacun éprouve
des mouvemens , dans lefquels la partie fupérieurc du corps , la tête & les
épaules femblent fe diCoquer. La Reine furtout, eft en proie aux plus violentes
agitations ; elle va de tems en tems chercher un nouveau charme auprès du
ferpent Vaudoux y elle agite fa boîte , & les grelots dont celle-ci eft garnie
faifant l'effet de ceux de la marotte de la folie , le délire va croiffant. Il eft-
encore augmenté par l'ufage des liqueurs fpiritueufes , que dans l'ivreffè de leur
imagination les adeptes n'épargnent pas , & qui l'entretient à fon tour. Les
défaillances , les pamoifons fuccèdent chez les uns , & une efpèce de fureur chez
les autres -, mais chez tous il y a un tremblement nerveux , qu'ils femblent ne
pouvoir pas maîtrifer. Ils tournent fans cefîe fjr eux-mêmes. Et tandis qu'il en
eft qui , dans cette efpêce de bachanale , déchirent leurs vêtemens & mordent
même leur chair; d'autres qui ne font que privés de l'ufac-e de leurs fens
& qui font tombés fur la place , font tranfportés , toujours en danfant .
(*) Eh ! eh ! Bomba, hen ! hen !
Canga bafio té
Canga moune dé lé
Canga do ki la
Canga li.
.,. Les deux premiers fons de la première ligne font prononcés très -ouverts , & les d;iix dernief
de la même ligne, ne font que des inflexions fpurdes.
Tome L Ci
M
^
"w^itm
HrT-"-^rr
i!9;
i'ii
?o
DESCRIPTION DE LA PARTIE
dans une pièce voifine , où une dégoûtante proflitution exerce quelquefois, da.:% ■
robfcurité , le plus hideux empire. Enfin , h laffitude termine ces fcènes
affligeantes pour la raifbn , mp.is au renouvelleLncnt defquelles on a eu p-rand foia
de fixer d'avance une époque.
Il eft très-naturel de croire que le Vaudoux doit Ton oi io-lne au cuire da
ferpent , auquel font particdicrernent livrés les habitans de Juida, qui le difen--
originaire du royaume d'Ardra , de la même Côte des Efclaves ; & quand on.
alujufqu'à quel point ces Africains poufTent la fuperftition pour cet a:iimaî-'
jl. eft aifé de la reconnaître dans ce- que je viens de rapporter (*).-
Ce qu'il y a de trè^-vrai , bc en même-tems de très-remarquable dans le
Vandûux , c 'eft cette efpèce de magnétifme qui porte- ceirx qui iont réunis, à
danfer jufqu'à la perte du fentiment. La prévention eft même fi forte à cet
égard, que des Blancs trouvés épiant les myftères de cette fefte, & touchés paj-
l'un de fes membres qui les avait découverts , fe font mis quelquefois à danfer r-
& ont confenti à payer la Reine Vaudoux , pour mettre fin à ce châtiment
Cependant, je ne puis mi'trepêcher d'obfervcr que jamais aucun homme ds"
la troupe de police qui a. juré la guerre au Faudcux , n'a fenti la puiiTance qiû.
force à danlcr , & qui aurait fans doute préfervé les danfeurs eux-mêmes de
la nécefiîté de prendre la fuite.
Sans doute pour aftaiblir les allanT:es que ce culte myftérieux du Vaudcux cauf*' -
dans la Colonie , on affecte de le danfer en public, au bruit des tambours 2x: avec
les battemens de mains j on le fait même fuivre d'un repas, -où l'on ne manç-e
que de la volaille. Maisj'affure que ce n'eft qu'un calcul de plus, pour échapper
à la vigilance des miagiftrats , & pour mieux afllirer le fuccès de ces conciliabules
ténébreux, qui ne font . pas un lieu d'amiufemiCnt & de plaifir , mais plutôt
une école où les âmes faibles vont fe- livrer à une domination ,. que mille
circonftancei peuvent rendre funefte.
On ne faurait croire, jufqu'à quel point s'étend la dépendance dans laquelle
les chefs du Vaudoux tiennent les autres membres de la {tztt. Il n'eft aucun de
ces derniers , qui ne préférât tout , aux malheurs dont il eft menacé , s'il -
ne va pas affiduement aux affemblées , s'il n'obéit pas aveuglement à ce que
(*) Les Indiens -Malabares adorent- auiS la codeuvre qu'ils appellent -A'^a/Z^ Pambon; c'eft-à-dite-j
Bonne CouUwvKe-
l*K
^'mmÊm
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE 5.1
Faudoux exige de lui. On en a vu que la frayeur avait aiïèz agités , pour leur
ôter l'ufage de la raifon , & qui , dans des accès de frénéfie , pouffaient des
.kurlemens, fuyaient l'afpeél dés hommes, & excitaient la pitié. En un mot',
rien n'eft plus dangereux fous tous les rapports que ce culte du Vaudoux , fondé
fur cette idée extravagante, mais dont on peut faire un arme bien terrible
que les miniftres de l'être qu'on a décoré de ce nom , favent & peuvent tout.
Qui croirait que le Vaudoux le cède encore à quelque chofe , qu'on a auffi
appelle du nom de danfe ! En 1768 , un nègre du Petit-Goave , efpagnol
d'origine, abufant de la crédulité des nègres, par des pratiques fuperfti-
tieufes , leur avait donné l'idée d'une danfe analogue à celle du Vaudoux , mais
cij les mouvemens font plus précipités. Pour lui faire produire encore plus
d'effet, les nègres mettent dans le tafia qu'ils boivent en danfant , de la poudre
à canon bien écrafée. On a vu cette danfe appellée Dan/e à Dom Pèdre , ou
fimpkment Von Pèdre , donner la mort à des nègres ; & les fpeélateurs eux-
mêmes, éledrlfés par le fpeélack de cet exercice convulfif , partagent l'ivreffe
des acleurs, & accélèrent par leur chant & une mefure preffée , une crife qui
leur eft , en quelque forte , commune. Il a fallu défendre de danfer Don Pedre
fous des peines graves , & quelquefois inefficaces.
Les nègres domeftiques , imitateurs des Blancs qu'ils aiment à finger , danfent
des menuets , des contredanfes , & c'eft un fpedtacle propre à dérider le vifage
le plus férieux , que celui d'un pareil bal , où la bifarrerie des ajuftemens
européens , prend un caradère quelquefois grotefque,
La jufteffe de l'oreille des nègres leur donne la première qualité du muficien
auffi en voit-on un grand nombre., qui font bons violons. C'eft l'inftrument
qu'ils préfèrent. Beaucoup cependant n'en jouent que par routine , c'eft-à-dire
qu'ils aprennent d'eux-mêmes, en imitant les fons d'un air, ou bien qu'ils font
cnfeignés par un nègre formé de la même manière, & qui ne leur défigne que
la pofition des cordes & celle des doigts , fans qu'il foit queftion de notes.
Par une habitude qu'ils acquièrent très-rapidement, ils favent , par exemple,,
que la valeur du Si eft fur la troifiême corde en y mettant le premier doigt ,
& en écoutant un air , ou en fe le rappellant mentalement , ils l'ont bientôt
appris. On fent cependant que cette méthode ne peut faire que des meneftriers ,
& ils ne cèdent à ceux de France ni par leurs fons bruyans , ni par le talent de
.boire copieufement , ni par celui de dormir fans ceffcr déjouer.
G 2 .
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pgyy
p-)
52 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Les ntgres s'exercent auiTi fur le Banza dont j'ai déjà parlé, & ib ont
de plus un inftrument compofé d'une planchette d'environ huit pouces de long ,
fur quatre ou cinq de large. On y fai: entrer , dans le fens de fa longueur , un
petit morceau de fil de fer ou de laiton , fous lequel paffent en travers plufieurs
bouts de rofeau ou de bambou extrêmement minces , d'inésales lono-ueurs .
avec une largeur prefqu'égale par-tout, & qui ji'excéde guères trois lignes. Le
nègre , tenant la planchette des deux mains , appuyé les ongles de Tes pouces lur
l'extrémité des bouts de rofeau , que le ni de laiton force ainfi à s'élever
& à réfonner. Ces fons criards bz monotones , ceux de la cr.ji-nbarde
des cymbales triangulaires & des échelettes , voilà ce qui complette la mufiaue
inftrumentale des nègres.
Ils fifflent à merveille , & c'efl: même une de leur grande manière de fe parler,
& de fe prévenir lorfqu'ils en ont befoin. C'efl principalement en amour , que
ce langage leur eft utile. Dans les lieux très-habités , on entend quelquefois
plufieurs perfonnes qui fiaient durant la nuit ou pendant la foiree , & c'eft
d'ordinaire un fignal qui eft du moins très-bien compris, s'il n'efl pas toujours
permis d'y répondre. Car à Saint-Domingue comme ailleurs , les ombres de
la nuit favorifent les amours , & par conféquent les amans. Le nègre qui
renferme dans fcs veines les feux d'un climat brûlant , va quelquefois à de
grandes diftances , porter des vœux à l'objet aimé. Il n'elt point d'obftacle
que fa paiïlon ne furmonte ; ni la fatigue de la veille, ni la crainte de celle
du lendemain , ni les chemins , ni les rivières débordées , rien ne l'arrête*
6c il eft des chanfons créoles qui peignent à merveille cette audace amoureufe.
Enfin elle triomphe d'une crainte bien puiiTante fur les efprits faibles , c'eft
celle des Reve-^at^s ; & ce nègre, courageux d'ailleurs , qui croit aux fpeétres
& aux loup-garoux , couit la nuit avec emprefîement , dès que refpoir du plaifir
le guide. Une jeune beauté au teint d'ébtne, qu'un conte de Zc-,nbi (*) fait
trembler de tous fes membres , veille pour l'attendre , lui ouvre une porte
qu'elle fait faire mouvoir fans bruit, & n'a qu'une crainte , c'eft d'être trompée
dans fon attenta.
Je le répète, la fidélité en amour n'eft le caraélère du nègre dans aucun des deux
lèses ; & c'eft le moment de dire que Saint-Domingue a offert des exemples
(*) Mot créol qui fignifie e/prit , revenant.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^j
de fuperfétadon d'autant plus certains , qu'un individu fe trouvait nègre & l'autre
mulâtre. AufTi la jaloufie des nègres , mukiplie-t-elle les querelles que la rivalité
produit. On ne faurait croire combien il y a de viélimes des fuites de l'infidélité,
& fouvent les crimes occultes font appelles par une implacable veno-eance.
A cette caufe des fréquens combats de nègres entr'eux , fe joint l'effet de
l'amour-propre , qui tient à être nés dans certaines contrées d'Afrique, ou à
habiter certains cantons de la Colonie , à ne fe pas laiiTer devancer quand on
cft cocher , &c. &c. Cet amour-propre produit quelquefois des querelles,
fanglantes. On voit encore plufieurs ateliers époufer les démêlés de quelques-
uns de leurs membres , ou ceux d'un autre ateHer qui a un maître de la même
famille , parce que Tufage eft qu'alors les nègres s'appellent entr'eux négres-
maîtres.
C'eft à coups de poing ou de tête que ces différens fe vident, du moins
entre les femmes, qui fuppléent à la force par l'acharnement. A-lais d'autres
fois , c'eft avec des bâtons d'un bois extrêmement dur , qui ont de plus de
légers noeuds , & dont le bout fupérieur eft trouvé bien orné par un nèo-re,
lorfque de petits doux dorés , recouvrent & arrêtent le morceau de cuir qui
le garnit jufqu'au tiers de fa longueur ; c'eft-à-dire , pendant environ dix-
pouces , & qu'un autre morceau de cuir lui fcrt de cordon. Les nègres manient
ce bâton avec une grande dextérité , & comme ils vifent à la tête, les coups
qu'ils portent font toujours graves. Auffi les combattans font-ils bientôt enfan-
glantés , & il n'eft pas facile de les féparer lorfque la colère les tranfporte, &
lorfque le combat s'eft engagé après que chaque nègre miouillant fon doio-t
de fa falive , l'a palTé fur la terre pour le rapporter fur fa- langue , & que frappant
enfuite fa poitrine de fa main , & élevant fes yeux vers le Ciel , il a ainfi fait,
dans fon opinion , le plus affreux des fermens. La police leur a bien interdit ces
bâtons , dont on les prive alTez fouvent , mais ils font fi facilem^ent remplacés ,
que la précaution n'a que peu d'effet.
Ce bâton meurtrier fert auffi à faire briller l'adrefTe , dans une efpêce de
lutte. On ne peut s'empêcher d'admirer, avec quelle rapidité les coups font
portés & évités j par deux nègres bien exercés. Ils fe menacent, ils tournent
l'un autour de l'autre pour fe furprecdre , en tenant le bâton & l'agitant
toujours des deux mains ; puis fubitement un coup eft lancé , l'autre bâton le
pare 3 & ks coups font ainfi portés & ripoftés alternativement, jufqu'à ce que.
liî
i
4
1
X^
-54 DESCRIPTION DE LA PARTIE
rl'un des combattans foit touché par l'autre. Cette joute, que j'ai fait graver auffi
d'après un deffin anglais , a Tes régies comme l'efcrime ; un athlète nouveau
remplace celui qui a été vaincu, & la palme efi: donnée au plus adroit.
Il n'eft pas naturel de parler de ces exercices des nègres , Ibit à la danfe ,
fuit à ces joutes , fan? dire un mot de l'odeur qu'ils exhalent, & qui frappe l'odorat
qui devrait y être le plus accoutumé. Beaucoup de perfonnes l'attribuent
à un ufage africain , cekii de s'oindre d'huile de palme , foit pour fe défendre
des mieftes , foit pour animer la nuance noire , foit enfin pour aiïbupîir la peau
& la rendre flexible ; mais à moins qu'on ne dife que l'effet de cette hi'Ue a
une influence qui non. feule ment ne cefTe pas avec l'-habitude de s'en fervir^
mais qui paiTe aux générations futures, il efc impofïible d'expliquer : i°. Com-
ment l'Africain qui n'emplove jamais l'huile de palme à Saint-Domingue , y
conferve de l'odeur. 2^. Pourquoi certains nègres créols qui ne s'en font jamais
fervi, exhalent une odeur fétide. 30. Pourquoi il eft des nègres abfolumenit
inodores. 4°. Et enfin, par quelle fingularké il arrive que le mulâtre n'eft pas
toujours exempt de cette odeur. C'eil en vain, que .certains individus
cherchent à combattre par la propreté la plus recherchée, ces émanations qui
ont deux caractères bien diftinds, puifque dans les uns elles font fortes &
pénétrantes , tandis que dans d'autres elles font fades & douceâtres. Les unes
& les autres fe dlftinguent bien de l'odeur qu'exhalent les nègres qui arrivent
frottés d'huile de palme, par les foins des marchands négriers, qui veulent
gu'une peau Juifante annonce la fanté.
Je prie le Leéleur , de mie permettre ici une obfervation.
Le nez eft le ti-ait le plus remarquable du vifage , & celui qui fert à carafté-
rifer la phyfionomie des nations ; l'allongement & l'applatiffement du nez fonjc
deux différences , deux écarts de la nature , mais il fem^ble que la longueur
du nez doive contribuer à la perfedion de l'organe , à la facilité des fécrétions ,
& que les camards doivent avoir le fens de redorai moins parfait j mioins étendu
èc être plus fujet aux maladies du nez.
Les nègres qui habitent un pays fec & brûlant , dont le fang efl defTéché
par une tranfpiration cxceflîve , doivent avoir moins bcfoin de cet organe. Il a
-dû s'oblitérer par le défaut d' ufage , & la camufité a dû devenir le trait
jdiftindlif de l'efpèce.
La beauté n'étant qu'une idée d'ordre, née de l'habitude & de la reflemblance
"^
F R A N Ç A'ï s E DE S A î NT - D O Ml N G iT ^. ^^
générale, les négreffes auront pu chercher à procurer à leurs enfans ce trait-
national j en leur applatiffant le nez. Il femble encore que la camufité foie
prefque toujours accompagnée de la groffeur des lèvres , & que la nature
reprenne d'un côté ce qu'elle perd de l'autre.
Les négrillons nés dans nos Colonies ,. qui ont la- même éducation'
phyfique & les mêmes alimens- qu'en Afrique , ont en général le nez moins
épaté ,. les lèvres moins groiïes & les traits plus réguliers que les né^^res
Africains. Le nez s'allonge, les traits s'adouciffent , la teinte jaune des yeux"'
s'afFaiblit, à mefirre que les générations s'éloignent de leur fource primitive , &
ces nuances d'altération font très-fenfibles. J'ai vu des nègres avec un nez
aquilin & fort long , & ce trait paffer à tous les individus de la même famille'.
L'Archipel de l'Amérique eft relativement , un climat tempéré pour les
Africains. Les nègres font très-fenfibles au froid & ne peuvent pas fe pafler de
feu aux Antilles , tandis que les Européens n'en approchentjamais que dans
hs hautes montagnes , & encore le foir feulement. Cette temoéracure doit
diminuer leur tranfbiration ,.& la nature qui cherche à fe débarafler , doit rétablir
dans les enfans l'évacuation de la membrane pituit.ùre , qui excitant i'oro-ane
lui procure l'extenfion néceffaire à fon ufage;
Les nègres Créols tirent vanité de ce trait de refîemblance avtc les Rla.'ics
& affectent de fe prévaloir de ce qu'ils regardent comme une fupériorité.
Serait-ce parce que l'humeur du nez- aurait repris dans les Créols le cours
oïdinaire , qu'ils ont en général moims d'odeur que ceux de Guinée? Cette
h-um.eur infeéle-t-elle la tranfpiration chez ces derniers ,■ corromipt-elle plcS
la matière de ieurs fueurs ?
J'abandonne d'autant plus volontiers ces remarques aux phyficiens , dont elles
méritent peut-être l'attention , qu'ils réfléchiront que les Indiens qui habitent un
pays très-chaud ont le nez long & point d'odeur, & je reprend ce qui concerne
les nègres de la Partie Françaife de Saint-Domingue.
Une impreflîon très-vive pour les Européens qui débarquent pour la pfemièri
fdis dans l'une des Antilles,, & à plus force raifon à Saint-Domingue, c'eft d'y
voir autant de figures noires. Un des effets du fombre de cette nuance, fur'
laquelle les clairs femblent fe fondre , eft de faire que les Européens foient un "'■
peu plus ou moins long-tems, avant de pouvoir reconnaître un nègre par les'
feuis- traits de fa phyfionomie , & par conféquent de le diftinguer d'un autre"-
^
5^
DESCRIPTION DE LA PARTIE
nègre. J'avoue même que toutes les fois que je fins revenu de France aux
Colonies , j'ai éprouvé un peu cet embarras ; mais bientôt on faifit & l'enfemble
& les détails d'un vilage noir', comm.e ceux d'un vilage blanc. Toutes les
afFedilons, toutes les paffions s'y peignent avec un caractère qui eft propre à
chacune d'elles', &: rien n'y eft perdu , pas m.êrae la rougeur qui trahit
l'innocence en faveur du plaifir, quoique cette expreffion puiffe paraître étrange.
Les enfa:;s nègres ont, à l'époque de leur naiffance , une peau dont la teinte
rougeâtre laiiTerait indécis fur leur couleur, fi un léger bord noirâtre ne fe faifait
pas remarquer autour des points que la pudeur veut qu'on cache , & à la
naiffance des ongles. La maladie change auffi la peau du nègre ; elle prend
alojs une pâleur relative, & la petite vérole y laiffe des mouches d'un noir
plus foncé aux points où elle a marqué, lors même qu'elle n'a pas creufé.
Le ton fombre de la peau'des nègres , eft caufe que la vicilleffe fe laiffe moins
"lire fur leur figure , d'autant qu'ils n'ont prefque pas de barbe , & que leur cheve-
lure laineufe ne blanchit que lorfqu'ils font très-avancés en âge. Ce contrafte des
deux couleurs a même quelque chofe de plus frappant , & il ne peut manquer
d'être très-remar^iué , parce que tous les nègres ont beaucoup de vénération
poi;r leurs vieillards. Ils inculquent ce fentlmiCnt à leurs enfans dés l'âge le plus
tendre, & par l'empreffemient que ceux-ci mettent dans leurs foins officieux,
dés qu'ils font en état d'en avoir pour leurs vieux parens , on voit que la
leçon a réuffi. ,
J'ajouterai que les nègres aiment affez à s'éplier ou à ufer des cifeaux & du
razoir , pour avoir une peau fur laquelle rien ne s'élève, & ce goût n'eft pas
toujours cxclufivement celui d'un fexe.
L'une des fmgularités les plus dignes d'obfervation , relativement à la peau
noire , s'offre quelquefois à Saint-Domingue , je veux parler des Albinos ou
Nègres-hlancs , comme on les nomme dans la Colonie. Il y en a toujours
quelques-uns, <k il n'eft même pas rare que les mères de ces blafards foient
d'une teinte très-foncée. Il exifte encore une Albinos au Cap qui a bien voulu
fe prêter en 1783, à des obfervations dont le Ledeur ne fera pas privé {*).
{*) Cette Albinos , créole du Part-de-Paix , nommée Marguerite Rebecca, fille légitime & unique
de Guillaume Rebecca , nègre tenant un bateau paflager da Port-de-Paix au Cap, & à'Ur/uU
Cornavf, nègreffe, l'un & l'autre Créob de la paroiffe du Gros-Morne, eft née le 15 Septembre 1767^
On
■FRANÇAISE D E S Al N T - D O MI N G D E, 57
On voyait à la même époque , au canton de Maribaronx , fur i'habitatiora
Théard & veuve Poirier , une négreffe , mère de fept ou huit enfans , dont ies
premiers & les derniers , provenus du même père , étaient Albinos , tandis que
ies intermédiaires qui en avaient un autre , étaient noirs.
J'ai vu, au mois de Février 1788, Jean, furnom.mé Jean blanc , dans la
Elle a le 26 Mai 1783 , quatre pieds , onze pouces , fix lignes , pieds nus ; elle eft bien faite
& d'un embonpoint proportionné. Sa tête efl un peu longue, & fes oreilles font difpofées de manière
<jue le haut du cartilage furmonte les yeux , tandis que le bas du lobe ne defcend qu'à la moitié
du nez j ce qui fait paraître les mâchoires très-longues, & principalement la mâchoire inférieure.
La peau de Marguerite , qui eft très-fine & qui laiiTe appercevoir les ramifications des plus petits
vaiffeaux qui s'y diftribuent, eft d'une blancheur fade, & devient fèche vers les extrémités du
corps. Ses cheveux font une efpèce de laine d'un blond roux , affez agréable au toucher, Ses
fourcils font de la -même nuance , & rares , ainfi que les cils.
Sa figure a le caradère de celle des nègres , furtout dans un nez épaté, & dans deux lippes
épaifles & décolorées. Elle a le fein très-joli , & dans la proportion de fon âge. Le fiège de la
pudicité & les aiffelles , font garnis d'une manière analogue aux cheveux , & elle eft depuis deux
ans , fujette au figne périodique de la puberté.
On n'apper^oit fur toute l'habitude de fon corps , aucune tache , fi ce n'eft quelques petits
points' lenticulaires rouffâtres , qui font très-apparens fur la poitrine. Ses mains & fes pieds , quoique
grands , ne font ni difproportionnés ni difformes.
Ses cheveux, quoique frifés & lanugineux, prennent cependant fous le peigne, une efpèce
d'étendue , car elle en forme une trèfle d'environ huit pouces, à partir du lien.
Ses yeux font bien fendus , & affez ouverts pour appercevoir que le mufcle releveur jouit de
toute fa force. Le blanc de l'œil eft pur; la pupille & la prunelle affez larges; l'iris eft compofé
à l'intérieur, autour de la pupille , d'un cercle jaune indéterminé; enfuite vient un autre 'cercle
mêlé de jaune & de bleu , de manière que les yeux font chatoians. Ils ont un mouvement
d'ofcillation très-vif, pendant lequel les deux yeux s'éloignent ou fe rapprochent alternativement
du nez d'environ deux lignes , avec une direftion un peu inclinée , des tempes vers le nez :
diredion qui eft commune aux orbites. Elle affure cependant que ce mouvement involontaire , &
même fatigant à remarquer , n'a paru que depuis peu , après un mal d'yeux confidérable.
Marguerite Rebecca efl douce & laborieufe. Elle lit , écrit ( je conferve de fon écriture ), &
chiffre bien, & a dans fes difcours & dans fa contenance , l'affurance d'une perfonne de fon état.
Elle coût à merveille ( j'ai porté des chemifes faites par elle ), elle eft gaie, & paraît ne différer
des autres nègres que par les traits phyfiques. Elle jouit d'une bonne fanté,, & a fupportc
récemment , fans aucun accident , la petite vérole naturelle & la rougeole.
Son extérieur eft modefte & décent. Sa peau que la grande chaleur anime, fe colore aulFi par
l'effet d'une efpèce de honte qu'elle éprouve lorfqu'elle eft confjdérée. Elle pratique avec affiduité
Jes exercices de piété.
f
1
14
5B T) E S C H I P T I O N DE LA P A H T I E
prifon de Saint-Louis du Sud ( où il avait été mis pour avoir manqué à la
revue des milices ). Ce nègre libre, créol de Cavaillon , était Albinos, quoique
fes huit frères ou fœurs fuffent nègres noirs , & il était marié à une négrefîe , dont
il avait alors cinq enfans tous nègres.
Qu'il me ibit permis, puilque je parle d'JIihios , de fortir un inftant de
Saint-Domingue , pour obferver qu'à la Martinique, au quartier du Vauclain. .
une négrefîe de M. Lambert Donce , fit deux jumeaux , don l'un était nèsre
& l'autre Albinos.
Cette altération de la peau des nègres, n'eft pas h feule qu'elle donne lieu de
remarquer; il en efl une autre , qui femble être la graduation entre le nègre &
V Albinos. Elle confifte dans des marques ou taches plus ou moins grandes , &
avec des nuances qui varient depuis le rouffàtre , jufqu'au blanc laiteux. Tout
le monde connaît ce que Buffon a publié d'une négreiïè pie , & à la fymétrie
près de ces taches , qui efc un phénomène très-rare , on voit fouvent des nègres
ainfi marqués , foit fur le corps entier , foit fur une partie , & quelquefois fur un
membre feulement.
Parmi les nègres , le noir foncé de la peau eft une beauté. Ils favent que des
yeux vifs & des dents blanches, tranchent mieux fur ce fond très-rembruni ,
& la coquetterie eft de toutes les couleurs. Elle fe montre auffi dans les vêtemens
des nègres , tout fimples qu'ils font: donnons en une idée.
Une chemife & une culotte , voilà pour le nègre ; & même il en eft qui
îi'ont que la culotte. Cette chemife & cette culotte font quelquefois de la même
Comme l'on cherclie toujours à tout expliquer, les bomies gens avec Icfquels vivent cette
Albinos , répètent^ce qu'on lit dans le numéro 5 i des Affiches Américaines de Saint-Domingue ,
du 23 Décembre 1767 , fur la naiffance de Marguerite Rebecca , & que je copie.
„ Sa mère dont la fageffe & la conduite font exemplaires , aMait régulièrement les Fêtes &
,, Dimanches aux offices de la paroiffe de ce quartier, & fe plaçait ordinairement en face du
., tableau du maitre-autel qui repréfente un ex ^joto d'une Reine , dont la figure belle , expreiTives
,, & vivement coloriée , faû'ait fur elle une impreffion fi fîatteule , qu'elle ne pouvait fe défendra
„ d'avoir toujours les yeux deffus , ni même de le confidérer fans émotion. C'eft ce qu'elle a
3, confbamment déclaré à toutes les perfonnes que la curiofité a attirées chez elle, pourvoir &
j, admirer ce bifarre & furprenant efFet de la nature ".
Le Ledleur peut ^comparer cette defcription fidelle , avec les folies recueillies par IVî. de Paw
iur les Alèincs. - • . "
FRANÇAISE DE S A I N T - D O MÎN G U K "5^
-tOile, d'autres fois de toiles difFérenïes , & c'eft déjà une efpcce de recherche.
Xa culotte longue ou courte eft une autre combinaifon j mais chez les nèo-res
cultivateurs elle eft toujours courte. Dans la cheraiie , le collet , les poio-nets ,
ies épaulettes font quelquefois difFérens- du refce , & c'eft un nouveau confeil
.de la mode. Un iiègrc , pour peu qu'il ne foie point parefieux, u plufieurs
rechange; , & pour les dimanches , les fêtes èi les jours de marque , la chemife
& la culotte font blanches. Un chapeau plus ou moins beau , mais prefque
itoujours -rabattu, une plus grande fine Ee dans la toile, l'addition d'une vefte,
v& enfin celle des fouliers , car les nègres ont les pieds nus, & s'en fervent
même adroitement pour prendre quelque chofe à terre avec les orteils , comme
ils le feraient avec les doigts de la main ; tels font les divers degrés que
parcourt le luxe, auxquels il faut cependant ajouter que des mouchoirs, plus
ou moins chers , font fur la tête , au cou & dans les poches 5 de manière que
tel nègre très-petit-maître , peut offrir fur lui une dépenfe qu'on ne payerait
pas avec dix louis de France , & fouvent fa garde-robe vaut quatre ou cinq
fois autant. îl eu auITi des nègres , efpëce de féduéleurs à la mode, comme
«n en voie parmi les Blancs , à l'égard defquels les jiégreffes fe difputent le
plaifir de les faire paraître plus élégans.
Pour une négrefîè, une chemife , une jupe & puis un mouchoir qui couvre
la tête , voiià le vêtement ordinaire. Mais de combien de nuances il eft fufcep-
tible , depuis la groITe toile de Vitré en Bretagne, le Brin & le Gbiga , juCqu'â
la toile de Flandres tz la baptifte \ Et ce mouchoir qui ceint le chef, la mode
,a-t-elîe jamais rien trouvé qui fe prêtât mieux à tous fes caprices , à tout ce
qu'elle a de gracieux ou de bifarre. Tantôt il eft fimple , & n'a d'autre valeur
que dans fes contours ^ tantôt la forme de la coiffure exige que dix ou douze
mouchoirs foient fuccelTivement placés les uns par-deffus les autres , pour
former un énorme bonnet , dont le poids demande une forte d'équilibre , qui
rappelle i'adreffe étonnante avec laquelle les nègres des deux fexes portent fur
leurs têtes des vafes remplis de liquide, & parcourent avec rapidité de longs
cfpaces , fans avoir befoin de leurs mains. Quel luxe quand le moindre de ces
douze mouchoirs coûte un demi-louis de France , & qu'on fonge que celui du
delTus ne pouvant être mis plus de huit jours , il faut avoir des fupplémens !
Le mouchoir de cou qui doit , pour l'élégance , être afforti à celui de k tête ,
augmente la dépenfe , & ceux de poche la portent très-haut.
H 2,
i \
r.
€o
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Il eft cependant beaucoup de négreiïès, qui, quoique très-bien mifes , fup-
priment le mouchoir de cou. Je n'ai pas befoin de dire que ce font les jeunes,
& celles chez qui ce mouchoir cacherait , & une jolie taille , & des contours
heureux. De beaux pendans d'oreille d'or, dont la forme varie, des coliers à
grains d'or mêlés de grenats , ou bien de grenats feulement , ajoutent à l'orne-
1-nent , ainfi que des bagues d'or. Un beau chapeau uni de caftor blanc ou noir ,
ou ayant un ruban de foie ou d'or autour de la forme , ou même enrichi d'un
large bordé d'or , indique encore un ton plus élevé , ainfi que le corfet ; & enfin
le cafaquin,àla façon des Blanches, puis des fouliers de cuir en forme de
mules , & par fois même des bas.
On aurait peine à croire jufqu'à quel point, la dépenfe d'une négreffe efclave
peut aller ; elle m.et toute fa gloire , & une de fes plus douces jouilTances , à
avoir beaucoup de linge. Jamais elle ne fe trouve affez de mouchoirs ni de
deihabillés, t-c une manie qu'elles ont prefque toutes, c'eft de fe les emprunter
réciproquement. La plus grande marque d'amour qu'on puifîe donner à une
négreffe , c'eft de lui faire coupe?- des cotes -, c'eft-à-dire , de la conduire ou de
l'envoyer chez un marchand , pour choifir les fuperbes mouffelines , les indiennes
& les perfes , dont elle fe fait des jupes. Combien d'entr'elles favent , par un
manège étudié , infpirer l'efpoir à de crédules amans , déjà dupes depuis
iong-tems, lorfqu'ils s'appercoivent que leurs préfens ne leur acquièrent ai.éua
droit! On a vu des négreffes qui avaient jufqu'à cent defliabillés , qu'on ne
pouvait évaluer à moins de deux miille écus de France.
Un grand plaifir pour elles, c'eft de faire ce qu'elles appellent l'alTortiments
c'eft-à-dire , qu'à certaines fêtes folemnelles , elles s'habillent plufteurs d'une
manière abfolument uniforme , pour aller fe promener ou danfer. On fait plus
fréquemment l'affortiment avec une bonne amie qui eft la confidente , celle
dont on ne peut pas fe paffer. Cet attachement extrêmement vif , eft par cela
même peu durable -, car il faut le dire , les perfidies , les trahifons viennent trop '
fouvent de la bonne am.ie ; & quand le jour de la haine eft arrivé , il n'eft pas
d'injures qu'elles ne fe prodiguent , point de turpitudes qu'elles ne révèlent ou
qu'elles n'inventent , & des paroles on en vient prefque toujours aux mains,
Qn fe rappelle bien alors le vieil adage : Amitié de femmes , de l'eau dans un
■panier.
Ce n'eft pas feulement dans les villes, que le luxe des efclaves eft très-apparenr..
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. gj
Dans plufieurs ateliers , celui qui a manié la houe ou les outils pendant toute
la femaine , fait fa toilette pour aller le dinianche à l'églife ou au marché , &
l'on aurait de la peine à le reconnaître fous des vêtemens fins. Cette métamor-
phofe eft encore plus grande pour la négreffe qui a pris une jupe de mouffeline
& fes mouchoirs de Paliacate ou de Madras. Je l'affure ici , il eft bien peu de
^ nègres exempts de reproches , lorfqu'on les voit couverts de haillons , &
lorfqu'enfin on ne peut leur en faire , c'eft à la mauvaife adminiftration des
maîtres qu'ils s'adrelfent, & peut-êcre plus juftement encore , à l'adminiftration
-publique.
Les nègres, tels qu'ils font dans la Colonie, montrent en général plutôt le
courage de la réfignation , que celui de la bravoure ; néanmoins dans les circonf-
tances où l'on a eu befoin de cette dernière qualité , on a eu à fc louer de
l'épreuve, pourvu toutefois que les nègres aient alors avec eux des Blancs,
pour les raiTurer & pour leur donner de la confiance. Leur réfignadon eft entière
dans les douleurs phyfiques , & j'en ai vu fournis à des opérations très-doulou-
reufes,.où ils étouffkient la plainte. Lorfque le crime les mène à la mort. Ils
y vont avec une fermeté qui reflemble quelquefois à l'infenfibilité. Il en eft
dont l'ame fière, élevée , rougirait de la moindre bafl-efTe. Le chagrin a fur eux
beaucoup d'empire , & il agit avec la rapidité qu'on lui connaît^dans tous les
climats chauds, parce que l'imagination plus aéliv^e, y eft auffi plus facile à
frapper. On a vu des nègres que la contrainte & une vie trop monotone,
affedaient fingulièrement. J'en citerai deux traits.^
Sur l'habitation des Glaireaux , au Quartier Morin , un nègre nommé Jean-.
Bapùjie , àétc^^ni le travail de la culture, imagine pour s'en débarafîèr , dt
tailler fur les dimenfions de fon bras droit, un bras de bois aflez dur, & pendant
plufieurs mois, il exerce fa main gauche à couper le poignet du bras de bois
avec fa ferpe. Lorfqu'enfin il fe croit affez fur de fon coup , il place la vraie
main droite qu'il ne pût cependant amputer qu'au quatrième coup.
^ Un autre nègre de l'habitation DubuiflTon , dans la paroifîe du Trou ( fucre-
rie dont la fage adminiftration mériterait d'être prife pour modèle dans
toute la Colonie ) , était fujet à déferrer &i à des maladies qui étaient la Mtt
de fon libertinage & dont Ictraitement le faifait tenir dans une forte de gêne.
Un premier jour de l'an , il affile fon couteau, & d'un feul coup il fe^'rend
eunuque.
ILJilJWJipiiPJIP
6%
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Je n'ajouterai pas d'autres déta'tls du m^me genre, on tfeft que trop inftruit
de la facilité qu'ont certaitis Africains à s'.étoufFer avec leur langue & de la
frivolité des motifs qui les portent à employer ce moyen.
Des p£i-fonnes concluant de l'énergie de quelques nègres pour les peindre
tous, on dit qu'il ferait facile d'en faire promptement des hommes trés-
éclairés^ dont les fucces feraient glorieux pour l'hunanité entière., & à l'appui
de cette opinion ils ont rapporté des faits qui prouvent que des nègres ft
font diilingués par des actions recommàadables dans diIFérens genres & même
par une efpcce de favoir.
D'autres perfonnes au contraire, pulfant leurs argumens dans des aftes auffi
réels & qui prouvent la plus honteufe ignorance & un pencriant bien fort
pour le vice, ont affirmé que les nègres font une efpèce abâtardie &: dégénérée ,
& peu s'en eft fallu qu'ils n'imitafifent ce concHe , auffi injufte que bifarre , où
l'on agita la queftion de favoir fi les femmes avaient une ame , elles qui
avertiffent l'homme de l'exiftence de la ficnne.
La vérité, dit-on fansceiTe , n'éil pas dans les extrêmes, & les deux opinions
que je cite fur le nègre le prouvent encore; car elles font également erro-
nées. Qui oferait fe charger de démontrer que l'influence de l'éducation
.peut ou ne peut pas s'étendre .à tel ou tel objet ? Qui peut favoir jufqu'à
quel point les cautes pbyfiques fécondent ou contrarient l'éducation ? Qui
peut -même défigner d'une manière infaillible le fyftème d'éducation qui con-
fient le mieux à tel peuple donné? Ce proolême tout-à-la-fois , métaphyfique
moral, phyfique & d'économie politique n'eft pas réfolu , ni même entamé
par des déclamations où une fauffe philofophie adopte tout d'un côté & où
la mauvaife foi nie tout de l'autre. Le fait aduel c'eft que le nègre eft dans
un état de dégénération réelle comparativement à l'européen civilifé. Cet
itat eft tel qu'il autorife à foutenir que cette dégénération qui eft , peut-être ,
l'ouvrage des fiècles., voudrait d'autres fiècles pour que fes effets généraux difpa-
ruffent tout-à-fait & un concours de caufes & de volontés dont il eft difficile
de fuppofer la réunion fubite , quelque féduifant que cet ^fpoir puifîè être.
Les nègres n'ont que fort peu d'idées de calcul & ils comptent avec des
grains de maïs ou des pois , en variant les efpèces ou les groffeurs pour
indiquer les différentes pièces de monnoie. Jamais ils n'ont une notion exafte
-de leur âge, & l'on ne parvient pas même à leur en faire retenir l'époque.
iFIRANÇAlSE DE SAINT-DOMINGUE. 63
Ce qui eft paffé depuis dix ans leur femble à une diftance qu'ils confondent
avec une autre diîlance double & triple. Leur mémoire eft très-fautive &
les trompe fouvent. Il leur faut de très-grands événemens pour leur tenir
lieu de dates, & ce qui les étonne le plus dans les Blancs, c'eil l'écriture,
c'eft la communication des idées, & quand ils difent que les Blancs auraient
réputé les nègres forciers s'ils avaient fait cette précieufe découverte , ils
conviennent aflez qu'ils ne font pas très-éloignés de nous croire un peu fami-
iiarifés avec le démon. Ce mot me rappelle ce que quelques nègres dilbnt de
leur origine.
Selon eux, Dieu fit l'homme & le fit blanc; le diable qui l'épiait fit un
être tout pareil; mais le diable le trouva noir lorfqu'il fut achevé , par un
châtiment de Dieu qui ne voulait pas que fon ouvrage fût confondu avec
celui de l'Efprit Malin. Celui-ci fut tellement irrité de cette différence
qu'il donna un foufflet à la copie & la fit tomber fur la face , ce qui lui
aplatit le nez & lui fit gonfler les lèvres. D'autres nègres moins modelles
difent que le premier homme fordt noir des mains du Créateur & que le
Blanc n'eft qu'un nègre dont la couleur efl dégénérée.
J'ai déjà dit quelque chofe de l'opinion des nègres fur les morts dont ils
racontent toutes les fables que les vieilles de tous les pays font aux enfans.
De là le zèle qu'ils mettent aux funérailles , & qui a un caractère différent
q^and il fe rapporte aux Blancs ou aux nègres. Ce qui eil commun ce font
les hurlemens , les cris de défefpoir & les démonftrarions d'une douleur déchi-
rante. Quel dommage que pour la plupart ce ne foit qu'une coutume , qui
au fond n'eft pas plus fotte que celle de louer en Europe des hommes pour
porter des habits de deuil. C'eft à des momens convenus de la cérémonie
funèbre que ces cris éclatent , & l'on cite même à ce fujet une anecdote vraie
ou faulTe qui, au furplus , peint bien un enterrement ou afnftent des nègres.
Des cris s'étant fait entendre , une négreffe qui avait un grand crédit fur
les autres , les interrompit en leur difant : pencore cric , mon va ha %of la vol.
" Ne criez point encore , je vous donnerai le fignal „. Arrivées à la fofle ,
les négreiTes font mine de s'y jetter , elles fe débattent pour s'arracher à
celles qui les retiennent , & dans ces combats , les convulfions & les pamoi-.
fons ont leur place.
-Si l'o-n enterre un nègre , les autres accompagnent aufïï le corps ; quelquefois
II!
s^^
û^ DESCRIPTION DE LA PAUTÎK
même avec un nmbour , en diantant Téloge du défunt, & en battant des mairiS,
L-'oû fixe en fuite à un jour qui laiffe le tems des préparatifs, ce qu^on appelle
un fervice , c'eft-à-dire , un grand repas où l'on mange bien & boit encore
mieux , & qui fe termine quelquefois par la danfe. Ce font les parens , les amis
ouiles nègres compatriotes qui font les frais de cette cérém.onie , qui n'eft rien
moins que lugubre. J'eus le malheur de perdre un jeune nègre Mondongue,
nommé Caftor , le 29 Novembre 1782, & les nègres firent fon fervice le
25 Décembre. Je contribuai même pour le repas, ce que font beaucoup de
maîtres.
Quand un efclave meurt ayant des enfans , ils fe partagent ce qu'il a laifléj
les parens fuccèdent à défaut d'enfans. Enfin fi cet ordre de fucceffion manque,
on diftribue , avec l'agrément du maître-, les effets à d'autres nègres qui ont des
enfans , & .lorfqu'on peut établir que le défunt a eu l'intention de difpofer de
{on petit pécule , fa volonté eft accomplie comme facrée.
Le deuil des nègres confifte à fe vêtir de blanc durant plufieurs jours, &à
avoir le mouchoir de tête plié en demi-mouchoir, mis lâns aucun foin, & avec
les deux bouts pendans.par derrière.
Je ne fuis pas affez injufte pour prétendre que les larmes des nègres font
toujours étudiées ; il eft des nègres qui pleurent parce que leur cœur eft déchiré ,
dont les yeux fe mouillent lorfque long-tems encore après , ils parlent de quelques
objets qui leur étaient chers, & parmi lefquels ils comptent des m.aîtres qu'ils
ont aimés & fervis avec une eftimable fidélité.
J'.ai à parler maintenant du langage qui fert à tous les nègres qui habitent
la colonie françaife de Saint-Domingue. C'eft un français corrompu , auquel
on a mêlé plufieurs mots efpagnols francifés , & où les termes marins ont aufG
trouvé leur place. On concevra aifément que ce langage , qui n'eft qu'un vrai
jargon , eft fouvent inintelligible dans la bouche d'un vieil Africain , & qu'on le
parle d'autant mieux , qu'on l'a appris plus jeune. Ce jargon eft extrêmement
mignard , & tel que l'inflexion fait la plus grande partie de l'expreiTion. Il a auflî
fon génie , ( qu'on paffe ce mot à un Créol qui croit ne le pas profaner ), & un
fait très-fûr , c'eft qu'un Européen , quelque habitude qu'il en ait , quelque
longue qu'ait été fa réfidence aux Ifles , n'en pofïède jamais les fineflTes.
. Je n'ignore cependant pas que le langage créol a donné lieu à plufieurs
^critiques. Il en eft une fore amère , conûgnée dans un ouvrage intitulé : Voyage
d'un
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 65
d'un Suijfe dans différentes Colonies d'Amérique. Il eft vrai qu'on a pris une
méthode fort fûre pour le décrier , c'eft de faire du Crêol-Sutjfe , & d'en conclure
que ce langage eft miférable. Je me range à l'avis de l'auteur , mais il faut
avouer que fon baragouin ne paffera pour du créol , qu'auprès de nos favans
qui en introduilent un du même genre fur les théâtres, & qui perfuadent au^-
Parifiens que c'eft le véritable. La prétendue lettre du Suiffe n'a jamais été
écrite que par lui, ou par quelqu'un qui a voulu s'amufer de fa crédulité. J'en
appelle aux féduifantes Créoles, qui ont adopté ce patois expreffifpour peindre
leur tendrefîe !
Il eft mille riens que l'on n'oferait dire en français, mille images voluptueufes
que l'on ne réuffirait pas à peindre avec le français , & que le créol exprime ou
rend avec une grâce infinie. Il ne dit jamais plus que quand il employé les fons
inarticulés , dont il a fait des phrafes entières. Le Chia , le Bichi même , qu'on a
tant voulu ridiculifer , eft-ii un terme de dédain qui renferme plus de fens ?
Et pour qu'on ne prétende pas que je crée des merveilles imaginaires , je vais
rapporter une chanfon bien connue, qui fera voir fi le langage créol eft un
jargon infignifiant & maulTadc. Elle a été compofée, il y a environ quarante ans ,
par M. Duvivier de la Mahautière , mort Confeiller au Confeil du Port-au-
Prince. J'en préfente, en même-tems, la traduftion verfifiée par un créol , qui,
aux dépens de fon amour-propre, n'a cherché qu'à conferver , prefque'ligne
pour ligne, le fens littéral qu'une imitation libre aurait empêché de faifir.
00c» ,i|>. ,i|^ .ii^,,,!^ ^►■.il^.iil> .ii>. ,ii^ ,i|>.,i|>.,rt[^ .
Sur l'Air : ^ue ne fuis-je la fougère !
Lifette quitté la plaine ,
Mon perdi bonher à moue ;
Gié à moin femblé fontaine,
Dipi mon pas miré toué.
La jour quand mon coupé canne ,
Mon fongé zamour à moue ;
La nuit quand mon dans cabane ,
Dans dromi mon quimbé toué.
Tome I.
Lifette, tu fuis la plaine.
Mon bonheur s'eli envolé ;
Mes pleurs, en double fontaine.
Sur tous tes pas ont coulé.
Le jour , moiffonnant la canne ,
Je rêve à tes doux appas ;
Un fonge dans ma cabane ,
La nuit te met dans mes bras.
I
IJILM. H. LMJH
es
DESCRIP riON
E
r»' s\
A PARTIE
Si to allé à la ville ,
Ta trouvé geine Candio , '
Qui gagné pour tromper fille ,
Bouch; doux palTé firop.
To va crer yo bin ilacère ,
Pendant quior yo coquin tro ;
C'ell Serpent qui contrefaire
Crié Rat, poar tromper yo.
Tu trouveras à la ville ,
Plus d'un jeune freluquet ,
Leur bouche avec art dillUle
Un miel doux mais plein d'apprêt ;
Tu croiras leur ccBur fincère :
Leur cœur ne veut que tromper ;
Le ferpent fait contrefaire
Le rat qu'il veut dévorer.
•'-I
Dlpi mon perdi Lifette ,
Mon pas fouchié Calinda.
Mon quitté Bram-bram fonnctie.
Mon pai batte Bamboula.
Quand mon contré laut' negrefTe,
Mon pas gagné gié pour li ;
Mon pas fouchié travail pièce :
Tout' qui chofe a moin înourri.
Î.Ion maigre tant com' gnon fouche ,
Jambe à moin tant comme rofeau ;
Mangé 15a pas doux dans bouche ,
Tafia même c'eil comme dyo.
Quand mon fongé toué, Lifette ,
Dyo toujour dans jié moin.
Magner moin vini trop bête ,
A force chagrin magné moin.
Pvîes pas, loin de ma Lifette ,
S'éloignent du Calinda ;
Et ma ceinture à fonnette
Languit fur mon bamboula.
Mon œil de toute autre belle ,
N'apperçoit plus le fouris ;
Le travail en vain m'appelle ,
Mes fens font anéantis.
4
Je péris comme la fouche ,
Ma jambe n'ell: qu'un rofeau ;
Nul mets ne plait à ma bouche,
La liqueur s'y change en eau.
Quand je fonge à toi , Lifette ,
Mes yeux s'inondent de pleurs.
Ma raifon lente & diftraite ,
Cède en tout à mes douleurs.
Lifet' mon tandé nouvelle ,
To compté bintôt tourné :
Vini donc toujours fidelle .
Miré bon pafTé tandé.
N'a pas tardé davantage ,
To fair moin affez chagrin ,
Mon tant com' zozo dans cage ,
Quand yo fair li mouri faim,
Mais ell-il bien vrai, ma belle ,
Dans peu tu dois revenir :
Ah ! reviens toujours fidelle ,
Croire eft moins doux que fènu'r.
Ne tarde pas d'avantage ,
C'eft pour moi trop de chagrin ;
Viens retirer de fa cage ,
L'oifeau confumé de fsSia,
S-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE 67
C'efl dans ce langage qui , comme l'on voit , comporte la rime & la mefure ,
que les Créols aiment à s'entretenir , & les nègres n'en ont pas d'autre entr'eux.
C'ell encore par fon moyen , que les nègres expriment & leurs mots fententieux ,
& leurs traits piquans.
On leur entend dire , par exemple , d'un bavard , que fa bouche n'a pas de
dimanche. Veulent-ils montrer que l'orgueil eft une fottife , ils indiquent deux
points oppofés du Ciel , en difant : <S"o/^ /i?î'^ /^ , // couche /à .„ Le Iblcil fe lève
ici, il fe couche là „. Pour exprimer que fi cet aftre a un couchant, il n'eft pas
de fujet de vanité qui puiffe être durable.
Je bornerai pour ce moment , à ce que j'en ai dit , ce qui concerne la clafTe
des nègres , qui comprend en quelque forte tous les efclaves à Saint-Domingue.
Parmi ceux-ci , fe trouve mêlée la defcendance de quelques Caraïbes , de
quelques Indiens de la Guyane , de Sauvages Renards du Canada , de Natchez
de la Louifiane , que le gouvernement ou des homm.es violateurs du Droit des
Gens , jugaient néceffaire ou lucratif de réduire à la fervitude.
J'oubliais de dire que ce qui diftingue le plus le nègre créol , de l'Africain,
c'efl: qu'à l'exemple des Colons anglais , les habitans de la Colonie francaifè
font étamper fur la poitrine , de leur nom ou avec de fimples lettres initiales
les Africains ; tandis que les autres ne le font que dans les cas extrêmement
rares où on veut les humilier , précifément parce que l'ufao-e les exceo^e
L'étendue de la Colonie, le voifinage d'une Colonie étrangère, tout aura porté
à adopter une précaution qui n'a rien de douloureux. Elle a cependant un
inconvénient pour l'Africain , qui paffe de l'état d'efclave à celui d'affranchi ,
c'eft qu'en prolongeant le fouvenir de fa première fituation , elle peut , dans
plufieurs cas , élever des doutes fur fa liberté.
Mais ces Affranchis, voyons quels ils font; j'aurai afîez d'occafions, dans
la Defcription d'une immenfe Colonie , de compléter le caraftère & les mœurs
des Efclaves & j'y trouverai l'avantage de rendre les chofes plus frappantes,,
parce qu'elles fe trouveront , pour ainfi dire, dans des cadres qui leur feront
affortis.
\
ï 2
é8
DESCRIPTION DE LA PARTIE
c=»=^-^
D £
A F
FRANCHIS.
LEsAfFranchis font plus univenellement connus fous le nom de Gens
de-Couleur ou de Sang-mélés , quoique cette dénomination, prife exaft^ment
defigne auffi les nègres efclaves. Dès que la Colonie eut des efclav^s '
elle ne tarda pas à avoir des Affranchis, & plufieurs caufes durent concourir
a .ormer cette clalTe intermédiaire entre le maître & l'efclave. A Sr-Domincvue
les e.claves étaient non-feulement des nègres , mais encore des Indiens & des
Sauvages qu'on ne diftinguait des nègres que par leur couleur. La rareté des
femmes, les mœurs des Flibuftiers & des Boucaniers, l'appât attaché à la
condefcendance des negreffes , firent paraître les mulâtres que la nuance de
leur peau claffa avec les Indiens & les Sauvages , comme le prouvele recen
fement de i68r,où on les trouve tous confondus & au nombre de 480 •
mais alors , il n'y avait de libres que des Blancs. '
Les hommes qui afferviffaient , fans fcrupule , 'les Sauvages & les Indiens
colores comme les mulâtres, éprouvèrent cependant un fentiment particulier
a lafpea de ceux-ci , & par une forte d'accord, qui ne put avoir fon origine
que dans 1 afteélion paternelle & dans famour-propre , il paffa en ufa^e ^ue
les mulâtres en atteignant leur vingt & unième année-, forçaient d'efcWe
CepenoV^t l'mtérêt perionnel ayant violé plus d'une fois cette convention tacite'
. & le Code Noir ayant réglé les fucceffions coloniales quant aux efclaves
les mulâtres perdirent leurs avantages , & l'on ne reconnut réellement pour
Affranchis que^ceux à l'égard defquels le maître avait formellement abdLé
fes droits par ecnt. Il avait exifté de femblables Affranchis bien avant i68r
puifque l'édit du mois de Mars de cette année , préparé par les Confe k
Supérieurs & les Adminiftrateurs des Colonies plufieurs années auparavant
tait de la manumiffion , volontairement foufcrite par le maître , une difpofidon
légale o. l'on voit dans les recenfemens du commencement du fiècle aeluei
qu'il fe trouvait environ 500 Gens libres de tout âge & de tout fève eue
quelquefo,s l'on diftinguait encore en nègres libres & en mulâtres libres ■
fans doute parce que Fcn confondait avec ces derniers la defcendance des
Indiens & des Sauvages parmi lefquels il a dû fe trouver d'autant plus natu
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 69
rellement des Affranchis que les Indiennes ou les Sauvageffes ont du im-rh
pour les nègres , tandis que les Blancs aiment le caraftère doux & fidelle
&c les appas fecrets de ces femmes.
Si l'on réfléciiit au grand nombre de motifs qui fe réuni/Talent potu-
l'augmentation du nombre des Affianchis , on fera fans doute furrris
de n'en pas voir davantage en 1703 , époque où je n'en trouve que 500 de
recenfes.^En effet les fuites d'un concubinage qui femblaic néceffaire ; une forte
de^ genérofité qui fouvent ne devait s'exercer qu'à la mort du maître ; vn
calcul, même intéreffé , parce que l'on vendait quelquefois l'efclave à' fi'
même 3 le mariage d'un Affranchi avec fonefclave;enân la propre reproduftioa
des Affranchis , tout devait fervir à augmenter cette claffe. Elle refta cependant
quelques années fans accroiiTement fenfible -, puis les libertés teftamentaires
& les ventes d'efclaves confenties à eux-mêmes étant devenues plus fréquente-
il y eut une ordonnance de 171 1 qui affujettit l'affranchiffement à l'autorifation
des chefs delà Colonie. En 1715, il y avait environ 1500 Affranchis, & il fal],c
plus de trente ans pour doubler ce nombre. On en compta enfuite pins de
6,000 en 1770 & le double dix ans après.
Ce dernier accroilfement eut fa fburc^ dans la force qu'avait acquis l'opinion
que le Blanc , père d'un enfant de couleur , devait chercher à lui procurer h
liberté, dans le premier effet de l'ordonnance de 1775, parce qu'en prefl
cnvant de nouvelles formes pour l'affranchiffement & en lui donnant de nouvelles
gênes , elle annonçait de la faveur pour le paffé -, & dans le défir de recruter
la maréchauffée qui fit promettre la liberté à ceux qui y ferviraient.
Mais nulle augmentation n'a jamais été égale à celle qu'offre ' Je mo
ment aéluel comparé à 1780 , puifque les G.ns - de - Couleur fe trouvent
maintenant au nombre de vingt-huit mille , ce qui préfente un total prefgu-
double de celui d'alors. Il peut cependant être expliqué par les raifons
que je viens de rapporter fur ce qui a eu lieu dans l'intervalle de 1770 à
1780; en y ajoutant d'abord, que des dépenfes d'em.belliffemens faites en
1780 & depuis, ont rendu les affranchiffemens nombreux, parce qu'on avait
befoin du produit de leur taxe -, de manière que depuis dix ans l'on peut
en compter plus de fept ou huit mille, & en outre que jamais les mariages
d Affranchis avec des efclaves , ni ceux des efclaves avec des Blancs n'ont
ete aufB commams. On a reproché , furtout dans la Partie du Sud, à plufieurs
iBBET^
?o
DESCRIPTION DE LA PARTIE
de ces derniers, d'avoir réuni à cette complaifance . chèrement payée , celle
de ie rendre maris de plus d'une femme. Or , tel de ces mariages produi-
iant la légitimation de cinq ou fix enfans , ce moyen a porté une augmentation
confidérable & fubitc dans la claiîe des Affranchis , & a caufé auffi une
plus grande reprodu6tion. La formation des Chaffeurs Royaux, en 1779, a encore
donné lieu à l'accroiffement , en faifant mieux rechercher les Gens-de-Couleur
non-recenfés & en devenant la caufe de la ratification de libertés peu légales
en faveur de ceux d'entr'eux qui en offraient le prix dans leur dévouement
à s'enrôler dans ce corps.
Telles font les caufes , qui , en fe combinant entr'elles , ont donné à la
Colonie Françaife de Saint -Dom-ingue les vingt -huit mille Affranchis qu'elle
■compte en ce moment.
La première obfervation au'lnfpire l'exiftence de cette ciaffe , c'eft
que ce fut au fein de la France , qu'on fit des lois pour le maindcn de la
fervitude des Africains en Amérique ; que ce fut la France qui fongea à
s'approprier les produits du commerce de la traite des noirs qu'il eft même
interdit aux Colonies de faire direclement ; que le gain de ce privilège exclufif
a été pour la France , & que les Colons ne doivent qu'à eux feuls l'idée de
l'affranchiffem-ent , de ce pacte heureux qui rétablit un efclave dans les droits
de l'humanité i qui donne au maître le moyen de fatisfaire fa juitice ou un
fentiment de générofité qui tourne au profit de l'cfclave & qui ajoute à la
force politique des Colonies >& auquel enfin 11 n'a manqué pour être vrai-
ment refpectable , que l'obligation de la part du maître d'affurer la fubfiftance
de l'Affranchi jufqu'à ce qu'il pût s'en procurer une, & pour le cas où l'àpe
& les infirmâtes le livreraient à la misère.
Les Affrar.chis , comme il eil aifé de le fentir , font des individus offrant
une grande variété dans les nuances par leur m.élange avec les Blancs , avec
les nègres & entr'eux m^êmes j mélange qui pouvant fe faire avec différentes
comibinaifons de nuances ,. donne , à fon tour , naiffance à des combinaifons nou-
velles. Les deux extrêmes font pour ces Affranchis d'un côté le nègre & de
l'autre des individus dont la couleur ne montre aucune différence fenfible ,
lorfqu'on la compare à celle du Blanc.
C'eft pour mieux faire connaître cette localité colorée que je vais parcourir
ks degrés divers, du mélange.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 71
RÉSULTAT
De toutes ies nuances , produites par les diverfes combinaifons du mé!ano-e
des Blancs avec les Nègres , & des Nègres avec les Caraïbes ou Sauvages
ou Indiens Occidentaux , & avec les Indiens Orientaux.
L
Corahinaijons du Blanc.
D'un Blanv & d'une
Négreffe , vient
- Mulâtrefie ,
■ Quarterone, —
. Métive ,
■ Mamelouc[ue, —
• Quarteronnée , -
■ Sang-mêlée ,
-un Mulâtre,
Quarteron.
Métif,
■ Marabou , -
• Griffonne ,
• Sacatra^ -
Mamelouque.
Quarteronne.
Sang-mêlé.
-Sang-mêlé, qui s'approche
continuellement du Blanc.
' Quarteron.
Quarteron.
' Quarteron.
IL
D'un nègre S: d'une
Combinaifons du Nègre.
Blanche , vient
■ Sang - mêlée ,
■ Quarteronnée,
• Mamelouque,
Métive , — ^
■ Quarteronne , — — _
Mulâtrefle ,
Marabou ,
Griffonne , . .,
Sacatra , ■ .
■ un Mulâtre.
— Mulâtre.
— Mulâtre.
— Mulâtre.-
— Mulâtre.
— Marabou.
Griffe.
Griffe.
— Sacatra.
Sacatra,
III.
Combinaifons du Mulâtre.
D'un Mulâtre & d'une Blanche , vient
■ Sang-mêlé ,
Quarteronnée ,
Mamelouque , •
un Quarteron.
— Quarteron.
— Quarteron.
—Quarteron.
À
'■iJ
DESCRIPTION DE LA PARTIE
D'un Mulâtre & d'une Islétive ,
• Quarteronne , •
■ Marabou , —
' Griffonne , —
Sacatra ,
Négrefle ,
IV.
Combinaijcns du ^lartercn.
D'un Quarteron & d'cne Blanche , vient
— Sang-mêlée , —
Quarteronnée , .
IVIamelouque , -
■ Métive ,
MuIâtrefTe ,
Marabou ,
Griffonne ,
Sacatra ,
' NégrefTe,
V.
Ccmlinaijons du Métif.
D"unMétif& d'une Blanche, vient
Sang-mêlée ,
■ Qaarteronnée ,
Mamelouque , -
Quarteronne , -
MuIâtrefTe . —
Marabou ,
' Griffonne,
Sacatra ,
■ NégrefTe,
VI
Combinaijons du Mamelouc.
D'an Mamelouc & d'une Blanche, vient. ~~- -=-
Sang-Mélée , —
—Quarteron.
— Quarteron*
— Mulâtre >
— Marabou;
— Marabou.
Griffe.
un Métif.
— Métif.
Métif.
— Métif.
îérif.
ivletif.
Quarteron.
- Quarteron.
— Mulâtre.
- Mulâtre.
- Marabou.
un Mameîouc.
Mamelouc.
Mamelouc.
Mamelouc.
Métif.
— Quarteron.
Quarteron.
Quarteron.
Mulâtre.
Mulâtre.
Qaarteronnçe > ■
un Quarteronne.
■ Quarteronne.
Quarteronne,
*^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE,
73
D'un Mamelouc & d'une Métive , vient-
. — ■ ■ Quarteronne . -
. .— — Mulâtreffe , —
< Marabou ,
« ■ Griffonne,
— Sacatra , — ■-
' ■ ' Négreffe ,
VII
Combinai fons du ^arteronné.
D'un Quarteronne & d'une Blanche , vient ,
. . Sang-Mêlée ,
Mamelouque ,
Métive ,
Quarteronne ,
Mulâtrefle , —
Marabou ,
Griffonne , —
Sacatra , - — -
NégrefTe , —
V I I L
Comhinaifons du. Sanz-mêlè.
D'un Sang-mêlé & d'une Blanche , vient
. Quarteronnée ,
Mamelouque , -
___ Métive ,
-Quarteronne ,
-MulàtreiTe , —
-Marabou , —
-Grifronne ,
-Sacatra ,
-Négreffe ,
I X.
Comhinaijons du Sacatra^
D'un Sacatra & d'une Blanche , vient •
. — ■ — ■ Sang-rnêlée , —
■ un Mamelouc.
Méiif.
Quarteron.
— Quarteron,
— Quarteron.
Mulâtre,
Mulâtre'
-un Sang-mêlé,
— Sano;-Mé'é.
■ Qoarteronné.
— MamelouCr
Métlf.
— Quarteron.
Quarteron.
— Quarteron.
Mulâtre.
Mulâtre,
un Sang-mêlé.
— Sang-raélé.
— Quarteronne.
Mamelouc,
Métif.
- Qaarteron,
■ Qaarteron,
Quarteron,
• Quarteron.
- Mulâtre.
• un Quarteron.-
— Quarteron.-
Tome L
K
n^r^
n
DESCRIPTION DE LA PARTIE
D'un Sacatr.'. cz d'une Quarteronnée ,
îvIamelouQ ue , -
Métive,
Quarteronne ,
J.Iulâtreffe , -
Marabou , —
Grilfonne , -
-M egreiiS
X.
CGmbinai/ons du Griffe.
D'un GriiF; & d'une Blanche , vient-
Sang-mêlée , —
Quarteronnée ,
Mamelouque ,
Métive ,
Quarteronne ,
Mulâtrefie ,
- Marabou ,
' Sacatra ,
- Négreffe ,
Ccmhinaijons du Marabou.
XL
D'un Marabou & d'une Blanche , vient
Sang-mêlée , —
Quarteronnée , -
■ Mamelouque , —
Métive j
Quarteronne ,
Mulàtreffe , -
Griffonne , -
Sacatra , i —
Négreffe , ■
XII.
-.Mulâtre,
- Mulâtre,
■ Mulâtre.
- îv'lQÎàtre.
■ Ivlarabou.
Griffe.
— Gri/Fe.
— Sacatra.
un Qoarteron
— Quarteron.
— Quarteron.
— Quarteron.
Quarteron.
Mulâtre.
Marabou.
iVIarabou .
Griffe.
Sacatra.
- un Quarteron
Quarteron
Quarteron
• Quarteron
Quarteron
Quarteron
Mulâtre
Marabovi,
Griffe
• Grrffe
Cùmhinaijons des Sauvages iâ Caraïbes de l'Amérique , ou Indiens Occidentaux.
Comme leur nuance eft celle du Mulâtre , leurs combinaifons ont exadlement les mêmes réfultats ,
Excepté que les cheveux font moins crépus dans les combinaifons qui approchent du nègre ,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 75
i partir du P.lulâtre , & qu'ils font plus longs & plus droits dans les combinaifons qui partent
du Mulâtre pour aller vers le Blanc.
XIII.
Combinaifons des Indiens Orientaux.
Lear nuance étant celle du GrifFe, les combinaifons qui reTultent de leur me'lange peuvent être
comparées à celles du Sacatra. Mais les cheveux de ces Indiens étant longs & plats , tant que
ce caraftère des cheveux eft remarquable dans les combinaifons , on les appelle indiftindtement
Zingres, Se quand les cheveux deviennent laineux , ils font confondus avec les autres combinaifons
du GrifFe, auxquelles ils reffemblent le plus.
Il y a donc treize clafîes diftinftes , quant à la nuance de la peau , dans
les individus qui forment la population de la Partie de Saint-Domino-ue.
J'ai déjà parlé des deux qu'on doit confidérer comme élémentaires & conf-
titutlvesde toutes les autres , je veux dire le blanc & le noir , à l'égard defquels
le préjugé colonial a adopté comme maxime que quelque rapproché que
puiffe être du Blanc , la femme non-blanche , il ne faurait provenir un Blanc
de leur procréation ; de même que quelque rapproché du nègre que puiffe
être une femme colorée , ils ne peuvent jamais produire un nouvel individu
qui redefcende jufqu'au nègre. C'eft-à-dire , en termes plus fimples , que les
Blancs mêlés entr'eux peuvent feuls faire des Blancs & que les nèo-res ne
peuvent provenir que de nègres des deux fexes.
La troifième nuance efl: celle du Mulâtre qu'on pourrait prefque fubdi-
viferen deux; attendu que les Mulâtres comparés entr'eux , offrent deux nuances
três-diftinftes qui font exaâiement celle du cuivre rouge & celle du cuivre
jaune. Ils ont tous les cheveux crépus.
Le Mulâtre eft produit de douze manières ; car dans ce cas-ci comme
dans tous les autres , je ne compte que pour une feule combinaifon celle du
Mulâtre avec une Blanche & celle du Blanc avec une Mulâtreffe , puifqu'il
n'y a que le fexe de changé. -
1. Le Mulâtre provenu du Blanc & d'une Négreffe & qui eft vraiment;
la moyenne proportionnelle entre les deux.
2. Le Mulâtre provenu du Sang-Mêlé avec la Néo-reffe.
3- Quarteronne avec la Sacatra.
4. ,^ . __ Négreffe.
K 2
\
A
76 DESCRIPTION DE LA PARTIE
5. Le Mulàcre provenu du Mamelouc avec la Sacatra.
6.
Né»reffe.
Métif avec la Sacaitra.
Négreffe.
9-
3 0.
II.
plus foncé provenu du Quarteron avec la Griffonne.
■ Sacatra.
provenu du Mulâtre & de la Marabou & qui eft d'un
cuivré encore plus fombre.
12. Enfin le Mulâtre produit par le Mulâtre avec la Mulâtreffe. Celui-ci
s'appelle Franc-Mulâtre , Mulâtre-Franc , ou Cafr^ue.
De toutes les combinaifons du Blanc & du nègre , c'eft le Mulâtre qui
réunit le plus d'avantages phyuques ; de tous ces croifemens de races c'eft lui
qui retire la plus forte conftitution , la plus analogue au climat de Saint-Domingue.
A la fobriété & à la force du nègr« , il unit la grâce dans les formes &
l'intelligence du Blanc. Il vit jufques dans un âge très-avancé & fi fa peau
fe tache en vieilliflant , il n'a que la laideur de la vieillefîe & point fa caducité.
Imberbe comme le nègre, il a comme lui un cara6lère laineux dans les che-
veux , mais fon poil eft plus long. Indolent , il a cependant la paffion des
exercices du corps & furtout celle de l'équitation & celle qui porte un fexe
vers un autre. Encore un coup , c'eft l'homme de ce climat qui brûle , de
cette Zone oi^i l'homme femble être dévoué au plaifir.
La quatrième nuance eft celle du ^arîeron , que ce nom défigne parfai-
tement, lorfqu'il eft le produit d'un Blanc & d'une Mulâtrefîe , parce qu'il
n'a vraiment alors que le quart de fa nuance en commun avec le nègre.
Le Quarteron a la peau blanche, mais ternie par une nuance d'un jaune
très-affaibli ; fes cheveux font plus longs que ceux du Mulâtre & boucl,és.
H les a même affez fouvent blonds , à moins qu'il ne foit produit par l'une
des combinaifons où l'éloignement du Blanc eft plus grand j parce qu'alors la
teinte jaune eft plus prononcée & les cheveux deviennent crépus.
Les Quarterons font produits de vingt manières.
I. Par le Blanc avec la Mulâtrefîe.
2. . ■ Marabou.
j. ' ■ Griffonne.
4. ...I .. ■ M I Sacacra.
FRANÇAISE DE SAINT -DOMÎNGUE.
Par le Sang-Mêlé avec la Mulâtreffe.
— . — . . Marabou.
— =— Griffonne.
-. . -■ — Sacatra.
Par le Quarteronne avec la Mulâtreffe.
__, Marabou.
Griffonne.
77
Par le Mamelox avec la Mulâtre ffe.
' Marabou.
' GiiffonnCk
Par le Métif avec la Mulâtreffe.
Marabou.
' ■— Griffonne.
S-
6.
7-
8.
9-
lO.
ïi.
12.
ï4.
î6.
17.
i8. Par le Quarteron avec la Quarteronne.
19. Mulâtreffe.
20. ■ — Marabou.
Il cft des Quarteronnes dont la blancheur eft telle , qu'il faut des yeux bien
exercés pour les diftinguer des Blanches. C'eft un avantage qu'ont, par exemple ,
fur toutes les autres , celles qui font nées de muJâtreffes de la teinte du cuivre
jaune, & qui étaient elles-mêmes des filles de Blancs non-bafanés, & de néo-reffes
d'une teinte un peu rougeâtre.
Au Quarteron , la nuance a donc déjà confidérablement gagné ; mais qu'il cfl
loin de pouvoir être comparé au mulâtre pour la force , & furtout pour celle
de réfifler au climat. En s'approchant du Blanc , il cft devenu prcfque auffi
fufceptible que lui de toutes les impreffions de la température chaude. Il a
déjà & peut-être , plus que le blanc , befoin d'un abri contre le foleil , dont
l'effet brunit fa peau & la tache de touffeurs qui prennent un ton jaunâtre , &
qui lui donnent quelquefois un teint défagréable & blafard.
A la cinquième nuance , fe^réfente le Mélis , appelle à Saint-Domingue
Mé^if, qui , principalement s'il eft fils d'un blanc , a une peau fort blanche &
4es cheveux longs, mais cette blancheur n'eft point animée.
Ce Métif ne peut être le produit que de fix combinaifons,
1, Du Blanc avec la Quarteronne.
2. Du Sang-mêlé avec la Quarteronne.
D E s C R I P 1' I O N
PARTIE
3. Du Quarteronne avec la Quarteronne.
4. Du Mamelouc avec la Quarteronne.
5. Du Métif avec la Méclve,
6. Du Quarteron avec la Métive.
Ici robfervation de l'augmentation du blanc dans la couleur, avec une perte
proportionnelle dans la force phyfique , doit être renouvellée. Le MétiF, furtouc
celui qui n'a en réalité que le huitième du nègre , efc même plus faible que
le Blanc , dont il le rapproche par la peau & par l'intelligence. Le Métif
imberbe , comme le quarteron , eft encore plus accablé parole climat. Il fe
reproduit à peine, & c'ell miéme déjà une chofe rare que des Métifs.
La fixième nuance eit celle du Mamelouc , qui ne peut pas être confondu
avec le Blanc, préciiement parce qu'il a une blancheur matte , décolorée , & où
l'on démêle q-elque chofe d'une teinte jaunâtre. Cette peau eft encore plus
ennemie du haie que celle du Métif, & il femble qu'elle manque d'élafticité.
Cinq combinalfons feules , peuvent donner des Mamcloucs.
I. Le Blanc avec la Métive.
1. Le Sang-mêlé avec la Métive.
3. Le Quarteronne avec la Métive.
4. Le Mamelouc avec la Mamelouque.
5- Métive.
Il n'y a plui ici qu'un feizième du nègre.
Les Mameloucs qui font le produit du Mamelouc avec la Mamelouque, font
peut-être aiTez rares pour qu'on n'en trouvât pas quatre' dans toute la Colonie
& l'on ne fera pas furpris de ce fait, fi l'on a bien remarqué ce que j'ai dit
de la dégénération des Gens-de-Couleur, depuis le Quarteron.
Au feptième rang vient le ê^.arteromié , auquel on ne peut compter par
conféquent qu'un trente-deuxième de noir.
Il eft le réfultat :
1. Du Blanc avec la Mamelouque.
2. Du Sang-mêlé avec la Mamelouque.
3. Du Quarteronne avec la Quarteronnée.
4. Du Quarteronne avec la Mamelouque.
Ici s'offre un phénomène nouveau , c'eft que les Quarteronnes produits par les
Blancs & les Mamelouques fe rapprochent très-fenfiblement du Blanc par la
li
^ç^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 79
force , Se les f^jrpaffent en longévité , de manière qu'ils femblent être après
les mulâtres, les hommes les plus appropriés à la température coloniale.
On compte pour huitièmt nuance , celle du Sang-mêlé , qui comprend tout
ce qui -eft au-deffus du quarteronne , & qui n'a par confcquent qu'un foixante-
quatrième du nègre , mais qui le rapproche continuellement du Blanc.
Cette clafîe peut être produite de la manière fuivante :
I. Par le Blanc avec la Quarteronnéc.
2. ^ ' Sancr-mêlée.
-Sang-mêlé avec la Sang-mêlée.
Quarteronnéc.
Combinaifons dont les deux dernières furtout , offrent l'idée d'une foule de
■ combinaifons fecondaires, le Sang-mêlé pouvant être au premier, au fécond
degré, & enfin cà un degré fucceffivement plus voifm du blanc.
Il faut des yeux bien experts , pour reconnaître ces derniers mélanges d'avec
les Blancs purs , & l'on peut dire qu'en général il n'y a guères que Ta tradidon
orale ou écrite , qui ferve de guide à cet égard.
Il exifte à Saint-Domingue des Sang-mêlés parvenus au quatrième mélange
de Sang-mêlés, toujours avec des Blancs, de forte qu'ils n'ont réellement dans
leurs veines qu'un cinci cens douzième du fing Africain. Cette proximité du
Blanc les rend fi femblables à celui-ci, qu'ils ont autant à redouter que lui du
climat, mais auffi tous fes avantages moraux dz phyfiques leur font-ils communs.
Les trois nuances qui reftent , appartiennent à une autre combinaifon , à
laquelle on peut donner le nom de latérale , parce qu'elle ne fe trouve pas dans
la ligne qui va du blanc au noir, ou du noir au blanc.
Le Sacatra qui forme la première de ces nuances', & par conféquent h
neuvième dans l'ordre général, eft un être moins noir que le nègre, & d'une
teinte plus foncée que celle du griffe. Il eft des Africains, qui leur reflèmblenc
à cet égard : tels font certains nègres de la Côte d'Or.
Le Sacatra ne peut être produit que de trois façons.
I. Par le Griffe avec la Né.o-reffe.
O
— Sacatra Négreffe.
a.
Sacatra.
'^ Cette claffe exifte à peine , & quoiqu'elle foit regardée comme fupérieure au
nègre , elle n'en difïère que d'une manière prefque infenfible , puifqu'elle n'a
qu'une partie blanche , contre fept noires.
8d
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le Griffe a la dixième nuance. Il eft en général plus bafané que le mulâtre',
quoique l'on voye des Griffes aufTi clairs que le mulâtre for.cé. Mais ce qui
eft très-remarquable , c'eft que le quarteron , provenu d'un Blanc & d'une
Griffone , foit d'une teinte qu'on ne diftinguerait pas de celle du Blanc , fi
fes cheveux n'étaient pas frifés.
Le Griffe eft tellement fav'orifé par la nature , qu'il eft fort rare d'en voir
«n qui n'ait pas une figure agréable & un enfemble qui plaît. Il a tous les
avantages du mulâtre , mais il n'eft aucune des combinailbns produites par
les mélanges coloniaux , qui puiiTe offrir un réfultat auîTi livré à la fougue
amoureufe que le Griffe & elle eft égale dans les deux fexes. C'eft un phé-
nomène , peut-être inoui , que la continence dans un individu de cette nuance
&" fans doute par une fuite même de ce tempérament impoffible à contenir ,
les repentirs qui naiffent du plalfir font encore plus cuifans , lorfqu'ils font
procurés par cette claffe. On remarque auITi qu'en général les Griffes font
affez fjjets à bleffer l'odorat.
Il eft des Griffes réfultats de cinq cambinaifons.
1. Du Nègre avec la Mulâtreffe,
2. — — Marabou.
3. Du Griffe avec la Griffonne.
A. Sacaîra.
5, Du Marabou avec la Sacatra,
En onzième lieu, il faut compter le Marabou qui, quoique affez femblable
au Griffe , a en général une teinte plus olivâtre. Il eft auffi moins enc'ùn
au plaifir. Le Marabou vient de cinq manières.
î. Du Quarteron avec une Négreffe.
■1. Du Mulâtre avec une Griffonc
^ . — Sacatra.
4.. Du Marabou avec une Marabou.
r ___ . Griffonne.
Je range à la douzième nuance les Sauvages, Caraïbes ou Indiens Occf-
qui font en très-petit nombre & qui fe réduifent peut-êcre à quelques femmes
amenées de la Louifiane par des bâtimens Anglais & dont on fait des domef-
tiques, car je ne fâche pas qu'on les ait employés à d'autres ufages. Un feul
trait diftingue tous ces Indiens Occidentaux , hommes ou femmes , des mulâtres
&
mm
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 8i
& des muiâtreiTes , ce font de longs cheveux j extrêmement plats , d'un noir de
jais. Quant à la figure , ils l'ont, trifte & moins agréable que celle du ipulâtre ;
leurs pieds & leurs mains font plus petits.
Mêlés aux nègres ou aux blancs, ou aux divers réfultats du méîanc^e de ces
deux couleurs , il n'y a plus de différence entre leur defcendance & celle des
mulâtres , fi ce n'eft que les cheveux font plus long-tems noirs , plus lono-.tems
plats. Mais une preuve qu'enfin cette marque elle-même fe perd, c'eft que
malgré ces faits certains , qu'au commencement du fiêcle il y avait plus de trois
cens Sauvages ou Indiens en fervitude à Saint-Domingue français; qu'en 1730,
M. Salvert , gouverneur de la Louifiane , y envoya vendre cinq cens Sauvages
Natchez , & qu'on en a amené d'autres depuis , & de la Louifiane èc du
Canada , il n'y a point de nuances ni de caraftères extérieurs , qui faffent recon-
naître les individus qui doivent les avoir pour tige.
Enfin , au dernier terme , viennent les Indiens Orientaux , qu'il faut diUinsuer
en deux efpèces. La première eft compofée d'un très-pedt nombre de vérita^bles
naturels des Indes Orientales. L'autre , d'individus qui y ont également reçu le
jour , & qui font aulTi infiniment rares dans la Colonie , mais qui réfultent du
mélange des Indiens avec les efclaves Africains amenés dans l'Inde. On diftingue
facilement ces Indiens entr'eux, car les premiers ont une teinte olivâtre , analogue
à celle du griffe ; leur nez eft élevé, & leurs cheveux font très-longs; tan'dis
que les autres font plus rapprochés du nègre par la peau & les traits , & par
des cheveux moins longs & moins foyeux. Lorfque les uns & les autres fe
mêlent aux autres individus quelconques de la Colonie , leur raradère fe
conferve quelquefois , ftirtout en fe rapprochant du Blanc; & alors, comme je
l'ai déjà dit, on les appelle Zingres. Mais je puis répéter pour eux, comme
pour les Sauvages , que leur defcendance fe confond avec celle de l'Africain.
Malgré l'analogie des nuances entre les Indiens Orientaux ou Occidentaux ,
& les mélanges du Blanc & du Noir , il y a néanmoins cette différence impor-
tante en politique , que ces Indiens font complètement affîmilés aux Blancs
pour les droits & les privilèges, tant qu'ils ne fe mêlent qu'entr'eux ou qu'avec
des Blancs , & qu'on ne les prive de leur liberté , qu'en violant des loix qui
font^pofitives, claires & mukipliées. Mais auffi , dès que le fang Africain s'eft
uni?, celui d'un Indien ou d'un Blanc quelconque, le préjugé les dégrade, eux
& leur defcendance , comme méfalliés , fans qu'ils puiffent prétendre à nul
Tom, L T
; ,1
8 2
DESCRIPTION DE. LA PARTIE
emploi , â nulle place , parce que de ce momeni; , ils font aiTimilés aux Affranchis.
Les détails dans lefquels je luis entré fur les nuances des hommes colorés
doivent avoir fait remarquer qu'à leur égard comme par rapport au Blanc
lui-miême , mille circonfrances font que fouvent deux perfonnes , appartenant à
la même clafTe , diffèrent beaucoup entr'eUes quant à la nuance , parce que l'une
eft d'un ton de peau plus foncé que l'autre. Il peut même fe faire qu'une perfonne
que la couleur de ceux de qi;i elle dent le jour , place dans une claffe fupérieure,
foit d'une nuance plus foncée qu'une perfonne de la claffe inférieure. C'eft ce
que rendra encore plus fenfible, ce que je vais ajouter fur les diverfes nuances,
en commençant par les plus rembrunies , & omettant les deux extrêmes ,
puifque j'ai déjà affez parlé du nègre , & qu'on a vu qu'il en eft d'extrêmement
noirs, d'autres d'un noir cuivré, ce qui doit avoir de l'influence, mêm.e par
rapport à deux mulâtres ; car le fils d'un Provençal & d'une Sénégalaife fera
plus foncé que celui d'un Flamand & d'une négreffe Foëda.
Pour me rendre plus intelligible , je fuppofe que le Blanc & le Nègre
forment chacun un tout compofé de 128 parties qui font blanches dans l'un
& noires dans l'autre. On fera donc d'autant plus près ou plus loin de l'un ou
de l'autre, qu'on fe rapprochera ou que l'on s'éloignera davantage du terme
qui leur fert de moyenne proportionelle & qui doit être ici 64.
I.
Le Sacatra , qui eft le plus rapproché du nègre & qui eft produit de trois
manières, peut avoir depuis 8 jufqu'à 16 parties blanches & depuis 112 juf-
120 parties noires.
Sacatra.
Blanches. Noires.
Venu du Sacatra & de la Négreffe . . ' .8 120
-— Sacatra. . . .16 jj2
— — — Griffe & de la Négreffe. . « ,16 112
I I.
Le Griffe réfultat de cinq combinaifons 3 peut avoir depuis 24 jufqu'à 32
parties blanches & g6 ou 104 noires.
FRANÇAISE DE SA:INT = DOMINGUE. 83
Griffe.
Blanches. Noires.
Venu du Marabou avec la Sacatra
-■ Griffe avec la Griffonne
— Nègre avec la MulâtrefTe
Maraboù . .
Griffe avec la Sacatra
• 32
^G
• 32
96
• 32
96
. 24
104
• 24
104
1 1 1.
Le Marabou a dans fes cinq combinaifons depuis 40 jufqu'à 48 parties du
blanc & depuis 80 jufqu'à 88 du noir.
Marabou.
3| .
Venu du Marabou avec la Marabou
— — — Quarteron avec la Ncgreffe
■^ — Mulâtre avec la Griffonne
■ ' — Sacatra.
- — "' Marabou avec la Griffonne
. 48
80
. 48
80
. 48
80
.40
88
. 40
8S
IV.
Le Mulâtre dans fes douze combinaifons , va de 56 à 70 parties blanches
& en garde depuis 58 jufqu'à 72 noires. Ainfx il y a tel mulâtre plus rap-
proché du Blanc qu'un autre, de 14 parties.
M U L A T R E.
Provenu du Quarteronne & de la Sacatra
. Mamelouc & de la .
--' Blanc & de la Négrelfe .
— - Métif & de la Sacatra.
• - Quarteron avec la Griffonne
'"' Mulâtre avec la MulâtrefTe
70
58
68
60
64
64
64
64
64
64
64
64.
L 2
■:3P^
pi
84 DESCRIPTION DE
Sang-Mélé avec la Négrefîe.
Quarteronne ^ .
Mamelouc --^ .
Métif __
Quarteron avec la Sacatra
Mulâtre avec la Marabou
1 L A
P
A
R T I E
Blanches.
. 63
. 62
. 60.
■ 56
■ 56
Noires
6s
66
68.
72^
7-2
72
Les 20 combinalfons du Quarteron offrent depuis 7 1 jurqu'à g6 parties blanches
& depuis 32 jufqu'à 57 parties noires.
Q^U A R T E R O N,
Venu du Blanc & de la MuIâtrelTe .
Quarteron avec la Quarteronne
■ Sang-Mêlé avec la Mulâtrefîè
■ Quarteronne
' Mamelouc
Blanc avec la Marabou .
Métif avec la MulâtrefTe .
■ Sang-Mêlé avec la Marabou
— — — Quarteronne
Mamelouc . ,
'llii
- — Blanc avec h Griffonne .
Métif avec la Marabou .
— - Quarteron avec la Mulâtreffe
— = Sang-Mêlé avec la Griffonne
Quarteronne ■
Mamelouc —____•
Blanc avec la Sacatra
- Métif avec la Griffonne .
Quarteron avec la Marabou
Sang-Mê!é avec la Sacatra
96
J2
96
32
95
33
94
34
92 ■
3^
88
40
88
40
87
41
86
42
84
44
80
48
80
48
80
48
79
49
78
50
76
52
72
56
72
56
72
56
7^
57
. \
FRANÇAISE DESAINT-DOMIN GUE 85
VI.
On trouve dans les fix combinaifons du Métif, depuis 104 jufqu'à 112
parties blanches , & par conféquent depuis 16 jufqu'à 24 parties noires.
M É T I f.
Venu du Blanc avec la Quarteronne ,
— — Métif & de la Métive
' Sang-Mêlé & de la Quarteronne
■ Quarteronne 8z. de la .
— — ^— Mamelouc & de la — —
Quarteron & de la Métive
VIL
Blanches.
112
112
III
110
IIO
1.04
Noires
16
i6
17
18
18
24.
Les cinq manières qui produifent le Mamelouc , font dans le rapport de
116 à 120 parties parties blanches, fur 8 ou 12 parties noires.
, Mamelouc.
Venu du Blanc & de la Métive
. Mamelouc & de la Mamelouque .
— Sang Mêlé & de la Métive
.- Quarteronne & de la — — -
»- Mamelouc & de la — — —
VIII.
Les quatre combinaifons du Quarteronne vont de 122 à 124 parties blan-
ches & de 4 à 6 parties noires.
Q^U ARTERONNÉ»
. .120
8
. 120
8
. 119
9
. 118
ÏO
. 116
12
Venu du Blanc & de la Mamelouque
— Quarteronne & de la Quarteronnée
■^-^ . Sang-Mêlé & de la Mamelouque
' Quarteronne avec la • —
124
124
123
122
4
4
S
• ■^ ■
-rr»A^
DESCRIPTION DE
Sang-Mélé avec la Négrefle.
Q.iarteronné^ — — — ■
Mamelouc ■■ .
Mécif
Quarteron avec la Sacatra
Mulâtre avec la Marabou
: LA
PARTIE
Blanches.
Noires
• 6j
(^5
. 62
66
. 60
68
• 56
72
. 56
7.2
. 56
72
Les 20 com binai fons du Quarteron offrent depui 7 1 jufqu'à 96 parties blanches
& depuis j2 jufqu'à 57 parties noires.
Q^u
A R T E R o
Venu du Blanc & de la Mulâcrefle .
Quarteron avec la Quarteronne
Sang-Mêlé avec la Mulâtrefle
QuarLeronné — —
Mamelouc
' Blanc av'ec la Marabou
Mécif avec la Mulâtrefle .
Sang-Mêlé avec la Marabou
Quarteronne
Mamelouc .
■ Blanc avec h Griffonne .
Mécif avec la Marabou .
Quarteron avec la Mulâtreffe
Sang-Mêlé avec la Griffonne
■ Quarteronne ■ — ■
• Mamelouc — — .
■ Blanc avec la Sacatra
- Métif avec la Griffonne .
■ Quarteron avec la Marabou
• Sang-Mê'é avec la Sacatra
9&
32
96
32
95
33
94
34
92
36
88
40
88
40
87
41
86
42
84
44
80
48
80
48
80
43
79
49
78
50
76
52
72
56
72
56
72
- S6
7^
57
ri'
r.
f.i
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 87
lë rencontre , il eft dans l'affemblage des traits , dans un nez épaté , dans des
lèvres épaiffes , qui ne montrent que trop l'origine. Mais cet indice , auquel
il ferait peut-être plus dangereux de croire qu'on ne le penfe , c'eft l'œil du
préjugé qui le voit, & s'il fe promenait dans l'Europe entière , il trouverait
avec ce fyftème , de quoi y former- auffi une nomenclature colorée ; car qui n'a
pas obfervé en voyageant dans cette partie du monde , des teints bien obfcurs
& des traits qui femblent appartenir à l'Afrique ? Il y a furement tel quaiteron ,
deux fois plus blanc qu'un Efpagnol ou qu'un Italien.
Et fi lorfqu'on compte à peine un fiècle & demi depuis que les deux cou-
leurs fe mêlent dans la Colonie françaife , il y a déjà des occafions où l'on
eft réduit à douter par rapport à certains individus , quelques générations
de plus ne peuvent - elles pas amener un rapprochement abfolu quant aux
teintes , furtout dans un climat où la peau de l'Européen lui-même prend un
ton jaunâtre, lorfqu'il en éprouve long-tems l'influence ? Cette époque pourrait
même être accélérée par des circonftances particulières , telles par exemple ,
que la tranfplantation dans un pays froid ; l'on fait que le nègre qui habite
la France y eft moins noir qu'aux Antilles , & j'ai conftaté , fur plufieurs
individus nègres ou colorés , qu'ils étaient d'une nuance bien moins fombre
l'Hiver que l'Été.
Je dois dire ici, que dans l'évaluation des parties blanches & des parties
noires des divers mélanges , j'ai toujours pris le nèo-re de
Le Sacatra de - .
Le Griffe , de
Le Marabou , de
Le Mulâtre , de
Le Quarteron , de
Le Métif , de
Le Mamelouc , de
Le Quarteronne, de
Le Sang-mêlé , de
En faifant toujours rapporter
précèdent , & où le Blanc & le nègre font toujours fuppofés agir dans le$
(lanches.
Noires.
0
128
16
112
32
96
48
80
64
64
96
32
112
16
120
8
124
4
126
2
es nouveaux mélanges à ceux qui les
x^
88
DESCRIPTION DE LA PARTIE
proportions que je viens de dcfigner, c'eft-à-dire , que le mulâtre que je prends,
vienc d'un Blanc & d'une vraie Nègreife; ce qui lui donne pardes égales des deux
nuances , & ainfi des autres.
D'après cette obferyation & les tables où j'oiîre les inimmiim & les maximum
de chaque nuance, on peut toujours trouver le minimuvi & le -maximum d'un
mélange lublequenî. C'eft ainfi que fi un Blanc eft mêlé à une mulâtrelTe , de
70 parties blanches qui eft le raaximum , le quarteron qui en proviendra aura 99
parties blanches , tandis que le même Blanc mêlé à la mulâtreffe de ^6 parties
blanches qui eft le mini:-nHin , ne p/oduira qu'un Quarteron de 92 parties blanches.
On peut encore le convaincre par les recherches des maximum &c des minimum
qu'il eft rigoureufement poffible qu'un quarteron , par exemple , pris dans le
minimum ne Toit qu'égal au mulâtre pris dans le maximum. En effet , fi un
mamelouc de 116 parties blanches a procréé avec une griffonne de 24, le
quarteron qui leur devra le jour n'aura que 70 parties , & ne fera conféquemment
qu'égal au mulâtre de 70 parties , & cependant dans la colonie l'un fera réputé
quarteron , & l'autre mulâtre feulement.
On peut même trouver que l'individu de la nuance confidérée comme ftipé-
rîeure, ait moins de parties blanches que l'individu de la nuance réputée inférieure.
En voici un exemple. Le Mulâtre & la Marabou font un Mulâtre , qu'on place
conféquemment au-deffus du Griffue. Cependant fi ce Mulâtre & cette Marabou
font tous les deux au minimutn y l'un n'aura que 56 parties blanches, & l'autre que
34 feulement (*). Ce Mulâtre n'aura donc réellement que 45 parties blanches,
quoiqu'on le mette au - defîus de ceux d'entre les Marabous , qui en ont
jufqu'à 48.
On doit en conclure , que l'arbitraire agit fur toute la claffification , & que
l'on ne peur offrir que les approximations que j'ai établies. Elles donnent
cependant lieu de remarquer qu'en général , l'arbitraire a plutôt augmenté que
dimdnué l'évaluation des nuances -, je veux dire que le calcul mathématique
ferait defcendre plus d'individus d'une nuance dans la nuance au-deffous , qu'il
(*) Car le Marabou peut avoir pour ayeul un Griffe de 24 parties blanches feulement, ce qui
■ a réduit fa mère Sacatra , venue de ce GrifFe & d'une négrcffe , à n'avoir plus que 12 parties
blanches. Or cette mère k ua Mulâtre de 56 parties, n'ont pu faire qu'un Marabou de 34partie$
blanches. -
n en
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 8a
n'en ferait monter de cclle-cî dans l'autre ; d'autant que lorfque , par exemple ,
un enfant vient d'un Quarteron clair avec une Griffonne claire , au lieu de le
réputer Marabou , on le claffe alors parmi les Mulâtres , & ainfi des autres
combinaifons.
Ces approximations peuvent encore préfenter certains rapports inverfes lorf-
qu'on prend alternativement Je Blanc & le Noir pour terme de comparaifon.
C'eft amfi que tandis que le Quarteron a ^ du Blanc & i. du Nègre , le Griffe
a -1 du Nègre & ^du Blanc ; que tandis que le Métif a i. du Blanc & i. du
Noir, le Sacatra a I. du Noir & i. du Blanc.
Ce ferait, peut-être , après tant de récherches fur les dénominations tirées de
la couleur, le heu d'en faire fur la caufe de celle-ci dans les nègres -, mais cette
differtation où je ne réunirais furement pas plus de lumières qu'il n'y en a dans
celles qui ont été publiées fur cette matière, m'écartcrait fans utilité j'ofe le
dire, de mon fujet , & ne fervirait qu'à ajouter une opinion de plus à celles
qui ont confidéré la chaleur, comme la caufe principale de la couleur foncée
du nègre, caufe que mille circonflances peuvent accélérer, ralentir, balancer
ou détruire, fans qu'il foit permis à l'homme de porter un jugement certain fur
ce point. Il eft toujours très-évident , que la caufe quelconque de la couleur du
nègre, n'agit pas feuleftient furies humeurs de fa peau , puifque celle deflinée
a la procréation, conferve de l'influence fur les mélanges dont elle eft un
élément, quoique cette influence colorée ne foit pas toujours dans la proportion
ou un calcul purement arithmétique la préfente.
Je dirai même à ce fujet un fait que l'on peut vérifier comme moi , Veft
que dans la combmaifon d'une nuance avec la même nuance , la teinte fe
renforce, c'eft ce qui eft feiafible furtout dans le Mulâtre , venu de père & de
mère qui font Mulâtres; fa peau eft plus fombre que celle des autres Mulâtres
qui ont cependant moins de parties blanches que lui.
La difficulté d'arriver aux derniers degrés du mélange vers le Blanc , par-
ce qu'ils exigent plus de tems , & ce que j'ai dit de la faible conftitution
du Quarteron, du Métif & du Mamelouc , doit convaincre que les nuances
ks plus rapprochées du nègre , font les plus communes. Aufll parmi les
Affranchis, trouve-t-on deux fixièmes de nègres , trois fixièmes de Mulâtres ou
de Marabous, de Griffes & de Sacatras que l'on confond avec les Mulâtres
Tome I.
M
90 D E s C R. I P T î O N DE LA PARTIE
& un dernier fixième d'individus des nuances fupérieures , à compter du
Quartercn inclufivement.
Dans la propre opinion des Affranchis , il y a une grande diftance entre les
Affranchis nègres & les autres , qui relativement aux nègres , femblent fe
réunir tous en une feule claffe. Il faut avouer que quelques motifs réels appuye-
raient cette prévention , fi elle n'était pas poulfée auffi loin. La première , c'efl
que plufieurs négreifcs font affranchies , parce qu'elles ont eu peur hvts m.aîtres
une complaifance qui n'eft pas au profit des mceurs , & parmi celles-là , ccmme
parmi celles qui ont obtenu la liberté pour avoir été nourrices ou pour d'autres
fervices. réeL , il en eft un affez grand nombre qui nées en Afrique, font
trcs-inférieures en intelligence & en avantages corporels, aux négrefîès efclaves
nées dans la Colonie. AuiTi y a-t-il fort peu de nègres libres dont les habitudes
diffèrent de celles des nègres elclaves , & ceux qui s'en écartent feront affez
bien peints parce que je dirai des Affranchis des autres nuances. »
Les plus nombreux, ceux mêmes qui le font affez pour que leur nom foit
donné dans l'ufage ordinaire à tout ce qui n'efl pas nègre ou Blanc , ce font
les Mulâtres.
J'ai déjà dit qu'ils étaient bien faits, d'une forme agréable •& fort intellio-ens ;
m.ais ils poufTent auffi loin que le nègre , l'indolence & l'amour du repos. Ces
homm.es font capables de réuffir dans tous les arts méchaniques & libéraux &
quelques-uns l'ont prouvé d'une manière qui aurait dû les exciter tou5 , fi ne
rien faire n'était pas pour eux le bonheur fuprême. Le Mulâtre ouvrier travaille
lorfque le befoin efl devenu impérieux, & encore fa fobriété , aufn grande que
celle du nègre & la nature du chm^at , lui laiifent-elles la pofTibilité d'une
longue lutte avec ce befoin i puis il retourne à l'oifiveté, jufqu'à ce que la
même caufe ramène le m.ême effet. Sans doute il efl des exceptions à ce trait
général ; on connaît des Mulâtres laborieux , occupés de fe procurer une
exiftence douce , à l'abri de la misère , & même accompagnée de jouiffances
plus ou moins agréables ; mais la facihté avec laquelle on les compte , appuyé
l'obfe.rvation générale.
Le Mulâtre aime le plaifir ; c'efl fon unique maître , mais ce maître efl
defpotique. Danfer, monter à cheval, facrifier à la volupté, voilà fes trois
pafuons. Il égale le Créol blanc daps h première , & le laiffe loin derrière
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
91
lui dans la dernière. Q^ant à fon goû;: pour les chevaux , il ne faut qu'un fait pour
ie prouver & le faire juger , c'eft que dans toutes les Colonies^ la prepaière
injure qu'on adreffe à un Mulâtre , c'eft de l'appeller volor cboiial ; voleur de
chevaux.
On fait du Mulâtre un excellent foldat, & une foule de circonfrances l'ont
prouvé à Saint-Domingue , notamment les levées de MaréchauiTée , les ChafTeurs
formés parM.de Belzunce en 1762, les Chafleurs- Royaux de 1779 '^l"^ °'""^
marché au fiège de Savannah dans la Géorgie. Il femble même qu'alors il
perde de fa parefîe , mais tout le monde fait que la vie du foldat , a dans les
loifirs qu'elle laifTe , de l'attrait pour les hommes indolens. Il eft bien confiant
que dans la Zone Torride , il ne peut pas exifter un défenfeur plus précieux
que celui qui vit de peu ; qui fe contente des racises & des fruits que le
climat produit; qui ne redoute pas le foleil & auquel il ne faut, pour ainfi
dire , point de vêtemens ; qui gravit une montagne avec agilité ; qui fait
monter au haut d'un arbre & qui réuiïit afiez à la chaffe pojr ne prefoue
jamais perdre fon coup. Il ne faut cependant pas prétendre à une difcipline
qui s'étende jufqu'à le caferner. Un Mulâtre foldat pourra fe trouver exac-
tement aux appels du jour , peut-être même à celui du foir -, mais c'eft en
vain qu'on veut gêner fa liberté la nuit: elle appartient au plaifir & il ne
l'engage point , quelque traité qu'il ait fait d'ailleurs.
Ce font les Mulâtres qui communément pourfuivent les efclaves fugitifs ,
& l'on juge alors de leur fupériorité locale fur tout autre foldat ; d'autant
qu'en quittant leur fouliers , ils ont les m.êmes avantages que Tefclave qui
fe fert de fon pied nû pour monter jufques lur des rochers , ou pour def-
cendre de rapides falaifes.
Le Mulâtre aime la parure : la vefte , le pantalon de toile fine , le chapeau
retapé, & les mouchoirs de tête & de cou lui font chers. Dans des jours
de marque , il a fouvent des bas & un habit & toujours de la grâce & de
l'élégance , de quelque manière qu'il foit vêtu. Prcfque imberbe , il paraît
long-tems jeune j jufqu'à ce qu'enfin le blanc de fes yeux fejaunifle & annonce
les progrès de l'âge. Celui-ci amène les cheveux blancs & les taches de la
peau, qu'on voit même paraître de bonne heure chez quelques-uns fous le
nom de Loîcis & qui préfagent une altération cutanée dont les caraélères font
la laideur & la difformité. Cependant , & dans cet état qui excite le dégoût ,
M 2
r
i
92
DESCRIPTION DE LA PARTIE
le Mulâtre fournit encore une longue carrière; c'efl celui de tous les êtres
■ de Saint-Doir.ingue , dont la vie efc la plus prolono-ée.
Tous les avantages donnés par la nature au Mulâtre font prodigués à la
MuIâtrefTe. Ce que j'ai écrit en peignant les Créoles blanches lui^'convient:'
parfaitement , fi on le fait rapporter à l'élégance des formes , à la facilité des
mouvemensi mais elle porte plus loin cette nonchalance qui annoncerait la
faibleffc. Cl cette caufe n'était pas démentie par le langage des yeux. A fa
démarche lente; accompagnée de mouvemens de hanches , de balancemens
de tête; à ce bras qui fe meut le long du corps en tenant un mouchoir ;
a un petit morceau de racine devenu une efpèce de broffe qui frotte fréquem-
ment l'émail des plus belles dents , reconnaiiTez l'une de ces prêtreffes de Vénus
auprès defquelles les Lais, les Phri'^ê auraient vu s'évanouir toute leur célébrité.
L'être entier d'une MuIâtrefTe efl livré à la volupté , & k feu de cette
DéefTe brûle dans fon cœur pour ne s'y éteindre qu'avec la vie. Ce culte ,
voilà tout fon code, tous fcs vœux, tout fon bonheur. Il n'eft rien que l'ima-
gination la plus enflammée puifîe concevoir, qu'elle n'ait preffenti , deviné ,
accompli. Charmer tous les fens, les livrer aux plus délicieufes extafes , les
fufpendre par les plus féduifans ravillcm-ens : voilà fon unique étude ; & la
nature, en quelque forte , complice du plaifir,luia donné charmes , 'appas ,
lenfibilité , & ce qui eft bien plus dangereux , la faculté d'éprouver encore
mieux que celui avec qui elle les partage, des jouiffances dont le code de Papbos
ne renfermait pas tous les fecrets.
On fe rappelle que j'ai cité les Mulâtreffes comme les Créoles les plus préco-
ces. Cette particularité , leurs difpofitions naturelles , les féduftions de leurs
femblables , l'effet d'une réputation qui appartient à toute la claffe , font autant
de caufes qui les vouent de bonne heure à l'incontinence. On ferait afflio-é
de voir jufqu'à quel point ce défordre s'eft accru , & quelquefois le terme
qui fépare l'enfance de la puberté & qui appartient , pour ainfi dire , éga-
lement aux deux , eft à peine refpefté. De là tous les maux dont le moindre
n'eft pas d'empêcher la reproduftion , ou de n'en faire réfulter que des êtres
faibles & débiles.
Le luxe des Mulatrefles eft pouffé au dernier terme , & depuis 1770 il
a fait des progrès qui paraiffent incroyables à ceux qui ont pu comparer les
deux époques. C'eft toujours dans les villes qu'on doit l'obferver pour en
L^v
"mr
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 95
avoir une idée exa«e. Ce luxe confirte. prefque entièrement, dans un frul obiet
Ihab, lement , pu.fqt.e rien nVft d'ordinaire plus fimple que le lo,etnent d'un^
Mt„atrcne, qu. confifte en une on deux pièces ou cl,ambres , tout au plus
Lune de ces p,e.es fert de falon . elle eft fouvent fans autre tenture qu'un
pap,er. une glace une table, un beau cabaret .vec des porcelaines , de jol.es
cl,a,fes de patUe pe.ntes , ou de rotin , tel en c:', i'.vneublement. D,n, l. fécond
font les .enres chofes , n,ais d'un autre goût, puis un Ht couvert d'une b:n
perfe, eleve de quatre ou en, pieds, fuivant l'ufage de la Colonie; une ou
d ux „„^,es du plus bel acajou, & un lit de repos du n,ên,e bos, dont
ufage neft pas un problême infoluble. Si le logement n'a qu'atne ^èce
out ce que je v.ens de détailler s'y réunit. & une cuiHne & des logemens'
extérieurs pc>ur les efclaves , complètent la demeure d'une Affranchie On e„ a
cependant vu quelques-unes qui pouffaient la recherc'ne beaucoup ^ s loi &
q«ava,ent des ma.fons fomptueufes , mais ce genre n'eft pas col'^ Vs „f
Dom ng„, . , ^,, ^^„,^ ^^^^ ^^^^^^ ^^ ^^^ d'une 'courtifane-M ht eff
q.e futvrent long-tems le plaiGr. la curiofué & la fortune
Comme toutes les Créoles Ipq M.il^.i-v^n-.
pour les reoas & eM, ' ^"'■"■•effes mangent fans avoir d'heures fixes
pour les repas, & elles vivent avec une frugaiité remarnnahl, s, ■ c
doute contribue à leur co„rervation.C 'eft donc encorrf ?"' '
q.e tout eft rérervé. Tout ce que l'Inde prod^ii de ^is b ."Ve 17"-™"
en mouflèlines, en mouchoirs, en étoffes & en toilef """ '"'= P'"^ P""'"
de la mode pour embellir ce re;e colorÎ De i e d'ends"! "b''" 'T"
la multiplicité, plus que le genre , augmente la vat^^^^^^
profuEon, & le défit de ces chofes coûteules eft îll'e 7 r u7" '"''
voit un afl-ez grand nombre de Mulàtrefc à slnt Dom " "' ' ^"'^
changer en entier de vétemens , tous les j!:s\te°nr'^"' ■''"' ^°-^^^^^^
en nfgu"; tufentf f "'l'^"''':''' '"°'' '^ê»- 1"^ les Blanches portent
degré'qu^LttTtrisX;^: t,f!rr ''"''""''" '^-' ■=
Ceft même aux premiers élans q^Z fo!t ver Vir qT„'"^ ''^T
ont été initiées à certains myftères narce nue 1 r '.? ^"^^ ''"'""
^ ,.e ce luxe eft le fignal dL ^vl^ p^ ^if ^t "" " ^""^"^'^ '
ûepenle , c eft le défaut de foin pour les confer.
94-
DESCRIPTION DE LA PARTIE
ver; c'efi: cette prodigaliré qui fait que les chofe? les plus difpendieufes font
comme dédaignées , en les employant lors même que leur ufage eit un véritable
abus , ou en les rejettant parce qu'elles ont déjà fervi quelquefois. Prefque
jamais une Multtreffe ne prendra l'aiguille, dont elle fe fert comme une fée,
peur prolonger la durée d'une parure achetée fort cher ; fon orgueil lui dit qu'il
faut la remplacer par une autre , & elle fait comment elle a acquis la première
Ce que j'ai peint jufqu'ici des MulâtrefTes , a affez préparé à m'entendre
dire que la plus grande publicité accompagne leurs aélions. La plupart d'entre
elles demeurent chez un Blanc , ci^i , fous le titre bien peu mérité de ',nh:agcres .,
elles ont toutes les fondions d'une époufe , fans être fort difpofées à accom.plir
les devoirs de ce titre. Les autres ont des logemens qui leur font propres. Ce
font autant d'écoles où le favcir eft promptement acquis, mais aux dépens de
l'innocence , de la bourfe & très-fréquemment de la fanté.
C'eft même à ce dernier égard , qu'on remarque deux particularités. L'une,
que le poifon de l'amour eft plus actif chez les Mu'âtreffes que chez les
autres femmes , les GriiFonnes exceptées ; & la féconde , que malgré les
maux qu'elles éprouvent elles-mêmes de l'excès des plaifirs , on les voit fouvent
&: toujours avec furprife, prendre , vers l'âge de trente-cinq ans , un embonpoint
qui reproduit plufieurs de. leurs charmes , & qui leur donne encore des droits
à plaire. Il ferait cependant très-peu raifonnable de penfer que cette efpèce de
palingénéfe , foit le partage de toutes celles qui en ont befoin ; mais on peut
affurer que Tage qui, dans les climats tempérés , eft celui de la dcftruélion des
femmes prodigues de leur exiftence , n'eft pas plus f^nefte aux Mulâtreffes ,
qu'aux autres femmes qui n'ont pas adopté le m^ême calcul.
Il ne faudrait pas conclure non plus , de ce que je dis des mœurs des
Mulâtreffes , qu'il n'en eft point qui connaiffent la vertu. Olù , l'on en voit dorrt
la conduite miériterait d'être prife peur modèle ; qui ont miême de plus à
attendre , l'éloge d'avoir réfifté à l'exemple de leurs femblables , aux féduélions
iâns nombre dont elles font environnées ; d'autant que le préjugé leur refufe la
confidération , qui eft le jufte prix de tant de facrifices & d'un combat où il
faut plus d'un genre de courage pour triompher. Mais ces exceptions font
malheureufemient bien rares. C'eft celles qui en font l'objet, que des Blancs
ou des hommes de leur claffe prennent quelquefois pour époufes. Quand
tUes font unies à ces derniers , elles ont prefque toujours une palme de plus à
FRANÇAISE DE S A J N T - D O M I N G U E. 95
obtenir , pour n'avoir pas imité un époux dont la fidélité n'eft pas l'apanage,
& pour foufFrir , avec plus ou moins de réfignation, les mauvais traitemens qu'ils
leur prodiguent , & qu'on doit imputer au défaut d'éducation , & à un penchant
jaloux.
C'eft donc réellement à Técat de courtifane , que les MulatrelTes font
preique généralement condamnées , & elles y font affociées avec les femmes
efclaves. Ce commerce illégitime qui oîFenfe les mœurs & la morale rellgicufe,
efi: cependant regardé comme un mal r.écelTaire, dans les Colonies où les femmes
Blanches font en petit nombre , & furtout dans celle de Saint-Domingue , où
cette difproportion cft encore plus grande. Il femble qu'il prévienne de
plus grands vices : les faibleffes des. maîcres pour les efclaves , font caufe que
l'efclavage eft adouci. On efl même en quelque forte autorifé à dire , que la
chaleur du climat qui irrite les défirs, & la facilité de les fatisfiire , rendront
toujours inutiles les précautions légiflatives qu'on voudrait prendre contre cet
abus , parce que la loi fe tait où la nature parle impérieufement.
On conçoit auiTi que l'exemple des femmes efclaves , influe fur les mœurs
de celles qui font libres. Les négreffcs venues d'Afrique , où la polygamie eft
autorifée, favent que par leur comm.erce illégitime avec les Blancs, elles peuvent
améliorer leur fort & celui de leurs enfans , & c'eft affez pour les porter à h
condefcendance. Ainfi l'influence du climat, le goût du luxe, l'éloignement
pour les époux de leur clafîe , qui font les maris les plus foupçonneux & les
plus defpotiques , tout porte les femmes de couleur à fuir le mariage & à fc
livrer à un concubinage lucratif, qui fatisfait mieux leurs inclinations volup-
tueufes , & auquel elles doivent leur liberté.
C'eft le concubinage des Blancs avec les négrelTcs , qui eft la caufe aue les
Mulâtres affranchis font aufli nombreux j car les Mulâtreffes libres font' elles-
mêmes très-peu d'enfans', précifément_par le genre de vie qu'elles ont adopté.
En fécond lieu, le climat de Saint-Domingue étant moins favorable aux
enfans dont la nuance s'approche du Blanc, les Quarterons réuffifTent peu. Enfir.
la corruption des mœurs qui mène tous les vices à fa fuite , fait craindre la
maternité aux Mulâtreftes. De là , les moyens & peut - être les crimes
qui en garantiffent. Ce ne ferait donc pas hafarder une erreur, que de foutenir
que fi les Mulâtres libres n'étaient paj recrutés par des enfans de Blancs & de
négreffes , cette claffe m.ettrait bien nioins de tems à difparaître , qu'il ne lui en
a fallu pour arriver au terme où elle eft parvenue.
a:j:i
'^^
S6
DESCRIPTION DE LA PARTIE
L'éducation phyfique des enfans de couleur, eft ablolument la même que
celle des enfans blancs, & elle produit les mêmes avantages quant à leur taille
& à l'exemption des défauts corporels. Les femmes de couleur ont pour leurs
enfans une tendreffe qui eft bizarre auffi dans fes effets , mais ie n'oferais pas dire
qu'elle foit accompagnée d'autant de foins que celle des Blanches & des
negreiTes
Ces femmes font des maîtrefîes fort impérieufes & très-redoutées , quoiqu'il
foit très-commun devoir des Mulâtrefles libres, vivant dans la plus grande
familiarité avec des femmes efclaves : mais ce ne font pas les leurs. Et i'obferve
à cet égard que cette familiarité, quelquefois fondée fur la parenté, a très-fouvent
pour caufe , les préfens que des Affranchies reçoivent des efclaves qui ont des
amans dans Iturs maîtres ou dans d'autres Blancs , qui leur donnent les moyens
d'être généreufcs. En général , les Mulâtres tirent mêaie de grands fecours des
efclaves avec lefquels ils ont des rapports de différens genres, fans s'en croire
humiliés.
Un trait bien remarquable , c'eft la Hdélité & le fecrer avec lequel les femmes
de couleur font fervies par leurs négrefles ; car une opinion prefque impérieufe ,
leur défend d'avoir des efclaves pris dans les nuances mélangées. Une négreffel
même la plus maltraitée , ne confent prefque jamais à trahir fa maîrreffe'', ni â
écouter un homme à qui celle-ci accorde des faveurs. Si enfin elle fuccombe
c'eft en tremblant , c'eft en défirant que la maifon , ou au moins l'autel où fl
maîtreffe facrine au plaifir, ne foit pas le lieu où elle fe livre elle-même à fon
vainqueur. Cet effet de k crainte eft d'autant plus fingulier , qu'il n'a pas lieu
dans les fervantes d'une époufe blanche.
Ce qu'on fe perfuadera facilement, c'eft qu'il y a entre les Mulâtreffes &
les Blanches, une antipathie qui prend fa fourcc dans la perfuafion que leurs vues
s'entre-nuifent. Les unes veulent des époux, les autres cherchent à empêcher
qu'on ne le devienne , ou du moins à faire agir comme fi on ne l'était pas. De là ,
cette haine qui fe montre dans les avions , dans les difcours ^ de là , les unions
malheureufes, la ruine de plufieurs famiUes , & quelquefois encore des écarts
de mœurs de la part de Blanches , à qui le défir de la vengeance confei'lle
d'imiter, en quelque chofe, celles qui ont caufé leurs maux. Un fait très-conftant
c'eft que fort peu de femmes de couleur refufent leurs faveurs à un Blanc dès
q^u'il eft- marié, furtout s'il facrifie dans cette infidélité, une époufe que les
grâces
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE cjj
grâces auraient dû fauver d'une préférence que rien n'excufe. Qui croirait cependant
que les Mulâtreffes font fouvent prifes pour modèle par les Blanches, dans leurs
ajuflemens négligés , & qu'il en eft parmi celles-ci qui ont, avec les premières »
des converfations , où une curiofité toujours déplacée & qui n'effc pas exempte
■ de dangers , n'eft fatisfaite qu'aux dépens de la décence ! On eft même affez
furpris de voir que dans leurs attitudes , leur démarche & leurs geftes , beaucoup
de jeunes Créoles s'étudient à imiter les MulâtrcfTes , qu'elles fe dépitent tant
d'avoir pour rivales , & dont elles augmentent ainfî l'orgueil.
Cet orgueil confifte furtout à montrer fes triomphes , & dans la Colonie il
ferait bien difficile que quelque chofe reftât fecretj d'ailleurs entre elles-mêmes
les MulâtreiTes fe difputent les victoires , & dans leurs querelles , tout ferait:
révélé , s'il y avait quelque chofe de caché. La publicité , je le redis , eft une de
leurs plus douces jouiffances , & c'eft au plaifir qu'elles y trouvent., qu'on
doit l'ufage qui fait que , chaque foir , à l'heure du coucher, on voit fortir les
filles de couleur de chez elles , fouvent éclairées par un fanal , porté par une
efclave , & allant paffer la nuit chez celui qu'elles aiment le plus , ou qui les
paye le mieux.
Les MulâtreiTes affeftent une forte de dédain pour les Mulâtres , & mêm^e
dans leurs bals qui' reffemblent à ceux des Blanches , elles ne veulent d'auties
hommes que des Blancs. J'aflure néanmoins que chez un grand nombre d'en-
tr'elles , ce dédain n'eft que fimulé, & que plus d'une a pour favori un Mulâtre
qu'elle embellit fecrètement de ce qu'elle reçoit d'un Blanc qui jurerait, s'il le
fallait , que fa bien-aimée a une averfion infurmontable pour les hommes colorés
Il en doute d'autant moins, que cette bien-aimée eft une tigreffe enjaloufie
& comment fuppofer qu'une femme joué un fentiment qu'elle n'éprouve pas !
Il eft des Muiàtrefîes , que leur célébrité ne garantit pas du défagrément de
choquer l'odorat, & que l'ufage des parfums ne fait que trahir d'avantap-e. Mais ce
défaut n'eft rien moins que général. Elles aiment la plus exquife propreté, & elles
font un ufage continuel des bains. Elles ont même à cet égard, une habitude bien
plus favorable à la beauté que celle des Blanches, parce qu'elles employent toujovri
l'eau froide. C'eft à ce moyen qui donne du ton aux chairs & à la fibre , qu'Iles
doivent fans doute, de paraître plus long-tems jeunes ,& de n'être pas habituelle-
ment vaporeufes, elles qui font de toutes les femmes, celles donc k genre nerveux
.eft le plus travaillé par le magnétifme de l'amour j elles qui aiment les fleurs
Tom. L N
Ml
J
9? DESCRIPTION DE LA PARTIE
avec pa.Tion, qui s'en parent, qui en jonchent leurs lits & leurs armoires, & qui,
fâchant bien que leur parfum éveille la volupté , ont un grand plaifir à en
Ibrmer des bouquets pour l'objet qui leur eft cher. Il eft rare qu'une fille de
couleur aille le foir trouver Ton amant , fans s'être plongée auparavant dans l'eau
froide , ou fans en avoir fait verfer à grands flots par fes efrlaves , depuis fes
épaules jufqu'à fes pieds ( car la coiffure eft faite pour durer deux ou trois
jours fans quitter la tête )-, & elle arrive ainfi avec la fraîcheur & la dureté du
marbre.
Tout ce qu'on vient de lire fur les Mulâtres des deux fexes , eft applicable ,
prefqu'en totalité , aux Gens de couleur des nuances plus blanches , pourvu qu'on
en excepte ce qui tient à la force du tempéramment , à l'aptitude au plaifir
& à la prolongation de la vie. Qu'on fe rappelle toujours que le Quarteron , le
Métif & le Mamelouc, font , à tous égards , inférieurs aux Mulâtres, & qu'à
partir du Quarteronne , on retrouve le phyfique du Blanc.
Les Gens de couleur font , en général , bons & fufceptibles d'élévation dans
i'ame, & les femmes font compatifîantes pour les pauvres & furtout pour les
malades à un point qu'on ne peut aflez louer. Le manque d'éducation &
l'imitation des vices & des ridicules des Blancs qu'ils outrent, font leurs plus
grand défauts. Ils font fort hofpitaliers , & s'ils pouvaient vaincre leur indolence
les Colonies pofiëderaient en eux des êtres précieux. On peut leur reprocher
des crimes; mais ce font des hommes, & des hommes quelquefois encore
trop près de la fervitude , pour qu'on doive en être étonné. Les fuccès de
pkiueurs d'entr'eux dont l'enfance a été cultivée en France , prouve que les
ravaler, comme font Certaines perfonnes , c'eft facrifier aveuglément au préjugé ;
tandis que les turpitudes de beaucoup d'autres , leurs mœurs & leur inaptitude
aéluelles font la plus forte critique de l'opinion de ceux qui vei>knj: qu'on les
croie fupérieurs aux Blancs.
Il me refte à dire que parmi les efclaves font aufil des Gens de couleur
de toutes les nuances. Il eft prefque , fans exemple , qu'il y en ait d'emplovés
à d'autres ufages qu'aux foins purement domeftiques , & il ne faut guères
compter que des Mulâtres. Ces efclaves fc croient fupérîeurs aux nèo-res
libres à caufe de leur rapprochement du Blanc par leur nuance ; & par leurs
mœurs, ils font, en quelque forte , encore une clafiTe mitoyenne entre l'efclavage
& l'affranchiffement, ou plutôt entre l'efclavage extrêmement adouci & l'affran-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. g«
chiflèment tacite dont jouiffent beaucoup d'efclaves de toutes ies nuances qui ,
foit par la condefcendance de leurs maîtres , foit parce qu'ils fe font rachetés
eux-mêmes envers lui des devoirs de l'efclavage , foit enfin parce que l'admi-
niftration publique ferme les yeux fur cet abus, font réputés Affranchis fans
l'être. Mais je les ai deffinés , en parlant de ceux pour lefquels ils font des
efpëces d'auxiliaires.
Enfin on appelle Méf alliés ,- les Blancs dont le&., femmes ne font pas des
Blanches. Il faut les regarder comme un nouvel intermédiaire , entre les Blancs
& les Gens de couleur. Ils appartiennent cependant à ces derniers , par leur
alliance. Mille occafions différentes me ramèneront encore , dans le cours de
cette Defcription , à offrir des traits qui appartiendront aux Affranchis, parmi
lefquels un affranchiffement plus ou moins ancien & un plus grand éloignement
de la couleur du nègre , font des prérogatives qu'ils invoquent, au moins en
fecret. Mais ee que je défire que le Ledeur retienne , c'eft que je me fervirai
indiftindement de ces mots , Gens de Couleur & Sang-mêlés , pour défigner tous
ceux qui ne font ni Nègres ni Blancs , & que j'entendrai par Affranchis , tout
ce qui n'eft ni Blanc ni Efclave.
N a
^^^Mm:j^^'^^_
lOO
DESCRIPTION DE LA PARTIE
NOMBRE ET NATURE
Des Ètahliffemens de la Pa?'tie Frajîçaife de Samt-Domingue,
i-<A Colonie francaife de Saint-Dommgue, dont je viens de peindre les habitans,
contient 793 manufadures à fucre ou fucrerres -y 3,150 indigoteries ; ~j%q
cotonncries; 3,117 cafeteries ou cafeyêres ; 1&2 guildiveries ou diftiileries de
tafîa ou eau-de-vie de fucre; 26 briqueteries & tuileries; 6 tanneries; 370 fours
à chaux ou chaufourneri&s ; 29 poteries & 50 cacaoyêres ; indépendamment d'une
foule d'autres établifTemens connus fous le nom de places-à-vivres , parce qu'on
y cultive des racines nourriffantes , des grains , des fruits , & que l'on y élève des
volailles & d'autres animaux , qui font autant de moyens de fubfiftance.
On compte en outre à Saint-Domingue français , 40 mille chevaux ; 50 miUe
mulets & 250 mille boeufs , moutons , chèvres ou pourceaux , qui fervent à
i'exploitatian des manufactures ou à la confommation des habitans.
Division de la Colonie Fraîicaisezn- trois parties.
Cette Colonie a été, dès fon origine , diflinguée en trois portions qui forment
des divifions diftinftes , & qu'on appelle Partie du Nord , Partie de l'OueJi y.
& Partie du. Sud; dénominations prifes du point du Ciel, auquel répond le
chef-lieu de ces trois parties.
Chacune d'elles eft foumifc à un Commandant en fécond , qui reçoit les ordres
immédiats du Gouverneur-Général & de l'Intendant.
Pour être plus clair , & pour mettre en même-tems le Lefteur à portée de
me fuivre avec plus de facilité, j'adopte, pour première divifion, celle de ces troîs-
Parties ; & confidérant que nulle autre clafTification ne peut être auffi commode
que celle des paroifTes , je la prends encore pour m'aider moi-même dans ks-
détails infinis, que préfente une Colonie telle que celle de Saint-Domingue,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
10 r-
PARTIE BU NORD.
Cette Partie a pour limite a'iuelle à l'Orient , la Colonie Efpagnole ,
dont elle eft féparée par la Rivière du Maflacre, depuis fon embouchure jufqu'à
fon confluent avec celle de Capotille , enfuite par celle-ci jufqu'à fon confluent
avec la Rivière de la Mine , puis par la Rivière de la Mine & par une
ligne qui va dans le Sud chercher le Piton-des-Ramiers & les Montagnes
de la Mine & de Marie-Gallegue. La Partie du Nord fe trouve donc terminée à
l'Eft par les Paroiflès du Fort-Dauphin & d'Ouanaminthe, limitrophes de k
Colonie Efpagnole ; ce qui forme une ligne d'environ dix lieues , dirigée du
Nord au Sud depuis la Mer jufqu'aux Montagnes.
Les bornes de la Partie du Nord dans le Sud & dans l'Oueft font :
i^. Une ligne convexe dirigée, à-peu-près , de l'Efl: - Nord - Efl; au Sud-
Sud-Oueft qui, prenant du Canton de la Mine dans la Paroifl:e d'Ouana-
minthe vient fe terminer à la limite commune de la Paroifiè de la Marmelade
& de celle des Gonaïves i ligne qui, dans fa longueur, fépare les Paroifl^es fran-
çaifes, de Vallière, du Trou, de Limonade, de Sainte-Rofe ou la Grande-Rivière
du Dondon & de la Marmelade , du territoire cfpagnol -, & 2°. une lio-ne
fînueufe qui ayant pour direftion k plus principale , celle du Sud-Efl: au Nord-
Ouefi:, fépare ( en allant du point où k précédente finit jufqu'à k Mer ).
les ParoiflTes de la Marmelade , de Pkifance , du Gros-Morne & de Jean^
Rabel , de celles des Gonaïves , de Bombarde & du Môle.
Enfin la Partie du Nord eft terminée dans toute fa longueur Septentrionale,,
qui eft d'environ quarante-cinq lieues, par la Mer qui baigne les Côtes de
k ParoiflTe du Mole, de Jean-Rabel^du Port-de-Paix , du Petit Saint-Louis
ou Saint-Louis du Nord , du Borgne ,. du Port-Margot , du Limbe , de l'Acul ,.
de k Plaine du Nord, du Cap , du Quartier-Morin , de Limonsde, du Terrier
Rouge , & du Fort- Dauphin.
C'eft donc dans la Partie du Nord que fe trouve , prefqu'en entier ,. le pro-
longement Septentrional dont j'ai parlé à la page 3 , & k furface de cette
Partie peut être évaluée à environ quatre cens quatre-vino-t lieues carrées.
La Partie du Nord n'a. pas toujours été renfermée dans les limites aftuellss*
102
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Par un ufage auiïi ancien que l'établiiTement de la Colonie Françaife , on a
toujours diftingué celle-ci en plufieurs portions , fous le titre de ^artiers, qu'on
défigne, à leur tour, fous le nom du lieu principal de chacun de ces Quar-
tier?. C'eft ainfi qu'on a dit le Q^jartier du Port-de-Paix , le Quartier du Cul-
de-Sac , le Quartier de Nippes , le Quartier du Cap , &c. Les établiflemens
de la Parti.e du Nord ayant connmencé par le Quartier du Port - de - Paix ,
celui - ci compofait d'abord feul toute la Partie du Nord ; puis vint le Quar-
tier du Cap ; pendant long-tems il y eut même un intervalle prefquevide entre
rextrêmiré Orientale du premier & l'extrémité Occidentale du fécond, & le
Quartier du Cap s'étendait alors jufqu'à la limite efpagnole dans l'Oueft; mais
depuis on vit fe former le Quartier de Bayaha ou Fort-Dauphin ; & la Partie
du Nord a été réellement fubdivifée entre ces trois feuls Quartiers durant plus
d'un demi-f ècle.
Une ordonnance du Roi , du i"- Avril 1768, ayant enfuite fait cinq Quar-
tiers de cette étendue , la Partie du Nord a eu le Quartier du Cap , le
Quartier de Limonade , le Quartier du Limbe , le Quartier Dauphin & enfin
le Quartier du Port-de-Paix qui s'étendait encore alors , comme précédemment ,
jufqu'au Môle inclufivement. Enfin une autre ordonnance du Roi , du 20 Décem-
bre 1776, a fixé la Partie du Nord , telle qu'elle efl en ce moment, & l'a
compofée des cinq Quartiers du Fort-Dauphin, de Limonade , du Cap, du
Limbe & du Port-de-Paix. Mais quoique par la nomenclature , la Partie du
Nord paraiiTe n'avoir rien perdu alors , on lui a réellement ôté les Paroifles de
Jean-Rabel , du Môle & de Bombarde , pour en former un Quartier, donné
à la Partie de l'Oueft , fous le nom de Quartier du Môle-Saint-Nicolas.
La Partie du Nord a pour Adminillrateurs ou Chefs particuliers , mais
communs à les cinq quartiers , un Commandant en fécond, qui depuis 1763
a remplacé l'ancien Gouverneur de Sainte-Croix & du Cap , & un Commiffaire
Ordonnateur de la Marine , établi depuis 17 19; l'un & l'autre réfident au Cap.
Il y a, en outre, un Commandant particulier au Cap qui commande les trois
quartiers du Cap , de Limonade & du Limbe -, puis un Major réfident au
Fort-Dauphin & un autre Major en réfidence au Port-de-Paix & commandant
le quartier du même nom. Dans chacun de ces deux derniers lieux efl un
pfficier d'adminiftration.Ces agens militaires ou civils font fous les ordres du Com-
niandant en fécond & de l'Ordonnateur. Voilà la vraie divifion de la Partie du Nordj
■^
FRANÇAIS EDE SAINT-DOMINGUE. ,03
celle qui: fixe y^^^^^^ , j^^^,^,^ ^^^^^ ^^^^^ dénomination doit être appliquée
^ La Partie du_ Nord avait un tribunal fupérieur de juftice dont le territoire
était celui des cinq quartiers tels qu'ils étaient avant que l'ordonnance du 20
Décembre 1776 ne les changeât. Mais cette cour qui portait le nom de C..>7
Supneur du Cap que lui avait donné l'édit de fa création , en date du mois
de Jmn 1701 , en l'établiffant au Cap, a été fupprimée par un autre édit du
mois de Janvier 1787 & réunie à celle du Port-au-Prince pour ne former
qu une feule cour fous le titre de Confeil Supérieur de Saint-Domingue
Chaque chef-lieu des trois quartiers du Cap , du Fort-Dauphin & du Port-
de-PaiK , a une Sénéchauflee qui a tout le territoire du quartier pour juridiftion •
avec cette obfervat.on cependant que le quartier du Môle , malgré fon comman-
dement particulier qui dépend de la Partie de l'Oueft, n'a jamais celTé d'être
du reffort de la juridiélion du Port-de-Paix.
Partout où eft une Sénéchauffée, il y aufïï une Amirauté
On compte dans la Partie du Nord , vingt & une paroilTes, favoir ■ le Fort
Dauphin Ouanaminthe , Vallière , le Terrier - Rouge & le Trou qui forment
la Senechauffee du Fort-Dauphin . les treize fuivantes qui compofent la Séné-
chauffee du Cap , favo.r : Limonade, Sainte-Rofe ou la Grande - Rivière
le Q"---Monn laPetit^^^^ , le Dondon , le Cap, la Plaine du Nord!
la Marmelade, l'Acul, le Limbé , Plailance, le Port-Margot, & le Borgne
Et enfin le Gros-Morne , Saint-Louis du Nord, & k Port-de-Paix *" '
appartiennent à la SénéchaufTée du Port-de-Paix. ' ^"^
Des vingt & une paroifîes qui forment la Partie du Nord, il y enadix-fept qu'on
appelle paroiffes de plaine , parce que leur furface contient une portion plane
plus ou moins étendue , & quatre feulement font appellées paroiffes de mornes
parce qu'on ne peut y arriver qu'à travers des montagnes & que les voiture.
de trait ny fauraient parvenir. Ces quatre dernières font Vallière, le Dondon
la Marmelade & le Borgne. ^uuun ,
La Partie du Nord , canfidérée dans fon enfemble, renferme une plaine vaft^
& fertile, qui porte le nom de Plaine du Cap. Elle commence à la rivière du
Maffacre , & fe termine à l'Oueft de la paroiffe du Port-Margot^ ce qui forme
une^longueur d'environ 30 lieues, fur une profondeur qui varie depuis 4 llues iuC
qu a 8 & qu'on peut évaluer à fix lieues pour terme moyen, à caufe des enfonce»
mens des gorges, alfez ordinairement nommés Aculs dans la Colonie. Gett.
4
V^K-ii". ^7
104 DESCRIPTION DE LA PARTIE
fupei-ficie d'environ 1 80 lieues carrées, eft cependant interrompue quelquefois
par des mcmets ou monticules en quelque forte ifolés j par des portions monta-
gneufes, telles que le groupe confidérable & élevé , appelle le Morne du Cap ,
qui cerne la ville de ce nom & qui fe ti ouve dans ce point de la plaine , le long
même de la côte ; & encore par de petites chaîoes, de la nature de celle qui
forme la coupe du Limbe.
De l'extrémité Occidentale de la plaine du Cap , jufqu'à l'extrémité de la
Partie du Nord dans l'Oueft , les bords de la mer font en général montueux.
Les cuifles de montagnes qui viennent jufqu'au rivage , laiiTent cependant
entr'elles de petits intervalles planes , mais qui n'ajoutent que très-peu à ce que
la Partie du Nord a de furface plate. On peut donc dire avec vérité , que plus de
ia moidé de la Partie du Nord eft en montagnes , plus ou moins élevées.
La côte de la Partie du Nord eft , depuis l'embouchure de la rivière du
Maffacre , où commence le territoire français , jufqu'à l'îlct du Limbe , plus
ou moins garnie de rochers ou reffifs formant des bancs , entre lefquels font
des points de débarquement, ou même de grands mouillages, tels que ceux
du Fort-Dauphin , du Cap & du Port-de-Paix.
Dans fon contour intérieur , la Partie du Nord fe trouve comme féparée , par
les montagnes, de la Partie de l'Oueft, qui eft entre elle & celle du Sud-
Les communicadons de l'une à l'autre , font même pénibles. Autrefois elles
n'en avaient que par mer ; enfuite on a paiïe fur le territoire Efpagnol, pour
aller du Dondon au Mirebalais , chemin qui exifte encore , fi toutefois il mérite
ce nom, & que M. de Chateaumorant , Gouverneur-Général de la Colonie,
décrivait en ces termes au miniftre , en 17 16: „ Je n'aurais pu me rendre
par terre à Léogane , quelqu'envie que j'en eulTe , quand même ma fanté me
l'eût permis, les chemins étant quafi impraticables. Il faut faire dix lieues
fur les terres efpagnoles , y coucher une nuit , & les fix autres être à la belle
étoile , après avoir marché tout le jour à l'ardeur du foleil. Il y a m.ême des
,, montagnes à pafîer , qu'il faut monter 8e defcendre à pied , fi l'on n'y veut pas
„ courir rifque de la vie ,■ les chevaux ne pouvant pas quafi s'y tenir „.
En 17 19, on ouvrit quelques fentiers qui allaient du Nord à l'Oueft, fans
quitter le territoire français , mais avec d'incroyables difficultés ; & ce n'a été
qu'à la fin du mois d'Août 1750 , que M. de Vaudreuil , Commandant-Général
de la Colonie, fit ouvrir, par cent nègres de corvée, le chemin qui a fervi
jufqu'en
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 105
jufqu'en 1787. A cette dernière époque Ja réunion des deux Confeils du Cap
& du Port-au-Prince, a fait travailler à une route propre aux voitures, au lieu
qu'on ne pouvait aller auparavant qu'à cheval , dans un intervalle d'environ huit
lieues , & encore qu'avec de grandes dilEcultés.
La Partie du Nord a des avantages réels fur celles de l'Ouefl & du Sud.
Il en eft qui tiennent ù la nature de fon fol & de fon climat , & d'autres qui
font dûs à fa pofition géographique. Parmi les premiers , on doit compter celui
d'avoir beaucoup de rivières , de ruifîeaux , de ravins , & de recevoir des pluies
réglées, notamment celles qui accompagnent le vent du Nord, quoique depuis
vingt ans leur périodicité ait été fouvent remplacée par de longues & défaf»
treufes féchereffes. Le fo] de cette Partie eft généralement plus produûif que
celui des deux antres , & l'on en a la preuve dans l'avantage inappréciable de
pouvoir s'y paffer d'arrofage , qui, laiflant l'eau aux. moulins à fucre , permet
une grande économie en animaux fort chers , difficiles à remplacer , & dont
l'exiftence devient chaque jour plus incertaine par les épizooties. Ce n'eft pas
qu'on ne trouve dans les Parties de l'Oueft & du Sud , des terrains auffi fertiles
que dans celle du Nord , mais ils veulent prefque toujours l'arroferaent, & tel fol
dont les produaions étonnent l'œil & enrichiffent le propriétaire , ferait frappé
de ftéfilité , fans le fecours du principe aqueux qui féconde la terre & l'embellit.
L'avantage géographique de la Partie du Nord , c'eft de fe trouver placée
au vent des deux autres -, ce qui dépend de l'effet prefque totalement conftant
des vents alifés , qui foufflent de l'Eft. Tous les bâtimens qui viennent d'Europe,
attérixTent au haut de la côte Nord de la Colonie efpagnoie, à caufe des danaerl
qui exiitent plus à l'Oueft, &i que la vue de ce point de la côte aide à évkcr.
Ils la fulvent , & viennent paiTer devant le Nord de la Colonie françaife , où
les denrées de la vafte plaine du Cap les invite à s'arrêter. Lorfqu'un bâtimene
part du Cap , il a le débouquem.ent le plus proche & le moins dangereux ; tout
concourt donc à mériter la préférence à un lieu qui , en tems de guerre furtout ,
promet une traverfée plus courte , une fortie plus facile & plus de probabilités
pour trouver un convoi.
De ce que le Cap reçoit & attire plus de bâtimens que les autres ports de
îa Colonie , il en réfulte d'autres avantages pour la Partie du Nord i c'eft que
les denrées y font avantageulément vendues ; c'eft que leur débouché eft plus
certain pendar.t la guerre; c'eft qu'elle offre les meilleures marchandifes, parce que
To?ne I. ' Q
V
i
-^TKSl"*^
îo5 DESCRIPTION DE LA PARTIE
h concurrence qu'on redoute , confeille de n'en apporter que de bonnes qualités j
c'eft enfin , d'offrir plus de reffources pour la fubîîftance des efclaves , quelque
calamité qu'on puiffe éprouver. D'un autre côté , le Cap écant un lieu qui
réunit des établiffemens de tous les genres , la circulation du numéraire y eft
plus rapide qu'ailleurs ; & l'induftrie , quelque forme qu'elle veuille prendre ,
eft prefque fûre d'y être encouragée.
La Partie du Nord eft la première que les Français aient établie , & elle eft
encore la plus importante par fa fituation , m-ilitairement parlant , par fes
richeffes & par fa population. Sur fa furface d'environ quatre cent quatre-vingt
lieues carrées , comme je l'ai déjà dit , on peut compter à-peu-près feize mille
Blancs de tout âge , dont plus des deux tiers font du fexe mafculin ; neuf mille
gens de couleur libres , prefqu'en nombre égal dans chaque fexe, & cent foixante-
dix 'mille efclaves , parmi lefquels le rapport des nègres eft à celui des négreffes
comme neuf eft à fept. La Partie du Nord renferme à elle feule, 288 fucre-
ries j 443 indigcteries j 66 cotonneries , 2,009 cafeteries , 46 guildiveries , 19
briqueteries 5 6 tanneries, les feules qui exiftent dans la Colonie, 125 fours à
chaux, II poteries, 7 cacaoyères ou cacaotières , 15 mille chevaux , 24 mille
mulets, & 8S mille autres animaux, tels que bœufs, moutons, chèvres ou
cochons.
Les nègres ont , dans la Partie du Nord , une manière de fe nourrir ,
qui n'eft pas la même que dans les deux autres parties. Ils y préfèrent la caffave
à l'ufage des racines , & en général ils y font plus induftrieux & mieux traités,
La culture eft aufTi pouilée plus loin au Nord , & l'art de fabriquer le fucre ,
y a fait des progrès qu'on n'égale peint encore dans le refte de la Colonie.
Il faut dire de plus , parce que c'eft la vérité , qu'on y trouve une plus grande
fociabilité , & des dehors plus polis. Il y a même une forte de rivalité jaloufe ,
de la part de l'Oueft & du Sud à cet égard , & elle fervirait au befoin , de
preuve à cette obfervation. La plus grande fréquentation des bâtimens euro-
péens y place les premiers faccës de la mode , & par-tout oij ri y a des Français ,
la mode a des adorateurs. Le luxe y a donc un culte très-fuivi , & c'eft da
Cap 5 comime d'un centre qu'il répand fes jouiffances & fes maux. •
Je ne dois pas omettre , en vantant la Partie du Nord , de dire qu'elle
éprauve plus rarement que les deux autres, ces coups de vent funeftes, ces
ouragans furieux , qui détruifent abfolument l'efpoir & la récompenfe da
■^r
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 107
cultivateur, & qui femblent être une guerre des élémens entr'eux Elle n'eft pas
non plus menacée de fubverfion comme celle de l'Oueft , par ces commo-
tions violentes où l'on croit fentir la terre vaciller fur fon axe , & où la demeure
de l'homme devient tout-à-coup fon tombeau.
Les églifes de la Partie du Nord ont eu originairement des Capucins pour
pafteurs , & l'on a vu parmi eux , des prêtres & des religieux de divers ordres ,
qu'on prenait pour affurer le fervice divin. En 1704, les capucins ne pouvant
plus fournir les fujets néceffaires , ils abandonnèrent cette miffion ; & les
fils de Loyola remplacèrent les difciples de Saint-François. Ils la gardèrent jufqu'à
leur expulfion de la Colonie , à la fin de T763. Les prêtres féculiers en ont été
chargés depuis lors jufqu'en 1768 , qu'elle eft repailée aux Capucins , qui
la deffervent en ce moment.
Ce ferait une entreprife & longue & difficile , que de comparer , fous tous
les rapports , la Partie du Nord avec celles de l'Oueft Se du Sud , & encore les
exceptions partielles empêcheraient-elles fouvent cette comparaifon. Au lieu
de ce travail peu fatisfaifant , je crois devoir attendre que l'ordre de la def-
cription me fourniffe des particularités à citer ou des obfervations à faire , &
qui ferviront en même-tems à bien caraélérifer le lieu dont je parlerai , & la
partie de la Colonie dont ce lieu dépendra. Le Le6leur pourra ainfi prendre une
opinion j qui fera véritablement la fienne.
ARTIER DU FORT-DA
L
P H î N,
Paroisse du Fort-Dauphin,
Cette paroifie commence avec la côte Nord de la Partie Françaife de
!a Colonie de Saint-Domingue , & par conféquent à l'embouchure de la rivière
du Maflacre , qui eft la limite commune avec la Colonie Efpagnole. Elle a
elle-même pour borne à l'Eft , la ligne de la frontière efpagnole & la paroifTe
d'Ouanaminthe.
D'après l'ordonnance des Adminiftrateurs du 23 Avril 1759 (*) , cette limite
(*) Voyez Loix de Saint-Domingiie, vol. 4. 'm-ÂX°' page 255 » recueillies &. publiées par l'Auteur,
O 2
*1
r '
ïo8
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Orientile efl ainfi dirpofée. D'abord h rivière du MaûVcre jufqu'aa poini: de
l'habirarion Vaubbnc , d'où une ligne allant de i'Eft à l'Ouell , rencontrerait
la barrière de h mênie habitation ; puis de cette barrière le grand chemin
du Fort-Dauphin à Ouanaminthe , entre les habitations la Tsfr.' & Lamberc
Camax , jufqu'au gué de la rivière la Matrie , appelle /.2 PûOe à la Tcfte i
ou TaJlfe aMencir; de là c'eft le cours de la Matrie qui forme la borne 'ufqu'à
une autre pafie ou gué vulgairement nommé la Paji à Dép's ; puis de cette-
Paffe à Dépé c'eft une ligne droite qui va au fommet du Morne-Chapelle^
& de celui-ci jufqu'au Morne-organifé que l'éreclion de la paroilTe de Vallière
a enlevé à celle du Fort-Dauphin.
Au Nord , la paroifîe du Fort-Dauphin a k Mer pour terme. A l'Oueft
elle trouve la paroiffe du Terrier-Rouge , c'eft-à-dire ; d'abord vers la côte ^
une partie des Fonds-Blancs, qu'un chemin ,_ courant Nord & Sud & paffant
dans l'Ell des Mamelles , fépare du refte des Fonds-Blancs qui appartiennent
à la ParoilTe du Fort-Dauphin; enfuire le canton du Terrier-Rouge propre-
ment dit, puis k canton du Grand-Baffin. Après cela elle eft contigue à une
portion de la ParoilTe du Trou, dont celle du Fort - Dauphin fe trouve féparée
par la rivière Marion juiqu'à Ion confluent avec la rivière de l'Acul de Samedi
& par cette dcïnière rivière en gagnant la cim.e de la montao-ne de l'Acul
de Samedi.
Au Sud ,. eil encore une portion de la paroiffe de Vallière , dont celle du-
Fort-Dauphin fe trouve féparée dans cet endroit,, parle fommet des montao-nes
de l'Acul-de-Samcdi ; enfuite la paroiffe d'Ouanaminthe vers les montao-nes.
de l'Acul-des-Pins , & le Morne-organifé..
La rivière du Maffacre, qui tire fon nom des anciens meurtres que les Bouca-
niers & les Elpagnols ant réciproquement com.m.is fur fes bords, en difputant
le territoire, a pour nom efpagnol Daxabon & pour nom indien Guatapana^
Elle eft le terme des poffeffions françaifes dans cette partie , & fon cours ainfi
que fa pêche ont été déclarés communs aux deux nations par le traité des^
limites du 3 Juin 1777..
A environ deux mille cinq cens toifes de Çon embouchure , eft un premier
ilet défigné par l'épithéte de Petit Jjlet ou IHet des Caymans, & qui commençant:
à la pyramide N^ 2, va jufqu'à celle N^ 6. Cet î!et eft partagé entrer
k France & l'Efpagne , & la portion françaifc a écd concédée à l'habitation-.
■^
^m
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 109
Dvpïn , qu'elle touche. En concmuant à remonter la rivière au-ciefTus de ce
premier îiet, elle ne forme qu'un feul bras, pendant environ deux cens toiftî.
C'cll à l'un des points de cet intervalle & au - deffas de la pyramide N^.
7 , qu'était une prife d'eau pour Tufage des cinq moulins à lucre des habitations
riveraines du Maffacre , à l'extrémité du bas Maribarou , & dépendantes
de la paroiire du Fort-Dauphin. A cette dillance de deux cens toifes , commence
le grand îlet du Maffacre , connu fimplement fous le nom d'IJIei du Mo.p.cre
partagé dans fa longueur, qui eft d'environ 4,800 toifes, par les pyramides '
depuisleN^. Sjufqu'auN^. 17; de manière que chacune des deux puiffances
a, à-peu-près , la moitié de fa furface.
Une preuve que l'adoption de la rivière du Maffacre pour borne , a favorifé
les feules prétentions efpagnoles , c'efl que le grand îlct du Maffacre était
eonfidéré dans fa totalité , comme une propriété francaife , lorfque le roi le
concédait en 1754 au Duc de Noailles , au Duc d'Ayen fon fils & au Marquis
de Montclar, fils du Duc d'Ayen. Les démêlés des limites s'étant oppofés à
îa prife de poffeffion , le Duc d'Ayen devenu Duc de Noaiiles , & le Marqui'^
de Montclar, alors Marquis de Noailles , obtinrent au mois de Novembre
1768, des lettrcs-pattentes confirmatives des premières. Enfin, le traité des limites
de 1777 ayant borné à la moitié le droit de la France fur cet ilet, de nouvelles
lettres-patentes du mois de Mars 1778 , ont confirmé, quanta cette cortion , celles
de 1754 & de 1768.
Cette conceffion confidéiée alors comme formant une fuperficie d'environ
420 carreaux, a été vendue le 1 Février 1780, par MM. le Maréchal & le
Marquis de Noailles, à MM. Parades & Pittaubert pour une fomme confidé-
rable , dont il ne reliait plus dû que cent mille livres tournois , au mois de
Janvier 1787. Cette conceffion eft un des trop fréquens exemples qu'offre ^aint-
Domingue, de l'abus de la faveur. A combien d'ufages utiles ne pouvait-Jn pas
deftiner la moitié de l'îlet du. Maffacre ? Par exemple , à dédommager , même en
nature, plufieurs propriétaires dépouillés par le traité des limites , ou du moins à
former avec fa valeur , quelques établiffemens publics
L'îlet du Maffacre a été divifé le 5 Mars 1784, entre MM. Parades &
?.t aubert ( après en avoir vendu 50 carreaux à l'habitation Gourgues ^ o a
I^.bjtation Tavau). Laportio.de M. Pittaubert qui eft la plus M idL le
U où il avait commencé les plantations U les conftrufti
ons néceffaires à une
l
^^^
ÎIO
DESCRIPTION DE LA PARTIE
fucrerie, a pour propriétaires actuels MM. TeftarJ & Lalanne, négocians du Cap.
Il V a fur cette habitation une briqueterie - tuilerie , êc un four à chaux.
Le bras droit du MafTacre qui borde Tîlet à l'Eft , fe nomme la rivière de
Don Sébailien j ou le Bras-Efpagnol. Il efc très-encombré, & fe trouve à fec
lorfque le bras français ou Occidental , a encore une tranche d'eau de 8 à 9
pouces d'épailTeur. Le bras français eft auffi connu fous le titre de Bras gauche
du Maffacre, dénomination très - faudve , parce que la ligne qui, fuivant le
traité des limites , borde le grand îlet dans fa partie Oucft, depuis un point qui
correfpond à - peu - près au milieu des pyramides N°^'- 11 & I2,jufqu'àla
pyramide N°- 7 , eft réellement formé 1°. Par un foffé creufé de main d'homme ,
pendant environ trois cens cinquante toifes en ligne droite , & 2°. Par la Ravine-
à-Coufms, qu'on doit encore bien diltinguer du vrai bras gauche de la rivière
du Maffacre.
En effet, un arrêt du Confeil du Cap, du mois de Juillet 17S4, ajugé
qu'il fe trouve , entre la Ravine-à-CouHns qui fe jette dans le Maffacre , un peu au
Sud de la pyramide N°- 7 & le bras gauche du Maffacre , une portion de
145 carreaux , qu'il a adiugés à MM. Bedout & Croifeuil , malgré les préten-
tions des ceffionnaires de MM. de Noailles.
Ainfi les archives de ce tribunal fupérieur renferment le traité des limites de
1777, qui adopte comme bras gauche du Maffacre, la Ravine-à-Coufins j &
fon arrêt de 1784 , qui , d'après des plans du local , des procès verbaux & une
difcuffion très-étendue , a prononcé que le traité des limites a dans cette partie
de rîlet du Maffacre , facrifié 72 carreaux & demi du territoire français , puif-
qu'il aengoblé dans cet îlet, qu'on devait partager en deux, 145 carreaux qui n'en
dépendent pas.
Mais ce n'eft pas à cette quantité que fe borne le préjudice , puifque foixante
carreaux font reftés encore compris dans le Sud de la portion recouvrée par
MM. Bedout & Croifeuil , entre le bras gauche réel du Maffacre & une partie
de la Ravine-à-Coufms , & le foffé qui donne l'eau au moulin de l'habitation
Lambert Camax ; ce qui exigeait un dédommagement de trente carreaux de la
part des Espagnols , auxquels on ne peut cependant imputer cette vicieufe
démarcation. Ils ne connaiffaient ni le foffé Lambert Camax j ni la Ravine-à-
Coufins ; tandis que nous avions nous , des plans , une tradition , des témoins
oculaires , & que j com-me le difait Don Garcia , commiffaire des Espagnols
4»
nsi
FRANÇAISE DE S A J N T - D O M I N G U E. m
pour Ja délimitation entre les deux nations , M. de Choifeul qui agiffait pour
là France , ne peut prétendre qu'on lui ait jamais fait une objection -, ce qui
d'ailleurs était conforme aux inflruftions de la Cour d'Ernao-nc.
La portion Parades dans la conceffion primitive , & qui n'eft plus que de
128 carreaux, eft noyée, inculte & afFcrmée depuis 1785 à l'habitation Vaubknc
qu'elle avoifine. La Partie Efpagnole de l'îlet eft auffi fans culture.
L'embouchure du Mafiacre eft acceffible à des chaloupes , & les Efpagnob
y ont mis de leur côté un corps-de-garde. Des idées de fureté & non de
fifcalité ont fait placer depuis quelques années fur la rive Oueft , trois pièces
de canon pour préferver cette embouchure , quoique bien éloignée de toute
entreprife utile.
J'ai dit, qu'à cette embouchure qui eft dans la Baie de Mancenille , com-
mence la côte françaife , au Nord. En la fuivant , il y a deux lieues & un
quart depuis le Maflacre jufqu'au Fort-Saint-Louis ou Fort-la-Bouque. Dans
cette étendue qui offre une côte toute de fer & élevée de vingt pieds au-deffus
de la mer, on ne trouve de points acceffibles que la Tour, lieu placé à 150
toifes de l'embouchure du Maffacre & où il y a un corps-de-garde ; l'embar-
cadère de Baux 3410 toifes plus loin ; l'embarcadère de la Petite -Melonnière
à 840 toifes du précédent; puis â 815 toifes de ce dernier, celui de la Grande-
Melonnière où eft une batterie & d'où l'on compte encore 2,330 toifes jufqu'au
Fort-!a-Bouque. Tous ces endroits , fort improprement appelles embarcadères ,
puifqu'on n'y tranfporte ni denrées ni approvifionnemens , ne font que des points
militaires dont on furveilie l'accès pendant la guerre.
Le Fort-la-Bouque eft fur la pointe Eft de la Baie du Fort-Dauphin , dont
la beauté avait donné lieu au premier nom qu'elle reçut des Efpagnols bc qui
devint celui de toute cette partie de l'île. Eaya-ha ! exprimait en effet la jufte
admiration que fait éprouver l'afpeft de cette magnifique baie où les plus
nombreufes flottes pourraient être réunies & trouveraient les commodités navales '
qui dépendent de la fituation , difpofées par la nature d'une manière bien fupé-
rieure à tout ce que l'art pourrait créer, foit peur caréner, foit pour réaarer
les vaiffeaux. M. de Verdun y caréna fa frégate au mois de Mai 1778.
L'entrée de la baie du Fort-Dauphin eft un véritable goulet , dirigé à-peu-près
Nord & Sud fur une longueur de 1,317 toifes, & dont l'ouverture a 390 toiies à
partir de la Pointe du Fort-ia-Bouqueàl'Eft,jufqu'àla Pointe-Noire à l'Oueft,Il^
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'^^^^^à
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ii:
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Kl
ens'élargiffantvcrs la baie où il finie par avoir 475 toifes. Ce goulet, quia depuis qua-
forzejufqu'ci trente-cinq braffcs de profondeur, ell défendu, d'abord par les 33 piè-
ces de canon du Fort-la-Bouque, mot francifé de l'efpagnol Bccû, qui fignifie entrée,
bouche , & dont une prononciation vicieufe fait déjà le fort la Boucle ; en
fécond lieu par la batterie de l'Anfe de 32 pièces , qui efu à 380 toiles du Fort-
la-Bouque ; puis par le Fort-Saint-Charks de 1-2 pièces, placé à 412 toifes
plus loin & que fuit à 525 toifes le Fort-Saint-Frédéric de 9 pièces.
La Côte qui borde l'Oueft du goulet a 1,740 toifes de long ainfi divifées •
Ï40 de la Pointe-Noire , qui eft un peu hors du goulet , jufqu'à celle de l'Anfe-
à-Falaife i 375 de celle-là à celle du Bec-à-Marfouin ; 300 enfuite jufqu'à la
Pointe-Lucas, que précède l'Anfe-à-la-Houe , & de la Pointe-Lucas à celle
du Baril-de-Bceuf 22s i 445 toifes pour gagner la Pointe-à-BriiTon ou Briffbn ,
-avant laquelle eft l'Anfe-du-Carénage j & enfin 345 autres toifes pour arriver à
ia pointe qui termine le goulet dans le Sud.
Le Lefteur fe convaincra facilement, par le plan géographique èc la vue
perfpeftive du Fort-Dauphin qui font partie de l'Atlas , que la plus grande
dimenfion de la baie ell de l'Eft à l'Oueft. Elle a dans ce fens près de deux
lieues fur une largeur moyenne Nord & Sud d'une forte demi-lieue. En fuivant
dans l'Eft le contour de la baie , on tiouve à 4G0 toifes du fort Saint-Frédéric,
i'Anfe du Grand-Carénage , que termiine , à 500 toifes , la Pointe-des-Écoutes.
De celle-ci aux Cazes-Duvivier, il y a environ une demi-lieue , &: de ces Cazes
gagnant vers le Sud-Eft , on trouve à environ trois-quarts de lieue, la Pointe-
' Péchereau qui forme une avancée dans l'Oueft, & qui couvre dans le Sud l'ancien
embarcadère de la Saline-aux-Boeufs. C'eft en allant de la Poinre-Péchereau
dans le Sud, qu'on rencontre fucceffivement à 800 toifes les Cazes-de-Nanette ,
à 1800 autres , celles de Moineau & à une lieue& demie , celles de Derfac qui
ne font qu'à 130 toifes de l'embouchure de la Rivière-à-canon. A un quart de
lieue de cette embouchure , eft la Crochue qui eft le point le plus Sud de toute
la baie , & qui fert d'embarcadère aux pareilles d'Ouanaminthe & de Vallière
& à prefque toute celle du Fort-Dauphin.
On compte près d'une lieuede la Crochue , établie en 1733 par M. Baudin
de la Craye , au bout Sud-Eft de la ville du Fort-Dauphin.
En partant de l'extrémité de la citadelle qui a le même nom que la ville
& oui eft preique Nord & Sud avec l'entrée de la baie , & contournant celle-
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. jij
cl en gagnant l'Oueft, on trouve , à une lieue , l'embarcadère à Caron , qui eft
iui-i-nême à une demi - lieue de l'embouchure de la rivière Marion , placée
à un quart de lieue de l'embarcadère Girard. De cet embarcadère , on va au cul-^
de-fac Dujarriay , dont la pointe Sud eft à 900 toifes , & qui a 1,800 toifes de
contour. De la pointe Nord de ce cul-de-fac , on fait une grande lieue pour
atteindre le point qui répond aux bâtimens de l'habitation Meyer, puis 670 toifes
pour gagner les bâdmens Mathieu , & deux lieues un quart pour fe trouver à
la grande pointe à BrifFon , par laquelle eft terminé le tour de la baie , qui a
plus de dix lieues par fes diverfes finuofités.
Cette baie a cinq îlets. Un à 900 toifes & prefque dans i'Eft de la pointe où
eft le fort Saint-Frédéric ; un fécond appelle l'Iflet à Séran, à cent toifes au Nord
de la pointe Péchereau ; & le troifième , nommé l'inet à Garnier , à 600 toifes
au Sud de la même pointe. Le quatrième, l'Iflet des Oifeaux ou llflet Fouar-
dière , eft à une demi-lieue dans l'Oueft-Sud Oueft de la pointe à BrifFon ;
& le cinquième , l'Iflet à Boyau ou des Boucaniers , à 900 toifes dans l'Oueft-
Nord-Oueft de la citadelle du Fort-Dauphin. Le premier , le fécond & le
quatrième îlets font fort petits; le troifième l'eft un peu moins, & l'îflet à
Boyau , le plus grand de tous , a 160 toifes de long, fur 80 de large. Il a été
célèbre autrefois, parce qu'il fervait de retraite, avant 1662, aux Boucaniers
qui venaient chafl:cr des bœufs aux environs de cette baie ; & encore en 1733 ,
cet îlet était connu fous le nom d'Iflet des Boucaniers. Il a éré long-tems queftion
de le fordfier, & l'on peut en faire un utile carénage.
L'élévation des terres qui féparent la baie de la mer , la garantit parfaitement ;
de manière qu'il y règne toujours un calme aufll précieux que fa bonne tenue.
Elle a encore un avantage dans la chaîne de refiîfs , larges & prefqulà fleur
d'eau , qui font en dehors. En effet , ils protègent une côte baiTc qui eft ,
depuis i'Oueft du goulet ou la pointe Noire ,jufqu'aux Efters des Fonds-Blancs ,
fitués à deux lieues un tiers de la pointe Noire, & ajoutent une féconde défenfe
naturelle aux mangles , qui eux-mêmes rendent les débarquemens très-diiîiciles.
Les reffifs ne laifi^ent , outre l'entrée de la Bouque , que deux ou trois pafl^ages 5
mais fi étroits & fl peu profonds , qu'un canot pourrait à peine y pénétrer.
La ville du Fort-Dauphin eft bâtie fur une portion de terrain qui avance au
Nord , di dont l'extrémité , qui eft prefqu'au centre de la baie , porte la cita-
delle. Cette ville a eu pour origine , le double defliin de protéger une magni-
Tûtne I, p
1 '
114 DESCRIPTION DE LA PARTIE
fique baie , où l'ennemi aurait pu fe repofer , fe réparer & même tenter une
defcente qui aurait inquiété la Partie du Nord de la Colonie , & de s'oppofer
aux incurfions des Efpagnols , dont j'ai fait voir (*) que les réclamations
comprenaient toujours le quartier de Bayaha. Dès les premières entreprifcs des
Aventuriers & celles des Flibuftiers & des Boucaniers , qui leur fuccédèrent ,
ceux-ci avaient , comme je l'ai déjà obfervé , formé un établiffement à l'Iflet à
Boyau; mais cet établiffement , quoique fucceffivement augmenté , était accom-
pagné d'inquiétudes continuelles de la part des Efpagnols , contre lefquels on
marcha plufieurs fois. Un mémoire du Père Le Pers , Jéfuite, écrit à Saint-
Domingue en 1714, porte qu'alors un nomm.é Bénard , furnommé Maringoidn ,
avait une hatte dans le quartier de Bayaha oij il s'était toujours maintenu , malgré
les Efpagnols , qui ne rétablirent leurs hattes en deçà du Rebouc , qu'après la
paix de Rilwick, faite en 1698.
M. de Galiffet, le premier qui connut & qui vanta l'importance de Bayaha,
s'occupa efficacement , au commencement du fiècle afluel , de donner des
habitans à cette partie. Il y plaça en 1701 , plufieurs foldats congédiés. Quelques-
uns y formaient , par rapport aux Efpagnols , ce qu'on nommait alors une vigie,
deftinée à avertir de leurs mouvemens -, & en 170J , ils avaient formé un bourg
français àt Bayaha ^ dont le curé fe nommait alors l'abbé Rio. En 1714,011
comptait plufieurs fucreries & un certain nombre de hattes dans cette dépen-
dance , & c'était le lieu de la Partie du Nord où il fe fabriquait le plus d'indigo
à cette époque. On défirait tellement d'accroître les progrès de Bayaha, qu'une
ordonnance des Adminiftrateurs du 20 Juin 171 1 , y accordait préférablement
des conceffions , & que le 3 Décembre 1715 & le 14 Septembre 1717, ils
réunirent celles qui n'avaient point été établies.
Ce bourg dont la fituation ne pouvait remplir que le feul deffein d'être plus
à portée de furveiller les Efpagnols, qui avaient tout ravagé en 1691 & en 1695
& de les repouffer , fut abandonné pour la ville aftueUe , où les habitans furent
îranfportés , & qui fe nomma auffi Bayaha.
Cette tranflation fut due principalement aux repréfentations de M. le Chevalier
de la Rochalar , Gouverneur-Général , fur l'importance de la baie , & elle
i
(*) Voyxz l'Abrégé Hilloriciue , à la tête du premier volume de ma Defçription de la Partie,
Efpagnole.
m
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. n^
s'efFe6tua en 1725. Il obtint auffi , par des lettres-patentes du 7 Août 1726,
celle de la Sénéchauffée qu'avaient établie au Trou, en 1725, des lettres-patentes
du mois d'Août 1724 , & Bayaha pofleda , en 1727 , un tribunal de fon nom. On
attachait un tel mérite à confolider ce pofte , que le roi y nomma, le 15
Novembre 1728, un lieutenant de roi, un major & un aide-major.
Tant de foins n'étaient pas féparés du projet de fortifier ce local , projet conçu
par M. de Galifîèt dès 1700, & le Comte de Mau repas , Miniftre , approuva
les plans que M. de la Rochalard en avait fait drefîèr , nprès avoir fondé le port
lui-même auparavant & encore en 17 13. Les moyens de fureté confiftaient
alors dans une pièce de canon mifc à l'entrée de la baie , au point oij eft le
fort la Bouque , avec une garde qui était chargée d'arraifonner les canots & les
bâtimens , & dans les cas de danger , le canon , la bouche tournée vers l'inté-
ri^eur , tirait un coup que répétait une autre pièce , placée chez M. Caron ,
commandant des milices & du quartier ( qui a donné fon nom à l'un des
embarcadères de la baie ) ; enfuite d'habitation en habitation , on tirait un
coup de fufil pour répandre l'allarme , & pour réunir tous les défenfeurs.
Le fort Bayaha fut fixé au point où eft la citadelle , & l'on en pofa la
première pierre , en grande folemnité , à l'angle de l'épaule gauche du baftion
de Maurepas , avec l'infcription fuivante , compofçe par M. de la Rochalard ,
j^ gravée fur une plaque de cuivre ;
POUR PERPÉTUELLE MÉMOIRE A LA POSTÉRITÉ.
/.'«a de Grâce MDCCXXX $5 h XVe- de Pheureux r}gne aV L O U I S XV B.ot de
France îif de Naiiarre :
La première année de l'âge a'a Prince DAUPHIN, fin f rentier fih :
Sous le Minipre , pour la Marine ^ les Colonies de M. </^Phelipeaux, Comte de
Maurepas :
la feptieme année du Gouvernement Général, en cette IJle , de M. G a/par d Charles de GoussE ,
Che-ualier de la R o c h a L a r ^ ^'^ POrdre Militaire de Saint-Louis ,
Chef-d'E/cadre des armées du Roi , auteur du projet de cet étahlijjement.
Et fius l'Intendance de M. Jean-Baptijle D u c L O S.
A été cejourd'hai, 8 du mois d'Août, pofée cette première pierre au baftion de Maurepas,
par M. EsTiENNE de CHASTENOYE , Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis ^
P a
^ ■f'M'iilfcni
^laâ
■»^
ii6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Gouverneur de l'Ile Sainte-Croix Se Commandant en cette Partie de Saint-Domingue, en pré-
fence de M. Louis Marin BUTTET, Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis ,
Lieutenant de Roi de ce fort , ville & pays en dépendons :
Et de Louis Joseph de la LANCE , Ingénieur ordinaire des camps & armées du Roi y
chargé en chef de la conduite des fortifications de Saint-Dommgue.
M. de Chaftenoye qui avait fait la dépenfe de la plaque , fit auiTi celle de
deux médailles d'or , fur l'une defquelles , on grava ces mots i
Monfiigneur Le Comte de MAUREPAS Mhiifire y Secrétaire d'État de la Marine , 1730.
Et fjr l'autre ;
hlonfMtr Le Chevalier de la ROCHALAR , Gouverneur ^ Lieutenant-Gémral de la Colonie ,
1730.
Au mois de Décembre fuivant , M. de la Rorhakr donna le nom de Fort-
Dauphin à la citadelle & à la ville de Bayaha, & cette dénomination , prife de la
nailTance du Dauphin arrivée l'année précédente , ayant été agréée par le Roi,
une ordonnance des Adminiftrateurs , du i3 Octobre 173 i , prefcrivit à tous
les officiers publics de ne plus employer que le nom de Fort -Dauphin. Ainli
s'éteignit celui de Bayaha qui, encore en 17 lo , était celui qu'on donnait'à toute
l'étendue de terrain qui était depuis Caracol jufqu'à la rivière du Maflacre.
Le Fort-Dauphin eft confiruit fur ua roc à-peu-piès triangulaire & efcarpé'
d'environ 15 à 16 pieds , dont il a fallu un peu fuivre l'irrégularité. H forme une
prefqu'île dont la gorge eft coupée par le fofTé , & il offre la figure d'une botte.-
Il s'avance dans la baie de manière à être vu du goulet dès qu'on s'y préfente &
pour lequel il devient même un point de perfpecT:ive, Ce fort confifte en une
•fimple enceinte ayant trois baftions fur le bord des efcarpemens. Il renferme
tous les bâtimens nécefTaires ,& a: l'avantage de ne pouvoir être battu d'aucun
point de la côte, de dominer toute la baie & de découvrir par le goulet jufqu'en
pleine mer. Le cavalier Maure pas , placé dans- le baftion du même nom, a
d'excellens fouterrains fous fes plates-formics j il fait face à l'entrée de la baie &
ne craint point le feu des hunes des plus grands vaifîèaux. Cette fortification qui
couvre la ville , qui bat l'embouchure de la rivière des Roches & les environs ,<
protège efficacemicnt la baie au moyen de fes feux croifés avec eeux du- fort
Saint-Frédéric dont elle n'eft qu'à 800 toiles^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ny
La pierre de taille employée dans le Fort-Dauphin a été apportée de France ,
-notamment par la flûte le. Profond. Ce fut encore cette flûte ( premier bâtiment
de la Marine royale françaife entré dans cette baye ) , qui apporta une partie des
canons qui arment & le Fort-Dauphin & les fortifications du goulet. La citadelle
du Fort-Dauphin était achevée en 1735 à l'exception des merlons & des plate-
formes des bateries qui furent commencées à la fin de 1741 & achevées a-a
commencement de 1743. Il efl difpofé pour avoir 55 pièces de canon.
On a vu que les fortifications du goulet confiftent en quatre parties. Le fort
la Bouque qui reçut fa première garniTon le 16 Juillet 1736 & que le Roi pref-
crivitj en 1742, de nommer la redoute Saini-Louis, ( dénomination qui n'a jamais
prévalu ), eft un petit fortin qui avait un donjon qu'un incendie confuma le 31
Mars 1788. Un foldat , endormi fur Ton lit, en fumant , occafionna cet accident,
qu'un vent d'Eft violant augmenta tellement , que pour fauver le ma.crafin à
poudre , il fallut rompre le pont-levis , la porte d'entrée & la partie en bois du
petit efcalier qui conduifait des fouterrains au donjon. Des fecours portés très-à:-
propos empêchèrent ce malheur, & on les dut au zêlede M. Thibault-Duvernay,
capitaine des milices , de deux charpentiers de navires , de deux tailleurs de
pierres & d'un foldat. M. Bernard, gardien de ce fort, fut auffi con\muniquer
fon intrépidité à ceux que la crainte de voir fauter la poudrière faifait dé^à fuir,
& le gouvernement diftribua avec utilité & difcernement , & les éloges & les
récompenfes. Le donjon n'a point été relevé , d'autant que dans l'infpccflioii
générale de M. du Pujet , colonel du corps royal d'artillerie des Colonies , faite
en 1786, le fort la Bouque, auquel l'aftion du feu de 1788 a fingulièrement
nui, était noté comme inutile ( reproche qu'on lui avait déjà adreffé plufieurs
fois ) , & comme devant être détruit pour faire ailleurs emploi de fes matériaux.
Une batterie fur le bord oppofé & une eftacade de chaînes & de mâtures feraient
une défenfe bien fupérieure à celle du fort la Bouque & qui laifferait fans nulle
inquiétude fur le fort de cette baie.
Lors de la conftruftion du fort la Bouque , on trouva précifément à la même
place,, les ruines d'anciens murs, & dans la fouille en 173^, quatre pièces de cuivre,-
dont trois étaient des monnoies d'Efpagne fabriquées fous Ferdinand IV ( Roi de
CaftiUe depuis 1295: jufqu'en 1312 ) & qui avaient, fans doute, éié apportées
par les Efpagnols. La quatrième de ces pièces était un jeton qui , luivanC
toutes les apparences >. avait été fabriq,ué par les Hollandais depuis i^ôô^tems^
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^^g^^
ii8
DESCRIPTION DE LA PARTIE
m
auquel ils commencèrent la conquête de leur liberté : fept figures d'hommes
portant le globe terreftre, faifaient vraifemblablement allufion aux fept Provinces-
Unies , la ruche à miel à la République de Hollande & les infcriptions au
bonheur que produit l'union. On voit même fur le plan gravé dans l'ouvrage de .
Charlevoixj imprimée en 1732 j le point où eft le fort la Bouque , défigné fous le
nom de Pointe du Fort-Efpagnol; dans d'autres plans ce fort efh appelle redoute
de l'entrée. On y avait mis en 1768 un employé qui yifitait les bâtimens entrant
& fortant pour empêcher la contrebande.
La batterie de l'Anfe qui vient après le fort la Bouque , n'a été conftruite que
dans la guerre de 1756. On commença entre elle & ce fort, en 1760, une citerne
d'environ trois cens bariques d'eau. Cette batterie eft confidérée comme la vraie
défenfe du goulet , parce que chaque bâtiment eft forcé de fe préfenter à fon feu ,
de manière à en être enfilé.
Le fort Saint- Charles j contemporain du fort la Bouque & qui reçut aufli ce
nom en 1742 , au lipu de celui de Redoute à 'mi -c anal , n'a jamais été acheyé i on
donnait autrefois le nom d'Anfe des Helleux fuivant les uns , mais bien plus
vraifemblablement des Halleurs , à un petit enfoncement qui fuit ce fortin.
Quant au fort Saint-Frédéric , commencé en 1740, & terminé en 1741 , il
reçut auffi ce nom en 1742, au lieu de celui de Redoute de la Grojfe- Pointe. Il
n'a jamais été complètement fini non plus. Les fortifications de la paroiffe du
Fort-Dauphin ont beaucoup coûté , foit à établir , foit à réparer ; & un état
m'apprend que de 1739 à 1744 inclufivem.ent , on y a dépenlé deux cens cin-
quante-trois mille livres tournois,
La ville du Fort-Dauphin qui eft la féconde de la partie du Nord pou,,
l'importance , reçut fes premiers habitans de la peuplade du bourg de Bayaha»
Elle eft fituée au fond de la baie , le long du rivage , & occupe une étendue
de 400 toifes de longueur du Nord-Gueft au Sud-Eft, & d'environ 300 toifes
en largeur du Nord-Eft au Sud-Oueft , & fe trouve à 400 toifes de l'entrée du
fort. On y compte douze rues , qui partent du bord de la mer & fe dirigent vers
l'intérieur j & fept qui coupent ces premières à angle droit. Ces rues qui ont
cinquante pieds de largeur , à l'exception de la grande rue qui en a dix de plus ,
partagent 75 carres ou îlets , ou portions d'îlets , parce que quelques-uns ont
une forme irrégulière j que leur donne la direftion de la mer ou de la rivière;
ces 75 îlets font enfuite divifés en 390 emplacemens. Les îlets parfaits ont 243
bN
ààk^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ng
pieds de chaque côté , & font féparés en huit emplacemens qui , fur une profon-
deur égale de 123 pieds & 4. , ont , favoir : les 4 des angles , chacun 61 pieds
-1 de façade , & les 4 renfermés entre ceux-là, chacun 62 pieds de façade.
Il n'y a cependant que deux cens quatorze maifons bâties au Fort-Dauphin ,
c'eft-à-dire, que la ville peut en avoir encore autant dans fes extrémités, car
tout ce qui eft déjà conftruit fe trouve rafle mblé.
Les fept rues qui vont du Nord-Oueft au Sud-Eft, & que je vais nommer
dans leur ordre , font : la rue Vallière , dénomination qui annonce qu'elle eft
■moderne , puifqu'elle porte le nom d'un Gouverneur-général , nommé en 1772 ;
puis la rue du Quai, ce qui prouve qu'autrefois elle bornait la ville j la rue
Saint-Charles , l'un des patrons de M. de la Rochalarj la Grande rue, de
foixante pieds , qui a des arbres de chaque côté dans plufieurs de fes points :
c'eft la plus longue rue de la ville , parce qu'elle conduit d'un bout à la levée
qui eft entre la ville & la citadelle , & que de l'autre elle fe termine au srand
chemin de Maribarou & d'Ouanaminthe ; la rue Sainte-Anne ; la rue de
l'Églife , oij l'églife n'eft cependant point placée , & la rue de la Rivière.
Les douze rues qui vont de la mer vers la rivière , font la rue Montacher,
( Intendant en 1771 ), elle vient jufqu'à l'endroit oij le chemin du Fort-Dauphin
au Cap , traverfe la rivière j la rue Bory ( Gouverneur-Général en 1762 )j la
rue de Clugny ( Intendant en 1761 ); la rue Saint- Jean, ( patron de M. Duclos
Intendant )j la rue Bourbon, au bout de laquelle eft une calle de 150 pieds,
pour embarquer & pour débarquer ; la rue Dauphine ; la rue Saint-Étienne
(à caufe du Patron de Mr. Chaftenoye ), & la rue du Marai3. Les trois autres qui
ne font que projettées , n'ont pas de nom.
Les rues du Fort- Dauphin ne font point pavées. Prefque toutes les maifons
ont un petit perron carrelé ou pavé , quelquefois même entouré de murs ,
où l'on fe met le foir pour prendre le frais. La largeur des rues les livre à toute
l'aftion du foleil , & >par conféquent à une chaleur brûlante , dont l'effet eft
peut-être moins infupportable encore que celui des fortes brifes qui y élèvent
des tourbillons de pouflîère. Les maifons font affcz jolies j il y en a beaucoup
qui font de maçonnerie , toutes avec le feul rez de chauffée. L'intérieur en eft
frais, parce que les emplacemens font affez profonds pour qu'on puifllè avoir
des galeries & des cours oîj l'air circule librement. L'ameublement eft aflèz
bien entendu pour une ville coloniale , & il eft plus d'un logement où fe
montre une forte d'élégance.
lao
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Il n'y a qu'une feule place publique dans cette ville ; elle eil bordée dans fes
quatre faces par la Grande-Rue , la rue Dauphine , la rue Sainte-Anne & celle
Saint-Érienne ; elle a plus de cinquante toifes en carré , & fe nomme la Place
royale.
C'eft fur le côté Sud-Ouefh de cette place , & à fon angle avec la rue
Saint-Étienne , qu'était une vieille barraque , où l'on a célébré long-tems le
fervice divin, & dont l'état était tout-à la fois indigne de la Majefté du Très-Haut
& menaçant pour ceux qui y portaient leurs vœux. Les paroiffiens fe déter-
minèrent donc en 1783 , à faire achever l'édifice commencé alors depuis plus
de 40 ans. L'enceinte extérieure de ce temple élevé en maçonnerie, était due
au père la Cour , Jéfuite , curé de la paroiffe, qui, nouveau Langlet , dévoré
du zèle de la maifon de Dieu, y avait employé le produit des dons pieux qu'il
avait obtenades fidèles & du gouvernement. Mais fa mort arrêta abfolument
la continuation de cet édifice , qui, malgré cet abandon , n'a éprouvé aucune
dégradation , folt de l'intempérie des faifons , foiî de l'effet des tremblemcns de
terre. En s'occupant de le terminer, d'après une délibération des paroiffiens^
du 28 Novembre 1784 , homologuée par les Adminillrateurs le 3 Avril 1785 ,
on jugea qu'il était trop vafte pour la paroiffe , & on le réduifit d'un tiers,
ce qui a forcé à refaire la façade , hormis dans la partie correfpondante aux
deux chapelles du devant. On a fupprimé auiTi la croix latine qui était au
haut du portail.
C'eft une des plus belles églifes de Saint-Domiingue. Elle efl fous l'invocation
de Saint-Jofeph , & a 104 pieds de long & 40 de large , le tout dans œuvre,
& 40 pieds d'élévation jufqu'à la naiffance de la charpente. L'édifice eft terminé en.
cul de four dans fa partie poftérieure. i'i.u-devant, eft un perron de quatre marches.
On compte qu'elle a coûté 100,000 livres tournois. C'cfh laque fut enterré M.
le Marquis de Vienne, Gouverneur-Général, qui mourut le 4 Février 1732
dans cette ville , où la relâche de plufieurs gallions au Cap & le bruit répandu
de quelques deiTeJns hoftiles de la part des Efpagnols , pour s'oppofer à rérabhf-
fement du Fort-Dauphin , l'avaient conduit.
: Une entreprife extrêmement utile aux habitans de la ville du Fort-Dauphin ^
a placé un fécond monument au milieu de cette place d'armes ; c'eft une fontairiC
deftinée à leur donner l'eau qu'ils étaient obligés d'aller chercher affez loin ^
pour l'avoir falubre, ou d'aller prendre dans le canal d'une habitation contigue ^
FRANÇAISE DE S A I N T - D O iM I N G U E, 122
qui n'était pas obligée à cette fervitude. Il en coûtait trente livres tournois par jour
au tréfor public , pour l'eau de la garnifon. Ce fut fous l'adminiftration & durant
une vifite de MM. d'Ennery & de Vaivre au Fort-Dauphin , qu'on en forma
le projet, le 9 Juin 1776. Le 14 Août fuivant , les habitans fubftituèrent à une
première contribution, celle du quart, une fois payé , du produit d'une année de
leurs loyers i le marché fut pafle pour 50,000 livres tournois, dont la moitié
devait être tirée de la caiffe des libertés , & la livraifon de l'ouvrage fut promife
pour le mois d'Oélobre fuivant.
L'exécution en fut confiée à M. Artaud , entrepreneur. On établit la prife
d'eau à une grande lieue du Fort-Dauphin , fur le terrain de MM. les héritiers le
Gris , & l'eau a été conduite par le moyen d'aqueducs intérieurs & extérieurs.
Cette fontaine achevée en 1787 n'a pas été décorée fuivant le projet origi-
naire , & d'après lequel je l'ai fait graver N^. 6 de mon Atlas. Elle devait erre
formée, comme l'on voit, par une pyramide quadrangulaire , ayant , à chaque face
du focle, un mafque de la bouche duquel fort l'eau. L'un des côtés de la
pyramide devait porter les armes de France, & celui oppofé , cette infcriptiou :
M
L'an de N. S. MDCCLXXVI.
" Sous le règne de Louis XVI & le gouvernement de M. le Comte d'Ennery , Lleutenant-Géne'ral
., des armées du Roi , Grand-Croix de l'ordre royal & militair* de Saint-Louis , Gouverneur-
„ Général des Mes de l'Amérique foui le Vent ,,.
" Et l'adminiftration de M. de Vaivre , Confeiller du Roi au Parlement de Franche-Comte',
:,, Intendant de juftice, police , finances & de la guerre,,.
Tandis que les deux autres côtés recevraient les armoiries de ces deux
Adminiftrateurs. La corniche était furmontée par quatre dauphins groupés
accolés par la queue, & répondant aux quatre faces. L'ouvrage ayant été long & les
Adminiftrateurs ayant changé, on oublia ( & c'eft l'ufage à Saint-Domingue )
ceux auxquels on était redevable d'une vue utile , & en 1779 on regardait" déjà
M. d'Argout , alors Gouverneur-Général , comme l'auteur de ce bienfait. C'eft
d'après cette opinion qu'on doit lire l'infcription fuivante , qui me fut confiée
a cette époque par fon auteur M. de Stapleton , Créol de Saint-Domingue ,
Cnevalier de l'ordre de Saint-Hubert.
Tûm. I, „
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Non erat ante fiaens populis fitientibus humor ;
Ecce peregrinani nûttit fons publicus undam ^
Miraturque novos fiuftus & noa fua dona. '
Jam liquor ad vellros decurrit purior hauftus;
O cives ! Licet his seftum fedare flaentis.
Veftra fitis quotks fuerît fatiata bibendo ,
Clamate : Hsc nobis à'Jrgoutus munera fecit ;
Hic noftfum voluit primus minuifle laborem_,
Atque iui memores populos feciffe merendo..
Une choie bien étonnante pour ceux qui ne connaiïïent pas Saint-Domingue ^
c'efl que la dépenfe de k fontaine fe foit élevée à dix-fept cent mille livres
de la Colonie ( 1,133,333 libres, 6 fous, 8 deniers de France ), fomme vraiment
exhorbitante , llirtout n Von confidère la médiocrité de la. ville du Fort-Dauphin.
Onapofé,pour garantir la prile d'eau des débordemxers ,. un batardeau qui a.
coûté le tiers de cette fomme , tandis que fi cette priiè d'eau avait été miiè quatre,
cens pas- plus haut, on aurait , avec une éclufe & une pelle, rempli le même
objet, & économifé les trois quarts de cette fomme.. On aurait auffi fauve k
dépenfe d'un fyphon de cent mille livres tournois.
On a encore dit contre l'exécution du projet de cctre fontaine , telle qu^^elle a eu-
lieu , que le batardeau élevant les eaux de trois pieds , il a diminué d'autant
les levées de l'habitation voifine & détruit leur réfiftance ; qu'en faifant la prife.
d'eau oij elle eft, on a nécefîîté le facrifice d'une grande portion d'eau, pour
qu'il pût en arriver fix pouces à la fontaine, & qu'on a ravi à dix-neuf fucre-
ries, l'eau avec laquelle on aurait pu arrofer. On ajoute même que cette
fontaine dont les réparations entêté très-coûteufes, a enfin celle de donner de
l'eau, avant la fin de 1788.
On avait placé aulTi un tuyau de détournement qui conduifait l'eau à une petite
fontaine mife furie côté Nord cTe k Grande rue ,. entre les rues Bory & Clugnv.
La rivière Marion qui fournit l'eau à la ville , en donne auffi aux trois fucreries
le Gras , Collet & le Gris.
Il y a en bâtimens publics , au Fort-Dauphin , une maifon appellée le Couver-
nemerit , parce que l'officier militaire , commandant, y loge; elle eft à l'angle
Nord-Oueft de la onzième rue , en allant de la Grande rue à la citadelle ; la.
maifon du Roi bâtie fur la place d'armes & au coin de la Grande rue ; là font
l'officier & les bureaux d'adminiilration ; à l'angle Nord-Oueft de k Grande
1
FRANÇAISEDE SAÎNT-DOMINGUE. 123
rue avec la rue Saint-Étiennc , eft le logement de la maréchauffée ; & à celui
Sud Oueft de la rue de l'Églife avec celle Bourbon , l'on a bâti les priions.
La ville du Fort-Dauphin a eu des commencemens extrêmement lents , & en
1738 les maifons qui étaient dans la Grande rue, formée la première, étaient
comme abandonnées & tombaient en ruine. Cette ville en avait 104 en 175 1 ,
116 en 1755 , & 138 en 1761 , époque où l'on a penfé qu'elles pou-
vaient être évaluées à 100 mille livres, de loyer. En 1765 on en voyait
cependant 1703 mais une ordonnance du 18 Janvier 1775, prouve que plu-
fieurs emplacemens étaient abandonnés , puifqu'elle menace de réunion &
prefcrit des peines de police contre la mal-propreté & les autres inconvéniens de
cet abandon.
Le voifinage du Cap , celui d'Ouanaminthe , où les habitans du Fort-Dauphin
ont voulu empêcher pendant plus de trente ans qu'on ne fit un bourg , devenu
l'entrepôt d'un commerce furtif avec les Efpagnols , ont toujours contrebalancé
le plan de faire quelque chofe d'intérefîant de cette ville.
Terminée au Nord-Eft par la mer & au Nord-Oueft parla citadelle & la mer
elle l'eft au Sud-Oueft par la rivière des Roches ( bras droit de la rivière
Marion ), qui la contourne dans toute fa longueur. Cette rivière qui ne tarit
jamais & dont la fource eft dans le piton de Bayaha , fervait autrefois à défaîtérer
les habitans qui lui doivent l'eau de leur fontaine. Comme elle a fon embouchure
à 190 toifes du chemin qui va de la ville à la citadelle , dans un terrain prefque
de niveau avec la mer , elle épanche quelquefois fes eaux fur ce fol , & le rend
d'autant plus marécageux que les grandes marées y entrent aufTi.
C'eft à cette caufe défaftreufe , que la ville du Fort-Dauphin doit la juHe
réputation d'infalubrité , dont elle jouit. Ceux qui l'habitent prouvent par leur
teint livide , par le délabrement de leur fanté & par une rapide deftruftion
combien l'air y eft dangereux. Comment expliquer d'après cela , la propcfition
que M. de la Chapelle , Intendant de la Colonie , faifait au Minidre , & que
celui-ci adoptait dans une lettre à M. de Larnage du 8 Juin 1737, de mettre
tous les foldats débarquant d'Europe, pendant une année, dans les poftes du
Fort-Dauphin & de Saint-Louis du Sud , comme les plus fains de la Colonie ?
Exemple frappant , & malheureufement trop commun , de la rapidité avec
laquelle des Adminiftrateurs prononcent fur un pays où ils arrivent à peine !
Le premier bataillon du régiment de Quercy perdit dans la garnifon du
]
4
Ï24 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Port-Daupîiin , en 1763 & 1764 j un nombre infini d'hommes, & en 17S2 le
régiment Elpagno] de Léon , compofé de 1,440 hommes , vit mourir, en 3' mois,
17 officiers , 3 cadets & 647 Ibldats.
^ Jufqu'cn 1732 on envoyait au Cap , par mer , les malades de la garnifon du
l^ort-Dauphin, ce qui augmentait encore les pertes. A cette époque , M. Du-
clos , Intendant, y fit établir une chambre, pour traiter les malades. En 1739 r
M. Larnage voulanty avoir un véritable hôpital , y deftina 55,000 livres qu'il
avait^ tirées d'une amende , pour fait de commerce étranger. On acheta en
conféquence une habitation qui avait même appartenue autrefois aux religieux
de la Charité du Cap , lorfqu'ils ne prévoyaient pas qu'il y aurait un jour une
ville du Fort- Dauphin. Elle était en 1739 ""^ indigoterie. Comme l'acquifitiou
€tait conditionnelle, & que l'approbation du Miniftre ne vint pas, le Fort-
Dauphin n'a pas eu d'hôpital. La garnifon du régiment de Querry y ^vm fait
faire un établiiïèment paffager , que les religieux de la charité du Cap cédèrent
même à un entrepreneur peu-à-près. L'hôpital était à l'entreprife lors du ré^^i-
ment de Léon, & maintenant il n'y a qu'une clpéce d'ambulance pour la garnifon.
Mais ce qui ferait encore plus important qu'un hôpital , ce ferait de détruire
]a caufe qui rend ce féjour mortifère. Il n'y en a pas d'autre moyen que de con-
duire les eaux mêmes de la rivière à travers le marais que la levée, qui fert à
aller de la ville au fort , a partagé en deux. Un pont fort fimple faciliterait le
palTage des eaux de l'un des côtés dans l'autre & de là à la mer.- Ce moyen,
le moins coûteux de tous ceux qu'on pourrait employer , ferait auffi le plus
sûr ; car k parti de faire remblayer a été tenté par le moyen des foldats & leur
mortalité a fait voir fcn danger. Une levée formée fur la rive gauche de la
rivière en rejetterait encore les eaux du côté de la ville & en les retenant , furtout
après les débordemens , elle les obligerait à dépofer leur limon dans le marais
dont le fol s'exhaufferait, & il perdrait ainfi la faculté d'exhaler des miafmes
délétères & infefts. L'économie faite fur la fontaine pouvait fuffire à ce travail
auquel des milliers d'hommes auraient fini par devoir la vie , & elle aurait fauve
le fcandale que l'ignorance ou toute autre caufe a donné dans une dépenfe
énorm.e.
Le côté Sud-Eft de la ville tû le plus gai , parce qull s'ouvre fur la campagne
& qu'en entrant dans le chemin de Maribarou, on apperçoit fjr la droite , des
plantations de cannes qui réjouiffent la vue -, à la gauche eft un'e briqueterie.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ri.
Parvenu à 1,200 toifes de la ville, on eft fur un petit tertre qui en forme les
limites pour la garnifon & à environ 300 toifes duquel on rencontre , fur la
gauche , un chemin qui mène à l'embarcadère de la Crochue.
Mais avant de terminer ce qui concerne la ville & de compléter des détails
qui doivent la préfenter comme le chef-lieu de l'une des grandes étendues appe-
lées quartiers , il eft néceffaire que je donne une idée exaéte de la totalité de la
paroiffe du Fort-Dauphin.
Elle efl- d'une forme irrégulière , parce que la paroiffe d-Ouanaminthe avance
& y pénètre dans l'Eft. La paroiffe du Fort - Dauphin qu'on peut évaluer à
vmgt heues cariées de furface, eft une de celles qu'on appelle paroifTe de plaine
à Saint-Domingue & fa portion plane en forme environ les deux tiers.
Une favane , ou prairie naturelle , fépare le canton Dauphin , proprement
dit, & qui eft dans le contour de la ville , du canton de Maribarou qui eft à
l'Eft. Cette favane a environ une lieue & demie de largeur à fon extrémité
Nord,contigue aux Fredoches & fe dirige vers les montagnes en s'élargiff.nr
lout y annonce l'aridité : des monticules fans aucun ordre entr'eux &^*ne
donnant la vie qu'à quelques arbuftes chétifs , incapables de cacher un fol chareé
de nombreux cailloux détachés : des pierres & des roches qui fortent d'une terre
ochracee pour montrer leurs têtes rougeâtres ou brunes, & d'autres qui' tout-à-faic
a nu prcfentent des mafles fiUonnées & chargées d'afpérités , tel eft le fpec
tacle de cette favane dans les tems fecs. S'il pleut abondamment, une herbe fine
Se fucculente dérobe bientôt ce trifte afpec^ & lui fubftitue un riche tapis de
verdure. On fe demande d'où peut provenir un changement aufîl fubit aufïï
abfolu & comment cette favane s'eft formée & a confervé fon élévation au-
deffus des terrains environnans .?
Le phyficien eft tenté de répondre que fa configuration , fon élargifTement:
vers la montagne , la couleur des terres & leur analogie avec le" terres-
des montagnes voifines , analogie que les pierres détachées reproduifent à leur
tour parce qu'elles font vitrifiables comme celles de ces montagnes , annonceur
esdefordres d'un volcan , dont la lave aura coulé avec toutes^s ;atières en
fufion, & aura toujours occupé un efpace moindre en s'éloignant du cratère II
femble même qu'alors la mer bornait le fol de la favane puifqu'elle touche aux
Fredoches ou tout eft encore calcaire & annonce le fejour plus récent des eau^
Des convulfions plus ou moins vives ,. produifant des irruptions plus ou moins.
.5
126
DESCRIPTION DE LA PARTIE
P
.f
lointaineî & des expulfions de pierres plus ou moins aftives , la lavane aura eu
des inégalités , des monticules & les principes martiaux expliqueraient dans ce
fyftème , la ténuité & l'efculence de l'herbe.
Quelques-uns des monticules de celte favane ont eu & ont encore des déno-
minations particulières. Celle de Morne - à - Vigie , que l'un d'eux conferve
vient de l'ufage auquel il a été deftiné , lorfqu'après les ravages des Efpagnols
en 1695 j on y plaça deux hommes en vigie pour épier leurs mouvemens ; vigie
dont on fupprima les obfervateurs , lors de la paix à ia fin de 1698, quoique
l'impofit'.on pour leur payement ait duré jufqu'en 1702. Dés raifons plus ignorées
ont créé , la Mahotiere , les Marmoufets , les Platcns hc.
C'eft dans cette favane ou dans ces favanes que font auffi des ruilTeaux oij
l'eau ne fe montre que durant quelques heures & feulement à l'époque des
pluies , quoiqu'on en ait fait des Rivière- Blanche , des Rivière-à-Canon , &c. Le
voifmage des fucreries ou quelques vallons ont raffemblé dans ce lieu 17 blancs ,
^6 affranchis & 268 efclaves.
Mais quelle vue délicieufe que celle offerte au voyageur lorfque de l'extré-
mité de ces favanes , il découvre la riche plaine du canton de Maribarou ! Son
oeil fe promène fur des champs de cannes qui femblent s'embellir encore par le
contrafle des points qu'il vient de parcourir. Il aime l'effet que produit fur ce
vert ondoyant, des arbres d'un vert plus prononcé & placés cà & là, comme
pour varier la fcène. Les bâtimens d'un grand nombre de manufactures y ajoutent
leur intérêt, & les bois qui bordent les rives du Maffacre , couronnent & fixent
rhorifon.
Tout annonce que cette plaine eft un ancien fond vafeux de la mer. Des
points bas que les rivières n'ont pas couvert de leur fable brifé , ont encore des
traces bitumineufes. Les plantes font imprégnées de leur acre fubftance & c'eft
un des obftacles qui s'oppofe à la fabrication du fucre des cannes que ces endroits
produifent & fur-tout à fa pelludicité.
La rivière la Matrie fépare le canton de Maribarou des grandes favanes & la
rivière du Mafl"acre eft entre ce canton & les poffefTions efpagnoles. Maribarou
eft divifé en haut & en bas Maribarou. Le bas Maribarou eft la partie qui fe
trouve au Nord du chemin qui mène de la ville du Fort-Dauphin au bourg
d'Ouanaminthe. Le haut Maribarou s'étend au contraire dans le Sud de ce chemin
juf<^u'à la rivière de la petite Artibonite , vulgairement nommée rivière à Baujeau
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ny
& qui fe jette dans le MafTacre entre les habitations Baujeau & Vigne. Il rcfulte
de cette divifion que tout le bas Maribarou appartient à la paroifTe du Fort-
Dauphin qui renferme en outre quatre habitations du haut Maribarou , parce
qu'elles font dans l'Ouefl de la Matrie j tout le refte du haut Maribaroux e£ï de
laparoifle d'Ouanaminthe.
Dans le bas Maribarou les deux rivières du Maflacre & de la Matrie ne font
jamais à plus d'une lieue l'une de l'autre , même dans les contours où elles
s'écartent le plusentr'elles, & dans de grands débordemens, notamment dans ceux
du mois de Septembre 1761 & du 4 au 5 Août 1772 , l'on a vu leurs eaux fe con-
fondre ; le même phénomène eut lieu durant plus de 25 jours en 1787.
En 1776 , époque d'une longue fécherefle , qui ne s'eft que trop renouvellée ,
la Matrie a tari plufieurs fois; le Maflacre conferva à peine un filet d'eau , èc
l'une & l'autre très-renommées pour leurs nombreux poiffbns , ont fingulièrem.ent
perdu de ce précieux avantage ; d'autant que les nègres trouvant déformais le
poiiTon dans des afilesfans profondeur , en firent une prodigieufe dcftruélion.
La Matrie fe jette dans le Maflacre, à environ deux mille toifes de l'en\bou-
chure de ce dernier, & il y a même de l'analogie dans leurs deux noms^
car Matrie vient de Mata , efpagnol , Ueu où l'on tue , où l'on fiic boucherie.
Le Maflacre fe dirige enfuite vers la mer par un paflage étroit, entre deux
monticules, où fes eaux refl^errées s'oppofent avec force au flux de la rner, que
l'on reconnaît au goût de l'eau Jufqu'à deux lieues. Vers le point où le Maflacre
reçoit la Matrie & où ce conflit cfl: le plus fenfible , il s'eft élevé un banc de
fable , qui , foutenu par l'cflbrt oppofé des deux caufes , préftnte, même dans
de grandes inondations , un môle que l'audace a quelquefois employé. Des levées
s'oppofent aux irruptions du Mafl^acre , furtout depuis le bourg d'Ouaniminthe
jufques au point qui lépond à l'extrémité inférieure du grand îlet.
On compte dans la partie de Maribarou qui dépend de la paroifîe du Fort-
Dauphin , 17 fucreries, favoir : 13 du bas Maribaroux, & les quatre du haut"
Maribarou dont j'ai parlé -, leur produit total peut être évalué à trois millions
& demi de fucre terré, & plus d'un demi million de fucre brut.
Depuis i750jufqu'en 1753, trois habitans & enfuite cinq , s'occupèrent du foin
d'employer l'eau du MaflTacre à fertilifer leur fol & à faire mouvoir des moulins. Ils
firent à ce fujet trois conventions , qui amenèrent dans la même année 1753 , une-
conceffion d'eau de la part des Adminiftrateurs , & elle fiit l'origine de la prif©
d'eau dont j'ai parlé.
.^
:;i
128 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le Maflacre ayant éprouvé plufieurs débordemens , & les difficultés que les
cinq propriétaires des moulins fe fufcitaient eux-mêmes entr'eux , ayant rendu
un examen du local néceffaire , cet examen fut ordonné par les Adminiftrateurs
le 28 Juillet 1784. Il a eu lieu au mois de Mai 1786 , par M. Michel Verret,
frère et affjcié de l'ingénieur Hydraulicien. Cette opération qui, comme une
foule d'autres , prouve l'utilité d'artiftes éclairés en ce genre , a démontré que
depuis 1753 jufqu'en 17S6 , le Maffacre avait creufé fon lit de 4 pieds 9 pouces
4 lignes j et que la prife d'eau devait en conféquence être portée plus haut qu'elle
n'était auparavant, et miême au-delTus de la pyramide N°. 8. M. Verret a fait
trouver de l'eau en quantité fuffifante pour l'arrolement et le jeu des cinq
mouUns affociés à l'eau ; et il a marqué pour les tems de fécherefie , l'ordre
dans lequel chacune des cinq habitations ( dont trois peuvent en outre prendre
de l'eau dans la Matrie pour arrofer feulement ) , doit faire ufage de l'eau.
Cette opération a amené le 26 Décembre 1786 , une convention par laquelle
les cinq intérefles ont formé un fyndicat , pour tout ce qui eft relatif à cette
jouiffance d'eau, et le 19 Avril 1787, les Adminiftrateurs l'ont convertie en
ordonnance , ainfi que le procès \erbal de M. Verret.
Il n'y a cependant que trois habitations qui ayent déjà des moulins roulans , et
fi l'on y ajoute le moulin à eau de l'une des quatre habitations du haut Mari-
baroux , on en trouve quatre pour la Paroiffe du Fort-Dauphin.
Maribarou dépendant du Fort-Dauphin , a 60 blancs, 17 affranchis et environ
2,500 efclaves. Il s'en faut bien que ce canton , dont le fol m.érite peut-être le
premier rang parmi tous ceux de Saint-Domingue français , foit parvenu au
degré d'accroiiTement dont il eft fufceptible , puifqu'il n'eft encore qu'à fa
troifiême génération de Colons. Or l'on fait que la première défriche ; que la
féconde commence les grands travaux , comme les levées qui doivent garantir du
ravage des eaux , et les foliés qui doivent les égoûter ; et que la troifiême ordonne
les plantations et entreprend les édifices , pour que la quatrième puifl'e réalifer
le plan d'une udle et grande manufacture. Heureufe la cinquième , fi elle peut
mêler l'ao-réable à l'utile, et unir fes jouifiTances perfonnelles aux richefîès de
l'État !
J'ai dit que les grandes favanes étaient contigues aux Fredoches; c'eft le nom
qu'on donne , dans la Colonie , à des terrains dont le fond eft une efpèce de tuf
Ibiancheâtre et argileux, qui ne donne la vie qu'à des ronces et à quelques bois
blancs.
^
FRANÇAISE DE SAÎNT-DOMINGUË. 129
blancs , dont les proportions accufent le fol de ftérilité. Tel eft celui qui borde
la paroifle du Fort-Dauphin au Nord, et qui fuit , à-peu-près, les contours de
la baie et le terrain qui eft: entr'eilc et le bas du MafTacre. Ces Fredoches (qui
ceignent aufll la baie de Mancenille ) , environnent dans cette partie le Lagon-
aux-bceufs , efpèce de petit lac dont les eaux contenues de toute part par des
terres élevées , n'ont pas pu fe retirer avec la mer lorfqu'elle a abandonné les
lieux voifins. Cependant comme fes bords font moins élevés au Nord-Eft
c'eft par là que dans les crues d'eau , l'excédant fe dégorge dans la Matrie.
Les Fredoches renferment quelques indigoteries, condamnées par les fécherefîès
à une trifte langueur. Ce fol convient mieux à quatre poteries , qui ayant par
la mer un débouché facile , fourniffent les fucreries de quartiers même trés-
éloignés. On y voit aufii pluueurs fours à chaux, auprès defquels la pierre
calcaire et le bois fe trouvent placés , et en outre trois briqueteries et tuileries
dans le nombre defquelles eft comprife celle qui eft au fortir de la ville du
Fort-Dauphin ; tous les établiffemens des Fredoches ont 53 blancs, 104 affranchis
et 678 efclaves.
On a trouvé dans les Fredoches , en 1787 , cinq têtes d'hommes au fond d'une
caverne. L'aplatifTement du coronal ou frontal , depuis les fourcils jufqu'en haut,
démontrait qu'elles avaient appartenu à d'infortunés Indiens. Elles étaient bien
confervécs & garnies de leurs dents. Malgré toutes les recherches il n'a pas été
poffible de rencontrer d'autres parties offeufes.
Le refte de la plaine de la paroiife du Fort-Dauphin eft au Sud des Fredoches.
Elle y forme un efpace qui a les grandes favanes dans l'Eft , les montagnes
au Sud , & dans l'Oueft , un prolongement de ces montagnes qui fe dirige au
Nord & s'arrête à une petite lieue de la côte & de la ville & dans le cou-
chant de cette dernière.
Au pied de cet épatement montueux , coule la rivière Marion , formée
par les eaux des montagnes de l'acul de Samedi , augmentées de celles de
tous les ravins qui bordent fon cours. Des deux côtés de la rivière font des
habitations en fucrerie ; mais comme la branche de montagnes dont je viens
de parier a une pente prolongée vers la rivière , la rive Oueft eft la plus refferrée.
Cependant celle de l'Eft eft afîez remplie par les monticules des favanes , pour
que la rive Occidentale ait eu douze habitations , tandis que la rive Orientale n'en
avait que cinq et encore d'une plus petite étendue. Enfin ks deux côtés fîniiTent
Tg-me J. j^
iBBr
if
i'
130 DESCRIPTION DE LA PARTIE -
par fe rétrécir au point qu'on n'y trouve plus que quelques vallons et quelques
coteaux.
En confidérarit cet efpjice , dont h partie fupérieure s'appelle le canton de h
grande Colline et n'a plus que trois de ces anciennes fucreries , on conçoit qu'à
l'époque où les rivières n'avaient pas encore formé leurs lits , & promenaient
leurs eaux à raifon des pentes , les parties fupérieures lur lefquelles ces eaux
n'auront pu ni féjourner ni dépofer un fédiment limoneux , n'auront pas acquis
une couche végétale auiïi épailTe que les parties inférieures. Dans les points
voiuns de la mer , mais qui font bas , les eaux douces auront corrigé l'âcreté
'des dépôts marins & le limon, en fe combinant avec eux , aura produit un fol
plus ou moins fertile ; tandis que dans les endroits tels , par exemple , que la
portion des Fonds-Blancs qui dépend de la paroifle du Fort-Dauphin , les eaux
n'ayant pu aller combattre l'âcreté primiiive , fes effets fubfiftent encore. Cette
explication eft appuyée par la nature différente du fol dans les 17 fucreries &
même dans les collines & les vallons de la partie rétrécie , qui enrichi d'abord par
les dépouilles des montagnes chariées par les pluies a vu enfuite fa fertilité fe
détruire par la caufe même qui l'avait créée. On pouvait porter à environ deux
millions de fucre le produit de ces 17 fucreries, prefque toutes anéanties , fur-
tout celle du canton de la grande Colline. Les recenfemiens ne font monter la
population de cette partie , qu'à 6j Blancs, 2,202 efclaves & feulement à 10
affranchis ; car , en général , on voit peu de ces derniers dans les lieux où des
établiffemens muhipliés font ou ont été une preuve d'énergie et d'acftivité.
Ce qui fe trouve des Fonds-Blancs dans laparoiffe du Fort-Dauphin et qui ,
comme je l'ai déjà, obfervé, ne comprend pas les mionticules appelles les Mamelles,
placés à 2,700 toifes dans l'Outft de la pointe du baril de Bœuf, et à mille toifes
de la mer, contient plusieurs indigoteries. Des féchereffes , prefque continuelles
depuis quelques années , les affligent ôc les réd ifent à la plus grande médiocrité.
La coupe de Bayaha q i n'eil qu'une gorge de l'extrémité de la branche
Occidentale des montagnes de la paroiffe du Fort-Dauphin , contient aufîi
quelques faibles indigoteries & des cultivateurs de manioc & de maïs. Ces
deux endroits , d'autres habitations de la grande CoLine , des favanes de
3'acul de Samedi ou de la favane à Bouché continue à celle-ci , ont 3 1 blancs ,
73 affran his , & 442 efclaves.
A i'Eii de la coupe vie Bayaha, eft une portion triangulaire que forment, avec
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. r^?
la mer , les deux branches de la rivière Marion, Cette rivière fe bifurque dans
la plaine même & Ton bras droit ( que les habitans placés à fa gauche , voulurent
combler en 17 17 (*), va vers la ville ayec le nom de rivière des Roches. On
conftriiifit dans cette efpèce d'îlet , au commencement de 1707, une chapelle
fuccurfale de L-imonade , où le curé de cette paroiffe venait célébrer le fervice
divin. L'abbé de Mont-Tours y dit la première mefîe le 25 Mars de la rr^êm^
année. En 17 10 le père Boutin, Jlfuite, en fit une paroiffe dédiée à Saint- Jofeph,
et en 1722, on transféra l'églife à 1,500 tolfes plus à l'Oueft , au vieux bourg
de Bayaha et à 800 toifes ai] Sud de l'embarcadère de 1^^ Crochue, dans une favane
où le local de l'ancien cimetière efb encore reconnu par la vénération fuperlli-
tipufe des nègres. Ce n'a été qu'en 17.-^1 que la ville du Fort-Dauphin a eu ,
dans fon enceinte , fon pafteur qui eft toujours le feul eccléfiaftique du lieu,
Il ne me relie plus maintenant à décrire que les montagnes ; elles bornent k
paroiffe au Sud. Au Sud-Oueft font celles de l'acul de Samedi et dont la faca
ou le revers Nord eft de la paroiffe du Fort-Dauphin. On parla en 1768 de
former une paroiffe à l'acul de Samedi -, \çs |iabitans autorifés par le gouvcrnemenc
en 1772 à déHbérer à ce fujet, nommèrent un fyndic pour fuivre l'exécution du
plan qui comprenait toute la gorge pu baffjn de l'acul de Samedi , la circonfé-
rence du morne au Diable , la yallçe de l'acul des Pins , le Morne-Organifé ,
& les cinq canfons de la face Sud de la montagne ou grande Crête de l'acul de
Samedi , qui dépendent aujourd'hui de la paroiffe de Valliére. Ce plan qui fut
contrarié & qui a cependant produit la nouvelle paroiffe de Valliére , auraic
réuni plus d'avantages que l'établiffement de celle-ci. Mais cet objet appartient
à la defcription de cette paroiffe , avec laquelle il eft , en quelque forte ,
lié. L'acul de Samedi renferme plufieurs cafeteries fans qu'aucune mérite d'être
citée , et dans prefque- toutes , on affocie la culture des vivres à celle du cafier.
Après l'acul de Samedi ( très-arrofé par divers bras de la rivière Marion , par
la rayine des Pa'écuviers , par celle à Bouyard ^ &c. ), et en allant vers l'Eft, on
trouve d'abordj la belle Crête j haiite montagne , pofée prefqu'en face de l'entrée
de la baie , et à l'Eft- de laquelle coule la rivière Marion dans un canton appelle
les Fqnds-BIeus , puis le morne au Diable , qui fépare l'acul de Samedi de
l'acul des Pins. Un coteau dont la déclivité eft affez douce pour qu'il conferve
m
i * ) Voyez Lcjx de Saint-Domingue, tome 2 , page 592.
R i'
m
IJ2
DESCRIPTION DE LA PARTIE
encore une couche ^ égétale a fervi à placer dans ce lieu une fucrerie , ayant un
moulin à eau ; la terre de tout ce canton j ne répand pas au foins du cultivateur
de café j mais le manioc y eft fort beau.
L'acul des Pins , ainfi nomir.é parce que les pins y font communs , eft le
canton qui touche à la paroiiïè d'Ouanaminthe dans l'Eft & dans le Sud. Les
commencemens de fa culture ont été brillansi on y a formé une affez belle
fucrerie et de grandes cafeteries. Un grain rond , petit et fec, a acquis de la
réputation aux cafés qu'il produit et qui font recherchés par les capitaines pro-
vençaux , parce qu'afTociés aux cafés venus du Levant , ils trom.pent l'œil du
connaifîeur et le palais du gourmet.
Toute la partie du Fort-Dauphin en mornes , eft habitée par loo blancs >
200 affranchis et 1,490 efclaves.
Jettons maintenant des vues générales fur le Fort-Dauphin. Le cHmat y eft
extrême. Après une féchereflè annuelle , qui dure ordinaire mien t depuis le mois
de Février jufqu'à celui de Mai ou de Juin , les pluies deviennent excefïïves
avec les premiers orages , et amènent des fièvres bilieufes ardentes. Il réfulte de
ces avalafTes , qu'après avoir confommé les vivres de terre , de nouvelles
plantations faites pour les remplacer;, font fans fuccês. De là des difettes qui
durent fix mois entiers , et qui font caufe que dans un lieu où la difcipline
des efclaves pourrait être plutôt trouvée relâchée que févère , il y a une grande
perte de ces hommes précieux , perte qui était encore proportionnellement plus
confidérable autrefois 5. lorfqu'on leur faifait defTécher les parties noyées de cette
paroifTe ; mais maintenant les travaux d'égouî & de levées , font faits à l'entre-
prife par des nègres qui y fontdrefTés & accoutumés.
Ge ferait peut-être le cas d'examiner s'il n'y aurait pas plus d'avantao-e à
employer en arrofement qu'en machines y l'eau qu'on tire des différentes rivières.
Chaque année la féchereffe réveille des haines qui ont toujours à Saint-Domino-ue
un caraftêre fort actif. Il ferait très-digne d'une adminiftraticn fage , amie de
l'ordre et de la profpérité publique , de ftatuer enfin par un- règlement général
fur tous les droits ligitieux de ce genre , et que des chefs principaux et fubalternes
favorifent ou bleffent d'après des motifs trop étrangers à la juftice. Ne pourrait-
on pas réunir les eaux de la rivière de Jean de Nantes avec celles de la petite
Artibonite ( toutes deux de la paroifTe d'Ouanaminthe "), et une portion de
■ceiks du haut du MafTacre , pour les diftribuer de manière que le premier
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ijj
habitant ne fût tenu de remettre fon eau qu'au trolfiême , le fécond qu'au
quatrième , & ainfi en alternant. Lorfque ]a pente ferait faible , des trop-pleins
garantiraient des débordemens , & l'on afîlire que des nivellemens ont prouvé
que ce travail eft pofîîble.
Un autre trop-plein fur la Matrie , pourrait porter quelquefois dans le Lagon-
aux-bœufs, qui a 2,500 toifes de long fur 500 de largeur moyenne, des eaux qui en
défraieraient le fond et les alentours , et qui y mettraient un limon précieux pour
la culture et même pour la falubrité de l'air , que ce lagon ne peut qu'altérer.
Le Fort-Dauphin ne préfente aucune idée d'augmentation peur l'avenir , fî
ce n'eft dans la culture de Maribarou et dans celle de quelques portions
montueufes, qui pourraient fixer des hommes réduits à n'employer que de
faibles moyens d'établifîèment. Mais tout cela en ajoutant à la richeffe de la
paroiffe et en lui procurant furtout des vivres que la montagne produirait en-
abondance , ne ferait rien pour la ville proprement dite. Encore une fois , la
proximité du Cap, celle du bourg d'Ouanaminte s'oppoferont toujours efficacement
à ce que la ville du Fort-Dauphin acquière une importance plus grande que
celle aéluelle , & dont on aura une idée plus exafte par les détails fui vans.
Le Fort-Dauphin eft le chef-lieu du Quartier de fon nom , l'un des cinq
de la Partie du Nord , et qui comprend les cinq paroiffes du Fort-Dauphin,
d'Ouanaminthe, de Vallière, du Terrier-rouge et du Trou. On a vu qu'en y
créant un commandant militaire en 1728 , il avait pour état-major un lieutenant
de roi , un major et un. aide-major , ce que confirma encore l'ordonnance du
roi du 23 Juillet 1759. L'aide-major fut fupprimé en 1777; et par l'efi'et de
l'ordonnance du 20 Décembre 1783 , il n'a plus qu'un major. Un officier de
l'adminiftration de la marine y a toujours été chargé des foncT:ions d'un fubdélégue
de l'ordonnateur du Cap, et c'eft encore un écrivain principal^ de la marine
comme le difait l'ordonnance de 1759. Un commis aux clafTes eft chargé de
détails , fous fes ordres j et un capitaine de port veille à tout ce qui concerne
cet emploi, dont M. Miftral fut le premier pourvu en r/32.
La SénéchaufTee a un fénéchal, un lieutenant particulier, un procureur du
roi, deux fubftituts, un greffier , un audiencier , huit procureurs, huit notaires
diftribués dans les difFérentes paroiffes du reffort de la fénéchauffé , qui eft éo-aî
à celui du commandement, dix huiffiers , unjaugeur-étalonneur et un concie^e
éesprifonss etdepuis 178 8, un exempt, un brigadier et trois archers-fergens de polic'e.
:_^/^
ï34 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Jamais réputation n'a peut-être été plus odieufe que celle des procureurs de lajurif--
diftion du Fort-Dauphin , avant que le zèle levère de M. d'Ennery et la
probité lurveillante de MM. Gautier de la Rivière et d'Hudicour, fénéchaux ,
n'eufîent mis un frein à cette rapacité , qui avait fait du Fort-Dauphin l'épou-
vantail des plaideurs et la honte de la juftice. Il y a eu dans cette fénéchaulTée
des confeillers, à deux époques. D'abord un feul (M. Barbé), que les
Adminiftrateurs nommèrent le 5 Avril 1739 , & ceux choifis en vertu de l'éJit
de réunion des deux Confeils , du mois de Janvier 1787.
Le fénéchal eft auffi lieutenant de l'Amirauté , qui a été établie avec la Séné-
chaufTée , et le procureur du roi appartient aux deux fièges , ainfi que les officiers
miniftériels. Deux interprêtes en dépendent.
Une brigade de maréchauflëe, compofée d'un prévôt , de deux exempts , deux
brigadiers et vingt-deux archers , dépend du quartier Dauphin. Le prévôt réfide
dans la ville -, il a un exempt et fix archers à Ouanaminthe , et un exempt et
quatre arcliers au Trou.
Les comptables pubUcs font un garde-magafin de la marine et de l'artillerie,
un tréibrier , un receve'jr de l'odroi et des droits domaniaux , un curateur aux
lucceffions vacantes , et un receveur des droits d'amirauté. On y voit un médecin
et un chirurgien du roi, un chirurgien-major de l'amirauté , et deux chirurgiens
ordinaires , un arpenteur principal , un voyer principal, un gardien des éclufes
et fontaines ; plufieurs arpenteurs réfident dans l'étendue de U jurifdiftion.
Le Fort-Dauphin jouit depuis long-tcms , comme le prouve une ordonnance
des Adminiftrateurs du 12 Décembre 1727, d'un établiffement de pofte aux
lettres. Le courrier de toutes les parties de la colonie, paffant par le Cap, y arrive
et en part deux fois par femaine. Il n'y venait qu'une fois avant le giois dç
Mars Î764C
Divers ouvriers , quelques maîtres d?écple pour enfeigner la leélure , l'écriture
et l'arithmétique ; des marchands , dont quelques-uns même fe titrent de
négocians ; des revendeurs ; un nombre , toujours trop grand , de çabaretiers ,
dont le privilège qui était en ferme autrefois , donnait déjà 3,560 liv. au fifc
en 1728; quelques plaideurs et quelques olfifs complètent, avec les divers
employés ou fonctionnaires publics , la population de la ville du Fort-Dauphin ,
DÙ l'on ne compte, malgré tout cela , que 254 blancs, 130 affranchis & 470
^fclaves. On peut y ajouter un détachement fourni par le régiment du Cap
1
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 135
pour la garnifon du fort et celle des fortifications de l'entrée , garnifon qui ,
jufqu'tn 1762, était de trois compagnies des troupes détachées de la marine
et 25 fuiflès , qu'un bataillon durégiment de Quercy remplaça en 1762. Le poftc
du fort la Bouque avait original. ement 30 hommes et un officier, on ne le
relevait que tous les 15 jours. La ville pourrait compter en outre 50 caboteurs
ou marins qui s'occupent de la pêche qu'ils vont faire dans la baie de Mancenille ,
©u du tranfport des denrées , qui a lieu dans des barques & dans des bateaux
depuis quatre jufqu'à cent tonneaux.
Le tranfport dont je viens de parler, fe fait par de grandes barques nommées,
Paffagers , lorfqu'il s'agit du Cap , et dont l'ufage efl même déjà ancien pour le
Fort-Dauphin , puifque le produit en a été long-tems affermé au profit du roi.
Ils iont affranchis de cet impôt depuis le 24 Août 1750, & leurs propriétaires
font feulement fournis à tenir des écritures en règle de ce qu'ils charo-ent , & à
répondre de la perte & des avaries , quand elles font imputables à leur négli-
gence ou à l'impéritie des patrons, qui doivent être des libres, et connus de l'Ami-
rauté , par une déclaration de l'armateur.
La facilité de cette communication réduit la ville à n'être qu'un entreprit
partiel , puifque plufieurs embarcadères font aufTi des entrepôts. L'on a cependant
vu quelquefois le pavillon français flotter dans la baie, fur des navires d'Europe
pendant la paix , quoique le plus fouvent les capitaines fe contentent d'envoyer
du Cap des marchandifes, qu'un officier du navire vend dans un magafin qu'il
prend à cet efïlt. On a mêine compté jufqu'à 12 ou 15 de ces magafins, qui
faifaient chacun un débit de 100 et 150 mille livres par mois. On n'en efl pas
furpris , quand on lait que la dépendance du Fort-Dauphin efl une de celles
dont les propriétés font les plus dégagées de dettes.
En 1784 , il y a eu une importation direéte du Fort-Dauphin& de fon voifînage,
par deux navires de Bordeaux , quatre goélettes efpagnoLs , dont trois °de
Barcelone et une de Cumana, et cinq bateaux ou brigantins des États-Unis
d'Amérique.
En tems de guerre, la ville du Fort-Dauphin eft nulle quant au commerce ,
et même le tramport des denrées et des approvifionnemens de cette paroiffc y
eft très-difficile. Les relfifs é:ant abfolument à fleur d'eau , il re peut y avoir
de navigation lûre entre eux et la terre ; il faut donc gagner la pleine mer,
et par cela même le cabotage efl expofé à bien des rifqucs. Les vents contraires.
136 DESCRIPTION DE LA PARTIE
les tempêtes , l'ennemi , tout concourt à fufpendre la communication. Il ré=
fuite de cet état de chofcs , que les habitans payent plus cher et vendent meilleur
marché. Quelquefois dans les fortes brifes du mois d'Avril , on attend un mois
les provifions demandées du Cap. Le fret par les paffagcrs devient chaque jour
plus cher. Suivant l'adjudication faite le 3 Mai 1743 , il était alloué au fermier
par perfonne libre, trois livres j par efclave , trente fous; pour un barril,
cinquante fous ; pour une barrique , cent fous , & fix francs quand elle était
remplie de fucre. Cette barrique de fucre qui était tranfportée en 1770 pour "
7 liv. 10 fol-, payait dans la guerre de 1778 24 liv. 15 fol, et depuis la paix
elle eft taxée à 20 liv. 12 fol. 6 deniers.
Les obftacles apportés par la guerre , font toujours renouvelier le projet
d'ouvrir un canal qui irait de la partie Oueil de la baie, entre la pointe àDujarriay
et les terres arides placées Nord et Sud des Mamelles, jufqu'à la baie de
Caracol, à l'embouchure de la rivière du même nom, d'où les paffagers fe
rendent au Cap en dedans des reffifs. J'ai même un plan drefîe en 175 1 par
M. Charlevoix de Villers , ingénieur , où l'on voit que ce canal d'environ 6,000
toifes devait avoir 30 pieds de largeur dans fon fond , 30 pieds de talus , & 30
pieds de haut à partir du haut des berges. Mais la paix revient , & dans un
pays où les hommes ne font pour ainfi dire que pafîèr , il eft difficile qu'un
projet foit conçu , mûri & exécuté lorfque fon exécution exige des talens , du
tems & de la dépenfe. M. de Moulceau était , en 1773, d'avis qu'on fît le
canal. Le Miniftre dans une lettre du mois de Février 1774» en a rejette Iç
projet à caufe de fon inutilité en tems de paix.
La baie du Fort-Dauphin ne fera jamais choifie par les ennemis pour un
'^oint de débarquement , parce que les vaiffeaux ne peuvent y entrer qu'un à
un ; qu'enfilés par les batteries , ils font expofés à faire côte s'ils font défem-
parés ; & que d'ailleurs la côte étant armée de reffifs , il y a le danger des
calmes , celui des courans , des brifes violentes ou carabinées, celui des
Nords , &c. Mais auffi , malgré fa pofition au vent , cette baie ne peut pas
être un établiffement de proteftion -, car d'une part une efcadre ne pouvant en
fortir qu'un vaifTeau après l'autre , & les brifes de terre n'étant pas toujours afîez
durables ni affez fortes pour qu'une efcadre nombreufe fe flattât de fortir toute
entière , & de l'autre part la baie de Mancenille offrant une retraite à l'ennemi ,
^ la Grange tz les Sept-Frères des mouillages fûrs , des forces fupérieures
pourraient
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE- 137
pourraient y être aifément bloquées par des forces très-inférieures. Le Fort-
Dauphin eft donc tout ce qu'il peut êtrej puifqu'on l'a préfervé de devenir un
refuge pour les ennemis -, qu'il en eft un pour les bâtimens pourfuivis qui ne peu-
vent pas gagner le Cap , & un point de raffemblement pour s'opoofer au paffage
de l'ennemi s'il tentait une defcente à la baie de Mancenille. C'eft même id
l'occafion de dire que l'éloge de la milice du quartier Dauphin a été fait fans
difcontmuation , par tous les Adminiftrateurs , & que fon zèle & fon amour
pour le nom français , font des vertus qu'elle n'a pas ceffé de montrer.
Elle eft compofée aéluellement de 240 blancs & 175 affranchis.
La population totale de la paroiffe eft de 700 blancs , 600 affranchis & environ
9,000 efclaves. En 1723 , on y comptait 206 hommes portant armes, & 1,030
nègres.
La latitude du Fort-Dauphin marquée fur mon plan , eft de 19 degrés 42
minutes 30 fécondes, & fa longitude Occidentale du Méridien de Paris ^ de 74
degrés 21 minutes.
La ville du Fort-Dauphin eft à environ 12 lieues du Cap, 87 de Santo-
Domingo , 5 de Dahabon & 5 d'Ouanaminthe ^ à 4 lieues du bourg du-
Terrier-rouge , 6 de celui du Trou , & 13 de Vallière.
Par rapport à l'intérieur de la paroiffe , on compte, du Fort - Dauphin
^'^""' A , . ^ listes.
3 A Ja grande Colhne , •■.... ii j/z
Au bas Maribarou .....
A l'embouchure du MafTacre . .
A la Melonniere , ........ r
Aux Fredoches , ...... ^ z
Aux Fonds-Blancs , 2
A la coupe de Bayaha ......
A la paffe de la rivière Marion , .
Au Vieux-Bourg ,
2
2
1
Au Morne à Vigie & la Mahotière , 3
Aux Marmoufets & aux Platons , . 4
A l'acul de Samedi , _•
Au Morne au Diable , ..... 6
Aux Fonds-Bleus, y
A l'Acul des Pins , ....... y
Et au Morne Organifé, . . ... . „.
Il y a des grands chemins de communication entre le Fort-Dauphin & les
paroiffesde fa juridiftion. Il communique avec les bourgs de ces paroilîes par
des routes de voiture , excepté avec la paroiffe de Vallière qui eft montagneufe
dans fa totalité. Le chemin royal qui va du Fort-Dauphin au Cap, eft affez
pénible depuis cette première ville jufqu'à l'extrémité des Fonds- Blancs, parce
qu'il faut prefque continuellement , monter et defcendre. Cependant ces cinq
lieues^font aifément franchies en deux heures, grâces à k: rapidité des" chevaux^
Tome I. o
^
i
138 D E s C R I P T I O N DE LA PARTIE
créols ^ moms aue le débordement des rivières , n'y mette obfVacle. M. de
Belzunce avait fait pofer , en 1762, fur les deux paffages de la rivière Marion,
des bacs qui ne fubfiftent plus.
Gn avait établi auffi au mois de Mai 1785, entre le Fort-Dauphin et le Cap, une
dilic^en-e à dix places , dont fix pour des Blancs à deux piaftres-gourdes et
quatre pour des affranchis à une piaftre-gourde. Elle allait d'une ville à l'autre
dans la journée. Mais ce genre d'établiflement , déjà tenté plufieurs fois à Saint-
Domingue , n'a eu aucun fucc-ès.
La paroilTe de Bayaha renferme des mines , et j'ai même la preuve , dans
une ordonnance des Adminiftrateur^ , datée du 26 Décembre 1716, qu'on en
avait trouvé une d'or , puifqu'eUe permettait à MM. de Boifdenier , Belfond ,
Gerland , et autres affociés , de faire travailler cette mine pendant dix ans ,
privativement à tous autres, à la charge de payer net au Roi , le cinquième de
l'or , qu'on ferait tenu de repréfenter toutes les femaines au commandant & au
commiffaire du Cap , à peine de confifcation et de déchéance du privilège. Je
n'ai pas pu découvrir dans quel point était cette mine dont je fuis certam que
l'exploitation n'a jamais eu lieu.
On lit dans le premier volume des Mémoires de la Société des Sciences & des
Arts du Cap,pag. 199 , l'analyfe d'uiie mine de pierres argikufes cuivreufes
trouvée fur l'habitation de M. Marcadé , placée au bord de la mer dans la baie et
à l'Oueft de la ville -du Fort-Dauphin. La mine eft à deux pieds de profondeur j
ces pierres couvertes d'une efpèce de rouille brunâtre, montrent une couleur
yerte très-claire dans leurs fraftures ; quelquefois des taches blanchâtres & des
parties quartzeufes , & des traces de pyrites ^ le toit quartzeux qui les recouvre
fait feu avec le briquet. On dit que le lit en eft fort étendu. A l'air libre , la
pierre a pefé 1,152 grains & 926 dans l'eau diftiUée. D'après l'analyfe , M.
Auvray , membre de la Société , a trouvé que la mine avait': i°. -^V & demi d£
cuivre , réduit fous forme métallique. 20. ^«^ & demi d'argile dépouillé de fa
partie colorante, de fragment de quartz & d'acide carbonique. Et 3^ ^ de
terre calcaire , de terre epfonneufe , & d'une petite portion d'argile.
Des obfervations météorologiques faites dans la paroiffe du Fort-Dauphin fur
la quantité d'^au qui y tombe annuellement , ont donné les réfultats fuivans.
Année pluvieufe
Année moyenne
Année sèche .
6 pieds.
4
3
1 pouces.
6
2 lignes-
6
%,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 139
On y reffent quelquefois des tremblemens de terre qui ne font cependant
jamais capables de renverfer des édifices. On en a reffenti un afTez fore le 28
Août 1784..
En 1788, l'épizootie a fait périr èc des mulets & des bœufs dans le bas
Maribarou.
La paroiffè du Fort-Dauphin a vu naître M. Croifeuil , auteur d'une traduc-
tion , en vers, de l'Art d'aimer d'Ovide.
II
Paroisse d ' O ir a n a m r n t h ev
OuANAMiNTHE portc encorc le nom indien qu'avait le canton oij fon
bourg eft fitué & qui fe prononçait autrefois Giianarainto. Cette paroifTe dont le
bourg eft l'établiffement français de ce genre , le plus voifm de la limite efpa-
gnole , faifaif autrefois partie de l'immenfe quartier de Bayaha & adépendu de la
paroifle du Fort-Dauphin jufqu'en 1751. On yavait formé, dès 173 1 , une
fuccurfale à caufe des habitans qu'attiraient dans les alentours k commerce avec
les Efpagnols , qui étaient obligés de tirer tous leurs approvifionnemens de la
Partie Françaifc. Cette fuccurfale. étant le préfage d'un bourg , les habitans de
ia ville du Fort-Dauphin en marquèrent auffitôt de l'inquiétude. On voit par
tine ordonnance des Adminiftrateurs du 30 Juin 1738, qu'on défendit fur cette
frontière des relations qui nuifaient au Fort-Dauphin. Les habitans d'Ouana-
rainthe qui voulurent enfuite une paroifTe réelle au lieu d'une fimple annexe,.
émirent leur vœu , le 15 Décembre 1751 , fur le point où la nouvelle paroifle
devait être affife. Ils croyaient même fi bien que l'autorifation de s'expliquer X
cet égard , était un titre que le vicaire d'Ouanaminthe commença à adminiftrer
les Sacremens & a fe regarder comme un véritable curé jufqu'à ce qu'un arrêt:
du Confeil du Cap du 18 Novembre 1752, lui prefcrivit de n'agir que comme
vicaire de celui du Fort-Dauphin. Autour de fa chapelle s'étaient ralliés depuis
loRg-tems des affranchis dont le négoce réveilla les allarmes du Fort-Dauphin &
celles-ci produifirent une autre ordonnance du 4 Avril 1758', qui défendit dé-
faire aucun trafic à Ouanaminthe. Il efl très-remarquable , qu'environ huit moifc
S a-.
DESCRIPTION
PARTIE
après , c'eft-à-dire, le 29 Noveinbre 1758 , les mêmes AdminiUrateurs érigèrent
Ouananiin:he en paroiffe , en lui donnant pour limite commune avec celle du
Fort-Dauphin, la rivière la Matrie depuis fa fource jufqu'à la mer. Les plaintes
nouvelles du Fort-Dauphin , mais feulement fur la trop grande étendue de la
paroiffe d'Ouansminthe , produifirent une ordonnance du 23 Avril 1759 ' ^P^ ^^
reflraignit à l'étendue qu'elle a aujourd'hui.
Cette paroiffe a pour limites aduelles à l'Eft & au Sud, la frontière efpagnole,
favoir: la ligne de dém.arcation de l'îlet du Maffacre, depuis le point où elle ferait
rencontrée par le prolongement vers l'Eft du chemin qui paffe à la barrière de
l'habitation Vaublanc jufqu'à la pyramide N". 17, Enfuite , depuis cette pyra-
mide jufqu'à la 2 2'=- , les eaux du Maffacre , celles fupérieures du ruiffeau de
Capotille, & puis du ruiffeau de la Mine, font la féparation qui va enfuite, tournant
vers le Sud, jufqu'à la pyramide N°. 32, qui eft fur la paroiffe de Vallière, contigue
dans le Sud-Oueft à celle d'Ouanaminthe ; enfin celle-ci a dans l'Oueft , la
paroiffe du Fort-Dauphin.
Ouanaminthe eft une paroiffe de plaine , fui vant ce que j'ai dit qu'on devait
entendre par ce mot ; c'eft une des plus petites de la Colonie , car elle n'a o-uères
plus de dix lieues carrées de furface , & plus de la m.oitié de cette étendue eft en
montagnes.
La paroiffe d'Ouanaminthe a une forme très-irrégulière , à caufe du cours
des rivières qui la bornent à l'Eft , & qui viennent du Sud-Eft. Le bour^ eft
même plus Oriental que l'embouchure du Maffacre.
La partie plane fe trouve divifée en plufieurs cantons ou portions de cantons ,
parce qu'il en eft dont le nom eft commun à la partie de montagnes qui les avoifme.
En général , cette partie plane offre beaucoup de portions favaneufes , qui aug-
mentent à mefure qu'on va vers le Sud , & dont le terrain n'eft pas très-fertile ,
furtout dans le voifinage des favanes du Fort-Dauphin. Les autres offrent
cependant des terrains très-propres à la culture des vivres de terre. Mais dans
toute cette plaine , rien n'eft auffi précieux que le haut de Maribarou , nom
Indien , & non pas Marie-Barmx , comme le veulent ceux qui donnent le nom
d'une femme pour étymologie à celui de ce lieu.
Le haut Maribaroux contient en totalité quatorze fucreries , dont dix dépen-
dent de la paroiffe d'Ouanaminthe. Ces dernières produifent annuellement deux
millions & demi de fucre blanc. Enfuite vient le canton d'Ouanaminthe ,
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 141
proprement dit, à l'une des extrémités duquel , vers le territoire efpagnol eft
ïe bourg. Ce canton eft renfermé entre la rivière delà petite Artiboi.ice on à
Beaujeau, & l'habitation Efcot, qui borne le- bourg d'Ouanaminthe au Sud.
Il compte onze fucreries , donnant environ deux millions de fucre blanc.
Vis-à-vis le bourg d'Ouanaminthe , dans l'Oueft de la paroiiic , eft le canton
des Savanes de la petite Artibonite ; puis au-deflus , allant au Sud-oua^t-Sud-
Eft , le canton des Savanes naturelles de la petite Arribonite. Au-deff^s de cette
bande , en eft une autre qui a dans l'Eft le canton de la favane d'Ouanaaiinthe
puis en gagnant dans l'Oueft celui de la favane du Canary , & enfin celui de
la favane au Lait , qui touche déjà à l'acul des Pins. Supérieurement encore
& dans une efpèce d'enfoncement entre les mornes , & qui fe dirige au Sud-Eft,
font les cantons de Capotille , de la favanne Longue , de l'Hermitage , de la
ravine des Roches, puis celui des Brûlages, qui eft le point de la Partie du
Nord de la Colonie françaife le plus avancé dans la Partie Efpagnole 5 en
revenant un peu au Sud, on trouve le canton de la Mine, celui du Trou
de Jean de Nantes , & celui de la Nouvelle-Bretagne. On ne peut pas faire xm
grand éloge de toute cette extrémité fupérieure plane, furtout lorfqu'on eft
obligé de dire que Capotille & la Mine ont vu s'anéantir les quatre fucreries
qu'elles avaient autrefois. Cela ramène , prefque malgré foi , à parler de Mariba-
rou , confidéré cependant dans toute fon étendue haute & baffe.
Ce qui borde le Maffacre depuis l'embouchure de la petite Artibonite jufqu'à
celle de la Matrie , eft d'un fol excellent; ce qui eft à l'Eft du chemin ^
une qualité fupérieure au terrain placé à l'Oueft ; mais ce qui mérite une
préférence décidée , c'eft la portion qui , bordant le Maffacre , eft vers le milieu
eatre les deux embouchures dont je viens de parler. Près du Maffacre, la terre
eft gnfâtre , légère , profonde , propre a l'arrofement , & l'on y reconnaît une
vraie terre d'alluvion , tandis que celle qui eft le long de la Matrie , eft noire
forte & même argileufe. "
On a comparé le vin de canne de Maribarou à ceux de Limonade & du
Quartier-Morin , & il a toujours paru plus riche.
Les cantons de la partie montagneufe font une portion des Brûlages
& de la Mine, le canton du morne Obé, partie de celui du Trou "de
Jean de Nantes & de celui de la Nouvelle-Bretagne , celui de l'acul à Parifien ,
& ceux du DetroK & du Trou à Jeannot, que je nomme dans l'ordre où ils
.Jt
f
DESCRIPTION DE LA PART TE
font autour de la partie plane qu'ils bordent , & en commençant leur nomen-
clature par le Sud-Eft de la paroifife.
C'eft dans cette partie Sud - Eil des montagnes , que fe trouve le
piton de Bayaha, que l'on appelle auffi piton des Frégates , parce qu'on prétend
qu'il lert de reconnaiffance aux vaiiTcaux de ce nom , qui vont le long de la
c^te Nord. La pyramide N^ 31 de la frontière avec les Efpagnols , eft fur la-
pente Sud de ce piton, fitué à-peu-près Nord & Sud du morne au Diable,
quoique fon fommet ibit la véritable borne. Mais comme tous ks. pitons ( qui
ne font autre cliofe que des pointes de montagnes de forme ronde & inacceffibles
dans leur partie furérieure ) , il eil à l'abri de l'audace de l'homme , qui peut
bien le défigner pour Urn:j , mais qui ne faurait aller lui impo fer des marques
de- fa propriété-.
Ouanaminrhe elt un des points les plus arrofés de la Colonie , puis qu'entre
les rivières de la Mine , de Capotiile & du Maffacre qui le bordent à l'Eft, &
celle de la Matrie qui eft a l'Oueft , fe trouvent: i'. La ravine de la favane
Longue , qui vient , avec les eaux de la Raque Efpagnole , fe jetter , peu-à-près,
dans°la rivière du Canarv. 2^ Cette rivière du Canary , où fe rend la ravine
des Sables après avoir kçu la ravine de la Savane au Lait. 3^ La ravine du
Trou de Jean de Nantes & celle du Détroit. Et 4^ la rivière de la petite
Artibonite , née au piton de Bayaha , & quiforme même , en fe fubdivifant entre
les mornes, pk.ficurs des rivières que je viens de nommer, tandis que fon
cours principal qui garde fon nom , traverfant la plaine de la paroilfe , du Sud-
OueftauNord-Eft, recueiUe fucceffivement fes diverfes branches que d'autres
eaux ont augmentées ; elle arrive ainfi enrichie , dans la rivière du Maffacre , au
point eue i'ai défigné. Cette maffe d'eau fi précieufe , fait mouvoir quatre
moulins\ & je répète , qu'un travail général , intelligemment dirigé, pourrait.
donner des moulins à eau à prefque toutes les fucreries de la paroiffe.
Le bourg d'Ouanaminthe qui eft à cinq lieues de la ville du Eort-Dauphin ,.
& par conféquent à dix-fept de celle du Cap , puifqu'il communique avec cette
dernière en paffant par l'autre , eft placé dans une favane élevée. Il eft compofe
de dix-fept ilets , ayant foixante-feize emplacemens , où font bâties foixanr^-cinq
maifons dans une étendue de 21G toi'Iés de l'Eft à l'Oueft , & de 135 toifes du
Nord au Sud. Vingt & un de ces emplacemens ayant vingt-quatre maifons, font,
arrentés au profit de la paroiffe , à laquelle ils appartiennent. Quatre rues fonf
I
nm
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 143
dirigées de l'Eft à l'Oueft 3 & ciniq autres les coupent à angles droits ; ii
n'y a guères que cinq ou fix maifons qui s'écartent de cette diretlion , qu'on
doit leur faire fuivre dans les cas de reconftruclion. Ce font les feules qui étaient
jeftées après un incendie , auquel on ell redevable malgré foi j de la régularité
Â(5tuelle du bourg.
En venant du grand chemin du Fort-Dauphin , qui eft à-peu-près du Nord-
Oueft au Sud-Eft , on tourne à gauche pour entrer dans le bourg par la Grande
jue j l'une de celles ouvertes d'Orient en Occident. Elle a foixante pieds de large
& va fe terminer à l'autre extrémité , dans le chemin qui conduit à Dahabon ,
& oij commence aufll le chemin qui va dans le Sud , pour conduire au canton
de la Mine. La Grande rue a parallèlement , dans le Sud , la rue de l'Affomption ,
& dans le Nord la rue Lilancour ( commandant en chef par intérim ) , èc celle
de Vallière , ( Gouverneur- Général ) ; ces trois n'ont que quarante pieds de
large. Les quatres rues du Nord au Sud , font , lorfqu'on vient du côté du
Fort-Dauphin , d'abord la rue de l'Églife , de quatre-vingt pieds de large , au
bout de laquelle 5 à droite 8c à foixante -dix toifes, c& le temple du Seigneur
.ayant foixante pieds de long fur quarante de large , & dédié à Notre-Dame de
l'Affomption. Enfuite la rue Royale , la rue Du Grés ( lieutenant du roi du
Fort-Dauphin ) , la rue Reynaud ( Commandant-Général par intérim ) , & la
Tue de Vaivre ( Intendant ) ; ces quatre n'ont que trente pieds de large , & la
dernière eft en quelque forte le prolongement du chemin de la Mine. Sur la
gauche de la Grande rue & devant celle de l'Eglife , eft la place d'Ennery ,
( Gouverneur-Général ) , qui a trois cens cinquante pieds de long du Septen-
trion au Midi , èc feulement deux cent cinquante d'Orient en Occident, à partir
des arbres qui l'environnent. Il eft aflèz ridicule que la rue de l'Églife qui s'ouvre
dans cette place , ne correfponde pas à fon milieu.
Il n'y a que 488 toifes, en ligne droite , du bord Eft- du bourg jufqu'à la
borne N°. 18 , pofée pour limite fur les deux rives du Maffacre qui , dans cet
endroit, oij eft un gué , a 85 pieds de large; c'eft ce qu'on appelle la paffe
d'en haut. La paffe d'en bas eft à environ 70 toifes au-deffous de la première.
Elle eft moins folide que la précédente vers laquelle le chemin fera dirigé ; car
aétuellement il fait un coude & va gagner la paffe d'en bas. Ces deux paffes
conduifent au bourg de Dahabon qui eft en face de celui d'Ouanaminthe & à
environ 300 toifes du Maffacre , fur le bord duquel les Efpagnols ont un corps-
^
A
DESCRIPTION DE LA PARTIE
de-garde. Du côté des Françaisj les habirans ont placé des levées pour fe garantir
de fes débordemens. De la pafle d'en bas à l'extrémité fupérieure du grand îlec
du MaiTacre , il n'y a qu'environ 380 toifes.
Le bourg d'Ouanaminthe doit toute fon exiftence aux échanges qui peuvent
s'7 faire avec les Efpagnols , & il a eu fa part des profits que Monte -Chrift leur
procurait pendant la guerre de 1756. Ce bourg efl. fort fain & l'on en a fait une
fatistaifante épreuve dans rérabliiTeinent d'un hôpital militaire qu'on y forma au
mois d'Ottobre 1778 & qui était deftiné aux convaîefcens & aux fcorbutiques.
Le voifmage de la Partie Efpagnole , celui du Maflacre y rendaient la boucherie,
le laitage , le légumes abandans èc furtout les tortues de terre qui conviennent fi
bien à certaines maladies des climats chauds ; mais au lieu de fe renfermer dans
cette fage deftination , on envoya bientôt toutes fortes de malades à Ouanaminthe,
même des malheureux qui ne permettaient plus d'efpoir, & l'on en vit qui,
épuifés encore par la fatigue d'un trajet fait fur des bateaux incommodes , expi-
raient prefqu'en arrivant à l'hofpice , où il mourut beaucoup de monde ,.
( notamment des foldats du régiment efpagnol de Léon ) & qui fut entièrement
abandonné au commencement de 17 83.
Il avait é:é queilioa d'acquérir un terrain pour établir , à demeure , un pareil
hôpital , placé jufqu'alors dans des maifons prifes à loyer. Mais ce projet, digne
des amis de l'ilumanité , ne s'eft pas réallfé. O.i indiquaic même un terrain dépen-
dant de l'habitation dt;> héritiers Sens , à la lifière d'un emplacement appartenant
à la fabrique, qui a l'avantage de n'ê:re qu'à environ 140 toifes d'un lieu oij l'on fe
procurerait facikraenc de l'eau. On arriverait à cet hôpital par le chemin de la
Mine, & le bourg qui n'^en ferait qu'à 150 toifes , ajouterait encore aux reffources
pour l'approvifionnement.
Tel ell le lieu qui n'a cefîe de porter ombrage au Fort-Dauphin , & que celui-
ci aurait encore voulu anéantir en 1768. On a long-tems tourmenté ceux qui
voulaient faire un petit commerce à Ouanaminthe , mais perfonne n'a peut-être
plus travaillé à l'augmentation de ce bourg que M. le Vicomte de Choifeul.
Les denrées d'Ouanaminthe ont le même débouché que celles du Fort-
Dauphin , fau fie peu que les Efpagnols prennent pour leur propre confommation.
La police légale de cette paroiffe qui eft du commandement & de la Séné-
chaulTée du Fort-Dauphin , eft faite par un fubftitut de ce tribunal qui y réfide ;
& celle de furveilhnce ôc de sûreté par un coœxmandant des milices & un
exempt
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 14^
exempt de maréchaufiée. On a terminé, en 1787 j le logement deftiné à la
maréchauffée & un arrêt du Confeil de Saint-Domingue , rendu le 4 Septembre
de la même année , en a fait payer entiéremeni la dépenfe fur la caifîè publique.
Il y a un bureau de pofte dans ce lieu & l'on fe rappelle que j'ai dit qu'il
expédiait les lettKs pour la Partie Efpagnole & envoyait auffi à Dahabon celles
qu'on veut faire paiîèr en Efpagne ou dans les Colonies Efpagnoles (*).
Les montagnes d'Ouanara"inthe , comme celles du Fort-Dauphin , renferment
des mines de fer, & les plus forts indices annoncent qu'il y en a de fulphureufes.
C'eft à une mine d'or qui a été exploitée par les Efpagnols , que le Canton de
la Mine doit fon nom. Les bois y font très-beaux, les richelTes de la botanique
très-multipliées & l'on affure même y avoir vu du quinquina. Il ferait peut-être
préférable que ces montagnes fuffent plus propres à la culture du cafîer qui ne
peut êcie comptée que pour trois ou quatre habitations. Les autres y réunifient
la culture des vivres , à laquelle beaucoup d'autres établilTemens font livrés
exclufivement & avec un fuccès très-lucratif. Ouanaminthe qui a une poterie-
briqueterie près du bourg , n'offre nulle part de l'indigo.
La population de la paroifie d'Ouanam.inthe eft, de 280 Blancs , 270 affranchis
& environ 7,000 efclaves. Il s'y trouve 308 hommes portant armes , en deux
portions égales , dont Tune de Blancs , & l'autre de gens de couleur.
L'une des plus anciennes habitations de la paroilTe d'Ouanam.inthe , eft celle
Robineau, fituée dans le canton de la petite Artibonite, c'eft du moins celle oij l'en
a commencé à faire du fucre terré, en 1730 ; elle appartient , à préfent, à M.
Robineau de Bougon, Créol & petit-fils de M. Robineau, procureur-général du
Confeil du Cap. Quoique ce colon eftimable.& inftruit , réfide habituellement
en France , il a cependant conftamment affujetti les régilTeurs de fon habitation , à
lui donner , de tems en tems , un tableau de l'état & du nombre des arbres
fruitiers qu'il a pris plaifir à y planter & à y multiplier , dans un voyage qu'il
y fit en 1750. Mais on aime mieux vanter que fuivre fon exemple.
Vers 1750 , M. Walfh , fit venir d'Afrique , quelques chameaux qui ont vécu
plufieurs années fur fon habitation dç^Ia Mine, fans donner de poftérité. lis
effrayaient les chevaux au point d'être la caufe de plufieurs accidens. Ce fut une
des raifons qui en empêcha l'ufage pour les tranfports.
j*) Aboyez la Partie Efpagnole, ler. vplume j page 195
Tom. L
V-
.1
DESCRIPTION
La température de cette parciffe eft analogue à celle de la paroifTe du Fort-
Dauphin , mais avec cette particularité que lurtout dans le canton d'Ouanaminthe
proprement dit, les fécherefles s'y font beaucoup plus Sentir & que les pluies qui les
fuivent, cauient de plus grands débordemens. On y éprouve auffi de violens orages;
c'eft même de la chatne de Cibao & par les parties montagneufes qui ne font pas
loin de Maribarou , qu'ils fe dirigent vers la partie du Nord de la Colonie
françaife & il eft pafie , en proverbe , d'y dire quand on entend un orage lointain
que Maribarou gronde. Le tonnerre y tombe affez fréquemment, & l'on cite
plufieurs incendies que fa chute a caufés dans quelques habitations. Le 17 Juin
1783 , à deux heures , vingt minutes de l'après-midi, à la fuite d'un vent
furieux fuivi de pluie , vint une grêle dont on ramafla des grêlons auffi gros que
k poing. Elle dura environ vingt-huit minutes & fut fuivie d'une averfe. Ce fut
furtout vers l'habitation Th-ilorier , au bord extérieur Sud-Oueft de l'îlet du
Maflacre , qu'elle fe fit fentir & elle y brifa les tuiles de la maifon principale.
Heureufement , que la pluie dont cette grêle fut précédée , avait fait retirer les
nègres & les animaux , car ils auraient pu être bleffés & même tués par des
grêlons auffi prodigieux.
Le 2 Oiflobre 1764 , le tonnerre tomba au bourg d'Ouanaminthe où il tua M.
Belleville , procureur du Fort-Dauphin , M. Chaillou , ci-devant notaire & un
charpentier. Dix autres perfonnes qui étaient dans la chambre, furent renverfées du
même coup fans recevoir aucun mal ; mais deux foldats efpagnols , du corps-de-
garde de l'autre côté du Maflacre , furent tués.
Les montagnes des environs d'Ouanaminthe , font très peuplées de différentes
«fpèces de ramiers , qui procurent un mets très-délicat à la dépendance du Fort-
Dauphin , d'où l'on en tranfporte même au Cap. Le voifmage des Efpagnols qui
ne font , ni auffi nombreux , ni auffi turbulens que les Français , permet à ce
bel oifeau de fe multiplier, & comme il n'a pas rinftindl d'éviter de franchir les
limites , il vient y trouver la mort que nos nègres chafîeurs ne lui laifTent pas
îong-tems attendre.
Le cimetière du bourg d'Ouanaminthe recèle les reftes de M. de Parades ,
mort à Maribarou fur l'habitation d'Ofmond , & dont le nom a été Iong-tems
le fujet d'une aciive curiofité , parce qu'il était mêlé aux détails relatifs aux
projets politiques que l'armée navale de M. Dorvilliers devait favorifer, en 1778,
Mais laiiTons à l'hiftoire à réveiller des cendres qui repofent dans un lieu obfcur de
Saint-Domingue»
#
■:,.:?
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 147
î I L ,
Paroisse de Vallière.
Cette paroiffe , dont toute l'étendue eft montagneiife , porte le nom de l'un
des deux Adminiftrateurs qui Pont érigée, le 10 Août 1773, par une ordonnance
où on lit qu'elle eft formée des cinq cantons de la rivière à Prévoft & des Raca-
deaux , du Trou- Vilain , de la rivière à Mulâtre , du Boucan-Neuf de la Grande
rivière & de la Nouvelle-Gafcogne. Ce territoire qui était , en majeure partie ,
dans la paroiffe du Fort-Dauphin , & quant au refte , dans celle du Trou , eft
placé au revers Sud du fomraet des montagnes de l'acul de Samedi , qui vont
depuis le piton des Nègres, jufqu'à celui des Flambeaux.
On peut le confidérer comme ayant deux bandes , dont la plus Septentrio-
nale commence à l'Eft , à-peu-prèô vers le piton de Bayaha ; c'eft le canton de
la rivière à Mulâtre, nom qui lui fut donné par M. Saffray de Tournemine ,
prévôt général de maréchauffée , parce qu'en pourfuivant des nègres fugitifs, i^
perdit un mulâtre, tué fur l'écore de la rivière qui defcend du piton des Ténèbres,
Plus à l'Oucft eft le Trou- Vilain ; une gorge profonde qu'obfcurciffaient des
arbres , dont des milliers de liane épaiffiffaient encore le feuillage, lui ont attiré
cette dénomination. On trouve , allant toujours à i'Eft , la rivière à Prévoft .
fon nom rappelle le premier habitant dont] l'induftrie plaça un défriché au
bord de la petite rivière qui coule au milieu de ce troifième canton , par lequel
la première bande eft terminée.
La féconde bande plus intérieure que la première, commence à l'Eft, par le
Boucan-Neuf de la Grande rivière , dénomination que lui donna un M. de la
Porte , ancien chaffeur , qui avait placé le boucan de fa chaffe fur les rives de
la Grande rivière. Enfin plufieurs gafcons ayant été les premiers s'établir au
canton des Bas-Ouragans , il finit par prendre le nom de Nouvelle-Gafcogne,
Les premières conceffions furent toutes données avec ces divers noms, qui
ont fait place à celui de paroiffe de ValUère.
Tous ces cantons étant féparés par des chaînes de montagnes , celles-ci les ren-
daient, poi:r ainfi dire, étrangers les uns aux auïres, faute de chemins de communi-
cation. Le nom de ravine à Mulâtre était même l'appellation générique, parce que
T %
I
I
DESCRIPTION DE LA PARTIE
ce canton avait été le premier établi par le courage de M. Utrel , qui ofa
demander une conreffion de ces lieux connus des feuls chalTeurs , & qui l'obtint
en 1744 ibu5 la défignailon de hauteurs de l'acul de Samedi. La defcendance de
cet intrépl-ie colon , qui frappa du premier coup de hache les antiques poiTeffeurs
de ce fol j n'a cependant pas recueilli le jufte fruit de fes peines , & des enfans ,
laiffés en bas âge, ont vu pafîer en d'autres mains , par de nouvelles conceiïions ,
une proprié X que fcn origine aurait dû rendre refpeftable.
Mais perfonne n'a autant contribué à faire connaître l'intérieur de ces mon-
tagnes que M. Gaillardet , Créol , le plus grand épouvantail des nègres fugitifs ,
& un déterminé chaffeur dès fa ieunefle. Devenu commandant des milices du
quartier Dauphin j & remarquant la faveur qu'obtenait la culture du cafier, &
la détérioration qu'éprouvait la face Nord de la montagne de l'acul de Samedi s
il indiqua au gouvernement la ravine à Mulâtre comme propre à recevoir le
précieux arbufte de l'Arabie. Il vifita les lieux & détermina plufieurs perlonnes
à demander des conceflions en 1748. On éprouva même alors ce qui eft arrivé
élans prefque toute la Colonie , c'eft qu'il y eut plus de terrain de concédé qu'il
n'en exiftait en réalité , Se le gouvernement prit le fage parti de faire lever , par
M. Meillat , arpenteur éclairé , un plan général de ce canton. Cette époque fut
encore celle oii l'on vit ( félon l'ufage ) , d'un côté , des conceffionnaires effrayés
de l'entreprife d'aller défricher dans des montagnes où il fallait gravir à pied »
& de l'autre , des protégés toujours apoftés pour s'emparer des concef-
fions J vendre leurs titres à des hommes inaccefllbles à toute crainte , & bien
plus dignes qu'eux d'obtenir gratuitement le droit d'enrichir l'Etat. Parmi ces
derniers , on doit citer M. Caftex , qui , déjà favorifé par la fortune , aida de fes
confeils , de fon exemple & de fa bourfc , les hommes qui vinrent comme lui fe
placer dans ces nouveaux défrichés , & qui a obtenu le titre de commandant
de la paroiffe de Vallière au m.oment de fa création , de l'amitié reconnaiffante
de fes concitoyens autant que du choix du gouvernement.
Les difficultés inféparables d'un défrichement dans un pareil local ; ne furent
pas les feules que les habitans eurent à éprouver. Les Efpagnols qui n'avaient
cefîe de prétendre que la Grande rivière , depuis fa fource , était la limite des
eux nations , appercevant des plantations fur la rive Sud , vinrent, le 21 Février
I7i;5, faire une fomraation de les abandonner. Le tranfport de M. de Lange, majof
du Fort-Dauphin avec quelques miliciens 3 éloigna les_ verbalifeurs. M. de
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M ï N G U E. 14g
Vaudreuil, alors commandant général de la Colonie , fit pofer un corps-de-garde
/ur l'habitation la plus avancée vers le Midi ; mais lorrque le retour de ce chef
en France eut fait ramener ce corps-de-garde au bord de la rive Septentrionale ,
cent cinquante Efpagnols avoués par leur gouvernement, vinrent au mois
.d'Août 1757 , faccager & brûler les quatre habitations qui fe trouvaient ainfi
abandonnées & fans proteélion. Les troubles fe renouvellèrent plufieurs fois -, en
vain les habitans du quartier Dauphin marchèrent à différentes époques pour
punir les Efpagnols , ceux-ci venant tout-à-coup par leurs défères & s'en
retournant après le ravage, les habitans qui marchaient pour procurer du fecours,
fe trouvaient harcelés fans aucune utilité.
Les Colons laffés de tant d'inquiétudes , reculaient leurs plantations ; quelques-
uns les avaient eniièrcment abandonnées , & leur exemple devenait contagieux,
lorfqu'à l'occafion d'un trouble , fur lequel M. de Chaftenoye , Gouverneur
du Cap, avait des avis certains, M. de Lange, déjà nommé, reçut
l'ordre de faire marcher toutes les milices de la dépendance à cette frontière.
Des pcrfonnes que leur état exemptait de ce fervice , fe réunirent par zèle aux'
milices, & mirent M. le Vicomte de Choifeul, alors fimple particulier, à leur
tête. M. Gaillardet, chargé d'éclairer la marche, ayant été apperçu par les
Efpagnols, ils jugèrent qu'ils étaient découverts, & employèrent à fuir, la
journée qui précédait celle deftinée à leurs dévaftations. On refta cependanï
campé durant trois jours, dont M. de Choifeul profita pour infpirer aux habi-
tans du quartier , la réfolution de demeurer fur leurs terrains. Perfonne n'eut
peut-être plu^que lui le don de perfuader , & celui plus heureux encore de
faire croire que fon opinion lui venait de ceux à qui il i'infinuait. Sans cet
événement, il ne faut pas douter que le cours de la Grande rivière ne fûc
devenu la limite définitive ; ce qui aurait fait perdre à la France tout ce qui eft
entre fa rive gauche & la limite aduelle , depuis les fourccs de cette rivière
jufqu'à Bahon.
Les Efpagnols ne ceffèrent cependant pas de fe plaindre ou de menacer, &
on en vint au mois d'Avril 1760, à une convention provifoire , ftipulée par M.
Defgrieux, Capitaine des troupes, & par Don Gafpard, & qui maintint nomi-
nativement douze habitans. Elle n'empêcha pas en 1761 , des hoftilités que IC
Bart arrêta. Les Efpagnols ayant encore fait des réclamations à l'arrivée de
M» de Nolivos, en 1770 , pour que les Français abandonnaflènt la rive gauche
ISO
DESCRIPTION DE LA PARTIE
de la Grande rivière ; ce nouveau gouverneur vint en 1771a Dahabon, pour
convaincre Don Gafpard qui y commandait, que la convention provifoire du
mois d'Avril 1760 , repoufîait elle-même la prétention des EfpagnoJs. Au mois
d'Août de la même année 1771, Don Fernandez , commandant de Saint-
Raphaël, & M. de Boisforeft , ingénieur en chef de la Partie du Nord, vinrent
enfemble examiner cetle partie de la frontière , & en lever le plan. Au mois
d'Avril 1773 , on répandit que les Efpagnols ayant à leur tête le Préfident
même de Santo-Domingo , devaient venir faire une incurfion dans cette partie ,
ce qui y amena encore les milices de la dépendance , ayant à leur tête MjVI. de
Lilancour & Du Grès , lieutenant de roi & major du Fort-Dauphin. Ce mou-
vement qui fe trouva inutile , ayant donné lieu à des obfervadons de la part
de M. de Lilancour , elles devinrent une des caufes de l'éreclion de la paroifle
de Vallière , au mois d'Août fuivant,
On croyait que l'opération définitive des limites augmenterait la nouvelle
paroifle, mais le fait a été contraire à cette attente. Les retranchemens ont
même été caufe qu€ les limites données à la paroifle en 1773 , ont été changées
par une nouvelle ordonnance du 15 Novembre 1783 , qui les a avancées dans
rOuefl: , iur la paroifl^e du Trou.
Vallière eft maintenant borné à l'Efl: par la ligne des limites efpagnoles,
depuis un point antérieur à la pyramide N". 32, jufqu'à la pyramide N°. 33.
Cette limite qui vient du piton de Bayaha & qui fuit la crête du morne à
Ténèbres & le piton des Eflfentes , borne la rivière à Mulâtre & le Boucan-
Neuf, & a laiffé aux Efpagnols une plaine nommée le Pedt-Baffin , oii le
gouvernement français avait donné des concefllons autrefois.
Au Sud, c'eft encore la frontière efpagnole qui termine Vallière depuis la
pyramide N°. 23^ jufqu'à la pyramide N°. 43 , placée au confluent que forme
le ruifîèau des Chandeliers qui vient de la Partie Efpagnole , avec la Grande-
Rivière qui eft fur notte territoire. La limite Sud borde ainû tout Te terrain
appellç Bas-Ouragans ou Nouvelle Gafcogne. A l'Oueft , la crête du piton des
Nègres , le piton des Flambeaux & la rivière des Racadeaux féparent Vallière
de Limonade & enfuite du canton des Écrevifles appartenant au Trou. Enfin au
Nord , la Grande-Rivière & l'acul de Samedi le féparent de la paroifle du Trou
& de celle du Fort-Dauphin.
.J.a paroiflTe de Valière , dans fa longueur de i'Eft à l'Oueft , peut avoir enviroj^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 151
trois lieues de fiirface fur deux de largeur , du Nord au Sud. Sa Gonfiguration
intérieure eft celle d'une longue colline au milieu de laquelle coule la Grande-
Rivière ,^ formée par divers ruifîeaux , venus des crêtes ou chaînes de montagnes
qui la ceignent de toutes parts.
Les premières fources de la Grande-Rivière fortent du piton de Bayaha & de
la crête de la montagne à Ténèbres , vers l'Eft de la paroiffe. Ces fources forment
d'abord deux petites rivières dont l'une eft appellée rivière à Ténèbres & l'autre
rivière du Boucan-Neuf & qui fe joignent à environ une lieue de leur origine. A
ce point de jondion , la rivière prend le nom de Grande-Rivière , parce'^qu'elle
a un lit vafte , un cours fans cafcade ni fault. Après s'être promenée dans les
différentes finuofités que forme le terrain , elle va dans la paroiffe qui porte le
même nom de Grande-Rivière ( qu'on s'eft accoutumé à préférer à celui de
Sainte-Rofe ) & enfulte dans la plaine du Cap , pour y répandre la fertilité ,
quoique des excavations placées dans des rochers entre lefquels elle s'eft fait un*
paffage , abforbent , fans doute , une grande partie de fes eaux, puifque maleré
toutes celles dont elle reçoit le tribut , elle n'en conferve pas plus , dans les tems
ordinaires , à l'endroit où le grand chemin du Cap à Limonade la traverfe ,
qu'elle n'en contient dans les tems fecs , au point , fi voifin de fa fource , où elle
reçoit le nom de Grande-Rivière. De ce point & dans la feule paroiffe de
Vallière , la Grande-Rivière eft groffic par la rivière à Mulâtres , la ravine à la
Porte , la ravine à Prévoft & celle des Racadeaux.
Quand on obferve l'inclinaifon rapide des diverfes montagnes de Vallière , on
ne peut refufer un jufte éloge aux hommes qui ont le courage d'aller exercer leur
înduftrie dans de femblables lieux , où la plus petite entreprife eft difficultueufe.
On admire l'intelligence qui y a ouvert plufieurs chemins de communication &
ceux néceffaires à l'exportation des denrées ; & quand on eft conduit par cette
contemplation à réRéchir fur l'ordonnance du 24 Novembre 1781 , relative aux
chemins, on ne peut affez s'étonner qu'elle ait demandé, par exemple, dix
pieds francs de largeur aux chemins de communication fur le penchant des
montagnes ipuifqu'à Vallière, l'emploi de tous les nègres à ce feui travaille
l'accomplirait pas en dix ans.
Vallière ne produit que du café & des vivres du pays. Il donne environ un
million & demi de livres de cette graine fi utile au cultivateur. Il ferait poffible
d'y doubler cette quantité , mais ce ferait fon maximum. Le fol, très-diverfifié
152 D E s C R I P T I O N D E L A P A R T I E
comme ailleurs , eft au-defTus du médiocre , fans arriver à la fupérlorlté qui rend
célèbres quelques lieux de la Colonie. On y compte environ cr-t habitations ëc
une population de i6o blancs , i6o affranchis & à-peu-près 2,000 efclaves.
On ne remarque rien d'intéreffant pour l'hlftoire naturelle dans la paroiffe de
Vallière , où le phyficien obferve cependant qu'il n'y a point de pierres calcaires
fufceptibles de calclnation pour fournir de h chaux. Des veftiges d'uftenfiles à
l'ufage des anciens Naturels, qu'on rencontre fur ie fommet des montagnes &
dansles gorges , annoncent qu'elles ont été très-peuplées autrefois. On y trouva, __
en 1787° u'n grand tombeau, auprès duquel en était un autre qui n'avait pu
erre élevé qu'à'un enfant. Comme le plus grand était chargé d'hyérogliphes &
que la pierre qui le recouvrait fupérieurement , avait fix pieds & était d'une feule
pièce on le regarda comme un tombeau de Cacique , ou au moins d'un perfon.
naae trè.-confid"érable. Je n'ai pas pu favoir quelle fuite avait eu l'examen qu'on
iè propofait d'en faire, -^ tt n- ^
Quoique l'ordonnance d'érecTion en paroiffe , (de 1773) , autorife Valhere a
avoir un bourg & un marché , il n'y exifte cependant encore rien de femblable.
Ce n'eft même que depuis 1782, que le fervice divin y a été célébré , chaque
mois , par le curé de Limonade auquel on paie 2,000 liv. par an. Antérieu-
rement & depuis 1780, on donnait 800 liv. au curé du Fort-Dauphin pour
y venir quatre fois par an , les jours de revue de la milice -, cependant Vallière
n'a ceffé d'offrir lajouiffance de huit ou neuf carreaux de terre, d'un domeftique,
de deux chevaux, les meuDles d'un ménage & mille écus , par an , pour avoir
un curé qui lui ferait fpécialem.ent attaché. Le 29 Septembre 1773, les habi-
tans fe font impofés à raifon de trente livres par tête d'efclave , pour les frais
d'érabliffement en paroiffe , & fur environ quarante mille livres tournois qui
en font réfukés , on a acquis, au nom de la fabrique , un terrain de. vingt-huit
carreaux dans un point cemral, où l'on a conftruit deux batimens , l'un fervant
tout-à-la fois de chapelle , fous l'invocation de Saint-Vincent ( patron de M.
de Montarcher, Intendant ), & encore de prefbytère en attendant une églife ,
^ l'autre pour l'utilité du curé.
J'ai dit dans la defcription du Fort-Dauphin , 'qu'il avait été queftion de
former une paroiffe à laquelle on défignait pour centre , un lieu fitué à
l'entrée du baffin de l'acul de Samedi près de la rivière Manon, & dans une
éireaion Eft &Oueft, avec l'acul des Fins d'un côté & la coupe des Perche^
^
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 153
de l'autre. On affjre même qu'un chemin ( qui eft poffible ) prolongé jufqu'au
canton de la Mine dans la paroilie d'Ouanaminthe , conduirait les habitans de
ce dernier point , au bourg du Trou en moins de tems qu'il ne leur en faut à
préfent , pour être à la hauteur de la ville du Fort-Dauphin , lorfqu'ils fe rendent
en voiture au Capj c'eft-à-dire, qu'il y aurait une économie d'un tiers de chemin.
Aujourd'hui les habitans de l'acul des Pins ont fept ou huit lieues à faire pour
aller à leur parollTe , tandis qu'une coupe , placée vers le milieu d'une crête
baffe qui domine la double coliine par laquelle les deux vallées font féparées , &
fituée, à-peu-près, au centre de l'acul des Pins; coupe oij je fais que l'on a déjà
paffé à pied & à cheval fans qu'on y ait employé le moindre travail , aurait fait
communiquer ce canton avec celui de l'acul de Samedi.
D'un autre côté , les cabrouets , les animaux de charge & les nèp-res
feraient arrivés à ce bourg par un chemin de plaine pour l'approvifionner , tandis
que les montagnes voifmes , y trouvant un entrepôt peu éloigné, y auraient
apporté auffi leurs provifions. Il y aurait peut-être eu par le même moyen , des
facilités pour charier des merreins , des effentes & même du bois à bâtir qu'il
faut brûler aujourd'hui fur la place pour en être débarraffé. Les kabitans les plus
éloignés auraient pu arriver au bourg , en trois heures. Il y aurait donc eu avan-
tage pour tous , & notamment pour la plaine du Fort-Dauphin & de Maribarou,
où les féchereffes rendent les fecours en vivres du pays fi preffans. Tous ces
motifs ont fléchi devant l'intérêt particulier , fi l'on en croit certaines opinions ,
parce que l'ouverture du chemin aurait facrifié ce même intérêt à l'éo-ard de
quelques habitans fur le terrain defquels il aurait paffé.
Peut-être que le peu d'établiffemens faits à Vallière, confidéré comme pareille,
ferait une raVibn pour revenir au plan de l'acul de Samedi auquel on les réunirait.
Dans tous les cas , il ferait utile , du moins , de confolider celui d'un
marché à Vallière. Le nègre qui trouve à vendre & à acheter , a plus de
reiTources, plus de joulffances & fa condition s'améliore. Le commerce
que ces échanges produifent, tire d'une oifiveté dangereufe des gens de couleur
des Blancs qui croupiffent dans des villes ou dans de grands bourgs j cij ils
donnent & reçoivent alternativem.ent l'exemple des vices. Avec des profits
ils deviendraient habitans & l'homm.e qui cultive un champ eff un citoyen & un
homme qui a une patrie. Je fais que de riches planteurs Se des citadins égoïftes
croient que tout le monde eft heureux lorfqu'ils ne manquent de rien & qu'ils ne
Tome L Y ~
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.-"-«r"
DESCRIPTION DE LA PARTIE
. veulent que de grands propriétaires ou des hommes à grandes fpéculations , fans
fe refîbuvenir de ce qu'ils furent autrefois & fans compter tous les hafards dont
ils font les enfans gâtés. Mais moi qui fonge , à mon tour , que la nature fait des
fourmis & des éléphans , moi qui penfe aux nègres que la misère & le défaut
d'alimens fubftantiels & de fecours de l'art de guérir , moiffonnent , je fuis d'avis
qu'on multiplie les individus dans les montagnes oij le luxe ne fait pas gravir &
où une population libre , deviendrait tout à la fois , un moyen de richeffes
nationales & de fureté intérieure. On en a la preuve dans l'écabliffement des
montagnes de l'acul de Samedi & par conféquent de Valiière. Tous les noms de
piton des Nègres , de piton des Flambeaux , de piton des Ténèbres , de crête
à Congo, rappellent des époques où des fugitifs fe cantonnaient dans des points
prefqu'inacceffibles , ne fut-ce que par le défaut de chemins. On fe rappelle
encore de Polidor & de fa bande , de fes meurtres , de fes brigandages , & furtout
de la peine qu'on eut à l'arrêter.
Il faut compter en outre que dans le cas où de grands intervalles de montagnes
font fans point de réunion , les fecours fpirituels font refufés à des hommes qui ,
du moins en fortant d'une vie laborieufe , veulent s'entendre dire qu'un être
fouveralnement bon les attend pour les récompenfer. Le frein m.oral de la
religion , abftraftion faite même des vérités confolantes qu'elle met en réfervc
dans le cœur de l'homme pour l'époque où le malheur les fait éclore , s'altère
& fe perd fi l'homme eft loin de tout ce qui lui parle de l'autre vie. Une
féconde railon , c'eft que des revues de milices répétées , au moins à chaque
trimeftre, appelent quelquefois très-loin un habitant» pour qui elles font trois jours
de détournement & une occafion de dépenfe. C'eft bien aflez que durant la
guerre , il faille envoj-er , comm.e les habitans de Valhère , toutes \ts lîx
femaines, une garde de huit jours au pofte de la Meionnière, où plufieurs d'entre
eux n'arrivent qu'après avoir fait douze ou quinze lieues , dont quelques-unes
font périlleufes dans ceitaines faifons.
La paroilTe de Valiière n'a d'autre débouché pour fes denrées que le Fore-
Dauphin j d'où elle les envoie au Cap , qui lui fournit auffî fes befoins. Il y a
huit ou dix lieues de tranfport.
La fituation de cette paroiiTe, environnée de montagnes, la garantit des
{iéchereffes qui défolent les plaines de fon voilînage. Elle eft plutôt iujette à
liexcès des pluies & aux débordemens qui en font Ja fuite. Dans l'ourao-an du
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 155
4 au 5 Août 1772 , & qui fe fit fentir depuis Ouanaminthe jufqu'â Saint-Marc
le vent qui foufflait du Sud-Eft, renverfa les conflruftions ^ détruifit le manioc '
le riz & les pois. L'acul de Samedi , l'acul des Pins, la Nouvelle-Bretagne
furent ravagés ; la récolte de café qui était fur les arbres , fut prefqu'à motdé
perdue, & ce qui reftait de la précédente dans les magafms, fut confidérablement
endommagé. Une pluie abondante qui dura vingt-quatre heures , ajouta les
inondations à tant de calamités,
La température de Vailière efl aflez fraîche, & elle ferait même trouvée
froide par les habitans des viiles. On pourrait y naturalifer des arbres fruitiers
de France, & en 1787 on voyait chez un habitant plufieurs pommiers , dont
un avait vingt-fix pouces de circonférence. On obfervait avec raifon qu'étant
fauvageon , venu de pépin , fes fruits ne pouvaient pas être bons.
Dans l-Eft de Vailière , ell le Mont-Organifé qui en dépend. Il ne fe dégrade
pas comme la face Septentrionale des montagnes qui font au fond de la plaine du
Fort-Dauphin , & l'on y trouve des terres qui ont encore leur fertilité pre-
mière. On a appelé ce mont, Orgaràjé , parce qu'il fcmble être l'afile chéri
de l'oifeau , nommé muficien à caufc de fon brillant gofier & de fa facilité à
moduler plufieurs notes de mufique avec une exaétitude qui charme l'homme
toujours occupé de fe retrouver dans tout. C'eft une des jouifîances de ces lieux
élevés, où le regret produit par plus d'une privation, efl adouci encore par une vue
étendue, qu'on peut, de certaines pofidons , promener jufqu'à des diftances
très-confidérables; & par la fraîcheur tonique des nuits , dont la température eft
telle, qu'au point du jour & à caufe des eaux limpides dont on eft entouré par
les bras nombreux de plufieurs rivières, on éprouve à l'air extérieur une fen-
fation très-propre à rappeler celle des gelées blanches de France, & cette
fenfation eft commune aux montagnes avoifinantes , & notamment i celles de
l'acul de Samedi.
^®><Sx^»»<»
I V.
Paroisse du Tïrrier-Rqu
G E.
L A forme de cette paroifle eft prefque celle d'un triangle ayant fa bafc à la
m^r & dont les deux côtés vont toujours en fe rapprochant jufqu'au fommet . où
V 2
^
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156
DESCRIPTION D
LA PARTIE
ils font très-peu dUlans l'on de l'autre. Elle eft , pour ainfi dire , toute en plaine ,
& ne renfer T;e qu'une très-petite portion montagneufe qui n'eft même , dans
certains peints, que le penchant doux de quelques collines ou l'extrémité de quel-
ques petites chaînes.
La parciffe du Terrier - Rouge eil contigue , dans l'Efl , à celle du Fort-
Dauphin , de ibrie qu'elles fe partagent les Fonds-Blancs ; le canton du Terrier-
Rouge , proprement dit , eft enfuite , & le canton du Grand - BafTm , qui
formonte celui du Terrier-Rouge en allant au Sud, correfpond à la grande
Colline du Fort-Dauphin : au Nord eft la mer : à l'Oueft , en partant du rivage ^
eft une petice portion de la paroifîe de Limonade avec laquelle celle du Terrier-
Rouo-e a en commun , la ravine à Grimaud jjufqu'à la rencontre du chemin du
Cap au Terrier-Rouge ; puis ce chemin lui-même , devient une limite Sud ,
jurqu'à ce que parvenu à la lifière des habitations Pardieu & Bretoux , il trouve
la cime de la montagne des Épineux , des Balingans & à Bouché, qui , dirigée au
Sudj devient une partie de la limite Occidentale du Terrier-Rouge , contigue
dans cette parde à celle du Trou.
Au Sud, la paroifîe d^i Terrier-Rouge a, par fa configuration , le chemin dir
Cap au bourg du Terrier- Rouge, comme je viens de le dire, pour fa limite Oueft;
puis dans le furplus de fa frondère Méridionale, elle a pour limite commune avec
la paroiflè du Trou ^ la ravine à Bouché jufqu'à fon confiuent avec la rivière
Marion.
La paroiffe du Terrier-Rouge a un fol extrêmement varié. J'ai déjà dit urt
îîiot de celui des Fonds-Blancs , que traverfe le grand chemin du Cap au
Fort-Dauphin. Rien n'eft plus fait pour attrifter , que Tafpecl qu'il préfente
dans les temps fecs , & qui ferait douter que ce canton foit fufceptible de.
produire un indigo très - eftimé , quand des pluies propices viennent le fé-
conder. Un tuf blancheâcre & marneux y étale bientôt les miracles de la plus
rapide véo-étation , fi les fels qu'il contient font tenus dans Tétat de diftbiution
qui peut les convertir en fève. Il eft cependant des portions plus voifines du
rivage qui font d'une aridité abfolue, parce que la mer eft encore trop proche
d'une furface qu'une effiorefcence falineufe occupe toute entière , ou qu'elle
n'abandonne que pour donner paiTage à des ar'ouftes vrais avortons , ou à ces
végétaux fpongieux, qui femblent vouloir repouîTer encore par leurs épines :>
i'homme que r aridité du fol n'aurait pas écartéo, C'eftdans le canton des FondâT-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 157
Blancs qu'on a trouvé, il y a peu d'années, du vrai fulfate de chaux, dont la
Société des Sciences & des Arts du Cap-Français a même fait faire le bufte de feu
M. Lefebvre Deihayes, iiabitant de Plymouth, l'un de fcs membres les plus zélés.
C'eft encore au canton des Fonds-Blancs que font les mamelles , petits monti-
cules placés à l'extrémité Oueft des Fredoches , remarquables par leur ifole-
ment, & dont j'ai parlé à l'article du Fort-Dauphin , mais qui appartiennent à la
paroiffe du Terrier-Rouge.
Cette bande Nord eft fuivie , en allant dans le Sud , d'un canton qui en
diffère un peu, c'eft celui de la Belle-Hôteffe , au-deffus duquel encore eft celui
du Grand-Baffin , qui va communiquer par fon bout fupérieur à la gorge de
î'acul de Samedi , & où le terrain eft médiocre & les pluies tellement rares ,
que la culture y eft quelquefois fans fruit. Le Grand-Baffin a cependant fept
fucreries , mais qui ne donnent entr'elles que 500 m.illiers de fucre. Une
rivière , la Matrie , paflè au Grand-Baffin j quoique confidérable à fa fource , fon
lit eft fouvent à fec , parce que fes eaux s'infiltrent parmi les fables qu'elle
eharie & dont fon cours eft bordé.
Du Grand-Baffin qui termine la paroiffe au Sud-Eft gagnant l'Oueft , on
trouve le canton qui fe nomme le Terrier-Rouge proprement dit , & qui eft
bordé au Nord par le chemin qui va du Cap au Fort-Dauphin , en paffant par
le bourg du Terrier- Rouge. Ce canton eft défolé auffi par la féchereffe. On y
compte cinq fucreries , dans le nombre defquelles eft celle qui appartenait aux
Jéfuites , autrefois miffionnaire^ de la Partie du Nord de la Colonie , & où ils
avaient une chapelle clauftrale & 270 nègres. Ces cinq fucreries donnent
néanmoins environ un milion de fucre ; quantité dont celle des Jéfuites fournit
îe tiers, mais les capitaux qui produifent ce revenu, prouvent bien le peu
de fertilité du fol. Il eft même très-extraordinaire que des religieux & furtout
des Jéfuites ,.qui_, dans toutes les Colonies, ont m^ontré une grande fagacité dans^
le choix des conceffions qu'ils, fe font fait faire, ayent franchi le Quartier-Morin &
Limonade pour venir s'établir au Terrier-Rouge. Ce canton finit à la face
Orientale de la chaîne des Épineux, des Ealingans & à Bouché ,. terme de
la paroiffe à l'Oueft.
Le nom de Terrier-Rouge , donné à caufe de la nuance du terrain ( origine
qui blâme l'ufage de dire les Terriers -Rouges ) , appartient fpécialement auffi
à une grande fayane naturelle , nommée la grande favane du Terrier-Rouge ou la;
Kl
m
158 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Savane-Carrée, qui unit diagonalement le canton du Terrier-Rouge, dont je
viens de parler , avec l'extrémité fupérieure des Fonds-Blancs , la plus rapprochée
du Fort-Dauphin. Cette favane très-étendue , efl chargée dans piufieurs endroits
de fredoches ou de raques ( affemblage de bois rabougris ) , qui s'étendent dans
divers fens , & qui rendent inutiles de grands efpaces où l'on ne va pas même
chercher quelques bois, que leur incorruptibilité devrait faire prifer, malgré
la peticelTe de leurs dimenfions.
Le bourg du Terrier-Rouge , placé à environ trois petites lieues de l'embar-
cadère de Caracol , eft compofé de vingt-cinq maifons éparfes & médiocres ,
fituées auprès de l'églife dédiée à Saint-Pierre , & fervant à loger quelques petits
détaillans , utiles au marché de la paroifle , qui fe forme au bourg les fêtes &
les dimanches. Le Terrier-Rouge faifait, avec le Trou , parne de la paroifle de
Limonade. Lorfque le Trou devint en 1705 une paroiffe qui s'étendait jufqu'aux
limites efpagnoles , le Terrier-Rouge qui en dépendait eut une chapelle en
1707, & devint lui-même une paroifle dès 17 10, fi on en croit une note
écrite en 17 14 par le père Le Pers , qui devait le bien favoir , lui qui a été
le fondateur de la paroifle du Trou. Néanmoins , foit que cet établiflèment
paroifllal de 17 10 n'ait été que précaire , foit qu'il eût même été abandonné
depuis i7i4,on voit dans une pièce authentique, l'ordonnance des Adminif-
trateurs du 27 Août 1712, qu'en 1721 les habitans du Terrier-Rouge, du_
Grand-Baflin , du Grand acul de la Belle-Hôtefl"e , de la Savane - Carrée &
du Fond-Blanc , demandèrent une paroiffe , à caufe de leur trop grand éloi-
gnement de celle du Trou. Autorifés le 18 Mai à délibérer à cet égard, ils
arrêtèrent le 26 Odobre , qu'on conftruirait l'églife fur un terrain entre deux
raques fituées dans la favane à Goyave , lieu oij efl: le bourg aéluel , ce qui fut
approuvé par les Adminiftrateurs. Le bourg efl; afl"ez au centre de la paroifl"e ,
puifque ~4e bout Nord-Oueft de celle- ci qui s'en écarte plus que le refle ,
n'a point d'habitans 5 il eft près de la rivière la Matrie ou du Terrier-Rouge
qu'il a à l'Efl: , & qui vient du morne à Bouché.
Il ne refte plus à décrire que la portion de la partie Septentrionale de h
paroifle , qui , placée au-deflTous du grand chemin du Cap au Fort-Dauphin ,
^'étend depuis les Fonds-Blancs jufqu'à la paroiflfe de Limonade, dans l'Ouefl:
Le canton qui fuit les Fonds-Blancs de l'Eft à l'Ouefl eft celui de Japquezy.
Çç mot indien que l'on écrit Jaquezy , Jacquezy & Jaxy , était le nom de toutî
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 159
l'étendue qui forme ]a paroifTc du Terrier-Rouge & une partie de celle du
Trou; auflî ne le connaiflait-on autrefois que fous cette dénomination génériaue,
& le Trou était appelle, le Trou de Jacquezy . Depuis, il a été reftraint au
canton dont je parle en ce moment & qui eft entre la mer, les deux bras de la
rivière de Jacquezy , & le chemin qui va du Cap au Fort-Dauphin.
Jacquezy , proprement dit , eft très-remarquable par fa fertilité. Huit fucreries
y donnent dix-huit cens milliers de fucre blanc d'une belle qualiié. Qu'on ju-e
par là de ce qu'on pourrait attendre de ce terroir , fi les pluies ne lui étaient pis
auffi conftamment refufées où fi les habitans , au lieu de fe difputer par de lon^s
& coûteux procès , le peu d'eau qui coule fans utilité dans les rivières , s'accor-
daient pour fe la partager à raifon de leurs poffeffions arrofables ! Ils augmenteraient
leurs revenus & ajouteraient à leurs richeffes la jouifTance délicieufe du jardina-e
des fruits & du laitage qu'on regrette de ne pouvoir pas donner à des nè-res
convalefcens. C'eft à Jacquezy que viennent les meilleurs caïmites , ce fruit
- à mucilage fucré , dont les Créols font fi friands , quoique fon odeur un peu
fermentec le rende peu agréable aux Européens. La caïmite eft là auffi aroffe
qu'une belle pomme de calville ou qu'une belle orange , & fa peau offre fur un
fond verd , la nuance violette qu'a le deffous de fa belle feuille lifîè
Le bourg du Terrier-Rouge qui a la grande Savane du même nom au Nord-
Eft, a auffi une grande favane de Jacquezy au Nord-Oueft & à-peu-près- à la
même diftance. A la naiffance de cette favane , à l'Eft & avant d'arriver à la
rivière laMatrie, eft un monticule qui n'eft qu'un point du prolongement de
la crête des Epineux, vers le Nord. On le nomme le morne Efpagnol, & autrefois
on appelait auffi paffe Efpagnole , le point voifin où le chemin traverfait la rivière*
Plus au Nord font deux petites réunions d'eau que les Français ont toujours
appellées la grande Mare & la mare à l'Oye. C^eft entre elles deux que M de
Pardieu avait une hatte , en 1716, & au-deffus un corail ou lieu pour élever
des cochons.
Le canton de Caracol fuit Jacquezy , dans l'Oucft. Ce n^eft plus qu'uffe
favane que la fécherelTe change quelquefois en un champ , couvert de pouffière.
II y a cependant des habitations dans la partie Sud de Caracol , mais elles font
de la paroiffe du Trou. Enfin, entre Caracol & la limite de Limonade , on
trouve encore une raque appellée raque à Budan , qui n'a point d'établiiTemens
dans ce qui dépend du Terrier-Rouf e.
rr"
n
H'
(
i6o DESCRIPTION DE LA PARTIE
Mais ce qui eft fufcepdble d'offrir un véritable intérêt , c'eft la côte , qui
borde toute cette paroifîe, au Nord. A mille toiles du point du rivage qui répond
aux Mamelles, commencent les Efters des Fonds-Blancs, ces portions qui,
mitoyennes encre la terre & l'onde , ont , fi j'ofe m'exprimer ainfi , une exiflence
amphibie & à qui leur nom eft venu de ce qu'elles font ex terra, hors de la terre,
avec laquelle elles ne forment pas un tout homogène. Les efters ou exterres des
Fonds-Blancs ( & l'uiage a rendu efter plus familier ) , ont environ 3,000
toifes de long fur une profondeur qui augmente en gagnant à l'Oueft & qu'on
peut compter à environ mille toifes en terme moyen.
La chaîne de reffifs , dont j'ai de à parlé à l'article du Fort-Dauphin , eft
parallèle à cette cÔce dont elle n'eft éloignée que de 500 toifes & où elle a plus
d'une demi-lieue de large , & feulement huit ou neuf pouces d'eau à mer baffe.
Un peu à l'Eft du point où commencent les efters , eft une petite paffe où les
canots peuvent traverfer les reffifs , & à 1,500 toifes de celle-là , eft la paffe des
Fonds-Blancs où de petits bâcim.ens pourraient pénétrer ; auffi y a-t-il en face
de cette dernière une batterie & un corps-de-garde pour la défendre & s'oppofer
même au paffage des canots qui fe ferait introduits par la paffe qui leur fuffit.
Ce corps-de garde , où l'on arrive en contournant les efters dans l'Eft & allant
enfui^e le long du rivage , eft à 2,500 toifes de la pointe de Jacquezy qui
termine ces efters dans l'Oueft &: qui eft prefqu'en ligne droite avec l'entrée du
Fort-Dauphin.
On trouve 1,420 toifes en contournant la côte depuis la pointe de Jacquezy ,
jufqu'à l'embouchure de la rivière la Matrie ou du Terrier-Rouge qu'elle a au
Sud. On remonte cette rivière pendant 550 toifes pour arriver à l'em'oarcadère
de Jacquezy cyji exiftait avant 17 16 ; & à une petite lieue dans l'Eft duquel
était dans les Fonds-Blancs , la hatte que M. Robineau , fucceffivement
Sénéchal et Procureur-Général au Cap , fit à la follicitation de MM. le Chevalier
de Saint-Laurent et Bégon , et à l'exemple de M. Franfquenay en 1685, et qu'on
voyait encore en 17 16. _ _^
A 400 toifes dans le Sud-Oueft de l'embouchure de la Matrie ou rivière du
Terrier-Rouo-e , eft celle de la rivière de Jacquezy ou du Trou de Jacquezy,
qui eft couverte , dans l'Oueft , par une pointe qui s'avance de plus de 200 toiles
hors de l'embouchure et qui forme , avec la pointe de Jacquezy , la baie de ce
nom , où devait aboutir le canal de communication avec le bord Oneft de
-r , • La
la baie du Fort-Dauphin.
FRANÇAISE DE SA n^T-DO MIN GUE. i6i
La dernière pointe forme , en même-tems , celle Septentrionale de la baie de
Caracol. Dans cette dernière baie et à une demi-lieue de la pointe , efl l'embar-
cadère de Caracol qui exiftait avant 17 17 , et où l'on embarque dans deux points
dont le fecdnd eft à, 360 toifes dans l'Oueft du premier & près de l'embouchure
de la rivière de Caracol qui eft dans l'Eft de la favane du même nom. Là côte
courre au Sud-Oueft depuis la pointe qui forme la baie de Jacquezy , à l'Oueft
jufqu'à la rivière de Caracol , où elle reprend la direftion de l'Eft à l'Oueft
pendant 600 toifes; mais à ce terme, la côte recule d'environ 500 toifes dans
le Sud j & formant trois arcs de cercle prefqu'égaux , que deux petites pointes
féparent , elle fait une grande lieue dans l'Oueft, Arrivée là , elle reprend le
Nord & revient prefque jufqu'à être parrallèle avec la direftion de la cote depuis
l'entrée du Fort^ Dauphin jufqu'à la pointe de Jacquezy.
C'eft au devant de ces arcs ou enfoncemens & , par conféquent , du retour de
côte qui eft à angle droit avec lui , qu'eft un nouvel efter découpé par portions
inégales, mais plus grandes que celles de l'efter des Fonds-Blancs. Il a 3,700
toifes de l'Eft à l'Oueft & environ 1,500 du Nord au Sud. Entre lui & les arcs
eft la baie à Békli qui a 470 toifes d'ouverture & 1,400 de profondeur de l'Eft à
l'Oueft. Au fond de la baie de Békli, eft un intervalle dans l'efter même , au
troiflème arc qui eft le dernier au fond ^ & que quelques perfonnes appellent la
baie à Conégut du nom de l'habitation qu'elle borde & où eft l'embouchure de
la rivière à Grimaud , limite de la paroifle de Limonade ; ce qui m'avertit de
rentrer dans celle du Terrier-Rouge.
Les efters des Fonds-Blancs & de Caracol , font couverts de palétuviers qui
fournilTent du tan & où l'on vient cueillir des huîtres.
L'efter de Caracol eft formé par douze portions appellées îlets , qui en compo-
fent l'enfemble que l'on nomme la pointe de Caracol. Les trois îlets les
plus confidérables de ces douze font le côté Eft de l'efter. Tout cet efter fut
concédé le 22 Novembre 1769 à M. Courrejolles, ce qui n'empêcha pas plufieurs
perfonnes de le convoiter en 1772 & en 1775, Mais un arrêt du Confeil du Cap
du 20 Mars 1781 , a maintenu M. Courrejolles dans fes droits. Le poiTcfleur
aftuel eft M, Bernier , qui l'a payé vingt-fept mille livres , au mois de Jan-
vier 1783.
La pointe de Caracol fe trouve à 3,000 toifes de celle de Jacquezy. L'-ouverture
qui eft entre elles deux conduit donc : 1°. à la baie de Caracol qui occupe k
Tome /, 5^
W
V
i^
rr
i6i
DESCRIPTION DE LA PARTIE
milieu. 2". à celle de Jacquezy qui eft dans le fond Sud-Ell; & 3*^. à celle
de Békly qui efl dans le fond Sud-Oueft.
Dés 1713 j ces divers embarcadères furent f«ri2i5'z«^j' , mais celui de Caracol
fut le premier de tous ceux de la Partie du Nord qu'on fortifia. Il l'a été par les
foins de M. de Chailenove qui y fit placer une batterie & un retranchement.
Cet embarcadère eft aiTez difficile , parce que les chaloupes ne peuvent en appro-
cher qu'à la haute mer. L'embarcadère de Jacquezy eut aufTi un retranchement
peu après, fait, comme celui de Caracol , par des nègres de corvée. M. de
Belzunce y ajouta encore des difpofitions en 176-2.
Maintenant l'embarcadère de Jacquezy & celui de Caracol font protégés par
des batteries & des corps -de-garde , capables de s'oppofer aux entreprifes que
pourraient tenter les canots ou les bâcimens auxquels la paffe des Fonds-Blancs Se
celle même de Caracol, qui eft dans les refTifs & en face de la pointe de Caracol ,
aurait donné accès ; ce qui fuppoferait le fecours d'excellens pratiques pour fe
diriger dans la paffe & pour éviter les hauts-fonds de la pointe de Caracol, & une
audace que pourrait punir l'impofTibilité de le retirer , Ci l'on était défemparé.
Au mois de Juin 1762, la frégate anglaile le Huffard , fondant la paffe de
Caracol , s'y échoua & fut prife. Les habitans de Limonade , de Sainte-Rofe
& du Dondon fourniffent , comme ceux du Trou , à la garde de Caracol.
Le paffage de Jacquezy & celui du Trou ( il n'y avait point alors de paroifîè
■du Terrier-rouge) , furent affermés au mois de Janvier 17 17 , par le capitaine de
port du Cap , d'après les ordres du Gouverneur-Général à un M. Fouquet ,
avec privilège exclufif. Le paffage de Jacquezy fut affermé pour trois ans à M.
François Surger , en 1728, à raifon de 690 liv. par an j il produifait en 1744
6,650 liv. Cependant il ne fut porté qu'à 3,600 liv. le 18 Juillet 1763, que
M. Ruotte , fubftitut du procureur-général du Cap, & fubdélégué de l'inten-
tendantj l'adjuga à M. Chardavoine. J'ai déjà dit que ces fermes difparurent
en 1765.
J'obferverai cependant que quoique le métier de paffager foit très-
libre , il n'eft cependant pas permis à ceux qui le font , de refiafer de fe
charger des marchandifes qu'on leur préfente à tranfporter fur le pied ordinaire
4u fret , dont le taux eft fixé par l'ufage. La queftion s'étant préfentée au Confeil
du Cap entre M. Troplong, capitaine d'un navire de Bordeaux, & M. Duhalty,
propriétaire du paffage de Jacquezy, celui-ci fijt condamné par arrêt de ce
Ui^. — i.ract .
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE- 163
tribunal , du 13 Mai 1777 , à recevoir & à tranfporter des feuillards que l'autre
lui avait offerts. Il n'y a donc que la ceffation du paffage qui puiffe exempter
le maître du paffager de fervir le public.
Les trois embarcadères de la paroiffe du Terrier-rouge font d'autant plus
précieux pour elle & pour la paroiffe du Trou, à laquelle les deux embarcadères
de Caracol fervent de débouché , que les barques paffagéres qui y font les
tranfports, naviguent en dedans des reffifs , & font ainfi moralement à l'abri de
tout danger. Des chemins commodes conduifent jufqu'aux magafins d'entre-
pôt, conftruits aux embarcadères, les denrées qu'on doit vendre ou livrer au
Cap, & fervent à tranfporter les approvifionnemens & les autres objets qu'on tire
de cette ville. Quelquefois auffi , les chaloupes des navires d'Europe mouillés au
Cap, viennent, à jour nommé, chercher des denrées que les capitaines ont acheté
ou qu'ils doivent recevoir à fret , & ils évitent ainfi les frais du magafinage &
les inconvéniens d'un déchargement au Cap. D'autrefois encore, les acons font
expédiés de la rade du Cap pour effe£luer ces tranfports , qui dans les années
heureufes pour le cultivateur & pour le commerçant , rendent très-fréquentes
différentes routes qui coupent en divers lens la furface de la paroiffe du Terrier-
rouge. On y éprouve cependant , mais trop rarement pour l'utilité des ^
habitans , i'obftacle du paffage des rivières que des orages changent en torrens
& qui font affcz encaiffées , furtout celle de Jacquezy ou du Trou de Jacquezia
pour être dangereufes à traverfer lorfque leurs eaux excèdent une certaine
hauteur.
Il eft tems de dire que le canton de Caracol, qui porte le nom efpao-nol du
limaçon , peut-être à caufe de l'enfoncement de la baie de Békly ou des
tournoyemens des parties de l'efter , était le fite de la ville de Port-Royal
( Puerto-Real ) , que Rodrigue Mexia fonda en 1503, & qui dépendait du
gouvernement de Saint-Yague. Mais ce qui efb encore plus glorieux pour
Caracol , c'ell que fon port eft celui de la Nativité, ainfi nommé par Chriftophe
Colomb, qui y entra le jour de Noël 1492. En rapprochant tout ce qu'il y a
de defcriptif dans le? premiers hiftoriens du Nouveau-Monde , il n'eil o-uères
poffible de douter de ce fait ; furtout quand on remarque que le chef-lieu dir
royaume de Guacanaric était fur une pointe , à l'extrémité de la Véga-Réal ,
& conféquemment vers le point où eft maintenant l'embarcadère de la Petite-
Anfe, au Quartier-Merin , & (ju'il eft dit que Colomb partant de la Nativité,
a
\'C
amr.
164 DESCRIPTION DELA PARTIE
fît de l'eau au Nord-Ouefr , puis fortit en remarquant bien l'entrée pour lâ
reconnaître , que Ton lit était noyé & qu'on n'y trouvait point de pierres po.ur
bâdr; eirconftances qui femblent bien défigner la rivière de Caracol ou de
Jacquezy , une entrée aufTi difRcile que celle de Caracol dans un paffage que
iaiffent des reflifs , & la nature des environs de l'efter. Ce fut près du port de la
Nativité que fut conftruite la tour que l'on appella la fortereffe de la Nativité ,
& où Colomb laiffa quelques Efpagnols , qu'il trouva maiTacrés à fou fécond
voyage ; ce qui le porta à abandonner le port de la Nativité au mois de
Décembre 1493. Je montrerai dans la defcription de la paroiffe de Limonade ,
fur le territoire de laquelle il paraît qu'était la fortereffe , combien ces preuves
fe fortifient encore. Tout fe réunit donc pour offrir dans Caracol, le premier
établiiTement européen du Nouveau-Monde , & en même-tems le premier de
l'île Saint-Domingue. Quel état pour une aufîl illuftre origine ? On y chercherait
cnvain le fouvenir de fa gloire primitive , les traces de la ville qui em.bellilTait
un lieu que fon aridité & celles des environs a prefque livré à l'abandon , du
moins dans une grande parde ; on n'y peut recueillir que cette utile leçon ,
que tout ce qui eil l'ouvrage de l'homme, eft périfTable comme lui.
La ville du Port-Royal était du nombre des villes efpagnoles de la Colonie ,
qui obtinrent des armoiries en 1508. Elle avait un écu d'azur, onde, chargé
d'un navire d'or. Dès 1606, elle était déjà abandonnée.
Le Terrier-rouge a des droits à la reconnaiflance publique , parce que c'eft
fur l'habitation des Jéfuites , appartenant à préfent à M. de Rouvray , qu'ont
été naturalifés les premiers cafiers que les Jéfuites de la Martinique envoyèrent
à leurs confrères. On en prit les graines pour les planter au Dondon, où l'on
a commencé , à Saint-Domingue , la culture de cet arbufte , qui doit être mis au
fécond rang parmi les produftions qui font la richeffe de la Colonie.
Il y a au Terrier-rouge , lur l'habitation Auvray , de la luzerne provenue de
graines que cet induftrieux habitant a fait'venir de France, & y a planté en 1776.
Il peut en faire une coupe tous les mois , & les mulets & les chevaux la mangent
avec grand plaifir.
La température du Terrier-rouge , eft généralement fèche. Cette paroiiîè
fouffrit cxtrêmem.cnt de la fécherefîè qui y régna depuis la fin du mois d'Août
1785 ,jufqu'à celui d'Avril 1786; & qui fut telle , qu'on croit que le feu a
pris fpontanément au mois de Mars 1786 , à plufieurs pièces de cannes de
II,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. i6r
l'habitation Verron , fi tuée dans le canton du Terner-rouge proprement dit
C'eft fur cette habitation qu'ell né, le 24 Oftobre 1771 , un petit muleton
produit par une mule, & qui a vécu jufqu'au 17 Juin 1776.
Les recherches publiées par la Société des Sciences & des Arts du Cap fur
les épizooties , prouvent que la maladie charbonneufeaparu au Terrier-Rouge en
1787 , &ron y lit, pages 149 &/uwa^tes , les détails des accidens qu'éprouva M-
Auvray , pour s'être bleffé en ouvrant une mule qui en était morte.
Suivant le rapport d'Herréra, il y avait dans les environs de Port-Royal une
mine de cuivre. Tout porte à croire qu'elle était fur l'habitation le Roux des
Mes, ci-devant Champaing , dépendante à préfent de la paroiffe de Limonade ,
où l'on a vu des débris de quartz, que la tradition défignait comme
ceux d'une exploitation. Il eft réellement fingulier que dès cette époque qui
remonte jufqu'à la découverte de l'île, on fût déjà réduit à travailler des mines de
cuivre. L'orn'était donc pas auffi commun qu'on l'a dit! Le travail de cette mine
ne devait pas être dans la favane de Caracol , où le bois pouvait lui manquer-
puifqu'il n'en a jamais exifté que peu dans cette partie, & encore y avait il
dans ce bois même de grands intervalles falineux, incapables d'en produire Ce
local n'aurait donc pas pu entretenir des ufines, ou du moins elles ont dû n'avoir
qu'une courte exiftence fi elles étaient réduites à cette faible reflburce , & tout
autre moyen aurait augmenté les frais d'exploitation. '
On compte dans la paroifi^e du Terrier-Rouge, 240 blancs, 160 afFranchis '
& 5,500 efclaves -, elle a une compagnie de dragons & une de fufiliers, compofées
de 90 blancs, & une troifièmc formée de 70 dragons-mulâtres & nègres libres.
Il y a du bourg du Terrier- Rouge ,
Au Cap .
Au Fort-Dauphin • • . .
Au Trou .
9 lieues.
4
2
V.
Paroisse du Trou.
Cette paroifiè qui eft fort étendue , diffère de la précédente , en ce qu'dl^
. une très-grande partie de fon territoire en montagnes. Sa forme eft trèlirré^
H
CRIPTION DE LA PARTIE
G-ulière & tient à celle des gorges & des points de communication de Tes
diiférens cantons. Quatre paroiiTes l'enferrent , de manière qu'elle ne touche par
fon territoire , ni à la mer , ni à la ligne des frontières efpagnoles. Dans l'Eft ,
c'eft la paroifTe du Terrier-P.ouge par la cime de la montagne des Épineux , des
Baîingans & à Bouché , & la ravine à Bouché , jufqu'au confluent de cette
dernière avec la rivière Marion ; !à , c'eft la paroiffe du Fort-Dauphin par la
ir.êmc rivière Marion jufqu'à fon confluent avec la rivière de l'acul de Samedi ,
puis par celle-ci jufqu'à la rencontre de la crête à Battre du Feu. De ce point
la ligne qui borde la paroiffe du Trou , devient extrêmement finueufe , de
manière qu'elle a des direftions qu'on ne peut pas défigner toutes du même mot.
C'eft ainfi qu'elle fuit la crête à Battre du Feu , jufqu'à la cime de la montagne
de l'acul de Samedi oij elle celTe d'être contigue à la paroiffe du Fort-Dauphin ;
puis de cette cime, el;e vajufqu'au piton des Flambeaux , ayant pour limite ,
la usroiffe de Vallière , qu'elle continue à fuivre , en allant au piton des Nègres
jufqu'à la fource de la rivière des Racadeaux ^ enfuite cherchant k Grande-
rivière & fuivan: fon cours pendant quelque tems , elle va à la montagne des
palmiftes rencontrer le piton des Roches , terminer ainfi le bord Sud de la
paroiffe & commencer fon côté Oueft.
Celui-ci ell formé par la montagne des Écreviffes, qui fépa-e le Trou, du
canton du Moka, appartenant à la Paroiffe de Limonade; enfuite c'eft la monta-
gne des Côtelettes & celle de Sainte-Suzanne qui féparent le Trou , des cantons
du Moka, des Côtelettes & de Sainte-Suzanne , dépendant auffi de la paroiffe
de Limonade. Enfin c'eft le canton de Roucou que la ravine à Gdmaud divife
entre la paroiffe du Trou à l'Eft & celle de Limonade à l'Oueft.
Au Nord , fe trouve toujours la paroiffe du Terrier-Rouge , entre laquelle &
celle du Trou, eft le chemin du Cap au bourg du Terrier-Rouge, jufqu'à
l'habitation Pardieu , qui termine le Trou dans cette partie.
En parlant de la paroiffe du Terrier-Rouge , j'ai eu occafion de dire , qu'une
wrande pordon du territoire plane de celle-ci , & de la paroiffe du Trou, étaient
originairement déflgnés fous les noms communs de Caracol & de Jacquezy , &
que le Trou lui-même s'appellait le Trou de Jacquezy, apparemment à caufe
que plufieurs gorges des montagnes ont leur ouverture dans ce point. Dès qu'il
parut des Flibuftiers & des Boucaniers dans la plaine du Cap , Jacquezy &
Caracol eurent quelques ctabliffemens français épars_, & j'ai déjà répété qu'en
«ï
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 167
1685 , il y avait des hattes à Limonade , vers la lifiére de Caracol de & Jacquezy .
et qu'au commencement du fiècle , d'anciens défenfeurs de la Patrie congédiés
& des colons du voifmage du Cap , gagnèrent vers l'Eft pour s'oppofer aux
attaques des Efpagnols qui avaient tout dévafté , en 1691 & en 1695: époques
oij ils avaient cru anéantir, pour jamais /ceux qu'ils avaient vus établis , plus de
vingt ans auparavant , jufqu'au bord de la rivière du Rebouc.
Mais encore, en 1705 , Limonade était le dernier lieu formé en paroiffe , &
ileftaiféde concevoir que le pafteur veillait mai au bonheur des ouailles qui
habitaient la rive Occidentale du Maffacre. La première paroiffe qui fe forma
au-delà de Limonade , fut celle du Trou , où l'on conçut , en 1705 , le projet
d'avoir une Églife , dont la dédicace fut faite à Saint- Jean Baptifte , le 24 Juin
1707 , & qui eut l'abbé de Mont-Tours pour premier curé ; le même qui
célébra , trois mois auparavant, la première meffe à la iuccurfale de Bayaha.
Elle comptait déjà un affez bon nombre de paroifîiens dont le premier , établi
en 1700 , était M. Blanchet , alors propriétaire de l'habitation que pofbède
aujourd'hui , M. le Maître , commandant les milices de cette paroiffe , &
plufieurs autres (*) habitans prefque tous venus de Limonade. Ce fut au père Le
Fers , Jéfuite très-zélé & curé de Limonade , que ces colons furent redevables
de l'acquifition du terrain que lui vendit M. Mercier, à qui M. Auger , gouver-
neur, l'avait concédé, en 1703. Ce fut même un fentiment de reconnaiffance
qui fit choifir le patron du père Le Pers , pour celui de la paroiffe.
Un arpentage de Mondion de Beaupré, fait en 1708 , dit que ce terrain avait
quarante-huit carreaux, & en 1712 , le curé en vendit trente-quatre à M. Prot ,
que repréfente maintenant la famille de Brucourt, pour un négrillon eftimé cent
reçus ; on peut juger , par ce trait , de ce qu'on eftimait alors le terrain d'un
canton de plaine , couvert de bois & entrecoupé de lagons. En 17 16 , les habi-
tans demandèrent , au nom de la fabrique , la permiffion d'habituer les quatorze
carreaux reliant & d'y conftruire une nouvelle Églife plus confidérable , la
première n'ayant que trente-deux pieds de long fur trente de large. En 1727,
(*) MM. le Fée, le Coyteux , Cramoify , Chicoteau , Charpentier, de la Haye, Miehel,
le Verrier. la Porte, le Mercier, Boulardière , Frémont , Hervée , Laguiel , Loppe , Forton ,'
Brunet, Bivet, Ridel, Flochet , Roquin , Godet, Guiard , le Picard , Bourie' , Lefcauadiens ,
Roberd , Limoufm , François , la Fichon , Lallemand , Pineault , le Bas , le Meuaier , Jolicœur ,
Cuibert , Auger , Richard & de Bonri'e^.
i68 DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'abbé Boyer j curé, confentit à l'abandon pour un cioietière, d'une portion
de ce terrain 5 délégué par le père Le Pers à Tes fucceffeurs ; mais le 12
Novembre 1764, une partie du terrain compris dans cet abandon , fut convertie
en emplacemens du bourg, par une délibération de paroiffe. On prit, fans
doute, ce parti en fe reffouvenant qu'en 1739, la fabrique avait obtenu la
conceffion du terrain de l'Égiife où était alors un bourg & même celle d'une
partie de ce qui avait été vendu aux auteurs de M'^^ de Brucourt.
Ce qui ferait croire que la population de la paroiffe du Trou s'eft accrue rapi-
dement, c'eftque le père Laval qui en a été le curé , depuis 17 14 jufqu'en 171 8,
y avait fait bâcir un hôpital pour les malades &; où les paffans trouvaient auffi un
hofpice et des foins qui honorent la miémoire de ce pafteur^ c'eil: qu'en 1721 , au
moment même où l'on démembrait de la paroiffe du Trou , de quoi former celle
du Terrier-Rouge , on trouva à arrenter plufieurs terrains dans le bourg, au
profit de la paroiffe ; ufage qui s'eft renouvelle plufieurs fois depuis , notamment
en 1764, comme ie viens de le dire , et qui donne un certain revenu à la fabrique.
Les anciens actes ftipulent vingt fous de redevance annuelle , par pied , compté
îur la plus grande dimenfion du terrain , et d'autres cent francs par emplacement.
Le bourg du Trou n'a qu'une feule rue , dirigée à-peu-près Nord-Oueft &
Sud-Eft lorfque l'on vient du Cap; à l'extrémité de cette rue, on tourne vers
le Sud , & l'on trouve encore des maifons , mais fur la gauche feulement. Le
bouro- dans fa totalité en contient quarante , où logent environ cent famille?.
Il eft ouvert à la brife du large , & fe trouve dans fon bout Sud-Eft au bord
de la rivière du Trou de Jacquezy , qui y coule fur un fable fin , à la chute
des mornes des Perches, des Écreviffes , du Moka, des Côtelettes & de
Sainte-Suzanne, ce qui lui donne une fituation très-avantageufe pour fon marché.
L'éo-life actuelle eft fur une place de quatre cent pieds de l'Eft à l'Oueft , &
elle a foixante- quinze pieds de long, fur quarante de lai-ge. La charpente qui eft
fort belle , fait regretter que les murs fur lefquels elle repofe , ne foient pas plus
élevés. La façade a quarante pieds de hauteur. Le clocher eft derrière l'égiife ,
& fa partie baffe fert de facriftie. Les fondemens de cette églife ont été bénis
k iS Octobre 178 1 , et l'on a placé des jetons d'argent dans la pierre prin-
cipale de la façade répondante au côté de l'Épître. On y lit :
pofuerunt henoratiiumus D. Ludovicus le Maître, parochias prœfedus ; honoratiiîimus B.
Qainiinus Charpentier , ordinis regii ac militaris Sanûi Ludovki Efi^ues,
Et
'i..^\
1_
,!i AlM-*'
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 165
Et fur une plaque d'argent :
Eenedicente reverendillîmo pâtre Suipicîo Parocho ; prsfentlbus , pr^nobili D. G. Buor
- ordini regii ac militaris Sandi Ludovic! Equité ; prœnobili D. J. G. Equité de la Groule • prœnobiJi
D. W. Pardieu de Berteville ; honoratiiTimo D. J. Monjai ; Régnante Ludovico XVI anno
Domini 1781. ■*
L'églife elle-même a écé bénie îe 23 Décembre 1783 , par le préfet apofto-
Jique, & l'on voit- dans la falle du presbytère, un tableau qui rappelle que
Ja cérémonie de cette confécration du lieu où l'homme va fe proflerner devant
fon créateur , a été troublée par la mort d'un citoyen , tué par la ctiiller d'un
canon qu'on tirait en figne d'allégreffe.
■Il y a auffi un presbytère nouvellement conllruit, ainfi que Tes appartenances
Un colon eftimable du Port-au-Prince , propofa , au mois d'Août 1787, une
foufcnption pour ériger une Hatue à De Clieux ; foufcription qui, j'ai honte de
ie dire, n'eut que dix-fept approbateurs, votant pour 4,032 liv Un autre
colon de la paroiffe du Trou , M. Larrat, propola au mois de Mars 1788 de
convertir le projet de la ftatue en une maifon d'éducation , où en l'honneur de
De Cheux, on recevrait cinquante orphelins de la Colonie, & préférablement les
enfans des habitans cafiers dans l'indigence, depuis l'âge de fept jufqu'à treize
ans ; mais pour cette fois , il n'y eut pas un feul foufcripteur. Enfin le frère
Sulpice , capucin , curé du Trou , avait penfé qu'une maifon d'éducation devrait
être un nouvel ornement pour la place du bourg , & i] alliait à l'idée de cette
^fpece de dette de h paroiffe , ( à laquelle il a été légué des fonds
pour cet objet, notamment par M. Jacques Tirion , une fomme de 8 2.Uiv
en 1722 , placée à dix pour cent fur M. Defportes, & une fomme de /roo ]iv°
placeepar le père Ramet, jéfuite, curéen X738. entre les mains de M. Montmip^
qui leur a donne .1 utile cafier, par une privation courageufe, en 17.1. H de/irait
donc , qu un rnonument placé au-devant de cette maifon enfeignât , avant même
dypenetrer, la reconnaiffance , cette vertu fi rare & qui ne naît que dansTe
lieux ou l'on a l'habitude d'en cultiver d'autres. Le curé a fait des vœux & d
démarches pour réalifer ce plan. Il a demandé qu'on vendît neuf carreaux de
t.rre places fur l'autre rive de la rivière du Trou & faifant partie des treize
auac es au presbytère, 6. q.i lui rapportaient .,650 liv., pour'acheter prt d
'tr/ '""^ ''^^^^^ ^"'^"^^^^ ''^^' les cens &Jrentes
Y
I
i
DESCRIPTION DE LA PARTIE
annuelles perçues par la fabrique, montant à 2jOOO liv. j ceux payés au curé,
faifant 700 liv., & ceux conteftés entr'eux , s'élevant à î,ooo ilv. ; il demandait
qu'on rendît compte des perceptions depuis leur origine. Il affurait , en outre ,
que des aumônes lui avaient été offertes pour cette œuvre pie. Ce projet >
adopté par quelques paroiiTiens, fut combattu par d'autres qui l'emportèrent^
& comme tout ce qui n'eft qu'utile doit être long-tems à fe réalifer , la maifon
d'éducation n'exifte pas plus que l'hommage à rendre à Gabriel De dieux >
mort en 1786 , âgé de quatre-vingt-fept ans.
Il eft affez remarquable qu'au nombre des donateurs de cette paroifTe , on
compte un homme dont la mort caUfée par un crime , a mis fin à une vie
fouillée de toutes les horreurs quei'abus de l'autorité peut infpirer à. \m tyran.
Le fang de fes affafTias a coulé avec un éclat malheureufement néceffaire ; mais
qu'on fe hâte de réalifer le don qu'il a fait , & que fur les chandeliers
dont il a voulu embellir l'autel du Dieu de paix, coule affez de cire expiatoire
pour défarmer le Dieu des vengeances éternelles.
Le terrain du bourg eft expofé , depuis long-tems , aux débordemcns de la
rivière , qui fait à l'Oueft un angle pour le jetrer de fon côté , & qui menace le
cimetière qui a été autour de l'églife jufqu'en 1727, & qu'on aurait dû tranf-
férer ailleurs qu'au vent du bourg. 11 ferait tems qu'on réalisât enfin le redreffe-
ment de la rivière, ordonné depuis le 22 May 1764, &: qu'on mît le cimetière
à rOueft. Peut-être auITi la décence voudrait-elle qu'on éloignât le marché de
l'églife qu'il entoure, parce que le bruit qu'on y fait, trouble la pièce des
fi.delles dans le tem^ple.
Le bourg du Trou n'eft pas ancien, puifquc l'édit du mois d'Août 1724
y ayant créé une Sé^iéchauffée , inftallée le 11 O^obre 1725 , par M. de
Beauval-Barbé , confeiller& doyen du ConfeilduCap , accompagné du procu-
reur-o'énéral , du greffier & de l'audiencier de cette cour , l'audience s'eft tenue
lon<>-tems ou dans le presbytère , ou dans l'habitation du fénéchal , M. Croifeuil.
Le Trou perdit fon tribunalle 9 Janvier 1727 , en vertu de lettres-patentes du 7
Août 17 26, qui le transféra à Bayaha, d'où il a paffé au Fort-Dauphin, ayant toujours
la paroifle du Trou dans fon reffort. C'eft le bourg du Trou qui fut donné pour
réfidence aux premiers officiers de la marine anglaife, pris éan5^1a._guerre de
1778. M. Stott, capitaine de vaiffeau , comimandant la frégate la Minerve,
prife par M. le Gardeur de Tilly , quitta ce bourg , & mourut fur une habitation
du Terrier-rpuge oij l'hofpicalité lui avait été offerte.
I fm
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 171
n y a dans la paroiffe du Trou , un fubftitut du procureur du roi de !a
Sénéchauffée du Fort- Dauphin , chargé de la police judiciaire, & au bourg,
un exempt & c^uatre archers de la maréchaulTée , dépendans de la prévôté du
Fort-Dauphin.
Ce bourg a auffi un bureau des pofles. Le courier du Cap au Fort-Daunnûi 7
porte , deux fois par femaine , les lettres de toute la Colonie.
Une obfervation qu'infpire Jacquezy & Caracol qui font devenus les de-^x
paroiffes du Terner-Rouge & du Trou, c'eft que le gouvernement qui avait
trouvé très-important de les faire établir & qui avait réuai, le 20 Juin 17x1, tous
les terrains qui avaient pu y être accordés originairement , afin de concéder de
nouveau , la totalité de ces deux cantons par petites portions & d'y faire former
des haïtes , ait imaginé de taxer les nouvelles conceffions par deux ordonnances
du 23 Mars & du 26 Avril 171., fur le pied de cinquante livres par cent pas de
terre fur fix cens pas. J'ai un état du montant de cette taxe pour les conreffions
faites depuis Janvier lyiojufqu'en Janvier 17133 i] s'élève à 6,395 liv & jV
lis que -cette fomme eft deftinée à l'établiffement d'un couvent de reliaieufes ce
qui a dû s'effectuer lorfque cet établiffement a eu lieu au Cap. Ainfi îes concef-
fions des parties planes des deux paroiffes du Terrier-Rouge & du Trou qu'on
ne connaiffait alors que fous le nom de raques de Jacquezy & de Caracol , n'ont
point ete concédées gratuitement, mais à titre onéreux. Auffi voit-on que dans
les deux ordonnances de réunion du 3 Décembre 1715 & du 14 Septemb-e
1717 > les Adminiftrateurs parlent de faire rembourfer ou de dédommac^er les
mineurs de ce que leurs auteurs ont pu payer, rembourfement oui n'a pu êt-^e
refufé à tous les autres conccffionnaires fans une véritable injuftice. Les ordon
nances de 17 12 excitèrent même de la fermentation , & comme l'on crut qu'elle
elait l'ouvrage de M. d'Arquian , gouverneur du Cap , celui-ci fut interdit par le
Gouverneur-Général.
La paroiffe du Trou eft appellée paroiffe de plaine. Son territoire plane eft
Gompofee de partie des cantons de Caracol & de Roucou , & des cantons de h
plaine du Trou & de Roche-plate. Dans les montagnes, font ceux des Perches;
de la Mahotiere , de l'acul Saint-Denis , de l'acul à Comt & des Écreviffes •
La portion de Caracol dépendante du Trou , eft le côté Sud de la favane du
ineme nom & du chemin du Cap au Terrier-Rouge. Elle confifte dans le feul
^ng d habitation qui eft fur ce chemin & dont le fol fe reffent de la qualité de fe,
Y s
'^
172 DESCRIPTION DE LA PARTIE
favane. Au-deffus de ce canton, la paroifie s'élargir & l'on a^, à l'Eft , la plaine
du Trou , & à i'Oueft , celle de Roucou dont on a vu qu'une partie dépend
de Limonade. Roucou a plufieurs fucreries qui , comme celles de la plaine du
Trou , n'auraient befoin que de pluies fréquentes pour étonner par leur fertilité.
Des fucreries de la plaine du Trou font contigues à celles de Jacquezy & partagent
les avantages de fon fol comme fa dénomination don.t les propriétaires font aflèz
jaloux. En allant de la mer vers le bourg & à i'Oueft de la rivière du Trou , on
trouve une très-vafte favane qui n'eft pas la partie fertile de la plaine du Trou &
avec laquelle les parties avoilinantes ont quelquefois de l'analogie.
C'eftdans cette favane, confidérée par M. de Belzunce comme un des points de
la défenfe intérieure de la Colonie, que cet officier, alors commandant-général des
troupes et milices , fit former un camp barraqué, en i762,deftiné à affurer par les
montaç-nes , la com.munication entre le Fort-Dauphin et le Cap. Ce camp, fitué
à environ trois lieues et demie de la mer , à fept lieues du Cap et à fix du Fort-
Dauphin , au-devant de l'habitation Narp et dans la partie de la favane appellée
favane à Pdtdcr , était compofe d'un front de onze cafés ayant chacune 60 pieds
■ de iono- fur 18 de large , flanqué de deux ailes d'autres cafés perpendiculaires à
ce front de bandière , le débordant des deux côtés et deftinées au logement des
officiers. Sa gauche était appuyée à un petit ruiflèau qui le féparait de l'habitation
Poirier ; fa droite a un bois et le ruiffeau formait fur fes -derrières , une efpëce de
cul de lamue oia était l'hôpital fitué fur une petite éminence et à une diftance
convenable du camp. Au ruiiTcau commence la naiffance des montagnes. Ce fut
là que d'après une ordonnance des Adm^inifirateurs du 5 Mai 1762 , les habitans
de Limonade , du Trou, du Terrier-Rouge et du Fort-Dauphin , furent obligés
de confiruire ce camp par corvées et de faire tous les travaux néceffaires pour
couper les bois dans la montagne , les tranfporter , difpofer le terrain deftiné aux
mao-afins, aux fours, &c. On y plaça cinq compagnies du fécond bataillon da
réo-iment de Quercy & le corps de gens de couleur, appelle les Chafîeurs volon-
taires de l'Amérique , au nombre de 550 ; le tout fous les ordres de M.
Blondeau , lieutenant-colonel du régiment de Querci.
Aux premiers frais et aux premiers détourncmens que ce camp caufaaux habitans,
fe joignirent ceux relatifs à fon entretien, & les abus allèrent fi loin, que les clameurs
s'élevèrent. Elles furent nulles tant que M. de Belzunce vécut & furtout depuis
que reçu gouverneur-général j au mois de Mars 1763 , on ne pouvait plus fe
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 173
plaindre de lui qu'à lui-même. A fa mort , arrivée dans cette paroiiTe , le
4 Août de ]a même année 1763, M. le chevalier de Montreuil , fon fuccefftur;
par intérim, n'ofa pas écouter les plaintes, tant était grande la réputation militaire
de M. de Belzunce & le crédit qui l'avait conduit à Saint-Domingue ; quoique
le procès-verbal de i'affemblée coloniale du mois de Mars 1764, prouve qu'on
en faifair d'amères contre le camp du Trou , auquel on reprochait d'avoir occa-
fîonné la ruine de huit fucreries & de menacer plufieurs autres manufadures du
même fort.
Enfin arriva M. le comte d'Ellaing qui , reçu gouverneur le 23 Avril 1764 ,
alla , dès le ler Mai, vifiter ce camp qu'on lui préfentait comm,e une calamité &
comme une calamité devenue encore fans objet, depuis la paix dont on jouhTait
depuis un an. M. d'Eftaing qui a dit quelque part , '' qu'une choje établie par
„ M. le Vicomte de Belzunce , lui paraît rejpecîable , ^ doit l'être aux yeux de
„ tous les militaires , parce que la réputation ; les talens c^ le zèle ont caralférijé la
„ vie & les avions de cet officier -général „ , ne pouvant néanmoins s'empêcher
de trouver des défauts au camp , forma , le 3 mai , un comité où il était avec
l'Intendant, M. de Montreuil, M. Duportal , M. de Thoran, commandant
au Cap, & M. de Reynaud major-général des troupes, & l'on y arrêta la levée du
camp. Elle fut effeéluée le 5 Mai 1763 , même jour que celui où il avait été
prelcrit, deux ans auparavant ; M. d'Eftaing marcha à pied à la tête des troupeS'
jufqu'à l'embarcadère de Limonade où elles s'embarquèrent pour le Cao.
On fongea bien à quelques foins pour conferver les bâtimens qui avaient été
conftruits ; mais ayant été faits à la hâte , fans choix pour le bois , &.dans un pays
où l'on entend peu de chofe à ce qui s'appelle confervation , furtout quand il s'ac^ic
de propriété publique , ils font devenus la proie de ceux qui ont ofé les détrufre
pour leur utilité particulière.
En terminant fur l'article du camp , je dirai que des relevés prouvèrent qu'il!
y avait eu au Trou proportionnellement un cinquième de malades de plus qu'au'
Cap , tandis qu'au contraire k mortalité était plus grande d'un cinquième au
Cap ; bien entendu que c'eft par comparaifon de foldats blancs à foldats blancs ;
car dans les 550 hommes de couleur, on ne vit jamais au Trou plus d'un
malade par vingt , & il n'en mourut que trois dans deux ans , perte qui ne fut
que le douzième de celle proportionnelle des foldats de Querci.
Dans la partie fupérieure , la plaine ^^u Trou fe rétrécit ^c s'infinue â travers
-^w
174
DESCRIPTION DE LA PARTIE
des gorges & entre difFérens petits cpatemens des extrémités des div-erfes chaînes
-de montagnes i de manière que plufieurs fucreries ont leurs bâtimens en plaine
&■ des portions de plantations fur des pentes douces.
C'eft dans une pareille fituation qu'ell l'habitation Dubuiffon que j'ai déjà citée
avec éloge, parce qu'elle oirre le modèle d'une adminillration fage &d'une exploi-
tation facile , attendu que dans tous les genres les moyens excèdent un peu le
réceflaire. C'eft là qu'on trouve rélblu le problême de la conciabilité du bonheur
avec la iervitude. Les nègres y font gais , aftifs , la reprodu6lion y couvre les
mortalités &c des enfans nombreux y font une preuve pariante de la bonté du
fyftème qui dirige cette manufacture. Elle a encore un caraftère remarquable ,
c'efl; qu'elle efl: proportionnellement celle de toute la Colonie qui donne le plus
de fucre , parce qu'elle le trouve placée au bout d'une petite chaîne de montao-nes
queTuivent les nuées, qui s'y arrêtent & qui vont répandre leurs eaux fur un.
terrain oij leur bénigne influence eft confervée par la fraîcheur des ihauteurs
environnantes. L'habitation Dubuiffon efc , par ce dernier avantao-e , un obiet
d'e.nvie, parce qu'elle a de la pluie , tandis que le refce de la plaine en manque
quelquefois depuis long-tems ., 8z qu'elle jouit d'une température à-peu-près
égale ; fon revenu calculé fur dix années eit prefque toujours égal aulH.
Roche-plate eft dans un enfoncement qui fe dirige vers le Sud-Efc , & qui
précède la coupe des Perches. Roche-plate a plufieurs fucreries qui ont des
moulins à eau établis fur la rivière du Trou, dont la fource efl au piton des
Flambeaux , & qui a affez de chute dans cette partie , pour que certaines
habitations puilTent en prendre l'eau & la remettre à la rivière far leur propre
terrain. Telle eft l'habitation Foache , coUoquée à la rivière par jugement du
tribunal terrier du 11 Décembre 1777.
Nous voici parvenus aux montagnes. Le canton des Perches qui termine I3
petite chaîne des Épineux & des Balingans, eft au fond de Roclie-plate. Il a une
gorge dont j'ai déjà parlé plufieurs fois, & qui par celles de l'acul de Samedi
& de l'acul des Pins , pourrait donner une communication Eft et Oueft , en-
voiture , avec le haut d'Ouanaminthe. Le canton de la Mahotière eft- au Sud de
la gorge des Perches, & à-peu-près Nord & Sud avec le piton des Flambeaux}
l'acul Saint-Denis qui paraît avoir reçu fon nom de l'habitation Juchereau de
Saint-Denis , eft au Sud du point où commence la gorge des Perches ; l'acul
àConit, où la rivière de Caracol a fa fource , eft Nord & Sud avec l'embar-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 175
cadère de Jacquezy, & a derrière lui dans le Sud, l'acul de Marie-Rofe,
& dans fonvoifinage,. l'acul de Thomas Hervé, auquel un fameux chafTeur
de cochons marons , grand propriétaire , a donné fon nom. Enfin les Écreviffes
font dans le Sud-Ouefl', & fe prolongent vers le Nord , pour terminer la partie
montagneufe de la paroifîe.
La première culture de la dépendance du Trou , fut celle de l'indigo j il y a
trente ans qu'on y voyait encore quelques faibles indigoteries , mais il n'en exifte
plus auiourd'hui. La plaine n'a que des fucreries , au nombre de trente-trois
qui font annuellement plus de cinq millions de fucre blanc. Si la féchereffe
n'affligeait pas le Trou , il ferait d'une étonnante fécondité. îl y a de plus à la
plaine , une briqueterie & quatre guildiveries. En voyant combien une tempé-
rature fèche eft défavantageufe à cette plaine , on regrette que l'on ne fe foit pas
occupé de tirer plus de parti de l'eau de la rivière du Trou & de plufieurs
ravines , qui répareraient du moins par l'arrofement, une partie des maux qu'on
y fouffre. îl faudrait aller faigner afîèz haut la rivière du Trou , parce qu'elle
a huit pieds d'écore ; elle eft guéable par-tout.
La culture du cafier & celle des vivi^s , occupent les montagnes dont le fol
eft très-varié , parce que le fite l'eft fmgulièrement auffi. On y compte 150
cafeteries & plufieurs places à vivres. La conformation de ces montagnes &
de celles des autres paroifilrs contigues , leurs pitons ardus, des rivières & des
ravines fubdivifées en plufieurs branches , & fe multipliant en quelque forte par
leurs finuofités , des falaifes , des parties excavées & le voifinage ' de la Partie
efpagnole, qui devient une retraite de plus au befoin -, tout difpofe ces lieux pouf
être l'afyle préféré des nègres fugitifs , qui peuvent choifir ou d'une vie fainéante,
difficile à troubler, ou d'un plan de défolaîion pour les différentes parties
expofées à leurs irruptions , fauf à payer de leur vie, les crimes qu'ils entaffent
C'eft à une réfolution du dernier genre, que la dépendance du Trou a dû
les longues vexations que lui fit fouffrir le nègre Polydor à la tête d'une bande
de nègres armés, qui fut enfin détruite par la réunion des habitans du lieu &
des environs. L'effroi qu'avait répandu Polydor par fes atrocités était fi grand ,
que fa deftrudion fut confidérée comme un fervice rendu à toute ia Colonie •
et le nègre Laurent, dit Cézar, qui concourut avec M. Nautel fon maître'
à arrêter ce fcélérat dans la favane qui a gardé fon nom , où il fut tué , obtint
des Adminiftrateurs le 28 Juin 1734 , la liberté qu'ils avaient promife à
176 DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'efclave qui prendrait Polydor, mort ou vif. Des fonds de la Colonie , on donna
à M. Nautel lui-même , une faible indemnité fans doute de quelques dépenfes ,
car 1^500 liv. ne pourraient ni payer le fervice qu'il avait rendu ^ ni le confoler
d'avoir été eftropié en le rendant (*).
Depuis & en 1777 , le nègre Canga, autre chef de bande & défolateur du
canton des ÉcreviiTes , a expié fous le glaive de la loi, de nouveaux ravages;
& au mois de Septembre 1787 , Gillot , furnommé Taya , a été condamné au
dernier ilipplice , pour avoir renouvelé dans les paroiffes du Trou & du Terrier-
rouge , les fcènes qui caraftérifent un brigand languinaire,
La température de la plaine du Trou p:ut-étre connue d'après les obfervationg
faites par M. Warlock en 1783, 1784, 1785 & 1786 , fur l'habitation Craon,
fituée vers le milieu de l'étendue Eft & Oueft de la plaine , & à la naiiTance
des montagnes; en obfervant cependant que , comme celle DubuifTon dont elle
eft voiEne, elle reçoit des grains de pluie auxquels le refte de la plaine ne
participe pas ,- mais on pourrait en faire un terme général d'obfervation , ea
retranchant quelques pouces d'eau à l'égard des autres parties de cette plaine.
Il réf'jlte de ces obfervations , qu'il y a eu :
En 1783 76 jours pluvieux.
1784 109
1785 81
1786 85
49 pouces.
73
40
55
5 lignes d'eau,
z
I
7
Que les mois pluvieux font Juin , Juillet, Août, Septembre, Odobre
:& Novembre , & qu'ils ont donné en jours pluvieux & en pluie :
En 1783
1784
.1786
38 jours.
71
61
23 pouces.
46 ^
38
L'obfervateur remarque que dans ces quatre années , la plus favorable à la
-culture a été 1785 , parce qu'elle avait été précédée d'une année très-pluvieufe
& où les pluies avaient furtout été également diflribuées ; circonflance qui en
augmente infiniment l'effet. Par la raifon contraire , l'année 1786 fut une année
(*) V. Loix de Saint-Domingue , Tom. 4, pag. 399 , 402 & 418.
4e
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 177
de fécherefîe , où l'on vit tarir les puits , les mares , les ravines & même des
rivières, quoiqu'elle ait eu plus de pluie que 1783 & 1785. Mais la fécherefle
avait régné depuis le mois de Novembre 1785 , jufqu'à celui çle Juillet 1786 ,
de forte que l'évaporation fut extrême aux premières pluies qui fuccédèrent à
cette longue attente.
La plus grande élévation du Baromètre a été, pendant ces quatre années, de 28
pouces 4 lignes , & fa moindre élévation de 27 pouces 6 lignes.
Le Thermomètre de Réaumur a marqué pour la plus grande chaleur 32^ , &
pour la moindre 15''.
Les vents dominans font ceux d'Eft-Nord-Eft le jour & ceux oppofés de
rOucft-Sud-Oueft la nuit. Les plus rares font ceux du Nord-Oueft & du Sud-Eft.
On a refîènti quinze tremblemens de terre dans ces quatre ans , dont deux
feulement ont été très-fenfibles , le 18 Juin 1784 & le 11 Juillet 1785. Ils ondu-
laient de rOueft à l'Eft , & fans mouvement de trépidation.
Le 5 Mai 1786, il fit au Trou une chaleur infupportable. Le Thermomètre
de Réaumur expofé au Nord & à l'ombre qui , avant le foleil levé, était à 19
degrés, alla à deux heures , jufqu'à 31 degrés & demi. Il faifait un vent de Sud
variable de l'Eft à l'Oueft. Plus de deux cens armoires & tables de bois d'acajou
Éclatèrent & furent fendues de bas en haut.
La température des montagnes cû bien plus fraîche que celle de la plaine
& elles îe leffentent moins de la féchereffe , furtout dans l'Eft. Le canton des
pcreviffes , par exemple , d'environ trois lieues de circonférence , a un fol un peu
moins médiocre que celui du Moka dont il eft borné. Il recevait autrefois depuis
90 jufqu'à cent pouces d'eau par an, & Touragan & les pluies du 4 au 5 Août
?772,qui le défolèrent , augmentèrent mê^ie cette proportion j iriais depuis
1773 , il eft fujet aux fécherelTes comme le refte. Il faut cependant excepter
l'année 1777 , où il a reçu à-peu-près cette quantité. La féchereffe de 1776 avait
décidé M. Chevalier , habitant de la montagne des Écrevifîès , à y planter des
cotonniers qui avaient parfaitement rcuffi ; encouragé par cet eflai , il en planta
une jmmenfe quantité que les pluies de 1777 firent tous périr. Dans l'Été de
1781 , le canton des ÉereviiTes a été favorablement traité. Les Nords fournifîent
communément le tiers des pluies de l'année.
Du piton des Flambeaux , fort la rivière de Nœud-court qui fe réunit à celle
Bl
PART
I E
173 D E S C R I P T I :. :>r D E L A
des Goyaves pour aller groTir la riv^è/s d:s Érrevi'e; dont le tribut va enfuite
aug.nenter la Grande rivière.
^ La température des Écrevlffes eft très-analogue à celle de la Marmelade. Le
pommier eft le feui des arbres à fruits de France qui 7 \~roduic , mais d'une
manière qui annonce bien la dégéaération. On ne peut pas faire le même reproche
à des friiies dont le parfum fiatte & le goût & l'odorat, tandis que la douce &
timide violette charmiC encore ce dernier par les ém.anations qui échappent de
fes corolles fimples ou doubles. Tous les vivres du pays réufilfîcni bien aux
ÉcrevifTes. - .
La paroi iTe du Trou compte environ 36c blancs , 240 affranchis Se ic^cco
efclaves. Ses milices font en trois com.pagnies dont deux de blanco & une de gens
de couleur. Les premières ont 136 individus & la dernière 70.
Le débouché des denrées du Trou , a lieu par le Cap au moyen des embar-
cadères de Caracol oià des pafîagers les reçoivent & rapportent ce que le Cap
fournit , à fon tour , en fubfiftances d'Europe , en uftenfiles , &c. &cc.
L'éioignem.ent oià certains cantons fe trouvent de l'Églife avait déterminé l s
habitans des ÉcrevilTes , réunis à l'occafion d'une revue le 19 Juillet 1778, à
propofer la conflraiction d'une chapelle. Il y eut une foufcription de 3,300 liv,
& M. Dem.onet fut nomm.é fyndic ; ce projet n'a pas eu plus de fuite que celui
du même genre fait par les habitans des Perches. Mais par un abus qui efc répré-
henfible à plus d'un égard , en a établi un cimetière dans ce dernier canton &
Jà fans qu'il en foit fait aucun acte public , on inhume et blanc et hom.mie de
couleur, et libre et efclave. Cet abus remonte jufques vers 1777.
La paroifle du Trou a donné le jour à M. Defmé Dubuiflbn , procureur-
général du Confeil du Cap, mort ccnfcilier au Parlement de Paris , charo-e dans
laquelle il fut reçu, lorfque renvoyé en France par M. le comte d'Ellaing, en 1764,
pour avoir eu une grande part aux arrêtés de l'aiTemiblée coloniale du mois de
Mai de la même année, on trouva que le Créol qui avait jette le premier des
lumières réelles fur l'impôt colonial, ne déparerait pas la cour conUdérée commie la
première du royaume. Il fufnt de lire le-procès-verbal de cette aiTemblée et
les remontrances du Confeil du Cap au roi , fur l'érat de la Colonie , datées du
15 Mars 1764, pour être convaincu que les homimes tels que M. DubuiiTon
font rares partout; et pour que les circonfiances de fon renvoi dont les dérails
t^\
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE- 17^
apparciennent à l'hiftoire , prouvenc elles-mêmes qu'il avait été apperçu fous le
rapport d'un homme plus facile à embarquer qu'à réduire à la nullité.
Le bourg du Trou eit à
7 lieues du Cap ,
6 du Fort-Dauphin ,-
2 du Terrier-Rouge ,
3 de l'embarcadère de Caracol ,
2 - de Rccàe-plate ,
5 lieues des Écreviiîes ,
9 de Vallière ,
3 de l'acul à Conit ,
4 ^ des Perches.
Le 8 Janvier 1774, mourut fur fon habitation, au Trou , M. Benjamin
Faneuil , commandant des milices de cette paroiffe , né à la Rochelle et âo-é de
80 ans. Il habitait la Colonie depuis 17 15. " ^
C'efl encore au Trou qu'on a vu mourir, en 178 i , Etienne Auba né au
Quartier-Morln en 1683. Efclave de M. le Long qui le mena au fiéc^e de
Carthagène, .1 fut affranchi au retour de cette campagne , comme tous les nègres
qui y avaient marché. La conduite exemplaire d'Auba , le fit nommer en 172.
capitame des nègres libres de la dépendance du quartier du Fort-Dauphin où
M. de Sorel, Gouverneur-Général, le fit recevoir en celte qualité. Prefqu'au
même mftant , Auba s'embarqua avec fa compagnie fur la frégate l'Expédition
commandée par M. de Sirac , pour aller dégager une flotte francaife que des
forbans avaient forcée à s'échouer à Samana. Auba eut de fon mariage avec une
négrefle , un grand nombre d'enfans & de petits-enfans. Peu fortuné & accablé ^
par l'âge, il follicica & obtint des Adminillrateurs , le 11 Août 1779 époque
où il ne lui reliait plus que neufenfans & deux pedts-enfans , une'penfion
viagère de 600 liv. fur la caiffe des libertés , plutôt encore comme une récom-
penfe de les fervices , que comme un fecours pécuniaire.
Auba était d'une petite ftature , d'une figure qui annonçait la bonté II '
paraiffait toujours en public en habit & en épée. Il parlait avec bon fens & avec
intérêt de ce qu'il avait vu. J'eus avec lui une longue converfation au mois de
Jum 1779, & je le trouvai encore plein d'énergie. Auba mourut prefque
centenaire , fur un petit terrain qu'il avait acheté au canton de Roucou entre les
habitations Gervaife & Coulomb , fur la rive Eft de la ravine à Grimaud &
par con.ré.iuent dans la paroifîè du Trou. On lui prodiguait à i'envi des marque.
d eftime & de bienveillance, que fes cheveux blancs avaient converties en marques
de vénération. _ ^ ^
Z 2
.A
HBI
iSo DESCRIPTION DE LA PARTIE
•i
Q^U ARTIER DE LIMONADE^
VI.
Paroisse de Limonade.
Cette paroiffe fituée à trois lieues à l'Orient de la ville du Cap , eft Tune
des plus ci-lèbres de la Colonie par fes riches produits.
Elle cft Dordée au Nord par la mer , depuis l'embouchure de la ravine à
Grimaud , jufqu'à celle de la Grande rivière.
A l'Eft, 1°. par la paroiffe du Terrier-rouge , depuis l'embouchure de h
ravine à Grimaud, jufqu'au point oij cette ravine eft traverfée par le grand
chemin qui va du Cap au Trou. i°. par la paroiffe du Trou , à partir de
ce point du grand chemin , & allant dans le Sud ( toujours en fuivant la ravine
à Grimaud ) , gagner la montagne de Sainte-Suzanne , & fuivre celle des
Côtelettes & celle du Moka. 3°. par la paroiffe de Vallière dans le canton-
appelle les Fons-Bleus , jufqu'à la rencontre de la pyramide des limites
efpagnoles N''. 43 , pofée au confluent de la Grande rivière & de la ravine
des Chandeliers, & 4°. par la paroiffe Sainte-Rofe , au moyen du cours de
la Grande rivière , jufqu'à la ravine des Mulets bâtards»
Au Sud , en totalité par la paroiffe Sainte-Rofe , au moyen de la fuite des
Fonds- Bleus , depuis la ravine des Mulets bâtards, jufqu'à la rivière du Moka
ou à Picaut , & encore par la continuité des Fonds-Blancs.
A rOueft, Limonade eft terminé d'abord par la paroiffe Sainte-Rofe, aa
moyen d'une limite formée 1°. par la rivière du Moka ou à Picaut, jufqu'à
celle des Giraumons. 2°. par la faite des Fonds-Bleus , en allant à la rencontre
de la ravine des Giraumons ,■ jufqu'à la crête. 3°. par une rentrée dans le Moka
jufqu'à la crête du morne des Giraum.ons. 4°. par la fuite du Moka. 5°, par
une rentrée dans les Côtelettes. 6^. par le canton du Bois-Blanc, en fuivant la
crête , & 7*^. par le Bois de Lance jufqu'en face du bourg de la Tannerie , point
où Limonade trouve la paroiffe du Quartier- Morin , & 2 pour limite Occidentale
commune avec celk-ci, le cours de la Grande rivière jufqu'à la mer.
Limonade cft une paroiffe de plaine. Son territoire plane renommé par fa
fertilité , a dans fa plus grande profondeur Nord & Sud , trois lieues & demie
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. i8ï
& dans fa plus grande largeur Eft & Oueft, environ deux lieues. Il fe compofc
des cantons de l'Embarcadère, de l'Iflet de Limonade, de la favane de Limo»
nade , de partie de Roucou & de partie du Bois de Lance ; tandis que la partie
montagneufe comprend Sainte-Suzanne , partie des Côtelettes , le Moka neuf j,
les Fonds-Bleus , les Bois blancs & partie du Bois de Lance.
Limonade a été l'un des premiers établiffemens de la plaine du Cap. Ce fut
vers l'an 1676 qu'il reçut les premiers habitans ; il dépendait alors du Quartier-
Morin, & fes défrichemens commencèrent, comme tous ceux de la Colonie,
dans le voifinage du bord de la mer. Le terrain en était encore vierge , ou du
moins il fallait qu'il eût joui d'un bien long repos , puifqu'on voit encore en ce
moment fur l'habitation Fournier de Bellevue , un cotonnier-mapou dont le
branchage a également foixante-treize pitds de chaque côté du tronc , ce qui
prouve qu'il a acquis cette dimenfion remarquable étant au milieu d'autres
arbres, qui l'abritaient du vent ; puifque partout où les arbres reçoivent immé-
diatement la brifed'Eft , ils ont dans leur feuillage & furtout dans leurs racines,
plus d'étendue à l'Oueft qu'à l'Eft , comme pour contrebalancer l'adion du vent.
Il fe forma dès lors un embarcadère, à un quart de lieue duquel on
conftruifit en 1679, «"^ Petite chapelle que defîervait le père Rodolphe,
bé é idtin. Elle était fur le terrain appartenant aujourd'hui à M. Fournier de
la Chapelle , à la gauche du chemin en allant à l'embarcadère , & plus de trente
ans encore après, une croix indiquait cette première chapelle. Le tabac & un
peu de coton étaient tout ce qu'on récoltait alors , & le nombre des habitans
s'étant accru & la commodité commune indiquant un autre choix ^ la chapelle
fut mife en 1680, fur un terrain où a été depiis la fucrerie de M. de la
Chenaye , environ joo pas plus haut que la première ; & les Capucins étant
devenus les miffionnaires de la Partie du Nord , le père Hyacinthe de cet ordre ,
îut attaché en 1681 à cette chapelle,
L'établiffement de Limonade eut des progrès fenfibles. En 1685 ? on corn-»
mença à y cultiver Tindigo & à défricher les mornets qui terminent Sainte-Suzanne
au Nord, On trouve même encore des veftiges d'indigoteries dans cette paroiiTc.
On comptait alors près de cinq cens engagés fous les armes aux revues , ce qui
ne doit pas étonner, quand on fait qu'un fcul navire tranfportait quelquefois
dans la Colonie cent de ces hommes, que la flibufte , la débauche & les
travaux de la culture ont prefquç tous détruits. Eux feuh faifaient produire
i82 D E s C Pv I ? T I O N DE LA PARTIE
à la terre & les vivres & les denrées , car à cette époque de 1685 , il n'y avait
point encore de nègres à Limonade.
La population même de ce Heu, infpira à plufieurs Colons l'idée d'aller, en
1690 , s'établir au canton du Bois de Lance , dont le nom eft vifiblement venu
de ce qu'il produirait beaucoup de ces arbres , efpèces de Cornouiliiers , dont les
tiges droites & flexibles fervent à monter le fer des lances , arme commune
alors , et prefque la feule qu'eulTent les Efpagnols , qui la manient avec une
grande fupériorité. Le premier de ces Colons fut M. Ducatel , auteur des
héritiers Gravé , et dont la famille exifte à Saint-Malo , d'où il était originaire.
Le Bois de Lance n'avait cependant aucune connexité paroiffiale avec Limonade j
et il continua à dépendre du Quartier-Morin.
Plufieurs événemens vinrent non-feulem.ent rallentir, mais prefque anéantir
toutes les entreprifes des Colons de Limonade. M. de Cuffy , gouverneur , y
ayant indiqué le raflemblement des Français qu'il voulait mener à l'attaque de
la ville de Saint-Yague , de la Colonie efpagnolej les habitans de Limonade
formant une compagnie de milices , y marchèrent avec le refte de la petite
armée, compofée d'environ 900 hommes, le 27 Juin 1690. L'arrière-o-arde
oij était la compagnie de Limonade , ayant donné dans une embufcade , elle fut
très-maltraitée par les lanciers efpagnols. Privée de M. Gelin , fon capitaine ,
qui fut tué , elle chancelait et commençait même à fe débander , lorfque M.
Garnier fon lieutenant, animant les Français par fon exemple , fit faire volte-face
à là compagnie , et par cette manœuvre qu'imita le refte de l'arrière-o-arde
il fauva l'armée et caufa la défaite des Efpagnols j le même jour Saint- Yasue
fut pris et brûlé.
Ce fuccès coûta des cultivateurs à Limonade , mais ce ne fut rien en compa-
raifon de l'année fui vante. C'eft dans la favane de Limonade que fut donnée la
bataille de ce nom , le ai Janvier 1691 , entre les Français & les
Efpagnols. Ces derniers étaient plus de trois mille , tandis que les forces françaifes
n'arrivaient pas au tiers de ce nombre. L'avis de M. de Cufly était de marcher
vers Jacquezy & de difputer le terrain à l'ennemi débarqué à Bayaha & à Caracol
& venant auffi par terre de la Partie efpagnole , & de le harceler à travers les
bois. Mais M. de Franquefnay, lieutenant de roi au Cap, ouvrit , au contraire,
celui de l'attaquer dans la favane de Limonade. Ce dernier parti , évi-
demment le moins fage , prévalut & l'on fe rendit à la favane , le 20. La
I >m
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. .sj
droite de r.rn,é- franç^ife était app„y« au petit „,or„et de Limonade & U
gauche fut ies bo,s q., av ..finaient la .er. La ravine peu profonde du cTpile
Fr nto.s , (epata.t les deux atn-.ée. L'attaque fut faue le ., , au tnat^ &
^algte des prodiges de valeur . les Français furent fa vifti^es de le i„T d'itf
Cuffy to,.ba ntort auprè, de Franfquenay , & r„it a,r u chaunp de batail e ft t
fur les hab,tat,ons voiûnes , 300 Français perdirent k vi- Le F
employèrent o„.e jours* rav^.er ^.détrun'e totue U .^ ^dt^e ^rSp '
après ce terme , ,1s quittèrent le territoire français. M. de la Boulaie , maior du'
Port-de-Pa,x , vmt de ce lieu au Cap, le 3 Février i6q, & il ,„,,'? 7
terrain à Limonade. Parm, les cadavres à d mi putr fi ' on col t' .
MM. de Cufly & de Franquefnay -, de M. MarcLnd . ife er rcapiW f
n,.l,ces, de M. Coquière , habitant; de M. Rémouffin, cap ii„^ d 'a
au P„rt-de-Paix. de MM, Beuzeval, Camuzet & Leftor ' "ht.
reur du roi & greffier du Cap . de M. Piotard. procureur des i'ecl' .n'
de Butterval nevet, de M. Franfquenay & enfin des plus braves habitas L^
lendemain j , M. de la Boulaye fit inhumer dans la chaoelle de , """f- ^
corps de MM. Cufiy & Franquefnay. Une partie de la co'm .„ l dT"^ 'T
périt dans cette fatale journée . i, lui refta cependant encore ^^il^:;::^
Les habltans du Qaartier-Morin ayant été dé-ruits anm 5 ^^ k
1694, pour a tro,Ceme fois, u.n= églife, qui fut mife dans un au re poi„Vo
la féconde. Ma,s en ,655 , les Efpagnols unis aux Anglais étant ^
dévaaer toute la partie du Cap Jufq'u'au Port-de-Paï' L Tnad":"; ,"""
de nouveau entièrement ruiné. Tant de malheurs n'abat rirent "ô . '
ries colons & dans la même année ,6or on fe „.', ,*?'"""' P°'"' '<= «"rage
Limonade . au point où avait été la tro fiè'ne LT p' rt A„ ''""''™' ^«''^' ^=
ae fespropres deniers, pour le ,r.<,.,: ! ^:^^22::' Tl
propriétaire terrien de cette paroilTe , et de r-^li.. .- -r '°"S ' g''3"ci
le voyage de la n.er du Sud 'et qui fu ^ ^'^^:^ :''''' \ ^"^ ^^ ^-
Tortue s'établir dans la plaine du Cap où i! il "^"^ ^'"'^"^ ^' ^'
V <^inc au L,ap , ou il laiffa une grande fortune.
irl
184 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ce fut à la même époque de 1695 , que les habitans du Bois de Lance qui fe
trouvaient entre la Grande rivière et le FofTé , demandèrent à être unis à la
paroiffe de Limonade et féparés de celle du Quartier-Morin ; ce qm leur fut
accordé. , .- , , ,,.„
Quatre ans après , on vit commencer à Limonade les préparatifs des etabliffe-
mens en fucrerie. La première manufafture de ce genre , mile en action, fut
celle de M Dureau , commandant des milices de ce quartier ; c'eft celle qu'oa
trouve la première à droite du chemin , après avoir traverfé la Grande rivière ,
lorfqu'on vient du Cap.
Les habitans du Bois de Lance qui fe multipliaient aufiî , défirèrent une petite
chapelle pour la commodité de leur canton , et la permiffion qu'ils en obtinrent,
en 1700, devint pendant plufieurs années, une fource de divifions continuelles
entr'eux et les habitans de Limonade. En 1701 , on commença à y former des
fucreries dont la première fut celle de M. le Febvre , et qui eft aujourd'hui a M,
le Roux des IQes. _ _ • . v , ^ j
Cependant , à caufe d'un débordement de la Grande rivière , arrive a la fin de
170/ et qui rendit la communication très-difficile et prefque impoffible entre
Limonade et le Bois de Lance , les Adcniniilrateurs ordonnèrent que le cure de
Limonade irait quelques dimanches et quelques fêtes de l'année , dire la mefTe
au Bois de Lance. ^ 11.'
Ce canton qui s'était confidérablement augmente en nègres , durant 1 année
1706 reprit , au commencement de 1707 , fon projet de devenir une paroiffe
particulière , d'autant que les habitans de Sainte-Rofe demandaient à être fépares
de la paroiffe du Quartier-Morin et de faire partie de celle du Bois de Lance,
On parvint même à faire décider que le curé de Limonade dirait regu-
lièrernent la meffe au Bois de Lance le premier et le troifième dimanche de
chaque mois , et à certaines fêtes défignées , jufqu'à ce qu'il vint affez de
miffionnaires de France pour que la paroiffe du Bois de Lance put avoir un cure
Fiers de ce nouveau fuccès, les habitans du Bois de Lance pour empêcher
• au'il ne leur fût ravi, réfolurent à l'unanimité , l'édification dune egh>e de
^ ^a onnerie, fuivant un deffin fait par TlMn^or Joanni BaplfiaA.nato Sicilien
r 11. A l'envi , chacun fit des promeffes , U M. Ducate donna le terrain.
Les habitans de Limonade ne voulurent pas paraître moins religieux que
^^ de Lance. Le .6 Jumiet 1706 , ils firent célébrer folennellemen^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 185
parles Jéfuites de la mifîîon, pour la première fois, la fête de Sainte -Anne
devenue leur patrone , &: le 26 Novembre fuivant , ils adoptèrent auffi le plan
d'une nouvelle églife , propofé par le même fignor Amato ; mais ils réalifèrent
leur plan , à la différence des habitans du Bois de Lance , qui biffèrent écouler
1707 & 1708, fe contentant de la chapelle , & ne bâtiffant point l'églife
paroiffiale pour laquelle M. Champaing avait fait venir un tableau de la Nativité
de la Vierge , qui montrait fous quelle invocation la paroifTe devait être. Les
Adminiftrateurs leur donnèrent cependant un curé au mois d'Oéiobre 1708 , dans
la perfonne de M. l'abbé de Mont-Tours , qui n'eut que- trois mois d'exercice ,
parce qu'au mois de Janvier 1709 , les habitans follicitèrent eux-mêmes leur
xéunion à la paroiffe de Limonade.
Cette réunion qui , pour cette fois, fut confommée fans retour, eut pour motifs
principaux : un pont fait en 1708 fur le Foifé de Limonade à la paffe
aftuelle d'Adlienet , & un chemin ouvert en droite ligne depuis ce pont jufqu'à
la chapelle du Bois de Lance , ce qui avait abrégé de plus d'une demi-lieue
l'efpace qu'on avait à parcourir pour aller d'une églife à l'autre.
J'ai dit qu'au mois de Novembre 1706, Limonade avait décidé la conftruaion
d'une cinquième églife, l'autre menaçant ruine. Il fignor Jm/ito que la délibé-
ration de la paroiffe appelle un habile architeûe , la fit conftruire en bois. Les
ouvriers étaient fi rares , qu'il n'y avait pas un maçon en état de faire une voûte
de briques. Ce nouveau temple fut confacré à Sainte-Anne , le jour même de la
fête de cette Sainte , en 1707. On confacra en même-tems les deux chaoelles
latérales , l'une à la Vierge & l'autre à Saint-Jean-Baptiile , patron du père
le Pers, curé. La célébration de Sainte-Anne eût m.ême en 1708 un éclat rare
■parce que M. de Charrite , gouverneur du Cap , conduifit à Limonade Don
Guillermo Morfil , Préfident de la Colonie efpagnole , ce qui attira Un »rand
concours de perfonncs au panégyrique delà Sainte, fait par le père René^
Jéfuite.
Cette églife fut mife à l'endroit oij eft celle qu'a la paroiffe de Limonade en
ce moment. Cette dernière , la fixiéme depuis 1679 , a été édifiée en 1777 par
les foins de M. Caulet , l'un des paroifficns , qui ayant une habitation attenante
au terrain de l'églife, a fait en 1776 l'offre de conftruire une églife de maçonnerie
de 96 pieds de long fur 48 de large ( qui a coûté environ 150,000 liv. ), H
on lui donnait dix des dix-fept carreaux appartenant à la fabrique. Cette églife
Tome I. A a
I
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t;
DESCRIPTION DE LA PARTI
XL
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eft une des plus jolies de h Colonie , étant bâtie en petit fur le modèie de celle
du Cip. Elle eft fituée à environ deux lieues de l'embarcadère. Feue Mde.
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rO -.
■ri;c. u
ionr.e a cette eglue ie maitre-autei
Fournier de Bellevue , mort
ceux des deux bas-côcés , le chœur & la balullrade de marbre. Cette bienfaitrice'
a été entenée dans ce teiiiple.
La Grande rivière qui borne la plaine dans toute fa longueur , a , comme on
l'a vu dans la defcripticn de la paroifîe de Vallière , fes fources au piron de
Bayaha & à la crête de la miontagne à Ténèbres. Il n'y a donc guères plus de
14 lieues de Tes fources à fon embouchure , taiidis que fon cours en a environ 40,
Elle n'a pas toujours eu dans la plaine, le lit qu'elle y occLipe à préfent. Elle fe
promenait originairement d:in3 cette pbine qui lui doit évidemment fa formation,
& lorfque les premiers Français vinrent s'établir dans cette partie , elle avait fon
cours principal dans la petite rivière de ce quartier, qu'on nom.mait alors rivière
Salée , qui fe rend à la mer par l'habitation Duplaa & qui eft aujourd'hui la
petite rivière du Quartier-Morin.
Ce fut en 1684, que la rivière de Limonade ( car on T'appelait, ainfi ), fe
forma piuueurs lits entre la. rivière Salée & le FoîTé. On lui en a compté quatre ;
le plus à i'Eft fe nommait ia ravine à la Chenaye , le fécond la Marre cà. Cayman ,
le troifième, la petite rivière de Limonade , & le quatrième, le plus Occidental
d'abord la Ville à Canot & enfuite la rivière de Limonade.. Elle a même pendant
long-tems coulé tout à la fois & par la petire rivière de Limonade & par la
Ville à Canot qui avoifmait cette première, dans l'Oueft. Toutes ces irruptions
furent caufe que dans les premières années du fiècle afluel , il y avait à chaque
rive de la Ville à Canot, devenue la rivière de Limonade & qui eft fon lit aduel
un quart de lieue de terrain impraticable & plus ou m.oins noyé dans une lono-ueur
de près de deux lieues, à partir de 3'embouchure. C'eft encore par l'eftet de ces
irruptions , qix'en 1726 & 1727 ,. de nouveaux conceffionnaires obtinrent le
terrain fitué enti-e ce qui avait été le lit de la petite rivière de Limonade devenu'
fec, & le lit aftueî ; parce que les anciens concefîîonnaires de Limonade parurent
n'avoir aucun droit au terrain à l'Oueft de la petite rivière, ni ceux du Quartier-
Morin à celui qui était trouvé au-delà de k Ville à Canot.
Des perfonnes qui firent, en 1697 , des travaux pour forcer la rivière à revenir
dans la rivière Salée , occafionnèrent une telle inondation , que M. Danzé , major
commandant au Cap & M. Robineau, alors fenéchaî de la même ville, fur la.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE
^!
187
plainte d'un grand nombre de familles dont ces travaux avaient amené la ruine ,
vinrent les faire détruire. Plufieurs habitans abandonnèrent leurs polTeffions &
ceux qui étaient refiés , donnèrent même une requête à M. de GallifFet, en 1700 ,
pour que les premiers contribuaffcnt à débarrafîer le lit de la rivière 'des arbres
qui l'obilruaient , fans quoi leurs terrains appartiendraient à ceux qui feraient ce
travail.
Un débordement du 13 Décembre 1705 , jetta entièrement la rivière de
Limonade dans le FofTé , jufqu'au 30 Novembre 1707 , qu'un autre débordement
qui, comme le précédent, porta fcs eauxjufques dans la chapelle du Bois de
Lance , la ramena à fon premier lit , où elle efl reftée -, fauf fes épanchemens
pardels qui ont lieu dans le Foffé , lors de crues extraordinaires.
Cette rivière qui éprouve quelquefois un dtffechement prefque total , eft
connue par la violence de fes débordemens. Indépendamment de ceux que je viens
de citer , on compte celui du mois d'Oftobre 1722 , qui fit d'horribles ravaaes
noya beaucoup de perfonnes & répandit les eaux dans la paroiffe du Quartier'
Morin & dans celle de la Petite-Anfe ; celui du 6 Janvier 175 1 , qui caufa de
grandes inondations , celui de 1754 , où l'eau s'éleva à 34 pieds au-deffus de fon
niveau ordmaire ; celui du mois d'Août 1772 & celui du 17 Odobre i-rSo
dont l'élévation fut encore plus grande qu'en 1754, de quatre pouces. ' '
L'efpace que parcourt la Grande rivière , depuis le bourg de la Tannerie
jufqu'à la mer , où eUe compte quinze habitations à l'Eft , & dix à l'Oueft eft
de 7,583 toifesen ligne direfte & de 9,216 coifes , en y comprenant les finuofirés
ÎI y a dans cette longueur , une pente de 1 12 pieds , ce qui donne précifément
trois lignes & demie pour deux toifes. La Grande rivière peut contenir à fa
moindre élévation , pendant dix mois de l'année, environ 36 pieds carrés d'eau
mefure de Fontainierj c'eft-à-dire, une tranche d'eau de 36 pieds de bafe fur un
pied de hauteur, coulant librement & fans preffion , ce qui le réduit hydrauli-
quement à 1 2,960 livres d'eau par féconde. Les deux autres mois de l'année qui
font ordinairement de la mi-Février à la mi- Avril, le volume peut fe réduira à
environ 12 pieds carrés ou 4,320 livres par féconde ; à moins que cette quantité
ne foit encore diminuée par une fécherefîè extraordinaire , comme celle de 1776
La plaine eft traverfée , v^rs fon milieu , par la petite rivière, mieux connue
fous le nom du Foffé , & qu'il faut fe garder de confondre avec ce qu'on appellaic
autrefois la petite rivière de Limonade, qui n'était qu'un bras de la Grande rivière
A a 2
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m
i88
DESCRIPTION DE LA PARTIE
défleché depuis long-tems, parce qu'elle a cefîe d'y pafier. Le Fofle prend fa
iource dans la montagne de Sainte-Suzanne & tombe en cafcade de cette mon-
tagne , ce qui forme , au Bois de Lance, d'oîi l'on peut la voir, un coup-d'œii
pittorefque. Le Fofle , qui ne charie point d'arbres , mais feulement des fables
dans Tes débordemens , a un cours finueux. Il contient , dans le teras moyen,
environ un pied carré d'eau. Il a reçu quelquefois , comme je l'ai dit , les eaux
de la Grande rivière , quoique fon lit foit devenu plus élevé que celui de cette
dernière. C'eft même par le moyen de cet excédant d'eau étrangère , qu'il forme
de grands débordemens , puifque dans fon cours de quatre ou cinq lieues,
compté en ligne droite, il ne peut êcre confidérabiement grofîi. Cependant en
1782 , agiflant feul , il furmonta fes écores. Depuis la paffe Walfh & Adhenet ,.
le cours du FoiTé prend une tendance fenfible vers TEft , & décrivant prefque un
quart de cercle , il va dans fa partie inférieure parcourir des terrains bas >•
marécageux tz falineux , avant d'arriver à la baie de Caraeol , où eft fon em-
bouchure.
Je répète que la Grande rivière paraît avoir formé par fes alluvions , la plaine
qu'elle fépare entre ks deux paroiffes de Limonade & du Quartier- Morin. Tout
fait préfumer qu-'elle a conduit fes eaux, far cette furface , en difiérens fens depuis^
les Mornets , placés fur l'habitation Deftouches , à i'-ntrée de la favane de
Limonade jufqu'à la ravine du Mapou , près de l'embarcadère de la Petite-Anfe
dans la paroifle du Quartier-Morin , fur une largeur d'environ trois lieues. Le
fol eft compofé , dans cet efpace , de graviers & de couches terreufes horizontales-
qui annoncent l'ouvrage des eaux. On trouve des cailloux roulés ou des galets ,
dans toute la partie fupérieure de la plaine & ils diminuent de volume en s'appro-
chant de la mer , parce que l'eau perdant de fa vîtefTe , à proportion- que la pente
du terrain diminue , le courant n'a pas eu affez de force pour chalTcr les gros
cailloux au loin. A l'embouchure , on ne trouve que du gravier & du fable.
Cette embouchure était affez profonde autrefois pour permettre aux canots de
ia remonter environ l'efpace d'une demi-lieue. La marée y était fenfible &
c'eft, fans doute , cette circonftance qui avait fait appeler rivière Salée, la petite
rivière du Quartier-Morin , lorfque la Grande rivière y avait fon cours principal :
car ce nom eft aux Mes , celui de prefque toutes les- rivières , à l'embouchure
defquclies la marée remonte. La favane de l'habitation Fournier la Chapelle eft
fiUonnée par les traces d'un lit de rivière ; traces qu'on peu: fuivre fort loin ea
remontant au Siid..
T"^*"
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
189
D'ailleurs tout favorife ces conjeftures. On a trouvé fur l'habitation de M"^^-
Fournier de Bellevue , à 900 toiles de la mer & à quatre pieds de profondeur
dans une terre de rapport 5 une ancre dont la tige ou verge que j'ai rnefiirée,
a neuf pieds deux pouces de long.
Je me fens très-enclin à penfer que cette ancre pourrait être l'une de celles
de la caravelle la Marie , que commandait Chriftophe Colomb lorfqu'il découvrit
l'Amérique, & qui périt dans la nuit du 0.^ au 25 Décembre 1492 , tems des
Nords. Ce naufrage arriva dans un mouillage qui femble bien être celui de
Limonade. Selon Herréra , la caravelle fut entraînée par les courans , & Colomb
fit dire à Guacanaric qu'elle avait péri à une lieue & demie de la réfidence de
ce cacique. Les dimenfions de celte ancre ( reconnue pour être de fabrique
cfpagnole ) , qui eft longue proportionnellement à fa grcffeur que la rouille a
fans doute encore diminuée comme on en peut juger par fon aftion fur
l'organeau qu'elle avait foudé à fa tige ; fon enfouifTement & le fait hiflorique ,
tout me femble concourir , à appuyer mon opinion.
En fuppofant qu'on l'adopte , ce qui recule l'époque de la perte de l'ancre
auffi loin qu'il eft pofîlble, on doit encore être furpris de l'immenfe quantité de
limon que cette rivière a tranfporté , pour convertir en terre cultivable la rade
où le bâtiment a été mouillé , ou du riioins le rivage où cette ancre aura pu
être tranfportée , car l'hiftoire dit encore que Colomb fit fauver tout ce qu'il put.
L'étonnem°nt ferait moindre cependant, fi l'on faifait attention à la fréquence des
débordemens de cette rivière & à l'immenfe quantité de terre & de fable
qu'elle entraîne des montagnes à la mer.
Il y a cinquante ans que le Foffé était navigable jufqu'à la paiTe ou gué des
habitations Walfh & Adhenet, diftantes de plus d'une lieue de la mer. On
attribue les remblais aux défrichemens que l'on a faits depuis ce tems dans les
montagnes.
Vers 1715 , les canots venaient dans la Grande rivière jufqu'à environ 1,500
toifcs de l'embouchure a6luelle , charger les fucres de M. Fournier, vis-à-vis
fa maifon , placée alors où eft aujourd'hui l'habitation Miniac-Trefiin.
MM. Duplaa & Fournier dont les habitations bordent l'embouchure de la
Grande rivière fur les deux rives parallèles , ont mis à profit depuis environ
quinze ans , fa propriété de remblayer. Des levées placées fur le bord de la
mer ont garanti le terrain dçs invafions de l'Océan , &; ont retenu les rapports;
!•]
190
DESCRIPTION DE LA PARTIE
que les eaux de la rivière dépofenr , après avoir été introduites avec beaucoup
d'intelligence fur îes terrains des falines , pendant la durée des crues.
L'iiabitation Fournier a ainfi acquis vingt ou vingt-cinq carreaux ( environ
80^000 toiles fuperficiellcs ). On voit un loi où les canots & les chaloupes
naviguaient huit ou dix ans auparavant , donner des récoltes abondantes , &
l'homn-ie devenu par fon indullrie le dominateur de la nature & une forte de
créateur. Cet exemple d'induftrie & de courage peut être propofé à tous les
habitans qui font placés fur les embouchures des rivières.
La Grande rivière , ( ainfi que toutes les rivières ou ruiffeaux un peu confidé-
rables de l'xA mérique ) , efc accompagnée de droite & de gauche de petites
ravines ou de ruiffeaux parallèles, qui prennent naiffance à une lieue & demiie
à-peu-prés du bord de la mer. Ces petites rivières doivent leur origine aux
infiltrations de la Grande rivière & aux égoûts des terrains. Elles fe forment dès
que le niveau du fond de la rivière ne permet plus aux ruiffeaux & aux foffés
latéraux de fe jetter dans fon lit. Cet état de chofcs prouve l'élévation du fol
de la rivière. Ses bords & les terrains adjacens font élevés , parce que dans les
crues d'eau , les rapports s'y font fucceffivement dépofés , mais à 1 50 ou 200
toifes de diftance des rives , le terrain fe trouve de niveau avec le fond de la
rivière. _
C'eft faute d'avoir connu cette fituation relative , que le Tribunal-Terrier
a rendu quelques jugemiens inexécutables. 11 eft de règle générale , que l'habitant
doit jetter les eaux pluviales qui l'incommodent dans la rivière voifme , mais
loffque celle-ci a un lit auffi élevé que le terrain qu'on veut égoûter , la règle
ne faurait avoir d'appucation.
Cette élévation du fol des rivières eft avantageufe aux terres adjacentes. Une
rivière encaiffée profondément , attire toutes les eaux fourerraines & deffèche
les alentours. Une rivière qui coule fur un fol plus élevé que le terrain voifm ,
n'a pas cet inconvénient fi nuifible dans un pays brûlant & où malheureufement
les pluies font rares. Mais, dira-t-on , les débordemens feront plus fréquens ;
or il eft alfé de le garantir de ceux - ci par des levées , & c'eft le parti qu'ont
pris les habitans du bas de Limonade & du Quartier-Morin.
Les débordemens de la Grande rivière & du Foffé étant une caufe fré-
quente de ravages & un fujet continuel d'allarmes , il eft naturel que quelques
habitans aient cherché à s'en préferver. Vers 17 15 , on en vit même travailler
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M"l N G U E. 19^
à changer le cours de la Grande rivière , mais les cris des autres firent prC-crire
cette entrepnfe. On fe contentait donc de gémir ou de fe plaindre les uns des
autres , & il fallut toute l'incitation de M. Chaftcnoye , gouverneur au Cap
pour donner naiflànce en 1740 aux premières levées qu'on vit commencer f.r
les bords de la Grande rivière , afin d^ préferver divers terrains d'inonda^on
Ces travaux partiels, comme ceux entrepris depuis fur le Fofle, étaient impuiFars
contre la force qui les avait rendus néceffaires , & les ravages des débordement
ne changèrent que de direction.
On paffa plus de vingt ans dans cet état , mais les dégâts furent tels que cnir
du Fofle, notamment dans une crue d'eau, du 20 Novembre 1763 firent
craindre l'interruption de la communication de la paroiffe de Limonade avec forv
embarcadère &_ celle du Cap avec le Fort-Dauphin. Ces objets portèrent la
Chambre d Agriculture , à faire , le .6 du même mois , un mémoire rédigé par
M Fourmer de la Chapelle , l'un de Tes membres , & habitant de Limonade
ou l'on expofait aux Adminillrateurs , l'urgence d'oppofer des levées à l'eyh^ufT»'
ment des eaux de la Grande rivière & du Foffé , & à leurs dano-ereux effets '
D'après une vifite faite par l'arpenteur Deville , le 28 Janvier 1764 une
ordonnance du 3 Avril, prefcrivit une levée de cinq cens pas de lono- , fa, l'Lbi
tation Walfli , pour empêcher l'épanchement des eaux du canal, L fon moulin
dans le Foffe . lors des crues, avec une pelle à bafcule An ce canal, un travail
pour donner au FolTé, à la pafîe V^allh , un lit droit de vingt pieds de lar^e
fur autant de profondeur avec des levées , un autre travail pour ouvrir une
portion de Ht redrcffé au Foffé avec des levées ; on enjoignit de nettoyer ie lit du
Foffe de tout ce qui pouvait gê.er le cours des eaux & de le débaraffer auffitôc
après clique crue. L'ordonnance voulut encore que fur les levées de la Grande
nviere & duFoffé, l'on plantât du gros chiendent afin de lier le a terres cV
d entretenir amfx ces levées , fur lefquelles on défendit tout paccage d'animaux
• de même que la pèche dans ces rivières, à moins que ce ne fut a'vec des fen":
ou des filets 6. non pas à l'aide de barages & autres moyens permanens. Outre
ces rriefures _, on dirigea mieux le grand chemin du Cap au Fort-Dauohin , au-
d la de la nvc Orientale du Foffé , on le rendit plus folide , & on don a un
: i:;:;;^:r"^ ' '^''^' ^-^ '-- ^--^ ^^ - - —
M- De%uches& d'autres habitans , fe phigni^nt. De là une autre vifite
II
192 DESCRIPTION DE LA PARTIE
faite par un fécond arpenteur , en préfence de M. de Thoren , commandant au
Cap, & de tousles habitans intéreffés , le 2 Novembre 1764^ puis une inonda-
tion produite par le Foffé , dans la nuit du 27 au 28 Février 1765 , donna lieu
le i^^- Mars , à une autre vifite par M. Polchet , ir,. érieur & à un avis de M.
Duoortal, directeur des fortifications, aux lumières deCquels on ne poivait refufer
une' grande confiance. Les motifs d'intérêt public, que ces précautions multi-
pliéet ne firent que fortifier , déterminèrent les Adminirbrateurs à repouffer
l'oppoution de M^- Deftouch.es & des autres.
Il ell affligeant , mais nécefîaire de répéter , fans ceffe , qu'à Saint-Domingue,
les chofes iitiles n'obtiennent aucun foin. Une nouvelle preuve de cette vérité ,
c'eftque la levée faite fur l'habitation Deftouches , ne fut jamais ni entretenue,
ni réparée; auiïi en 1772 , les riverains de la Grande rivière revinrent-ils à.
parler de fon redreffement , parce que cette année fut une des plus célèbres par
les débordemens. En conféquence ,, M. Desforges , ingénieur , termina le 4
Novembre , des opérations qui off"raient le plan de ce redreffement, depuis un
point parallèle au bourg de la Tannerie , jufqu'à fon embouchure, & qui
réiulfait fon cours aux 7,583 toifes , que j'ai dit qu'il a , compté en ligne droite.
Le mois fuivan: , les riverains l'adoptèrent & au mois de Janvier 1773 , il reçut
des Adminiilrateurs la fanc^ion qui lui était néceffaire. Suivant la pradque
ordinaire , on crut encore que tout était confommé , par ces feuls préparatifs ,
& la Grande rivière , fit éprouver , le 17 & le 18 Oélobre 1780, des défafxres
irréparables. Elle fit craindre dans le bas de la paroiff- , lajonaion de fes eaux
avec le Foffé, & par conféquent , la deftruftion de l'embarcadère ; la communl-
cadon du Cap avec le Fort-Dauphin fut interrompue. Tant de maux réunirent
encore les habitans qui drefsèrent une requêce où l'on trouve l'expreffion fidèle
de leurs douleurs , & qui demandait aux Adminiftrateurs que les riverains
fuffent tenus de faire couper les rofeaux, les bamboux & les arbres plantés entre
le lit de la rivière & les levées, avec défenfes d'y mettre autre chofe que du petit-
mil , de l'herbe de guinée ou d'autres plantes analogues , incapables de gêner le
cours des eaux ; que les brèches des levées fuffent réparées , & que ces levées
fuffent affujetties à un fyftème général de préfervation contre les dégâts de la
rivière & que des prépofés publics les vifitaffent au moins une fois par an. Une
ordonnance du 2 Novembre 1780 , convertit ces propofitions en devoirs. Une
gutre du 17 , d'après la délibération des intérefles , rendit la précédente commune
aux
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 153
aux riverains de la Grande rivière , depuis la Tannerie- jufqu'à la paiTe à Viard.
La ferveur du moment fut même telle qu'une troifiême ordonnance du 24,
adopta le vœu des douze riverains , dont les habitations fe trouvent au-deiTcus
de la pafîe à Viard jufqu'à la lifière fupérieure de celle le Febvre , pour le
redreffement de la Grande rivière , dans la longueur d'environ 2,400 toifes qui
était entr'eux , conformément au plan de M. Desforges , du 4 Novembre 1772.
Qui n'aurait cru qu'enfin les grandes & utiles opérations du redreffement &
des levées allaient être terminées ! Cependant plus de trois ans s'étaient écoulés ,
lorfque de nouveaux ravages firent affembler des riverains pour demander quL>
M. Verret ingénieur-hydraulicien, & M. Naudet, arpenteur-général de la Partie
du Nord , fuirent chargés de faire des nivellemens & d'indiquer les moyens
propres à garantir l'îlet de Limonade, & la paroiffe du Quartier-Morin, des effets
dont les débordemens de la Grande rivière les menaçaient. Les Adrainiftrateurs
autorisèrent cette mefare , le 22 Décembre 1783. Tandis qu'on la rempliffait ,
un débordement en portant les eaux de la Grande rivière dans le Foffé , par
l'habitation Deflouches , ravagea cette habitation , & fucceffivement celles
Duménil , Fontenille, Walih & Montholon -, de manière même que dans cette
dernière , les terrains donnés aux nègres pour leurs cultures pe: Tonnelles furent
fous l'eau , durant plufieurs jours.
Alors M. Walfh implora le fecours du gouvernement qui ordonna, le 3 Avril
1784, à M. Verret d'examiner inceifamment ce qu'il fallait faire au Fofîe Ce
précieux artifte indiqua, le 8 , les moyens de s'y préferver à l'avenir. Ils confif
talent à nettoyer le lit du Foffé , à recharger les levées des deux rivières , fur les
habitations expofées , à les rendre exactement contigues les unes aux autres &
même à les prolonger jufqu'à la lifière de l'habitation Freze. Les intéreffés
approuvèrent ce qu'avait confeiilé M. Verret , & les Adminiftrateurs ratifièrent
leur confentement , le 15 Mai 1784.
Mais le redreffement partiel de la Grande rivière , depuis la paffe â Viard
jufques fur l'habitation Fontenille , foumis à MM. Verret & Naudet & fur
lequel ils avaient fini leurs opérations, le 9 Mars , refiait toujours à faire' Divers
habuans de Limonade & du Quartier - Morin fe réunirent , le 15 Juin chez le
notau-e-général, mais cette affemblée ne produifit aucune détermination Les
commiffa,res recoururent donc , de nouveau , aux Adminiftrateurs , & 'e a- dirent
cette grande venté, que l'autonté feule pouvait amener les hibitans à fiure ce
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194 DESCRIPTION DE LA PARTIE
que leur feul intérêt aurait dû leur commander. Le gouvernement montra de la
faiblefîè , & cette ûiblefle coûta encore trois ans. Enfin, le i"- Juin 1787 , les
riverains nommèrent deux commiflaires qui, le 19 Octobre , pafsèrent un
marché avec MM. Fage dit le Brun , la FofTe & Duvielh de Lardgue , entre-
preneurs, pour ce redreflement partiel , moyennant une fomme de 65,000 &
quelques cens livres. Au moyen d'une nouvelle affemblée du 21 Décembre 1787 ,
l'on convint que l'habitation Ménoire n'entrerait pas pour i-l, comme on l'avait
d'abord réglé , dans le payement des entrepreneurs, mais feulement dans les autres
frais & dans ceux de la totalité de l'entretien. On déchargea auffi l'habitation
Caftellane de -^ , Sz celle Tauzin de -J-^ , parce que les entrepreneurs confendrent
à prendre les travaux déjà faits par ces deux habitations. Il n'y eut donc à payer
que ^^^^^3 livres , montant des 1± dont, d'après la répartition du i"- Juin ,
l'habitation Fontenille devait 14 ; celle Dedouches , -J.~ ; celle Dumefnil , ^^4- î
celle l'Efcarmotier , ^ 5 & celle la Molère , i-?-- H eft réfulté de ce dernier arran-
gement, confirmé par une ordonnance du 9 Mai 1788 , qu'enfin la Grande rivière
a été redrefîee & qu'elle n'a plus que 1,300 toifes entre deux points où -elle en
avait environ deux mille auparavant ; de forte qu'elle ne parcourt plus de la
Tannerie à la mer , que 8,500 toifes.
Ces détails feraient peut-être longs s'ils n'offraient pas encore un trait du
caraftcre des Colons de Saint-Domingue. En ne comptant que depuis 1764
les premières idées fur le redreflement de la Grande rivière ôc fur ks
précautions à prendre contre les inondations du FoiTé i en comparant avec la
dépenfe que ces objets auraient exigé , les pertes éprouvées dans cet intc:rvalle &
les frais même de plufieurs travaux infufîîfans , faits ou renouvelles à chaque
débordement; que de millions perdus! Quelle leçon pour le gouvernement
qui partage une aulTi funefie indifférence !
Ce n'ell pas précisément pour n'avoir point redreffé la Grande rivière dans
toute fa longueur en plaine, qu'on mériterait le reproche d'une infouciance ou
d'une légèreté nuifible ; car c'tfi: une véritable queftion , de favoir fi ce plan
n'a pas suffi fes inconvéniens. Cette rivière ne creufera - t - elle pas fon lit
devenu droit & dans lequel les fables ne feraient plus retenus par les finuofités
que forment encore fes rives aéluelles ? En 1759 ' ^- Fournier de la Chapelle
& M. Fournier de Bellevue donnèrent une diieftion droite à la Grande rivière ,
k long de leurs habitations , fituées à fon embouchure 5 il en eft réfulté que h
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 195
rivière a creufé fon lit, & l'on s'tn eft apperçu par le deflechement des habi-
tations fupérieures. Des terres fableufes & légères qui donnaient d'abondantes
récoites parce qu'elles étaient toujours humides , font devenues tout-à-fait flérilcs
par ce deflechement.
On croit pouvoir annoncer cependant, qu'à moins que le travail des hommes
ne contrarie le cours naturel des chofes , le fond du lit des rivières de Saint-
Domingue doit s'élever. Prefque toutes font barrées par des batardeaux , fouvent
repétés i prefque toutes ont des prifes d'eau pour le fervice des moulins ou
pour l'arrofement des terres. Dans les tems ordinaires , les lits des rivières
reftentà fec; Les herbes y croiffent , & ajoutent à h confiftance du fable' qui
s'y affermit, & le fond s'élève parce que les eaux diminuées par les différentes
dérivations , n'ont même plus la force de chaffer les fables jufqu'à la mer.
Et l'on en a une preuve à Limonade dans la rivière du Foffé , dont
le lit eft plus élevé que celui de la Grande rivière. Cette différence' qu'on
évalue à huit pieds , n'a cependant pas toujours exifté -, d'anciennes obfervations
difent même que le Foffé était plus bas. Ce changement s'expliquerait par la
nature du fond du lit du Foffé, placé entre les monietsAe Limonade , & à leur
•pied. lia moins d'eau ,,. moins de vîteffe & par conféquent moins de pente que
la Grande rivière. Son lit eft coupé par trois batardeaux élevés , favoir ■
celui commun aux trois habitations Butler , de Berghes & l'Efcarmotier , celui
de l'habitation WalJh & celui de l'habitation Montholon , que l'habitation Wallli
entretient pour empêcher que le fond du lit ne fe creufe. Dans des débordemens
de la Grande rivière , le Foffé a reçu d'elle des graviers & des fables , qu'il
n'aura pu chaffer & même des arbres qui auront arrêté des fédimens ; enfin
& la Chambre d'agriculture le difait en 1763, il avait une embouchure affez
poiffonneufe pour attirer des nègres formant des eftacades , afin d'obliger les
poiffons à donner dans leurs paniers. Tant d'obftacles formés dans diverfes
parties de fon cours, feront devenus des points d'appui pour les terres & les
fables qu'il recevait. Les plantes marécageufes ont amoindri fon embouchure
&*leve fon fo] de proche en proche, au point qu'en 1763, on le regardait
ckja comme prefque au niveau des terres à la paffe à Viard.
La paroiffe de Limonade réunit toutes les cultures. Elle contient trente fept
facrenes qu'on peut divifer en trois claffes , favoir : quatorze dans la première ,
qm donnent quatre millions de fucre blanc , quatorze dans la féconde, qui
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f
196 DESCRIPTION DE LA PARTIE
en produifent trois millions , & neuf dans la troifièmc , qui en rendent un
million ; trois indigoteries , quatre tuileries , poteries & briqueteries, fept guildi-
veries ou manufaftures à tafia, & 160 cafeteries & 54 places à vivres.
On eft étonné de voir les deux extrêmes réunis dans un lieu auffi recom-
mandable pour fes produflions. A l'extrémité Sud-Eft de la plaine, fe trouve
une favane qui porte le nom de favane de Limonade. Elle a une lieue carrée
de furface ; formée en dos d'âne, elle ne reçoit aucune des dégradations des rr. ornes.
Tout annonce que ce terrain a été couvert par les eaux de la mer, et formait
la plate-forme d'un reffif ou plutôt d'une caye. La couche de terre crétacée qui
couvre ce terrain , peut avoir dans fa plus grande épaiffeur vingt ou vingt-cinq
pieds. Au-deffous , fe trouve un lit de fable ou de gravier. Lorfqu'on
y eft parvenu par la fouille , l'eau comprimée s'élève par les ouvertures qu'on
avait creufées fans rencontrer d'humidité , & vient jufqu'à la hauteur du fol.
Dans les tems de pluie , ces ouvertures vcrfent l'eau par-defTus leurs bords &
fourniffent des ruiffeaux , qui coulent tant que durent les pluies. Ces elpèces
de molières ont mis quelquefois en grand danger le voyageur & le cheval qui
le portait , parce que la couche fupérieure en s'afFailTant & donnant paflage à
l'eau, s'y délaye & fait croître quelques herbes qui dérobent la vue du précipice.
Cette favane a été une propriété de M. Franquefnay , qui y trouva la mort
en 1691 , & qui y avait établi une hatte en 1685. Ce fut en confidération de
cette polTeffion primitive, que M. de Butterval, l'un de fes neveux, y obtint
une conceffion , lorfqu'au mois de Juin 171 1 on réunit la favane de Limonade
ainfi que les raques de Caracol & de Jacquezy , réunion par laquelle M. de
Charrite fe trouva privé, avec juftice , de la conceffion qu'il s'était fait faire de
toute la favane. Les Adminiftrateurs y léfervèrent une commune aux habitans
du.Cap pour y faire paître des animaux. Il y a dans les extrémités fupérieures de
la favane plufieurs petits établiffemens de gens de couleur , où l'on peut dire
qu'ils végètent.
A î'Eft de la favane , eft la raque qui , félon le cours de la ravine à Grimaud ,
a des parties dans la paroiffe de Limonade ou dans celle du Terrier-Rouge.
Cette raque d'une demi-lieue carrée , n'offre qu'un coup-d'œil trifte , auquel
la favane a préparé , & qui , à l'on tour , annonce la favane de Caracol , que le
voyageur qui parcourt le grand chemin du Cap au Terrier-Rouge , trouve un
peu moins aride que la première.
«L
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
Au Nord-Eft de la raque , qu'on connaît auffi fous le nom de raque à Budan
parce qu'elle a. au Nord , une petite fucrerie de ce nom, eft une autre fucrerie^
qui fans être dans un terrain fertile , offre dans fa végétation un contrafte
■ ^"'T\r'.' '''"' '' "^"^ l'environne ; c'eft l'habitation Conégut, la dernière
dans le Nord-Eft de Limonade. cierniere
, Entre la favane & la rivière du Foffé , en venant conféquemment à l'Oueft
eft une portion de terram cultivé où font notamment les deux fucreries Montholon'
& la Chevalerie. Cette portion s'élargit en gagnant dans le Sud. Elle s'aopelle la
plasne vafeu/e dans fon point le plus Nord , ce qui indique affcz bien la n;ture de
Ion fol que a mer avoifme. La favane , la raque , & cette portion cultivée^
forment enfemble une efpèce de carré long, borné à l'Eft par la ravine à
Grimaud, au Nord par la mer, à l'Oueft par le FofTé depuis fon embouchure
.^ufqu^a la paffeàViard, & au Sud par le chemin qui va'du Cap a: T^^-
Supérieurement à ce carré , en eft un autre plus étroit qui a ce chem"
Nord , la ravine à Grimaud à l'Eft, le chemin du Cap au bou . du T "
Sud & la Hviére du Foffé , l'Oueft. Toute fon étendue ft Lé Z::
a TEftou cft un peu de bois. "uive^ , excepte
Encore au-dcITus de ce fécond carré , eft une troifîème portion de ni.'
termtnee au Nord , par le chauvin du Cap au Trou . à PEft p'ar a av e1 G ■'
maud jufqu'aux montagnes , au Sud par ces mo„ta»„es & S l'olT
petite chaîne élevée qui gagne du Sud vers le Nord & dont les pefe uf T"
,u, vont, avec des intervalles , fe prolongerjufques U.i-uZZy^lZZ
ce qu'on appelé les Mornets ou les Platons. ' ^"""^
Cette portion plane eft d'une forme irrégulière dans fa partie Méridion.]
parce que les montagnes y forment des avancées & des culs de lamne ^ '
trouve auffi des plans plus ou moins inclinés & qui partie o^nV 7 ^" °" ^'
H plaine a. de la montagne. La partie Eft ^^^::iZ^ ^1^^ '' ,
étendue à caufe d'un enfoncement au Sud eft 1-= canton A d P^"'
dépend de Li.onade^ On ne peut douter '^';::'::Z^;::t!^''
Erpagnol. , car les Fran Jis 1 " „è f ^co^l 1'"°™"'= '^ '""^ P- '«
Colonie o. Ln „. quelques roucot^eT uT^^ u " IL"" ''"''' ''^ "
Î98 DESCRIPTION DE LA PARTIE
La portion de Roucou , appelée la grande Raque , parce qu'elle était comprife
autrefois dans l'étendue qu'on nommait les Raques de Caraco! , offre des terres
d'une couleur fort noire. Elles font le produit de la putréfaftion des végétaux &
delà précipitation du fer qu'elles contiennent , parles matières végétales aftnn-
gentes -, ce qui forme une elpèce d'encre , d'où réiulte la nuance de cette terre. Si
Ton y ouvre une tranchée , la fouille met alternativement à l'air , des terres
rougcâtres & noirâtres. Il v a apparence que les parties de ce terrain où la terre
iioire fe trouve à une plus grande profondeur, font celles où des arbres ont végète
& pourri fur le fol qu'ils on: coloré & enrichi. Avec des pluies bien réglées-ces
terres noires font très-productives , furtout en grains , & la végécaticn y eft
prodigieufe -, mais elles font très-fufceptibles de l'aftion de la iechereffe & les
plantes y foufFrent dès (Qu'elle sV fait fentir. Ces terres noires qui font les meilleures
en Europe & dans les pays froids , s'échauffent beaucoup trop fous la Zone
Torride^ parce qu'elles font intimement pénétrées par les rayons folaires. Les
fouliers ne fuffifent pas quelquefois pour préferver les pieds de la chaleur que le
Soleil communique à cet're terre & l'eau qu'elle reçoit d'abord y devient tiède.
Étant cuite , en briques , cette terre eft rouge , ce qui décèle & fa nature argileufe
& lapréfence du fer. Elle eft cependant affez légère , affez perméable pour fervir
au terrage du fticre.
Roucou a pour l'arrofer, la ravine à Grimaad , limite Orientale de toute la
T:artie plane de îa pareille de Limonade, & la ravine à François qui eft dans^
i'Oueft de cette première.
La ravine à Grimaud qui nak fur l'habitation Coulomb, traverfe celles Fildié &
Budan , & va fe jetter à la mer à l'Eft de l'habitation Conégut. Elle a donné-
dans plufieurs mefurages treize livres d'eau par féconde. Elle tarit très-fouvent.
Ceft fur fes bords que font nés MM. de Chabanon , & Chabanon de Maugris ,
frères, dont je parle plus loin. ,^
La ravine du capitaine Françoticis , ainfi nommée d'un Colon qui commandaiiî
l'artilleiie & qui fut tué fur fes rives à la bataille de Limonade en 1691 , nak
fur l'habitation Pufterîe à Roucou ,& parcourt celles Fournier de Varenne &
le Memonnois pour aller gagner la mer à travers la favane de Limonade. Dans
les temps moyens , cette ravine donne 38 livres 4 onces d'eau par féconde i eEe
coule les deux tiers de l'année.
FRANÇAISE DE S A ï N T - D O M î N G U E, 155
^ Un habitant de Roucou a confacré à la nymphe de cette eau un petk bofquec
avec un bain & cette infcription :
Nayade de Roucou , que ton onde docile
Coule pour l'agrément & pour l'utilité ;
En embellilTant mon afile , •
A mes champs altérés , rend la fertilité.
En allant de la grande raque de Roucou vers l'Occident, on trouve prefqu'au
miheu de la furface plane que je décris en ce moment , une avancée de mon
tagne dirigée du Sud au Nord , & dont la dernière fommité eft app-^IIée le
morne de Bellevue -, fon extrémité n'eft qu'à environ 400 toiles du chemin du
Trou. Ce morne forme une efpèce de point de partage entre les mornes de
pierres calcaires & ceux de pierres vitrifiables. A l'Eft & au Sud les mornes
n'offrent point des premières, tandis que ceux du Nord & de l'Oueft en font
remplis. Les pierres du morne de Bellevue & celles de Roucou font fchifteufes
& unies dans leurs fciflures , par un ciment calcaire.
Après avoir gagné la chaîne qui finit par les mornets & traverfl la ravine ^
-l'Anguille ,- on trouve un enfoncement pkne qui s'appuie au Nord fur h
chemin du Cap au Trou , à l'Oueft fur la Grande rivière , au Sud fur une petite
pointe de la furface de la paroifîe Sainte-Rofe & An les montagnes du Bois de
Lance , & à l'Eft iur la chaîne qui va former les Mornets. Cette fuperficie ' "
eft moins large à fa bafe Nord , a fur fon bord Sud-Eft l'églife & le presbvtè"'
de Limonade, environnés d'un terrain appartenant à la paroifîe, & qui ffa'^
partie autrefois de l'habitation Dumefnil, provenue du Sicihan Amat, architecC^
direfteurde l'églife faite à Limonade en 1707. L'églife & le presbytère fo,n
ifolés dans une favane , où l'on entre par une barrière pratiquée fur le chemin de
Limonade au Bois de Lance , ouvert en 1708 , & qui a é.é , ainfi que le pont
fait alors lur le folié, & dont l'égHfe de Lim.onade n'était qu'à 200 toifes la
caufe^de la renonciation des habitans du Bois de Lance à former une paroilTe
féparée.
Les fêtes & les dimanches il y a un marché dans la favane du presbytère'
dont la fituation ^eft propice pour les tranfports que les nègres des montagnes v
font des vivres qu'ils ont à vendre On a depuis plufieurs années le projet de
mettre ce marché au milieu d'une rue de 170 toifes de long fur 90 pieds de
large, dont les emplacemens de chaque côté auraient 60 pieds de face '& 66
lOO
D E S-C^ IPTION DE LA PARTIE
de profondeur fur fon côté Nord , & 75 fur fon côté Sud. Ces emplacemens
feraent donnés à la charge d'une redevance , au proEt de la paroifle. Ce plan
qu'on pourrait blâmer en ce qu'il ne laifîè point dans cette rue une ouverture
pour aller gagner l'églife , qui lui eft parallèle au Sud , fera d'une très-
difficile exécution -, parce que le bourg de l'embarcadère de Limonade déjà
a^^randi , eft un rival oui a trop d'avantage pour que beaucoup de perfonnes
veuillent réfider habituellement dans ce fécond entrepôt , & le marche de
Sainte-Suzanne eft devenu encore un nouvel obftacle.
Après avoir dépaffé l'Églife , on va , au Sud , chercher ie canton du Bois
de Lance qui fe fabdivife en d'autres petits cantons dont l'un placé fur fon côté
Eft , vers l'habitation Lefcarmotier , s' appelé la plaine d'E/prit ; le Bois de Lance
■a douze fucrcries qui fabriquent trois millions de fucre blanc. C'eft vers le haut
de ce canton , qu'était la paroiiïe du Bois de Lance , dont j'ai affez parlé. On va
du Bois de Lance au Quartier- Morin en traverfant la Grande rivière à la paffe à
Viard , première communication des habitans , lorfqu'ils dépendaient de Iz
parorffe du Qiiarder-Morin.
Dans le Bois de Lance , près de la Grande rivière & à une demi-lieue au-
defîbus du bourg de la Tannerie , eft le morne à Mantègre , gros monticule
détaché de la chaîne des montagnes du Bois de Lance. Il eft préfumable que la
Grande rivière a eu autrefois fon cours dans cet intervalle , parce que dans fes
débordemens , elle s'y eft jettée & qu'on a été obligé d'y placer des levées pour
en être garanti. Le morne à Mantègre qui eft affez roide dans fes pentes , a fervt
quelquefois d'afik au^x nègres marons. Colas furnommé Jambes coupées , nègre
eiclave de M. Doze , qui fut exécuté au Bois de Lance > au mois de Juin 1724 ,
ne l'a rendu que trop fameux , pendant quatre ou cinq ans , par les ravages de fa.
bande. Le furnom de Mantègre lui a été donné , dans l'origine , par l'abondance
des cochons marons qu'on y trouvait & dont on tirait le faindoux appelé mantègre-
par les Efpagnols.
Enfin il n'y a plus à connaître dans la plaine que ee qu'on y nomme l'îlet de
Limonade. C'eft tout l'efpace compris entre le Foffé etla Grande rivière , et que
le canal du moulin de l'habitation Carbon ou Bullet borne au Sud , en faiianr
paffer une portion d'eau de la Grande rivière dans le Foftë ; et que la mer achève
«l'entourer au Nord. L'îlet de Limonade , dans lequel fe trouve conféquemment
une partie du terrain de quelques habitations du caston du Bois de Lance , que
le
-•^
■5^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE- aoi
le Foffé partage , a peut-être le terrain'le plus fertile de la Colonie ; c'eft cepen-
dant celui qu'on a lailTé fi long-tems en proie aux débordemens & du Foffé
& de la Grande rivière.
A ce fujec d'étonneoient , s'en joint un fécond, c'eft que tandis eue la
Grande rivière pourrait procurer des moulins à prefque toutes les fucreries de
la paroiffe , & que les eaux du Foffé groffies de k vid- de l'habitation Buliet
entont mouvoir fept, il n'y en ait qu'un à la rive Occidentale de la Grande
rivière , fur l'habitation Fournier de Bellevue.
Le premier moulin à eau de la paroiffe , a été celui de l'habitation BuUet M
Carbon alors fon propriétaire , étant fur les deux rives de k Grande rivière & du
Foffé, fit une prife d'eau fur k première & jeta i^ vide dans le fécond
L'habitation Butler en fit une fur le Foffé , au-deffus de cette vide. En vain
l'habitation Brémond , riveraine de la Grande rivière , voulut-elle lui difputer
cette poffeffion , elle conferva la préférence due à l'antériorité de fon moulin
L'habitation Caftellane ou de Berghes traita avec celle Butler pour l'eau de fa
vide, 8c l'habitation l'Efcarmotier , à fon tour , avec celle Caftelkne, & toutes les
trois concoururent à l'entretien d'une prife d'eau & d'un batardeau. L'habitition
d'Offemont , devenue l'habitation Wallh , fit auffx un batardeau fur le Foffé & un
moulin , & l'habitation k Chapelle, aujourd'hui Montholon , en fit un au-deffous
Comme cette dernière avait peu de chute, l'habitation Wallh a, par arrangement*
confenti à en perdre deux pieds , qu'elle lui a tranfmis , & k première a renoncé
à une fervitude qu'elle avait achetée fur l'habitation Wallh pour fes canaux M
Fournier de la Chapelle, propriétaire alors de l'habitation Montholon, avait
obtenu k conceffion de l'eau de fa vide pour k porter fur fon autre habitation
de Limonade , près de k Grande rivière , mais l'habitation k Chevalerie pkcéc
au-deffous de celle Montholon , a contellé cette conceffion Se l'a fait anéantir
& par des conventions affez récentes, l'eau de k vide Montholon eft deftinée
m moulin de k Chevalerie ; voik les fept moulins du Foffé.
Les paroiffes de la rive Oueft de k Grande rivière, n'ont pas négligé le
précieux avantage de fon eau , comme le fera voir k defcription de k paroiffe
du Quartier-Morin & de la paroiffe de k Petite-Anfe. Les premiers moulins
a eau de Limonade ont été faits par M. Fauconier.
Je fuis encore obligé de dire qu'il y a plus de dix ans que divers habîtans
de 1 ilet de Lmionade fongèrent à un çtabliffemçnE de. moulins à eau , au moyen
:i
Tom. I.
Ce
VI
202
DESCRIPTION DE LA PARTIE
d'une éclufe cominune fur la Grande rivière , mais que cette utile entreprife a
rencontré des cpporicions & de ia part de ceux qui ont craint qu'on ne les obligeât
à un partage plus rigoureux de l'eau de cette rivière , & de celle d'autres
habitans qui fe font criis autant de droits que ceux qui voulaient avoir des
machines hydrauliques. De ces contrariétés , eft réfulté la perte de l'eau
d'autant plus précieufe , que les fécherefles deviennent plus fréquentes. Ce fut
en réfiéchiiTant iur ces circonftances qui appellaient l'induftrie , que M. Verret
engageait le gouvernement, au mois de Mai 178.^ , à faire vérifier fi l'eau de
quelque rivière, par exem.ple de celle du Dondon, ne pouvait pas fervir à
augmenter les eaux de la Grande rivière , & fi par une répartition éclairée de
l'eau & furtout de la chute , trop peu calculée jufqu'ici , on lis pourrait pas
donner ou des moulins à eau ou des moyens d'arrofement aux trois pàroilTes de
Limonade, du Quartier-Morin & de la Petite-Anfc. Ce favant hydraulicien n'a pas
été écouté , & les chofes font encore ce qu'elles étaient alors.
Eu commençant par l'Eft la defcription des montagnes dépendantes de la
paroiffe de Limonade , on trouve d'abord le canton de Sainte-Suzanne, quia
pour principaux habitans des gens de couleur. On y fait un peu de café , mais
beaucoup de vivres. Plufieurs habitations ilicreries viennent fe terminer à la
pente de ces montagnes, La difficulté de participer aux fervices fpirituels de
i'églife parouTiale , a porté les habitans de la partie montagneufe à foUiciter
l'établifîèment d'une fuccurfale à Sainte-Suzanne. Elle a eu lieu fous l'invocation
de cette Sainte, fc lapremière mieiFey a été folemnellement célébrée le 23 Juillet
1780. Elle eft dans une favane où l'on dreiïait un autel ambulant, fur lequel le curé
de Limonade venait offrir le facrifice tous les fix mois, & baptifer les enfans.
M. Fournier de Varenne , commandant de la paroiffe, envoyé en 1779 P^^''
exciter les hommes de douleur à s'enrôler pour l'expédition de Savannah ,
projettée par M, d'Eftaing , qui était encore aux Mes du Vent, après avoir
prêché pour la guerre fur le fol où fe plaçait l'autel du Dieu des armées ,
propofa une foufcription pour la luccurfale, & elle fe monta fur le champ à
7,500 liv. L'un offrit les bois, l'autre la main-d'œuvre, l'autre le tableau de la
patrone , à condition qu'on ia ferait reffemblante à M^^- Viviez, l'une des jolies
femmes de la ville du Cap; tous fe chargèrent de contribuer aux charrois; M.
Bouchaud donna d'anciens ornemens d'une loge de franc-maçons. L'églife a
été faite , un vicaire à demeure placé 3 un marché très-confidérable , utile aux
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 203
montagnes & à la plaine, établi. Par fon moyen, les nègres des mornes ont
connu l'aifance & il a multiplié leurs cultures.
En 1769, M. Doré , alors doyen des notaires du Cap, fit lâcher dans les cafiers
de fon habitation de Ste-Suzanne , entourée de bois , trente cailles huppées des Illes
efpagnoles qui y peuplèrent confidérablement. Il avait pris la précaution de faire
femer du millet, du farrazin ou blé noir, de l'avoine & des grains de la
Colonie , pour retenir ces oifeaux qu'on trouve auffi dans la partie Sud de l'île.
Mais il y a plus de cinq ans , que les chats marons & plus encore les nègres , les
avaient prefqu'entièrement détruits , & cet effai utile ne fervira peut-être qu'à
prouver encore la difficulté de faire le bien à Saint-Domingue.
Le canton des Côtelettes eft aride & comme épuifé. C'eft un des premiers
qu'on a établis dans cette partie , & il ferait défirable qu'on le confacrât à l'édu-
cation des animaux que chaque jour rend & plus rares & plus chers^
Le Moka neuf, canton auquel ce nom pompeux fut donné , parce que fa
culture première était celle du cafier , eft loin de le mériter à préfent. Le fol , à
en juger par la fupcrficie , ferait une vraie terre ptomife , mais à un pied de pro-
fondeur , un tuf d'une argile foîidc arrête le pivot du cafier, de manière que cet
arbufte qui excite les efpérances pendant la première & la féconde année , décline
enfuite & les trompe. Au centre de ce canton , eft une rivière qui prend fa
fource au bas de la montagne connue ibus le nom de Xd. Friandij'e, & qui le fépare
d'avec celui des Côtelettes. Son cours eft dirigé au Sud-Oueft ; après avoir reçu
la ravine à Commiffàire qui coule dans le Moka Se le Fond-Bleu , elle s'appele
fimplement la ravine à Picaut ; elle fert de ligne de démarcation , depuis fon
point de jonction avec la ravine à ComraifTaire jufqu'à fon embouchure dans la
Grande rivière, entre la paroiffe de Limonade & celle de Sainte-Rofe. Sous ce titre
humble de ravine , elle tranfporte un grand volume d'eau , & acquiert une
étonnante rapidité dans les débordemens. C'eft au Moka que les habitans de la
partie montagneufe de la paroiffe de Limonade , paffent la revue , pour éviter
leur déplacement.
Le canton du Fond-Bleu , moins favorifé que le précédent par les pluies des
Nords j fans doute , à caufe de la difpofition de fes montagnes , en eft bien
dédommagé par la nature de fon fol qui , en général , eft une terre franche & un
foij pourri 3 où k cafier réuffit parfaitement & dure vingt-cinq & trente ans j dans
W
C c 2
.1
204
DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'expofition Nord. Celle , au Sud ; plus frappée du fokil h où la terre eft légère
convient mieux aux vivres du pays.
Les cantons des Bois-Blancs & du Bois de Lance en montagnes , ne font qu'une
petite bande qui n'offre aucun détail particulier, fi ce n'eO" qu'en 1711, on
voyait au Bois de Lance , Pierre d'Imba , nègre libre . âgé de 103 ans, qui
jrvait commandé à Carthagène , en 1697 , la compagnie des nègres libres de la
dépendance dujCap. èc Jean Euftache Lamondière , autre nègre libre, qui avait
été enfeigne de cette compagnie.
Ce que j'ai dit du Fond-Bleu , donne lieu d'obferver , en parlant des mornes j
qu'en général ia face qu'ils préfentent vers la mer, efi: peu propre à la culture du
cafier. Au furplus , dans les montagnes de Limonade , cet arbufte comm.cnce
à rapporter plutôt qu'à la Marmielade & au Dondon. mais fa durée moyenne
n'excède guères dix ans , parce que le fol dépouillé de fa terre végétale fc refufc
à en produire.
On peut évaluer à 3C0 milliers , le café de Sainte-Suzanne; à 500 m.illiers
celui des Côtelettes ^ à 700 milliers , celui du Moka; & à 700 milliers, celui du
Fond-Bleu. Total deux millions , deux cens mille livres pefant.
Mais , je le redis , c'erb un réfultat que chaque année verra décroître. Dans
quelques endroits , le cafier eft envahi par l'herbe à panache (*) , plante dont
on fait , lorfqu'elle a pris tout fon accroiflement , des couvertures qui durent
trois fois autant que celles de têtes ou tiges de cannes à fucre. Les habitans
inettent le feu tous les ans dans ces herbes à panache , dont les beftiaux broutent
les jeunes pouffes , mais cette méthode elle-même , amène la ftérilité ; car les
plantes dont les vents & les pluies difperfent &: entraînent les cendres , ne rendent
rien au fol. Dans d'autres endroits , ce fol abfolument abandonné , fe couvre de
hallicrs & enfin de bois. Au bout de vingt-cinq & trente ans , il devient fufceptible
de rapporter du manioc pour retomber dans un état de ftérilité beaucoup plus
.long.
On trouve plufieurs mines dans l'étendue de Limonade. La plus connue , eft
celle d'aiman du petit morne, dit de Limonade , ou morne à Békly, ou morne
d'aiman. Le nom de Békly , lui eft venu d'un Anglais, fort riche, auquel il a
(*) C'eft un Andropogon. Bomare appelé cette plante. Barbon. On s'en fen aufli en.Guinée.»
Dcur couvrir les cafçs=.
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. .05
appartenu, ainfi que tout le terrain placé au-deiTous jufqu'à la baie de Békly &
au-deffus jufques vers le morne à Bellevue ; & le nom de morne ^Camcn L h
nature Ce morne a environ cinq carreaux de fuperficie -, ce n'efc que dans fes
faces Nord & Sud , qu'on trouve la mine qui a , dans fa caflure , tout le brillant
métallique , il n y en a point dans celles de l'Eft ou de l'Oueft. Il eft fitué furie
bord Nord du chemin du Cap au bourg du Trou , à un point qui irait dans le
Nord trouver, a environ trois mille toifes fur l'habitation Conégut , l'intervalL
qui eft entre le côté Nord-Oueftde la baie de Békly & le côté Sud-Eft de la baie"
de Limonade. Cet aiman eft une mine de fer noirâtre très-riche qui fe montre
en maffes alTcz .confidérables & ifolées fous fa forme métallique & qui a probable
ment fubi l'aftion du feu , parce que fes parties pulvénfées font attirables à
l'aiman. Le minerai produit, à l'eftai, j.ufqu'à deux tiers de fon poids en fer On a
remarqué que le fommet de ce morne qui offre des pointes, eft fouvent frappé de
la foudre. La maifon qu'on y a bâtie , à plufieurs reprifes , a toujours été
incendiée par le feu du Ciel , tandis que le voifinage eft épargné. 1\ eft vraifem
blable que la mine de fer fert de coadufteur à la matière éleélrique de i'atmofphèrë
& aux émanations de celle du Globe Terreftre.
Ceft même un bruit populaire qu'une grande quantité de pierre de cette mine
embarquée par M. Texier , arpentetir de la paroiffe, il y a quarante ans , a caufé
ia perte du va.ffcau dont on n'a jamais eu de nouvelles. Les arpenteurs affurent
que le morne a Bekly agit fur leurs bouftbles & ce motif a empêché plufieurs
conteftations de terrain. Les environs de ce morne , au pied duquel coule dans
l'Eft, la ravine du capitaine François, font cultivables, ce qui eft fufceotib'e
d€ fervir à la culture de la canne ne s'étend pas loin. La fuperficie eft un terre-u
noir & l'mténeur une marne argileufe où l'on trouve des parties calcaires
réparées; cette marne fe difîbut très-vite dans l'eau. Plus l'on creufe plus U
partie calcaire domine. ^ ^
MM. Fournier de Varenne & Dubourg qui ont acheté en fociété le morne à
Békly & une portion de fes alentours , en ont tiré de la pierre. M de Varenne
.n a fait prendre 80 ou 100 toifes cubes. Son fommet qui était ftérile, offrais
autrefois un jafmm d'une étonnante groffeur. Sa partie Orientale eft compofée
d'une pierre feuilletée , point minérale , point pefante & qu'on nomme à Sain^
Dommgue , pierre pourrie ou roc pourri ou roche pourrie
. Ou trouve dans le canton du Bois de Lance , des traces des travaux entreprfe ,
^usâ
206
DESCRIPTION DE LA PARTIE
■■]
du temps des Efpagnols , pour l'exploitation d'une mine d'or. J'ai dit que fur
l'habitation le Roux des Ifles , fituée dans ce canton , on voyait des débris de
quartz qu'on prétend avoir été tirés dans une ancienne exploitation d'une mine de
cuivre. Ce canton annonce par fon aridité Ton état de mine.
Les fables du Foffé ont montré du cuivre natif, & l'on en a trouvé un morceau
aulTi dans la Grande rivière , vis-à-vis la Tannerie , uni à un morceau de gangue
quartzeufe , qui conftatait l'origine de ce cui^^re natif. Enfin les cantons de Sainte-
Suzanne & des Côtelettes contiennent des mines de cuivre qu'on avait commencé
à travailler. C'eft vraifemblablement de toutes ces mines que parle Hcrréra &
qui dépendaient de Porto-Réal.
Limonade paraît avoir été très-peuplé avant la découverte de l'Ifle. On trouve
à chaque pas , des débris des uftenfiles des indigènes qui l'habitaient.
La côte qui borde la paroifîe de Limonade au Nord , cil digne auffi de nos
obfervations. Dans la defcription de la paroifTe du Terrier-Rouge , l'on a vu
qu'un efter appelé de Caracol , forme le côté Occidental de la baie du même
nom. Comme cet efler femble compofer un tout folide , à caufe des mangliers ,
dont il eft garni, on l'a confidéré comme tel. L'intervalle qui le fépare du rivage
de l'extrémité Eft de la paroifie de Limonade , eft ce qu'on a décoré du nom
ce baie de Limonade dont le fond va fe tourner vers le fond de la baie de Békiy.
Sa pointe Eft qui eft le bout Nord-Oueft de l'efter de Caracol , fe trouve à une
lieue de la pointe de Caracol , autre bout de cet efter. La longueur du goulet de
cette baie eft de 280 toifes , fur environ 60 de large; la longueur de la baie ,
dirigée Nord & Sud eft de 600 toifes fur une longueur moyenne de 400 toifes ;
fa profondeur eft de cinq à fix pieds. C'eft dans l'angle Sud-Oueft de cette baie
qui borde la plaine vafeufe où eft la fucrerie la Chevalerie , que fe jette la rivière
du Fofîe de Lim.onade , allant prefque du Sud-Oueft au Nord-Eft dans la partie
inférieure de- fon cours.
Sur la rive Orientale du FofTé , à environ une lieue de fon embouchure actuelle
& dans la partie la plus élevée de la favane de Limonade , on a trouvé fur un
^ terrain, dépendant à préfent de l'habitation Montholon^ à deux ou trois cens toifes
des bâtimens de cette habitation , les fondemens d'un fort, confidéré comme
celui de îa Nativité , conftruit au mois de Janvier 1493 , par Colomb. Ces
fondemens étaient de la pierre aimanîaire du morne à Békly. Ils ont été démolis
pour conftruire les bâtimens de l'habitation Deftouches à^qui ce local appartenait
alors.
"^"•^"W
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 207
En fuivant Herréra , on voit que Colomb venant avec Tes deux caravelles
pour voir Guacanaric, il mouille à quatre ou cinq lieues ( marines ) du port
Saint-Thomas , (qui eft celui de lAcul à l'Oueft du Cap) , dans un endroit où
eft un paffage qu'il remarqua & qui eft Caracol , comme je l'ai établi ailleurs.
Retourné à fou bord le foir pour prendre du repos , après avoir traité avec le
Cacique, fa caravelle eft entraînée par les courans durant la nuit, à une demi-
lieue ( marine ) fous le vent ( dans l'Oueft ) de l'autre caravelle, c'eft-à-dire
de Caracol vers Limonade. Il fait avertir le Cacique de fon naufrage, en lui
faifant dire que ce malheur eft arrivé à une lieue & demie ( marine ) de fa
demeure, ce qui conduit bien vers l'embarcadère de la Petite-Anfe, & marque
encore. Limonade pour le lieu de ce naufrage. Les Efpagnols regardent cette
perte comme un ordre d'en-haut pour fe fixer dans ce lieu , & CoTomb voulant
laiffer quelques Caftiilans dans l'î[e, fe détermine à faire un fort des débris de
la caravelle. Ayant nommé Caracol Port de la Nativité , du jour où il y eft
entré , il veut que le fort foit le fort de la Nativité , & il eft confié à trente-neuf
Caftilkns , dont le chef eft le capitaine Diego de Arena.
Maintenant il s'agit de voir comment le Château de Colomb ( c'eft le nom des
ruines trouvées fur l'habitation Montholon ), peut être le fort de la Nativité.
Je lis encore dans Herréra , qu'au fécond voyage de Colomb & le 27
Novembre 1493 , la fiotte aborda à l'entrée du Port de la Nativité (Caracol),
où l'Amiral apprend par des Indiens venus à fon bord en canots , de fâcheufes
nouvelles de ce fort. Que le jeudi 28 toute la flotte entra dans le port & qu'on
vit aufTitôt que la fortercffe était brûlée ; ce qui pouvait bien être découvert de
cepoint, puiCquede l'embarcadère de Limonade on apperçoit un pavillon bâti
fur l'habitation Fournier de Varenne , à Roucou. Que Colomb defcend à terre &
ne trouvant perfonne qui pût lui rendre compte de ce qui s'était paiïe , il entra
avec des barques dans une rivière & commanda qu'on nettoyât un puits qu'il
avait fait faire à la fortereffe , l'on n'y trouve rien , mais feulement, aux environs,
des habits de Chrétiens , & proche de la fortereffe fept ou huit perfonnes
enterrées , que leurs vêtemens firent reconnaître pour des Efpagnols.
Ainfi , le fort de la Nativité n'était pas fur le rivage de Caracol : on remon-
tait une rivière pour y aller -, & quand on rapproche ces localités des ruines
trouvées fur les rives du Fofîe , dont l'embou^chure a dû s'avancer vers la mer,
comme le refte de cette cote ,& éloigner par conféquent le fort du rivage j il
eft impoffible de ne pas reconnaître l'identité de ces ruines avec le fort de la
1
V:
ao8
DESCRIPTION DE LAPARTIE
Nativité. Une feule chofe peut embaralTer, c'eft que l'hiilorien dit un fort
bâti de bois & qu'ici les fondcmens font de pierres d'aiman &, de briques , même
d'une grande dimenfion ( car j'en poffède une que j'ai prile fur le lieu & qui
a quelques marques ) ; mais le fort de bois pouvait être fur une affife de briquea
dans un lieu qu'Herérra dit que Colomb abandonna , le 7 Décembre 1493 , Se
à caufe du mafîacre & parce que c'était une terre fort baffe où il n'y avait ni
pierres ni matériaux p3ur bâtir.
Un fait confiant , c'eft que les Indiens avaient des vafes 6c des fétiches de
terre cuite, & en fuppofant tju'ils ne filTent pas de briques, les Efpagnols ont
bien pu avec de l'argile & la manière dont les Indiens cuifiient leurs vafes ,
faire des briques pour en compofer la bafe de leur forterefîe. Il ne leur aura pas
été difficile non plus d'aller prendre des pierres au morne à Békly. Une
tradition confiante appuie le fait, & l'on a encore trouvé en 1784, lors d'une
fouille pour le canal du moulin de l'habitation Montholon, non loin du château ,
une efpèce de tombeau où il y avait vingt-cinq cadavres qui n'appartenaient point
à des Indiens , puifque leurs têtes n'étaient point applatics. Ces corps dont on
diftinouait la charpente olTeufe étaient dans la même direélion & parallèle-
ment difpofés , ufage que l'on fait qu'avaient les Indiens pour leurs morts :
c'étaient donc des Efpagnols enterrés par des Indiens. Enfin l'on a trouvé dans
le même lieu des fourchettes de fer bien rouillées & des pièces de cuivre.
J'ai pris deux de ces pièces le 26 Mai 1787. Les voici :
L'une
FRANÇAISE DE S A ï N T - D O M I N G U E„ 209
L'une eft de la grandeur d'une pièce de fix liards , maïs plus épaiffe; c'eft celle
dont on voit les deux faces. L'autre eft \m peu plus petite & un peu plus
épaiffe ; c'eft la moins confervée. Si ces pièces ont réellement appartenu
aux Caftillans maffacrés dans cet endroit en 1493 , il n'eft pas étonnant qu'oR
ne puiffe en faifir que quelques traits & encore avec la loupe, après un féjour de près
de trois cens ans dans un fol encore falineux & prefque aquatique -, car d'environ
80 carreaux vendus par M'^=- Deftouches à M. Fournier de la Chapelle & dans
i'étendue defquels étaient le fort & le tombeau , à peine un quart eft - ii
cultivable en cannes. Six ou huit carreaux fourniffent quelques vivres du pays
pendant la faifon des pluies ; mais le tuf argileux de la favane de Limonade fe
rencontre à quelques pouces. Au-delà , ce terrain ne peut produire que des
acacias & des grategalles.
Ccrîomb aura été obligé de chercher pour placer fon fort , un lieu un peu
élevé , découvert , voifm de l'eau douce & il n'aurait pas pu le bâtir plus près
de la mer, car dans la plaine vafeufe vers le rivage , le fol eft une tourbe fali-
neufe qui fe réduit en terreau à l'air & qui s'affaifTe. Le feu y a pris plus d'une
fois fpontanément. Ces tourbes exiftent ailleurs fur les bords de la mer , &
notamment fur l'habitation Chaftenoye , du Quartier-Morin.
On compte trois quarts de lieue depuis la pointe Occidentale de la baie de
Limonade jufqu'au bourg de l'embarcadère du même nom , qui fe trouve placé
prefque Nord Se Sud avec l'églife ; il en eft à deux lieues & à 1,400 toifes de
la Grande rivière. Le terrain confàcré à cet embarcadère court à-peu-près de
l'Eft à rOueft, en décrivant une portion d'arc. Il a environ 500 toifes de
longueur & contient les magafins iervant de dépôt aux denrées de la paroifîe , &
les maifons de plufieurs ouvriers & pêcheurs , ce qui compofe 32 empîacemens
dont trois font de maçonnerie, avec un premier étage , & 22 ont des maifons
à rez de chauffée. Ce lieu diftant du Cap d'environ deux lieues &c demie
par mer 3 eft fufceptible de toute l'attention du gouvernement , par fa pofition
militaire au vent du Cap 8c par fon mouillage.
Lorfque M. de Belzunce paffa à Saint-Domingue en 1762 avec huit bataillons
de troupes , toutes les idées avaient pris la teinte militaire , & l'on ne s'occupa
que des moyens de conferver la Colonie. Ce fut à ce zèle , qu'on dut la
,prote6lion donnée aux embarcadères de Jacquezy & de Caracol, & M, de
Tome L D d
^^JOP
1
IMI
1
:-^r.
210 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Villemonces, ingénieur, qui fut chargé de cette partie de fortifications, en montra
auffi un grand pour celles de la côte de Limonade.
Dès le 30 Mai 1762 , une ordonnance des Adminillrateurs prefcrivit une
corvée publique des nègres des deux paroiffes de Limonade & du Quartier-
Morin , p3ur faire des retranchemens fur la côte de la première. Cette mefure
fut la fuite d'une vifne faite par M. le Chevalier d'Oify , capitaine de va i fléau ,
& M. Am^elot , ingénieur delà Colonie, le 28 Mai, Ayant fondé la paffe de
Limonade , ils dirent que les vaiiTeaux de guerre pouvaient y pénétrer. Le doute
ayant attaqué ce résultat, ks mêmes perfonnes fondèrent de nouveau & afTurèrent
qu'elles avaient même trouvé une féconde paffe , encore plus fpacieufe & plus
com.mode que la précédente. Cette affurance , celle de la bonté du mouillage ,
firent créer trois redoutes, deftinées à protéger des batteries dont la conftru6lion
eut lieu en mê.i-ie-tems , de manière que Limonade devint un pofte refpeclable.
■ Au mois d'Avril 1778 , la corvée publique a -établi ks batteries qui font aux
deux extrémités du bourg, ainfi que les redouces, ce qui a coûté 32,050
iournées de nègres , fans compter les frais de îa conftruélion des batimcns
fervant de corps-de-garde.
Quoique depuis 1764 le travail des ingénieurs-géographes , qui avaient été
fpécialement deftinés à kver le plan topographique & hydrographique de la
Colonie, ait démontré , ainfi que celui de M. de Moulceau , direfteur-général
des fortifications , fait en 1773, que ks deux pafiages du reflàf de Limonade
font bien loin de pouvoir admettre un vaifTeau de guerre , indépendamment de
la diinculté d'y m.anceuvrer , l'on a toujours rendu l'embarcadère de Limonade
affez fur pourqu'il foit très-imprudent à l'ennemi de s'y hafarder. Les bâtim.ens
<}iii peuvent y paffer ne pouvant pas avoir alTez d'eau pour aller jufqu'âu Cap
entre ks reffifs , ils auraient le double danger de l'entrée & de la fortie , s'ils
manquaient une defcente très périlkufe, unique objet qu'ils pourraient fe propofer"
& auquel on peut encore oppofer en quelques heures , l'inondation des terrains
voifins , de manière que l'ennemi ne pourrait pas pénétrer à travers ks marais
couverts de mangles qui environnent l'embarcadère j au furplus, une prame
entraverfée dans la pafTe , fera toujours ceffer quand pn voudra, tous ks doutes &
toutes ks craintes fur cette partie.
Il y a en tems de guerre deux poftes à l'embarcadère de Limonade , où ih
^
•"•^
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M î N G U E.
au
font fournis par cette paroiffe , & par celles de Sainte-Roi:^; & du Dondon ■
d'ailleurs la population du lieu même ajoute à fa fureté.
. Cet établiflement eft fufceptible d'agrandiffemens. Ils n'ont été arrêtés que
parladlfette d'eau potable que les habitans de ce bourg font obligés d'aller
chercher avec des canots à la Grande rivière, MM. Reynaud de Villeverd ,
lieutenant au gouvernement-général , & le Brafleur , commiffaire - général '
ordonnateur faifant fonftion d'Intendant , s'étaient occupés, en 1781, des moyens
de leur procurer de l'eau , en y conduifant celle de la vide d'un moulin. Une
modique fomme de 30,000 livres eût alTuré cet avantage ; le gouvernement en
fourniffait la moitié & les habitans du bourg faifaient le furplus par des taxes
volontaires & par une impofition d'un dixième fur les loyers des maifons. Mais
la fin de leur adminiO-racion , injuftement "calomniée, & réellement trop courte
pour le bien de la Colonie , a fait évanouir ce projet dont l'utilité a furtout été
fende lorfqu'une partie de l'armée efpagnole , aux ordres de Don Bernard de
Galvez, a été cantonnée pendant un an dans ce bourg , où étaient établis les hôpi-
taux. On a été obligé de tirer du Cap , à grands frais, par des embarcations
l'eau deftinée aux malades qui en auraient cependant manqué , fi l'iiumanité des
habitans n'avait pas fuppléé à l'inexaditude des tranfports. En donnant de l'eau
à ce local, on verrait un grand nombre d'ouvriers répandus dans la plaine, s'y
réunir & dans quelques années la Colonie compterait une ville de plus.
Il part tous les matins du Cap , pour cet embarcadère , à quatre heures
pendant les fix mois des grands jours, & à cinq pendant les fix autres, trois
grandes barques ou pajagers qui fervent au tranfport des perfonnes , des denrées
& des approvifionnemens & qui retournent au Cap dans la matinée. On profite
en allant , de la brifc de terre & l'on eft ramené par celle du large ; fi le vent
manque , les avirons font employés. L'arrière de ces paflàgers , matés en chalou-
pes , eft couvert par une teugue , ou petit pont de madriers qui eft couver
lui-même d'une toile goudronée qu'on rabat des quatre côtés , quand on veut être
garanti de la pluie , du foleil ou du vent. Le prix du pafîage eft de 30 fous pour
les libres & de la moitié pour les cfclaves. On peut apprécier , par le prix de la
barlque de fucre de 1,500 livres & au-delà, qui eft de fix francs , le tarif des autres
objets. On trouve auffi au Cap , de petits canots particuliers qui font ce palTage
pour deux gourdes.
Le fifc s'était étendu autrefois fur cette partie. Dès le commencement de 17 17 ^
Dd 2
I
» .
212
DESCRIPTION DE LA PARTIE
ce pafiage fut affermé avec ceux de Caracol & de Jacquezy. Celui de Limonade
donna lieu a un tarif des Adminiftrateurs , le lo Juin 1738 , & au mois de
Décembre 174.6, un premier commis des bureaux des Colonies, quinedéJai-
gnait pas les chofes lointaines , fît f:gner à Ton profit , un brevet de don , pour
vingt ans , du produit de ce palTage , comme une annexe de celui du bac du
Cap, objet principal du brevet. Cet abus de pouvoir excita vainement des
mécontentemens & des plaintes , p'jifque celles-ci arrivaient précifément au pre-
mier commis qui les excitait. Les vingt années étant près d'expirer , on crut
qu'un nom plus relevé que celui du premier commis , ne ferait qu'embelli par la
tnême conceffion. En conféquence , le 8 Mai 1765 , M^^- la Duchefle de Brancas
«btîD-t , mais pour n-ente ans , le brevet de don du péage du Cap , dont on déclara
cependant que les autres paflages ne dépendaient point. Une feule barque était
deflinée au (èrvice du beau quartier de Limonade , durant le privilèo-e exclufif
que l'on fit cefîèr en 1765 , & le public était mai-fervi.
Lorfque la Grande rivière elt débordée , ce qui ell fon état habituel dans la
faifon des pluies , les piiTagers acquièrent encore plus d'utilité , parce qu'ils
fervent alors à entretenir la communication avec le Cap,
Dans la guerre de 1756 , lorfque les croiieurs infeftaient nos côtes , les
denrées des paroiffes fîtuées à l'Eft de Limonade , n'avaient point d'autre débou-
ché , Se c'était par cette voie que leurs hab'itans tiraient leur fubfiftance du Cap,
Cette préférence était due à la pofition de cet embarcadère , dont la navio-ation
fe faifant en dedans des reffifs , eft à l'abri d'être infulîée par les corfaires:.
L'étabiiÏÏemenrde Pembarcadère de Limonade ferait encore plus fréquenté, û
l'on réalifait le projet du canal du Fort-Dauphin à la baie de Jacquezy. Il fert
d'afile à trente-quatre pêcheurs qui fourniiïent à l'approvifionnement du Cap. On
y voit deux grandes manufaébirts de tafia. Le gouvernement l'a jugé allez impor-
tant pour i'afîuicttir à la police des villes qui défend d'y couvrir les maifons en
paille. Ce bourg eft plus fain qu'an pourrait le penfer. Il doit cette falubrité à
l'avantage d'être placé au vent des marais. Les hôpitaux militaires qui y on: été
établis , ont, infiniment moins perdu d'hommes que les- atitres. , quoique leur
établLflfement n'offrît pas les mêmes commodités.
L'embarcadère de Limonade eft prefque auffi ancien que rétablifîèment de
cette paroilïè. Avant 17 13 , il avait un corps-de-garde , chargé de tirer l'allarme
q.ue répétait un canon , placé chez M, Fournier , lieutenant-colonel de milices.
■5^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. se".
La différence entre h hauteur de la plus grande marée qui arrive au mois de
Juillet , lors de la pleine lune qui fuit le folftice d'Été , & la plus baffe marée cit
d'environ deux pieds.
Le thermomètre de Réaumur , obPervé pendant vingt-cinq ans , dans la plaine
de Limcnadc , dans le voidnage de la mer , ne s'eft point élevé au-deffus de 28
degrés & n'a pas baiffé au-delToiis de 18 degrés. La température des montagnes
varie fuivant l'éiévation & la pofition des- lieux. Elle va communément l'Hiver
de 9 degrés à l'aurore , jufqu'à 16 dans la 'plus grande chaleur du jour &
l'Été de 18 à 22 degrés , à moins que des jours abfolument privés de brife , ne le
portent jufqu'à 27 degrés , ce qui efl: très-rare.
On croit pouvoir évaluer à 80 ou à 90 pouces la quantité d'eau qui tombe
annullement dans la plaine. Quelquefois , dans la faifon appelée hivernage
aux Ifles du Vent, c'eft-à-dire, depuis le mois de Juillet jufqu'à celui d'Oftobre, il
furvient de petits coups de vent qui découvrent & renverfent des cafés à nêo-res,-
èc même des cafés à bagaifes , endommagent les autres couvertures de tuiles &u
d'ardoifes & détruifent les bananiers.
Dans le coup de vent de 1772 , un cachalot fut jette en dedans du reffif de
Limonade oij il périt. 11 infeéla même jufqu'au Cap & l'effet ne ceffa que quand
les requins l'eurent dépecé.
Ces coups de vent font accompagnés de pluies exceffives. C'ell ce qui arriva
le 17 Oftobre 1780, époque d'un débordcmenr que j'ai déjà indiqué parmi ceux
qui ont défolé cette paroiffe. La Grande rivière furmonta les levées de l'habitation
BuUet & vint fe jetler dans le Foffé. Elle fit îa même chofe fur les habitations
Dumefnil, Deftouches & Fontenille. Malgré cette dérivation , la Grande
rivière rompit les digues de l'habitation la Molère au Quartier-Morin^ au deffous
du côté de Limonade, les levées de celle le Fevrc eurent une brèche de 150 pieds
& une de 50 ; il s'en fit une autre fur l'habitation Miniac Treffin & trois fur l'ha-
bitation Fournier de Belkvue qui , placée au bas de la plaîne , n'était encore
qu'un étang à cinq heures du foir, quoique l'inondation eut commencé à cinq
du matin. Le vent arracha les bananiers & le manioc dans les montagnes.
Mais ces ravages inftantanés , quoique grands, ne font pas comparables à ceux
<3€ la féchereffe qui , depuis vingt ans , deviennent toujours plus fréquens.
La paroiffe de Limonade a beaucoup de chemins de communication & de
traverfe. Les deux principaux font ceux qui vont du Cap au Fort-Dauphin eh
»
114
D
C R I P T I Q Î-T DE LA
P A P. T I E
r '
pauant l'un par le bourg du Terrier-Rouge & l'autre . par le bourg du Trou.
En 1720, on allait encore du Cap à Bayaha par des fentiers dont 1-es circuits
mettaient une grande ditlance entre ces deux points Se d'où l'on venait gagner un
chemin qui aboutiffait au Haut du Cap. Plufieurs fois on avait prefcrit l'ouver-
ture d'une nouvelle route , mais enfin le 10 Décembie 1720 > les Adminiilrateurs
ordonnèrent qu'on en pratiquerait une de 40 pieds de large , à partir du pont du
FoiTé & qui , allant au Quartier-Morin , paiierait au Sud de rÉglife de cette
paroiiTe & de l'habitation Beaunay , jufqu'à rencontrer le grand ' chemin du
Quartier-Morin, allant de l'embarcadère de la Petite-Anfe au Morne-Peléj & qui
remontant ce chemin irait chercher celui de la paroiiTe de la Petite - Anfe , au
Haut du Cap. Mais comme on prévoyait que cette route ne ferait pas praticable
dans toutes les faifons , la miême ordonnance décida qu'un chemiin déjà ouvert
entre l'habitation Charrite ( aujourd'hui Duplaa ) & le Fevre , ferait prolongé ,
d'abord à l'Eft jufqu'à rencontrer dans Limonade le chemin qui allait du pont
du Foffé à l'embarcadère ,'& qu'à l'Oueft , il irait traverfer le chemin du Quar-
tier-Morin pour aller , coupant encore celui de la Petite-Anfe j gagner la pafle
à Any & le Grand chemin du Cap.
Ces travaux furent ordonnés aux trois paroifles de Limonade, du Quartier-
Morin & de la Petite-Anfe , comme leur étant d'une utilité commune & l'on y
joignit ceux du chemin du pont de Limonade à l'embarcadère qui devenait grand
chemin , puifquc le fécond de ceux ordonnés , allait y aboutir.
Il réfulte de ces détails que la communication primitive de Limonade avec le
Cap , quant à la Grande rivière , avait lieu par le point oij le chemin du Cap
au Trou , coupe maintenant cette rivière ; que le chemin de l'embarcadère au
Foffé fut le premier pratiqué ; que ce Foffé ayant trente-deux pieds d'écore en
écore, avait un pont que les débordemens forcèrent de reconftruire , en 17 13 ,
parce qu'ils détruifirent le premier, fait en 1708 ; que le chemin du Bois de
Lance qui communiquait avec le Quartier-Morin par la paffe à Viard , a été k
fécond , & qu'enfin le dernier de tous les chemins de Limonade eft précifément
le plus utile aujourd'hui -, c'eft celui qui venant du Cap, traverfe la Grande rivière à
î,8oo toifes de fon embouchure & dans un point oiJ fon lit a 104 pieds de large.
On eft fort étonné qu'une route auffi fréquentée & auffi importante foit auffi
incertaine à caufe du paffage de cette rivière , où durant les Nords & les orages
il y a quelquefois plufieurs jours de fuite , depuis fix jufqu'à douze pieds d'eau &
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE o..
même davantage ; & qu'on ne l'ait pas garantie de cet inconvénient & des
malheurs qui en font trop fréquemment la fuite.
M. Barrère, lieutenant de roi au Cap, propofa au miniftre le ,o Tuillet
1708, kconflruaion d'un poM fur ce paflage ; & cette propofition agréée le
8 Oélobre fu,vant, n'eût aucun effet. Le .8 Septembre ,735 , MM. £arnage
8tMa,llart ecnvrent au m,n,ftre pour demander ce pont, & on ne l'exécuta
pomt. On parut s'occuper férieufement de ce plan ,ors de l'arrivée de M. de
".•n /rf"^ '^'""'" ^"^•"'' >-^^^^"'. contrariée parte
c" i nte °slf D°"" ' "t ''' '' "''"' '" ^"'^ ' *""- "-ive
craintes a oaint-Dominffue nrpr f4mf.ru- o,, ^
uiuiguc , preciiement au moment ou les orages avaient affer
augmente les eaux de la Grande rivière nnnr ^, -i - '^ , «^viient aiiez
, . „ ^^^'^ P^^'^q^jlny eutpasde communiGation
V c les pâmes qu'elle a dans l'Eft. M. de Behunce prit alors le parti d'y",
tabl,r un bac. Ma,s comme il était fouvent à fec . l'ardeur du foleil fai,^
fondre le bra, & chaque jour il fallait le réparer. Qjand la rivière étai f„t
^ IMM. de Valhere & de Montarcher arrêtèrent le marché du pont avec M
Renau entrepreneur du Cap. en ,yj, , fauf l'autonfation du Mmift^t
nir: : rc:; : ré^t r^ '- '-"'■ ■^^ "^° ■ ^''- - ^^^-^
.e .0. fur des piles de L^^tc^-'^rj^f J^f ^i' ^Z
au-defl-us du fond de l'eau , & « pieds de large. D'après le^ devi, M Irt au
entrepreneur , fe chargeait de fa conftruêlion pour „^ 1,0 1-v l ^ ' T
27,..o ^,. pour le faire avec la voûte de LJJXI^ '.^.^.t ^ Bat •
1 ant^Venant. lub.tant du <^ar.ier-Morin, en propofa un av'ec des JZs
de fer . & 1 o„ ne fa.t déjà plus depuis long-tems qu'on aurait dû ce nouveau
b,enfa,t atuç deux chefs que j'ai nommés . f. leur aftive adminiftration avait duré
On paire la Grande rivière prefqu'à fec lorfqu'il n'a pas plu depuis lonJ:
Lefebvre atnver a la paffe aux momdres ^rues, environner la voiture & les
chevaux pour rompre le fil de l'eau & efcorter ainf. d'un bord à l'autre fc
voyageur plus ou moms craintif, plus ou moins audacieux . fi le couranr faU
cra,ndre pour des voitures pleines, on les fait paffer à «de, & des nè.re
les entourent pourks foutemr & s'oppofer au courant. Il n'eft perfcnne qui
/
'^jié
L *
DESCRIPXrON DE LA PARTIE
dans ces inftans , & plus encore dans ceux où le paffage eft abfolument interdit &
où auelque téméraire paie de fa vie fon imprudente impatience , qui ne demande
un pont ; mais la rivière rentre dans Tes bornes 8^ l'on reprend l'ordre machinal qui
dirio-e tout à Saint-Domingue.
J'aurais dû expoler plutôt mon impuiffance de trouverTorigmc du nom oe
Limonade , qui me paraît auffi ancien que l'établiffement de ce lieu. Peut-être
eft-il venu de ce que ce fut un des premiers de la Colonie françaife où l'on
fit du fucre. J'aimerais cependant mieux croire , comme plus vraifemblable , que
Limonade fera venu de Limon, nom efpagnol de l'oranger, parce que dans
la plaine de Limonade & du Quartler-Morin , portion la plus riche de la
Partie du Nord , cet arbre précieux devait être commun. Mais , & on le
croira à peine , on donne fi peu de foin , furtout dans les cantons riches de la
Colonie , à ce cui eft d'agrément , c'eft-à-dir» , à ce qui ne fe convertit pas en
argent , qu'on trouve difficilement quelques orangers dans la plaine de Limonade
&°que'pluneurs habitans font acheter au Cap les citrons néceffaires à l'ufage
domcftique de leurs maifons. Il eft vrai que depuis environ trente ans, on a
remplacé dans la plaine du Cap les haies qui étaient toutes de citroniers , par
des haies de campêche. _
La population de Limonade eft une des plus confidcrables de la Colonie. On
compte dans la plaine environ 200 blancs , 200 affranchis , ( dont la plupart font
réunis dans un point de la favane de Limonade , près le chemin du Cap au
Terrier-Rou-e , où ils forment une bourgade ) , & 8,000 nègres. Les mornes
peuvent avoir" 260 blancs , 300 afnanchis & 5,000 nègres -, ce qui offre un total
d'environ 14,000 individus , dont 290 portant armes. Les affranchis étaient bien
plus nombreux qu'à préfent , avant l'expédition de Savannah, puifque la paroifTe
de Limonade avait alors une compagnie de quarterons de 60 hommes, une de
mulâtres de plus de 100, & 35 nègres libres ; & il y avait fure ment beaucoup
d'individus qui échappaient aux revues.
La première compagnie de cavalerie-milice de Limonade était commune
aux deux autres paroiffes du Quartier-Morin & de la Petite-Anfe , on la forma au
iBois de Novembre 1700, & M. Garnier en fut nommé capitaine le 15 du
même mois. Sa commiffion porte que c'eft en confidération des fervices qu'il a
rendus & à l'expédition de Carthagène & au combat de Limonade ou il a etc
également bkffc. -r • j
^ Limonade
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M ï N G U E.
217
Limonade fi peuplé de blancs lors de fon établiiTementj n'en avait que 80
portant armes en 17 13.
Cette paroiffe donne fon nom à i'un des cinq quartiers de la Partie du Nord ,
qui comprend en outre les paroiiïcs du Quartier - Morin , de Sainte-Rofe , du
Dondon & de la Marmelade -, elle dépend du commandement & de la
fénéchauflëe du Cap.
On compte de l'églife de Limonade
Au Cap ,
A Roucou ,
Au Bois de Lance ,
A Samte-Suzanne ,
Aax Côtelettes ,
Ali Moka Neuf,
lieues.
6
I
2
4
5
7
Au Fond-Bîeu ,
Au bourg du Trou ,
■ — ■ du Quîirtier-Morin , ,
— ' de Sainte-Roie,
A l'églife du Quartier-Morin ,
lieues.
9
3
31/2
3
3
^Limonade a fourni des littérateurs & des hommes dignes d'éloge, ou a été
habité par eux. On peut citer parmi les premiers, M. de Chabanon, de l'Académie
Françaife & de celle des Belles-Lettres. ' ■
M. Chabanon de Maugris , fon frère , connu par un Efîai de traduélion en vers
d'un livre des Odes d'Horace ; par la Paftorale de Philémon & Baucis , opéra ,
oc qui donna à vingt & un ans des mémoires admis parmi ceux des Savans
étrangers , publiés par l'Académie des Sciences i il a été enlevé trop tôt aux
lettres.
Parmi les féconds , on doit nommer M. le Gentil de la Barbinais , habitant de
ce quartier, né à Saint-Malo. Il s'embarqua le 30 Août 17 14 fur le vaiiTeau le
Vengeur, du même port. Arrivé au Pérou, il fe mit fur un autre vaiffeau qui
allait à la Chine. Après y avoir féjourné près d'un an , il vint débarquer au port
de Gênes , en 1718. M. le Gentil eft le premier français qui ait fait le tour du
Monde, ou du moins qui ait écrit fes voyages; & on lui doit des notions
exaéles fur la Chine. Ses ouvrages imprimés à Paris en 1727 , en
trois volumes in-12. , font cités avec éloge par BufFon & Voltaire, & ont
obtenu les fuffrages de Fonteneîle , qui dit dans fon approbation pour la cenfurc
en 1724: „ Je crois que cet ouvrage fera inflruftif pour le fond des chofes,
& agréable par la manière dont il eft écrit,,.
Au retour de fon voyage , M. le Gentil s'attacha m cardinal de Rohan, & le
Tome I, E e
B
hi
t
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L
■ad
^Ci
•218
DESCRIPTION DE LA PARTIE
fuivit à Rome en qualité de fecrétaire d'Ambaflàde. Il a aufli publié une- hiftoire
du Conclave.
M. le Gendl , devenu commiffaire-ordonnatcur au Cap , y époufa une D-"^
Fo'jrnier. Ce lictérateur eftimable eft more à Nantes , vers 1740.
On doit à M. Dureau de la Malle, autre habitant de ce quartier, une
traduction eftimée du Traité des Bienfaits de Seneque.
M. Mofnereau , auffi habitant de Limonade , a donné une Defcription de
l'Indigo & de fa culture, en un volume in- 12.
Limonade a eu pour curé le père le Pers , Jéfuite, auteur des mémoires fur
lefquels le père Charlcvoix, fon confrère , a écrit l'Hiftoire ce Saint-Dom.ingue.
Le père Archange , mort curé à Limonade , a publié un grand ouvrage fur
l'Aftronomie.
Au nombre des autres hommes qui ont honoré ce lieu , on doit compter :
I*. M. Garnier, auteur de la famille Tabary-Garnler , dont j'ai déjà parlé plu-
fieurs fois. Il marcha au fiëge de Carthagène à la tète d'une compagnie de
Limonade , oia il avait M. Louvet pour lieutenant & M, Maurice pour enfeio-ne.
Ses heureufes qualités & Ion rare courage le firent choifir pour doyen du confel-1
fupérieur du Cap à la création de cette cour, lorfque la Colonie avait encore
befoin de guerriers jufques dans fes magiftrats, ^ que les traits de valeur étaient
un titre à toutes les récompenfes.
2°. M. Fournier qui marcha auffi au fiège de Carthagène & qui fut choifi pour
confeiller du Confeil du Cap, en 178 1. Cet habitant, le même que j'ai nommé
pages 1S9 & 212, eft peut-être de tous les colons de Saint-Domingue, celui
dont la fortune a été la plus remarquable , puifqu'il laifla , à Limonade , une
fucrerie à chacun de fes trois fils & à chacune de fes trois filles.
3°. M. Fournier de la Chapelle, fils du précédent , Créol , mort ancien procu-
reur-général du Confeil du Cap , avait fait réuffir parfaitement le mûrier blanc
venu d'Europe , fur fon habitation de Limonade , ( oij une allée de palmiers de
près de mille toifes de long offre un fpeftacle majeflueux ). Il y fema auffi
beaucoup de lilas des Indes ou Azedecock dont on fait des chevrons & des cercles
paffables. M. de la Chapelle avait fait , en outre , pour amiéliorer différens fruits
du pays , des tentatives très-heureufes que l'on a pas été jaloux de fuivre
m
d'imiter.
M. de la Chapelle eft le premier qui ait mis en pratique rLnoculatlon à Saint-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 219
Domingue, d'une manière étendue ; il inocula fes nègres en 1767 & eut le plus
heureux fuccès.
4°. L'eftime générale nomme encore M. Fournier de Varennc , petit-fils de
M. Fournier, auteur de plufieurs mémoires utiles , de la Chambre d'Agriculture
du Cap dont il a été membre.. Citoyen précieux pour un pays devenu fa patrie à l'âge
de dix-neuf ans , il avait conçu l'idée d'une Encyclopédie coloniale, mais des
devoirs de famille l'ont empêché de fuivre ce projet. L'armée elpagnole can-
tonnée à Limonade en 1782, a aiïèz éprouvé en lui, & a afTez répété, combien
un commandant de quartier éclairé & chéri peut être utile. L'amour filial l'a
ramené après ving£-fix ans dans Saint - Malo , fa ville natale ; mais Saint-
Domingue n'oubliera jamais fes vertus privées & publiques, & le fervice qu'il
lui a rendu en l'enrichifTant avec M. Duvernet, habitant du Limbe, du bambou,
dont mille ufages font l'éloge.
Le bambou apporté à Saint-Domingue avait été pris fur l'habitation Roche-
chouart à la Martinique où il était connu depuis quelques années. On l'embarqua
fur le vailTeau du roi l'Heftor en 1759 , & il fut planté fur l'habitation Portelance
près l'embarcadère de la Peiite-Anfe. La première bouture fut remife à M. de
Varenne , qui la mit fur l'habitation Fournier de Bellevue à Limonade. Les
premiers bambous qu'elle produifit , fournirent les chevrons d'un bac à vefou
qui a duré dix-fept ans ; on les avait employés avant leur parfaite maturité. Com-
bien il cft regrettable que l'infeéle qui détruit le bambou à Saint-Domingue _,
devienne chaque jour plus commun !
M. de Varenne a auffi tenté de naturalifer le peuplier d'Italie que lui avait
envoyé M. le Fer de Beauvais de Saint-Malo. Cet arbre pouflTait des branches
avec force , les feuilles étaient plus larges & d'un vert plus foncé qu'en Europe ,
mais dès que les tiges avaient atteint dix ou douze pieds , elles périflaient. On en
planta, fans fuccès , au bas de Limonade , à Roucou & fur l'habitation Duplaa^
au bas du Quartier-Morin.
Le fauleaauffi affez bien réuffî à Limonade, mais les branches étaient calTantes.
Il eft vrai qu'il n'était pas près de l'eau , voifinage qui le rendrait peut-être plus
fo-uple ; au reile , on peut s'en confoler , lorfqu'on fait que l'ofier ne vaut pas
ks lianes dont la nature eft fi prodigue à Saint-Domingue.
M. Fournier de Varenne a eu auffi l'avantage de pratiquer l'inoculation fur fon
habitation à Roucou , en 1772 , fgr quatre-vingt dix-huit fujets de tout âge. Il fie
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iio
DESCRIPTION DE LA PARTIE
même un petit catéchifme d'inoculation que la contagion de la petite vérole rendit
très-utile j dans la mê.Tie année, & qui, quoique refté manufcrit , devint le guide
de beaucoup d'habitans.
VIL
Pa5.oisse Saintje-Rose.
I i^^^^Br
Lnp'Gpre-ment appelée
Paroisse de la Grande-Rivière.
Rien n'eft aufn commun à Saint-Domingue que de trouver des rivièrer
défignées fous la dénomination de Grande rivière , qui ferait déjà vicieufe , n'ex-
prima-t-elle qu'une idée de comparaifon , parce qu'on ne fait quel en eft le terme
pofitif , mais qui l'eft doublement par fa multiplrciré. A combien plus forte raifon
doit-On blâmer l'ufage qui a fait adopter le nom de Grande-Rivière pour celui
d'une paroiffe , furtout en abandonnant le nom de Sainte-Rofe qu'elle a reçu dès
fon origine. Je crois donc faire une chofe conforme à la rai'on & m'élever
contre un abus réel des mots , que de rétablir l'appelation primidve de cette
paroiffe , & je ne dirai jamais que la paroiffe Sainte-Rofe.
Cette paroiffe eft, pour ainfi dire, formée par une gorge de montao-nes qui
a environ fîx lieues de profondeur fur à-peu-près trois lieues dans fa plus grande
largeur. Il faut donc compter Sainte-Rcfe pour une paroiffe de plaine.
Cette paroiffe a au Nord , d'abord un petit point de la paroiffe du Quartier-
Morin 5 c'eft celui qui eft au Nord du bourg de la Tannerie ; puis la paroiffe
de Limonade , en fuivant la Grande rivière & allant aux mornes du Bois de
Lance , des Bois-Blancs, des Côtelettes & à la crête des Giraumons jufqu'au N".
43 des limites efpagnoles. Là , Sainte-Rofe trouve pour limite à l'Eft , le terri-
toire efpagnol , en fuivant encore le cours de la Grande rivière jufqu'au corps-
de-garde efpagnol du Bahon à l'embouchure de ruiffeau de ce nom , oij eft la
pyramide N°. 443 les montagnes de Bahon jufqu'au corps-de-garde de la Vallée
ou d« Biail ( qui comme celui de Bahon a un fergent & quatre hommes ), ce qui
ccmprend les pyramides N°^- 45 , 46 , 47 , 48 , 49 & 50 des Hmites. • -
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 221
La paroiiTe Sainte-Rofe eft terminée , au Sud, par la chaîne de la Montagne-
Noire qui h répare auffi de la colonie efpagnole ; & par la prolongation de la lîgne
des frontières jufqu'à la pyramide N^ 97 , qui eft aux fources de la raWne
Mathurin. Enfin la paroiffe Sainte-Rofe a pour terme à l'Oueft , d'abord la
paroifîe du Dondon dont elle eft féparée par le prolongement de la première
chaîne de montagnes partant du Cibao, & dont un embranchement latéral qui vient
former la crête du grand Gilles , fépare la paroiffe Sainte-Rofe de la paroifil: de
la Petite-Anfe jufqu'au point où cette crcte prête à fe terminer proche le bourg
_ de la Tannerie , a Sainte-Rofe d'un côté , & de l'autre une petite portion de la
paroiffe du Quartier-Morin.
^C'eft au milieu du fond de la gorge Sainte-Rofe que coule la Grande rivière
déjà connue du Lefteur par la defcription de la paroiffe de Vallière & de celle de
Limonade ,& que les Naturels appelaient Guaraot^ai. Elle traverfe Sainte-Rofe
qui eft fort expofée à fes débordemens dans toute fa partie plane.
C'eft dans cette partie, à environ 2,000 toifes du bourg delà Tannerie,
qu'eft l'églife de Sainte-Rofe. Elle eft de bois & mal bâtie. Le preftjitère eft de
maçonnerie & commode. Quelques cafés réunies autour de cette églile forment
une erptce de bourg , habité par une quarantaine d'individus. C'eft le lieu du
marché & du raffemblement des milices de la paroiffe pour paffer Its revues.
Sainte-Rofe a fait partie de la paroiffe du Quartier-Morin jufqu'en 171a , qu'eile-
ir.ême fut érigée en paroiffe, & jufqu'au mois^de Décembre 1749 , leurs milices
ne formaient qu'une feule compagnie.
Ce lieu était originairement célèbre par l'indigo & furtout par le tabac qu'il
produifaitj, & le fuccès de la culture de ces deux plantes avait beaucoup accru h
nombre des habitans , lorfqu'un affreux débordement vint prefque l'anéantir^
le 18 Oftobre 1722. Les eaux parvinrentà une fi prodigieufe hauteur, eue tour
4'intervalie de l'un des côtés de la gorge jufqu'à l'autre, devint le lit de la rivière-
demeures , hommes , animaux , uftenfiles , meubles , tout fut emporté ; ce défaftrc
ayant duré pendant vingt-quatre heures , il y eut près de deux cens perfonnes
noyées. Arrivée dans la plaine , la rivière y continua fes ravages, & Limonade ,
le Quartier-Morin & la paroiffe de la Petite-Anfe eurent leur part du malheur.'
Ceux des habitans de Sainte-Rofe qui échappèrent aux eaux , reftêrent fans
vêtemens, fans fubfiftance , fans abri. Des aumônes confidérables , des
quêtes multipliées , morvtrèrent bien l'intérêt des laabitans de la dépendance du
i
222 DESCRIPTION DE L A P A R T I E
Xap pour ces Infortunés , mais elles n'égalèrent pas les pertes. Plufieurs Colons
furent obligés d'abandonner leurs terres où la rivière avait laifle du galet au lieu
d'un fol cultivable ; d'autres parce qu'ils avaient perdu , avec leurs nègres , tous
leurs moyen* de culture.
Ce changement fubit dans la fortune d'une foule de citoyens , offrait un con-
trafte d'autant plus frappant que les colons de Sainte-Rofe étaient renommés par
leur amour pour une vie pleine de jouiffances. Des confciences d'autant plus
émues que la déiolation était encore récente , fe rappelèrent que le père Méric ,
Jéfuite , curé de cette paroiffe , le même qui , faintement indigné de la conduite
de fes paroiffiens , s'était écrié lors d'un panégirique de la patrone , " Sainte-Rofe
j, de Lima , morte vierge , quoique créole ! „ avait encore tonné contre les plaifirs
mondains , huit jours avant le débordement & avait fini par dire que dans peu
le Seigneur ferait fcntir qu'on ne l'outrageait pas impunément.
Beaucoup de ravines fe déchargent dans la Grande rivière , fur le territoire
de Sainte-Rofe. Les principales font celles à Picaut , qui defcend du Fond-Bleu;
cû\t àMarion, qui vient de l'efpagnol ; celle de Gambade, qui fort de la
Montagne - Noire , & celles du Joli - Trou & du Fond - Chevalier , qui
prennent leur fource l'une à la Montagne-Noire , &. l'autre aux Bois-Rouges.
Une autre ravine apporte un tribut confidérable ; elle s'appelle Caracol, defcend
du canton des Écreviffes qui eft de la paroiffe du Trou , & forme un faut affez
curieux. Quatre cafcades d'environ vingt-cinq pieds de largeur, & dont la hauteur
varie depuis huit jufqu'à quinze pieds , tombent fucceffivement dans des baffins de
vino-t pieds de large , très-profonds & très-poiffonneux , dont le dernier eft
terminé par une vafte plate-forme de pierres. Quatre autres cafcades furmontent
les autres , mais tombant verticalement & étant bordées de rochers inacceffibles,
elks ne peuvent être mefurées que de l'œil, qui juge qu'elles font moins larges
que les autres , & qui fait paffer dans l'ame l'impreffion majeftueufe produite par
ce fite environné d'arbres épais.
On ne doit donc pas s'étonner que les inondations foient fréquentes â Sainte-
Rofe, où l'on parle furtoutde celles de 1722 & de 1754, de celle de 1772 qui
emporta des maifons placées à deux cens toifes de fes rives, & enfin de celle du
18 Oélobre 1780, qu'on croit avoir furpaffé de toutes celles qui l'ont pré-
cédée.
La paroiffe Sainte-Rofe compte trois fucrerics , dont une ne fait que du fucre
^m^
"SN
FRANÇAISE DE SAINT = D0 MI NGUE. 223
brut, 329 cafeteries, 2 hattes , un entrepôt, 3 indigoteries , une cotonnerie
une cacaotiêre & 67 places à vivres. Le terrain ne jouit pas en général d'une'
haute réputation ; dans quelques lieux c'eft une terre fort légère j dans d'autres
lafurface touche prefque à une efpèce de tuf argileux, furtout lorfqu'on approche
du fommet des montagnes. Il faut cependant excepter ies hauteurs de la
Montagne-Noire & du Joli-Trou /où il fe trouve des parties très-fertiles.
Cependant la culture des vivres donne , dans cette paroilTe , des produits fi
. abondans , que plufieurs fucreries de la plaine y ont ce qu'on nomme de petites
f laces , d'où elles tirent tous ceux qui leur font néceffaires , & que , dans des tems
de difette , le Fort-Dauphin lui-même y trouve de quoi faire fubfifter fes ateliers
par le fecours des bananes & de la caflave.
Comme tous les autres lieux de la Colonie , Sainte-Rofe eft fubdivifée en
cantons, qui ont chacun leur dénomination particulière. En fuivant le cours de
la Grande rivière , lorfqu'on entre dans cette paroifle par le bourg de la
Tannerie , on les trouve dans l'ordre où je vais les nommer.
Ri'oe gauche.
La Tannerie ,
La Petite Guinée.
Le Grand Gilles.
Les Crêtes du Dondon.
Le Camp ( de Eiros ).
Le Gj-and Cormier.
Le Petit Cormier.
Le Bourg.
lia Grande Guinée.
Le vieux Canton des Allemands.
Le Fond Chevalier.
Le Bois Rouge.
Le Piton de Roche.
Le Joli-Trou.
La Belle Crête.
La Ravine à Gambade.
La Crête à Gauthier.
La Montagne Noire.
Bellevue.
La Ravine à Trianon ou à Pariften.
La Ravine des Bananiers.
La Ravine de h Banque.
Bahon.
Le Canton des Allemands.
Le Bay.
Il n'eft prefque aucun de ces noms dont on ne trouve T'étymologie dans
celui d'un habitant , dans la nature du fol ou des produdions , ou dans la fonr.e
du lieu. ,
Ri've droite,
L'Acul de Deux.
Le Gros nez.
Partie de la ravine à Fourmy ou à Goyard,
Les Epineux.
Caracol.
Le Fourq de Caracol.
Les Perroquets.
La Ravine des Roches.
Les Giraumons.
Le Bois àf. Pins.
Lts Genypayers.
Les Petites Mares.
Les Crêtes à Marcan,
Les Crêtes Plates,
Le Picaut.
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a.24 D E S C R I P T I O N D E L A P A R T I E
Les chemins de Sainte-Rofe font afîez beaux pour toutes fortes de voitures.
& l'on peut s'enfoncer en chaiies jufqu'à quacre lieu.s dans la- gorge , mais c'e.
avec rinconvénient d'y palier fept fois la Grande nviére. On peut cependant
aller d'un bout à l'autre de la paroiffe fan. traverfer cette rivière, mais ce
cloemin n'eO- praticable qu'à cheval Se pour des animaux de charge.
La temp^ature eft douce à Sainte-Rofe & a,ê:ue fur le haut de la Montagne-
Noire on a vu le thermomètre à 9 degrés au-dcffus de glace pendant la nuit. Les
plus beaux légumes , de fuperbes fleurs & de larges artichaux croiiTe.nt fur cette
montagne , où plus d'un habitant de la ville du Cap & même de la plaine , a
recouvré la lanté qu'il était ailé chercher dans ce climat dont le troid femble
piquant par fon contrafte avec les chaleurs des tropiques.
On évaluait à quatre-vingt-dix pouces , Teau que ka pluies donnaient annuel-
lement à S-nte-Ro!e. Mais Saint-Domingue devient chaque jour plus fec , &
même depuis quelques années , on ne p.uc guères compter que les deux tiers de
cette q^iantité. Les Nords & les orages font pleuvoir, mais ces derniers y exercent
une plus grande libéraUté , puifque les fix mois pluvieux font comptés
d'ordinaire de Juin à Novembre, & qu'ils donnent les A des jours de pluie & les
± de la quantité d'eau de l'année. Le chmat de Sainte-Rofe eft affez favorable
à fes habitans , pour qu'on y vcye beaucoup de fexagénaires. C'eft de tous les
endroits de la Colonie , celui qui a montré le plus de centenaires.
Parmi eux, l'on doit citer le Capitaine Vincent OlUvier, nègre hbre, quia
été inhumé dans cette paroiffe , le 14 Mars 1780 , âgé d'environ cent vingt ans.
Vincent , qui était efclave , fmvit M. Olhvier fon maître , en 1697 , au fiège de
Carthagène. Comme il en revenait fur un bâtiment de tranfport , il fut fait
prifcinnîer & mené en Europe où les Hollandais le rachetèrent avec feize autres ,
qui furent tous envoyés en France. Vincent qui frappait par fa haute ftature ,
fut préfenté à Louis XIV. Ayant pris de la paffion pour la vie militaire, Vincent
alla faire les guerres d'Allemagne fous Villars, & à fon retour à Saint-Domingue,
M. le marquis de Chateau-Morand , alors gouverneur-général , le nomma, en
1716 , capitaine-général de toutes les milices de couleur de la dépendance du
Cap , d'où lui était venu le nom de Capitaine Vincent fous lequel feul , il était
connu & qu'on lui donnait lors même qu'on lui adreiïait la parole. La conduite
de Vincent & les vertus qui étaient parvenues à rendre le préjugé muet, lui obtin-
rent l'épée du roi avec laquelle il fe montrait toujours , ainfi qu'avec un plumet,
Vincent
FRANÇAISE DE SAINT-DOMÏNGUE. 225
Vincent était admis partout ; on le vit à la table de M. le Comte d'Argout ,
gouverneur-général , affis à fes côtés & moins enorgueilli de cette marque d'une,
infigne prédiledion , que celui qui la lui avait accordée. Il donnait à tous les
hommes de fa clafle un exemple précieux, & Ton âge Se une mémoire extrême-
ment fidelle le rendaient toujours intéreiïant.
Je l'ai vu dans l'année qui précéda fa mort, rappelant fes antiques prouefîes
aux hommes de couleur qu'on enrôlait pour l'expédition de Savannah, &
montrant , dans fes defcendans qui s'étaient offerts des premiers , qu'il avait
tranfmis fa vaillance. Vincent, le bon capitaine Vincent, avait une figure
heureufe , & dans le contrafte de fa peau noire Se de fes cheveux blancs , fc
trouvait un effet qui commandait le refpeft. Aimé de tous tant qu'il vécut ,
content de fon humble fortune dans la polfelfion d'une habitation au canton des
Bois-Blancs , & dans la jouiffance d'une penfion de 600 liv. que MM. d'Ennery
& de Vaivrc lui avaient accordée, le 8 Juillet 1776, fur le tréfor public j ce
vénérable viellard a emporté à fa mort des regrets univerfels.
Le 16 Janvier 1780 , on a vu mourir, à Sainte-Rofe, Nanette , négrelTe libre ,
âgée de quatre-vingt-dix ans.
Le 14 Mai, Hélène Defle , veuve en premières noces de Richard Boutinot,
en fécondes de Mathurin Lamare , & en troifièmes de Pierre le Grand ,
demeurant au canton du Joli-Trou , âgée de cent ans.
Le 29 Décembre , Catherine , négrcffe libre , de nation Timbou , à quatre-
vingt-dix ans*
Le 28 Mars 178 1 , Marie- Jeanne , négreife libre , du canton du Joli-Trou j
'kgi^ àt qnatre-vingt-dix diTiS.
Le 3 1 Mai , Jeanne , négreife libre , à cent ans.
Le 5 Septembre, Pierre Télémaque , affranchi par M. Legendre , l quatre-
vingt-dix ans.
Le 18 Novembre , Marie Magdelaine , négreflè libre , Arada, à cent ans.
Le 14 Février 1782, Catherine Rouffeau , négrcffe libre, veuve de Julien
Vital , à quatre-vingt-quinze ans.
Sainte-Rofe a encore perdu depuis une blanche de cent trais ans , & il y a peu
de, tems qu'une autre, plus que •«■«/,?««îV^ , exiftait encore.
Enfin le premier Septembre 1786, eft mort René Agion, nègre libre, à
■cent dix ans..
Tojne I. 'P £
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226 DESCRIPTION DE LA PARTIE.
On remarque aufiî dans cette paroiffe , que les terrains de la partie Occidentale
font prefque les feuls qui ayent des pierres calcaires , & que prefque tous ceux
de l'Orient font garnis de pierres vitrifîables. On avait prétendu qu'il exiftait
une ardoifière dans la paroiflcj mais ce fait ne s'eft point vérifié.
La population de Sainte-Rofe eft de 650 blancs, 950 affranchis & 9,500
efclaves. Des 1,600 libres , 500 font portant armes. Les milices de cette paroifTe
fourniiTent , durant îa guerre , leur contingent au fervice des corps-de-garde de
Caracol, de Limonade & du grand carénage du Quartier-Morin.
En général , les habitans de Sainte-Rofe , fans être tous riches , font très-
occu es de fe procurer toutes les jouiffances d'une vie que des moraliftes
févèrés pourraient trouver un peu épicurienne , & la fête de la paroiffe eft
célèbre par les amufemens dont elle eft l'occafion. On y aime la bonne chère
& le jeu. 11 eft fâcheux que ce goût de diffipation n'ait pas banni un efprit de
fufceptibihté , qui rend les combats finguliers fort communs , dans un lieu où
tout le monde devrait fcntir que la concorde eft le premier affaifonnement du
plaifir. Cette humeur irritable & le foin de contenir un grand nombre de gens
de couleur , ont rendu difficiles les fondions du commandant des milices de
cette paroiffe , auquel l'heureux talent de conciliateur eft néceuaire , talent qui
n'exclut pas le befoin de fermeté.
La réputation de falubrité dont jouit la paroiffe Sainte-Rofe , avait déterminé
à y faire cantonner , en 17 19, deux compagnies des troupes détachées de la
marine , & ce territoire a eu d'autres cantonnemens , mais par d'autres motifs^
Toutes les perfonnes qui ont examiné Saint-Domingue militairement , fe font
accordées à regarder Sainte-Rofe comme le premier point d'une retraite intérieure
éans la Partie du Nord , & comme importante à caufe de la nature de fes
communications avec le Dondon y par des gorges qui s'ouvrent dans le territoire
de Sainte-Rofe. M. de Belzunce 3 arrivé à Saint-Domingue dans des circonf-
tances où l'on devait regarder cette Colonie comme très-menacée ,. & avec la
miffion difficile de la conferver au pouvoir de la France , ne laiffa pas Sainte-
Rofe & le Dondon fans fonger à leur utilité. Sachant que fous le miniftère de
M. de Maurepas , M, le Maréchal de Noailies avait été fort occupé de l'idée
d'établir une place forte au Dondon , & croyant que la confervation des troupes
•venues avec lui exigeait une mefure avec laquelle s'alliait fon fyftême défenfif
et la Colonie , il fit former des camps à Sainte-Rofe & au Dondon. Des
— ^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
baraques furent placées , notamment au bas de la gorge du Grand-Gilles à
demi-lieue du bourg de la Tannerie, près de l'habitation Fontenelle • ce cam^
qui avait devant lui un ancien lit de la Grande rivière, fe nommait le camp Birof
De ce camp, la communication avec le Dondon fe divife en deux branches"
Celle de la droite, pafTe par la gorge du Grand-Gilles qui a une lieue de lono- '
fur cinq cens toifes dans fa plus grande largeur, mais qui fe rétrécit dans plu-
fieurs points & tellement dans un , que les deux cotés des montagnes ne laifTent
entr'cux que l'intervalle du chemin. Il n'y a que deux lieues du camp Biros
au bourg du Dondon.
La communication de la gauche efl par la gorge de Sainte-Rofe même On y
traverfe un ancien lit de la Grande rivière dans quatre points. D'abord deux fois
fur le terrain Fontenelle , puis à cent cinquante toifes de l'églife de Sainte-Rofe
& plus loin encore. Le chemin continue enfuite près de l'habitation Grand- Jean
& va fe joindre à la gorge du Joli-Trou qui eft à une demi-licue au-deflus de
l'églife.
Cette gorge du Joli-Trou a une lieue de long fur un quart de lieue de large
dans fa plus grande largeur , comptée du pied d'une montagne à l'autre A
environ un tiers de fon étendue , elle fe divifc en deux branches. La première
traverfe plufieurs fois la ravine du Joli -Trou & la féconde eft ce qu'on appelé le
Fond Chevalier. Ces deux branches fe réunilTent dans leur plus grande profondeur •
où eft la jonaion des chemins des deux petites gorges. Mais de là ce chemin fe
partage encore en deux. L'un monte la Belle-Crête & la traverfe pour arriver an
bois de la Porte jufqu'à la limite efpagnole qui eft à environ quatre lienes de
l'églife Sainte - Rofe ; l'autre après avoir pafle les Bois-Rouges , parvient au
Dondon , proche l'églife de ce lieu qui , foit par la communication de la droite ,
foit par celle de la gauche , fe trouve à environ trois lieues de celle de Sainte-
Rofe.
Entre l'églife de Sainte-Rofe & l'habitation Grand- Jean, il y a encore une
communication avec le Dondon. A une palTe de la ravine des Cormiers , le
chemin fe divife en deux , la fourche de la gauche va joindre le chemin du Dondon
à l'habitation la Bretonnière , fituée à une petite lieue du bourg du Dondon , &
celle de la droite va trouver le même chemin à l'habitation Dupuy , au fommec
de la gorge du Grand-Gilles & à environ mille toifes au-deiTous de i'habitatioa
la Bretonnière,
Ff 2
-2« ï) E
SCRÏPTION DE LA PARTIE
- Ce flit encore à la même époque du mois de Mai 1762 , que le chemin de la
gorcrc du Grand-Gilles fot rendu praticable aux voitures pour le tranfporc des
approvifionnemens , des munitions , &c , depuis la Tannerie jufqu'au haut de
cette gorge. On fentit bien dès-lors que dans des montagnes où il fallait couper
& remuer des terres pour combler des points bas , on obtiendrait diiEcllement
un chemin fohde & durable , on était même très-enclin à lui en préférer un par
le Bonnet qui , quoique plus long , à la vérité , était plus utile à la plame du
Cap & à la partie montagneufe même; mais il fallait pour cette route 90,000
iournées d'ouvriers lorfque l'autre n'en exigeait que 27,000 , & cette dernière
confidération l'emporta. La paix arrivée en 1763 , & le défaut d'entretien ont
ramené k chemin du Grand-Gilles à ce qu'il était auparavant, & ils n'ont laiffé du
camp Biros , conftruit pour recevoir trois bataillons , avec magafms , hôpi-
taux & autres établiffemens , que le fouvenir de ce que des corvées énormes
ont coûté aux habitans.
Cependant ces conftruftions fervirent , au mois de Novembre & de Décembre
1764, à recevoir environ huit cents Allemands & Acadiens. Le tréfor public
acheti du terrain pour leur procurer les moyens de fubfifter. Chaque famille
avait, au mois de Janvier 1765 . Ta cabane , & quatre carreaux de terre avec un
petit jardin enfemencé. Le 21 Décembre fuivant, on fit partir pour le Mole le^
• cent foixante & onze individus qui reliaient , tout le refte était mort. Ces mal-
heureux Allemands faifaient partie de ceux immolés par milliers dans l'entrepnfe
mal combinée de Cayenne. Et on a déjà befoin, vingt-quatre ans après, d'expli-
quer comment des cantons de Sainte-Rofe ont reçu leur nomde latranfplantation
de colons très-exotiques pour le climat de Saint-Domingue.
A la guerre de 1778 , Sainte-Rofe avait repris un peu de l'exiftence qui tient
i fa pofition militaire. On y fit conftruire une batterie & un retranchement dans
le plus étroit du chemin au Sud du bourg de la Tannerie & plus loin des magafms,
des feurs & une poudrière pour recevoir les munitions de tout genre , d'abord
entr-epofées dans les bâtimens de la fucrerie Fontenelle.
La pofition géographique de la paroiffe Sainte-Rofe, les difficultés que la
Grande rivière oppofent quelquefois a la communication de certaines parties aveo
d'autres , & , par exemple , celle du canton de Bahon avec l'églifc dont elle eft
éloignée de quatre lieues, ont été caufe" qu'on a formé à Bahon , un cimetière
pour faire les inhumations , lorfqu'on ne pourrait pas aller à la paroiflè. Ce parti
"*■■••■
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ii^
en quelque forte , forcé dans un pays où la putréfadion des corps eft très- rapide ,
aurait dû être accompagné de la précaution de faire attefter ces inhumations fur
les regiftres paroiffiaux, mais elle a été négligée & ce n'a été qu'après en avoir
été averti par des circonftances particulières que le Confeil du Cap, par arrêt du
aô Oftobre 17SS , a prefcrit la recherche de toutes les fépultures antérieures &
a commis un habitant notable pour exercer , à l'avenir, une efpèce de vicariat
dont la principale fondion eft de conftater , dans une forme probante , quels
font les individus qu'on enterre à Bahon , afin de conferver des preuves utiles à
l'état civil des citoyens.
La paroiffe Sainte-Rofe a été la première de la Partie du Nord , où l'on a vu
Se naturalifer des abeilles tirées de la Partie Efpagnole quijes tenait de la Havane.
M. Brûlé , habitant au Joli-Trou , s'étant occupé de l'éducation de ce laborieux
infeae , il y a trouvé une utilité réelle , puifqu'avant 1783 , il vendait la pinte
de miel une gourde. Cette valeur avait déjà décru de moitié en 1788,
Le bourg de Sainte-Rofe eft à
6 lieues du Cap.
3 i/z de l'Églife de la Petite-Anfe.
. __ du Quartier-Morin.
3 lieues de l'Églife de Limonade,
3 — du Dondon.
Une lif^ne tirée Nord & Sud de l'Églife de Sainte-Rofe , irait aboutir à la
mer , dan° l'Eft de l'embouchure de la Petite rivière du Quartier-Morin & à
environ cinq lieues de cette églife.
Sainte-Rofe eft du quartier de Limonade & du commandement Se de la Séné-
chauffée du Cap;
Il y avait , en 17 17 , un chemin du Cap à Léogane qui paflait par la gorge de
Sainte-Rofe , le Joli-Trou & le territoire efpagnol qu'on parcourait jufqU'au
Mirebalais.
On trouve dans le premier volume des Mémoires de la Société des Sciences
& Arts du Cap , une analyfe qui annonce que la paroifîe Sainte-Rofe renferme
au canton de là Montagne-Noire , Jf^r l'habitation Cameron, une eau minérale
ferruginéufe»
C'eft encore dans cette paroiffe, fur l'habitation Gouvion , qu'une mule a donné
k 30 Mars 1788 , un fœtus qui a été envoyé à la Société des Sciences & Arts du
C|ap ,. âinfique le procès-verbal qui conftatait ce fait.
>i
230 DESCRIPTION DE LAPARTIE
La paroifîc Sainte-Rofe a pour fa police , un fubftitut du procureur du roi de
la SénéchaufTée du Cap, & en outre un exempt & quatre archers de Maré-
chauffée.
«>"<I»-<ll'-<ll' *> *i'<lP <> *i.<lP 4!i 4li^ii
VIII.
Paroisse Saint -Louis du Morin,
Du ^artier-Morin ou du Trou ds Charles Marin.
Cette paroiffe eft une de celles qui donnent encore lieu de critiquer la
nomenclature coloniale , non pas cette fois pour avoir multiplié certaines déno-
minations, mais pour en avoir donné plufieurs au même lieu, ce qui eft
également propre à égarer. Il eft très-facile en effet , que celui qui entend parler
du Quartier-Morin ou qui lit ce mot dans un ade, n'en foupçonne pas l'indentité
avec ceux de Saint-Louis & de Trou de Charles-Morin , & qu'il croye aufli
qu'il exprime ce qu'on entend ordinairement à Saint-Domingue par panier,
& non pas une feule paroifîe.
La paroiffe du Quartier-Morin, pour me fervir du premier nom français
qu'elle ait eu & qui a tellement prévalu , qu'il n'eft pas permis d'efpérer qu'on
veuille l'abandonner , faifait originairement partie de celle de la Petite-Anfe
& en fut féparée peu d'années après , quoiqu'elle ne foit devenue que le 2 Février
1700 la paroiffe Saint- Louis , du nom de fon patron aéluel. Elle renfermait
encore à cette dernière époque tout ce qui était entr'elle & la limite efpagnole
à l'Eft, en y comprenant même la gorge où eft la paroiffe Sainte-Rofe. Tout
le monde fait que la formation d'une paroiffe eft toujours poftérieure à celle
des établiffemens qui lui donnent naiffance ; parmi ceux-ci, s'en trouvait un
ou plus confidérable ou plus ancien que les autres , qui appelé du nom de fon
propriétaire , fervait à défigner un canton dépendant alors de la paroiffe da la
Petite-Anfe. On difait donc le Morin , le ^.artier de Morin, le Trou de Charles
Morm, parce que ce Colon était dans un endroit où la Grande rivière qui
vaguait encore dans la plaine , avait laiffé des flaques d'eau. L'églife placée dans
fon voifinage était bien l'églife Saint-Louis , mais cette dénomination nouvelle
ayant à combattre l'habitude de l'ancienne , on continuait à dire le Morin en
FR A NÇ AISE DE SAINT-DOMINGUE. ^ji
parlant, quoique dans les ades on écrivîc Saint-Louis , & enfin aujourd'hui &
depuis long-tems, on ne dit & l'on n'écrit prefque plus que S^u.artïer-Morïn f*)
C'eft à cette paroifle que le nom de paroifTe de plaine convient parfaite
mentî car on peut dire que tout Ton territoire efl plane. Elle a pour limites au
Nord la mer; à l'Eft la paroifTe de Limonade , dont elle eft féparée par la Grande
rivière, depuis Ton embouchure jufqu'à environ 400 toifes au-deffous du boure
delà Tannerie j au Sud par une bande extrêment étroite de la paroiffe Sainte
Rore,enfuivantlafommité du Grand-Gilles ; &àI'Oueft, par la paroifTe de
k Petite- Anfe , favoir : depuis un point du fommet de la montagne du Grand
Gilles , qui correfpond à-peu-près au bout du Morne Pelé , jufqu'au point où
fc chemiade l'embarcadère de la Petite-Anfe commence fur l'habitation Millot •
puis ce chemin lui-même , jufqu'au point où il fe trouve entre deux mamelons
qui font dans le Sud-Oueft du Morne Pelé -, de-là , la limite faifant le Nord-
Eft, va paflèr fur le fommet du Morne Pelé , du milieu duquel elle va par une
direaion. Nord-Oueft , gagner la ravine des Sables, qui fert enfuite de borne
jufqua ce que devenue elle-même rivière Any, elle fe décharge dans la rivière
du Haut du Cap. A ce point, c'eft le cours de cette dernière jufqu'à fon embou
chure dans la mer , qui fépare la paroifTe du Quartier-Morin de celle du Cap
On peut évaluer la paroifTe du Quartier-Morin à environ quatre lieues de
longueur Nord & Sud , & à une lieue & demie de largeur moyenne , ce qui
équivaut à une furface d'environ fix lieues carrées.
Si, pour juger de l'importance des p^roifTes de Saint-Domingue , on h^ corn
parait èntr'elles , à raifon de leur étendue , on commettrait une immenfe erreur
relativement à celle du Quartier-Morin, puifqu'elle eft une de celles qui pofsèdent
le meilleur fol, & dont les produits font proportionnellement les plus confidérablcs
h. les produftions les plus, belles (t). Elle ferait vraiment une terre promife s'il
(*) Pour tout dire jç crois devoir obfmer qu'ui^e bourgade de la province &|du Corré.lmem de
Truxillo au Pérou , à POuefl du cerre. ou monticule de Pélagatos , s'appele MoL ^^""^ ^^
(t) L'habitation le Febvre quia . 35- carreaux de cannes , donne 800 milliers de focre , encore
^ ne roulant pas tout ; celle Charrite ,550 milliers avec 97 carreaux de cannes qui font p efoue
^hted. l'habuat^on puifqu'elle n'a que ,0. carreaux. La fucrerie Saint-Michel donne loo
«ulhers de fucre que fabriquent .56 nègres , en 90 journées , non-fucceffives ; l'habitation M.Z
RIPTION DE LA PARTIE
n'y avait pas des inégalités dans ce fol fi fécond &: fi de petites portions ne fem-
blaient pas difpofées par la nature comme pour faire mieux éclater fa prodigalité
fur les autres. .
La paroiffe du Quartier-Morin ne connaît d'autre culture que celle du fucre
qui occupe 32 fucreries , donnant par année, neuf millions pefant de cette
fubftance fi utile , fi agréable. Le fucre du Quartier-Morin eft réputé le plus beau
de celui qu'on fabrique dans la Partie du Nord & c'eft le maxiôium d'une échelle
à laquelle on fait rapporter l'eilimation de celui produit dans les autres paroiflbs.
Les terrains des habitations Charrite , Portelance & Saint-Michel, font les plus
réputés pour le beau fucre , mais la meilleure terre avec des productions aufll
belles , c'eft celle de l'habitation Chaftenoye, qui pourrait encore être arrofée en
totalité , en prenant de l'eau dans la Grande rivière , au-deffous de la prife d'eau
de l'habitation Fournier de Bellevue.
A-peu-près vers les trois -cinquièmes de la longueur de la paroiffe du Quartier-
Morin , à compter du rivage , on trouve l'extrémité d'une petite chaîne de
montagnes divifée en mamelons & qui eft le prolongement de la chaîne du Bonnet
dépendant de la paroiffe de la Petite -Anfe. Sa direftion eft à-peu-près du Sud-
Oueft au Nord-Eft & le mamelon qui le termine eft d'environ 800 toifes de
long fur 400 de large ; c'eft ce qu'on appelé le Morne Pelé , dénomination qui
en le peignant avec une grande vérité , annonce affez que l'aridité eft fon
partage- Ce monticule oij eft une mine de fer très-riche , mais point magnétique,
avance de manière à rétrécir de moitié la largeur de la plaine dans cette partie ,
mais au-deffus de la plaine s'étend encore, quoique bien moins que dans la
partie Nord de la paroiffe. Supérieurement au Morne Pelé , c'eft-à-dire entre
lui & les montagnes , efpace oià fe trouvent huit fucreries , le terrain du Quartier-
Morin eft moins fertile , fi ce n'eft dans la partie qui borde la Grande rivière ,
dont les dépôts font d'autant plus féconds , qu'ils font plus voifins de fon lit ,
& en même-tems plus éloignés des mornes , parce qu'avec une moindre vîreffe ,
l'eau tranfporte moins de galets & abandonne davantage de limon.
Mais auffi tout ce que j'ai dit à l'article de Limonade des changemens de lit
& des irruptions de la Grande rivière & de la nature du fol qu'elle a formé dans
la plaine , eft commun au Quartier-Morin. On a même vu , qu'autrefois cette
rivière coulait abfolument dans la rivière Salée , qui eft maintenant la petite
rivière du Quartier-Morin , que fon extrême rapprochement de l'autre & un
cour^
''■^Sf>
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 233
cours qui a, à peine j,ooo toifes , ne permet pas de confidérer autrement que
comme une infiltration de la Grande rivière , furtout lorfqu'on voit , comme moi ,
d'anciens plans où cette dépendance efl fenfiblement miarquée.
Les débordemens de la Grande rivière ont caufé des pertes confidérabks au
Quartier-Morin , 8c dans celui du mois d'Oftobre 1780 , les dégâts foufferts par
les habitations Cadufli & Rocheblave étaient bien propres à donner une idée de
fon impétuofité.
LafTés de tant de pertes , effrayés de l'avenir , excités par l'exemple tardif mais
heureux des riverains des deux bords qui ont efFeclué le redreffcment partiel de
la Grande rivière dont j'ai parlé à l'article de Limonade , les riverains du
Quartier-Morin depuis la Tannerie jufqu'à l'habitation Gradis inclufivement ,
s'occupèrent auiïi de fon redreflement dans cette partie. Ils avaient même été
jufqu'à s'affembler le 30 Juin 1787 , & les Adminiftrateurs avaient ordonné
qu'on ferait préalablement un plan des lieux , mais c'eft encore un projet de
Saint-Domingue.
Il n'eft pas une feule des dix habitations de la paroilTe du Quartier-Moria
rivenaines de la Grande rivière , depuis la Tannerie , qui ne pût avoir un moulia
à eau, & peut-être même une diilribution faite avec intelligence, auraic-
t-elle pu en procurer un à chacune des trente-deux fucreries de la paroifTe , par la
facilité de faire fcrvir fucceffivement la même eau à plufieurs moulins Mais les
habitans du Quartier-Morin fe font lailTés enlever cet avantage dont de longues
féchereffes & le renchériiïèm.ent progreffif des mulets leur fait fentir chaque jour
la perte , de plus en plus. D'autres habitans qui le méritaient mieux qu'eux , puif-
qu'ils étaient plus indufîrieux , l'ont employé à l'utilité de leurs habitations
depuis 1741, & quatre feules habitations du Quartier-Morin, dont deux non-rive-
raines , ont fu s'afTocier à ce détournement d'eau. Les dcwx premières font les
habitations l'Héritier & Duplaa , & les deux autres font celles Lacombe 8t
Stapleton , aujourd'hui Fcurnier de Beîlcvue & Macnemara.
On a cependant calculé alors qu'il était jufte de laiffer dans le lit de la Grande-
, rivière , l'eau néceffaire aux riverains placés inférieurement à la prife d'eau des
heureux ufurpateurs ; mais foit que l'évaluation faite alors du volume d'eau de la
rivière fût fautive , foit que ce volume ait fingulièrement décru par l'effet à\\
"tems qui a réellement amené de fiéquentes féchereilts , foit que la quantité qu'on
'efil autorifé à en détourner ait été excédée , foit enfin que ces trois caufes aient
Tome
G g
M
[1
aj4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
a»! fimultanément , il eft arrivé , a:- exemple , au mois de Mars 1786, que le
lii de la rivière a été abfolument à fec. Ainfi l'on peut regarder les riverains du
Quartier-Morln, comme dépouillés par le fait j d'un avantage dont le droit a
été folemnellement reconnu par ceux-mêmes qui les en ont privés , & avec lef-
queh ils plaident j depuis 1777 , pour le recouvrer. Au lurplus , j'entre dans la
defcripcion de la paroiffe de la Petite- Anfe , dans de plus grands détails fur cet
objet , parce que les ufagers de l'eau détournée de la Grande rivière j font connus
fous le nom d'Intéreffés au canal de la Petite-Anfe.
Les riverains du Quartier-Morin ont pratiqué des levées pour fe garantir des
débordemens , eux qui, pour ainfi dir-e , n'ont plus que les dangers de leur
pofition. Il y en a une fur l'habitation Duplaa ^ la dernière de la rive gauche , dont
les dimenfions font , dans certains points, 60 pieds de bafe fur 15 pieds de
hauteur , au-deffus des érores de la rivière & de 20 pieds de plate-forme. Je m'y
ibis promené plufieurs fois en voiture.
L'églife du Quartier-Morin eft fituée à environ 2,500 toifes dans le Sud du
rivao-e , èc à 1,000 toifes dans l'Ou^ft de la Grande rivière, de manière qu'elle
eft prefque à l'une des extrémités de la paroiffe. Cette fituation étonnera moins
£\ l'on refléchit que dans l'origine des étabhffemens français , le voifinage de la
mer était feul fréquenté. Cette églife fut mife fous l'invocation de Saint-François
d'Affife lors de fon établiflement , comme le prouve la pièce fuivante , qui montre
en même-tems ce qu'était alors le Quartier-Morin.
L'an i63S , Is cinquième jour du mois de Mai > par l'ordre de M. de Cufly , gouverneur pour le
loi eh Pile de !a Tortue & Côte Saint-Domingue , nous frère Jean Jacques ,. capucin miffioimaire
& pafteur de l'églife du Quartier-Morin, Jean Dumolard & Jean Mandeviile marguillisrs , ea
conféquence du dit ordre , nous nous fommes tranfportés dans l'églife de Saint-François d'Ailife
du Quartier-Morin , où étant , nous a^-ons vu & examiné la dite églife tant dedans que dehors i
pous avons trouvé uns églife fouten.ue par des fourches , couverte de cannes, à fucre & entourée
d'une paliffade,le tout deaii-pouri ; enfuite nous avons vu un feul autels fur lequel nous avons
trouvé un vieux & petit tabernacle , fans dorure , huit petites images de papier , deux vieilles
flatues qui repréfentent deux Anges & quatre chandeliers de bois , demi-rompus. De-là , nous
ayons paiïe dans la facrillie , tendant à la mêine ruine que la fufdite églife ; nous y avons
trouvé deux coiFres^ un grand a un médiocre ; dans l'un il 7 a douze vafes de terre de fiience:
dans l'autre il y a deux chafubles , une verte , & l'autre noire qui ne vaut pas grand chofe , ceux
aubes, une fine & l'autre un peu groSère , un calice d'argent demi-rompa par le pied , deux corporaiix
gercés , fix purificatoires , trois nappes d'auîe! , deux nappes pour la communion & trois ferviettes ,,
gne pedte clochette pour l'élévation de l'hoftie , deux milTels vieux ^ dan; le fufdiî tabernacle, il
lJI
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 235;
y a une petite caûods pour conferver le trjs-Saint-Sacrement. Hors de l'églife, il y a une cloche
de 700 livres pefant ou environ , ne fotuaant point, à caisfe qu'elle eft appuyée fur terre, n'y ayant
point de clocher; de toutes le£ f^ùiHites chofes , nous avons fait & dreiTe' le préfent procès-verbal ,
pour pre'fenter à Sa Majefté , afin que par fa charité ordinaire , il lui plaife donner fecours'
%«': F. Jean Jacques Davilk, cap-ocin; Bernardin Brunelot, affocié du fieur Dumolard , comme'
abfent ;^ Jean Mandeville ; de BeiizevrJ , féne'chal ; Camufet , procureur du Roi j & Leftorel ', greffier
de la Sénéchauftee du Cap,
Mes recherches n'ont pu m'apprendre pourquoi cette paroiffe a été mlfe en
1700 , fous l'invocation de St- Louis. Elle avait été bâtie en bois à cette époque ,
mais elle a été cor/ftruite en maçonnerie en 17 17. C'efl une des jolies & des
mieux entretenues de h Colonie. Elle a un autel à la romaine & doit une
grande parde de i^es ornemens à la libéralité de M. de Charritc , gouverneur du
Cap , & qui avait accepté volontairement la charge de marguiUier de cette
églife en 1709 & 17 10. Il y avait fait conftruire, à fes frais , une chapelle latérale
du côté du Nord , fous l'invocation de Saint-Jean-Baptifte , fon patron. Les
paroiffiens pour reconnaître tant de bienfaits , ont donné à perpétuité cette cha-
pelle I M. de Charrite , par me délibération du 23 Janvier 1718 , approuvée
parles Adminiftrateurs de la partie du Nord le 12 Août 1746, & enfuite par
les Adminiftrateurs en chef le 10 Mai 175 1 , en faveur de la famille de M.
de Charrite. Elle en jouit encore fans autre obligation que celle foufcrite par
fon auteur, d'entretenir cette chapelle & de faire les frais de l'office divin qui
y eft célébré le jour de la fête patronale de Saint-Jean. Les regiftres paroif-
fiaux du Quarder-Morin , qui font confervés , remontent jufqu'en l'année 1705,
Le terrain de l'églife eft une ancienne dépendance de l'habitation Guillaudeu ,
autrefois connue fous le nom de Beauval , qui était celui de l'un de ,fes coproprié-
taires. C'eft fur cette habitation que M. Guillaudeu a fait conllruire une colonne
de foixante &dix pieds de hauteur, qui porte une barre éleélrique. L'on n'a pas
obfervé qu'elle ait Influé fur les nuages chargés de la matière de la foudre , fi
ce n'eft que depuis i'établiffement de cette barre , le tonnerre eft tombé fouvent
fur le moulin de l'habitation Carré , qu'elle a immédiatement dans l'Oueft , &
qu'il y a tué & des nègres & des mulets. Le condufteur de chez M. GuilIaJdeu
s'étant rompu à la hauteur d'environ vingt pieds, on l'a laififé dans cet état,
fans penfer qu'il peut occafionner des acccidens , cette tour étant placée au
milieu de cafés à nègres bâties en caferncs.
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"^^^^jSm^
i
236 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ce fut fur l'habitation Carré que la déraflreufe épizootie de 1772 commença
à fe manifefter. Il y eut dans deux jours plus de 60 animaux attaqués &: enlevés.
Depuis, elle a continué fes ravages d'une manière plus ou moins funefte , &
en 1788, la morve & le charbon faifaient encore périr beaucoup d'animaux au
Quartier-Morin.
On croit que les premières cannes à fucre de la plaine du Cap ont été
plantées dans un terrain faifant, à préfent, partie de l'habitation Duplaa, qui eft
un démembrement des poffeffions de M. de Charrite , & fur laquelle eft même
refté la maifon de cet ancien gouverneur. Ces cannes plantées en 1699 & roulées
en 1700, fe trouvent dans l'Eft des bâcimens de la manufadure , & il faut
avouer que jamais lieu ne fut plus propice pour recevoir ce précieux dépôt ^
puifqu'encore en ce moment , cet utile rofeau y croît avec un fuccès qui femble
tenir à l'orgueil de cette poffeffion primitive.
Avant la canne à fucre , on a cultivé l'indigo pendant quelques tems au
Quartier-Morin ; mais qu'on juge de ce que c'était alors , puifque le 11 Oftobre
1688 , M. Garnier & fa femme vendaient à M. de Franquefnay r3 carreaux de
terre avec une indigoterie , fitués vers l'habitation Carré , pour un négrillon de
huit ou dix ans. A la fin du dernier fiècle , un terrain de 600 pas en carré de
l'habitation aujourd'hui Charrite, placé prè. des bâtimens, fut acheté des capucins
cent fteces de huit , environ 4C0 liv. tournois, & la jolie & fi fertile habitation
Deftreilles, ne coûta depuis à M. Stapleton que 3,000 liv. En 1737 , il y avait
encore du bois debout fur l'habitation la Molère , an bord de la Grande rivnère.
■ J'omettais de dire que l'églife du Quartier-Morin , a eu long-tems pour pafteur
le père Olivier , jéfuite , né dans la province de Guyenne. Jamais on n'eut
plus de qualités propres à l'apoPtolat. Devenu fupérieur de la miffion , en 17 16 ,
il défira , en 1720 , d'aller furveiller l'adminirtration de l'habitation de fon ordre
Su Terrier-Rouge , parce que fa fanté ne lui permettait plus de remplir les devoirs
de fon état. Il y mourut , le 28 Mars 1731 , dans la 58^- année de fon âge & la
iS'- de fa miffion , cél très-vieux par les auftérités qu'il pratiquait , & laiflant
un fouvenir digne de fes vertus.
La paroiffe du Quartier-Morin eft une de celles où il y a le plus de chemins de
eommunications. Tous ces chemins font beaux & prefque toujours droits. Ils
bordent des habitations dont l'afpea annonce de riches mamifadures, mais non
pas d'agréâbks habitations ] car on en voir où il n'y a point d'arbres ; où: k
LU 'I .••
Ï-RANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 2^7
demeure principale eft comme jettée au hafard , au milieu d'une favane , dans
laquelle les animaux cherchent le long des bâtimens , un abri dont on les éloif^ne
ou que leurs excrémens rendent déiagréable. C'eft donc avec une fenfation mêlée
de douceur & de furprife , qu'on apperçoit fur l'habitation Duplaa , une allée de
400 toifes de long, garnie d'un double rang de chênes très-élevés & dans lefquels
on remarque le long & confiant effet de la brife d'Efl , qui a donné aux arbres
une inclinaifon vers le Couchant.
Une autre furprife naît de ce que le bâtiment le plus frappant ne fe trouve pas
en face mais fur le côté gauche de cette avenue , & elle augmente , mais pour
faire place à un fentiment bien doux , lorfqu'on apprend que cette conftruélion
eft l'hôpital de l'habitation, Se que là l'humanité & des foins multipliés accueillent
les cultivateurs de cette immenfe fu^rerie , pour ainfi dire , créée en dix ans
par le zèle & les talens multipliés de M. Barré de Saint- Venant ; il a aufTi
embelli les lifières de cette habitation , en y plantant de jeunes acajoux-meubles ,
qui feront un jour d'une grande utilité aux conftruftions de la manufafture fans
avoir rien coûté.
La côte qui termine , au Nord , la paroilTe du Quartier-Morin , eft propre à
fournir plufieurs obfervations. Elle commence au bord Oueft de l'embouchure
de la Grande rivière. A 430 toifes plus Oueft encore, eft l'err.bouchure delà
petite rivière du Quartier-Morin. Celle-ci , dans le point du grand chemin du
Cap à Limonade qu'elle travcrfe > a quelquefois beaucoup d'eau , dans les tems
pluvieux j fans cependant qu'elle interrompe jamais la communication.
C'eft à quelque diftance , au Couchant de cette embouchure de la petite
rivière, qu'on peut obfervcr combien la mer remblaye dans cette partie, puifque
chaque jour , des efpèces de dunes fabloneufes , où l'on reconnaît aulîî le limon
de la Grande rivière , s'élèvent du fond des eaux & étendent le domaine terreftre
en s'unîfTant au rivage, par de nouveaux attérriffemens. M. Barré & moi, nous
nous fommes hafardés à aller les premiers > en 1779 , dans une voiture à tra-
vers un étroit pafTage de quelques toifes de mer , fur une de ces dunes qui avait
plus de 20 toifes du Nord au Sud & qui ne tarda pas à être ajoutée au fol de
^habitation. Avec une pareille rapidité, il ne faudrait pas des fièdes pour que la
chaîne des refïïfs qui eft au-devant de cette plage en fît partie , d'autant qu'entre
elle & la terre , font déjà des haut-fonds plus ou moins larges & plus ou moiaa
élevé? que les dcborderaens doivent étendre chaque jour.
238 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ilyaôio toifes depuis l'embouchure de la rivière du Quarder-Morin ou petite
rivière Morin , ( que je perfifie d'autant plus à regarder comme une infiltration de
îa Grande rivière , qu'elle naît , très-près de celle-ci , fur l'habitation la Molère,
au Quartier Morin même ) , jufqu'à l'embarcadère de l'habitation Chafte-
noyé. Dès le commencement du fiècle , il y a eu un corps-de-gardc à cc^
embarcadère , tout environné de terrains marécageux & noyés à la haute mer,
où l'on pourrait cependant trouver quelques iffues à mer bafle. Ce pofte avait i
en 1713 j une pièce de canon, pour tirer l'allarme que répétait l'habitation
Chaftenoye & enfuite des fufils , de manière à avertir d'abord les deux paroifîes
du Quartier-Morin &i de la Petlte-i\.nfe & enfuite les plus éloignées. Aujour-
d'hui ce pofte nommé le grand Carénage , a une batterie très-capable de le faire
refpeder &c d'interdire tout pafTage entre les reffifs & lui , aux embarcations qui
oferaient y pénétrer. Les habitans du Quartier-Morin &c ceux des paroiffes Sainte-
Rofe & du Dondon , y font concurremment le fervice , en tems de guerre.
On compte une demi-lieue de l'embarcadère Chaftenoye à l'embouchure dç
la ravine du Mapou , qu'on a appelé auffi autrefois ravine du ^icrtier-Mcrin ,
ravine du Mapou &t rivière du hourg de rer/ibarcadère de la Petite-A/ife. Cette
rivière n'efb encore autre chofe qu'une infiltration de la Grande rivière, d'où
on la voit prefque partir à environ trois lieues de fon embouchure , fur l'habita-
fion Gradis où elle s'appele la ravine des Sept-Frères. Elle eft groffie près du
Morne Pelé par la ravine de la BelJe-HôtefTe , qui a la même caufe qu'elle. On
voit dans la defcription de la paroifîe de la Petite-Anfe , quel a été le fort d'une
portion d'eau de la Grande-rivière qui devait être jetée dans la ravine du Mapou
pour l'utilité des riverains de cette efpèce de ruiffeau , qu'on traverfe fur un
pont de maçonnerie dans la route du Cap à Limonade , quand on a tourné au
Nord après avoir pafîe l'habitation Portelance.
A 190 toifes après l'embouchure de la rivière Mapou, eft un efter qui n'eft
lui-même qu'à 200 toifes du bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe.
Comme dans l'ufage on s'eft accoutumé à appeler ce lieu hourg de îa Petite-
Anfe ou même fimplement la Petite-Anfe , il y a confufion pour beaucoup de
perfonnes entre lui & la paroifîe de la Pedte-Anfe , & comme la paroiffe du
Quartier-Morin eft contigue à celle de la Petite-Anfe , & que même cette
dernière n'a point de bourg , il arrive au moins , qu'on croit que celui de
l'embarcadère dépend de la paroifîe du même nom. Pour favoir ce qui a pu
m^^
Sty
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, ^j^
donner Keu a cette communauté de nom, il fauÉ fe reflbuvenir de ce que j'ai (dit
que la paroiflè du Quartier-Morin avait fait partie de celle de la Petite-Anfe
originairement. Or à cette époque l'embarcadère fubfiftait ; il était réellement
celui de la paroiffe de la Petite-Anfe , & comme beaucoup d'habitations de la
paroifîe dont il a pris fa dénomination n'ont pas ceffé de s'en fervir , il eft refté
avec le titre d'embarcadère de la Petite-Anfe , le feul qu'il porte dans les aftes
publics.
Le bourg de l'cmbarcadèrp de la Petite-Anfe , bâti 31516 toifes du bac du
Cap, eft l'entrepôt des denrées des paroifTes du Quartier-Morin, de la Petite-Anfe
de partie de celle de la Plaine du Nord, de Sainte-Rofe & du Dondon. Situé
au, fond de la baie du Cap , il eft avantageufement placé pour recevoir les
denrées & les approvifionnemens. Il économife des frais de magafinac^e au Cap
ceux du paffage des effets , des perfonnes & des voitures par le ''bac de la
ville, & prefque une lieue de chemin , indépendamment de l'efpace qu'il fau-
drait parcourir dans la ville même.
Soixante & dix emplacemens compofent ce bourg , où fe trouvent plufieurâ
ouvriers tous utiles aux manufadures. 11 n'eft formé que d'une feule rue qui
eft la continuité du chemin du Cap, & qui forme un tour d'équerre, allant
d'abord parallèlement au rivage & tournant enfuite à-peu-prés du Nord au Sud
Cette dernière partie de rue a environ quatre-vingt-dix pieds de large convertis
en un bourbier de la même largeur dans les tems pluvieux, parce que ce point
eft un des plus fréquentés de la Colonie de Saint-Domingue, & qu'on ne lui
donne pas des foins proportionnés à fon importance. Il y a dans ce bourg deux
guildiveries très-lucratives, attendu qu'il fert de point de réunion à un nombre
confidérable de nègres , & que les dimanches & les fêtes leur afHucnce eft
même un objet qui intéreiîe la police. On y trouve auffî trois uoteries &
briqueteries. ^
Le bourg avair toujours été fous la garde particulière des bàtimens mouillés
dans la rade du Cap qu'il termine au Sud, lorfqu'après avoir fortifié l'entrée
de cette rade on craignit fi elle était forcée, que la Petite-Anfe n'offrît un
point de defcente. En conféquence , M. Frezier tant pour parer à cet inconvé-
ment que pour donner une protedion de plus au mouillage , propofait, au moi.
d Avnl 1720 , de conftruire un fort à une pttite pointe dans l'Oueft de l'embou^
*bure duMapou, de manière que le carénage & le bourg fuifent défendus, ft
rfTf m iwtfr iiimiJr ~ «_.
240 DESCRIPTION DE LA PARTIE
défirait aulTi une calle au bourg, parce que les canots & les chaloupes ne pouvaient
pas aborder le rivage faute d'eau. Plufieurs motifs & le peu d'utilité d'une
dépenfe dont le devis s'élevait à 296,100 liv. , détournèrent de ce projet,
auquelM.de Vaudreuil , gouverneur , fubftitua en 1747 une batterie circulaire
prefqu'en face de la rue , & qui fulîit pour tout ce qu'on peut efpérer ou craindre
de ce pofue.
Le bourg de la Petite-Anfe n'eft rien moins que fain à caufe des marais
dont il eft environné , car depuis l'embouchure de la Grande rivière jufqu'à la
rive droite de la rivière du Haut du Cap, e>:cepté dans l'efpace même du bourg ^
il y a une largeur de 300 toifes , au moins , en palétuviers , qu'abreuvent les eaux
de la mer , & où fe fait tout le jeu des marées.
Qui reconnaîtrait dans un pareil terrain , le fiége principal du royaume de
Marien, le féjour de Guacanaric , ce Cacique bienfaifant & hofpitalier qui engagea
Colomb à fe fixer dans fes états ! Le grand village qu'il habitait , car les premiers
auteurs efpagnols , n'ont appelé que village cette réfidence d'un louverain , était
en face du lieu où eft fituée à préfent la ville du Cap , à l'Oueft de Port-Royal
ou Caracol & de Limonade , à l'extrémité d'une grande campagne qui prit
depuis , difent ces auteurs , le nom de Véga-Réal ; H à tant d'indices , il efl
impoffible de méconnaître le fite du bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe.
Dans le long marais qui borde la côte depuis Limonade jufqu'au Cap, ce
point était le feul où l'on pût avoir conftruit une habitation quelconque, Ainfi k
demeure d'un chef qui commandait à deux cens mille hommes ; qui fe faifait
obéir dans toute l'étendue qui fe trouve depuis Monte-Chrift jufqu'au Môle , eft
remplacé par une bourgade qui compte elle-même à peine un fiècle & où
habitent quelques magafmiers & quelques ouvriers dont la plupart ne fe doutent
cas qu'il ait jamais exlfté ni royaume de Marien , ni Cacique Guacanaric.
Au furplus , tout prouve que ce lieu , fes environs & les différentes parties du
Quartier- Morin , ont été habités par les Indiens ; paitouton retrouve leurs olTe-
mens , leur groiïicrs mais ingénieux uftenfiles , leurs fétiches hideux maii
quelquefois très-artiftement travaillés , quoiqu'on ne leur ait pas trouvé d'outils.
Sur l'habitation Duplaa particulièrement', on rencontre à chaque pas , en fouillant
les trous de cannes , quelques nouveaux vefliges de l'eiàftence de cette race
déformiais effacée de la lifte des humains.
Le bourg de la Petite-Anfe n'a d'autre eau que celle qu'on va chercher à la
rivière
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 241
rivière Mapou qu'il a même fallu qu'une ordonnance du 17 Septembre 1757 ,
J«i eonfervât le droit d'aller prendre. Les emplacemcns y font fort chers , à caufc
de l'utilité des magauns d'entrepôt qu'on y conftrult & qui ont toujours été très-
enviés ; car dès le 14 mai 1718 , une ordonnance prononçait la réunion des
emplacemcns du Cap & du bourg de la Petite-Anfe qui ne feraient pas établis
dans fix mois , & cette affîmilation du bourg à la ville principale annonce affez
l'importance qu'il avait déjà.
En 1765 , l'État y avait acheté une maifon où a été logée la Légion créée par
M. d'Eftaing le 15 Janvier de la même année.
On a rais aufu des hôpitaux au bourg de la Petite-Anfe , durant la guerre de
1778, & depuis la paix de 1783 , on y en a vu pour le traitement des Africains
arrivans. On a prétendu que l'air de ce lieu ne leur avait pas été favorable & l'on
a compté que du mois d'Août 1782 à celui de Janvier 1783 , il y avait eu 14©
morts fur ^33 nègres malades.
Prefqu'auffi anciennement que fon origine , le bourg de la Petite-Anfe a eu un
/faateau-paffager de fon nom pour fa communicarion avec le Cap. En confidérant
que le chemin qui exifle entr'eux aujourd'hui n'a été fait qu'en 1742 , l'on fendra
que ce paffager devait être fort utile à ceux qui ne voulaient pas aller gagner le
Haut du Cap pour arriver à la ville. Ce paffage que l'on payait 4 fous 6 deniers,
en .1713, fut affermé au profitdu fifc, le 21 Juin 1727 , à raifon de 2,095 liv. par
an 5 à M''^- V^- la Boiffière , réuni le 10 Juin 1738 à celui de Limonade , puis
compris enfuite dang le don fait à M. de la Porte. Mais le privilège exclufif de ce
paffage fut fupprimé en 1765. Ce bateau partait trois fois par jour du Cap , à
l'aurore , à dix heures du matin , & à quatre heures du foir. Cette dernière
traverfée était quelquefois dangereufe. il n'exifte plus de paffager de la Petite-
Anfe , mais de petits canots du Cap peuvent être loués à ceux qui défirent faire
ce court trajet par mer , & les tranfports ont lieu de la Petite-Anfe au CEp ou a
bord des vauTeaux ou de ceux-ci à la Petite-Anfe , au moyen des chaloupes 8c
des acons,
-- Ily eut, en 1766 , un très-grand projet dans lequel la Petite-Anfe jouait un
rôle confidérable. M/ le comte d'Eftaing fentafit l'importance à'm arfenal & de
magafins pour la marine, & de les environner d'une fortification qui les protégerait
€M ajoutant à la défenfé du Cap , chargea M. Duporral , direéleur-général des
fortifications , de ce projet. On arriva à cinq propoations.
Tome J, H h
DESCRIPTION DE LA PARTIE
- La première mettait l'arfenal au Cap même, à-peu-près où eft le hangard à la
mâture ; mais on trouva que re local était peu expofé à l'effet de la brife néceffaire
•à la confervation des bois , que la proximité du morne y augmenterait l'humidité
êc que ce point était trop éloigné du grand carénage.
La leconde propofition indiquait un point en avant de la rivière Mapou , mais
5oO;000 livres de dtpenfe la firent rejetter.
La troifième propofition offrait l'intervalle entre l'habitation de la Foffette gc
ia rivière du Haut du Cap, ce qui mafquait le front du polygone , placé au bout
Oueft du front de fortification du Sud de la ville , & la fit croire nuifible.
La quatrième voulait qu'on prît le grand carénage lui-même, d'autant qu'on
aurait pu y abattre les plus gros vaiffeaux , bord à quai, & y établir une machine à
mater , mais on fut rebuté par l'éloignement oij l'on ferait du Cap , par l'infalu-
brité de l'air & par une dépenfe de 400,000 livres.
On fe décida donc à préférer le cinquième parti , qui était de mettre fur le
chemin du Cap au bourg de laPetite-Anfe , l'établiffement défiré, à environ 600
toifes du bac. Tel était du moins le fentiment qu'adoptait M. d'Eftaing , & qu'il
appuyait auprès du Miniftre. La fortification dans ce point devait être en état de
recevoir 300 hommes, coûter 300,000 liv. , les magafms 190,000; mais ce
plan n'a jamais eu d'exécution.
Avant de ceffer de parler du bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe , je
crois devoir dire que c'eft le lieu que l'cftimable Verret habita avec fa famille
îorfqu'il quitta la Louifiane pour venir éclairer Saint-Domingue de fes lumières ,
& l'enrichir par l'application heureufe de fes principes hydrauliques ; mais
comme il femble avoir appartenu encore plus particulièrement à la plaine des
Cayes , je me réferve de lui rendre là les derniers honneurs dûs à fes talens.
Il y a, je l'ai dit, environ 1,500 toifes du bourg de la Petite-Anfe au côté
Eft de l'embouchure de la rivière du Haut du Cap , qu'on traverfe , à ce point ,
dans un bac pour entrer dans la ville qui commence à l'autre rive. Cet efpace
eft celui du chemin qu'on doit à Larnage & Maillart , qui le prefcrivirent le
premier Oélobre 1742, pour la communication du Cap avec la plaine , par le
bourg de la Petite-Anfe. C'eft à proprement parler, un terrain fabloneux , garni
' de mangliers dans une partie de fa longueur , & où l'on fe trouve entre la mer
d'un côté & les marais qu'elle noyé , de l'autre. Dans les hautes marées & dans
ks tems des Nords où la mer bat fortement cette plage , elle eft attaquée dans
^J^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 243
plofieurs points , & quelquefois la vague brife affez près des chevaux pour que
fon bruit & fon développement les effraye. Quand cette caufe ceffe , les marais
fe dégorgent à leur tour, & le chemin cil coupé par les ruiffeaux auxquels cet
écoulement donne naifîance. La réflexion de la mer, la chaleur & la mobilité du
fable & les exhalaifons de ces marais , rendent ce trajet pénible & long , & le
voyageur y ferait accablé fi dans des intervalles & à travers les patéluvfers qui
aiment ce féjour aquatique , il n'était pas frappé de l'afpea d'une rade chargée de
vaiffeaux , fi celui d'une grande ville ne lui infpiraitpas des idées philofophiques
qu'entretient encore la ffiaifon principale de l'hôpital des Religieux de k
Charité , qui fait perfpeclive fur l'autre côté de la rivière. Qui voudrait croire
que les défagrémens de ce chemin utile aux plus riches paroiffes , font quelque-
fois augmentés par la négligence , qui met fon empreinte fur tout à Saint-
Domingue 1 .
A environ 5ootùifeâ de la fortie du bourg de la Petite- Anfe , en venant au
Cap, ce chemin a un pont connu fous le nom de P ont -Rouge , parce qu'il eft de
bois & peint de cette couleur. M. Jacques Grandin , chirurgien du bour^
^'occupant de la conftruftion d'un four à briques , à carreaux & à tuiles , fit^'à
travers le chemin , pour égouter fon terrain qui était noyé , un foffé 'qu'ii
demanda â couvrir d'un pont de 20 pieds de long fur 3 pieds de lafge de l'Eft à
rOueft , ce qui lui fut permis par l'ordonnateur du Cap, le ï8 Avril 1750. Les
dégradations fucceffives , l'aftion alternarive du flux & du reflux, ont miné
plufieurs fois les bafes de ce pont, qui eft maintenant à la charge de 'la paroiffe
du Quarder-Morin, & qu'on a vu aflez délabré en 1778 pour qu'il fut dangereux
- d'y paffer. Des plaintes aiguës le firent enfin raccommoder , & l'on fait que des
plaintes font dé^à anciennes lorfqu'elles font entendues.
Du pont jufqu'au Cap, c'eft à l'habitation Saint-Michel, qui a la jouifîance
cies cinquante pas du roi , à entretenir le chemin, comme le prouve une ordon-
nance du 6 Oélobre 1780. Cet entretien eft coûteux j le gouvernement a
contribué aufn fous'1'adminiftration de MM. de Reynaud & le BralTeur à faire
une chauffée bordée de pierres fèches le long de la mer, dans la langue de terre
qui termine- la rive Eft de la rivière du Haut du Cap.
C'eft dans la diftance du pont Rouge au Cap, & à environ une demi-lieue
avant le bac , qu'on voit fur la gauche & à 200 toifes du chemin , un morneç
appelé le nwne à jarian , & qui eft préfentement le morne Saint-Michel,
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C44 DESCRIPTION DELA PARTIE
quoiqu'on ait penfé par erreur qu'il dépendait de l'iiabitation Bau.iin , & qu'on
l'ait auiïi appelé de cette dernière manière. Ce petit monticule ifolé , pofé à
l'extrémité de la plaine dans le point où le terrain lagoneux commence à devenir
confifcant , eft en forme de pain de fucre & domine fes environs. par le moyen
a'un plateau d'environ lo toifts de circonférence. Des ordonnances des Admi-
miniilrateurs, de 1739 & de 1766 , prefcrivirent de prendix dans ce Petit mornet
de la pierre pour raccommoder la paffe de la rivière du Haut du Cap & le chemin
de l'embarcadère de la Petite-Anfe au Cap , en rendant ce mornet plus à pic.
On évaluait alors fes dimenfions à 33 toifes de diamètre, 80 pieds de haut Se
8 toifes de furface au fommet.
L'habitation Baudin était autrefois celle de M. de Boifmorant , commlffaire
de la marine , ordonnateur du Cap , dont le vrai nom était BianconelU , & qui
était frère d'un fcapin de la comédie Italienne , très- célèbre fous ce nom. Lors
de la révolte de la Colonie contre la Compagnie des Indes , les habicans vinrent
brûler fon habitation le 18 Décembre 1722, comme une preuve de la haine
que leur avait infpiré la protection qu'on reprochait à ce confeiller du Confeil
du Cap , ( car il l'était auffi ) , d'accorder à la Compagnie. On brûla également
un magifm que la Compagnie avait à la Petite-Anfe , vers la pafle du Haut du
Cap. .
Les premiers habirans qui quittèrent l'île de la Tortue pour vemr former
des établiffemens permanens dans la plaine du Cap, étaient au nombre de douze,
& avaient pour chef, Pierre le Long, premier mari de M^- de Graffe, & que j'ai
déjà nommé. H commença fa première culture dans la paroiiTe de la Petite-Anfe,
que j'ai affez dit avoir précédé celles qui l'avoiunent aujourd'hui , & qui la
compofaient en partie. La defcendance de M. le Long qui exifte à préfent dans
ia perfonne de M^=- Faubeau de Mallet, habite la paroiffe de la Plaine du Nord,
à la limite de celle de la Petite-Anfe.
Depuis le bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe jufqu'à la rivière du
Haut du Cap , le Sud du chemin forme un marais qui a environ 300 toifes de
profondeur. Ce marais s'étend auffi fur la majeure partie de la langue de terre qui
termine le chemin vers l'embouchure de la rivière. Cependant depuis 1787 3 les
baraques conftruites fur cette langue pour loger du bois & enfuite quelques petites
tnaifons bâties fur l'extrémité de la rive droite , ont élevé & defféché cette
portion. Au-defîus , toute cette rive Eft eft bordée du même marais dans uae
F R A NÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 245
largeur de 500 toifes iufqu'à l'embouchure de la rivière Any, qui fe jette dans celle
du Haut du Cap à environ 1,500 toifes du point où eft le bac , mefuré en li-ne
droite. A l'Eft & au Sud de ces portions lagoneufes , font des habitations dont
le fol plus élevé donne du fucre de la plus grande beauté. L'une de ces habita-
tions ( celle Baudin ) , préfente dans certains points , à ceux qui remontent la
rivière en canot, la perfpedive d'une belle avenue de chênes, dont le double
rang fe préfente du Nord au Sud, dans une longueur de 200 toifes. L'œil
s'attache avec plaifir à ces arbres , qui lui annoncent que tout ce qui l'environne
n'ell pas le domaine des palétuviers,
La paroiffe du Quartier-Morin eft une de celles qui ont une température
Chaude , & elle tient le milieu entre celles qu'on peut regarder comme féches
& celles qui font pluvieufes. Le bas de la plaine peut recevoir annuellement ço
pouœs d'eau , quantité qui augmente un peu dans le voifinage des mornes où
d'ailleurs l'humidité eft plus long-tems confervée. Les mois pluvieux font depuis
Mai jufqu'en Décembre , & le plus fec celui d'Avril. Quant à la chaleur elle
y eft extrême dans les jours longs & où la brife n'eft pas très-forte. Le thermo
mètre de Réaumur à l'efprit de vin étant au bourg de la Petite-Anfe à 24
degrés le 7 Septembre 1775 > à midi , on l'expofa à l'aftion du foleil, & en 20
minutes il s'éleva jufqu'à 49 dégrés. En Oélobre 1779 , un thermomètre
femblable, tenu dans une chambre très-aèVée , du même lieu, s'éJeva à 74
dégrés à 4 heures de l'après-midi.
La population de la paroiffe du Quartier-Morin eft extrêmement faible en
blancs. Tous les propriétaires de fes riches habitations réfident en France & l'on
a vu un moment où il ne s'en trouvait qtie trois à Saint-Domingue. On y compte
204 blancs & 95 affranchis. De ces 299 individus , ily a près de 100 blancs
dans le bourg de l'embarcadère & 25 hommes de couleur. La paroiffe ne fournit
que II 8 hommes portant armes , mais l'on y trouve plus de 7,000 nègres dont
environ 400 font au bourg de la Petite-Anfe. ^
De l'Églife du Quartier-Morin à celk du Cap
' '-■ au bourg de la Tannerie ,
' au bourg de l'embarcadère ,
' à l'égJife de Limonade ,
'"" " de la Petite-Anfe,
3 lieuesî
3
z
2
I 1/2
1'^
Il eft impoffibîe de ne pa« parler de M. de Charrite, lorfqu'on décrit U paroiffe'
H
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^^
246 DESCRIPTION DE LA PARTIE
du Quàrtler-Morin où il a laiffé une immenfe fortune. Entré , en 1683 , au fervlce
en qualité de garie de la Marine , é:ant alors âgé de 25 ans , il fut fait Enfeigne
en 1689 & lieutenant en 169J. Il efcortait un convoi de 150 voiles pour la
rivière de Bordeaux , lorfqu'il y fut attaqué par une flefTinguoife de 11 canons^
êc deux corvettes efpagnoles de 10 ou 12 canons chacune. A la troifième tentative
qu'on fit pour l'aborder , il eut le cou percé d'une balle de x^aucont^eau , l'épaule
& la mâchoire fracalTées,, Malgré cela il ne fut pas pris & il fauva fon convoi.
Depuis cet inftant, M. de Charrite ne vécut plus que d'alimens liquides. Il obtinl;
une pennon de 500 livres en 1697, la croix de Saint- Louis l'année fuivante ^
ainfi que la place de lieutenant de roi du Cap , dont il devine gouverneur , en
1706. Nommé gouverneur-général des Ifles du Vent, en 1711 , il refufa cette
place. On lui donna , en 17 16 , celle de lieutenant an gouvernement-général de
Saint-Domingue , dans l'exercice de laquelle il eft mort le 17 Octobre 1723.
M. de Charrite était doux, populaire, ennemi du defpotifme , m.ais on lui a
reproché , avec juftice , d'avoir terni ces belles qualités par une infatia'ole cupidité.
Il pofledait encore en 1 7 1 6 , le tiers du Quartier-Morin , mille toifes en carré dan^
la paroiffe de la Petite Anfe , la favane de Limonade , &c il n'était pas fatlsfait>
Mais on ne lui a pas moins des obligations très-réelles.
M. de Charrite fit venir de France un rafineur inftruit , & ce fut fur fon habi-
tation , au Quartier-Morin , que fut établie la première purgerie de la Colonie
Françaife. Il envoya les premiers effais de fon fucre re.finé , comme on dilait
alors , au Miniftre , par le vaiffeau le Profond , en 171 1. Pour engager les autres
habitans à l'imiter , il établit une poterie où l'on faifait des formes pour le fucre ^
%c ce ï-<}X encore à lui qu'on dût une manufaélurç de tuiles & une autre de
briques. Ces exemples furent heureux & la reconnaiffance doit les publier.
M. <k Charrite avait auffi fait venir de la Havane des ouvriers pour établir
une manufadlure de tabac en poudre , mais les Colons à qui cette fabrique
n'offrait point de débouché 8i pour qui les gains d'une fucrerie avaient plus d'at-
trait , ne goûtèrent pas cette nouvelle tentative qui n'eut aucun fuccès.
M. de Portelance , né à Paris , propriétaire d'une des belles habitations de
cette paroiffe , eft auteur du Temple de Mémoire ^ de la tragédie d'Antipatcr 5g
des Adieux du Goût , com.édie,
îv5'. Dazille , chirurgien - médecin , penfionnaire du roi , élève du célèbre
Antoine Petit, a rçfidé depuis 1777 jufqu'en 1783, furies deux habitation^
■^T""*^
7^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 247
Duplaa Se Chaftenoye au Quartier-Morin & y a produit ainfi que dans les paroiffes
voifines , une révolution favorable dans i'adminiftration des nèo-res , tant en
fanté , qu'en maladie. C'cft d'après fes indications que l'établiffement des hôpi-
taux efpagnols de rembarcadère de Limonade fut fait. Ce cantonnement qui a
duré dix-huit mois , quoique compofc de régimens venant du camp de St-Roch,
a été le moins deftrufteur.
On doit à M. Dazille , qui a été employé fucceffivement dans les ports de
France, fur les vaiffeaux du roi , en Canada , à Cayenne , à l'Ifle de Fiance ;
les Obfervations fur les Maladies des Nègres , ouYv^e^t très-eftimé , imprimé chez
Didot jeune , en 1776 , b: dont il prépare une nouvelle édition , & des Obfervations
Générales fur les maladies des Climats chauds , publiées chez le même , en 178 c.
C'eft auffi le Quarùer-Morin qui a été le lieu de la première réfidence de M,
Sirafon Worlock , créol de l'île anglaife d'Antigue , beau-frère de M. Daniel
Sutton , auteur d'une méthode d'inoculer qui porte fon nom. M. Worlock
inftruit de cette méthode par fon beau-frère , avec la condition de ne s'en fervir
qu'en Amérique, arriva au Cap, en 1774, venant de Nantes, recommandé
au gouverneur-général par le miniftre de la Marine. Il a inoculé par milliers ,
des nègres de la Colonie , pour un prix extrêmement modique , & s'eft attaché par
fon caraélère tous ceux qui le connaiffent. M. Worlock a obtenu-, en 1779 , des
lettres de naturalifation.
Ayant cultivé toutes les branches de l'art de guérir , M. Worlock a fait un
mémoire fur la maladie épizootique peftilentielle de Saint-Domingue , qui lui a
obtenu un prix d'encouragement de la Société royale de Médecine de Paris &
le titre de correfpondant. On en trouve l'extrait dans les Recherches fur les Épi-
zooties publiées par la Société des Sciences & Arts du Cap , qui s'eft attaché
^. Worlock.
I X.
Paroisse DU DoNDON-.
L E voifmage immédiat des Efpagnols réunis dans des établiffemens confidé-
rables , a rendu très-lent celui du Dondon. Son origine ne remonte qu'au 1 1
Septembre 1698, époque où André Minguet , flibuftier-chirurgien , qui avait
DESCRIPTION DE LA PARTIE
inarché au fiège de Carthagène , obtint de M. DucafTe , alors gouverneur , h
,concenîon ,, du lieu appelé vulgairement le Trou du Dov.àcn , borné des monta-
gnes qui forment le Cap , & de l'autre côté des montagnes des favanes du
• j Grand Fond & du Limbe , & de la rivière du Pimentier , pour y ék'Cer des
beftiaux jj. Cette donation d'une immenfe étendue de terrain , était, comme
le dit la conceffion elle-même (*) , un témoignage des fentlmens qu'infpirait la
conduite de Minguet , qui , prifonnier à Carthagène, avait fu s'attirer les égards
du cheferpagnol& la confiance de fes compatriotes.
On fent néanmoins qu'alors on était loin d'attacher aux terres la valeur
qu'elles «nt fucceffivement acquife depuis. Minguet forma fur fa conceffion une
hatte & un corail. Agé de près de foixante ans, placé far un fol très-élevé &
.où des arbres peut-être auffi anciens que i'ile, attiraient des pluies fréquentes,
il n'était d'abord connu que des efpagnols de Gohave qui fupportaient im,pa-
tiemment le voifinage d'un Français , & qui mirent inutilement tout en ufage
pour l'expulfer. Deux autres Français obtinrent en 1701 une conceffion en deçà
de celle de Minguet , qui acheta d'eux leur terrain , comme s'il avait gagné dç
fes voifms la maladie des grands domaines.
En effet, elle agitait Minguet, puifque fans aucune utilité réelle, il fit ratifier
fa conceffion par M. Auger le 25 Mars 1704, par M. de Choifeul le 22 Février
1709, par M. Mithon , Intendant, le 20 Juillet 171 1 , le même qui, conjoine
tement avec M. du Paty, ajouta , cinq jours après, une nouvelle conceffion de
ïoo carreaux à celle de 1698 ; & enfin par M. de Blenac , le 25 Mars 1715.
B eft même très-remarquable que Minguet, qu'on ne peut s'empêcher de
regarder comme très-jaloux de fa conceffion, ait agréé l'approbation donnée par
•M. de Blenac , qui eft conçue en ces termes : „ Vu la conceffion de l'autre
part accordée par M. Ducaffe & les approbations & ratifications fuivantes ^
nous donnons la nôtre au fuppliant , K ce pciirfa "j-ie. „
Vouloir réduire à une jouiffance ufufruitière un don fait en propriété , &
effayer ce changemnet par rapport à un vieillard prefqu'oélogénaire , c'était
cacher un dépouillement réel fous une forme bienveillante , & il n'efl: pas facile
dejuftifi^er le gouverneur-général à cet égard, même en difant qu"une ordon-
nance du roi de 1713, réunifiait toutes les hattes & corails , où il nç
{*) Voyez Lok de Saint-Domiag-je , tome ler, , page 6o3,
ie
tmâ
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M I N G U E. 249
fe trouvait pas des animaux en nombre fuffifanr. Elle ne pouvait pas concerner
Minguet qui , au fein des bois, exerçait l'une des plus touchantes vertus, l'hofpi-
talité , & l'hofpitalité la plus digne de ce nom. Aux fecours de la chirurgie , ii
avait rc'uni ceux d'une foule de plantes , & la nature fécondait fouvent une heure'ufe
application des moyens qu'elle prodiguait autour de Minguet. Le pauvre allait
trouver un père -, le riche ( s'il en était alors à Saint-Domingue ) , recourrait à
un être qui fe croyait déjà payé par le fuccès. Son faible hofpice était devenu
fucceffivement un immenfe hôpital & ces Efpagnols , auparavant fi irrités contre
Mi^nguet, venaient s'y mêler aux Français, & partager des foins que ce vénérable
Coîon donnait à l'homme , quelle que fut fa patrie.
_ Je me hâte cependant de dire qu'en accueillant , à la même époque de 1715 ,
des demandes de conceffions pour établir des indigoteries au Dondon , M. dJ
Blénac, & fon fucceffeur M. de Chateaumorant, alnfi que leur collègue M. Mithon,'
mirent pour condition , que les concefTionnaires s'ascommoder^.,fit avec André
Minguet , en cas que les nouvelles concevons fe trcuvajfent dans lafienne.
■piufieurs d'entr'eux remplirent la condition , & Minguet fe contenta de dix
livres par caryeau ; les autres prétendirent qu'ils étaient hors des limites de la
concelTion de 1698 ; Minguet était vieux , fa mort devait le dépouiller : & il eft
des êtres dontl'efprit & le cœur ne répugnent à aucun calcul.
On ne fe borna pas à de fimples prétextes , à des empiétations colorées , il fe
trouva des hommes plus hardis qui demandèreTit des terrains évidemment fitués
dins la conceffionde Minguet, celui-ci s'en plaignit, & les chefs décidèrent, le
4 Juillet 1721 , que les conceffions de 1698 & de 171 1 feraient refpeélées , &
qu'un arpenteur en ferait connaître les \éritab!cs dimenfions.
Comme cet utile citoyen devait être l'oojet de chofes , au moins .fingulières,
Varpe-nteur Dateur imagina de décider , en fon abfence , par un procès-verbal
du a6 Mars 1722 , à quoi Ton devait les réduire, & les Adminiftrateurs en fécond
du Cap, ufurpant un droit qui n'a jamais appartenu qu'aux Adminiftrateurs en
chef, fe firent juges de la conteftation & prononcèrent le 18 juin 1722 , que la
veuve de Minguet ( car le premier Colon français du Dondôn venli^t de oayer
3e tribut àla nature) aurait feulement 425 carreaux, qui feraient réoarti^s iur
trois étabhffemens de fon mari , auquel on avait la hardieffe de' reprocher de n'en
avoir formé aucun. Le n,ême jugement régla les conteilations de pluf eurs concet^
Terne /. _ . 1\
/
250 DESCRIPTION DE
A PARTIE
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I
fionaires & ie Dondon devint ainfi un établiffement réel qui ne date d^ns le fait
que de 17 21. , ■
' Cet éubliffement étaii: utile à cauie des inquiétations fréquentes des Eipagno.3.
C'eft un des motifs du règlement de 1722, qui enjoint à tout habitant d'avoir
au Dondon , le nombre de blancs prefcrit par les loix.
O': eil parvenu à ravir au fils de Minguet de nouvelles portions de terrain,
de manière que tous les droits de cet ancien Colon fe font réduits à 148"
carrcaux, qui fe trouvent aujourd'hui dans le territoire de la paroiffe de la
Marmelade; encore a-t-on effayé de les enlever à celui auquel ce fils les a
vendus en 1770. Ainfi l'on ne trouve plus dans la paroiiTc du Dondon la
defcendance de ce Minguet , dont tous les Colons de Saint-Domingue pronon- -
cent ie nom avec reconnaiiIr.nce , ne fut-ce que pour défigner quelques plantes
que ce nom fai: connaître , notamment une liane dont le fuc eft un p uITant
vulnéraire. Je trouve trop de iouiiTances à retracer le fouvenir de tous les êcres
bienfaifans qui ont exifcé à Sair.t-Domingue , pour n'avoir pas faiîl une occaficn
de rappeler le fien ; d'autant que je remplis en m.ême-tems mon défir d'éclairer
fur l'origine de la paroiiTc du Dondon.
Cette paroiffe écait fi peu avancée en 1724. que MM. de Chaftenoye & Duclos,
gouverneur & ordonnateur du Cap , qui venaient d'y faire un voyage à caufe de.,
quelques démêlés avec les Efpagnois , crurent pouvoir imiter leurs devanciers
& faire , le 20 Novembre 1724 . '^n règlement pour y augmrenter la population,
confnlante alors en une douzaine de blancs feulement. Pofant d'abord comme
chofe certaine , que l'on ne pourra pas établir de fucreries dans ce heu , mais
bien y faire de Vmdigo , du tabac ou du cacao , ils ne voulaient pas qu'un
ha'ûitant pût y poiTéder plus de 36 carreaux , excepté trois personnes que leur
règlement nomme, & parmi lefquellcs on trouve avec fatisfacftion la veuve de.
Minguet, à caufe des femces de fon mari & de l'obligation qu'on lui a d'avoir
confervé & maintenu ce quartier aux Français. Ils exigent la réfidence du
propriétaire ou celle de blancs qui le repréfentent , & que chaque habitant foit
armé & équipé avec un cheval.
En 1725, le Dondon fe trouvait féparé du refte de la Colonie françaife. Il
communiquait feulement avec la paroiffe de Sainte-Rofe, par la gorge du Joli-
Trou , où l'on était alors obligé de faire près d'une lieue à^ pied. C'eft même ce
rentier qui était depuis 1717 , une des routes du Cap à Léogane.
^p\
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M I N G Û É. 151
Er.fin le Dondon fortit de cet état d'enfance, & en 1727 on en forma une
paroifle qui fut retranchée de celle de la Petite-Anfe, On y bâtit une chapelle
que delTervaient des prêtres , chargés par les Jéfuites du foin de plufieurs arnes
par le défaut de fujets de la compagnie de Jéfus. En 1742, les habitans ache-
tèrent de M. Garfeau une portion de terrain où l'on conilruifit une églife & un
presbytère en 1743. On avait eu auffi le projet d'y former un bourg", qui fut
même commencé dès lors , mais le terrain étant infuffifant , les habitans fe firent
autorifer parles Adminiftrateurs , le 9 Avril 1749, à acquérir un fupplément
de M. Baconnais , ce qui a effectivement eu lieu. L'arpenteur Rault le divifa
par emplacemens&en fit un plan direfteur, où les alignemens étaient réglés
fur la pofition de i'églife , & une ordonnance des chefs approuva ce plan le 3
Décembre 1751.
Ce n'a été qu'à l'époque des arrangemens paroiffiaux de 1742 que les limites
du Dondon furent défignées d'une manière certaine ; jufque - là le zèle du
deflervant en était la vraie mefure , & le curé de Sainte-Rofe & lui , étaient
fouvent les vicaires l'un de l'autre. Les Colons eux-mêmes n'étaient paJ encore
auffi nombreux qu'on le défirait , puifqu'une ordonnance du 21 Mai 1751
menaça de la réunion de leurs terres , ceux qui n'auraient pas formé d'établiiïe-
mens dans fix mois. Le 25 Novembre 1773, h paroifle de la Marmelade a
été diftraite de celle du Dondon , dont voici les bornes aéluellcs :
Au Nord, i^ La Paroiffe de la Petiie-Anfe , dont elle eft féparée par la
montagne du Bonnet , & 2". la paroifle de la Plaine du Nord , 'dont.elle eft
féparée par les montagnes du Grand-Boucan & des Mornets.
A l'Eft , la paroifle Sainte-Rofe , au moyen de la première chaîne de mon-
tagnes qui vient du Cibao & qui ceflTe de dépendre du Dondon à la Crête du
Grand-Gilles.
Au Sud, le territoire efpagnol, depuis la pyramide N-, 79, qui forme à la
ravine Mathurin le point de réparation entre la paroifl:^ Sainte-Rofe & celle du
Dondon , jufqu'à la pyramide N°. 97 qui eft fur la rive droite de la rivière du
Canot , & à la pointe de l'embranchement oppofé , defcendant de Marigallegue,
& qui eft commune à la paroifl^e de la Marmelade.
C'eft dans un point de cette étendue , que MM. de Chaftenoye & Duclos
virent en 1724 deux arbres, fur l'un defquels était écrit Capitan Bertol ,
& fur l'autre Ane>ré Minguet : limites convenues entre ces deux voifins
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^
D E S C R I P
ION DE LA
A R T I E
français & efpagnol , pour mettre fin à des plaintes réciproques d'empiètementr.
Dans toutes les montagnes qui féparent le Dondon d'avec la Colonie efpa-
gnole , & dont la plus confidérable eft la chaîne nomn:ée morne à Chapelets ,
à caufe du nombre prodigieux de palraiftes à chapelets qu'elle nourrit, il n'y a
que deux ouvertures qui puiiïènt faire communiq'jer les deux Colonies. Celle
de la Porte, qui eit dans le bout Sud-Eit de la paroiffe , & dont j'ai entretenu le
Lefteur en parlant de Saint-Raphaël , paroliTe de la Partie Efpagnole , & où les
Français avaient un poue qu'ils appelaient vigie , 8c qu'on y voyait encore en
J702 ; & le Saut du Canot , qui eft vers le Sud-Oueft.
Au Couchant, la paroilTe du Dondon efl bornée par celle de la Marmelade t
1°. a'j moyen des montagnes de la Soufrière de la Marmelade , entre lefquelles
eft un intervalle qui fert à la communication des deux paroiffes ; & 2.°. par la^
montagne de la ravine à Fourmi.
Le Dondon eft abfolum.ent ertclavé dans les montagnes & le fol du lieu où efl
rÉo-life & le bourg, eft élevé d'environ deux cent cinquante toifes au-deiTus du
niveau de la mer. ( * ) Il n'y a peut-êcre dans nul lieu de la Colonie un fite plus.
pittorefque que celui de cette paroiiTe. D'énormes montagnes dont les fomm.ets
font quelquefois efcarpés , préfentent des rochers inclinés , fouvent mêr.e
renverfé:. les uns fur les autres, & le défordre de ces miaffes offrent prefque par-tout
des témoignages de grandes agitations terreftres. Les montagnes font entre-
coupées ou féparées par des Vallées riantes , par des coteaux frais dont la verdure
nuance agréablement celle des bois touffus dont les élévations font couvertes , &
confole de quelques afpecls oii le roc décharné attrifte l'homme & lui parle de
deftruélion. L'induftrie de cet être inexplicable fe remarque dans tous les points ,^
& la nature 5 tantôt défigurée , tantôt emibeliie par fes travaux, femble avoir
conienti à partager fon empire avec lui.
L'inégale furface du Dondon , autant qu'elle peut être évaluée , a trois lieues.
du Septentrion au Midi & cinq lieues du Levant au Couchant , & comme ces
diraenftons font plus ou moins rétrécies dans certains points , en ne peut en éva-
luer le circuit qu'à environ quinze licues. Cette étendue eft divifée en neuf
cantons..
(») C'êft par erreur quej''ai mis chj cens ioifis dans la Defcrlpticn delà Partie Efpsgiioie , tome-
jer. , pages 256 à 272 & que j'y ai dit que la plaine de Gohave eft aaffi élevée que le bourg da>
Doadon=
"^ ■ ps
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. a'sf
Le premier eft celui nommé le Brochetage. Des montagnes efcarpées ceignent
cette agréable vallée qui , contigue à la paroiiîe de la Petite-Anfe au Nord , & à
celle Sainte-Rofe dans l'Eft , a pour borne au Sud, la rivière du Dondon & à
l'Oueft, le canton des Vafeux. Dix-huit habitations font pkcées au Brochetage qui,
dirigé à Ton commencement de l'Eft à l'Oueft , tourne enfuite du Nord au Sud.
II a environ une lieue & demie de longueur fur mille toifes de largeur moyenne.
Le fécond canton efr celui du Bois-Rouge. C'eft l'enfoncement qu'on a devant
foi dès qu'on eft parvenu au haut de la ciête du Grand-Gilles , il va vers le Sud
en formant un amphithéâtre -, puis il s'étend le long des montagnes qui féparenn
Sainte-Rofe d'avec le Dondon. Sept habitations peu confidérables ne font pas
i'éloge de fa fertilité.
C'eft vers le milieu du canton du Brochetage que k montagne qui le divîfe à
l'Occident du canton des Vafeux qui eft le troifième , laifîè un paffage à la petite
rivière qui donne fon nom à ce dernier canton. La vallée des Vafeux eft étroite &
profonde ; & les montagnes de la GuiUe au Sud , celles des Galeries à l'Oueft , du
Grand Boucan & du Bonnet au Nord , & celles du Brochetage à l'Eft , qui la
réduifent à une iieue de longueur , la rendent en même-tems trifte & mal-faine.
On y compte cependant vingt-huit habitations dans un efpace d'envL-on mille
carreaux dont, au moins , un quart eft encore en bois.
Le quatrième canton c'eft la Guille , placé au Sud des Vafeux. Il a celui du
Matador ^ l'Eft, les Galeries & les mornes du Haut du Trou à l'Oueft & au
Nord le Callebaffier. Deux lieues de l'Eft à l'Oueft & une largeur d'une lieue, en
compofent l'étendue qui, fans être plus agréable pour l'œil que celle des Vafeux^
a cependant des avantages fur celle-ci , puifque par-tout, où les montagnes envi-
ronnantes vont en amphithéâtre , on voit des cultures , tandis que les autres font
arides & impofantes par leurs affreux efcarpemens. Trente habitations garniffent
ce féjour dont la température eft fraîche & le fol bien arrofé.
Les G^/^r^V^, cinquième csjiton , font compofées d'une fuite de montagnes
rapprochées , efcarpées & difpofées fans ordre. Des valons rétrécis y forment
cependant de petits intervalles où cinq habitations ont trouvé à fe placer dans une
lieue d'étendue de l'Eft à l'Oueft. Ce canton qui ne répond point à l'idée
agréable que fon nom fait concevoir , eft. appuyé au Septentrion fur la paroiiîe de
k Plaine du Nord dont il eft féparé par k montagne des Mornets , le Haut da
Trou k touche au Sud , le chemin des Mornets à l'Oueft , & k ravine de
Monfieur ou de la Guille à l'Eft.
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DESCRIPTION DE LA PARTIE
^54
De tOus les cantons du Dondon , le uxième appelle le Hâut du Trou efi le plus
beau, le plus étendu , le plus fertile & conféquemment le plus-riche. L'ordonnance
d'éreftion de la Marmelade en paroiffe , lui avait donné le canton du Haut du
Trou , mais d'après une oppofition judiciaire des habicans du Dondon , une
autre ordonnance du ii Juillet 1776 , rectifiant la première , a remis le Haut du
Trou dans la dépendance du Dondon. On peut confidércr ce canton comme une
petite plaine de deux lieues & demie de longueur fur une largeur égale , à quel-
ques irréa-uiarités près. Elle renferme quarante habitations, & la rivière Efpagnole
l'arrofe en la traveriant. Circonfcrite au Nord par les Moxnets & les Galeries,
elle a au Sud le morne à Chapelet , à l'Eft la montagne Colorade & le C.-ilIe-
baffier j & à l'Oueft la Soufrière & les montagnes de la paroiffe de la Marmelade,
La Marre à la Roche , feptième canton , eft une autre vallée dont le fol fertile
eil le plus élevé du Dondon , quoique la vallée foit profonde , à caufe des hauteurs
cui l'environnent & qui font auffi très-propres à la culture. Elle a deux lieues
d'étendue du Levant au Couchant , fur une largeur petite & inégale , & renferme
vino-t-ciaq habitations. Ce local a les montagnes du Haut du Trou au Septen-
trion 5 au Midi le morne à Chapelet , qui vers le milieu de la Marre à la Roche ,
offre le paiiage du Saut du Canot, à l'Orient le Callebaffier, &: à l'Ouefr les
montagnes de la ravine à Fourmi , qui font dans ce point , la limite du Dondon
& de la Marmelade.
Le huitième canton , le Matador eft également une vallée agréable & fertile ,
que coupe & arrofe la rivière du Pimentier. S'étendant d'abord du Nord au Sud ,
cette vallée fe trouve enfuite dirigée de l'Eft à l'Oueft & a aind une longueur
d'une lieue & demie fur une demi-lieue dans fa plus grande largeur , étendue
garnie d'une trentaine d'habitations. Le morne à Chapelet eft encore fon terme
dans le Sud ; une petite montagne ifolée , nomm.ée morne à Jacques & plufieurs
monticules qui femblent partir du Morne à Chapelet , féparent le Matador du
Baffm-Cayman qu'il a dans l'Eft. Au Nord eft le morne du Dondon qui eft la
fuite de la première chaîne , & au pied duquel coule la rivière k Porte, & à
l'Oueft un embranchement du morne à Chapelet , qui porte le nom de Calle-
baffier.
Enfin le Bajfin - Cayman complète la nomenclature de la divifion intérieure
de la paroiffe du Dondon. Ce canton analogue à fa dénomination eft un vrai
baffm d'environ une lieue & demie de l'Eft à l'Oueft fur une demi-lieue de large
T^^m
FRANÇAISE DE. SAINT-DOMINGUE- 25^
I a au Nord les montagnes ftériles qui font communes à une partie de la paroiffe
Sainte-Rofe, puis celles du Brochetage , à l'Eft les montagnes Scie bois de h
Porte , au Sud le Morne à Chapelet & à TOu^fl le Matador. Dans le nombre
des quinze habitations qu'il renferme , quelques-unes font fur la face Septen-
trionale du morne à Chapelet & vont jufqu'à fon fommet toucher la ligne de
démarcation des deux Colonies. Ce local frais , ferait encore utile par fa féc'ondité
n la rivière duDondon ne faifait pas , de la partie baiïe , le théâtre de fes dcbor-
démens & û elle n'augmentait pas fes ravages par le nombre même de fes
finuofîtés-.
On voit d'après ces détails, que les quatre cantons du Brochctage, des Vafeux
des Galeries & du Haut du Trou , font dans la limite Septentrionale du Dondon '
Se par conféquent qu'ils touchent aux paroiffes de la Petite-Anfe , de la Plaine
du Nord &: de l'Acul. Que les trois cantons du Brochetage , du Bois-Rouge &
.du Bamn - Cayman en font la limite Occidentale , & conféquemment qu'ils
font contigus , d'abord à la paroiffe Sainte -Rofe, Se de plus, au moyen d\;ne
inclinaifon de cette limite Orientale , vers le Sud , à une petite partie du
territoire efpagnol ; que la limite Méridionale commune à l'autre Colonie , efr
bordée par les cantons du Bamn-Cayman , du Matador & de la Marre à h
Roche; que la limdte Occidentale qui eft entre le Dondon & la Marmelade,
fuit les deux cantons de la Marre à la Roche 8e du Haut du Trou; & qu'enHn
je canton de la Guille eft vers le centre de la paroiffe.
Le canton le premier établi au Dondon par les Français , a été le Matador
C'eit celai où Minguet fit ion premier défriché. La maifon qu'il habitait était à
environ deux cent toifes dans le Nord de la chaîne des Chapelets , & à quinze
ou vingt toifes dans le Sud d'un coude que fait la rivière du Pimentier , qu'on
n'appelait alors que ravine. La Guille a été le fécond établi. Minguet y Ivlit au
Sud de la rivière du nom de ce canton, une habitation qui ne fe trouvait
à compter d'extrémité en extrémité & en ligne droite , qu'à environ 700 toifes^
de celle qu'il avait au Matador. Le troifième quartier établi , a été celui du
Brochetage. C'eft là que Minguet commença à éprouver des ufurpations , & par
conféquent ce fut là auffî que les plus anciens habitans du Dondon, après
Minguet, s'établirent. Ce âirent MM. Berger, S tapie ton , Linch, Martin,
Silvecane, la Caze , Bor^don, le Sieux, Fleury , Parent & Marie Marthe
r?>rent.
m^
r
£56 DESCRIPTION DE L A P A R T I E
Le Baffin Cayman fuivit les trois cantons que j'ai nommés. Ses premiers
habitans furent MM. Fortier , Martin Fortler , Fleury , P, Garreau , L,
Garreaa , Pirly , la Salle & Paquet , Péré , Spigeot & Plex , dont les pofîefTions
allaient joindre celles de Minguet au Matador. Il n'y avait pas en 1723 , d'autres
habitans au Dondon que ceux que je viens de nommer. Ses autres cantons crâ
reçu des cultivateurs prefque tous en même-tems.
Le boura; du Dondon eil à l'extrémité Sud du Bi-ochetao;e , & fur la rive
droite de la rivière de fon. nom, où l'on a vu long-tems les pilaftres d'un pont
de pierre . élevés en 1763 par les ordres de M. de Belzunce, & qui n'ont pas été
achevés. Le chemin qui mène à l'Elpagnol par le paffage de la Porte , les
traverfe , ainfi que la rivière. Il n'eil compofé que de 80 r::aifons , mais il
s'accroît tous les jours. Il eft défendu d'y couvrir les mailons en paille. Des
marchands, des artifans & des cabaretiers en formicnt la population , qu'augmen-^
tent encore des oififs , efpèce d'hommes dangereufe par-tout , mais furtout dans
une Colonie. Le voifinage de la Partie Efpagnole a rendu encore plus néceflaire
le détachement de maréchauffee qui y réfide. Il eil; compofé de fix cavaliers &
un brigadier de couleur , fous les ordres d'un exempt blanc.
C'eft dans li partie Orienrale du bourg, qu'eil l'églife. Lors de l'érection de
la paroiiTe en 172,7 . on en conflruifit une de bois en vingt jours dans un autre
point. Sa confécration à l'éternel fous l'invocation de Saint-Martin , archevêque
de Toy.rs, fut faite le 1 1 Novembre de la même année, jour de la fête da
patron. Celle atbielle efc de chai-pente fur un fokge ce maçonnerie , de plus de
quatre pieds en dehors ; fa longueur eil de 100 pieds ; fa longueur de ^5 y fa
hauteur de dix-huit ; trois cloches d'accord entr'elles forment ce que les amateurs
anpellent une belle fonnerie. La fête du patron a été transférée au 4 Juillet, jour
de la tranflation du Saint , par mandement du Préfet apoftolique de la Partie du
.Nord, en date du 12 Mai 1784 , à caufe des pluies trop ordinaires au mois de
Novembre, & encore parce que la récolte du café exige alors un travail aflldu de
la part des culdvateurs & de Iturs nègres.
Les rivières du Dondon qui ne font que des ruiiTeaux dans les t?ms ordinaires
ê^ des torrens durant les pluies, ont en général, dcseaux vives, faines & légères ;
farrout celles dont les eaux coulent fur des lits pierreux , graveleux eu iabloneux.
Ces rivières ncurrillent le mulet bâtArd ; le haut-dos , efpèce de carpe ; le
dormeur: le déiicat têtard ou cabot; les petits mulets appelés grcs-ventres Se
de
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, 257
de grafies anguilles. Mais ces habitans des eaux fi propres à ajouter à la
fenfualité des tables , ainfi que des écrevifles femblables aux chevrettes ou
falicoques , & des crabes d'un goût qui flatte les créoles , ont trop de perfécuteurs
dans les nègres , qui ne croyent pas qu'attendre c'eft quelquefois gagner.
Les montagnes de la Marmelade récèlent la fource de la rivrère la plus
confidérable du Dondon. Quoique fucceffivement groffie par les eaux de plufieurs
ravines, les terrains poreux fur lefquels elle coule en abforbent une partie & en
rendent le volume variable & incertain. Sa direftion principale efl du Couchant
au Levant, mais elle eft extrêmement finueufe. D'abord nommée la rivière
Dorée, parce qu'elle pafle fur un fond de marcaffites fophiftiquées de foufre &
d'arfemc qui ont la couleur & l'éclat de l'or, elle devient la rivière Efpagnole
en traverfant le canton de la Guille , & prend le nom de rivière du Dondon
. lorfqu'elle paffe au Sud du bourg. Non loin de là , on la connaît fous celui de
nviere la Porte , avec lequel elle fait environ quinze lieues , ^ va fe mêler fur
le territoire efpagnol à d'autres, pour arriver dans l'Artibonite & fervir ainfi à
l'utihté d'une autre portion de la Colonie françaife.
,Pes montagnes qui féparent la Guille & les Galeries du canton des Vafeux
fort la rivière ou plutôt la ravine de ce dernier nom. Elle ferpente fur un fond
de fable & de gravier, allant de l'Oueft vers l'Eft; arrivée au pied d'un morne
appelé le Grand Gouffre , & qui a environ cent pieds d'une hauteur efcarpée
elle ie précipite dans un trou & difparaît abfolument aux yeux du fpeftateur
furpris. Un roc bruni, chargé de lianes, de moufTes & de quelques points de
verdure , forme une mafTe qui s'élève au milieu du vallon & où efl placé le trou
dévorateur -, mais à aoo toifes de là , l'eau reparaît. Si dans des pluies abon-
dantes le ruuTcau gonflé roule à l'entrée du goufFre les arbres qu'il a arrachés les
eaux reHuent dans le vallon , leur fureur s'accroît , jufqu'à ce que devenues plus
puiirantes que i'obflacle , elles le détruifent & vont avec un épouvantable fracas
inonder les parties inférieures au point de leur fortle. Au-delà du goufFre la
nvicTe garde ia direction première , mais parvenue vers le milieu du Brochetage ,
ellefemWe regretter le fejour dont elle s'éloigne, & qu'elle abandonne enfin
pour aller vers le Sud , en fuivant le même canton , à l'extrémité duquel elle
porte a la rmére du Dondon fon tribut, augmenté de celui de la ravine du
Bonnet & de la ravine du Bois-Rouge.
H y a dans plufieurs endroits du Dondon ,& principalement au Brochetage,
K k,
253 DESCRIPTION DE LA PARTIE
des eaux minérales qu'on dit ferrugineufes , vitrioliques &z alumineufei , car
aucune analyfe ne les a encore fait connaître d'une manière certaine.
Le fol du Dondon eft varié , comme celui de tout le refte de l'île. En général ,
le fond des vallées eft argileux , les coteaux fabloneux ou tufeux , mais avec des
proportions différentes d'argile & de tuf. On y voit auITi des coquilles & des
concrétions pierreufes ou criftallines. D'énormes bancs de granit compofent la
bafe des montagnes i ces bancs en portent d'autres de pierres calcaires ou
vitrifiaoles , de nature différente, ou de roches à ravets, qui , dans plufieun
endroits , font abfolument à la furface.
Une couche végétale couvre ou a couvert , avec plus ou moins d'épaiffeur , le
fol du Dondon, Expofé par l'avidité de l'homme , ou feulement par fon induftrie ,
à l'acTion des pluies étonnantes de la Torride , cette couche eft plus ou moins
promptement entraînée & fur les parties élevées ou dans celles dont la pente eft
rapide , l'eau a déjà détruit ce que le tems avait lentement formé en accumulant
les dépouilles des végétaux. Les crevaffes des fommités des montagnes ont une
terre rougeâtre & ochreufe , une terre appelée adamique ou primidve par les
naturaliftes. On trouve aulïi au Dondon quelques terres rocailleufes , celles fablo-
ïieufes y font très-rares.
En confidérant les bords des rivières ^ il eft facile de fe convaincre de h
richeffe de la minéralogie du Dondon. L'or , l'argent , le fer , le cuivre , l'anti-
tnoine , le marbre , le porphyre , l'albâtre , le jafpe , i'agathe , le filex, le grès ,
ies granits , le talc , le fpath , la terre glaife , des pétrifications S; des criftalli-
fations de tous les gerjres & une muldtude de foffiles dont on appcrçoit des
frao-mens , appelent &. attendent le curieux de la nature.
Il eft un phénomène dont le fol du Dondon fournit des exemples particuliers ;
c'eft celui des affidages ou avalanches. Une portion de terrain , plus ou moins
étendue , fe détache du point où elle était, gli-ffe fur la furface environnante &
va fe placer plus loin , tandis que fes différentes, parties confervent entr'elles les
diftances qu'elles avaient auparavant. La face Septentrionale du morne qui porte
le nom de morne du Dondon & qui eft au bout Sud du Brochetage , en offre
des exemples vers fa bafe , & l'on peut en remarquer encore au canton de la
■Giiille où de pareils terrains , qui ont com,mencé à gliffer en 17 80,. ne fe fone
pas encore entièrement arrêtés.
M. l'abbé de la Haye 3 curé du Dondon , que j'avais prié de fuivre ce phéna-
T—^m'
-%
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 159
mène , & à qui je fuis redevable de beaucoup de détails de la defcrlption de k
paroiffc , penfe que durant les grandes pluies , l'eau forme des courans &
pénètre dans l'intérieur de la terre ; que là elle détrempe , divife , entraîne
les terres qui fervaient de bafe aux couches fupérieures , produit des cavités , des
écroulemens , des affaiflemens , des affalages & creufe même des abymes. De
là , la chute des rochers , le renverfement de ces mafîès énormes dont le choc
femble ébranler le Globe.
Dans les affalages de la Guille qui ont lieu fur le penchant d'un coteau dont
la face efl vers le Midi , le terrain a gliffé & efl defcendu. D'anciennes fources
fe font taries , de nouvelles les ont remplacées ; les haies vives d'un chemin ont
été portées à 15 ou ao pieds de leur première fituation ; mais fur la fuperficie de
ce fol mobile , rien ne s'eft dérangé : plantations , maifons , arbres , tout a été
tranfporté dans fon entier & fans aucune trace de dommage.
Le terrain de la montagne eft aquatique , coupé de fources & de ravines & fa
bafe laiffe encore voir des traces d'affalages plus anciens ; c'eft un banc de rochers
inclinés & brifés , recouvert d'une légère couche végétale & dont les fommités
décharnées forment des crêtes ardues & hideufes. Il eft donc naturel que les eaux,
furtout celles d'orage , qui font tout à la tois & plus chaudes & plus abondantes ,
pénétrant facilement un fol déjà mouillé , & ne pouvant pas trouver d'iffue à
travers les rochers , nappent à. fa furface & acquérant de la force par leur poids ,
flniffent par 'entraîner des portions de la couche fuperfîcielle. Il l'eft autant , que
celles-ci fuivent la pente des rochers que le féjour même des eaux a couvert d'une
cfpèce de limon gliffant , & que ces portions entraînées ne s'arrêtent qu'au
moment où elles fe trouvent portées fur un autre fol capable de les retenir. Si les
eaux tombent dans une cavité, leur chute produit l'affaiffement de la furface, &
un écroulement ; fi elles minent plus la bafe dans un point que dans un autre , la
perte de l'à-plomb amène un renverfement , une véritable culbute.
■ Mais il eft desaffalagcs du Dondon où l'on obferve une autre particularité, parce
qu'au mouvement progrefTif qui eft plus lent que dans les autres & qui n'eft même
lènfible que dans les tems pluvieux , fe trouve uni celui de rotation ; de forte
qu'un bâton enfoncé dans une direftion contraire à celle du mouvement de
progreffion , finit par prendre celle de la pente du terrain, après avoir décric
yn arc de cercle.
Lorfque les eaux fouterraines agiflènt, la marche progreffivc a lieu ; èc elle cefTe
K k a
^DESCRIPTION DE LA PARTIE
au contraire , lorfque les eaux font taries , voilà pour l'intermittence. Quant au
tcurnoyement , fur lequel je n'adopte pas une explication que M. l'abbé de la Haye
m'a communiquée & qu'il a fait palTer depuis à la Société royale des Sciences &
Arts du Cap , il me lem.bk que fi , par l'inégalité du plan fur lequel l'afFalage fc
faitj le terrain qui glifle rencontre un obftacle qui l'arrête dans un point, l'im-pulfioa
reçue par la maffe, fait qu'alors tou:es 1rs parties de celle-ci tendent à tourner vers
l'un des côtés de ce point fur lequel la maffe ne repofe pas en totalité ; & le tour-
noyement eft plus ou moins marqué à raifon du volume &: de la vîtcffe du terrain
qui gliffe &_de la pofitioa & de l'étendue du point qu'il a rencontré comme obftacle.
Avec de nouvelles pluies les deux phénomènes recommencent; peut-être même
qu'une obfervation confiante ferait voir, 8c je le crois, que l'impulfion direéle & la
circulaire prennent l'une & l'autre des directions différentes de celles qu'elles ont
eu originairement & qu'il fe trouvée des tournoyemens excentriques , d'abord les
uns par rapport aux autres & encore relativement à la maffe elle-miême.
En général , l'air du Dondon eft fain , tempéré , frais & même humide , à en
juger par la déliquefcence du fel ordinaire. On y trouve des vallées très-chaudes,
des collines tempérées oij le printems femble avoir fon féjour habituel ; le froid
eft le partage des montagnes que des brouillards couvrent lorfque le foleil a franchi
le Méridien. Quelquefois , le foir , on invoque le fecours du feu.
Durant les Nords qui régnent dans les fix mois d'Oftobre à Avril , on eft , en
quelque forte tranfi ; i'afpeft du foleil eft un bien ardemment défiré , & une
forte de renaiffance en eft le produit. Dans la faifon des orages , qui prend les fix
autres mois , à de brillantes matinées fuccèdent des déluges d'eau & des
tonnerres dont la configuration du lieu accroît l'horreur & le fracas. Au coucher
du foleil le calme renaît & la nature repofe toute entière.
Au lever de l'aftre qui féconde la terre, une brife délicieufe vient du Sud &
parcourant les différentes gorges , elle produit une douce fenfation , jufaues vers
dix ou onze heures du matin que la brife du large, toujours tardive dans les
montagnes , commence à régner. Avec elle la chaleur qu'elle tempère s'eft
cependant augmentée. Depuis le foirjufqu'avant l'aube du jour, l'air fe rafraîchit,
& enfuite les vapeurs qui s'exhalent de la terrp , fe condenfent & forment un
brouillard épais & froid , fi le tems eft calme , oij un froid dont l'impreffion eft
prefque douloureufe fi le vent qui fouffle de l'intérieur augmente fon aétion
pénétrante. C'eft principalement dans ks trois premiers mois de l'année que cet
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. a^ï
effet eO: fenfible & après les pluies des Nords. On a vu ( rarement à la vérité > le
thermomètre de Réiumur , à l'efprit de vin , defcendre alors jufqu'à quatre
degrés au-deffus de la congélation , terme prodigieux pour la Zone Torride &
dont le contrafte avec la température ordinaire, eft vivement fenti. Le fommec
des montagnes offre dans de femblables inftans une efpèce de rofée gélatineufe.
Le Dondon a donc , par rapport à lui-même , les quatre faifon^'s annuelles 8c
quelquefois dans un feul intervalle de vingt-quatre heures. La plus grande diffé^
rence obfervée au thermomètre dans les années communes , eft de 20° • car il
parcourt l'intervalle du 5- degré au-deffus de glace , jufqu'au 25e. dans les vallées
découvertes. Le thermomètre va en Été de 12 à 24° 3 l'Hiver de 7 à 15. Dans
la moyenne région des montagnes & dans les lieux arrofés , en Été de 10 à 2- ■
l'Hiver de4 0U5 à 12. Enfin fur le fommet des montagnes, la température
encore plus douce, varie cependant, prefqu'à chaque point , par les difFérens
alpeéts & les caufes accidentelles.
Le Dondon eft expofé aux coups de vent de Sud, efpèce de précurfeurs de
vioîens orages & qui dans leur courte durée, déployent une fureur qui c^ufe la
deftrudion des plantations. Quelquefois auffi ce vent dure pendant un certain
intervalle, & on l'a douloureufement éprouvé dans l'ouragan du 4 au c Août
1772.
La première culture du Dondon a été celle de l'indigo , auquel on a préféré le
cafier, parce que le premier ne produifait que peu & feulement dans les années
ieches qui ne font pas les plus communes au Dondon. Le cotonnier donc on a
fait l'effai, a affez mal réuffi pour qu'on l'ait abandonné. C'eft au Dondon que
les premiers cafiers portés des Mes du Vent à Saint-Domingue , ont été plantés
& il y a eu de grandes fortunes créées dans cette paroiffe par le fuccès de ces pre
m.ères manufactures, dont on fixe l'époque à 1738. On compte dans la paroifTe
une .ndigoterie, 6 places à vivres & 219 cafeteries. On pourrait divifer c^s
dernières en trois claffes. La première de 20 habitations qui donnent depuis 30
jufqu a 100 milliers de café & dont le produit total peut être évalué à un million
de livres ; la féconde de 150 habitadons qui donnent depuis 10 jufqu'à 30 milliers
& un refultat de deux millions , deux cens mille livres , & la croifiéme de ,0
Habitations produifant de 2 à xo milliers & en tout, X50 milliers: ce qui (l
environ trois millions & demi de livres de café par année
Quand on contemple k Dondon , les montagnes qui le coupent dans tous les
;'.]
<f
î6i
DESCRIPTION DE LA PARTIE
fens ; quand on voit les rochers, les parties incultivables qui s'y trouvent, on ed
étonné que l'induftrie aie pu y créer autant de rlcheffes , mais l'on ne peut
s'empêcher de fonger que chaque jour le fol s'appauvrit par les dégradations caufées
par les. pluies. Tant qu'il exiftera des bols , leur coupe procurera de nouveaux
défrichés , mais qu'on juge par les dégâts de la hache en foixante ans , de ce qui
relie à efpérer !
Prefque tout ce qu'on confie au fol du Dondon en grains , en légumes , en
fruits & en fleurs , y réufTit on ne peut pas plus heureufement. On y a fait venir
d'excellent tabac. Le maïs , le riz y font abondans. Les pois de toutes les
efpèces , les navets , les choux , la betterave , le céleri y font fort beaux ;
l'igname , la patate , le tayo , le bananier , très-produ6lifs j tous les fruits du
pays y font d'une bonne qualité. La dehcate rofe , l'aimable giroflée , l'œillet
fuave, l'humble violette & la douce paflerofe y récompenfent le foin du culti-
vateur. La botanique y trouverait des tréfors ; les forêts fournlflent avec
abondance à tous les befoins pour les conftruftions & l'ameublement, & l'on y
rencontre des plantes aromatiques, que le préjugé fcul , peut-être, place au-
defîbus de celles qui font fi chèrem.ent obtenues de l'Afie.
Ces forêts ont aufll des cochons marons , & les rochers procurent quelquefois
des piloris , le feul des quadrupèdes naturels au pays , qu'on trouve encore dans
la Partie Francaife & qui a prefque difparu , tandis que le rat venu d'Europe y
multiplie avec une défolante rapidité. Les anim.aux domeftiques femblables à
ceux d'Europe, ont du fuccès , ainfi que les beftiaux; cependant le cHmat trop
froid & trop humide en écarte les moutons & les chèvres. Il efl: fâcheux que le
pian , cette maladie contagieufe de la volaille , détruife une grande partie de celle
qu'on y élève avec facilité jufqu'à un certain terme.
La pintade fauvage, le ramier, les tourterelles , car les efpèces en font variées,
fournifl^ent ainfi que les farcelles , les bécafTmes , &c , dans certaines faifons , un
cribler délicat. L'œil fe fatisfait aufll, en contemplant le crabier, les diverfes
poules d'eau, l'aigrette, le collier, & en fuivant dans l'air le perroquet, la
perruche , où en appercevant près des montagnes le petit perroquet de terre. Le
voyageur au fond d'une gorge foHtaire &c profonde , efl: tiré de fa rêverie par
l'organiflie méthodique , ou égayé par les modulations enchanterefi!es du rofîlgnol.
Le colibri , l'oifeau-mouche viennent tout-à-coup lui montrer fur leur robe , le
plus brillant écrin. Quelquefois un fon lugubre & lamentable le frappe tout-à-
t
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 163
coup, c'eil le m-al-fini, le grigri, la chouette, la fiefaye qui a fondu à Hmpro
vifte fur ce petit miracle de la nature, ou qui d'une ferre algue, preiîè les
entrailles d'une proye plus utile parce qu'elle eft plus volumineufe.
Le Dondon nourrit beaucoup d'infeftes & de reptiles. Les lézards & les
couleuvres y formeraient une colledion très-curieufe. Des fcorpions , des bêtes
à mille pieds ou millepedes & des araignées crabes ou à cul-rouge , y caufenc
quelquefois des morfures douloureufes & capables d'allumer la fièvre , mais elles
ne caufent point la mort. Dans la faifon pluvieufe , on entend jufques dans les
lieux qu'on habite , croafîèr la grenouille & le crapeau. On eft également affailli
alors par des nuées de mouftiques & de mouches. On rencontre auffi des effaims
de guêpes qu'on ferait bientôt puni d'attaquer. Enfin l'on trouverait une
jouilTance réelle à admirer une grande variété de papillons , fi l'idée que leur
nombreufe & dévorante| profpérité eft un fléau pour l'agriculture , ne rendait pas
moins agréables les nuances & les deffins qui les erabelliflent.
Les abeilles élevées dans la paroifte Sainte-Rofe ont fourni des efl"aims à celle
du Dondon, où l'on recueille de la cire & du miel.
Tout prouve que le Dondon était fort peuplé par les Indiens. On y trouve
continuellement des débris de leurs vafes , & des figures qui rappelent leurs
idées fuperftitieufes. Des cavernes dont ils avaient fait des fépulchres , renferment
encore des reftes de la dépouille périffable de ces êtres faibles & bons ; & l'oa
trouve des antres oij leurs bifarres divinités recevaient un culte plus bifarre
encore.'
C'eft dans le territoire du Dondon qu'eft la voÛte célèbre , connue fous le
nom de Voûte à Minguet , parce qu'on dit qu'elle a été fa première habitation.
Elle eft fituée à environ une demi-lieue dans l'Oueft-Sud-Oueft du bouro- , fur
la rive Méridionale de la rivière , dans une vallée étroite , profonde & folkaire.
Son entrée eft un vafte portique où deux mafles informes font placées comme
deux gardiens ou deux génies tutélaires. On diftingue encore quelques veftiges
des Zemes & des fculptures groffières , dont l'intérieur était orné , & que des
concrétions pierreufes ont recouvert. Le veftibule d'abord fpacieux , fe rétrécit
à quatre ou cinq toifes de l'entrée, & forme un paffage qui conduit à une efpècede
fanftuaire éclairé par un trou de la voûte , dont les débris ont couvert le foJ.
Sur les bords du paffage , font deux ouvertures étroites , & quelques tombeaux
crtufés dans le roc. Les côtéa du temple oat auffi dans leur épaiffeur des^
i-'i
DESCRIPTION D
LA T A R T I E
retraites fpacieufes peut-être deftinées aux minlfcres du temple , qui a cent
cinquante pieds de long fur une hauteur prefqu'égale.
Chaque année les Caciques des divers lieux de l'île venaient dans at endroit, a
la tête de leur lujets, renouveller leurs hommages aux Dieux de la patrie. L'opi-
nion des Infulaires était que le foleil & la lune avaient percé la voûte pour aller
éclairer le monde & que les premiers hommes ayant ofé imiter leur exemple, ils
avaient été métamorphofés par le foleil , en grenouilles , en lézards , en oifeaux ,
&c , & les gardiens de la caverne en pierres. Ainfi , à travers leur fimplicité ,..
ces hommes nus Se ignorans afFeclaient les idées les plus orgueilleufes. Saint-
Domingue avait été , félon eux , le berceau de la nature , les deux aftres qui nous
éclairent avaient répandu leurs premiers rayons fur les Haytiens ; ils étaient donc
eux des defcendans des premiers hommes ; en un mot, tout ce qui pouvait
tenir à l'opinion de leur fupériorité fur le refte des humains était entré dans ces
tètes privées d'inftruftion , comme fi la vanité était le patrimoine naturel de
l'homme. Et ce million de fils aînés de la nature , de defcendans d'une foule de
Prométhées , une poignée d'Efpagnols l'a anéanti pour janjais & à peine quel-
ques-unes de les erreurs & le fouvenir de fa cruelle deftinée , furnagent-t-ils fur
l'océan des fiècles !
La population aftuelk du Dondon eft d'environ 600 blancs , 200 affranchis &
9,000 efclaves. Le bourg eft compté , dans ce calcul, pour 120 blancs, 50 affran-
chis & 250 efclaves. Les homimes libres portant armes ^ font au nombre de 3-00
En tems de guerre , cette paroifTc fournit fon contingent pour la garde de
i'embarcadère de Caracol , & de celui de Limonade &. pour le pofte du Grand-
Carénage duQuartier-Morln,
On a déjà vu à l'article de Sainte-Rofe , que le Dondofi avait toujours ét^
regardé comme un lieu important pour la défenfc intérieure de Saint-Domingue^
Son bourg eft, peut-être , l'un des points de l'île qui ont fait enfanter le plus de
projets, La difficulté des accès , la falubrité de l'air j tout avait fait penfcr à M^
de Belzunce qu'on y réunirait le double avantage de la confervation de la Colonie
& de celle des hommes qui devaient affurer la première. Il fut donc queftion des
l'arrivée de cet officier-général d'y avoir un camp compofé de baraques comme
ceux du Trou &: de Sainte-Rofe. Pour faciliter ce plan , on fentit la néceffiré
d'un chemin propre aux tranfports- , & j'ai dit aufTi qu'on fit ouvrir celui de la.
crête du Grand-Gilles , de manière à lui faire remplir cette deftination. On pofa
des
"5^
265
FR'A NÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
fur les deux habitations Fleury & le Febvre , l'une & l'autre fur le chemin qui
va du Grand-Gilles au pafîage de la Porte. Le premier était à environ 1,000 toifes
dans le Nord du bo^rg, & celui le Febvre à 500 taifes dans fa partie Méridio-
nale. On conftruifit des magafins & l'on projeta encore deux camps, l'un à
l'entrée du Brochetage , & le quatrième près du chemin du bois de la Porte.
Le Dondon était défigné pour recevoir cinq bataillons des troupes qui étaient
arrivées en partie , & dont le refte était annoncé par le Miniftre. Et comm.e ces
préparatifs intérefîaient alors également la Colonie efpagnole , parce que les deux-
nations craignaient un ennemi commun , on s'occupa, de part & d'autre, de faire
du paflfage de la Porte ou Saint-Raphaël, une com.munication de voitures avec la
Partie Efpagnole, afin d'évacuer par ce territoire, dans le cas d'une retraite forcée
]cs magauns d'ardllerie & de vivres , & de les conduire jufques aux rnontagnes
du Mirebalais , d'où l'on ouvrait auffi une communication avec le Port-au-Prince^
Ces différentes entreprlfes coûtèrent beaucoup, indépendamment des corvées
qui furent un véritable impôt pour l'habitant, & lorfque la paix de 1763 arri\^a ,
tout fut abandonné. Les Efpagnols en donnèrent l'exemple les premiers, par
rapport au chemin de la Porte , qu'ils ne regardèrent plus que comme un moyen
de fraude Se de rapprochement , chofes qu'ils ont toujours beaucoup plus craintes
que défirées.
Cependant les baraques du Dondon fervirent à loger 242 Allemands ou
Acadiens , qui y furent envoyés aux mois de Novembre & de Décembre 1764 ,
& de Janvier 1765 , & dont il ne reftalt plus de vivans que 89 lorfqu'on les fit
partir pour le Môle, le 21 Décembre 1765. Ce ferait un argument contre la
falubrité du lieu , fi cette perte de près de deux tiers dans un an avait frappé fur
d'autres que fur des Allemands , déjà accablés par des maux foufferts dans une
autre Colonie , ou fur des Acadiens qui avaient été expofés long-tems à des
privations & à des regrets , que leurs fentimens pour leur patrie femblaient pref-
crire qu'on leur épargnât.
Le Dondon a plufieurs ifllies vers la plaine. J'ai cité celles qui le font
communiquer avec Sainte-Rofe , dans la defcription de cette dernière paroiiTe ,
par le Joli-Trou , le Fond-Chevalier , les Cormiers & le Grand-Gilles, & en
décrivant la paroiffe de la Petite-Anfe , je parlerai de celle par le Bonnet à
l'Évêque. En voilà déjà cinq.
La fixième ell dans le revers Oueft de la montagne du Bonnet , dans la gorge
Torae T. j ^
i ' ,
DESCRIPTION DE LA PARTIE
du Grand Boucan , paroifle de la plaine du Nord. Cette gorge qui commence
aux habitations Longue malle & Beflbn , a 400 toifes d'ouverture fur 1^800 de
longueur. A ce point eft la crête qui fépare le grand Boucan des Vafeux , & par
conféquent la paroiffe du Dondon de celle de la Plaine du Nord, mais qui lie
les mornes du Bonnet avec ceux du Dondon. En avançant de 200 toifes dans les
Vafeux , le cherrin fe partage 8c la branche de la droite va au canton de la Guille
Dans ces 200 toifes & dans 8co autres placées fupérieurement, la route eft finueufe
& aboutit à un point où une efpèce de rideau tranfverfal , d'environ dix toifes
d'élévadon , unit la chaîne des montagnes du Bonnet avec celle qui fe dirige
vers l'Acul en formant une forte de fer à cheval. Là eft le gouffre de la rivière
des Vafeux, & 1,200 toifes plus loin, le chemin joint le grand chemin du
Dondon au-delTus du camp Fleury & à 500 toifes au-deflbus du bourg. Cette
fixième communication eft appelée la Porte Saint-Jacques.
Plus à rOueft du Grand-Bcucan & à-peu-près Nord $c Sud du centre du
Gros miornc du Cap , on trouve à l'extrémité de la plaine , une autre communi-
cation qui appartient à la paroiiTe de l'Acul , c'eft celle de la gorge des Mornets -,
elle aboudt au canton du Trou ou du Haut du Trou du Dondon.
Les fept communications du Dondon avec la plaine font autant de moyens de
tranfport pour fes denrées au Cap , & pour fidre venir de cette ville les
approvihonnemiens qui lui font néceffaires. Chaque habitant choiiit le chemin le
plus à fa portée ; c'eft par cette raifon que plufieurs d'entr'eux envovent leurs
ca^és à l'entrepôt de l'embarcadère de la Petite -Anfe , tandis que d'autres les fQn~-
aller au Cap directement. Il fe trouve des perfonnes dont l'état confifte à faire
faire ces charrois. Les mulets portent la denrée jufqu'à l'entrée de la plaine , où
les cabrouets les reçoivent enfuite pour un prix convenu , à tant le millier ou la
livre.
Le chem/in le plus ordinaire du Cap au Dondon , eft celui qui mène auffi à
Sainte-Rofe. Après avoir paffé le bac , on contourne , en gagnant vers le Nord-
Eft , le fond de l'Anfe qui va du bac à l'embarcadère de la Petite-Anfe , ce qui.
comprend trois-quarts de lieue. De là, fe dirigeant fur le morne Pelé, au
Sud-Sud-Oueft , on fait deux lieues. Après avoir un peu tourné à l'Eft , pour
éviter le morne Pelé , on reprend au Sud-Sud-Oueft & au Sud , jufqu'au bourg
de la Tannerie , ce qui fait environ une lieue & demie. Un peu plus loin , on
entre , fur la droite , dans une gorge profonde où l'on parcourt une lieue dans un
—^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. :,(,^
chemin dont la diredion principale eft ie Sud-Oueft , mais qui va tantôt à
J'Oucft , tantôt au Sud. Arrivé au pied de la gorge du Grand-Gilles , on fuit
plufieurs rampes pour la monter & en atteindre le fommet , qu'on trouve à une
lieue & demie , vers le Sud-Sud-Oueft. L5 commence le Dondon , & l'on va
gagner le bourg, enfaifant encore environ une lieue & demie , d'abord à l'Oiieft
puis au Sud. ^
Le bourg du Dondon fe trouve donc , par le chemin , à huit lieues du Cap
L'éghfe du Dondon , celle de la Petite-Anfe & la batterie circulaire eu quai dû
Cap , font prefque fur la même ligne.
Le projet d'un chemin de communication avec la plaine, en voitrre par la
gorge du Bonnet , aurait fait gagner une lieue fur la difcancc aftuelle. D'u'n autre
côté , étant meilleur & parcouru en chaifes , il aurait exigé moins de tems &
procuré une grande commodité. Ce ferait d'ailleurs la route la plus droite Ce
projet a été renouvelle, en 1783; M. Courejolles , ingénieur , avait même
commence le trace qui porte fon nom.
Il y a , à préfent , du bourg du Dondon :
APÉglife du Cap,
■ ■ Sainte- Rofe ,
• de la Petite-Anfe ,
—7: de la Plaine du Nord ,
de l'Acul ,
■■ de la Marmelade ,
8 lieues. A l'Églife de Saint-Raphaël , dans la lieues.
3 ■ Partie Efpagnole, 3
4 1/2 _ de St-Michel de l'Atalaye , 5
5 ' de Hinche ,
6 A San-Domingo ,
6
14
78
Onaé_tabh,en 1782, un bureau de pofte aux lettres au bourg du Dondon
Le courner y arrive & en part une fois par femaine. Il y avait eu un pareil établi/
fementau commencement de 1763, mais qui avait celTé prefqu'auffirôt aprè"s
fa création. ^ tpies
Le DondonaofFcrtk fait dW fuperfétation bien certame. En ,,„ u„e
negreffe créole, nommée Dédé , efclave de M'- veuve Hyver acccuch» H
deux enfans jumeaux, l'un garçon & mulâtre . l'autre fille &„é»;effe p''//
e même jour & dans l'intervalle d'une heure . par un blanc & f ^g^ J
aveu de la mère. 1. mulâtre a vécu environ deux ans . ,a mère rfan^tite
negreffe v.va,e„t encore , en , 767 , lorfque d'après des doutes manifeftés dan L
femlk per,od,que du Cap , fur ia fuperfé.ation . ce fait fut conftaté.
L. 1 2
{
É
^
268 DESCRIPTION DE LA PARTIE
C'eft au Dondon que mourût, en 1743 , le père Le Pers , jéfulte Valon : le
premier des muTionnaires qui eût été chargé du foin de cette paroifîe , oij il alla
en 1735. Le père Le Pers avait pour goût dominant de coopérer à i'établiffement
de nouvelles paroiffes. Arrivé au Cap, le 24 Août 1704, il fut d'abord chargé
de la cure de Lim.onade qui lui fut redevable de Ion accroifîem.ent. Il provoqua
cnlulte fon cérnembrement pour former celle du Trou qu'il deffervit, & il influa
faccefîivem.ent fur l'érection de celles du Fort-Dauphin & du Terrier-Rouge.
Simple dans fon extérieur , retiré , d'une extrême fobriété , animé d'un zèle
apoftolique dont les nègres étaient le principal objet, le père Le Pers n'avait de
mondain que l'amour de la botanique & celui de connaître l'hiftoire du pays qu'il
était venu habiter. Trouvant encore d'anciens colons qui avaient été eux-m.êmes
ou qui avaient, du moins , connu les fondateurs de la Colonie Françaife , il dreffa
ces mémoires qu'il envoya à fon confrère le père Charlevoix avec lequel il avait
étudié en théologie. C'cii à l'aide de ces matériaux , auxquels l'Éditeur
ajouta le fruit de les recherches dans le dépôt encore bien précieux des
archives Coloniales formé à Verfailles , que le père Charlevoix publia en
17^0 les deux volumes in-4°. de l'Hiftoire de Saint-Domingue , fijuftement
eftim.ée.
Ce fut rnêmie en voyant cet ouvrage que le père Le Pers , qui n'y trou-
vait pas la partie de i'hilloire naturelle affez étendue , prit la réfolution de
fe livrer à l'élude de la botanique. Un exemplaire de l'ouvrage de Tourne-
fort tombé entre fes mains , acheva de l'y déterminer , & dès-lors tout le tems
qu'il ne confacrait pas aux devoirs de fon état , il l'employait à l'herborifa-
tion. On le voyait m.ême oublier pour cette palTion , le befoin de nourriture
que fon nègre domeftique était obligé de lui rappelkr plufieurs fois pendant
fes incurfions.
La nature du fol du Dondon , la configuration de ce lieu, fa température,
tout perfuada au père Le Pers que fes recherches feraient fruflueufes j it de-
manda donc & obdnc la cure du Dondon. Mais les avantages même du
local pour cet objet , devinrent funeites au père Le Pers : accoutumé depuis
trente ans aux chaleurs- qu'il ne trouvait plus au Dondon, il mourut en 174J
dans fa 59"^ année , laiiTant une foule de mémoires fur les plantes de St.-
Domingue que le médecin du roi , Poupée Defportes , qui fe trouva au-
Drès de lui à fa mort, recueillit avec l'agrément du fupérieur de la mifîion.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGl/E. a6^
& fous la promeflè d'en faire ufage dans ce qu'il publierai;; fur la botanlauc
Coloniale. Il ne faut donc pas douter que ces mémoires n'ayent beaucouî»
fervi à l'ouvrage de ce médecin imprimé en 1770 fous le titre de Mdadïes
de Saint-Domingue , dans les parties où il traite de l'hiftoire naturelle.
Il femble que ce foit un apanage des Curés du Dondon que l'étude d&
la botanique, puifque celui aftuel y eft entièremen livré. M. l'abbé de la
Haye a publié, en 1788,1e profpeftus d'un ouvrage fous le titre de Florin die
( Flore Indienne ), ou Hifioire ■j.hifxo-ecommiaue des végétaux de la Torride ,
fruit de fes longs & utiles travaux.
Ce laborieux éccléfiaftique a auffi donné au public ,en 1781 , un traité fur
U panification de plufieurs racines , fous le titre de Pykt de convertir les Vivres,
en ■pain fans mélange de farine , de l'imprimerie du Cap Français. Ainfi nous
ferons redevables à des pafteurs du Dondon de nous avoir fait connaître , l'un
i'hiftoire de la plus importante Colonie, & l'autre celle des richeffes dont Ja
nature y a rempli le règne végétal , & s'affociant tous les deux à k plus
jufte reconnaiffnace , leur réputation attachera une idée d'intéiêt au lieu qui
a été leur féjour.
M. l'abbé de la Haye, efc en outre, ( ainfi que M. Prieur, l'un des plus
eilimables habitans du Dondon ) , au nombre des cultivateurs de la Partie du
Nord auxquels on a remis des plantes & des graines des Indes Orientales
envoyées par ordre du miniilre , de l'Ifle de France à Cayenne, à la Mar-
tinique & à Saint-Domingue , fur le navire l'Alexandre , commandé par M.
Mothais de la Châtaigneraie, arrivé au Cap le 14 Juillet 1788. PuuTent
ieurs foins & ceux des autres Colons qui ont eu part à ce dépôt , natura-
lifer ces végétaux précieux & afîocier ia plus belle des Antilles aux 'bienfaits-
que le Créateur avait répandus auffi loin d'elle 1
Paroisse de la Marmelade.
Le nom de Marmelade que porte cette paroifTe , eft celui de Fun de fes
cantons qui dépendait autrefois de la paroiflè du Dondon. Il lui avaic été
donné par les habitans des autres parties du Dondon en figne de dédain ,
â caufe des pluies exceffives qui faifaienc de fon fol une efpèce de bouiilii
ou de marmelade.
L^
270 DESCRIPTION DE LA PARTIE
C'eft feulement à l'époque du 25 Novembre 1773 que rem.onte" l'érec-
tion de la Marmelade en paroiffe ; elle a été faite par une ordonnance des
Adminiftrateurs qui , comme on l'a vu à l'article du Dondon , avait donné
le canton du Haut-du-Trou de cette dernière , à la nouvelle paroiffe ; mais
les réclamations des habitans du Dondon & plus encore le traité des limi-
tes entre la France & l'Efpagne , am.enèrent deux autres ordo-nnances du
II & du 14 Juillet 1776 i par l'une le Haut du Trou a été refiitué au Dondon
& par l'autre la Marmelade a acquis le nouveau canton d'Ennery , qui
était confidéré auparavant comme une partie des poffeffions Efpagnoles.
Telle qu'eft aujourd'hui la paroiffe de la Marmelade, elle eii: bornée au
Nord par les paroiffes de l'Acul & du Limbe ; à l'Eft par le Dondon ; au
Sud par la frontière Efpagnole , depuis la pyramide N*. 97 qui lui eft com-
mune avec la paroiffe du Dondon jufqu'à la pyramide No. 125 qui lui appar-
tient ainfi qu'à la paroiffe des Gonaïves ; & à i'Oueil par les paroiffes des
Gonaïves , de Plaifance & du Limbe.
La Marmelade eft compofée de trois cantons principaux , dont l'un , qui
eft la Marmelade proprement dite , a celui de la Soufrière au Septentrion &
celui d'Ennery au Midi. Enfuite le canton de la Marmelade fe fubdivife
lui-même en canton de la Marmelade , en Plateau-la- Vallée , en Corail &
Tête-à-Bceuf. Celui de la Soufrière a auffi une portion qu'on appelé la Rivière-
Dorée.
En général le fol de cette' paroiffe eft très-élevé & montueux , particulière-
ment dans le canton de la Soufrière. La nature de ce fol n'eft pas la même par-
tout ; néanmoins les terres calcaires y font les plus communes , à l'exception
toutefois du canton de la Soufrière où les terres argileufes dominent confi-
dérablement.
Il règne dans les différentes parties de la paroiffe une variété de climat
qui n'eft pas auffi fenfible dans d'autres paroiffes. La température de l'air,
dans la partie appelée Marmelade , répond à celle dont on jouit dans
les provi-ces intérieures de la France vers la fin d'un beau mois de
Mai. Dans les fix mois qui comprennent l'intervalle d'Oftobre à Avril , le
thermomètre de Réaumur defcend jufqu'au 9°^' degré au-deffus de la gla-
ce au lever du foleil Se ne monte que jufqu'au lô'"^ degré vers midi. Dans les
fix autres mois il s'clcve jufqu'au 24^? degré le jour & defcend la nuit à ao.
FRANÇAISE D E S A I N T - D O M I N G U E. 271
Il eft rare que dans les jours caniculaires des années les plus chaudes il
atteigne 27 degrés. Aufli n'y connait-on pas ces chaleurs exceffives qui ren
dent les nuits d'Eté fi fatigantes , même dans des provinces Septentrionales
de la France , & l'on ne peut guères s'y paffer d'une couverture de coton
Les pluies font abondantes dans ce canton où l'on peut même en évaluer
la quantité moyenne à 100 pouces. Il y tonne beaucoup durant l'Été & h
foudre y caufe de fréquens & de fâcheux accidens qui devraient porter à
imiter l'exemple qu'y avait adopté M, Kerdiflen de Tremais , commiffaire
gênerai de la marine & ancien ordonnateur du Cap , d'établir des paraton-
neres fur les bâtimens de fon habitation.
Mais ces orages ne régnent que durant l'Été ; comme ils ne fe déclarent
fouvent que le foir & qu'ils ne durent que peu d'heures, ils ne nuifent pas à
la jouiflance d'un fort beau ciel, avantage dont on n'eft pas même privé pendant
les Ncrds. En effet , ceux-ci laiffent des intervalles de plufieurs jours , où l'on
ne voit que peu de nuages & prefque jamais de brouillards , & qui procurent un
air extrêmement falubre.
Les terres du canton de la Marmelade font en général aflez fertiles.
Dans le canton de la Soufrière, elles le font moins. Les pluies & les' brouillards
y font fi fréquens , & l'inclinaifon des montagnes à l'horifon fi grande , que fon
fol argileux prefque par-tout & qui ne peut pas être fuffifamment réchauffé par
les rayons du foleil , eft ftérile dans plufieurs endroits , & généralement peu
produftif.
La température de la Soufrière eft quelquefois affez froide , même au mois
d'Août , pour que dans la belle & agréable maifon de M. Efteve , ancien
Sénéchal du Cap , fur fon habitation de la rivière Dorée, envoyé avec'plaifir ,
briller le feu dans les cheminées qu'il y a fait conftruire.
Au canton d'Ennery , ainfi nommé en honneur du gouverneur-général qui a
conclu le traité des linaites de 1776 par lequel ce canton eft devenu français ,
il pleut beaucoup moins qu'à la Marmelade , Se l'on y éprouve des chaleur's
brûlantes qu'on attribue au voifinage des favanes efpagnoles. Ces chaleurs
nuifibles à la végétation , femblent s'accroître encore à raifon des défrichemens.
En général, les terres de la paroiffe de la Marmelade font propres à la culture
du cafier , la feule qui y foit fuivie ; car l'effai de celle de l'indigo dans quelques
indigoteries au canton d'Ennery , n'aura fervî qu'à apprendre qu'il faut y renon-
m
C R I P T I O N DE LA PARTIE
cer , Se Ton y a pris le parti d'y planter auiïi des cafiers. Peut-être la nature
féche de fa température aurait-eile dû inviter à y tenter celle du cotonnier.
Les légumes de toute efpèce réuffiffenc affez bien dans tous les terrains de la
paroiffe , pourvu qu'on en renouvelle fouvent les graines. Les fruits propres au
pavs & en général ceux des climats chauds, y font très-bons, & particulièrement
l'orange. Il'n'en eft pas de même de ceux des climats tempérés ; ils y dégénèrent
promptement , ainfi que les fleurs , quelque foin qu'on puiflb leur donner , fi ce
n'eft fur l'habitation de M. Chevalier Puilboreau , dont je parle à l'article de
Plaifance.
L'on y efi privé des refîburccs de la chaffe & de la pêchb , fans en être
dédommage par les volailles , qui ne peuvent s'accoutumer à un climat pluvieux ,
non plus que les moutons.
Une infinité de ravines , dont les eaux font très-bonnes , coupent l'étendue de
la paroifîè dans divers fens. Trois principales qui ne font que des torrens mais
qui font appelées rivières , font connues fous les noms de rivière du Dondon ,
de rivière'de la Marmelade & de rivière Dorée. La première naît fur l'habitation
le Maîrre , dans le canton de la Marmelade , la féconde fur l'habitation Faparel
'& la troifième fur l'habitation des héritiers Dupuy , à la Soufrière. Ces deux
dernières vont l'une & l'autre fe jetter dans la Grande ravine du Limbe , au
point où eft un petit îlet que cette direction des deux rivières a fait nommer
J'Iflet à corne.
Aucune obfervation n'a fait connaître avec préclfion la minéralogie de la
pirciffe de la Marmelade , qui eft cependant riche en cuivre & en fubftances
fulfureufes. La nomenclature même de certains lieux de la paroiffe le prouve ;
car la Soufrière eft ainfi appelée , parce que l'on voit quelquefois des vapeurs
fulfureufes s'élever du fol même ; & le nom de rivière Dorée a été infpiré par la
vue des pierres de fon lit , qui contiennent des pyrites brillantes d'un jaune
doré. Il eft d'ailleurs notoire que M. Paparel a porte une paire de boucles de
fouliers , faite du cuivre recueilli fur fes poffeffions à la Soufrière.
La pcpuhtion totale de la Marmelade eft de 500 blancs , 150 affranchis &
environ 7,000 nègres diftrlbués fur 165 cafeteries , 30 places à vivres , un four
à chaux & une hatte.
La milice y compte 220 hommes portant armes.
Leglife de la Marmelade qui eft ds bois h jolie , a environ quatre-vingt
^ pieds
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 273
pieds de long. Sainte-Marthe eft fa patrone: c'était celle de M^e. Paparel
bienfaitrice de ce temple. On l'a élevé dans un point du canton de la Marmelade [
fur un terrain dépendant autrefois de l'habitation Favereau, & aflèz central,'
La polie du Cap y arrive une fois par femaine.
Il y a un fubftitut du procureur du roi de la SénéchauITée du Cap à là
Marmelade, où il eft chargé de la police, qu'y font un exempt, un brigadier
& quatre archers de maréchauflee.
La paroifie de la Marmelade a plufieurs communications. La principale eft
celle du chemin qui la traverfe en venant du Dondon , & qui va joindre dans lé
baffin de Plaifance , les routes de voiture que la réunion des deux Confeils du
Cap & du Port-au-Prince a enfin obligé d'effedluer. Ce chemin de la Marmelade
avait été commencé en 1762, à la demande de M. le Vicomte de Belzunce
fous l'adminiftration de MM. de Bory & de Clugny. L'objet principal qu'on fj
propofait , était d'établir entre la Partie du Nord & celle de l'Oueft, une com-
munication exempte de l'inconvénient de devenir impraticable par les déborde-
mens des rivières. Ce travail était refté abandonné depuis 1763 , époque de la
mort de M. Belzunce, jufqu'en 1787. Il eft inutile d'obferver que dans la
Marmelade comme au Dondon , ce chemin n'eft praticable qu'à cheval.
Ce chemin a une iflue vers le Cap , en parcourant depuis la Soufrière près de
fix lieues de long à^ caufe de fes finuofités , pour gagner le Haut du Trou du
Dondon , d'où il s'étend dans la plaine par la gorge des Mornets.
La gorge des Périgourdins qui fe termine à l'habitation Paparel, formant la
féparation du canton de la Marmelade proprement dite , de celui de la Soufrière
du Dondon , & qui communique par une crête de mornes peu interrompue
jufqu'à la coupe du Limbe , fournit encore une route vers l'Acul & vers le
Cap. Cette route a cinq lieues de long à caufe de fes contours , & va rencontrer
le grand chemin Belzunce à une lieue de l'habitation Paparel. Il y a de plus ,
une communication entre le canton d'Ennery & les Gonaïves , vers lefquelles
plufieurs habitations de ce premier lieu , très-éloigné de tout embarcadère ,
trouvent préférable de faire tranfpor ter leurs denrées. Enfin M. Ollier, habitant
du canton de la rivière Dorée , ayant obtenu la permiffion de fe faire un chemin
qui va aboutir à l'Iflet à corne du Limbe , ce chemin eft devenu public par
radoption que plufieurs perfon.ies en ont tait.
'^''^' ^' Mm
I «Pi
274 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Il y a de l'églife de la Marmelade
A celle de Plalfar.ce , . , 8 lieues. A celle du Dondon , . . 3 lieue;»
du Cap , . . 12
C'eft au canton d'Ennery & conféquemment dans la paroiffe de la Marmelade ,
que M. Brulley, auparavant fubftitut du procureur-général au Confeil fupérieur
du Cap , travaille depuis 1785 , à établir une nopalerle & à créer une
manufafture où ferait recueillie la matière propre à fournir la nuance éclatante
que produit l'inTecte mexicain. On ne peut proférer le mot de cochenille , relati-
vement à Saint-Domingue , fans qu'il ne réveille le fouvenir de M. Thiery da
MenonvlUe , qui n'avait été ravir au Mexique la cochenille meftèque , avec tant
de périls , que pour qu'elle mourût , après lui , au Port-au-Prince. Ce n'eft
donc que fur la cochenille fylveftre que M. BruUey & quelques autres perfonncs
ont tenté des effais & elle eft l'objet de fon éLabliffement de nopalerie,
M. Brulley ayant envoyé en 1787 , au miniftre de la Marine , des. effais de
cochenille recueillis par lui fur fon habitadon , ils ont été ibumis à l'examen de
l'Académie des Sciences de Paris. Il eft réfulté du rapport fait par elle , que
les préparations de M. Brulley avaient akéré la qualité de la cochenille : que la
teinture de celle aon-préparée avait beaucoup approché de celle de la cochenille,
du Mexique. Cependant ce réfultat d'un premier effai , a été trouvé fi intéreffant,
que le roi a accordé à M. Brulley , trois mille livres , à titre de gratification Air
la caiffe municipale , avec reccommandation aux Adminiftrateurs de faire publier
cette faveur par la voie de la gazette , afin qu'elle pût exciter le zèle des habitans.
C'eft donc un puiffant motif pour M. Brulley lui-même , de continuer des-
travaux dont le fuecès procurerait à Saint-Domingue un nouveau genre d'utilité y
en méritant à celui qui l'aurait obtenu , une place diftinguée parmi les hommes,
que la reconnaiffance publique nomme dans cette brillante Colonie.
On ne s'attend farement pasl apprendre que la Marmelade a été le lieu, qu'on;
avait choifi pour y. faire fruftifier les idées du magnédfme ^afforties comme ea-
Europe , aux vues de ceux qui les propageaient. Elles ont paru à la Marmelade^
accompagnées des farces des Illuminés , des fcènes dégoûtantes des Convul—
Sonnaires & des abus de la profanation , parce qu'on voulait arriver aux profits de.
Vefcroquerie. Le Confeil fupérieur du Cap avait vainement menacé les feclateurs-
4e. cette doctrine dangereufe , par un arrêt du i6 Mai 17S6 , un nommé Jérôme.
w "1 ■"
^
FRANÇAISE DE SAÏNT-DOMÏNGUE. 275
ou Poteau , mulâtre , aidé de Télémaque j nègre , ne continua pas moins à
rançonner les efclaves , en les initiant à des myftères chimériques dans des
afîèmblées no6lurnes , tenues dans des lieux écartés & qui attiraient un immenfe
concours de ces hommes faibles & fuperftitieux.
Supérieur à eux , de toute la mefure de leur crédulité 3 Jérôme leur vendait
des maman-bila (petttes pierres calcaires ) contenues dans des facs appelés/o«^<î ;
des graines rouges & noires d'une efjoèce d'acacia , qu'il nommait poto ; mais
furtout des bâtons [appelés mayombo , où l'on introduirait de la poudre des
maman-bila , au moyen d'une vrille, ce qui leur donnait la vertu de battre, fans
danger pour foi , un autre nègre dont le bâton n'avait pas de mayombo. Jérôme
fe contentait d'une gourde pour un poto , mais il en fallait quatre pour un mayombo.
Il avait des féconds qui inftruifaient de leur côté , en lui donnant la moitié de leur
gain , & tous prêchaient l'indépendance. Jérôme a été envoyé aux galères â.
perpétuité, par arrêt du Confeil de Saint-Domingue du 13 Novembre 1787 , &
l'on a cru que fon difciple Télémaque ferait affez puni en demeurant auprès de
lui , tandis qu'expofé au carcan , dans le marché de Clugny au Cap , il donnerait
un exemple éclatant de l'impuifTance de fes pratiques , pour échaper aux peines
dont la juftice devrait toujours payer le charlatanifme effronté.
Q^U A R T I E R D U C A P. ^
.■ .XI...
Paroîsse de la Petite-Anse.
On fait que cette paroiffe , établie en 1670, était déjà confidérable avant
l'irruption faite par les Anglais réunis aux Efpagnols , en 1695 , lors de laquelle
fon églife fut détruite comme le refte de fes établiflemens. En 1697 , on en
conftruifît une petite de bois , couverte de paille. C'efl dans cette chaumière que
ie malheur conduifait l'homme qu'il ramène toujours vers la puiffance infinie qui
régit l'Univers. Les plus anciens regiftres de cette paroiffe font de la même année
1697.
La paroiffe de la Petite-Anfe a pour borne, i^. au Nord , la paroiffe du Quar-
tier-Morin , en fuivant le cours de la ravine des Sables qui devient la rivière Any
M m 2
\
\^
276 ;DE s C R ï P T I O N DE LA PARTIE
& qui va fe jetter dans la rivière à Galifet ou du Haut du Cap , à 1^500 toiles
de l'embouchure de cette dernière , en ligne droite , ce qui fait que cette limite
Nord eft formée par une ligne qui va réellement du Sud-Eil au Nord-Eft. ip. A
l'Ell: j encore par la paroiffe du Quartier- Morin , au moyen du grand chemin qui
fert aux habitations du haut de la paroiffe pour faire tranfporter leurs denrées à
l'embarcadère de la Petite-Anfe , depuis le point oij ce chemin rencontre la
ravine des Sables , jufqu'à celui où , cenfé prolongé dans le Sud, il irait trouver
la fommité de la chaîne du Grand-Gilles , fauf toutefois la portion où cette limite
entre la Petite-Anfe & le Quartier-Morin quitte le chemin pour paffer fur le
inorne Pelé. 3"^. Au Sud-Eil , par la chaîne du Grand-Gilles jufqu'à la rencontre
de celle des m.ontagnes du Bonnet qui fépare la paroiffe de la Petite-Anfe de.
celle du Dondon au Sud. 4°. A l'Oueft , par la paroiffe de la Plaine du Nord ,
d'abord au moyen d'un contrefort de la montagne du Bonnet , dirigé vers k
Nord & que les deux paroiffes fe partagent , l'une à l'Eft , l'autre à l'Oueft ,
cafuite par la ravine des Matteux jufqu'à fon embouchure dans la rivière du
Haut du Cap , puis par la rive Orientale de cette dernière jufqu'au point où la
rivière Any s'y jette & où la paroiffe de la Petite-Anfe trouve la paroiffe du Quar-.
tier-Morin ; tandis qu'à la rive de l'Oueft , c'eft la paroiffe du Cap qui la fuit
parallèlement depuis le Haut du Cap jufqu'au point qui correfpond fur la rive
gauche , à l'embouchure de la rivière Any.
Les limites même de cette paroiffe prouvent que fon nom ne lui convient pas ,
puifqu'elle n'a plus , comme autrefois , l' Anfe qui forme le fond de la rade du,
Cap & qu'elle ne touche plus à la mer par aucun de fes points.
La plus grande partie du territoire de la Petite-Anfe eft en plaine , où elle fe
fubdivife en cantons du Haut du Cap , des Perches & du Bonnet , tandis que
la partie montagneufe n'en compofe qu'un feul , appelé le Bonnet à l'Évêque..
Ce qui eft confidéré dans cette paroiffe comme canton du Flaut du Cap , n'eft
réellement que la portion de ce dernier qui eft fur la rive droite de la rivière de
Galifet. Cette portion confifte en deux ou trois fucreries , & en deux tuileries &
briqueteries. &c une guildiverie, placées entre le chemin qui vient gagner lapaffe
du Haut du Cap , la rivière du Haut du Cap & l'embouchure de la rivière Any.
Le canton des Perches eft celui qui , ayant la rivière de fon nom dans le milieu,
de fa longueur , a la rivière du Haut du Cap à l'Oueft & au Nord où elle fait un
QC\*fie i ôc une ravine dans l'Eft. Le furplus de la plaine cft.défigné fots
'"■*. ,■,. '«r
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. o..
le nom de Petite- Anfe , excepté la partie fupérieure qui eft connue fous le nom
de Bonnet, ou Bonnet à l'Évêque.
La paroiffe de la Petite-Anfe jouiffait autrefois d'une grande réputation de
fertilité qu'elle ne foutient pas aujourd'hui au même degré. La terre y eft com-
munément forte & d'une nature prefqu'argileufe ; l'ea« y nappe fans y pénétrer.
On y compte 32 fucreries , dont fept de la première claÛTe donnent annuellement
deux millions de fucre blanc , fept de la féconde claffe , en produifent un million &
demi, feize en donnent un million & demi, & une en fabrique deux cent milliers
de brut.
C'eft dans la première claffe que font les trois fucreries contigues du Marquis
de Galiffet, appelées des P/««to, h Graf^de-Place &, h Gofelte. Il n'eft aucune
poffeffion de la Colonie françaife auffi connue que celles de la famille Galifet qxil
les doit à fon auteur , gouverneur du Cap , dès la fin du fiècle dernier, & à quj
cette qualité n'a pas nui pour l'étendue & l'établiffement de fes domaines -non
plus que l'influence qu'il eut fur la diftribution des fonds revenant aux colons, de
Saint-Domingue qui avaient marché, comme lui , au fiëge de Carthagéne. M.
de Galifet poffédait encore en 17 16 plus de douze cens carreaux de terre dans la:
Petite-Anfe feulement. Ces habitations , dis^je , font très-connues parce qu'elles
ont donné naiffance à deux expreffions populaires : l'une pour marquer qu'une
chofeeft très-douce, dit: ^.^^ comme fucre à Galifet-, & l'autre pour peindre
le hon\ytm ,^xt: heureux comme un nègre à GaUfef; mot où fe trouve l'éloo-e le
plus fatisfaifantpoijr le colon qui fait faire fortir de l'efclavage même un éta? que
bien des hommes libres pourraient envier, & pour les repréfentans de ce proprié-
taire dont ils fécondent fi bien les vues bienfaifantes , quoique manifedées de près •
de deux mille lieues , puifque ce propriétaire réfidc en France, ,
, On doit un autreélogeàde^ habitans de cette paroiffe pour avoir conçu &
réalifé le projet de tirer de la Grande Rivière une portion d'eau qui y coulait en.
pure perte, & de l'employer à faire mouvoir des moulins fur leurs fucreries. Cette
entreprife eft bien faite pour qu'on en trouve ici les détails les plus intéreffans.
Elle eut pour principal moteur M. le marquis de Choifeul Praflin , proprié-
taire à la Petite-Anfe , qui y réfidait alors & qui, réuni à plufieurs autres, adreffa
aux Adminiftrateurs le 22 Février 1742 , un mémoire où il expofait que l'eau de
la Grande Rivière excédait les befoins de fes riverains dans les paroiffes de Limo-
nade & du Quartier-Morin i qu'une partie de ceux de Limonade , en même-tems ,
'^-
ZB
278 DESCRIPTION DE LA PARTIE
riverains du Fofîe , trouvaient dans ce dernier de quoi Te procurer des moulins à
eau , puifque l'eau du moulin du premier riverain de Limonade , prife dans la
Grande Rivière & vidée dans le Fofle , l'avait affez confidérablement augmenté
pour leur en faire craindre les débordemens : que les autres riverains de la droite
au nombre de fepr, n'avaient befoin que de l'eau néceffaire à deux moulins , parce
que la chute permettait à plufieurs de fe fervir fucceffivement delà même eau^en
alternant du premier au troifième , du deuxième au quatrième , &c. : que la rive
gauche n'oiTrait que fix habitations qui ne puflent pas profiter de l'entreprife pro-
jettée & qu'ils auraient affez de l'eau de deux mioulins. M. Fauconier , ajoute le
mémoire /jaugeant la Grande Rivière le 24 Janvier 1742, après de longues
féchereffes , /a trouvé une telle quantité d'eau , qu'en déduifant celle qui ferait
néceffaire aux riverains , lorfqu'ils voudront avoir tous des moulins , il y a réel-
lement plus des ^ de l'eau qui ne font pas employés, & les auteurs de l'entreprife
ne demandent que le 7^'^ de ce fuperflu pour faire aller ci moulins au Quartier
Morin & à la Petite Anfe , fur des habitadons toutes non-riveraines.
Voici maintenant qu'elle devait êire la diftribution de l'eau. D'abord celle d'un
moulin devait être mife dansia ravine du Mapou ( que j'ai indiquée page 238 ,
comme fe jcttantà la mer dans l'Eft de l'embarcadère de la Petite Anfe >&
ïuffire à tous fes riverains, Enfuite un canal portant l'eau de 4 moulins devait en
donner un quart à l'habitation aujourd'hui Fournier de Bellevue ( du Quartier-
Morln ) , un quart à l'habitation Broffard , lefquelles deux habitations devaient
jetter l'eau après s'en être fervi , dans la ravine des Sables pour l'utilité de«
riverains de celle - ci j un troifième quart devait fervir fucceffivement à trois
habitadons ; enfin le quatrième quart devait être employé par fix habitations , &
conduit enfuite dans la rivière du Haut du Cap , de manière que cette rivière
aurait réellement reçu toute l'eau du canal , puifque la ravine des Sables devient ,
dans fa partie inférieure , la rivière Any & que, comme on l'a vu , celle-ci tombe
dans la rivière du Haut du Cap. ■ '
Pour donner plubde crédit à leur demande , pour aller au-devant de toutes les
obieftions & lever tous les obftacles , les provocateurs de la demande fe
foumettaient , dans les cas de féchereffe , à baiffer leurs éclufes & à rendre aux
riverains l'eau qu'ils auraient obtenue pour leurs moulins,
Larnage & MaiUart connalffaient trop bien l'utile emploi des eaux -, ils
avalent trop cherché à en infplrer l'idée, pour n'en pas favorifer l'exécution,
■I m'
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 279
auî5 l'adoptèrent-ils par une ordonnance du 9 du même mois de Février 1742.
Cette ordonnance étend même à tout autre habitant qu'à ceux réunis pour le pro-
jet , la permiffion de faire des ouvertures & des faignées dans la Grande Rivière
aux conditions du mémoire, & elle enjomtde fouffrir le pafîage des canaux.
Dans le nombre de ces demandeurs de 21 moulins , les intéreffés à 17 firent
un règlement ( * ) pour fixer les travaux communs , les fouilles, les ponts, le^
aqueducs , la contribution de chacun , & l'on y répéta l'obligation de baifîer les
éclufes lorfqu'il n'y aurait pas affez d'eau dans la Grande Rivière pour fubvenir
aux befoins des riverains , qui doivent être privilégiés à cet égard -, ' & même
pour prévenir les inconveniens d'une difcuffion , les éclufes doivent être baiffées
à la première fommation faite par les riverains augardien de réclufe. Ce règle-
ment fut approuvé par les Adminiflrateurs le 22 Avril 1742.
Les travaux commencèrent bientôt après , & l'on fit une prife d'eau à la rive
gauche de la Grande Rivière au-deffus du bourg de la Tannerie & fur un terrain
que les intéreffés ont acheté- récemment,
, Mi- de Grandpré & d'autres habitans s'étant oppofés au paffage des canaux , un
jugement des Adminiflrateurs du 9 Juillet 1745 , les obligea à cette fervitude en
quelque forte publique , à la charge d'une jufte indemnité , comme l'offrait le
règlement même des intéreffés , & encore de ne pas diminuer les eaux d'un lagon
placé fur l'habitation Grandpré.
La prife d'eau de la Tannerie fe trouvant fupérieure-â celle de l'habitation
Carbon , maintenant Bullet , la première de toutes celles qui ont été pratiquées
fur la Grande Rivière , M. de Carbon fe plaignit que les intéreffés de la Petite
Anfe , ne laiffaient pas dans la rivière l'eau néceffaire à fon moulin , & fit Jétruire
ie bâtarde au oonftruit furia rivière par les intéreffés. Cet afte confidéré comme
une voye de fait, amena , le 3 Février 1749, deux jugeraensdes Adminiftrateurs.
Le premier conferva M. de Carbon dans la jouiffance de l'eau néceffaire à fon
moulin, avec une éclufe conftruite de manière qu'il ne pourra paffer fous la roue de
fon moulin que 3 1 2 pouces & i- carrés d'eau, par minute, àmoins q^elesintéref-
fés- n'aiment mieux faire réformer à leurs dépens , le moulin Carbon, de manière
qu'une moindre quantité d'eau lui fuffife. Le deuxième jugement condamne
M, & M**^ de Carbon à payer la valeur du batardeau.
(.* ) Voyez Loix de Saint-Domingue , Tome 3 , page 685-
I O N
Tels font les premiers faits relatifs à l'entreprife des moulins de la Petite Anle ,
dont MM. de Choifeul & Galifet follicitèrent vivement la ratification de la part
du roi. Mais le miniftre ayant confulté MM. de Larnage &. Maillart , ceux-ci-
furent d'avis, fuivant leur lettre du i6 Mars 1746 , d'attendre que l'entreprife
fût entièrement réalifée. Ce terme n'eft point encore arrivé , & de plus les inté-
relTés de la Petite Anfe ont , au moment a6luel , des contradicteurs & des procès.
Les riverains du Quartier-Morin , à la Grande Rivière , fortis enfin de leur lé-
thargie , s'étant réunis & fyndiqués pour avoir la jouiffance à l'eau , qu'ils confî-
dèrent comme un droit naturel de la Htuation de leurs terres , les intéreffés de la
Petite-Anfe ont arrêté, le 22 Décembre 1777, que leur fyndic les défendrait contre
la demande de M. Barré de Saint-Venant , fyndic pour le Quartier-Morin. Voilà
une première conteftation qui fubfifle.
Les Religieux de la Charité du Cap , MM. Lefebvre , Decourt de k Tonnelle
êc Brofîard ont demandé que l'eau du Mapou , achetée par MM. de Gabriac dfe
M^''. Defglaireaux le 13 Avril 1751 , ne puifTe pas être employée àl'arrofage par
ceux-ci , mais qu'au contraire elle foit mife dans un canal, où , après avoir fervi
à un moulin , fi MM. de Gabriac jugent à propos d'en faire un , elle puifîè par-
venir lucceflivement aux habitations des réclamans , qui offrent d'entrer dans les
frais occafionnés par l'entreprife. Cette demande a été accueillie par un jugement
des Adminiftrateurs du 26 Mars 1779 , qui a donné lieu à un appel fubfîfbant en-r
corc au Confeil des Dépêches en ce moment , & où les intérelîes de la Petite-Anfe
figurent contre M"^^ de Gabriac & attaquent un jugement du 24 Avril 1754 >
qui a permis à MM. de Gabriac d'employer l'eau en arrofement , parce qu'il leur
eft réellement utile que le nombre des contribuables aux dépenfes , s'augmente.
Examinons maintenant la difficulté en foi. Suivant le mémoire du 9 Février
1742 , le Fofîë grofiî de la vide du moulin de M. de Carbon, pouvait donner des
moulins aux riverains du fofic ; ce fait eft confiant & 7 habitations doivent réelle-
ment leurs moulins à cette réunion.
Le mémoire avançait que 21 moulins feraient le réfultat de l'afTodation 3
outre quatre que pourraient fe procurer, par le même canal, les riverains de l'Oueft
depuis la Tannerie jufqu'à l'habitation Nugent, ce qui ferait 25 moulins : que
l'eau d'un moulin mife dans le Mapou fuffirait à les riverains ( qui étaient an
nombre de 15 ) j c'était donc 40 moulins: que l'eau laifîee dans la Grande
Rivière fuffirait encore avec un immenfe excédant à 6 riverains de Limonade
qui
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^^x.
qui ne l'étaient pas du Fofle , & à cinq autres placés au-deffous de l'habitation
Nugent, ce qui portait le nombre des moulins poffibles à 51.
De ces 51 , il y en a 9 feulement qui font le produit du canal des intéreffés.
On en voit en outre un feul à Limonade & un feul au Quartier-Morin, fur les deux
habitations riveraines de l'embouchure de la Grande rivière ; il y a donc un
déficit de 40 moulins. Si l'on compte pour le remplacement des 15 des rives du
Mapou, l'arrofement de l'habitation Gabriac, il manque toujours réellement
25 mouHns , dont 12 appartiendraient aux riverains de Limonade & du
Quartier-Morin.
D'après le mémoire , la portion d'eau revenant à ces riverains , attend dans
la rivière qu'ils veuillent en faire ufage, mais cette affertion eft fortement démen-
tie j car le 29 Mars 1786, M. de la Valtière , commandant en fécond, par
intérim , de la Partie du Nord , s'étant tranfporté fur les lieux , d'après les
vives plaintes des riverains , il trouva qu'il ne pafîait point dans le lit de la
rivière, même de quoi abreuver les animaux. Il ordonna en conféquence, que
la fommation faite par les riverains le même jour, ferait exécutée, & que l'éclufe
ne ferait ouverte que d'un pouce.
Les intéreifés croyant fans doute que l'affèchement de la rivière était produit
par d'autres caufes que leur prife d'eau , en demandèrent la vifite , ainfi que des
prifes d'eau des habitations Duplaa & Fournier de Bellevue. Le juge du Cap
comme commiflaire du tribunal Terrier , s'y tranfporta i l'hydraulicien Verret
opéra, ^& il eft réfnlté de fa vérification, que la Grande rivière contenait en
1786, en totalité , 1,519 pouces d'eau par minute j que de cette quantité-, les
intéreffés de la Petite-Anfe en prenaient 972 & le moulin Carbon 317 -, d'oùU
eft clair que les riverains n'avaient plus que 230 pouces d'eau.
D'après ce rapport, on voit que les intéreffés prennent dans un tems où les
eaux font faibles, prés des 4. de celles contenues dans la rivière, au lieu
d'environ -i, comme le voulait leur mémoire de 1742 , & que les riverains
n'en ont pas un cinquième , au lieu des 2_ du mémoire. Et il faut avouer
que les intérefîes n'ont pas l'efpoir de faire préférer les réfultats de Fauconnier à
ceux de Verret.
C'eft d'après ces derniers , que les riverains ont expofé que cet état de chofes
"ne pouvait pas être toléré , puifque ceux qui n'avaient voulu qu'un excédant
dépouillaient les autres , .& qu'ils ont obtenu provifoirement de M. de la Valtière
■Tome L js^ ^
t X
n
■iBi
DESCRIPTION DE LA PARTIE
le 22 Avril 1786 , que déformais le droit de faire baiffer les pelles des éclufes
s'exercerait , non à la prife d'eau de la Tannerie , mais à celle du canal de
diftribution fur l'habitation Cadufh & Barré ; parce que de cette manière ,
l'habitation l'Héritier, riveraine, ne fera pas privée de l'eau j que la reftitution
de l'eau étant faite au-defTous de la prife Carbon , celle-ci ne pourra pas abforber
ce que l'éclufe de la Tannerie lui renverrait étant fermée , &, que l'é-
clufe d'en bas étant chez un, riverain du Quartier-Morin , elle fera furveillée
tandis qu'à la Tannerie , le gardien peut être enclin à la complaiiance envers les
intérefîés de la Petite- Anfe , parce qu'il efb payé par eux.
Ainfi fans entrer dans l'examen de la préférence qu'un riverain & un premier
établifîant peuvent mériter l'un fur l'autre , fans pefer pour tout ce qu'elle vaut ,,
la foumilTion des foufcripreurs de 1742 , de rendre l'eau de leurs moulins
aux riverains fi elle leur devient néceflaire , il eft toujours confiant que leur
entreprife n'eft pas , à beaucoup près , fufceptible de tous les avantages qu'offrait
fon profpetftus.
Il efb impolTible que tant d'intérêts oppofés n'amènent pas une opératioîi
générale , pour fixer ce que chacun doit & peut efpérer. Mais fi l'événement
de cette opération détruifait quelques-uns des huit moulins qui font dans la
paroilTe même , & qui font dûs à l'afTociation de 1742, on ne pourrait refufer
dejuftes regrets à ceux qui ne jouiraient plus d'un fruit que leur zèle &c leur
induftrie fembleraient mériter pour toujours.
La ParoifTe de la Petite-Anfe a un moulin de plus que ceux qu'on doit à
là Grande rivière. Il eft fur l'habitation Clairfont autrefois AlTclin. Son eau
venue de la rivière des Matteux , eft jetée dans la ravine des Perches , &
va conféquemment encore dans la rivière du Haut du Cap.
C'eft dans la partie plane de la Petite -Anfe que le trouvent 4 indigoteries j
il y a une hatte à fon extrémité.
L'églile de la Petite-Anfe eft placée au Nord de la plus grande fucrerîe de
Galifet , Se comme toutes les autres cglifes , plus près de ce qui eft plane que de
la montagne» - Une ligne drée Nofd & Sud de cette églife vers le Cap, irait
rencontrer le bout Sud de la batterie circulaire qui eft fur le quai de cette ville.
Cette paroiffe a toujours été fous l'invocation de l'immaculée Conception de la-
Vierge. J'ai aufTi le procès-verbal qui fut fait de fon églife le 3 Mai 1688 , par
les ordres de M. de CufTy. Il prouve qu'elle était aufTi pauvre & aulTi dépourvue
28'3
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
que celle du Quartier-Morin, quoiqu'à cette époque elle fut bâtie de neu/^
entourée de palijfades , mais le cimetière rempli d'herbes & non renfer,ré &' le
presbytère îout-à-fait ruiné : c'eft ce qu^atteftent Michel de Calais , prêtre Capucin
/«%«., deiTervant ladite églife 3 Macé, tréforier , & le procureur du roi & le
greffier de la Sénéchauflee du Cap.
L'églife aftuelle de la Petite-Anfe a été îong-terns l'une des plus belles de
la dépendance du Cap. Elle eft de maçonnerie -, la première pierre en fut pofée
le .o Mai 1720 par M. le Marquis de Sorel, gouverneur-général de la Colonie,
& elle n a ete achevée qu'après 1730. Elle a eu pour pafteur , pendant près de
vingt ans, le pereMargat , dont je parle dans la defcription du Cap
La partie montagneufe de la paroiffe de la Petite-Anfe a pris fon nom de
Bonnet à l'Eveque , de la configuration d'une des fommités de la chaîne de
montagnes qui la borne au Sud , chaîne qui dépend de la première du Cibao.
Cette fommite a en efFet deux pointes comme celles d'une mitre , & c'efl un des
pomts mdicateurs pour les marins qui entrent dans la rade du Cap , à laquelle
elle fait face au Sud. Le haut de la fedion de cette montagne eft calcaire, quoi-
qu'on y rencontre quelques granits épars , puis le bas ell de la roche vive
d'une nature un peu graniteufe. L'on y trouve par-tout des preuves de l'adion de
l'air, des eaux & des t.emblemens de terre dans des excavations & dans des
iciluires.
Les épatemens de cette montagne forment une gorge qui communique avec k
plaine, & qui commence à l'extrémité de celle-ci à l'habitation Benac • l'on y
fait environ 800 toifes fur une pente douce , terminée à la droite par un efcar-
pement très-à-pic , & à gauche par divers mornets. C'efl dans cet efpace t^ vers
le Nord-Eft, qu'on trouve, au bas d'un monceau de roches, une fource limpide
dont l'eau s'échappe en cafcades au fortir d'un baffin d'environ trois pieds cubes '
& va fe mêler à la ravine des Sables. M. Henry travaillant en 1786 au tracé d'un
chemin dans la montagne du Bonnet , obferva qu'à quinze toifes à-peu-près de
la fource , tout ce qui était plongé dans fon eau était chargé d'incruftarions Les
végétaux confervent leurs formes & même leurs couleurs , malgré cette efcèce
d'enduit , qui eft affez adhérent au fond du ruiffeau pour qu'on ne" puifTe en retirer
es corps que par fragmens brifés. Cette obfervation a été confignée dans
le tome premier des Mémoires de la Scîciëté Royale du Cap^Francais , in=
8*», page 212,
N n 3
394 DESCRIPTION DE LA PARTIE
A la fin de la gorge , on pafTe fur un terrain cultivé , dont la pente eft encore
douce & de 300 toifes de long. Il confine dans l'Oueft à une vallée formée par
la montagrie du Bonnet & par la ravine des Sables. Elle a, à-peu-près, 200 toifes
d'un plan incliné. De ce point , on monte environ 300 toifes de mauvais
chemin en longeant la montagne du Bonnet , compofée de quatre mornes &
ayant une lieue de long , en paffant par le travers des pointes de la mitre ,
qu'on apperçoiî de la plaine. A environ 400 toifes plus haut & à 200 des
écabliffemerjs Renot , Foucher , Choifeul, fitués dans un valon, on trouve la
naiffance de la gorge du Dondon , par laquelle on peut aller fur le territoire de
cette dernière paroi fie , joindre le chem.in du bourg, près l'habitation Junca.
Dans les cavités qui fe trouvent dans differens points de cette gorge du Bonnet
à l'Évêque, & qu'on appelé le chemin des Caraïbes , on trouve des fétiches &
des haches Indiennes.
La montagne dans la paroiiTe de la Petite- Anfe contient 12 cafeteries & 25.
places à vivres.
On voit dans la defcription de la paroilTe du Quartier-Morin que celle de la
Petite-Anfe a depuis très-long-tems , deux chemins qui la font commiuniquer
d'un côté avec le Cap & de l'autre avec les paroiiTes de l'Eft qui , originairement^,
ne venaient au Cap qu'en traverfant ces deux chemins. On va auffi de la Petite
Anfe à la paroiffe de la Plaine du Nord , par la pafîe de l'habitation Pafquier , où
l'on trouvait autrefois un pont du même nom , conftruit fur la rivière du Haut
du Cap , à environ une lieue dans le Sud du bourg du Haut du Cap , & fur la
ligne qui fépare les deux paroiffes de la Pente-Anfe & de la Plaine du Nord. Il y
a, plus de vingt ans que ce pont a été emporté dans un débordement.
Deux autres chemins dirigés Nord & Sud , & fe réuniffant au haut de la
plaine 3 conduifent au Bonnet & fervent à tranfporter les denrées à l'embarcadère
de la Petite-Anfe.
Ce que j'ai dit de la nature du fol gras de la Petite-Anfe , doit bien faire, penfer
que dans les tems pluvieux , ces chemins doivent être difficiles. Les roues y.
enfoncent , ôc ce n'eft qu'avec une peine extrêm.e que les animaux peuvérit y
traîner les voitures &, à plus forte raifon, les cabrouets & les -charrettes.. Depuis
que les canaux des intéreffés de la Petite-Anfe avaient fait palier une portion •
d'eau dans le lit de la ravine des Sables ; celle-ci , lors de fes débordemens
f'épanchait dans les terrains qui. lui font inférieurs, au déverfement des
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 285
canaux & de là dans le grand chemin qui les traverfe. On y forma des levées
que leur infuffifance rendit inutile & que M. de Vaudreuil ordonna, en 1750.-
de prolonger depuis la tète de l'habitation Maifoncelle, aujourd'hui Bongars. En
1752, on n'avait réalifé qu'une partie de cette précaution , de forte qu'une
ordonnance du 10 Juin , enjoignit de la perfeaionner & d'employer la corvée
publique à l'entretien de cette partie du chemin.
Les débordemens de la ravine des Sables , qui a fa fource au haut de la monta-
gne du Bonnet , étant auffi un obftacle afîèz fréquent , on a enfin fongé à y
conftruire un pont , au point où cette ravine devient la rivière Any & traverfe le
chemin qui conduit du haut de la plaine de la paroiffe de la Petite-Anfe , au bouro-
de l'embarcadère du même nom. Ce pont de maçonnerie a été fait, en 1786 , &
il a reçu le nom de pont Mailiart , deftiné à réveiller l'idée de l'intendant qui a
le mieux mérité de la Colonie. Ce pont affure , par fa fituation, la communication
entre les deux paroiffes du Quartier-Morin & de la Petite-Anfe. Il a coûté 70,000
livres, dont les habitans- ont payé la moitié par une contribution volontaire &
la caifîe municipale l'autre moitié.
Des obfervations météorologiques faites pendant les quatre derniers mois de
1784 & les années 1785 & 1786, par M'. Odeluc fur l'habitation Galifet, proche de
l'Eghfe, peuvent fervir à faire connaître la température de cette paroiffe, d'autant
que l'exaftitude. & les talens de l'obfervateur leur affurent une grande confiance^
Obfervations des quatre derràers mois de 1"]%^.-
Thermomètre à l'eiprit de vin, expofé à l'ombre , dans une chambre prefque toujours ouverte.
n'ayant que des jaloufies ,& tournée au Nord.
Plus grande chaleur à l'ombre ( ce <jui arriva le 1 1 Septembfe , à midi ).
Moindre clialeur ( le 23 Désembre , avant le lever du foleil ).
Différence . , , ■
Chaleur moyenne . .
27°
14°
13^
2 2° 1/2
Pluie reçue dans une caifle de fer blanc , d'un pied cube , graduée &
portée par un piédeilal, à hauteur d'appui, ifolé .
Évaporation évaluée dans une calffede fer blanc de huit pouces en carré
fur cinq de profondeur , graduée & mifç dans une caifiè de bois , ■
13 pouces. !i lignes.
remplie de terre
Ainfi l'évaporation a excédé la pluie , de
25 pouces. 5 lignes. ï/2.
• li pouces. 6 lignes, i/fe
m
' ii^^^^^^^^^^^^^H *
H] i
286 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Température.
Septembre 17S4. Chaude & humide
Oilobrs Plus chsude & moins humide
Novembre Moins humide
Décembre Agréable & sèche depuis le 10
Jours pluvieux
. 10
. 6
. 10
. 6
Le 31 Décembre, à fix heures du matin, le thermomètre defcendit au dehors à i i^ ift, ce que
l'on n'avait jamais vu.
Vents domînans^
Eft , Nord & Sud-Oueft,
Trembleynens de Terre.
Un le 25 Juillet , à 6 heures if\ du foir. Un le 2g Septembre , à 1 1 1/2 du fofr.
Unie 25 Août, à i h. 15 m. du matin, avec Unie 27 Novembre, à 1 h. 20 m. après-midi,
trois fecouiTes , dont les deux premières faibles.
Un coup de vent avec forte pluie qui a donné 20 lignes d'eau , en deux heures.
Objervations ^i? 1785,
Thermomètre.
Plus grande chaleur
Moindre
Différence
25® i/z
11° i/z
Le lo Mai, le thermomètre a monté , au foleil , à deux heures 1/2 du foir, à 30° i/z.
Baromètre.
Plus grande élévation ,
Moindre ,
Différence ,
Pluie , .
Evaporation ,
Excédant de pluie.
28 pouces. 3 lignes.
3 1/4
75 pouces. 0 lignes. i&
70 5
4 7 1/4
'■B'
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ,87
Température,
Mars , Avril & Oaob. . les plus pluvieux. Mai , Juin . Juillet , Décen^bre . les moins
Les matinées belles en général , furtout le lendemain des orages
En Mars & Avril , Pair enfanté , parce que les Efpagnols brûlent leurs favanes
Mai, Jum, Juillet ; éclairs & tonnerre, prefque tous les foirs. En Septembre & en Oftohre aufli.
Tremhlemens de Terre,
Thermomètre intérieur , alors à .
Celui au foleil . . _' * ' ' ' i8°
Beau ciel , fans nuages tcms calme , beaucoup d'élearicitéfNouvelle iune à 8 h.' .5 m du'foir
19 Février a 6 h. 5 m. deux petites fecouffes , tems nébuleux , pluie aux environs.
Thermomètre extérieur , . r " imib.
intérieur,' ] [_ [ • ■ • . i6°v2
Baromètre, . . ,
28 p. 1 lig. l/j;^
Méiéore,
Le 7 Mars un météore lumineux vers le morne du Cap, dirigé de l'Eft à i'On^ft n
lire à fa clarté. ^ ^"^^- °" pouvait
Débordement confidérable des rivières.
Premier Quartier , i h. 7 m. après-midi.
En 1786.
Seulement 29 p. 2 iig. d'eau , dont la moitié en Oftobre & en Décembre
Une extrême féchere.Te a caraftérifé les quatre premiers mois de cette année Des vent, A.
Sud-Ouea « chauds pendant les mois de Février, Mars . Avril, ,ue les bo s d! me bt Î
fendirent & qu'on vit éclater des vai.Teanx de verre. meunies le
JefaiGs «tteoccanon d'annoncer q,,'o„ doit regarder comme une obfcrv»^^
générale , celle de M. Odeluc fur le baromètre . que je vais rapporter
L. baromètre éprouve , à Saint- Domingue , une variation diurne périodique qui
t n » le ra,re -°;."_depu,s neuf heures du matin, ou même auparavant fil brife
fc kve plutôt, jufqu a onze heures. Dans l'intervalle de onze heures à trois , i!
defcend , pu. ,1 remonte un peu , pour defcendre vers le foleil couchant. EnM.e
monte a la br.fe de terre , ma,s moins que le matin , jufqu'à dix heures du foir. .
11 eft toujours , relativement , plus élevé le jour oue la n„i, t r
/v„r- „., fr , , ,,. 1^ .iuur que la nuit. Le mercure fec
loutienc auffi «n peu plus haut en Hiver qu'en Été
288 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Suivant M. Lefebvre Deshayes , le baromètre monte le matin, parce que le
foleil & la brife du large chaflent les vapeurs qui, s'amonceknt fur les montagnes ,
preflent l'air & forcent le baromètre à defcendre après onze heures. La bnfe
acquérant toute fa force enfuite , robfracle eft détruit & l'inftrument remonte.
Mais la condenfation des vapeurs au foleil couchant vient le rabaiffer, puis lorfque
le ferein eft tombé & que la brife de terre dégage l'air , il remonte. Dans la nuit
les vapeurs s'élèvent, les rofées y mêlent de l'humidité & c'eft la caufe d'une
nouvelle defcenfion. M. Deshayes dit encore que les vents de Sud & de Sud-Eft
ac.i{rentplusfennblement fur le baromètre que ceux du Nord, parce que les
premiers tranfportent plus d'humidité , & des nuages plus pefans.
J'ajoute que la chaleur de la Zone Torride caufant une très-grande dilatation
dans les molécules de l'air & y tranfportant une portion d'humidité., l'air doit
perdre de fon reffort , & agir moins fur un inftrument deftine à mefurcr ce
reflbrt. ^. s r. • t^ • e
Les années pluvleufes font d'ordinaire les moins faines a Samt-Domingue &
la paroine de la Petite Anfe eft foumife à cet effet. On l'a vérifié par rapport
au premier bataillon du régiment Irlandais de Dillon, qui y fut tenu plufieurs
mois en garnifon , à partir de celui d'Avril 1782 = ^"^ les habitations Galiret.
La moitié des foldats de ce bataillon y furent malade & de dix-huit officiers il en
courut cinq. Le terrain des habitations Galifet eft , à la vérité , bas & aquatique,
?tant le long de la rivière & , proportionnellement , ce font celles de la paroiflè
qui perdent le plus de nègres. Celle furaommée Defplantes éprouve cependant
moins cet inconvénient que les deux autres.
Ce fut encore fur l'habitation Galifet que fe fit, le 10 Avril 1784, une
expérience aéroftatique , ( la deuxième qui a eu lieu à Saint-Domingue ).
Neuf foufcripteurs avaient fait la dépenfe d'un aéroftat de 204 aunes de tafetas;
fa hauteur était de 30 pieds, fon moyen diamètre de 18 & fa circonférence
de près de 57. Sa force d'afcenfion était de 64 livres a onces : de la paille leche
& de la laine brûlées , mifes dans un fourneau à briques , fournirent en quatre
minutes & demie le gaz néceffaire. A 7 heures 40 minutes du madn _, le tems
étant calme, la machine abandonnée à elle-même, s'éleva en décrivant i^e
fnirale , & en biffant le tems de confidérer les ornemens qui l'embelhfîaient & des
Jlégories repréfentant l'air , le feu , la chimie & laphyfique. On y voyait auffi les
Srlesdesdeux Chefs delà Colonie, le chiffre deM.de Gahfet & celui de
•mm^^mw
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 289
M. Beccard , greffier du Fort-Dauphin , qui avait communiqué à l'efprit des
Colons , l'enthoufiarme que venaient de lui infpirer en France , les expériences des
Montgol_fier & des Pilatre de Rc/ter. L'afcenfion dura cinq minutes , l'état ftaticn-
naire trois, & après cinq minutes de defcenfion , le ballon, qu'on eftima s'être
élevé à 300 toifes, vint tomber à environ 200 toifes du point de Ton départ.
Ce phénomène, nouveau pour la terre américaine, avait réuni un ^rand
concours de perfonnes , & quoique l'aréoftat ne contînt point de navicrateurs
l'impreffion feule de ce majeftueux efFet de la péfanteur fpécifiaue qui'montre
une grande furface portée par l'air, excita la plus vive admiration. La llm-
plicité du moyen ajoutait à la furprife , & les fpeélateurs nègres ne fe lalTaien.-
pas de fe récrier fur l'infatiable paffion de l'homme , pmir foumettre la nature
a fa puiflance. Un procès verbal authentique conftata la naturalifation des Mont
golfières, &les Affiches Américaines, du 21 Avril 1784, la publièrent
La population de iaparoiffe de la Petite-Anfe eft de 117 blancs, S3 affranchis
donnant en tout 75 hommes portant armes, & 4,652 efclaves.
On peut juger combien la population aftuelle diffère de celle qui exiftait
Il y a un fiècle , puifqa'au mois de Février 1691 , & par conféquent après k
bataille de Limonade , M. de la Boulaye , major du Port-de-Paix , vint faire
la revue des habitans du quartier du Cap , & trouva dans la paroiffe de Ja
Petite-Anfe deux compagnies de milices , qui formaient 150 hommes, & dont
il fit trois compagnies de 50 hommes chacune.
De l'églife de la Petite- Anfe : ■ '
A celle du Cap ,
du Quartier-Morin ,
3 lieues.
I 1/2
A l'égliie de Limonade
Ste-Rofe ,
2 lieues i/z,
3 1/2.
La Petite-Anfe eft du quartier , du commandement, & de la fénéchauffée du Cap
C'eft fur l'habitation de Nord , dépendant de cette paroiffe , qu'arriva un
fait regardé comme très-rare , & qui a été configné dans un aéle de notoriété
fait par les officiers de la fénéchauffée du Cap , le 15 Décembre 1769, fur
la depofit.on affermentée de M. de Nord , propriétaire de l'habitation , de MM
Cazavan , Martin & Darrecbieilh , qui en étaient le chirurgien , îe gérant &
le rafineur & encore de M. Deshayes de Sainte-Marie , avocat au Confeil
du Cap, qui s'était trouvé préfent.
" Le 14 Mai 1769 , on amena à M. de Nord une mule nommée Souffrir
3, comme malade, ayant le ventre très-gros & quelque chofe q.i paraiffak
^'''^^ ^' O o
> n
1
jÉ
290 DESCRIPTION DE LA PARTIE
„ lui fortir de la vulve. li envoya chercher le nommé Francifque, nègre»
„ foi-diiant: maréchal de l'habitation voifme Walsh ; celui-ci fie abattre la mule
„ & lui donna un breuvage , & quelques minutes après , appercevant des pieds
.,, fortant del'uceras, il tira rudement un petit animal noir , vivant , qu'à Ton
„ poil , à la tète & à les oreilles , M. Cazavan croit tenir plus de l'âne que
„ du mulet. La violence employée par le nègre ayant occafionné le renver-
„ fement, Se la gangrène de la matrice , Se tiraillé le muleton , celui-ci a péri
„ prefque auiTitôt, Se a été fuivi de fa mère deux heures après ".
Ce fut à rétonnement que caufa ce phénomène &: au défir de le faire conf-
-tater, qu'eut M. Defmé Dubuifîbn , ancien procureur général du Confeil
du Cap , confeillcr du Parlement de Paris , alors au Cap , qu'on dût l'au-
thenticité qu'il a acquis. Buffon l'a configné dans fon fiippiéraent, tome
5 , pao-e 25 , où l'on voit que la peau du muleton fut envoyée à Londres
au dofteur Matty , qui la plaça dans le cabinet de la Société Royale , ce qui
femble aîTez fmgulicr , d'un fait arrivé dans une Colonie françaife.
Malheureufement les faits deftrutfeurs des plus utiles animaux n'ont pas été
auiïi rares dans cette paroiiTe , où l'épizootie a caufé des ravages qui n'ont pas
encore ceiTé.
En 1777, la feule habitation Millot perdit en fix mois quarante mulets,
dont l'eftomac paraiffait corrodé & quelquefois même pourri , comme chez
les hommes qui meurent d'une maladie inflammatoire putride. MM. Millot
frères ayant adopté depuis un régime approuvé par M. Chabert , direfteur de
l'école vétérinaire d'Alfort , ils font parvenus à diminuer la contagion. Ce régime
confifte à bien humecter les herbes , qu'on fait hacher dans un bac , avec une
quantité de fel mêlée à une limonade de gros firop , de jus de citron & d'eau.
Les animaux font très-avides de cette nourriture ; mais il faut en outre féparer
les animaux malades de ceux qui ne le font pas , Se veiller exaélement à ce
qu'aucune partie des harnois des premiers , ne ferve jamais. On a attribué l'ori-
gine de cette maladie des mulets , à des rargaifons de chevaux exportés du
Conneflicut.
La morve, inconnue avant 1770, eft devenue un autre fléau. Elle a fait
périr fur la principale habitation GaUfet ^ dix-fept mulets , dans les trois derniers
mois de 1785.
Le charbon a fait fur les boeufs un dégât auffi terrible,' & les gardien^
I,
MAi
^
, FRANC AISE DE SAINT -DO MINGUE. 25,
xl'anin.aux ont fouvent partagé ia contagion en It s foignant , 2s: en les pan Pan t
Il faut avouer auffi qu'une circonftance particulière a long-tems concouru ay^c
lescaufes générales, pour rendre les faits d'épizootie plus communs d.ns k
paroiffe de la Petite-Anfe ^ c'eft que les fermiers des boucheries du Cap y avaient
leurs entrepôts jufqu'en 1787. Ces entrepôts mal entourés, où il mourait beaucoup
d'animaux, qu'on laiflàit pourir fur le fol , dont on enlevait des cuirs infefts ,
& dont les chiens tranfportaient les chairs, étaient autant de foyers d'une'
contagion propagée par les animaux eux-mêmes. Se par les nègres, qui man-
geaient de cette viande charbonneufe fraîche ou fale'e.
Le mal des eaux ou de lagon , qui eft une efpèce de farcin , attaque auffi
les mulets & les chevaux, & il eft même beaucoup d'habitans qui la confia
dèrent comme contagieufe.
Il fuffic de lire les Recherches de la Société des Sciences & Arts du Cap
furies épizooties , pour être convaincu de ce qu'une Colonie , qui a un befoia
aufll abfolu d'animaux pour fes manufiftures, éprouve de pertes, & combien
le Colon devrait être attentif & furveillant , même pour faire arracher & dé-
truire l'herbe à blé & lafenfitive , qui lont pour les animaux un aliment funefte.
Je ne fais quels fuccès auront eu huit moutons du Cap de Bonne-Erpérance'
placés fur l'habitation Bongars , de cette paroiffe , où l'on voulait les natu-
ralifer. Je crois que le choix du local était fort mauvais , & que la circonftance
qui l'avait déterminé, tirée de ce que ces animaux, payés par la Coloni-
avaient été ad reiTés à cet intendant , par ie confui français, aura rendu inutile
un effai , où l'on n'aurait pas dû facrifier une vue d'utilité réelle , à une infi-'
pide adulation.
La paroiiTe de la Petite-Anfe m'offre à citer :
i\ Jofephde Galifet, auquel la Colonie eft redevable de vues & d'exemples
utiles, qu'il n'a pas- toujours dépendu de lui d'y faire réuffir. Mais iM de
Galifet a été , durant huit années , gouverneur du Cap, & commandant en chef
de la Colonie, depuis le mois de Juillet 5700, jufqu'au mois de Novembre
1703 ; c'eft donc à l'hiftoire que fon portrait appartient. Il mourut à Paris le 26
Mai 1706,
a''. M. le chevalier de Gabriac , de la maifon de Saint-Patrlet , du Lan-
guedoc , fils de M. de Saint-Paulet , colonel du régiment de cavaleric-miii-
C€sde la Partie du Nord, Il était capitaine aide-major au régiment du roi inf^^
Oo 2
*
29^1
DESCRIPTION DE LA PARTIE
erie , lorfqu'il s'éleva une querelle entre les ofEciers de ce corps & le duc
depuis maréchal de Blron. M. de Gabriac fut chargé de porter la parole 8c
ce choix , ainfi que le délabrement de fa fortune , le mirent dans la néceffité
de fe retirer du fervice. Il était intimement lié avec M. de Choifeul, devenu
miniftre depuis , & dont il avait fouvent préfagé les fuccès. M. de Gabriac
arrivant à Saint-Domingue , fe préfenta au procureur de fon habitation , comme
un recommandé du propriétaire ; il fut aifez mal accueilli , mais les lettres étaient
fi preffantes , que le procureur ne put fe difpenfer de le recevoir. Le foir,
a négrefle nourrice de M. de Gabriac le reconnut, & il fe paffa entr'eux
une fcène touchante. La négreffe garda le fecret pendant quinze jours. Au
bout de ce teras M. de Gabriac va dans le cabinet de fon procureur, l'oblige
à lui communiquer ks livres & fes comptes , & l'on affure que cette expédition
lui fut très- profitable.
Le hafard ayant fait que M. le duc de Choifeul , entendit prononcer le
nom d'un chevalier de Gabriac, réfidant à Saint-Domingue, il s'informe
fi c'eft fon ancien camarade , fon mentor , & lorfqu'il en eft fur , il lui écrit ,
Se lui envoyé un brevet de colonel. Il lui marque que les événemens l'ont
mis dans le cas d'influer fur le fort des Colonies , mais qu'il a belbin des
lumières & de la fageffe de fon ancien ami , & qu'il le fomme de venir le
joindre , promettant de fe charger de fa fortune , s'il eft dans le cas d'en avoir
befoin.
MM. de Gabriac , de Clugny , Fournier de la Chapelle & Defmé Dubuiffon»
firent des plans pour procurer à Saint-Domingue la liberté politique & de bonnes
loix & M. Fournier de Varenne , malgré fa jeunefle, fut admis à les féconder.
On y prépara l'établiffement des Chambres d'Agriculture & de Commerce,
& l'on y avait projette celui d'un député de la Colonie, place importante,
ridiculement, ou plutôt defpotiquement remplacée , par un député de la Cham-
bre d'Agriculture , titre qui n'a de réel , que les appointemens qu'il procure.
M. de Gabriac s'embarqua le 4 Mai 1763 , fur le navire le Bourbon de
Bordeaux , efpérant qu'il ferait le député de la Colonie. Il eut un rhume dans
la traverfée , on le faigna , & le fcorbut fe manifefta ; il mourut à Bordeaux
chez M. Simon Jauge , une heure après être débarqué. Sa mort amena des
chano-emens , qu'il faut auflî renvoyer à l'hiftoire.
M. de Gabriac qui , comme on l'a vu , avait acheté de M*^' Defglaireaus
t)
FRANÇAîSEDE SAINT-DOMINGUE. 29J
l'eau de la Grande-Rivière , 5ellinée à la ravine du Mapou , la fit fervir à arrofer»
Ce fut lui qui donna le premier exemple de cet emploi de l'eau , dans la Partie
du Nord de Saint-Domingue..
M. de Gabriac était férieux & même ftc , mais perfonne n'eut un cara<5lère
plus ferme ; fon raifonnement était la hache de Phocion. Il avait plus de ca-
raélère & de mérite , que d'efprit & de connaiffances , quoiqu'il eut pouffé
affez loin l'ét-ude des mathématiques. Il jouiffait de l'eftime générale , & la trempe
forte de fon ame, lui donnait toujours le premier rôle. M. de Gabriac était
un homme rare , que la Colonie doit fe glorifier d'avoir vu naître -, un citoyen ,
animé du défir du bien , & un ennemi déclaré de cette autorité , qui croit
s'aiFermir par les abus.
.TOi(>.«^.il|^.,l0..il0.4|^,^.,l(^,ij^.,ll^,^^.^„c«
X I L
Paroisse du Cap-Français.
La 'paroiiTe du Cap-Français eft, pour ainfi dire, uniquement compofée de la
ville du même nom, puifque tout le furplus n'en eft que l'acceffoire & les
dépendances. Occupons-nous de cet établiffement , le plus confidérable de la
Colonie françaife , fa capitale de fait , le fiège principal de fes richeffes , de fon
luxe ; le lieu le pluscommerçant , celui enfin que fa fituation géographique rendra
toujours le plusimportant pour elle.
Lorfqu'on vient d'Europe au Cap, on attérit au Cap Samana ou du moins
vers le vieux Cap-Français , & c'eft de là qu'on dirige fa route vers le Cap
la Grange en longeant la côte. Après avoir paffé ce Cap , on fe trouve bientôt
par le travers des îlets appelés les Sept Frères (*) &: de la baie de Mance-
nille (t) , fur le côté Septentrional de laquelle on a vu que commence la
Colonie françaife.
C'eft auffi vers ce point que fe trouve la naiffance du banc de reffifs dont j'ai
déjà parlé plufieurs fois en décrivant les côtes de fix paroiffes & qui
(*) Voyez Partie Efpagnole , volume premier , page 202.
(t) Voyez Partie Efpagnole , volume premier , page 203 >
4i
«94 DESCRIPTION DE LA PARTIE
reo-nant depuis l'entrée du goulet de la baie du Fort-Dauphin jufqu'aux pafTes
ordinaires du Cap, oblige les bâtimens à fe tenir à une certaine diftance de h
terre dans toute cette longueur, d'environ neuf lieues un tiers par mer.
En paffant le long de la côte efpagnole , on efl frappé de l'élévation des terres
de cette p?,rtie , où eft le groupe du Cibao; mais on n'a fous les yeux qu'un pays
inhabité , excepté lorfqu'on eft parvenu vers la petite peuplade de Monte-Chrift.
En découvrant la Partie Françaife , l'afpeifl change. Les montagnes qui
jufques là avaient femblé border le rivage , paraiffent s'en éloigner un peu , &
dans la diftance qu'on trouve entr'elles & foi , on juge qu'un terrain plane
s'étend jufqu'à la mer -, & dans quelques points où le reffif eft plus à fleur
d'eau ou le fol de la plaine un peu plus élevé , on diftingue des conftruc-
tions & des lieux cultivés. Sur les montagnes l'œil difcerne les habitations , les
plantations, les bois, & l'on y reccnnaicle léjour de l'homme & de l'homme induf-
trieux. De ces mades montueufes fe détachent fucceflîvement, pour l'obfervateur ,
des points remarquables ; la perfpeftive vai-ie à chaque inftant j des chaînes diffé-
rentes fe féparentles unes des autres & fe préfentent dans différentes direélions-
fuivant celle qu'on a foi-même, & la diftance où l'on fe trouve.
La Grange qu'on a toujours derrière foi , forme l'une des extrémités du
tableau; à la gauche , eft la terre & tous les objets qu'elle étale à la vue. On y
faifit, à mefure qu'on avance, l'embouchure de la rivière du MaiTicre & le
trifte réduit où les Efpagnols tiennent une garde de quelques hommes ; la batterie
qui eft fur la rive françaife , puis le fort la Bouque , qui fert à faire remarquer
l'entrée de la baie du Fort-Dauphin ; les Mamelles fe préfentent far le devant
du tableau, plus au fond eft la petite coupe de Bayaha , & dans le lointain les
montagnes font dominées par le piton de Bayaha , que fuivent le piton des
Ténèbres & celui des Flambeaux , le plus élevé de tous, Lorfqu'on les a.
paffés, l'on a franchi les paroiiïes qui font à l'Eft de celle du Trou, Le rideau;
montagneux de celle-ci préfente à fon tour le petit piton Sarrafin , la crête de
Sasnte-Suzanne , limite Orientale de Limonade; un peu plus à l'Oueft, font
ks montagnes à& Sainte-Rofe , puis les crêces du Dondon, & enfin un morne qui
paraît d'autant plus élevé qu'il termine le rivage , c'eft le morne du Cap.
Si cette route , parallèle à la côte, eft faite durant le jour, des bateaux-paflagcrs
fortant du Fort-Dauphin , de Caracol , de Jacquezy , indiquent le fite de cea
(Uvers ports ou embarcadères , & tandis que la mer brife fur le banc de refilfs ^ ca
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 295
le blanchiiïànt , de petits mâts qui le lurmontent , tracent le canal qui eft entre
lui & la terre , & indiquent des barques ou des acons qui y font une courte mais
utile navigation. Si l'on fe trouve le long de cette côte , durant la nuit , des feux
qui brillent dans chaque point, annoncent les habitations -, tandis qu'une flamme
aftive qui s'échappe avec impétuofité , défigne les lieux où l'on prépare ces
criftaux fucrés qui font la richeflè principale de la Colonie , & qui fatisfont tant
de jouilfances agréables. La brlfe de terre porte une odeur fuave jufqu'au vaiffeau
où i'arae eft livrée aux plus douces fcnfations. La fatigue de la traverfée , l'ennui
d'un iéjour monotone , le fouvenir des dangers , tout eft effacé -, chacun ne
çonfidère plus que le terme & le but de fon voyage.
L'Européen qui voit , pour la première fois , la terre américaine , ne peut
fuffire à tout ce qu'il éprouve. Un mélange confus des idées les plus variées ,
l'agitent. A la joie de l'arrivée , s'uniffent les regrets des objets qu'il a abandonnés .
fon imagination lui exagère ou les avantages qu'il fe promet , ou les inconvéniens'
qu'il redoute , & dans ce tumulte , il eft encore frappé des mouvemens de tous
cea-K qui l'entourent. Chaque figure exprime la joie , l'impatience de mettre le
pied à terre ; aux vêtemens groffiers & toujours un peu mal-propres qu'on a eus
dans le voyage , fuccédent ceux que l'amour-propre & l'élégance font chercher &
il n'eft perfonne qui n'ait déjà fongé à fa toilette de débarquement.
Quand on a fait tous les préparatifs & qu'à chaque inftant on attend le pilote
pour entrer , on demande cependant : où eft donc le Cap ? Pour toute réoonfe
quelqu'un montre un gros morne qui femble s'avancer du milieu de tous les
autres j & en effet , c'eft fur ce point qu'eft dirigée la route du vaiffeau. On con-
tinue à avancer , en découvrant les terres qui font au-delà du Cap & même fi le
tems eft fcrein, la petite île de la" Tortue , dans l'Oueft. Bientôt le fort Picolet
eft vifible à la vue firaple ; fon pavillon fert à le mieux montrer & à rompre la
trifte monotonie de la hauteur qui le furmonte. Enfin iorfqu'on eft prêt d'entrer
dans le port & qu'on fixe de près le morne de Picolet , fon afpeél ftérile a quel-
que chofe de hideux qui contrifte. On a peine à concevoir qu'on foit à la porte
d'une ville confidérable où le luxe fait , chaque jour , de rapides progrès. Cette
perfpedive eft faite pour produire fur i'efprit de l'Européen qui a cru ne trouver
que des lieux rians où la fortune a tout embelli, une imprefTion chacrrine.
Heureux celui pour qui elle n'eft pas un finiftre préfage !
Mais déjà le vaiffeau que le pilote , venu du port , fait maneuvrer, a Picolet
; :
296 DESCRIPTION DE LA PARTIE
à fa droite & court vers le Sud j déjà l'on remarque quelques maifons qui bordent
le rivage, on commence à foupçonner que le Cap exifte i puis les maifons fe
multiplient ; il s'en préfente de nouvelles ; enfin une longue bande ofFre une ville
que du mouillage , on trouve peu étendue ; on a fauté dans un canot , on y vogue,
on débarque , &. d'un pied , encore mal-affuré , l'on foule la terre d'Amérique.
Quel fpedacle ! Comme il diffère des lieux qu'on a quittés ! On voit quatre ou
cinq figures noires ou obfcurcies pour une blanche. Les vêtemens , les maifons,
& prefque tous les objets phyfiques dont ont eft environné , ont un caraftére
nouveau. Dans l'étonnement , dans la confufion qu'ils jettent dans l'efprit , on
avance & la ville femble s'étendre. Décrivons-la , cette ville, à laquelle ce noni
ne pourrait être refufé dans aucun lieu du Monde.
Pour mettre plus d'ordre & de clarté dans les détails multipliés dont le Cap efb
naturellement l'objet, j'ai cru indifpenfable de le divifer en plufieurs parties,
mais après avoir expofé , toutefois , ce qui appartient à fon enfemble.
La ville du Cap fituée, d'après les obfervations de M. Chaftenet de Puyfégur, par
les 19° 46 ra. 24 f. de latitude Nord ( obfcrvée à l'églife paroiffiale ) , & par 74**
38 m. 25 f. de longitude Occidentale du méridien de Paris, eft bâtie au pied
d'une montagne qui la couvre au Nord &: à l'Oueft , & dans un enfoncement
formé par deux branches ou prolongemens de cette montagne , tandis qu'elle a
xinc rade à l'Efl S^ dans le Sud une langue de terre qui va fe réunir à la plaine qui
porte le nom de plaine du Cap.
On lit dans les premiers auteurs qui ont écrit fur l'Amiérique , que le Cap ou
le promontoire auquel fa ville eft adolTée , reçut la dénomination de Cap-Saint ou.
Pûinte-Sainte , au premier voyage de Colomb, dans le mois de Décem/bre 14925
tandis que d'autres affurent qu'il le nomma Cep-Français. Ce dernier nom a
prévalu , fans qu'on fâche davantage , ce qui aurait pu l'infpirer à Colomb , que
celui de Cap-Saint. D'autres perfonnes , encore plus curieufes d'étymologie ,
ont prétendu que le nom de Cap-Français a une origine toute françaife & conie-
quemment plus moderne , & elles tirent leur preuve de ce que les Efpagnob
appelent encore le Cap-Français Guari^e , & non Cap-Français. Puis pour
ajouter de l'intérêt à cette explication , on fait de Guarico ou Guaric , la contrac-
tion de Guacanaric , Cacique & roi du Marien , de manière que le Cap ferait
bâti oij fut la capitale de ce royaume.
En adoptant cette dernière opinion fur le mot Guarico , il feraic abfclumenc
impoffible
FRANÇAISE DE SAlNT-DOMîNGUE,
297
kîipolTible de conferver les faits hiiloriques tels qu'ils font rapportés par Oviédo »
Herréra & par Fernand , fils de Colomb. Si Guacanaric avait habité le fite de la
ville aftuelle du Cap j Colomb défirant conférer avec lui ne ferait pas venu
mouiller à Caracol, mais dans la baie du Cap^ il n'aurait pas confiruit fon fort de la
Nativité fur les confins de Limonade à quatre lieues de ce Cacique; il n'aurait pas,
après fon naufrage à une lieue de l'autre caravelle ^ mouillée , comme la fienne , à
Caracol , envoyé à une lieue & demie avertir le Cacique de ce malheur, puif-
qu'en fe perdant vers la baie de Limonade , une lieue & demie , même marine ,
n'atteindrait pas le Cap , ficué à plus de fix mille toifes de ce point. Le Cacique
réfidait donc plus à l'Eft ; & il ell même impoffible de fuppofer que ce fût
plus près du Cap que le bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe, comme je crois
l'avoir démontré précédemment. D'ailleurs , l'argument tiré du mot Guarico lui-
même , qui cil réellement Indien & qui pouvait s'appliquer au canton tout entier
& non pas au fite aftuel de la ville ou du promontoire qu'il touche , perd tout
fon poids lorfqu'on fait qu'une grande rivière de la province de Venezuèle porte
le miême nom , & que c'eft encore celui d'un bourg de la province de Maracdib§
près de la ville de Tucuyo ; à coup fur Guacanaric n'était pas le chef de ces
lieux du Continent de l'Amérique Méridionale.
Mais la ville qui nous occupe en ce moment , ne s'eft pas toujours appelée le
Cap-Français ou Amplement ic Cap. Lorfque des Flibuftiers & des Boucaniers
qui voulaient étendre dans l'Eft leurs conquêtes fur les Efpagnols , jettèrent les
fondemens d'un premier établiffement dans la Plaine du Cap, ce ne fut pas au
lieu où eft la ville ; car fon local , fuivant Charlevoix , & d'après ce qu'on lira
ci-après , eut pour premier poiTefTeur un calvinifte nommé Gobin , qui y fit une
habitation. En effet, les douze premiers français qui vinrent de la Tortue pour
cultiver la partie du Cap en 1670, avaient pour guide Pierre le Long, & l'on
fait déjà que celui-ci plaça fon habitation dans un point qui dépend m.aintenant
de la paroilTe du Quartier-Morin , h. fitué près du lieu où le grand chemin
traverfe la rivière du Haut du Cap.
Ces premiers Français appelèrent h rade du Cap , par laquelle ils avaient
remonté la rivière jufqu'à la hauteur où Pierre le Long s'était établi , la Petite-
Jnfe, & ce qui eft très-remarquabJc , le morne du Cap reçut alors d'eux îc
nom de Gros Cap de la Petite- Anfe. Tout ce qu'ils établirent fuccefllvement, eus
ou leurs nouveaux compagnons , fur la rivç droite de la rivière , fe nomma •
Tome /. p p
=93
D
R I P T I O N D E' L A PAR
ï E
toujours la Péliie-Afiïc , tandis que les étabîiffeinenG de la rive gauche qu!
bordaient la chaîne du morne du Cap s'appelèrent le Haut ou le Bas du Cap ,
félon qu'ils écaient plus ou moins rapprochés ou plus ou moins éloignés du
rivage. Ce fut où eft maintenant le bourg du Haut du Cap , que l'on fonda la
première paroiiTe dé la dépendance du Cap, h. le Cap d'aujourd'hui qu'on appelait
auffi la Bafeierre , rxt fervait alors que d'afile à quelques pêcheurs , & n'était
qu'une dépendance du Haut du Csp.
Concevoir d'après cela-comment le Gros Cap de la Petite- Anfe , le Gros Cap y.
le G?p,fera devenu le Cap-Français lorfque des Français auront réellement habité
fo.n voifmage, me parai: une chofe fifimple , fi conform.e aux pièces que j'ai vues
qu'il m'eft rigoureufement démontré que je donne la véritable origine du nom
de Cap-Français,
Lorfqu'en 1676 la petite Colonie de Saniana fut obligée d'abandonner ce
lieu , ce fut dans le voifinage du Cap qu'elle s'établit ; le Bas du Cap ou la
Bafîèterre en reçut un accroifîèment fenfible , & l'on y vit une paroifle -, mais les
Efpagnois dans leur incurfion du mois de Janvier 1691, brûlèrent les bourc^s
du Haut & du Bas du Cap. Dans la nécefTité oîi l'on fe trouva de les reconf-
truire , l'inconvénient des tranfports par la rivière du Haut du Cap pour aller
jufqu'au bourg du même nom j le befoln de protéger le port & la difficulté de le
faire efficacement fi l'on ne réfidait pas à fa portée, déterminèrent plufieurs
perfonnes à donner la préférence au Bas du Cap. Un nouveau malheur la lui
alTura , ce fut une nouvelle deO-ruftion des deux endroits par les Efpao-nols &
les Anglais réunis, qui y mirent le feu le 30 Mai 1695,
Decemom.ent, il ne fut plus queftion de rétablir les deux paroriîes mais
feukment de faire tous les efforts dont on était capable pour former au Bas du
Cap un établiffement folide & durable] & voilà comment le Cap acbuel a été
fondé.
Il faut 'avouer cependant que cette opinion ne fut pas la feule qu'on e5t
alors j & que le Cap a éprouvé plus d'une contradiction avant que fa pofition
fôt regardée comme certaine , puifqu'elle n'a été définitivement arrcÊée par le
roi qu'en 17 II. Jufques-Ià on foutenait, & avec raifon, que fa fituation ferait
plus avantageufe o\\ eft le bourg de l'em^barcadère de la Petite -Anfe, M. de
Charrite , gouverneur du Cap , qui a fingulièrement favorifé la formation de cet
embarcadère , tenait pour cet avis , qui rapprochait la ville de fes immenfes.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 299
po/Tcffions du Quartier-Morin , & M. Ducafîe penfait comme lui , par le feuî
motif de l'utilité réelle. M. de Breda, major du Cap, opinait au contraire ,
pour que la ville fut rapprochée du Haut du Cap , où il avait fcs habitations!
M. de Mithon, Intendant, fut feul du fentiment de laiffer le Cap où il eft} il
invoqua l'exiftence de quelques baraques qu'on y avait faites depuis l'incendie
de 1695 j il répandit un foupçon d'intérêt perfonnel fur ce que confeillaient fes
contradiaeurs & il l'emporta , lui qui n'était guidé que par le défir de marquer
de la prépondérance fur eux. Mais il faut rejetter entièrement l'idée erronnée que
quelques bâtimens confervés après l'attaque ds i6gs , déterminèrent ce choix,
car il n'y était pas refté de veftiges de ce qu'on nommait alors le bourg du Bas du.
Cap.
Le Cap a la figure d'un carré long , auquel il faut ajouter une bande qui , de la
partie inférieure du côté Nord, va s'étendre vers le fort Picolet. Le côté SUd du
carré eft cependant plus court que celui Nord , parce que la branche de montagne
qui le borde en partie , s'étend dans l'Eft & parce que le quai fe trouve dirigé
de manière à fe rapprocher de cette branche, à mcfure qu'il va dans le Sud. Dans la
léalité, la ville fait face à l'Eft-quart-Sud-Eft & fe trouve adofîeeaaix mornes
dans la direftion de l'Oueft-quart-Nord-Oueft. Mais comme cette pofition difFère
peu de celle qui la placerait dans le fens des quatre points cardinaux , je fuppoferai
toujours qu'elle s'y trouve.
Me furé dans fa plus grande longueur , qui eft depuis le Gri-Gri , au Nord,
jufqu'à la boucherie , au Sud , le Cap a 1,200 toifes de longueur , fur 600 toifes
de largeur , comptées depuis h batterie royale à l'Eft , jufqu'à l'ancien cimetière
des. nègres dans le haut de la ravine, à l'Oueft ; mais on peut évaluer fa furface
réduite , à 600 toifes en carré.
Les rues du Cap font tirées au cordeau & fe coupe nr à angles droits du Septen-
trion au Midi & du Levant au Couchant. A deux ou trois exceptions près , ces
rues ont toutes vingt-quatre pieds de large & féparent 260 îJetg ou carrés qui ont
Ï20 pieds fur chaque face. Prefque tous ces îlets font divifés en quatre empkce-
mens , ce qui fait même qu'ea parlant d'un em.placement , fans autre explication ,
on défigne le quart d'un îlet. Il s'y trouve donc environ 1,000 empîacemens ,'
fans parler des îlets entiers ou des emplacemcns qui ont une deftination publique
qw.konque. Les rues qui vont de l'Eft à l'Oueft , font au nombre de 37 & celles
qwî. ks GFoifcnt au nombre de 19. Elks font bordées de maifons, dont 150
Pp 2
2&
300 DESCRIPTION DE LA PARTIE
feulement font de bois & les autres de maçonnerie. On n'en peut guères trouver
qu'environ 300 qui ayent un étage ^ 3 ou 4 en ont deux j les autres n'ont qu'un
rez de chauffée. Ces maifons font bâties avec de la pierre tirée des mornes, ou
avec de la roche à ravet & quelques-unes , avec de la pierre de taille apportée
de France par des bâtimcns de Nantes , venus prefqu'à vide pour chercher du
fret. Nantes procure aulïï ries ardoifes d'Anjou , qui font la plupart des couver-
tures des maifons du Cap. Les autres font couvertes de tuiles de Normandie ou du
pays , &un très-petit nombre en bardeaux ou effentes , dont les plus eftimées , à
caufe de leur durée , font de bois du pays ; les autres viennent du MiffilTipi ou de
l'Amérique Septentrionale, on préfère celles du premier lieu & parmi 'les
unes ou les autres , celles qui font de bois de Cipre.
Avant 1776 , il n'y avait prefque point de rues- du Cap qui fuffcnt pavées , Se
encore aujourd'hui , excepté celle qui femblent plus particulièrement confacrécs
au commerce, elles ne le font communément que dans leur milieu, de manière
à former un ruiffcau , dont chaque bord pavé a environ fix pieds , pour l'écoule-
ment des eaux , le refie eft d'un fable graveleux. Affez fouvent le bord des
maifons a ua petit trottoir de carresux , de briques ou de pierres un peu plus
larges que celles du ruiffeau , qui ne font , à proprement parier , que des cailloux.
Comme le niveau des rues a été , affez fouvent , mal pris , les pavés font
inégaux , & il s'eft trouvé des endroits où des remblais fucceffifs , auquels l'ip-no-
rance apréfidé , ont enfoui le rez de chaulîee de plufieurs pieds.
Une chofe qui choque dans les maiions , c'eft l'ufage de blanchir l'extérieur
avec un lait de chaux. Dans un [pays où le foleil eft ardent, la réflexion de ces
façades blanches eft infupportable pour la vue. On y avait mal-adroitement fubf-
îitué , un enduit noir , form.é de charbon pilé & mêlé à de l'eau de chaux ; ce
qui augmentait la réfraélion 6c pénétrait les murs d'une chaleur que la nuit pouvait
à peine diffiper. Mais on a adopté une idée, tout -à-la-fois , plus raifonnable &
plus agréable , en employant pour les façades , le lait de chaux , la peinture
jaune-tendre & la couche charbonnée. Cette dernière fait un linteau dans le bas ,
la partie fupérieure eft en jaune , & le ceintre des portes & des fenêtres cti
blanc.
Les maifons ont prefque toutes la même diftribution. Ce font des chambres
de quinze ou dix-huit pieds , en carré , dont le plafond eft très-élevé , & qui ont
fur la rue une porte entre deux fenêtres , ou une porte & une fenêtre ; ces cuver-
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M î N G U E. 301
tares font répétées du côté de la cour , où règne d'ordinaire une galerie plus
ou moins large. Il y a des appentis le long des murs de cette cour & leur divi-
fion en petites pièces, fournit des cuifines , des offices & des logemens pour les
nègres. Un puits au milieu de cette cour ou à l'un de fes angles : telle e^ la
diftribution commune. Le peu d'étendue des îiets rend les cfpaces vides très-
bornés dans l'intérieur des emplacemens. Il en refte à peine , lorfque les quatre
faces font bâties , & les conftruélions fe touchent prefque de toute part.
Depuis 1776, legoûtdesjaloufies aux fenêtres & même aux portes s'eH:
finguhèrement étendu. On en voit prefque par-tout de mobiles & d'immobiles
de celles qu'on élève, de celles à chaffis. Les galeries en font garnies , & ils
faut avouer que c'efl une des idées les plus heureufes qu'on ait pu avoir dans ce
climat, où les jaîoufies diminuent l'éclat du jour , le modèrent à volonté &
augmentent l'action du vent , en l'obligeant de fc comprimer pour paffer entre' les
pa.ettes. On leur a de plus l'obligation bien douce (mais quelquefois danaereufe)
de pouvoir lailTer les fenêtres ouvertes la nuit & de jouir d'u^ fommeil qui n'eft
qu'une fatigue nouvelle , lorfqu'il efl pris dans un lieu étouffé.
A-peu-prés depuis 1783 , on a vu s'introduire au Cap. un goût que j'ai déià
loue, c'efl celui d'avoir de charmantes volières, où des oifeaux fournis par le
Sénégal , la Guyane le Miffiffipi & même par la Partie Efpa^nole de rWe
charment l'œil & l'oreille. On efl frappé furtout de la mutation qu'éprouvent
les fenegalais qui changent totalement de nuances , fans changer de plumes & ^
l'homme fenfible aime à penfer que la vue & le foin de ces timides créatures
doivent infpirer des penfées auffi douces qu'elles. '
Je paffe maintenant à la defcription particulière.
Une ordonnance des Adminiflrateurs , datée du 31 Décembre 1786 , aréole
cshmites^de la ville du Cap, & du faubourg du petit Carénage. Ces limites
iont formées ;
Au Nord, par une ligne droite de 300 toîfes de long, dirigée Efl & Oueft
depuis le rivage , à partir de l'embouchure d'une petite ravine fituée au Sud de
I habitation BaiJli , au Gri-Gri.
A l'Efl , par le quai aftuel.
Au Sud , par une ligne droite parallèle à celle de la limite du côté Nord • elle
parcourt70o toifes, depuis le milieu des deux focles du pont projette près du;ac,
en luivant 1 alignement de- U rue du Pont qui fait face à ces focles.
ï
302 DESCRIPTION DE LA PARTIE
A rOueft , la montagne vers laquelle il eft permis d'étendre la ville indéfi*
nimcnt.
La même ordonnance défend de bâtir dans un efpace fitué fur la rive droite de
la rivière du Haut du Cap & que renferment entr'elles , deux lignes; l'une
cenfée tirée du milieu de l'avenue de l'hôpital de la Charité & allant , en paffant
à 200 toifes dans le Sud du morne Saint-Michel ou à Baudin , fe terminer à aco
toifes au-delà de ce morne ; l'autre menée perpendiculairement depuis le point
où finit la précédente ^ jufqu'à la mer. Cette détermination paraît tenir au fyftème
de défenfe militaire.
La ville acluelle eft bien loin y comme le montre le plan (V. l'Atlas ) , d'attein-
dre les dimenfions que lui permet l'ordonnance que je cite. J'ai dit qu'elle é^alt
Ton étendue réelle , c'eft cette étendue que je fubdivife en huit fedions.
Première
SECTION.
Elle eft bornée , à l'Eft , dans toute fa longueur par le quai , depuis l'embou-
chure de la ravine du Cap, qui pafîe fous la batterie Circulaire , jufqu'au
point du quai qui répond au bout Sud du corps - de - garde de la place Le
BraiTeur. Au Nord , elle a pour limite la ravine, depuis fon embouchure jufqu'au
point Nord-Oueft de la rue du Gouvernement, & à l'Oueft , cette même
me jufqu'à la rencontre de la rue de la Vieille Joaillerie. Au Sud, fa borne
eft la rue de la Vieille Joaillerie , jufqu'au quai.
Le quai , appelé quai Saint-Louis , eft garni de cinq calles , dont la plus
Occidentale , placée en face de la rue du Ccnfeil , eft la calle Royale ; elle
a été établie vers 1740, & refaite, en 1763, pour l'utilité de la marine de
l'État. Celle de la gauche, en face de la rue Saint-Laurent, eft la calle Mar-
chande. Une troifième fait face à la rue Notre-Dame, on k connaît fous
le nom de calle Le Febvre, parce qu'elle eft au bout de la maifon oc-
cupée par un négociant de ce nom. Elle a été conftruiteen 1780 , avec des
matériaux fournis par le roi , & aux dépens de M, Le Febvre , quant à la
main-d'œuvre. La quatrième eft tout près de la troifième & au bout de la
rue Chaftenoye , c'eft la calle des Pajfagers , parce que ces barques y
abordent. La cinquième , la plus Orientale de toufès , eft vis-à-vis la rue du
~y
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 303
Canard & à l'extrémité Septentrionale de la place Le Bnffiur Ces c-H-,
conftru-tes fur piJotis.avec de forts madriers, ont 80 pieds de lopg l^^^'
de large, celle de la Marine c.cède un pet, ces dimenfions. Elles It J
n,n,e„r co„™odes par la facilité qu'elles donnent de charger fe de décha;^;
a baffc , comme a haute men -^ia^t-'^i
C^^ T 'V'.^"-" ' "'" '""" '" '''^^ "^"y* ^ >» batterie Circulaire
C eft (eus cette derntere que paffe le conduit , qui vient de la fontaine du It'
de la rue du Con.e.l . & qu'augmente au befoin l'eau n,ené= du ,ra. .„T
ro, 8t qu, fe rend à la fontaine d'Eftaing , pour l'aiguade des vai^ S
^ Ce te fon.a,„e , détachée â environ 50 pieds du revêtement de la ba uerie
Crculatre, donne, par cette difpofi.ion , une plus grande facilité aux e
barcattons q„, , font leur eau fans fortir les pièces des canot ou c.-o
pes^ Elle forme une pyramide carrée de maçonnerie, qui porte „„ chap te '
quadrangulaue.&quefurmonte uae grenade emBammée, la crenafe eft ^l^
er Cette fontaine deftinée à épargner beaucoup de pei ùe au. ™t ors data
u,. pays ou ,1 en peut un grand nombre, eft un des bienfrits de l'admiriftr
,on commune de MM, de Reynaud & Le Braffeur; elle a été achevée en , -S, "
c confacree fmvant le vœu de ces deux Adminiftrateurs par un- 1„,' ■ '
mire fur la face Sud , au-delTous du chapiteau. Au ^^^Z^TZ
ca-L'""; d-, 'r''' "'""^ '■'"" '""™-- En ferrant de ce te
catle. ou le débarquement des perfonnes fe fait préférablement , parce qu'elle
eft la plus avancée dans le fens du commencement de la rade o„ ,
,ie l'ai dit, la batterie Circulaire à la droite . fo„ bout Sud borde e' X^'
& gagnant dans le Nord-Oueft , à caufe de fa forme , elle a e«érie„ '
un petit remuai de fable charrié par la ravine qui , a; moy „" 'T ^^
paffe fous la batterte. & arrive à la mer. La batterie fort doL delapremï;
«a,on , & va fur le remtoire de la huitième , où du faubourg du P
D s 1 Oueft de la batterre Circulaire , eft le pare d'Artillerie , qui s'étend
jofqua la rue de P.cokt , & qui la borde, allant du Sud au Nord ill,
petite rue del'Arftnal, qui eft de la huitième feffion Le or c d'ar^r-
,0 toifes du Nord au Sud, fur environ 5c. de l'Eft , t'orS^ t^^^l^^
la guerre de ,778 quo„ l'a formé & qu'on l'a clos d'un mur à haut™
h
304 DESCRIPTION DE LA PARTIE
d'appui , ( avec des pllaftres de diftance en diftance ) , qui porte une claire-
voye en fer. Auparavant, ce terrain faifait partie de la place iSaint-Louis ,
formée en 1745 , nom que porte encore la portion étroite qui eft entre le
parc &. le côté Sud du prolongement delà rue du Confeil. Un commandant
d'artillerie avait fait fermer cette place , en 1768 , mais une ordonnance des
Adminiftrateurs , du 12 Août de la mêm« année , en rendit la jouilTance au
public.
On a conftruit , dans la partie du parc d'ArtiUrie , qui cil au Nord delà
ravine, & intérieurement, trois grands magafins , & de petites dépendances ,
{m la rue de l'Arfenal , pour les ateliers des ouvriers de l'Artillerie. MM.
de Raynaud & Le BralTeur avalent le defîein de mettre une mâture & au-
deffus un magafin de garniture, dans le parc , parce que le confeil de guerre,
de 1730, avait jugé que les établiffemcns d'Artillerie feraient mieux à la Fof-
fette ; 8o,ooo livres devaient procurer cet avantage à la Marine , qui n'en jouiç
cependant point encore.
Au Sud de la batterie Circulaire eft la batterie Royale , qui borde le quai
depnîs la calle delà Marine, jufque^ vers le milieu de l'Iflet , qui eft entre
les rues Saint- Jean & Saint-Laurent. A cette extrémité Sud , eft la deuxième
calle, à quelques toifes de laquelle , dans le Sud, commence ce qu'on^ nomme
îe premier Baftion , qui avance dans la mer. Je renvoyé auiïi à. parler de ces
fordfications , à l'article de la défenfe. _ ^
Tout le quai de la première feclion , qui va de la batterie Circulaire a
la place Le Braffeur , eft une conquête faite fur la mer. En 1 721 , le Cap
était terminé , à l'Eft, par le côté Oueft de la rue Neuve , & au Sud il
ne s'étendait pas au-delà de la rue Saint-Simon , ft ce n'était dans la rue
Efpagnole Se la rue Saint-Louis. Le bord de la mer était inégal , & tel ,
que ks immondices de la vUle le couvraient, & que l'adion de la mer l'en-
tamait.
- M. de Galifet avait fait établir , en 1699 , une efpéce de calle , ou d'avancée,
( la première qui ait eu lieu ) , au moyen de deux chaloupées de pierres par
chaque navire marchand de la rade & d'une contribution des habitans de.
la ville pour les pieux & la mab-d'œuvre , mais elle n'avait eu qu'une courte
durée. D'anciens retranchemens , étalent devenus eux-mêmes des caufes d'inéga-
lité
I
I i^
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M ï N G U E. ^oç
iité. Il fallait que les matelots eufîent la moitié du corps dans Feaa, pour
porter, de la chaloupe au rivage, les marchandifes tirées des vaiffeaux , & les
chargemens multipliaient & la fatigue , & les dangers pour la fanté
On avait cependant le projet d'une chauffée royale , & pour refFeduer ,
1 amirauté du Cap avait défendu aux capitaines, fous peine de punition corporelle
de jetter leur lefl ailleurs cjue dans le lieu que leur indiquerait le capitaine Z
port; mais ce left, que rien ne retenait , était entraîné par les vagues • deux
pentes avancées nouvelles, faites par des propriétaires de la ville, 'avaient
ete Getruites, & la chauffée ne fe formait point.
Ce fut dans cette fituation, que trente-trois capitaines de navires & négocîans
du Cap reunis, s'adrefTerent aux Adminiilrateurs . qui ordonnèrent , le .6
Mars 17.1 , que tous les habitans de la plaine du Cap fourniraient, par
dix nègres payant droits, un pieu de dix à onze pouces de diamètre , des bois
les moins fujets aux vers, que les chaloupes iraient les prendre aux emba"
caderes, pour les conduire au Cap, où les habitans de la ville devaient les^
feire placer fur deux rangs , à deux pieds l'un de l'autre. Ce travail, foumis à
I infpeélion de M. Pinfon , aide-major du Cap , & du capitaine de port ( en
faveur defquels même l'ordonnance intéreffait ia générofité des habitans de
ia ville , dans le cas où ils feraient contens des deux infpcdeurs ) , eut lieu
mais avtc une extrême lentetir , quoiqu'une deuxième ordonnance , du 10
Novembre 172., eût taxé chaque emplacement ou quart d'ifîet à 25 livres
& les negocians à une contribution proportionnée à leur négoce , & d'après un
état dreffé par les Adminiftrateurs eux-mêmes. Malgré tous ces moyens il
exiftait a peine un commencement de chauffée royale en 1725.
M- Proft, négociant, qui avait obtenu, le lendemain de l'ordonnance de 1721
îa pcrmiSon de faire la chauffée du devant de fa maifon placée au bout de la*
rue Ciiaftenoye , & même un petit môle pour favorifer encore les opérations du
commerce y mit peu d'exaftitudc. Cette calle était placée précifément dans la
même àutiïion , mais un îlet plus haut que celle de M. le Febvre II y en eut
une cnfmte en face de la rue de Conflans , puis on fit une avancée d'environ .0
.toifes qm corrci'pondait à l'ÎIet placé entre les rues Saint-Jean & Saint-Pierre
Tel .était l'état des chofes ^n 1739, en obfervant que les deux calles qu'on
non.rr..^^embarcadères ainfi que l'avancée, étaient formées par une coupure dans'
la chau.ee même, de lorte que les chaloupes y pénétraient comme dans une
"M
If-
.1
306 D E S C R I P T I O N D E LA PARTIE
rue & décKargediént fur les côtés de ia chauffée lorfqu'eiles ne trouvaient pas
affez d'eau pour arriver jufqu'au rivage par la coupure.
Ce fat alors que M. Béhotte y négociant , fit aux Adrainiftrateurs , au nom
d'une compagnie, à la tête de laquelle était M. Perrier , fermier du paffage de la
Petite -Anle , la propofirion de pouffer les remblais dans la mer jufqu'à 50 toifes
des maifons , à condition que cette compagnie aurait la propriété des fept îlets ,
dont ce prolongement augmenterait la ville, & qu'elle pourrait prendre , pour
remblayer , des terres dans le m.orne des Capucins. Elle demandait auffi la
propriété des terrains que fes travaux rendraient propres à être édifiés dans ce
îTiorne. MM. de Larnage & Maillart adoptèrent un plan auffi favorable à
l'utilité publique S", à l'embelliffement du Cap, par leur ordonnance du 22 Juillet
Ï739. Ilsy mirent pour condition , à leur tour , que le remblai qui devait être
zerminé au premier Janvier 1743 , commencerait à pardr du Sud de la rue du
Confeil jufqu'à la rue de Chaftenoye; que l'on y laifferait la place des trois
enfoncemens pour débarquer , de 45 pieds de large & 36 de largeur chacun; que
le quai ferait bordé de roches fèches dans une épaiffeur de 3 pieds & affez
élevé pour n'avoir rien à craindre de la mer , & qu'il ferait appuyé en avanC
iur des pieux frappés à refus de m.outon. Comme les navires devaient trouver un
avantage réel dans cette entreprife , chacun de ceux qui arriveraient durant les
trois ans. fut obliaié de fournir fix tonneaux de left en roches ou cailloutages.
On fixa les fept îlets àform.er, à 120 pieds de l'Eft à l'Ouell , & l'on déter-
mina qu'ils auraient, du Nord au Sud, la même façade que les maifons
au-devant defquelles ils formeraient une rue de ;^^ pieds de large. On accorda
en outre à la Compagnie quatre îlets dans le m.orne des Capucins , fnr la place
d'arm.es. Ce fui par la mêm.e ordonnance que l'achèvement du remblai , au-
devant du magafin du roi ( à préfent le parc d'artillerie ) , & la conflrutlion-
d'une calle au bout de la rue du Confeil ( la calle de la marine ) furent prefcrites
aux dépens du roi , pour fervir d'alignement aux travaux de M. Béhotte , qui
furent finis en 1746, après avoir obtenu le 12 Juillet 1743, la permiffion de
prolonger les fept îlets de dix pieds de plus dans l'Eft.
Voilà comme la ville dii Cap fut agrandie de fept îlets , h quelle a été
l'origine de la rue Neuve , bien mieux connue fous le nom vulgaire de rue du
Marché des Blancs , ou feulement de Marché des Blancs.
Pour placer en 1748 des retranche mens en terre au Sud du quai Saint- Loui&j
. \
FRANÇAISE DE SAÏNT-DOMINGUE. 507
on le fie prolonger, par la corvée des nègres, & il fe trouva alors ce qu'on
nomma le quai du Marais. On fit la même, chofe près du bac , & il y eut
pareillement un quai du Bac j noms qui ont été confervés jufqu'à ce qu'on ait
comblé le marécage.
Plufieurs particuliers prolongèrent fucceffivcment le quai Saint- Louis , & vers
1760, on comptait fepî autres ilets dans le Sud de ceux de la compagnie Eéhotte.
On avait placé plufieurs grues fur ce quai , & une ordonnance du 4 Décembre
Ï761 , autorifa M. Pofchet fils à en" miCttre une nouvelle âu-defTous de la rue
de la Fontaine. Ce fut vers îe même-tems qu'on travailla à combler ce qui
fe. nommait le marécage , c'eft-à-dire l'elpace compris entre la m^er & la rue
Saint-Louis j la rue Saint-Jofeph & le bout Sud de la ville , ce qui continua le
quai. Celui - ci , excepté dans la longueur de la batterie royale , était bien
lom d'avoir confervé les» 140 pieds de large qu'il avait dans l'origine , tant le
défaut d'entretien l'avait livré aux dégradations de la mer^ malgré les travaux
& les retranchemens de 1748.
Le quai du Cap fut le premier objet dent s'occupa le bureau de poli-
ce municipale créé le 20 Juin 1764 , & afîembîé le .-^o. MM. de
Montreuil &; de Clugny ayant accordé le 9 Août 1762 à M. Courejolles la
conceffion j en jouiflance j d'une étendue de 190 pas de large ^ à prendre dans
la mer, MM. d'Eftaing Se Magon ( car le général & l'intendant s'étaient faits
membres de la police municipale ) , exigèrent de M. Courrejolles le remblai
de fa concelTion , qu'ils convertirent le i;=''- Juillet en un dure à perpétuité i
l'on autorifa même M. Courrejolles , à employer à fon profit ce qui
refiait de terre des retranchemens. La conceffion de M. Courrejolles devait
s'étendre depuis la rue Saint-Laurent jufqu'à celle des Religieufes ^ c'ell-à-dirc
depuis l'extrémité de la batterie royale au Nord en courant 190 pas dans le Sud.
Le 8 du m.ême mois de Juillet, le bureau municipal oubliant ce qu'il avait fait
relativem.cnt à M. Courrejolles , fit foufcrire. aux propriétaires des emplacemens
ntués depuis la batterie royale jufqu'au de - là du bac , l'obligation; déformer
au-devant de leurs maifons un quai qui aiuait 90 pieds de large dans l'intervalle
de la batterie Royale à la rue du Cimetière , & 60 pieds feulement depuis cette
rue jufqu'au bac. Les propriétaires fe fournirent à y travailler de m.anière que les
remblais feraient achevés de la batterie à b rue delà vieille Joaillerie dans un an.
Mai: ili fe firent promettre que dans le cas où de nouveaux rem.blais feraient
Q q 2
b
30S
DESCRIPTION DE LA PARTIE
former encore une rue vers la mer , ils auraient la préférence des terrains dont
les leurs fe trouveraient mafqués.
M. Courrejolles fut prefque le feul qui s'occupa d'accomplir ce qui lui était
prefcrit. Les anciens retranchemens s'applanirent pour étendre la ville, & k
fuperP.u du remblai ht procuré par le Table de la ravine. Il fit fortir du
fein des eaux une nouvelle propriété , & en 1765 la vafte étendue de fa concef-
fion dominait la mer. Il y fit conftruire une raaifon de planches j un ré.fervoir,
une petite fontaine , une grue & une jetée.
Les capitaines de navù-e» qui auraient dû applaudir à ces créations de l'induflrie
dont ils pouvaient jouir , pour une faible rétribution de 30 liv. par navire , durant
tout le voyage : rétribution qu'ils étaient toujours maîtres d'éviter en faifant
comme avant que ces moyens exiftaffent , fe plaignirent d'être rançonnés. Quel-
ques hommes, envieux de la propriété que l'aclivité de M. Courrejolles lui
avait procurée . fe firent l'écho de ces miférablçs clameurs j & elles parvinrent
jufqu'aux Adminiftrateurs. Sans fe livrer à l'opinion 'que ceux-ci firent tout ce
qu'ils purent pour retirer à ce citoyen , la conccfiîon qu'il avait fi heurcufement
remplie, il eft certain qu'ils parvinrent à fe faire céder , à la fin de 1765 , par
un mandataire de M. Courrejolles , 60 pieds en carré , du terrain de la concelTion
pour 41,313 liv. & c'était juilement la partie oii était la grue, la fontaine & la
jetée. On prétendit m.ême que cette femme n'était qu'une indemnité des travaux;
car on prononça la réunion de la conceffîon : réunion tellement privée de formes
légales , qu'on n'a jamais ofé la montrer.
Cette acquifitlon faite, on s'occupa d« délivrer le quai de toute gêne. On fit
mettre à exécution une ordonnance du juge de l'amirauté du 18 Août 1764, qut
défendait de l'em-barrafTer par des marchandifes & des immondices. On prof-
crivit les rétributions de tout genre & l'on rendit gratuites , la calîe , la fontaine ,.
la grue de M. Courrejolles ; les autres grues qui ne rapportaient plus rien â leurs
inaitres , difparurent. M. d'Eftaing s'applaudit du parti qu'on avait pris , & le
22 Mars 1766 , il reçut les remercîmens publics des capitaines de navire de cet
affranchiffement. Cependant les fuccefiêurs de MM. d'Eftaing & Magon crurent
devoir afièrmer , poux le compte du roi , ce qui avoit été acheté de M. Courre-
jolles , & j'ai la preuve que cette ferm.e exiftait , le a3 Août 1767. Mais bientôt
après ii n'y eut plus de vefriges des utiles établiiTemens créés par M. CourrejoUcSjj
çc que fes envieux ou fes critiques regrettèrent plus d'une fois.
t
iir wit
I
FRANÇAISE DE S A I N T-D O M î N G U E. 509
' Le quai refla dans cet état , mais comme tout le monde fentait de quel prix
étaient les maifons dont il était bordé , il n'y eut point de tentatives qu'on ne fît
pour déterminer le gouvernement à former une nouvelle rue vers la m.er. On était
même parvenu à obtenir quelques conceffions qu'une ordonnance des Adminif-
trateurs du 12 Novembre 1773 , qui défend de bâtir fur le quai, annulla.
Lorfqu'en 1780 , dans le confcil de guerre , formé au Cap , pour l'examen de
la défenfe de la Partie du Nord , il fut reconnu que le plan de faire du quai
un retranchement baftionné , devait être abandonné , MM. de Reynaud & Le
BrafTeur décidèrent alors qu'il y aurait entre les maifons Se la mer , depuis la
batterie royale jufqu'au bac , une diflance de 90 pieds dont 60 feraient confidérés
comme la rue Se le furplus comme le quai. Ce dernier intervalle feul pouvait fervir
.d'entrepôt aux objets débarqués pendant un court délai & dès le commencement
de 178 1 , tous les propriétaires des maifons du quai avaient prefque achevé ce
travail.
MM. de Bellecombe & Bongars prirent radminiftration, en 1782. Comme on
a , à Saint-Domingue , plus d'un exemple de la mobilité des principes qui la
dirigent, on chercha à infmuer qu'il ferait utile d'avoir une rue de plus au bas
de la ville, depuis la rue Chaftenoye jufqu'au bac, M. de Bellecombe o-oûta cette
idée qu'on appuyait-de l'obfervation de la cherté des loyers durant la guerre ,
cherté qui avait caufé jufqu'à 800,000 livres de dépcnfe par an , au roi , pour des
cazernes, des magafins, & des hôpitaux. Il fit dreiTer un plan , où le nouveau-
projet fe trouvait porté.
Dans ces entrefaites , arriva, en 1784, M. Maugendre , appuyé, dit-on ,. dw
crédit accordé aux foins domeftiques d'un de fes frères par M"*^- de Brionne,-
Ce protégé follicita auprès des Adminiftrateurs la permiffion de faire une baraque
fur le quai pour fe loger & y avoir un cabaret.. D'un autre côté M. Mafîbt , capi-
taine de port , demandait celle de conftruire une maifon de bois fur tout le terrain
acheté du repréfentant de M. Courrejollcs en 1765 , & que l'on avait deftiiîé
pollérieurement à recevoir une maifon pour le logement du capitaine de port»
L'un & l'aatre s'obligeaient à évacuer ks lieux „ au premier ordre , & l'un &■
l'autre obtinrent ce qu'ils défiraient.
Mais M. Jean Lalande ayant eu tme conceffion ( en propriété , ileft vrai ) le
27 Novembre 1784, d'un emplacement qui devait former une nouvelle rue fu$
le qu^ & prolonger celle Saint-Jofeph. à l'Eft i: elle excita des plaintes &.]e ^■
V
_^^^'
^
3IO DESCRIPTION DE LA PARTIE
Mars 1785, les i^dminiflrateurs l'annullèrent j M. de Eellecombe écrivit au
commandant du Cap , le même jour , qu'il lui défendait de permettre de bâtir fur
le qua.\, feus quelque fret sxt s que ce fût , jufqu'à ce que le nouveau plan-direfteur
du Cap , qu'il devait envoyer au Miniftre , fiit approuvé.
Cependant M. Maugendre autorifé à confrruire une baraque de 30 ^. 40
pieds en carré dans le lieu que lui indiquerait le commandant de la Partie du
Nord & le capitaine de port, fut dirigé fur le terrain de la concefTion de M.
Courrejolies, Celui-ci voyant un arpenteur, s'oppcfa à fes opérations, M.
Clément, propriétaire d'une maifon furie quai, invoqua aufîî la promeflè du
bareau municipal de 1764; de-là des conteftations même judiciaires , pendant
lefquelles M. Ma'.igendre qui continuait fa conflruftion , reçut du gouvernement
l'ordre de la fufpendre. 11 prit alors le parti de s'engager par écrit envers M.
Courrejolies , à lui remettre le terrain dés qu'il lui figaifierait qu'il voulait y
bâtir, & à titre d'aveu de fa propriété, il promit de lui compter une gourde
par an ; cet accord vifé par le commandant du Cap, fit lever le 11 Décembre la
fufpenfion ordonnée à M. Maugendre.
Telles font les circonfrances qui ont créé les deux maifons de bois qu'on voit
fur le quai , & les feules qui y exifrent & qui font alignées l'une fur la rue
Notre-Dame & l'autre fur la rue Chaftenoye. Celle qui efl plus au Sud & à
étage , eft celle de M. Maflot. M. Courrejolies a vainement tout tenté pour faire
valoir fes droits ou pour obtenir du moins de partager des marques d'une faveur
dont fes travaux primitifs le rendaient plus digne qu'aucun autre; & l'ordonnance
du 31 Décembre 1786 que j'ai citée , & qui fixe les limites de la ville du Cap ,
défendant expreffément à toutes perfonnes de conftruire aucun bâtiment fur le
quai, quelques foient leurs titres de propriété , M. Courrejolies fe trouve
enveloppé dans cette prohibition qui montre à quelles viciffitudes continuelles
font livrés les hommics fournis à l'adminiflration coloniale, qui alternativement
veut & ne veut pas.
" M. Maugendre a ajouté un nouveau lucre à fa poiTcffion , c'eft celui d'une
fource qu'il a creufée dans la cour de fa maifon , & donc une ordonnance du
commandant en fécond & de l'ordonnateur du Cap, du 18 Mars 1785, lui
permit de vendre l'eau à raifon de dix fous de France la barrique. L'analyfe de
cette eau, faite huit jours auparavant par le médecin , le chi.-urgicn & l'apothi-
Câire du roi , y a fait découvrir du fjlfate calcaire & du muriate à bafe terreufe
FRANÇAISE DE S A I N T -î) O M I N G U E. 315^
comme dans l'eau des puits du Cap , toujours moins légère que celle de fontaine
Dans fon état aftuel le quai a, vis-à-vis de la batterie Royale, environ 2I
eoifes , prefque le double vis-à-vis le baftion , & enfuite près de 20 toifes dans
l'endroit où font les baraques de bois. Mais depuis làjufqu'à la place Le BralTeur
fa largeur varie depuis 84 pieds jufqu'à 60.
Dès l'année 1746, on avait planté une double allée d'arbres en avant de
la batterie Royale ; c'était alors l'unique promenade du Cap. Ces arbres devenus
très-hauts , ont fini par décliner , fans doute parce que leurs racines étaient
parvenues au point d'être abreuvées par l'eau de mer. On a donc abattu ces
allées en 1777. Leur entretien avait été fucceffivement confié à MM. Bouvier la
Rivière , Métayer & Sacalay , qu'il exemptait de tout fervicc perfoiinel , de
logement de gens de guerre , même de tutelle & curatelle , & de corvées pour
50 nègres. On a planté peu-à-près deux nouvelles allées , mais qui vont depuis
l'alignement du côté Sud de la rue du Confeil ou de la place Saint-Louis
jufqu'à l'alignement Nord de la rue de la Fontaine , avec une interruption
allez grande à la rue Saint-Laurent , pour qu'on puifie aller gagner la calle
qui lui fait face.
On regrette que ces arbres ne croiffent pas plui rapidement; mais l'air faîin
du voifiriage & le défaut d'abri font deux grands obftacles, indépendamment
du peu d'épaiffeur du fol au-deflus de l'eau falée. C'efl toujours une chofe
précieufe que l'ombre dans un pays chaud y mais elle l'eft d'avantage quand elle
peut garantir du foleil celui qui épie l'arrivée d'un canot pour retourner à fon
vaiffeau. Ce petit plantage ports le nom de Cours Le BrafTeur. On a fait récem-
ment une efpèce de hangard au bord de la calle Royale, pour luppléer a^
couvert que les arbres ne fournifîent point encore aux marins.
C'eft à l'extrémité Sud du Cours Le Braflèur & en face de la rue de la
Fontaine , qu'on vient d'élever en 1789 une fontaine compofée d'un foc Se d'un
piédefcal quadrangulaire , faifant face aux quatre points cardinaux. Du piédeftal
part une pyramide également quadrangulaire , fur le côté Sud de laquelle on a
tracé une méridienne , dont le ftyle eft une verge de fer traverfant un globe
ayant à fon extrémité , qui défigne le Nord , une fleur de lys dorée comme la
plaque folaire. Les quatres côtés du piédeftal ont des infcriptions , & ceux dii
focie contiennent chacun un raafque dont la bouche eft un robinet.
> ^
3T2 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Voici l'infcription du côté qui fait face à la ville ;
Puram fumis aquam , fimul afpicis
Horam : utraque fpontè fugit |
Sed fiflere eoge, fruendo.
Dans le morne & à un point qui efl parfaitement au Nord de la méridienne j
î'on a élevé une colonne de douze ou quinze pieds de haut qui fervirait à rectifier la
méridienne elle-même ^ 5^ fur laquelle on peut vérifier la variation de l'aiguille
simiantée des bouiToles.
Le quai Saint-Louis , c'ed fon nom jufqu'à la place Le Braïïcur , efl bordé
de quatorze îlets , contenant 27 emplacemens numérotés depuis i jufqu'à 27.
Prefque tous font des magafins de négocians , des entrepôts de paiTagers , des
auberges , des cafés , des billards. Les maifons y font toutes de maçonnerie ,
quelques-unes font à étage. Telle eft celle qui donne fur ce quai & fur la place
Saint-Louis , qu'on a vu fervir de cazernes à un détachement du corps royal
d'artillerie , depuis 1776 jufqu'à 1783. Pour s'y garantir de l'action du foleil
qui frappe les m>aifons dès fon lever , on y a des tentes fpacieufes , fous lefquelles
la brifc eft refpirée avec délices , atitTitôt que la chaleur eft diiTipée & que le
foleil a dépaiTé fon m.éridien.
C 'eft fur ce quai & au bout delà rue Saint-Pierre, qu'on trouve des bains
publics fort commodes. Ils ont été établis au commencement de 1788. Sur le
côté Nord de la rue il y en a douze , dont quaere en marbre & huit en
baignoires de bois. Sur le côté Sud , il y en a aufll qui ont été conftruits en
fociété par M. Lartigau de Louftouneau, & Marie-Rofe le Doux, mulâtreffe de
la Martinique. Ils font au nombre de quinze , dont quatre font dans deux cabinets.
Le local de ces derniers eft encore plus agréable Se mieux difpofé. Chaque
baignoire eft en ciment avec un double tuyau peur l'eau chaude & l'eau froide.
Un fcul bain y coûte une demi-gourde, mais on peut, par abon.nement , en
avoir fix pour deux gourdes. Ceux du côté Nord de cette rue ont même été
mis à la moitié de cette fomme. La proximité de ces bains par rapport à la rade
les rend très- fréquentés , & les dimanches & les fêtes il n'eft pas toujours facile
d'y avoir fon tour. On n'y a pas la police févère de ceux de Paris , où les fexes
font partagés ; le mari Se la femme , ou ceux qui fë conudèrent comm.e tels ,
peuvent aller au m.ême bain &t à la même baignoire.
'•■ - Il ■«■
■ 1
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 31^
A l'angle du quai avec la rue Conflans , éft un corpî-de-garde. Son objet
principal eft d'empêcher les rixes , dont la réunion de beaucoup de perfonnes aux
calles eft afîèz fouvent l'occafion.
La place Le Braflèur eft formée par le quai & par un petit efpace que laiflènt
dans cette partie , l'extrémité de la rue Neuve & celle de îa rue du Gouver-
nement , qui n'étant point parallèles au quai, viennent y aboutir dans le
Nord à angle aigu.
Cette petite place a été faite en 1780, lorfque MM. de Reynaud &
Le BralTeur obligèrent à réparer le quai. Ce point était précifément une efpèce
de flaque d'eau , qui venait jufqu'au bord des maifons. Le gouvernement le
fit remblayer , & M. de Reynaud lui donna le nom de fon collègue , nom
que les habitans du Cap doivent aim.er , s'ils croient que le défir d'affainir
& d'embellir leur féjour , foit fait pour infpirer la reconnaiffance. La place
Le BrafTeur a coûté 73,391 livres, 18 fols , payés par la caifle des libertés.
On avait auffi élevé un petit bâtiment de maçonnerie , en tour d'équerre ,
fur le quai & le bout Nord de la rue de la Vieille Joaillerie , pour fervir d'afilc
aux Gardes- quais , créés le 6 Oélobrc 1780, par une ordonnance des mêmes
Adminiftrateurs , pour veiller à la confervation , & à la propreté des quais. Ce
corps-de~ garde , qui a coûté 12,052 livres, 4 fous , logeait cinq hommes
en uniforme bleu , doublure , vcfte & culotte blarrches , paremens bleus de ciel ,
boutons blancs, timbrés d'une ancre, & armés d'un moufqueton. Ils rempliffaient
un fervice plus utile qu'il ne le paraît , puifqu'ils empêchaient les embarras,
les encombremens du quai , qui nuifent aux mouvemens du commerce , Se
s'oppofaient- en même-tcms, à ce que toute la longueur du quai d'un grande
ville , ne fût une latrine continue, & le point de réunion d'immondices, dont
la. vue & l'odorat bleffent cruellement deux fens , indépendamment de l'effet
de ces exakifons fur la fanté. On a cru qu'une dépenfe de deux mille écus
par an, était difproportionnée avec cette utilité, & une autre ordonnance,
du 16 Novembre 1782, a remplacé les. Gardes-quais , par un feul infpefteur
de quai , avec les mêmes fonaions & le même uniforme , & on l'a placé
fous les ordres du capitaine de port.
Il y a eu une économie des deux tiers , mais on n'a pas vu , qu'il était
phyfiquement impoffible , que l'infpedeur de quai du Cap , occupé à em-
pêcher un amas d'ordures près du bac, pût s'oppofer à une tentative du
Tome L R r
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l !
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;î4.
DESCRIPTION DE LA PARTIE
b
ii'
mêaie genre , faite au même inftant à un autre point du quai , éloigné de 4
ou 500 toifcâ. Auffi , dès le 13 Décembre 1783 , les Adminiflrateurs étaient^
ils déjà réduits à renouveller les défenfes , fi fouvent répétées , & par conféquent
fi fouvcnî inutiles, d'encombrer le quai. Une autre, du 13 Décembre 1786,
a prononcé la confifcation de ce qu'on y laifferait plus de deux jours , & a défigné
la grève qui borde le chemin du Cap à l'embarcadère de la Petite-Anfc »
au-delà du bac , pour fervir à placer les bois & les pierres , avec l'offre ef-
fectuée depuis , d'y accorder des conccffions en jouijfance , aux commerçans
qui en défireraient. C'eft , fans doute , avoir donné une extenfion au quai
du Cap, mais la garde de ces bois eft très - difficile , dans un endroit
ifolé 3 & qui fe trouve cependant fur le bord d'un chemin. C'eft encore un
îranfport de plus pour les ramener au Cap, & tous les tranfports font chers
à Saint-Domingue. Peut-être qu'une police très-aclive fur le quai , qui n'y fouf-
frirait l'entrepôt des objets que pendant de courts délais , ferait plus utile à
tous. _
C'eft par le quai qu'on peut juger du mouvement commercial de la ville
du Cap, & quand on réfléchit à tout ce qui arrive dans fa rade, ou qui
en eft tiré par les barques paffagères , on eft bientôt convaincu que le Cap donne
une grande impulfion au commierce de la Colonie , & que l'exiftence de
cette ville a une grande adion fur le commerce des places maritimes de la
métropole.
La rue qui eft au-deffus du quai, & qui va du Nord au Sud, porte le
nom de rue de Picolet , depuis le pont qui traverfe la ravine, jufqu'à la
rencontre de la rue du Confeil , qui la coupe de l'Eft à l'Oueft ; depuis cette
rue , jufqu'à la place Le Brafîeur , elle s'appele la rue Neuve.
Ce bout de la rue de Picolet , qui fc trouve dans mia première feclion ,
a le parc d'Artillerie à l'Eft ; à l'Oueft , il eft bordé en entier par un grand
corps de bâtimens , qui eft le magafm du roi pour les vivres , & pour les
objets de marine. En 17 19, l'îlet , dont le magafm fait partie, contenait à
fon angle avec les rues du Confeil & du Renard , une maifon à M. Béhotte ,
l'un des entrepreneurs du remblai du quai. Au Nord de cette maifon , était
celle de M™^ Veuve Millot, entre laquelle & ^a ravine , était une allée d'arbres ,
donnant aufli fur la rue du Renard. Le refte de l'iflet , c'eft-à-dire plus de
fa moitié vers la mer , était abandonne , & on voyait vers fon bord Oueft ,
"^^^^p ^ tf
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, 315
. à environ huit toifes de la rue du Confeil , les ruines des mars d'une maifon
On avait dès-lors, le deffein d'y conftruire un magafin , parce que ceux de
l'Etat au nombre de trois, fituês,l'un fur la place d'armes, dans une mai.
fan achetée le 27 Février ,698 , pour cette deftination^ le fécond rue
Samte-Croix, devenue rue Penthièvre , & le troifiéme, vers le point où eft
la boulangerie du roi ( huitième feftion ) , étaient vieux & infuffifans. Cependant
on fe borna à faire , fur ce terrain vide , dans la même année 17 19, une prilbn
& un corps-dc-garde. Jufques-là le corps-de-garde avait été dans nilct qu'on
voit au Nord de celui de la boulangerie aftuelle du roi ( huidè^ne feélion )
&dont on avait employé une portion à fcrvir de prifon. Ce nouveau bâti'
ment prit douze toifes fur la rue Picolet , & toute la profondeur , jufqu'au
terrain de M™- Veuve Millot; le refte attendit la bâtiffe du magafin.
L'incendie du ai Décembre 1734, en confumant les deux premiers ma-
gafins que j'ai cités, décida cette conftruaion , qui fut achevée en 1737, &
qui fit difparaître la prifon de 17 19. On n'avait d'abord projette qu'un 'rez
de chauffée, mais on fit un étage, & c'était du luxe en 1735. Ce magafm
conftruit en maçonnerie, a 208 pieds de façade, 20 de large dans œuvre
& 24 de hauteur, jufqu'à la naiffancc du comble. On y compte trois portes,
& quatorze fenêtres, au rez de chauffée. Le premier étage eft garni de dix-
huit croifées , de près de fept pieds de haut , ayant un petit balcon de fer
à hauteur d'appui , & au milieu eft une porte qui ouvre fur un beau balcon
de ao pieds de longeur. Ce bâtiment , dont le centre & les deux extrémités
portent trois frontons triangulaires aux armes de France , avec des attributs
de marine , fc fait remarquer encore par fon toit élevé , qui y ajoute de k
grâce ; fon enfemble frappe ceux qui débarquent , & fon fcjour eft agréable
par fon expofition , relativement à la brife , par la facilité de s'y garantir de
la grande chaleur du foleil , au moyen d'une galerie haute & baffe de 9 pieds
de large , qui règne dans toute la longueur intérieure du bâtiment.
On avait regretté bien ibuvent qu'en dedans , l'intervalle vide n'eût pas plus
de dix pieds de largeur; mais le terrain manquait. L'occafion s'étant préfentée
fous l'adminiftration de MM. de Reynaud & Le Braffeur d'acquérir le refte de
î'illet , jufqu'à la rue du Renard , ils l'ont faifie avec empreffement. Cette
dépenfc,de 104,000 livres, économifa , fur le champ , 40,000 livres de loyers
à l'État , qui en avait alors pour près du double de cette fomme. En exhauffan ;
R r 2
3i6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
îes bâtimens achetés Se déjà conftruks , on aurait un carré de bâtim-ens parallèles ,'
difficiles à trouver dans les Colonies , & en abattant le mur de féparation ,
on aura une vafte cour , qui donnera une grande facilité pour tous les mou-
vemens du magafin. C'eft cette facilité , & celle du parc d'Artillerie , dont
l'entrée en: en face du magafin , qu'on a eu en vue , lorfqu'on a laiffé entr'eux
une rue d'environ cinquante pieds de largeur.
Le premier étage efr en grande partie deftiné au logement du garde-magafin.
On a vu, pendant 24 ans, le Confeil Supérieur du Capy tenir fes féances,
tandis que la SénéchaufTée était en bas. Un fyftéme d'économie avait fait adopter
cette bifarre réunion, qui faifait délibérer des tribunaux , au milieu du fracas
des ouvriers du m.agafm. M. de Ciugny , intendant , choqué de ce rappro-
chement , & trouvant que le local n'était pas affez grand , même pour n'être
qu'un magafm , loua une m.aifon pour les affemblées du Confeil.
A l'époque où l'on a bâti le m.agafin du roi, il fe trouvait à peine 10 tcifea
entre lui & la mer , dans certains points. Aux deux tiers de cet intervalle , coupé
de fofféi & où l'eau féjournait , était un retranchement de terre qui exiftait depuis
le commencement du fiècle. Encore en 1719 , lorfqu'on voulait traverfer la
ravine pour aller hors de la ville (car elle la bornait alors au Nord), on paffaic dans
fon lit , ou bien il fallait a41er chercher un p^tit pont étroit qui était au bout de la
rue du Gouvernement. On fit , en 17 19 , pour les gens de pied , un autre petit
pont de bois devant la prifon qu'on élevait alors , & les voitures palTaient dans la
ravine même. Ce ne fut qu'au mois de Décembre 1732, qu'on remplaça ce petit
pont par un autre pont de bois auffi , mais porté fur deux culées de brique. On
lui donna 40 pieds de long, 7 de haut dans fon milieu, au-deiTus du fond delà
ravine & 10 de voye.
On aurait peine à croire toutes les calomnies & toutes les inepties que l'exif-
tence de ce pont, qu'on a voûté depuis & fur lequel on pafîe en ce moment, a
fait débiter. On trouverait plus d'une perfonne à Saint-Domingue, qui dirait
qu'on lui a affuré , d'une manière qui ne permet pas le doute , que le plan de ce
pont fut envoyé au miniftre , avec un état de dépenfe , montant à 1,800,000 liv.
& que pour rendre cette dépenfe vraifemblable , on voyait, dans le plan , un vaif-
feau de guerre paffant à la voile fous ce pont. Eh bien ! en écrivant ceci , je
tiens le plan original; il eft figné de M. de la Lance ingénieur ; j'y prends les
dimenfions que je rapporte : cet ingénieur dit que fon ouvrage a été- exécuté
y^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 317
dans le courant du mois de Décembre, & c'efl le 22 qu'il lîgne le plan^ parce que
ctt ouvrage eft fini, & il ajoute feulement que la conilruftion qu'il a employée
pourrait fervirà des ponts de cent pieds de portée. Que devient donc la fable des
dix-huit cens mille livres y & le vaifTeau qui cingle à pleines voiles !
On fait déjà quelle a été l'origine de la rue Neuve , & qu'elle fe nomme auffi
la rue du marché des Blancs. Prefque auffi anciennement que le Cap . les mate-
lots ont été dans l'ufage de venir étaler , les dimanches & les fêtes , leurs petites
pacotilles fur le bord de la mer ou de la chauffée. Quelquefois on a voulu les
troubler dans cette poflëffion , mais ils ont toujours fini par la reprendre. Comme
il y avait auffi un marché de comeftibks & d'autres marchandifes fur la place-
d'armes , le marché de la chauffée , diftingué fous le nom de marché aux Blancs ,
s'étendait depuis le bord de la mer jufques vers cette place , & un arrêt du confeil
du Cap , du 8 Juin 1735 , autorife les marins àconferver leur ufage. Mais comme
il avait fini par devenir abufif ^ une ordonnance des Adminiftrateurs du 1 1 Mars
1773 , renferma le marché des Blancs dans la rue de ce nom..
C'eft là que chaque dimanche ( & non pas les fêtes ordinaires ni les grandes
fêtes folemnelies ) on voit étaler , depuis le commencement de cette rue , à partir
de celle du Confeil, jufuu'à la rue Chaftenoye, toutes fortes de marchan-
dlfe sèches & de comefiibles apportés de France -, ferrailles , poteries
fayancerie, merceries, &c. On y trouve des bijoux, des foulicrs , des cha-
peaux , des perroquets , des finges , & prefque tout ce qu'on peut acheter au
Cap. Dans cette étendue d'environ 200 toifes , les deux côtés de cette rue de
35 pieds , font garnis de marchandifes , même de boutiques à tréteaux portatifs ,
& dans la partie oij la rue de la Pointe ouvre dans la rue Neuve , & où celle-ci
eft le plus large , il y a un double rang de marchands. /
C'eft vers fcpt heures du madn queie marché commence & il dure jufqu'à midi.
Il eft du bon ton d'aller faire un tour de marché aux Blancs , quoique l'on n'ait
rien à y acheter. La chaleur , quelquefois exceffive , n'en bannit point , & h
mode l'emporte fur cette crainte. Les femmes de couleur, furtout, ne peuvent pas
fe paffer de s'y aller montrer & d'y étaler un luxe qui devient quelquefois un appât
qu'elles favent employer avec fuccès. Dans le fait , le marché des Blancs eft
rédlement utile & à ceux qui veulent fe procurer, dans un inftant, divers objets
qu'il ne ferait poffible de réunir qu'en allant dans plufieurs boutiques ou magafins^
U aux marins qui fe trouvent rendus avec leurs marchandifes, dès qu'ils font
'^-
3i8 DESCRIPTION DE LA PARTIE
arrivés à terre. Le concours que la curlofité attire , fert les vendeurs , & les
curieux de nouvelles y trouvent, dans certaines maifons, des coteries où l'on peut
en apprendre & en entendre faire de toutes les efpèces.
La maifon qui fait l'angle Sud-Eft de la rue Neuve , a un pren:iicr étage , dont
la vafte pièce du coin , appelée la Bourfe , ferc aux aiïemblées de la Chambre de
Commerce. Cette maifon eft parfaitement fituée pour apercevoir , même au-
delà de l'entrée du port , les bâcimens qui paiTent devant le Cap , oij qui y
viennent. C'eft de ce point qu'on reconnaît les fignaux particuliers que font ceux
qui ont intérêt à s'annoncer à quelques perfonnes à qui les bâtimens ôc les fignaux
font déjà défigaés,
La chambre de Commerce du Cap eft le réfukat d'une ordonnance de MM.
Burt & Clugny , en date du 13 Mai 1761 , qui a permis aux négocians de cette
ville , d'avoir un lieu d'affemblée à l'inftar des bourfes des villes du royaume. Il
eft à remarquer que cette demande eut lieu à l'époque oij l'on avait établi une
Chambre d'Agriculture & de Commerce dont on parlait de ne faire qu'une
Chambre d'Agriculture. Les commerçans voulaieat oppofcr un contrepoids à fon
influence , mais comme il leur fut aifé de voir qu'elle n'en aurait aucune , il
renoncèrent prefque auffi-tôt, parle fait, au bénéfice de l'ordonnance qu'ils
avaient obtenue. Ils y attachaient fi peu de prix , qu'en 1765, M. Birot l'un
d'eux , fit inférer dans les Affiches Américaines , qu'il remettrait au propriétaire
le lieu des affemblécs , fi on ne lui donnait pas de quoi en payer les loyers.
M. Bourgeois avocat , ayant été fecrétaire de la Chambre d'Agriculture & de
Commerce , on le choifit encore pour être fecrétaire de la Chambre d'Ao-riculture
& fecrétaire de la Chambre de Commerce. Cette dernière lui donnait fi peu
d'occupation & l'on attachait fi peu de prix à ce qui pouvait en émaner , que M.
Bourgeois en tenait de fimples notes fur des feuilles volantes , qui ne fc font même
pas retrouvées , lorfqu'on a euja fantaifie de s'en reffouvenir , long-tcms après
que M. Bourgeois eût repaffé en France. Elle n'a rien d'antérieur à 1778.
La Chambre de Commerce fe raffemblait cependant , une fois par an , pour
élire deux des quatre membres qui portaient le nom de fes Commijaires : c'était
alors qu'on faifait une cotifation volontaire pour le loyer de la falle de la bourfe
qui retombait toujours en grande partie fur ces Commifiaires.
En 1784, les négocians du Cap, fortis enfin de leur infouciance , crurent
devoir folliciter , auprès du Miniftre , par l'entrcmife des Adminiftrateurs , une
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 315
antorifation formelle & une organifation de leur établiffeinent. Le Minift.c
répondit , le 24 Décembre 1785 , aux Adminiitrateurs que l'intention du roi était
feulement qu'elle continuât à jouir provifoiremcnt de l'effet de la p.»rm^ffion
obtenue de MM. Bart & Clugny , & que les Adminiftrateurs lui fiffent éprouver
la protection dontfes opérations la rendaient fufceptible.
La Chambre de Commerce a fait encore plufieurs tentatives pour obtenir des
lettres-patentes, mais elle n'a jamais trouvé les Adminiftrateurs diipofcs à lui
accorder leur attache. Elle a même effayé de réuffir par des démarches direftes
auprès du miniftère , mais toujours fans fuccès. Elle n'a obtenu que Paarémen--
du général & de l'intendant , le 30 Oftobre 1786, de fe fervir d'un cachet qui
lui eft propre & dont elle fcelle ce qui émane d'elle (*). Je reparlerai de cette
Chambre , lorfque je rendrai compte de celle d'Agriculture.
La rue Neuve fe termine à la place Le Braffeur. Vers fon milHeu , fon cô^é
Eft fait une avancée à laquelle correfpond une rentrée dans le côté oppofé Cette
inégalité provient de ce que cette partie inférieure de la ville a été acquifê fur la
mer , par des remblais fucceffifs qui ont eu des direélions différentes.
C'eft dans la rue neuve , fur fon côté Occidental , entre la rue Saint-Laurent
8ila rue Confians, qu'eft un puits où une fource très-abondante fournit de
l'eau (t). Ce puits qui fe trouvait alors fur le rivage , fut un de ceux où les cha-
loupes vinrent prendre de l'eau en 1740 , lors de l'incendie du navire la Ville de
Rouen, Se il eft fait pour offrir du fecours dans une pareille occurence , puif=
que par le moyen d'une pompe de deux pouces & demi de diamètre, il fournit
vingt barriques d'eau par heure & ne diminue , dans ce tcms , que de trois lio-nes
{*) Ce cachet ofFre un ecufTon de gueules , aux deux mains de juflice d'or , en fautoir , avant
par-oeffus une epee d'argent , pour marquer le gouvernement mixte ; le tout accoftc à dextre
d;une corne d'aoondance , & à feneftre , d'une ancre auffi d'argent, pour marquer que le'ca. eft une'
vule marmme & la plus floriffante du Nouveau-Monde; en chef de France^ chargé d'une tête
emblème du Cap-François, Pe'cu timbré d'un cafque . également d'argent , bordé & damafquiné
d or, tare de front i. rerme de onze grilles pour marquer que tout le monde y elt foldat. Pour
fupports , aeux nègres , avec cette infcription : Cia^ére de Commerce du Cap.
(t) L'analyfe de cette eau , faite par l'apothicaire du roi, le 8 Août ,786, apprend qu'elle
entrent beaucoup de fu fate calca.re, une portion de terre calcaire & de terre magnknne avec
re.peu de mur.ate , a demt-aecompofé : c'efl-à-dh-e où l'acide ell furabondant ; iLonvénie s que
Ja même analyfe propofe de corriger , avec huit onces d'alkali fixe ou une fn-^. l./r , ,
j„„. ^i,,„ , • j, , j , . " ''"^lu nxe , ou une îorie lelJive de cendres
«ans chaque barrique d'eau , afin de précipiter toute la terre.
> "1^
il
i
323 D E S C R I P T I O N D E L A P A R T I E
Cette fource , car ce doit en être une , ne tarit jan:iais & n'a jamais eu plus de
deux pieds & demi d'eau , en hauteur.
Du même cô:é de la rue , mais entre celles du Cimetière & Saint-Simon ,
fe trouvent des halles qui appartenaient aux ci-devant Jéiuites , des créanciers
desquels le gouvernement les a achetées ; on les nomme halles dnglaijes , parce
qu'elles ont été long-tems occupées par des négocians anglais de l'Amérique
Septentrionale; à préient elles fervent de magafins à l'Etat.
Au-deffas du grand magafin de la rue Picolet , & dans le fens d'une ligne
dirigée vers le Nord-Oueft , eft une petite rue de 30 toifes de long & d'environ
20 pieds de la-ge , terminée par la ravine , & appelée la rue du Renard. EKe
eft fort ancienne & elle conduirait il y a 80 ans, de la rue du Confeil au-devant
de l'emplacement de M"^^- Millot & derrière la maifon de M. de Chaftenoye ,
don: le bout Nord était fur la ravine. J'ignore ce qui a pu lui faire donner ce
nom dans un pays où l'on ne connaît point de renard , du moins au phyfique.
La rue de la Pointe eft un peu plus dans l'Oueft que celle du Renard. Elle
part de la rue du Confeil & va fe terminer dans la rue Neuve , à cent toifes.
Elle tire fon nom de l'angle qu'elle fait avec la rue Neuve. Cette rue eft vers
ia m.er la prem.ière qui foit parallèle à toutes les rues fupérieures , & qui ait
comme elles la direélion du Nord au Sud.
Je finirai les détails de la première fection , terminée par la rue du Gouverne-
ment dont je parlerai dans la féconde , en obfervant qu'elle a été augmentée
depuis 173.4, des quatorze îlets du quai & des quatre derniers îlets qui forment
au Sud le côté Oueft de la rue du Gouvernement. L'incendie de 1734 avait
brûlé tout ce qui exiftait alors de cette feélion , jufqu'à la rencontre de la rue
Chaftenoye, & dès 1736, tout était rebâd à douze emplacemens près. C'eft
cet événement malheureux qui fit fubftituer les maifons de maçonnerie , qu'oa
V voit, à celles de paliffadesou palmiftes, que la flamme avait dévorées.
Seconde Section.
Cette feaion eft bornée au Nord par la Ravine , à i'Eft par la rue du
Gouvernement , au Sud par la rue du Cimetière , h à l'Oueft par la rue
d'Anjou , le côté Oueft de la place-d'armes & la rue du morne des Capucins.
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 321
Cette étendue eft une des plus anciennement bâties ; elle forme un carré lono'.
La rue du Gouvernement la plus Orientale de cette fedion , eft très droite &
parfaitement alignée dans toute fa longueur. M. de Chaftenoye avait fa maifon
à l'angle Nord-Eil de cette rue, fur la ravine; M. Chaftenoye fut reçu en
qualité de Gouverneur du Cap en 1724, & la rue devint alors la rue du Gou-
vernement, dénomination qui lui eft reftée. C'eft à l'extrémité de la rue du
Gouvernement que fut mis le premier petit pont de bois fur la ravine , pour la
faire traverfer aux perfonnes de pied , & l'on voyait encore des veftiges de ce
pont lorfqu'il a été remplacé par celui de pierres , conftruit cette année.
La maifon en face de celle de M. de Chaftenoye ; & qui eft auffi fur la
ravine , a fervi de prlfon pendant environ vingt-cinq ans. Cette deftination lui
avait été donnée en 1746 par M. de Larnage , lorCqu'on retira les prifons du
magafm du. roi de la rue de Picolet , oij elles étaient depuis 1740, Elles n'ont
été transférées où elles font maintenant qu'au mois de Juillet 1773. Beaucoup
de perfonnes appelent encore le bout de la rue du Confeil , jufqu'à la ravine ,
la rue des Vieilles Prifons. La même maifon a auffi fervi de cazernes au corps
des Grenadiers-volontaires-biancs , formé fur la demande de M. d'Eftaing,&
que ce vice-amiral conduifit au fiège de Savannah en 1779.
C'eft dans la maifon qui fait l'angle Sud-Oueft des rues du Gouvernement &
du Confeil, que la Cour fupérieure du Cap s'eft affemblée depuis 1764,
qu'elle quitta le magafin du roi,jufqu'en 1772 qu'elle eft allée dans la maifon
des ci-devant Jéfuites , qu'on nomme aujourd'hui le Gouvernement. Ce n'eft
cependant pas à cette époque feulement que la rue s'eft appelée rue du Coiofeil,
comme je le dirai tout-à-l'heure.
La rue du Gouvernement eft toute occupée par des commerçans, & kg
capitaines de navire y ont des magafins depuis la rue Saint-Jean jufqu'à la place
Le Braffeur. La rue fupérieure qui avait pris en 1699 le nom de rue Sainte-
Croix, parce que plufieurs haoitans de la Colonie de ce nom , qu'on tranfporta
alors à Saint-Domingue , y demeuraient , h qu'à préfent l'on nomme rue
Penthièvre , a ]a même deftination. Placées l'une & l'autre dans le voifmage du
quai & des points les plus peuplés de la ville , elles font propres au commerce.
Une grande partie des maifons y font à étage , ce qui les rend encore plus
peuplées. C'eft un coup-d'œil vraiment intéreffant de voir dans ces deux rues
cette longue fuite de magafms où les vaiffeaux de chaque port étalent kà mar-
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322 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ghandifes fabriquées dans ces ports , dans leur voiunage ou dans les lieux de
rinîérieur du royaume auxquels ils fervent de débouché. On y expofe auffi ce qui
cfl; tiré des pays étrangers, & dans un court efpace de terrain on trouve tout ce
que les befoins de la vie & les fantaifies du luxe ont confeillé de tranfporter à
plufieurs mille lieues. ,*
Au - devant de chaque magafin efl: un tableau d'environ trois pieds de
long, qui contient Técat détaillé de la cargaifon qu'on y vend, le nom da
capitaine & celui du navire dont le deffin eit fouvent la vignette du tableau.
On croie parcourir en peu d'inftans la France entière , quand à l'accent gafcon
on entend fuccéder le normand & le provençal , au dunkerquois. Les cabrouet&
ne ceflent de tranfporter du rivage au magafm & du magafm au rivage ; des
nègres vigoureux , armés de morceaux de bois ronds & pefans , frappent , en
cadence > les douves des boucauds où le café s'entaffe ; le tonnelier du navire les
fonce Se les rabat> Les négocians de la ville qui font dans cette étendue ^
ajoutent auffi par leurs charrois , leurs encaiffemens Se l'enfutaillement , au
vacarme aiTourdilTant de ce canton , où tout annonce la richelTe de Saint-Do-
mingue Se celle particulière de la Partie du Nord.
Lii rue Penthièvre qui va fe terminer fur le quai, près du bac, a plus de
500 toifes de long. La hauteur des maifons , les tentes qui font au-devant des
magafms des navires & qui en font une efpèce d'enfeigne , la rendent une des
plus fraîches de la ville. C'eft far fon côté Efl , entre les rues Saint-Laurent
& de Conflans, qu'eft le bureau des ventes des objets maritimes, que l'audiencier
de l'Amirauté a feul le droit de faire. Communément l'encan fe fait dans la
rue , &;: ce concours d'acheteurs & le tambour qui les appelle fans^ ccfle , efl: un
nouveau tintamare réuni à celui dont je vieus de parler.
Parallèlement & au-deffus de la rue Penthièvre , en eft une qui s'appele ht
rue Saint-Doming^ae depuis la ravine jufqu'au point où elle rencontre la place-
d'armcs j au-delà on. la nomme rue Dauphine , & plus ordinairement rue dir
Bac. La rue Saint-Domingue n'a que 150 toifes du Nord au Sud. Elle eft fort bien
bâtie , contient plufieurs maifons à étage j & lorfqu'y étant on 'ytxx.t Its yeux au
Nord , on voit la croupe du morne dont le Cap cft borné dajis cette partie ,
chargé d'une verdure qui égayé. Elle eft due à quelques points où l'on cultive
rherbe de Guinée , donnée en fourage aux chevaux de la ville. Le vert tendre
«îe cette plante fiexiblc qui yark encore avec les ondulations caufées par la.
■•^
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 3-^
brife, femble adoucir la chaleur, parce qu'elle plaît à l'œii & porte à l'ame
une fenfation de fraîcheur.
C'eft dans la rue Saint-Domingue , Se prcfque au coin Nord-Oueft de k
place-d'armes j qu'on a vu le premier cabinet littéraire, formé dans la Colonie.
Cet écabliffcment, qu'imagina l'activité de M. Defpafiler, Genevois, contribuait
déjà à l'amufement & à l'inllruftion du Cap, lorfquej'y arrivai au mois de
Mai 1775. Il en coûtait deux gourdes d'abonnement par mois , & cette refîburce,
réunie à la vente des livres , a fuffi. pour procurer une fortune très-honnête à
fon inventeur.
M. Dufour de Rians , imprimeur-libraire, ne vit pas , fans chagrin , l'en^
treprife de M. Defpaffier, qu'il repréfenta à l'ordonnateur du Cap ,' comme une
violation de fon privilège exclufif. M. Caignet rendit donc fur fa requête , le
31 Juillet 1777 5 une ordonnance qui défendait toute vente de livres, tout
cabinet littéraire. M. Defpaffier & le public s'entendirent , pour agir comme Ci
l'ordonnance n'exiftait pas , & cet exemple ne tarda pas à être fuivi par M.
Herbeau , qui ouvrit un magafin de livres & de papeterie , & un cabinet
littéraire, dans la rue Dauphine ou du Bac , fur- fon côté Oueft, entre la rue
Saint-Simon & celle Saint-Jofeph.
C'eil encore dans cette fe£tion , & fur la place-d'armes , que l'on a vu
un établifîement femblable , fait par MM. Batillot frères, de Paris, qui ont
même acquis le fond de M. Herbeau , depuis fa mort ; & enfin , au mois
de Juillet 1788, M. Decombaz , Suifîe , a propofé , avec M. Bénard,
français , fon afîbcié , un abonnement pour la leélure de tous les journaux ,
qui a été l'origine de la formation de leur librairie , & de la formation de
leur magafin, où fe trouve tout ce que peut offrir le marchand papetier.
C'eft ainfi que l'heureux cffai d'un feul homme , a multiplié des reffources
utiles , & le moyen d'avoir plufieurs jouilTances qu'un odieux privilège
voulait empêcher d'arriver jufqu'aux Colons, ou qu'il voulait leur vendre à
un prix toujours exhorbitant , dès qu'il cft arbitraire. .
Au-deflus de la rue Saint-Domingue , dont le nom n'a pas befoin de com-
mentaire , eft celle du Palais, qui tire le fiendece que le Confeil Supérieur
a été pendant fix ans dans l'iflet qui fait l'angle Nord-Eft de cette rue avec
celle du Confeil. Ce tribunal , errant depuis fon inftallation , faite au mois de
liîovcinbre 1701; obligé détenir fes aflèmblées, tantôt chez le gouverneur.,
S s 2
^
324 DESCRIPTION DE LA PARTIE
tantôt chez fes membres, eut enfin, en 1712, un local dans une maifoa
achetée du produit des amendes judiciaires , & qui était fur la place-d'armesi
mais ayant été brûlée en 1734, on loua la maifon de la rue Qu'ConfeiL Elle
avait un rez de chauiTée compofé alors de deux pièces. On en donna un-e
au Confeil , & l'autre à la SénéchaiilTée. Thémis n'y était pas fomptueufe-
ment placée, quoiqu'on payât ce temple 2,400 livres par an (ibmme confidérable
pour cette époque), car les parties & les procureurs attendaient dans la rue ,.
expofés au fokil &: à la pluie, leur tour pour être jugés. Ce fut à cette
époque de 1734, qu'on nomma nie du Confeil , celle où cette Cour s'aK
femblait, de qui était appelée auparavant la rue Verdery, du notn d'un négociant.
On appela en raême-tems rue du Palais , celle qui donnait fur l'un des côtés
du lieu d'affembîée eu Confeil, qu'on transféra, ainfi que la SéréchauiTée
en ijj-O , au magaim du roi.
La rue du Palais a la même longueur que celle Saint-Domingue, & va,
comme elle , de la ravine à la place-d'armes , où elle ne pénètre cependant qu'en
contournant la baraque qui fert de corps - de - garde , & qui s'oppofè à ce
que de cette rue , on découvre le portail de l'églife. Tout fan côré Oueft
& miême une petite portion de celui de l'Eft, e'I fur un roc qui faifait au-
trefois partie du morne des Capucins. AufTi la rue qui eft aiTez inégale , va-
t-elle en s'élevant , à mefure qu'elle approche de la place. Il a fallu faire jouer
k mine pour y conftruire les belles maifons qu'en y voit, 8;: furtout pour y
creufer des puits qui ont jufqu'à 90 pieds de profondeur.
Au-delTus de la rue du Palais , eft celle du morne des Capucins j elle va
également de la ravine à la phce-d'armes , où elle aboutit à l'angle Nord-Oueft
de celle-ci. Cherchons maintenant l'origine de fon nom.
Il fe trouvait à l'extrémité Nord-Oueft de la place-d'armes , un monticule
ifolé, dirigé d'abord, du Nord au Sud , enfulte du Nord-Oueft au Sud-Eft,,
ayant 80 toifes de long , fur 40 de large. Cette petite hauteur, formée d'ua
roc vif& quartzeux , qu'on ne pouvait confidérer que comme une ramifica
tion de la bafe des montagnes qui entourent la ville à l'Oueft h au Nord
iâifait partie de l'habitation de M. Gobin , le calvinifte que j'ai déjà nomtlté
comme le premiier propriétaire français du terrain où la ville du Cap eft
cqnftruite. En 1680, M. Marquant, capitaine des milices Se commandant dy
Cap, chargé des pouvoirs de la Yeuve Gobin, fit vendre judiciairement et
FRAN-ÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 325
morne. Se ks terrains circonvoifms , & M. de Pouançay , gouverneur de
Saint-Domingue, les acheta h^ù' tniUiers de tahac. A la mort de M. de
Pouançay, arrivée en i68j, M.Galichon hérita de cette acquifition, & m'
de Launays-Pays , frère de la Veuve Galiclion ( depuis M^^- Hardouineau ) ,
donna aux Capucins du Cap, dans la perfonne du père Chriroftome , curé du
lieu, le morne qui fallait alors l.i borne du Bourg, àl'Oueft, & un terrain
pour jardin, fitué plus Oueft encore dans la favane , à condition qu'ils diraient
des méfies pour le repos de l'ame de fon beau-frère , jufqu'à la concurrence
àt cinquante éciis , évaluation faite des objets donnés. Ces religieux firent conf-
truire fur le morne une maifon de planches de palmiftes , couverte d'effentes,
& où était une chapelle confacrée à Saint-François, ils l'habitèrent, & voila
le morne devenu le morne des Capucins.
Le 25 Septembre 1699, M. EoaneFoi , fyndic des Capucins, échangea en
leur nom ,. & du conientement du R. P. Tranquille , capucin de Roue^, vi-
ficeur général de l'Amérique , oette propriété avec un magafin fitué à l'entrée
du Cap , & 300 livres de retour. Peu après l'on y forma une batterie , &
le 5 Janvier 1704, M. de Charrite,qui avait un prête-nom dans l'échange
de 1699, fe fit concéder deux terrains au Nord & au Sud du morne par M.
-Auger, qui défendit le même jour de bâtir , tant fur le morne qu'autour. M.'
Fréfier voulait qu'on y plaçât les cazernes, mais M. de Charrice , qui y était
logé , s'y oppofa.
Le 25 Juin 1728,1a Veuve de M. de Charrite vendit plufieurs terrains,
faifant partie du Cap , & le morne des Capucins , à M. Dujarriay , qui eft
mort Lieutenant de roi au Port-de-Paix , pour 7,300 livres. Ce nouvel ac-
quéreur obtint, le 20 Oélobre 1731, des Adminiftrateurs , la permiffion de
céder dans la favane qui terminait le Cap à l'Ouefi , & dans les terrains voi-
fins du m.orne des Capucins, des emplacemens , à condition qu'ils feraient
alignés fur les rues de la ville, & bâtis dans un an, fous peine de rémion ;
mais quant au morne lui-même , la batterie continua à y exifter , ainfi qu'un
pavillon, qui fervait à répéter les fignaux de la vigie, & ils y étaient encore,
lorfqu'en 1738 , M. Gautier, fyndic des créanciers Dujarriay, demanda aux
chefs à être autorifé à difpofer du morne. Ceux-ci coniultèrent l'ingénieur en
chef & le commandant du Cap , qui fm-ent d'avis que le morne était dans
le cas d'être réuni au domaine. Le procureur du roi requit cette réunion^
que MM. de Larnage & Maillard prononcèrent le 9 Mai 1739,
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316 D E S C R i P T I ON ,D E L A: e A B.: T t fi
On n'a fans doute pas oublié , que ce Tut à cette e'poque que la Comp»-
gais Béhotc; , offrit de remblayer fur h chauffée, &. ç'eft . le. morne
des Capucins qui fournit une partie des remblais. Une ordonnance du 8 Odobre
1746, permit à tout particulier d'excaver ce qui en reftait encore, & de
faire fon profit des matériaux. Il a fini par être applani dans fa totalité , &
il n'efr refi:é que fon nom , donné à la rue dont je parle en ce moment-.
On y a élevé de jolies maifons , dont trois à étage. Les deux maifons qui font
les angles Nord-Eft & Nord-Oueft de cette rue avec celle du Confeil,ont
été la réfidence de plufieurs intendans de la Colonie. M. de Clugny a occupé
celle Nord-Eft , & MM. de Vaivre & Bongars , ainfi que M. Le Brafîeur,
qui a rempli un intérim entr'eux deux , celle de l'autre côté. Elles font d
bois l'une Se l'autre , mais commodes, & ayant ce qu'on trouve agréable par
tout, une g ande cour & un jardin , Se qui l'eft bien davantage dans un pays
chaud, & fur- tout au Cap, où les emplacemens font bornés. C'eft à leur fi-
tuadon près de la ravine , qu'elles en font redevables.
La place-d'armes qui a porté auffi le nom de place Notre-Dame, eft un
carré de 45 toiles auquel le joint extérieurement la largeur des quatre mes qui la
bordent. Cette place a exifté depuis les premiers fondemens de la ville , mais elle
n'a pas toujours é:é auffi confidérable , ni avec fa forme carrée. C'était d'abord
un efpace irrégulier , laifïe libre autour de l'Églife dont la pofition n'a pas changé ;
la véritable place , celle qui fervai; de marché , n'était autre chofe que le
bord du grand chemin , dont l'extrémité eft devenue la rue Efpagnole , dans
laquelle M. de Galifet fit réferver un grand efpace vers la rue de la Boucherie , à
la fin de 1699 ,.lorfque cette rue commençait à fe bâtir, La place-d'armes d'à-
préfent était , à cette époque , la petite place , la place de l'Églife. On ne
commença à ladifpofer d'une manière utile , qu'en 1706 , encore ce ne fut que
dans la partie contigue à l'Églife. On laiffa toujours de quoi paffer autour de
celle-ci , mais on bâdt à fes deux angles Nord-Eft & Nord-Oueft avec les rues
. d'Anjou &c du Bac,
Le 7 Février 1707, un arrêt du Confeil du Cap, mit, fur la place de
réglife,le marché des comeftibles , qu'une ordonnance du juge de police,
du^30 Juin 1736, en fit fortir pour le renvoyer dans la rue Efpagnole,
ou dans celle de la Fontaine, alternative qu'on changea en difpofition cu-
mulative, puifqu'en effet, on fie deux marchés au lieu d'un. Une autre ordonnance
FRANÇAISE DE S A ï N T - D G M î N G U E. 327
<% même juge, du 26 Juin 1741, ramena le marché fur ia place-d'armes ,
fondée fur ce que le marché de la rue Efpagnole , n'ayant d'autre place qui
la rue elle-même , le pafifage continiiel des voitures & des perfonnes , dans cet
unique abord de la ville, faifait courir des rifques aux voyageurs, & à ceux
qui vendaient & achetaient. On le plaça alors dans fon bout Nord - Oueft ,
le long du morne des Capucins, depuis le lieu où eft maintenant le corps-
de-garde , jufques vers le milieu de la place. Le concours que ce marché
attirait, engagea les vendeurs de marchandifes- féches a y étaler auffi, mais
une autre ordonnance de police, du 23 Avril 1742, les en expulfa/
En 1744 , on fit une égiife de bois- près du morne, & à toucher le mar-
ui .
ciie
& prévoyant que le voifinage de celui-ci nuirait à la tranquillité de l'office
divin, la police fit encore transférer le marché des denrées, le 2^ Mai 174X
fur la rue qui borde le côté Eft de la place.
Les pacotilleurs qui favaient que l'obftination a quelquefois des fuccès
revinrent fur la place, & fe la partagèrent. La police plus complaifante, peut-
être depuis qu'elle avait un infpe6teur, les y fouffrit. On y vit le petit marchand
à inventaire , le porte-balle , puis les boutiques mobiles-, & enfin ks boutiques
à roulettes, qui, dans leurs grandes dimenfions , n'avaient d'ambulatoire
que la forme. La place avait été embellie par une plantation d'arbres faite
vers 1740, qui en miarquaiî le carré, & même un double rang fur les côtés
Eft & Oueft , ajoutait à la décoration h à l'ombrage frais qu'elle produifait.
Tout appelait donc les marchands , à qui ce local n'était pas deftiné , & ceux
du marché des Blancs s'avançant fucceffivement vers la place , les deux marchés-
s'étaient enfin réunis , & k& dimanches l'on avait une foire , depuis la place-
d'armes jufqu'à la rue Neuve , en defcendant le long de la rue de ia Fontaine
Enfin , l'excès même de l'abus , le corrigea en partie , & une ordonnance de
police, du II Mars 1763 , renvoya au marché aux Blancs, ceux qui devaient
j être , & ne laiffa , en marchands ordinaires , fur la place-d'armes , que ceux
qui y avaient une poflicffion d'habitude Se des places fixes.
En 1764, arriva le bureau de police municipale, auquel l'exiftence des bou-
tiques de la place-d'armes donna une petite velléité fifcale , ce fut d'y placer cinq
rangs de baraques dont on tirerait ;une rétribution. Il trouva même que les arbres
des bords Nord & Sud gênaient fon plan , & arrêta , le 16 Août 1764 , de ks
ûtxuviç , fauf à iaiffer fubfiftcr ks'deux allées de i'Eft $c de l'Oueft , jufqu'à ce
DESCRIPTION DE I.A PARTIE
que toutes les baraques fuffenc conftruites. On commença, avec fagacité , par
le tarif des places.
Au mois d'Août 1765 , plufieurs marchands fe plaignirent de cette perception
dont ils allèrent même jufqu'à mettre la légitimité en doute , & ils dénoncèrent
rinfpedeur de police qui la triplait; mais le juge de police , appuyé fur les déci-
fions du bureau , créateur de l'impôt , la feule chofe qui eût eu lieu du plan de
baraques , décida que ces marchands n'avaient rien de mieux à faire que de
payer & de croire à la probité de l'infpecteur.
Les Adminiftrateurs ayant été changés , la rétribution s'abolit d'elle-même &
les principes devinrent fi dilFérens , que la police enjoignit, le 31 Mars 1769 , à
tous ceux qui avaient des boutiques quelconques fur la place-d'armes de les
retirer. Elle permit feulement aux pacotilleurs qui n'avaient aucune boutique
en ville , d'étaler fur des ferpillieres , dans des points de la place qu'on leur indi-
querait , pourvu que ce ne fut ni fê:e , ni dimanche ; puis tout-à-coup une ordon-
nance de police du 4 Juillet 1769, rouvrit l'accès de cette place aux marchands de
marchandises féches , pourvu qu'ils n'eufîent que des tables portacives & point de
baraques. Cette dernière tolérance dura elle-même très-peu , & il y a près de vingt
ans que la place eft entièrement libre. Cependant le dimanche , quelques nègres
viennent encore vendre des denrées , le long de la rue , à l'Eft de la placci
c'efl le refle d'une ancienne habitude.
Les arbres échappés au fyftème deftrufleur du bureau de police municipale,
exiilent encore , du moins les deux allées de l'Eft & de l'Oueft , form^ées de
poiriers ( efpèce de hignones ) , arbres qui jouiffaient autrefois d'une telle réputa-
tion , qu'en 1684, le roi ordonnait à M. de Cabaret, chef-d'efcadre , d'envoyer
de ces poiriers de la Martinique en France , afin de les employer en bordages
pour les valffeaux ; attendu , difait-on alors, qu'il font préfervés des vers. On
a remplacé les arbres qui en avaient befoin , lorfqu'en 1779 , on a
nivelé la place & fermé fon enceinte par des traverfes de bois équarri ,
fur lefquelles on peut s'affeoir & qui font portées par des poteaux, de
diftance en diftance. On a mis des tourniquets neufs aux quatre angles & au
milieu de chaque côté , on a lailTé l'intervalle pour une voiture , fi fon pafïàge
devenait néceffaire , car des 'barrières ferment habituellement cette ouverture.
Toute cette clôture efr peinte en vert, ce qui ajout? à l'agrément du coup-d'œil
Il y a aufîl quatre arbres au-devant du corps-de-garde pour donner de l'ombre aux
foldais
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 329
foldats. L'entretien des allées eft à la charge de MM. BouiUary & Biais qui l'ont
obtenu des Adminifcrateurs , le 8 Février 1781 , pour leur exemption de tout
fervice perfonnel.
La place eft décorée par le portail de l'Églife qui répond au milieu de fon côté
Sud ; plufieurs belles maifons à étage l'embcllifTent de toute part.
C'eft au milieu de la place qu'eft une fontaine nommée la fontaine de la place-
d'armes. Les habitans de la ville étaient obligés d'aller chercher l'eau à une
fource dans le morne , au Nord-Oueft de la ville , à moins qu'ils ne vouluffent
boire celle de quelques petits ruiffeaux qui tarifaient dans les grandes chaleurs &
dont l'ufage caufait d'aSigeantes maladies. Ces inconvéniens déterminèrent les
Adminiftrateurs à les convoquer le xo Mars 1710, pour délibérer fur la conf-
trudion d'une fontaine. Ce ne fut cependant que le 18 Mars 1712 , qu'on décida
de faire venir fur la place-d'armes , l'eau de la fource Bidau , qu'on mènerait
enfuite au bord de la mer pour l'aiguade des vaiffeaux. La dépcnfe, d'après une
idée de M. de Charrite , devait être payée par un droit de dix fous fur chaque
bannette ou côté de cuir de bœuf qui ferait embarqué au Cap. Le droit fe percevait
fans qu'il y eût de fontaine, lorfqu'au mois de ^Janvier 17 15 , l'afTemblée colo-
niale formée pour l'oftroi , trouva le projet de 17 12 trop difpendieux , puifqu'il
y avait une fource plus près du Cap , & en conféquence , le droit fur le cuir
devint une partie de l'oftroi.
Le befoin d'eau fubfifta encore près de vingt ans ; enfin on fit une contribution
& la fontaine parut en 1735. C'était un baiïln depierre, furmonté d'une énorme
cage de bois, aux quatre côtés de laquelle, était un robinet ; mais l'eau ne fut
pas conduite vers le quai , quoique M. de Vienne , M. de Larnage & M, de
Vaudreuilen euffcnt iucceffivement eu le projet & que le Miniftre eût écrit , en
1736 & en 1741 de le réalifer , comme très-important.
C'eft le gouvernement quia fait élever la belle fontaine de pierre qu'on y
voit à préfen:. Elle ePc comporée ( V. l'Adas ) , d'un focle de fix pieds en carré,
au-deffus duquel eft un piédeftal coupé fur les angles , dont les quatre faces
font creufées circulairement , de façon que la corniche eft taillée en forme d'aba-
que. Au-defîbus eft un autre petit focle , fur lequel eft pofé un vafe antique ,
couronné de deux dauphins. Sur la face Nord du piédeftal, font fculptées les
armes du roi, avec cette infcription au-deffous : ....... ;, , . .,- ,. .
> ■';
Tome J.
Tt
^
I
M
J39 D E S C P. I P T I O N DE LA PARTIE
Régnante L u d o v i c o XV , amatiffimo
Impenfis Régis
Fons exurgit Civibus.
Les armes du Cap font au Sud. Ce font celles que cette ville demanda aux
Adminiilrateurs la psrmiflion de prendre au mois de Mai 1769, par l'entremife
de MM. de la Ferronays & Malouet , commandant en fécond & commiffairc
de la marine faifant les fondions d'ordonnateur , comme une récompcnfe
de fa conduite au rétablilTem.ent des milices. C'efl un écufîbn oij eft une ville
d'argent adoiTée à une montagne de même, de l'extrémité de laquelle s'élance-
im gros jet d'or dans la mer. La ville & la montagne occupent la moitié dextre
<ie l'étendue d'une mer d'or, furmontée d'un ciel d'azur , au milieu duquel
paraît une fleur de lys auffi d'or. Pour fupport , une gerbe de cannes à fucre
d'un côté 3 de l'autre une branche de chêne ; une guirlande de fleurs les lie à
deux cornes d'abondance, d'où fortent des branches de différens arbres coloniaux
chargés de leurs fruits. L'écuffon appuyé fur la charnière d'une large coquille
dont on voit l'intérieur , a une couronne de chêne furmontée de la légende
FiDELiTATis P.RŒMIUM., au-dcffous de l'écuffon oalit :
Aurea fons inde fluit :
Et ÎEter Oceanos flucflus ,
Ad Patriam ufqae fugit.
A l'Eft ce font les armes de M. le Prince de Rohan , alors gouverneur-
général , Se
Guberaàtore Generali
Ilkftriflimo Principe de RohaB.
Et à rOueft celles de M. de Bongars, Intendant , avec cette infcription v.
Provinciali Prsefefto
DigniîEmo Prefidente de Bongars..
Le premier focle efl: orné de figures qui repréfentent des tritons & des goutes",
renferrnés dans des cadres formant arrière-corps. Cette fontaine qui a 10 pieds
de hauteur, eft placée dans le milieu d'un baffm circulaire de 10 pieds- de
. diamètre , oià quatre raafques de bronze placés, fur le bord fupérieur du premier
focle, vomiffent continuellement l'eau. Elle a écé conftruite en 1769 furies
plans & fous la condirite de M, Rabié, ingénieur^, juftement 30 ajis après que:
'• - ■! «•«
*i
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. .^31
M. de Fayet avait décidé que cette place devait avoir une fontaine de pierres
au lieu de la baraque qui la défigurait. C'eft de cette fontaine que la rue qui lu^
répond dans l'Eft & par laquelle l'excédant de fon eau coule à la mer, a pris
le nom de rue de la Fontaine. Ce monument ne ferait pas déplacé dans la
plupart des villes de France , Se il honore le goût de la ville où il a été conftruit.
Je regrette feulement de ne favoir pas quel eft l'artifte qui l'a exécuté.
Je reviens au corps-de -garde qui déparc la place. On a vu ailleurs que
l'ancien corps -de-garde du Cap était dans la huitième feélion , & que de là on
le tranfporta en 17 19 au point oîi eft le magafin du roi, près de la mer. Lors
de la conftruélion de celui-ci , on le mit en face de l'arfenal , puis fur le morne-
des Capucins , au point où eft la maifon qui fait l'angle Nord-Oueft des rues
Saint-Laurent & du Palais , d'où il a paffé dans fon local a6luel lors de l'apla-
niffement du morne des Capucins. C'eft une baraque de bois qui a le lit de
camp des foldats au milieu , la chambre de l'officier au bout Oueft , & à celui
Eft le lieu de détention , que l'on appelé ironiquement le violon. Sur tout le
devant régne une galerie en appentis , fans laquelle & fans les arbres qui font
au bord de la place, il ne ferait pas habitable -, car le foleii y donne depuis fon lever
jufqu'à ce qu'il fe cache derrière le morne du Cap au Couchant.
Il y a cependant eu dès l'excavation du morne des Capucins , un emplacement
réfervé de chaque côté de la rue du Palais , parce que MM. de Larnage &
Maijlart voulaient y élever, en face de l'églife , un palais de juftice, qui aurait
eu , en prenant la largeur de cette rué , 150 pieds de long. La diftribution devait
être faite de m^mière que le corps -de -garde fe ferait trouvé placé dans l'un des
bouts, A ce plan , l'on avait fubftitué celui de mettre le corps-de-garde de
manière qu'il formât , fur la place, l'angle Sud - Oueil de la rue du Palais,
tandis que l'angle Sud - Eft ferait formé par un autre bâtiment où logerait
le commiandant de la place.
En 1780, M. Artaud, entrepreneur du roi, oftnc aux Adminiftrateurs de lui
céder les deux emplacemens ; il s'obligeait à faire fur celui del'Oueftjàfeç
frais , un corps-de-garde de pierres de tailles , voûté , où feraient une chambre
d'officier , un corps-de-gardc proprement dit & deux violons , & que précéderait
une galerie ornée de pilaftres, entre lefquels feraient des garde-fous de fer.
Sur l'autre , il aurait élevé une maifon avec une façade de pierres de taille , dont il
aurait fait communiquer l'étage avec celui qu'il aurait confcruit à fon profit,au-dcfru$
T t z
l
33-
DESCRIPTION DE LA PARTIE
du corps -de-garde j par une voûte, fous laquelle aurait psiTé la rue da Palais.
Ces propoUcions fijrent trouvées avantageufes , elles embcliilTaient la place par
un nouveau bâtiment dont le couronnement devait être en baluftres , & une
ordonnance du S Juin 1780 , les agréa & fixa les plans que M. Artaud devait
fuivre dans Tes confîruclions. Je ne fais à quoi il faut attribuer la non-exécution
de ce projet ; elle laiJTe fubfifier la baraque qui contrafte encore d'avan-
tage avec le refte de k place depuis qu'une magnifique maifon a rempli i'efpace
qu'on difait réfervé à un nouveau corps-de-garde.
La piace-d'armes eft celle -où l'on paîTe les milices en revue depuis très-long-
tems. Les troupes s'y affemblaient auiïî lorfque la garnifon du Cap n'était
compofée que de quelques compagnies détachées de la marine , toujours très-
incomplettcs. C'efc miême ce qui lui a donné le nom de place-d'armes. On h
voyait encore entourée d'une haie vive en 1724.
La place-d'armes a prefque toujours été auffi le lieu des exécutions, quoiqu'on
n'y fàfTe plus que celles des Blancs depuis qu*on a formé la place Clugny. On
n'en a retiré les fourches patibulaires , qui y étaient à demeure , qu'au moment
où l'on a Gonfcruit le cotps-de-garde fur le point qu'elles occupaient. Cette
place a été le théâtre de circonftances extraordinaires , relatives à deux exécutions,
La première était celle d'un jeune homme , officier d'un navire de Bordeaux,
condamné à la potence pour un vol avec effrafcion. Elle fe faifait le 14 Mars
Ï777. La corde fe rompit au moment où il fut jette par le bourreau; ce
malheureux fe releva promptement , fe mit à genoux & cria grâce ; quelques
voix répétèrent ^r^ff. Néanmoins le bourreau defcend-t , le ramera à l'échelle où
k patient lui dit d'alkr raccommoder la corde , ce qu'il fit. Lorfqu'il revint oour
k faire monter, ce jeune homme p-afîant fes deux pieds dans ceux et 1 échelk , fit
réfiftance & rendit vains les efforts de l'exécuteur pour le faire monter-. Ce tableau
produifit une impreffion foudaine fur les fpedateurs ; l'un d'eux porte au boi^rreau-
un coup de bâton qui devient le fignal de pluficurs autres. La maréchauiTée à
€licval fait un mouvement pour envelopper le p::tienL & le bourreau , on l'accable
de pierres y elle prend la faite ; le bourreau fe bat: avec le panent qui le mord
& lui lance des coi^s de pied i il l'avait cependant, déjà entraîné jufques vcn-
le corps-de-garde depuis le bout Nord-Eli de la place, iorfq^ e deux m.atelots
vigoureux faiffiffent le bourreau , le frappent & lui enlèvent fa proye qu'ib
Emportent par la rue du Palais.Xe bourreau veut alois regagner la pri.bn où eit-
M ■ Il I I ^ _^ »Fi»^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^33
fa demeure habituelle , mais les nègres le pourfuivent , le lapident & le font
tomber mort fur l'autre côté de la place, en face du point où il avait planté la
potence. J'ai vu le corps de ce malheureux fous un amas de pierres j fa tête
était abfolument applatie. Un fait fingulier ,.c'eft qu'une petite fouris qu'il avait
eu la patience d'apprivoifer & qui était dans fa poche , y fut trouvée vivante &
intafte.
La féconde exécution qui eut lieu le 8 Mai 1778 , était celle d'un grenadier
& d'un caporal du régiment de Gatinois , condamnés au dernier fupplice en
expiation d'un affaffinat. Le bruit répandu que les grenadiers voulaient fauver
leur camarade, fit mettre 300 hommes , formés de piquets des divers corps de
la garnifon , en bataillon carré autour de l'échafaud. Au premier coup de barre
donné au grenadier fur une jambe, il pouffe un cri aigu. Des femmes, fpeéla-
trices fi déplacées à ces exécutions dont elles font toujours avides , en font
émues, elles s'agitent pour s'éloigner. Ce m.ouvement eft pris pour celui de la
révolte qui doit fauver les criminels; la troupe fait feu , fe débande, pourfuit
les fpeftateurs & les paffans. Vingt-huit perfonnes furent tuées dans ce moment
ou moururent de leurs bleffures ; l'exécution eut lieu , après toutefois que le
bourreau , qui , fe rappelant le fort de fon camarade l'année précédente , avait fui
à la pnfon, en eût été ramené au bout de trois quarts d'heure. -
Comme la place-d'armes eft une interrupdon pour les rues qui y aboutliTenf,
elles y changent de nom , excepté celle Notre Dame, qui paffe devant ré<.Iife
& qui conferve le fien jufqu'à la mer. J'ai dit que la rue Saint - Domin-
gue devenait au Sud la rue Dauphine ou du Bac , & celle du morne des^
Capucins la rue d'Anjou. Dans l'Eft de la place , la rue la plus au Nord eft
celle de Conflans , du nom d'un gouverneur-général , celle après eft la rue de
ja Fontaine , puis la rue Notre Dame. Ces coupures régulières & parallèles
dans la place la rendent encore plus agréable. On regrette cependant qu'on n'ait
pas imaginé de couvrir fa furface de chiendent en y laiffant des intervalles
dans lefqueis les gens de pied la parcoureraient. Le voifinage de la rue
de la Fontaine entretiendrait la fraîcheur nécelTaire dans le terrain , & ce tapis
ferait plus doux pour l'œil qu'un fol fabloneux qui réfrade encore les rayons
du foleil. C'eft fur cette place qu'était le premier magafm du roi , que fit
acheter en 1698 M. de Galifl^et, gouverneur du Cap, pour 400 écus payés par
les hardes des foldats & d'autres rever»int-bons..
i
1^1
334. DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ce fut dans ce magafin que l'on plaça l'hôpital des religieux de la Charité
avant racquifition du terrain où ils font maintenant; & il devint enfuite la
logement de M. Auger, gouverneur , de M. Deûandes Intendant, puis de"
M. de Charrire.
L'églife qui embclHi la place-d'armes , & dont celle-ci tire aufîl le nom de
place Notre Dame , eft un monument moderne , quoique le terrain oij elle eft
ait toujours porré le temple du Seigneur. La première églife & par conféquent
la paroifle du Bas du Cap, ne fut établie qu'un peu auparavant 1680, & pour
qu'on juge bien de ce qu'elle était huit ans après , je crois devoir rapporter la
pièce fuivante , que je copie fur l'original :
„ L'an 1688 , le 7 Mai , f/,lvant les ordres de M. de CulTy , gouverneur pour le roi en l'île de la
„ Tortue Se côte de Saint-Domingue, nous Franfcis Camuzet, procureur du roi au fiége royal du
Cap & dépendances , nous fommes tranfportés au quartier du Bas du Cap pour faire la vifite ds
l'églife paroiffiale dédiée à l'Affomption de Notre Dame de Bon Secours , maifon presbytérale
& cimetière du dit lieu ; au fujet de quoi nous avons fait affembler les marguilliers & principaux
habitans où nous avons vu l'églife conftruite de méchant bois de palmifte & toute prête à
tomber , couverte de feuilles fans être lambrifTée , le tout félon la faculté des habitans , laquelle
„ églife nous avons trouvée dépourvue de toutes les chofes nécefiaires
„ Nous avons pareillement fait la vifite du cimetière de ladite églife , qui n'eil nullement clos
„ mais expofé à toutes fortes d'animaux. De là nous nous fommes tranfportés au presbytère , que
„ nous avons trouvé en pareil état que l'églife , prefque tout découvert , y pleuvant partout.
„ Déclarons que la pauvreté des habitans elt fi grande , qu'J leur eft impofFible de remédier aux
,, fufdites néceffités. C'eft pourquoi nous avons fait le prélent procès-verbal pour être préfenté à
„ SaMajefté, afm que par fa charité royale qui lui eft fi ordinaire, il lui plaife y dorjier dq
-„ fecours. Fait en préfence du révérend Père Jean Chrifoftcme de Libourne , miiîiorinaire de l'ordre
des Capucins , fervant ladite églife, & des fouiCgnés les jour & an que deflus. Si£>!é: F. Jear^
Chrifoftôme , capucin m.iflionnaire indigne ; de Franquefnay , ( lieutenant de roi ) ; Rouauh ^
„ marguiilier; Bcdué , J. Lambert, Leftcrel, greffier.
Les Efpao;nols brûlèrent en 1691 cette églife, à moitié détruite d'elle-même.
On lui en fubftitua une à laquelle les ennemis forcèrent de m.ettre le feu en
i6q5. Eni6c6, une troinèrne églife de bois, couverte de pailles, occupa la
place de la féconde & y refta jufqu'in 1710 , qu'on en bâtit une auffi de bois,
mais plus grande , m.ieux fermée & couverte d'effcntes. Ce fut à celle là que
M. de Galifïet, gouverneur, fit mettre une baluftrade autour du chœur, en
dedans duquel on plaça un banc pour lui.
En 1708. les habitans voulurent avoir un temple de maçonnerie, dont M,
■F"^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^3^
le comte dArquian , gouverneur du Cap , ne pofa la première pierre que le a8
Mars 17 15. Le père Boutin , alors curé , déploya tout fon zèle , âhn d'accélérer
cette conltruftion , pour laquelle on fit des errprunts à 6 & même à 12 pour
cent, & enfin, le 22 Décembre 1718 , elle fut bénite & confacrée , fous le
titre de rAfîbmption de la Sainte-Vierge. Elle avait deux chapelles en croix ,
l'une dédiée à Saint-Pierre , & l'autre à Saint- Jofeph ; c'eft dans cette églife
qu'on mit les bancs honorifiques , dans les places que défignait l'ordonnance
des Adminiftrateurs du 19 Mars 17 12.
Vers 1725 , les Jéluites imaginèrent de former un Sanctuaire , qu'ils fermèrent
d'un beau grillage , avec un portail auffi de fer, & de chaque côté^ duquel
étaient dix ftalle s. Ils n'y laiffèrent que le banc du gouverneur ( car , avant 1743
l'ordonnateur n'avait point de banc dans l'églife , à Saint-Domingue ) , & quand'
les deux Adminiftrateurs principaux venaient au Cao, ils fe mettaient dans
ce Sanauaire. MM. de Larnage & Maillart , confentirent à avoir leurs fauteuils
dans le Chœur, au-deffous du Sanétuaire, où le banc feul du gouverneur
du Cap fut confervé. Ces innovations des Jéfuites , mirent les bancs du Confeil,
du major 8cc. , derrière leurs fralles ,& non comme l'ordonnance le prefcrivait;
il paraît que l'orgueilleufe humilité de ces religieux , n'avait pas trouvé ce
calcul indigne d'elle..
Ce qu'on aura peine à croire , c'eft que dès 1739, l'églife, achevée feu-
lement vingt ans auparavant , faifait craindre qu'elle ne s'écroulât. Le comble
ne fubfîftait plus qu'au moyen de cinq mâts , qui foutenaient les principaux
arrefticrs de la noue des chapelles avec la nef, & que le moindre tremblement
de terre pouvait renverfer. Enfin les frayeurs que donnait l'état chancellant
de l'églife , étant juftement augmentées par un délai de trois ans , elles décidèrent
à demander aux chefs , en 1742 , la permifîion de mettre une halle fur la
■place-d'armes , où l'on célébrerait l'office divin pendant la réparation de l'églife.
Cette halle fut conftrulce fur l'alignement de la rue du morne des Capucins ,
ffedc celle d'Anjou, dans la partie Nord-Oueft de cette place, & bénie le
301 Mai 1744.
On defcendit le comble de l'églife, & pendant quatre ans , on ne fit rien
j^our la réparer. On parla alors d'en conftruire une autre de pierre , & la
paroiffe le décida ainfi en 1748.. Il fe fit fort peu de travail, & on le cefTa en
*ÎS%- Oi^ fe fervait toujours du hangard de la place , lorfque le 4 Oftobr£-
«,
.t •
•é
DESCRIPTION DE LA PARTIE
1764, le bureau de police municipale arrêta qu'on s'occuperait de continuer
cet édifice , & au mois de Mai 1765 , oh porta folemnellementle Saint- Sacrement
dans un de Tes bas-côtés, où l'on fit l'office pendant quatre ans. L'envoyait
enfin le bâtiment s'avancer , lorfqu'en 1771 , on s'apperçut que les piliers étaient
prêts à crouler. On abandonna promptement l'églife , & comme la baraque de
la place avait écé démolie , on choifit h chapelle des reiigieùfcs de Notre-
Dame , pour y faire le fervice paroiffial.
Le preffentiment n'était pas faux, piiifque le 4 Oclobre fuivant , à quatre
heures trois quarts du matin, les bas-côtés & la petite nef de la partie Occidentale,
furent renverfés , ainfi que les piliers de la grande nef. Comme ceux-ci fou-
tenaient en partie le ceintre qui avait été élevé pour former la voûte de cette
éo-lifc , la charpente fuivit la c'nute du refte. Il avait fait la veille , à la même
heure, un tremblement de terre, court, mais affez vif; on a penfé qu'il
avait contribué à l'événement du lendemain , dont la caufe première élevait
un reproche qui n'épargna pas les talens des conftrudeurs.
Il fallut, pour bien dire, réédifier l'églife entière. La paroifîè s'aflembla , le
10 Novembre 177 1 , reconnut l'infuffifance des taxes antérieures , les annuUa,
& en fit de nouvelles. Enfin l'églife a été achevée , & la première cérémonie
qui y a été faite , Rit le fervice de Louis XV , le 26 Juillet 1774. Le 14
Août fuivant, on y porta proceffionnellement le Saint-Sacrement , tiré de la
chapelle des rciigieufes , & le lendemain , fête de la paroiffe , il y eut une
meiTe en mufique , de la compofition de M. Gervaife , maître de mufiquc
du fpeftacle du Cap , pour célébrer cette dédicace. La conftruftion de cet
édifice, dura 16 ans , car la première pierre en avait été pofée le 28 Mars
748 , par M. de Vaudreuil , commandant général , & M. Samfon , corn-
îTiiffaire ordonnateur.
Le frontlfpice , ou portail de ce temple ( voyez l'Ad^s ) , eil compofé de
deux ordres , le premier Dorique , & le fécond Ionique. La porte prinfi-
pale eft décorée de quatre colonnes accouplées , deux de chaque côté, encadrées
dans le mur/iufqu'au quart de leur diamètre, couronnées d'un fronton triangulaire ,
dans lequel font fculptées les armes de France. Les deux petites portes de
ce frontifpice , font décorées de quatre pUaftres , encaflré;, dans le mur ,
des trois quarts de leur épaiffeur. Au-deffus de ces deux portes font deux fiches ,
où font placées deux ftatues de pierre , repréfentant les deux premiers apôtres,
de grandeur un peu plus que naturelle. ^ • L'ordre
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 337
L'ordre fupérieur eft compofé de quatre colonnes & de deux pilaflres , qui
«orrefpondent à ceux de l'ordre inférieur , & dont les faillies font dans la même
proportion. Le tout eft terminé & couronné par un fronton demi-circulaire ,
dan^s lequel eft fculptée une gloire; ce fronton eft furmonté par une croix de pierre,
qui a même été refaite depuis, dans des dimenfions plus petites , parce qu'elle
avait été frappée du tonnerre.
Ce portail, élevé fur les plans & la direftion de M. Rabié , mort ingénieur en
chef de la Partie du Nord , eft un ornement pour la place, & l'on en eft frappé,
iorfqu'on y arrive. On l'a regratté en 1788, ce qui lui rend tout l'éclat de la
pierre ftir laquelle on a paffé une couche de chaux rendue légèrement bife ; c'eft
de Nantes que la pierre de taille a été apportée.
Mais l'intérieur ne répond pas à ce frontifpice.
L'églife a ao6 pieds de long fur 84 de large , dans œuvre , ce qui fait qu'elle
traverfe une rue , parce qu'elle parcourt prefque la longueur de deux îlets ; tandis
^ue l'ancienne avait jufte l'îlet pour mefure. On monte deux petites marches
pour y arriver. La première chofe qui frappe en entrant dans ce vaiffeau , c'eft
qu'il eft terminé par une charpente, tandis qu'il avait été conftruit pour être
voûté. Cette fauffe proportion écrafe tout l'intérieur qui eft d'ordre Ionique. Il
eft compofé de trois nefs : la grande , dont chaque côté eft décoré de fix porti-
ques ,3. 36 pieds de largeur fur 40 de hauteur y compris la corniche. Tout l'ordre
eft furmonté d'un attique pour recevoir la voûte & fervir d'appui aux vitreaux.
Les bas côtes vont fe terminer à la croi^- dont les extrémités , formant le chœur
& deux chapelles , font circulaires.
Le chœur eft fermé par une belle grille de fer dont les ornemens font dorés.
L'autel eft à la romaine ; du côté de l'épître , font les fiéges du prêtre officiant
& de fes affiftans , & un peu plus haut , ceux deftinés au général & à l'intendant j
du côté de l'évangile , eft celui du commandant en fécond & de l'ordonnateur.
Derrière le maître-autel & abfolument contre le mur du fond du chœur , eft un
autre autel de plâtre , au-deffus duquel eft un fépulcre ouvert. Au milieu de
celui-ci fur le derrière, & à chacun de fes deux bouts, eft un perfonnage mafculin.
Deux d'entr'eux regardent dans le fépulcre & le troifième contemple une aiïbmp-
îion qui eft auffi de plâtre, & qui furmonté tout le fujet; la vierge s'élève dans une
nuée chargée de têtes d'anges & deux anges entiers la couronnent. L'autel
& fes acceiloires occupent un efpace de 15 pieds de haut fur 12 de large
Tome I, Y V
if
J3
*:•!
338 DESCRIPTION DE LA PARTIE
De chaque côté du chœur cft une porte qui conduit à une facriftie. Celle de
la droite en entrant, eft deftinée à la préparation des prêtres & de ce qui eft
nécelîaire à Toffice divin ; l'autre à recevoir les perfonnes , pendant la réda6tion
des aftes de baptême , de mariage & de fépukure i toutes les deux font trop
pentes.
Au-defTus de îa porte de h facrifrie de l'Oucft , cft un tableau d'environ fis
pieds de haut, repréfentant St-Bonnaventure qui écrit; il fait le pendant d'un Saint-
Saintin à genoux , placé fur la porte oppofée. Ces deux tableaux ont été offerts
par deux capucins du nom des deux Saints. Ils peuvent donner une idée favorable
du motif des donateurs, mais ils ne produiront pas le même effet , quant au
talentderartirre.
C'eft aufn du côté Occidental du chœur, fur le mur & au-deiTus du fiège du
gouverneur-général , qu'on voit l'épitaphe de M. de Belzunce , morf dans la
parolffe du Trou, le 4 Août 1763 , & enterré dans cette partie de l'églife le
lendemain. Elle eft gravée fur un marbre blanc encaftré dans une bordure de
marbre noir. Le haut de ce monument, qui forme un carré de quatre pieds de
long fur deux pieds & demi de large, eft furmonté par une urne cinéraire, &
terminé inférieurement par un écuffon armoirié ; le tout eft doré d'or moulu..
L'épitaphe eft en ces termes :
HIC JACET
Armandus Vicecomes de BELSUNCE 3
In quo claritas antiqui generis ,
Minimum ad gloriam monamentum fuit.
Civis placidus , Arnicus certus & fuavis";
Strenuus Bellator Se pericalorum appetens ;
Anims prodigus ut miiiti parceret ;
. • S0I2 fortiterfadlorum-ÂvulHerumcommendationS:,
Admagna eveflus ,
Re<ïioram exarcituum Leo;atus.
Tandem parta per iabores mercede ,
Santi-Dominic-i Ihfulse prefefturâdonatus
Novis pkna la'noribus :
Bûin demendatœ fibi Provinciœ faluti acriter invigilatt
r.îofbo prsreptus obiit ,
Die 4a. Augufti, Ann. D. 1763 , .^tatis, 43.
Subîato ex ocuHs amico , amicus confecravit De Castera -
Régis excrçituam Brigaderias, MDCCLXIUI.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, 339
Les autels des deux chapelles font de marbre blanc. Celle de la gauche eft
confacrée à la Vierge. On y a placé un grand tableau , donné à l'éghfe au mois de
Mai 1788 , repréfentant l'adoration des mages 5 c'eft une croûte qui défigure l'égli-
fe. La chapelle de la droite était autrefois fous l'invocation de St-Jean Baptiile ,
dont on apperçoit encore la petite flatue placée en 1774, en même-tems que
celle de larierge l'avait été dans l'autre chapelle. On 7 a mis un tableau de Saint-
François , peint debout, une croix à la main, C'eft un préfent du R. P. Saintin ,
préfet de la miffion ; ce tableau quoique bien fupérieur à l'autre , eft lui-même
très-médiocre & n'eft pas une excufe pour avoir préféré le férsphique inftituteur
des Capucins, au précurfcur de l'Homme-Dieu.
Une chaire de bois d'acajou fculptée , eft placée furie coté gauche de la grande
nef. Elle a coûté deux mille écus , mais elle eft ridicule par fa petiteffe , relati-
vement au vaiiïèau. L'églife eft pavée de carreaux de marbre noir & blanc.
Depuis quelques années, un jeu d'orgues eft placé en jubé > à l'extrémité de
l'églife & en face du miaître-autel. Il eft bien faible pour l'étendue où il doit fe
faiî-e entendre , mais il eft peut-être encore trop fonore pour les mains novices
qu'il trahit.
C'eft dans l'enceinte de cette églife , parce qu'elle comprend celle de l'éc^life
qu'elle a rem.placée , qu'a été inhumé, le 5 Mars 1739, M. d'Orgeville ,
tmaître des requêtes & intendant des Mes du vent, qui venait d'être nommé
à l'intendance générale de la marine. Le miniftre lui avait écrit, le 20 Janvier
1738 , pour l'engager à pafTer à Saint-Domingue , en revenant de la Martinique
en France , & à y prendre des renfeignemens exafts fur tout ce qui concernaic
cette Colonie. M. d'Orge ville avait d'autant plus volontiers accepté cette
miffion , qu'elle lui donnait l'occafion de revoir M. de Larnage , fon ancien
ami. Il mourut au Cap, le 4 Mars 1739, au foir. La paroiffe accepta même'
le 15 , les tentures qui avaient été mifes à l'églife & au gouvernement , où
-M. d'Orgeville était mort, pour .lui tenir lieu des cinq cem livres dues à la
fabrique pour fon inhumation.
Le héros de BeMe-Ifle , dans la guerre de 1756, aauffi msêié fes cendres
à la pouiïiére de ce temple. M. le chevalier de Sainte-Croix , embarqué
fur l'efcadrede M. Dubois de la Motte, qui portait des fecours trop tardifs
■à la Martinique , devait avoir le commandement des troupes dans cette Ifle.
A dîes y aj/aient débarquées. Obligé de fu-ivre l'efcadre à Saint-Domingue ,'
V V 2
Tiâ
J40 DESCRIPTION D E L A P A R T I E
où il arriva le 17 Mars 1762, il demanda l'agrément de retourner en France
pour y continuer Tes fervices , inutiles dans une Colonie dont la partie militaire
était confiée à M. de Belzunce. Un ordre du roi , du mois de Juillet, l'y autorifait,
piais lorfqu'il parvint , M. de Sainte- Croix n'était plus. Sa mort eft arrivée
le 18 Août 1762.
Il n'y a point , dans l'égllfe du Cap , d'autres bancs que ceux accordés
par l'ordonnance du roi, du 15 Novembre 1728. J'ai déjà dit où font les
fauteuils & les prie-dieu des deux Adminiftrateurs , & le banc du Comman-
dant en fécond , & de l'ordonnateur dans le chœur. Il y en a un à double rang ,
à droite , pour le Confeil fupérieur ( car on le conferve encore ) , enfuite
duquel eft celui de la Sénéchaffée. En face ce celui eu Confeil, eft celui du
lieutenant-de-roi; au-defious eft celui du major, auquel tient celui du commif-
faire de la marine , qui n'en eft féparé que par une çloifon. Le commandant
des milices de la paroiffe en a un aufli , au bas de celui de h Sénechauffée ,
& celui des marguilliers fait face à la chaire.
Tous ces bancs font contre les piliers & fe regardent les uns les autres,
excepté celui du commandant des milices, qui fait 'face à l'autel. Le refte
de l'églife eft abiolument libre, & les perfonnes qui veulent s'y afîèoir , font
obligées d'y faire porter des chaifes chaque fois qu'elles y vont. Dans l'origine
c'était abfolument la miêmc chofe ; du moins je puis affurer que depuis 17 18,
il n'y a point eu de banc dans cette églife pour les fidelles.
Comme cette églife eft l'unique paroifie du Csp , elle ferait trop petite
fi la dévotion des paroiiTiens n'était pas un peu tiède. Il n'y a guère s que durant
la Semaine-Sainte , & aux fêtes très-folemnelles, qu'elle eft abfolument remplie.
Le fervice y eft célébré avec pompe ; il y a un fuiffc en habit bleu , qu'à
établi une délibération de la paroiiTe du 17 Février 1743. Chaque jour ouvrier-
on dit une mefîè , au point du jour , pour les ouvriers , & une autre à fept
heures; celle-ci a été fondée. Le dimanche, immédiatement après la raeffe
paroiffiale, les nègres fe réunififent dans l'églife, y font la prière & chantent
des cantiques ; quelques vieillards des deux fexes fe font les chefs de ces
exercices , à la fuite defquels fe dit une mefîe baffe , appelée la meffe des.
nègres
La fabrique eft alTez riche pour frayer aux dépenfes ordinaires , & lorfqu'il
y en ade confidérables, elles font faites d'après des contributions pardculières.
TCH
£?R ANC AISE DE SAINT-DOMINGUE. 341
L'égiire du Cap a reçu plufieurs bienfaits en dons & en legs. M, Gabriel
Barau, marchand rue Efpagnole, natif de Clérac , en Saintonge, qui avait
déjà mérité d'elle par des aftes généreux, le titre & les honneurs de mar-
guiilier, le i Janvier 1757, lui légua le 30 Majs 1758 : 1=". 6,000 livres
pour être diftribuées aux pauvres honteux -, 1^. 20,000 livres pour fonder à
perpétuité une mefle de requiem, les jours ouvriers à onze heures, & les fêtes
& dimanches après la meffe des nègres '; 3^. & le refre de fa fucceffion ,
valant plus de 100,000 livres, pour être employé en maifons , dont le produit
doit être diftribué annuellement aux pauvres honteux de la paroilTe.
Celle-ci a deux marguilliers dont un eft remplacé chaque année 5 ils font^
avec le curé , les Adminiflrateurs de la paroifîè. Les affemblées de paroiffiens
fe tiennent au milieu de la grande nef, en face de la chaire. Elles font ou
défertes ou tumultueufes , fuivant leur objet , Se l'on y a vu dans des no-<
minations , plus de fcrutins que de votans. Il y a 24 notables , ce font des
gerfonnes que les paroiffiens choififfent à la pluralité des voix , & parmi lefquelies
on prend enfuite les marguilliers, & les commiffaircs. que la paroiffe nomme
pour veiller à des objets qui peuvent l'intéreffer , comme des marchés^ &c,
La paroiffe du Cap eft: la feule de l'Ifle qui ait un greffier, gardien de Tes
archives, chargé du recouvrement des fommes dues à la fabrique j il a été
établi par une ordonnance du 22 Décembre- 1757, qui l'affimile aux mar-
guilliers , pour les droits honorifiques , qui font toute fa rétribution.
Les paroiffiens du Cap avaient imaginé , depuis un certain nombre d'années
un expédient plus utile que délicat , p3ur procurer des fonds à l'éo-Jife. Il
confiftai^ à nommer pour marguillier- des perfonnes que l'on favait craindre
cette nomination , & fur- tout celles que l'on connaiffait pour n'être pas de
la religion catholique romaine, & de qui l'on recevait ordinairement mille
écus, pour obtenir d'en être difpenfé. Cette conduite fimoniaque m'avait infpiré
trop d'indignation, pour ne m'en pas reffouvenir , lorfque le miniftre de la
marine me chargea en 1788 , d'une rédaélion appropriée aux Colonies, de
h loi fur les NonXatholiques , & l'article 10 eft fpéeialement deftiné à fauver
à l'avenir un pareil fcandale.
Il eft bien difficile de favoir au jufte ce qu'a coûté i'égîife du Cap. Sî
j'en crois le plus grand nombre des rapports, la dépcnfe a été à 1,200,000
livres I d'autres l'ont portée jufqu'à 1,800,000. Elle ofFre cependant, dansi
342 DESCRIPTION DE LA PARTIE
plus d'une partie , des preuves d'ignorance ; fa lente édification n'a pas tou.-
iours été accompagnée de la plus auuère probité.
Le 2 Novembre 1782 , à cinq heures du foir, les chevaliers de l'ordre
de -Saint-Jacques , en Efpagne , officiers dans les divers corps de troupes
efpacnoles, réunies alors au Cap fous le commandement de Don Bernard de
Galvez , y ont reçu un chevalier de l'ordre de Calatraya., en vertu d'ua'
pouoir exprès du roi d'Efpagne.
Le tour immédiat de 1 eglife n'eft point encore débarralTé depuis vingt ans ,
de quelques portions de conftruftions voifmes , qui y exiftaient lors de la
première églife , dont elles fe trouvaient afftz éloignées. Des deux portes
latérales , qui donnent dans les pedtes nefs , en face des rues Saint-François
& Ctiaftenoye , celle de l'Oueft feule peut fervir , quoique l'accès en foit mal-
propre & embarraffée. On avait auffi le projet de démolir le clocher , petite
tour de maçonnerie , de forme carrée & de 60 pieds de hauteur, conftruitc
en 1718 , lorfqu'on trouvait un paffage entr'elle & l'églife. Maintenant elle
y eft contigue Se fe trouvant alignée fur le portail, elle lui ôte une partie
de fa grâce. Le clocher renferme une horloge qui mefurc fort inégalement
le tems, & le bas eft le logement du fuiffe. On a auffi au Cap Tamour-propTc
des grofles cloches , mais ce goût It-rait ruineux , s'il était toujours fatisfaitj
car les nègres aiment , eux , à les caffer, en les fonnant avec violence , & en
les faifant fervir à des carillons afîburdilTans, Il y a long-teras qu'il en exifte
une fêlée , dont le fon fépulcral eft très-analogue aux enterremens qu'elle
annonce. Les nègres prétendent que dans fon finiftre accord avec une autre,
pDur qui elle fait la bafle , elles difent ; Bon blanc moiiri: m.zuvs rtts. U,i
Ion blanc eftmort : les mêchans refient.
Derrière l'églife paffe la roe des Religieufes. Lorfqu'cn y eft , on trouve
une petite ruelle d'environ 50 pieds de long, qui conduit exaftement à la
porte d'un petit caveau, pratiqué dans le derrière de l'églife, où l'on dépofe
les perfonnes qui ont cette fépulture à titre d'honneur , ou celles pour qui on
l'achète 3,000 livres. La précédente égliîe avait auffi un caveau , mais dans
l'enceinte de la facriftie , & les Jéfuites y avaient même fait enterrer le père
Laval , curé du Trou. On a fubftitué le caveau aduel à l'ufage fi funcfte ,
dans les pays chauds , d'enterrer dans les églifes. L'orgueil eft fatisfait & la
fiyit le corps eft transféré au cimetière de îa FoiTette. C'eft dans ce caveau
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 343
qu'on tranfporta avec les cérémonies funèbres , le 23 Août 1773 > ^^^ ofîè-
mensdes religieux Jéfuiccs enterrés dans la chapelle de leur tnaifon conventuelle ,
devenue la mailbn du gouvernement. J'ai vu dans ce caveau , en 1777, des
parties de cadavre parfaitement entières & defîechées. Elles fe trouvaient dans
un point à gauche de l'entrée , oh le fol eft fabloneux. Quelques dévotes
crièrent au miracle, & affurèrent que ces dépouilles périfîables, étaient celles
de ces anciens Jéfuites , ce que contredit leur tranfport de 1773.
C'eft auffi dans ce caveau , qu'on mit, le 9 Avril 1777 > l^s entrailles de M.
|c comte d'Ennery , gouverneur-général, & que fut enterré ,. le 8 Mars 17S0 ,
M. le comte d'Argout , fon fucceffeur , mort la veille.
En face de ce caveau & au Sud de la rue des Religleufes , commence la rue
Fermée. Elle méritait autrefois doublement ce nom , d'abord parce qu'elle n'a
jamais été percée jufqu'au bout de la ville , puifqu'elle fe termine à la rue du
.Hafard , oij elle va par une ligne dirigée au Sud-Sud-Oueft , qui s'écarte confé-
qucmment du parallélifme des autres rues ; cnfuite parce qu'elle était terminée à
fon bout Nord , par un ancien- cimetière qui avait 150 pieds de l'Eft à l'Oueft fur
60 du Nord au Sud,, depuis la rue des Religieufes jufqu'à la. rue du Cimetière
qui lui doit fon nom.
Ce cimetière laiffait à l'Eft, environ 60 pieds entre lui & la rue du Bac ou
Dauphine, & autant à l'Oueft entre lui & la rue d'Anjou. Dans une épidémie
qu'il y eut au Cap , vers le mois de Mars 1736 , ce cimetière étant trop petit &
fa fîtuadon faifant redouter la contagion, les Adminiftrateurs en fécond du Cap
firent former pour les matelots & les nègres , le cimetière de la Foffette qui , après
avoir été négligé très-long-tems , efl: enfin devenu celui de la paroifTe en 1761,
Le vieux cimetière eft deftiné à recevoir un très-beau prelbytère , depuis qu'une
ordonnance de MM. de R'eynaud & Le Braffeur du 23 Avril 178 1 , a fait ouvrir
la rue Fermée, jufqu'à la rue des Religieufes. On y conftruit une belle maifon
de maçonnerie , fur le côté Oueft de la rue Fermée. L'ordonnance des Admi-
niftrateurs, du 22 Septembre 1787, a homologué le marché de 95,000 livres
paffé entre la paroiffe & M. Renaud , entrepreneur , celui qui a terminé l'Églife,
La rue Fermée avait été clofe auffi dans fa partie Sud, mais par un juo-ement
des Adminiftrateurs du 12 Mars 1765 , fur la demande de M. Yvon, M. Ducaffe
fut obligé de faire ceiTer l'interception qui était fon ouvrage,
irS
11
)t
•l
J44 DESCRIPTION DE LA PARTIE
L'incendie qui fe manifefta dans h rue de Penthièvre , pendant la nuit du 20
au 21 Décembre 1734, ccnfuma la majeure partie de la féconde feftion & pref-
que tout ce qui exiftait alors de la première. Ses ravages & ceux dont il fut la caufc
parce qu'on abatit plufieurs maifons afin de fauver le refte de la ville, s'étendit
depuis h ravine jufqu'à la rue Chaftenoye , dans le fens du Nord au Sud & depuis
la rue du Palais & le côté Eft de la place-d'arfnes , jufqu'au bord de la mer,
c'eft-à-dire, jufqu'au côté Oueft de la rue Neuve ; ce qui comprenait 35 îlets. A
cette époque le Cap n'avait pas 20 maifons qui ne fuffent pas de palmifles.
Le 24 Janvier 1735 , une ordonnance de M. de Chaftenoye engagea à rebâtir
en maçonnerie , ou au moins en briques entre poteaux. Quant aux maifons qu'on
devait rebâdr en bois , il prefcrivit d'en faire rentrer la façade de dix-huit pouces,
de manière qu'on pût les réédifier en maçonnerie à une autre époque & trouver
l'épaifîeur du mur. Il y a encore quelques maifons de bois où l'on remarque cette-
rentrée de 18 pouces. Le 15 Juillet 1735, il y avait déjà 25 maifons reconf-
truites, & au mois de Septembre 1736, la valeur de 27 îlets rebâtis j Ton
ne voyait dans cette nouvelle ville , qu'une douzaine de maifoos qui ne fuflènt
pas de miaçonnerie ; S^ le Cap s'était augmenté du magaûn du roi construit vers
la mer.
Dans les rues qui coupent la féconde feélion de l'Eft à l'Ouefl , on compte
fucceffivement , après celle du Confeil qui eft la plus Septentrionale, les rues
Saint-Pierre &: Saint - Jean , (les deux noms de baptême de M. de Char-
rite ), la rue Saint- Laurent , patron de M. de Valernod , gouverneur de la
Colonie en 171 1; celles de Conflans , de la Fontaine & de Notre-Dame.
Celle de Chaftenoye qui les fuit & que l'églife ferme dans l'Oueft , allait,
autrefois , de la mer au morne du Cap. Je ne fais quel nom elle portait ori-
ginairement, mais lorfque M. de Chaftenoye gouverneur, vint fe loger dans
la maifon qui faifait le coin Sud-Oueft de cette rue avec le marché aux
Blancs & qui fe trouvait alors au bord de la mer , on l'appela rue Saint-
Étienne , à caufe du patron de M. de Chaftenoye. Puis le logement du gou-
verneur étant appelé le gouvernement , on dit la rue du Gouvernement , au lieu
de la rue Saint-Étienne , & la rue aftuelle du Gouvernem.ent, dont j'ai parlé au
com.mencement de cette féconde feclion , fut appelée la rue du Vieux Gouver-
nement. Lorfque les j éfuites bâdrent leur chapelle , dans leur enclos , le long
de h rue Saint-Etienne , on appela îa portion qui fe trouvait au Couchant de
l'églife ,
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FRANÇAISE DE S A I N T ^ D O M I N..G U E. 345
i'églife , la rue Saint-François-Xavier , patron de la chapelle des Jéfuites nom
qu'elle a confervé , tandis que la partie inférieure de la rue Saint-Étienne^ou du
Gouvernement a fini par fe nommer la rue Chaflenoye. Quant à la rue des
Rehgieufes , placée au Sud de celle Chaflenoye , j'en parle ailleurs & l'on vient
d apprendre l'origine du nom de la rue du Cimetière qui eft la plus Méridionale de
la leconde feftion*
TROISIEME Section.
Placé, au-d.flus de la féconde feftion, h troilième va, comme elle de la
Tav,„e a la rue du Cimetière d. Nord au S.d , & des r„es du^orne dc3 Capucins
dans ro ^r '^"T'^"'* '* ™ ''- ^l™™ft'^ & 4 la n,e Espagnole
dan 1 Oueft Comme la ravme rentre un peu dans le Sud, le long de cette
trouième fcdion , fa furface eft moindre que celle de la féconde
Cette rentrée de la ravine eft caufe que la rue du Confcil tro'uve fon extré
nute Occdemale fur cette feftion , dans la rue Royale. Sur le côté Oueft de"
cette dermere & en face de la rt,e du Confcil , eft une fontaine qui en porte
Je nom. Elle eft compofée d'un fimple portique dont les deux colonnes cané.s
6c Dortques ont un très-petit focle , fervant de piédeftal & ne débordent que de
quelqt,es pouces le mur auquel tout le travail eft adoffé. Au-deflus de l'entable
.uentqt^eftcontmu, eft un fronton triangulaire fans ornemens. Le portique"
eft creufe en n.che demi-circulaire; un robinet fournit l'eau. Cette fontai
eft a peme apperçue; on ne connaît guères d'elle que fon utilité, & l'on peut
.dire qu'elle fau le bien modeftement. ^
La prernière rue parallèle & fupérietrre à celle de. Capucins, eft h rue
Vaudreud. Le Cap devatt ce témoignage de reconnauTance â un comman la
«eneral qut a ete fort occupé de fon embell.flèment & qui en aimai le
iejour. Cette rue qu, traverfe maintenant tout le Cap du Nord au Sud . à part
de la ravme, avatt un autre nom dans fa partie exiftante avant r^lg Efc
■commençatt encore en ,73. à U rue de Bourbon & finiftàit à ceUe du Hafari
A la veme ,1 en ex.ftait environ .00 pieds, à compter de la ravine iutt
vers les deux ners du premier îlet au Sud de la rue du Confeil, Jjf^^
'z: ï ™' '""'"' '"^ ""' '"'^'™-p- • '-'^'^ - Nord';::
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v:
h
346 DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'extrémité du morne des Capucins, & enfuite par l'immenfe jardin potager de
M. de Charrite,qui s'étendait, du Nord - Oueft au Sud-Ell , jufqu'au point
où eft aujourd'hui l'angle Nord-Queft des rues de Bourbon h du morne des-
Capucins, fur la place-d'arraes,
La rue Royale qui eft au-deffus de la rue Vaudreuil , & qui' était alors la
rue Saint-Félix, était précifément dan^ le même cas , & ne parvenait même
qu'à la rue Sainte-Marie dans le Nord, parce que le jardin de M. de Charrite qui
fuivait la direcliion du côté Oueft du morne des Capucins , entre lequel & lui
était un paffage , avait 70 toiles de long ftjr 30 de large. Il allait obliquem.ent
depuis la rue Bourbon jufqu'à la rue Traverfine , dont une prononciation
corrompue a fait la rue Traver/ière , qui était fa borne au Nord , êc qui doit
fon défaut de parrallèlilme av6c les autres rues , à la nécefiué de ftiivre la
direclion de ce bout du jardin.
C'eft ce terrain , aujourd'hui fi précieux , que M^^- de Verdelin , veuve de
M. de Charrke , vendit, avec d'autres qui font entrés depuis dans l'enceinte âz
la ville, à M. Dujarriay en 1728 , & que celui-ci revendit enftùte par empla-
cemens, à commencer de 1732. Il y avait donc fept ilets de h troifième feftioH
qui n'exiftaient point quand cette, vente ^cuî Heu, mais en 1736 elle n'avait
de non-bâti que ce que le morne des Capucins en occupait encore. On peut
donc compter que ce n'a été que vers 1750 que tout cet efpace a eu des
maliens.
A l'angle Nord-Eft des rues Vaudreuil 8; Saint-Pierre , eft une grande Ss
belle maiTon à étage, qu'on connaît encore fous le nom d'ancienne comédie. Ua
peu avant 1740, quelques pexfonnes eurent l'idée de fe réunir pour jouer la
comédie. On fit difpofer en conféquence une maifon qui était à l'angle Sud-Eft
des rues Notre Dame & Royale , & là des afteurs plutôt tolérés^ qu'avoués par
Thalie , trouvaient du moins l'amufement s'ils n'y faifaient pas briller le talent..
Quelquefois dans leur zèle ik prétendaient auffi charmer Melpomène. On jouait
rarement, & quand on avait befoin de fonds pour le loyer , le luminaire, &;c ,
on donnait des repréfentanons extraordinaires , où les billets étaient payés 6 liv.-.
aux premières places. En 1743 les dépenfes avaient abforbé la recette, & le
théâtre chancelait ,.. lorfque foixante perfonnes firent un accord le 23 Février
1744 , pour le foutenir pendant deux ans.
Au moyeji.de cetarrangement, le fpeclacle devint gratuit & chaque-/oufcrlp-
'k
FRANÇAISE DE SAINT = DOMINGUE. 347
teur avait quatre billets par repréfentation , le fien compris. On difpofa alors
le parterre en amphithéâtre avec des bancs , de manière que tous les fpeclateurs
•étaient affis. Le fpeftacle fut mis fous la protecl:ion du gouverneur & de lordon-
nateur, auxquels on déféra le choix d'un tréforier & d'un direclieur parmi les
foufcripteurs.
Cette première foufcription fut renouve'ilée , & le fpeftacle vint dans la maifon
de la rue Vaudreuil (*) que je cite , où il a été jufqu'en 1764 qu'il a été mis dans le
local où il fe trouve maintenant , & dont je parle dans cette fedion.
Il femble qu'il foit de la deftinée de cette maifon de fervir à plaire aux
-habitans du Cap, en les inftruifant. Depuis la fin de 1788 , on a établi dans fou
premier étage un cabinet littéraire , au moyen d'une cotifation faite par 80
perfonnes , qui ont donné quarante-deux piaflres gourdes chacune. Ce local
très-élégamment meublé , renferme outre une bibliothèque utile & tous les
journaux intéreffans, trois pièces deftinées au jeu de billard , à celui du triftrac
& à des jeux de fociété , ( car on en a profcrit ceux de hafard ) , dont la
rétribution couvre les dépenfes d'entretien.
C'efl là qu'on peut trouver , dans plufieurs genres, un préfervatif afîuré contre
l'ennui, & qu'un étranger qui a un foufcripteur pour répondant, rencontre une
compagnie choifie & s'efforce d'ajouter lui - même aux agrémens de ce lieu
de réunion dont l'idée cil heureufe.
On reconnaît aifément dans le terrain de l'ancienne comédie , une partie du
morne des Capucins. Ce bout de la rue Vaudreuil & celui même de la rue
B-oyale , laiffent encore voir un roc vif feuilleté.
C'eft dans la rue Vaudreuil qu'on trouve la Société royale des Sciences &
Arts du Cap- Français , cet établifTement qui , encore à fon berceau , a déjà
jépondu aux efpérances qu'il avait fait concevoir.
Le 8 du mois de Juin 1784, un ofîicier de la marine , avantageufement connu
par fes talens dans ce métier difficile & par des obfervations nautiques ,
• vint au Cap, l'efprit enflammé par l'une de ces idées brillantes que l'imagination
embellit encore. Une époufe féduifante , partageant la même opinion , femblait
(*) M. de Bory , gouverneur-général , trouvant RouiTeau au café de la Régence à Paris , crut iûî
faire un compliment en lai difant: J'^. ^^u jouer ^otre De-vin du village au Cap-Français.-Tant
pu pour ^ous'Wi répondit le févère Jean- Jacques, qui n'avait fans doute pas mis aa rang des béatitudes
^îiéâtrales ,. celle d'être joué par des amateuxs.
V
F
J4& DESCRIPTION DE LA PARTIE
s'être affociée à l'apoflolat maritime de fon époux , 8c à leur voix le magnétirme
eut des feftateurs. On vit , dès le 26 du même mois , à la Providence des
hommes , un baquet qu'aiTiégèrent des obftrués , des goûteux, des afthmatiques.
Mais là auffi , le mefmérifme trouva des incrédules. Le premier qui douta fut un
médecin , auquel on femblait déjà reprocher fon inutilité & que l'on crut trop
encroûté des préjugés d'Hypocrate , pour être digne de la nouvelle théorie.
Devenu contradicteur , par le fait m.ême des mefmériens , il fe réunit à un
botanifte qui partagea fcs foupçons ; une troifième perfonne s'approcha d'eux , &
voiià des expériences anti-magnédques commencées. Soit que le climat fe prê-
tât moins aux illufions , foi: que la marche rapide des maladies qu'on y éprouve
fût plus propre à montrer l'infufhfance du moyen , les faits vinrent à l'appui de la
conrradiftion , le bacquet fut déferlé & il fallut rapporter le paralytique qu'on y
avait amené.
Les trois perfonne s que le défir d^arrêter les progrès d'une doftrine fuperilitieufe:
avait raffemblées , non-fadsfaites d'avoir combattu la chimère , voulurent une
gloire plus réelle. Ils fe rappellèrent qu'on avait parlé mille fois de l'utilité dont
pourrait être pour la Colonie une réunion de colons , ayant un véritable amour-
peur elle , & s'entretenant de ce qui pouvait être capable de hâter fes progrès 8c
de la porter à fon plus haut degré de fplendeur. Sans trop avoir calculé ,
la poflîbilité du plan , on en fit un , on appela, fix autres perfonnes , on s'éleftrifâ:
réciproquement , & dans ce petit. comité , l'on créa le Cercle des Pbiladelphes ,.
nom qui rappelle à des hommes confacrés au bonheur commun, que l'amouE
fraternel doit être leur premier fentiment.
Ce fut le 15 Août i7S4,queles fondateurs du Cercle arrêtèrent leur plan;
qu'ils foumirent aux chefs de la Colonie. Ceux-ci fentirent que des obfervations;
fur l'hifloire natarellc , fur l'agriculture 8c fur les objets qui intérefTent l'humanité
fouftrante au moral ou au phyfique , devaient être précieufes dans une Colonie
comme celle de Saint-Domingue i le Cercle fut donc avoué le 30 Septembre-
fuivant. Auffitôt parût un profpcftus où l'on fît fartout fcntir l'avantage indicible:
du travail de perfonnes qui s'occuperaient de matières coloniales dans les Colonies
mêmes ; on y appelait tous ceux que leurs talens ou leur zèle rendaient propres
à féconder un a^ifTi eftimable deffein. Quelques-uns de ces hommes qui croyent
que toutefl apathique ou égoïfle comme eux , regardèrent l'heureufe infpiration-
de cette Société comme un rêve ; mais d'autres êtres qui n'attendaient que ce.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 345
/jgnal , vinrent unir leurs vœux & leurs réfolutions à celles de Tes fondateurs. Les
ftatuts furent imprimés , & le n Mai 1785, une féance publique , en donnant
un fpcdacle nouveau pour Saint-Domingue , montra aux colons que l'entreprife
n'était pas vaine.
. M, Arthaud, préfident du Cercle, y expofa la fimplicité de fon origine , &
prenant une noble confiance dans ce qu'elle avait de pur & d'eftimable , il fit
concevoir que cette humble fource pourrait être un jour un fleuve majeftueux. Il
répondit à cette miférable maxime inventée par l'intérêt perfonnel & qui
fait croire à tant de colons que le goût de ce qui n'eft pas lucratif, ne peut être
folidement établi far ce fol brûlant. Parlant enfuite de ce qui lui eft le plus familier,
M. Arthaud fit voir combien la communication entre les hommes confacrés aux
différentes pardes de l'art de guérir eft importante , & il montra combien leur *
aflbciation au Cercle était commandée par l'humanité. Le public applaudit aux
efix>rts déjà faits & il encouragea , par cela même , tous ceux dont il doit être &
l'objet & le juge dans l'avenir ; les habitans du Cap , furtout , entendirent avec
plaifirdans la même féance , une defcription médico-topographique de leur ville
où M. Arthaud la confidère fous le point de vue des maladies qu'on y obferve.
Mais ce qui fut bien fenti & qui honora les premier? effais du Cercle , ce fut
l'éloge de Larnage & de Maillart , fait par M. Baudry Deflozières. En effet ,
il était bien glorieux pour cette Société , d'acquiter dès fes premiers inftans , une
dette de toute la Colonie & de donner ce bel exemple de k reconnaiffance
.publique.
Le Cercle voulant encore le donner des coopérateurs , par-tout où l'amour dft
bien eft capable d'exciter , publia un programme , le miême jour 1 1 Mai 178 4
offrit .des prix pour obtenir des mémoires fbr des objets intéreffans & annonça
.celui de 1650 livres dont la bienfaifance de M. François de Neufchateau, alors
procureur-général du Confeil du Cap , l'avait rendu dépofitaire , pour être
donné au meilleur ouvrage fur la manière de fabriquer un papier à l'abri des
îavages des infeftes qui , dans les Colonies , font difparaître rapidement & les
livres & les manufcrits. Le programme propofa, en outre , pour fujet d'un prix
l'éloge des fondateurs des deux maifons de Providence du Cap.
Ce qu'on ne pouvait affez louer , c'était le zèle infatigable des premiers
membres du Cercle , zèle qui exigeait d'eux des facrifices pécuniaires. lis
Firent un local pour des effais de culture de cochenille. Bientôt , les AdminUlri^
Ll
350 DESCRIPTION DE LA PARTIE
teurs oui fuccefiivement , & à l'envi , avalent montré une affection bienfaifantc
pour le Cercle, lui accordèrent la conceffion d'un terrain pour un jardin de
botanique j mais ce terrain , établi à grand frais , fut réclamé par un propriétaire
ignoré jufques-là, & dont k Cercle 'fut réduit à n'être que le fermier.
Enfin le 29 Décembre 1786 , le Miniftre écrivit aux Adminiftrateurs que le
roi accordait au Cercle une autorifation provifoire , & les termes feuls de cette
lettre font un éloge. La Société eft redevable de ce premier afte de la puiffance
publique qui confolida fon établifferaent , à M. de Vaivre , ancien intendant de
la Colonie & chargé de' l'intendance des Colonies , à Verfailles , qui partageant
l'intérêt qu'un des membres les plus attachés au Cercle , mettait à de preffantes
foUicitations , les fit accueillir du Miniftre avec une véritable bienfaifance. Ce
préfage heureux d'une proteftion encore plus utile à l'avenir , eut fon premier
accompUiïcment , lorfqu'au mois dAvril 1788, M. de Marbois , intendant,
décida que déformais le Cercle recevrait annuellement 3,000 livres, pour aider à
fes dépenfes qui , à la fin de 17 87 , s'élevaient déjà , en totalité , à 40,000 livres.
M. de la Luzerne qui avait paiTé du généralat de Saint-Domingue au miniilère
de la Marine & des Colonies , & qui avait été témoin oculaire du défir permanent
du Cercle , d'ê:re utile , approuva ce lage emploi d'une petite partie des fonds
publics.
Mais Tannée aéluelle ( 1789 ) , devait être à jamais mémorable pour le Cercle,
Il a obtenu , le 1 7 Mai , les lettres-patentes i]ui le confirment fous le titre de
Sodéié royale des Sciences iâ Arts du Cap-Françats. Jamais auflî circonftances
ne furent plus favorables M. Barré de Saint - Venant qui avait pré-
fidé le Cercle , fe trouvait à Paris , & à fes inftances s'unifiaient celles de deux
autres membres, M. du Pujet, inftituteur de M. le Dauphin , & l'auteur ; nous
avions à folliciter un Miniftre, convaincu de l'utilité de ce que nous lui recomman-
dions ; M. de Vaivre était un nouvel organe qui répétait la prière , les Adminif-
trateurs de la Colonie avaient appuyé le vœu du Cercle , le fuccès fut donc
complet. Au même inftant , l'Académie des Sciences de Paris a ajouté un fieuroa
à la couronne du Cercle , en arrêtant qu'elle enverrait à la Société un exemplaire
de fes Mémoires , des volumes des Savans étrangers & de la Connaiffance des
îems, & que chacun des quarante membres réfidans de la Société , venant à Pans
aura la liberté d'affifter aux féances particulières de l'Académie , pendant une
anaée. M- Barré de Saint-Venant eft celui à qui la Société eft redevable de cette
L<
~S^^
rRANÇAISE DE S A ÎN T - D O M I N G UE. 351
glorieufe marque d'eflimc. Quant à moi j'ai été afTez heureux pour faire adopter
au Mufée de Paris & à ceux de Bordeaux & de Touloufe & à la Société d'Ao-ri-
culture de Paris, une correfpondance avec la Société.
Elle eil compofée de douze honoraires & de quarante affociés réfidans ,
c'efl-à-dire 5 à portée de fe rendre aux afîèmbléesj ceux-là feuls dirio-ent les
travaux de la fociété. îl y a en outre un nombre illimité d'affociés 3 pris dans
rifle j ou dans les autres Colonies i d'aflTociés nationaux ou autres , choi-
fis dans le royaume & dans les pays étrangers, & enfin de correfpondans
régnicoles & non-régnicoles. Il suffit de jetter les yeux fur le tableau de la So-
ciété , imprimé chaque année dans l'aimanach du Cap,^ pour être convaincu que
des favans diftingués ont défiré de lui appartenir.
La Société des Sciences & Arts du Cap ar un Préfidcnt, un Vice-Préfi-
dent, un Secrétaire perpétuel, un Tréforier, un Bibliothécaire , un Garde"
du cabinet de phyfique & d'hlftoire naturelle & un Direéteur du jardin des
plantes. Le roi lui- a accordé , par fes lettres-patentes, une fomme annuelle
de 10,000 Hvres , pour fes de'penfes, dont ï,ooo^ livres font affeélées à un prix-
deftiné au meilleur mémoire , fur une queftion d'utilité publique > que la
Société aura indiquée. Elle s'aflembîe une fois par femaine. Elle eft exaéle à
donner fa féance publique obligatoire du 15 Août , jour de fon anniverfaire ,
& le public voit chaque année de nouvCAUx progrès. Li Société a Tur fes jettons
Se fur fon cachet , une ruche d'abeilles placée fur un tertre , furmontée d'un^
foleil rayonnant avec cette légende, Sub foie lahor , & pour exergue : iS'^Jf^/^/^
Royale des Sciences àf Arts du Cap Français 1784,
Parmi les ouvrages publiés par le Cercle jufqu'à préfent , on diftingue kg;
Recherches fur les Épizoodes de la Colonie , un mémoire fur k Tétanos , &
fe premier volume de fes Mémoires , oij il y a entr' autres chofes , des ob-
fervations précieufes fur les eaux minérales. Une réflexion bien fimpîe fe
préfente à l'efprit, lorfqu'on penfe a la formation prefque fortuite de cette Société,
c'efl: que fans elle, les ouvrages qu'elle amis au jour, & parmi lefquels j'oubliais
celui de M. Thierry de Menonville , fur la culture de la Cochenille, dont-
la Société a été l'éditeur , n'auraient vraifembîablement jamais exiflié ; c'eft que
fans elle des matériaux intérefl"ans & nombreux ne feraient pas réunis dans
un dépôt, oij i'udhté publique faura puifer, & que de coûteufts & pénibles^
expériences n'auraient point été- faites j c'cft que fans elle beaucoup de Golonsi
i^
li.
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-t
h
35a DESCRIPTION DE LA PARTIE
auraient à peiae foupçonné en eux des talens . que l'éraulation y excite &
que refpoir de feryir le bonheur commun encourage ; c'eft que fans elle on
ne verrait ni les commencemens d'une nombreufe bibliothèque, qui eft dû ,
furtout aux dons de MM. Arthaud & Baudry Deflozicres, aux legs de M.
le Gras & le Febvre Deshayes , & enfin aux acquifitions faites aux dépens des
membres , ni les commenreniens d'un cabinet où l'on remarque entre plufieurs
chofes curieufes, mais avec attendriflem.ent , la tête d'un ancien habitant de
l'Ifle , d'un de ces malheureux , dont la race exiflerait encore , fi les premiers
conquérans avaient eu le goût paifible de l'étude & l'ame des Philadelphesi
c'efi: que fans elle enfin , des hommes laborieux , découragés par leur ifoie-
ment , par l'infouciance qui les environnait autrefois , feraient morts prefquc
inutiles pour un pays que leurs recherches éclairent, que leurs travaux font
mieux connaître & que leur exemple apprend à aimer, comm.e une patrie
réelle. Heureufe affociation, puifîes-tu durer autant que le Nouveau Monde,
& ma faible plume fervir à conferver à tes courageux & généreux fondateurs ,
le tribut de reconnaiffance qui leur eft dû ! ( * )
A l'angle Sud-Oueft des rues Royale & Sainte-Marie j eft la malfon qui,
depuis que celle des Jéfuites n'eft plus la réfidence des miffionnaires , ferc
de logement au Préfet apoftolique de la miflion de la Partie du Nord, en
même-tems curé de la ville du Cap , & aux autres religieux par lefquels il
eft aidé dans la deflerte de la paroifîè. C'eft encore la maifon oij s'arrêtent
les religieux envoyés de France , jufqu'à ce que le Préfet leur donne des
cures ; & tous les curés qui viennent au Cap , fe rendent à la maifon de U
préfefture , comme la feule qu'il foit décent pour eux d'habiter.
Jufqu'en 1704, ft l'on en excepte cependant quelques momens de difette où
l'on prenait les religieux qui fe préfentaienc , comme en 1687 que les cures du
Haut & du Bas du Cap étaient confiées au foin de deux carmes , les cures de la
Partie du Nord ont été deffervies par les capucins de la province de Norman-
die , province que les premiers habitans français des Antilles devaient naturel-
lement préférer, puifqu'elle était la patrie du plus grand nom.bre d'entr'eux. Sur
%
(*) Ces fondateurs font, MM. Artliaud, médecin; Dabourg botanifte; Baudry Deflozières,
avocat; Aavray , habitant; Cofme d'Angerville, chirurgien du roi } Poulet, négociant; Peyré j
médecin; Roulin & Coure , chirurgiens,
4.
I w
T»>
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 353
feur refus de continuer à fournir des fujets , les Jéfuites ont eu cette miffion
dont ils ont été chargés par lettres-patentes du mois d'Oftobre de la même
année , jufqu'à l'expulfion de leur ordre de la Colonie. En 1764, on vit arriver
l'abbé de la Roque , en qualité de préfet apoftolique , & les cures furent
deflervies par quelques eccléfiaftiques & par des religieux de différens ordres ,
jufqu'au 9 Odobre 1768 , que le père Colomban , capucin préfet, arriva avec
plufieurs de fes confrères & prit poffeffion de la miffion du Nord.
En allant plus au Sud dans la rue Royale , après le logement des capucins
& à l'angle Nord-Eft de cette rue & de celle Notre Dame , eft l'imprimerie ,
logée dans cette maifon depuis 1779. L'un des premiers befoins qui fe faffe
fentir lorfqu'une fociété devient un peu confidérable , c'efb celui d'un
établilTement deftiné à faciliter la connaiflance de ce qui peut intéreffer chacun de
fes membres & qui afîure la confervation de certains aéles de l'autorité publique
en les multipliant; ce befoin , la Colonie françaife de Saint-Domingue l'avait
éprouvé dès le commencement du fiècle. Un pays d'une vaftc étendue ayant
deux Cours fouveraines & plufieurs tribunaux inférieurs , devait défirer une
imprimerie; le gouvernement en fut convaincu, Se le 10 Avril 1723, M
Jofeph Payen , ci-devant libraire à Metz , obtint des lettres-patentes qui le
nommèrent imprimeur & libraire du roi dans la Colonie , avec un privilège
exclufif, Payen débarqua au mois de Juin 1724 au Cap; M. de la Rochalard,
gouverneur-général , induit de fa nomination , en parut allarmé. On accufa
le libraire d'avoir vendu des livres obfcènes , & le gouverneur le fit cmprifonner
au Petit-Goave.
Malgré les frayeurs que lui infpiraient fans doute les mouvemens féditieux
dont la Colonie était à peine remife, & qu'il craignait de voir reproduire par une
imprimerie , il permit à Payen d'établir la fienne. Celui-ci préfenta fes lettres-
patentes au Confeil du Petit-Goave au mois de Décembre 1725, pour y être
reçu , comme elles le prefcrivaient. Mais M. de la Rochalard les lui jeta en
difant qu'elles ne pouvaient pas y être cnrégiftrées puifqu'elles ne lui avaient pas
été adreffées. Payen s'établit à Léogane & fit paraître , au commencement de
Î725 , un cahier contenant l'édit du mois de Mars 1685 , connu fous le nom de
Code Noir; celui du mois d'Août 1685 qui a établi le Confeil du Petit-Goave,
( devenu celui du Port-au-Prince ), & les quatre Sénéchauflëes du Petit-Goave
de Léogane, du Cap & du Port-dc-Paix; l'édic du mois d'Oclobre 17 16 fur
il
iu
Tome I,
Y 7
1
I
Ll
354 DESCRIPTION DE LA PARTIE
les nègres amenés en France, & il termina ce cahier par les lettres-patentes qui
Je nommaient imprimeur-libraire. Cette pièce , la première qui foit Ibrtie d'une
preffe françaife à Saint-Domingue , avait un titre où on lifait , au-defîbus de
de rindication des édits : Nouvelle édition , corrigée iâ augmentée d'addition , par
M. Gabet , ccnfeiller du roi -, & au bas de la page , Par ordre ^de Monjeigneiir le
Chevalier de la Kochalard. Celui-ci , toujours ombrageux , trouva mauvais &
l'impreflîon des lettres-patentes d'imprimeur £c celle d'une approbation qu'if
n'avait point donnée ; de là un fécond emprilonnement , au fortir duquel Payen
crut qu'il ferait plus fagemenr de repalTer en France que de lutter contre ce
defpote , qui voulut bien donner pour excufe au Miniftre , que le privilège
exclùfif de l'imprimeur pouvait caufer du trouble, & que plufieurs perfonnes
vivaient du métier de copiftes. Cependant un ouvrier de Payen imprima quelques
fatums pendant que celui-ci était en France. L'ouvrier mourut , & lorfque
Payen revint, ii trouva les matériaux de fon imprimerie entre les mains du
curateur aux fucceffions vacantes, de q\n il les reçut, fans que j'aie trouvé la
moindr-e trace de ce qu'il en a fait depuis.
Larnage & Maillart qui favaient bien comment on ôte aux hommes jufqu'à
l'idée de la révolte, follicitèrent , le 14 Mai 1742, deux imprimeries, l'une pour
Léogane , l'autre pour le Cap." Sans imprimerie , difaient-ils , les loix ne peuvent
„ être connues & les Adminiftrateurs ignorent eux-mêmes leur devoir. La
„ perception des impôts exige des états , des quittances , & la multiplicité dea
j, écritures eft longue , coûteufe & faudve ; enfin les plaideurs n'ont pas la
„ faculté d'éclairer leurs juges, & les Adminiftrateurs avec un grand nombre
„ de fecrétaires , font toujours furchargés de travail, parce qu'une foule de
,, pièces de pur ftyle ne peuvent être imprimées d'avance pour être remplies à
„ Foccafion „. Le Miniftre répondit, le 17 Septembre 1742, de choifir des
imprimeurs , auxquels il enverrait des brevets. On n^avait pas réfléchi à Verfaillea-
que les matériaux d'imprimerie ne pouvaient venir que de France -, le tems fe
paftà en explications, la guerre furvint en 1744, la mort de M. de Larnao-e
en 1746, & la Colonie n'eut pas d'imprimerie.
En 176 1, la chambre d'Agriculture du Cap, qui ignorair ce qui s'était
palïe avant fon exiftence , follicka vivement pour avoir une imprimerie au
Cap. Les Adminiftrateurs appuyèrent fon vœu, & le 31 Décembre 1762,
M. Antoine Marie , imprimeur à Nantes 3 obtint du roi le brevet d'iœpri-
I
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. .-j^i
meur-Iibraire, mais exclufif pour toute la Colonie, brevet qui le foumettaic
à là cenfure & à la furveillance de l'intendant, dans ces deux fondions.
M Marie , à qui le miniftre avait laiffé le choix du lieu de fa réfidencc »
arriva au Cap , au mois de Décembre 1763, & s'y fixa. La joie des Colons
de cette Partie fut très - vive , & à l'inftant même fut créée la première
gazette de Saint-Domingue , dont je renvoie les détails à un autre endroit.
MM. d'Eftaing & Magon jugeant à propos d'avoir une imprimerie au Port-
au-Prince, ils en donnèrent le privilège, au commencement de 1765, à M.
Duchefne. M. Marie s'en plaignit, & le 17 Mai 1765, il fut maintenu dans
fon privilège exclufif, par le miniftre , à condition d'avoir une imprimerie
au Port-au-Prince, comme au Cap. Voilà donc deux imprimeries dans h
Colonie.
Après la mort de M. Marie , fa fille eut fon intérim ; elle dirigea l'éta-
bliiTement du Cap , & MM. Thomin & le Blanc celui du Port-au-Prince,
jufqu'à l'arrivée de M. Guillot , pourvu le 28 Septembre 1768, comme fon
prédécefleur, d'un brevet exclufif, mais pour dix ans feulement. Lors du
défaftre du Port-au-Prince, arrivé le 3 Juin 1770, tous les uftenfiles de
l'imprimerie ayant été détruits, l'imprimeur eut ordre d'y faire pafTer ceux
du Cap , ce qui cK:cafionna pendant quelque tems une fufpenfion de travaux
typographiques dans cette dernière ville.
M. Bourdon fuccéda à M. Guillot, par un brevet du 14 Avril 1774, mais
non exclufif II eut auffi une imprimerie dans chacune des deux villes. Le
29 Mai 1775 , M. Dufour de Rians obtint un brevet avec le privilè.cre ex-
clufif, pour le reffort du Confeil du Cap , pendant huit ans , & l'on greva
la place d'une penfion de 3,000 livres, en faveur de M. Donnet , pour la
aon-jouiffance de M. Guillot , fon beau frère.
Une ordonnance provifoire des Adminiftrateurs , du 26 Juin 1783, pro-
rogea pour quinze ans le privilège de M. Dufour de Rians , d'apre's une
autorifation du miniftre , ce que confirma un bervet du roi du premier Juillet
fuivant. La penfion fut fupprimée , mais on lui en fubftitua une de la même
fomm.e , en faveur des D'^". Cafamajor, dont avait été chargée pendant long-
tems la place de fénéchal du Fort-Dauphin, comme fi le jufte dédommagement
des travaux d'un juge , par des honoraires éventuels , était conciliable avec
l'idée d'une penfion, pour les filles d'un médecin , entre lequel & la Colonie j
il n'a jamais exifté de rapport. Y y 2
DESCRIPTION DE LA PARTIE
En 1785, M. François de Neuf-Château, procureur- général du Conferl
du Cap j foUicitait le minifire , pour que le Cap eût deux imprimeries , en
appliquant les bériéfices de la féconde aux maifons de Providence. Les Ad-
miniftrateurs eurent ordre d'examiner ce plan , dont ils ne rendirent aucun
compte. On fe plaignait, & avec raifon , de la lenteur des travaux de celle de
M. Dufoiir qui, au moyen de fon privilège exclufif, n'avait point l'émulation
que produit la concurrence. On fe plaignait , & plus amèrement encore ,
que .les ouvrages d'imprimerie ne fuffent pas taxés , quoique le miniftre , qui
avait fenti que le privilège exclufif produirait le monopole , eût prefcrit , dès
le 19 Janvier 1763 à l'intendant , de foumettre l'imprimeur à un tarif.
J'avoue que perfonnellement frappé de l'abus en ce genre , je déterminai
le miniftre à adopter ce que les Admiiniftrateurs lui écrivaient le 27 Août
1786 , de prendre de la Chambre fyndicale de Paris des renfeignemens , qui
puffent fervir d'approximation dans la Colonie. On a d'ailleurs confuké fut le
lieu même, des perfonnes inftruites , mais étrangères aux imprimeries exilantes,
& d'autres que ces imprimeries intérefîaient ; avec ces matériaux & des états
donnés par les imprimeurs de la Guadeloupe & de la Martinique , on a inféré
dans le tarif du 10 Novembre 1787 , très - reprochable à plufieurs égards,
le chapitre des imprimeurs.
A cet hiftorique des imprimeurs de Saint-Domingue , je n'ai plus à ajou-
ter que l'établifTement d'une troif.ème imprimerie, qui eft la féconde du
Port-au-Prince, fait par les Adminiftrateurs au mois de Février 1788..
Elle appartient à M. Mozard , à qui je rends cette juftice , que ce qui en
fort eft exempt des fautes typographiques, dont fourmillent les deux autres,
comme j'ai eu, plus qu'aucun autre, occafion de le vérifier dans ce que j'ai
recueilli d'imprimés coloniaux depuis quatorze ans.
Mais je voudrais , pour que cet art rendît des fervices encore plus im-
portans , q^ae chaque imprimieur fût tenu de remettre à l'officier d'adminiftration
du lieu de fa réfidence , trois exemplaires de ce qu'il imprime à titre d'ouvrage ,
& qui feraient envoyés au m.iniftre de la m.arine ; un ferait mis au dé^ôt
des archives des Colonies , un autre à la bibliothèque du roi, & le troifième
confervé dans les bureaux des Colonies pour y recourir habituellement, ilvec
cette précaution que j'ai fait adopter pour les gazettes feulement, en 1786,
le miniftre ne ferait pas privé d'utiles reafeignemens, confignés principaîemem
if
il
^'n
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^57
dans les ouvrages périodiques, & l'on ne ferait pas expofé à regarder toujons
comme nouvelles , des demandes reproduites à plufieurs époques fucceffives
ainfi que le prouve, entre mille autres exemples, ce que j'ai rapporté fur
i imprimerie elle-même.
Au-deffus de la rue Royale eft celle Saint - Louis. Elle eft fer née à fon
bout Nord , près de la ravine , parce que dans c'e point le coté Nord de
la rue Traverfière, va s'unir au côté Oueft de la rue Saint-Louis. Elle eft
une de celle qui confervent le même nom dans toute leur longueur
La rue des Marmoufets qui lui eft parallèle , n'a ce nom que depuis la
ravine au Nord, jufqu'à la rue Sainte-Marie. Cette rue des Marmoufets n'a
que 24 pieds de large, au lieu que celle Efpagnole où elle ouvre, en a 48
Leur coté Eft n'eft même pas parfaitement aligné l'un fur l'autre , car le côté
de la rue Eipagnole avance de plus de 16 pieds dans l'Oueft, par rapporta
celle des Marmoufets, f ^t '>-
C'eft entre les rues Saint-Louis & Efpagnole, & celles de Notre-Dame
& Saint- François- Xavier, qu'eft l'îlet formant la place Montarcher qui
aconféquemment 120 pieds en carré. Mais avant de la décrire , il faut confi-
dérer l'état antérieur de cette partie de la ville.
En 1739, lesjéfuites avaient dans leur enclos l'îlet de la place Montarcher
celui qui eft au Nord , & où eft la comédie aftuelle , & en outre les deux
îlets qui correfpondent à ceux-là dans l'Eft. Cet enclos defccndaic donc juf-
qu'à la rue Royale, qui était alors la rue Saint-Félix. La rue Saint-Louis
qui s'appelait la rue du Cimetière , était interrompue par cet enclos , ainfi que
la rue Eipagnole qui, dans la Partie Nord de l'enclos, s'appelait la rue
Traverfe.
Les quatre îlets pris par les Jéfuites , avaient été concédés, favoir • les
deux plus à l'Oueft, le 8 Mars 1710, au fupérieur général des miffions'de la
con.pagnie ce Jéfus, pour fervir à y édifier la maifon principale deftinée aux
miffionnaires, & les deux inférieurement placés, le 10 du même mois à h
paroiiTe du Cap, qui les deftinait à devenir le presbytère des prêtres attachés
a fa defferte. Quoique les conceffions parlent des rues, elles n'étaient en
quelque forte qu'indiquées, & il eft bien certain que les deux îlets les plus
Occidentaux, fe trouvaient alors au-delà de toutes les maifons bâties dans
cette partie de la ville. On n'y conftruifit ni chef-lieu de miffion , ni oresby^ère ,
35S DESCRIPTION DE LA PARTIE
les Jéfuites j comme je l'ai dit, les englobèrent dans leur enceinte, au moyen
d'une haie vive. Le public réclama vainement, en 1713, Touverture des rues,
comme l'exigeaient expreflement les conceiïions , le crédit jéfuitique l'emporta
pendant vingt ans , & la paroiffe réclama aufTi infru6lueufemcnt pour ravoir
fon terrain.
Enfin le miniftre recommanda aux Adminiflrateurs de faire ; avec ces moines
orgueilleux , un arrangement qui mît fin aux réclamations. On en fit un en effet ,
mais qui marque bien leur caraftère & leur crédit. Dans cet acle , reçu par un
notaire le 3 Juillet 1746 , on ftipula entre la paroiffe & eux , qu'ils lui cédaient
deux îlets , concédés à la miffion , à condition qu'elle leur en donnerait deux à
perpétuité , dans le haut & à l'Oueft de leur terrain & qu'ils jouiraient des deux
donnés à la fabrique pour un prelbytère , tant qu'ils defferviraient la paroiffe j de
cette manière, on eut l'ufage des rues. Lors de l'expulfion des Jéfuites , la
paroiffe a prit les deux îlets dont ils s'étaient réfervés lajouiffance, & qui étaient
non pas précifément ceux donnés à la paroiffe , mais à la miffion , parce qu'ils
étaient les p!u3 voifins de leur enclos. La paroiffe a difpofé de tous les quatre
à fon profit.
La conceffion du 10 Mars 1710 , obligeait la paroiffe à payer ou à faire
tranfporter dans un autre lieu , deux magafins qui fe trouvaient fur le terrain
qu'on lui donnait. Ils étaient l'un & l'autre à l'extrémité de la ville , bornée
dans ce point, à la date de la conceffion, par ces magafins eux-m,êmes, l'un
appartenant à M. Bertaud , l'autre à M. Dupavier. Leur face était fur la rue du
Canal , aujourd'hui la rue Sainte -Marie , en face de M. Fildier & de M'^^- veuve
Broffart , c'eft l'îlet que renferment à préfent les rues Sainte-Marie , Saint-
Louis , Notre-Dame & Royale. Quant au fécond îlet, formant le Sud de
celui-là , il avait été le premier cimetière de la ville , & il était devenu vacant
depuis qu'on en avait ouvert un autre derrière l'églife & que j'ai déjà décrit. On
avait même toujours refufé d'y donner des conceffions Se ce ne fut que parce qu'il
s'agiffait d'un prelbytère que l'opinion qui fe trouvait bleffée , par l'idée de
l'occupation de ce terrain , fut appaifée. C'était à caufe de la fituation de ce
cimetière que la rue Saint-Louis portait le nom de rue du Cimetière.
C'eft donc en face & au-deffus de cet ancien cimetière, qu'eft la place Mon-
tarcher. On ne devine pas trop quel motif on a eu de former cette place. Si
c'était à caufe de la comédie , on devait donc acquérir l'emplacement de celle-ci,
I ■■<
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 355
ptMfque le propriétaire de cet emplacement peut lui donner une autre deftinatloa -
fi c'était feulement pour y mettre une fontaine , on aurait pu la placer à Tua de.='
angles du bas de l'enclos du gouvernement.
^ Cette place qui porte le nom de l'intendant fous l'adminiftration duquel eHe a
ete faite, eft fermée de traverfes comme la place-d'armes. Elle a quarr- tourni-:
quets à fes angles , un rang d'arbres fur les quatre faces & une fontaine au mvkn
qui a le même nom que la place.
La fontaine ( V. l'Atlas ) eft compofée d'un piédeftal en forme d'abaque fa^
lequel s'élèvent quatre colonnes Ioniques , liées entr'elies au tiers de leur fût p^r
r ^u'^". Zll' T'^'^^PP'- ^"'" ''"' ^''"^' ^°"^ ^^"•P^^" 1^^ ^^-^^ de France",
& celles de MM. le chevalier de Vallière & de Montarcher qui étaient Adminif-
rrateurs en .77^ , lorlque la place & la fontaine furent faites. On lit fur la
. face Nord & fur celle du Sud , cette infcription répétée ;
Anno Domini MDCCLXXII.
Régnante Lu dovico Decimo Quinto / optimè diledo ,
Lud. Floren. de Vallière & Joan. Fran. de Montarcher.
Fr^fedis Régis.
Cette fontaine a peu de grâce & une forte de prétention que la petitefle de h
place rend très fenfible.
MM. de Reynaud & Le Brafîeur avaient l'intention de faire conftruire fur
cette place, un palais de juftice, ce qui aurait laifle la maifon du gouvernement
aux Adminiftrateurs.
C'eft fur l'îlet qui borde la rue au Nord de la place Montarcher , qu'eft la falîs
de fpeftacle. Elle règne dans toute la longueur Nord & Sud de cet îlet & Z
fon grand côté fur la rue Efpagnole , avec laquelle elle finit à la rue Sainte-Marie
L'entrée eft vers la place Montarcher; c'eft celle d'une maifon ordinaire & il
faut favoir qu'elle conduit à un fpedacle pour le foupçonner , à moin* que ce ne
■ht à caufe des grands balcons extérieurs qu'on y a mis en 1784.
Le fpeftacle du Cap , le plus ancien de la Colonie , était encore dans la rue
Vaudreuil, en 1764, Jorfqu'il devint un théâtre public. Il s'ouvrit, en payant
le 13 Oélobre 1764 , par une repréfentation du Mifanthrope & des Trois Gafcons'
Peu après M. Chinon en prit la diredion & les Adminiftrateurs lui en accordèrent
ie privilège excluftf pour vingt ans, à condition qu'il coippterait un. fomme de "
ao>ooo livres au gouyernemcnt. M. Chinon loua alors la maifon où fe trouve
r'n
»■>
i:
3êo DESCRIPTION DE LA PARTIE
le rpeftacle en' ce moment. On y joua pour la première fois , le 20 Avril 1766.
Ta direction ruinait le diredleur & le rpeftacle allait dlfparaîcre, lorfque cinquante
colons , parmi lefquels on remarquait même des habitar.i dont la réfidence était
trop éloignée du Cap , pour qu'ils euffent d'autre motif que le défir de conferver
une récréation néceffalre à nne grande ville , fe réunirent & formèrent une afîb-
ciation dont les claufes furent rédigées par M. Grimperel , notaire , le 25 Mars
1771, Ils reçurent la renonciation de M. Chinon à fon privilège & s'affocièrent
pour les quatorze ans qu'ils devait durer encore , & on fit 50 actions de 3,000
livres chacune. Cette affociation a duréjufqu'au 9 Mars 1783 , que M. Fontaine
s'eiT: chargé du fpeftacle qu'il dirige encore aujourd'hui pour fon propre
compte (*).
La falle a 120 pieds de long fur 40 de large. Elle eft divifée en trois parties
égales i la première comprend le théâtre & l'orcheftre ; la féconde le parterre ;
la troifième l'amphithéâtre & fes dégagemens. On a tâché de rendre la falle ovale
(*) On ne fera peut être pas fàchs de troiiver ici le réfuhat des comptes des douze années gérées
par les •eétionnaires.
La recette totale du fpeaacle fut de .... 2,494,993 liv. , 4 foi. 10 ders^
La dépenfe totale de . . t . • • • 2,829,024 12
Déficit, ' . , . . . . . . • 334-.031 12 2
Surquoi déduifant le montant des dons faits par le gouverne-
ment, 162,300
Ce déficit n'eft plus "que de . . . • • • I7i'73i 12 2
Mais cette perte qui donne poui celle de chacune des 50 aftions 3,434 liv. 12 fol. 2 ders. 13/25
n'était pas abfolae pour tous les aaionnaires , car ceux qui, à ce titre, étaient entrés gratuitement
au fpeftacle pendant douze ans , avaient réellement gagné , puifque chaque ahonnement annuel
pour un homme eft de 360 liv.
Il reftait encore aux actionnaires le fond du magafin du fpeftacle , qui fut abandonné à M,
Fontaine pour qu'il fe chargeât de l'entreprife.
En prenant un terme moyen , on voit que le fpeaacle donnait alors , par an , 207,916 1. 2 f. d.
Et qu'il dépenfait . • ■ ■ • 235'7S2 i S-
Tobferverai encore fur ces comptes, que j'ai bien conuns étant devenu aftionnaire , que la
recette des cinq dernières années a été iniiniment plus confidérable que dans les fept autres , à
caufe des efcadres & des troupes nombreufes françaifes & efpagnoles qui fe trouvèrent au Cap i
diiFérentes époques , & l'on ne hafarderait rien de dire que], fans ces circonflances , particulières le
déficit aurait plus que doublé.
fur
Il ^-u.
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M I N G-U E. 361
fur fes derrières , en les arrondiflant par des cloifons , mais dans l'intérieur elle
n'eft qu'un carré long. Au moyen d'une avant-fcène , î'aifleur fe trouve plus près
des auditeurs & fa voix ne fe perd pas dans les coulifTes. Au mois d'Avrit
1784, on a ajouté un troifième rang de loges aux deux formées en 1766. Il y a
vingt loges au premier rang Se vingt & une aux autres , à caufe de celle qui
répond à l'entrée de l'amphithéâtre. Ces loges contiennent, à l'aife;, nx perfonnes »
trois fur le devant & trois fur le derrière , mais on en entaffe huit.
Les deux premières loges du premier rang vers le théâtre , n'en forment
qu'une de chaque côté ; celle de la droite eft pour le gouverneur-général , ceux
qu'il y invite , ou les officiers de la garnifon ; celle de la gauche appartient à
l'intendant , & les officiers d'adminifcration s'y placent, Un factionnaire .o;arde
l'une y & quelquefois un hoqueton de l'intendance l'autre.
En avant de ces deux loges honorifiques , font deux balcons qui fc trouvent
fur l'avant-fcène & qui ont fix places fur le devant. Après ces balcons , fe
trouve une demi-loge de chaque côté -, elles font fuivies des couliffes.
Des 10 loges qui font le plus au fond du troifième rang, fept reçoivent
les mulâtrcfTes Se trois les négreffes. Il y a le long du parterre trois loges
grillées de chaque côté. En arrière de l'orcheftre , on a pris fur le parterre de
quoi former un banc de toute la largeur; c'eft là que fe met l'état-major de
la place &; des corps militaires. Le fpeélacîe peut contenir 1,500 perfonnes. La
falle qui était peinte en mofaïque jaune de Naples fur un fond bleu de roi
9. été mis en 1784 en blanc cendré avec des panaux Se des filets bleus , & l'on
a ôté de deux en deux loges les piliers de bois Se de forme carrée qui menaient
U vue.
Peux fatyres gigantefques en bufte , placés à l'avant-fcène , fcmblent foutenir
î'édifice. Au frontifpice font les armes de France. Le rideau peint en bleu a
quatre génies , dont deux font les i)'mboIes de la tragédie & de la comédie ,
h les deux autres planant dans les airs, fouticnnent la légende avec ces mots
«n lettres d'or : castigat ridendo mores. La faJle efl éclairée par les lam<
pions du théâtre , mais comme le fbnd était dans l'obfcurité , on a placé , entre
chaque rang, des bras portant des bougies , donc la nuince blanchâtre delà
falle augmente l'efïet. Les deux loges des Adminiftrateurs ont fur le devant un
tapis peint avec des attributs militaires ou de marine.
pn entrant dans le fpcaacle , où l'on arrive par quatre marches , on a devant
: I
' .^ I
^
■S^!
362 DESCRIPTION DE LA PARTIE
foi un intervalle au fond duquel eft le corps-de-garde , c'eft le deflbus de
l'amphithéâtre. Des deux côtés eft un efcalier qui mène aux loges. A côté
de celui de la gauche , eft un paftage qui conduit au parterre , & en face de ce
paftage un efcalier féparé , par lequel les gens de couleur fe rendent à leurs
loges.
Jufqu'au 15 du mois d'Août 1775, on n'avait donné de fpeftacle que le
dimanche & le jeudi , mais depuis lors on y a ajouté le rriardi. Quand il y a des
pièces au bénéuce des acteurs , c'eft d'ordinaire le famedi. On joue les trois
jours gras. Il n'y a d'autre vacance que celle de la quinzaine de Pâques.
Les places des premières loges coûtent deux gourdes , celles des fécondes
une gourde &: demie , celles des troifièmes &c du parterre une gourde. L'abon-
nement d'un homarie pour l'année eft de 360 liv. ; celui d'une femme 240 liv. ;
du mari & de fa femme , 550. Un abonnement par mois depuis la rentrée de
Pâques jufqu'au mois de Décembre vaut 45 liv. , & du premier Janvier à la
fin du carnaval , 66. Si l'on ne veut s'abonner qu'aux fix derniers mois théâ-
trals , c'eft 200 liv. pour un homme & 150 pour une femme. Quant aux troupes ,
■ch^aque bataillon paye 600 liv. par mois. Il n'y a d'entrée gratuite que celle de l'é-
tat-major , des fergens majors des régimens , des officiers de police & des ouvriers
de l'imprimerie qu'emiploye la comédie.
Il y a auffi des loges louées à l'année aux premières & aux fécondes. Pour
cela , il faut que quatre dames fe réuniffent & la demandent fi c'eft aux pre-
mières loges, &c ces quatre dames donnent chacune 100 liv. outre leur abonne-
ment annuel. Trois dames fuffifent pour en avoir une aux fécondes, & elles:
donnent 100. liv. chacune. Ces loges reftent ferm.ées & ne peuvent être données
qu'à celles qui les ont louées, excepté au m.oment oia le rideau eft levé. Les
locataires ont la préférence pour leurs loges les jours d'abonnement fiifoendu,
jufqu'à deux heures de l'après-midi. Les loges grillées & les loges appelées
baignoires , qui aux fécondes & aux troifièmes- répondent aux balcons des
premières , font louées auffi à l'année d'après des conventions particulières avec
•le direfleur.
Parmi les loges louées à l'année , eft le balcon du côté droit , qui était
toujours occupé par les memibres du Confeil du Cap , lorfque cette >our j
exiftaitj & dont ils prétendaient jouir très - exckfivement ; on la nommait
même loge du Con,^eil. L'origine de Tufage particulier de cette loge , venait
m^m
-. J
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 36;^
de ce que M.. Fournier de la Chapelle , procureur-général, fe tenait dans une
joge voifine du théâtre où des amateurs chantaient Se jouaient gratuitement»
De là le procureur-général fe mêlait aux chœurs, que fa forte vois foutenait.
Par un fentiment qui prenait fa fource dans l'eilime & la reconnaiffance qu'il
infpirait , il conferva cette loge lorfque le Tpeftacle devint public 5 des confeillers
s'y placèrent fucceffivement jufqu'à ce qu'on ait imaginé de changer en titre
une limple tolérance.
La police du fpedacle appartient à l'état - major ; c'ell ce qu'une ordonnance
du roi , du 1 1 Mars 1785 , a encore confirmé. Il y a 15 grenadiers ou chaffeurs
avec un ofRcii^r , de garde. Cette garde eft payée quatre gourdes par repréfen-
tation. Si l'on prend des figurans , & ce font encore les régimens qui les
fourniffent, on les paye 4liv. 10 loi. par homme.
La comédie du Cap a ordinairement ao aéleurs , 8 femmes & douze hommes»
Il y en a un ou deux ( & le plus communément ce font des femmes ) , qui font
payés 12,000 liv. , les autres ont depuis trois jufqu'à 8,000 liv, d'appointemens.
Le fpeétacle cft très - couru , malgré l'extrême chaleur qu'on y reffent ;, & qui
eft produite , d'abord par le climat , & encore parce que la falle eft entourée de
bâtimens qui la couvrent , excepté dans l'Oueft qui n'eft pas le côté de la brifè.
Dans les repréfentations oîj il y a affluence , les étroits corridors qui tournent
-autour des loges , font pleins & on affiègent les portes de celles-ci. On pourrait
bien laifTer ouvertes les croifées qui donnent dans ces corridors , mais le vent j
s'il en fait, peut enrhumer j il éteint ou fait vaciller les lumières ,& empêche
d'entendre l'acteur. On a cependant compté jufqu'à cent trente Dames, un jour
de carnaval, dans cette falle.
Ainfi que dans les villes de province , la tragédie Se la comédie ont au Cap
un temple Se des difciples communs , & il n'eft que trop ordinaire
de voir Melpomène prendre le ton de la mufe comâque. Ce qui eft plus
Tmgulier, c'eft l'empreiTement, j'ai prefque dit la fureur des créois , pour aller
voir ces tragédies , dont le caraclère grotefque rebute les perfonnes de goût.
Une chofe qui ne choque pas m.oins celles-ci, c'eft la violation du coftume,
l'une des plus féduifantes illufions du théâtre. On déplore encore l'affectation
que certains afteurs mettent à gliffer dans leurs rôles des lazzis qui offenfenÊ
même la décence 5 mais les bruyans applaudiffemens du parterre leur femblenÊ
•préférajaks à la délicatefle qui profcrit ces reflburces de la médiocrité,
Z z 2
f'ii^j
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364 DESCRIPTION DE LA PARTIE
On a cependant vu, à ce théâtre, des afteurs auxquels il n'a manqué que des
mojèles & de l'éinula^ion pour être remarqués par leurs talens. On fe rappelé
encore de la voix rr.élodieufe , des grâces & de la vérité de M=- Mentel , dans
les rôles d'amoureufes ^ du ton vrai & naturel de DubuiGbn', dans les pères
nobles -, du jeu ccmique , de l'étonnante méaioire & de la pureté de langage
de Dubourg ; en eft frappé du port majeflueux & de l'entente de M™^- Marfan
qui charme dans la belle Arfenne, attache dans la Gouvernante & féduir dnns
j^/Irae- ^e Clainville -, on applaudit avec tranfport au gofier flexible , aux gazouille-
mens de M^''- Cierville.
Mais jamais , peut-être, ce théâtre , ni aucun autre de la Colonie, ne pof-
fédera un talent aufli marqué que celui de Chevalier, que la mort a enlevé
au public en 1780. Jamais la nature ne fut plus prodigue des qualités qu'exige
la fcène comique. E'ie lui avait donné le mafque , l'affurance , l'intelligence >.
ce je ne fais quoi qui fait que i'afteur difparaic, pour n'offrir que le per-
fonna'3^e qu'il repréfente. Il était excellent dans le rôle du médecin T'wé' , de
l-'opéra: On ne s' cvi/e jamais de tout -, dans celui du cocher la Briffe , du Ma-
réchal ferrant : de Guiliot , des Chaffeurs & la Laitière j mais fan triomphé
c'était le rôle de Figaro , du Barbier de Séville. Ce n'était pas un rôle qu'il
eut appris, c'était lui que Beaumarchais avait étudié ;& j'ofe prononcer har-
diment que Prévillc eut voulu le jouer comme lui. I! avait d'ailleurs ks mcears
très-comédiennes; un ai m.able enjouement , de nombreux créanciers , lesgoûts^
d'un homme riche, celui des femmes, pourvu que ce ne fut pas la fien ne ^
&une p?reffe qui avait quelque chofe d'original.
Lorfque le fpecîacle était aux actionnaires , les directeurs le firent venir
un jour pour lui reprocher de ne pas étudier fes rôles & d'avoir très- fouvent
befoin du fouffleur. Eh l Mejjïeurs , vous ne feriez pas e'n état de me fayer , fi
-?? [ai)ais mes rôles. Chevalier mourut lorfqu'on ne le croyait qu'incom.modé
Ferme le rideau ^ dit-il, à une mulâtreffe pour laquelle fon penchant n'était
pas l'ouvrage de la beauté, la farce eji jouée ^ il expira en achevant ce cos-
mique adieu.
Le fpeftacle attire encore, parce qu'il efb un rendez-vous, où l'on va parler
d'affaires ; auffi les corridors y font-ils bruyans. L'amphithéâtre l'efl prefque
autant , mais par un autre motif Afile des jeunes gens de la ville & de la
garnifon, à caufe des filles dé couleur, dont les loges font au-deflus, is
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. :i6s
tônverfation cft quelquefois établie de bas en haut & de haut en bas , &
clk eft d'un genre qui pourrait ofFenfer des oreilles , même difficiles à bleÏÏcr.
.A chaque cntr'aftc il y a grande rumeur, & elle augmente entre les deux pièces,
parce que les filles de couleur en profitent pour aller dans les rues adjacentes,
ou dans la promenade du gouvernement , prendre l'air j c'ell du moins le pîé:exte
qu'on avoue.
Ccn'eft que depuis le mois de Juin 1775, que les négrefiês libres ont
obtenu l'entrée du fpeftacle , où l'on avait admis, depuis 1766, !f s nuances
fupérieures des deux fexes , au fond du paffage de l'amphithéâtre. Elles me
choifîrent pour rédiger leur demande , & je ne dis qu'un mot j ce fut pour
demander , qu'elles fujeni aller s'ajfeoir auprès de leurs fdles. Mais ces filles
menacèrent de leur céder toute la place, fi cette eonfufion avait lieu, & il
fallut les mettre d:ins des loges féparées. Ainfi , quand une négrefî^e & fa
fille mulâtrefîe viennent à la comédie , elles fe féparent j l'ébène eft pour la
gauche , le cuivre pour la droite.
On aura peine à croire qu'il n'y a pas fix ans que les femmes fe font af-
franchies de l'étiquette gênante d'aller , avec une grande toilette , à la comédie.
L'élégant defhabillé embellit donc nos féduifantes créoles, & le luxe, devenu
plus commode , n'a rien perdu de fon empire. Elles vont au fpedacle faire
parade de leurs attraits & de leurs adorateurs ; elles s'y épient , & la médi-
fance y prend quelquefois de l'alimcnr. Il efl même des obfervations qu'on
peut faire à l'entrée. On y remarque , par exemple , que prefque toutes les
femmes font mifes avec la même élégance , ce qui apprend que dans la Colonie
ce fexe charmant n'eft diftingué qu'en deux clafTcs, les jolies & celles qui ne
le font pas. Comme chaque femme y va toujours avec un cavalier ( autre que le
mari, qui en eft- difpenfé par l'ufage ) , des yeux, peut-être prévenus, croient
avoir remarqué que le hafard permet bien fouvent que ce foient les deux mêmes
perfonnes. Qu'on fe garde cependant d'adopter comme d'infaillibles jugemens ,
les farcafmes malins qu'on lâche d'ordinaire au paiïage des belles, mais'^on doit
croire fans héfiter, que celles qu'ils épargnent, font par cela même bien dignes
de la plus avantageufe opinion. ,
Le théâtre du Cap a auffi fcs anecdotes. J'en dois dire une qui fera juger qu'il
ne s'y trouve pas toujours des fpedateurs famiharifés avec la littérature comique.
Le 13 Janvier 1781 , on ^ovinmXt Mauvais ménage-, on interrompit la pièce
h
3^6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
pour demander l'auteur : Dubourg , qui jouait un rôle , vint dire que la pièce
ecait de Dominique en fociété avec Legrand. ^ue V auteur paraiffe , s'écria-t-on
encore : c^eft, dit Dubourg , le célèbre Dominique , mort depuis près de cinquante
ans. On applaudit beaucoup, en bafouant les chronologifles. Comme cette pièce
enriuyait, dans un moment où yi^'- Dubuiff^n était feule fur la _fcène , une voix
cria , Jhiiljez. Je le veux bien , dit l'aftrice , elle fit me profonde révéreace,
& la toile fut baifiee.
~ Ce théâtre s'honore d'avoir reçu, entr'autres perfonnes dignes d'être citées :
i". En 1776 , Don Jofeph Solano , alors préfident de la Partie Efpagnoie , qui
y a reparu en lySalorfqu'il commandait l'armée navale d'Efpagne au Cap; 2^. Le
vainqueur de la Grenade, le 31 Juillet 1779, lui qui y était venu fi fouvent 15
ans auparavant durant fon généralat ; 3°. Don Bernard de Galvez, commandant
général des armées combinées de France & d'Efpagne en 1782; 4^. Et enfin, le
prince Guillaume-Henri , fils du roi d'Angleterre , le 5 Avril 1783.
Un acteur de ce fpeclacle , & qui eft le doyen de tous ceux de la Colonie , eft
en poiTeffion depuis trente ans , de faire les complimens dans ces cas extraordinai-
res , & dans tous les autres. Clôture ; rentrée , pièces à bénéfices , tout eil
de fon dom.aine , & fon inépuifable verve conferve toujours un caradère d'origi-
nalité , que ne féconde pas mal une petite ftature & une groffeur peu commune.
C'eft à fa mufe féconde qu'on doit l'heureux à propos de la chanfon: ^atid Biron
voidut danjer , à d'Eftaing vint s'adrejer , chantée en préfence de ce Vice-amiral,
Voici le compliment qu'il débita une fois , en annonçant une pièce à fon
bénéfice :
Hier au foir , Meffieurs , tout prêt à me coucher ,
Par conféquent, ma porte étant fermée ,
Oh frappe. — Eh bien ! qui frappe f Et que vient-on chercher ?
Ouvrez ; répond quelqu'un d'une voix enrouée.
J'ouvre & je vois une vieille enfumée.
Béquille en main , haute de quatre pieds ,
Le dos voûté , méchans atours , & telle
Qu'on nous dipeint , la fée Urgèle j
Digne d'être , en un mot , la reine des forciers.
Surpris en cette circonftance ,
Je'' lui dis , d'un air agité ,
Eh' ! Qui donc , êtes-vous ? — Moi ? Je fuis l'Efpérance.
Eh quoi ! cette divinité
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 367
A tous les malheureux propice ,
Et qui leur rend tant de fervice
En ne s'ofFrant qu'en beau , les mains pleines de bien ?
Non , e'eft ma fœur aînée & je fuis fa cadette ,
L'Efpérance des comédiens. —
Ah ! je le vois fur l'étiquette.
Pour moi , votre vifite eft un coup de poignard.
Que voulez-vous ? — Comme il eft tard ,
Je viens vous demander rétraite ;
A votre tour , vous me devez cela :
Ce doit être pour vous , une grande allégreiTe ,
Que de loger votre DéefTe. —
Déeffe , tant qu'il vous plaira ,
Je ne puis vous loger , la veille de ma pièce j
C'eft m'impofer une trop dure loi ;
Je ne fuis pas en affez bonnes chances ,
Pour retirer encor chez moi ,
La plus pauvre des Efpérances.
Vaines raifons ; j'eus beau la fupplier ,
D'aller ailleurs s'initier ;
Dans mon manoir , elle a pris fon étape
Et la cruelle en rit fous cape.
Mais je ferai fi bien , qu'elle délogera ;
Voici , MeŒeurs , le plan de mon affaire :
Ici mardi , fe trouvera
Ma fatale penfionnaire :
Venez en foule alors ; dès qu'elle fe verra
Vis-à-vis d'un nombreux parterre,
Amphitiiéâtre & cœtera , '
La honte s'en emparera ,
Car on aime toujours à cacher fa misère j
Et pour jamais , elle difparaî'.ra.
On doit encore à M. Clément , quelques petites pièces à qui les circonflances •
& les fingularités ont donné le fuccès du moment ^ le feul qu'il eût en vue. If
en a fait une qui eft une pièce à caractère , mais qui ne peut "produire d'effet que
dans la Colonie, parce qu'elle repréfente les localités ; c'eft le Lundi du Cap ,
ou les Recouvremens. Comme c'eft le jour de la femaine où capitaines de navire^'
marchands, négocians , tout le monde paye & envoyé recevoir, il a imaginé
jls mettre cette fcène hebdomadaire furie théâtre. Un capitaine provençal eft le
li
h
36S DirSCRiPTION DE LA PARTIE
principal perfonnage de la pièce ; Ton adreffe à faire pafler chez un confrère de
Bordeaux , des barriques de vin , à q\ii celui-ci donne des lettres de naturalité
d'un crû gafcon ; fes vues fur une jeune ma-rchande de modes qui en fait fa dupe ;
le patois & les tours origlnauK du langage des anciens troubadours , tout fait
de ce canevas une gaieté locale qui ne manque pas de fel comique.
Quelquefois des auteurs ont fait effayer des pièces fur ce théâtre -, comme elles ne
font pas nombreufes , l'aréopage comique ne fait pas foupirer long-tems le génie ^
la troupe s'affemble, fi la pièce a la pluralité des fufîrages , l'auteur la fait cen-
furer par le juge de police & elle ell jouée. Un auteur qui a fait applaudir depuis
la tra=-édie de Mirza, fur le théâtre français, à Paris, n'a pas pu fauver de
répreuve coloniale un drame qui échoua k 21 Mars 1778. Il cria à la cabale ^
fie une fable pour fe venger des fàffiets & manifefla, en un mot, tous les effets de
la prévention d'auteur.
Il eft fâcheux d'avoir à citer aufli des traits qui prouvent que Ton a trouvé
Quelquefois de la jouiffance à marquer de l'autorité jufques dans ce lieu confacré
au pldiQr. Le parterre ayant crié bï^^ le 28 Octobre 1781 , à la tirade de Gros-
René contre le sexe , dans le Dépit Amoureux de Molière , le lieutenant de
roi défendit à l'afteur d'accéder à cette demande. Une autre fois , au mois de
Juin 17S4, on avait jette fur le théâtre, des couplets flatteurs pour une adrice
que le public affeftionnait & il mit la même violence à en empêcher la lecture.
Le 6 Février 1785 , ( Dimanche gras ) le direfteur annonçant un bal de nuit
dans la falle de 'la com.édie pour le lendemiain , quelqu'un demanda une redoute
au lieu d'un bal. Le parterre s'éleva , par fes cris , contre ce changement -, le
lendemain il y eut redoute. A la comédie fulvante , on exigea des excufes du
direfteur. Il en fit ; une aélrice les lui ayant reprochées , l'on voulait qu'elle en fil
à fon tour. Des militaires prirent fon parti, des duels hardis fuccédèrent. On
crut qu'en emprifonnant quelques jeunes gens, le calme renaîtrait i mais ce part^
alluma encore plus la querelle. Le gouverneur-général fit embarquer pour France
un de ces jeunes gens qui ne fe trouva plus à bqrd j, quand le vaiffeau mit à
la voile.
Ces démêlés échauffèrent les efprits , & le 26 Mai fuivant , un grenadier du
réziment du Cap , quiétaii de fervice , ayant voulu faire taire un jeune homme,
il y eut entr'cux une vive dlfpute. On veut faire fortir le bourgeois , un fécond
s'y cppofe i le lici;tenant de foi veut qu'ils fortent l'un & l'autre j fait prendre le
prermicr
%
F R A N Ç A I s E [D E S A î N T - D O M ï N G U E. 36^
premier par quatre foidats & le fécond par trois. Le jour était mal-choifi , c'était
la Fête-Dieu oij tout le monde prend les armes le matin , où des déjeuners
copieux montent encore les têtes que le bruit des tambours & des canons a agitées.
Il ne reftait plus que huit hommes de garde ; on s'ameute contre eux , on
défarme les trois qui menaient l'un des jeunes gens & on le délivre. La fermen-
tation devient générale. On donne une requête au gouverneur, pour que la police
du Tpetlacle foit ôtée aux troupes ; on veut que le direfteur rende les abonnemensj
les jeunes gens arrêtés font pourfuivis comme perturbateurs , par le procureur du
roi ; on lance des décrets que le Confeil annulle fur leur appel. A leur tour , ils
attaquent en juftice le fils du lieutenant du roi qui faifait les fonélions d'aide-
major de place ; enfin l'on arrête que perfonnc'n'ira au fpcélacle. Cette réfolution
cefîa le 16 Juillet, parce que le général par intérim venait de faire des change-
mens à la configne de la comédie , auffitôt après le départ du titulaire pour la
Fraace ; & encore les femmes ne confcntirent-elks à y retourner que quinze
jours après.
On devait imaginer que tout était terminé à cet égard; mais on crut que
Tautorité devait tirer une éclatante vengeance de la témérité de ceu^r qui
avaient penfe qu'un aide-major de place était attaquable dans les tribunaux. M, '
de Bcllecombe , en arrivant à Verfailles , fit de cette circonftance un délit monf-
trueux, & par un ordre miniftériel du lo Décembre 1785, timbré arrêt du
Conjeil d'État , le procureur qui avait figné la plainte Se le Sénéchal qui le lui
avait enjoint , furent interdits , le premier jufqu'à nouvel ordre, le fécond pour
un an. On les a relevés l'un & l'autre au mois de Novembre 1786 , & le regret
tardif de cet aéle artibitraire , a fait accorder une gratification au juge. L'hiftoire
révêlera le refte.
Quelquefois la falle du fpeflacle a fervi à des amateurs , à des afteurs forains,
à'des danfeurs de corde. On y a vu Ribier, aéleur des Variétés , donnant des
pièces de théâtre que leur gaieté faifait rechercher. Le direéleur exige dans ces
cas un quart du produit net des repréfentationF ; c'eft- à-dire, après avoir déduit
les frais qui vont à environ 200 liv. chaque fois.
Volange , des Variétés, a joué au Cap en 1773 , fous le nom de Pkinville.
Julîlen & Suin , afteurs de la corné iie Italienne , ont été attachés à, ce fpeftacle^
le premier en 177J , l'autre en 1786,
T-^,G'^-e L A a a ,
ij
V
h
370 DESCRIPTION DE LA PARTIE
On avait tenté auflj les concerts , mais ce genre n'a jamais eu de fuccès
dans la Colonie.
Il eft des circonîlances où l'on donne un fpeflacle gratuit. C'eft quand k
j-oie publique fe manifcftc à caufe de quelque événement. Dans les jours de
confternation générale , il eft fermé & il a été décidé que c'éiait au gouver-
nement aie prefcrire. Ju'qu'cn 1772 , les affiches du fpedacle portaient} Pcr
fermijfion de M. le Ghûrcl. M. de Vallière à qui M. de Vaivre fit remarquer-
cette attribution au chef militaire ;, fit mettre par permiffion de M. les Général
& Intendant , ce qu'on a continué depuis.
Une ordonnance des chefs , du 29 Janvier 1766 , pour empêcher les incon-
véniens qui pouvaient réfulter des calculs des divers théâtres de la Colonie 1.
a défendu de recevoir un acteur engagé dans un autre. Il n'y a qu'un feuj
exemple , que je citerai ailleurs , d'un re':uf de fépulture à une comédienne».
Quelquefois cependant , le pié.et ColoniDan en a refufé au Cap pour parains
ou moraine:-.
C'eft un grand vice qu;e de n^avcir point un feroainier qui dirigerait plus
immédiatement la police intérieure des afteurs & préviendrait le changement
continuel des pièces mifes au répertoire.
En diminution des dépenfes du dlreéteur, qu'on ne peut évaluer à moins de-
qSOjÇOO liv. par an , il faut com.pter les bals & les redoutes. Depuis l'établifîe-
ment d'un théâtre, on avait été conftamment dans l'ufage d'y donner, depuis
les Rois jufqu'aux jours gras , un bal de nuit chaque Dimanche. Il commençait-
à dix heurea & allait auffi loin que les danfeurs voulaient le conduire.. Ces bals
étaient fatigans dans un pays où la veille d'une feule nuit eft un vrai dommage
pour la fanté. Les pères & les mères ne manquaient pas d'invoquer cette
excufe pour n'y aller que rarement, & les jeunes perfonnes la go-ûtaien: peu. M,,
de Reynaud , alors gouverneur-général par intérim , donna l'idée de fubftituer-
des redoutes ou bals parés à. ces bals de nuit , où le mafque autorifait fouvent:
des propos déplacés.. La première redoute eut lieu le 6 Décembre 1780. Depuis
elles commencent toujours^ au premier mercredi de ce miois &. vont jufqu'au;
vendredi gras , parce qu'il y en a deux par femaine.. A cinq heures pré-
cifes, le bal s'ouvre , & à neuf heures on le fait ceiTer. Ce choix des heures eft:
heureux, quand la redoute commence les affaires font finies; quand on en fort-
c'cft i'inftant du fouper 3 on a toute la nuit pour fe repofer , & les vieux parena
' #
\
_ .-Al
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 371
ont d'autant moins d'excufe que la redoute ne coûte qu'une demi-gourde , tandis
que les bals de nuit font payés le double. On va à la redoute pour danfer , pour
roir danfer , pour y caufer , pour y parler d'affaires , ou pour y faire une partie
de cartes dans un retranchement qu'on forme dans le fond du théâtre. Aufll
n'y a-t-il plus de bals de nuit que les trois jours gras , & il faut convenir que
les amateurs de mafcarade s'en dédommagent bien alors.
■ J'ai affez parlé de la paîTion des Créols pour ce voluptueux exercice ; c'eft
avoir dit que les redoutes forment le plus délicieux fpeftacle. La falle y eft
confacrée toute entière , en uniffant, comme au bal de l'opéra, le parterre au
théâtre & à l'amphithéâtre. Les plus jolies figures, les grâces les plus féduifantcf,
les ajuftemens les plus élégans , tout y ravit. Se au fortir de ces fêtes charmantes^
l'ame eftdans une efpèce de délire. Aux bals de nuit & aux redoutes , les gens de
couleur peuvent aller dans leurs loges pour voir danfer.
Il ferait impoffibie de fe paîTer d'un fpeftacle au Cap , furtoUt depuis qu'on
en a contra6lé l'habitude. On a peu de fociété dans cette ville , &: l'on eft du
moins raffemblé fi l'on n'eft pas réuni. Le défir de plaire , celui de montrer fa
parure , contraignent plufieurs femmes à faire diverfion à leur vie fédentaire. Les
étrangers , les marins furtout j trouvent à la com.édie un délaffem.ent qui les
garantit de l'ennui & de fantaifies plus coûteufes. On peut auffi y prendre des
leçons de langue , & dans une ville où les promenades font peu fréquentées , où
l'on craint le foleil & après lui le ferein , le fpedacle doit paraître agréable. Il
afîure d'ailleurs la jouiffance des redoutes , qui ne peuvent fe paffer de fon local.
En face de la comédie , & fur l'autre coté de la place Montarcher, eft un îlet
qui a eu autrefois une deftination très-pieufc. Lorfque les malheureux Colons de
Sâint-Chriftophe furent tranfportés à Saint-Domingue par les anglais après la
îcrife de leur île, en 1690, ils éprouvèrent tous les befoins , & ils en feraient
péris vidimes fi les Colons du pays où ils avaient été comme jetés , ne les
avaient accueillis avec cette fcniibilité touchante & cet ernprcffement qui les
honorera pour jamais. On croira aifément qu'à la fuite de tant de malheurs , il
dut y avoir beaucoup de malades , & pour les foulager il fe forma au Cap une
confrérie fous le titre de Miféricorde , à laquelle les dames les plus diftinguées
voulurent être affociées, M. Auger, gouverneur-général, permit à cette con-
frérie, le 27 Décembre 1703 , de prendre l'îiet dont je parle pour y bâtir uns
I
A a a 3
372 DESCRIPTION DE LA PARTIE
infirmerie àejmée aux femmes malades de la Colonie de Saint-Chrijicpbe , & entrer-
pauvres familles , qui dans la fuite pourront tc-mber dans la mêtne difgrace. Cet
île: était encore alors à l'extrémité du bourg , & ce canton avait pris déjà, le
nom de quartier des Gens de Saint-Chriftophe.
Le père Girard ,. premier iupérieur des Jéfuites , qui arriva au Cap en 1704 ^
s'attacha particulièrement à la confrérie de la Miféricorde, qui eut alors une
fupérieure 8^ une tréforière annuelle , & dont chaque affocié^vifitait ks malades
à fon tour pendant un mois. Ce fut à la charité de cette même confrérie qu'on
dut l'achat de deux maifons vers la place-d'armes , dont on fit un hôpital pous
tous ceux qui étaient malades ou pauvres; mais ce dernier étabUffem.ent fc
trouva détruit, lorfqu'en 1707 M. de Charrite , gouverneur par intérim , fît com-
prendre ce terrain d^ns l'alignement de la place. Touché de l'abandoa où fe
trouvaient ces m.alheureux , le père Boutin , curé du Cap , imagina , quelques
années après , de fe fervir de l'afile de la Miféricorde , qui était devenu
moins utile, pour en faire un hôpital. Les aumônes qu'il recueillait fecoadaienD
ce pieux deiïbin qui fut encore traverfé.
M. Cabot,, entrepreneur de la confljuftion de la nouvelle égUTe , étant mort
dans cet hôpital le 8 Juillet 1717 , le père Boutin crut pouvoir faivre relative-
à lui , l'ufage où il était de diftribuer les effets laiffés par les morts dans l'hôpital ,
aux perfonnes les plus néceffiteufes qui y reliaient j. mais le curateur aux fuccef-
fions vacantes réclama ceux de M. Cabot, & le juge du Cap, décida le 1.3 Août ,
que pour cette fois la probité connue du père Boutin le difpenferait du compte
des effets qu'il avait difiribués, mais que ce ne ferait plus la même chofe à
l'avenir, l'hôpital Boutin ( car il portait ce nom ) , n'ayant aucun privilège. Ce
fait & la promefîc foufcrite peu après par les religieux de la Charité, devenus
un peu jaloux du père Boutin , de recevoir les pauvres malades dans leur hôpital,
furent caufe que le curé abandonna fon projet..
La Miféricorde n'étant pour ainfi. dire plus utile , le- père Boutin prit , vers
17 19, la réfolution de convertir fon local en un refuge pour les orphelines. Il le
difpofa en conféquence ; il fit des acquifîtions pour le foutenir. Les deux
demoifelles de Guimont , nouvelles converties que le père Boutin avait fait venir
du Poitou, fe confacrèrent à fa.direélion , & l'on y vit bientôt. quiiize petites-
orphelines. Les direétrices forjuèrent auffi une école où l'^n enfeignait gratuite-
ment à lire & à écrire aux petites filles de la ville. Les orphelines apprenaienr
t:
*mn
FRAN-ÇA.ISE DE SAINT-DOMINGUE. 373
en outre ceux des travaux de leur Texe qui pouvaient leur affurer des refîburces «^
l'on vit fortir de cet intéreflant afile des mères de Emilie laborieufes , qui donnèrent
lexemple des vertus. Les religieux de la Charité cenfurèrent cet établiffement ,
&^ e fupeneur des Jéfuites fit fignifier, par un afte judiciaire , au père Boucia
qu II de%prouvait l'emploi qee faifait ce religieux de fon pécule , ou'on
regaraait comnie une propriété de l'ordre. Alors k père Boutin eut le âéûr de
former un établ.ffement de religieufes qui remplirait le même but que le refuge
des orphelines. Il s'occupa abfolument de ce plan ,& pour l'appuyer il fit une
vente à M"^- de Guimon l'ainée, de tout ce qui appartenait'' L maift Z
orphelines avec la condition fecrète qu'elle en ferait la remife aux reli^^ieufes
Lorfque celles-ci arrivèrent en 173^, il y avait fur lUet une mailon de cha^ente* '
OnZT'^^Tr' d'ardoifes, vitrée, & tous les appa.emens convenables.
On acq ut auffi 1 ,let qui était dans le Sud de celui-ci , & on les réunit en
murant la rue.. C'eft là que les religieufes font demeurées jufqu'en X7r q "
leur local acuel étant affe. avancé pour les recevoir , elles y paiTèient Je Te
y retrouverai. ^ ^ ^^t;icaL. je les
s a,pe„,e„rs d. tems prir.nc du bord de ia mer u„=°di,.ai„n ,01^1'^' 3'
iMlTement du morne , fe trouva aboutir fur la droite d.. j r ^^
Tom U caufe du défaut de p.raU.ir.e Z'ol '^L^e " "'" "^*™""-
Q^U A T R î È M E Se
C T I O N,
C ÏST celle de tout le Cap qui oflîe le plus d'é.abliflèmens publics & coufé
quemment le plus de chofe à examiner & à décrire. Commençons par dirt^et
nex,fta,t po,„t. même en ,7,0. époque où fon territoire fe . ouvL em érlen
hors du Ihurg , car ce n'était pas encore !a ville du Cap ""«'■■înicnt
Cette feaion ell bornée au Nord oir la ra„{n, , 1
m pariaruedesM.rmoufets :i''t:tr;^:c: :^r;u?E:^^^ ^^
^0 sud, par la rue du Cimet.re, jurqu.u. Cernes du manje^ft^rt;
|hgi' ^J_^^.j ■^■■"^^
i»-
574 DESCRIPTION DE LA PARTIE
rue , puis au-delTas de ces Cazernes , par des épatemens du morne du Cap, h à
rOueft par ce morne. Cette feftion a une forme irrégulière à caufe d'une gorge où
elle entre au ilord-Ouell.
Parmi ks chofes remarquables qu'elle contient, celle qui frappe le plus l'œil
de l'obfervateur , c'eft la maifon appelée le Gcîtvernement , que l'on diftingue par-
faitement dans la féconde des Vues du Cap de mon Atlas. Au fiècle dernier,
lorfque les Capucins étaient les miiTionnaires de la Partie du Nord , mais après la
deflruftion du Port- de - Paix en 1695 , leur maifon principale , où devait réfider
leur fupérieur , fut d'abord au Bas du Cap , fur le morne des Capucins , & enfin
on leur en conftruifit une dans l'enclos aftuel du Gouvernement.
Lorfque les Jéfuites arrivèrent en 1704, ils prirent le logement des Capucins,
qui était hors de la ville , dans ce qu'on nommait alors la favane du bourg du Cap.
Onfe reffouvient qu'en 17 10, les Jéfuites avaient obtenu h conceffion du terrain
qui porta en flûte leur nom. Ils y formèrent leur établiffëment , qui prenait depuis
la rue Royale jufqu'au point où eft à préfent la rue des Vierges ; il était au Nord
& au Sud comme il eft refté. II5 y firent élever une maifon alignée du Septentrion
2u Midi , fur la rue Saint-Sauveur. Une belle avenue de poiriers allait depuis cette
maifon jufqu'au bas de la place Montarcher. Le long de la rue Saint - François
Xavier était leur chapelle conftruite toute de pierres de taille , & formant avec la
maifon un tour d'équerre. Vers 1738, ces rehgieux projettèrent leur maifon
aduelle, qu'ils firent exécuter en 1748, & dont la terrafîè était déjà formée en
1739.
Au moyen des deux îlets , donnés en toute propriété aux Jéfuites par la paroifTe
du Cap au - deffus de leur enclos, parla tranfadion du 3 Juillet 1746 , cet enclos
s'étendit de 120 pieds dans l'Oueft. Ils prirent, le 3 Juillet 1747 , une conceffion
de tout leur terrain, à partir de la rue Efpagnole, fans renoncer , comme l'on
fait, à titre de deflervant de la paroilTe , à la jouiflance des deux îlets qui ne leur
avaient jamais appartenus, & qui font ceux de la place Montarcher & de la
Comédie.
Le terrain qui leur a été concédé en 1747 , fe trouve donc avoir la longeur de
cinq îlets & des quatre rues qui les auraient partagés , ce qui fait 696 pieds , fur
une largeur de 264 , formée par celle de deux îlets & de la rue qui aurait^ été
^nrr'eux. Le choix de ce local eft tr^s - propre à faire juger de la perfpicacité dç
-rs religieux,
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 375
Le bâtiment qu'ils y ont conftruit cil de maçonnerie , avec un étage ; il a 216
pieds de long , fur :i6 de large j fon toit eft couvert d'ardoife. Dans Forigine , fa
diftribution était monaftique & offrait de grandes galeries ou dortoirs , pris fur la
largeur du côté de l'Oueft , èc les chambres donnaient fur la ville. Deux pavil-
lons parallèles , de 60 pieds de long fur 15 de large en tour d'équerre fur le
derrière , fervaient aux diftributions communes. Celui du bout Sud , qui a auffi un
étage, avait au rez de chauffée un réfeétoire , des offices, &cj l'autre, qui n'a
qu'un rez de chauffée , était deftiné à être la chapelle. Les Jéfuites ont joui de
cette maifon depuis 1748 , qu'elle fut achevée, jufqu'au mois de Décembre i-ô-
qu'ils furent renvoyés. / >>
Comme le fort de la fociété en France , était connu dans la Colonie avant
même qu'on y procédât contre elle, MM. Bory & de Clugny avaient écrit au mi-
niftre, le 5 Septembre 1762, qu'il ferait convenable que cette maifon fut deflinée
aux Adminiftrateurs, qui réfidaient alors au Cap. De fon côté, le Confcil fupérieur,
qui s'affemblait encore au magafin du roi, demanda, par un arrêté du 15 Décembre
fuivant, qu'on la fit ferviraloger les tribunaux & leurs greffes ^ qu'on mk les
prifons dans l'étendue de fon enclos; qu'on prit le jardin pour former une place
au-devant des Cazernes ,. & une parde du local pour faire un logement aux-
miffionnaires..
M. de Bory s'y logea le premier , puis M. de Bekunce , lorfqu'ii devint Gou-
verneur général; après lui M. de Montreuil, qui eut l'intérim & enfuite^^M
d'Eftaing qui y fit faire beaucoup de dépenfes en embelliffemen s, lorfqu'il arriva
au mois d'Avril 1764. La maifon a. confervé cette deftination jufqu'au départ de
ce dernier , au mois de Juillet 1766 ; mais la réfidence des Adminiftrateurs devant
être le Port-au-Prince , elle demeura inoccupée. Ce fut alors que la paroiffe dl^
Cap éleva laqueftion de favoir, ft elle n'avait pas le droit de réclamer les biens
poffédespar les Jéfuites au Cap, au Terrier-Rouge, & au Petit-Saint-Louis,
comme étant affedés àd'entretien & à la conftruftion des églifes de la Colonie &
•â la lubfîftance des prêtres deffervans; mais cette revendication , à qui l'on 'ne
pouvait refufer un caraélcre frappant de juftice , n'eut aucune fuite.
Le 6 Mars î768,.le roi.acheta,4es fyndics des créanciers des Jéfuites-, la maifon
dont je parle, &des halles de la rue Neuve , pour 200,000 livres tournois, & le
5 Avnl, le miniftre décida qu'on y placerait le Confeil , la Sénéchauffée , l'Ami-
t^tc^k, différens Greffes & les bureaux d'Adminiftration, Cette détermination.
r
•■1
376 DESCRIPTION DE LA PARTIE
n'ayant point été exécutée (je ne fais pourquoi), Le 12 Décembre 1771 le miniftrc
cr Jonna de placer dans cette mairon le Confeil , la SénéchauITée , l'ordonnateur &
les bureaux, & les greffes des deux tribunaux. On s'occupa depuis le mois de
Juin 1772, jufqu'à celui de Janvier 1773, des difpofitions locales nécefîaires
pour exécuter cet ordre. Il ferait aufîi long qu'ennu)'eux de rendre compte de
toutes les difficultés que cette exécution fit naître , des volumes qu'elle fit écrire
par le Confei! , parle commifiTaire qui faifait fondions d'ordonnateur, & par
l'Intendant. Enfin le 7 Janvier 1773 , le Confeil miarchant en Corps , vint du lieu
de fes féances rue du Confeil , prendre p-^fTefTiOn de fon nouveau local, La Séné-
cliaufiëe & l'Amirauté fe rendirent aufTi chacune dans k leur.
Lorfque M. d'Ennery arriva au Cap , le 16 Août 1775 , il prit le logement
de l'ordonnateur , qu'à fon dcpart pour le Port-au-Prince , on divifa en trois
-parties. Celle du bas fut confervée pour le gouverneur-général , lorfqu'il viendrait
au Cap , dans fes voyages pafîagers , une portion de celle d'en haut pour l'inten-
dant &: le refte de l'ctage fut donné à un commifiaire de la marine qui y avait fes
bureaux. La guerre fur vint & M. d'Argout prit tout ce qui avait été defliné ,
. dans l'origine , à l'ordonnareur. M. de Reynaud , de Lilancour Se de Bellecombe
s'y placèrent également, & lorfque ce dernier alla , en 17S4, ré fider au Port-
au-Prince , l'ordonnateur & fes bureaux reprirent le pof!:e que M. du Chilleau
leur a fait quitter , cette année , pour y mettre le com.mandant de la partie
du Nord i ce que le mnniftre a approuvé.
Cette habitation fuccefiîve ou alternative des gouverneurs a fait donner le nom
de gcuvernemer.t à tout le terrain des Jéfuires ; l'on ne le défigne pas autrement
Le bâtiment quoique fort fimple , a de l'apparence &c fon étendue eft remarquable-
pour le Cap. Le rez de chauflëe dans lequel on entre par la façade Orientale j
r/a qu'une porte an milieu du bâtiment , à laquelle on arrive par neuf marches de
pierres de taille , & de chaque cox.i , l'on compte onze croifées. Il y a auffi vingt-
deux croifées au premier étage , & au-dcflus de h porte , en eil une autre qui
donne fur un grand balcon de fer. A ce balcon , répond fupérieurement une
efpèce de lucarne détachée du toit & où fe trouve placé le cadran de l'horloge du
gouvernement, qu'avec raifcn l'en fuit comme un guide plus sûr que celle de k
paroifîe.
La diftribution intérieure confiée d'abord dans un veftibule de trente-fix pieds
sn carré, qui fert de corps-de-gardc , lorfque le gouverneur eft dans le bâtiment.
''^n
mm
FRANÇAISE DE S A J N T - D O M I N G U E, 377
A fa gauche , on entre par deux portes parallèles dans le falon d'audience du
gouverneur qui a trente pieds en carré , & qui eft fu-ivi de trois autres pièces. Le
long du falon & de ces pièces , à l'Oueft , eft un corridor de fix pieds de large
qui aboutit à une porte , donnant fur le côté Sud de la maifon, C'eft à ce bout
Méridional , & près de la porte de fortie , qu'eft, à droite , un bel efcaîier qui
conduit à l'étage fupérieur. On trouve auffi quatre pièces dans celui-ci.
Une galerie y correfpond au corridor d'en bas. L'aile Sud forme dans foa
extrémité Oueft, au rez de chauffée , une falle à manger où l'on arrive par vn
paflàgc de fix pieds , que' bordent des offices. Au-deffiis de la falle à manger,
font plufieurs pièces commodes.
A droite du veflibule d'entrée , en face du corridor qui va à la porte du bout
Sud, en règne un autre, mais de neuf pieds de large, qui conduit à une
porte, au bout Nord. Trois des pièces qui bordent ce corridor , vers la ville ,
font partie du logement du gouven;eur , & la quatrième , qui eH la plus Septen-
trionale , eft la falle d'audience de l'Amirauté qui eft tapiffée d'un papier
fleurdelifé & où l'on a mis un Chrift , & une table & des fièges pour les juges.
Près la porte du bout Nord , eft un efcaîier abfolument femblable à celui de
l'autre côté.
Un corridor correfpondant à celui qui mène â la falle à manger , dans l'aile
gauche , conduit ici à l'aile droite qui forme , dans fa totalité , la falle de la
Sénéchauffée. Elle eft belle, bien éclairée, fpacieufe. Une enceinte en acajou
contient des fauteuils pour fes membres ; une table eft devant eux. En dehors
de l'enceinte eft un grand banc pour les procureurs, qui n'ont cependant pas
d'autre falle des pas perdus , que le corridor de neuf pieds par lequel on commu-
nique au veftibule. La falle eft tapiffée comme celle de l'Amirauté. Au-deffus des
fièges eft un tableau repréfentant un Chrift ( produit d'une amende ). On a mis en
face un autre grand tableau de fix pieds de haut, fur quatre de large , repréfentant
Louis XVi en pied & donné par M. Suarez d'Alméïda , procureur du roi de
cette Sénéchauffée, le 11 Août 1783 j deftination approuy|,e le 16 par les
Adminiftrateurs.
Le tournant de l'efcalier laiffe un intervalle entre lui & le mur Nord du corridor
de la Sénéchauffée , on y voyait autrefois un brigadier & quatre archers de maré-
chiunee qui .prenaient leurs moufquetons & bordaient la haie , lorfqu'un membre
duCo.-:liupéncur, dontils étaient la garde , montait oyi dei^endait l'ef^aliei^
Mt-:
DESCP-IPTION DE LA PARTIE
Cet efcalier conduit à un palier où eft un petit retranchement de lo pieds en
carre , à 2:a'jclie , forn^-é par uns cloifon de planches peintes en rouge , qui n'ont
.que huit ou neuf pieds de hauteur Sz dont la partie fupérieure eft en chire-voye.
C'était la chapelle du Confeil que, par une indécente affecTration, l'on avait placée
dans ce lieu , malgré les réchîTiations continuelles de ce tribunal.
Trois portes donnent fur ce palier. Ceiie qui eft en face de l'efcalier, conduifaic
au parquet du procureur général. On y remarquait une ancienne armoire d'acajou,
qui renfermait les reftes de quelques volumes achetés pour l'ufage du Confeil,
-d'après un- ariêt du mois de Septembre 1725. On jugeait, d'après ce corps de bi-
bliothèque, que les ouvrages ne devaient être ni nouveaux ni nombreux; c'étaient
les ordonnances , la coutume de Paris, &c quelques diftionnaires de droite de pra-
tiaue. J'avais eu le bonheur d'y faire ajouter un exemplaire des Lcix & Conjîtîutions
des Tjles/ous le vent, auquel on recourt affez fouvent , pour que je croie à l'utilité de
cet ouvrage. Je l'ai entrepris avec le défir qu'il répande des lumières fur un pays
auquel j'ai, pour ainfidire, confacré ma vie toute entîère.
Des deux autres pertes du palier , l'une ouvre dans un petit corridor qui con-
duifait à h porte par cia les membres du Confeil fe rendaient dans la faile
d'audience , ou dans celle des délibérations. A la droite de ce corridor était un
.- petit endroit pratiqué ious le com.ble de cette aile fans étage , c'était la buvette
du ConfeiL Enfin la dernière porte du palier était celle de la falle des Avocats y
où une grande porte faifait entrer dans la falle d'audience.
Il ne manquait à cette falle , pour être véritablement belle , que d'être plus éle-
vée. Mais un plafond blanchi au lait de chaux & placé à environ 14 ou 15 pieds, l'é-
crafait. Elle était divifée, dans fa longueur, en deux parties égales, qui fe trouvaient
carrées chacune. La barre qui féparait les Juges, des avocats & d,u pubUc, mar-
quait cette divifion. Un banc régnait de chaque côté pour l'auditoire. Il y en avait
■ deux pour les avocats, & au bout de chacun d'eux, dans l'efpace qui répondait à
la porte pratiquée dans la barre , était un huiffier fur un tabouret. La barre était
une baîuftrade tournée, à deux points correfpondans de laquelle deux crochets
fixaient deux pupitres, prefque plats , oià l'avocat qui plaidait pofait fes pièces.
L'enceinte, occupée par les Juges, avait une forme demi-circulaire. Elle é'ait
garnie d'un banc à dofller, avec des couffins rem.bourés & couverts de cuir de
rouffi noir, bordés de petits doux dorés. Au fond était le fauteuil du gouverneur
général , avec un Chrift au-deffusi au-devant de la place du préiident était un pe-
L^ -:^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^79
ût pupitre portatif. Les magiftrats fe plaçaient à droite & à gauche , en alternant
fuivant l'ordre de leur réception.
Une autre portion- demi -circulaire intérieure & laiffant, entr'elîe & la première,
un efpace de quatre pieds, contenait un autre banc à doffier & des couffins, où le
Confeil fe mettait aux petites audiences j enfin un troifième çfp^çe demi-circulaire
en dedans de ce fécond, & conféquemment bieq plus petit, était la place du
procureur général & de fesfubftituts. Il avait devant lui une table, vers l'autre
côtéde laquelle fe mett.it le greffier , faifant face aux juges. Aux grandes audien-
ces, les membres du minifière public montaient fur les petites formes du fécond
rang, parce que les juges allaient fur les grandes , & k greffier fe plaçait comme
était le procureur général aux petites audiences.
^ A droite en entrant, à toucher la barre, mais dans l'angle intérieur de l'enceinte,
etait^l'audiencier, aîTis aa-ievant d'une petite table & faifant face à l'Eft.
. Six grandes croifées de chaque côté éclairaient cette falle. Elles avaient des ja-
loufies à battans , comme toutes celles de cette maifon , mais de plus des chaffis
à battans auffi , garnis d'un canevas extrêmement fin. Toute h falle avait des
bordures qui étaient d'acajou comme les fièges , les bancs, S. tous les autrcs^neu-
bles qu'on y voyait. Entre les croifées , chaque panneau offrait des attributs de
juftice peints en jaune, & avec intelligence, & l'on en voyait auffi dans le cordoa
qui fe trouvait au-deffus de ces croifées. Le fond de la falle était lambriffé. Le ton
rembruni que le tems donne au bois d'acajou ; la peinture , de la même nuance,
^u'on avait mife dans les embrafures des fenêtres ; h cuir de rpuffi noir qui cou-
vrait les formes; la décoration des panneaux ; l'habit noir des juges, des avocats &
des huiffiers : l'étendue de cttee falle; le jour ménagé qui s'y répandait, tput y
entretenait ce fentiment profond qui accompagne l'idée de la loi; tout y parlait aux
bonsde^fapuiffance proteftrice & du befoin de l'aimer, & aux méchans de la
néceffité de la craindre.
Entre l'arrondilîcment du banc des juges &.Ies murs latéraux du bâtiment , l'on
avait laifîe un efpace qui menait de. chaque côté à deux portes qu'on appercevalt
de la falle d'audience. Elles faifeient parvenir à la dernière pièce du local du-
Confeil ; c'était fa chambre de délibération & fa chambre criminelle. Elle était
carrée auffi; on s'y affemblait autour d'une très-grande table avec des fauteuils
C'eft dans cette pièce qu'eftla porte qui ouvre fur le balcon dont j'ai parlé, &
qui marque le milieu du premier étage,
B b b 2
TT^
380 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Perfu adé que la plupart de mes lefleurs ne feraient pas fadsfaits fi je me bornais
à leur dire que trois tribunaux s'afîemblaient dans ce lieu, oij deux fe trouvent
encore 5 fans les leur faire connaître , je vais leur en donner une idée fuccincle ,
parce que les autres détails appartiennent plus particulièrement à l'Hiftoire ou au
rableau raifonné de l'Adminifliration delà Colonie, qui forme une autre partie de
mon trava;!.
Dans l'origine de l'établiflement de la Colonie françaife de Saint-Domingue, les
chefs des av anturiers & des flibuftiers étaient les feuls juges des différends, &ces
chefs réuniffaient tous les pouvoirs, Lorfque ces hommes entreprenans eurent un'
chef nommé par le gouverneur général des Ifles , ou par le roi , celui-ci fuccéda
à cette puilTance illimitée & defpodque , & conféquemment méconnue quelque-
fois.
Le II Oclobre 1664, le roi établit trois Confeils fupérieurs à Saint-Chriftophe ,
à la Martinique & à la Guadeloupe, pour juger les appels des juges que la Compa-
gnie des Iflcs de l'Amérique y avaient j mais il ne fut point queftion de Saint-
Domingue, qui refta fans juges & fans Confeil , comme par le paffé. Enfin vers
1680 on imagina d'y former une efpèce de corps judiciaire. Il fe compofait des
officiers majors nom.més par le roi , & de ceux des milices , à défaut dcfquels on
appelait les notables habitans. Ce tribunal , qui jugeait en première & dernière
inftance , & qui appelait fes décifions des arrêts , s'aCembkit dans les lieux princi-
paux des différens quarners, où il y avait des affaires civiles ou criminelles à juger,
& s'intitulait tantôt du mot générique de Confeil Souverain de Saint -Domingue ,
tantôt de celui de Confeil Souverain du lieu oij il s'était afîêmblé, de forte qu'on
voit des arrêts du Conjeil du Petit-Goave , du Corjeil de Lêogane , du Confeil de
Nippes.
Cet ordre de chofes fubfiftait, lorfque MM. de Saint Laurent & Bégon , Admi-
ttiftrateurs généraux des Ifles du vent , vinrent à Saint-Domingue en 1684 , & ils
préfidèrent plufieurs de ces confeils , dans les divers lieux où ils pafsèrent. Sentant
toute l'imperfeélion d'un femblable régime, ils prcposèrent de conftituer réellement
un ordre judiciaire, & c'eft en conformité de leur demande , que l'édic du mois
d'Août créa un Confeil Souverain au Petit-Goave , avec quatre Sièges royaux,
pour juger en première inftance.
L'un de ces fiéges fut mis au Cap, & c'eft celui qui y fubfifte à préfent. L'édit
de fa création lui donne un fénéchal,ua lieutenant,un procureurdu roi& un greffier.
m>ll
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 381
Se pour reflfort , tout ce qui s'étend depuis le Fort-Français, jufqu'aux limites de
lu Partie Septentrionale de la Colonie dans l'EIt. Sa compofition eft reftée la
même, mais Ton reffort s'eft étendu dans i'Oueflj Se comprend aujourd'hui les treize
paroiffesde Limonade, de Sainte-Rofe , du Quartier-Morin, du Dondon, de la
Marmelade , de la Petite-Anfe , du Cap , de la Plaine-du-Nord , de l'Acul , du
Limbe , de Plaifance , du Port-Margot & du Borgne. Il eft à remarquer cepen-
dant que la nomenclature de ce territoire n'a été fixée par aucune loi , mais par
la convenance & par une efpèce d'induftion. Par exemple, lorfqu'il s'eft formé des
paroiffes à l'Oueft du Cap, on les a confidérées comme des démembremens de
celles qui exiftaient déjà, & elles ont dépendu de la Sénéchauflee du Cap, quoi-
qu'elles duffent appartenir à relie du Port - de - Paix , qui venait jufqu'au
Port-Français. .Celles qui l'ont été encore plus tard , & qui ont eu une ordonnance
, d'éreftion , ont été attachées , par cette ordonnance m.ême à la Sénéchauflee;
on peut d'ailleurs conclure avec raifon de la loi du prince, qui diftrait en 1774 s
la paroifle du Borgne , de la SénéchaulTée du Port-de-Paix , pour la réunir à celle
du Cap, que toutes celles qui font en deçà, font néceffairemeni du reffort de cette
dernière.
Ce fut au mois de Juin î686 , que la Sénéchauffée fut inftallée. Ses rcgiftres
& fes minutes furent brûlées en Janvier 1691 & en Juin 1695 , parles ennemis,
dans les incendies du Cap. L'on a vu que fes premiers officiers furent tués a la
bataille de Limonade, le 21 Janvier 1691. Son pins ancien regiftre d'audience. j
exiftant en ce moment, commence le 20 Août 1695 , l'audience étant tenue par
Zéphirin Faiaife , procureur du roi , faifant fonctions de juge ; Antoine Dafpir ,
huiffier , faifant fondions de procureur du roi. Il y a une audience du 20 Avril,
1696 , tenue par un M. Regondy , dont rien n'indique les qualités. On trouve à
la date du 18 Juin fuivant , une audience ainfi intitulée. „ Vu l'abfence de M.^
" k juge & la déclaradon de M. le procureur du roi, & vu la nécelTité publique
" qu'il y a de tenir l'audience , avons fait approcher un tel, un tel , &c. ". Les
jugemens font rendus par M. de GaiifFet , gouverneur de Sainte-Croix, & du
Cap Saint-Domingue. Il prononce , dans une première caufe , la main levée d'une:
faifie-arrêt en donnant caution, & reçoit le ferment de cette caution. C'eft encore
M. de Galiffet qui tient l'audience du 14 Juillet. Le 16 Février 1697 , c'eft M.
Efcofîier. Le 21 Août 1697, le juge fe trouvant inréreffédans une cauie, M. Fizetj
curateur aux vacances, monte au tribunal, & y fiége à fa place. A la même époq^ue
m nmu\Mm
m
33a DESCRIPTION DE LA PARTIE
de 1697 , M. Danzé , major du Cap , y nomme plufieurs huiffiers. Le 15 Juillet
1702, c'eft le greffier qui continue l'audience , que quitte M. Robineau, féné-
chal , pour aller trouver M'^^-fon êpoujâ , qui était tres-raal , fuivant l'avis qu'ont lui
en d^jtne. On voit, par ces exemples , ce qu'était la Sénéchauffée du Cap dans fes
com. menée mens.
Son plus ancien regiilre d'infinuation remonte au 17 Août 1697 & commence
par celle d'un contrat de mariage. Le plus ancien, quant aux enregiflreraens ,
va au 14 Septembre 1699. Celui qui offre la plus ancienne déclaration d'un
maronnage d'efclaves, eft du 31 Juillet 1703 , &: co;!imence par celle qu'y fait
M. de Galiffet que quatre de fes nègres font fugitifs.
C'eft dans le greffe de cette Sénéchauffée qui a encore perdu plufieurs pièces dans
l'incendie de k nuit du ao au 21 Décembre 1734, qu'on peut juger des ravages
des infedles qui dévorent les papiers dans h Colonie. Il y a d'anciens regiftrea
& d'anciens aéles qu'ils ont rendu abfolument iilifibles. Convertlffant le papier
qu'ils mangent en une efpèce de gluten terreux , ce gluten fe durcit & rend les
différentes.'euiiles de papier adhérentes les unes aux autres, de manière qu'on ne peut
les défunir qu'en les déchirant. Il arrive quelquefois que ces feuilles font criblées
par des milliers de petits trous qui les changent en découpures ou dentelles ,
ou bien un regiftre ou une liafTe d'aftes qui ont été attachés , femblent avoir été
maçonnés prr une couche d'un mortier léger. Ce n'efr m.ême pas toujours à raifon
de l'ancienneté des pièces qu'on peut en calculer le ravage ; la nature du papier,
l'humidité plus ou moins grande du lieu , concourt à accélérer leur deftruftion , &
j'ai vu au greffe de la Sénéchauffée du Cap, en 1783 , des regiflres de baptême,
5cc , de la parciffe de cette ville en 1774 , déjà iilifibles dans quelque^
parties.
Qu'on juge, d'après ce fcul fait , de l'utilité du dépôt des Colonies établi a
Vtrfailles en 1776 , & de ce qu'a de coupable la négligence que les officiers
publics, n'ont ceffé de mettre dans la remife des pièces , aux prépofés de l'inten-
dant pour les envoyer à leur deftination. Je ne puis m'empêcher auffi d'accufer
hautement les Adminidrateurs qui , préférant quelques commodités domeftiques
à un grand intérêt public , n'ont pas exécuté l'ordre réitéré de meîïtre les diffé-
rens greffes du Cap dans la miai on du gouvernement , & qui ne font pas
effrayés, malgré l'exemple de 1734, de les voir placés indifféremment dans
divers points de la ville , expofés à chaque inftant à des incendies-.
mm
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M î N G U E. 383
Lajurididion n'eut, pendant long-terns , d'autre lieu d'affemhlée que la maifon
d:u féaéchal , ou celle du gouverneur du Cap , lorfqu'il le fuppléait. Avant 1 690 ,
le fénéchal tenait même l'audience lur fon habitation, & ce fut M. de GalifFec
qui l'obligea à remplir ce devoir au bourg ; alors on prit le grelFe. Enfuite oa
donna une falle d'audience , dont l'état était tel , vers 17 13 , que les juaes n'y
étaient à l'abri, ni du folcil, ni de la pluie. On réunit alors la Sénéchaufîee au
Confeil , placé dans un magafm fur la place-d'armes & on y difpofa auffi un petit
auditoire pour elle. Depuis elle n'a pas ceffé d'être dans le même local que la cour
fupeneure , jufqu'à la réunion de celle-ci à la cour du Port-au-Prince.
Quoique l'édit ait donné un lieutenant à ce tribunal , il n'en a cependant eu un
qu'en 1708. Au mois de Juillet & d'Août 1739, ks Admlniftrateurs y nom-
mèrent deux confeillcrs , MM. Cothereau & Hirel , mais cette création fut
defapprouvée & révoquée par le Miniftre , le 26 Mai 1741. Le tribunal n'eut
plus de confeillers jufqu'aux trois , qu'à créés l'édit du mois de Janvier 1787.
La multiplicité des fondions du procureur du roi, lui firent donner parles
Adminiilrateurs, un premier fubftitut , le 13 Odlobre 1737, dans M. Barbey,
garde-magafin du roi, & depuis on a fucceffivement établi un fécond fubftitut \
un troifième , puis un quatrième , dans la perfonne de M. de Saint- Martin fils \
nommé par commiffion du 2 Décembre 1777 . & qui eft mort, en 1785 , confeil'
îer da Confeil du Cap , où je l'ai remplacé. Il y a auffi un fubftitut à réfidenee dans
chaque paronTe dépendante de la Sénéchaufîee. Il y eft une cfpèce de commifîaire
délégué de cette Sénéchaufîee , pour la juftice & les aftes provlfoires qui
requièrent célérité, ou pour ceux où le tranfport des officiers de la Sénéchauffée
deviendrait trop coûteux.
Le greffier a auffi choifi trois greffier - commis pour l'aider. Il y a un'
dudiencier établi depuis le commencement du fiècie. Il porte une bac^uet^e
noire garnie d'ivoire , & marche à la tête du tribunal aux cérémonies pubiaiues
La Sénéchaufîee ne prononçait qu'en première inftance, au civil & au criminel •
mais depuis 1787, elle a quelques cas préfidiaux. Dans l'origine les par-
ties s'y dépendaient en perfonne , & là , comme ailleurs, desdéfenfeurs officieux
remplacèrent les parties , & c'étaient furtout les huiffiers qui remplifîaient ce
rôle. A leur fuite vinrent Ls folliciteurs de procès. Plufieurs fois on les profcrivit
& toujours ils fe reproJuifirent fous difi^érentes formes. Enfin le 14 Juillet 17^8
on cré.i des procureurs qui , au Cap, étaient communs au ConfeU & à la ât^ù
i
^SSE22S-SH
J84
DESCRIPTION DE LA PARTIE
^]
chauffée , & y faifaient les doubles fondions d'avocats & de procureurs , mais
depuis 1764, les procureurs font exciufivement attachés au fiéges de première
inftance. Leur nombre a varié avec l'accroifiement des affaires : aftueilement
ils font vingt.
Les notaires ont exifcé même avant la Sénéchauffée, &c il y en avait de nommés
par l'intendant des liles , rendant à la Martinique. Leur nombre a varié auffi , il
y en a douze dans la ville du Cap , & dix-huit répandus dans les autres paroiffes
de la juridiiflion.
Il y a vingt huiiTiers pour le fervice de tous les tribunaux du Cap. On fait
qu'il en exifcait da.ns la Colonie , lors même qu'elle n'avait que fon confeil des
milices. On les a augmentés fuivant le befoin. Depuis le 26 Février 1761 , un
arrêt du confeil du Cap les a mis en bourfe commune & leur bureau a toujours
été au même point; c'efb la maifon qui fait l'angle Sud-Eft des rues de la Provi-
dence & Royale. Le bon ordre eft maintenu aux audiences de la Sénéchauffée ,
par des archers de police dont elle eil auffi accompagnée dans les fonctions & les
cérémonies publiques.
La Sénéchauffée a réuni toute la compétence maritime aux autres , depuis fon
établiffement 5 jufqu'en 1718 , qu'en vertu du règlement du roi, du 12 Janvier
1717 , qui met des fiéges d'Amirauté dans les ports coloniaux , oij il y avait des
Sénéchaufféesj il y en eut une au Cap. L'Amirauté eil: compofée d'un lieutenant,
d'un procureur du roi, d'un greffier & d'huiiTiers. Dès le 6 Septembre 17x7,
il y eut des officiers nommés pour celle du Cap , mais depuis lors , le fénéchal ,
foit comme brév^eté, foit comme juge le plus prochain ( ainfi que le veut la
création des Amirautés coloniales ), a toujours réuni, jufqu'au 10 0(5lobre 178 1 ,
les fondions de fénéchal & de lieutenant de l'amirauté , excepté depuis le 10
Août 1719 jufqu'au mois de Mai 1721 , que la dernière pince a été remplie par
M. le Roy qui n'avait que celle-là. Un arrêt du confeil d'État ayant prononcé
l'incompatibilité de ces fonélions , le 7 Juillet 1781 , elles font divifées depuis
ce tcnis.
Quant au procureur du roi, il Ta été conftamment de la Sénéchauffée & de
l'Amirauté jufqu'au 24 Août 1778. Ces places ont écé déclarées incompatibles
auffi par l'arrêt de 17S1. Le greffe a été donné tantôt au titulaire de celui de la
Sénéchauffée, tantôt à un "autre. Le lieutenant de l'Amirauté nomme à l'intérim ce
ce greffier qui a deux greffiers-commis. Il a nommé auffi deshuiffiers, lorfqir'il
ne
I
mtmt
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 385
ne s'en eft pas trouvé de brevetés. Le premier de ce dernier genre ne l'a été que
le premier Août 1741. Il y a aétuellement quatre huiffiers brevetés pour l'Ami-
rauté , mais ils font réunis à la bourfe commune & n'ont de particulier que le
fervice de leur fiége , qui a un audlencier breveté depuis 17 19. Celui de la
Sénéchauffée le fuppléait auparavant.
Il a exifté autrefois des procureurs , fpécialement défignés pour l'Amirauté,
quoique choifis parmi ceux de la Sénéchauffée , & eux feuls y plaidaient & y
inftruifaient les affaires. Le lieutenant de l'Amirauté les commiffionnait, mais cette
nomination amena des difficultés dont le réfultat a été que les procureurs de la
Sénéchauffée font, à ce titre, ceux de l'Amirauté. Ce tribunal a de plus un rece-
veur-général des droits de M. l'Amiral, un chirurgien- major, un apothicaire,
un jaugeur & plufieurs interprêtes.
Le Confeil fupérieur du Cap avait été créé fous cette dénomination par un édic
du mo's de Juin 1701 , qui le compofait du gouverneur-général, de l'intendant
du gouverneur de la Partie du Nord, du commandant du Cap, de deux lieu-
tenans de roi , de deux maiors , de fept confeiilers , d'un procureur-général
& d'un greffier. On retrancha du reffort du Confeil du Fetit-Goave, qui
comprenait toute la Colonie , les quartiers du Cap & du Port-de-Paix ( celu'
du Fort-Dauphin n'exiflait point encore & fon territoire faifait partie du quartier
du Cap ) , & tous ceux qui pourraient fe former dans la bande du Nord. Le
Confeil était tenu de s'affembler au moins une fois par mois. Le gouverneur-
général y avait la préféance , & fucceffivement l'intendant , le gouverneur du
Nord & le commandant du Cap , mais la préfidcnce était attribuée à l'intendant
& paffait de lui au plus ancien Confeiller. Ce tribunal fupérieur fut inllallé au
•Cap par M. de GalifFet , gouverneur-général de Sainte-Croix & du Cap , le 1 1
Novembre 1701. J'ai dit qu'avant 1712 il n'avait eu aucun local fixe, & par
quels logemens intermédiaires il était arrivé à celui qu'il a aduellement dans
la raaifon du gouvernement.
Le Confeil du Cap s'allembla d'abord le premier lundi de chaque mois ScjuP-eaiÉ
tant qu'il y avait des procès en état. En Août 1713 , il n'eut plus de féance°que
tous les deux mois. , iriais en Février 1716 U reprit l'ufage du premier lu.idi du
•mois. Depuis long-tems il fiégait environ 100 jours de l'année.
Comme l'intendant à qui l'édit de création attribuait la préfidence réfidaic
alors à la Martinique , le doyen des Confeiilers le repréfenta , à cet égard
Tm, I. , Ccc
SU DESCRIPTION DE LA PARTIE
jufqu'au commencement de l'année 1705 , époque de l'arrivée de M. Deflandes,
qui nommé ordonnateur , avait l'exercice des droits de préfident. M. Mithon
les eut après lui , en vertu de provifions de premier-confeiller du 9 Septembre
1708. Devenu intendant en 1718, il fut préfident en cette qualité, & dès
1719 il y eut un fecond-confeiller qui eut encore le droit de préfider après
l'intendant. Depuis lors jufqu'en 1769, le Confeil du Cap a toujours eu un
premier ou un fecond-confeiller ; de manière qu'il avait toujours deux ou trois
préfidens étrangers à fon corps , lî l'on excepte depuis 1766 , que le fecond-
confeiller était M. Collet, pris dans le Confeil, d'après une ordonnance du
mois de Février 1766.
Le Confeil qui , dans fon origine , n'avait que fept Confeillers Se huit autres
membres , dont fept é:aient militaires , avait foufFert différens changemens.
D'abord le nombre des Confeillers avait été fucceffivement augmenté à caufe
des progrès de la Colonie. Le 12 Février 1726 , l'entrée en avait été ouverte
aux commiiTaires 8z aux contrôleurs de la marine, & le 9 Mars 1734, à tous
les officiers majors de fon reffort. En 1738 & dans les années fuivantes , les
Adminiftrateurs avaient nommé des affefîèurs à ce Confeil, où ils n'avaient point
de voix , que dans les affaires où ils étaient rapporteurs , ou quand le nombre
de juges nécelTaires n'était pas complet ; cette mefure provifoire était devenue
définitive par les lettres-patentes du mois d'Août 1742 > qui ont établi quatre
afîeffeurs , qui font des fuppléan^ dont le titre s'éteint après trois années , s'il n'eft
pas renouvelle.
Le 24 Mars 1763 , une ordonnance du roi ne donna de féance au Confeil
qu'au gouverneur-général & à l'intendant j de manière qu'on n'y vie plus les
états-majors, ni les commifîaires & les contrôleurs de la marine. En 17661e
nombre des confeillers fut porté à douze ; on en envoya plufieurs qui étaient des
avocats du parlement de Paris, & ils eurent tous 12,000 liv. d'appointemcns
& 1,500 liv. de loyer. Mais le tribunal reçut une autre compofition au mois de
Septembre 1769. Il eut pour membres le gouverneur-général , l'intendant ,
le commandant en fécond du Cap , un préfident choifî parmi les confeillers , le
commiiTaire général de la marine , le lieutenant de roi du Cap , le plus ancien
des commiffaires de la marine, douze confeillers en comptant le préfident, quatre
aCTefTeurs , un procureur-général , trois fubftituts & un greffier.
Le rang de toutes les perfonncs qui entraient au Confeil du Cap lors de h.
-"■•■■I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 387
réunion de 1787, était dans l'ordre oij je viens de les nommer^ c'eft-à-dirc ,
que le gouverneur-général était dans le fauteuil, l'intendant à fa droite, le
commandant en fécond à fa gauche , le préfident après l'intendant , Se en alter-
nant ainfi des deux côtés du fauteuil. Cependant lorfque l'intendant était hors
du reffort du Confeil & qu'il y avait un commiffaire général ou même un
commiffaire ordinaire avec l'ordre de faire les fonélions de commiffaire général ,
il préfidait privativement au préfident-confeiller & prenait le pas fur lui. Mais
excepté l'intendant & ce commiffaire général , c'était le préfident ou un confeiller
par ordre d'ancienneté , qui préfidait. Le Confeil avait auffi plufieurs confeillers
honoraires qui avaient été fes membres ou ceux du Confeil du Port-au-Prince,
car il y avait de ces honoraires qui l'étaient des deux Cours. Ils prenaient leur
rang d'ancienneté parmi les confeillers , excepté avant le doyen des titulaires ,
qui les précédait toujours , parce qu'un confeiller honoraire ne peut jamais avoir
droit ni à la préfidence ni au décanat.
Le procureur-général a rempli feul fes fondions jufqu'au i^"-- Août 1739
que les Adminiftrateurs lui donnèrent un fubftitut qui fut M. Dumouriez
Dupcrrier; le nombre des fubftituts fut enfuite fucceffivement porté à trois.
Le greffier de cette cour confidéré à bien des égards comme un confeiller ,
puifqu'il obtenait l'honoraire comme eux , était autrefois appelé dans fa com-
miffion Confeiller Secrétaire du rot & du Confeil du Cap. Il avait deux greffiers-
commis.
Le Confeil du Cap a eu fon premier audiencier le 4 Septembre 1706. Il
portait une verge noire avec laquelle il précédait le Confeil aux cérémonies.
Ce tribunal était dans l'ufage d'accorder une féance honorifique Se la voix
confultative aux membres des autres cours fouveraines qui s'y préfentaient. On les
plaçait alors immédiatement après le doyen. On a vu fiéger ainfi au Confeil du
Cap , notamment M. Le Maire , confeiller du Confeil de Léogane , le 5 Mars
1745 , Se M. de Saint-Mihiel , médecin du roi & confeiller du Confeil fupé-
rieur de rifle de France , le 28 Mars 1782; ce dernier fut même placé entre
le préfident & le doyen.
C'était encore un ufagc d'y faire affeoir les membres des Sénéchauffées aux
audiences à la gauche du procureur-général & des fubilituts. On avait les mêmes
, égards pour des officiers militaires fupérieurs , à partir du rang de major
incliifivemcnt.
C c c 2
1
\1,
388 DESCRIPTION DE LA PARTIE
J'ai dit que jufqu'en 1764 les procureurs de la Sénéchaunée l'étaient auîTi du
Confeil & rempliffaient partout les fonctions d'avocat , mais depuis cette épo-
que 3 ce tribunal s'était attaché des avocats poftulans qui j par ce moyen ,
ctaienc fes feuis officiers miniltériels. Ceux-ci admettaient dans leurs bancs les
notaires &c les procureurs , £-c avaient pour clief leur doyen , fous le nom de
bâtonnier. Leur nombre était limicé , & ils ne pouvaient être reçus qu'avec un
vifa de l'intendant. On les avait fixés à douze , mais ce nombre avait été un
peu excédé depuis quelques années. J'ai eu l'honneur d'appartenir à ce barreaa
depuis 1775 jufqu'en 17S5 , & même lors de ma réception au Confeil du Cap
en qualité de confeiller , cetce cour me difpenfa^ par un arrêt, de l'information
de vie & mœurs , attendu celle qui avait eu lieu lors de ma réception en
qualité d'avocat près d'elle.
Les huiffiers étaient auffi ceux des deux fiéges inférieurs ; il y en avait tou-
icurs quatre de fervice au Confeil.
Je me livrerais à des particularités qui groiïiraient extrêmement cette defcrip-
tion fi je voulais donner une idée plus étendue des tribunaux du Cap. J'ajou-
terai cependant que le Confeil prononçait en dernier refîbrt fur les appels des
îugemens des Sénéchauffées h. des Amirautés du Cap , du Fort-Dauphin & du
Port-de-Paix ; qu'il ftatuait en premier & en dernier reflbjt fur les appels comme
d'abus , far ce qui concernait les fabriques des paroifîcs &: fur ce qui intérciïàit
la police intérieure de fes membres ou des perfonnes qui lui étaient immédia-
tement attachées.
Mais puis-je , malgré ma réfolution , ne pas dire quelque chofe d'une
localité dont tous les étrangers font frappés ? le coftume des magifVrats
coloniaux > qui fiégent en épée. Cette furprife doit cefler fi l'on réfléchit
à ce que j'ai rapporté de l'exiftence du confeil des milices , qui prenait fon
nom de ce que le chef de la Colonie ou le lieutenant de roi le formait en
en rafîemblant des officiers. Le commandant des milices de la paroiffe
en était le premier confeiller , le major des milices y faifait les fonélions de-
procureur-général , & il ferait vrai de dire que ce fut au courage qu'on décerna
l'honneur de rendre la juftice. On fe foumettait au jugement de ceux à qui l'on
obéifîait dans les combats , Se le tribunal était une cour martiale ambulante^
En 1685 j lorfqu'on créa le Confeil du Petit-Goave pour toute la Colonie^
des douze confeilkrs choifis , onze & le procureur-général étaient officiers des.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 389
iftiiices & ne ceflerent pas de l'être; ils confervérent leur coftume & l'arme
dont ils rayaient bien fe fervir. Les mêmes circonftances ayant accompagné, en
1701 , le choix des confeillers du Confeil du Cap, on y vit aulH les magiftrats
qui étaient officiers de milice garder leur épée en exerçant la juftice.
Les affaires judiciaires augmentant fucceffivement & confommant tout le
temsdes magiftrats, ils finirent par renoncer aux emplois de là milice, & ils
avaient même éprouvé des vexations afiez renouvcllées pour qu'ils cruffent utile
de demander l'exemption du fervice pcrfonnel. Mais dès que la patrie était
menacée , on les voyait s'armer & ie rendre des premiers pour partager les
dangers avec leurs concitoyens.
Deux fois ( en 1761 & en 1780 ), on s'occupa dans le Confeil du Cap de
favoir fi l'on changerait ce coftume, mais à la dernière époque on convint qu'il ne
fallait pas s'occuper d'un pareil objet. Ainfi dOnc , la magilbature de Saint-
Domingue , ( car dans l'origine les membres des tribunaux inférieurs étaient aufïï
employés dans les milices & foldats en préfence de l'ennemi ), en confervant
Tefprit de fon inftution primitive, fe glorifié encore de repréfcnter les premiers
défenfeurs , les premiers conquérans de la Colonie. Ils fiégent dans les lieux
que leurs devanciers ont foumis à la France. Un habit qui laifîè voir une
épée qu'on fait manier & qu'on tient de fes prédéceffeurs , vaut bien une
longue robe, & l'amour de la juftice n'exclut pas le courage. Les Confeik
de Saint-Domingue ont vu des magiftrats de cours fouveraines de la métropole
adopter leur coftume & accepter dans leur fein une place honorifique -M
Defmé DubuifTon , confeiller au Parlement de Paris qui s'afleyait en robe 'dans
la cour des Pairs , reprit l'épée lorfque dans un voyage qu'il fit dans la Colonie
il fiégea en qualité de confeiller honoraire a ; Confeil du Cap.
Ce n'a été que vers 1766 que lé Confeil s'eft habillé de noir, ce qui a été
imité par tout ce qui tient à l'ordre judiciaire. Auparavant , chaque confeiller
portait un habit de la couleur qui lui plaifait , l'intendant imitait cet exemple
& quand la cour fe ihettait , fuivant fon ufage d'alors, autour d'une table le'
tribunal ne refîemblait pas mal à un comité de fermiers généraux, parce que
c'était furtout aux habits galonnés qu'on donnait ia préférence. On avait la
fâuflè idée de vouloir rendre moins tranchante la chamarure dorée des états
majors & des officiers d'adminiftration de la marine. Revenu à des principes
plus fains, on a pris iliabit noir, & l'on a vu M. d'Eftaing fiégcr à fon tour
390 DESCRIPTION DE LA PARTIE
vêtu de cette manière. Tout le terns que M. Caignet , commiCTâire général de
la marine & ordonnateur au Cap y a préfidé le Confeil , c'a été auffi en habit noir.
Il eft tems que je reprenne la defcription de la maifon du Gouvernement.
Le féjour en eft tiès-agréable , parce qu'il fe trouve dans un point très-élevé
de la ville & que les brifes le rafraîchifîent. La vue en eft belle , & dans un tems
ferein on appercoit diftinftement le Cap la Grange , qui eft à 14 lieues. L'œil
fe promène fur la mer & fur la plaine , depuis la paroiffe de la Petite- Anfc
jufqu'à Limonade ; il coritemple les montagnes qui s'étendent de Sainte-Suzanne
au Dondon , on voie les mâts qui indiquent la rade , on faifit une grande étendue
de la ville , &. ramenant fes regards autour de foi , on trouve eacore des objets
qui les égaient , ibit au-devant, foit en arrière du bâtiment.
Cinq portes du rez de chauiïee s'ouvrent dans difFérens points, du côté Oueft,
fur une cour qui eft entourée par la maifon, par fes deux ailes & en avant par un
mur qui porte une claire-voye de bois. Cette cour forme une efpéce de verger où
font des orangers dont les fruits font excellens. Huit marches conduifent à une
porte placée au milieu de la claire-voye & qui ouvre fur un potager de toute la
largeur du terrain fur 20 toifes de long. Au milieu eft un baffm que renouvelle
un conduit d'eau tirée du morne de l'Oueft ; cette eau fert auffi aux cuifines
placées le long de la rue Saint-François Xavier , un peu fur le derrière de l'aile
gauche & donnant fur le potager. Enfin le local eft terminé à l'Oueft par un
efpace laiffé contre le mur de clôture , pour former des couverts & des bof-
quets, La loge du jardinier en occupe le milieu.
Cette difpofition élevée du terrain derrière la maifon , fait perdre à celle-ci
beaucoup de fon agrément dans les tems pluvieux , & furtout durant les Nords,
L'inclinaifon rapide du fol , qui fe trouve d'ailleurs affez près du morne , fait
qu'en peu d'inftans l'eau traverfe le potager , tombe dans la cour , & le bord infé-
rieur de cette dernière étant de niveau avec les appartemens du rez de chaufîce ,
l'eau s'y répand fi la pluie eft confidérable ,'ou y entretient une humidité fenfible.
Si le vent eft Nord, les ailes font très-froides & furtout l'étage de celle du Sud.
J'ai vu qu'on était fouvent obligé d'en laiffer fermées toutes les ouvertures don-
nant au Nord & qu'on y éprouvait encoreune fcnfation piquante. Je crois en total
que cette habitation ne fera jamais faine dans le bas, tant que le pavé n'en fera pas
cxhauiïe, ou que la cour ne fera pas abaifféej & que quant à l'aile, où l'on éprouve
une efpèce d'hiver pour Saint-Domingue , il n'y a que l'élévation de l'étape dç
l'autre côté, qui puifTe la garantir.
.-.«.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 391
Tout l'efpace compris entre la façade de la maifon & la rue Efpagnole ^ aabfo-
lument changé depuis 1781 , que les foins de MM. Reynaud & Le Braffeur i'ont
fait fortir de l'état d'abandon oij on le laiffait. Auparavant, la terraffe de vingt-
quatre pieds de large faite parles Jéfuites en 1739, régnait tout le long du bâtiment.
On parvenait à cette terraflè par une rampe de dix-huit pieds de large , pratiquée
à chaque extrémité , & encore à fon milieu , au moyen d'une petite terraffe lon-
gitudinale de 15 pieds de large & de 100 pieds de long, au bout de laquelle étaient
huit marches. Entre ce petit terre-plein & les deux rampes, était, de chaque côté,
un carré long de mur, placé au bas & au bord de la terraffe , ayant 100 pieds de
long fur 60 de large , oij de fuperbes rofiers exhalaient leur parfum. Les murs
portaient fupérieurement une baluftrade de bois , dont deux côtés fe trouvaient
conféquemment border le terre-plein. A 60 pieds de celui-ci commençait l'allée
de poiriers , qui fe terminait à 50 pieds avant d'arriver à la porte d'entrée fur la
rue Efpagnole , & qui était au milieu d'une favane qui allait depuis cette porte ,
jufqu'à la maifon. Les arbres fe détruifaient faute de foins ; la favane , fillonnée
par les eaux pluviales, avait des creux , des inégalités , en un mot , tout cet afpeét
était trifte.
M. de Reynaud , logé au gouvernement dans l'intérim de gouverneur-général
qu'il eut au mois d'Avril 1780 , voulut rendre ce féjour agréable au public , & y
mit le zèle qu'il a montré dans tout ce qu'il a entrepris. De ce moment la terraffe
de 24 pieds a été prolongée de m.anière qu'elle en a 80 , & qu'elle comprend toute
la largeur & prefque toute la longueur des deux grands carrés où l'on avait vu
des rofiers ; des baluflres de pierres de taille bordent cette nouvelle terraffe : les
deux rampes des bouts ont été élargies & pavées. Au bout Sud du terrain & en
face de la rue Saint- Jacques , l'on a placé une fuperbe porte grillée , de fer,
aux deux côtés de laquelle font de petites loges. Cette porte devait correfpondre
à une autre, qui aurait fait face dans la rue du Chat ; ces deux entrées latérales
auraient remplacé celles qui , pofées au m.ur d'enclos au Nord & au Sud , ré-,
pondent aux deux portes qui terminent les deux corridors du rez de chaulîee.
En prolongeant des appentis appuyés fur le mur de la rue Saint - François-
Xavier , l'on y a ajouté une buanderie , qui fe trouve en face du puits , que de
grands lavoirs de maçonnerie entourent. Au côté oppofé , on a fair un logement
pour le concierge , & des écuries. Au point où commençait la favane , &
où finiffcnt la buanderie d'un côté & le logement du concierge de l'autre ,
Vl
—•r^flgfmmmgmmm
392 DESCRIPTION DE LA PARTIE
fe trouve une magnifique grille de fer , qu'embelliflènt les ornemens de la porte,
qui marque fon milieu , & à laquelle on arrive en montant trois marches. Cette
grille répare, en quelque forte, la maifon du gouvernement & fes dépendances, de
ee qu'on nomme le jardin du gouvernement , & qui eft le partage du public.
. L'allée de poiriers a entièrement difparu du jardin. L'efpace , qui a 50 toifes-de
long fur les 44 toifes de largeur du terrain , eft divifé en quatre grands carrés
ou tapis verts de gafon , que bordent de jolis arbres. Une large plate-bande
auffi en gafon , règne fur les quatre côtés de la promenade & cette plate-bande
a elle-même intérieurement un rang d'arbres. L'ailée principale qui mène vers
la maifon a 30 pieds de large , & les autres 24. Toutes ont des bancs
de pierre de diftance en diftance , avec l'attention qu'il n'y en ait pas deux l'un
vis-à-vis de l'autre, afin de rendre chaque compagnie plus indépendante , &pour
punir un peu auffi la curiofité.
Les pignons des deux petits bâtimens qui donnent fur les bouts du jardin ,
dans l'Oueft, ont été peints de manière à olFrir, dans leurs perfpedives , de petits
enjolivemens. A l'un de ces bouts eft une porte étroite , avec un tourniquet ,
qui donne fur la rue Sainte-Marie , prefque vis-à-vis celle du Lion. Quelque
commode quelle foit , il n'eft perfonne qui ne défirât la voir interdite, puif-
que pour gagner quelques pas , on veut arriver de ce point à la grande porte de
la rue Efpagaole , par une diagonale qui traverfe & gâte le gafon de deux carrés.
Il faut dire , quoique cette vérité foit affligeante , que les gênes font quelque-
fois néceffaires , pour que le public n'abufe pas lui-même , de ce qui a fes
jouiffances pour objet.
Il y a encore fix toifes entre la plate-bande de l'Eft du jardin & le mur de
clôture de cette partie. Ce mur qui ne va qu'à hauteur d'appui , porte une
claire -voie de bois avec des pilaftres carrés de maçonnerie. Au milieu eft la
orande porte d'entrée placée dans un évidement demi-circulaire. A la droite
de cette porte , qui eft de fer & élevée de quatre marches au-defîus de la rue,
eft un petit bâtiment oïj loge une garde , & aux deux angles des rues Sainte-
Marie & Saint- François-Xavier , mais en dedans , font deux petits bâtimens,
fermés prefque en entier de jaloufies , & deftinés d'abord à être , l'un , falon de
conversation &. l'autre, falle de concert; on en a fait des logemens. Depuis
ces petits corps-de-logis jufqu'à la porte d'entrée, M. de Reynaud avait fait
pratiquer des treillages ea portique , qu'on devait couvrir de fleurs , mais il
était
I
rat
FRANÇAISE DE SAîNT-DOMINGtJE. ^gs
était à peine parti pour la France , qu'un fentiment défapprobateur & peut-
être jaloux , les a fait ôter. On voulut punir le public de la reconnaifîance
qu'il avait montrée pour des embellifTemens dont il était l'objet , & l'on vit
même un inftant des chevaux mis à paître dans cette jolie promenade ; un
mouvement d'indignation fit juftice de cette infultante idée.
La promenade du gouvernement eft celle que l'on préfère , parce que c'eft
la plus rapprochée de tout le monde , parce qu'on y eft à l'abri des grandes
brifes , parce qu'elle eft féparée de toute autre agitation que de celle de la pro.-
menade même ; & le voifmage de la comédie lui affure cette prédileftion.
On ne faurait être trop fenfible à ce préfent de deux Adminiftrateurs à qui
le Cap doit cette jouifîance , entre beaucoup d'autres. Il eft bien plus utile qu'on
ne penfe d'avoir , dans un pays chaud , un lieu de délaffement oij l'on puilTe
prendre de l'exercice. Les femmes furtout y font appelées par le plaifir, par le
défir de plaire , & les confeils de l'amour-propre , tournent au profit de la
ianté.
C 'eft au -devant du gouvernem.ent & entre lui & ia comédie j qu'on fait
chaque matin la parade des troupes deftinées à la garde du jour.
L'édifice du gouvernement eft le premier fur lequel on ait vu des barres
cledriques au Cap. Elles y ont été pofées en 1783. Dès le 23 Juin de la même
année, le tonnerre tomba fur celle du centre, & fuivit le condufteur, mais
arrivée à l'extrémité Sud de la maifon , où ce conduéleur formait un angle aigu,
la matière éicélrique s'échappa & vint frapper le mur près du pilaftre
Oriental de la porte qui donne dans la rue Saint-François-Xavier. On a remédie
à ce défaut , mais ce que je n'ai pas ceffé de blâmer , c'eft qu'on laifTe le conduc-
teur fur le pafTage de ceux qui viennent dans le bout Sud du bâtiment , où il
plonge dans la terre ; de manière qu'un imprudent^ un ignorant , un enfant ,
quelqu'un même qui ne le fait pas , peut dans un inftant où l'atmofphère ferait
très-chargée d'éleclricité , fe faire foudroyer , en déterminant le fluide à quitter f»
.direftiqn & en fc plaçant dans fa fphère d'adivité.
Le concierge du gouvernement nommé par l'intendant, a 1,200 liv. Le foin par-
rticUlier du local des tribunaux était confié à un concierge-buvetier nommé par le
Confeil & qui avait fon logement dans un petit bâtiment parallèle aux cuifîneSo
Enfin il y a un horloger commiiTionné par l'intendant ou l'ordonnateur & payé
i,aoo livres fur la caiffe des amendes , pour foigner & entretenir l'horloge.
Tome L • ■ D d d
r
394 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Mais c'eft affez parler du Gouvernement qui a fa grande entrée fur la rue des
Marmoufets. Je pafle à la rue de l'Ours qui eft parallèle à celle - ci dans
rOuefl. Il y a plus de trente ans que la rue de l'Ours eft fermée dans le Sud par
une maifon j au moyen de laquelle deux îlecs fe trouvent joints. Cette maifon où
l'on a vu le greffe de la Sénéchaufîee , était occupée par M. de Bory & il la
quitta pour aller habiter le gouvernement actuel , & depuis ce tems , elle a écé
louée par les commandans en fécond. Elle eft bâtie en manfardes , avec un
corps-de-logis entre cour & jardin. La cour a , au-devant , une claire- voye qui va
fc terminer à Textrémité de deux ailes. Cette fituation eft gaie & la maifon a de
la grâce , parce qu'elle eft exhaufîee & qu'on y arrive par plufieurs marches.
La rue du Lion eft au-defilis de celle de l'Ours. Leurs deux noms font rout
aufîî bifarres l'un que l'autre pour Saint-Domingue. C'eft dans cette rue & à fon
angle Sud-Eft avec laruedela Providence, qu'habitait la veuve Cottin, cette
femme vénérable , ctttt mulâtrefîe qui fît toujours taire le préjugé de la couleur
& de la naiflance par fes vertus. Charitable , hofpitalière , elle prodigua aux
malheureux tout ce qu'elle devait à la fortune , & fon ame généreufe la rendait la
mère des pauvres. J'aurais crû n'avoir décrit qu'imparfaitement cette fedion, fi
je n'avais pas indiqué l'endroit oij dem.eurait ce modèle de bonté , à qui le Confeil
du Cap avait donné un grand & jufte éloge , lorfqu'il l'excepta , le 22 Mai 1760,
de la defenfe faite à d'autres qu'à des blanches , de remplir l'état de fage-femme.
La veuve Cottin vient de payer le tribut à la nature.
La trcifième rue au-dciTus de celle des Marmoufets , porte aulîî un nom ridi-
cule, elle fe nomme la rue du Chat. C'eft dans l'îlet qui eft entre la rue du Lion
& celle du Chat , & fur la rue Sainte-Marie , qu'eft l'un de ces afiles touchans
fondés par la piété généreufe pour le foulagement des malheureux i il eft connu
fous le nom de Providence des femmes.
Un maître maçon, appelé François Doliouîes , né en France, mais habitante
ville du Cap , avait conçu le defiein de donner une maifon qu'il y poffédait , aux
religicufes de la même ville , comme le prouve fon contrat de mariage qui con-
tient cette donation , fubordonnée toutefois à la jouilTance de fa femme. Mais
témoin de ce qu'avait fait un autre citoyen en fondant un hofpice pour les hommes ,
il fit, le 8 Mai 1739 , un teftament par lequel il lègue cette maifon & fes dépen-
dances , pour former un hôpital aux pauvres femmes hontcufes de la paroifle.
Le curé du Cap était chargé de diriger rétabliftement , dont l'éxecution était
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^9^
toujours renvoyée après la mort de M^- Dolioules. Dolioules mourut deux jours
après , âgé de 45 ans & fut fuivi, peu après, de fon époufe. En 17^1 , corn-
mença un procès entre les religicufes qui invoquaient le contrat de mariage les
marguilhers réclamant pour les pauvres , le curateur aux vacances , repréfentant
ies héritiers Dolioules , & les adminiftrateurs de la Providence des hommes qui
foutenaient que le nouvel hofpice devait être régi comme l'autre. Le 8 Mars 174,
un arrêt du Confeil du Cap repouflà la prétention des religicufes Se renvoya les
adminiftrateurs de la Providence des hommes à folliciter provifoirement de ceux
de la Colonie , l'autorifation légale du don de Dolioules , ceux-ci l'accordèrent
le 29 du même mois.
Telle a été l'origine delà Providence des femmes. Pour y fuppléer , durant
e procès le curé & les adminiftrateurs de celle des hommes achetèrent, â
'"f ^;i" °"'^ ^'' '"^^ ^^^"^ - J^^^P^ ^ Vaudreuil , une maifon qu'on
appela Ihop^al Saint - Jofeph & où l'on reçut en 1745 les pauvres femmes
malades. On confacra à Saintc-Eiizabethle bienfaitde Dolioules, & vers 1747 on
transféra les femmes malades de l'hôpital Saint- Jofïph dans la maifon qu'il
avait léguée, circonftance qui eft caufe que la maifon Sainte - Élizabeth e^
fouvent defignée fous le nom d'hôpital Saint-Jofeph. L'adminiftration de cethofpi^
ce a ete confiée aux foins du curé du Cap jufqu'au mois d'Avril 1751 , que le père
Defmaretsjéfuite, demanda à en être déchargé. Cette adminiftration a été réunie
a celle de la Providence des hommes , ce qui me porte à en renvoyer les détails
au rnoment où je parlerai de l'autre. C'eft cette réunion qui eft caufe que l'on a
cru long-tems & que plufieurs pcrfonnes croyent encore, que la Providence des
femmes a eu le même fondateur que celle des hommes ; de manière que le nom
de Dolioules eft , en quelque foi te, ignoré. Qu'on en juge par ce feul trait c'eft
que les Adminiftrateurs des deux maifons le croyent Jum & l'ont impr ^ dep ^
Î779 jufqu'a prefent. ^ ^
aut,cs dans des cabmcts. La grande falle a 60 pieds de long fur .4 Se lar<,e 1
on e«re»,té Sud eft une perire chapelle . for. f.n^ple = ainfi tes inf le^
ho^n^es ne remplacent jama.s pour le cœur du malheureux. Tout refpire l'ordre
& la propreté dans cette maifon qui a reçu :queIquefois des femmes livrées à I. "
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1^6 I> E S C R I P T I O N DE LA PARTIE
J)lus affligeante maladie, pulfqu'elles étaient privées de Tufage de leur raifon,".
Elles y payent une penfion , lorfque leur- fortune le pernaet. On a depuis long-
tems le projet de transférer cet hofpice près de celui des hommes , Se
fans doute qu'alors on placera quelque part , ua mot qui rappelé Dolioules & h
touchante piété.
Il y avait dans cette malfon , en Î788 , vingt femmes & dix enfans. Les femmes ■
ne font pas toujours des malades , mais des infortunées , fans aucune reflburce ,
& qui affurées d'être logées & nourries, travaillent pour avoir de quoi fe procurer-
de petites jouiiîancts.
Parallèlement à la rue du Chat, eft la rue du Pet-au-Diable , dont le nom
burlefoue a une origine qui m'cft inconnue. Entr'elles deux & à toucher la ravine,
eft un 'ilet que les prlfons civiles occupenftout entier. J'ai annoncé ailleurs par
quelles tranûatlons fucceffives" les- prifons onrenfin été mifes dans k local aftuel , .
en vertu d'un arrêt du -Gonfeil du Cap du 20 Juillet 1773. ■
Le terrain a été acheté des héritiers de Beaunay. Il y avait long-téms qu'on
deftinait des fonds à cette conftruftion , & dès le 23 Juillet 1733 , MM. de
Eavet & Duclos avaient imaginé, en s'érigeant en juges d'une imputation de com-
merce étranger, de- faire payer à MM. Charette , Bonnegens , Boulard &
Lanty négocians à Léogane , & Jauvain , curateur aux vacances du même lieu ,.
55,000 livres d'amende ,- dont -25,000 furent deftinées à bâtir une prifon au Cap,. •
La prifon: aauelle.eft.compofée de plufieurs corps de bâtimens. Son enceinte
eft formée par des murs très-élevés. La diftribution y. eft combinée pour que
les perfonnes libres foienrféparées des efclaves , & pour que les fenTraes ne -
foient pas. mêlées aux hommes. Il y a qirelques chambres particulières avec des
lits au premier étageidansles- autres endroits ce font des lits de camp. Des cours >
affez grandes & bieir pavées, . fervent à: faire prendre l'air aux prifonniers le
matin & le foir. Un conduit diftribue l'eau par-tout, & ce précieux élément combas
& la mal-propreté & les effets d'un climat chaud. Cependant on n'a pas fait des
baffins à laver, que tout exige. En général ce féjour de peine eft rendu auffi
doux qu'il puiiTe l'être par les détails , quoiqu'on ^doive regretter qu'on n'ait pas
pris affez de précautions pour k nett-oyement dés latrines, qui répandent une
mauvaife odeur. Les cachets n'offrent que l'idée d'une grande fureté , fans qu'un
rafinement barbare fe foit plû à en accroître l'horreur. Tout dépend néanmoins
deJ'homme à qui k foin de ce lieu redoutable, mais néceffaire, eft conEéV
. M^>omA*.^Êi^k/:A-i,.i'i''''^ ■ -e v.
^?^
Ë R A N Ç A î S E DE SAINT-DOMINGUE. 397
B perfonne n'ignore que la févérité qui dégénère en dureté , & l'économie qu!
fè tourne en cupidité, peuvent faire d'un geôlier un affreux cerbère, un être
auffi coupable que les criminels qu'il doit garder , mais que tout lui défend de
vexer & d'affamer.
Quel moment plus propre à placer l'éloge d'un concierge des priions du Cap »
qui , quoique nommé à cet emploi par l'elFer d'une protedlion qui pouvait
n'offrir qu'un fujet rapace, montra, même en l'acceptant, une forte de délicateffe,
puifqu'il exigea que fa commifTion le dé figneâc fous le titre de concierge-infjKfteur.
M. Fleury a prouvé, depuis 178 ijufqu'en 1784 , qu'il n'eft point d'état qu'un-
homme ne puiffe honorer. Ses foins conftans pour donner aux prifonniers tous
les adouciffemens conciliabks avec la fureté de "leur détention j fa vigilante
attention pour que les châdmens que les maîtres y font infliger à leurs elclaves
n'y dégéné raflent jamais en cruautés ; la générofité qui l'a porté à payer plu^
fleurs fois les dertes de- ceux qu'il était chargé de garder, tout lui a mérité le
tribut que je trouve doux- de payer en ce mom.entà fa ^ mémoire. Puiflent fes
iliccefTeurs s'occuper de le mériter à- leur tour !
Il y a un faélionnaire de la garnifon à l'entrée de la geôle , qui donne fur la'
rue de la Providence, Pendant la guerre de 1778, lorfqu'on y avait mis beau-
coup de prifonniers anglais, un fécond faélionnaire était fur le morne de l'autre
côté^de la ravine. Il ferai-t facile d'empêcher les évafions en faifant une petite
vigie dans, la plus grande cour, & qui les dominerait toutes. Un fignal de
l'homme qui y ferait en fentineile -préviendrait de tous les projets de fuite , &
le? déconcerterait, -
La police intérieure de la prifon efl extrêmement douce , fi même elle ne l'eil
pas trop quelquefois. Le fecret y efl -une chofê fur laquelle il ne faut pas compter.
Je ne puis m'empêcher de m'élevcr ' ici contre- un des plus grands
défordres dont la Colonie puiffe offrir le. ipeftacle, & dont les prjfons font le-
principal théâtre. ■
Depuis 1741 que le légiflateur, écoutant un fentiment d'humanité, a commué •
la peine des galères 8c celle de mort au troifième cas de fuite des efclaves en
celle de la chaîne perpétuelle-; il a été- établi une chaîne où ces condamnés font
tenus deux à -deux comme les: forçats des. ports de France, en mettant
toujours enfemble- deux individus -du mêm^e.fexe. Leur nombre s'efl accru, &-
par h laps de tems & encore parce que cette peine a été étendue par ks>
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398 DESCRIPTION DE LA PARTIE
tribunaux coloniaux à plufieurs autres cas. L'établiffcment de la chaîne avait le
double objet de tempérer une loi févère, &c de mettre fans ceffe fous les yeux des
efclaves des hommes rigoureufement tenus Se fournis à un travail continuel • mais
qu'il s'en faut que ce fécond but foit atteint au Cap 1 D'abord on a fouftrait les
nègres de chaîne à l'infpeclion des juges de police pour les mettre fous celle
des officiers d'adminillration , qui , prefque toujours étrangers à la Colonie 8c
deftinés à n'y palier que quelques années , calculent moins les fuites du mauvais
régime à cet égard. AufTi prefque tous ces nègres jouiffent-ils d'une liberté
digne d'être enviée par l'efclave. C'cft furtout à des travaux domefliques chez
des Adminiftrateurs principaux ou en fous-ordre , qu'on les emplove. Ils vont
fans chef, fans furveillans . & ce qu'on aura peine à croire , il en ell dont on a
abfolument rompu les chaînes pour s'en fervir plus utilement. C'ell dans cet
état que j'ai vu chez M. de Bellecombe le nègre Lindor, valet de M. Sainte-Marie
lieutenant particulier de la Sénéchauffée , & qui avait été condamné à la chaîne
à perpétuité pour des vols confidérables. Je l'ai vu encore mieux vêtu que
lorfqu'il fervait fon maître , & je fais cette comparaifon parce qu'elle n'eft par
infignifiante.
On croit avoir tranquiliifé en difant que ces nègres font obligés d'aller coucher
à la prifon, comme fi un homme perverti ne pouvait être un fcélérat que
pendant la nuit ! Un roman entrepris par un heureux génie pour corrio-er les
mœurs chevakrefques de l'Efpagne , préfente un fou délivrant des hommes
qu'on mène aux galères, parce que , de bonne foi, il les croit innocens ; mais
on ne trouve nulle part , qu'aux colonies de l'Amérique , des perfonnes chargées
de faire refpeéter les décrets de lajuftice, occupés de rendre la liberté à ceux
qu'elle a enchaînés comme dangereux. Quelle doit être la fenfation du juge qui
rencontre dans un état de liberté celui qu'il avait envoyé aux galères ? celle
du maître qui trouve de même l'efclave qu'il avait été forcé d'accufer pour un
délit grave ? Quelle doit être celle d'un efclave qui , après avoir vu fon fem-
blable entre les mains du bourreau, l'apperçoit plus heureux, plus libre &
mieux traité qu'il ne l'a jamais été !
C'eft dans la prifon que les nègres galériens habitent, & là ils font cou-
chés indifféremment avec les autres prifonniers, pour lefquels ils font une
dangereufe compagnie , une funefte école. Enfin , pour que rien d'allarmant ne
majiq.uâc à ce genre de défordre, on a confié la direction de ces galériens , hors
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^99
de la geole , à l'un d'entr'eux , qu'on a même vu les dimanches avec deux chaînes
démontre d'or. Il y a un cabaret rue du Chat, oùil fe débite, au moins, une
barrique de tafia par mois à ces hommes coupables. On frémirait d'entendre
leurs converfations , & de voir , en les fuivant un peu , de quelles compkifances
ils font l'objet de la part d'autres efclaves, à qui des maîtres trop crédules
croient que leur vue doit faire horreur. Cet état de chofes ne faurait fub-
filler; Il révolte tous les principes, il perpétue les crimes, il les favorife , il
les encourage peut-être j je paye ma dette à la chofe publique en le dénonçant.
Il y a dans l'enceinte même de cette prifon , une chambre criminelle, où fe
font les aétes d'inftruaion du premier juge , ce qui difpenfe de transférer les
pnfonniers. Elle fervait autrefois a cette afFreufe épreuve , dont la leule pcnfée
■aurait dû révolter -, c'était là que dans les horreurs de la torture , & après le
ferment de dire la vérité, il fallait racheter quelquefois par un aveu, & trop
fouvent par un menfonge , la ceffation d'une atroce douleur, & fe condamner
foi-même , où en conduire d'autres au fupplice.
A l'angle de la prifon, rues du Chat & de la Providence, eft une fontaine
publique rrès-utile à tout ce canton. Lors de la grande fécherelTe de 1786, les
nègres de la chaîne en vendaient l'eau, fous prétexte de la prendre pour le
gouvernement, & les efclaves ne pouvaient pas aborder la fontaine , fans payer
quinze fous , pour avoir le droit d'y prendre de l'eau.
Il y a immédiatement au-delTus de l'îlet de la prifon , dans l'Ouefl, la va-
leur d'un autre îlet inoccupée , & au devant duquel vient fe terminer la rue
Sainte-Avoye, percée du Nord au Sud. Cet efpace, qui fait partie du terrain-
de la Providence des hommes , eft celui où l'on projette la conftrudion de la
Providence des femmes, qui fe trouverait ainfi entre la rue du Pet-au-Diable
& celle Sainte-Avoye , avec la rue de la Providence fur le devant & la ravine
par derrière.
Nous voici arrivés à cette Providence des hommes , à celle qui a eu ce nom
la première, qui l'a communiqué à l'autre ,.& qui l'a. donné à la rue,jufqu'au
point où elle rencontre , à l'Eft, la rue du morne des- Capucins. Qu'on me per-
mette de préfenter les détails qui la concernent, & de publier les louanges de
fon fondateur, Louis Turc de Caftelveyre.
Cet homme précieux, né à Martigues ,- petite ville de Provence à 7 lieues
4e MarfeiUe, le 25 Août 1687, d'un père noble , partit en 1719 pour le Canada,
V'
Kl
400 D Ë s C R I P T I O N D E L A P A R T I E
avec M. Charron , pour l'aider dans les foins d'un hofpice , que ce dernier
avait é'abli à Ville -Marie, dans l'île de Montréal , pour les orphelins, les vieillards
& les infirmes. M. Charron étant mort dans la traverfée , les Adminiftrateurs
& l'évêque choifirent Cafteîveyre, pour ê:re fupérieur des Hofpitaliers de la
Croix-de-Saint-Jofeph , vulgairement connus fous le nom. de Frères Charrevs ,
&; il prit alors celui de frère Chrétien.
Dei3x ans après , il paffa en France pour les affaires de cette raaifon , &y
revint l'année fuivante. Dans un fécond voyage, fait en 1723, il fe livra à
des fpéculafions où fa bonne foi fut trompée , & croyant en faire une plus heu-
reufe à Saint-Domingue , il y paffa en 1725 , voulant y affurer le débouché des
pêcheries & d'une brafferie de fon hofpice. Arrivé à Léogane , le frère Chrétien
iè laiffa tenter par l'idée d'y former un hofpice ; il en établit miême un , comme
je le dis à la defcription de ce Heu , & il s'en occupait avec le zèle qui l'ani-
mait , lorfquc fes créanciers de France , ou plutôt ceux de la maifon du Canada ,
fe plaignirent au miniftre , qui prefcrivit au gouverneur de Saint-Domingue de
k faire repaffer au Canada, même par la force. Le frère Chrétien, prévenu de
cet ordre , redoutant M. de la Rochalar qui avnit vu avec déplaifir fon plan pour
Léogane , alla fe réfugier dans la Partie Efpagnole , où il végéta pendant trois
années. Apprenant enfin qu'on l'accufait de dilapidation en Canada, il revint
dans la Colonie , où il fut arrêté fur le champ , & embarqué pour la France, Il
mouilla dans la rade de l'île d'Aix, où fe trouvait une flûte qui allait en Canada,
& fur laquelle on le transféra au mois de Juillet 1728.
arrivé à Québec , il ne put y faire juger les procès qu'on lui avait fufcités ,
qu'eau mois d'Avril 1735. H fatisfit à tous fes engagemens , mais auffi il n'avait
plus de relTcurce. Dans cette douloureufe fituation , Cafteîveyre rendu à lui-
même , déformais étranger à l'habit & aux fondions de frère hofpitalier , réfolut
de retourner à Saint-Domingue , mais ce fut au Cap qu'il vint.
Dès qu'il y fut débarqué , il enfeigna à hre & à écrire aux enfans. Au milieu
de cette utile occupadon , il confidérait l'état déplorable de plufieurs individus
qui en débarquant d'Europe , étaient fans reffources & fans appui , & auffitôt
h maifon de Cafteîveyre eft changée en hofpice. Les Jéfuites l'encouragèrent,
furtout k père Boudn , avec lequel il avait l'analogie de l'amour du bien & k
défir de foulager l'mfortune. MM. Proft & Defmé Dubuiffon , . négocians du
Cap, concoururent à cetre œuvre pie, 8. l'on vit Cafteîveyre fe former une fa.
* mule
.>^«ti, "Tijiri/..
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FRANÇAISE DE S A I N T - D O M i N G U E. 401
mille d'infortunés. Il était même parvenu à acquérir deux terrains dans le quartier
de la ville appelé alors le Marécage, le 23 Février & le 23 Novembre 1739,
Se MM. de Larnage & Maillart lui en concédèrent un troifième. Ces fuccès
enflammèrent Caftelveyre, qui fe détermina à fe rendre adjudicataire d'une
petite habitation dépendante de la fucceffion de M. Affelin , & qui touchait à
la ville.
C'eft celle dont je parle en ce moment. Cette habitation , de 350 toifes ,
de l'Eft à l'Oueft , fur 175 de largeur , & qui prend les deux bords de la ravine,'
avait trois bâti mens, beaucoup de vivres du pays, & neuf nègres. M. Le Normand
de Mézy, alors ordonnateur au Cap , ( adjoint au miniftère de la marine en 1758,
& encore exiftant a Paris , ) l'un des grands partifans des vues de Caftelveyre , lui
avait confeiUé cette acquifition, ainfi que M. Juchcreau de Saint- Denis , faifant
les fonaions de procureur général. La générofitc de divers particuliers procura
les 14,840 livres, prix de la vente , dont les membres du Confeil Supérieur
payèrent 7,000 livres.
Convaincu que son plan pouvait fe réalifer , Caftelveyre, qui fe rappelait les
chagrins qu'une adminiftration de biens lui avait caufés en Canada , voulut en
êtrepréfervé à l'avenir. Dans cet efprit il fit au Confeil Supérieur du Cap,
le 12 Novembre 1740, la déclaration qu'il abondonnait tout ce qu'il poflcdaiti
pour qu'on en formât un établiffement , où les enfans, les vieillards , les infirmes,'
les incurables & les hommes arrivant de France & fe trouvant fans afile & fansfe-
cours , feraient reçus. Non content de ce dépouillement folemnel ( cfFedlué le
15, par un aéle reçu par M. Auriol notaire, & accepté par le procurcui général ),
Caftelveyre ajouta qu'il voulait confacrer le refte de fa vie à cet établiïTement'
En effet, de ce moment il prend l'habit d'hofpitalier, & trouve fon bonheur
dans les devoirs que ce titre lui impofe.
Le 7 Janvier 1741 , le Confeil du Cap fit un règlement pour ladiredion de
cet afile , ouvert à l'infortune , & on lui donna le nom facré de Providence , qui
rappelé fi bien aux malheureux, qu'un Être Supérieur prend foin de toute la
nature.
Le règlement dit, qu'on y recevra les enfans pauvres de la ville du Cap&
de fes dépendances , qu'on leur enfeignera un métier , & qu'on les gardera juf-
qu'à vingt ans. Les vieillards, les infirmes y font appelés , & les mendians doivent
y être conduits. Ceux que l'efpoir de la fortune amène de France , & qui n'ont
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402 DESCRIPTION DE LA PARTIE
trouvé que la misère , font fecourus jufqu'à ce qu'on puifîe ies placer ; ce doit
être auiïl Tafile des incurables , avec la précaution de les féparer de ceux pour
qui ils peuvent être dangereux. D'autres articles fixent la nourriture , les vête-
mens , les exercices de piété. Quant à radn:iiniftration , elle était confiée à deux
perfonnes que le Confeil devait choifir tous les trois ans , & dont le curé du Cap
était l'afTocié honoraire ; & peur l'intérieur, c'était à un hofpitalier Se à un fous-
horpitalier à le régir.
D'après le règlement , le Confeil nomma , le 9 Février, MM. Defmé Dubuif-
ihii & Proft, adminiftrateurs , l'un, pour trois ans, ôc le fécond pour deux
feulement , afin qu'ils ne fuffent pas changés en même - tems , & Caftelveyre
devint hofpitalier , com.me il l'avait ambitionné ; de forte que la Providence fe
trouva dirigée par fes bienfaiteurs. Le même jour, ce tribunal choifit auffi dans
fon fein, les commifTaires qui devaient être préfens à l'inventaire prefcrit par le
règlement.
Larnage & Maillart trouvèrent de l'aliment pour leur ame , dans le foin de
foUiciter l'approbation du prince en faveur de cet établifîèment, & M. Le Nor- .
mand de Mézy y attacha auffi la plus haute importance. Une lettre du roi, du 12
Septembre 1742 , n'accorda cependant qu'une approbation provifoire, parce que
l'hofpice ne paraifiait pas fuffifammenî doté. Elle blâma en même-tems le pou-
voir que le Confeil s'était arrogé de lui donner un règlement, règlement que la
pureté du motif fauva cependant de la caffation.
Le miniftre, qui ne trouvait pas la Providence aiTez folidement fondée, crut
néamr.oins qu'elle pouvait êcre , dès lors, un débouché utile pour la maifon des
ênfans trouvés de Bordeaux ,& il voulait, auffi provifoirement, qu'on envoyât,
des enfans de l'un dans l'autre. Il arriva même au Cap, à la fin du mois de
Février 1743 , quatre jeunes garçons qu'on plaça chez des particuliers, mais
Larnao-e & Maillart firent fentir auffitôt au miniftre , que ce fyilèmc ferait def-
trufteur de Tétablifiement colonial.
Au mois de Mars fuivant , le procès de la Providence des femmes ayant été
terminé , les Adminiftrateurs de la Colonie la réunirent à celle des hommes le
24 du même mois , & déclarèrent l'une & l'autre , capables de recevoir des do-
nations & des legs. De ce moment les deux maifons ont eu une adminiftration
commune , quoique par une déférence , fondée fur l'utilité de fes fecours , la
maifon de Providence des femmes ait eu long-tems pour direfteur particulier.
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FRANÇAISE DE SAÎNT-DOMINGUE.
403
le curé du Cap, comme je l'ai prouvé ci-devant. De ce moment auffi, il a tou-
jours été queftion de trouver les moyens de foutenir & de favorifer de toutes les
manières , ces deux hofpices.
Dès le premier Mars 1748 , Larnage & Maillart avaient concédé à celle des
hommes le privilège exclufif de fournir tous les cercueils de la paroifîe du Cap,
Le 20 Avril , ils nommèrent M. Pougct pour chirurgiens des deux Providences
fur la demande & la préfentation de leurs adminiftrateurs , avec exemption de
tutelle &c de corvées à l'inftar du chirurgien-major du roi , & ce , tant qu'il
ne ferait pas révoqué par les adminiftrateurs de ces maifons qui , quoique naif-
fàntes j méritaient le plus vif intérêt. "• Voilà , " écrivaient les deux chefs de la
Colonie au Miniftre , le 'premier Août 1745 , " plus de mille pgrfonnes aux-
„ quelles la Providence des hommes , depuis environ trois ans , a donné i'afile ,
„ & par ce moyen , confervé la vie à plus de la moitié qui l'aurait infailliblement
perdue fans un tel fecours. Elle fe reflent des malheurs de la guerre qu^
„ diminue les dons Se les libéralités &c „. A la fin du mois de Septembre 1746
Caftelveyre obtint encore des Adminiftrateurs que les enterreraens des non-
catholiques feraient faits dans un cimetière , dont je parlerai bientôt , par la
Providence. Le 8 Février 1749 , fur fes repréfentations , MM. de Confîans &
Maillart accordèrent à ces maifons l'exemption générale des corvées & des tra-
vaux publics pour leurs nègres, & au direéleur, mot fubftitué à celui d'hofpitalier,
l'exemption du guet , de gardes & de corvées publiques. Toujours excités par
Caftelveyre, ils décidèrent, le 10 Juin 1749 , que les Providences auraient
quarante livres de viande à la boucherie , au taux des privilégiés , au lieu de vingt
livres feulement qu'elles avaient eues jufques-là , Se elles furent comprifes pour
cette quandté dans l'adjudication des boucheries du 12 Décembre 1761.
Les mêmes perfonnes avaient été continuées dans l'adminiftration des Provi-
dences, jufqu'en 1750 , que le Confeil en nomma deux autres j mais il conferva
au mois de Juin , à MM. Dubuifîbn & Proft l'honoraire , & charga deux de fes
membres d'inftaller les nouveaux adminiftrateurs en exercice. Les Providences
curent donc réellement alors cinq adminiftrateurs , en y comprenant le curé', &
plus que tout cela encore , le vertueux Caftelveyre.
. C'était lui , en effet , qui était l'ame de cet établifTemcnt ; c'était lui qui y
comme il l'avait toujours fait, foignait & panfait les malades ; & confolait par fesf
proies , les douleurs phyfiques & morales de ceux dont il s'était environné. Il
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404
DESCRIPTION DE LA PARTIE
vivait au milieu d'eux ; Se ce qui les touchait davantage, de la même manière
qu'eux. Il était même parvenu à donner a des hommes que le préjugé de leur
nallfance dominait , le courage d'entrer dans la Providence & d'en accepter les'
iècours. Enfin c'était un ange tutélaire pour les malheureux , un père tendre
qui avait adopté tous les infortunés pour fes enfans.
Quel jour de deuil que le 21 Mars 1755 , où la ™ort le leur enleva , dans la
67^- année de fon âge ! Il n'en fut pàs un feul qui ne regardât ce jour comme
celui de la perte la plus cruelle qu'il pût éprouver. On les vit tous éplorés ,
fuivrc le cercueil qui ne confervait plus que les relies inanimés de l'un de ces
hommes que le ciel montre trop rarement à la terre. Le peuple entier les fuivaic
en foule & jamais plus de larmes n'honorèrent la vertu.
Son fouvenir protégea fon ouvrage que les chefs de la Colonie crurent de leur
gloire de féconder. Le 75 Février 1761 , l'intendant donna à l'hofpitalier des
Providences , la commifTion cxclufive de tambour public pour toutes les publi-
cations civiles. Il fe réunit au gouverneur-général pour leur concéder le terrain
qui était immédiatement au-devant de la Providence des hommes. M. de Clugnjr
les chargea encore le 13 Mars 1764, du nettoyement des rues du Cap , ce qui
leur donnait une rétribution. Cependant les dépenfes croiffaient , elles étaient
fupérieures aux moyens, les conftruftions dépériffaient , & il faut le dire pour
ê:re vrai , les deux Providences s'étaient trouvées malheureufes depuis l'expul-
fion des Jéfuites. Lorfque les pharifiens font profcrits , difaient ks adminiflra-
teurs aux chefs de la Colonie , faut il rappeler aux vrais fidelles le précepte de
l'apôtre, que la fubfîftance & les vêtemens doivent être donnés aux pauvres!
Cette apoftrcphe touchante produifit une ordonnance qui accorda aux Providences-
le privilège exclufif de faire porter les morts aux enterremens & d'exiger ce qu'on
accordait auparavant aux foldats fuiffes du régiment d'Halwil , qui étaient dans
l'ufage de faire ce tranfport & qui venaient d'être réformés.
A cette marque de protedlion donnée par MM. d'Eftaing & Magon , MM.
de Rohan & Bongars crurent devoir faire fuccéder celle de demander que les
Providences fuffent définitivement autorifées par lettres du prince. Selon leur
lettre du 15 Octobre 1766, il était impoiTible d'efpérer qu'on y vit élever des
bâtimens durables , au lieu que cette preuve de l'intérêt du gouvernement
ferait un germe fécond de luccès , dont l'imitation par d'autres lieux de la Colonie
& liotamment par la ville du Port-au-Prince , ne ferait pas perdu. Cependant «1$
il
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 405
aveuglement inexcufable faifait croire à Verfailles que l'écabliffement devait être
rkhe, avant qu'on le confolidâti tandis que l'indifférence du miniftère était
un des plus grands obftacles à fa folidité. Enfin MM. de Rohan & de Eongars
firent fentir cette vérité par une nouvelle lettre du 20 Août 1768 , & les lettres-
patentes furent accordées le i^^- Juillet 1769. On y lit qu'à cette époque les
biens des Providences étaient évalués à 400,000 livres tournois ^ & que l'établif-
fement portera le titre de Maifon de Providence , fans diftinguer celle des femmes
d'avec celle des hommes , diftinftion que les rédacteurs des lettres - patentes
ignoraient fans doute & que leurs provocateurs ne connaiffaient peut-être pas ,
car fans cela le préambule aurait nommé Dolioules comme il nomme Caftelveyre',
Les bienfaits déjà reçus , ont été approuvés ainfi que ceux à venir jufqu'à ce qu'ils
aillent à 1,200,000 livres tournois. On a eu foin d'inférer un article qui déclare
que cette fondation eft civile & entièrement à la charge de la Colonie. Quant à
l'aiminiftration , les lettre s -patentes la confient à un bureau compofé du gouver-
neur-général & de l'intendant ou de ceux qui les repréfentent , de deux confeillers
& du procureur-général du Confeil du Cap , de deux membres de la Chambre
d'Agriculture de la même ville, de quatre notables choifis par ks paroifliens du
Cap & du préfet apoflolique de la Partie du Nord, lequel bureau e(l chargé de
faire un règlement.
Les quatre premiers notables furent, choifis dans une affemblée de paroifîê
du 22 Avril 1770. La même affemblée choifitauffi M. la Café , notaire, pour
le fyndic , qu'une ordonnance de MM. de Nolivos & de Bongars, du 7' Mars
1770, avait créé, & dont les fablimcs fondions confinaient 1 fo'lliciter d'eux
l'approbation du choix de la paroilfc , quoique les lettres patentes ne rendiffent
pas cette approbation néceffaire. L'inftallation du bureau eut lieu le 1 1 Juin
1770 chez M. de Choifeuî, commandant en fécond , & ce bureau remplaça la
iimple alfemblée des adrainiftrateurs & du curé , qui avait lieu tous les lundis,
à la Providence des hommes.
Le règlement rédigé par MM. Sainte-Marie & Eaujouan que îe bureau en
avait chargés, eft du 9 Septembre 1771 & va faire connaître le régime de la
Providence. Il eft divifé en ftatuts généraux & en ftatuts particuliers.
Les ftatuts généraux règlent que le bureau s'afiemblera le premier jeudi de
chaque mois après-midi, dans une falle de la Providence des hommes &
îîiême plus fouvent s'U eft néceifaire. Il doit s'y trouver fept délibérans • h
'"▼"
i
v:
4q6 description DE LA PARTIE
pluralité y détermine , k dans les cas de partage , la voix de celui qui préfidc
devient prépondérante. Les délibérations font rédigées par le fecrétaire du bureau
fur un régiftre paraphé par le général & l'intendant , & figné des mem-
bres préfeno. Tous les trois ans le bureau prend deux adminiftrateurs parmi
quatre notables ; ceux-ci doivent vifiter l'hôpital au moins trois 'fois par femainc
& en rendre compte chaque mois au bureau. L'un des deux Adminiflrateurs
cft tréforier & agent de la Providence. Il rend un compte particulier au bureau
chaque trimeftre , & un compte général dans les trois mois qui fuivent fon
exercice. Les deux adminiftrateurs peuvent être réélus, mais à chaque époque
triennale on vérifie l'inventaire général des titres & papiers. Le bureau feul
peut affermer les biens , ordonner les réparations non urgentes & au-deffus de
.1,200 liv.j recevoir les dons avec des conditions onéreufei, édifier, (outenir
des procès , changer aux règlemens & décider fur la police & l'économie de
l'établiffement.
Les ftatuts particuliers foumettent au bureau le choix & le nombre des hofpi-
taliers des deux maifons , lefquels doivent être indépendans les uns des autres.
Dans chaque maifon , le chef eft obligé de tenir un régiftre paraphé par les
adminiftrateurs , où s'infcrivcnt les noms de baptême & de famille , l'âge , les
qualités , le lieu de la naiffancc , la profeflion & la religion de ceux qui y entrent,
leur état de marié ou non marié & l'époque de l'arrivée dans la Colonie , &
de porter en marge la date de l'entrée & de la fortie & la note des effets
apportés & emportés par les pauvres. Nul ne peut être admis à l'hôpital que
fur le bilkt de l'un des deux adminiftrateurs. Le bureau a la nomination d'un
médecin & des chirurgiens , & la fixation de leurs honoraires. Le préfet charge
des prêtres de dire la meffe les fêtes & les dimanches dans les chapelles des deux
maifons , & d'y donner les fecours fpirituels. Les morts font mis dans un
cimetière dépendant de celle des hommes , 8c inhumés par un prêtre qui y eft
prépofé. La preuve de ces inhumations eft portée fur un régiftre triple , paraphé
du procureur-général ; l'un refte à l'hôpital, l'autre eft dépofé au greffe de la
Sénéchauffée , le troifième eft envoyé au dépôt de Verfailles. Plufieurs articles
règlent la nourriture , le vêtement & les heures où les pauvres doivent diriger
leurs vœux vers le difpenfateur de tous les biens. Des troncs doivent fe trouver
dans la chapelle des religieufes du Cap , dans chaque paroilTe du reffort du
Confeil du Cap ôe dans les cloapelles des deux Providences, où doit être auiS
f\ 1.
*tikx ° VJi'l'^ W ;
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 407
le tableau de leurs fondateurs & de leurs bienfaiteurs. Je dirai en quoi ces
règlemens ont été inexécutés , changés ou modifiés.
Lorfque le Tpeftacle du Cap devint public , les adminiftratcurs de la Provi-
dence expofèrent à MM. d'Eilaing & Magon , qu'en France les fpeftacles
des villes donnaient aux pauvres une partie de leurs bénéfices , & ils foîlicitèrenc
ou une rétribution fixe , ou des repréfentations au bénéfice des pauvres. Les
aftionnaires de celui-ci arrêtèrent ,• le 12, Février 1775, qu'il ferait donné un
mardi du carême , une repréfentation au profit des Providences. Cet ufage s'eflr
confervé jufqu'à préfent, & c'eft avec un fentiment religieux que les perfonnes
mêmes qui ne vont pas à cette repréfentation envoyent leur aumône, JLorfqu'au
mois de Mai 1785 le fpeélacle fut déferté , on fentit que cette circonftance ne
devait pas être préjudiciable aux pauvres ; il fe fit une quête qui produifiE
7,000 livres.
Le bureau qui jufqu'au mois de Juin 1773 avait été très-peu exaft , convint
alors de fc former chaque mois , comme il le devait j c'était touïours chez le
gouverneur-général ou chez fon repréfentant , mais le bureau décida, le 6 Juin
1775 > q"'^" conformité des règlemens , il fe réunirait dans une des l'allés de
la maifon de Providence , ce qui eut lieu la première fois le 12. du même mois,
M. d'Ennery débarqua au Cap deux mois après , & dès le furlendemain il
fit aflembler le bureau. On obferva avec raifon que plufieurs abus avaient;
attaqué i'adminiftration de la Providence. On décida donc, le 8 Août 177^
que dorénavant le bureau fe renfermerait exaétement dans les termes de l'infti-
tution ; qu'on ne recevrait que les perfonnes à qui l'hofpice était deftiné ; on
plaça les fous au rang des incurables, auxquels l'accès en eft ouvert, & l'on
décida que les vagabonds & les pauvres de la Colonie n'y feraient plus reçus
Touchés des befoins de ces deux maifons , MM. d'Ennery & de Vaivre leur
accordèrent 30,000 livres à prendre annuellement fur la caiflTe des libertés 1 une
rétribution de 10,000 par an payée par le geôlier du Cap , & que les chefs de
la Colonie avaient donnée jufques là à leurs fecrétaires , leur fut attribuée. Cette
décifion qui honore fes auteurs fous plus d'un rapport , triplait , prefque tout-à-
coup , le revenu de la Providence , qu'on n'évaluait qu'à 20 ou 30,000 livres.
Enfin en 1777 on entreprit de bâtir réellement la Providence des hommes ,
qui était fi peu de chofe à cette époque , que voulant y mettre des foldats ' con-
vakfcens au mois de Mars , on calcula qu'on ne pouvait en placer que 140
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■^
, I
4o8 D»E SCRIPTION DE LA PARTIE
ou i6o Cl l'on prenait la chapelle. L'édifice doit avoir 60 toifes de façade fur
la rue de la Providence , à partir de la rue Saint- Avoie & s'étendant à l'Ouefl".
Il n'y en a cependant que les deux tiers de conftruits. Un corps avancé formant
un grand veftibule de toute la largeur du bâtiment , qui eft de 36 pieds , marque
fon milieu. A l'extrémité Orientale , eft la chapelle qui a été fculptée par M.
Adde,artiu:e intelligent, avantageufement connu par l'exécution heureufc de
plufieurs moulins à fucre , & qui a cru devoir laiffcr à la Providence une preuve
de fa reconnaiiïànce pour l'afile qu'elle avait donné autrefois à fes talens , que
n'avait pas refpeclié la mifere.
Comment ce trait n'a-t-il pas rappelé aux adminiftrateurs que tout,
jufqu'aux règlemens , leur impofe le devoir de placer dans cette chapelle
k nom du fondateur de la Providence ! Nulle part on n'apperçoit le nom de
Ca^elveyre, de ce mortel dont la bienfaifance fut l'unique objet, la feule
penfée , la feule jouiffance. Il a fallu que la Société des Sciences & Arts du
Cap ait propoféen 1785 l'éloge de Caftelveyre & de Dolioules ; il a fallu que
les hommes efllmables qui la compofent aient fongé à ce que l'oubli allait
enfevelir fans eux. Il y aurait trop à rougir pour le bureau de la Providence fi
l'on favait jufqu'à quel point il pouffait l'ignorance fur tout ce qui concerne les
deux Providences. Je reprochais à l'un de /es membres l'infouciance qu'on
avait à parler de ces deux précieux établiffemens , & c^ fut en cédant à mes
importunités qu'il fit inférer dans l'almanach de 1779 une notice où l'on dit
que Caftelveyre a fondé les deux maifons. Ce fait inexaft , les almanachs
fuivans l'ont fervilement copié. J'ai eu autrefois des renfeignemens encore plus
fautifs, & qui m'auraient égaré parla confiance dont je les crovais digne, fi je
n'avais conçu l'idée de répondre aux vues de la Société des Sciences Ôc'^Arts (*)
r) Elle a daigne couronner mon faxble ouvrage au mois de Juillet 1790. Les Adn,iniflrateur,
qu. 1 ont onnu ont avoue leur faute en cherchant à la réparer. Ils ont demandé une infcription qui
rappela, .e nom fi touchant de Caftelveyre. Qu'ils ôtent du frontifpice du veftibule celle^i :
Hic DIVITUM DONIS, Pauperes curantur
Qu'on abdique cette ridicule manie de célébrer en latin des vertus franfaifes. Écrîve^dans votre
langue , dans celle qui fera entendue de tous : '^ez^aans votre
p, CASTEI.VEVRE OirVRIT CET ASILE AU MALHEUR E r. I74O.
.u^r^::;:;"s:'^^' '''' ^"^ '\'- '- ^^ ^^^^^ c.tour„..ies ver.
k.m. Vv "i
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 409
A l'immenfe corps-de-logis de la Providence , ont été ajoutés de nouveaux
bâtimens , l'un de 261 pieds de long fur 17 de large, & l'autre de 94 fur
18, qui ont été conftruits par M. Artau , entrepreneur, d'après des marchés
paffés le 10 Mai & le 15 Juillet 1782; le premier pour 81,000 liv^. , & le
fécond pour 42,000 liv. C'eft dans la totalité de ces conftruclions , qui peuvent
contenir environ 800 perfonnes & qui étaient achevées en 1782, qu'on a vu
jufqu'à 900 malades ou bîefTés dans la dernière guerre , car durant deux ans la
Providence a été changée en un hôpital militaire, devenu indirpenfable. Aufli
le bureau ne s'eft-il pas affemblé depuis le 5 Juillet 1781 jufqu'au 7 Août
1783. Au mois d'Août 1779 on avait été forcé auffi d'y mettre 400 malades de
l'efcadre de M. d'Eftaing. La Providence a été intéreffée pendant dix-neuf
mois, pour moitié, à l'entreprife des malades qu'on traitait aux frais de i'ÉtaC
dans fon local.
La plume éloquente de Raynal a loué l'auteur de la Providence, & fans doute
qu'il l'aurait nommé s'il l'avait connu j mais je crois devoir réclamer contre
les imprécations qu'il knce à caufe des infidélités qu'il reproche à des adminif-
trateurs de ce refuge des pauvres, & j'ofe dire qu'il a été trompé & que ce forfait
efi: imaginaire. M. Hilliard d'Auberteuil a auffi parlé , mais d'une manière
affligeante , d'une fondation qui attend des infortunés à deux mille lieues de leur
pays , pour les fauver de la mort & peut-être de la honte , & M. Dubuiffon , fon
critique a eu tort de lui reprocher cette trifte peinture , pulfqu'il voyait la Provi-
dence conftruite à neuf, tandis que M. Hilliard l'avait laiiïee menaçant ruine.
Mais qu'on cft douloureufement frappé en obfervant que l'éloge fait par M.
Dubuiffon n'eft pas compkttem.ent mérité ! Qui ne ferait affligé de n'appercevoir
qu'à peine le vafte bâdmentde la Providence , dans un point dont les alentours fe
trouvent efcarpés de huit à dix pieds, de manière qu'il efl enfoncé & qu'on ne le
dirtingue que lorfqu'on en eft près. On regrette que cet édifice n'ait pas été mis
dans une fituation plus élevée & plus faine , où fa perfpcdive aurait embelli
h ville.
On remarque que ce bâtim.ent faifant face au Sud , manque lui-même d'éléva-
tion dans fes proportions ; que les ouvertures en font trop baffes & que les
malades y éprouvent une chaleur extrême. La ravine n'ayant qu'un filet d'eau
qui nefert qu'à détremper les immondices qu'on y jette , & que groffit l'égoûc
des latrines des ca-crncs , elles y font une fource d'infecTiion qui corrompt vZ de
Tome I. . ' F ff -
4Î0
DE SCRIPT* ION DE LA PARTIE
czttc mailbn 5c qui nuit âu:c m.\l-iacs. Uiis digue & une éclufe auraient pu fcrvir
à lâcher, à volonté , l'eau qu'on auraii: accumulée. Comment n'a-t-on pas fenti
Ja néceffité d'une galerie tournante dans l'intérieur des cours pour que les malades
ne fufient pas expofés aux injures de l'air , furtout dans la failo-n des pluies ?
Pourquoi n'avoir pas éloigné davantage leurs latrines, au lieu de les mettre au
centre- & de les adotler aux bâtimcrs- ? I^vl. Artaud, médecin du roi , a propofé
de pratiquer d^s lucarnes dans la toiture des fal'es ; mais l'inconvénienc ferait
mieu:-: corrigé par l'élévation des croifees. Au total , il eft indirpenfabie de s'occu-
per de reétifier to-Jt cet enfemble , & pour ks quatre-vingt-dix ou cent perfonnes
qu'on voit conltamment à la Providence depuis la guerre , aii lieu de vingt qui
s'y trouvaient a':p:iravant , & pour les cas où il faudrait encore y loger des
bleiTéj. C'efl: alTez que des entrepreneurs d'hôpitaux trouvent dans des calculs
dont le rélulcat eft une fortune qu' éclaboufle , les moyerts de n'accorder à celui
q;ul dorme Ton fang à la p^atrie , que ce qu'il ne peut lui refufer , fans que des vices
de local moiff^nnent encore cet homme utile. Il ne faut pas que l'on foit arrêté par
les dépenfcs qvt'on a faites , parce qu'il ne s'agit pas de facrifier des hommes à de
L'argent , raiiis de l'argent à des hommes. Qu'on fe fouvienne de l'exemple d<t^
Calciveyre ; il a tout fcum.is à ia feule penfée d'êt-re vraiment utile.
La Pi-Gvidence n'eft pas , je le fais , dans une fituation qui lui permette de
grandes déper«e-s , mais cette fituation- doit s'améliorer & l'on peut ne faire que
fuccefilvemcnt ks changcmens néceiT-iires.
En 1779 , les Providences devaient' io;,cco livres, quoiqu'elles euflent reçu
eu 1776, 1777 & 177S , 9G;CCo livres-de la caifTe des libertés, & en 1776, 1777 ,
1778 & 1779 j 40,000 livres du geôlier , paye-m.ent qui ceffa en 1780, parce
que M. Fieury s'en fit décharger ; mais auffi la Providence avait dépenfé-, eh.
1777 , 300,000 livres pour un édifice. En 1782 elle a fait faire des conftruélions -
par Mi Artau pour i 2j,QCO livres , elle avait acheté pour 63,000 livres d'appro-
vifionneniens defiinés aux malades , parce qu'on annonçait l'arrivée de M..
d'Eftaing & de forces fupérieures pour une expédition , à quoi il faut ajouter
44,000 livres de rem.placemens de- nègres , ce qui faifaitun total de 332,000
livres de dettes en 17S2. D'sprès un-e ordonnance du général & de l'intendant
datée du 29 Novembre 1785, la Providence a reçu 123,025 livres pour ce qui
lui appartenait dans la moitié du traitem.ent des malades, dont M. Brée de là
Touche 3 entrepreneur, avàç l'autre moitié. Elle,, a reçu, au xêine titre encore >,
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 41T
56,000 livres, c'eft au total, 179,000 livresj elle en redevait donc 153,000
à la paix en 1783.
A l'époque de 1785 , 11 faut déduire trois années d'un cafuel qu'on pouvait
évaluer alors à 35,000 livres par an , & environ 10,000 de loyers & de rentes
annuelles , c'eft au moins 1 15,000 livres par an, &, par conféquent, li dette était
réduite à environ 40,000 livres.
Calculons maintenant pour cette année 1789. Le droit fur la geôle a é:é renou-
velle en 1785, mais fur le pied de 6,000 livres feulement; c'eft c 4,000 livres
pour quatre ans. Les revenus fixes étaient montés à 20,000 livres ; le cafuel à
50, 000, le tout par an , c'était 280,000 liv. , & au total , au moins 300,000 liv>
Voilà donc la dette éteinte , & 260,000 livres de refte. Je fens bien qu'il a fallu
faire la dépenfe de la maifon , pendant ces quatre ans , & je fais même qu'au
commencement de 1789, loin d'avoir des fonds difponibles , les Providences
devaient 150,000 livres. Or elles avaient alors aulTi , un aélif de 450,000 liv.
compofé de dons, de legs & d'amendes prononcées à leur profit. Défalquant
un tiers pour le pju de refîburce de certains recouvremens , on trouve encore
300,000 livres qui payeront la dette, & fourniront un capital de 150,000 liv.
qui , bien placées , donneront 1 5,000 liv. de revenu. Il faudra y ajouter 15,000 liv.
annuels , que donnera la maifon de l'emplacement de l'ancien hôpital Saint- Jofeph,
au coin des rues Vaudreuil & Saint- Jofeph, que MM. Reynaud & Robar , entre-
preneurs, ont bâtie en 1788, à condition qu'ils en jouiraient dix ans. Tout
cela réuni au re^^enu d'une autre maifon, qui fait l'un des angles de la rue
Penthièvre & de la Vieille Joaillerie, fituée par conféquent dans un point très-
commerçant , & reçue de M. Châtier, en échange de 225 quarrcaux déterre
dans la piroiiTe de Plaifance , qui venaient de Caftelveyre ; on peut confidérer
les Providences comme incefifamment libérées de tout engagement', devant jouir
d'un revenu annuel de 100,000 liv. , d'autant que depuis 1787 , il s'eft augmente
de 1,014 liv. , P^'' ^'^^ tiaux emphithéotiques , dont l'ordre de la defcription me
fera parler tout à l'heus^e. •* .
On ne peut pas, fans courir le rifque de fe tromper, compter ia dépenfê
annuelle des deux Provilences, pour moins de 100,000 livres, à ca'ife des
appointemens du direéleur , des hofpitaliers , les frais d'entreden des bâtimcns ,
le remplacement des nègres, & la dépenfe de cent maladts eu autres perfonnes
accueillies dins ces hofpices; voilà donc ces établifiemens au pjT. Maintenant
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4^
DESCRIPTION DE LA PARTIE
les nouvelles libéralicés j les nouvelles amendes, & q.ucl<iues économies, peuvent
8c doivent è:œ employées aux changemens qui pourront leur donner une fitua-
V.on lalubre, aërée , commode & propre à remplir le but de leur inftituEiôn.
Que le bureau fe dé:ermine enfin , à faire placer la longue lifte des fondateurs
& des bienfaiteurs dans un tableau, & j'ofe afîlirer que ces an éliorations devien-
dront bientôt poffibles j car il doit erre plus aiië de les réalifer , qu'il ne l'a
été de procurer loo^oco livres par an ^ ces miaifons. Sans doute il eft trifte,
qu'il faille parier à l'amiOur-propre des hom.mes , pour les porter à une aftion
utile , mais n'ayons pas la prétention de changer le cœur humain , & publions fes
vertus , n'iême pour les exciter.
Cette lifte que je pofiede , offre un total de 624,909 livres 2 fous 4 deniers de
bienfaits , fans compter les dons de Caftelveyre & de Dolioules , & il eft à ma
connaiflance perfonnelle , qu'elle contient des omiffions. Ne ferait-ce pas une rai-
fon ( entre beaucoup d'autres ) , pour que radminiftration de la Providence
rendît des comptes publics ?
Je voudrais auffi , qu'au rang des bienfaiteurs , on plaçât les admiiniftrateurs
des maifons de Providence ; car c'eft un bienfait que de donner, dans une Colonie,
fon tems aux foins de ces hofpices èz de s'attacher à leurs intérêis.
La même juftice devrait être la récompenfe des micdecins & des chirurc^iens ,
qui leur ont confacré & qui leur confacrent journellement des foins gratuits.
Cemm.f nt le bureau des Providences néglige-t-il tant de moyens de procurer
des fecours de tous les genres , aux malheureux qui leur font confiés .?
J'allais ê:re coupable moi-rrêmie , en oubliant de compter M. Adde parmi les
bienfaiteurs, lui qui a fculp:é fa jolie chapelle avec un cizeau que conduifait la
gratitude.
J'ai peu de chofe à ajouter ftir ces établifiTemens , dont on ne fe laffe point de
parler. Depuis le 2 Avril 1778 , le bureau y a mis un contrôleur qui, commiC le
le dit fon titre m.ême , infptcte tous les achats , toutes les dépenfes , & dont le
directeur eft tenu de prendre le vi/a pour tout ce qu'il fait. Et comme le bureau a
fenti que les fcncftions qui lui font attribué'=-s , relativement aux regiftres qui
doivent faire preuve de la mort de ceux qui y périaènt, font civiles, il prit un
arrêté le 7 Novembre 177 1 , portant que ce diretSteiu" ( alors appelé hofpitalier )
dépoferait au greffe de la Sénéchauftee fa nomination bc fa fignature , pour que
fes acles miortuaires'pufTcnt être légalifés. Le tribunal a juftement exigé de pliis
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FRANÇAISE DE S A î N T,^©^M I N G U E. 41^
le ferment de ce diredcur, entre ies mains du juge , c'efr donc à cet égard un of-
ficier public. Les regiftres mortuaires des Providences, depuis 1746, fc trouvent
au greffe de la Sénécliauffée.
Leur retenu cafuel eft produit par le tranfport des morts, où chaque r.è-re
reçoit 3 livres, & même 1 1 Hv. , dans les inhumations folemnelles ; par les enter-
remens des non-catholiques, où celui d'un juif coûte 180 hv. , celui d'unproteftant
avec cercueil couvert 199 liv. 10 fous & fans ce cercueil 67 liv. 10 fous •
par le droit des exécutions , où elles font préparer les échafauds , les aibets &c •
par le produit de la repréfentation annuelle de la comédie; par ceîui ( prefquê
nu ) des troncs mis dans les églifes ; par les quêtes que font des Dames de la
ville, dans les deux journées du Jeudi & du Vendredi-Saint , lorfqu'on va faire
des ftations aux chapelles des deux Providences; par le produit de quelques
tombereaux qui font des tranfports & des charrois dans la ville, & enfin par le
traitement des matelots malades , qui eft payé par les capitaines des navires
marchands , dont ces matelots dépendent.
Je m'arrête enfin ici , relativement à ces établiffemens oui montrent que les
vertus les plus touchantes ne font pas étrangères aux colons, & en répétant qu'ils
fon^t dus à la générofité , au rare dévouement & à la perfévérante charité de
Cauelveyre , dont l'exemple a donné naifîance à la Providence des femmes &
a la Providence qui fubfifte maintenant dans la ville du Port-au-Prince
En- fortant de la maifon de Providence des hommes , la lailTant à droite &
montant dans l'Oueft la rue de fon nom, on trouve , à environ 100 toifes de h
rue du Pet-au-Diable , un pont de bois qui traverfe la ravine à Douet ou des
Cazernes, près du pont où elle va fe rendre dans celle du Cap En 1770 il
n'y avait point de maiibns au-defîus de la Providence & en 178 1 on en voyait une
feule, en deçà ce la ravine des Cazernes, & elle était confidérée avec fe.
petits^embelhiTemens comme une maifon de campagne ; mais depuis X786, k
Cap s eft encore etenau de 100 toifes au de-là de la ravine des Cazernes C'eft
«ne petite gorge qui a à peine 40 toifes dans fon plus large , & qui eft e^caiffée
par_ deux coupes du morne du Cap. Elle a fa direftion au Nord-Oueft & h
ravmc du Cap la borne au Nord.
Le 6_AvrU. 1786 , le bureau de la Providence confidérant la cherté des loyer.
& fo hcite par plufieurs particuHers , décida que ce terrain ferait donné à bail
emphytheotique. Il fallait partie de la conceffion accordée à l'hofpice le .3 Avril'
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414 DESCRIPTION DE LA PARTIE
176 1 , par MM. Bart & Clugny , de 300 pas, depuis la rue du Pet-au-Diable ,
allant dansl'Oueft,& le long de la ravine du Cap. Les Adminiftrateurs delà,
Colonie, à qui cette deftination fut foumlfe, l'approuvèrent le 7 Juin 1786, ainfi
que le plan qui avait été dreffé pour partager cet efpace en neuf emplacemens ,
i conferver le pafiTage du chemin qui conduit de la ville du Cap à la Bande
du Nord & au Port-Français. Ce plan fut n-.ême reftifié par les opérations du
Voyer, qu'une autre ordonnance des Adminiftrateurs de la Colonie fandionna
le i4 0aobre 1786. Enfuite y comprenant le terrain de l'ancien cimetière de
la Providence, on n formé neuf emplacemens, qu'on peut compter fur le plan ~
topographique du Cap, dans mon Atlas.
On les a tous affermés au mois de Juin 1787 , au profit de la Providence, pour
dix ans ; chaque fermier eft tenu de faire pendant les dix ans, qui comptent du
premier Juillet 1787 , pour 3,000 livres de bâtimens , & l'un deux pour 7,000
livres. Si les conftruftions font au-deiTus de cette valeur , les fermiers auront
dix autres années de puiffiince , moyennant une rétribution fixée 5 & à l'expira-
tion des vingt ans, tout le terrain & les bâtimens doivent être remis en bon état
à la Providence , fans nulle indemnité de fa part.
C'eft ainfi que fc font formées plufieurs jolies petites maifons de plaifance ,
offrant un afped varié par l'inégalité du terrain , & les differens enjolivemens
qu'on a cherché à naturalifer dans ce fol ingrat, où l'on ne peut tenter que la
culture de quelques fruits & de quelques légumes , au moyen de l'eau que
procure des fources & des ravines.
Je viens de dire que c'était à l'extrémité de cette efpèce de petit faubourg,
qu'était le cimetière de la Providence, placé dans ce point en 1746, aune
époque où l'on était loin de fuppofer que les vivans , guidés par le plaifir ,
viendraient y chercher des afiles. Ce cimetière, qui avait loo pieds de long
du Nord au Sud, & 60 de large de l'Eft à l'Oueft , avait été étabH par
Caflelveyre , indigné de ce qu'on plaçait au ha'^rd les corps des nègres non-
baptifés, & des non-cathohques j de ce qu'on en avait jette dans des puits fecs
& d'autres dans la mer, de forte que ramenés au rivage, ils y devenaient
la proie des animaux. Les officiers de police du Cap & les adminiftrateurs
avaient trouvé ce lieu convenable, &c déjà il était entouré d'une large haie
vive, en attendant la clôture de maçonnerie qu'on y avait fait pofténeurement ,
âorfque les chefs de la Colonie approuvèrent cette nouvelle œuvre du picuji
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>«.>.>>. «W' •i *.
FRANÇAISE D E. S A I N T - D O M I N G U E. 415
Caftelveyre. Au mois de Septembre 1746 , on a mis plus à l'Oueft, & fur la
rive cppofée de la ravine du Cap, ce dernier refuge de l'homme, 8c on l'a
diftribué de man'.ère à fervir de fépukure pour les malades de la Providence,
pour les Tupplicits, pour les non- catholiques , & pour les nègres non-baptifés.
A toucher la limite Oueft du terrain affermé par la Providence, ePc im
établiffemcnt auquel tous les hommes fenfibles doivent un tribut de reconnaifîance.
Depuis que l'Afrique donne des cultivateurs aux colonies américaines , lea
cœurs , où l'on n'avait pas écoufie les fentimens de la nature , étaient foulcvés
de voir l'état d'abandon oij étaient laiffés les Africains malades , apportés par
les navires, Entaffés dans des magafins très- refferrés , gardés au fein de la ville,
dont l'air n'était pas propre à les rétablir, & qu'ils n'ont rendue que trop fouvenîr
le théâtre d'épidémies cruelles, ils y o Seraient le fpetîlacle déchirant de l'humanité
méconnue par la cupidité. Un jeune chirurgien, calculant que l'avidité fe trompait
elle-même, conçut le projet d'un hofpice , oij des foins affidus pourraient'
conferver des êtres précieux,, & il entreprit de s'enrichii- en faifant k bien.
L'occafion venait de lui en être fournie par un ordre du procureur du roly
du 25 Novembre 1782, qui obligeait de tranfporter tous les nègres de car-
gaifons malades hors de la ville. Il en recueillit d'abord un grand nombre
dans un endi-oit pris & difpoféà la hâte; puis méditant fur fon entreprife, il acquit
une petite habitation^,, au lieu dont j'entretiens le LecT:eur en ce momen! , & dès
Je mois de- Février 1783,11 fut en état de remplir fa- deftination. MM. de
Bellecombe Scdt Bongars protégèrent ce deffcin , & le médecin & le chiruro-iea
du roi approuvèrent les vues &- les diipofitiors de M. Durand ,, chirurcrien-
major de l'amirauté. Le 16 Mars 1786 , une ordonnance de MM. de Couftard &}
de Marbois ,. a confolidé l'établiirement peur fervir au traitement des nèc^res
malades provenant des cargaifons ,.avec faculté néanmoins aux particuliers do
les faire traiter ailleurs, s'ils le jugent à propos..
L'expofition de. cet hôpital, appelé Maijcn de. Jcnlé; ed heureufe par fon
élévation , fon ifoiement & par fa fituation dans une gorge oij l'air eft plus
aaif par cela même que fcn paffage y- eft plus prefié. Le l âtiment principal a
100 pieds de long , fa divif.cn en-plufieurs falles donne la facilité de féphrer les
fexes &,les malades de différentes maladies. D'autres. conflruclions font deftinécs
au logement du chirurgien , qui réfide dans l'hofpice & le dirige, & aux détails
du fervice. Chaque journée coûte, cinquante fous ou moitié feulement lorfqyc •
) '
4i6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
les makr.es ne font pas nourris aux dépens de la rnalfon. Des particuliers de
la ville, approbateurs de l'établifTemeit & qui trouveraient difficilement les
mêmes lecours pour leurs _ nègres , les envoyent dans cette mai;on , où ils
payent 4 livres par jour; ils font trairés féparerrient des premiers. On peut
attendre les plus faluraires elfets ce cet établiiTement, puifque dans les com-
mencemcns , lorfque beaucoup de commodités devaient manquer encore , du
mois d'Août 1782 à celui de J2nvier 17S3 , fur 672 malades , il n'en efl mort
que iio, ce qui n'en fait pas le fixième.
Quand on réflécliit que fans cette maifon de fanté, il aurait péri pluûeurs
milliers d'êtres , qui pour être fauves du fccrbut de mer dent ils font attaoï-és,
n'ont eu befoin que d'un air pur & d'un nourriture faine, on bénit l'idée de
M. Durand , on applaudit à fon zèle , à fa fenfibilité , & en contemplant fon
hofpice Se le joli jardin qui en fait partie, le cceur s'attendrit & prononce fon
éloge.
Il me refre encore à parler, pour terminer fur ce canton, que j'appelerais
volontiers le canton de la bienveillance, d'une autre entreprife couronnée d'un
moindre i'uccès , m.tis plus glorieufe encore pour fon auteur.
En 17563 le nombre des gens de couleur libres commençait à augmenter
fans que leurs relfoures iuiviflent la m.ême progreiTion ; on voyait de ces nialheu-
reux errantb dans la ville du Cap, fans pain, fans afile , Se quelquefois accablés
encore par la maladie S; par les infirmités. Le père Daupley , jéfuite , alors
curé des nègres, touché de ce fpeclacle , chercha à intéreiTer MM. Brévignon
& Grandjean , négocians , adminiftrateurs des maifcns de Providence , & les
cng?gea à donner , fur le vafte terrain de colle des hommes , un emplacement oii
l'on poarrait oâtir une café pour recueillir ces infortunés. Cette première marque
d'humanité obtenue , il en fallait une féconde plus grande encore; c'était que
quelqu'un le chargeât de la conftruélion de la café, & de diriger l'eipèce d'hofpice
que demandait la pit.é. Le choix du père Daupley fe fixa fur l'être que je vais
faire connaître.
Aloou Kinson, né à la Cote d'Or , en Afrique , tn 17 14, y fut ache^te
par le capitaine Bertrand & vendu au Cap. M- Thoumafeau , maçon, l'acheta
& lui enfeigna fon m.étier. Il fut baptifé dans la m-êoi^ ville le 31 Mars 1736,
fe reçut Je nom de Jean Jafaùri. M. Thoumafeau à fa mort , arrivée en 1738 ,
îaiffa Jaûiiin à un M. Louis, entrepreneur des travaux du roi, avec prière de
lui
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"^1
FRA.NÇAÎSE DE SAINT-DOMINGUE. 4,7
for procurer les moyens d'acquérir fa liberté. Jafmin, chargé, par M. Louis, de
la conftruftion des prifons & de la poudrière de Saint-Marc, mérita par Ton
intelligence & fa conduite , que celui-ci l'afFranchîï dès le 10 Novembre 1741 ,
& MM. Larnage & Maillart ratifièrent fa liberté le "12 Mars 1749, 'en
âftraignant Jafmin à payer 150 livres à la communauté des religieufes du Cap.
Le loMâi fuiv-ant, Jafmin époufa Catherine, régreffe de Foëda, à la Côte
d'Or, alors âgée de 28 ans, & alFranchie du Sieur Nanat.
Jafmin conftruifit , en trois mois, à fes frais , dans l'Oueil de la Providence
des hommes , à 15 toifes de la rive gauclie de la ravine du Cap & à 30 toifes du
point où elle reçoit maintenant la ravine des cazernes , une maifon de maçonnerie
de 36 pieds de long fur 28 de large , avec un fimple rez de chauffée , couverte
d'effentes & difpofée de manière à recevoir des malades dans quatre chambres
avec un grand corridor au milieu.
C'eft là que depuis près de quarante ans , Jafmin, connu fous le n9m de Jafmin
Thoumazeau , qui offrei'union du fien avec celui de fon ancien maître , exerce la
plus généreufe hofpitalité , prodiguant fes foins, ceux de fa femme , de douze
de fes nègres & fa propre fortune pour le foulagcment des êtres de fa claffe. Ce
lieu qui peut recevoir, à l'aife , douze malades, en a quelquefois dix-huit,
parce que Jafmin ne peut fe réfcudre à les repouffer lorfqu'il peut les accueillir,
même en les gênant tous.
Cet hofpice charitable fut toujours fecsuru par le J éfalte qui fe trouvait curé
des nègres , mais depuis l'expulfion de cet ordre , la même reffource ne fubfifte
plus. Jafmin n'a donc.pUis d'aide que le produit d'une qucte qui a lieu ]e Jeudi-
Saint lors de l'adoration d'une croix qu'il place dans un des cabinets de l'hôpi-
tal. C'eft là que les gens de couleur r.pportent environ 5 ou 600 liv. , qui font
ioin de pouvoir être comparées aux dcpenfes de Jafmin.
Dans les commencemens., les chirurgiens charges du foin des Providences
allaient vlfiter quelquefois l'hofpice de Jafaiin , mais ce zèle s'eft éteint. Il y
en a mê.-e eu qui ont été capables de demander une rétribudon , & leur
démarche a décidé Jafnin à appeler un chirurgien à fon choix dans les cas
particuliers où il ne peut s'en paffer ; car Jafmin efc le fondateur, l'hofpitalier
8r le médecin de cet hoipice , auquel il a pu donner encore plus de fcin depuis
ie 22 Décembre 176S , que M. de la Perronays , commandant en fécond du
Cap , le difpenfa dv fervice des milices , c^u'il rempliffait comme, ferggnc àt-h
V^
4:iS DESCRIPTION DE LA PARTIE
compagnie des nègres libres. Cette exemption a même été renouveliée le ^
Juin 1770, par M, de Choifeul , fon fucceffeur , qui l'a motivée fur les charicéa
que Jafmin exerce journellement.
En 1778 , ce nègre précieux conçut le projet d'augmenter fa maifon , devenue
inrufE:ante. Le père Colomban , préfet apoftolique , préfenta fa requête au
bureau des Providences. Il demandait la permiffion d'ajouter, à fes dépens , trois
ou quatre autres chambres de maçonnerie, dans l'Oueft de celles exiftant.s , de
faire quelques fouilles & de ramaffer des pierres dans la ravine & fur le terrain ,
offrant d'entretenir le tout à fes frais & de fournir gratuitement toute fa vie, la fub-
fiftance , les panfemens & les médicamens néccffaires à fon kofpice. Un arrête
du bureau, du 12 Février 1778 , accorda ces demandes.
Jafmin avait déjà fait faire un m.ur de 80 pieds de long pour foutenir les terres
le long de la ravine & pour former un plateau capable de recevoir les nouvelles
bâtiffcs , lorfqu'un projet de redrcffement de cette ravine l'a engagé à fufpendre.
Les choses étaient dans cet état à l'époque oij l'adminiftration des Providences
a fait en 1786 les beaux emphythéodques dont j'ai parlé. Le croira-t-on ? on
a renverfé le mur de 80 pieds , & avec lui a difparu la pofîibilité d'exécuter le
plan d'une augmentation de logement. Les voifins , produits par les baux emphy-
théotiques , ont fait des conftrudtions , des remblais , des déblais , & la chute
des terres a mâme diminué l'ancien local occupé par l'hofpice de Jafmin..
Cet établiffement , ignoré de prefque tous ceux qui habitent la ville du Cap ,
eft donc expofé aux caprices & même aux injuftices , malgré fon utilité qui offre
vn des plus beaux exemples donnés par la vertu de ce qu'elle fait infpirer de
-courage pour les chofes utiles. Les travaux de Jafmin , fi dignes d'éloge, font
ignorés ou mémfés.. T'ai vu , & mon cœur s'en indigne encore , j'ai vu s'élève?
tout autour de cet hofpice , des maifons bâties par le luxe ou par des motifs qui
ne font pas l'apologie des mœurs , & l'afile des pauvres , diminué , prefque
enfeveli.
Rempli d'une vénération profonde pour Jafm.in , j'ofai lui promettre, en
1788 , que j'obtiendrais du miniftère une autorifation expreffe pour fon hofpice.
Je ne puis me rappeler , fans que des larmes d'attendriffement ne loient encore
près de s'échapper de mes^- yeux , de la joie qu'il en eut. Je queftiennai les
perfonnes les plus efiimables du Cap, toutes furent unanimes fur le compter
jdubon Jafmin, prefque odogénaire , & qui était réfolu d'affurer après lui ur^
>!L"J[i,'.!AEiiii.^tap'g'ilL'.nij'-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 419
partie de fa fortune à l'hofpice. Je partis admirant cet autre Caftelveyre, qui
voulait même que j'acceptafTe une fomme pour les dcpenfes qu'il croyait que
les foUicitations me feraient faire. Ses bénédidions , fes vœux , fes préfens
mêmes, car il fallut, pour ne le pas affliger , accepter deux chèvres laitières Se
quelques fruits de fa petite habitation du Morne-Rouge , tout me fuivit jufqu'au
vaiffeau , & l'efpoir de le ftrvir accompagna tout mon voyage.
Je donnai un mémoire au miniftre , M. de la Luzerne , qui me chargea de faire
un projet de lettres-patentes, que j'ai dreffé. J'y affimiiais l'hofpice de Jafmin
aux autres Providences , & je lui donnais le nom de Providence des gens ds
couleur libres. Deux hommes de couleur devaient en être les adminiftrateurs &
être nommés par les paroiffiens du Cap pour deux ans , de manière qu'il y
en eût un de remplacé tous les ans , fauf les rééleftlons tant qu'on les jugerak
utiles. Ces adminiftrateurs devaient rendre leurs comptes au bureau des
Providences, formé par les lettres-patentes de 1769, lequel devait régir la
nouvelle Providence comme les autres , mais cependant fes arrêtés , quant à
elle , ne devaient être valides qu'avec l'approbation des deux chefs de la Colonie.
L'hofpice était autorifé à recevoir des dons jufqu'à 600,000 liv. ; les tribunaux
pouvaient lui appliquer les amendes encourues par les gens de couleur libres j
Jafmin & fa femme étaient nommés premier hofpitalier & première hofpitalière ,
& 'fur le tableau des bienfaiteurs qui devait être mis dans un lieu apparent de
l'hofpice , on aurait nommé d'abord la Providence des blancs , & enfuite
Jafmin & Catherine fa femme.
Au moment où je croyais que tout allait fe terminer , le Miniilre penfa que
cet objet était de nature à être préalablement communiqué aux Adminiftrateurs
de la Colonie. En conféquence , il leur adreffa une copie de mon mémoire &
du projet des lettres-patentes. Le miniftre leur écrivit, le 12 Mars 1789, que
l'établlfîèment paraiffait très-utile ; qu'il croyait même qu'il fallait que Jafmin
fût établi premier adminiftrateur pour toute fa vie. Il adoptait également trois
proportions de moi ; l'une d'envoyer à Jafmin une médaille d'or avec cette
infcription : Jean Jajmin fondateur de la Providence des gens de couleur libres
au Cap, en ly ^6 j la féconde de lui donner une penfion honorifique j la troi-
nème d'accorder pîufieurs affranchiiTem.ens à des efclaves qui ferviraient dans -
l'hofpice pendant cinq ou fix ans.
Membre de la Société royale d'Agriculture de Paris , je l'entretins des vertKS
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420 DESCRIPTION DE LA PARTIE
de JaUnin ;, & elle a ar:ê;é dans h féance du a6 Mars 1709 , qu'elle lui accor-
dera une ir.édaille d'or comme prix de verta rurale , attendu qu'il emploie les-
produclions de b. petite habitation à l'utilité de fon hofpice.
Afîbcié aufïï à la Société des Sciences & Arts du Cap , j'avais eu l'cccafiorj
d'écrire à mes confrères ce que j'avais fait relativement à rétabliflement de
Jafmin. Auffitôt MM. Arthaid & Rculin , aufTi membres de h Société , &
médecin &. chirurgien du rci , allèrent vifiter fon hofpice où ils trouvèienc , au
mois de Juillet (1789) , treize infortunés exiftant par fes bienfaits. Sur le compte
qu'ils rendirent de cettj viîîte à la Société , elle trouva jufte & délicieux pour
elle d'arrêter le 20 Juillet , qu'elle donnerait, dans fa féance publique du i^-
Août j une rr.éJaille d'or à Jafmin, avec l'emblème du Cercle d'un côté , Se de
l'autre , ces mots : Pcir le Cercle des Philadeïpbes à J. Jafmin , A~. L. , fondateur
d'un kûfital ati Co.p , pcnr les pauvres gens de couleur libres. Apprenant alors
que les Admini-ftrateurs venaient de recevoir h lettre où le Pvîiniftre les
confultait, la Société ciut devoir leur écrire le 30 Juillet, pour leur communiquer
l'arrêté fur la médaille. Ils l'engagèrent à en conférer avec M. Couftard
qui venait de prendre au Cap les fonctions de commandant en fécond, & M.
Jàuvain qui y rempliiïait, depuis trois ans, celles d'ordonnateur , qu'ils char-
geaient de prendre des renleignemens d'après la lettre du Minifire. Le-
Cercle reçut le 11 Août, une lettre lignée de ces deux derniers qui engageait:
la Société à fafpendre le don de la médaille , ce qui , en ftyle colonial , équivaut
à une défenfe.
C^eft ainli que des idées étroites deviennent un obftacîe aux meilleures vues^
C'efu ainfi qu'un lieu où des malheureux pourraient aller chercher la fanté , &r
expirer, du moins, fans éprouver les horreurs du défefpcir , ne peut- être ouvert
à tous ceux qui en ont befoin. Eh ! foulîrez qu'ils y entrent , froids Égoïftes ! ne
fut-ce que pour vous épargner la peine de détourner ks yeux à i'a'pecl du
malheur 1
Cependant îorfque des gens de couleur font quelques legs pieux , les provi-
dences des Bbncs , où l'on ne les admet pas , ne dédaignent pas de les recueillir..
Lorfque des gens de couleur donnent lieu à la prononciation de quelque amende
applicable aux Providences , celles des blancs ne rougilTent pas de les recevoir.
Quand les perfonnes de couleur miCurent chez jafmin, c'eft de la part des
Providences des Blancs qu'on vient réclamer leuis miférables effets. Si les
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
42»
foflbyeurs &; les porteurs de la Providence enûerren!: ces ir,ê;nçs perfonnes , on
n'a pas honte de demander à Jafmin , les frais de fépulture. Et lorfqu'il ne
faudrait qu'un regard de bonté pour leur procurer de nouveaux fecours , cela ne
concerne plus qui que ce foit , ou plutôt il y a des êtres qui croyent devoir
l'empêcher ! La Providence des hommes avait un blanc fou qui gênait dans
la maifon , on l'a envoyé chez Jafmin qui a été forcé de veiller à la garde de ce
flirieux qui occupait la place de plufieurs malades. En 1788 , un homme dont
l'efprit était aliéné , vint encore le trouver volontairement , &; quitta la
Providence.
Eh quoi ! dans une grande ville où rien ne devrait échapper aux regards de ceux
dont le premier devoir efc de protéger tout ce qui mérite de l'être , une foule de
pauvres n'ont qu'un nègre pour appui ! Cet homme eftimable , dont la PuiiTance
Suprême qui veille fur la vertu pour rendre la terre habitable ^ bénit les travaux ,
pofïede un petit terrain de onze carreaux , au Morne Rouge , dans la paroifle de
ïa Plaine du Nord , où il cultive quelques vivres pour fa confommation Se celle
de fon hofpice ; cinq emplacemcns dans la ville du Cap , dont deux rue Saint-
Jofeph : deux rue du Cimetière , & un rue du Flaha , & vingt-cinq nëores ,
dont douze le fervent , ainfi que l'hôpital , dans le voifinage duquel il a fa maifon.
Arrivé à fa '] Ç- année ^ fa vieilleffe eft celle d'un être qu'une main invifible
foutient , Sz fon unique chagrin , c'eû de fonger à l'abandon de fon hofpice
après fa mort > c'eft de remarquer l'infouciance , je dirais m.êmiC la perfécution
qu'il éprouve. Sa femme âgée de 71 ans, partage fes craintes & fes foins chari-
tables. Le ciel qui leur a donné tant de pauvres pour enfans , n'a pas voulu fans;
doute , que leur mai-iage en produisit ; cependant ils en ont d'adoption. Ce font
deux enfans de couleur qu'on a expofés à leur porte en naiiTant, & qui reçoivent
des foins qui prouvent combien la confiance des auteurs, de leur exiftence étaif
méritée.
Vertueux Jafmin ! Que Tefpérance ne périfîe pas au fond' dé ton cœur ! Si les.
témoins de tes efforts y font infcnfibles pour la plupart 3 fi un préjugé, avec lequel'
tes œuvres n'ont rien de commun , ne penr.et pas qu'ils t'eftiment tout ce que
tu vaux , çonioie-toi ; une voix confacrée à la vérité, au panégyrique des bons &
au blâne des méchans , aura- publié tes vertus. Elle fera entendue cette voix
Se mille autres en deviendront les échos; h Ci tu payais à, la m.ort un tribut inévi-^
table,, avant qu'une puiiTance protcdrice couvrît l'afile que tu élevas ài'infortune.,
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4^2 DESCRIPTION DE LA PARTIE
ton nom confervé à l'admiration de nos neveux, le ferait renaître du fein même
de Tes décombres; les cœurs fenfibles y placeront un jour ce nom vénéré, &
la cenfure publique fera alors le partage de tous ceux qui , incapables de t'im.iter
auront dit, que récompenfer ta bienveillance, c'était micnacer l'état politique
de la Colonie , & qui le jugeaient importans, parce qu'ils le croyaient le pou-
voir de t'avilir !
En face de la Providence des hommes & dans tout refpace qui eft entre la rue
de la Providence & celle Sainte-Marie , eft une place appelée le Champ de Mars,
La ravine des Cazernes fuivant autrefois le bord Sud d'un épatementdu morne qui
venait couvrir prefque toute la furface de cette place , palTait dans une direftion
prcfque Eft & Ouefl, à cent pieds dans le Nord des Cazernes. Arrivée vers le
milieu de la place aftuelle , elle tournait au Nord-Eft, allait traverfer en diago-
nale le terrain qui eft entre la Providence des hommes & les prifons , & n'arrivait
dans la ravine du Cap, qu'un peu au-deflus de ces dernières. Toute cette étendue
n'était donc qu'un terrain montueux , où l'école du canon pour les bombardiers a
refté jufqu'à l'arrivée des foldats du corps-royal , am.enés par M. de Btizunce ,
époque où cette école fut réunie à celle du mortier, qui était à la Foffette. Depuis,
ce local , en quelque forte abandonné, s'était transformé en cloaque, par la
décharge des latrines des Cazernes dans la ravine de leur nom , & par les im-
mondices qu'on y apportait. On y voyait cepenant , en 178 1 , une jolie maifon,
dans l'angle Nord-Oueft des rues Sainte-Marie &z Sainte-Avoye, & une autre vers
les deux tiers de la place dans l'Oueft. Les Cazernes étalent infectées ; tout le
■ quartier partageait ce défagrément ; on venait de transformer la maifon de Pro-
vidence en hôpital; tout exigeait donc un changement. Il fut décidé par MM.
Lilancour & Le Braffeur , le premier Occobre 1781 , & l'on y travailla auffitôt.
■ La ravine des Cazernes , ou à Doueî , comme le preicrivait une ordonnance
des Adminiftrateurs du 19 Février 1766 , follicitée dès - lors par ceux de la Pro-
vidence a été détournée bien au-deffus des Cazernes & menée dans celle 'du Cap
au-defîus de la Providence ; c'eft fur elle , comme je l'ai dit , que paiTe le pont
par lequel on arrive aux emplacemens donnés à bail emphythéotique. Le terrain
montueux a été applani , il eft devenu une belle place de 60 toifcs de long & de
44 toifes de large , fur les quatre faces de laquelle règne une allée d'arbres, alignés
fur la rue Sainte-Avoye , la rue de la Providence , la rue Sainte-Marie & une rue
anonyme dans l'Oueft. On a fait du côté des Cazernes & de la Providence , des
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 423
murs en terraffe , pour foutenir les terres, attendu qu'il y a 33 lignes de pente
par toife de rOueftàl'Eftj & 24 lignes par toifes du Sud au Nord. On a
donné au propriétaire de la maifon qui était au Sud-Oueft, le devant de la place
dans rOueft & une jufte indemnité; &le plan fait voir le bâtiment qu'il y a conf-
. truit j & après lequel ell le morne du Cap.
On doit élever une fontaine au milieu de cette place, qui tire fon nom de Champ-
de - Mars , du voifmage des Cazernes , dont les troupes viennent y manœuvrer.
Sous la rue qui eft entre la place & la maifon qui la borde à l'Oueft, on a pratiqué
un canal fouterrain qui porte les matières des latrines dans la ravine du Cap. Il
a coûté , avec le détournemeut de la ravine à Dauet, 40,000 livres; l'aplaniffe-
ment de la place & fes terraflcs 75,000 , à quoi l'on peut ajouter plus de 25,000
pour la plantation des arbres, l'indem^nicé donnée à M. Ruotte pour le déplacement
de fa maifon , &c. On ne peut qu'applaudir néanmoins à la formation du Champ-
de-Mars; on eft feulement fâché qu'il enterre encore la maifon de Providence /.
qu'il eft indifpenfable de mettre au moins de niveau avec lui.
Les Cazernes ont abfolument à l'Eft & à l'Oueft , le même alignement que le'
Champ-de-Mars, au Sud duquel elles font placées; la rue Sainte-Marie eft
cntr'eux au Nord. Les Cazernes & le Champ-de-Mars font fur l'extrémité de
Tancienne favane du Cap, de l'habitation Gobin , poffédée auffi après par M. de-,
Charrite , qui avait même établi une boucherie qu'on a vu très-pofîérieurement à
cette époque , au haut de la rue Sainte-Marie , qui était alors la rue du Canal.
•Le roi fitJ'acquifition de cette favane avant 1750, tems où elle appartenait à M.-
Lamanoye. Le miniftre ayant annoncé à M. de Conflans, gouverneur général ,
par une lettre du 26 Novembre 1749, un renfort de mille hommes", il ordonna
de les baraquer fur ce terrain, s'ils arrivaient. De là le projet des Cazernes-
afluelles.
Dans l'origine les troupes avaient:été mifes chez les particuliers , puis dans des
maifons louées à cet effet. Enfuite on les plaça dans l'ancienne boulangerie, qui
était un vieux bâtiment de bois pourri &. ouvert à tous les vents. Quand il arrivait
des recrues,, on les baraquait ,, ce qui,, en les. expofant à l'effet alternatif de
L'exceffive chaleur des jours , & de. l'air humide des nuits, leur caufaitdes mala-
dies, dont la plupart périffaient.. On fe détermina. donc à bâtir les anciennes
cazernes devenues l'arfenal^ &.où Ton put placer d'abord 160 hommes.
L'édifice des cazernes, comme le prouve la vue que j'en ai fait graver^ ferait
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4*4 DESCP. IPTION DE LA PARTIE
trouvé beau dans les villes les plus renommées du royaume. Bâti de maçonnerie
êc de pierres ce taille , il cft vrair.-cnt impolânt êcTon eil fâché de le trouver à
î'alignem.ent d'une rue qui en dérobe l'aipecc . par fon peu de largeur. La première
pierre des Cazerncs a été pofée au mois de Septem.bre 1752, fous le commande-
ment général de M. Dubois de la Motte , & l'intendance de M. Laporte Lalannc
& fous la conduite de M. Rabié qui en a donné le phn. Ce corps de cazernes > qui
a 462 pieds de long fur 392 de large, eft compofé de dix corps de bâîimens. Dans
l'origine on pouvait y loger , comme aujo-ard'hui , 20 capitaines , 50 lieutenans ,
niais feulement 1^220 faldats, dans de? chambres petites &écoufrces. Au moyen de
changemens propoies & effectués par M. Heflè, ingénieur , au mois de Novembre
1781, on y loge le m,ême nombre d'cfF.ciei-s & 1,624 hommes. Des arcades
pratiquées dans les murs de refends , ont tait de deux petites chambres une grande ,
qui reçoit la brife dans quelqiae fens qu'elle vienne. Il y a 80 chambres die foldats, 7 c
d'oSicierSj 12 cuiflnes , uns chapelle , deux prifons & àtwx. cachots. Tous ces
bâcim.ens renferment une cour de 282 pi-eds de Ic^ngfur 252 de large.
La porte placée en face de la rue Saint-Francois-Xavier , connue suffi fous le
nom de rue des Cazernes, avait autrefois un attique & un entablement de pierres
de taille, que les tremblemens de terre ont conkili^^ de défnolir. La porte, non
cintrée eft donc ouverte par le haut ; elle cft décorée de quatre colonnes Doriques
accouplées & ifo'ées. A l'autre bout de la cour , & en fâce ce l'entrée , eft la
■fontaine qui fert ce frontifpice à la chaprile. Cette fontaine eft ornée de deux
colonnes & de deux piiaftres Ioniques, accouplés & ifoiés. Tout l'ordre,
qui a 40 pieds de har^teur , eft furmonté Ciwn attique au milieu duquel font
Sculptées les armes de France; de chaque coté font deux accroivrcs ou piédeftau::,
pour recevoir deux figures repréfentant des fieuves. La niche de la fontaine eft
demi-circulaire , fa partie fupérieure eft rocailleule ; interméuiairemicnt font trois
comipartimens garnis de gouttes & dans la partie inférieure , qui cft unie , fe trouve
iJîi maique , dont la bouche lent de paiïage à l'eau. Celle-ci tom'oe dans un baflln
•demi- circulaire , comme la niche qu'il termine, & où l'on vient .prendre l'eau en
«iiontant plufieurs marches au-deiTiis du niveau du pavé de la coun L'intérieur de
W chapelle eft drécoré de fix portiques d'ordre îonique. Toiit l'ordre a 20 pieds
de hauteur. Les piiaftres , qin font accouplés , failient du quart de leur épaificur ,
^ l'exception des quatre coionncs du fond , qui iont ifolécs.
" 5^e côté Nord des Caecmes nt fe trca-vc .pas précifeinent aligné fur la rue
Sainte,
«BUgiftau^iitf yi feft^iu '! t.^v..
«/ïbb^w^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 425
Sainte-Marie, il fe trouve même un intervalle de fix toifes de large. C'eft au bord
de cet efpace , à l'Oueft, que font les latrines , dont il faudra abfolument qu'on
s'occupe encore , pour délivrer la Providence des hommes de leur écoulement. Il
yaenarrièredesCazernesunpeude terrain plat, que l'on vient de deftiner à
un ufage précieux pour Ja ville , en y conftruifant des lavoirs , auxquels la ravine
à Douet donne de l'eau. Ce point termine auffi la ville , à l'Oueft.
Immédiatement au- Sud des Cazernes , & feulement avec un efpace de 24 pieds,
efl ce qu'on appelé les nouvelles Cazernes ou Cazernes du manège , dont l'hiC
toire a quelque chofed'afîezbifarre. Le miniftre ayant ordonné d'attacher trois
compagnies de dragons à cheval à la légion de Saint-Domingue, & de les
répartir dans les trois chef-lieux de la Colonie , on en envoya une au Cap au
commencement de 1772, après avoir prévenu d'y préparer des logemens pour
les trente chevaux qui lui étaient deftinés & qui furent achetés à l'Artibonite.
Les grandes Cazernes n'offrant de la place que pour les hommes, on acheta lé
local qui les avoifinait au Sud, & comme il était vafte, l'ingénieur donna car-
rière à fon imagination , & fit un plan du manège , avec des écuries , des
magafins à fourage , un corps-de-garde , un logement de gardien &'pour
répondre à la célérité demandée, on travailla fur le champ au déblai & l'on
prépara une dépenfe de 80,000 livres. Les Adminiflrateurs purent cependant
arrêter ce zèle & en modérer les effets à 32,000 livres.
En 1 776 , on reprit encore le travail des nouvelles Cazernes , mais toujours fur
un pian vicieux. On n'avait pas encore efcarpé le terrain que ces nouvelles
Cazernes devaient occuper & qui n'eft qu'en partie fur la Seécion que je décris en
ce moment; on n'avait commencé à travailler qu'à la façade, lorfque M. d'Argout
venant prendre le gouvernement général en 1777, défendit de les continue/.
Il aurait fallu un déblai de plus de 400,000 livres pour une médiocre utilité
Les Cazernes ne peuvent fuffire que durant la paix au logement des feules"trou-
pes d'infantene de la garnifon, & l'on en a fait l'épreuve dans la guerre de 1-78
où il en a coûté aux habitans de la ville, en défalquant mêrfie ce que le roi 'leur
accordait pour le logement des officiers , 170,000 livres par an , fomme à laquelle
il faudrait jomdre la location des maifons prifes par l'Étatpour loger les foldats
Une ordonnance des Adminiflrateurs du 6 Février 17 84, ayant promis aux cita-
dins du Cap qu'ils feraient déformais exempts du logement de. troupes, excepté dans
le cas de foule indifpenfable, ces chefs préférèrent, lorfque l'événement défaflreux
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426 DESCRIPTION DE LA PARTIE
de M. de G rafle y eût amené une grande quantité de troupes , d'écrire , le
19 Avril 1782^ aux habitans de la plaine du Cap pour les engager à recevoir
l'embarras de fix mille hommes , ce qu'ils acceptèrent avec un zèle recomman-
dable. On envoya même le régiment Efpagnol de Zamora à Limonade.
J'arrive enfin à l'établiflement des Dames religieufes , par lequel je dois term.incr
la quatrièm.e Seftion. On fait déjà qae le père Boutin en fut le promoteur & qu'if-
le fubftitua à l'hôpital de laMiféricorde & à la maifcn dts Orphelines. Dès 1710,-
M. de Charrice avait eu l'idée d'avoir des religieufes pour l'éducation des jeunes
créoles , & dans une de Tes lettres au miniftre , il difait que rien ne ferait plus-
propre à rendre le féjour de la Colonie agréable, que de faire des femmes inftruiteâ-
& aimables des créoles , qui ne manquaient pas de difpofitions heureufes pour le-
devenir.
Le père Boutin s'occupa de réaliièr ce projet & d'échapper par là aux petites"
tracalTeries de quelques religieux de fon ordre. Il s'adrefîa d'abord aux hofpitalières
de la Rochelle qui font des religieufes de la Congrégation de Notre-Dame ,
fondées originairement à Bordeaux , & qui ont plufieurs maifons dans la Guyenne ^
la Saintonge , le Périgord & ailleurs. Ces religieufes ayant goûté le plan , le père
Boutin drefla une lifte des biens de la maifon des Orphelines qui confinaient dans:-
les eraplacemens &: les bâtiraens que j'ai: décrits- dans la troifième Seélion i dans la
petite habitation du rr.crne du Cap , au Nord , connue aujourd'hui fous le nom
d'habitation des religieufes, compofée de 21 carreaux, fur laquelle il y avait'
un four à chaux qui produifait 3,000 livres de rente , & dans 23 nègres j il ajouta
la promiClTe de 2,000 livres , à quoi il évaluait fon cafuel , comm.e curé. Au bas.
de ce petit inventaire , la D^'^- Guimon ,. direéfcrice de la maifon des Orphelines y
à qui le père Boutin avait feint de donner tous ces objets, figna le i^''- Février
1721 , l'abandon qu'elle fallait des biens de cet hofpice aux religieufes hofpita-
lières de la Rochelle, à condition que fa fœur co-direclrice & elle feraient gardées^
nourries & vêtues par la nouvelle communauté qui leur donnerait 150 livres par
an, & que fi elles voulaient en fortir , on leur compterait , à chacune , 4,000'
'livres & qu'elles prendraient leurs meubles , deux négrefîes & un négrillon.
La prieure des hofpitalières ayant agréé ces propofitions , le père Boutin^
donna, en fon nom, le 28 Août fuivant , une requête aux chefs de la Colonie^
pour obtenir leur approbation , quant à l'établifl'emcnt projeté , afin que la
prieure pût s'en autorifer pour obtenir du miniftre les ordres néce flaires pour-
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FRANÇAISE Ï)E SAINT-DOMINGU E. 427
l'embarquement des religîeiifes. L'intendant renvoya la requête au Confeil
fiipérieur du Cap , pour délibérer avec les notables habitans & juger fi l'établie
fement ferait utile & fuiEfamment fondé. Le 2 Septembre , le Confeil ordonna
que le fénéchal ferait l'inventaire des biens offerts & dont les marguillicrs du Cap
relieraient chargés ; il expulfa les D""^- Guimon ( ce qui blelTaitla reconnaiflance
Se manifeftait Tufiirpation d'un pouvoir qu'il n'avait pas ) , & annullatoutes les
donations qu'on avait pu leur faire perfonnellemenî ; puis il convoqua les notables
habitans pour délibérer fur la requête de la prieure de la Rochelle. L'intendant
fixa la convocation au 22 Septembre , y appela les commandans de quartier Ôc
autorifa le gouverneur du Cap à y faire venir les autres notables dont il jugerait
le. concours néceffaire, A cette affemblée , où fc trouvèrent le gouverneur & le
rnajor du Cap, flx confeillers , le procureur-général, le fupérieur de la miffion
des Jéfuites , le père Boutin fondateur, le curé du Cap & dix notables , tous
officiers de milice , les Jéfuites déclarèrent que le père Boutin avait eu le droit
de difpofer en faveur de la maifon des Orphelines , du produit de fon cafuel & de
le deftiner à un écabliffement de religieufes , & le fupérieur répéta ainfi ce qu'il
avait déclaré, par écrit , le i"- Septembre. L'on arrêta enfuite , à l'unanimité j
fous le bon plaifir du roi & des Adminiftrateurs , que les hofpitalières pouvaient
envoyer trois religieufes , qui , avec les D"^»- de Guimon , axi zèle defquelles on
donna des éloges , commenceraient l'établifiement , que ces D''"- conduiraient
iufques-îà, fous la diredtion du marguillier ; que ces religieufes fe contenteraient
de ce qui leur était offert; qu'elles feraient tenues de prendre des lettres-patentes
& de fe rendre au Cap , dans le délai d'un an , à leurs frais ; que l'établifTement
ferait fujet à la police générale & particulière de la Colonie , dirigé pour le fpiri-
tuel , par le curé du Cap , & pour le temporel , par un fyndic choifi par le Confeil
fupérieur. Enfin l'on termina par recevoir la déclaration du père Boutin , qu'à
l'avenir , il confacrait fon cafuel à cet établiflement , qu'on croyait très-prochairjt
mais qui fut encore long-tems attendu.
Les religieufes de la Rochelle firent des objcâions , lorfqu'il fallut envoyer
des fujets , & le père Boutin s'adrefTa alors à celles de Périgueux de la même
congrégation & qui étaient de la même province que lui. Celles-ci fe détermi-r
nèrent èc foUicitèrent elles-m.êmes les lettres-patentes qui furent expédiées au
mois de Novembre 1731. En voici les difpofitions :
Les religieufes vivent en communauté , fuivant les règles & les inftitutions de
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3 .
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428 DESCRIPTION DE LA PARTIE
leur ordre. Pour le fpirituel , elles font gouvernées par le curé du Cap ; pourfe"
temporel , par un Syndic nommé par le Confeil du Cap , tous les trois ans. Ce
fyndic doit rendre fon compte au gouverneur du Cap , au commiiTaire de la
marine , au procureur-général , au curé , ik à la flipéricure. La communauté ,
fixée à fix religieufes & deux con/erfes , au plus , eft foumife à la police générale
& particulière de la Colonie. Elle ne peut avoir de novice priie dans la Colonie ,
ni rien demander , foit au gouvernement , foir à la Coloaie. Les religieufes font
autorifées à avoir des penfionnaires & des externes.
Ea^-«;les religieufes embarquées à Rochefort far un vaiffèau du roi , arrivèrent
au Cap en 1733. C'étaient Mefdames de Beauchefne , de la BrouiTe , de
Fontenilles , du Bourbec & du Grezcau , du couvent de Périgi'eux ; M"*^- de la
Motte , du couvent de Saintes & deux fœurs converfes de celui de Périoneux ;
je trouve par-tout l'éloge de ce choix. Le père Bautin redoubla d'ardeur en voyant
le fuccès de fcs travaux & ne cciTa de travailler à l'augmentation de cet établifle-
ment. Il fallut refufer piufieurs penfionnaires, dans les premiers momens , faute
de logement. Le 10 Septembre 1733 , le Confeil nomma M. Laty pour premier
fyndic de cette communauté , à laquelle le père Boutin en avait toujours
tenu lieu.
Trop refferrées dans leur local , à l'Eft de la rue Efpagnole , quoique M. de
Vienne leur eût permis de clorre le bout de la rue qui porte , à préfent , leur
nom 5 les religieufes repréfentèrent qu'elles avaient cinquante penfionnaires ,
qu'elles en refufaient chaque jour, 8c demandèrent la permiffion d'acheter du
terrain de l'autre côcé de cette rue oij elles pourraient avoir un Dâtiment pour
leurs penfionnaires , un petit jardin & de l'eau. Le minift.e écrivit aux Admi-
niftrateurs , le 16 Juin 1737, d'autorifer cette acquifition fi elle était fans
inconvénient. Mais les religieufes voulaient imiter l'exemple des Jéfuites , &
unir leur maifon au terrain qu'elles achèteraient , en interceptant la rue Efpagnole ,
& ce plan éprouva des difficultés.
Enfin une ordonnance de MM. de Larnage & Maillart du 16 Août 1739, arrêta
que les religieufes ne bâciraient plus fur leur ancien établiflement , mais feulement
à rOueft de la rue Efpagnole ; qu'elles comprendraient dans leur enclos la rue
des Religieufes , qui y paflait , de l'Eft à l'Ouefl: -, que pendant trois ans , elles
fermeraient la rue Efpagnole , entre l'ancien & le nouveau couvent , pour k
r'ouvrir enfuite > ainfi que la rue des Religieufes , jufqu'à l'Eil de la rue Efpa-
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 429
gnoIe. Deux autres ordonnances des mêmes Adminiftrateurs , datées du 24
Juillet 1739, & du premier Avril 1740, leur permirent de tirer leur bois de
conftruaion de la Nouvelle-Angleterre. Le 22 Juin 1740, de nouvelles lettres
patentes leur permirent d'être douze religieufes& trois converfes. En 1745, elles
étaient devenues propriétaires des huit îlets compris dans leur enclos , dJnt le
mur était déjà fait & où elles allèrent, avant la fin du mois de Juin 1746,
parce que leur grand corps-de-logis était terminé.
Les religieufes de Notre-Dame ont encore obtenu, le 27 Décembre 1779
une déclaration du roi, portant qu'elles feront à l'avenir dix-huit, donr f,'
pourront être créoles , & qu'elles n'auront plus de converfes. Elles n'ont jamais
ete à ce nombre, furtout quant à la proportion des créoles. Le Confeil du Cap oui
a penfé que la manière dont cette communauté fe recrutait était fujette à des
mconveniens, a même arrêté provifoirement, & jufqu'à une décifion du roi,
que les vceux ne pourront y être émis avant dix-huit ans accomplis.
Les troupes envoyées à Saint-Domingue en 1776 & 1777 ,& qui étaient
prefque toutes au Cap , y étaient difficilement logées , & M. d'4rgout gouver
neur-général, fe trouva au moment de prendre le couvent des religieufes pour
y fuppléer. Il écrivit au miniftre qu'il n'avait été retenu que par la crainte d'être
accufé d'un abus d'autorité, & lui demandait une autorifation pour le c^s où
cette m.efure deviendrait indifpenfable. I] reçut, en conféquence , un ordre du
17 Avril 1778, qui lui prefcrivait ce qu'il aurait à faire alors. L'annonce
d'un corps de deux mille hommes aux ordres de M. le Marquis de
Saint-Simon , donna lieu à fon application. MM. de Reynaud & le BralTeur
aflemblèrent donc , comme l'ordre le prefcrivait, le préfident, le doyen & le
procureur-général du Confeil du Cap , & délibérèrent avec eux le 20 Juillet
1780. On décida à l'unanimité que le couvent ferait pris pour les troupes &
que les religieufes feraient placées dans h maifon de l'habitadon de M. Charrier
i'aîné , au Haut du Cap.
En 1781 MM. de Reynaud & le Braffcur jugèrent qu'il ferait utile de
conftruire des cazernes à l'extrémité Occidentale du jardin des reli^^ieufes En
conféquence , retranchant de ce jardin tout ce qui était depuis la^ue Saint
Jacques jufqu'à la rue des Vierges, ils firent ouvrir cette rue Saint-Jacques
comme elle l'eft encore fur le plan de l'Atlas , & l'on éleva alors fur ce terrain
des cazernes qui ont-coûté 80,000 liv. Enfin ia paix ayant laifîé la ville- du Cap
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430 DESCRIPTION DE LA PARTIE
avec la garnison ordinaire du régiment de fon nom , on reftitua le local des
religieufes, qi:i y entrèrent le 29 Juin 1783 , après l'avoir fait rebénir par le
préfet. On excepta cependant ce qui éuit déformais m-'anché & féparé par la
rue Saint-Jacques , qu'on leur a rendu à certaines conditions le 11 Août 1785.
Cette difcraftion très-défapprouvée par Ir œiniftre dar.s l'origine , du moins
quant à fa précipitation , a été vue d'un autre œil quand MM. de la Luzerne
&de Marbois l'ont juîlifiée au mois d'Avril 1787. Cependant le miniftre écrivit
à ces derniers, que "n les religieufes perfiftaient à réclam.er le terrain néccffaire
à l'cxtenfion de leur promenade & propre à leur procurer des légumes &
d'autres douceurs, & à refufer 150,000 liv. d'indem.nité , il fallait le leur rendre,
en leur obftrvant que des circonftances de guerre pourraient le leur faire
reprendre. Enfin le refus obftiné des religieufes les a fait rentrer dans la poffeffion
de la totalité au commencem.ent de 1789, avec la défenfe expreffe de toucher
aux condruftions qui y ont été faites & qui ont monté à 405,309 l^^'f^s.
Le terrain total des religieufes a donc pour bornes , au Nord . la rue Saint-
Françcis-Xavier ou des Cazernes ; à l'Eft la rue Efpagnole ; au Sud , la rue
du Cimetière , & à l'Oueft, celle des Vierges qui leur doit furement fon nom.
Il a 92 toi-es de long fur 44. de large. Il renferme pluficurs corps de bâtimens
tous de maçonnerie. A fon angle Nord-ER: , dans la rue Efpagnole , eft la
chapelle qui a 60 pieds de long fur la rue Saint-François-Xavier, & 36 de
large. La première pierre en a é:é pofée par M. de Larnage au m.ois de Juin
1746. Son entrée eft dans la rue Efpagnole ; un petit clocher la termine derrière
le chœur. On a vu que cette chapelle avait fervi long-tems de paroiiTe au Cap.
Sur la rue Efpagnole , eft encore l'entrée du parloir. Un bâtimennt parallèle
à la chapelle , mais fans ouverture fur la rue & ayant un étage , fert de loger
ment aux grandes penfionnaires , telles que les femmes qui plaident en féparation
ou que d'autres motifs , toujours relatifs au refpeft pour les mœurs , portent
à fe'recirer au couvent. Le Confeil du Cap oblige même les religieufes, dans
Ja perfonne de leur fyndic temporel , à recevoir les époufes qui plaiden
contre leurs maris.
Le bâtiment principal eft aligné fur l'Eft de la rue Sainte-Sophie, & fon
milieu répond à celle des Religieufes. Il a 35 toifes de long Nord & Sud fur
40 pieds de large; fon aile Septentrionale a 20 toifes de longueur, ma=s celle
du Midi n'a encore été pouffée qu'à 25 pieds. Un étage règne par-tout avec
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FRANÇAISE B Ë SAINT-DOMINGUE. 43.T
' des greniers au-dsfîus. On voit encore , au bout de l'aile Sud , une allée dont
Taile du Nord n'a permis de conferver que le rang le plus intérieur ; une autre
allée mène de la chapelle au bâtiment qui eft fur l'autre angle de la rue Efpa-
gnole. On monte fix marches pour entrer dans le grand corps-de-locris , du côté
de TEft ; du côté de la cour , eft un verger où les arbres font fymétriauemenC
placés ; plus loin eft le potager & le furplus du jardin que le retranchement
de 1781 a beaucoup diminué. Dans difFérens points, font les appartenances rela-
tives au fervice de la maifon ou deftinées à lui procurer des jouiffances toujours'
fotr chères dans une grande ville.
Le 16 Décembre 1746 , les religieufes avaient obtenu de M. de Chaftenoye,..
l'agrément de prendre de l'eau fur l'habitation Lamanoye, à l'Oueft de leur local ^
pour la conduire dans leur couvent i puis les jéfuites ayant réuni toutes ces eaux
chez eux , ils fe déterminèrent à en accorder la moitié aux religieufes , moyennant
5,120 livres 17 fols 9 deniers ^ pour leur contribution dans la dépenfe , & celles-
ci en jouirent en 1759. Mais clans les bâcifles de 178 r, on garda leur
portion d'eau pour les cazernes , & depuis la reraife de leur mailbn , elles fe trou-
vaient privées de ce bien précieux. On a fend la juftice de leur réclamation, Se
par ordonnance des Adminiftrateurs du 7 Juin r7?5, dans la diftribution nou-
velle que l'on a faite de l'eau de la ville ,. elles en ont obtenu une cuantité'
fu^fante pour leurs bcfoins , à la cLirge de faire les frais de conduite..
L'établiiTcment des religieufes à de grands défapprobateurs ,, &. l'on en a une
preuve évidente dans le petit nombre de leurs penfionnaires , qui ne va o-uèrcs à
préfent que de quarante à cinquante , tandis qu'elles en avaient davantage il y a
foixante ans. Cette défapprobation , il faut le dire , a eu pour caufe quelques
exemples de relâchement dans la furvcillance de ces penfionnaires , & plus encore
de ce qu'elles en ont qui ne font pas des blanches. D'ailleurs l'éducation qu'elles
procurent eft toujours incomplette du côté des talens agréables > & quant à moi
j'inclinerai toujours, pour que nos jeunes créoles foient élevées en France, parce
qu'elles y font à l'abri du defpotifme dont le fervice des efclaves leur donne l'habi-
tude & le goût. Mais il faut cependant que ce ne foit qu'autant qu'on pourra
s'affurer qu'elles y auront des foins capables de les fauve r des dangers d'un pays
6ù les mœurs exigent la' plus grande vigilance, & de celui de s'entendre exagérer
fans ceffe leur fortune. Le couvent du Cap peut encore être utile dans beaucoup
éf^tres. cas 3 dans ceux trop communs , par exemple y où de féconds mariages^
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432
DESCRIPTION DE LA PARTIE
donnent des marâtres à déjeunes perfonnes qu'il faut affranchir de cette odieufe
domination.
Les religieufes ont fept clauas ; quatre pour leurs penfionnaires , trois autres où
cent petites filles de la ville apprennent gratuitement à lire , à écrire & l'arithmé-
tique, Trois fois par femaine , il y a des infiru6lions publiques pour les devoirs
religieux. Chaque année les penfionnaires donnent un exercice public.
Je ne connais pas exaélement le revenu de cette communauté , mais je fais
qu'il fuiîît à fa dépenfe. Elle a reçu plufieurs dons. Le Confeil du Cap lui a
accordé le 1 1 Décembre 1 734 , 30^000 livres fur un leg de M. Colleno ; le même
tribunal a hom.ologué , le 6 Juillet 1743, une donation de 10,000 livres, faite par
M""^" le Tellier, le 27 Juin 1742, pour en aider les bâtiffesjà la charge de loger,
nourrir, vêtir & élever à perpétuité une jeune fille orpheline & néceffiteufe,au choix
de la donatrice & de fes fuccefiTeurs. M. le comte d'Héricourt a aufll fondé à
perpétuité une mefl"e de requiem, tous les mercredis, dans la chapelle des religieu-
fes, pour le repos de l'ame de fon époufe. M. Barraut leur a légué , en 1758,
2,000 livres , pDur procurer des ornemens à leur chapelle. Quoique le fyndic doive
être renouvelle tous les trois ans, celui aftuel a bien prolongé fon exercice , car
il l'était déjà en 1772. Pour faire une 'fignifîcation à la fupérieure des religieufes ,
rhulffier prend une permiiïion par écrit du procureur-général. Ce magiftrat & les
Adminillrrateurs de la Colonie fe font arrogés 'le droit d'entrer quelquefois dans
l'intérieur du couvent & toujours avec une fuite nombreufe : je doute que cela
foit ni utile ni décent.
Les religieufes de Notre -Dame, qu'on appelé auiîi les F/'/Z^i SûAnte - Marie ,
portent un habit noir, une guimpe blanche & un voile noir. Elles ont un direéleur
particulier , c'eft un capucin ; elles lui ont même fait conftruire un petit logement
au bout Nord-Ouefb de leur terrain , près la hauteur de la rue Saint - Jacques. Il
en eft peu de plus défagréable , parce que n'ayant d'ouverture que fur l'exté-
rieur, on y efi: comme en prifon , &exporéàune chaleur étouffante. On ne
reconnaît pas , à ce trait , l'ame compatififante des nones pour leur direéleur.
C'ed l'extrémité Occidentale delà rue des Religieufes-, depuis leur enclos
jufqu'aux Cazernes, extrémité qui n'a par conféquent que la longueur d'un îier,
qu'on nomme rue du Haha , parce que mafquée à fes deux bouts, on femble
étonné de cette difpofition dans une ville où les rues fe coupent à angles droits :
l'on fait donc naturellement l'exclamation ha ! ha ! -
C'efl
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 433
-C'eft dans cette portion de rue qu'habite l'humain , le compatiflTant Jafmin & fon
•cpoufe.
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M3.^ •4|ii-<n-4n-^.<|ii..^i.^ii.^ii.^ '4ii"4ii«n«
I N Q^U I È M E
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C T I O N,
C'est la moins riche en détails & la plus irrégulière dans fa figure. Elle efl:
bornée au Nord par la rue du Cimetière, à l'Eft par la rue Efpagnole, au Sud
par une portion de la ligne qui , partant du milieu des deux focles du pont , court
dans rOueft , & enfuite par une ligne dentelée produite par les prolongemens
plus ou moins avancés ou plus ou moins excavés de divers mamelons du morne
du Cap , jufqu'au point oià la rue du Cimetière finit dans l'Oucft.
Cette feélion , fi l'on en excepte quelques boutiques qui étùent dans la rue
Efpagnole , d'abord nommée la Grande rue & qu'on a laifîéc auffi large , parce
qu'elle était réellement le grand chemin par où l'on arrivait au Cap , & où
l'on tournait à la rue Saint - François - Xavier pour delcendre vers la mer
n'exillaic point en 1700. La paix produite par l'avènement de Philippe V au
trône d'Efpagne , ayant rétabli le commerce au Cap , les habitans de la Partie
Efpagnole y venaient trafiquer, ils fe logeaient dans le voifinage du marché, aux
premières cafés qu'ils trouvaient, tout cela était dans la Grande rue & elle devin
k rue Efpagnole. L'extrémité de cette rue au Nord avait fourni des afiles aux
malheureux habitans de Saint-Chriftophe & on la nommait Quartier des aens de
Saint- Chriftophe. La plupart d'entr'eux ayant retourné à la Martinique ou dans
leur me , leurs logemens flircnt occupés par des nègres libres, qui s'y multiplièrent
beaucoup enfuite i de là eft venue la dénomination de Petite Guinée, que porte
toute la cinquième Seftion , & qu'on a commencé à lui donner en 1740. Jyfqu'à
cette <lernière époque l'extrémité du Cap, dans cette partie, fuivait l'Oucft
de la rue Saint-Sauveur, remontait le bout de la rue Saint- Jofeph & venait aboutir
à la rue des Vierges.
La cinquième Se<5lion a cinq rues parallèles à la rue Efpagnole. Elles font, en
allant de l'Eft à l'Oueft , la rue Saint-Sauveur , la rue Sainte-Sophie , la rue Sant-
Jacques , la rue des Vierges & celle Sainte-Avoye. Les rues percées à l'Oueft
gardent leurs noms jufqu'à la mer.
^ La rue Efpagnole , l'une des plus grandes du Cap , a 42 pieds de large. C'eft
Tome L lii
434 DESCRIPTION DE LA PARTIE
une de celles dont le pavé a donné lieu à plus de difficultés , entre les ingénieurs
Sclesvoycrsj entre les Adminiilrateurs & le Confeil. C'eftmême àfon occafion
qu'il a été enfin reconnu , que h ville du Cap devait avoir un plan-direfteuri que
c'était à l'autorité militaire à le furveillcr , èc que l'autorité civile était tenue de
-s'y conformer.
La largeur de la rue Efpagnolc prouve cette vérité , que dans les climats chauds,
iès rues les plus fpacieufes ne font pas les plus fraîches. Comme les maifons ne
peuvent pas y répandre une ombre capable d'y tempérer l'ardeur du foleil , elle
eft aufli chaude qu'un grand chemin & même elle eft plus chaude , parce
xjue les murs y réfraftent la chaleur , & parce que les maifons y interceptent la brife
du large.
C'efi dans cette rue & au coin Sud-Eft de celle de la Vieille Joaillerie que ,
dans une maifon fervant d'auberge , à l'enfeigne des Bons Chafleurs , on a établi
depuis 1788 , des bains publics.
Il n'y a rien de remarquable dans cette Setlion , dont le terrain eft très-inégal ;
-on y trouve plufieurs belles maifons ; ce quartier eft tranquille , & il femble qu'on
y foit à la campagne, C'eft un des motifs qui y ont fait établir, depuis une
vingtaine d'années , une loge de Fran-maçons , fous le titre de l'Amitié , dans
l'angle Nord-Oueft de la rue Sainte Sophie & de la rue Taranne. On y a l'agré-
îTient de pouvoir tenir la loge en la laiffant ouverte , fans craindre l'œil curieux des
profanes ,& c'eft un avantage inappréciable dans un pays chaud. J'y ai partagé
plufieurs fois des plaiftrs bien doux & j'y ai vu exercer, furtout pendant la guerre
de 1778, des traits de bienfaifance qui répondent aux reproches d'inutilité qu'on
■fait à une fociété qui procure du moins l'occafion de fe réunir , qu'on a fi peu à
Saint-Domingue.
C'eft dans la rue des Vierges , entre celle du Cimetière & Saint - Simon, côté'
Eft, qu'eft la maifon où eft mort M. de Sainte-Croix, ancien gouverneur de
Belle-Ifle ; & au coin plus au Sud du même côté , fe trouve pareillement celle
qu'habitait M. de Reynaud de Villeverd , dont l'éloge fe trouve fi fouvent dans ma
defcription du Cap,
Encore en 178 1, aucune des maifons qui viennent du quai, ne pénétraient
fur le côté Oucft de la rue Efpagnole , pafîe celle de la Vieille Joaillerie , en
allant vers la Foflette. On a même vu pendant plufieurs années, un hôpital pour les
Ibldats attaqués de maladies eutances & de celk qu'on ne nomme pas , dans un
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FRANÇAISE D E S A I N T-D 0 M I N G U E. 43^;
corps de bâtiment qui bordait le côté Oueft de la rue Efpagnolc , depuis la hau-
teur de la rue de la Vieille Joaillerie , jufqu'à celle de la Boucherie. Cet hôpital
a eu jufqu'à près de 250 malades. Mais fucceffivement on a fait ouvrir un paffagc
aux rues intermédiaires , notamment aux deux rues du Chantier & du Hafard,
par ordonnance des Adminiftrateurs du 2 Mars 1785 , & il n'y a plus que celles
de la Boucherie & Saint- Nicolas , qui s'arrêtent à la rue Efpagnole. Il cft vrai
que dans ce point , la cinquième fedion a à peine la valeur d'un demi-îlet , de
l'Eftà l'Oueft, tant le morne la rétrécit. On y projeté cependant des excavations
qui doivent mener la rue du Hafard jufques dans celle Sainte- Avoyc , qui fe
trouvera auffi prolongée par le même moyen.
C'efl au bout Sud de la cinquième Sedion , dans la rue Efpagnole 8c â toucher
la limite Méridionale donnée à la ville par l'ordonnance des Adminiftrateurs du
3 1 De'cembre 1786 , que fe trouve le cimetière de laparoiffe du Cap , qui s'appele
la Foffette , parce qu'il faifait autrefois partie du terrain ainfi nommé. Parlant
dans la féconde Seélion de l'ancien cimetière placé derrière l'églife paroifliale ,
rue Fermécjj'aiditque le 29 Août 1736, les adminiftrateurs de la Partie du
Nord avaient pris fur eux d'en indiquer un autre comme fupplément du premier,
pour y inhumer les matelots & les nègres , dont il périffait un grand nombre.
L'ufage de celui - ci cefta avec la maladie contagieufe , & l'on fe conten-
tait du premier cimetière , lorfque le 7 Odlobre 1759 > >! ^^^ unanimement décidé
dans une affemblée de la paroiflè , que le cimetière devait être changé. Les
Adminiftrateurs adoptèrent ce projet , & l'on acheta de M. Brethous , agent de
Ja Compagnie des Indes , de quoi former le nouveau.
Le préfet des Jéfuites avait protefté contre cette délibération , & les Adminiftra-
teurs avaient profcrit fa démarche -, mais lorfqu'en 1761 , le cimetière étant clos,
on y commença les inhumations , le curé refufa abfolument d'y accompagner les
morts, prétextant l'éloignement du cimetière. A un enterrement il fallut faire une
fommation juridique au cré, pour le réfoudre à marcher ; chaque inhumation était
h caufe d'un fcandale que les Adminiftrateurs firent eeffer par une ordonnance du
J9 Juillet 1761 , qui menaça de peines temporelles, des hommes à qui leur de-
voir ne parlait point afîez haut.
Le cimetière de la Fofîètte , qui fe trouve un peu rentré par rapport à
l'alignement Oueft de la rue Efpagnole, a 60 toifes dans fa plus grande longueur,
.& 20 dans fa plus grande largeur, .de manière que dans, fa forme irréguiière, fa
I i i 2
43^ DESCRIPTION DE LA PARTIE
forface ne peut être comptée que pour environ 1,000 toifes carrées, où 36,000
pieds de fuperfirie. De chaque côté de la porte d'entrée , qui donne dans la rue
Efpagnole & intérieurement, font deux petits bâtimens de maçonnerie j celui
de la gauche eft une petite chapelle » & celui de la droite un petit rédmit pouc
placer les outils du fofToyeur ,. Sec. , ce qui diminue encore l'efpace. En réduifant à
600 perfonnes le nombre de ceUcs. qu'on enterre dans ce cimetière chaque année
(. & ce taux eft bas ) , & comptant pour chaque corps une fofle de 6 pieds
de long fur 3 de la.rge , ce qui fait 1 8 pieds de furface , on voit ,. que fans
défalquer le terrain qu'il fa'jl aux deux petits bâtimens & à l'ouverture de la
grande porte, parce que cela fe trouve compenfé par les corps auxquels il ne
faut pas 18 pieds , il y a lOjSoo pieds foffoyés chaque année , & qu'en
trois ans & demi, à- peu -près ,. tout le cimetière eft remuée Mais fi l'on veut
confidérer d'une part que dans le tems de guerre , par exem.ple , il y a beaucoup
de troupes au Cap Se qu'on y a des hôpitaux. Se d'une autre part que dans le calcul
on fuppofe qu'il n'y a pour ainfi dire pas d'intervalle entre les corps , ce qui n'eft
pas ainfi dans la réalité, on fera convaincu que moins de trois années fuffifent à la
révolution du cimetière.
Commuent n'eft-on pas allarmé de îanéceffité de remuer aufil fouvent unererre,
où les. corps n'ont pas pu éprouver une décompofition parfaite , & où les nnafmes
putrides peuvent produire les plus affreux ravages ? Les inhumations étaient très-
fréquentes au Cap , lorfqu'en 17S1 ,. je reçus un exemplaire du mémoire de h
Société de Médecine de Paris , confukée par l'ambafladeur de Makhe de la part
de la Religion , fur les dangers des fouilles dans les caveaux de l'églife Saint-
. Dominique de Malthe , qu'on voulait rebâtir. Je crus devoir le communiquer au
rédadleur de la gazette du Cap , qui en imprima le réfultat dans la feuille du 4
Décembre 178 1. J'efpérais , & il le croyait avec moi , que quelques oreilles
feraient frappées de cette décifion qu'on doit laiffer écouler au moins vingt-cinq
ans avant d'ouvrir les caveaux, & au moins cinq ans avant de creufer les cimetières
où l'on adépofédes corps. Mais, comme fi le cimetière du Cap avait eu l'étendue
~ néceflaire , ou comme fi L'objet n'eût concerné perfonne , l'avis ne fut pas lu ou le
fut comme l'aurait été un logogriphe ou une charade ,,& en 1782, lorfque la
réunion des foldats Français & Efpagiaols , & des hôpitaux de blefles & de mala-
des de toute efpèce rendirent les mortalités extrêmement multipliées , on fe con-
tenta » comme je l'ai vu , de déplacer des corps entiers , pour en placer d'autresv
i
9L
,F R A N Ç A I S E D E S A I N T - D O M I N G U E. 43-7
, Depuis, & en 1785 , M. François de Nenfchâteau, alors procureur-général du
Confeil du Cap, avait annoncé dans un réquifitoire , qu'il s'occuperait incefram-'
■ment des cimetières du Cap , mais il paraît qu'il ne l'a pas fait.
Le !''•• Janvier 1767 , la paroiffe nomma un chapelain de la FofTette , où il
.n'y avait eu jufques-ià qu'un chantre de la paroiffe, fous le titre de foffoyeun
Il était tenu d'y avoir un journal , où il infcrivait les inhumations , qu'on rappor-
tait, jour par jour, fur le regiftre de la paroiffe, attendu qu'on n'enterrait ainfi
que les efclaves. Mais depuis il eft tenu d'avoir des regiftres en forme , parce
qu'on y porte auffi immédiatement des libres & des blancs ; quant aux perfonnes
auxquelles on fait des cérémonies funèbres dans l'églife paroiffiale , c'ell dans
<;ette églife que leur adte mortuaire eft fait & figné.
• Le chapelain de la Foffette dit la meffe , chaque jour, dans la chapelle dxi
cimetière , & y fait les enterremens de ceux: qu'on y expofe. Dans l'origine , le
chapelain logeait dans l'autre petit bâtiment du cimetière , mais on a fini par
reconnaître que ce féjour était dangereux pour les vivans. Le chapelain eft à la
nomination des marguilliers en charge , qui lui délivrent une commiffion. Un
arrêt du Confeil du Cap, du 21 Janvier 1777 , a tarifé fes honoraires pour les
enterremens , & a févérement défendu de laiffer à la porte du cimetière & d'y
tranfporter, furtout la nuit, des cadavres, fans avertir le chapelain qui fe
trouvait ainfi dans l'impuiffance de conftater quelle était la perfonne qu'il enterrait.
Ils'eft élevé , en 1780 , une querelle affez fingulrère entre le chapelain de la
Foffette & l'aiirnônier de l'hôpital militaire de la rue Efpagnole , dontj'ai parlé
& qui s'appelait l'hôpital Bouvier , du nom de fon entrepreneur. Le premier
foutenait que l'autre n'avait pas un caradlère public , pour faire le? aéles mor-
tuaires de ceux qu'il lui envoyait à inhumer au cimetière de la Foffette.
L'intendant décida en faveur de Taumônier & l'aftraignit feulement à envoyer
au chapelain une note indicative des noms, &c. , avec chaque corps & à lui
remettre fes regiftres mortmaires, lors de l'évacuation de l'hôpital.
Un chapelain de la Foffette y avait fait planter du petit mil. On fait de quel
propriété précieufe pour l'homme , font doués les végétaux , de convertir le oaz
azote en gaz oxigène i & la rapidité de la croiffance du petit mil était ici une
preuve, & du be foin de ce moyen, & de fon utilité. Comme le procédé du
chapelain n'était pas purement chimique , il fai fait couper & vendre le petit mil
à fon profit , 8c il en avait un débit très-avantageux. Mais plufieurs chevaux ayant
1
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a
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n
438 DESCRIPTION DE LA PARTIE
été malades , quelqu'un imagina de les fevrer de petit mil du cimetière , & lea
accidens cefsèrenr. Il n'en fallut pas davantage pour en faire abandonner la culture
que l'humanité aurait dû perpétuer , même aux dépens du public , qui , au furplus ,
jurait pu en être indemnifé , en vendant la récolte comme engrais. Ce fait,
arrivé en 1782, n'a pas été affez exaflement fuivi pour démontrer fi réellement
les fucs du petit mil , trop animalifés , ou trop peu élaborés par la fougue d'une
végétation trop fucculente , avaient produit les effets qu'on lui attribue. Mais
j'ai cru devoir le citer ici pour infpirer l'idée d'une expérience qu'un autre
pourra faire.
Des hommes , inftruits cependant , ont aufîi crié contre la culture du cimetière
de la Foflette , renouvellée encore depuis 1782} mais, ainfi qu'ils me Tont.
avoué , c'était feulement parce qu'ils la confidéraient comme une forte de
profanation. Pour moi qui n'honore les vivans , qu'à raifon de leur utilité, je ne
prendrai pas pour honorer les morts , le fyftèmc oppofé ; & fi les végétaux créés
par la décompofuion de leur être animal peut fauver les premiers de quelques
dangers , il n'y a point à balancer. C'eft un faux refpeél que celui qui fait
raifonner autrement , & certes , on ne prétendra pas que les loix de la police qui
forcent à inhumer promptement un père mort d'une maladie putride , foit un
attentat contre la tendreffe du fils qui murmure de cette difpofition , par laquelle
il fera , peut-être , le premier garanti. Pourquoi les précautions ne dureraient-
elles pas autant que le befoin qu'on en a ? Ne profanons pas notre raifon par
de honteux préjugés j remarquons ce que fait la nature : elle couvre avec
prodigalité , le fol de la plupart des cimetières des Colonies , de ricins de la plus
haute llature 8c de belles-de-nuit.
Le cimetière cft placé de manière que fon afpeél frappe en entrant dans la
ville. On ne fait fi l'on doit accufer le hafard ou l'incurie , d'avoir préfenté ce
fpeétacle lugubre à l'abord d'une ville confidérable , dans un pays où la deftruc--
tion eft prompte & fréquente. On avait même imaginé de peindre en noir , la
porte du cimetière , de la parfemer de larmes blanches Se de décorer le haut de
l'impofte avec une mort , une faulx , une ckpfidre & cette infcription :
Hue Tendimus Omnes.
Mais M. de Reynaud , gouverneur-général , par intérim , trouvant tout cet
appareil trop philofophique , le fit difparaûre en 17S0 , & la porte fut peinte
en gris.
i
FRANÇAISE ÛE SAINT-DOMINGUE. 439
"Le cimetière fe trouve , par fa fituation , à la tête de la ville , relativement à
ia brife de terre ; il répand donc fur elle des vapeurs qui ne peuvent être que
nuifibles. II faudrait un cimetière , fix fois auffi fpacieux , qu'on pourrait placer
au fond de la gorge de la Foflètte , où il ne nuirait à rien. Celui aftuel ou
plutôt fa chapelle feulement, ferait le dépôt jufqu'auquel les cérémonies de
l'églife accompagneraient les corps, &lefoir, on les porterait à leur véritable
fejour, comme l'on porte, depuis long-tems, ceux mis par oftentacion dans le
caveau^ derrière l'églife , au cimetière de la FoiTette. La population du Cap
s'accroît contmuellement , & tout augmente le befoin du changement que ie
defire. Alors les nègres foflbyeurs pourront, avec bien moins d'inconvénient
oublier, pour leur profit, de mettre de la chaux dans^les fofles, ou d'en mettre
affez , & leur propre exiftence fera moins expofée.
Au Sud de ce cimitière &à toucher fa clôture , eftle relie d'un ancien retr.n
chementde terre 8c il a,àl'Oueft, l'école d'artillerie, mais ces deux 0^'":
appartiennent à la défenfe du Cap , dont je traite féparément ^
^;rj
,"
SixièmeSection.
CiTTï Seftion ell placée entre la cinquième & U reptième qui lui font
parallèles. Au Nord , elle commence à la rue du Cimetière à l'Eft - T
d-Anjou , au Sud. elle touche ia limite de la ville , & trouve à l'Oulft il ™
Efpagnole En ,740 , ,1 n'en exiftait guères que ia moitié , & cette moit é éta"t
compo,ee de ce qui eft entre la rue du Cimetière & ia rue Taranne . & entre la
rue Royale &Ia rue Efpagnole , jufqu-au bord Septentrional de la pi ce Ro a,e
tout le refte eft fort, depu,s du fcin des eaux , ou d'un marécage qui allait de il
rue Royale a la mer. La fixième Seftion forme .m carré Ion»
On connaît déjl les rues qui coupent la Exième Seftion du Nord au Sud
putfqu elles font communes à la troifième qui borne toute la ftxième , au Nord'
Ces rues font celles Satnt-Louis . Royale, Vaudreuil & d'Anjou. C'eftd;
ettedermere. au co.n Nord-Oueft de la rue Saint-Simon, qu'cft depuis ,7,-,
le bureau de la pofte aux lettres, dont le Cap jouit três-andennement "' '
Dans la d.reftion de l'Eft à l'Oueft . on trouve d'abord , ap.ès la rue du Cim.-
t«e, larue Samt-Stmon, quieiHaplu. Septentrionale, celle Saint-Jofeph,
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(-"▼■
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440
DESCRIPTION DE LA PARTIE
la rue Taranne , la rue des Trois Chandeliers , celle du Canard , celles de la
Vieille Joailleiie, du Chantier, des Trois Vifages , de la Boucherie , de
Saint-Nicolas , la rue de Rohan ( gouverneur-général ) , & la rue du Pont qui
vont toutes de la mer au morne.
Je ne fais par quelle étrange fingularité, il eft tant de rues du Cap, dont les noms
font bifaires ou infignifians , lorfqu'il y avait , dans leurs dénominations, des
moyens d'exprimer des fentimens qui auraient honoré les habitans de cette ville.
Pourquoi des rues du Lion , de l'Oors , du Chat , du Pet-au Diable j au lieu des
rues de Caftelveyre , de Dolioules ? Pourquoi des rues des Trois Chandeliers ,
des Trois Vifages , & autres non-moins ridicules ; Se pas ui^e rue Larnage ,
pas une rue Maillart ? Hommes ingrats , rougiriez-vous des bienfaits dont vous
êtes l'objet ? vous ne les mériteriez pas. Je dois dire, cependant , que la rue Saint-
Simon , porte ce nom en l'honneur du patron de M. Maillart -, mais pourquoi
n'avoir pas préféré fon nom de famille ? La rue Saint-Jofeph doit le fien au nom
de baptême de M. de Vaudreuil, commandant-général de la Colonie. Pour la
rue Taranne Se celle des Trois Chandeliers , leur origine m'eft inconnue 8c je ne
la crois pas regrettable.
La rue des trois Chandeliers forme le côté Nord & extérieur de la place
Clugny , qui a la rue de la Vieille Joaillerie au Sud , celle Vaudreuil à l'Eft ,
& celle Saint-Louis à l'Oueft. Cette place forme un carré de 44 toifes , compris
entre quatre allées d'arbres Se a 52 toiles en carré , fi l'on compte les rues qui
y palTent. Tout ce quartier s'appelait autrefois le Marécage. Il était cependant
tout concédé en 175 1, quoiqu'il ne formât qu'un marais. M. Larnage Se
Maillart s'étonnaient eux-mêmes alors de ce qu'on n'avait pas faifi plufieurs
circonfl-ances favorables pour faire combler ce local , qui était pour la ville une
caufe permanente d'infedion. Le miniftre leur prefcrivait ^ le 14 Mars 1741 , de
réunir les terrains qu'on ne deffécherait pas dans un an. Les Adminiftrateurs
temporiierent encore j mais le 19 Oftobre 1743, ils donnèrent fix mois pour
combler, Se un an pour bâtir. Cette ordonnance produifit foa effet, non pas
dans le délai fixé, mais , peu-à-peu , l'on vit des progrès fenfibles dans le deffé-
chement , & ce marais fétide fit place à des maifons.
En 1752 on forma le projet d'avoir un marché dans l'ancien marécage. Le
lieu en fut défigné , Se l'on défendit même d'y faire de nouvelles conftruc-
çions. Les habitans vpifins du Ueu choifi , propofèrent de contribuer aux dépenfcs
qu'il
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M «BlWiF.ll'! "I> IV«||i
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 441
qu'il occafioiinçrait & à l'indemnité des propriétaires du terrain. Ce ne fut
cependant qu'en 1764, que les Adminiftrateurs , déterminés par l'embarras que
l'on éprouvait fur la place-d'armes , qui était le point d'aflemblée des troupes *
arrêtèrent l'établiiTcment du marché. Leur ordonnance du 12 Janvier 1764,
créa la place Clugny , du nom de l'un d'eux, pour réunir les fubfiftances de
toutes les efpèces. Elle a coûté 82,400 liv. pour indemnifer les propriétaires des
leize emplacemens qu'elle occupe , & 94,198 livres pour le remblai & les
travaux qu'elle a exigés , ce qui fait 176,398 liv. Cette fomme a été payée
par ks propriétaires voifins de cette place.
Le 26 Janvier 1766, le marché des nègres y fut inftallé pour la première
fois, & pour les fêtes & les dimanches feulement; mais le 13 Juillet 1768^, on
l'y a rendu journalier , malgré la réclamation des habitans qui voulaient en
conferver un fur la place-d'armes.
Le marché n'était point pavé , 8c dans les tems pluvieux , il était deveuTi
prefque impoffible de s'y mouvoir à caufe des boucs dont il était couverti ce qu'on
conçoit facilement quand on connaît les pluies de Saint-Domingue & quand
on réfléchit qu'il y a tel dimanche où 15,000 nègres viennent au marché
Clugny, foit pour y vendre foit pour y acheter. MM. de Reynaud & Le
Brafleur afîèmblèrent, le 7 Janvier 178 1, tous les contribuables de 1764. Les
particuliers donnèrent 55,000 liv. , & les Adminiftrateurs prenant l'excédant dans
la caiffe des libertés , la place Clugny a été pavée en entier Se entourée de
barrières comme la place-d'armes.
Une ordonnance de police du 3 Avril 1782 , qui règle celle de cette place,
la deHine exclufivemeat au marché des comeftibles ; elle défend d'en vendre
ailleurs , en interdit l'entrée & les contours aux vendeurs de raarchandifes
féches ; mais les marchands placés dans les maifons environnantes qui veillent à
ce que ceux qui font étrangers fe conforment à cette difpofition , font quelquefois
moins religieux dans robfcrvation de la défenfe qui leur eft faite , d'étaler hors
de leurs maifons fur des tables pu fur des établis. Un infpedeur de police qui
^ le marché dans fon détail , conferve les clefs des barrières qu'on ouvre lorfque
çelgefl néceffaire, & c'eft lui qui diftribue les places aux marchands , quoique
chaque infpeéleur de ferviee fojt chargé dç veiller à fa propreté.
Du côté Eft de la place , font les marchands d'herbages & de légumes , qui
«talent la carrotte, le navet, le choux, le concombre rafraîchifîant , le melon^
Tome L K k k
■ ' *9
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m-
1
442 DESCRIPTION DE LA PARTIE
gène à la robe purperine ; le melon à chair vcrdâcre ou celui à chair rouo-e , &
d )nt le parfuni éveille tout-à-la fois l'appétit & l'odorat -, une foule d'autres plantes
co.nme l'épinard, la laitue , la romaine, &c, charment la vue & attirent l'acheteur.
Quelquefois la marchande plaîc aufii fous fa baraque couverte ^ mais portative -,
£^ le rire invitateur efl placé fur fa bouche emmiellée.
Dans le même ordre , mais au Sud , font des marchands de viande de
mou:o;i , de porc, de fauciffes , &c. Une grande propreté règne dans toute-
cette partie , parce que le climat l'exige au moins autant que l'intéiêt du
marchand , a!în d'en écarter les mo;:ches , dont les nombreux eflaims couvri-
raient tout. .
A rOueft, font les volailles vivantes , car on n'en voudrait pas acheter
d'autres. Quelquefois m.algré les liens qui unifient leurs pieds , de leurs becs aigus
deux coqs fc font la guerre , î:^; l'un d'eux entonne le chant de la viftoire peu
d'inftans avant fo9 trépas. Les marchands de chair de cabrit ou de chèvres font
à la faite , afin qu'ils ne puilTent pas , en fe confondant avec ceux de mouton >
faire prendre une viande pour l'autre , quoique la première foit moins eftiméc
Se que d'ailleurs la queue de la chèvre doive être confervée pour avertir encore
ceux qui ne feraient pas capables de les diftinguer.
Derrière les marchands de volaille, font les nègres qui vendent le petit
mil, l'herbe d'Ecoffe & l'herbe de Guinée ; ces fourages précieux dont
on fubfbante les chevaux &; les vaches nourricières., & dont le produit cft Ci
lucratif.
, La région Nord eft le partage de ceux qui expofent en vente les coquillao-es
vivans , comme le vigneau, le foudon , la palourde, le burgot , le i3mbi,les^
huîtres attachées par bouquets fur le manglier qui leur tient lieu de fol , & les
poiffons de toute elpéce. C'eft là qu'un énorme mulet ou qu'un vorace brochet
attire le pourvoyeur de celui qui prépare un régal ; i'immenfe vieille eft débitée-
par " morceaux à ceux qui favent ce qu'elle vaut sîans- une étuvée au vin ; le
balaou à la marche rapide , le tazard k la bonite à la chair ferm.e & compafle
comme celle du thon , la carangue graffe , le cayeux à Técaille légère , mais
dangereux dans certaines faifons de l'année, le barbarin ou rouget, dont I3
chair eft colorée par fa longue & mobile écaille , le perroquet , le chirurgien ,
k haut-dos , la farde rouge fi eftimée , mais moins encore que la farde grife
qu'on voit près d'elle , l'orfit à la verte arrête , la banane aux milliers de
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 44^
piquans ; tout , jufqu'au quIa-quia dédaigné par le riche , préfentent une nourri-
ture plus ou moins agréable , plus ou moins coûteufe.
. Après eux viennent encore d'autres habitans des plaines liquides ; mais
imprégnés d'un fel confervateur , ils annoncent affez qu'ils font étrangers au
lieu où on les voit : c'efc k morue verte ou falée , les harangs , les maque-
reaux ; enfin l'on trouve Là les perfonnes qui vendent le lard , le faindoux , la
graiflè , l'huile, le Tavon & ils terminent cette enceinte extérieure. La place' en
renferme encore une autre.
Les rues qui fc coupent réciproquement au milieu de la place , font abfoiu-
ment libres de tout étalage ; feulement fur l'alignement des bords de ces rues ,
des deux côtés de chaque carré que leur croifcment forment , l'on trouve les
difFérens grains , comme les pois ( de vingt efpéces ) , les lentilles, le maïs
ïe pain de froment , & cette foule d'autres fubftances qui tiennent lieu de pain
aux nègres & même à ^beaucoup de créols ; c'eft la large & fragile calTave ,
provenu du vénéneux manioc, la douce patate , la farineufe igname, le tayo
ou choux caraïbe, qu'on pourrait prendre pour une efpêce de pomme' de terre
plus féche , & la banane , cette muinne qui ne raflafie jamais. Là fe trouve aufli
du charbon de bois.
- Enfin l'intérieur des carrés occupés par les nègres cultivateurs des campagnes
les fêtes & les dimanches , ou par des rcvendeufes ou des externes aux jour^ de
la femaine , ofirent le tableau confus & mobile d'une multitude de vendeurs de
tout ce que la rerre coloniale peut produire en fruits , en légumes & en une
infinité' de choses dont la nomenclature deviendrait fatigante. Ici la douce &
riche orange & le citron plein d'une acide très-developpé , font mis en tas -,
là , c'eft l'ananas fi fier de fa couronne qui femble en faire le roi des fruits ; plus
loin on apperçoit la goyave, la pomme canelle , le coroffol , la papaye le
monftrueux abricot, l'infiplde icaque , le petit azi , le coco, la caymite On
voit la belle clrouelle , la prune- monbin plus belle encore, l'aouarat ou
avocat à la chair couleur d'émeraude , la fondante fapotille , . le petit raifm du
-bord de la mer, s'offrir aux palais des créols , fuivant la faifon. On y trouve
aufîi les cordes, dont la pite a fait tous les frais , & le fruit du callebaffi^r fou-
différentes formes , & quelquefois travaillé au dehors d'une manière ingénieufe
bu bifarre.
A cette armée de vendeurs fymétriqùement difpofée , fe mêle la cohue
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\
444 DESCRIPTION DE LA PARTIE
te3 achetturs & même des ûivplcs troqueurs ; car le nègre de la campagne
qu'on connak fous le nom de nègre de place , échange les petits produits de fa
culture ou de fon induftrie , contre ce que le nègre de ville lui apporte &: qu'il
a confervé de fa nourriture citadine pour avoir des fruits. On troque suffi dé
même des cannes à fucre dont les Créols font fi friands > & dont ils ûicent le
jus en comprimant de leurs dents cette canne qu'ils ont d'abord coupée de
manière que chaque nœud fe trouve au milieu d'un petit cilindre fucré.
L'amateur de fleurs peut aufli fe fatisfaire & parer de leurs vives couleurs la
belle qu'il chérit & qui , après avoir été fraîche comme elles , fera auffi flétrie
par le tems. On y a du raifin dont le grain d'un noir foncé , tranche avec le
verd du pair.pre qui l'accompagne, ou bien c'efl: du mufcat, auffi délicieux par
fa faveur que remarquable par fa groflTcur , qui étale fa longue grappe. Le parfum
delà truffe va frapper au loin le gourmand, dont l'œil impatient la dévore à
l'avance. Enfin , tout ce que l'île peut produire pour nourrir fes habitans ou
pour embaumer l'air qu'ils refpirent , eft fur le marché Clugny , excepté les
denrées des manufaflures coloniales.
Nulle barraque couverte n'y efl à demeure , & les feules tables qui y relient,
font celles des bouchers; le refi:e difparaît chaque jour, lorfcu'à trois heures
de l'après-midi tout ell lavé 8c nettoyé. Rien ne gêne les rues qui bordent la
place. La plupart font traverfées par des tentes qui fervent d'abri aux m.aifons
& qui doivent être à dix pieds de haut & attachées du côté de la place â des
poteaux peints en vert -, toute la police eft accompagnée d'amendes contre ceujs
qui la violent , & pour l'aflurer , outre l'infpefteur de police & fa brigade , il y
a un fergent & quelques foldats de troupes dans un corps- de- garde placé au
Sud-Oueft de la rue du Canard, donnant fur la- place.
Les arbres de cette place font des figuiers blancs; ieur plantation a été
réparée en 178 i par des arbres qu'on a pris chez divers habitans, & que des
nègres de la chaîne publique ont replantés ; mais leur entretien ordinaire a
toujours été à la charge d'une perfonne qu'il difpenfe du logement de gens de
guerre, de toutes corvées perfonnelles 8s, du fervice des milices j c'"efl maintenant
M. Aujar, charpentier.
La place Clugny a, dans: fon milieu , une fontame compoféc d'un pilaftre en
forme de tombeau , &c d'une feule colonne d'ordre Ionique furmontée d'un
^ ».
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I
■ iM-.nij' i.minjiyi ij im
■ .1
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 44^5
Elle ports cette infcription : (*)
Utili'.ati & faluti Civium ,
Hujus Colonie Prsefeftus
In fuprema Burgundi^ cura Senatof #
Hanc (f ) fontem
In fore nomino fuo infignito ,
Amoris erga Colonos
Pignns fimul & monumentum
Pofuit. Anno Domino i -jS^.
Lorfque rinfcription fut pofée , cc-lui qu'elle célèbre n'était déjà plus intendantr
La fontaine porte fes armoiries.
En fortant de la place Clugny & allant au Sud par les trois rues qui j?
conduifent, on trouve une autre place après avoir parcouru cinq îlets. Elle a
auffi la rue Royale vers Ton milieu & porte^ le nom de place Royale. Le projet
de cette place exiftait dés 1746, mais on ne lui deftinait alors qu'une partie de
fa furface afluelle, qui était montueufe par le prolongement des pattes à^x-
morne , qui de cette place allaient encore vers l'embouchure de la rivière.
Dans cette année même , on éleva un front de fortifications pour couvrir la
partie Méridionale de la ville , & il formait dans la place une courtine qui venait
prefqxie jufqu'à l'alignement Sud de la rue de Rohan ; au milieu de cette courtine
était l'entrée de la ville en face de la rue Royale. On avait détruit cette partie
du retranchement, mais M. d'Ennery le fit rétablir en 1775, en le reculant
cependant d'environ 10 toifes dans le Sud. Ce fut alors qu'on conftruifit le petit
corps-de-garde qu'on voit encore fur cette place & qui bordait le côté Eft de
l'entrée de la ville , pratiquée dans ce retranchement,, auquel le corps-de-garde
touchait intérieurement.
En 1780, MM. de Reynaud & le Brafleur , d'après une décifion d^tîn cônfeiF
de guerre, firent abattre ce retranchement de nouveau, & alors on fixa les'
(*) On avait propofé la fuivante :
Incertos hue ufque aditus ignota fubivît
Fceçundo, quse nunc exilit unda , finu.
¥os haurite , Cives ! haec divi munera Civis %
Tanti fit dignum pignus amoris-, Amûr.
\%
11
w
kJ^6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
dircenfions delà place, qui font exa6lcment les mêmes que celles de la place
Clugny, c'efl-à-dire , 52 toifes en carré en y comprenant les rues qui y paffent ;
le corps-de garde fe trouve prefqu'au milieu.
A la même époque on s'occupa de Tembellifiement de la place, & l'on propofa
des portes triom.phales pour décorer fon côté Sud & la façade tournée vers la cam-
pagne. M. Rabié en fit les projets ;" il devait. y avoir deux portes femblables ,
l'une en face de la rue Vaudreuil , l'autre en face de la rue Saint- Louis. Chacune
aurait eu 50 pieds de face & autant de haut. Quatre colonnes d'ordre Dorique
foutenant l'édifice Se ayant c6 pouces de faillie , laiffaient pafîage entr'elles aune
porte de treize pieds de largeur 8c vingt-fept de hauteur, pratiquée au mdlieu avec
impofte, archivolte & clef, & à deux portes latérales , non-ceintrées , de fix pieds
4e large fur treize de haut. Au-deffus delà corniche de l'entablement était un
attlque droit , où quatre pilaftres correipondans aux quatre colonnes , portaient
des attributs militaires. Une troifièmie porte devait être en face de la rue Rovale.
Elle différait des deux autres en ce que le deiTus de fes deux portes latérales,
portât un méiaiilon elliptique couronné par une guirlande de feuilles de chêne;
l'entablement était alternativement canelé & décoré d'attributs militaires fculptés ;
fa corniche était terminée par un fronton triangulaire, offrant dans fon tympan les
armes de France fculptées , & les deux acrotères placés aux extrémités. du fronton,
portaient aufTi des trophées guerriers. Des ordre? étaient déjà donnés pour que
les nègres ouvriers du roi au Môle , y préparaffent les pierres de taille nécefTaires
à la conftruction de ces portes.
Indépendamment de ce genre de décoradon, les Adminiflrateurs en adoptèrent
un autre , h 8 Novem.bre 17S0, qui confiftait à conftruire des maifons régulières
fur les quatre laces de la place & dans toute la partie du terrain qui s'étendait
depuis rOuefl de la rue Efpagnole , jufqu'au bord de la rivière.
Pour aiTurer l'exécution de ce delTein , ils concédèrent à M. Artau, entrepre-
neur, tout le terrain non bâti qui fe trouvait dans la place, avec l'oblioadon
comme il l'offrait lui - même , d'y faire ces embellilTemens. Toutes les façades
devaient être à double étage & régner fur les quatre côtés des îlets. Un avant-
corps avec des pilaftres en aurait occupé le tiers , & leurs extrémités auraient eu
auîTi des pilaftres. Onze ouvertures garniffaient chaque étage des îlets du côté de
la plaine- . Deux corps-de-logis fymétriques , dccoraiehfen outre la rue du Pont
l'un entre la rue Dauphine & la rue d'Anjou , & l'autre allant de la rue Efpagncle
i
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 447
dans l'Oueft j ils avaient 230 pieds de long & dix-neyf ouvertures à chaque étage.
Ces deux bâtimens & les deux qui étaient entre la rue Vaudreuil & la rue Saint-
Louis, avaient de plus des frontDns triangulaires au-defîlis de l'avant-corps.
Il faut avouer que fi ce plan s'était réalifé, cet abord de la ville eût été mao-ni-
fique, & que le voyageur qui, après en avoir été frappé au-dehors , ferait entré
par la porte de la rue Royale & qui aurait trouvé cette place avec la même arclii-
tedure,(parce qu'aux différentes époques des reconftruftions des maifons aduelles,
les propriétaires y auraient été affujettis ) , n'aurait pu fe défendre d'un mouvement
d'admiration. Mais la concefTion faite à M. Àrtau a été attaquée par les proprié-
taires anciens du local , & au lieu d'édifices il n'y a que des murs d'enceinte qui in-
diquent les nouveaux îlets , en attendant que le jugement du procès montre leurs
véritables maîtres. OnalaifTé aux trois bouts des rues qui conduifent de la campa-
gne dans la place Royale , 40 pieds de large , au lieu de 24 qu'ont ces rues aprè*
la place , en allant au Nord.
La maifon qui donne fur le côté Septentrional de la place, entre les rues
Royale & Saint-Louis, a été, en 1779, la cazerne des Chaffcurs-volontaires de
, couleur, & tout l'îlet qui eft entre la place ,1a rue Efpaghole , les rues Saint-
Nicolas & de Rohan , a fervi de logement pendant la guerre de 1778 , aux efca-
drons de Dragons des régimens de Condé & de Belzunce. Ils étaient même
chargés du corps-de-garde de la rue Royale , qui était dans leur voifmage..
Au commencement de 1789, l'on a élevé au milieu de la place Royale ,,
une fontaine à quatre faces, avec des piiafttres Ioniques aux angles. L'entablement
qui unit deux colonnes à chaque face , porte une urne fcuîptée & décorée , pofée
fur un petit dez ; une ouverture circulaire, ornée d'un nœud &; placée dans le
focle de la fontaine , laifle paflfer l'eau à. chaque face. Au-deffus de l'ouverture &
au-deflbus de l'entablement, font les armes de la France ; à l'Ell, celles de la ville
qui, cette fois, repréfentent l'extrémité d'une terre d'où un vaifleau paraît partir j,
au Sud, les armes de M,, du Chillau , alors gouverneur -général] à l'Oueft
l'écufîbn de M. de Marbois , intendant.
Telle eft l'exiftence d'une portion de la ville du Cap, qui a été créée prefque en
entier depuis cinquante ans. Le voifmage de la place Clugny & de la Petite- Guinée,
le rend extrêmement peuplé ,& à cet égard il l'emporte beaucoup fur la qua-
trième fedion , fi celle-ci a l'avantage quant aux établifîemens publics. Les loyers^
font extrêmement chers fur la place Clugny & dans les environs, & dvwant la
"^
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\
448 DESCRIPTION DE LA PARTIE
guerre de 1778 , il y a eu des maifons dont le revenu a égalé la valeur, en trois
ou quatre ans.
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SEPTiÈiME Section.
1'
EN 17405 il n'en exiflait qu'un fixième à-peu-près , vers îe Septentrion, Se îe
refte était alors l'afile des crabes & des infeftes qui fe décompofant dans l'eau crcu-
piffante d'un marais , rendait le Cap un féjour mal-fain. Cette Section eft devenue
propre aux hommes , de la même manière que la fixième , & c'eft une des
éternelles acVions de grâces qu'on doit à Larnage & à Maillart.
Cette Seflion a , dans l'Eft , la mer depuis la rue du Pont jufqu'en face de la
place Le Braffeur , & enfuite la rue du Gouvernement jufqu'à la rencontre de celle
du Cimetière ; au Nord , elle a cette rue du Cimetière dans toute la largeur de la
iêconde Sedion ; à l'Oueft , la rue d'Anjou & la fixième Seftion ; & au Sud , la
rue du Pont, limite de la ville dans cette partie. A l'Orient fa figure eft un peu
irrégulière , parce que le Cap fe rétrécit en allant du Nord au Sud.
Cette Scftion a une autre irrégularité par rapport à fes rues , en ce que la rue
Fermée , au lieu de fe diriger parallèlement aux autres , qui vont du Nord au Sud,
gagne le Sud-Oueft, comme je l'ai dit, &fe termine à la rue du Hafardj de fort-e
qu'à partir de celle-ci jufqu'au bout Sud de la ville,les îlets ont une double étendue
de l'Eft à l'Oueft & vont de la rue Dauphine à la rue d'Anjou. J'ai fait connaître ,
en décrivant les autres Seclions , les rues de celle-ci j elle n'a de particulier q*ue la
rue Dauphine , beaucoup plus connue fous le nom vulgaire de rue du Bac.
L'îlet qui donne dans l'Oueft de la rue Dauphine & qui eft entre les rues du
Chantier & des Trois Vifages, eft le logement ou la cazerne de la Maréchaufîee ,
compofée d'un prévôt particulier , un exempt , trois brigadiers & quinze archers.
Difons un mot de ce qui concerne cette Maréchaufîee.
Ce fut le 16 Mars 1705, que le Confeil de Léogane , après avoir pris
l'avis des principaux habitans , ordonna l'entretien de 36 hommes dans chaque
quarder de Léogane , du Petit - Goave & du Cul - de - Sac , qui auraient
300 livres par an , pour rechercher les nègres fugitifs , indépendamment de
la rétribudon qui leur ferait payée pour chaque capture; &: impofa chaque tête
d'efçkve , depuis quatorzs ans jufqu'à foixante , pour acquitter cette dépenfe.
Le
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 449
Le Confeil du Cap fit, le 4 Juillet 1707, les m^mes dirpofitlons pour fon
On eut beaucoup de peine à trouver des hommes pour former ce corps , & l'on
recourut aux afFranchis qui le composèrent prefqu'en entier , on y vit même des
efdaves affida Le 13 Avril 1 7 1 8 , le gouverneur-général appela prévôt & grand
prevot le chef de cette troupe , archers ceux qui la compofaient , & fit pour les
captures un nouveau tarif, auquel le Confeil du Cap ajouta le 5 Décembre
fuivant. Enfin le 27 Mars z72r , une ordonnance des A iminidrateurs créa, pour
la Partie du Nord , une compagnie de maréchauéffe , cornp.,^e d'un prévôt-
cap.tame un lieutenant , un enfeigne ou exempt , fix brigadiers & ^ïLtc-6:,
archers. Les officiers formaient une juftice pré.ôtale que iuivaic un exécuteur.
Cette marechauffee , chargée d'arrêter les nègres fugitifs & l.s foidats dé.ertcurs ,
faifait fon fervice , à pied & à cheval. Elle fut confirmée au mois de Tuillet
fmvant; les brigadiers furent cependant réduits à quatre , & ks .rcaers à
quarante-trois.
Mais cette inftkuùon avait difparu fucceffivement & les défordres des i-ê^res
marons étant devenus allarmans , les Adminiftrateurs créèrent une nouvdle
maréchaulfee , le 20 Janvier 1733 , pour toute la Colonie. Cette fois là on établit
dans le reffort de chaque Confeil, un grand prévôt & deux lieutenans de prévôt -
on mit quatre exempts & cinquante-deux archers pour celui du Petit-Goave trois'
exempts & trente-trois archers pour celui du Cap. Tous ces archers étaient pris
parmi les gens de couleur libres ; mais dès 1734, on permit de recevoir des
efclaves , à qui ce fervice faifait acquérir la liberté. Au mois de Janvier 17,0
le Confeil de Léogane organifa plus particulièrement la maréchauffée de fon
reffort. Celui du Cap adopta le même régime , & l'on voit dans fon règlement du
6 Août 1739, que la Sénéchauffée du Cap avait un prévôt, deux exempts,
quatre brigadiers & vingt-quatre archers.
La maréchauffée a eu une exillence certaine , par un règlement du roi du ,j
Jmllet 1743 , & ce font fes difpofitions qui la dirigent. Le prévôt-général n'a
point d appointemens, & quoique le règlement ne s'explique pas fur fes droits
honorifiques , mais réferve feulement de les fixer , on l'a affimilé, dans l'ufage
a un major de milices & l'on ne pouvait guères fkire moins. Il eft l'infpedeur de
toute la maréchauffée du Confeil pour le reffort duquel il eft nommé -, il fait des
tournées, vérifie comment k fervice eft rempli & envoyé fes comptes aux deuK
Tome I, r j 1
JL 1 1
VI
i
450 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Adminiftraceurs , mais il ne donne pas d'ordre immédiat à la troupe. Il eft reçu
au Conleii fur une commiîTion des Adminiftrateurs ou un brevet du roi, &^y
prête ferment. Les prévôts & exempts font reçus de même. Les premiers ont
le rang de lieutenans de milice & , dans le refîbrt du Confeil du Cap, 2,000 livres
d'appointemens par an , & les exempts y le rang d'enfeigne avec 1,200 livres.
Les brigadiers & les archers prêtent leur ferment entre les mains du juge de la
Sénéchaullée de leur réfidence ; les uns ont 900 liv. , les autres 600 liv. annuel-
lement , Se tous l'exemption de droits pour quatre efclaves & celle de tutelle &
curatelle. Il eft perm.is de prendre des furnuméraires non-payés , mais dans la
Partie du Nord on n'en trouve pas. Les captures font payées , à part , à la
maréchaufîee , ainîî que la conduite des criminels.
Le commandant du chef- lieu de l'endroit où eft la maj-échaufîee , doit la palier
en revue tous les fix mois , & le prévôt particulier, tous les mois. C'eft fur les
certificats de ces revues , qu'elle reçoit fes appointemens du receveur des droits de
maréchauiïee , en vertu d'une ordonnance d'un confciller-commiffaire du Confeil
nommé par ce tribunal. Les appointemens ne peuvent être faifis que par ceux qui
ont fourni la nourriture ou l'équipage.
Il y a eu de longs & vifs démêlés entre les officiers de juftice & les officiers
militaires fur l'emploi de la maréchaufîce ; une déclaration du roi , du 6 Décem-
bre 1 753 , a ftatué que hors le fervice des villes & de leur banlieue , les magiftrats
ne difpoferaient pas de la maréchauffée , qu'en prévenant les commandans
militaires ; mais au lieu d'avoir fait celïèr les difficultés , cela n'a fait que les
accroître. La maréchauffée devenue militaire, dès 1743, l'a toujours été de
plus en plus , par le fait , attendu que cette exiftence flatte plus fes officiers. M.
de Beizunce l'avait rendue complettement militaire , & lui avait défendu d'obéir à
d'autres ordres qu'aux fiens. M. d'Eftaing l'avait fupprimée &, remplacée par des
hommes de fa légion qui devenait maréchauffée dans i'occafion ; mais le règle-
ment de 1743 & la déclaration de 1753 ont repris leur empire.
Le fervice dont la maréchauffée eft tenue , confifte à arrêter les foldats
déferteurs , les efclaves fugitifs & les criminels -, à conduire ces derniers aux
exécutions à mort & à faire la garde du Confeil fupérieur , lorfqu'il eft affemblé
où lorfqu'il marche en corps ^ on l'employé auffi pour la main-forte , lorfqu'elle
eft néceffaire aux décifions des tribunaux , & à ce qu'on appelle établiffemene
de garnifon , pour faire payer les contributions publiques ou les dettes de
cargaifon.
I
"VW
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 451
Cette troupe eft , dans la Partie du Nord , exaétement habillée , armée &
équipée comme la maréchaufîee de France. Depuis le mois d'Octobre 1721 , les
archers portent une bandoulière qui était , dans l'origine , bleue parfemée de
fleurs-de-lys jaunes, mais que dans la Partie du Nord, on a changé depuis
îong-tems pour la bandoulière de la maréchaufîee de la métropole. Dans toute
cette partie, la maréchauffée eft cafernée dans des logemens qui ont été achetés
ou bâtis des fonds de la caifie municipale , où l'on verfe , chaque année , le mon-
tant d'une impcficion par tête de nègre.
La maréchaufîee eft , en général , très-bien montée & équipée dans toute h
Colonie , & l'on n'en doit pas être furpris quand on fait qu'elle eft compofée de
gens de couleur. II eft fâcheux de ne pouvoir pas louer de même fon amour
pour fes devoirs. Comns elle a un droit par capture de nègres fugicifs ,
& qu'on ne peut regarder comme tels , que ceux qu'on trouve hors de l'habita-
tion de leurs maîtres , fans billet figné de lui , qui les nomme & qui défigne le
lieu où ils vont , les archers de maréchaufîee fe mettent à la pifte , furtout les
dimanches & les fêtes , aux abords de la ville , & fe cachent même , s'ils le
peuvent , pour fc montrer tout-à-coup. On en a vu qui , fous le prétexte
d'examiner ces billets , les déchiraient & cette infidélité cupide leur vaut fix liv.
par nègre arrêté. Si la date exprime le jour & le quantième , & que ces deux
chofesne cadrent pas enfemble, ils tournent contre le maître une loi qui n'ell
qu'en la faveur. Ils exigent toujours à vil prix, & prennent fouvent de force ce
qui leur convient des modiques objets de la vente defquels le nègre attend fa
fiibfiftance. Il n'exifte de moyen de remédier à ce défordre , que le choix des
archers de police , dont l'on s'occupe peu , & le châtiment févère de leurs préva-
rications. Mais ils fcmblent trouver de la proteétion , parce que ce font les
tribunaux qui puniflcnt & que leurs chefs fe croycnt militaires.
La moitié Orientale des trois îlets qui fuivent celui de la Maréchaufîee en allant
dans le Sud , & les trois îlets entiers en face de cette moitié & qui bordent
l'autre côté de la rue Dauphine, ont été, depuis le commencement de 1776 juf-
qu'en 1782, réunis par une clôture de maçonnerie fermant les rues qui les
réparent & fervant de cazernes d'abord, au quatrième bataillon du régiment
de Béarn , puis à ce bataillon & à celui qui vint le trouver en 1777 » pour former
avec lui , le régiment d'Agénois. Ces cazernes ont été occupées cnfuite par les
deuxrégimcns efpagnols de Zamora & la Couronne , depuis le commencemene
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V-:
452 DESCRIPTION DE LA PARTIE
de 1782 , jufqu'à leur embarquement pour la Havane, au mois d'Avril 1783. On
a rétabli alors la communication de toutes les rues.
Dans la face Sud de la rue de Rohan , qui eft à l'extrémité de cette ancienne
cazerne , & dans l'îlet entre la rue Dauphine & la rue d'Anjou , ont été long-teriîs
les boucheries du Cap , qui avaient fini par être dans l'enceinte de la ville , quoi-
qu'elles s'en trouvafîent originairement éloignées. L'épizootie de 1772 fit reffortir
les inconveniens d'avoir une tuerie dans ce local Se c'eft ce qui a donné lieu à
l'établiffement de la boucherie aéluelle en 1777.
La boucherie du Cap, d'abord placée dans la rue Efpagnole , au coin de celle
qui porte encore fon nom , fiit mile enfuite dans la rue Sainte-Marie , à la hauteur
de la rue des Vierges , d'où elle fi.it transférée au bout Nord-Oueft de la rue
Dauphine & de celle Taranne , où la ville fe terminait encore en 1735. Enfin la
boucherie alla dans la rue de Rohan, comme je viens de l'indiquer.
Le local de l'ancienne boucherie a fervi , en 1779 , de cazernes aux Chaffeurs-
Royaux, & dans le moment de prefîe , produit en 1782, par l'armée de M. de
Graffe, qui augmentait de beaucoup les malades d'une nombreufe garnifon ,
on en fit un hôpital, où il s'eft trouvé jufqu'à 500 perfonnes.
Cet îiet de la boucherie en a un autre plus à l'Eft , & qui eft le dernier au bord
de la mer. C'eft prefque à l'extrémité Nord de ce dernier îlet , qu'eft l'embou-
chure de la rivière du Haut - du - Cap & à cette embouchure eft placé le
bac.
On fait que jufqu'en 1742 , il n'y avait d'autre chemin pour arriver à la ville ,
que celui du Haut-du-Cap. On avait fouvent penfé à établir une communication
avec le bourg de l'embarcadère de la Petite-Anfe , telle qu'elle fubfifte à préfent,
& dès le 10 Juillet 1708 , M. Barrère propofait au Miniftre , qui l'approuva le 8
Odobre , d'avoir un pont fur l'embouchure de la rivière du Haut-du-Cap j cepen-
dant Larnage & Maillait étaient encore réduits à le folliciter le 28 Septembre
1739-
Ces Adminiftrateurs prirent alors une autre mefure , ce fut d'y placer un bac.
Ils en ordonnèrent l'établiffement le 10 Septembre 1742. L'homme qui à cette
époque marquait le plus de zèle & d'intelligence pour les chofes de ce genre , &
qui avait déjà la ferme du paffage de l'embarcadère de la Petie-Anfe & de celui
de Limonade , ayant offert de s'en charger , on réunit le bac à la ferme pour cinq
ans i sur le pied de 10,500 livres par année y dont la dernière lui fut donnée gratis.
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FRANÇAISE DE SAÎNt-DOMINGUE. 455
pourksfraisdel'établîffement, qu'il s'obligea d'efFeftuer en 1743. Le péage fut
fixé par les Adminiftrateurs, d'après un tarif que M, le Normand de Mézy , or-
donnateur au Cap j propofa , & qui fert encore aujourd'hui. ( * )
Les mêmes Adminiftrateurs ordonnèrent la confeaion du chemin le i"- Oftobre.
On commanda en conféquence la corvée des nègres des paroiffes qui devaient fe
fervir de ce chemin, & il fut fait. Qu'on fe rappelé encore ce fervice de Larna-^e
& Maillart ! ""
Au moment où le public commençait à en jouir , un premier-commis des bu-
reaux de Verfailles, qui vit cet établiiïèment dans les comptes que les Adminifcra-
teurs en rendaient, imagina qu'il lui ferait fort doux de fe faire un pécule d'un
péage , que MM. Larnage & Maillart deftinaient à la conftruélion d'un pont. Ce
premier-commis, qui ne promenait fur Saint-Domingue que des yeux de convoi-
tife , y avait déjà apperçu une proye dans la fucceffion de M. Amat, ce Sicilien
architefte de l'églife de Limonade , & dans celle de fa femme , qu'il s'était fait
adjuger le 15 Février 1744; mais il avait été trompé dans fon attente. Pour l'en
dédommager il eut , le 1 6 Décembre 1 746 , un brevet de don de ce péage , & du
paffage de la Petite- Anfe , pour vingt ans , à compter du i^^^- Juin 1747, afin de
lui faire repntir les effets de lafatisfaclionfinguliere de Sa Majejié,pur lesfervicesim-
prtmsquHl avait rendus àf qu'il continuaii de rendre, pariiculièrement à la Colonie de
St-Bomingue. Cet abus de la confiance que lui donnait fa place , fit pouffer un cri
d'indignation lorfque le brevet fut connu par fon enrégifl rement au Confeil du Cap,
le \"- Mai fuivant. Cette Cour envoya des repréfentations ; on ne les lut pas. Les
habitans du Quartier-Morin & de Limonade , qu'on contraignait à entretenir la
chauffée , depuis l'embarcadère de la Petite-Anfe jufqu'au bac , demandèrent ,
qu'au moins celui qui avait les bénéfices eût les charges ; pour toute réponfe , le
premier - commis fit fon frère intendant de la Colonie en 1752.
m
( * ) II exige quinze fous d'un blanc à pied , le double s'il eft à cheval. Sept fous a demi d'un
nègre à pied . & trois fois autant s'il eft à cheval. Par voiture trente fous , non compris les chevaux
& les perfonnes ; un cheval quinze fous ; un bœuf le double ; un autre animal fept fous & demi. Un
cabrouet à chevaux trente fous : un à bœuf le double , nonjcompris la charge ni les animaux; pour la
charge d'un cheval fept fous & demi. Une barrique de fucre trente fous ; une de vin vingt- deux fous
& demi ; un quart ou tierçon quinze fous. Le fermier eft tenu de faire le paffage la nuit comme le
jour, excepté pour les cabrouets à bœufs, & de décharger les eftets mis dans le bac , lorfqu'il ei£
parvenu à l'autre bord.
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454
DESCRIPTION DE LA PARTIE
La chambre d'Agriculture prefque nalffante, partagea les fentimens de la
Colonie pour le don du péage du bac, & réclamant pour elle , elle fit un mémoire
en 1763, pour en demander la révocation, quant aux quatre ans qu'il avait
encore à courir , ou du moins qu'à l'expiration du don , ce péage fût réuni à la
caiffe de la Colonie ,- cette demande eut le fort dès autres. Enfin au m.ois de
Mars 1764, l'Affemblée coloniale fupprima toutes les fermes de paffage , &
condamna M. de Laporteàreftituer les droits de la ferme du paffage de Limonade,
qu'il avait perçus fur une firaple lettre du Miniftre aux Adminiftrateurs , du i"-
Août 1747, & qui difait que ce paffage était auffi compris dans le don. Cette
démarche a été infruftueufe comme le refte. Le brevet de don a eu tout fon effet,
& l'on va juger s'il était digne des fervices de Mr. de Laporte,
Il afferma en 1747, les paffages compris dans le don, 90,300 livres pour trois ans;
en 1750, 190,000 liv. pour cinq ans, & en 1755 , à rai l'on de 40,200 livres par
an, ce qui a duré douze ans , puifqu'en 1765, MM. d'Eftaing & Magon décidè-
rent que cette feule ferme ferait rétablie. Ainfî le premier-commis récolta 762,000
livres qu'ont payé, en majeure partie , de malheureux efclaves, obligés de prendre
quinze fous fur le produit des chédfs objets qu'ils portent au marché, en allant &
en revenant par le bac.
Comme je l'ai dit ailleurs , on avait fenti que le produit du bac était dic^ne d'une
plus haute deftinéc , puifque le 7 Mai 1765 , lorfque le brevet de M. de Laporte
svait encore deux ans à courir , Sa Majefté , mettant en confidération les fervices
de feu M. le marquis de Clermont-Gallerayide iâ les dépofes qu'il avait été obligé de
faire four fe foutenir avec décence dans les cctnmandeniens dont il avait été chargé , ^
voulant le récor.tpenjer dans laperfonne de Mme, la ducheffe de Brancas , fa fille , Dame
d'honneur de IvL'-^e- la Dauphine , ê? l'aider à fe foutenir dans cette place , lui fit
don , pour 30 ans , du péage du bac du Cap , à compter du i"- Janvier 1767.
Ce brevet contenait la condidon qu'il ne ferait rien exigé pour le paffage des trou-
pes & de leurs bagages , & que l'on n'unirait aucun autre paffage à celui-là.
Le confeil du Cap furfit deux fois à l'enrégiftremient de ce brevet en 1766 &
en 1771. Le 20 Septem.bre 1769, une ordonnance du roi, fur l'impofidon ,
déclara que le produit des bacs ne faifait point partie de l'oftroi, & le 22 Novem-
bre 177 1 j un nouveau brevet, fondé fur ce que le bac produit plus de 24,000 liv.
argent de France , que le roi avait compté donner par an à M™^- de Brancas , &
fur ce que l'on projettait un pont qui ferait fupprimer le bac, lui accorde 24,000 liv. -
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 451
argent de France fur l'oftroi , pendant trente ans , à compter du i^^- Janvier 1767.
De cette manière le produit du péage n'eut pas plqs qu'autrefois fa deftination
primitive , Se la Colonie s'eft trouvée grevée d'une penfion pour laquelle , il faut
convenir, que les droits de M"^- de Brancas ne font pas faciles à appercevoir, puif-
que la Colonie n'a furement pas profité de la décence avec laquelle M. de
Clermont-Gallerande s'était foutenu dans fes commandemens.
Les deux Confeils de la Colonie , forcés d'enrégiftrer ce don, ont dreffé des
remontrances qui n'ont fervi qu'à prouver qu'ils ont fait leur devoir , en récla-
mant contre la faveur cupide qui, pour envahir, irait jufqu'aux extrémités du
Monde.
Des ordonnances du roi rendues en 1766 ayant décidé que la police des bacs
était de la compétence des Adminiftrateurs , & celle de 1769 faifant de leur
produit un droit domanial, c'eft l'intendant ou l'ordonnateur du Cap qui afferme
le bac à une enchère publique. Le Confeil fupérieur qui l'avait fait depuis 1767
jufqu'en 1771, avait, par un arrêt du 8 Décembre 1766, impofé les mêmes
obligations au fermier que celles de l'ordonnance de MM. Larnage & Mailiart
en 1742, & déplus, de laifTer pafler gratis tous les officiers & foîdats avec
kurs bagages , les membres du Confeil & ceux de la Sénéchauffée , leurs domef-
tiques & leurs chevaux , les officiers miniftériels de la jufttce en fondrions pour
le fervice public , & enfin les nègres des travaux publics. Dans cet intervalle ,
le produit du bac fut mis dans la caifle municipale , d'où le roi ordonna en 1772
de le verfer dans celle de la Colonie. M. Proft de Lary , ordonnateur , qui
fit la carte bannie en 1774, y laiffa l'exemption du Confeil & de la Sénéchauffée.
Mais M. Caignet fon fucceflêur mit dans celle du ler. Novembre 1777,
qu'elle n'aurait lieu qu'autant que les Confeillers feraient préfens lors du paffao-e
de leurs voitures & de leurs chevaux. Il y eut des débats à ce fujet , Se deux
lettres du miniftre , du 29 Avril 1779 & du 1,7 Février 1781 , ont confirmé ce
que M. Caignet avait fait.
Le bac a toujours les 50 pieds de long qu'il eut d'abord , favoir 30 de femelle
& 10 d'élancement à chaque bout, 16 pieds de large & 4 pieds de hauteur.
Il a 4 nègres pour en faire le fervice Se pour larguer le cable lorfquc quel-
que embarcation veut remonter ou defcendre la rivière ; car le fermier du
bac payant pour avoir le privilège cxclufif , perfonne ne peut faire traverfer la
rivière en canot à moins que ce ne foit des habitans riverains , Se encore pour
.m
V
456 D E S C R I P T I O N D E L A P A R T I E
Tufage feulement de leur habitation. Le privilège n'eft pas toujours três-ref-
psdlé, comme le prouvent des ordonnances de 1770, de 1775 & une du 30
Janvier 178 1 , qui donjient le fecret de leur inefficacité.
Le bac n'eft pas toujours auffi bien entretenu qu'il devrait l'être , & il y a
même quelques années qu'il coula bas au milieu du pafiage , tan. il faifait d'eau,
C'eft cependant mal entendre Ton intérêt de la part du fermier, parce qu'une
négligence amène une grande réparation, & par conféquent un long délai pendant
lequel il n'y a point de péage. On n'eft pas toujours non p.us jufte avec le
fermier. Par exemple , on a vu l'état du petit pont rouge du chemin de la
Petite-Anfe rendu cette route impraticable fans qu'on lui ait tenu compte de
cette non-jouiffance. En 1783 , les matelots d'une chaloupe du roi trouvant que
le cable du bac n'était pas largué affez vîce , le coupèrent. Le fermier fut obligé
d'en acheter un autre qu'il payât 2,400 liv. , & on ne lui accorda aucun dédom-
magement. Quelquefois auffi il a des difficultés pour fon payement. Autrefois
il y avait un faélionnaire au bout du bac, du côté de la ville, qui faifait la
police, mais on l'a retiré en 1783.
Comme la rivière n'a que vingt toifes à fon embouchure , la traverfée du bac
eft peu longue. Néanmoins dans la faifon des Nords la mer y eft agitée , &
le mouvement du bac fuffit pour éprouver les perfonnes qui font malades fur
cet élément. On eft obligé quelquefois d'attendre affez long-tems & d'une
manière pénible , lorfque dans les heures & dans les jours de grande chaleur,
on parvient à la rive droite de la rivière au moment où le bac vient d'en
partir pour aller vers la ville, côté oij il s'arrête toujours plus long-tems , parce
que c'eft celui oij l'on paye. Placé fur une lange étroite dont le fable réverbère
les rayons du foie il & frappé des reflets qu'ils produifent fur la furface de la
mer & de la rivière , on eft dans un état de fouffrance réelle. On laifîe cependant
quelquefois durant même des journées entières , des chevaux dételés auprès
d'une chaife qui attend le retour d'un habitant , la venue d'un convive , ou d'un
homme d'affaires , ou enfin celle d'une nymphe qui va auffi féduire les campa-
gnards. Des habitans font mettre derrière la voiture du fourrage pour les animaux
qui attendent , ou bien en font acheter au Cap -, mais ce dernier moyen peut être
traverfé par les combinaifons du cocher , qui croit fouvent , comme Sganarelle ,
avoir mangé pour tout le monde. On demandera peut-être pourquoi quelques
hangards ne font pas places pour abriter du moins les animaux ? Je réponds
" '**"^'
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 457
à cette queflion, que ne fera pas quelqu'un qui connaît la complète infouclance
de Saint-Domingue , que M. Sicard , alors fermier . en avait fait conftruire
en 1764, ainfi qu'un magafin pour cntrepofer des effets; mais il exigeait un
dédommagement de fept fous & demi , & cette prétention a fait périr ces
bâtimens. Et puis l'on parle d'épizootie , de perte d'animaux !
La ferme du bac qui était de 60,300 liv. en 1786, a été portée à 90,000 liv.
à la fin de la même année, par anné.^s de paix ou de guerre, c'efl-à-dire , que
celles-ci ne donnent paï lieu à une diminution. En ajoutant à cela le déptrifîe-
mentdubac, fon entretien , l'emploi de cinq ou fijf efclavcs , le loyer d'une
mai Ton pour loger le fermier &. fon monde , les frais d'adjudication , on voie
qu'il lui faut à-peu-près 100,000 liv. pour couvrir fes frais; c'eft environ 300
livres par jour. Or cette ferme enrichit le fermier , dont le bail eft de quelques
années j on peut donc croire que fon produit n'eft pjs moindre que de 400 liv,
par jour. Mais ce produit pendant fix jours de la femaine n'eft pas en tout de
400 liv. ; il faut donc que le feul dimanche produife 2,400 liv. , & l'on peut
dire qu'elles font acquittées par 3,200 efclaves , qui viennent vendre au
marché du Cap & qui donnent chacun 15 fols pour l'aller & le revenir; à
moins q'ie, comme il s'en trouve quelques-uns , ils n'ayent un maî:re qui abonne
tout fon atelier pour le paffige annuel au bac, en convenant d'un prix avec
îe fermier.
Q'i'on jug? , d'après cela , s'il ferait avantageux pour ces malheureux nè^-res
qu'il exifiât un ]-ont au lieu d'un bac ! Et ce pont , combien de fois aurait-on eu
fa valeur, avec les 1,500,000 liv que M. de la Porte & M""^- de Brancas
font venus dcfjurncr de cette bienfaifante dcftination ! On fait que ce pont avait
.été défiré & follicicé , en î70'3 & en 1739, & j'ofe dire que fi Larnage avait
vé:u, les brevets de don n'auraient jamais été follicitcs ; on aurait redouté là-
rigide vertu.
• Au mois d'Oflobre 1772 , il s'offrit un plan plus vafte. Une fociéîé d'entre-
preneurs , à la tête defquels était M. Renaui , offrit de faire fept ponts , fur les
fept rivières du Fort-Dauphin , de la Matrie , du Trou , de la Grande rivière , du
lîaMt du Cap , de la rivière Saléi de l'Acul , & du Limbe ; à condition qu'on y
établirait un péige à leur profit, ou bien qu'on leur en payerait la dé-enfe.
L'ingénieur en chef l'évalua à 1,200,000 IIvrs. Comme parmi ces ponts qui
auraient affuré , dans toutes les faisons , la comnr.inieation de toute la para: die
Tmf I. i^ ^-^ na
458 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Nord , celui de la Grande rivière & celui de la rivière à Galifet au bac , étaient
évidemment les plus importans , MM. de ValUère & de Montarcher foufcrivirent
un marché pour ces denx-là. Le prix devait en être payé par tous les habitant
des Sénéchauffées du Cap & du Fort-Dauphin , divifés en trois claffes, avec une
contribution qui aurait été de 300 livres pour les plus riches , & de 24 livres
pour ceux de la claiTe oppofée. Le roi en fupportait un dixième qui devait être
pris furie droit de deux pour cent des adjudications judiciaires. Quant aux autres
ponîs , on voulut attendre la décifion du miniftre , & même fa détermination',
avant de fixer la cotcifation , quoiqu'on dût toujours commencer les deux ponts.
Le 24 Décembre 1772, MM. de la Feronnays , comiriandant en fécond de la
Partie du Nord Si Malouet, faifant fondions d'ordonnateur, posèrent la première
pierre du pont dont M. de Boisforeft , ingénieur en chef avait fait k plan , &
que M. Renaud devait exécuter précilement au point où eft le bac.
Mais on n'avait pas calculé l'influence de l'efprit de Saint-Domingue. Au mois
de Septembre 1775 , il n'y avait plus de fouvenir , ni du projet adopté , ni de la
première pierre pofée. M. d'Ennery venait d'arriver, i! fentit aufficôt l'utilité
de deux ponts fur la rivière à Galiffet & fur celle de l'Artiboaite , & il promit ,
avec M. de Vaivre , fon collègue , 600,000 livres fur la caiffe des libertés pour
en affurer l'exécution. D'après cette offre , MM. d'Argout & Proffc de Larry ,
commafidant en fécond &: ordonnateur au Cap, convoquèrent les habitans de
Limonade, du Quartier-Morin Se de la Petite-Anfe , le 10 Septembre, au.
gouvernement , où il fut arrêté que le roi payerait la moitié de la dépenfe du pont
du bac & que ces habitans avec kfquels devaient concourir les principaux
négocians de la ville , fupporteraient l'autre moitié. Les habitans des trois-
paroiffes nommèrent MM. Fournier de Varenne & Barré de Saint- Venant pour
leurs com.miffaires. , afin d'infpefter Texécution du marché qui ferait paffé avec
i'entreprcneur, & de procéder à la répartidon de la fomme votée au prorata du-
rcvenu de chaque habitation , &: à l'iaiérêt de chacun des propriétaires à l'établif-
fement du pont , & M. Haitze fut choiu pour receveur des foufcriptions..
Chaque habitant figna un état énonciatif de fon rêverai , les commiffaires firent
la répartition au gré du gouvernement Se des foufcrîpieurs. Mais M. d'Ennery
mourut , M. d' Argout alla gouverner la Martinique , M. Proil de Lary était mort
quelques jours après l'aflemblée du 10 Sepembre 1775 , & le projet n'eut d'autre
effet que de montrer le patriotifme des Colons. On prétendit même , en 1777 ^
Française de saint-domingue, 459
que le pont du bac n'était bon qu'à donner le plaifir de traverfer la rivière erit
voiture & que les nègres n'avait qu'à pafî'er par le Haut du Cap.
MM. de Reynaud & Le Braffeur ne partagèrent pas cette dernière opinion , 8c
Teprenant le projet de 1775 , ils drefbèrent un profpeftus de la conftru6lion du
pont, mais fur d'autres principes. Ils fentirent qu'il était difficile d'élever un pont
«de maçonnerie qui ferait extrêmement coûteux & d'une pénible exécution. Des
Vues militaires influèrent auffi fur le nouveau plan & le pont fut '^projetté en bois
fur des piles de maçonnerie. Les habitans des trois paroifîès voifmes adoptèrent
encore ce prorpe(5lus , avec le même zèle , dans des afîemblées paroiiïîales du 1 1 ,
du 18 & du 22 Février 1781. On fuivit dans la répartition de la contribution
Volontaire , le plan de répartition des commiflaires de la foufcription de 1775 ^"^
'divifait les fucreries en quatre clafles dont la première payait 1,500 livres par
chaque millier de fucre de produit ; la féconde , 1,000 livres ; la troifième ,
660 livres Se la quatrième , 500 livres. Les habitans virent feulement avec peine
que leur fonds devaient être verfés dans la caifîe des libertés , au lieu d'être remis
à un caiffier choifl parmi eux. La foufcription s'éleva à 202,455 livres , exî-
^gibles , un tiers en commençant l'ouvrage , un tiers à fa moitié & le refte à fon
achèvement.
Ainfi affurés des moyens, MM. de Reynaud & Le Brafleur rendirent, le 23
du même mois de Février , une ordonnance pour l'édification du pont, en piles
de maçonnerie, couvertes de charpente. Il devait avoir cent pieds de long , fans
compter les culées & les rampes , ni l'épaifleur des piles ,. qu'on devait efpacer
de 20 pieds en 20 pieds; de forte que la longueur totale du pont , d'une culée à
l'autre, aurairété de 150 pieds. La largeur était fixée à 32 pieds , dont 24 pour
les voitures & 4 de chaque côté pour procurer un trottoir aux gens de pied : le
milieu avait un pont-levis. Là foufcription produirait l'effet d'affranchir , à
perpétuité , du droit de péage , les habitans foufcripteurs & tous les blancs
attachés à leurs habitations , leurs chevaux, leurs voitures , leurs effets & leurs
denrées. Le commandant, le major, l'aide-major , & le chirurgien-major des
bataillons de milices du Cap & de Limonade , ainfi que le commandant , le curé,
l'aide-major,' le chirurgien-major & les voyers principaux Et particuliers des
paroifîès du Morin, de Limonade & de la Petite-Anfe, étaient également difpenfés
du péage , ainfi que leurs voitures , leurs chevaux , & leurs domeftiques. Enfin,
l'exemption comprenait tout individu , non-blanc , quel qu'il fût , pour fa per-*
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400 DESCRIPTION DE LA PARTIE
fonne , fauf à payer pour fes chevaux , fes denrées , fes voitures & Tes animaux de
charge. Le droit de péage était maintenu pour tout autre , afin d'affurer l'entre^
tien du pont.
L'infatigable M. de Reynaud preflant fon projet, fit rafîèmbler des matériaux ,
Ec un heureux hafard fécondant fes deffeins , fit trouver plufieurs belles carrières ,
dont on tira des pierres de taille pour le pont. Le 28 Juin 178 1 , MM. de Reynaud
& Le Braffeur partirent du gouvernement accompagnés du Confeil fupérieur , de
l'Ètat-major j des officiers de tous les corps^de la garnifon, de la Sénéchauffée,
des repréfentans des paroiffes du Quartier-Morin , de Limonade & de la Petite-
Anfe j des plus notables habitans de la ville & de la plaine & d'un grand concours
de perfonnes 5 & précédés d'une mufique militaire, devancée elle-même par le
clergé de l'églife du Cap , ils allèrent fur le bord Oriental de l'embouchure de la
rivière du Haut du Cap, où , après la bénédiiftion des deux premières pierres par
le père Colomban , ils les pofèrent au bruit du canon. & des fanfares au point de
l'entrée du pont , vis-à-vis la rue qui en a pris fon nom , & à la bafc de deux
piédeftaux. Peu après on vit s'élever ces deux piédeftaux d'ordre Corinthien ds
10 pieds de hauteur , labafe & la corniche comprifes , fur 50 pouces de largeur^
avec cette infcription fur celle du Nord ;.
La Première pierre de
CE Pont a été Posée
Le 28 Juin 1781 ,. Par MM. di
Reynaud, Commandant-
général ET LE Brasseur
ORD.TEUR faisant fonction.
d'Intendant^
Et celk-ci fur le piédeilaldu Sud..
Monument de la bienfaifance
des habitans du Morin, de Limonade
& des parties adjacentes de la Petite-AnlCj
ca faveur des Efclaves & Affranchis ,,
élevé par ordre de MM, de
Reynaud & Le Braffeur.
FRANÇAISE DE S A ï N T - D O M I N G U E 461
Un cri d'alégreiïè & ceux de la reconnalflance fe mêlèrent aux falves qui célé-
braient cette cérémonie, tout à la fois religieufe & civique j mais au moment
aduel ces deux piédeftaiix & les infcriptions dont ils font chargés , sttcftent que
le zèle des Adminiffrateurs & le civifme des Citoyens , ne fuffifent pas toujours
pour faire le bien. La fin de l'adminiftration de M. de Reynaud, arrivée au mois
de Juillet 1781 , a été celle des efpérances des habitans & furtout de celle des
infortunés efclaves. En 1786 , on fit un nouveau bail du bac , pour trois ans, Ôc
l'année dernière ( 1788), j'ai vu les deux piédeflaux dégradés & près de fe
renverfer.
Le cœur efh affligé de l'inexécution de cet utile projet, & l'on ne pafTe pas auprès-
de ces infcriptions fans lailTer échapper un reproche contre les Admiinillrateurs qui
femblent avoir cherché à les rendre inutiles. Eft-ce donc n'avoir rien mérité, que
de s'approprier, par l'exécution , une partie des vues utiles de fon prédécefleur ?
CommenÊ, avec 202,455 livres, n'a.t-on pas fait faire un pont q'uon n'évakuit qu'à
217,790 liv. ? Adminiflrateurs !. croyez- vous hériter de la gloire que vous ravif-
fez à d'autres ? ce calcul égoîfte eft indigne de dépofitaires d'une grande autorité ,
ileftune forfaiture réelle, car vous jurez de la faire fervir, cette autorité, au bonheur
de ceux qui vous obéiffent, & qui ne doivent pas dépendre de mutations conti-
nuelles. Écartez ces haines jaloufes, & affociez votre nom à celui de vos prédécef-
feurs,en fécondant leurs vues bienfaifantes. Je dois donc louer ici MM. Duchilleau
& Marbois, qui voulaient faire achever cette année le pont du bac, auquel les
remblais du bord de la rive EIl , exigent peut-être des changemens -, mais ils ont
trouvé d'autres obftacles.
Quand exiftera-il ce pont ? Qu'on me permette ici quelques réflexions fur fa.
conftruélion , qui a trouvé des contradifteurs quant à la largeur réduite de la,
rivière , elles pourront éclairer dans des circonilances femblables.
La rivière du Haut du Cap ou de Galifet, confidérce au point où efl le bac,,
cft plutôt un bras de mer , un efter , qui pénètre dans les terres, qu'une rivière.-
Les canots & les chaloupes y remontent jufqu'à la pafle du Haut-du-Cap, quoi-
qu'elle foit très-vafeufe depuis l'embouchure de la, rivière Any , & l'on aurait pu
la rendre navigable beaucoup plusliaut,, furtout aux bâtimens à fond plat, fi , pour
faire un gué aux voitures., on n'avait pas ferré le fol d'une paffe au Haut-du-Cap^.
au lieu de conftruire dans cet endroit , comme on l'a fait depuis , un pont qui ne
pauvait pas être très-coûteux j. en rcferrant le lit de la rivière. Les habitans fe.--
v:
462 DESCRIPTION DE LA PARTIE
feraient épargnés des charrois , puifque des canots feraient venus plus loin, & dans
l'obligation oij l'on était autrefois d'aller prendre de l'eau dans cette rivière , pour
les befoins de la rade , on l'aurait eue plus pure & fans mélange d'eau faiée : pre-
mière faute.
Dans tous les projets de pont à la place du bac , on a toujours fait fonner.haut
la néceffité d'une grande dépenfe. Un citoyen obfervateur qui croit que c'efl une
féconde faute & qu'il eft très-facile d'en élever un de maçonnerie à peu de
frais , propofe ce moyen facile , qui eft de réduire la largeur de la rivière à 60
& même 40 pieds , au lieu de 200 qu'elle a à préfent. Cette propofition qui a
l'air d'un paradoxe , eft cependant fufceptible de démonftration. En voyant une
nappe d'eau immenfe à l'embouchure de la rivière du Haut du Cap , on conclue
que c'eft une rivière confidérable , & dans le fait ce n'eft qu'un faible ruifîeau
qui fournit à peine au fervice d'une rangée de moulins & dont on a jugé que
le volume d'eau était infuffifant pour fourr.ir aux befoins de la ville du Cap.
Ce n'çft pas dans l'efpace occupé par la mer qu'on doit apprécier la force
de la rivière, mais au point où fon cours eft afïez élevé pour que le reflux de
la mer ne s'y faflè pas fentir. Or , quoique les plus grandes marées n'excèdent
pas 30 pouces à Saint-Domingue , il faut cependant remonter à plus d'une lieue
en ligne droite pour trouver la rivière du Haut du Cap dans fon état naturel.
C'eft là qu'eft la véritable embouchure , & non pas dans le bras de .ner qui
la fuit.
Mais l'expérience eft toute faite depuis long-tems , car il exifte fur l'habitatiori
Breda un pont de bois établi fur deux piles de maçonnerie, élevé de 8 à 10
pieds & ne laiffant qu'un palTage d'environ 30 pieds de large , qui fuffit dans tous
les tems à l'écoulement de la rivière. Mais le volume d'eau qui pafîe fous ce
pont n'arrive point à la mer ; car il faut tenir compte de l'effet de l'évaporation
dans un climat auffi chaud que celui de Saint-Domingue , & dans l'immenfe
furface où la rivière fè répand depuis le point où elle fent l'effet de la marée.
A ces premiers raifonnemens l'on peut ajouter d'autres preuves. Lorfqu'on a
voulu établir le bac actuel , la rivière avait dans ce point 80 toifes ; on l'a
féduite à environ 23 & l'ouverture diminuée de plus de moitié , a fuffi fans
que les bords , qui n'ont que deux ou trois pieds au-deffus des marées , ayent
jamais été furmontés. Tout le fecret confifte donc à rétrécir le lit de la rivière^
On fait que la mer recule aifément devarit les travaux de l'homme. On convient
wjgwr
'f "«^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 463^
que ce rétréciflement fera un peu gonfler les eaux, mais en donnant au pont
du bac la même élévation qu'à celui Breda , on n'aura rien à craindre en lui
laiffant une largeur double. Cette largeur eft néceffaire , non pas au befoin de
la rivière , mais feulement à ceux de la navigation -, car tout le monde fait que
les levées qu'on fait le long des rivières n'ont pas autant d'élévation lorfqu'elles
approchent de la mer.
On procurerait le rétréciflement de la rivière du Haut du Cap jufqu'à la
réduire à 50 ou 60 pieds , en pratiquant des quais de droite & de gauche fur
la rivière. On pourrait même s'en pafler fur la rive du côté du Cap , parce que
le terrain y a une pente très-confidérable. Ces quais, qu'on a commencés â
J'Efl:, offriraient de grandes commodités à la navigation & au commerce. La
rivière refferrée travaillerait fur fon fond dans les tems des crues & deviendrait
navigable beaucoup plus haut. Les matériaux de ces remblais font fous la main.
Le morne du Cap , d'un côté , fournira les pierres, & les reffifs donneront des
madrépores plus convenables encore , parce que ces roches de mer font
moins chères & qu'étant placées dans leur élément, elles fervent à multiplier
les coquillages & d'autres madrépores, qui ajoutent fans celTe à la folidité de
ces travaux. Rien de fi facile enfuite que la confl:ruaion d'une feule arche fur
un canal de 50 ou 60 pieds. Voilà , du moins je le penfe, le profit qu'on-
pourrait retirer des circonftances qui ont retardé la conftruftion du pont fi
juftement défiré & fi inutilement projeté depuis 80 ans.
L'ilet qui dc^nne far le quai & qui efl: entre la rue de la Boucherie & celle
Saint-Nicolas , appartient à l'État. Je n'ai rien à dire de particulier de la portion
de quai qui fe trouve dans la feptième Seélion , fi ce n'efl: qu'elle efl: la moins
fréquentée & la moins large. C'était fur ce bout de quai qu'on déchargeait les
planches avant l'ordonnance de 1786. Il efl: maintenant couvert d'immodices j,,
comme le furplus. M. Artau avait obtenu des Adminifl:rateurs , le 5 Novembre
2785, une ordonnance qui lui permettait de fermer fur le bord de la mer les.
trois îlets depuis la rue des Trois Vifages jufqu'à celle de Rohan , pour y mettre-
des matériaux tant qu'il ferait entrepreneur du roi , mais une autre ordonnance
du 3 Juin 1787 y ne luliaiiTa que trois mois pour évacuer tout ce terrain.-
4
ï
v:
464 D E s C R I P T I O N DE LA PARTIE
: Huitième &: DERNIÈRE Section*.
Bornée au Sud p.ar la ravine du Cap h par toute la largeur de la première
Seftion, elle a la mer à l'Eft, la limiite Septentrionale de la ville au Nord,
&c à rOueft , le morne du Cap qui la refîerre. La form.e de cette Seftion efl
irrégulière i elle femble com.pofée de deux parties par les contours du morne
qui, s'avançant dans i'Eft vers le milieu de cette Seftion , réduit fa partie Ncrd
à n'erre qu'une bande étroite.
J'ai dit, en parlant de la première Se6tion , qu'une partie de la batterie
circulaire du quai & la plus grande partie du parc d'artillerie fe trouvaient lur
la huitième Seftion. Supérieurement à cette portion du parc d'artillerie &;
ayant comme elle la ravine au Nord , efï l'arfenal , qui a la rue de Picclet à
I'Eft, celle Marbois à l'Oueft , & la rue de l'Arfenal au Nord. Cet arfenal était
la feule choie qui cxifiât de toute cette Seftion en 1740 , de manière que cette
Section eft un accroiflement de la vilie depuis cette époque. ComimiC elle a eu
dés fon commencement le nom de Petit-Carénage , parce qu'on y carénait les
bâtimens , on donne maintenant le nom de faubourg du Petit-Carénage à toute
la Seftion. .
En 1712, la ravine était la limjite extrêmiC de la ville au Nord j alors
en forma une boulangerie du roi cij elle eft encore aujourd'hui , quoique
ce ne foit plus le même bâtiment. Puis à 15 pieds de l'angle Sud-Eft de cette
boulangerie, fe trouva, peu après, l'angle Nord-Oueft de la mai en de maçonnerie
de l'aide-major de la ville du Cap qui , prenant encore 45 pieds dans le Sud de
fa maifon , avait formée un enclos & un jardin dont le m.orne était le terme dans
i'Oueft. A 60 pieds , dans le Nord du logement de l'aide-major , & prefque. fir
k iTiême alignement , on fie un corps-de-garde, en face duquel & dans une
baraque , écaient mis les nègres marons. Un puits d'eau faumiârre était entre les
deux angles oppofés de la boulangerie Se du covps-de-garde. Tels furent les
commencemens de la huitième Section qui , comme l'on voit , étaient toue
ic.ifermés dans Its cô.éj Nord , Oueft & Sud de la place la Luzerne.
On avait aujment; d'uie |troifième compagnie de troi pes , les deux que le
Cap avait depuis 1702 , & ces trois qui formaient fa garnilon , étant fans logem.ent
fixe
»W»j"!«P7^"!»w^F^pi»'rr
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M I N G U E. 465
fixe , cela fit fonger à leur conftruire des cazernes. On choifit pour cela , en
17 19, le terrain aftuellement appelé l'arfenal , & dans la tnêa-ie année on les
commenç'\ ; elles furent deftinées à loger trois compagnies de 50 hommes chacune
avec leurs officiers , & on donna au bâdment la forme qu'il conferve : un corps-
de-logis avec deux ailes en avant. Les officiers étaient aux quatre bouts des ailes ,
Se mêxie le bout Nord-Eft était le logement de l'ingénieur. Une grande cour
régnait en avant i une clôture de paiiffades la fermait , & à la barrière , formant la
porte d'entrée , étaient deux guérites de pierres. Tout près de la clôture , dans
l'intérieur Se entre les ailes & la porte d'entrée , étaient deux puits. Au Nord ?
à rOueft Se au Sud, étaient des cuifines faites de bois rond, & les deux de
J'Oueft étaient adoilées au morne & fe trouvaient conféquemment dans la rue
aduelle de Marbois , qui n'exiflait point alors. On paffait entre ces cazernes
& la ravine par une petite chauffée de 12 pieds de large , au moyen de laquelle
on allait fiir la rive Nord depuis un petit pont de bois qu'a remplacé celui
de pierre dans la rue Picolet,iufqu'à un autre peut pont de bois qui était fur
la ravine entre les deux rues du Gouvernement & de Marbois. La paliffade fut
condnuée depuis les cazernes jufqu'à la maifon de l'aide-major.
A cette époque de 1719, la mer arrivait à environ 45 pieds dans l'Eft du pont
de la rue Picolet ; le rivage fuivaic enfuite la direfticn du Nord-Oueft,de façon
qu'au bout du pavillon de l'aile Nord des cazernes , moins avancée alors de 80
pieds dans l'Eft qu'aujourd'hui , il n'y avait que 45 pieds d'efpace jufqu'à la mer.
Bientôt après le corps-de-garde & la prifon des nègres ayant péri de vétufté, on les
avait établis fur l'emplacement afto.el du magafin du roi, & à l'incendie de
1734, on les mit l'un & l'autre dans le pavillon du bout de l'aile Sud des cazer-
nes ; puis ces cazernes fe trouvant trop pentes, on fit au.Titôt les deux pavillons
détachés qu'on voit en avant des deux ailes & l'on difpoia le plus Méridional pour
être le corps-de-garde , la prifon & une falle d'armes.
En 1742 , M. de Larnage fit fermer toutes les cazernes , comme elles le font
.aujourd'hui , par un mur de clôture. On plaça aulTi alors la claire-voye de bois
qui eft fur le devant , portée par un mur d'affue avec des pilaftres de diftânee en
difrance , & une porte de bois garnie , dans le haut , de pointes de fer, & placée
au milieu de l'emplacement fur la rue Picolet , entre deux pilaftres Doriques ,
•dont le (ùt & les deux corniches , au-deffus de l'entablement , préfentent des
■trophées militaires fculptés.
Tome L N n a
m
I
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Cet établiffcment militaire , en y ajoutant une boulangerie , refaite en neuf en
1734 auprès de l'ancienne , & une falle d'armes , était encore tout ce qui exiftaiî
delà huitième SecT:ion , lorfque le 14 Septembre 1743, MM. de Larnage &
Maiilart , toujours occupés de l'agrandiffement & de l'embellilTement du Cap ,
reçurent les propofidons de M. Coudreau , ingénieur, qui venait de diri-^^er
la clôture des cazernes, & qui, à la tête d'une Compagnie, offrait de faire un nouvel
empiétement fur h mer. La Compagnie s'obligea à former , par des remblais ,
neuf île ts au Nord des cazernes Se vers la mer. Ces neuf îlets étaient ceux qui
forment les deux côrés de la rue Picolet , favoir : quatre à l'Oueft , & cinq à
i'Efr ; parce que le morne laiffait plus d'efpace dans ce dernier point. Les condi-
tions impoiees à la Compagnie furent de remblayer & d'appknirles neuf îlets & le
terrain adjacent, déporter le remblai dans le Sud ; jufqu'à la batterie circulaire,
de m.anière qu'on pût faire une place au-devant des cazernes , & de conftruire un
aqueduc à la ravine, depuis le pont ïûz fur elle jufqu'à fon embouchure, à
l'extrémité du remblai projette , & enfin de laiffer au ?oi l'ilet où eft la place la
Luzerne. Pour déJomrpagement , la Compagnie eut les huit autres îlets que fon
travail formait , le droit de fouiller dans le morne pour avoir du remblai , &
même de s'approprier les terrains que cette fouille ajouterait au fol propre à bânr.
La Compagnie remplit fes engagemens & fit un quai de 90 pieds au-devant
du fécond rang d'îlets , & l'on appela place Dauphine , l'efpace qui fe trouva
au-devant des cazernes.
Cette entreprife a produit les rues de l'Arfenal , du Comte, de la Poudrière,
& du Fort aux Dames, qui vont de l'Eft à l'Oueft, & celles Picolet & du
Morne, qui les coupent du Nord au Sud; toutes ces rues ont 30 pieds de large,
au lieu de 24 qu'ont celles de la ville , parce que MM. Larnage & Maiilart trou-
vaient les premières trop étroites,
C'eft dans cette partie & au bout de la batterie circulaire , dans le Nord ,
qu'une Compagnie, à la tête de laquelle était M. Pamelart, ouvrit, le 26 Janvier
1776 , un Vaux-hall ou Colifée qu'elle avait obtenu la permiffion d'y faire bâtir. Il
y avait une falle de danfe , un café & un falon de compagnie ; l'on y payait
comme aux bals de la comédie. Ces bals durèrent pendant le carnaval de 1776,
& on déferta enfuite le Vaux-hall , auquel on chercha à ramener le public par des
feux d'artifices , qui n'eurent pas plus de fuccès. Ce local , où les Volontaires-mi-
lices du Cap donnèrent un repas de 500 couverts fous des tentes , & un bal , le 14
ii
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 467^
Février 1777 , à l'occafion de l'intérim du gouvernement général que rempliffait
M', de Lilancour , commandant en fécond de la Partie du Nord & , en cette qua^
lité, capitaine des volontaires était devenu , dès le mois de Mai 1776 , le partage
des gens de couleur qui y danfaient tous les dimanches k. qui s'en dégoûtèrent eux-
mêmes , du moins les femmes , parce que ion avait fini par ne plus laiffer entrer
de blancs dans leur bal. Le Vaux-hall dura donc à peine un an & il n'en reliait plus
de veftiges peu^de tems après.
■ Les cazcrnes , dont on avait retiré les prifons pour les mettre aux magafms du
roi , quand les tribunaux y vinrent, ceffèrent de fervir â la garnifon , qui alla , en
'757 > prendre pofleffion des cazernes aftuelles. C'efi: de cette époque que les
cazernes anciennes , qui reçurent la compagnie des bombardiers, prirent le nom
d'Arfenal, qu'elles ont gardé , parce qu'elles ont conftammcnt logé une portion
quelconque de la troupe ou des ouvriers de l'artilierie. On a auiïi auo-rnencé Ir 3
bâtimcns dans l'intérieur , & c'eft furtout à MM. de Reynaud & Le Braflèur qu'on
doit les plus confidérables , dont l'idée leur avait été donnée par un plan-diredeur
qu'arrêtèrent MM. d'Eftaing & Magon le 3 Juin 1764.
Afin d'établir une communication de plus entre la ville & le magafin à poudre
& la boulangerie du roi , ils ordonnèrent, le 2 Oftobre 1780, en rappelant le plan
de j 764, que la rue du Gouvernement ferait prolongée fur le côté Nord delà
ravine , & le long du morne , jufqu'au bout du Petit- Carénage -, que l'on démo-
lirait les baraques qu'on y avait élevées fans titre , & au mépris d'une ordonnance
des Adminiftrateurs du 20 Avril 1743, qui déclarait tout cet efpace inceffible •
qu'on ferait un pont de la largeur de la rue fur la ravine , & que le derrière de
l'arfenal ferviralt à agrandir les magafins d'artjllerie. Ainfi au lieu d'un cloaque
rempli d'immondices , on a eu une belle rue appelée depuis rue Marbois , à caufe
de l'intendant de ce nom; un beau bâtiment utile au fervice de l'artillerie com-
mencé au mois de Mai 1780 8c fini trois mois après, l'embellit, &ron commence
déjà à excaver le morne , pour donner à cette rue des maifons dans l'Ouefl.
Le quai formé parles entrepreneurs de 1743 , fut ce qui donna lieu à convertir
en carénage , ce lieu trouvé commode pour cette deftination , étant abrité par le
voifinage du morne , & par l'avancée de la batterie circulaire , & de là le nom de
Tetit -Carénage donné à tout le canton, qui n'a pas cefTé de s'étendre depuis.
Sa première augmentation a été celle des maifons alignées du Nord au Sud fur
la boulangerie , & qui font caufes que la rue du Morne ne mérite plus ce nom^
N n n 2
4
^
i3
• *
4^* DESCRIPTION DE LA PARTIE
depuis qu'il a été reculé dans l'Oueft , par des excavations qui ont produit aufS
le prolongement delà rue Marbois & enfuite la rue de Yarenne , qu'indique une
ordonnance des Adminiftrateurs du 22 Octobre 1750, où l'on règle d'avance que
la rue projettée au Nord de celle-là^s'appelera la rue du Puits. Poftérieuremencà
tout cela eft venu un îlct de plus vers la mer, & qui forme le côté Nord te la rue
de l'Arfenal, & enfin l'extenfion du Petit-Carénage daiis la bande que j'ai
indiquée comme le terminant au Nord.
Mais pour finir lur fa première portion , je dois dire que fous l'adminiflratioiî
de MM. de Reynaud & Le BrafTcur , on a conftruit une boulangerie fort belle.
Quoique très-rimple. Ce bâtiment ayant rendu, abfolument régulière la place qui
était en avant , ces Adminiurateurs l'appelèrent la place de la Boulangerie. îl s'v
trouvait cependant un emplacement que M. Bongars acheta au mois de Septembre
1782 j de M. le comte de Vaudreuil, 13,^00 livres , au nom du roi. Cet efpace
libre donna lieu aux habitans du Petit-Carénage , qui fe plaignaient depuis lon=--
tems de l'éloignement du marché Clugny , de folliciter qu'on ht un marché de
cette place. Les Adminiftrateurs autoriièrent provifoirement cette deftination , au
moio de Mai 1787 , & le 3 Mai 178S , ils ont décidé , par une ordonnance , Que
la place ferait appelée Place /.? Luzerne , du nom. de l'un d'eux . & qu'elle ferait
convertie en un marché journalier de comeftiblesde toute efpèce , en plaçant en-
femble les marchands des mêmes chofes. Quant aux dépenfes du pavé & de
l'enceinte en barrières & à leur recouvrement j l'ordonnateur adopta les mêaies
moyens que ceux dont j'ai rendu compte, en parlant du marché Clugny: ce
font les propriétaires des maifons voifines qu'on a impofés.
La place la Luzerne eft très-petite , puiiqu'eîle n'a que 20 toifes en carré & 25
en comprenant les rues qui la bordent. C'eit le ler- Janvier 1789 , que le raarcl-ié
a été ouvert. Il attend une fontaine dont rurale lui ferait très-utile.
Dans la maifon qui fait l'angle Nord-Eft de la place la Luzerne , font des bains
publics, que M. Gatier , tapiffier, a fait conftruire au m.cis d'Avril 1778, er>
dep&nfant323OO0 livres. C"eft le premier établiiTement de ce genre qui ait exillé
a'^Cap. L'eau y eit fournie par un puits où font plufieurs fources. Dans la même
FJê & du même côté, entre la rue du Fort des- Dames Se celle de Varcnne,
eft un autre puits qu'on fait fervir à l'utilité des navires. Les pièces à l'eau font
mifes dans un emplacement qu'abrite une épaiffe tonnelle , &: l'on paye 15 livres
pour faire remplir chacune d'elles.
i
F R A NÇAIS E DE s AINT-DO MING UE. 4%
On a donné le nom de rue d'Argout ( gouverneur - général ) à celle qui , dans
i'Ell efl parallèle à la rue Picolet. C'eft, à proprement parler , un quai de 90
pieds qui là , eft au-devant du petit carénage , où l'on radoube des navires , &
où il y a un ponton. On y conftruit auffi quelques barques. Ce quai n'a cependant
pas toute la longueur de la rue d'Argout qui elle - même eft fermée au Sud de la
rue de l'Arfenalpar le parc d'Artillerie , & les bâtimens qui le bordent dans cette
partie. A l'extrémité Nord de la rue d'Argout , mais inférieurement & dans une
direélion Nord-Eft, eft un grand hangard à mâture, & dans l'Eft de ce hangard j
le remblai a été pouffé dans la m^er jufqu'à 80 toifes plus loin que le bord du quai
d'Argout.
Maintenant ce remblai fe continue dans le Sud , pour que rendu à l'alignement
Nord de la rue de Varenne , il foit terminé par un quai de 90 pieds de large >
encore plus Méridional. En face & , par conféquent , du côté Sud de la rue du
Comte fera la même chofe , puis le remblai ira s'aligner dans l'Eft avec celui qui
a 80 toifes en avant du quai d'Argout. Oa remblayera auffi far la même ligne
Fefpace qui eft entre la rue du Comte au Nord & l'embouchure de la ravine au
Sud. Enfin parallèlement au quai d'Argout & de manière à unir les deux remblais
dont l'un fera en avant de la rue de Varenne & l'autre en avant de la rue du
Comte j fera un quai de 90 pieds interrompu par une ouverture de 90 pieds
faifant face au milieu de l'îlet qui eft entre la rue de la Poudrière & la rue du
Fort aux Dames, Lorfque ce travail, déjà très-avancé, fera terminé , il fe ti'ouvera
une enceinte formant un baffin de 60 toifes en carré, où les- embarcations feront
tranquilles , & qui procurera des commodités dont je parlerai à l'article du port.
Le hangard de la mâture exifte depuis 1765. On le fit d'abord pour mettre à
couvert les canots & les acons &: les autres embarcations du port. Sa pefante
couverture écrafe fes piliecs'. Lorfqu'on le conftruifit il était iminédiatement au
bord de l!a mep & une petite langue de terre unifiait feulement h portion du Petid-
Carénage dont j'ai parié jufqu'ici, avec celle dont j'ai à entretenir le Leébeur.
En 1766 , cette dernière formait encore le devant d'une habitation achetée, à
cette époque , par M. CourrejoUts-, ingénieur du roi , qui , en conftruifant des
fours à chaux au boîsd de fon terrain & une maifon , a donné l'idée d'élever des
féiâtimens dans ce nouveau canton en remblayant dans la mer d'un côté, & en
excavant' le morne de Fautre. Mais c'eft ftirtout depuis 1780 que cette extrémité
du faubourg s'eft étonnamment accrue, caralorsla première maifon qu'on trouyaist
près le hangard en était à 80 toifes.
4
470
DESCRIPTION DE LA P A R T î E
k'
En 1780 , on s'occupa beaucoup de rerr.-Iayer le quai d'Argout, & tcat foa
voifinage prit une nouvelle face. De belles maifons remplacèrent de chétives
baraques & le refte du Petit - Carénage participa à cette faveur. Ce fut fous
l'adminiflration de MM. de Bellecombe & de Bongars qu'on adopta le plan du
baffin dont j'ai parlé & dont les travaux ont donné une exiftence nouvelle à ce
local. Ils ont produit une rue Saint-Alexandre qui ya de l'Eft à l'Oueft. Les
maifons qui bordaient ce qu'on avait toujours appelé le chemin de Picolet, furent
alignées , augmentées, 8^ ce chemin eft devenu la rue Sainte-Catherine qui a 30
pieds de large , & qui prend fa dénomination de celle d'une batterie de mortiers à
laquelle elle conduit en allant vers Picolet. Le côté Oueft de cette rue acquit la
largeur d'un îlet, & une ordonnance des Adminiftrateurs , du 27 Mar. 1784
prefcrivit de faire au-devant de cet îlet , depuis le hangardjufqu'à h limite dç
la ville, un quai de 60 pieds appelé le quai Bellecombe. Sur ce quai, à l'angle
Sud-Eft & le long.de la rue Saint- Alexandre , a été placé un magafm de 100
pieds de long pour le fervice de la marine , & maintenant l'efpace de 200 toifes
qai eft entre la rue Saint-Alexandre & la limite Septentrionale de la ville du Cap
eit divifé en îlets dont il n'eft pas un fcul qui n'ait déjà quelques maifons.
Enfin le 30 Mai 1789, MM. du Chillau & de Marbois ont ordonné que la
rue d'Argout & celle Saint-Alexandre feront réciproquement prolongées , de
manière que l'une ouvre dans l'autre. Une rue de 24 pieds de large , à laquelle
le hangard fert d'alignement d'un côté , unit encore tranfverfalement la rue
d'Argout & celle Saint-Alexandre j & en face du point où cette nouvelle rue
arrive dans celle Saint-Alexandre , une rue de 30 pieds , parallèle & fupérieure
à celle Sainte-Catherine , eft projettée ; c'eft-à-dire , que cette bande du Petit-
Carénage s'élargira encore.
Les rues qui coupent cette bande de l'Eft à l'Oueft & qui iront jufqu'à la rue
projetée font , après la rue Saint-Alexandre ( ainfi nommée à caufe du patron de
M. de Bongars , intendant ) , la rue Saint-Thomas 5 puis la rue Saint- Léonard
& enfuite celle Saint-Guillaume , les deux patrons de M. de Bellecombe , gou-
verncur-générab la rue Bongars; la rue du Ballon, parce que M. Benquet,
négociant au Cap, avait fait partirde ce point une petite Mongolfière qui, ayant fait
craindre pour le feu, a été caufe que la police a manifefté le deflein de ne plus
foufFrir d'expériences aëroftatiques ; la rue Saint-Philippe , en honneur de Don
Bernard de Galvez qui avait conquis le fort de ce non à Penfacole, & enfin la rue
Sainte-Claire,
mf M i i II •^•'._, ■! m
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 471
Le feubourg du Petit- Carénage eft fort peuplé , mais prefqu'en totalité , de
perfonnes qui tiennent ou qui ont tenu au métier de la mer. Ce font des ouvriers
de vaiffeau , des pêcheurs ; auffi n'eft-ce pas le lieu le plus avancé de la Colonie
pour les manières , la pt,reté du langage & l'élégance. Les femmes du bel-air
prétendent même qu'une toilette faite au Carénage fe trahit toujours par quelque
chofe que la mode régnante n'adopte pas, & c'eft prefque un proverbe de dire
qu'une chofe eft du Carénage pour exprimer qu'elle offenfe le bon août Un jour
viendra que le Petit-Carénage fera placé fous l'empire du luxe" & deviendra
élégant comme la ville dont il eft le faubourg ; car les petites-maîtrefîes de ceile
Cl favent birn qu'elles ont éeé précédées par des belles dont l'ajuftement
apprêterait furement beaucoup à rire , aujourd'hui , znxfemnes du Carénage.
^ Il femble qu'après avoir terminé fur la huitième Seélion , tout invite à
s'occuper du port.
">*>
4
Du Port du Cap.
Son entrée eft formée par un intervalle d'environ 500 toifes , que la chaîne
de reffifs qui règne depuis l'entrée du Fort-Dauphin jufques là laiffe entr'elle
& le m.ornedu Cap , proprement dit. Pour y arriver, les vaiffeaux fe dirigent
ftir le fort Picolet , placé au bas de ce morne, & dont ils approchent depuis
300toncsju!qu'à cent. Enfuite tournant à gauche, ils donnent dans la paffe
ayant Picolet d'un côté & la pointe du reffif appelée la Coque-Vieille de
l'autre , mot qui indique affez le naufrage d'un bâtiment dont la coque aura
fans doute frappé iong-tems les regards. Bientôt cette entrée fe fubdivife elle
même en deux paffes,dont celle de la droite, la plus proche de terre & qui
commence au fort Saint-Jofeph, eft nommée la Petite-Paffe, parce qu'elle eft
la plus étroite, & l'autre eft appelée la Grande-PaiTe ; un haut^fond connu
fous le nom de Grand- Mouton & un haut-fond beaucoup plus petit, appelé le
Corne du Mouton & placé à l'Eft du premier, prefqu'à le toucher & à fon bout
Sud, forment la feparation. Il y a encore entre le Grand-Mouton & le prolon
gement de la Coque-Vieille , un autre haut-fond , c'eft le Petit-Mouton La
Grande-Paffe eft entre lui & le Grand-Mouton.
Soit qu'on ait pris la grande ou la petite pafîe , on vient aboutir à un point
«
-' -^1
472 D E s C R I P T î O N D E L A P A R T I E
qui eft à 400 toiles du Grand-Mouton & qui fait face au hangard à la mâture^
Là commence le mouillage. Pour y arriver , il faut encore éviter un autre petit
haut-fond ( la Trompeufe ) , qui cft en face & à 800 toifes du même hangard ,
& qui défend d'aller trop loin de terre. Mais enfuire le mouillage s'élargit ,
parce que le haut-foxnd du Bélier qui eft dans le Sud de la Trompeufe , s'écarte
dans l'Eft relativement à la pofition de k Trompeufe. C'cft dans cette partie
plus éloignée de l'entrée du port que mouillent les navires marchands qui tirent
moins d'eau que ceux de la marine royale , Bc qui ont befoin d'être plus près
de la ville pour tous leurs mouvemens commerciaux -, tandis que les autres fe
mettent à la tête de la rade , & mouillent jufques vis-à-vis le hangard du
Petit-Carénage.
Les petites em'oarcations mouillent entre les bàtimens marchands & la terre ,
parce qu'ils n'ont rien à craindre du banc de fable qui règne avec peu de
largeur depuis Picole tjufqu'au de-là du fort Saint-Jofeph , mais qui de-là s'élar-
git tout-à-coup , & va faire le tour du port jufqu'au bourg de l'embarcadère
de la Petite-Anfe , avec une largeur qui varie depuis 150 jufqu'à 300 toifes.
Des pavillons rouges font placés de manière à indiquer les deux paffes de
l'entrée i cependant il eft bien peu de marins qu'y s'y hafardent fans pilote ; à
moins que ce ne foit des officiers de la marine , qui ont eu l'occafxon d'en
acquérir une pratique fûre ; car ,un capitaine marchand ne le tente pas
% caufe des alTurances , qui fuppofent que le bâtiment fera .entré par un pilote.
Plufieurs exemples ont prouvé que l'entrée du Cap était dangéreufe. On
peut citer celui du vaiiTcau le Dragon, de 74 canons, faifant partie de i'efcadre
de M. de Blénac & commandé par M. le Chevalier Defroches , qui fe perdit un
peu au-deffus de Picolet le 17 Mars 1762, en voulant entrer. Celui du navire
l'Intelligence , capitaine Hubert , qui fit naufrage fous Picolet le 1 Janvier
1772, venant delà Côte-d'Or, & dont les 422 nègres furent hcureufement
fauves par les ordres & les foins de M. de Charrite , commandant la corvette
du roi f'Hirondelle. Le navire le Breton, de Bordeaux , de mille tonneaux, qui
avait appartenu à la Compagnie des Indes, fe perdit, en allant au Cap, le 14
Septembre 1776, & la plupart des marchandifes qu'on fauva étaient avariées.
Le 31 Juillet 1779, l'un des vaiffeaux de I'efcadre de M. d'Eftaing toucha dans
la paffe , & ce ne fut qu'en l'allégeant beaucoup & après des coups de talon
très-vifs qu'on parvint à le dégager. Il eft même étonnant que durant la guerre ,
lorfqu'ii
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FRANÇAISE DE SAlNT-DÔMINGUE. ^73
lorfqu'il entre des convois confldérabks dans ce port , les accidens foient auiïi
peu nombreux, puifqu'on eft forcé d'employer quiconque s'offre de bonne
volonté comme pilote, à caufe de l'immenfc difproportion qui le trouve alors
entre le nombre des officiers de port k. celui des bâtimens à entrer.
J'ai vu q-jelque chof); de très-hardi fait en 1779 par M. de Kerfaint, com-
mandant la frégate l'Iphigénie. M. d'Eftaing , déjà forti , lui donna un ordre'
pour le refte de fon efcadre qui était encore mouillée dans le port ; l'Iphigénie-
cntra par la petite paffe , fit fon figaal & reffortit à l'inftant par la grande
paffe.
On peut donc dire avec ralfon eue le port , ou plutôt la rade du Cap , eft
femée d'écueils , placés la plupart fous l'eau & dangereux par cette raifon même ;
car le rang de reffifs qui en forme le bord extérieur eft facile à voir , puifqu'^
baflè mer [il découvre , & qu'à mer "haute la vague qui s'y brifc l'indique
toujours. Ces reffifs font cependjnt fameux auffi par plus d'un naufrage. Le'
Maribarou, de Bordeaux, de 250 tonneaux, forti du Cap avec fix autres bâtimens
le 1^^- Mai 1766 , (nt pris par le calme & porté par les courans fur ces reffifs ; \\
échoua & perdit prefque toute fa cargaifon.
J'ai déjà parlé d'une paffe que laiffent enîr'eux le reffif de la Coquc-VieilIc
& le reffif ou haut-fond du Billard. Pour en mieux connaître la pofition , il faut
favoir que la Coque-Vieille fe dirige à-peu-près du Nord-Oueft au Sud-Eff
vers le reffif du Bélier , qui court à peu-près Eft & Ouelt, & dont le bord Sud
forme le côté Nord de la paffe des embarcations venant de Limonade. Affez près
du point où le Eélier fe termine vers la ville & entre lui & la Coque-Vieille , eft le
Billard , qui tire fon nom de fa forme. L'intervalle qu'il laiffe jufqu'à la Coque-
Vieille forme la paffe des Normands, dénomination qu'on ne peut attribuer qu'à
l'ufage qu'en faifaient les premiers Flibuftiers français , Normands pour l.i
plupart, & particulièrement Dieppois. Durant la guerre de 1778 , un navire &
d -!x brigantins vivement preffés par l'ennemi , trouvèrent leur falut dans l'audace^
qui leur fit prendre cette paffe.
En général le mo/illage eft bon dans la rade du Cap , quoique dans les
fortes brifes , & furtout dans les Nords , la mer y foit très-agirée. Des marins
qui la fréquentent depuis 1733 , m'ont affuré qu'elle é-t2i beaucoup plus
tranquille , lorfque les rcflifs étant plus élevés qu'à préfent ils étaient de plus
couverts de mangliers qui formaient encore un rideau de dix ou douze pieds
M
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474 DESCRIPTION DE LA PARTIE:]
ii'élévatioiî. Les mangliers ont donné du bois à brûler ou du bois de fardaçe ^
& h bafe qui les portait a fourni de la pierre à chaux ou des pierres pour bâcir
le Cap. Mais comme l'excès même des abus en devient quelquefois le remède ,
une ordonnance de MM. d'Ennery & de Vaivre , du 27 Août 1776 , a défendu
enfin l'enlèvement de ce reiïîf protecteur , avec une amende de mille livres
contre les délinquans, peine qu'a fubi , le 31 Août 1776 , un particulier faifant
le pafîage du Cap à la Petite-Anfe, dont le canot fut pris en contravention.
L'on va , depuis 1776, démolir les refTifs au-delà de la rade, en tirant vers
le Fort-Dauphin. Dans la guerre de 1778, des corfaires ont même enlevé des.
canots qui y jaijaient de la reche , comme l'on dit dans le pays.
Dans l'origine, les Efpagnols venaient jufque dans la rade du Cap s'emparer
desbâtimens, & peu s'en fallut qu'en 1684 ils ne s'y rendiffent maîtres d'ua
navire de Honfleur (*). Il n'y exiftait point d'officier de port. Un ancien marin
qui y exerçait volontairement le métier de pilote, y mourut en 1698, & en
Février 169g on en dem.andait un autre au miniftrc.. Il n'en vint point, & le
28 Décembre 1703, M. Auger , gouverneur de la Colonie , nomma à cet
emploi M. Bricourt. Il eft vrai que le 18 Mars 1704, il plaça ce capitaine
comme fécond de M. Dupré , dit Duval , pratique qui avait les fondions avant
lui. Alors chaque vailTeau de guerre payait 50 liv. , une flûte ^6 j un navire mar-
chand au- deiTus de 100 tonneaux 24, Se ceux au-deffous 18. Duval avait pour lui
feul le produit des bâtimens du roi , & il partageait celui des m.archands. Ce fut
auITi en 1703 que fut nommé le premier capitaine de port, p^ une commiiTion
fans appointen7en& i il fe nommait Gombert. Il n'y eut pas de capitaine de port
breveté avant M. Raoult ,. en 1715.
Les Adminiftrateurs en fécond de la Partie du Nord permirent , au mois de
Juillet 1724, a.u capitaine de port de placer un pilote fur le morne , au Sud de
i
(*) Qu'on juge de mafiirprife lori'qu'allant me promener à la chapelle de Notre-Dame dé Grâce,
placée far le haut de la cCie près de Kcnfic^r , le 30 Mai 1793 , j'y trouvai pour fécond tableau ,'
à main droite en entrant , la repréfenîation d'un navire attaque par un grand canot , & vers lequel
Ç'autres canots fe dirigent , avec ces mots au-defibus :
„ Ce tabieau a e'té donné par le capitaine Louis Harcij. Étant à Saint-Domingue le 29 Août
„ 1684, il fut abordé d'une pirogue efpagnole qui vint pour k prendre. Il fit vœu à la Sainte
^ yierge & fat préfervé „.
FRANÇAISE DE SAINT-DÔMÎNGUE. 475
■Picolet , parce que ce pilote ayant un canot vers ce point & pouvant apperce-
voir les bâdmens^de plus loin , irait plutôt les prendre pour les entrer. Cet établifle-
ment très-augmenté en 1760 , rubfifte encore , mais feulement pour les pilotes &
leurs canots , car le capitaine de port a pour logement défigné , le terrain qui était
autrefois à M. Courrejolles , dont j'ai parlé à h première Se6lion ; je dis défi-
gné , parce qu'il loge réellement dans une autre maifon qu'il loue , & qu'à fou
tour il afferme la maifon bâtie par lui fur le terrain du quai.
Les bâtimens mouillent devant toute la longueur de la ville , mais depuis 300
jufqu'â 500 toifes d'éloignement du rivage , pour peu qu'ils foient un peu gros.
Cette diftance eft très-fatigante pour les m.atelots , furtout dans les fortes brifes,
qui rendent le retour de terre à bord pénible , & quelquefois rr.ême abfolument
impoffible , parce qu'on ne peut aller qu'à l'aviron , tandis qu'on vient â la voile,
C'eft pour rendre cet inconvénient nul , du moins quant aux bâtimens de o-uerre
mouillés à la tête de la rade , qu'on prépare le baffin près du hangard de la marine ,
qui donnera la facilité d'aller & de revenir toujours à la voile , & qui épargnera la
fanté des équipages. J'ai fait en 1782 des traverfées de ce point, allant en rade &
en revenant à la voile.
Le port du Cap peut contenir un nombre confidérable de bâeimens. On en a
compté jufqu'à cinq ou fix cens de toute grandeur , depuis le vaiiTcau à trois ponts
jufqu'au petit bateau pafTager , pendant la guerre de 1778. Mais ce port fe comble
chaque jour, & depuis 1770 il y a des points où cela eft très - fenfible. On
m'a même aiTuré que la différence était de onze pieds dans quelques endroits
ce qui eft très-capable d'aliarmer fur la confervation de ce port.
Trois caufes produifent ce malheureux effet. La Grande rivière , dont Içs
débordemens charient beaucoup de fable , que les courana conduifent dans la
rade du Cap ; la rivière à Galiffet qui s'y jette , & dont ^embouchure a toujours
des bancs de fable , & enfin la ravine du Cap , qu'on ferait tenté de compter pour
rien , parce qu'on la volt à fec prefque toute l'année -, mais qui dans les grandes
pluies, tranfporte des maffes énormes de terre que L"s eaux y font venir des mornes,
Se qui vont remblayer le port, comme ne le prouve que trop , le banc qui eft dé'à
en avant de la batterie circtilaire. Il ferait peut-être tems de s'occuper d'empêcher,
du moins , que ce mal n'augmente encore.
Il en eft un autre auquel on ne peut penfer qu'avec chagrin , parce qu'il crojt
fans ceffe aufTi , mai§ fans qu'on çonnaiffe de moyen de Iç combattre -, ce font, k,B.
0 Q o ^
K.
476 DESCRIPTION DE LA PARTIE
vers qui y percent les navires d'une manière vraiment allarmante. En 1687, oa
ne connaiffait pas aux Antilles, ces infcclts dcflrucleurs , qu'on avait feulemen-t
obfcrvcs à la côte d'Afrique , mais trois ans après on s'apperçut qu'ils fe nat'jrali-
iaientà la Martinique, comme le dit une lettre de M. Dumaits de Goirapy, intendant
des Iflcs du vent, au Miniftre , le 12 Janvier 1692. Depuis ils font devenus
communs aux ports des autres Ifles. Les eaux chaudes du Tropique n'ont pas
même fuS à leur voracité, & les ports de France l'ont refîentie. Ce fut vers 17 10,
félon M. de Pav>', qu'ils furent apportés d'Amérique en Europe, & vers 173c 3
félon un mémoire de M. Dupaty , inféré dans les Mémoires de l'Académie de la
.Rochelle , qu'ils commencèrent à paraître fur les côtes de l'Aunis , où l'on dit
qu'un bâdment échoué les tranfporta au retour d'un voyage de long cours . La
fubftance de leur corps , ajoute le même auteur , eft molle , glaireufe , d'un gris un
peu fale ; leur tête eft ornée de deux pièces écailleufes , qui ont précifément la
figure du fer d'un villebrcquin & qui fervent au même ufage. Cette efpéce de ver
fe trouve toujours dans un tuyau de fubltance fort blanche, dure, mince Se pier-
reufe , d'une longueur &; d'une grolTeur qui varient fuivant l'âge & les progiès du
ver. Quelquefois ces tuyaux , qui vont en diminuant , ont plufieurs pieds de long
ëç leur gros bout n'eft guère que commue le tuyau d'une plume.
J'ajoute , avec M. Dupaty , qu'on n'a trouvé aucun remèie à leurs dégâts. Les
bois y réfiilent feulement plus ou moins long-tems. Le cyprès qu'on en avait cra
préfçrvé a eu le fort des autres, & Dampler nous dit que le cèdre n'en efl pas plus
exempt. M. Dupaty défirait qu'on pût fe procurer du manglier pour les bois dea
bouchots à moules des côtes de la Rochelle que les vers attaquaient , parce qu'il
le croyait à l'abri de l'infede -, mais M. Adanfon a détruit cette erreur par fon
mémoire fur les vers tarrières ou tarets du Sénégal , qui percent auffi. le manglier.
Ce favant décrit ce ver apode, à qui la nature a donné vingt-cinq rangs de petites
dents taillées en lofange &. affez fcmblables à celles d'une lime , pour percer le bois
&: défoler l'homme , en détruifant la plus étonnante machine qu'ait enfanté fon
génie.
Une expérience faite par M. le baron de Beffaer à Cayenne , dont il était goi>-
verneur, avait donné des efpérances , puifque de deux morceaux de bois de fapin
mis dans la mer au mois de Septembre 1769 , & retirés au mois de Janvier 1770,
celui qu'on avait goudronné était criblé de piquûres de vers , tandis que l'autre >
frotté d'huile deCarapaoude Palma-Chrifti ou ricin , était fort-faini mais le
préf-ervatifa fii.i par perdre fon empire.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 477
Dans les commencemens de la Colonie , les navires mouillaient le plus au fond
de la rade, au Sud , qu'ils pouvaient , pour être davantage à l'abri de tout acci-
dent maritime & de furprife , & en tems de guerre ils fe logeaient dans refpace
qui eft entre la côte & le reffifdu Bélier , gagr.ant ainfi vers le carénage. Ce caré-
nage était au point de l'habitaiion Chaftenoye où eft le corps -de-garde , & qu'on
nomme encore le grand carénage -, il était , comme l'on voit, affez loin dt la ville
du Cap. Il exiftait encore dans ce lieu , lorfqii'en 1717 M. de Chateaumorand
défendait aux capitaines de navires qui y allaient , de couper ni de laifîer couper
les bois qui s'y trouvaient & qui formaient un rideau utile à la défenfe de la Colonie,
défenfes que MM. de Larnage & Maillart étendirent à tout l'efpace qui était depuis
le morne à Jarlan ou à Baudin , jurqu'au fond de la rivière du Haut-du-Cap , par
leur ordonnance du ler. Mars 1743. Ils fe virent cependant obligés, au mois
d'Avril 1745, de réitérer leur prohibition ,& d'y comprendre tous les bois &
mangliers qui bordaient la côte dans la rade & dana la baie du Cap , &; qu'ils
confidéraicnt comme un rempart naturel. A cette dernière époque le carénage
était encore au même endroit , quoique les capitaines euflèiat fait des tentatives
pour fe caréner au bord de la mer dans la ville, ce que leur défendit notamment
une ordonnance du gouverneur & de l'ordonnateur du Cap , en 1725. On n'aban-
donna le grand carénage, que pour lui préférer le petit carénage, dont j'ai
déjà parlé dans la huitième Seftion.
Mais il manquait une chofe effentielle au port du Cap; c^était un lieu de carène
pour les vaifTcaux de ligne , & l'on avait vu M. de Monteil forcé d'aller en
178 1, à la Havanne, pour y caréner plufieurs vaifTeaux de fon efcadre. M. Gramont,
ancien capitaine de navire , privé du bras droit à la courfe , fe trouvant capitaine de
port par intérim , au Cap , s'occupa de la recherche d'un lieu propre à fermer
ce carénage , & il communiqua fes obfcrvations à MM. d'Argout & de Vaivre ,
qui engagèrent M. de Graffe à vifiter un point qu'il indiquait. Un rapport favora-
ble, confirmé par un fécond rapport de M. La Mothe-Piquet , déterminèrent
MM. de Lilancour & Le Braffeur à concéder le terrain à M. Gramont , fi toute-
fois le mot de terrain pouvait convenir à un haut- fond , couvert de trois ou quatre
pieds d'eau. Ce zélé citoyen fut affujettià y former un carénage pour les vaif-
feaux & les navires , & à évacuer ce local , s'il devenait utile au bien de Xtl.
Colonie.
Ce carénage eft le bout du haut-fond appelle le Bélier , placé vis-à-vie^
47S DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'embarcadère de la Petite-Anfe & en face de l'extrémité de la ville du Cap vers
le bac. Les travaux de M. Gramont furent fi rapides que , dès le mois de Novem-
bre 178 1 , fon carénage pouvait recevoir un vaiffeau de rang. Le premier qui en
fit ufage a éré le vaiffeau le Palmier , de l'armée de M. de Graffe , commandé par
M. de Marrelly , au mois de Juin 1782 ; le vaiffeau le Scipion y vint immédiate-
ment après , Se la frégate la Sybille , au mois de Novembre de la même année.
Au mois de Juillet 1783 , le carénage pouvait recevoir, à la fois, trois navires
marchands, ou un vaiffeau de guerre & un navire marchand, fi celui-ci n'avait
pas tiré plus de 7 pieds d'eau. I! y avait deux grands magafins pour loger les
équipages & les cargalions , & de plus un pavillon & une galerie formant un
logement agréable pour M. Gramont qui furveillaic les travaux. Ce local a encore
été augmenté, puifqu'en 1786, la cargaifon entière d'un bâtiment marchand
logée , il refait encore de l'efpace pour plus de cent barriques de fucre (*).
(*)^ M. Gramont a fait le 10 Mai 1782 , un marché avec l'intendant pour la carène des bâtimens
de l'Etat , a raifon de 250 livres , par jour , pour un vaiffeau & ,20 livres pour le, flûtes ou autres
oaumens armes ou frétés pour le compte du roi. Quant aux navires du commerce, ceux à trois
mats , payent de l'mftant où ils fe placent au quai jufqu'à celui où ils n'y ont dus d'eiFets ico
hvres , par jour , s'ils font chargés ; 125 livres , s'ils font à demi charge ; 100 livres , s'ils font fur
isur left. Le fenault , 12; , ,03 & 90 livres-, faivant qu'J eft chargé . &c. . &c. Le brigantin , 100
90 & 80 livres;, la goélette, 80, 70 & 60 livres ; S. tout .«^rj-caboteur , 33 livres , psrjour
dans quelque état qu'il fe trouve. r j >
Pour ks prix de cî tarif, M. Gramont fournit quatre caliornes , deux funin. , deux poulies àt
ietour,ies cabelbns , les canons pour corps-morts ou points de réfiftance , une chaudière à brai ,
avec les magailns neceffaires pour loger les effets du chargement & l'équipage.
On peut juger de l'économie que le carénage de M. Gramont procure, par le caxul fui-^nt
i.e Palmier y a été 45 journées. Il aurait fallu pour le même tems , quatre navires marchands pour
recevoir fes eltets & fon équipage , qu'on aurait payés 300 livres . par jour , chacun ( à la Martf-
nique on les a payés 500 liv. en 1779 ^ POur la carène du Saint-Efprit) : c'était donc 54,000 livres
aeux ponto,>s pour les appareils à 50 livres par jour , auraient coûté 4,500; deux aconspourlè
brai & la cambufe , à 60 livres chaque , 5,400 ; & enfin pour le tranfporr des effets , 3,600 • total
67.500 UvTcs. Le carénage a reisplacé toutes ces chofes , excepté le logement des pièces à Peau
des voiles & des vivres , & il n'a coûté que , 1,250 livres, pour les 45 jours : ii y a donc eu
56,250 livres de bénéiice , fans compter que la carène fur les pontcns aurait duré plus ]on<.-tems
que celle faite dans un lieu où tous les mouvemens font prompts , où tout eft difpofé & fous la'ma^r
On a calcule a.ffi qu'un navire de 500 tonneaux , ne dépenfe que ,,000 livres aa carénage , tand-;,
qu'aitîeurs il dépenferait 9,545 livres. "
k» •_:
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 47c,
Je crois qu'on doit des éloges au citoyen qui a ainfi concouru au bien public ,
& quand les Adminiftrateurs pour récompenfer M. Gramont , lui ont donné le
titre de capitaine de port honoraire , avec la fuppléance du titulaire , ils ont fak
une chofe jufte & à laquelle on doit applaudir. M. le Ch'^''- de Bras-Pujet, capi-
taine de vaifleau , au retour du commandement d'une dation à Saint-Domino-ue ,
a rendu au miniftère des comptes trè.i-avantageux du carenage-Gramont & les
Adminiftrateurs avaient même été chargés , par le miniftre, de lui en rendre un
compte détaillé , que je ne crois pas qu'ils lui aient fait paiTer.
Mais en même tems , comme mon devoir & mon défir font d'être vrai, je
crois devoir dire que ce carénage n'eft pas auffi abrité qu'on pourrait le défirer ,
furtout pendant les Nords & les brifes violentes ; de manière que les bâtimens
reçoivent le double effet de l'aftion de l'eau & de .la réfiftance du corps immo-
bile. De là les dangers pour la mâture & celui de voir courber plus ou moins le
vaifleau. On aflîire que ces accidens ont été éprouvés au carenage-Gramont
notamment par le navire le Bien-Aimé du Havre dont le grand mât s'eft rompu'
Il ne faut donc pas s'étonner s'il y a des perfonnes qui préfèrent les pontons
flottans.
Un abus très-ancien & qui f.ibfifte encore , contribue beaucoup à gâter le port
du Cap , c'eft l'ufage d'y laiflèr des carcafîes. Dans une rade fujette Tux remblais
& aux vers , on ne peut rien faire de plu?, nuifible , parce que ces carcaffes
deviennent autant de points qui fixent les fables tranfportés par les eaux & qu'ils
font caufe de l'exhauflementdu fond ; tandis que des bois abandonnés & pourris
logent des milliards de vers dont la reproduftion croît en raifon compofée de
l'abondance de k nourriture & de la tranquillité où ils font laiffés.
Le port du Cap était confidéré depuis long-tems comme ,un établifîèment de
marine, mais l'ordonnance du 24 Mars 1763 , l'a vraiment conftitué te! , &
voulait même qu'il fût le feu! de cett^ nature dans la Colonie, C'eft de cette
époque que l'intendant a ajouté à ces titres , celui à' Intendant de la Marine ,
inféré depuis lors auffi dans les commiffions d'intendant ; c'eft également de cette
époque que le capitaine de port a été affimilé au capitaine d'un port de la marine
de France. Il y a depuis environ vingt ans un lieutenant de port au Cap ; on y a
même vu un aide de port. Les pilotes font au nombre de deux ou trois. En 1763 „
le roi y a nommé un maître entretenu & un maître charpentier, pour en dino-er
ks ouvrages. Quelq^ues ouvriers y font employés , mais en très-petit nombre ,^&.
m
DESCRIPTION DE LA PARTIE
comme ils travallent dans un Ifeu qui n'eft pas fermé &. à la journée ou au mois ,
la célérité n'ift pas leur dé.aut. On donnait autrefois à ces ouvriers h nourriture
du magafin du roi , mais maintenant on les paye davantage 5c il font tenus de fe
lîourrir. Ils avaient en lySS , onze gourdes par mois.
Le port du Cap eft aufiî devenu un port d'entrepôt , par l'arrêt du Confcil
d'État du 30 Août 1784 , qui a admis les batimens neutres pour plufieurs objets
& cette deilination y a fait paraître des direcleurs , des viilteurs & des commis
d'entrepôt. Afin de prendre des précautions contre le com.m.erce prohibé , d'après
ks ordres du miniftre , M. de Barbezan , commandant la flation , le com-
mandant particulier & le commiflaire de la marine , fuppléant l'ordonnateur du
Cap, fe font tranfportés dans la rade , le 2 Mars 1787 , 6t ont décidé qu'une
ligne cenfée tirée de la rue Saint-Simon vers la partie la plus Nord du bourg
de la Petite- Anfe , fervirait de limite au mouillage des bâtimens étrangers , qui
feraient tenus de m.ouiller au Sud de cette ligne : qu'on conftruirait pour leur
commerce une calle particulière, coûtant 18,500 liv. , devant la rue Saint-Sim.on
& que les caboteurs auraient l'efpace exiftant tout le long du quai, à partir de
la calle Le Febvre inclurivement Se allant vers le Petit-Carenage. Ce plan non
encore exécuté féparera des bâtimens de France , les étrangers , & de ccux-ct
les caboteurs.
La police générale des ports appartient a'ïx deux chefs de la Colonie qui
ordo;:nent ce qui a trait à leur fureté , à kur confervation , à leur entretien. Quant
à la police particuhère , elle fe fubdivlfe en plufieurs branches. Les Adminifrra-
tcurs règlent tout ce qui eft une fuite néceffaire de leurs pouvoirs fur la police
générale , & les officiers de port veillent à Texécution de leurs ordres. Le
<:ommandant de la ftation a la police intérieure de la rade , fous l'infpeélion des
Adminiftrateurs, & quand il ne fe trouve pas de bâtimens de l'Ecat dans la rade ,
cette police intérieure pafîe au plus ancien des capitaines marchands qui devient
alors le comm^andant de la rade &: qui porte une flamme à fon grand mât. L'officier
d'adminiftation chargé des claffes , a auiu une portion de police fur les équipages
des navires marchands , &;: fait rechercher tous les m.arins déferteurs. A terre , les
matelots font foum/is à la police terreftre , & font remis à leurs chtfs , s'il s'agit
de fimple correftion , & à la juftice ordinaire , s'il s'agit de crimes. Cette fubdi-
vifion de juridiélrion eft faite par plufieurs ordonnances que le manque de clarté
ou le caraélère plus ou moins entreprenant de ceux qui les interprêtent , rend
fouvent infuiEfantes ; de là des confiifts &. des abus de pouvoir. La
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 481
La police particulière du port Se du carénage du Cap a été fixée par une
ordonnance de MM. de Bellecombe Se de Bongars , d^i 22 Mai 1784. Elle conferve
au capitaine de port la rétribution dont il jouit fur l'entrée & la fortie des bâtimens
,& l'oblige à entretenir, à Tes frais, des pilotes & un canot armé pour aller au-
devant des bâtimens qui fe préfentent à la pafTe. C'eft à lui feul qu'appartient le
droit d'avoir des pontons dont l'état & l'entretien doivent être furveiliés par le
commandant des forces navales. Cependant M. Faucher , négociant , en avait
un , au mois de Juillet 1786 , & ce n'était pas le feul. C'eft auffî au capitaine de
port à faire relever les carcaffes , aux dépens des propriétaires qui ne le font pas.
. Nul ne peut faire dépecer un vieux bâtiment qu'à l'endroit que lui indique le
capitaine de port ; l'on ne peut pas faire une carène fans le prévenir , ni chauffer
un navire hors de la préfence d'un officier ou du maître de port. M. Gramont eft
. conferve , par cette ordonnance , dans tous fes droits , relativement à fon caré-
nage , qu'on foumet cependant à la police du capitaine de port.
D'autres'ordonnances ont chargé le capitaine de port de veiller à ce qu'on ne
touche point aux refîifs , & d'après un ancien ufage , il a aulTi le foin de faire
placer les navires négriers au fond de la rade , de manière que les nègres y foient
bien expofés à l'aftion des brifes & que l'air de ces navires ne puifTe nuire , ni à la
rade, ni à la ville. Enfin la police des quais confidérés comme une partie
des chofes qui conftituent un port , eft confiée au capitaine de port.
, Au mois de Mai 1786 , M. l'Amiral avait nommé des maîtres de quai dans les
ports principaux de la Colonie & notamment un pour le Cap , mais les Adminif-
trateur s'opposèrent à l'exercice de fes fonélions, 8c au mois d'Août 1787^ le roi
décida que cet établiffement n'aurait pas lieu.
Ce qu'on ne faurait trop recommander dans une rade comme celle du Cap ,
dont la plus grande dimenfion eft en longueur. Se où , à de certains intervalles ,
■ il i-ègne, durant trois jours de fuite, des brifes violentes, appelées èn/es cara~.
iinêes , c'eft de veiller au feu. Pluficurs exemples ont prouvé que ce foin eft
néceffaire.
Le 28 Septembre 1728 au foir,le navire ie Fidèle, de Nantes, capitaine
.Nanicol , y brûla par l'imprudence d'un matelot qui avait été dans la ealle avec
«ne chandelle pour y prendre de l'eau-de-vie. En 1749, le navire le Triton,
4e Nantes, eut le n.ême fort; & au mois de Janvier 173 1 , le navire la Ville
•de Rouen , armé au Havre , prit feu vers les trois heures après-midi : le cable
Tome I. I* P p
I
Cl
In
4S2 DESCRIPTION DE LAPARTIE
ayant brûlé , le vaiffeau fut porté par le vent au fond de la rade entre le bac
& le petit pont rouge du chemin de la Petite-Anfe j à onze heures du foîr
il fauta.
Le dcrniiïr exemple ne remonte qu'au lundi 23 Juillet 1781. Les cam.bufîers-
du vaiffeau l'Intrépide , de 74 canons , mirent imprudemment le feu à des
liqueurs fpiritueufes ; le vaiffeau fut embrafé. Perfuadé qu'on ne pouvait pas
le fauver j on le troua & on l'échoua fur le banc de fable vis-à-vis l'embouchure
"de la ravine. On jetta ce qu'on put de fes poudres, on mouilla le refte , ce qui
n'empêcha pas le vaiffeau de fauter en l'air à onze heures du matin , environ
dix minutes après qu'on en eût fait écarter les canots qui l'environnaient avec
trois ou quatre mille hommes. La commotion fut terrible j la ville entière en
trembla ; des morceaux de bois enflammés , des ferremens , des boulets vinrent
tomber dans la ville & furtout fur deux maifons du Petit-Carenage. La boulan-
gerie du roi fut prefque toute découverte ; plufieurs navires eurent des partie»
de leurs ponts enfoncés , des mâts , des vergues brifées. Quarante-deux 'marins
furent tués ou brûlés. Quand on fonge que vingt-quatre heures plutôt, à caufe d'une
brife carabinée , le vaiffeau aurait brûlé au milieu de l'armiée navale de aS
vaiffeaux & de 300 bâtimens de commerce , que rien n'aurait pu fauver j quand
on confidère quelles poiivaient être les fuites de cet événement, on efl: prefque
conduit à trouver heureux qu'il fe foit borné à la perte d'un 74 , malgré le vif
chagrin de fon capitaine , M. Dupleffis-Pafcau , qui n'obéit qu'avec peine à'
l'ordre de quitter fon vaiffeau , avec lequel il aurait fauté quelques inftajis
plus tardi
On doit auffi fe refïbuvenir que d'après quelques accidens , une ordonnance
du 24 Mai 1768 a défendu de chauffer à bord aucune m.adère combuftible.-
dans les ports & les rades de la Colonici
L'on peut évaluer à environ 170, le nombre moyen des bâtimers qui fe
trouvent- ordinairement dans la rade du Cap. Ce ncmibre total peut fe compofsr
à-peu-près , de 80 navires de France, ayant depuis 200 jufqu'à 600 tonneaux-
dont 28 de Bordeaux, 14 de Nantes, 14 de Marfeille , 4 de Bayonne , 4 du
Havre , i de Honfleur , 4 de Dunkerque , 6 de la Rochelle, 2 de Saint- Malo,
I de l'Orient , i de Rochefort , fans diftinétion de? négriers. 50 Américains-^
10 ou 12 bâtimens de la Louifiane , de la Havane, de la côte efpagnole ou
des Illes du Vent , de Sainte-Croix , de Saint-Eullache & de Curaçao, &G-i,
Tr'^mm^i
Î^RANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 48J
trente caboteurs ou paflagers ; ajoutant à cela les canots , les acons & les
pirogues pour le tranfport des perfonnes , des effets, des fubfiftances, & pour
la pêche , & le mouvement des chaloupes des navires , il eft facile de concevoir
que le port du Cap offre un tableau très-animé, très- varié & qui donne l'idée du
commerce dont cette ville eft le fiége , & qui eft plus grand que dans aucun
autre lieu de la Colonie.
D'après un ufage très-ancien & dont le commencement eft même ignoré ,
lorfqu'un capitaine de navire débarque à la callé , un foldat du corps-de-garde
voifin le conduit chez le commandant de la place , chez l'ordonnateur , au bureau
des clafîès , chez le lieutenant de l'Amirauté , au greffe de ce tribunal & à la
pofte. On fent facilement que cet ufage a dû prendre naiffance dans un tems de
guerre où l'on aura trouvé important que le chef de la place fut le premier
inftruit des chofes qu'un bâtiment pouvait apprendre j l'ordonnateur fait auflî
ce que la cargaifon peut procurer aux befoins des magafins , des troupes &c.
Tout le refte tend à s'affurer que le capitaine aura rempli ceux de fes devoirs
auxquels l'intérêt public eft uni. Une ordonnance du commandant en fécond &
de l'ordonnateur , du premier Août _ 1776 , exigeait même que le capitaine i^v
fit fuivre de lés paffagers chez l'un & l'autre, mais cette règle n'a eu qu'une
courte exécution.
Tous les détails du port ainfi terminés , je vais , en quelque forte , rentrer dans
la ville pour obferver une foule de chofes qui la concernent toute entière & qui
auraient écé quelquefois moins intelligibles pour le Leéleur , fi je les lui avais
préfentées avant la Defçription particulière des huit Seélions,
n
■ »«» il>-ii(>'i|>'iS>"4!^ a>iil>-i|>.iil^.ii(^ iil>-.,iI>oci»
Des Incendies,
La ville du Cap, comme plufieurs autres villes, doit fon embelliffement à
des malheurs. Les ennemis en brûlant en 1691 & en 1695 les chétives cabanes
qu'on y avait cootlruites , firent paraître des maifons plus étendues , clofes de pa-
liffades de bois-paimifte. Qn commença à ne plus couvrir en tâches & en têtes de
canne, à caufe de h défenfe qui fut faite le a6 Juin 172 1, & dont l'utilité fut
fentip lorfque des pétards tirés le jour de la Fête-Dieu ,-. en 1723, firent brûler
deux maifons, Enfuite vinrent des maiions de bois mcnuiféta , & déjà quelques
P p p a
m
484 DESCRIPTION DE LA PARTIE
bâtimens de maçonnerie fe faifaient remarquer, lorfque l'incendie de la nuit
du 20 aa2i Septembre 1734, qui dura depuis minuit jufqu'au foleil levant,
vint brûler la moitié dt la ville , dans le quartier du commerce, & caufer une
perte de plufieurs millions. Les officiers , les foldats , les nègres montrèrent la
pÎLis grande aélivité & h plus grand courage pour en arrêter les progrès. MM.
d'Héricourt & de Maupoint fe diftinguèrent par leur audace, mais fans les fecouri
donnés par les charpentiers du vaiffeau la Charante , commandé par M. le
Comte de Vaudreuil , prêt à faire route pour la Louifiane , & ceux des bâti-
mens de la rade , qui abattirent plufieurs maifons pour intercepter le cours du
feu j fans le concours des matelots & des nègres des ateliers voifms de la ville
c'en était fait de tout ce qui exiflait de conftruClions. On tira de cet événement'
l.i leçon de ne plus bâtir qu'en maçonnerie.
Dans la nuit du 7 au S Décem.bre 175a, une négreffe s'étant endormie laifTant
une lumière après d'une paillafîe , le feu fe manifefla à une heure du matin
& menaça d'cmbrafer toute la ville. Heureufemxnt que M. de Chaftenoye , Gou-
verneur du Cap , fit abattre une maiibn de bois & en fit découvrir plufieurs
autres couvertes d'efîèntes , ce qui borna la perte à quatre maiibns , au coin des
rues du Gouvernement & de la Fontaine. Perfonne ne contribua plus à fauver
la ville alors , que MM. Blanc & Balanqué , par la téméricé avec laquelle ih
allaient, même au milieu des flammes , travailler à anêrer leur dévaftation. L'on
a vu le dernier capitaine de port du Cap, en 1767, place qu'il avait méritée
parles brillantes ,& peut-ê:re encore plus par fes génércufes adions , coinme
capitaine de corfaire.
Depuis , le Cap n'a éprouvé que quelques inquiétudes par le feu , dont la
plus vive fiit celle du mois de Mai 1773 , ^«rfque le feu prit dans le logement
de M. de Reynaud , alors colonel du régiment du Cap , fur le côté Eft délia rue
des Vierges & entre celles Saint-Simon & Saint-Jofeph. M. Rey du Château ,
officier du régiment du Cap , eut le malheur d'y avoir une jambe caflëe, & I'oa
diftingua parmi la foule de ceux que leur ardeur portèrent à éteindre l'incendie ,
M. Léon Laugier fils, officier d'un navire de Marfeille mouillé en rade , à qui
M. de Vallière donna une épée , au nom du roi , pour récompenfer fon heureufe
intrépidité.
- Le peu d'élévation des maifons rend les incendies moins dangereux , mais auffi
ie peu de profondeur des îlets entaffe les eonftruaions & le peu de largeur des
L» •-,
M y, «^-^
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 485
rues rend la communication du feu très-faclîe. Il faudrait donc qu'on eût, dans
chaque maifon une furveiUance que la parefîe des nègres rendra toujours nécef-^
faire. Il faudrait encore que chaque maifon eût un ou deux féaux de cuir j que
chaque fedion eût des pompes dépofées dans un lieu convenu , 8c que d'avance
^ il y eût des perfonnes chargées de les faire jouer. Mais il faudrait furtout que
l'entretien de celles achetées paj le roi & auquel on a prépolé un diredeur , depuis
1777 , avec exemption de fervice de milices, & 1,200 livres par an , fut furveillé.
C'eft durant les longues féchereffes auxquelles Saint-Domingue devient de plus
en plus iujet , que l'incendie eft redoutable , & fi l'on réfléchit qu'alors les fon-
çâmes & les puits font prefque défféchés -, on doit fentir la néceffité des
précautions que j'indique, C 'eft un objet fur lequel la police manque d'aftivité.
De la Police.
Puisque j'ai proféré ce mot , je vais parler de la police du Cap. Les plus
anciennes loix coloniales & principalement le règlement du roi du 4 Novembre
1671 , a donné l'exécution de la police aux juges inférieurs. La vérité eft néan-
moins que dans le premier âge de la Colonie, les États-majors l'exerçaient prefque
exclufivement , à moins qu'il ne fût néceifaire de prononcer quelques amendes,
pour lefquelles ils renvoyaient aux juges. MM. deLarnage & Maillart convaincus
que cette forme était vicieufe , créèrent , le 13 Août 1739, un infpecfleur de
police du Cap qui fut chargé de la police fous le procureur du roi & auquel ils
donnèrent un brigadier & quatre archers tirés de la maréchaufTée. Ils nommèrent
M. Ferrary & l'aftujettirent à prendre les ordres de i'État-major & du Confeil
Uipéneur , & à remettre au miniftèrc public , les procès-verbaux des contra-
ventions. La part laiflee à l'État-major fut un nouveau titre d'ufurpation & h
police lui fut prelque totalement dévolue jufl^en 1762, que les plaintes des
colons déterminèrent MM. de Bory & Clugny à prendre de nouvelle, mefures.
Elles furent reunies dans leur ordonnance du 14 Juillet qui établit deux infpec
teurs & dix fergens de police , un voyer & un étalonneur-jaugeur , & qui leur
diftnbue des fondions , en les plaçant fous les ordres du fénéchal & du procureur
du roi. f
La police a divers objets que je vais parcourir rapidement, D'abord la propreté
.^
486 D E S C R I P T I O N D E LA
PARTIE
delà ville. Il ferait difficile de trouver fur aucun fujet autant de réglcmens des
Adminiflrarturs , du Confeil, du Juge de police, qu'il y en a depuis'^lc 9 Mars
17 10, pour que la ville du Cap loit propre. Le nettoyement des rues n'a pas ceffé
d'être afterrrié , à partir de l'époque de 1735 , & le dernier procès verbal d'adju-
dication , fait le 9 Septembre 1785 , le fixe à 49,000 livres par an.
La police a ordonné de balayer le devant des maifons & les ruifTeaux des rues ,
tous les jours avant fept heures du matin, & dans beaucoup d'endroits on ne le fait
prefque jamais. Elle a prefcrit de jettcr de l'eau deux fois par jour au-devant des
maifons, afin de rafraîchir l'air & de renouveller l'eau des ruifTeaux, & ce n'eft
qu'un fimple ufage que quelques perfonnes employent dans les grandes chaleurs &
feulement quand il leur plaît. On ne doit pas mettre d'immondices dans les rues ,
quand les tombereaux ont pafle , ni les placer ailleurs qu'au coin & le long des
maifons , & il n'eft pas d'inftant du jour qu'on n'en voye au bord des ruifTeaux &
furtout dans les carrefours ; dans les rues peu fréquentées , il y a des amas d'or-
dures. Si l'on bâtit, l'on gêne les rues ,& la nuit rien n'indique le danger aux
pafl:ans ; en un mot , nulle part la police n'eft plus mal faite à cet égard j les rues
les calles , les quais font fales & infeds ; quelquefois des cloaques Répandent une
p.deur infupportable : on trouve par-tou: des voitures & des chevaux détélés , qui
gênent & falilTent les rues.
La police doit empêcher le bruit , & chacun fait celui qu'il veut. Elle doit em-
pêcher les jeux défendus , & nulle part on ne joue avec plus d'audace; les efclaves
eux-mêmes y font publiquement des parties très-chères, & dont la perte ou le
gain eft nécefîairementun vol faitâ un maître. La police doit veiller à la diftribu-
tion de la viande , & cependant on excède à la boucherie le prix du tarif, ou bien
l'on ne veut donner de la viande qu'aux domeftiques des gens en place ; il eft
même reçu qu'on va prier quelqu'un de ces élus , de recom.mander fon nègre à
i'infpcaeur de police qui eft à la boucherie. On tilérait autrefois que des archers
de- police priffent de la viande à la boucherie exclufive , & la revendiffent à un taux
double , Se même plus fort.
La police doit veiller à ce que les boulangers ne vendent pas à faux poids , &
par une fingularité remarquable , il eft des boulangers qui échappent conftamment
à la furveiUance , quoique ce ne foit pas ceux dont le public fe plaigne le moins.
Depuis le 2 Août 1780, une ordonnance des Adminiftrateurs a réglé qu'il n'y
iurait que trente cabarets au Cap, que quatre feulement pourraient vendre du
tafia, mais pas en moindre quantité que de dix bouteilles, & néanmoins tout le
1
JL:
»»— r — ' '■■ l'^fT'^ IJi'Wt
Fli'ANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 487
monde voit, excepté la police, qu'il y a plus de trente cabarets, & que le
tafia fe vend à la plus petite mefure , pour lept fous & demi.
Les cabarets doivent être fermés à des heures marquées, & cependant j'ai eu le
voifmage d'un cabaret où les nègres m'empêchaient de dormir iong-tems après ,
& même lorfqu'un beau clair de lune ne permettait pas , à tout autre qu'à la
police , de ne les pas voir.
C'eftla mê;Tie bienveillance pour les billards , qui étaient, en 1786 , auffî nom-
breux que, les cabarets , & pour les cafés : & il a fallu que des officiers de l'état-
major & même M. de Bellecombe , gouverneur - général , allalTent, avec un
détachement de troupes , pour y faire cefTer un jeu défaftreux.
• On ferait tenté de croire qu'il n'y a au Cap ni gens fans aveu , ni vagabonds y.
parce que la police n'en trouve point. Le métier d'aubergiile & de logeur, eft
celui de quiconque veut le prendre , & les règles ne font pas mieux fuivies fur ce
point que fur les autres.
Quant aux efclaves , il femble que la police n'ait aucune fondion qui les
regarde. Les nègres vont armés de gros bâtons; ils tiennent des chambres à loyer,
ils jouent, ils forment des affemblées , ils violent enfin tous lesréglemens , & lea
hommes de poUce font fpeélateurs tranquilles de leurs contraventions. Ils arrêtent
cependant le dimanche quelques nègres de la plaine , qu'ils accufent d'être fans
billets i par fois même ils conduifent à la geôle des nègres de la ville , qu'ils ont
arrêtés dans quelques patrouilles de nuit , mais ce font des nègres qui n'ont pas le
droit d'impunité , par le crédit de leurs maîtres ; car il y a tel efclave qui obtient
les égards de la police , & fouvent tel archer de poUce a, parmi les efclaves du
fexe , une proteélrice , qui a aulTi fes créatures.
Quelles font donc les caufes de tant de défordres ? La principale eft le trop petit
nombre d'hommes formant la troupe de police ; la féconde, la médiocrité de leur
traitement -, la troifième , le peu -d'énergie Se de furveillance de la part des officiers
de police , je veux dire des:offiGier.s de la Sénéchauffée. îl n'y a, à préfent que le
Cap eft doublé comparativement à 1764., que le même nombre d'agens de police j
deux infpeclèurs,, deux fergens & huit archers., au lieu.de dix fergens. Parmi ces
dix derniers, il y en a: toujours un qui, eft toute la journée chez le fé,néchal Se
l'autre chez le procureur du roi ,, pour exécuter leurs ordres erïfait de police. Les
infpeéleurs , obligés de rendre des comptes journaliers au commandant, à l'ordon^
aateur j, au fénéchal ^ au procureur du roi , perdent une grande partie de leur tem.s.
fe!
■I
r'^
488 DESCRIPTION DE LA PARTIE
dans ces co urfcs , auxquelles ils ajoutent des vifites au pré&dent & au procureur-
général du Confeil. Comment huit hommes qui reftent , accompîiraienc-iis tous
^es devoirs qu'on leurimpofe ? comment feraient-ils des patrouilles de nuit , dans
une ville qui a près d'une lieue d'enceinte dans fa forme irrégulière ? n'eft-on pas
pas certain , au moment où cette patrouille vient de paffer , qu'on ne fera plus ia-
quié:é par elle?
. Le traitement eft, depuis 1762, fixé à 2,400 livres pour les infpedeurs & à 900
livres pour chacun des autres ; ce qui fait en tout 13,800 livres par an , qui font
payées par la caifTe des droits municipaux , c'eft-à-dire , des droits fuppliciés 8c
de maréchauffée ; on leur fournit , en outre , un fufil , une bayonnette , un four-
niment & un.e épée. Les infpeéleurs font obligés d'avoir un uniforme compofé
d'un habit, vefxe & culote bleus, boutons d'argent , 'une aiguillette d'argent fur
l'épaule j & de porter un bâton d'ébène garni d'ivoire en haut & en bas, La
troupe eft auiïi en bleu avec les boutons blancs & on lui fournit une bandoulière
bleue avec un bordé blanc , aux armes de France & le mot Folke. Enfin ce n'eft
que depuis le mois de Novembre 1785 , que le Confeil du Cap a loué une maifon
rue Efpagnole pour y loger la troupe de police ; chaque archer était tenu de fe
loger, à fes frais , auparavant.
Eft-iî un individu, connaiiTant Saint-Domingue, qui croye poffible qu'un
archer de police y fubfifte & s'habiile , &c , avec 900 livres -, un infpecleur avec
2^400 ? J- fais qu'ils ont des profits de capture & de confifcation , mais lorfqu'ils
font aufli prés du befoin , il eft plus sûr encore pour eux de vendre leur indul-
gence que d'attendre des profits incertains. Aufîi les exemples de prévarication
font-ils journaliers. D'ailleurs quand il y a un fi petit nombre de complaifans à
achetCTi les facrifices font moins grands. Il faut donc augmenter la troupe , qu'on a
encore obligé à mener les criminels aux exécutions qui ne font pas fuivies de
mort i il faut la payer de manière à engager des hommes qui s'eftiment à remplir
ces fondions. Mais tout cela ne fufBra pas £1 les ofBciers de la SénéchauiTée ne
mettent pas un zèle févère dans la manutention de la police, s'ils ne plient pas à la
loi tous ceux qui fe font un jeu de l'infulter par leur défobéifîance.
Le voyer , qui a 3,000 d'appointemens depuis 178 1 , & les revenans bons de fa
place , n'y met pas non plus une grande exactitude. Il eft guidé dans fa principale
fondion , qui efl l'alignement des rues , par le plan-direfteur qui efl drelTé, changé
& corrigé par l'ingénieur en chef, d'après 1^ ordrçs des Adminiftraceurs , parce
que
■!« • •nfyaparf^^Tiim'^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 489
«jae les villes des Colonies font confidérées comme des places de guerre. Une
copie de ce plan eil dépofée au greffe de la Sénéchaufîee. La voirie , proprement
dite , ne le regarde pas mais l'entrepreneur du nêttoycment de la ville. Il infpeftc
les pavés , règle l'écoulement des ruifleaux , empêche les ufurpations fur le local
des rues , &c.
Il faut favoir qu'il exifte un étalonneur-jaugeur juré , pour s'en douter. En nul
lieu du monde, peut-être, on ne vend plus à faux poids & à fauffe mefure qu'au
Cap, Indolence de celui qui a cet emploi, défaut de proteftion dans ceox qui
devraient afîurer fes opérations , voilà les caufes de ce nouveau vice de police.
Je dois pourtant convenir qu'il ferait très-dlfHcile que les officiers de la Séné-
chauffée puffent remplir leurs obligations en fait de police avec l'exadlitude ,'Ia
jufte févérité, & la célérité qu'elles exigent. Le tribunal confomme tout leur tems
pour les affaires civiles & criminelles j d'ailleurs la police a encore d'autres parties
pour eux. C'eff , outre deux audiences de police le mardi & le vendredi de
chaque femaine, l'après midi, cette multitude de plaintes, de débats, de colloques,
qu'il faut écouter, de la part d'efclaves qui fc plaignent de libres, de libres qui fc
plaignent d'efclaves , de blancs qui imputent des faits à des affranchis ou qui font
l'objet des reproches de ces derniers. Il faut mander les uns & les autres, tenir en
quelque forte un tribunal domeftique , accommoder, blâmer , menacer , punir &
garder dans tous ces cas une ir.efure qui tienne tout à la fois de l'équité natur
relie & de la juftice légale ; employer l'autorité à maintenir la paix publique , fans
en abufer, & ne pas la foumettre au crédit , à la faveur , à la crainte, peut-être.
Tant de foins dans une ville coloniale, où les individus font placés les uns à l'égard
des autres dans des rapports politiques , exigent bien des qualités , & eaufent une
grande perte de tems. Or le fénéchal , fon lieutenant & le procureur du roi en ont
à peine affez pour accomplir toutes leurs fondions de judicature, & pour prononcer
vingt mille jugemens , au moins , par année. La police eft donc le patrimoine des
infpeiîFteurs, & ils difpofent, lorfqu'eux-mêmes auraient befoin d'être conilaniment
furveillés.
Dès 174S , on a parlé de l'établiffcment d'un lieutenant de police au Cap , où le
befoin qu'on en avait a prodigieufement augmenté. Il fuffirait de connaître toutes
les ordonnances & les rég'emens de police, pour êcre convaincu qu'elle cfl très-
impu'ffante , & qu'elle manque de moyens répreflîfs. Que faire du vagabond qui,
arrêté Se mis en prifon , finit par en fortir pour reprendre fa yie errante & conci-
Tome L Q^^
^™»-^
490 DESCRIPTION DE LA PARTIE
nuer à menacer la fociété des mêmes fléaux ? Il faut une perfonne qui ait le foia
unique de la police de cette grande ville , & que le gouvernement manifefte d'une
ifianière éclatante k deffcin de la foutenir contre tous les abus d'autorité, & contre
la ligue des hommes qui croycnt que leur dignité s'augmente, par l'impunité
qu'ils accordent à leurs domeftiques , à leurs efclaves. Il faut qu'avec tous les
moyens d'affurer l'ordre , le chef de la polic'^ foit refponfable du trouble qu'on y
apportera. Alors, mais alors feulement, on remédiera aux divers monopoks au'oa
croit nuls , parce qu'on ne les éprouve pas perfonnelkment , & l'on ne craindra
plus , comme à préfcnt , de faire k bkn , parce qu'il faudrait braver une rumeur
infenfée , qui réclame aveuglément en faveur d'anciens abus.
C'eft encore le fénéchal qui cenfure les pièces de théâtre & qui donne des per-
im.Tions aux baladins , à ceux qui montrent des optiques , des marionnettes , aux
faife-urs de tours, à ceux qui font des courfes à cheval , &c. Sans doute qu'OxT
croit que cette permiffion eft tacitement accordée , pour expokr & vendre des
livres & des eftampes obfcènesi car il n'eft pas de jour de marché des Blancs où les
yeux ne foient blefîës par ces dernières , & où la jeunefîé ne puiiTe trouver
auffi à échanger fa précieufe innocence, contre la morale ordurière de livres
dangereux où de dégoutans tabkaus fouillent encore la vue.
Pour mieux faire juger de la néceffi-é d'une bonne police au Cap , il fufnt d'en
connaître l'importance & la population"
Ncmlre des Maifons ^ Population du Cap,
Cette viik qui, lors de l'incendk de 1734, n'avait guères que 400 maifons",
en contenait 587 en 1751 ; 627 en 1753 ^ 817 en 1756 ; 857 en 1761 j 869 en
1764 j 910 en 1766; 1260 en 1783 & 1361 en 1788 , dont 1221 dans la vilk &
140 dans le faubourg du Petit Carénage , non compris les édifices & les établiiTe-
mens publics , qui font au nombre de 79. Le Cap a donc triplé en cinquante ans,
ce même cette manière de confidérer fon accrolfîement , n'eft pas celk qu'il faut
prendre , puifque de belles maifons & des maifons à étages ont remplacé des ba-
raques & des efpèces de chaumières , telks qu'on en voyait dans la Petite-Guinée
& dans le canton du Marécage.
En 1764, on évaluait à 1,688,690 livres , ce que ks maifons du Cap produifaient
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, 491
deloyef ) St€n 1779, t trois millions ; & certainement en 1788, ces loyers s'éle-
vaient à près de cinq millions , quoique le nombre des maifojis ne fût pas doublé
depuis 1764.
Uneordonnancedes Adminiftrateursdu aoOaobre 1780, renouvellée le 27
Janvier 1787 , a donné aux rues du Cap des plaques peintes qui en indiquent le
nom , & chaque maifon eft numérotée.
Venons à la population. -La paroiffe du Cap avait, d'après les recenfemenSî
Blancs.
Affranchis. Efclaves.
En 1692
17 10
1730
1749
1771
177s
1780
1788
. ii-60 hommes
• 335
.-694.
. 900
.1020
. 1105
.1065
.1895
. 63 femmes
20Ô . .
581 . .
515 • •
605 . .
586 . .
599 • •
84s . .
• 52
• 62
. 143
.271.
. Î95
139I-
1264.
. 34 ,. .
. 605 . . .
.174-9 • • •
( non marquée )
. 25.68.
.4257 • ^ ■
. 4665 . . .
. 8147 . . .
TOtaî
• 257.
. 1198.
. 2886-
. 1658.
■ 4^64-
.6.143.
• 7729'
.13-151.
Ces recenfemens ne méritent pas tous une égale confiance. Les plus anciens
-peuvent être crus , parce que dans une population faible chacun eft connu & ap-
perçu i mais à mefure qu'elle s'accroît , les erreurs , les omiffions échappent plus
aifément, U malgré la vigilance que M. de Marbois a employée, le recenfement
-de 1738 eft fur- rent fautif.
Diftinguant la population de la ville , proprement dite , de celle de la paroiffe ,
j'ai des renfeigncmens qui m'autorifent à compter la première de la manière
Suivante.
Blancs f^e t^ut fexe & de tout âge . ............ . 3S00,
Affranchis l4PO.
M
'■=3
Efclaves
10,000,
15,000.
Voilà la population propre du Cap j mais il faut y faire des additions pour l'avoir
telle- qu'elle esifte.
Qqq 2
«:
i».i
492 DESCRIPTION DE LA PARTIE
La garnilbn qui ferait de 1,300 hommes tout compris , ne peut être comptée
dans l'état ordinaire que pour ,. . , ^ looo hom,.
80 bâtimens de France dans la rade, évalués à 25 individus l'en
dans l'autre 2000
50 bâtimens américains de 6 hommes chaque . ..... 300
10 autres bâtimens neutres à 10 hommes loo
30 caboteurs, paflagers , &c. , à 5 hommes. . » , . . 150
C'cfl donc 3,550 hom*
à ajouter aux 15,000 déjà trouvés , & l'on a environ 18,500 {>erfonnes pour lé-
taux de la population habituelle de la ville du Cap, pour le nombre des bouches
qui s'y nourrifîènt , & auxquelles je n'ajoute pas la maréchauffée , la troupe de
police , ce que contient un feul bâtiment négrier , qu'on peut fuppofer en rade ,
les individus de la chaîne publique, & enfin les voyageurs & les colons des autres
lieux qui s'y trouvent accidentellement , mais qui affurent encore mieux mon.
évaluation.
Ce tableau montre lui-même combien on peut compter au Cap d'individus, en
quelque forte étrangers à la Colonie i Se parmi les 3,600 Blancs, il eneft au moins
un fixième fans nulle propriété mobiliaire où immobiliaire ,. & qui fpéculent fur
des événemens qui fe réalifent pour les uns , & dont l'attente trompe beaucoup
d'autres. Primitivement il a fallu envoyer des engagés , puis des fujets pris dans
certains hôpitaux pour maintenir la population de Saint-Domingue, & le Cap en a
particulièrement profité ainfi que de quelques colons venus de Saint- Chrifiophe Se
de Sainte-Croix. Ce fut au commencement du mois de Février 169&, que la
Colonie de cette dernicie Ifle arriva au Cap. Elle était compofée de 10 foldats.,
I fergent , 50 hommes portant armes , 3 ou 4 familles &. 60 nègres -, ils ne
refièrent pas tous dans cette ville.
Une chofe dont on efl: très-frappé en confidérant la population de Saint-
Domingue , c'ell le petit nombre des enfans blancs. La plupart de ceux qu'on
îencontre font faibles , débiles , maladifs , & l'ufage d'en envoyer beaucoup en
France efl: une caufe qui les rend encore plus rares. Je reviendrai lur cette
obfervation.
On efl naturellement conduit à parler des confommations de la ville du Cap ,
lorfqu'on a entretenu de fa population. En 1788, on y débitait , chaq^uejour>
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 493-
20 ou 11 bœufs dont le poids variait depuis 4,800 livres jufqu'^à 6,000 , fuivant
l'état de ces bœufs. Les dimanches & les jeudis font les plus fortes boucheries ,,
& les moindres ont lieu le vendredi & le famedi. La tuerie de veaux n'eft pas
régulière , & , fouvent même , il fe paffe huit jours fans qu'on en faffe ,- mais on
peut cependant calculer que le Cap confomme , chaque mois, 15 veaux pefanÊ
80 livres chacun. Par jour , dix moutons & 25 cabrits ( chevraux ) & 30
cochons. 25 boulangers employent , chaque jour, 70 barils de farine de 180=
livres. Dans cette fourniture de pain , il y en a pour les bâtimens de la rade 8c-
pour quelques habitations des environs de la ville ;. en 1783 j. elle allait prefque au
double , par l'augmentation des troupes françaifes & par la préfence des troupes
efpao-noles j. ces dernières confommaient , à elles feules , 30 barils de farine
par jour.
Da Cap cortftdêrê comme. Capitale.
Le Cap elï le lieu plus habité de toute la Colonie , & il doit ctx. avantage- i-
fon plus grand commerce , qui lui-même eft relfet de la fituation géographique
du lieu comme port le plus au vent. Cependant différentes circonftances ont pref-
que toujours été caufe que la capitale de la Colonie a été placée ailleurs qu'am^
Cap. D'abord le premier établifîèmenr ayant été fait cà- la Tortue , le point de la
o-randc Ifle qui lui correfpondait prefque direûement ,. devint le chef-lieu. Enfuite
la culture du Cul-de-fac fit préférer Léogane au Port-de-Paix. Les inftruftions-
de M. Deûandes , premier intendant , voulaient que les Adminiftratexirs parta-
geaffent leur réfidence entre Léogane & le Cap ,, mais le premier lieu fut préféré
5c un fait le prouve , c'eft que les Adminiftrateurs n'eurent qu'un logement:
paffager dans un magafin du roi fur la place-d'armes , jufquen 1734 , qu'il brûla s
& que depuis lorsjufqu'à la réfidence de MM. Bory & Clugny au Cap, en
1762 , les chefs logeaient paffagèrementdans des maifoiis qu'ils louaient ou qu'ils
empruntaient. La beauté du mouillage du Petit-Goave fit balancer enfuite pen-
dant plus de 50 ans.entreLéogane &.le Petit-Goave, & on finit par leur préférer le-:
Port-au-Prince.
Celui-ci perdit enfuite fes droits , pendant la- guerre de 1756 j car M. de Bbry 5
reçu gouverneur-général au mois de Mars 1762, 8s M. de Clugny fon collègue,
îéfidèrentau Caj), ainfx que M. de Belzunce,. L'ordonnance du 24 Mars 1763,^-:
\J^
il
4^4
JDESCTlIPTION DE LA PARTIE
décida que les àtXLx AdminiPcratÊVTS réfiieraient au àuCap j & M. d'Eftaing y
eut , en efîet , i*a prrncipak réfidence. Mars en nommant M. k prince de Rohaa
on rendit au Port-au-Prince Ton titre de capitale qu'il conferve <k droit , quoique
dans le fait , ce titre n'appartienne qu'au Cap, où la guerre nécefBter^ toujours le
réjOUT des chefs. On les y a vus depuis 1778 jufqu'en 1785.
Dans tous les tems il a to-ujoors été enjoint au général & à l'intendant de partager
leur réfidence entre la capitale de la Colonie & le Cap, notan>menE par les inftma-
tbns de MM. de Chateaumorand & Mithon , du 26 Août 1716 , par celles de
MM. Fayet & Ducîos du 21 juillet 1732, & par celles de MM. de Larnage & la
Ghàpelie, du 10 Juin 1737 qui leur prefcrit de féjourner , chaque année, quatre
mois au Cap j & il eft même des inftruélions qui veulent un partage égal. Lg
pofition du Port-au-Prince qui le place à-peu-près au milieu des deux extrémités
de la Colonie, lui ont obtenu k préférence que réclame le Çap, lonque la crainte
de l'ennemi plus forte que les inconvéniens intérieurs veut que les Adminiftrateurs
foient à portée de communiquer avec les chefs des armées & des efcadres & dç
combiner les préparatifs & les raoBvemens qui ont pour objet , ou la conferva-
tion de la Colonie ou des entrepriiês hoitiles fur d'autres points.
■Et ai -major £f? Officiers à" Aàminiji ration du Cap,
Le Cap, dont rétabliffement ne remonte <que vers 167 1 , n'eut point de chef
militaire pardculier avant 1679, que M. de Franquefnay y fur plac-é comme
lieutenant de roi. Il commandait ce qu'on nommait alors le Quartier du Cap ,
c'eft-à-dire , ce qui eft , à prélent , entre le Port Français & la rivière du Maffacrç,
En 1695 , on nomma un gouverneur du Cap & comme c'était l'ancien gouver-
neur de l'île Sainte-Croix dont la Colonie avait été tranfportée au Gap, M. de
Boiffyraimé reçut le titre de gouverneur de Sainte-Croix & du Cap. Il eut fa^-é-fi-
dence dans cette dernière ville & comprit alors la SénéchaufTée du Port-de-Paix
dans le relTort de fon gouvernement. La place de gouverneur a eefféen 1763 ,
dans la perfonne de M. de Chaftenoye fils. Trois de ces gouverneurs du Cap, &
qui l'écaient réellement de la Partie du Nord entière, furent lieutenans au
gouvc-rnement-général. Ce font M. de Charritte , & MM, de Chaftenoj'^e père &
fils "i ils curent k Cap pour réfidence.
. ... .■■. „ . T
■■ I
F :^ A N.Ç A I S E 0 E S A I N T - D O M I N G U E. 49^
L'ordannanee de Ï763 , qui fuppriinait les gouverneurs particuliers Se les rem-
plaçait par des commandans en fécond ; fixant le gouverneur-général au Cap 3
cette ville ne devait point av^ir de commandant en fécond , cependant des vues
particulières y firent garder M. de Thorenc & depuis il y a toujours eu un
commandant en fécond de la Partie du Nord , réfidant au Cap.
La lieutcnance de roi commencée à M. de Franfquefnay , en 1679 , fupprimée
en 1763, rétablie le 15 Mars 1769 par une ordonnance du roi qui charg-e le
major de la légion de Saint-Doniingue d'en faire les fondions , ce qui a duré
jufqu'à ce qu'une autre ordonnance du 17 Mars 1771 ait réi:abli un lieutenant de
roi titulaire ; n'a cefTé qu'à M. le chevalier du Grès . par l'ordonnance du 20
Décembre 1783 qui a changé le titre de lieutenant de roi en celui de commandant
particulier.
On crut utile d'avoir Un major au Cap. Le premier fut le célèbre Laurent de
GrafF, en 1690. Cette majorité fupprimée eu 1763 , rétablie le 15 Mars 1769
fupprimée par l'ordonnance du 16 Mars 177 i, rétablie le 15 Avril 1776, a été
fupprimée de nouveau le 20 Décembre 1783 , lorfqu'elle était remplie par M. de
la Plaigne.
Le Cap eutfon premier aide-major en 1688. Cette place fut aUlTi fupprimée en
1763 & r:tablie en 1769 ; il y amaintenant deux aides-majors , parce qu'il en a
été créé un fécond le 18 Mai 1787.
Le Cap a eu aufli deux majors-généraux des troupes & milices de la Partie du
Nord ; trois des majors-généraux de la Coionie y ont été fixés , ainfi que plufieurs
des aides-majors-généraux.
Lorfque l'intendant n'a pas eu fa réfidence au Cap, cette ville a toujours eu
depuis 1721 , un commiflàire ordonnateur, & fucceiïivement plufieurs com-
miffaires , Ibus-commifîaires & écrivains de la marine , chargés des difFérens
détails du fervice , même de celui des troupes pour lefquelles on n'a vu des com-
miffaires de guerre qu'en 1763. Le commiffaire ordonnateur des guerres était
pareillement établi au Cap.
Cette ville confidérée comme une fubdélégation de l'intendance, a depuis
1738 un greffe de la fubdélégation , qui eft le dépôt de tous les ades faits par
les Adminiftrateurs & qui jntérefiTcnt les parties de l'adminiîlration qui ne font
ni militaires ni judiciaires. C'eft là que font mis auffi tous les procès- v'erbaux
Scies plans des arpenteurs qui meurent ou qui s'abfentent, & les recenfemens
4
y ,
496 DESCRIPTION DE LA PARTIE
fournis par les Colons pour chaque année. C'eft encore un fervice rendu par
Larnage & Maillart , qui ont voulu faire trouver aux habitans de la Partie du
Nord plus près d'eux les titres de leurs propriétés froncières, & divers aéles relatifs à
l'ufage de ces propriétés , foit quant aux chemins , aux diftributions d'eau, aux
travaux fur les rivières , foit enfin à plufieurs autres matières , toutes également
importantes pour eux & même pour l'intérêt public , parce qu'on y trouve auffi ce
qui concerne la formation des paroiffes , la nomination de plufieurs prépofés
dans les différentes branches de l'adminiftration générale de la Colonie ;, Se
jufqu'aux preuves de l'état des affranchis.
Partie militaire. Garni/en du Cap.
Depuis 1763 , il y a un ingénieur en chef de la Partie du Nord , qui habite
la ville du Cap , ainfi que le commandant de l'artillerie de la Colonie. On y
voitaufTi un garde-magafm de la marine. Pendant quelque tems il y avait un garde-
magafm de la marine diftinft de celui qu'on nommait alors garde-magafm prin-
cipal j & qui était chargé des vivres & effets , mais ces deux places ont été
réunies depuis la paix de 1783 , comme auparavant. Il y a auffi un garde-magafm
d'artillerie , établi par une lettre du Miniftre , du 5 Août 177 1 , avec 3,000 liv.
tournois d'appointemens.
Le Cap a toujours eu une garnifon depuis la fin du fiècle dernier. Elle ne fut
compofée jufqu'en 1762 que de plufieurs compagnies des troupes détachées de
la marine , d'abord au nombre de deux , puis portées à trois & augmentées de
quelques fuiffcs, dont 60 étaient au Cap. Ces trois compagnies étaient fi réduites
au mois de Juin 1718 , que les milices du Cap faifaient la garde la nuit pour
foulager les 50 foldats qui reliaient. En i76'2 l'on envoya des régimens tirés de
l'armée de ligne , & où l'on incorpora en 1766 ces troupes détachées de la
marine. En 1766 on créa une légion de Saint-Domingue , dont une partie était
au Cap. Enfin on établit deux régimens pour la Colonie, dont un du nom du Cap
fut deftiné à la garnifon fédentaire de celte ville , oij il fut formé le 3 1 Janvier
1773 , & où il fit bénir fes drapeaux le 26 Avril fuivant. Il doit être , au complet,
de 1,214 hommes, tour compris fur le pied de paix. Son uniforme eft bleu ,
par.^mens & collet de drap verd , revers bleu, liféré verd, boutons timbrés
■ d'une
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V^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 49^
d'une ancre & les épaulettes d'argent. Le fervice journalier de la place du Cap
:& de l'hôpital , en tems de paix , exige 80 hommes Se 3 officiers , non com-
pris la comédie.
Quant à l'artiUetie , il y avait , avant 1762 , deux compagnies de bombardiers ,
dont une était, au Cap où elle fut commandée par M. de l'ine-Adain , &
enfulte par M. de Fontenelle. Quand M. de Beizunce arriva , amenant deux com-
pagnies du corps royal fous le commandement de M. de Villarfon , lieutenant-,
colonel, M. de Fontenelle demeura commandant des bombardiers, qu'on
incorpora cependant dans le corps royal , lors de la formarion de la légion
de Saint-Domingue en 1766. Le roi créa de nouveau, en 1768, deux com-
pagnies de îoo hommes chacune , fous le titre de canonniers-bombardiers , qu'on
augmenta d'une troifième compagnie en 1771. C'eft de cette artillerie coloniale
que s'eft formée , en 1784, la majeure partie de la brigade aéluelle. On vit
cependant arriver , à la fin de 1775, cinq compagnies du régiment de Metz.,
du .corps royal, & une compagnie d'ouvriers, le tout fous les ordres d'un
lieutenant-colonel & d'un chef de brigade. Deux compagnies , les ouvriers &
l'état-major demeurèrent au Cap. Cette troupe a repalîé en France en 1781=
Des Milices du Cap. ^
EîJ rendant compte de la force armée qui exifte au Cap , il eft naturel de
citer les milices qui s'y trouvent & qui forment prefque la totalité de celles
de la paroiffe.
Les milices font aufTi anciennes que la Colonie , puifque les premiers français
qui y parurent avaient les armes à la main & des chefs qu'ils fe donnaient eux-
mêmes. Le plus brave était fur de fixer ce choix volontaire , & ce ne fut
qu'avec un commencement d'organifation que les commandans militaires s'empa-
rèrent de la nomination des officiers de milices. Nous avons vu que ces
premiers officiers étaient les juges nés de leurs concitoyens , & que même
lorfqu'il y eut des Senéchauffées & des Confe ils Supérieurs ,' la magifcrature & la
milice pouvaient réclamer les mêmes individus.
La milice du Bas du Cap comptait 134 hommes en 1688, 220 en 169^
En 1705 la milice fut formée en régimens, & en 1710 la Partie du Nord en
avait trois d'infanterie & un de cavalerie.
Tome L R r r _
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49S DESCRIPTION DE LA PARTIE
D'abord, & durant très-long-tems , chacun fe préfentait avec Tes vêtemens
ordinaires & fes armes , & les officiers eux-mêoies n'étaient diftingués que par
le haufle-col , l'une des plus anciennes décorations ,militaires. La vue des troupes
réglées , la fupériorité à laquelle elles prétendaient , l'opinion que l'on attachait
à l'uniforme , donnèrent enfin l'idée d'en avoir un dans la milice.
Ce fut vers 17 10 que fes officiers prirent l'uniforme des garde- côtes
J'habit blanc , collet , paremens & doublure rouges ; car le fimple foidat
n'était point en uniforme.
■ En 1723 la ville du Cap montra 374 miliciens. Au mois de Juin 1725 , M.
de la Rochalard , gouverneur-général , retint l'ordre du roi qui permettait à la
milice-cavalerie , faute de trompette , de battre à la dragonne. Les jaunes gens
difait-il, auraient cru que toutes les folies qu'ils auraient faites étaient des attributs
de leur nom , ^ cela doit être évité dans un pays eu le foleil agit de plus près Jur
toutes les cervelles. -
En 1732 , les régimens furent fupprimés &: les milices remifes en compagnies
indépendantes ; & le Cap étant déjà devenu la ville la plus confidérable & la
plus çivilifée de la Colonie , il y eut une forte d'émulation parmi les divers
capitaines pour avoir de belles compagnies.
Dans la même année 1732 j M. Beaujeau , autorifé par M. de Vienne, gou-
verneur-général, venait de former la compagnie des grenadiers, avec habit,,
yefte & culottes blanches, paremens, collet & revers écarlate, boutons &
épaulettes d'argent. Quelques années après , parut celle des carabiniers avec un
habit écarlate, galonné d'un galon à treffe d'argent, paremens, collet & rêver»
bleu de roi , retrouffis , boutons & épaulettes d'argent. M. Defmé Dubuiffon ,
pour renchérir fur ces deux compagnies , en forma une de fufihers le 1 7 Janvier
1740. Elle portait habit bleu, paremens , collet, vefte, culotte & bas rouges,
l'habit & la vefte galonnés en plein en or , boutons furdorés , chapeau bordé en
or , cocarde bleue & rouge. Cette compagnie avait deux tambours & deux fifres
Eègres , & elle prit un drapeau avec une croix de fatin blanc femée de fleurs de
lis d'or , & les quatre coins , par oppofition , bleus & rouges. L'habillement &
l'armement des 52 hommes de cette compagnie, les tambours & les fifres,
coûtèrent plus de 50,000 mille francs. Dans ces commence.mens , la compagnie
de dragons prit auffi un uniforme bleu de roi galonné d'or, paremens & collet
rouges , vefte & culotte blanches , l'équipage du cheval bleu galonné d'or , ainS,
que le chapeau & l'aiguillette.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 499
Les milices fupprimées en 1764, époque oîi toutes celles du Cap avaient un
uniforme , reproduites un inftant par M. d'Eftaing , furent rétablies par une
ordonnance du roi du i"- Avril 1768, qui fit un commandant , un major 6c
un aide-major des milices de chaque paroifle. Cet état-major prit au Cap
l'habit bleu galonné d'or , vefte , culotte , paremens & collet blancs , & les
diverfes compagnies reparurent avec les uniformes qu'elles voulurent adopter.
On vit renaître la compagnie des grenadiers , celle des carabiniers & celle des
dragons à cheval avec leur ancien uniforme. Une féconde compagnie à cheval
fe forma fous le nom de gendarmes avec habit écarlate galonné d'or , ainfi que
le chapeau & l'équipage du cheval ; paremens , collet & revers de velours noir ,
épaulettes d'or & un trompette comme les dragons à cheval ; cette compagnie
fe reproduifait telle qu'elle avait été un moment fous les ordres de M. d'Eftaing.
Une nouvelle ordonnance , du mois de Décembre 1776, mit les milices en
bataillon. Le Cap donna Ton nom à l'un d'eux , & l'on vit fon état-major qui
garda l'uniforme de 1768, compofé d'un commandant, d'un commandant en
fccond , d'un major , de quatre aides-majors , d'un chirurgien-major & d'un
tambour-major. Cet état de chofes a duréjufqu'en 1787.
On voyait alors la compagnie des grenadiers , celle des carabiniers , quatre
compagnies de fufiliers blancs, en habit bleu , paremens , collet , doublure , vefte
& culotte blanches , boutons Se épaulettes d'argent ; une compagnie de canon-
niers habit bleu , collet , paremens & doublure écarlate , vefte èc culotte
blanches , boutons & épaulettes d'or ; une compagnie de volontaires avec l'habit
écarlate galonné d'un galon à treffe d'or, paremens, collet & revers de velours
vert, la doublure en croifet vert, vefte & culotte blanches , boutons , retrouffis
& épaulettes d'or ; une compagnie de dragons à pied , habit vert-dragon , dou-
blure pareille , paremens & collet écarlate , boutons &c épaulettes d'or, cocarde
& plumes noires, brodequins de veau noir; une compagnie de chafîcurs , habit
ventre de biche , doublure de même , collet & paremens vert-faxc , vefte &
culotte blanches , boutons , épaulettes & retrouftis d'argent , brodequins de veau
noir 5 une compagnie de mulâtres & autres fang-mê'és libres , habit bleu , pare-
mens, collet, revers & doublure jaunes , boutons & épaulettes d'argent , vefte
& culottes blanches; une compagnie de nègres libres, habit bleu, paremenS;
& collet écarlates , doublure blanche ainfi que la vefte & la culotte, boutons
& épaulettes d'argent ; & enfin les deux compagnies à cheval de dragons & -de
gendarmes dont j'ai parlé. R r r a.
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500 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Cette bigan-ure d'uniformes qui était un affaut de luxe & qui était peut-être
]a choie qui attachait le plus à la milice , a difparu par l'exécution de l'ordon-
nance du roi du i^'- Janvier 1787. Le commandant des milices de chaque
p_araiire eft le capitaine que 1: gouverneur-général choifit. Il a un aide-major
fous les ordres. Chaque compagnie eit de 5c hommes. Il n'y a plus de différence
qu'entre l'infanterie & les dragons à cheval blancs , les dragons à cheval de
couleur & les blancs des compagnies d'artillerie.
Da-ns la Partie du Nord , toute l'infanterie a l'habit blanc , vefte & culotte
blanches , boutons blancs , poches en long , doublure blanche , paremens & revers
bleus j toute la cavalerie blanche , habit rouge , vefte , culotte, doublure, boutons
parem.ens &: revers blancs ^ toute la cavalerie de gens de couleur, furtout de
Nankin, paremens & revers rouges. Q'Jant à l'artillerie, elle porte l'uniforme
qu'a ce corps en France , excepté que le botiton eft uni & fens numéro.
Les milices du Cap fe font diftinguées en plufieurs occafions par leur zèle
& leur courage. Lors de l'attaque de Léogane en 1702 , elles marchèrent à fon
fecours. Elles allaient à celui de Saint-Louis en 1748 , & étaient déjà rendues.
au Petit-Goave , mais la fubite reddition de cette place rendit vain leur entier
dévouement.
Une compagnie de nègres libres du Cap marcha en 1697 au fiège de Carthagène,
commandée par Pierre d'îmba, nègre que j'ai cité dans la defcription de Umo-
nade , & fous les ordres de M. Dupaty.
On comptait en 1718 , 900 hommes portant armes dans toute la dépendance
du Cap , & les milices de cette feule paroifle en comprenaient 450, en 1750.
Le contrôle de 1788, fait monter la milice du Cap à 1,600 hommes. Il faut
confidérer que c'eft le lieu de toute la Colonie où ii y a le plus de perfonnes que
leur état difpenfe de ce fervice , & où eft auffi le plus grand nombre de celles qui
échappent aux recherches qu'on ne fait jamais exadement en tems de paix, ou
qui trouvent des prétextes pour en être difpenfées.
En général, les officiers de milice font très-jaloux de l'efpèce de fupérioriié
que leur donne leur emploi , & plus encore de leur épaulette , mais le fentiment
contraire agite les miliciens. Les chefs mihtaires fe font habilement fervis de
l'amour - propre des officiers de milices , h ils en ont fait fouvent de fûrs
condufteurs , pour la tranfmiffion des effets de leur fyftême un peu defpotique.
Ces détails font dans l'hiftoire , ainfi que ceux des événemens dont le rétablif-
fementdes mvlieesaçté accompagné -^n 1768, S; dans ks deux années fuivantcs.
FRANÇAISE DE S A IN T - 1) O M ï N G U È s'oï
Des Médecins^ Chirurgiens à? Apthicaires.
L'exemption du fervice des milices, me rappelé les médecins; les chirurgiens
& les apothicaires, Ce n'a été que par l'ordonnance du i^r.- Janvier 1787, nue
les droits des chirurgiens , à cette exemption , ont enfin été réglés. On ne la
faifait porter auparavant que fur les chirurgiens brevetés , foit pour le fervice des
hôpitaux du roi, foit pour celui de l'Amirauté , foit enfin pour celui des milices.
On ne pourra jamais s'étonner affez, qu-'on ait cru pendant un fiècle, qu'on devait
aftreindre àun fervice militaire pcrfonnel, des hommes confacrés à foigner l'huma-
nité fouffrance , & que l'on pouvait ou faire attendre le malade , ou le condamner
à la mort, pour avoir un homme de plus à une revue, fouvent inutile, ou dsns
un carps-de -garde durant la guerre. Enfin cette barbare ineptie a cédé' aux cla-
meurs qui la pourfuivaient depuis fi long-tems.
On ne peut douter qu'il n'y ait eu des chirurgiens à Saint - Domingue , dès
l'origine de la Colonie , mais les médecins n'ont dû 7 arriver qu'après ; parce' que
ces derniers , moins nombreux par-tout que les chirurgiens, ne fe rencontrent que
dans les lieux où il y a déjà une civilifulon marquée. Le r„ médecin auqud
on paraît avoir accordé de la confiance au Cap, fût M. Dautun , qui y exerçait
en 17 10, qui était employé dans les ades publics & légaux & qu'on appelait même
médecin du r^i, quoique le i^ qui ait eu ce titre foit M. Fontaine, doéleur de la
faculté de Montpellier , que le roi nomma par brevet du 6 Oftobre 1714, & qui
futreçuauConfeildu Cap le 27 Mars 17 15. Après lui vint, eni7i9/M Du
Valain, médecin du Havre-de-Grace , puis M. Poupée Defportes ; depuis il y
a toujours eu un médecin du roi au Cap. On le confidère comme le chef des autres
médecins , qui font plus ou moins nombreux ; c'eft du moins lui qui examine les-
médecins qui fe préfentent pour exercer dans la Parde du Nord. Il y a au Cap,
depuis long-tems , quatre ou cinq médecins , outre le médecin du roi.
On y a toujours vu un Chirurgien-major ou chirurgien du roi, depuis M. Clerin
Deflauriers nommé le premier , par brevet du i^»^- Novembre 1720. II y a un
chirurgien-major de l'Amirauté , un chirurgien-major du régiment du Cap , un de
l'artillerie , un des milices , & deux ou- trois autres brevetés fous diverfes dénomi-
aatioQS. On compte dans ce moment- vingt autres chirurgiens dans cette ville.
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'502 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Il eft douloureux d'avoir à dire que cet effaim d'Efculapes , n'efl pas toujours
armé contre la mort. A Dieu ne plaife que je veuille refufer de juftes éloges à
quelques fujetsquiles méritent par leurs talens & leur conduite délicatej mais je ne
les prodigue point affez, pour les étendre jufqu'à ces fraters qui ont rêvé dans une
traverfée ou en faifant les recouvremens du navire fur lequel ils étaient em.barqués»
qu'ils font devenus médecins j chirurgiens, chimiftes , pharmjaciens , dentiftes &
accoucheurs , & qui , avec l'audace du charlatan 3 moiffonnentS; les hommes &
^'argent, & indignent ceux qui favent combien l'étude de l'homme malade eft
difficile , Sccombien l'ignorance eft , en ce genre , voifine de l'aflaffinat.
Depuis l'ordonnance du mois de Mars 1763 , il y a un apothicaire du roi au Cap,
& l'on y trouve en outre douze autres apothicaires ou droguiftes. Cette partie eft
aufll livrée aux plus grands défordres. L'ordonnance de MM. de Reynaud &Le
BralTeur , du 3 Novembre 1780 , fur les poifons, eft inexécutée , malgré fon im-
portance , & les apothicaires qui ignorent, pour leur feul intérêt, que des
médicamens décompoles font toujours dangereux, puifque leur moindre inconvé-
nient eft de ne pas produire d'effet, lors m,êa:e qu'ils n'en cauientpas un contraire à
celui qu'on en attend , vendent impunément les drogues les plus défeétueufes. On
fcnt allumer fon indignation , quant on fait que toutes ces prévarications coupables
trouvent des excules & m.ême des appuis. Qui que vous foyez qui les tolérez,
je vous dénonce à l'humanité entière & je n'en excepte pas le gouvernement qui
les connaît & qui ne prend pas un bras de fer pour anéantir de tels ennemis de
l'efpèce humaine.
Le roi avait nommé un médecin accoucheur le 25 Avril 1775 > ^ Q^i s'était
établi au Cap. Il devait former des fage-femmes , & rien n'était plus néceffaire.
Une ordonnance de MM. de Reynaud & Le Brafleur du 18 Janvier 178 1 , a pris
desmefures pour étendre cette inftruclion, fans laquelle on continuera à facrifier
des mères & des enfans. Le médecin-accoucheur du Cap eft mort. L'on y trouve
des fage-fem.mes. Deux dentiftes font aulTi réfidant au Cap & y font occupés, quoi-
que les dents foient pafîablement belles à Saint-Domingue. Mais les nègres fur- tout
font trop imprévoyans fur les courans d'air, fur les eff^ets du ferein , lur les con-
traftes de l'atmofphère pour n'être pasexpofés à les perdre & à en foufFrir
beaucoup.
Enfin l'on trouve auîTi au Cap un artifte vétérinaire. M. de Boynes, convaincu
de l'utilité dont ferait: pour des Colonies , des hommes occupés de conferver des
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 50J
animaux qu'on y paye fi chers & dont le remplacement eft quelquefois impoffibles
chargea l'école vétérinaire d'Alford de former des fujets, aux dépens des Colonies^
où ils s'engageraient de refter pendant 12 ans. C'eft ainfi que Saint-Domingue en
à eu deux, M. Dutilleul, qui y eft mort, & M. Gelin. Il y a long-tems que
l'opinion publique reclame en faveur de M. la Pôle un brevet de vétérinaire ^
pour récompenfer les travaux conftamment utiles de cet artifte.
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Dâ la Chambre d' Agriculture.
Un établilTement très-remarquable , parmi ceux du Cap , c'eft la Chambre
d'Agriculture. Depuis trente ans , le Confeil Supérieur de la Martinique avait
demandé que les Colonies euffent en France des députés , chargés d'y expofer
leurs befoins , d'y fuivre leurs demandes , d'y foutenir même leurs intérêts ; mais
cette follicitation , trouvée hardie , n'avait eu aucun fuccès , lorfqu'au mois de
Juillet 1759, des arrêts du Confeil d'État établirent des Chambres mi-parties
d'Agriculture & de Commerce y dans quelques Colonies. Saint-Domingue en eût
deux , dont l'une fut placée au Cap.
Quatre habitans & quatre négocians la campofaient ; elle avait pour attribution'
tout ce qui avait rapport au commerce & à la culture , Se le droit de nommer un
député de la Colonie avec entrée & féance au bureau de commerce à Paris ,
comme les autres députés des principales villes du royaume. Ce plan qu.i prétendait
à l'union des inconciliables & qui donnait pour préfident à des hommes , donc
l'opinion devait être libre » l'intendant ou l'ordonnateur qu'ik ne pouvaient
confidérer que comme un furveillant , ne produifit que des querelles & des
diflentions , & il fallut le changer. C'eft ce que fit l'ordonnance du 24 Mars 1763
qui créa deux Chambres d'Agriculture qui ne devaient être compofées que,' de
fcpt colons Créols ou ayant habitations. Tout ce qui concerne la population , les-
défrichemens , l'agriculture, la navigation , le commerce extérieur & intérieur,,
les communications au-dedans , les canaux ,. en un mot , tout ce qui peut contri-
buer à l'amélioration, aux progrès & à la fureté delà. Colonie ,; font du reftbrî:
de la Chambre d'Agriculture qui, doit remettre, un; double de fes mémoires aus-
Adminiftrateurs , & qui conferve , comme les anciennes,,, une correfpondanc©:
avec le député de la Colonie».
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S04 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Mais la fonftion la plus délicate confié-e aux Chambres d'Agriculture , c'eft
l'avis qu'elles doivent envoyer au miniftre , à chaque mutation de gouverneur-
général ou d'intendant, fur Ton adminiftration , en parlant de fon caraélère , de
fes talens , de Tes fautes , de fa probité , 3c du bien ou du mal qu'il aura produit
pendant fon adminiftraticn.
La Chambre d'Agriculture a -eu de faibles commenceraens • compofée d'une
manière qui a prefque toujours été contraire à l'efprit de fon inftitution , -c'eft
furtout dans l'origine que la gêne dont on s'eft plû à l'environner a eu le plus
d'influence. Elle a cependant produit une centaine de mémoires fur divers fujets
plus ou moins intéreffans & parmi lefquels il fe trouve des vues très-utiles & des
traits qui montre que le courage ne lui a pas toujours été étranger. Je dois même
dire que fes membres ont eu quelquefois befoin d'en avoir de plus d'un genre.
Pour peu qu'on connaifle Saint-Domingue & le gouvernement colonial, on
croira airément qu'un établiiTement qui avait pour un de fes motifs , le défît de
connaître la conduite des Adrainiftrateurs , par l'examen que la Chambre d'A<î-ri-
cukure avait droit d'en fair-e , pourvu qu'il fût fecret pour tout autre' que le
miniftre , n'a pas dû être toujours à l'abri de l'autorité dont elles devait juger
l'ufage. C'était même un calcul allez fîmple de )a part de ceux qui redoutaient fâ
cenfurt , de travailler à lui donner d'avance un caradère de récrimination.
L'hiitoire aura donc , à cet égard , des traits à citer.
Je fuis loin de vouloir que la CJiambre d'Agriculture puiffe s'ériger en école
de calomnie 5 je fens qu'il faut que le mal comme le bien qu'elle rapporte foit
appuyé par des faits ; mais je voudrais , en même-tems , que quiconque atten-
terait à la liberté de fon opinion , fût frappé par une peine publique, L'équité
voudrait que fur les chofes qui compromettent l'Adminiftrateur vivant, le miniftre
lui fournit k moyen de fe juftiner auffi par des -faits; mais , encore un coup , le
devoir de la Chambre eft affez beau , il importe afîèz à l'intérêt public pour qu'il
eût être îacré. Et qu'on n'oublie jamais que c'eft à la Chambre d'Ao-ricukure
du Cap qu'en doit la première imprimerie qui aexifté à Saint-Domingue.
Elle s'aflcmble d'ordinaire dans la maifon de fon lêcrétaire qui a pour traite-
ire-Ht 6,200 livres dans lefquelles eft comprife la dépenfe d'un local pour ces
affe.nblées. C'eft toujours p^rmi les avocats du Confeil du Cap que le
fecrétaire a été choifî , & j'exerçais cet honorable profeffion , lorfque j'ai été
fecrécaire -adjoint de la Chambre d'Agriculture du Cap,
De
Ji-RAJ^e AlSf: D£ SAINT-DOMINGUE.
I)e la Chambre de Commerce.
En décrivant la première Seaion , j'ai indiqué le lieu où s'aflemble la
Chambre de Commerce ou la Bourfe. Depuis quelques années fon zèle s'eft
.réveillé , & fans vouloir donner à cette réunion le caraftère d'une corporation
légale le gouvernement l'a maintenue & même protégée dans certaines circonf-
tances. La Chambre de Commerce du Cap a un diredeur & quatre fyndics en
jexercice , un fyndic correfpondant en France & un fecrétaire. Les anciens
direéteurs Scies anciens fyndics qui doivent devenir direéleurs dans l'ordre de leur
-exercice, en font membres. La Chambre s'aflemble à la bourfe , tous les mardis,
à quatre heures de l'après-midi. Là on s'occupe d'affaires de commerce & l'on
répond les différens parères. S'il s'agit d'objets majeurs , ou de quelques nomi-
nations , tous les négocians font convoqués. On ne peut s'empêcher de défirer
que les négocians du Cap veuillent bien définir ce qu'ils entendent par ce titre &
fixer les conditions néceffaires pour le mériter ; car tant qu'on fera de l'état de
néo-ociant l'état de celui qui n'en a aucun , on fera autorifé à croire qu'il n'y a au
Cap , ni négocians, ni Chambre de Commerce.
Les parères , que donne celle qui porte ce nom , font extrêmement fagès ; ils
préviennent des procès & fervent fouvent à les faire décider dans les tribunaux.
Perfonne ne doit plus d'éloge que moi , au défir qu'ont les divers membres d'être
utiles à leurs concitoyens ; la Chambre a bien voulu , dans ceette intention , me
communiquer fes archives.
Elle avait même un deffein que j'ai vainement elTayé de fervir. Frappé
de la verfatilité de l'opinion fur le droit de commiffion dû aux divers agens
qu'on employé dans les Colonies , comme les mandaitares , les exécuccurs-
teftamentaires , les régiflleurs , les commiffionnaires, &c.; fatiguée par la multipli-
cité des queftions fur le même objet ; perfuadée que l'on peut excéder les juftea
bornes dans certaines réclamations , la Chambre a fait un relevé qui forme une
■efpèee de tarif , fondé fur l'ufage , fur des décifions judiciaires & fur fes. propres*
parères. L'avantage de ce travail m'avait frappé & j'avais offert dele faire imprimer
à Paris. J'en parlai.au miniftre & je crus devoir le lui vanter , je follicitai même
fon agrément pour Timpreffion; il me répondit que ce ferait approuver & la Cham-
bre de Commerce & fon tarifa mais que je n'avais qu'à faire imprimer avec une
TQme I. S s s
n
\
ï
^06 DESCRIPTION DE LA PARTIE
permiffion tacite. Je m'adreffai alors au lieutenant-général de police , dans les-
bureaux duquel on me dit qu'on ne ^pouvait fe difpenfer de communiquer le
manufcrit au miniftre de la marine , parce qu'il intéreffait Ton département j.
grâces à ce cercle vicieux , le manufcrit eft encore entre mes mains.
On pourrait être furpris que la Chambre de Commerce n'ait pas fait imprimer
cet ouvrage au Cap même oij j'ai annoncé l'exiftence d'une imprimerie. Mais elle
voulait en faire tirer un grand nombre d'exemplaires & ce projet aurait été coûteux
par la difproportion que met néceffairement la cherté de la main-d'œuvre colo-
niale entre le prix de l'impreffion en France & à Saint-Domingue, II eft cependant
des objets fur lefquels cette différence ne s'apperçoit pas , puifqu'on a maintenant
pour 44 livres de France , par an , un abonnement de la gazette de laColonie quL
a jufqu'à ijCCO pages.
De la Gczette^
Cette Gazette fut un des premiers bienfaits produits par l'établiffement d'une
imprimerie dans la Colonie, qui en donna l'idée au moment même ou elle
s'infcallait. M. de Clugny, que fa place d'intend-ant chargeait d^ la furveillance
de l'imprimerie, protégea le projet de la Gazette & en accorda le privilè.o-e exclufif
à M. Monceaux, avocat du Confeil du Cap, le 10 Janvier 1764. Le profpeflus
en fut publié auffitôt & il fuffit de le lire pour être convaincu de l'utilité de
l'entreprife. Le défaut de communication entre les différentes parties de la
Colonie & même quelquefob d'une paroiffe à l'autre, rétréciffait tous les rapports
toutes les connaiffânces , rien d'avantageux ne pouvait devenir général , rien de
dangereux ne pouvait trouver des contradicleurs au-delà d'un efpace borné -, en
un mot, pour me fcrv'ir des expreffions du profpeftus , on parlait au Cao , de
Jacmel & du Cap-Tiburon comme des montagnes du Chily & des terres Mao-el-
laniques. La Gazette promit & donna des notices de ehofes imprimées en France
relativement au commerce , à l'agriculture , à la navigation, à la politique & à
la culture coloniale ; elle publia les ehofes à vendre & à affermer j le prix des
denrées 85, celui du fret. Le premier numéro parut le Mercredi i"- Février 1764.,
fous le titre de Gazette de Saint-Domingue. Elle était hebdomadaire & contenait:
E pages d'imprcffion in-4°» La. foufcription pour la première année fut de 120 ILv*
III l«jpi', IJ n^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 507
La nouvelle de la publication de cet ouvrage périodique parvint à Verfaiiles bk
y fema l'allarme dans les bureaux de la marine. On crue déjà voir la transformation-
de cette feuille en un ouvrage polémique ou le gouvernement ferait frondé , & 1^
miniftre ea ordonna la fuppreflîon par une lettre du 13 Mai 1764, Heiireufement-
que M. d'Eftaing ne partagea pas ces terreurs ; mais pour concilier FGbéiffance -
avec l'utilité de la feuille , la Gazette de Saint-Domingue devint : Jvis divers £i7
Petites Affiches Américaines. La métamorphofe s'opéra le 29 Août 1764 , & le
i^'- Janvier 1766 , la gazette devint les Affiches Américaines , dénom.ination
qu'elle a encore aujourd'hui.
En 1768 , MM. de Rohan & de Bongars exigèrent que la Gazette s'imprîfPât
fous leurs yeux , elle fe Ht donc au Port-au-Prince , à compter du 23 M.rs 176B ,
& on y joignit alors un fupplément foua le titre &Avis du Cap , puis d'Avis du.-
Cap ou Supplément aux Affiches Américaines & enfin de Supplément aux Affiches
Américaines.
La Gazette perdit fon infticuteur & fon premier rédaéleur qui mourut le 21
Août 1768. L'avocat-littérateur fut remplacé par M. Duchemin Defpaletz , ancien
officier du régiment de (^crcy , né près d'Agen & qui mourut au Port-au-
Prince , le 9 Janvier 1771. Lorfqu'il y eut un fécond imprimeur dans la Colonie,
établi au Cap , il voulut faire auffi des Affiches Américaines , mais les Adminif,
trateurs décidèrent, en 1777 , que c'était le privilège de l'imprimeur du lieu de-
leur réfidence , fauf à l'autre à imprimer les avis du reffort où il était, par forme
de fupp]ément. Cette décifion défavorable aux prétentions de M. Dufour de
Rians lui devint bientôt utile par la guerre de 1778 , qui amena les Adminiftra-
teurs au Cap. La Gazette commença à y être imprimée le j Otlobre 1778,
& le fupplément au Port-au-Prince jufqu'au 3 Juillet 1784 , que l'ordre inverf^"
a repris.
Vers 1780 , M. Rhodier fecértaire du gouverneur-général & depuis avocat dû
Confeildu Cap, avait été chargé de la rédaélion qui a éprouvé un changement
ainfi que le privilège de la Gazette. L'imprimeur du Cap obtint le i- Juillet
1783 , avec le privilège exclufif pour la Partie du Nord , pendant quinze ans , le
privilège de la Gazette , à condition qu'elle aurait un rédadeur choifi par les
Adminiftrateurs. Ceux-ci, ont nommé le 17 Novembre fuivant, M. Mozard qui
en eft encore chargé.
Le prix des Affiches Américaines eft, depuis 1765 ou 1766, de ee livres par
S s s a
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il
I
^08 DESCRIPTION DE LÀ PARTIE
an , quoique leur volume ait prefque triplé , & par le plus grand nombre de pages
& par la différence des caraélères employés à leur impreffion. Ce ferait même une
chofe inconcevable , fi l'on ne difait pa? que le volume fe trou\''anL grofll en grande
partie par diverfes annonces dont l'on payé rimpreffion , ce qui donne un produit
indépendant des foufcriptions , l'imprimeur gagne d'autant plus , qu'il paraît
donner davantage pour le même prix. En 17S8 , le nombre des abonnés était de
îjfoOj ce qui donnait 99,000 liv. , dont rimprimeur du Port-au-Prince a les deux
tiers , parce que c'eft lui qui imprime lapartis qui é£t vraiment Gazette. Cet im-
primeur a de plus pour ijfoco livres d'avis , fa part eft doue de 8-1,000 livres S;
fa dépenfe d'environ 5,6,000 liv. L'imprimeur du Cap â pour au moins 25,000
jivres d'avis, qui, avec 3 j.000 livres de fon tiers de la gazette, font 5^,000 liv. & fa
dépenfe efl; de 33,000 liv.j donc les Aiîîches Amcricaines, qui procurent 139,000,
payent leur dépenfe de 89,000 livres, & laiffent im bénéfice de 50,000 livres ,
qui fe trouve divifé par moitié entre les deux imprimeurs.
Dans les dépenfes j'ai compris celle dé 12,000 livres , que les Admiftrateurs
ont allouée par an à M, Mo2ard pour fa rédaélion. Ce ferait manquer à la juftice' de
ne pas dire que perlonne n'a plus cherché que lui à répandre de l'intérêt dans cette
feuille. Il n'eft point de détails colorriaus qu'il n'ait foUieité ou reçu avec en^preffe-
ment, & il a fu exciter fouvent & le zèle & l'amour-propre de plufieurs perforines
inftruites , & s'il avait été mieux fécondé en général, le public aurait encore gagné
plus d'irrftruftion. Depuis que la rédaftion lui efl: confiée, il a rendu cette 1ère.
feuille périodique de Saint-Domingue encore plus utile , par des calculs , par des
vues neuves, &t l'imprimeur qui a fu fe faire accorder le privilège exclufif, ne doit
pas regretter ce que le rédacteur prend fur un bénéfice , dont une partie eft réel-
lement due à fon talent.
Il ne faut pas oublier, lorqu'on juge cette feuille, qu'elle a toujours été
foumife à la cenfure. D'abord à celle de l'intendant feul , comme le veut l'éta-
blifTement des imprimeries à Saint-Domingue. Les gouverneurs-généraux avaient
bien tenté , mais infru6lueufement , de s'en emparer plufieurs fois , jufqu'à M. de
Bellecombe qui parvint à fe fubftituer à la place du trop facile M. deBongars.
Cette ufurpation a été convertie en titre par le privilège acc-ordé à M. Dufour de
Rians en 1783 ,& la cenfure àt cette feuille eft devenue commune aux detrx
Adminiftrateurs. M. François de Neufchâteau, procureur- général du Confeil
éitt C^ , prétendit en 1785, que ka fonâiions 4es A-dminiftrateurs Its empê-
'•■'•». .1'-, .' I"I*JI, ^ I «pi
FRANÇAISE DE S A ï K T - D O M î N G U É. 509
chalent de l'exercer comme elle devait l'être, èc il croyait que cette cenfure devait
faire partie de Tes propres fondions , comme fi elles n'étaient pas elles - mêmes
afîèz nombreufes & aflez relevées , pour écarter cette velléité.
■ Il eft abfolumcnt impofHble'de fe procurer dans toute la Colonie, un exemplaire
complet des Affiches Américaines, & M. Mozard lui-même, n'a pu les trouver
au-delà de 1782. J'ai refufé beaucoup d'argent de la mienne , l'unique , je croîs,
qui exiile. Si l'on avait fait, ce quejeconfeille, c'eft-à-dire , fi Ton avait adrcffé
des exemplaires de ce qui fort des preffes coloniales à la bibliothèque du roi,
àlï dépô^: & au bureau des Colonies , l'on ne ferait pas expofé à manquer
fouvent de renfeignemens que cette colleélion aurait ofîvrts. Je l'ai aflez prêtée
aux bureaux du miniftère pour qu'on en ait fenti l'utilité. C'eft fur mon obferva-
tion que le miniftre a chargé les Adminiitrateurs , par fa lettre du 3 Juin 1785 ,
de lui en envoyer déformais quatre exemplaires.
«••»^>^S><^.:S>^S*^><S>S>-S>®Ji^ioMo
De l'Almanach à? de quelques Ouvrages imprimés à Saint-Dc7ningue.
C'est encore au Cap qu'eftnée Tidée d'avoir un almanachde Saint-Domingue.
Le premier parut en 1765. C'était un petit in-io.. inp.rimé avec les mêmes carac-
tères que les Affiches Américaines. Cet eflai ne pouvait plaire ni par la partie
typographique ni par fon peu d'étendue. On fie donc venir des caraélères exprès,
eequi fut caufe qu'on n'eut pas d'almanach de 1766. En 1767 , il a paru format
in-i6 . d'une aflez jolie édition. En 1769, & enfuite, il fut fait au Port-au-Prince.
L'imprimeur du Cap en a fait un de fon côté , depuis 1778 , comme celui du Port-
au-Prince le faifait du flen , & avec des caraélères plus analogues. Il y a de
légères différences entre les détails de l'un & de l'autre , mais encore y en a-t-il'
Cet ouvrage eft- très-utile, en ce qu'il fait connaître les divers fonftionnaires pu-
blics de la Colonie. J'ai quelquefois concouru à donner à ce petit recueil des détails
particuliers.
Le fiiccèi^ de la Gazette , dès fon origine , avait donné à M. Defpaletz ,
qutf j-'ai déjà nommé à ï'ârticle de k Gazette, l'idée d'un autre ouvrao-f
périodique , fous le titre de Journal de Sainî-DoniingUe , dont le premier numéro
partît au mois de Novembre 1765. Ce Journal , dont il ferait très-difficile de fe
|)i-Ocurer dix eicemplaires complets à Saint-Domingue , paraifTait chaque mois fous
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D Ë S C R I P T I O îs DE LA
PARTIE
le format in-\z. Des 64 pages de chaque numéro, la moitié était deftinée à parler
des mémoires des Chambres d'Agriculture , à donner des extraits d'ouvrages fur
les matières économiques, le co nmerce &c la culture, fur les machines propresaux
Colonies, &; à rapp-orter des obTervations fur les maladies de leur climat j enfei
ce devait êire le dépôt de recherches utiles en phyfique , en hiftoire naturelle »
l'autre mioitié était réfervée aux belles-lettres. Rien de plus intéreffant fous tous
lesripporcs, que ce recueil, qui mêlait i'uti'e à l'agréable; une fo ik de mémoires
fur divers fujets , des obfervations toutes propres à faire bien connaître Saint-Do-
mingue & fon importance , des pièces de littérature qui excitaient l'émulation des
Gréols, tout était fait pour recommander l'entreprise de M. Defpaletz, à qui l'on
ne pouvait refufer un goût éclairé ; mais au quinzième nuT.éro ( Janvier 1767 )
il ne fe trouva plus de foufcripteurs. En vain l'imprimeur propoia de continuer
l'impreffion, feulement pour les frai>; en vain quelques hommes jaloux de la o-loire
de la Colonie offrirent de faire toutes les dépenfes , fi les coopératcurs du Journal
voulaient continuer à l'alimenter, rien ne put iauver le Journal de Saint - Domingue.
Son anéantilTement eft un reproch- pour la Colonie. On l'imprimait au Cap.
On fit paraître aulTi , vers le même tems , une petite feuille intitulée VIris
Américaine, qui ne contenait que de lapoëfie. Ce genre léger n'eut qu'une exiftence
éphémère , &: l'Iris difparut. Il m'a même été impofllble d'en découvrir la plus
petite trace.
Il faut encore citer le Cap pour un autre ouvrage périodique. C'eft une gazette
de Médecine Se d'Hippiatrique , dont M. Ducheu.in de l'Étang avait obtenu le
privilège exclufif, par brevet du 26 Décembre 1777. Cette feuille , dont il n'a
paru que huit numéros les i". & les 15 des mois de Novembre & Décembre
1778 , Janvier & Février 1779 , en huit pages in-^"". , n'a pas eu un fuccès qui
ait pu la Ibuten'.r. Elle était intitulée Gazette de Médecine.
Heureufcment que la Société des Sciences & Arts du Cap eft propre à rempla-
cer, en granae partie, un ouvrage tel que celui qu'avait entrepris M. de l'Étang,
& qui exige le concours de plufieurs obfervateurs. C'eft une ample moilTon que
celle qui s'offre àu médecin, au chimifte , au phyficien , au botanifte & au
vétérinaire , dans un pays où prefque tout eft à faire dans ce genre & où la nature
préfente de riches matériaux. Une fociété d'hommes laborieux, s'excitant les uns
les autres , doit être naturellement le point où les recherches , les obfervations,
les rérukats , doivent être communiqués & examinés , avec le défir d'en faire
une utile application à l'humanité entière.
4L
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE- 511
Il ferait, par exemple, beaucoup plus du reffort de-cette Société que du mien,
de parler de la température du Cap , de fon climat, des événemens météorolo-
-giques dont elle offre robfervation , & de l'influence de toutes ces circonftances
fur les perfonnes qui l'habitent. Mais ce qu'elle fera fans doute un jour d'une ma-
nière profonde, je vais l'efquifîer,
•o«oi|[>..,|0..,l^.,|(^,|^,„(^„(^„|^.„|^„^.,|j^.,l|^„,„-
Du Climat & de la Température du Cap.
La ville du Cap eft contournée dans toute fon étendue au Nord , à l'Oueft
& en partie au Sud par une montagne 5 ou pour parler plus exaflement, la
ville occupe l'intervalle qui fe trouve entre deux cuiffes de cette montagne , in-
tervalle qu'ont augmenté des applaniffemens fucceffîfs. Il faut diftinguer dans le
fol où elle eft bâtie, deux portions qui diffèrent eATentiellement par leur nature-
La première, la plus voifine du morne à l'Ouefl , efl un prolongement de la
bafe de celui-ci, & on le reconnaît aux couches de roc dont elle eft formée j
l'autre eft un terrain fabloneux , graveleux , un véritable remblai formé par
les dégradations du morne, que les pluies ont tranfportée s , par les terres que
la rivière du Haut-du-Cap aura chariées dans les débordemens , ou lorfque fon
cours était irrégulier, & enfin par les divers defféchemens & les avancées faites
dans la mer à différentes époques. La première partie comprend la troifième , la
quatrième & la cinquième Seftions, & l'autre renferme la première , la féconde,
la fixième , la feptième & la huitième. Il y a cependant dans la féconde une
portion du premier genre , c'eft celle où était autrefois le petit morne des
Capucins. Le bout Sud de la fixième Seftion eft auffi une prolongation de la
bafe de la branche du morne , qui lui eft encore prefque contigue.
Le fol du Cap a, depuis le morne jufqu'à la mer, une forte inclinailon (*) ,
Wi
(*) De la ravine des Cazernes , depuis le point où elle re'pond dans l'Oueft à la porte de cet édifice
iqua cette porte même , il v a . ,, „j„ . . _ i; „ a ..
jfuquà cette porte même , il y a
De la porte des cazernes à la rue des Vierges^ ,
De la rue des Vierges à la rue Saint- Jacques ,
De la rue Saint- Jacques à la rue Efpagnole ,
' Efpagnole à la rue Royale ,
— Royale à la rue d'Anjou ,
' — d'Anjou à la rue Dauphine ,
- Dauphine aux maifons fur le quai ,
De ces maifons à la mer ,
22 pds. 1 1 p. j, lignes de pente.
14
14
16
8
6
2
9
3
9
9
10
II
J9
3
33
99
III
2
3
—mm
^.
512 DESCRIPTION DE LA PARTIE
auffi la rapidité des eaux j lorfque les pluies violentes de la Zone torride tomben,.
fur le morne du -Cap, y eft-elle remarquable. L'on conçoit avec quelle facilité les
rues fe féchent prefque auffitôt que la pluie a celle , furtout dans la partie qui
eft la plus voifine du morne.
La différence que j'ai annoncée dans le fol de la ville , en produit une alTez
marquée dans la fanté de fes habitans. On obferve qu'en général les maladies
font moins fréquentes & moins rebelles dans la partie fupérieure que dans celle
qui avoifine la mer , & que les vifages font moins chargés de cette nuance d'un
jaune terne qui femble être le partage des Colons des Antilles qui habitent le
loncr des côtes ; nuance qui efi communément moins fenfible chez les femmes.
Le Cap eft fitué de manière à recevoir l'impreffion du foleil dès fon lever ,
Se dans la Zone torride la chaleur commence avec l'apparition de cet aftre. A la
vérité, la brife du large peut auffi y déployer toute fon aftion , mais le fite
produit une différence remarquable entre les effets du vent & ceux du fokil.
La brife trouvant un obftacle invincible dans le morne auquel la ville eft
adoffé , perd une partie de fa \iteÇ[c & tournoyé en quelque forte pour trouver
une iffue , foit en rencontrant la petite gorge qui termine la quatrième Seftion >
au-deflus de la Providence , foit en fe repliant le long de la branche qui va dans
la direftion du Sud- Eft fe terminer vers le cimetière de la Foffette. Le folei^
au contraire favorifé par cette barrière même, darde avec force des rayons que
le morne réfrade & qui acquièrent ainfi une chaleur réverbérée que l'abfence
de la brife rend infupportable & étouffante.
La brife de terre ne peut pas toujours la tempérer , car la pofidon du morne
la force auffi à gliffer le long de la branche dont je viens de parler pour
s'infinuer par la bande étroite qui eft entre le cimetière & la mer. Ce n'cft donc
qu'en évoluant fur elle-même qu'elle peut parcourir la furface de la ville & dans
les longsjours d'Été où le foleil eft ardent & la brife de terre très-faible (s'il
n'y a pas eu d'orage ) , il eft très-exaft de dire que la chaleur de chaque jour
eft augmentée par une portion de la chaleur de la veilk.
La continuité d'une caufe auffi puiffante , rendrait néceffairement le Cap
inhabitable , Ci le climat de Saint-Domingue n'était pas marqué par deux faifons
qui fuivent les deux Equinoxes , & fi les météores n'avaient pas i dans la Partie
du Nord, deux révolutions qui y eorrefpondent.
Depuis le commencement du mois d'Oftobre jufqu'à la fin de celui de Mars ,
les
*m*i':-i' • '■'■ 'MM ^fc iji'w
^'1^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 513-
îes vents d'Oueft £c de Nord s'emparent de ratmofphère. Les premiers ,_Cout-à-
h fois pefansj chauds & humides, font éprouver la fenfation la plus pénible de
ces climats brûlans, par la privation totale des brifes qui donnent de l'elafticité à
l'air & le rendent refpirable. On n'cft pas , il eft vrai , tourmenté par cette
tranfpiration qui allume le fang après l'avoir defféché , mais on fe fent brûler
d'un feu concentré. Le corps eft abattu , l'efprit s'éteint, l'ame s'affaifTe. Viélime
du tyran qu'on alimente de fa propre fubftance , on a foif d'air , mais l'air eft
ftagnant, & l'on eft dans l'état d'une efpèce de fièvre nervale quia auffi fes
anxiétés. Enfin après un mois ou fix femaines d'attente , les Nords exercent
leur empire , & à la chaleur qui anéantiffait toutes les facultés , fuccède un fen-
timent de froid qui les réveille. La fibre reprend de l'énergie , & dans ce
changement la jeuneffe trouve un principe réparateur , tandis que les anciens
Colons ont au- contraire à redouter plufieurs maladies deftruftives.
Les Nords , s'ils font fecs , ce qui eft affez rare , produifent auffi un effet
cauftique ; ils delTèchent les plantes & communiquent à l'air un caraélère d'âpreté
.qui donne au fang une indifpofition inflammatoire. Les Nords pluvieux n'ont pas
le même inconvénient , & fi l'excès des pluies n'amène pas à fon tour les
maux d'une extrême humidité , cette faifon eft la plus utile & celle qui donne la
température annuelle la plus douce. Il eft fingulier d'entendre , lorfqu'elle règne ,
fortir de prefque toutes les bouches qui n'aguêres exhalaient la plainte du chaud ,
Jar plainte contraire , que les Africains poufîènt toujours les premiers.
Dans l'autre femeftre , les chaleurs vont toujours croiffant. Il n'y a plus que
des pluies d'orage, & les vents de Sud qui les précèdent, ou qui même les accom-
pagnent , font chauds & quelquefois violens & dangereux pour l'agriculteur &
-pour le marin. Avec ces orages furviennent des mouvemens foudains dans l'état de
ratmofphère ; à l'exceffive chaleur s'allie une humidité produite par l'eau que le
ciel vcrfe en torrens ; à l'ouverture des pores, fuccède une ftriélion plus ou moins
fenfible ; l'évaporation foudaine des eaux pluviales produit un refroidiflèment
d'autant plus dangereux pour l'imprévoyance, que le mal-aife phyfique, caufé par
le chaud , porte à le défirer & à fe livrer à fes douces mais trompeuses
influences.
Ces effets généraux des deux faifons rapportés au Cap , y font encore plus
fenfibles , comme le Leéleur doit l'avoir déjà preffenti d'après ce que j'ai dit
du fite de la ville. Ce fite augmente la chaleur £c caufe auffi une augmentation
Tome L T t t
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1i'
1^
514 DESCRIPTION DE LA PARTIE
dans rhumi-iité. Celle-ci efl due , d'abord à h nature de la brile du large qui ,
ayant parcouru une immenfe étendue de mer ^ arrive chargée d'un principe falin
dont tous ks corps qu'elle frappe atteftent l'exiftence. Arrêtée par le morne &
obligée de féjcurner fur la ville , elle charge l'atmorphère de ce mêmiC principe
& fait contracT:er à l'air une propriété déliquefcente , qui agit & fur l'habitud-c
du corps & iur les humeurs , après avoir nui aux organes. Une féconde caufc
d'humidité & d'humidité malfaifante , ce font les points bas & marécageux oui
environnent encore le Cap ^ & dont l'efFct était vifible fur les habitans de la
rue Efpagnole & de fes environs , lorfqu'en 1739 dl fut un des motifs cui îit
ordonner de combler l'efpace fitué entre cette rue &: la mer. Les deux rives
de la rivière à Galiffet ne font , pour ainfi dire , que deux m.arais , & l'on a vu
qu'en 1758 ils occupaient encore la m.oitié du territoire aftuel de la ville. Le
foleil pompe avec force les exhalaifons de cette furface m.arécageufe , & les deux
■brifes ks am.oncèlent fur la ville.
L'air qu'on refpire au Cap eft donc tout-à-la fois épais, humdde & chaud
Se les variations qui le trouvent dans l'intenfité de ces trois qualités , ne font
jamais telles qu'elles puiffcnt le rendre très-fain. On conçoit néanmoins que tous
les travaux , faits depuis 50 ans , ont rendu le féjour du Cap infiniment plus
talérable. Sans doute la pofidon de la Petite-Anfe fuppolée avec les remblais
faits autour du Cap, ferait très-préférable par la circulation de l'air, par la
facilité d'étendre pre,<qu*indé*iniment la ville 8-t de l'environner de tous ks
établifTemens qui lui auraient été néceffairts , loit comme lieu de commerce ,
foit comm.e lieu de force.
Après avoir parlé de l'air, je dois examiner quel eft le partage du Cao
relativement à l'eau , cet autre agent de l'exillence , fur iaquene il a un eifet
tout-à-la fois prochain & éloi2;né.
J'ai rapporté comment cette ville avait acquis fucceffiverr.tnt pîufieurs fon-
taines 3 dont quelques-unes mêmes font très-récentes. C'cft :. ce dernier travail
qu'on fera redevable d'être garanti de la prnurie d'eau que faisaient éprouver les
grandes féchereffea.
, Jufqu'en 1788, en ne comptait que ilx fontaines publiques , celle de h.
prifon , celle de la place Montarcher Se celle de la placê-d'arrnes ^ qui recevaient
leur eau de la fcurce de l'habitation des R.eligieufes , celle de îa rue eu Confeii
celle de la phce Clugny & celle d'Eitaing, qui la recevaicn-: de la fource
^^.
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 515
d'Erpaigne. Ces fontaines tariffaient avec une grande facilité. Il fiilait même aider
celle d'EPcaing ( qui avec quatre robir^ets de deux pouces, n'avait rtellem.ent '
que deux poucesd'eau), par lejeude deux pompesplacées dans le puits du magafin
du roi. Elles exigeaient, en outre , tant d'entretien, que de 1771 à 1781, elles ont
coûté plus de 50,000 livres au roi. A la vérité , l'on comprenait la dépenfe de la
conduite de l'eau de la ravine à Douet à la fontaine des Cazernes & au Gouverne-
ment. La qualité préférable des eaux de cette dernière ravine & l'augmentation que
leur recueillement promettait, déterminèrent les Adminiftrateurs à adopter , en
1784, le plan d'un grand travail. M. de Boisforefî: , direfteur des fortifications ,
l'ayant amèrement cenfuré en 1785 , les Adminifcrateurs fe virent forcés d'en
confier exclufivement l'exécution à M. de la Fire , ingénieur. Ce travail qui
confifte principalement en un grand aqueduc & qui a coûté 900,000 îiv. , fut
encore critiqué avec le défit fecret de le trouver condamnable , mais l'envie a
été forcée de l'approuver.
Aujourd'hui , grâces au zèle & au talent de M. de Rallier , ingénieur en
chef de la Partie du Nord , la ravine à Douet donne de l'eau aux Cazernes , ati
Gouvernement , aux Religieuf^;s , & l'excédant va fe réunir à l'eau venue de la
fource de l'habitation des Religieufes. Celle-ci fournit d'abord aux prifons Se ^
réunie enfuite à l'excédant de la ravine à Douet , elles vont enfemble alimenter
la fontaine Montarclier & la fontaine Clugny ; tandis qu'une portion va à la
fontaine de la place-d'armes & fe rend enfuite à celle du quai au bas de la rue cîe
la Fontaine & aux utiles lavoirs qui font fur le quai. L'eau de la fource
d'Efpaigne , déformais groffie de celle qui allait autrefois à la place Cluo-ny , fert
feulement la fontaine de la rue du Confeil , &c va de là ii la fontaine d'Eftaing.
Enfin l'eau qui coulait à la Foflette depuis quelque tems , a fourni auffi à la
nouvelle fontaine de la place Royale. Il y a donc , en 1789, outre l'eau des
prifons , du Gouvernement , des Cazernes 8c des Religieufes , neuf fontaines
publiques.
M. de Rallier avait formé un projet qui devait procurer trois fontaines ce plus,.
Supprimant le robinet qui donne l'eau à l'angle de la prifon, il vouînlt le rem-
placer par un robinet qui , correfpondant au Gcuvernement , aurait été placé à
l'ang'e Sud-Efl: du Champ-de-Mars. L'eau qui va de la fontaine de la olace-
d'armes à celle qui eft fur le quai , devait fervir , en paffant , un robinet au bout
de h rue de la Pointe , dans le marché aux Blancs ; Çc la (burce des Relio-ieufe-s
T t t 3
ft-l
:r6
DESCRIPTION DE LA PARTIE
accrue par de nouveaux travaux , aurait pu pi-ocurer une fontaine au hangard à
la mâture du Petit- Carenao-e.
M. de Rallier envifageait furtout , quant à cette dernière fontaine, tin objet qui,
avec raifon , lui paraît majeur : celui de faire dans le moins de tem^ poffible \
l'eau d'une efcadre ou d'une armée navale, puifque tout le tems que ce foin
confomme devient profitable à l'ennemi & que dans un climat chaud, les moin-
dres^retards peuvent ecre funeftes aux troupes & aux équipages. I,a diftribution
aurait même été combinée de m.anière que dans un befob trèi-preiTant, toute
l'eau aurait pu être retenue pour l'aiguade des vaiifcaux & fervir ainfi les vues
les plus imjportantes.
Autrefois les bâtimens étaient obligés de venir chercher Peau à la fontaine de U
piace-d'armes, au moyen d'une calle qui était à l'extrémité de la rue de Chafte-
noye , ce qui donnait un immenfe éloignement à parcourir aux chaloupes obligées
de retourner à bord des vailTeaux mouillés à la tête de la rade^ & ce qui ne pouvait
même pas fe faire à toutes les heures, à caufe de la brife du large. C'efl ainfi
qu'on vit l'efcadre de M. de l'Étenduère & fon convoi , retenus fix jours de plus
au Cap , en 1745 , rien que pour attendre l'eau qui leur était néceflaire.
M. de Rallier obligé de fe fervir de travaux déià faits a , du moins , favorifé
fon fyftème par la nouvelle fontaine du quai , qui eft auffi propre à l'aiguade des
vailTeaux & par l'augmentation de la fontaine d'Eftaing , & s'il ne l'a pas°e{fecT:ué
quant à celle du hangard , c'eft aux difficultés parcimonieufes de l'adminiftration
qu'il faut s'en prendre.
Il s'en faut bien que toute l'eau du Cap foit d'une bonne qualité. Celle de la
ravine à Douet eft la plus légère. Elle porte le nom du- propriétaire d'une habi-
tation fituée dans le morne de la ville & où eft fa fource. Celle de la Foffette qui
fe fait jour à n-avers un fond fabloneux & qui vient de l'Oueft de ce petit enfon
cernent , mérite enfuite la préférence fur celle de la fource des Reliaieufes
que l'on néglige de tenir couverte quoiqu'on l'ait toujours recommandée dès
i'mftant où elle a fervi à la première fontaine qu'ait eu le Cap, celle de
h place-d'armes.
Toutes ces eaux font plus ou moins féléniteufes , mais c'eft furtout dan. les
fechereffes qu'elles acquièrent de la fadeur & de la crudité , U aloi^ elles font
encore infultifantes pour les befoins des habitans. Et ces derniers, comme fi cet
mcomtm,nt «'était pas déjà allez grand , ont contrafté l'habitude de boire Peau
m
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 517
de leurs puics , quoiqu'elle prouve par fon impuiflfance à diffoudre le fa von fe à
cuire les légumes, qu'elle a des qualités nuifiblea , à la longue du mains, pour
la fan té.
C'eft furtout aux puits de la partie fupérieure de k ville qu'on accorde uYie
préférence qu'on croit méritée par leur grande profondeur, puifqu'il en eft qtij
ne donnent de l'eau qu'à 90 pieds d'une fouille faite avec le fec ours de la mine ,
tandis que dans la partie inférieure , il fuffit quelquefois de creufer une toife pour
trouver l'eau. Ces derniers puits ont aflèz ordinairement une eau dont le goût
faumâtre & la couleur un peu jaunâtre , avertit de n'en pas faire ufage , comme
boifîbn, mais quelquefois aufli , leur limpidité trompe & i! eft des puics très-
voifins de la mer , dont on boij: l'eau.
Sans doute, il en eft où des fources abondantes fourniilènt un liquide qui diffère
à peine de celui qu'on recueille aux fontaines , & l'apparition foudaine de diverfes
infiltrations dans plufieurs points de la ville , pendant les laifons pluvieufes ,
annonce affez qu'elles font nombreufes. Mais fans que l'analyfe ait rien appris ,
l'on juge que l'eau offerte par un puits eft pure , dès qu'elle ne bleffe pas le goût.
Il ferait trop ridicule de rapporter toutes les raifons que le radotage de l'habitude
fait dire pour foutenir la réputation de chaque puits , & dans la réalité, on loue
pluscherune maifon qui a un puits dont l'eau eft cenfée bonne à boire.
Les efcîaves font principalement les grands préconifeurs de l'eau cîe puits ,
parce que le foin d'en procurer d'autre ferait une peine pour eux , &• lors miême
que le maître ne fe fie pas à ce qui fe dit en faveur du puits , il eft bon de les
furveilier.
L'infuffifance de l'eau, des fontaines , pour fatisfaire aux befoins du Cap, eft
caufe que cette ville ne peut-être aufii propre qu'elle aurait befoin de l'être , &
que dans les jours très-chaud&St dans les teraï» très-fecs , les rues ne font point
arrofées , & qu'elles exhalent une odeur fétide , qui altère encore l'air.
MM. de Reynaud & Le Braffeur, qui s'étaient fait une affaire capitale de
procurer am Cap tout ce qui pouvait le rendre & pl-us agréable Sc^plus fain, avaient
conçu ridée d'y faire venir de l'eau de la Grande rivière de Limonade. Une af-
femblée de tous les propriétaires de maifons de la ville du Cap, fut convoquée par
eux le 18 Mars 178 1, pour délibérer fur un mémoire de M. Verret.
Cet habile hydraulicieay expifait d^abord , que la rivière du Haut du Cap ne
pouvait être d'aucune litUité pour k but qu'on fe propofait , parce qu'ç]l§ man*.
*a^
>
518" DESCRIPTION DE LA PARTIE
quait d'eau au moment où il pirliit , & que c'cft Ton état, même pendant les
iécherefTes ordinaires. Il confidérait enfuite qu'une prife d'eau fur la Grande
rivière 8< une conduite de quatre ou cinq lieues de long feraient ruineufes ; mais
qu'il fallait fe fervir du canal des intéreffes de la paroiiTc de la Petite-Anfe, ce qui
pouvait fc faire fans nuire aux moulins établis. Il obfervait enfuite , que fi M. de
Gabriac était ramené à l'obligation de n'employer qu'à m.ouvoir un moulin, l'eau
qu'il conlomme en arrofant fon habitation, l'habitation Bongars ou celle delà
Chanté , qui prendrait la vide de ce moulin pour faire agir le fien , ferait obligée
de conduire l'eau jufqu'à l'angle Nori-Eft de l'habitation Lefcbvre , autrefois
Fontenelle, où la ville du Cap commencerait fes travaux pour conduire l'eau fur
l'habitation Breda , au moyen d'un acqueduc de 2,300 toifes de long, fur iS
piedi de haut , & de cette habitation à la rue Efpagnole , par un canal de terre ,
maçonné & voûté- Enfin M. Vcrret évaluait les frais de l'entreprife à i,80O;O0o
livres.
Les Adminiurateurs propofèrent aux propriétaires de maifons de s'impofer
pendant la guerre à raifon de deux & demi pour cent du prod-uit des maifons , &
calculèrent qu'en y ajoutant 25,000 francs , que le gouvernement donnerait chaque
année, fur l.i cailfe des libertés, il y aurait 100,000 livres à employer pendant
chaque année de guerre , & qu'à la piix une cottifation volontaire remplacerait
ces m.oyens. L'affem.blée générale nomma des commifTaires , & formée une fé-
conde fois , le 18 Novembre 1781 , pour entendre leur rapport, elle rejetta le
projet.
Ce rejet était fondé fur ce que le Cap eft fitué au pied d'une montagne élevée
&, peut-être , la plus abondante en fources de toute l'Iilc, & fur ce que cette
v.lle repofe , dans toute fon étendue, fur une nappe d'eau , douce & très-notable;
lur ce qu'on y trouve même plufieurs emplaceraens que la proximité des fourccs
à la furi^ice de la terre rend inutiles à leurs propriétaires , & oij l'eau repouffe la
main de l'architeéle & app.'le l'art hydraulique ; fur ce que la ville renferme huit
ou neuf cens puits, dont près de fix cens donnent de l'eau bonne à boire, fix fon-
taines Se deux pompes, & que quiconque veut ouvrir la terre, trouve à fe défaltérerj
lur ce que le puits du Gouvernement a fuffi feul , dans de grandes fechcrefles , à
donner l'eau aux Cazernes & aux environs -, fur ce que l'eau de k Grande rivière
ne pouvant, d'après le plan, être portée au-delà du milieu de la rue Elpagnole ,
il n'y aurait que la partie inférieure de In ville vers le Sud , & qui a it pbs d'caa.
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 519
- à qui l'on en procurerait; inconvénient qui ferait le même pour les cas d'incendies
dans les autres quartiers de la ville 3 fur ce que le remblai des marais a rendu l'air
: afîèz fklubre ; fur ce que l'eau pour boire ne manque point , de l'aveu même des
Adminiftrateurs , &c. &c.
Venant enfuite à l'exécution , on s'allarme fur la déperdition de l'eau , dans un
efpace de près de 4,000 toifes ; fur l'incertitude de fa conduite ; & l'on cite les
exemples des entreprifes hydrauliques de l'arrofement de l'Artibonite & de la
fontaine du Fort-Dauphin. Enfin les commiffaires offraient de prouver que l'en-
- treprife exigerait fix millions de dépenfe , & qu'ainfi la durée de l'ouvrage ferait
de foixante ans.
Le projet produifit cependant des recherches pour augmenter l'eau des fontaines
& les Adminiftrateurs , avertis dès les affemblées du mois de Mars 178 1 , avaient
^ etabh , le 28 Avril , un fontainier qui, fous les ordres de l'ingénieur en chef, eft:
chargé de l'entretien des fontaines du Cap & de leurs canaux.
On ne peut difconvenir que les objeélions étaient fortes , ^ que celles relatives
à la dépenfe n'étaient pas faciles à lever j mais prétendre en 1781 que le Cap
avait affez d'eau , c'était foutenir une chofe démentie par l'évidence & fe confoler
de la perte d'une eau faine , par celle des puits de cette ville ; c'était défendre fa
bourfe en abandonnant fa vie. Répétons que les foins de M. de Rallier ont donné
quelque valeur à cette partie faible du rapport de 1781 , & regrettons que îe
gouvernement n'ait pas laiffé au zèle de cet officier tous les moyens d'augmenter
les reffûurces du Cap en ce genre.
La température de la ville du Cap , où j'oubliais de dire qu^il n'y a point cfe
-cave, à caufe de l'humidité du fol, du voifinage de la mer, & de la crainte
■qu'elles nefufîent contraires à la folidité des maifons dans les tremblemens de
: terre, eft néceffairement chaude, d'après tout ce que j'ai rapporté de fa
■topographie. Le thermomètre de Réaumur , à i'efpric de vin , placé au Nord.
t^ a l'ombre , a pour termes extrêmes 16 & 28 degrés , & il cil infiniment rare
que ces termes foicnt excé-'és.
Pour particularifer davantage les obfervations météorologiques , il faut dire que
îe mois de Janvier eft communément très - pluvieux , S, fournis aux vents
depuis le Nord-Eft jufqu'au Nord-Oue(t. Les montagnes paraiffent brumeuse:
4ans le lointain ; le thermomètre marque alors 16, 17 & iS degrés le matin
20 & 21 à midi & 19 & 20 le foir. "
A
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!•
^1|(
il
520 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le mois de Février eft très- refîemblant à celui qui le précède , fi ce n'eft que
le ciel eft plus nébuleux & qve les pluies font moins continuelles.
Mars refîemble à fon tour à Février, mais les vents d'Oueft interrompent
quelquefois ceux du Nord & mêlent ain.l le chaud au froid ; le thermomètre
s'élève en Mars à un ou deux degrés de plus , à chacune des trois époques du
jour que j'ai citées , h. marque quelquefois jufqu'à 23 degrés à midi.
Le m.cis d'Avril eft un de ceux qui font les plus diffemblables d'avec eux
m.êmes : tantôt il fert à prolonger l'empire des Nords & la faifon pluvieufe -,
tantôt, & le plus fouvent, il eft kc ; les vents de Nord-Eft s'élèvent avec
une forte de violence , les brifes carabinées font fréquentes , &: il n'eft pas
extraordinaire que ces grands mouvcmens de l'atmofphère laiftent une place
aux orages ; le thermomètre monte encore un peu.
Au mois de Mai fe manifefte i'efpèce de renaiffance printanière qu'on a pu
commencer à obferver dès le mois d'Avril , & qui , quoique infenfible pour
les yeux vulc^aires , frappe cependant ceux de l'obfervateur de la Zone torride
qui eft attentif à confidérer le changement de feuilles dans quelques arbres,
ou celui de la nuance du vert dans d'autres. Ce mois eft en outre coupé en
parties égales par deux tem;pératures affcz différentes. Dans la première l'on
voit encore les grandes brifes du mois d'Avril, puis les vents du Sud les
remplacent; l'air eft étouffant, les premières tranfpirations paroiflent , & avec
elles le fentiment pénible qui les précède encore plus qu'il ne les accompa-
gne. Dans la féconde partie du mois naiflent les orages , les cataraéles font
ouvertes , elles répandent l'inondation. Des matinées pendant lefquelles le Ciel
eft fouvent du plus bel azur , font remplacées par des après-midi où les nua-
ges amoncelés d'abord vers le Sud, tranfportent le tonnerre qu'on a quelque-
fois entendu dans le lointain depuis midi. Maribarou fe charge , dit - on ;
Maribarou canonne. Peu-à-peu l'air s'épaiffit, la brife cefîe , enfin le déluge
arrive, précédé des éclairs, des éclats de la foudre & d'un coup de vent du
Sud dont la courte impétuofîté eft le fignal que la nue le déchire. On a vu
telle année, ( & je puis citer 1775 ), oij durant fix femaines de fuite,
prefque à la miême heure (entre cinq & fix heures du foir ) , un orage affreux
vient fondre & s'épujfer fur le Cap. Variable dans fa durée , il cefle quelquefois
après une heure ou deux , d'autrefois il fe prolonge jufques fort avant dans la
Tiuit. Ces orages ont aufli des années deftinées à_ marquer leur abfence , mais ce
font
^
/ i
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 521
font celles qui préfagent une extrême féchereffe , ou durant lefquelles on l'é-
prouve déjà depuis plufieurs mois.
Juin a fa première moitié afîèz femblable à la féconde moitié du mois de
Mai. Le thermomètre , dans l'une & dans l'autre , arrive jufqu'au 24' êe: au 25=
degré. Les orages moins longs & moins périodiques , font remplacés par un Ciel
affez nébuleux. Des vents de Nord-Eil , violens , reparoiflent à la fin du mois ,
& la température a des alternatives de froid & de chaud. Voilà le premier
femeftre de l'année. .
Pendant le mois de Juillet, il y a encore des orages de tems en
tems , & de la pluie auffi. Mais la chaleur augmente beaucoup , & elle va à
25- & 26 degrés à midi. Les vents varient & paffent du Nord-Oueft au Sud-
Eft; ils ne rafraîchiflent pas précifément l'air, quoiqu'ils combattent l'effet
accablant du chaud , en donnant un jeu plus facile aux poumons.
Le mois d'Août eft fec ; s'il pleut c'eft par orage feulement ; la chaleur fe
foutient à 25 & 26 degrés.
C'eft au mois de Septembre que la température eft le plus pénible , & que le
thermomètre arrive au plus haut terme. Les vents peu réglés difparoiffent même
des jours entiers. C'eft dans ces jours que l'on éprouve une véritable anxiété,
&; que l'on fent tout le poid de fon être. Le thermomètre parvenu à 28 degrés.
& allant même quelquefois au-delà durant plufieurs heures , annonce l'excès
d'une fouffrance que n'adoucit même plus une abondante & facile tranfpiration.
Si quelque pluie- fe répand dans la fournaife, l'air en eft épaiffi , mais point
^obilifé.
Enfin arrive le mois d'Oftobre , ce mois tant défiré & qui excite encore
les plaintes s'il n'amène pas les Nords. Il vient faire trêve à fix mois , où il a
fallu fe plaindre fans ceffe de la chaleur. Celle-ci faifait dire à quelqu'un , avec
affez de vérité, qu'à Saint-Domingue on paffait la moitié de fon tems à fuer
& l'autre à s'effuyer. Si les Nords. paroiffent , le thermomètre ne va plus qu'à-
23, & 2:4 degrés, il marque encore 25 fi ces Nords font. tardifs ou s'ils doivent
, Itre vainement attendus jufqu'à leur époque dans l'année fuivante.
Le- thermomètre qui defcend jufqu'à 18 degrés en Novembre, s'élève auffi
quelquefois jufqu'à 24, à moins que les Nords ne foient très-prononcés.
Quant à Décembre , qui appartient auffi aux Nords , mais qui quelquefois'
^ft abfolument fec , le thermomètre y defcend jufqu'à 16 dégrés. Il n'efi;,
Tomp I. V V V
^^
522
DESCRIPTION DE LA PARTIE
cependant pas très-rare que quelques orages viennent mêler leurs pluies eii
grande mafTe , aux pluies fines & pénétrantes des Nords.
Les nuits des mois chauds font en général auffi chaudes , au Cap , que les
foirées , & le fommeil y eft plutôt un accablement qu'un état de repos & de
reproduction des forces vitales- On eft dans l'ufage de laiffer les fenêtres ou-
vertes au moyen des jaloufies à volets qu'on y place , mais la néceffité de fe
mettre fous une mouftiquaire pour échapper au m-arcyre que font éprouver les
mouftiques & les maringouins , fait p;rdre tout l'effet de l'air introduit dans
la chambre ; & la portion qui fc trouve fous la mouftiquaire eft bientôt échauffée
par la refpiration de toute une nuit ; auffi le réveil eft - il prefque alors
un état de maladie , tant on fe fent haraffé. S'il eft furvenu un orao-e confidé-
rable , la brife de terre qu'il excite & à laquelle il piête de l'énergie, procure
cependant une nuit agréable. Mais le changement de l'atmofphëre nuit auiîi
à la fanté , furtout fi l'on s'^eft trouvé dans un courant d'air , & fi l'on était
couché par-defTus les draps.
Dans les mois des Nords , les jaloufies font clofes durant les nuits ; on prefTe
contre fes épaules le drap fur lequel on s'étendait auparavant; on fent , en
entrant dans le lit, une forte de petit froid qui plaît & qui préfage un fommeil
doux & réparateur, &: fi à cette fenfation le mêle le plaifir d'entendre tomber-
la pluie , on s'endort l'ame difpofée à rêver à des jouiffances plus douces encore.
Le baromètre varie peu au Cap , & confirmie l'obfervation que j'ai déjà
faite fur le jeu de cet inftrument à Saint-Domingue. La plus grande différence
qu'il faffe obferver dans cette ville , eft de 27 pouces 10 lignes à 2.S pouces
3 lignes.
Il eft un autre inftrument météorologique , fur lequel il eft difficile aufîî
d'avoir une opinion fixe dans la Colonie , c'eft la machine éleiftrique. II
eft impoffible de contefter que l'air ne foit chargé d'une grande quantité d'élec-
tricité , & dans les lieux où le tonnerre aie plus folemncl empire , il forcerait*
bientôt l'incrédulité à conteffer l'exiftence du fluide qui le conftitue. Mais il eft
difficile de faire des expériences qui en conftatent l'intenfité abfolue ou relative.
L'humidité dont l'air eft toujours plus ou moins accompagné , s'oppofe à l'ex-
prelTion de la machine , & fi elle n'eft pas faite par une main habile , fi
l'expérience n'eft pas dirigée par une perfonne intelligente & bien pénétrée de
la théorie éledrique , le réfukat eft nul. J'ai connu plufieurs habitans inftruits
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FRANÇAISE DE S A 1 N T - D O M I N G U E. 523
& zélés qui ont été contraints de renoncer à leurs machines , qui ne produiialent
prefque ritrn. Le moindre changerhent dans ratmofphèrej l'approche du fouffle
de quelqu'un, la tranfpiration prefqu'inévitable de celui qui meut la machine ,
fuiiit pour qu'on ne puiffe plus en obtenir les plus faibles étincelles.
Cependant, M. Arthaud , afluellement médecin du roi, a guéri en 1776
d'une hémipléfie , M. GolUaud , arpenteur du Borgne, avec fix femaines d'ufage
de l'électricité. Malgré cet exemple , je crois qu'il y a peu de fruî's à efpérer
de l'éledlricité médicale à Saint-Domingue , & je fais que les expériences les
plus conïtantes & les plus laborieufes ont confàrmé ce:te fâcheufe vérité à la
Martinique , en 1787.
. J'ai cependant connu des perfojines qui avaient éprouvé à Saint-Domingue
un foulageiuent marqué de l'éleélricité dans des affc lions nerveufcs ; mais il faut
dire que dans ce- nombre étaient des hommes fédentaires , a:tacliés à la vie du
cabinet, &c qui faifant mouvoir eux-mêmes la manivelle, devaient fans doute
plus-à ce falutaire exercice qu'à l'ékftricicé.
Quoiqu'il en foit , je vais rapporter des expériences faites au Cap par feu M.
Dubourg, l'un des fondateurs de la Société des Sciences & Arts de la m.ême
ville. Cet homme laborieux employait une machine éledrique de Rhamfden ,
dont le plateau, fait par Vernevent , avait vingt pouces de diamètre. Par fon
moyen , lorfque l'élecftricicê était forte , M. Dubourg chargeait, en vingt tours
de manivelle , une jarre de fix pouces de diamètre & de dix pouces de hauteur y
garnie d'une feuille métallique félon la méthode du docleur Bevir. Cette charge
fuiEfait pour percer dix à douze feuilles de papier avec l'excitateur & produire
tme explofion qui fe faifait entendre dans les appartemens voifins.
M. Dubourg avait un tableau magique de vingt pouces de long fur douze
pouces de large , recouvert de feuilles métalliques qui venaient jufqu'à dix-huit
lignes du bord. Le verre en était très-commun & d'une nuance verdâtre. Dans
je courant des mois de Juin & de Juillet, ce tableau fe déchargeait fouvent
fpontanément. M. Dubourg tirait des ctincelles du premiier & du fécond con-
dufteur à un pouce & den^i ou deux pouces de diftance , &; il n'avait jamais
em.ployé qu'elles pour allumer l'efprit de vin.
A ces réfultats, il eft important de joindre deux obfervations , l'une c'eft que
M. Dubourg éleélrifait rarement fans avoir expofé préalablement tout l'appareil
au folell j l'autre c'efl qu'il s'était convaincu que Iç tems le plus favorable à
Y V V â
?■!
524 DESCRIPTION DE LA PARTIE
l'élearicité à Saint-Domingue eft dans un jour ferein , depuis neuf heures du
matin jufqu'à quatre heures du foir , pourvu que la brife d'Eft fouffle , fans quoi
l'on n"a prefque rien à efpérer. J'appuierai d'autant plus far cette dernière
cbfervationj qu'elle m'a été également communiquée par M. Thomin , notaire
général & fecrétaire de la Chambre d'Agriculture de la Partie de l'Oueft
réfidant au Port-au-Prince , qui fait depuis longues années des expériences
électriques qu'on doit regretter qu'il n'ait pas pubhées.
J'ai parlé de la température & du climat du Cap dans leur état commun
mais il eft des phénomènes météorologiques qui troublent cet ordre ou du moins
le fyflème d'ordre que l'homme conçoit , & d'après lequel il ciaffe ce que la
nature a embralTé dans le fyfième univerfel que notre faible raifon ne peut faiflr
tout entier. Je veux dire les orages violens , les pluies exceffives , les fécherefles
dévaftatrices , les coups de vent, les ouragans & ces mouvemens qui femblent
ébranler les fondemens de h terre. Je citerai des uns & des autres , ceux
qui ont pu parvenir à ma connaiffance»
En général les orages font très-confidérables au Cap ; le promontoire qui
termine cette ville à l'Oueft & au Nord & qui eft comme féparé des autre§
parties montagneufcs de l'île, fait l'office d'un piton qui arrête les nuées. Les
orages formés au fein de la chaîne de Cibao, poufTés le long de cette énorme
épine par les vents de Sud & de Sud-Eft , viennent frapper le morne du Cap
dont le choc écaitant les nues , les force à laiiTer échapper la maiTe d'eau qu'elles
avaient déjà de la peine â retenir. La difpofition du morne ajoute enfuite au
bruit du tonnerre , dont l'éclat eft répercuté & vibre long-tems fur la ville avant
que le fon ait pu s'élever jufqu'au-deiTus de cette enceinte. Le tonnerre tombe
fréquemment dans les environs de la ville , furtout fur la pente de la branche
du morne qu'elle a au Nord , & la direftion du vent du Sud peut en être la
caufe. Comme cette partie a très-peu de population , les accidens y font très-
rares. Par la raifon contraire , lorfque le tonnerre tombe dans la ville , ce qui eft
arrivé peu fouvent , le danger eft grand.
On peut citer , le 25 Août 1763 , qu'il y eut un homme foudroyé furie bord
de la mer. Le 20 Mai 1782 , à cinq heures & demie du foir , lors d'un orage
peu grondeur , il y eut tout-à-coup un éclat violent , le tonnerre tomba au marché
des Blancs, fur une maifon à grand balcon de bois , au bout & fur le côté Sud de
la iue.de Conflans. Il-frappa, derrière le cou, un employé des magafins du roi
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE ^i^
& le tua. Deux perfonnes qui s'étaient trouvées à deux ou trois pas du foudroyé ,
fous le balcon , demeurèrent évanouies pendant un aiïez long-tems. Le même
coup de tonnerre tua un foldat efpagnol qui n'avait aucune marque de la percuffion
éleétrique. Un matelot frappé , mourut peu de tems après. Le tonnerre a aufli
brifé une fois la croix placée au-deffus de la corniche du portail de l'églife.
La crainte du tonnerre a fait mettre au Cap plufieurs paratonnerres. J'aidit qu'il
y en avait un fur la maifon du Gouvernement. Au mois de Juin 1783 , on pofa-
fur la poudrière une barre éleélrique dont le conducteur fe perd dans un ouits.
Maisc'cften 1787, que l'ufage de cette précaution s'efl: réellement étendu. M.
Millon phyficien, en faifant, au Cap, des cours de phyfique où il développait
la théorie de l'éleélricité , a convaincu plufieurs perfonnes de l'utile effet des
paratonnerres , & dès le mois de Juin , il en avait déjà pofé neuf & travaillait à
quatorze autres. Il prenait 792 livres pour ifoler une maifon & y mettre les
paratonnerres. Le tonnerre en tombant fur l'un deux avait prouvé l'intelligence
de l'opération.
Vers la fin de l'année 1722, il y eut plufieurs mois de pluies & de grands
débordemens. En 1732, les pluies furent tellement continuelles qu'on fit, au
Cap 3 des prières publiques au mois d'Oélobre pour leur ceffation. Au mois de-
Mai 1735 , on fut encore défolé par leur continuité. En 1752, on eut plufieurs;
mois de pluies,- elles affligèrent en Avril 1766, & durant les quatre derniers
mois de 1787 j il plut tous les jours.
En 17265 au contraire 3 on éprouva une féchereiïe cruelle pendant onze
mois. Au mois d'Avril 1743 , on comptait déjà plus de fix mois fecs. En
Ï753 , on reffentit cette calamité qui fe montra auffi en 1754 , accompagné de la-
difette. En 1757, il y eut plus de quatre mois de féchereife. Le même fléau
reparut au commencement de 1764 & de 1769 ; et depuis il a été très-fréquent.
On l'a reffenti au commencement de 1774 & depuis le mois de Janvier jufqu'à
celui d'Août 1776. On le revit pendant la fin de 1778 & le commencement de
2-779 ^'i^"^ manière effi-ayante. Il s'efc renouvelle de la fin de 1780 au mois de
Mai 178 1 ; puis delà fin de 1785 au mois de Septernbre 1786. La plus cruelle
difette accompagna la féchereife de 1774 ainfi que celle de 1778.
Mais rien n'égala jamais la féchereife de 1786 qui dura un an , dans certains;
lieux. Elle fut accompagnée , au Cap j de caraélères extraordinaires. Le 20 Mars-
1786 y le thermomètre monta a 23 degrés &; le lendemain à 24. Des panneau»:
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s 16
DESCRIPTION DE LA PARTIE
d'armoire fc fendirent ] ces glaces , des vafes de faïence le rompirent fpontané-
raent. Le 30 , le vent devint violent; dans la nuit , un fougueux raz de marée
endommagea les remblais du bord de la me.r , & préiagea ( fuivant le témoignage
des anciens colons ) que la féchereiTe ferait encore opiniâtre, ce qui ne fc véii-
na que trop. Enfin le 5 Mai le thermomètre qui était à ii° au foleiî levant,
monta à 27 à midi & à 28 a trois heures. Le baromètre était depuli ]a veille à 27
p3uces^ onze lignes i,. Le vent était Sud-Oueft & les thermoniètres expofés à
cette direclion s'élevèrent jufqu'à 31°. L'eau de puits était à 26 & 27°. Les
corps nitreux h réfmeux placés à l'om.bre brûlaient la m,ain , & les machines de
Nairne lançaient des étincelles fur les corps environnans , à' dix ou douze pouces
de dift.ince. Cet état extraordinaire dura fix heures. La féchereiTe était encore
telle au miois d'Août, qu'il fallut que l'ordonnateur fit un règlement , le 22 ,
pour régler que les troupes iraient à trois heures de l'après-midi , rem^plir des
pièces à l'eau, pour leur ufage , au magafin du roi , & aux puits de la rue Picolet,
que j'ai cités dans la Defcription de la huitième Se.^ion , afin de laiiTer au public
le peu d'eau que donnaient encore quelques fontaines , tous les puits ayant tari.
La faiî'on des orages avait bien am.eré des pluies , mais pas afTez abondam.ment
pour com.battre les effets de la fécherefle qui dura jufqu'au mois de Septembre.
Les vents déployent auffi quelquefois leur iureur su Cap. Le 14 Août 16S0 eft
fameux par un ouragan épouvantable. Dans la nuit du 13 au 14 Novembre 1765 ,
il y en eut un affreux qui dura depuis onze heures du foir jufqu'à quatre heures du
matin, & quantité de maifons de la ville furent très-endomm.agées. Tous les
bâtiniens de la rade fouiTiircnt i les uns chafsèrent , d'autres furent échoués &
quelques gcëiettes & bateaux furent fubm.ergés. Le 15 Octobre 1780, un Nord
fit encore des dommages , plufieurs maifons furent découvertes , notamment
celle que j'habitais. Le 27 Septembre 1785 , on fentit aufTi un petit ourao-an.
Quelquefois les coups de vent du Sud qu'éprouve la Partie de l'île qui porte le
même nom , ont de l'influence jufques dans celle du Nord , & découvrent des
toits & couchent des arbres au Cap.
Cette ville ne connaît pas ces fecoufTes qui anéantiffent les cités & font
périr leurs habitans fous des mionceaux de ruines ; mais elle n'efl pas préfervée
de celles qui répandent l'allarme & l'elFroi,qui lézardent les maifons & qui
annoncent aiTez que le fol où elle eft placée n'ell pas imperturbable. Elle 3
reffenti forterrient, quoique fans dommage , les cinq tremblemens de terre ^,
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 527
-dont plufîeurs parties de i'Ifle ont éprouvé les défaftres en 1701 , 1713 , 1734 ,
1751 & 1770.
La terre y trembla le 27 Janvier 1766, à fix heures & demie du foir; l.i fecouJîé
fut afTcz vive. Il y eut une autre fecoufle peu violente le 16 Avril à neuf heures >
quelqvies miiutes du foir , & un troifième dans le nuit du 1 1 au 12 Juin fuivanr.
On en a obfervé depuis une faible, le 10 Juillet 1 771 , à fix heures 14 m. du
matin ; une plus forte , à quatre heures du matin , le 3 Oftobre de la mêiTie
année, veille de la chute de la voûte de régUfe, & une violente ic 4 Août 1776, à
quatre heures du matin.
L'année 1784 a fait éprouver quatre tremblemens de terre au Cap ; un le 25
Juillet à fix heures 14 m. du matin , avec trois fecoufîes ; la commotion fut affez
force & le mouvement était dans la direfîiioa du Sud-Oueft au Nord -Ed.
Le tems était lourd & chaud. Il avait fait un peu de pluie la veille , le ciel était
couvert , la lune s'obfcurcit & parut avec une zone d'un rouge pâle. Le fécond
le 24 Août à une heure treize minutes du m.atin; le troifiême le 27 Septembre à
onze heures vingt-cinq minutes du foir , & le quatrième le 27 Novembre. On
en compta trois en 1785 : un le 10 Janvier, le fécond le 19 Février , le troi-
fième & le plus fort le 10 Juillet dans la nuit. On en a fenti un auffi en_i786, au
mois de Décembre.
Mais quelquefois l'orage , la pluie , le tremblement de terre & même la grêle ,
s'affocient , & paraiflent ou fe font feffentir enfembîe. C'cft ainfi que dans la nuic
du 24 au 25 Décembre 1775, il y eut un orage épouvantable, accompagné
d'une pluie fi abondante , qu'il y eut , au Petit-Carenage , des maifons prefquc
comblées par la terre que les eaux avaient entraînée. Le 4 Août 1776 , après une
fechéreflfe de feptmols , il y eut un violent tremblement de terre que j'ai cité &
qui fit fortir de toutes les maifons où l'on n'ofa rentrer que quelques heures après.
Le foir, à 4 heures , vint un fort orage , accompagné d'une grêle dont quelques
grains étaient aaflî gros que le pouce. On ne fe rappelait pas d'en avoir vud'aufîi
confidérablc depuis 1769.
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Des Maladies.
J'ai promis de parler de la fanté des habitans du Cap. En général ceux qvà
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528 DESCRIPTION DE LA PARTIE
ont traité cette matière ont femblé fc livrer à deux extrêmes également reprocha-
blés. Les uns, & ce font les plus nombreux, ont préfenté fon climat comme
très-meurtrier ; les autres , ont cherché à faire croire qu'on l'accufait à tort , & à
offrir des réfukats que des villes de France pourraient envier. Je dirai ce que
j'ai vu, ce que des pérfonnes en qui j'ai grande confiance ont obfervé comme
moi.
Il faudrait diftinguer au Cap la population propre, d'avec la population acci-
dentelle, & fe rappeler ce que j'ai dit fur la manière dont une colonie fe peuple.
Il n'cft prefque pas d'inftant oij il n'arrive quelqu'un au Cap , par les vaifTeaux
qui y mouillent, car cette ville eft celle oij il aborde le plus de bâtimens, & celle qui
offre le plus de probabilités aux combinaifons qui font qu'on y vient de toute oart,
C'efl: ce concours d'arrivans que je nomme la population accidentelle du Cap,
foit qu'ils doivent s'y fixer , foit qu'ils n'y foient que paffagérement.
Une chofe commune à tous les individus qui arrivent , c'efl la nécefTité de
s'acclimater qui, quoiqu'on en penfe , a aufTi fes effets chez les Créols ou chez
les Colons qui reviennent de France. Mais cette nécefTité efl éprouvée de bien des
manières par celui qui débarque ; car on fent qu'elle doit dépendre du caractère,
du tempérament , de l'âge , de l'état de la fanté , de l'époque de l'année , de la
durée & de la nature de la traverfée , du contraftc plus ou moins grand du
climat qu'on quitte avec celui auquel on fe trouve foumis , de la quantité de per-
ibnnes qui augmentent déjà plus ou moins la population accidentelle du lieu ,
enfin de la fîtuation de l'ame & du penchant plus ou moins marqué pour les
jouiffances qui nuifent à la tempérance & à la fobriété. Perfonne ne peut nier que
les arrivans ne foient plus ou moins éprouvés , & il eft très - remarquable que ceux
qui payent le tribut le plus coûteux , font également ceux qui croient pouvoir tout
braver impunément , & ceux qui , effrayés de tout , fe regardent comme malades
en mettant le pied à terre , & qui ne fongent qu'à leur fanté qu'ils imaginent
avoir déjà perdue. C'efl que la confiance préfomptueufe & la frayeur puérile,
font deux excès, & que le climat de Saint-Domingue les punit tous.
Si l'on confond cette claffe d'individus extrinsèques à la Colonie, comme conf-
tituant en partie fa population;- il les marins & les foldats qui arrivent font comptés
au nombre des Colons dès qu'ils touchent la terre de Tlfle , St-Domingue efl très-
meurtrier , & le Cap qui reçoit la majeure partie de ces êtres , peut être
confidéré comme un lieu funefle. Cependant l'influence du nouveau climat devient
chaque
"»x-
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Française DE SAINT-DOMINGUE. ^29
chaque jour moins fenfible , & par rapport au Cap , qui eft l'objet de nos
ôbfervations aftuelles , il eil facile de fentir que les maladies doivent y être &
plus rares & moins actives , depuis que des marais iriimenfes ont difparu.
Je viens aux habitans réels de cette ville , à ceux qui y ont leur réfidence &
qui y font acclimatés , quelqu'ils puifîent être. Je trahirais la vérité, fi j'ofais
dire que le chmat brûlant de la Zone Torride eft auffi favorable à la population ,
que celui des Zones Fortunées où le froid Aquilon femble fouffler la fanté au
milieu des frimatSi où l'hiver donnant un nouveau refîbrt à la fibre, reproduit la
vie annuelle , & ajoute ainfi les années aux années , en les accompagnant d'une
force proportionnée aux befoins & aux jouilîances , que la nature a affignés à
chacune des faifons de l'homme: mais le climat des Colonies a auffi fes avantages.
Il ne les perd que pour ceux qui, bourreaux de leur propre exiftence, oublient
que le plaifir peut devenir un poifon j il n'en eft privé que pour ces hommes
infatiables que la foif de l'or tourmente, & qui ne fongent qu'à l'accumuler pour
fuir un lieu qu'ils redoutent. Je fais bien que le climat moilTonnc auffi des êtres
à qui leur modération promettait un meilleur fort -, mais quel eft c^onc le champ
fortuné où des épis ne tombent jamais avant leur maturité ?
La chaleur qu'on reiïent au Cap raréfie les humeurs , tandis qu'une tranfpira-
tion exceffive relâche h fibre ; on prend pour de la force une fermentation
inférieure , & pour befoin l'appauvriffement que produifent de grandes dépcr^
ditions. On fe fent porté vers les divers genres d'incontinence par une forte
d'exaltation trompeufe , par url agacement des nerfs, & à ce défordre phyfique
qu'il faudrait corriger , s'unifient tous les écarts de l'imagination , cette magi-
cienne dés pays chauds. On eft environné de h féduction la plus dangereufe ,
celle qui ne repoufîe pas le défir , lors même qu'elle n'eft pas capable de le
faire naître , & l'on a cédé fans avoir fongé à combattre. Les digeftions devien-
nent lentes & pénibles, la bile s'aigrit, s'exalte & les maladies arrivent.
Plus violentes à Saint-Domingue qu'en France , elles y font peut-être moins
nombreufes. Elles ont , dans les villes des Colonies , un caraélère communément
plus grave qu'à la campagne , & cette différence eft également obftrvée en
Europe. •
Au Cap les maladies fuivent communément la période des deux faifons. Dans
ks mois chauds , les plus communes font les fièvres intermittentes , les conti-
nues, les fièvres putrides / les fièvres malignes & ks dyiTenteries. Dans les
Tome I. ■ X X X
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530 DESCRIPTION DE LA PARTIE
mois froids , ce font les rhumes , les fluxions de poitrine , les rhumatifmes , les
diarrhées :, les affedlions fcorbutiques , les maux de gorge. Les premières qui
régnent d'une manière plus marquée depuis le mois de Juinjufqu'à la fin du
mois de Septembre , font plus fpécialement le partage des nouveaux arrivés ,
de ceux qui ont entrepris des voyages , ou de ceux dont l'ame a été trop
vivement émue, foit par le plaifir, foit parle chagrin. Les autres menacent
les anciens Colons , les perlbnnes d'une coaiplexion foible ou celles qui fe jouent
des viciffitudes de ratmofphère.
On ne peut s'empêcher d'être frappé , pendant que les premières exercent
leurs ravages , de la rapidité avec laquelle on eft atteint & terrafîe ; il ne faut
pas , dans ce redoutable intervalle , fe fier à l'idée d'une fimple indifpofition ;
le fymptôme le moins apparent eft quelquefois , par cela même , le plus fmiftre j
à la perfuafion qu'on peut fe livrer à fes occupations ordinaires , que dément
cependant une proftration de forces , on peut reconnaître une fièvre maligne
& infidieufe , & nulle part cette dernière épithèce ne fut plus cruellement
applicable qO'à Saint-Domingue. On eft frappé à mort avant de l'avoir foup-
çonné , & fi une expérience heureufe n'a pas accoutumé le médecin à diftin-
guer cette aiireufe maladie à fa fimplicité apparente , tout efpoir eft perdu.
Ah ! quel pays a plus befoin de talens dans ceux qui exercent l'art de o-uérir '
Ils font là, plus fouvent que dans tout autre lieu, placés entre le double
écueil de pjendrc pour une maladie oij il faudrait tout brufquer, celle oîj la
nature n'a befoin que d'être aidée à tems -, ou de fe livrer à une attente per-
fide lorfqu'il n'y avait plus un moment à perdre pour agir.
Dans les maladies chroniques, combien d'obftacles s'oppofent au rétabliffe-
ment? un climat chaud fait fi peu pour le recouvrement des forces vitales, le
fommeil eft fi troublé , les alimens fi peu rcftaurans , le défordre de l'appétit
fur-tout eft une caufe fi propre à produire d'autres défordres , que les conva-
lefcences font longues & pénibles. Si l'on eft tourmenté par des obftruflions
qui font fi fréquentes après les maladies aiguës ; fi l'on eft attaqué de ces diar-
rhées effroyables qui changent l'homme en fpeftre , & qui font accompao-nées
de la faim dévorante , il n'eft rien à efpérer tant que l'on demeure dans la
Colonie, à moins que pour ces diarrhées, on ne trouve dans l'ufagc de Ja
poudre de Caftillon (ainfi nommée du nom d'un chirurgien du Cap, fon
inventeur , qui confçive l'art de la préparer ) , un remède dont on publie avec
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I
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M î N G U E. 5J1
ralfon des effets qu'on ferait tenté d'appeler miraculeux. Mais en général ceux
à qui la reflburce d'aller chercher une nouvelle fanté dans un pays froid eft
poffible, ne fe réfolvent à la prendre que lorfqu'elle eft devenue douteufe à
force d'avoir attendu. Il femble qu'on craigne plus d'abandonner fes affaires
que fon exiftence , prefque toujours compromife lorfqu'on s'obfline à com-
battre dans la Colonie une maladie quelconque qui a été long-tems rebelle.
Le genre de vie qu'on mène au Cap , n'eft rien moins qu'un régime pro-
pice à la fanté. Toutes les paffions y font en jeu & dans une continuelle agita-
tion. On n'y connaît pas les douceurs de la fociété, de cette réunion d'individus
qui fe conviennent plus ou moins, & qui mettent en commun le défir de
plaire les uns aux autres , ■& de charmer les heures de leur loifir. On ignore
le pkifir de fe livrer à cette efpèce d'abandon oij l'on s'oublie , pour ainfi dire ,
foi-même pour s'occuper des autres , pour mieux goûter des délaiTemens qui
appe-lent & excitent la gaieté.
Si l'on joue c'eft pour gagner ; fi l'on caufe c'eft d'affaires ; fi l'on va au
fpeélacle c'eft poi r faire affaut de vanité, au bal c'eft pour s'exténuer; fi l'on
fe régale , c'eft l'orgueil qui le veut , & c'eft pour avoir une cohue qui fait
fuir la véritable joie. Et le dirai-je ? c'eft au caraétère de la plupart des ^jmmes
qu'il faut reprocher la perte d'une des plus délicieufes jouiffances de la vie.
Avec peu d'amabilité & de politeffe elles ont mille prétentions & fe prodi-
guent, entre elles, les marques du défaut d'éducation. Elles fe difputent les
places au fpeftacle , elles comptent les vifites & les invitations qu'elles fe font.
S'il y en a plufieurs , par exemple , qui doivent quêter le même jour , il y
en a qui font coucher le coiffeur chez elles afin d'être les premières prêtes , &
d'aller s'emparer des places qu'elles croyent les meilleures ; en un mot, jamais
l'orgueil n'a rien imaginé de plus puérile & de plus capable d'empêcher toute
lialfon. Il faut donc vivre pour foi, être égoïftc par néceffité comme par calcul,
& ne fonger qu'à l'or.
Tandis que ces difpofitions morales nuifent à la fanté, d'autres caufes l'atta-
quent encore. La dépravation du goût produite par la chaleur, porte à faire
ufage des falaifons. Les jambons , les cuiffes d'oyes , le bœuf à la daube , h
morue falée , les fauciffons , font des mets dont on ne fe laffe jamais , & que
ie relâchement de l'eftomach fait rechercher. On mange beaucoup parce que
les affaifonnemcns font piquans 3 & il faut remarquer deux chofes; la première ^
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53a DESCRIPTION DE LA PARTIE
qu'on mange plus aux Colonies qu'en France, quoique la chaleur y foit plus
grande; la féconde , qu'on y boit moins qu'oa ne fait en. France pendant des
chaleurs moins confidérables , dernier effet qu'on ne peut attribuer qu'à l'hu-
midité de l'air.
On avait imaginé , pendant quelques tems au Cap, d'avoir des ventilateurs ,
ffpèce d'éventail de planches attaché au plafond avec des couplets , &
qu'un petit nègre agitait pendant le repas. Mais l'on s'efb apperçu que les
rhum.es devenaient fréquens , & la fenfualité du ventilateur a été abandonnée.
Il eft bien étrange que dans un lieu oij l'on a fongé à un pareil moyen , on con-
ferve l'orgueilleufe habitude de fe faire environner à table par un rang, quel-
quefois double , d'efclaves qui , appuyés fur le dos des chaifes , interceptent
l'air à une grande hauteur & étouffent leurs maîtres qu'ils dominent de plus d'un
pied.
J'ai afFez dit ailleurs combien les femmes créoles faifaient peu pour leur
fanté , & cela eft vrai , principalement pour celles du Cap, Là le luxe agit
plus qu'ailleurs far les moeurs , & les pafïïons agitent & vexent encore plus
le phyfique. Au màlieu d'une vie monotone , elles ne font pas exemptes des
fecoulTes violentes des paffions ; & elles éprouvent toutes , plus ou moins , celles
des infirmités de leur fexe , qui peuvent réfulter du combat inégal d'une conf-
titution foible contre un caraélère dominateur & une imagination exaltée. Affez
renfermées , elles font fujettes aux impreflions de l'air , & l'on eft frappé de
voir qu'après avoir été quelquefois réclufes tout le jour;^ elles s'affeyent devant
leurs maifons durant trois ou quatre heures avant & après le fouper , lorfqu'un
ferein dangereux charge l'atmofphère & rend humides tous les corps qui y font
expofés. Il eft telle foirée où ces femmes rentrent avec leurs vêtemens flafques
de l'effet de cette vapeur humide & chaude , à laquelle on pourrait peut-être
attribuer une grande partie des ophtalmies dont Saint-Domingue eft affligé , &
la perte des dents , ce moyen de fanté , cet ornement fi précieux pour la.
beauté.
A la vérité l'on fe défend mal , dans un climat chaud , contre le défîr qui
porte à cher-cher une fenfation rafraîchiffante. Ç'eft à cette difpofition prefque
involontaire que l'on doit les rhumes, les cautères , les fuppreffions de tranfpi-
ration qui , dans des fujets foibles , préparent des maladies mortelles. Les
femmes foat encore les plus imprudentes à cet égard, quoiqu'elles duffent faveir
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^^3
qu'à certaines époques périodiques , leur fanté peut ê:re facilement compromife.
On ne fe rappelle non plus jamais affez, combien il eft dangereux d'être mouillé
par la pluie dans des lieux oij la tranfpiration même infenfible efl toujours
çonfidérablc.
Je ne puis m'empêcher de m'occuper ici un infiant des enfans , cette portion
fi intéreffante de l'humanité. Il eft extrêmement difficile de les élever aux Antilles,
8c cette obfcrvervation je la trouve confignée dans les pièces les plus anciennes
que ces établiffemens puiffent procurer , & , fans doute , elle y a toujours été
frappante , car elle eft faite par des perfonnes de tous les états. La faible com-
plexion des m.ères en eft la première caufe , puis la manière dont on les élève , la
iTianie dangereufe de les laifier aller pieds nus , celle de les baigner fouvent quand
ils font en fueur , l'énorme quantité de fruits qu'on leur donne, fans même
s'afîurer de leur parfaite maturité , tout leur prépare donc une pénible exiftence.
La petite vérole , les fièvres fuivies d'obftruclion ,, & furtout les maladies vermi^
neufes en moifTonnent la majeure partie.
Les enfans font à peine fcvrés, qu'il faudrait employer exaftement les vermi-
fuges pour les garantir des convuifions qui les enlèvent tout-à-coup ou qui
caufentdans l'économie anim.ale des défordres que la mort fuit tôt ou tard. Les
faifons pluvieufes font celles où l'on a remarqué que les enfans étaient plus fujets
aux vers qui compliquent alors toutes leurs maladies. Les alimens muqueux
qu'on leur prodigue ,, contribuent fans doute aufTi à les rendre la proie de ces
animaux deflrudeurs i on ne peut donc trop recomm.ander d'envoyer les enfans
en Europe, dès leur bas âge , afin de les fouftraire à des maux qui rendent la
population prefque nulle daru un pays immenfe.
Je crois devoir m'élever contre un abus tout-à-la-fois ridicule & dangereux qui
eft très-commun à Saint-Domingue , c'eft de confier la garde des'' enfans à
d'autres enfans. Rien de plus ordinaire que de voir un enfant de huit ou neuf ans
qui en garde un de deux ou trois ans. On conçoit combien le fardeau fait coiirir
de rifque à l'un & à l'autre & furtout à celui qui eft porté , d'ailleurs l'amour des
jeux de fon âge entraînant le gardien , le gardé , lailTé feul , eft expofé à fe bleffer
ou à être bleffé, La mauvaife pofition que le poids fait prendre à celui qui porte
influe auffifur celui qu'il met fur fes hanches h ils fe déforment & s'eftropi^nt
l'un & l'autre.. Cette méthode eft encore une fource d'injuftices : quand l'enfant
ecliappe des mains de celui qui n'a pas la. force de le retenir, quand fon poids
m;\
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5J4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
qui fait chanceler le porteur, occafionne la chute des deux, on frappe celui qu'on
a chargé d'un foin au-defliis de fon âge , l'on s'irrite d'autant plus que la chute
eft plus grave & l'on continue à être injufte au rifque d'expofer la vie de deux
enfans. Mais la crainte du châtiment empêche fouvent le gardien de parler d'un
accident qui n'a pas eu de témoins ; quelquefois même les domeftiques concou-
rent pour le diffimuler , & de petits infortunés meurent parce qu'on n'a pas connu
des chûtes graves.
On ferait peut-être furpris de mon filence relativement aux efclaves , û je ne
faifais pas obferver que ce n'cft pas dans une ville qu'ils peuvent offrir des obfer-
vacions particulières. Occupés de foins domeftiques ou de différens métiers ,
leurs maladies font très-reffemblantes à celles des blancs , comparativement à
leurs occupations. On ne peut pas remarquer là les deux caufes qui ont le plus
d'influence fur certaines maladies des efclaves, le befoin d'une nourriture plus
abondante & celui de repos. J'ofe m.ême dire que le plus grand ennemi des
efclaves des villes , c'eft l'excès du plaifir , ce font les fuites honteufes dont cet
excès eft accompagné & qui attaquent d'autant plus leur exiftence qu'ils font ufa-
ge de palliatifs & de répercuflifs, afin de pouvoir courir plutôt les mêmes dangers.
Deux autres raifons accélèrent la deftruélion des efclaves , la conjuration de tous
pour procurera ceux d'entr'eux qui font malades de quoi manger , lorfque la diète
la plus auftère eft exigée par leur état , la confiance qu'ils ont dans les remèdes
de leurs commères qui en ont au moins un millier pour chaque incommodité. Cette
confiance eft la fuite d'un ufage commun d plufieurs parties de l'Afrique où les
femmes pratiquent ce qu'on y appelle la médecine & notamment à Serre-Lionne.
Il faut donc une furveillance continuelle pour écarter ces deux genres d'affaffinat ,
8c comment peut-elle ê :re sûre , quand il faut abfolument que les efclaves malades
foient foignés par d'autres efclaves ?
J'ai dit que les maladies avaient perdu de leur intenfité & il en eft une affreufc
pour laquelle cette obfervation eft très-vraie. Je veux parler de la maladie de
Siarn j dont j'indique l'origine à l'article du Port-de-Paix , & qui fut apportée de
la Martinique à Saint-Domingue en 1691. Une barque venant de Léogane au
Cap la propagea dans cette dernière ville , au mois de Septembre 1696. Chaque
année voyait de nouveaux ravages , & lorfqu'au mois de Juillet I7©5 j les vaiiTeaux
TAmbitieux , le Faucon & le Marin , vinrent de la Martinique au Cap , cette '
Effroyable maladie qui produit une telle raréfaction du fang , qu'il rompt tous les
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 535
yaiffeaux & fort par tous les pores , y fit mourir 300 perfonnes , en quelque forte
peftiféiées. Comme elle frappait particulièrement les hommes de mer , on l'appela
2.viSï\d. matç\' te àc h tavari^ lie.
En 1733 & au mois de Juillet 1734, elle eau fa de grands ravages, qu'on vit
fe renouveller en 1743 & au mois d'Août 1755. Mais depuis lors elle eft toujours
devenue de plus en plus rare , l'on cite même les fujets qu'elle attaque , mais que
l'on n'arrache prefque jamais à la mort.
Le Cap n'a donc pas toujours été exempt d'épidémies, h en 1755 il y en
eut une de près d'une .année , pendant laquelle les fièvres gangreneufes firent
les plus terribles ravages. Les chiens , au bout de quatre mois , partaoèrent ce
fiéau, ils étaient dévjrés par les vers , même avant leur mort , & l'on crut d'une
fage police de défendre alors l'ufage du poiffon , parce que les cadavres des
chiensétaienr jettes dans la rade.
C'eft pour moi une occafion de dire que quelquefois le poiffon a une pro-
priété malfaifante au Cap , furtout lorfqu'il efl très-gros. On a même pris
l'ufage de le faire cuire lorfqu'il eft d'une grande dimenfion , avec une cuiller
d'argent, parce qu'on a obfervé que quand la cuiller noirciffait , le poiffon
était mal-fain. L'efpèce de fardines appelée cayeux , eft fpécialement profcrite
au Cap depuis le mois de Mai jufqu'à celui d'Oftobre , par une ordonnance de
police du 12 Juin 1778, rendue 37 ans après que le médecin Defportes eût
vu des perfonnes empoifonnées par la chair de ce poiffon d'autant plus dange-
reux , qu'il eft très-délicat. Plufieurs perfonnes penfenî que le poiffon eft nuifiblc
lorfqu'il s'eft nourri fur des bancs cuivreux , mais cette opinion a fait place a
celle plus raifonnable, qui attribue cet effet au fruit du manceniiler qui croît fur le
rivage, & dont on fait que toute la fubftance eft un des poifons les plus aftifs. Peut-
être devrait-on s'occuper d'expériences relarives au tems du frai ; elles jetteraient
fans doute du jour fur cette partie encore environnée de ténèbres. La preuve
que la défenfe de vendre du cayeux pendant les fix mois que j'ai indiqués n'eft
pas un préfervatif fuffifant , c'eft que pour en avoir mangé le 14 Février 1779 »
j'eus le lendemain le corps tout rouge d'une éruption avec prurit, des coliques
& des vertiges.
Une épidéniie toujours renaiffante , c'eft celle de la petite vérole. Jamais on
n'oublira les effets défaftreux qu'elle eut en 1772 au Cap & dans fa dépen-
dance. Elle fut introduite dans cette ville par le navire négrier dont j'ai cité le
i
M
ri
535 DESCRIPTION DE LA PARTIE
naufrage d?.ns le port du Cap. Les nègres allaient couverts de pullules dans
les rues , bz le médecin du roi qui avait fans doute oublié ou qui ne favaic
p^s que la petite vérole était contagieufe , quoique plufieurs ordonnances fuc-
ceflives , depuis le iS Janvier 1686 , l'euflent défignée parmi les maladies dont
il était de fon devoir d'empêcher la communication j ne prit aucune précau-
tion pour s'y cppofcr. Il périt i,aoo perfonnes de cette épidémie. Elle fervit du
moins à rappeler que vers 1745 on avait tenté quelques eflais d'inoculation,
renouvelles en 1757, & plufieurs habitans delà plaine du Cap, chez qui
l'épidémie était parvenue , uîerent de ce moyen préfervateur , que le médecin
Joubert n'avait ceffé de confeiiler au Port-au-Prince en 1769. Mais on a vu
( page 247 ) , qu'il était réfervé à M. Warlock d'obtenir à l'inoculation , par
de continuels fuccès , une grande partie de la confiance qu'elle mérite.
L'inoculation n'cit cependant pas encore aflcz familière pour que la petite
vérole ne foit pas redoutable. Qui croirait que c'efi: au Cap qu'on trouve le
plus d'incrédules fur le fuccès de la méthode qui la combat , & où l'on oppofe
le plus d'entêtement à la propagation de cette méthode ! Au mois de Juin
1782, la petite vérole fe manifcfta au Cap & y fit périr beaucoup d'individus
jufqu'au mois de Décembre , qu'elle commença à perdre de fa force. Elle
exiftait encore , mais très-afFaiblie au mois de Mars 1783. Elle a reparu en 17S8
avec des caractères affligeans. En vain prétend-on que cette maladie cruelle
l'eft beaucoup moins dans les climats chauds, elle y eft toujours aflfez funefte
pour qu'on doive diminuer le nombre de ceux qui ne l'ont point encore éprou-
vés ; & qu'on fe fouvienne , comme l'a dit la Condamine , qu'elle défigure &;
mutile ceux qu'elle ne peut détruire. D'ailleurs la vieille routine d'un traitement
échaufi^ant , eft elle-même aulTi redoutable que la m.aladie.
Je tiens de M. Warlock , que ce qu'on publie du prétendu préfervatif que
procure le foin de laifler faigner le cordon ombilical & de le preifer , eft ima-
ginaire. Il a fait l'expérience plufieurs fois , notamment dans la psroifle du
Dondon en 178 1, & elle n'a pss empêché la communication de la petite
vérole , foit naturelle foit inoculée.
Il eft rare que la petite vérole ne foit pas précédée , accompagnée ou fuivie
de très-près parla rougeole, qu'on craint avec raifon à Saint-Domingue. Au
mois de Décembre 1748 , de Janvier & de Février 1749 , elle caufa beaucoup
de pertes dans toute la Partie du Nord, & au mois de Septembre 1782 elle fit
périr
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 537
périr un grand nombre de perfonnes prefque toutes adultes, par les dyfîènteries
dont elle fut fui vie.
On voit affez communément au Cap , depuis quelques années , des fujets
attaqués de l'éléphantiafis ou mal-rouge , ce fléau de plufieurs contrées de
l'Afrique. Leur afpecl hideux excite autant l'effroi que la pi clé , & il force ceux
qui portent leurs vues plus loin à reprocher au gouvernement une indifférence
coupable & dangereufe. Il devrait y avoir dans un lieu queîconqr,e de la Colonie
ime léproferie où ceux de ces individus qui font encore fufcepcibles de guérir
trouveraient les fecours nêceffaîres , où les autres feraient affujetcis à un régime
convenable & où l'on formerait , à l'égard de tous , une récîufion affez douce
pour ne pas aggraver la douleur de leur é:at & affez fûre pour empêcher la
communication de cette mala.iie.
On parvient rarement au Cap à un tge avancé , & la lifle des 0(5logénaires
de toutes les époques ferait courte; & ce ferait encore plutôt des nègres ou des
mulâtres. On y a remarqué Thomas Bernard , homme de couleur âgé de plus
de 80 ans & qui avait en 1787 douze enfans légitimes vivans. L'on cite
M''^ Marie Regnard, époufe de M. Cormeau de la Chapelle, notai-e au
Cap, morte à 84 ans le 29 Mû 1770, & M''^ Marguerite Gigot , époufe
de M. de Safrey , marquis de Tourncmine , qui y était née & qui y mourut
îe 16 Mars 177 1 , âgée de 82 an?.
Les perfonnes des deux fcxes qui parviennent à leur cinquantième annnée, y ont
une exiftence plus entière qu'ailkuis , parce qu'elles n'y éprouvent pas les infîr-
înités des.' payb froids. Ce n'efl pas qu'il faille croire , comme l'a dit Reynal ,
que la goutte (*X la graveile , la pierre & l'apoplexie ne font jamais le moindre
mvage aiax Mks'. Les trois premières maladies y lont bien connues , & elles
j^autorifent peut-être Topinion dt ceux qui les confidërent comme des maîadi
les
de la lymphe. Quant à i'aploplexie , on en eft affez garanti par la grande aftivité
que la chaleur imprime au fang , & qui, en brifant les molécules , les fait paffer
plutôt à l'état inflammatoire qui allume les fièvres de ce nom qu'à celui de
(*) Fiîs d'an père que m'a ravi Ripoplexie Se d'une mère qui ét^it devenu gouteufe à 52 am , Je
fuis goûteux moi-même , & nous (omme? Crée/i tous les trois. Ma feyle famille nie fournirait d&
norabreufes réfutations de î'affértion de P^a'ynaK
Tome L ' ^ Y Y
53â DESCRIPTION DE LA PARTIE
violence & d'épauTifTement qui caufe l'apoplexie. Au fi.rplus , on ne voit encore
que tropd'apopleéliques aux Ifles.
Étrangers âf autres prjonnes remarquables venues au Cap
Un lieu aufïï fréquenré que le Cap, où il arrive chaque année autant de
bâtimens & qui eft le centre d'un auffi grand mouvement , doit avoir été néceffai-
rement vifité par des pcrfonnes remarquables. J'en vais citer quelques-uns dans
Tordre chronologique.
Une flotte efpagnole paiïknt devant cette ville, y mit à terre, le 27 Juillet 1708^
Don GuiUermo Mornl , meftre de camp , qui allait prendre poffeffion de la place
de préfident de la Partie Efpagnole , & qui s'y rendit par la Partie du Nord de la
Colonie Francaife , où il fit un peu de féjour , puifqu'il affifta, comme je l'ai
dit , à la Sainte -Anne, fête patronale de la paroiffe de Limonade.
Le père Charkvoix , jéfuite, venant de la Louifiane , où l'avait mené le voyage
qu'il fit par ordre du gouvernement en Septembre 1720 , pour découvrir la m,ec
de l'Oueu: , arriva au Cap le i^\ Septembre 1722 , & en partit pour le Havre le
25 du même mois. Il eft même vraifemblable que ce fut alors que le père le Pera
lui remit: fes mémoires, qui ont formé l'Hiftoire de Saint-Domingue , qui s'arrête
en 1723 , & que je trouve vraiment digne d'éloge.
Le 7 Novembre 173 1 , Don Manuel Lopez Pintadez , chef d'efcadre , qui
montait le Saint-Louis de 6c canons , relâcha au Cap avec cinq autres vaiffeaux
efpagnols , faifant partie des gallions qui retournaient du Mexique en Europe , &
qui avaient été três-maltraités d'un coup de vent. Il y féjourna jufqu'à la fin du
mois d'Avril. Ces vaifîèaux , pendant qu'on les réparait, mirent à terre quatre-
vingt millions.
Au commencement de 1741 , on vit au Cap Don Pierre Zorrilla de Saint-
Martin , marquis de la Gandara Real , premier-lieutenant des gardes efpignoles,
qui fe rendait à la préfidencc de Santo-Domingo. Ce fut lui qui eût l'occafioa
d'entendre parler de la ferme des boucheries.
Au commencement de Février 1744, aVriva un prince de Mont-Liban^
I
•nvov^^Brrr-^v^p^
V^
FHA'NÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 5^3
vànu de Marfeille à la Martînique & de cette Ifle à Saint - Domingue , pour
implorer la charité des fidelles,afîn d'obtenir de quoi racheter fon frère aîné retenu
en otage par le bâcha de Sidon , pour un tribut qu'il n'avait pu payer. Il était
vêtu à la turque , ainfi qu'un homme qui l'accompagnait & lui fermait d'interprète.
Il fut reçu & logé par les jéfuites , qui le traitèrent a^rec de grands égards -, mais
étant revenu, au mois de Mars 1751, les Adminiitrateurs crurent'convenable
d'ciTipêcher le renouvellement de fes quêtes.
Un illuftre voyageur , le commodore Byron , revenant du naufrage qu'il avait
éprouvé dans fon voyage autour du monde , entra au Cap le 8 Juillet 1745,
fur la frégate particulière le Lys , armée à Saint-Malo, & en repartit le 6 Sep-
tembre , fur le mê ne bâtiment, dans un convoi efcorté par une efcadre aux ordres
de M. de l'Ëtenduère.
Ce fut dans cette ville qu'un archevêque de Nicofie vint mourir, au mois de
Septembre 1751 , au moment où les Adminiftrateurs exigeaient qu'il reparut de
la Colonie, qu'il difait ê re venu voir en voyageur qui veut s'inftruire.
Don Manuel de Azlor y Urriez , colonel, & préfident de la Partie Efpagnoîe ,
arriva, le 20 Février 1766 , de fon gouvernement , & fit dans cette ville un affez
long féjour , que M. d'Eftaing fût lui rendre très-agréable.
Un autre préfident Efpagnol y fut attiré par la grande affaire des limites.
C'était Don Jofeph Solano & Bote, chevalier de l'ordre de Saint - Jacques &
capitaine de vaiffeaux. Il y vint le 14 Février 1776; & le 8 Avril 1782 il
mouilla dans fon port avec l'efcadre qu'il commandait en qualité de lieutenant-
général & qui y féjournajufqu'au mois d'Avril 1783.
Le 21 Février de la même année, le Cap reçut Don Bernard de Gaîvez ,
lieutenant-général des armées efpagnoles , qui venait y prendre ie commandement
général des armées combinées de France &d'Efpagne. lien repartit le 8 Mai 1783,
emportant les regrets de tous ceux qui l'avaienc connu ; regrets qui devinrent
bien plus vifs en 1786, | la nouvelle de fa mortj il était alors vice-roi du
Mexique.
Mais l'étranger le plus célèbre , que la ville dont je parle ait eu dans fon feia
& dont i'ai déjà fait mention à l'article du fpedlacle , c'eft le prince Guillaume-
Henri , duc de Lancaftre , fils du roi d'Angleterre, qui y débarqua le 5 Avril
de l'efcadre de l'amiral Hood où il fervalt en qualité de garde-marine, & qu'il
rejoignit à l'expiration de fon congé de 24 heures , ayant eu à peine le tems de
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540 DESCRIPTION DE LA PARTIE
voir cette ville , qu'il trouva très-digne de la curiofité qu'elle lui avait infpîrée.
Le Cap a été la patrie , le tombeau ou le féjourde plufieurs hommes , qni ont
des ti.-res pour être cites.
Le père Pierre Boutin , jéluite. îl était né à la Tour-Blanche , en jPérigord ,
durant l'année 1672. Arrivé au Cap en 1705, en qualité de miffionnaire 3 il
occupa fucctffivement les cures de l'Acul, du Port-de-Paix & du Petit-Saint-
Louis , jufqu'en 17 14 3 qu'il paffa à ceile du Cap, dont on a vu qu'il dirigea
l'églife & comme pafteur & comme architefte. Quelques effets d'un zèle , peut-
être trop ardent , ayant fait défirer rrefqu'auiTitôt aux Adminiftrateurs de ne pas
voir le père Boutin à la tête de cette paroilTe , il s'attacha fpécialement à l'inftruc-
tion des nègres. Il avait pour cette œuvre les deux grands talens qu'elle exi^^e :
une patience qui ne fe laffe de rien & une fanté ferme que ne promettait cepen-
dant pas fon extérieur faible. A cette partie de l'apoftolat le père Boutin réunie
le foin fpiritiiel des marins , c'eft-à-dire , qu'il cultivait la partie la plus laborieufe
de la vigne fainte, puifqu'alors il fallait aller dans la rade, parce que les matelots
malades étaient gardés à bord des hâtimens.
L'étude des nombreux idiomes de l'Afrique, celle des moeurs des hommics qui
habitent cetce partie du monde , était la principale application du père Boutin ,
qui était parvenu à fe rendre auffi fimple & auflî intelligible pour tous les nèores,
que pour les blancs les plus inftruits. Ce fut lui qui établit le premier, l'ufao-e de
faire le baptême des adultes , aux deux époques annuelles, des famcdis de Pâques
& de la Pentecôte; mais chaque foir il faifaitune inflruftion au-devant du perron
que l'églife avait alors. La meffe, appelée des nègres, fut auflî inftituée par lui.
On a vu quelle affection il avait montré pour les malades , en établiffant un
hôpital, & quel attachement folide & religieux il avait pour la Colonie, à qui il
a fait un vrai préfent dans l'établilTement des Religieufes de Notre-Dame au Cap.
Livré aux plus grandes auftérités , le père Boutin ne celfa pas de jouir d'une fanté
eonllante, & fa mort, arrivée le vendredi 21 Décembre 1742 , ne fut précédée
que de quelques jours de maladie.
Cette mort fut le fignal d'un deuil univerfel ; ceux mêmes , qui croyaient
que le zèle du pieux miffionnaire avait été quelquefois trop loin , ne virent plus
que la perte de fes vertus , & de leur influence fur deux claffes d'hommes qui en
avaient éprouvé l'heureux afcendant. Il n'ell pas encore aujourd'hui un feul
individu qui ne fâche k nom du père Boutin , fe. chez qui il ne réveille l'idée dâ
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n'';ii'J*''-""""jf
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FRANÇAISE DE SAlNT-DOMINGÛE. ^41
k bienveillance la plus fervente. Les habitans du Cap, en particulier, lui confervent
une gratitude , qui eft le monument le plus durable , qu'un homme puilTe confacrer
au fouvenir d'un lautre homme. Le père Boutin avait trouvé, au milieu d'une vie
pleine d'exercices de piété & de travaux utiles, le tems de fe livrer auxobfervations"
aftronomiques , & les mémoires de Trévoux renferment plufieurs des fiens.
Le Cap a eu auflî pendant quelques années pour curé , le père Margat , jéiuite ,
qui l'avait été auparavant de la paroiffe de la Petite-Anfe , pendant vingt ans. Ce
religieux eft l'auteur d'une Hiftoire de Tamerlan,. & de plufieurs lettres curieules
& intéreiïantes , imprimées parmi les Lettres Édifiantes.
C'eft au Cap , que Jean-Baptifte René Poupée Defportes , pratiqua feize ans
la médecine ; il y fut même médecin du roi chargé des hôpitaux, depuis 1740
jufqu'à fa mort, arrivée au Quartier - Morin le 15 Février 1748, lorfqu'il n'avait'
encore que 43 ans Se 5 mois. M. Defportes, né à Vitré, en Bretagne, d'une
famille qui a produit plufieurs médecins , s'occupa de juilifier le choix qui lui
avait confié une place importante, quoiqu'il lût encore très -jeune , comme
médecin ; le brevet de correfpondant de l'Académie des Sciences récompenfa fes
cfîais en 1738, & l'encouragèrent pour l'avenir.
On a imprimé en 1771,3 Paris, 3 volumes w- 12 des œuvres de M. Defportes,
fous le titre d'Hiftoire des Maladies de Saint-Domingue. On y trouve un traité
des plantes ufuelles de la Colonie i une pharmacopée ou recueil de formules des
médicamens fimples du pays, & quelques Jiffertations fur diverfes denrées colonia-
les, l'analyfe des eaux minérales du MirebaUis , &c. &c. J'ai dit en parlant du père'
Le Pers , que fes travaux botaniques avaient paffés à M. Dei'portes,
Ce médecin a des apologiftcs & des détraéleurs. Les uns & les autres ont trop
abondé dans leur fens , & peut-être que fi les premiers voulaient confidérer que
les connaiffances botaniques & chimiques de M. Defportes, qui avait quitté la
métropole vers 1732, n'étaient pas & ne pouvaient pas être très-profondes j
on s'étonnerait moins de trouver dans fes recettes une profufion contradiéloire ,
qu'il n'eft pas permis de vouloir juftifier de nos jours. Mais M. Defportes a eu
le mérite d'avoir le premier donné quelques idées fur la médecine coloniale ; il a
fait des obfervations locales qu'on ne peut s'empêcher d'eftimer, & Ci fon livre
n'eft pas toujours propre à être un guide , il peut du moins fervir de notes
indicatives.
M, Bourgeois , né à la Rochelle , de la famille dwminiflre M. Bourgeois dr
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IB?^
542 £>ESCRIPTION DE LA PARTIE
Boynes , habita pendant près de trente ans la ville du Cap , ou il fut avocat & le
premier fecrétaire de la Chambre d'Agriculture. M. Bourgeois revenu en France,
fit imprimer à Pans , en 1773, unpoëme, fous le titre de Cdomb,^n deu. parties
m-l-., dont chacune contient vingt-quatre chants. La vérité force à dire que
cette publication fut un piège pour Famour-propre de l'auteur , & qu'on ne
pourrait rien retirer de cet ouvrage , que des matériaux pour un diftionnaire
des nmes , parce qu'elles y font d'une grande richeffe. Un neveu de M. Bourgeois
a pubhe en 1788 , & depuis fa mort , un recueil .•«.8^ , fous le titre de Vcya.es
zntereJTans da.s différentes Ccknies Françaifes , E/pagndes ^ Anglaifes , ^c Ôc
détails"''' ''''''''' ^''"''''°'"^^"'^' ''*'"' anecdotiques , de defcriptions & d'autres'
Ceft pendant fa réfidence au Cap que M. Himard d'Auberteuii a compo^
ks deux volumes /^8- qu'il a publiés ^ Paris , en. 177^. Ils fbnt intittk .
Cr,tftder.Mons fur l'Etat préfent de la Colonk d, Saint-Domin^u,, Cet ouvra^^
ccritavec hardieffe. ne tormait qu'une partie d'un grand travaifque M. Milliard
ie vit force de réduire, parce que l'Hiftoire Politique des deux Indes , de
xaboe Reynal , en avait rendu plufieurs détails inutiles. Le livre de M Milliard
fit une grande fenfation à Saint - Domingue où fa diftribution fut même défendue
La réputation de cntique qu'avait Ton auteur , contribua beaucoup à lui donner des
t^œ M ^.^:^:,"t'^f 'T" '^'^ ""'^ -uveront leurs places dans l'hif.
to.re M. H.lhards'eft quelquefois laire emporter au défir de cenfurer, & Tes
de.ails ne font pas toujours d'une exaftitude rigoureufe. Le Minière, a oui on
ndenonçalefprit&desfragmens,fitdeM. Milliard un procureur du roi de
1 Ifle la Grenade. Mais l'efprit inquiet de Mr. Milliard le ramena en France
& Il vient de mourir à Saint-Domingue , où il faifait. depuis deux ans, le métier de
folhciteur de vieux procès & d'écrivain de mémoires de judicature , que des
avocats inoccupés couvraient de leur fignature,
C'eft au Cap auffi que M- Dubuiffon . né' à Paris , auteur de la tragédie de
Mrza. fit la critique de l'ouvrage de M. Milliard, fous le titre de Nouvelles
Conf;derattom fur Saint-Domingue, en répnje à celles de M. H, D Elle a été
imprimée à Paris en 17S0, l'auteur y a fuivi M. Milliard chapitre par chapitre
& dans plufieurs points , il loue par cela même qu'il ne critique pas
M.Rey, Créol du Cap , mort en 1779 procureur-général du Confeil fupé,
rieur de cette viUe a écrit fur le commerce des blés S. a concouruàia ré,.^
d un ouvrage périodique connu fous le nom de SpeSîateur Français.
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 543
^ M. Weuves le jeune , né à Neufchâtel en Suiflt en 1738 , après avoir
çtudié le commerce quelques années à Paris & au Havre , vint ie faire au Cap.
Il alla, en 1766 , dans la Partie Efpagnole & fut fix femaines à Samana. Devenu
fondé de procuration de M. le duc de Bouillon dont il a régi l'habitation à Léo-
gane , il repaffa en France en 1776. C'eft là qu'entendant dire , en 1779 , à un
homme d'État que les Colonies étaient onéreufes à la Métropole , il fit ' pour
combattre cette opinion , un mémoire qu'il remit au miniftre de la Marine , des
mains duquel il le retira pour le donner à M. de Vergennes qui le défirait. Ce
dernier fe détermina à le faire imprimer , mais l'ambaffadeur d'Efpagne qui fut
que le cagotifme efpagnol y était févèrement blâmé , follicita pour qu^ l'ouvrage
fut cartonné. Il le fut, en effet , de l'agrément de M. Weuves qui faifait alors
un voyage à Londres & qui tranfigea ainfi pour qu'on ne touchât point au fond des
chofes coloniales. Cet ouvrage intitulé : Réflexions Hifloriques t? Politiques fur le
mnmei ce de France avec/es Colonies d'Amérique , imprimé, en 1780, chez Celioc
à Paris , un volume tn-Z\ efl fait pour attirer de juftes éloges' à fon auteur qui
habite encore Paris , en ce moment.
M. Alexatidre Dubourg , né à Caen le 27 Février 1747 , eft mort au Cap le
9 Décembre 1787. Son père qui était tapiffier , ne pouvant lui faire continuer
fes études , lui fit enfeigner le deffin & les mathématiques & l'envoya à Rouen
pour s'inftruire dans le commerce de la droguerie. Il y entendit le célèbre le Cat
& s'enflamma pour l'étude de la nature ; mais contrarié dans ce goût , il fe fît
fbldat au régiment de Périgord , avec lequel il paffa à la Martiniqu'e.
On éleva un fpeftacle dans cette île & M. Dubourg s'y fit remarquer par
l'intelligence avec laquelle il rempliffait quelques rôles. Séduit par le^ applau-
diffemens, M. Dubourg continua àjêtre comédien , après même qu'il n'était
plus foldat > & il vint exercer cet art au Cap. Une conduite honnête , un extérieur
décent & des talens prefque naturels pour le théâtre , donnèrent des amis & des
admirateurs à M. Dubourg qui, nourri de la lecture des bons auteurs, fe livra â une
étude qui peignait la douceur de fon caractère.
Le Cercle des Philadelphes en fe formant , choifît M. Dubourg pour le préll-'
der , & cette nomination honora les éledeurs & celui qu'ils avaient élu. M,
Dubourg qui trouvait dans cette nouvelle fociété des jouiffances analogues à Çts
goûts , s'occupa beaucoup de rendre fes premiers travaux intéreflans? Il fît un
cours de botanique & dans un pays où toutes les manufactures font alimentées par '
.■•■■■ ■:!
544 DESCRIPTION DE LA PARTIE
le règne végétal , hf. Dubaurg fut écouté avec intéiêt & avec fruit & l'on peut
<ilre que fes travaux ont procuré au Cercle des iiaifons flatteufcs &c propres à en-
courager. Il efi bien malheureux que la culture d'Uxie Science qui a tant à recueillir
à Saint-Domingue , y foit naturellement pénible , parce qu'il faut braver un
climat ardent pour aller lire dans le grand livre de la nature. Ce ^èle qui ne
manquait pas à M. Dubourg , Ici donna la mort, malgré fa forte conftitution , &
fa perte en a étéune réelle poirla Colonie. Celle-ci a donné en lui cette preuve utile
qu'elle ne partage pas l'opinion de ceux qui penfentque la proftffion deftinée à offrir
fur la (^cèae les vices & les ridicules pour le s faire haïr , & les vertus pour les faire
aimer , eft dégradante. On y a bien fcnti que ce font les moeurs des afleurs oui
les ont avilis , & non pas l'emploi de leurs talens.
Je ferais inexcufable fi je ne rappelais pas ici, un homme à qui Raynal,
Hilliard & la Blancherie ont payé un jufte tribut d'éloge.
M. Pinfun , de Bayonne , capitaine r.égricr , garda un des nègres qu'il avait
traités au Congo & en fit Ton doirefàque. Louis ( c'eft le nom de ce nègre ) qui
fuïvait fon maître dans fes voyages , fut m.is par lui en apprentiffage du métier de
çuiiinier à Nantes , quand M, Pinfun quitta la mer. On prétend que ce dernier
trouvant que Louis prenait en France , une manière G'ê:re qui influait fur fa
foumifTion , le renvoya à Saint-Do DÎngue en le rendant libre.
Louis vint exercer fon induftrie au Cap, d'abord com.me cuifinier, puis il y
leva une penficn, & commiC il avait delà réputation, furtout dans la {.âtilTerie, il
fut iurnomm.é des Rouleaux.
M. Pinfim , forcé de repafTer , îong-tems après , dans la Colonie , à caufc du
dérangement abfoîu de fa fortune , ne trouva plus d'anciens amis ou n'en Fencon-
tra que de froids. Mais Louis des Rouleaux les fuppléa tous. Apprenant l'arriN ée
de fon ancien miaître ; il va le chercher , le loge , le nourrit , exige qu'il s'éloigne
d'un pays où la comparailbn d'une lituation prolpère ajoute à fes chagrins , & lui
afïïire une penfion.
Ju'qu'à 1.^ mort de Louis des Rouleaux , arrivée en 1774, il a non-feulement
acquitté la penfion comme une dette facrée, mais fa reconnaiffance ne biffait
échapper aucune occaûon d'y ajouter des préfens qui la furp^ffaient tou ours. Louis
des Rouleaux qui avait acquis trois mai ions , a joui, pendant long-tem^ , de
l'eilime géi.éfale , fon éloge était dans toutes 1; 3 bouches. Nul homime lenfioîe
iiauiuit voulu ciuitccr le Cap^ lans avoir vu celui dgnt l'exemple 4tait , tout-à-la-
fois
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-i«Tr<nw^3P"
'T '"^
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 545
fois Cl noble & fi touchant , Se U commandait l'admiration , même aux ingrats.
De fon mariage avec une négreffe, étaient nés deux fils qui n'exiftent plus,
& une filie mariée à Cape , nègre , & a6luellement vivante au Cap-Français.
».S><^iâg><S>!^eK^;@>(^<^^->^0(>«>
De l'Éducation. .
C'est quand on vient de parler d'hommes inftruits , d'hommes qui ont
cherché à être utiles à la Colonie , qu'on déplore de la voir fans un feul é^abhf-
fement propre à donner de l'éducation à ceux des enfans que la fortune de
leurs parens ne permet pas d'envoyer en France. Il n'exifte au Cap que des
écoles où l'on enfeigne à lire , à écrire & l'arithmétique. Ces connaiffances
fubîimes en foijfotjt, je le fais, indifpenfables & très-précieufes , mais c'eft
comme moyens qui conduifent à toutes les autres connailTances , à celle des
Arts & des Sciences ; elles perdent donc la plas grande partie de leur utilité pour
des fujets qui refient d'ailleurs dans une piofonde ignorance.
Pkifieurs fois on a projette & même formé des penfionnats où l'on enfeignait
de plus les mathématiques, l'hidoire , la géographie & quelquefois le latin , &
où l'on avait des maîtres d'agrément. En ce moment même , celui de M.
Dorfeuil,qui s'eft toujours accru depuis 1784, & où l'on compte plus de
cent externes & trente-cinq penfîonnaires , mérite de juftes éloges & pour les
foins attentifs que les élèves y trouvent , & pour l'ordre qu'il a mis dans l'enfei-
.gnement , en combinant les divers devoirs & les divers exercices avec
l'amour de la variété , qui caraclérife le jeune âge. Mais l'extrême cherté de
tout, nécelTitant celle des penfions, il n'en ell point qui puiffent ê:re conftamment
durables. D'ailleurs comment iuppléer le chef de l'entreprife lorfqu'il meurt ou
feulement lorfqu'il eft malade , & comment remplacer un maître d'agrément qui
/l'a été trouvé que par hafard & qui ne regarde pas comme folide le penfionnat
auquel il s'eft attaché.
Il n'y a qu'une infàtution publique qui puifTe remplir ce but im.portant, parce
que les fujets feraient affez multipliés pour que les p^r^es pufTent être réparées
fur le champ ou pour que le vide ne fût pas abiblu jufqu'à l'arri'.ée d'un
remplaçant d'EuropL\ Des infbitutturs inflruits & éprouves quant aux mçeurs j
des artiflies à talens trouvant d'abord dans l'établifTemcnt u d.i.s le^ rcITuurctS
Tome L ^ . ; _ ^ Z z 2
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546 DESCRIPTION DE LA PARTIE
d'une grande ville de quoi fe faire un fort, adopteraient Saint-Domingue comme
une nouvelle patrie. Des Créols eux-mêmes , formés en France avec cette
dcftination , feraient enfuite éclore dans l'île les talens qu'ils auraient été acquérir
en France 3 & en prenant foin que le prix de l'éducation fût modique, parce
qu'on répartirait la dépenfe de l'étâblifTement fur toute la Colonie, on ferait
des colons , des hommes inftruics & intérefîans. Une pareille inftitution au Cap &
une au Port-au-Prince fuffiraient à tous les be foins. Quand je fonge que les colonies
cfpagnoles ont des univerfités , & que nous qui nous croyons fi lupérieur.s aux
Efpagnols nous n'avons que des écoles, qui indiquent les tcms d'ignorance , je
gémis d'une vanité qui n'cH fondée que fur les richefîès. Mais au furplus ,
i'inftruclion n'eft-elle donc rien pour l'induftrie ?
L'on croira peut-ê-.re que je me contredis en défirant une éducation locale,
après avoir dit ailleurs qu'il était utile que les Créols allaiïènt la chercher loin
des illufions & des influences de leur pays. Je fuis & je ferai toujours de ce
dernier fentiment ; mais je ne veux pas que l'impuiffance de fupporter une
o-rande dépenfe faffe croupir dans une honteufe ignorance des êtres qui , pour
devenir l'ornement de leur pays , n'auraient befoin que d'enfeignement. Avec
l'inftruftion viendrait la polictffe , l'urbanité ; les mœurs fe poliraient , l'ému-
lation du bien naîcraic -, l'habitant qui pourrait s'inftruire dans la phyfique , les
mathématiques , l'agriculture , la botanique èc même dans cette langue qui fait
connaître tant de chefs-d'œuvres , ferait plus utile , confidéré comme manufa6lu-
rier , comme chef d'un nombreux atelier. Il y aurait encore affez de
Colons riches qui préféreraient, ne fut=^e que par orgueil , l'éducation métro-
politaine. Eh que fait-on ? peut-être que les Créols qui ne pourraient plus fe
croire des coyphées en revenant parmi ceux à qui toute lumière a manqué , fe
piqueraient eux-mêmes d'émulation S>; fe croiraient obligés de rapporter du lavoir.
Un pareil établiiTem.ent , dont la Société des Sciences & Arts du Cap ierait
vraiment le complément, aurait des effets que j'aime à concevoir & à prédire.
Un autre gain, ferait que les femmes trouveraient plufieurs avantages à avoir
des maris façonnés , Se que l'éducation domeftique des erîfans ferait améliorée.
On trouverait alors des penfionnats de jeunes perfonnes du fexe , non pas à un
prix exhorbitant, comme j'en ai vu un, notamment rue Efpagnole , au
Cap , où la penfion & deux maîtres d'agrément coûtaient 2,800 liv.
tournois par an j mais où les maures auraient du bénéfàce à n'être pas plus
Si
'■Ji' "^ I *f IH^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 547
coûteux qu'en France. Des inftitutrices connaiflant l'influence des vertus
privées fur la vie d'une époufe & d'une mère , en donneraient l'exemple ,
& la leçon , & nos Créoles ne fe contenteraient plus d'être jolies , elles vou-
draient de plus être dignes de l'eftime univerfelle, qui les embellirait encore.
Des Environs du Caf.
Il eil tems que j'examine les environs de la ville du Cap & le refte de la
paroiiTe , dont elle e(l le point principal.
De la Ravine du Cap.
La première chofe qui attire les regards dans ces environs , parce qu'elle eft
tout-à-la fois & dans la ville Se hors de la ville , c'eft la ravine du Cap.
Cette ravine a pour véritable nom , celui de ravine de la Belle Hôtefle , qui
portent un très-grand nombre d'autres de Saint-Domingue. Elle a fon cours dans
la gorge qui eft au-defllis de la Providence des hommes, & fe trouve placée de
manière à recevoir les eaux du revers des mornes qui la bordent , & qui , coupés
eux-mêmes par différentes ravines ou ruiflèaux , fourniffent un grand volume
d'eau dans la faifon des orages , mais plus encore durant les pluies de Nord.
Cette ravine , à partir du fommet de la gorge , fe dirige vers la ville , en
faifant , avec les rues qui vont du morne à la mer , un angle d'environ ;i;^
degrés. Rendue en face de l'hôpital de Jafmin , elle court parallèlement à ces
mêmes ruesjufqu'à ce qu'elle foit parvenue à la hauteur de la rue du Pet au
Diable Se en face de la rue Saint-Michel. Delà, elle s'écarte vers le Nord ^
de manière que parvenue au bout de la rue des Marmoufets , elle fait prefque
face à la rue Saint-Pierre ; qu'au bout de la rue Royale elle eft un peu au Nord
de la rue du Conltil , & qu'au bout de la rue du Morne des Capucins elle eft
à-peu- pi es vis-à-vis le point de fon embouchure. De cette extrémité de la
rue du Morne des Capucins jufqu'à la mer , elle a un cours aflez droit , fi ce
n'eft que depuis la rue Saint-Domingue jufqu'à celle du Gouvernement , elle
rentre au Sud, même d'environ 15 toifes vers cette dernière rne. Elle parcourt
Z z z 2
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548 DESCRIPTION DE LA PARTIE
dans h ville, à compter du haut des emplacemens au-deffus de la Providence,
jufqu'à la mer , environ 700 toifes. Un arceau en voûte aoplatie , trop baffe
pour laiffer introduire la plus petite pirogue, donne paffage à' un canal de cinq
toifes de hrge; c'eil par là que les eaux de la ravine gagnent la mer , fous la
batterie circulaire.
A mefure que la ville s'eft étendue , la ravine eft devenue un plus grand
• inconvénient pour elle. Lorfqu'on n'avait bâti que fur le rivage & que le Cap
ne s'étendait pas au Nord de cette ravine ; lorfque le morne du Cap n'était pas
auffi à nu & auffi expofé aux dégradations des pluies , les eaux s'écoulaient
fans obftacle , & il paraît qu'alors le lit de la ravine lui fuffifait , mais fon état a
changé avec l'agrandiffement du Cap.
Des perfonnes prétendent que vers 171:0, on venait, avec des canots par la
ravine , faire de l'eau à un puits placé à la hauteur de la rue Vaudreuil.
Mais des pièces de 17 19 me prouvent que la ravine était toujours à ftc dans
ies-tems ordinaires. D'autres perfonnes m'ont aiTuré avoir paffé en canot fous
le pont qui eft entre l'Arfenal & le magalin du Roi en 1740 , ce qui ne peut
avoir eu lieu que dans des débordemens , puifque même lors de fa conftruc1:ion
on n'a laiffé que fept pieds de vide fous ce pont. Mais il eft certain que ce vide
n'eft pas à préfent de deux pieds de hauteur , tant le fond s'eft élevé.
Cette différence encore plus fenffble dans d'autres points , eft due à deux
caufes. La première & la plus puiffante , font les terres & les fables entraînés par
cette ravine elle-même & par celles qui viennent y réunir leurs eaux. La féconde,
l'habitude contractée , depuis que le voifmage de cette ravine a été bâti , d'y
jetter la plus grande partie des immondices de la ville , fans que les ordonnances
de police ayent jamais pu remédier efficacement à ce mal, dont il faut avoir vu
les effets pour les concevoir.
On peut juger du volume du remblai par le banc formé en dehors de la bat-
terie circulaire, à l'embouchure de la ravine j & lorfqu'on fait qu'en 1782 le
conduit qui mène l'eau à la fontaine de la rue du Confeil & qui traverfe la rue
Royale, était élevé de plus de deux pieds au-deffus de fon fond, tandis qu'en
1788 il eft abfolument fous terre , on ne peut qu'être étonné de cet exhauffe-
ment fi prompt, qu'on le voit croître de pluficurs pieds en un petit nombre
d'années; il était tel enfin en 1788 que le lit de la ravine était plus élevé que
le niveau des rues, qui lui font parallèles. Les nouveaux établiffemens faits depuis
-si
FRANÇAISE DE S A I N T - D 0 M I N G U Ê. ^49
peu le long de cetce ravine, les déblais & les remblais formés fur les terrains
concédés par la Providence , l'écoulement de la ravine fur un terrain en quelque
forte plat lorfqu'elle arrive dans la ville chargée de ce qu'elle a pris dans le
morne ; enfuite fes fmuofités qui lui laiffent le tems de former des dépôts ,
tout la rend dangereufe , & les ravages- de fes débordemens vont toujours en
croiflant.
Autrefois elle en avait eu où l'eau enfilait les rues du Confeil , St.-Pierre
St.-Michel, la Providence & Bourbon, c'eft-à-dire , l'une de ces rues ou
plufîeurs , ou même toutes à la fois ; mais pendant long-tems cette eau retour-
nait à la ravine par la rue St,-Domingue. Depuis elle a fuivi ces différentes rues
jufqu'à la mer. '
Le jeudi 8 Novembre 1781 , à 8 heures précifes du foir , la pluie commença
avec la plus grande impetuofité & avec une telle force, qu'en moins de vino-t-
cinq minutes , la ravine déborda dans les rues du Confeil , St.-Pierre , St.-Mi-
chel & de la Providence, & furtout dans cette dernière oij l'eau entra dans
la plupart des maifons jufqu'à l'extrémiité de la rue Sc.-Laurent vers la mer.
Il y avait , à huit heures & demie , deux pieds Se demi d'eau au coin de la rue
Royale & de celle de la Providence. Il y eut des m.eubles emportés à la mer *
avec une rapidité incroyable ; des fucres , des ca'es furent avariés dans les
magafms , le pavé fjt creufé en plufieurs endroits & notamment dans une lon-
gueur de dix toifes de la rue St-Laurent entre celles du Palais & St-Domino-ue.
On attribua cet événement à la conftruftion nouvelle de deux maifons fur le
bord Nord de la rue St.-Michel , au-deffus de celle des Marm-oufets , dans
.une partie de l'ancien lit de la ravine, auquel on prétendait qu'il n'avait été
laiffé qu'un lit trop étroit que fes eaux avaient furmonté.
Comme la préfence d'un malheur infpire prefque toujours l'idée d'une pré-
caution, M. Desforges, ingénieur, propofa, le 14 Décembre fuivant , un plan
de détournemenc de la ravine, à partir du point où elle reçoit la ravine à
Douet. De là même , la ravine était jettée fur fa rive gauche ; arrivée à la rue
du Lion elle était menée prefque au Nord , & parvenue vis-à-vis la rue du
Fort-aux-Dames , on la conduifait derrière le hangard à la mâture , & elle
arrivait à la mer vers l'extrémité de la rue St-Alexandre.
Ce projet faifait parvenir toutes les rues percées du Sud au Nord, depuis celle
des Marmoufets jvifciu'à la rue du Gouyernement, prcfqu'aiiflî loin dans le Nord
•:v5
M
5P DESCRIPTION DE LA PARTIE
que la rue Sc-Alexandre , & h leur tour les rues du Petit.Carenage , depuis
celle de l'Arfenal jufqu'â celle Sc-Alexandre, fc feraient étendues dans l'Oueft
jufqu'au prolongement de la rue des Marmoufets. On aurait formé une rue entre
celle du Confeil & celle de l'Arfenal , en fuivant la dire<5tion du lit afluel de la
ravine pris à fon embouchure. Enfin ce plan qui donnait cinquante îlets de plus
à la ville en la débarraffant de la ravine , lui procurait encore un magnifique
boulevard formé d'un rang d'arbres plantés le long de la ravine qui aurait eu
6^6 toifts &: cent pieds de pente.
Suivant M. Desforges , ce travail ne devait coûter que 450,000 livres. SoÎE
qu'on ait trouvé des obftacles à fon exécution , foit que l'on fe fût refroidi , fui-
vant l'habicude coloniale , les chofes relièrent dans leur premier état.
Le 28 Février 1782, la ravine déborda encore & paffa, à huit heures du
foir , par les rues du Confeil, St-Michel & la Providence, mais fans caufer de
dommages.
Ce ne fut pas la même chofe le 7 Novembre 1787. Après une heure & demie
d'orage , la ravine déborda entre huit & neuf heures du foir -, les eaux abatti-
rent le mur qui ferme l'emplacement du côté Nord de la rue Traverfière. Elles
s'élevèrent à huit pieds, perdirent tous les meubles, noyèrent deux jeunes
nègres de M'\ Beffière , propriétaire de la maifon conftruite fur cet emplace-
ment, & lui firent courir des rifques à elle même. Il y eut quatre pieds de iablc
^c de pierres dans la maifon, une voiture fut emportée & brifée, & les che-
vaux, placés dans l'écurie, ne fe fauvèrent qu'en en brifant les porces. Un
chirurgien fut entraîné jufques vers la mer j les cadavres du cimetière delà
Providence furent exhumés & emportés ; les denrées & les approvifionnemens
furent avaries dans des magafins où l'eau s'éleva jufqu'â 4 pieds. Il fallut dès le
lendemain matin déblayer la ravine, & l'on y employa 150 hommes du régi-
ment du^Cap , 50 de l'artillerie & tous les nègres de la chaîne publique.
Les réparations n'étant que provifoires , on fentit enfin qu'il fallait s'occuper
férieufement de garantir le Cap de pareils événemens , & M. de Rallier fit, le
Il Juin 1738 , un plan vifé le 17 par le Direfteur général des fortifications ' &
approuve le 20 par le comité d'adminiftration. Les propriétaires des maifons
intereffe-s au. travaux de la ravine , s'aOemblèrent le 19 Avril, & nommèrent
deux u'entr'eux pour commiffaires.
Enfin a,r.sLous les examens, & toutes les difcuffions, les Adminiftrateurs
i
' .1
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 551
•nt rendu le 20 Mai 1789 , une ordonnance , portant que la ravine fei-a redreffé
de la rue de l'Ours à celle du morne d^^s Capucins , & fon nouveau lit, fouillé aux
frais de l'État, a quinze pieds de profondeur. L'écore intérieur, du côté de la
ville , eft revêtu d'un mur qui s'élève de fept pieds au-deffus du bord, dont l'État
paye un tiers & les deux autres tiers font fupportés par les propriétaires du local &
ceux des maifons & emplacemens de l'ancien lit. Entre ce mur & la ville eft une
rue de dix-huit pieds de large, qui va de celle de l'Ours à celle du morne des
Capucins. L'entretien du mur de revêtement eft à la charge des propriétaires
des emplacemens adjacens , chacun au-devant de fon terrain , ce qui doit avoir
lieu pour le mur de revêtement que les propriétaires au Nord pourraient vou-
loir faire de ce côté. Quant à l'entretien du lit de la ravine , à la largeur
& à la profondeur , qu'on a trouvé à propos de lui donner, les riverains des
deux côtés en lupportent les deux tiers, & l'autre tiers eft aux frais des
propriétaires des maifons fituées entre la ravine & les rues Saint-Michel &
Saint- Jean. En foignant cet entretien , l'on n'aura plus rien à craindre de la
ravine, &J'on aura l'obligation de cette iécurité à M. de Rallier, dont le
plan a un peu augmenté l'étendue de la ville.
C'eft encore à iui qu'on doit d'autres déterminations de cette ordonnance
Jufqu'en 1773 , les rues abcutiflant a la ravine y avaient un libre accès ]
mais au mois de Janvier 1774, M. Doré, doyen des notaires, propriétaire
de terrains au Nord de la ravine , en face de la rue Saint - Domingue , de-
manda aux Adminiftrateurs & obtint d'eux , le 12 du même mois , la permiffion
de faire un pont fur la ravine, & de ie fermer par une porte, fur la rue
Saint-Domingne. MM. Abel & Leclerc , propriétaires des deux maifons qui
faifaient les angles Nord-Oueft & Nord-Eft de la rue Vaudreuil & du Confeil ,
enchérirent fur cet exemple , & firent faire un portail entr'eux deux, & fer-
mèrent par une grande porte, le bout de la rue Vaudreuil. Peu après les
propriétaires du haut de la rue du Confeil & de la partie adjacente de la rue
Royale , demanoèrent à placer un portail & une perte à l'extrémité de la rue
Royale & fur le côté Nord de celle du Confeil : ks Adminiftrateurs les y
autorisèrent le 6 Décembre 1774. Voilà trois iffues de la ravine fermées ,
quoiqu'en réalité cette dernière l'ait toujours été fort mal , parce qu'elle eft le
paffage pour aller à la vigie , à l'habitation des Religieufes & à la prife d'eau
d'Efpaignc, & fous divers prétextes , on la laiirait prcfque toujours ouverte
W'
M
MÉMàli
jâ
552 DESCRIPTION DE LA PARTIE
pendant le jour. En imitation de ces clôtures , on ferma d'un mur l'extrémité
de la rue du Palais à toucher la ravine , & . l'on mit des ponts au bout des
rues Saint-Domingue & de Penthièvre , aufli fur la ravine , & on les ferma
d'une porte. Loriqu'en 1778, M. de Vaivre, intendant, vint habiter le Cap,
on ferma auffi d'un mur , avec une porte, l'extrémité de la rue du morne des
Capucins , au bout de la rue du, Confeil,
Rien n'était fi lingulier que la colère de tous ceux qui n'habitaient pas près
de la ravine, de ce qu'on en avait interdit l'accès aux immondices , tandis que
ceux qui étaient dans fon yoifniage en avaient une bien plus fondée , de ce
qu'il reftait encore des iffues par lefquelles on y pénétrait. A la vérité, dans
certains jours , & furtout dans les tems pluvieux , il était difficile de réfifter
aux exalaifons que les matières ftercorales répandaient dans toute la longueur
de h ravine , qui était réellem.ent une des latrines publiques du Cap. Quelquefois
mê.ue il y avait des rixes entre les porteurs d'immondices & les habitans du
voifinage de la ravine. Le Confeil Supérieur , les Adminiflrateurs , fe querel-
laient fur cette dégoûtante compétence.
Enfin l'ordonnance citée, du 20 Mai 1789, a ordonné la conftruftion de
cinq ponts de maçonnerie fur la ravine , aux points où les rues du Gouver-
nement , du Palais, du morne des Capucins, de Vaudreuil & Royale y aboutiffent,
le premier aux frais de l'État, qui l'entretiendra, & les quatre autres à ceuj
de M. Abel. Quant à leur entretien , il eft obligatoire pour les propriétaires
des maifons & des terrains contigus , avec cette différence , cependant, que
ceux fitués au Nord de k ville, payeront les deux tiers de cet entretien. Chaque
pont doit avoir la largeur de la rue & un mur en garde-fou. de fept pieds,
pour em|êcher que la ravine ne foit encore le réceptacle des ordures. Ce'
projet exécuté, la ravine aura huit ponts; celui de l'Arfenàl, les cinq que je
viens de nommer , celui de la rue Penthièvre & celui de la rue Saint-Dominc^ue .
Le Cap aura une grande caufe d'infeélion de moins, & l'on ne ' fera plus
expofé aux dommages que la ravine ne caufait que trop fouvent.
C 'eft à environ 80 toifes dans le Nord de cette ravine, & prefqu'en face
de la rue du Lion , qu'eft la prife d'eau d'Efpaigne , ainfi nommée du proprié-
taire du terrain , qui a les bâtimens de fa petite habitation prefqu'en face & à
25 toifes de la rae Royale, . Cette proximité avait n.ême fait prétendre que
la maifon était celle d'un citadin, mais le contraire fut jugé, par arrêt du-
Cojîfeil du Cap du 21 Octobre 1777. Qu'il
^
FRANÇAISE DE SAINT = DOMINGUE. 553
Qu'il me foit permis de m'arrêter un inftant , pour payer un jufte tribut
Si la mémoire de M. d'Efpaigne , qui , borné dans fa fortune , & chargé d'une
nombreufe famille , prefque toute compofée d'enfans jumeaux , a fu , aidé par
fon époufe , leur donner une éducation utile & agréable , & offrir aiiiu un
modèle aux parens, qui voudront mettre leur plaifir & leur bonheur à former
d'eftimables citoyens dans les deux fexes.
Après avoir paffé l'habitation d'Efpaigne , en venant à l'Eft , il y a un
grand terrain , prefque plat j qui appartient à M. Abel. Il en a mis une portion
en potager & en verger , & c'eft l'objet d'un grand profit , auffi à portée de
la ville , d'autant que les fruits y font excellens. On y cultive auffi des fleurs
On y 3 vu un fuperbe datier. Le refte eft planté en petit mil pour fourrage'
ainfi que la portion où le morne n'eft encore qu'un côtea-j. C'eft fur le terrain
de M . Abel , Se en face de l'extrémité de la rue du morne des Capucins ,
qu'était un petit lieu de plaifance , formé dés le commencement du fiècle
& qui a fubfifté long-temis fous le nom de la Guinguette. On y volt même
encore un bout d'allée qui ombrageait ce lieu champêtre. L'ordonnance du
20 Mai 1789, permet à M. Abel de divifer fon terrain en emplacemens ,
en y fuivant la direélion des rues.
Entre les rues du Palais & Saint-Domingue, font les établiffemens de
M. Solh, un des fept particuliers auxquels appartiennent les foixante - dix -
neuf cabrouets qui font les tranfports dans la ville du Cap. C'eft encore un
motif de louer le père Boucin , à qui les premiers cabrouets font dûs. Aiîligé
de ce que dans un climat auîTi chaud, les matelots étaient obligés de faire
eux-mêmes les charrois du rivage au magafin , & du magafm au rivao-e
il imagina de faire faire des cabrouets , & cette idée eût bientôt des ia.ita-
teurs, parce qu'elle eft lucrative. Ces cabrouets , qui ne font que des charrettes
à deux roues , aflez courtes pour qu'elles tournent facilement dans des rues
de vingt-quatre pieds , font attelés d'un mulet & conduits p.ir deux nègres.
On les charge au moyen d'un rourniquet ; ils portent deux milliers. On
donne trente fous par courfç, de la mer à la rue Royale , & une demi-gourde
û ç'eft au-delTus, Pris pour la journée ils, coûtent quatre gourdes , du iokii
levant au foleil couchant , excepté depuis midi jufqu'à deux heures , que les
nègres & les animaux prennent du repos. Un cabrouetà mulets coûte feul 70c l
A:piès M. Soih eft ua grand corpsi de bâdu.efiç aligné à-peu-piès dans f<,a
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554 DESCRIPTION DE LA PARTIE
bout Oueft, fur le côté Oriental de la rue Penthièvre. C'eil là que la pre-
îTiière loge de Fianc-Maçons , forrr.ée au Cap vers 1748 , s'eft affemblée pendant
îrente-ciaq ans. C'efi principalement aux Colonies ^ que les motifs pour fe
réunir font piécieuxj &t quant ils font de nature à ramener les hommes à des
fentimens fraternels, d'oij naiiTent quelquefois des ades de bienfaifance , ils
doivent être accueillis. Je ne puis me rappeler , fans en être touché , du tableau
-qu'offrait cette loge en 1778 , lorfoue des officiers anglais y étaient traités
en frères, tandis que la politique les avait rendus prifonniers de guerre.
Les Franc-Maçons , qui n'auraient pas voulu qu'on les crût infenfibles aux
charmes du beau fexe > ont contribué aux frais d'une brillante fête, qui fut
donnée dans ce local, le i". Février 1780.
Cette loge , qui porte le nom de Saint-Jean-de-Jérufalem Écoflaife , & que
j'ai dirigée pendant quatre ans, a fufpendu fes travaux depuis plufieurs années,
& dépofé fes archives parmi celles de la loge de la Vérité.
Au Nord précifément de la Loge & fur la ci-me d'un coteau, qui eft même
efcarpé au Sud-Eib, font plufieurs petites maifons dont le fite eft agréable,
parce que ce point domine la ville & reçoit l'impreffion des brifes. C'eftdana
un de CCS petits pavillons, où l'on va par la rue Saint-Domingue, que
M. deFleurieu & le père Pingre firent leurs obfervations aftronomiques en 1769,
& où MM. de Verdun , Borda & Pingre, en firent encore en 1772. A environ
50 toifes dans le Nord-Nord-Eft de ces pavillons , & dans un enfoncement, eft la
Poudrière , qui a toujours été à cette place depuis qu'il y en a une au Cap; on
fe rappelé qu'elle a donné fon nom , en 1750, à l'une des rues du Petit- Carena«ye.,
Chemin au Fort Picclet,
A rextrémitê de ce faubourg eft une petite langue de terre qui finit à
800 toifes au Fort Picolet. La maifon qui termine le Petit - Carénage & la
ville , à marn gauche , eft nommée la Guinguette, parce qu'elle eft depuis long-
tems occupée par un traiteur, chez lequel on va faire des parties d'amufemenr.
Cette maifon, placée fur le bord de la montagne & à laquelle on arrive par plu-
fieurs terraffes & des efcaliers qui font coupés dans le morne même, en montant
dans le fcns du Sud vers le Nord , frappe par fa fituation, Lorfc^u'on la quitte &
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-yx^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE 555
que par conféquent on franchit la limite de la viiie , on approche tout près &
fur la gauche du chemin j de l'habitation Bailly , dont l'afped cil fort gai. Elle
eft placée fur un repos que forme le morne dans cette partie. On y parvient par
des rampes & des efcaliersde maçonnerie, qui régnent fymétriquement de chaque
côté , 8c qu'enjolivent diverfes plantes & de petites llatues, qui rendent tout cet
enfemWe vraiment pittorefque. Cette habitation eft une manufadure à chaux. La
maifon principale eft jolie , commode 8c agréable, 8c une bonne longue-vue y
multiplie les jouiffances.
Cette habitation pafîee , le chemin monte en faifant un crochet vers l'Eft, &
revient auflltôt dans l'Oueft. Il contourne ainfi une batterie de mortiers, qui eft.
à 100 toifes, en ligne droite, de la limite de la ville & aptes laquelle eft un arbre
qui a fait prendre à ce point Se à la batterie , le nom de Gris - Gris. Le chemin
reprend fa direftion au Nord , côtoyant toujours le morne & delcendant un peu
dans cet endroit. On va laifTant deux ou trois petites maifons 8c un four à chaux à
main droite , 8c l'on fe trouve dominer le Fort - aux - Dames , qui eft à 60 toifes
flans le Nord de la pointe du- Gris - Gris , par laquelle l'élévation où eft la bat-
terie du même nom , eft terminée vers la mer. A environ 200 toifes du Fort-
aux-Dames, on apperçoit de la même manière le Fort Saint-^Jofeph. A- peu-près
a égale diftance de l'un & de l'autre , & du même côté eft une autre maifon 8c
encore un four à chaux ; & enfin à 400 toifes du Fort Saint-Jofeph , eft celui
de Picolet, qui termine le chemin par fon pont-levis.
, Le chemin de Picolet qui , depuis le Petit-Carenage , eft varié, par ce qu'il
fe trouve tantôt dans de petits points boiies & fur un terrain qui oft^re des inéo-a-
lités, & tantôt dans le fens d'une plage', fur laquelle on voit briièr la mer prefou'à
les pieds , formerait une promenade aflez agiéable & propre à procurer des
fenfations de plufieurs genres, fi elle n'était pas fouvent mal- faine pour les habi-
tans de la ville. Placé fur le bord de la côte S: le long du morne , le vent y frappé
avec force , & îorfque les brifes font violentes , leur aftion eft capable de réper-
cuter la tranfpiration , que l'air chaud de la ville a rendu abondante. On a obfervç
que des perfonnes qui choififfaient ce lieu pour venir s'y délaffer, ainfi que celles
qui venaient s'aiïeoir au Gris-Gris, étaient fujettes aux rhumes Se à des incom-
modités du même genre. C'eft fans doute la même caufe qui agit fur les habitans
de la Partie Septentrionale du Petit-Carenage qui , prefque tous ouvriers , ont
plus à redouter les fuppreffions, Leur tejnt eft hvide j les femmes y ont auffi une
A a a a 2
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555^ DESCRIPTION DE LA PARTIE
carnation terne & les enfans y ont prefque tous des obftruélions. D'ailleurs cette
partie eîl privée d'eau, 8c celle que des puics hii procurent, doit être un ncu-
veau principe de mauvaiie fanté. C'eft â Picolet que fe termine ce qu'of>
|>eut appeler ks environs du Cap , du côté Nord, Je pafle au côté Sud^
a^gx@^^^S>^X®-^>^>^^<^x®>,S>!»~
LaFoJjette.
L E grand chemin qui fait fortir de la Partie Méridionale de îa viîk , eft
aligné fur la rje ETpagnole. Dès qu'on quitte cette dernière, on a, à ia droite,
l'enfoncement sppelé la Foffette , à caiife de fa configuration , & à gauche une
promenade appelée le Cours Viileverd.
La FolTiiCte forme une petite habitation que la Compagnie des Indes acheta, lorf-
qu'au mois de Septembre 1720, elle obtint le privilège exclufif du commerce
de la côte de Guinée , & de la fourniture des nègres à Saint-Domingue , en les
tirant de l'étranger. Elle y avait fait conftruire des magafins , dont l'incendie
fignala la révolte de la Colonie contre les privilèges de cette Compagnie en
1723. Ce fut même en haine d'elle , qu'on ne voulut plus appeler ce lieu dit
nom de l'Afrique , que les agens de cette Compagnie lui avaient donné, &
que l'on reprit celui de la Foffette qu'il avait auparavant.
En 1759 , la Compagnie vendit une petite portion de ce terrain pour le cime-
tière de la ville qui a auffi confervé , comme on l'a vu , le nom de la Foffette.
En 1763, la Compagnie annonça la vente de cette habitation. M. de Clugny,
alors intendant , s'empreffa d'éerire au Miniftre que ce terrain était indifpenfa-
blement néceffaire au fervice public , foit pour y former un arfenal , foit pour y
camper des troupes en tems de guerre , ou pour y conftruire des hôpitaux , foit
pour avoir toujours à proximité de la ville , un lieu propre à nourrir les chevaux
d'une troupe de cavalerie ou d'une compagnie de maréchauffée , foit enfin pour
y raflèmbler un certain nombre de beftiaux pour la fubfiftance des troupes. Ce
local qui a un peu plus de 57 carreaux , prefque tous en plaine , était alors cultivé
par 34 nègres que M. de Clugny annonçait comrne devant être très-utiles aux
travaux des magafins & des hôpitaux, ce qui économiferait la dépenfe très-
coûteufe des journaliers. Soixante-dix ou 80,000 livres devaient fuffire à l'acqui-
fition. Sa lettre , écrite le 19 Décembre, 1763 ne produifit aucun eget, & la
Foffete fut achetée par M. Ducaffe en 1766,
«I »^%
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 55^
Ce que M. de Clugny avait dit s'eft vérifié en grande partie. Lorfque des
efcadrons des régimens de dragons de Condé Se de Belzunce arrivèrent au Cap,
il fallut faire conftruire à la Foffette une écurie pour leurs chevaux. Lorfqu'on
concerta, en 178 1, des opérations militaires qui annonçaient des entreprifes fur
des îles ennemies , on crut devoir préparer des hôpitaux , on les plaça dans la
favane de la Foffette, Il a fallu payer toutes ces jouiffances & les dépenfes qu'on
a faites pour y conduire l'eau qui devait être néceffaire aux hôpitaux ; à coup sûr ,
l'achat qu'on aurait fait en 1764 , aurait été une économie. Cet achat n'a cepen-
dant eu lieu qu'en 1788, pour une fomme de 240,000 livres.
L'enfoncement appelé la Foffette, peut avoir environ 300 toifes de l'Eil â
i'Oueft , depuis la haie qui borde le chemin jufqu'au morne , fur une largeur
inégale qui va en fe rétréciffant & qui peut être évaluée à 150 toifes de largeur
moyenne. On y cultive quelques vivres &: du petit mil pour fourrage. Le morne
le borde furies trois faces , Nord, Oueft & Sud. C'eftà 150 toifes du chemin,
que font les bâdmens de l'habitation , & c'eft entre eux & le chemin qu'on avait
fait les conftruftions deftinées à fervir d'hôpital.
Elles confiftaient en huit corps de logis de bois à rez de chauffée , de 100 pieds
de long chacun , formant deux rangs de chaque côté & de i'Eft à I'Oueft. On les
voit encore fur le plan du Cap. De ces huit bâdmens , il n'y en a plus que fix ,
favoir : les quatre du côté Nord Se deux feulement au Sud, Les deux autres ont
été tranfportés ailleurs ; c'en eiî un qu'on a mis au bout de la rue Saint-Alexandre
au Petit-Carenage. Une fontaine était projetée au milieu des huit maifons.
Les inconvéniens qui réfultent de la vente des nègres africains à bord des
Vaifîèaux qui les ont tranfportés, étant très-multipliés , je dreffai , en 1783, un
mémoire qui fut figné d'un grand nombre d'habitans des paroiffes de la dépendance
du Cap & qui indiquait les bâtimens élevés à la Foffette , comme un ^bafar
commode Se propre à fauver les nègres de plufieurs maux tous affligeans pour
l'humanité. Les Adminiftrateurs n'osèrent pas adopter cette mefure dont la
j-uftice les frappait; mon mémoire fut envoyé au miniftre. Les Chambres de
Commerce en furent averties & leurs follicitations ou la marche craintive du
gouvernement qui n'a pas su être ferme à propos , le rendirent inutile.
Cependant cette femence avait germé & les mêmes Adminiftrateurs profitèrent
d'une occafion favorable pour tenter une partie de ce que j'avais efpéré. Le 24
Mai 1784, au moment de l'imprelfion récente de la vifite de fept magaiins
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flÉ
v.-^
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55S D E s C R I P T I O N D E L A P A R T I E
négriers , ils défendirent de dépofer en ville des règres nouveaux , & autorisèrent
a les placer dans les bâtimens conflruits à h Foffette, à la charge de remettre au
tréfor 24 livres par chaque tête de nègre , après la vente faite. Mais les capitaine:*
prétendirent que cette difpofition était peu commode ; que les nègres malades
ny trouvaient pas de foins , & quant à ceux en fanté , ils craignirent d'être
obligés de les vendre à terre. Cette ordonnance eft doac demeurée fans efFet
fur ce point ; mais elle a produit, du moins , l'établiflement de l'hôpital de M.
Durand dont j'ai parlé.
A environ 140 toifes de la rue Efpagnole eft un très-petit tertre furie milieu
duquel & au bord du chemin du côté de la Foffette , eft une croix. C'eft à côté
de^cette croix que coule l'eau amenée du morne en 1782, qui eft une des
meilleures du Cap h qui fournit à préfent la fontaine de la place Royale fi utile à
toute cette parcie de la ville.
La Foffette a une très-finiftre réputation j c'eft le lieu où un préjugé auffi
cruel qu'infenfé , amène tous ceux qui veulent y venger des injures réelles ou
imaginaires. La folitude de ce lieu où de petites finuofités montueufes mettent à
i'abn de tous les yeux ^ la facilité de s'y rendre de la ville , même fous le pré-
texte de la promenade, le voifinage de l'hôpital , tout lui a mérité cette funefte
prerérence. Il n'eft pas d'année que cette terre ne foit arrofée de fang humain, &
en tems de guerre où les troupes font nombpeufes , elle eft continuellement
enfanglantée. Il femble que le climat ne foit pas affez fatal, & qu'on ait befoin de
féconder fes influences.
^ Les nègres forment auffi dans la favane de la Foffette leurs danfes , le foir des
dimanches & des fêtes ; de manière que c'eft un théâtre de fureur & de
plaifir.
C'eft dans cette favane que l'on fait manœuvrer les troupes, furtout pour les
exercices à feu.
Encore en 1780, le terrain qui eft à la gauche du chemin que borde d'un
çôte^ la haie vive de l'habitation de la Foffette , était un cloaque , un vrai
rr.arécage, où pénétrait l'eau de la mer & celle de la rivière du Haut du
Cap , où deux ravines qui coulent dans la longueur de la favane de la Foffette
pendant les pluies, venaient auffi mêler leurs eaux. C'était furtout à 200 toifes
de la ville que ce marais, à caufe d'un détour de la rivière, venait forcer le
chemin à entrer dans l'Oueft pour côtoyer enfuite une langue de terre très-
■^r
^^
FRANC Aï SE DE S A I N T- D O M î N G U E. 559
étroite , puis le côté Nord & le côté Eft d'une petite pointe de montagne ,
dont l'extrémité eft plus Orientale que la rue Royale. A l'infetftion de ces
eaux croupiffantes , fe mêlait celle des immondices de la ville , que tranfportent
ks tombereaux employés à fon nettoyement , celle des dépouilles des animaux
tués à la boucherie , placée au bord de k rivière en 1778 , & celle des
animaux morts , qu'on ne prenait pas toujours la peine d'enterrer ; de forte que
le pafîage de ce lieu était infupportable , & que la brife du foir & les vents
de la Partie du Sud en portaient toutes les émanations fur la ville. Le chemin
qui faifait diifcrens tours pour avoir un fol moins aquatique, était facilement
gâté , & durant les pluies il devenait un bourbier prefqu'impraticable. En un
mot , jamais ville n'eut un abord plus repouITant, furtout lorfque la décoration'
de la porte du cimetière ajoutait encore à fon imprefllon.
M. DucafTe qui avait acheté l'habitation de la Foffette , demanda au miniftre
la concenion de tout l'efpace entre cette habitation & la rivière , formant ce
qu'on appelle aux Mes les cinquante pas du roi (*) ; mais les Adminifcratêurs
confukés par le miniftre , dirent que ces cinquante pas contenaient des parcs
indifpenfables au fermier des boucheries & fervaicnt à la 'pâture des animaux
deux ou trois jours avant leur tuerie; qu'en outre le rivage de ce terrain fur la
rivière était le carénage de petits bateaux ou barques de pêcheurs.
M. Bourbier avait été plus heureux, puifque dès le 17 Avril 1764 les
Adminiftrateurs lui avaient accordé cette conceffion des 50 pas , dont l'avis des
Adminiftrateurs en 1768 prouve qu'il n'avait fait aucun ufage. On eut cepen-
dant l'étrange idée de placer dans ce lieu les Providences , h ce fut dans cet
efprit qu'on leur concéda, le 8 Novembre 1771 , les cinquante pas du roi,
bornés au Nord des fofles de la ville ( le fofîe qui était au-devant de l'ancien
front de fortifications ) , au Sud des Religieux de la Charité , à i'Eft de la
rivière , & à l'Oueft des terrains Ducafîè , mais à la charge d'ouvrir un grand
chemin en fuivant la rue Royale , & de le planter d'arbres des deux côtés.
Cette conceffion répétait les mots de celle de M. Sourbier, qui avait fait don
de fes droits aux Providences le 24 O^obre précédent.. Une ordonnance des
(*) C'eft-à-dire un intervalle de 175 pieds, mefurés à partir da point jufqu'auquel monte
la plus haute marée , & qui eft réfervé , hors des villes & bourgs , dans toutes les Antilles francaifes^
pour l'utilité publique.
4
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^
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360 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Adminiftrateurs , du 5 Novembre , prefcrivait rriêmc la tranfladon des Provi-
dences, mais ce pro_jet que je ne puis m'empêcher d'appeler infenfé , fut auffi-
tôt abandonné que conçu.
Ce que je ne devine pas , ce font les motifs qui ont fait obtenir à M.
DucafTe, le 9 Octobre 1777, contre les Providences, la réunion de la conceffion
par un jugement du tribunal Terrier , qui porte , fauf aux Adminiftrateurs à
accorder la conceffion de ce terrain à qui ils trouveront convenir. Le cloaque
& l'infeftion exiftdent encore , lorfque MM. de Reynaud & le Brafifeur , frappéi
de l'horreur de ce fpcdacle , formèrent le projet de le faire difparaître.
|i
Cours Villeverd.
Depuis le mois de Juillet jufqu'à celui de Novembre 1780, l'on s'occupa
de relever le phn du terrain & de faire divers projets qui furent enfin arrêtés.
Par ordonnance du i". Décembre , MM. de Reynaud & le BralTeur accordèrent
à M. Artcau , entrepreneur du roi , la conceffion des terrains dont j'ai parlés ,
eftimés 100,280 liv. , à la charge de faire , dans un an, un chemin allant ea
ligne droite de la rue Efpagnole jufqu'au pied du morne de l'hôpital , d'abattre
& d'enlever, depuis la rue Efpagnole jufqu'à celle d'Anjou, toutes les terres
qui reliaient de l'ancien retranchement, & de faire un corps-de-garde fur la
place Royale , le tout eftimé 104,885 liv. Il devait même encore placer, à fes
frais, la porte du cimetière à fon angle Nord-Eft , pour pouvoir jouir du terrain
qui eft entre ce cimetière & l'alignement de la rue Efpagnole. Le chemin a
été fait; il eil beau, bien bombé à fon miUeu, avec un foifé d'écoulement de
chaque côté , & par fon moyen , de la porte du Gouvernement l'on découvre
jufqu'au morne de l'hôpicai. Sa largeur eft de 60 pieds & fa longueur de j8o
toifes, depuis les dernièrts maifons de la rue Efpagnole.
Ce n'était pas alTez pour les vues des deux A.dminiftrateurs. Ils s'occupèrent
de plus de ffire border ce chemin d'une allée d'arbres , & outre cela il devait y
en avoir une de palmiftts de 300 toifes de long & de 50 pieds de large qui aurait
formé une promenade
La gauche du chemin fut deftinée à offrir une autre promenade , au moyen
d'une magnifique allée de 400 toifes de long Se de 36 pieds de l^rgc, çorref-
pondant
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 561
pondant à la rue Royale, ayant une contre-allée de 30 pieds de chaque côté,
& dans une longueur d'environ 120 toifes , une plantation d'arbres en quinconce
entre l'avenue & le grand chemin à l'Oueft , & s'étendant avec une pareille
largeur dans l'Oueft. Le chemin a eu des arbres , le quinconce a été planté , &
l'avenue conduite feulement à 200 toifes , parce que le terrain eft devenu dans
cet endroit plus difficile à combler qu'on ne l'avait cru.
C'eft ainfi que le zèle bienfaifant de deux chefs a converti en un lieu
agréable & falubre une fource de maladies & une caufe de defcrudion. C'eil
ainfi qu'on a vu naître le Cours Villcverd , nom pris de M. de Reynaud de
Villeverd , qui a été l'un de fes créateurs. C'eft en faifant ces travaux falutaires
qu'on a formé la belle rue du Pont , qui a 60 pieds de large , & du bord
Sud de laquelle part le quinconce. Des barrières de bois ferment celui-ci , &
l'on y entre par des tourniquets. Tous les travaux de la promenade & de la rue
du Pont ont coûté 120 ou 130,000 livres , pris dans la caille des libertés.
Ce local a éprouvé cependant quelques changemens qui lui ont ôté, jufqu'à
un certain point , le caraftère public que MM. de Reynaud & le Brafleur avaient
donné à prefque toute fa totalité. Ils y avaient fait des conceffions , mais
toujours à la charge de quelques conftruftions qui avaient le public pour objet,
telle était celle d'un vafte emplacement , à condition d'y avoir un café & un
lieu propre à donner des fêtes publiques. Mais un jugement du tribunal Terrier j
du 10 Novembre 1781 , a réuni au domaine public , tout ce qui avait pu être
concédé antérieurement. Je reviens aux changemens qu'on a faits.
Ils font dûs à la complaifante amitié de M. de Bellecombe , gouvcrneur-géné^
rai , pour M. Artau , entrepreneur du roi , qui a obtenu , par ordonnance de
cet Adminiftrateur & de M. de Bongars, intendant, en date du 16 Oftobre 178J3
la jouiffance , pour vingt ans, du terrain non employé par la promenade entre
le chemin & la rivière , fauf un point deftiné alors à des lavoirs publics. Il âvck
appuyé fa demande fur les pertes que lui faifait foufFrir la difperfion de fes ma-
tériaux , fur le befoin d'un vafte chantier pour les travaux du roi qu'il entrepre-
nait. Il obtint de plus la permiffion de tranfporter ailleurs la mai ion qui avait
été Gonftruice pour le gardien de la promenade près du chemin , & de planter
en petit mil , en herbe de guinée & autres herbages , l'eipace qui eft entre le
cours & le chemin, de faire des hangards & autres bâtiraens pour fes matériaux
& fes chantiers, .
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562 D E S C R I P T î O N D E L A P A R T I E
Les obligations de ÎVÎ. Artau , pt-opofées par lui-même , font de laiiTer fur ce
terrain, à Texpiration des vingt ans de fa jouiffance , ceux des bâtimens qui
ieront utiles au fer^-ice public , moyennant le prix que des arbitres convenus y
mettront ; d'entretenir à fes frais le logement du gardien , l.^s arbres de toute la
promenade, de tenir le cours enclos & à l'abri d^u dégât des animaux, de ne
pas Ôrer le coup-d'œil de la promenade , de donner un chemin pour aller à k
boucherie par le cours, & un autre dans l'Eft vers la rivière pour y conduire
les animaux.
^M. Artau a en effet difpofé les chofes pour fon utilité. On voit donc des deux
côtés de l'avenue de la prom.fnade, d'abord de beaux potagers & de grandes
portions chargées de petit mil & d'herbe de guinée , dont il faut avouer^que la
verdure ajoute à l'agrément de ce Iccai. Le logement du gardien du cours cil
devenu en même-tems celui du jardinier de M. Artau , qui a trouvé les deux
places très-compatibles. La culture de ce lieu eft d'autant plus profitable pour
lai, que le fol qui a écé celui d'eaux pourriifantes & k féjour des amas d'une
voirie, eft extrêmement productif par fi nature, & que cette fécondité eft
entretenue par un arroément facile, puirqu'une partie de l'eau de la FofTetre
qui ne fcrt pas à la fontaine de la Place Royale , fe rend fur ce terreln pa/ le
premier des trois radiers du grand chemin auxquels correfpondent trois poars
dans l'avenue.
Au-defTous du cours, M. Artau a conftruit de vaftes appentis pour fes ma-
tériaux & pour le logement de fes centaines d'ouvriers nègres. Il a étendu, â
cet effet, les remblais de cette partie & affalni d'autant ce canton. îl eft feule-
ment fâcheux que ces conftruclions empêchent que de la promenade l'on ne
découvre la rivière & ce qui fe trouve fur fa rive droite. Dans le bout Sud-Eft
de ce terr-ain & de la rue du Pont , font aufTi plufieurs maifons , & la rue
d'Anjou fe trouve même avoir déjà un prolongement au Sud de la rue du
Pont. Le bord de la rivière eft toujours refté pour être le carénage des pêcheurs,
jufqu'à la rencontre de la première ravine fur laquelle eft le premier radier du
chemin.
Vers ce point eft un parc de moutons & de cochons, que la police a récem-
ment expulfé de la ville comme nuifible à fa falubrité , & que ks Adminif-
trateurs du Cap ont permis de placer dans cet endroit fans pouvoir y élever
aucun bâtiment. Il faut rendre ici cet hommage , que le juge du Cap avait
M
1
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. s^3
défendu d'avoir des animaux dans la ville, & fpécialement le 2 Avril 1740,
Mais depuis la haute police avait permis aux bouchers de moutons, cochons 6c
chèvres , d'avoir ces animaux vivans dans des cours au fcin de la ville , à la
charge , difaient les ordonnances qui les y autorifaient & notamment une des
Adminiftrateurs du 28 Juillet 1766 , d'enclorre ces cours , de les nettoyer chaque
jour & d'en faire enlever le fumier, comme fi ces précautions avaient été fuiH^
fentes & affurées. Ce parc aduel a encore procuré un remblai.
J)e la Boucherk.
ENpm c'eft fur le bord de la rivière, à 140 toifes du côté Sud de la rue du
Pont, qu'efc placée la Boucherie tranfportée dans ce point en 1778, parce que
fa fituation , rue de Rohan , était peu convenable rciativemenc aux troupes
logées à l'extrémité de la me Dauphine eu du Bac. Cette Boucherie qui appar-
tient à l'État, cft un bâtiment de bois de 150 pieds de long, fur 30 de large,
conftruit pour cette deftination , qui a encore éloigné de la^ ville des caufes de
putridité & procuré i'ufage de l'ejju fi néceffaire à une tuerie, furtouc dans un
climat chaud; on va à cette boucherie par le bord de la rivière, par la rue
d'Anjou, d'après une ordonnance des chefs du 9 Juin 1787, & 'encore par
un chemin qu'a fait M, Artau , 8? qui prend dans l'avenue à environ 20 toifes
dans le Nord du fécond pont.
Après la Boucherie , allant au Sud , le fol eft marécageux , parce qu'il n'eft
■pas afîez élevé pour empêcher que les marées ne s'y faflént fentir. J'ai déjà die
que cette raifon avait fait arrçter l'avenue à la troifième ravine où eft le troifième
radier du chemin & le troifième pont de l'avenue. De ce dernier ponc il y a une
petite chaufiëe qui va joindre le grand chemin en faifant avec lui un angle de
45 degrés. Depuis le point de leur rencontre & le long du chemin à l'Oueft ,
font plufieurs jolies rpaifonç récemmer^t bâties, & dont la première fe trouve l,
environ 250 toifes de la rue Efpagnole. A 100 toifes plus loin, mais à l'Efi;
du chemin , eft un petit enfoncement qui autrefois était un bourbier à la moin-
dre pluie. Il a été concédé à la Société des Sciences & des Arts , qui en a lailTé
lajouiffance à l'un de ces membres, à condition d'y faire des conftruclions &
de deffécher le terrain. Qn y voit une maifon entourée de jardins.
564 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Ces charigemens tous effectués dans moins de neuf ans , ont converti un vaftc
champ d'infeclion dont l'afpeft affligeait les habitans du Cap , en un fite aoréa-
ble & riant -, de -pedts jardins ont remplacé des lagons , les plantes utiles , leè
légumes fucculcns ont pris la place des mangliers. Tout citoyen paye avec
jo\c un tribut de reconnaiflance aux chefs dont la bienfaifance a produit d'aufïï
heureux effets ; à ceux qui ont eu le bonheur de réalifer plufieurs chofes avant?.-
geufes conçues avant eux , & qui ont préféré cette exécution à la baffe envie
qui s'ennorgueillit de ne pas adopter ce qu'un autre a imaginé. Dès le 4 Juillet
1764, les Adminifrrateurs avaient créé une loterie foumile à l'infpeétion des
officiers de la Sénéchauffé, & fur le produit de laquelle on devait prélever
15 pour cent deilinés à embellir le Cap ; mais il était réfervé à MM. de Reynaud
& Le Braffeur d'accomplir ce qui avait été vainement défiré depuis fi long-tems.
C'cft au bout de la conceffion de la Société des Sciences & des Arts , que le
chemin dirigé vers le petit morne de l'Hôpital , qu'il femblc qu'on va être
contraint de gravir & fur lequel efl une batterie , qu'on tourne brufquemcnt à
l'Eft pour fuivre la forme même du morne, puis on prend au Sud. La o-auche
de ce chemin ie trouve là , comme je l'ai déjà obfervé , très -peu diftant du
bord de la rivière. L'intervalle efl noyé, mais il faut efpérer que les immon-
dices de la ville , qu'on fait toujours conduire par les tombereaux au Sud du
Cours ôc de la promenade , finiront par exhauffer affez le terrain pour contenir
l'eau de la rivière dans fon lit.
Prefque auffitôt après avoir dépaffé ce petit morne & fur le bord du chemin
à gauche, eft une chauffée qui forme l'embarcadère de l'Hôpital, à qui
la rivière fert pour tous fes tranfports. Cetre chauffée annonce elle - même
que le terrain qui l'avoifine efl: marécageux. De là le chemin côtoyé, un infl:ant,
des parties élevées & incultes , puis on arrive au point fur la droite duquel eft
l'Hôpital, qui exige, fous plufieurs rapports, un examen détaillé.
De l'Hûpilal des Religieux de la Charité.
Ce ne fut que près de foixante-dix ans, après qu'on eût vu les premiers
Français difputer le territoire aux Efpagnols, qu'il y eut des hôpitaux. Rien
ne détermina plus puiffammcnt à en former, que les effets défallreux de la
âf
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 56^
maladie de Siam. On en avale cependant le deffein auparavant, car le Minifcre
engageait M. Dncafle , le 27 Août 1692, à en établir un pour fecourir les
pauvres , lee blefîes & les orphelins. On lui permit même alors , d'y employer
jufqu'à 6,000 livres , fur le produit des priles du vaiffcau l'Emporté , & ce qui
reliait des biens confifqués des religionnaires , auxquels il aurait encore été plus
juile de les reftituer , & de guérir une des playes les plus profondes que la
France ait jamais eues.
En 1694, on accorda encore 3,240 livres aux Religieux de la Charité qu*
devaient paffer dans l'Iile pour l'établiffement d'un hôpital , & on les prit fur
une partie de l'économie du traitement alloué pour deux curés de la Tortue , où
il n'en avait pas exifté de 1687 à 1692. Le provincial des frères de la Charité
s'était cxcufé fur la guerre pour l'envoi des fujets , mais au mois de Décembre
1697, le Miniftre , en lui obfervant que cet obftacle n'exiflait plus , lui marqua
d'en choifir quatre pour former deux hôpitaux au Cap & à Léogane. Il écrivit
en même tems à M. Ducaffe de prefîer cet établiffcment , que rendait encore plus
néceffaire l'envoi de foldats pour completter les compagnies ; il lui recommanda
d'engager les habitans à l'aider par quelques-uns de leuis nègres , & à convertir *
au profit de l'hôpital , en peines pécuniaires contre les habitans , les châtimens
qu'ils pourraient mériter. Il fe promettait lui-même d'exciter ceux qui devaient
fournir aux flibuftiers des nègres pour le produit de leur part dans la prife de
Carthagène , à donner quelques nègres par aumône à ces hôpitaux , qui devaient
jouir de la folde & de la ration du foldat malade.
En 1698 , partirent le vaiffeau le Faucon & la flûte la Gloutonne , emportant
des religieux de la Charité, au fupérieur defquels le roi avait accordé 8,000 liv.
de gratification pour aider leur entreprife, Se en outre des inftrumens de chirurgie,
des tuiles, des briques & des planches pour les deux hôpitaux du Cap & de
Léogane. Ils arrivèrent au Cap le 18 Avril & M. Vimont de Saint-Aubin , com-
mandant la Gloutonne, y débarqua tout ce qui était deftiné pour l'hôpital de ce
lieu. '
On inftalk provifoirement cet hôpital dans le magafin du roi , qui était fur là
place-d'armes, & oij l'on plaça quarante lits. Il fut ouvert le 1". Août 169S. M.-
Ducaffe écrivit a j Miniftre qu'il fallait doubler le nombre des lits, puifqu'outre
qu'on avait vu deux malades dans un , il y en avait encore fur le carreau; mais
le Miniftre oubliant qu'il avait deftiné l'hôpital aux pauvres & aux nouveaux-
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DESCRIPTION DE LA PARTIE
venus , comme aux foldats & aux matelots , fe récria fur la dépenfe. M. DucalTe
infifta & ce fut alors que le Miniilre écrivit le 8 Avril 1699 , qu'il fallait que les
nouveaux- venus travaillaient après leur guérifon au bénéfice de l'hôpital , pour
le dédommager de leur traitement j que Ci cette relTource , réunie au payement
pour les foldats Se matelots &: quelques rétributions qu'il tâcherait de faire faire à
l'hôpital, ne pouvaient pas le foutenir, il n'y avait qu'à renvoyer les pères de la
Charité & renoncer à l'hôpital. Cette étrange décifion n'eut pas d'effet, & l'on
chercha tous les moyens de coalblider un auffi utile établiiTement.
Dès 1698 5 M. Ducafle acheta en copféquence l'habitation où eft cet hôpital,
fept nègres , huit engagés & quatre-vingt bêtes à cornes , & l'hôpital y fut tranf-
féré en 1699. Il lui fit tous les dons dont fa place lui permit de difpoiérj il déter-
mina les juges à lui appliquer des amendes , en un m.ot ce chef ne négligea rien
pour favorii'er ce qu'il avait réellement fondé par fon zèle. Le roi accorda peu
après 3,040 hvres par an à cet hôpital, & 2,000 Uv. par forme de fupplément ,
payé en France aux religieux de la Charité , fur des états vifés de l'intendant: de
l'intendant qui , depuis M. Deflandes , le premier qu'on vit chargé de ces fonc-
tions à Saint - Domingue, quoiqu'ayec le fimple titre d'ordonnateur, a toujours
eu l'adminiftration générale des hôpitaux.
L'hôpital mis fur le terrain qui m'occupe en ce moment, n'était compofé , ainfi
que le logement des frères , que d'efpèce de cafés à nègres , & l'on n'y comptait
que dix-huit lits entretenus , au mois de Décembre 1706. Cependant l'hôpital
avait eu affez d'économie pour acheter la moitié de la fucrerie qui lui appartient
encore aujourd'hui, dans la paroiiTe delà Petite-Anfe, & fur laquelle il y avait
environ foixante nègres. Cette moitié était affermée , en 1706, à l'aflocié des
pères, 7jOOO livres par an. Il eft vrai qu'il reftait dû environ 10,000 livres , fur
cette acquifitipn. Il y avait de plus quinze nègres attachés à l'hôpital même , où
à fes dépendances , & dans le nombre de ces dernières , on comptait un jardiri
dont l'upilité était déjà fentie.
En 1709 , on s'occupa de conilruftions & le roi accorda même 1,000 livres,
fur les effets iaiués par la miffion des Capucins , pour aider ce projet. L'hôpital
commença donc a avoir un afpeft analogue à fa deftination ; mais on commença
auiïi à reprocher , avec raifon , aux religieux de n'en pas laiffer l'accès toujours
çuvert aux pauvres, dont i'admiffion eft une condition auffi ancienne que le projet
de l'hôpital. Ce fut même cette cirçonftançe qui ayait déterminé le père ^outin,
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FRANÇAISE DE S A I N T - D O M ï N G U E. 557
curé du Cap, à rétablir, comme je l'ai rapporté , un ancien hôpital des pauvres '
qui fut critiqué & fupprimé par les Adminiftrateurs , le 13 Août 1717. Ceux-ci
mirent fin auffi , au mois de Septembre fuivant , à un grand abus , relui de
ne pas procurer de fecours fpiritiiels aux matelots malades en rade , & de les
garder à bord ; ils ordonnèrent de les faire tranfporter à l'hôpital , lorfqu'un
bâtiment aurait plus de trois malades.
En 1739 > on comptait trente-cinq lltâ dans l'hôpital du Cap- & le frère
Marnai Dougnon qui en était alors le fupérieur, voulant lui procurer de nouvelles
reffources, demanda au Confeil du Cap & en obtint le 6 Février 1719, k
permiffion d'avoir un tronc dans les églifes du diftricT: & de quêter à leurs portes ,
à la charge de recevoir les pauvres , comme l'avait dit le père Boutin , dont le
Confeil avait pris l'avis. En conféquence , il fut décidé auffi par cette Cour que
la moitié des dons & des legs qui feraient faits aux pauvres appartiendrait à
l'hôpital
Ce fut au mois de Mars de la m^ême année Î7I9 , que furent accordées les
lettres-patentes de l'établiffement des Religieux de la Charité aux deux hôpitaux
du Cap & de Léogane à perpétuité , pour y exercer l'hofpitalité envers les pauvres
malades & bleffés du fexe mafculin , les traiter , panfer & médicamenter , & leur
faire toutes les opérations de chirurgie nécefi'aifes pour leur entière & parfaite
guérifon , leur adminiftrer les facreroens , faire le fervlce divin , enterrer les
morts par prêtres féculiers ou réguliers , foit de leur ordre ou autres à leur choix ,
y faire leurs autres foncerions fous l'autorité fe obéiffance du provincial & vicaire-
général de leur ordre en France , fuivant leur inftitut , bulles , règles , confti-
tutions, réglemens & privilèges, ainfi qu'ils font dans les autres maifons,
couvents & hôpitaux de cet ordre dans l'étendue du royaume. En conféquence le
roi leur fait don des églifes , couvens & hôpitaux du Cap & de Léogane , bâti-
timens , terrains , habitations , manufaélures , nègres , meubles , uftenfiles &
généralement de tous les biens de ces hôpitaux , & les maintient dans leur pro-
priété & jouiffance.
Le provincial a, par ces lettres-patentes, le droit de changer les fupérieurs à fon
gré & le roi prend ces hôpitaux & tout ce qui en dépend fous fa fauve-garde
fpéciale , ce qui a donné lieu à l'infcription : J la fauve-garde du roi , mife au^
deffus de leur principale entrée & à laquelle ces religieux ont quelquefois attaché
une telle force d'expreffion , qu'ils ont prétendu qu'un débiteur ne pouvait pas
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56S DESCRIPTION DE LA PARTIE
êcrc faifi dans leur enceinte & que tout être quelconque y jouiffait d'un droit
d'afile inviolable. Il eft permis à ces deux hôpitaux de faire boucherie pour leur
feule confommation , de pofer les armes de France fur leurs portes & autres lieux
apparens , d'acquérir des meubles & immeubles , de recevoir les donations & les
.legs , en prenant pour l'avenir des lettres d'amortiflement. Il leur efl encore per-
mis de quêter dans toutes les églifcs , d'y avoir des troncs , & les lettres-patentes
leur accordent l'exemption , tant pour eux que pour leurs domeftiques blancs &
noirs attachés à ces hôpitaux , du fervice de gardes, corvées, capitation & de
plus l'exemption de capitarion pour cinquante domeftiques attachés à la culture
de leurs habitations , avec faculté de faire venir de France , exempts de droits de
forcie du royaume &. d'entrée dans l'île, les comeftibles , médicamens , toiles,
étoffes , meubles , uftenfiles & marchandifes néceffaires pour eux , leurs malades
&; ferviteurs. Le pafîage des religieux leur eft accordé gratuitement.
On trouve encore dans les lettres - patentes que k' fupérieur eft obligé de
repréfenter le compte annuel de la recette & de la dépenfe à l'intendant , toutes
les fois que celui-ci l'exige , & que celui-ci rendra compte tous les ans au
miniftère de l'état de ces hôpitaux , de leur adminiftration , ainfi que de l'état Se
du produit des habitations.
Le père Martial, enhardi partant de fuccès , défirant peut-être auffi montrer
au père Boutin qu'il fe rappelait l'obfervation de 17 19, demanda encore au
Confeil du Cap que les biens deftinés, par ce jéfuite , à l'établifTement des Reli-
gieufes fufiTcnt adjugés à l'hôpital, parce que ces biens appartenaient aux pauvres ^
mais cette demande fut rejeté par arrêt du 12 Septembre 1721.
En 1732 , de nouvelles lettres - patentes confirmèrent i'établiffement des
hôpitaux coloniaux , & ceux de Saint-Domingue acquéraient chaque jour de
l'augmentation.
Ce fut cependant cette année que, par une ordonnance du 9 Aoiit , M. Ducjosj
intendant, frappé de l'inconvénient de tranfporter les foldats malades des garni-
fons aux deux feuls hôpitaux du Cap & de Léogane , tranfport qui était caufe de
îa mort de la plupart de ces malades , enjoignit de former un hôpital particulier
au Fort-Dauphin , au Port-de-Paix , au Petit-Goave & à Saint-Louis dans les
cazernes de ces divers lieux & à Saint- Marc où il n'y avait point de cazernes ,
dans une cha'nbre qu'on louerait. Ces hôpitaux furent confiés aux foins des
médecins du roi pour les endroits où il y en avait & à ceux des chirurgiens -majors
dans les a.itres. Ce
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMÎNGUE. 569
. Ce que je ne puis concevoir, c'eft ce que dit Poupée Déportes, que dans
cette année 1732 il n'y avait que vingt lits à l'hôpital du Cap, nombre qui fut
porté peu-à-près à cent , d'oij l'on a inféré que ce médecin avait produit cette
rapide augmentation. Je fbutiens que dès 17 19 il y avait vingt-cinq lits /qu'on
s'occupait alors de doubler ; & quand on fait quelle eft aux Colonies , & fur-tout
quelle était à cette époque l'influence d'un médecin du roi fur l'augmentation
des dépenfes d'un hôpital , on eft convaincu que le zèle du médecin Defportes
n'a pas eu tous les fuccès qu'on lui attribue. La vérité eft que ce zèle fut
très-fecondé par Larnage & Maillart -, que les religieux de la Charité avaient
fait achever en 1737 une nouvelle falle de maçonnerie de 200 pieds de lono-,
& que pour la prolonger encore de 100 pieds , ces deux Adminiftrateurs leur
firent avancer , par le tréfor , 20,000 liv. le 22 Janvier 1738 ; que le i^^ Août
1739 ces deux Adminiftrateurs prouvèrent que leurs vues bienfaifantes s'étendaient
fur tout , en ordonnant de traiter les officiers , les foldats , les matelots , même
ceux des navires marchands dans les hôpitaux du Cap & de Léogane , & en
établiflant dans chacun d'eux quatre garçons chirurgiens, nourris par les rclio-ieux.
Le médecin du roi à Léogane eft tenu , par la même ordonnance de 1739,
de faire la vifite chaque jour , & celui du Cap quatre fois feulement ( attendu
que l'hôpital eft loin de la ville ) , depuis le i"'. Juin jufqi^'au i". Octobre
faifon de? maladies contagieufes , & deux ou trois fois le refte de l'année en
rendant compte , l'un aux deux chefs principaux , & l'autre à leurs
repréfentans au Cap , de la quantité de malades & de la nature des maladies.
Un officier de chacune des deux garnifons eft tenu de faire la vifite
de l'hôpital , & le major ou l'aide-major de la place , deux fois par femaine &
d'en inftruire le commandant. Enfin , pour encourager encore plus les quatre
garçons-chirurgiens , l'ordonnance allouait 500 liv. | chacun d'eux , fur les
amendes , jufqu'â ce qu'ils fuflent placés dans l'île par les médecins du roi. ■
Certes les auteurs de tant de difpofitions utiles peuvent bien mériter le pas
fur Poupée Defportcs , qui , dans f€,s vifites confultatives, ne pouvait que diriger
d'une manière plus fûre ce que les chefs trouvaient avantageux , eux à qui il
n'échappa point alors de repréfenter au miniftre qu'il était jufte que le médecin
du roi eût un traitement, qui lui fut alloué en 1740 à fixé à 2,400 liv., taux
où eft refté celui de fes fucceflèurs , malgré l'énorme différence de la valeur de
cette fomme aux deux époque^,
Tome I, Ç c c c
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En fï-j^n on raulnt: augmenteT d'une 'tôle Thôpitai an 'Cap, mais on là
commença .feLïkoïenc Se on ne s'occupa de la terminer qu'en 1756.
Pai-l'ordonnance du roi du 24. Mars 1763, il fut déclaré que l'hôpital d»
C^p derait pour les l'oldats , les officiers & pour la marine , & qu'il y ferait
att^-hé un médecin & un chirurgien du roi. Cette ordonnance affujettit de olus
les hôpitaux militaires de la Colonie aux r^glemens faits pour ceux des troupes
en.Erance , & à r.infpeclion du nwdecin du roi & du chirui-gien-maior.
D/ès .i'ârrrivée àes troupes venues <ie France a\^c M. de Belzunce , on fit
îks marchés particuliers avec les religieux de îa'Chacrte, qui formèrent des
hôpitaux au Fert-DauphinE^ au Trou. Les pertes que ces troupes éprouvèrent
firent créer à Ts^erfailles -, le 1". Janvier 1763 , un infpefteur & diredeur-géneral
de là médeciae, de la pharmacie & de la botanique des Colonies, avec°3,ooo
liv. d'appointemens ; ce fut M. Poifll-nnier , confeiller d'État, médecin de la
faculté de Paris , coafukant auprès de la perfonne du roi , nommé le même
jour .infp;£te.ur-génér?.l des hôpitaax de la marine en France i & comme les
maladies & les mortalltéi avaient été en augmentant à Saint-Dombgtre, on
renouvella, le 12 Novembre ■I7-63 , le brevet de M. Poiflbnnier; onle char-
gea de choiiir & d'examiner les médecins du roi pour les Colonies; on lui
recommanda de redoubler fes foins & fcs recherches pour arrêter les maux qui
exiftaient à deux mille & même à cinq mille lieues de lui , '& l'on porta fon
traitement à 6,000 livres, traitement qui eft l'unique effet qu'ait jamais produit fon
brevet, quoique l'ordonnance du 24 Mars 1763, ait aflbjetti ks médecins & les
chirurgiens du roi à lui rendre compte de la nature & de la condtrite des
inaladies
Par un marché entre l'intendant & le fupérieur de l'hôpital du Cap , en d'Ce
ûu 20 Oftobre T763 , conclu pour deux ans, à compter du 13 "Novembre &
qui renfermah les :hôpitaux du Fort-Dauphin & <îu Trou, la journée du malade
ibt fixée à 36 fous .en y comprenant la retenue, •& chaque journée d'officier
4 10 liv. Ce fut alors qu'onmitde contrôleurs dans ces Jiôpitaux.
Le 2 Juillet r764, MM. d'Eftaing & Magon firent iwîe ordonnance pour h
giolice ^dcs_ hôpitaux -<:oi>fiés aux religieux de la Charité. Ils -prefcrivh^nt
«UK m.édecins r& ;aax ^chiru^iens du roi quatre vifites par femaine i l'hôpital
«éu-G^p^ & aux Teiigieux '.de Oeur procurer '«ne voiture pour ces vifites,- de
plus , le médecin infpedeur, car il y en avait u>v alors, devait vifiter les^hôpita-jx
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FRANÇAISE DE S^ A IN T - D 0 M ING UE. 571
âes religieux deux fois; par mois-' & en rendre compte au gouverneur-généraL.
jls déclarèrent que la police intérieure de l'hôpital appartenait au fupérieur , Se
que le fergent de garde devait recevoir fes ordres à cet égard. On augmentai
l'hôpital du Cap, en 1764, d'un pavillon pour les officiers.
■ Les changemens produits dans l'adminiftration des hôpitaux, depuis 1762 ^
ne convinrent point aux religieux, qui fe plaignirent des infpefteurs, des méde-
cins , des chirurgiens , des. coniimifîaires des guerres , des commiffaires de la
marine , des contrôleurs & généralement de tous les employés. Aufll dans le mar-
ché palTé à Fontainebleau , le 31 Oflobre 1765 , pour trois ans , les débaraffa-
t-on de tant de furveillans importuns, Lajournée du malade y fut mife à 40 fous.
Je dois dire qu'une ardonnnace du roi du 30 Avril 1764 , fur la chirurgie aux
Colonies , exigea que les chirurgiens euiTent fervi un an dans les hôpitaux
militaires de ces Colonies, avant de pouvoir exercer leur profeffion, & que
chacun de ces hôpitaux entretînt toujours quatre fujets, mais cette difpofition Ci
iage, & qui eft évidemment la fuite de celle adopcée par Larnage & Maillart en
1739, elt tombée en défuétude & n'exifte plus que dans les recueils.
En 1767 l'hôpital du Cap coûta , frais d'entretien & tout compris, 184,595
livres. Il y mourut 339 foidats, 2 ouvriers & 8 marins.
On fit à Verfailles un nouveau marché le 17 Décembre 1768, peur neuf ans
La dépenfe de 1771 , pour l'hôpital du Cap, en journées de malades, fut de
120,062 livres , 10 fous. Il mourut 157 foidats & 7 matelots.
Le marché de 1768 , étant expiré en 1778 , il y en eut un nouveau , feulement
au mois d'Août 1779, mais provifoirement fait par MM. d'Argout & de
Vaivre , d'après une autorifation du miniftre du 15 Novembre 1778, Il y en eue
un définitif conclu à Paris, le 13 Décembre 1780, pour 5 ans, à compter du i^.
Janvier 178 1;
La guerre rendit l'hôpital très-infuffifant , & j'ai eu occafion de dire déjà
qu'il yen avait eu plufieurs de formés dans la. ville: même du Cap, & quelles
précautions on avait cru devoir préparer dans le local de la Foirccte. Une
idée très-heureufe des Adminiftrateurs-, ce fut d'établir, à la fin de 1782, des
falies de convalefcens dans les dilFérens quartiers des troupes , & de leur accorder
-«ne diftribtition réglée de vin.
Enfin le dernier marché fait' avec les religieux de la Charité, pour l'hôpital dw
€ap-, eft dtt^î*'^. Septemke 1787, Le, Miniftre ayant fenti qu'il était plus conve-
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57 2 DESCRIPTION DE LA PARTIE
nable qu'il fut difcuté & réglé dans la Colonie, autorifa M. de Marbois k en
faire un , par la lettre du 15 Juin , & celui-ci le fie ftipuler par l'ordonnateur du
Cap, avec le père Séraphin Merdier , fupérieur de l'hôpital. Je crois devoir en
faire connaître fommairement les conditions.
1°. On recevra autant de foldats, de matelots & autres perfonnes à la folde
du roi qu'il fera poffible , fans empêcher les habitans & les matelots marchands
d'y trouver place. On pourra mettre des malades dans le pavillon des officiers ,
en y laiffant trois chambres vides. Les pauvres doivent toujours être mis fépare-
ment en tems de paix , & lorfqu'il fera poflible en tems "de guerre. On exprime la
néceffité abfolue d'avoir une falle particulière des vénériens & des galeux.
2°. L'état des hârlmens de l'hôpital a été conftaté le 24 Septembre 1787 , par
l'ordonnateur, l'ingénieur en chef, le commilTaire de la marine chargé du détail
des hôpitaux & l'officier d'adminiftration chargé du contrôle , & l'entretien de
CCS bâiimens eft à la charge des religieux, moyennant 12,000 livres par an.
3°. Les privilèges des lettres-patentes de 17 19 font confervts ; & on donne
lOjOco livres par an aux religieux , attendu la néceiîité où ils font de payer la
boucherie , comme tout le monde , par la fuppreffion de la ferme,
4°. Nui infpecleur fubalterne. Le fupérieur de la maifon rend compte de tout
ce qui concerne le fervice des troupes , au gouverneur-général & à l'intendant ,
à leurs repréfentans & aux autres officiers de l'état- major ou de l'adminiftration
à qui les deux chefs donnent commiffion de furveiller ce fervice. Le commiffaire
de la marine , chargé du détail des hôpitaux , doit vifuer & infpecler l'hôpital
deux fois la femaine , même plus fou vent s'il l'eftime nécefTaire , & après avoir
provifoirement averti le fupérieur où le grand infirmier en particulier, il peut
remédier aux négligences ou aux omiiïions. Les officiers de fervice ont
auffi la monition fecrete aup; es du fupérieur , & s'il n'y détere pas , la voye
d'en rendre compte aux Adminiftrateurs ou à leurs repréfentans qui y remédieront
après examen préalable , comme dans le cas d'avertifiement de la part du com-
miffaire.
5". Les religieux traitent & panfent eux-mêmes les malades , & font les
opérations chirurgicales. Ils peuvent ê.rre aidés par des nègres , mais ceux - ci ne
peuvent ni faigner ni faire aucun panfement. Le choix & le renvoi des médecin»
appartient au fupérieur ^ il doit toujours y en avoir un par quarante malades,
indépendamment des quatre élèves-chirurgiens prefcrit par l'ordonnance du ^à
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 573
Avril 1764. Ces élèves n'ont droit à des appointemens, qu'autant que le nombre
des malades rend leur fervice aftif, c'eft-à-dire qu'il doit fe trouver au moins 160
malades pour les quatre. Gomme ces chirurgiens font deftinés à a'pirer à la
maîtrife dans la Colonie , ils doivent , pour être admis à l'hôpital , exhiber au fupé-
rieur leurs lettres d'apprentiffage ou certificats de fervice , vifésdu médecin & du
chirurgien du roi , & ils ne peuvent être congédiés qu'après un rapport fait au
commiffiire de la marine , ayant le détail des hôpitaux.
6°. Le médecin & le chirurgien du roi font tenus d'aller une fois par jour à
l'hôpital & même deux lorfqu'ils en font requis par les Adminiftrateurs ; ils fe
concertent avec les religieux pour les traitemens dont il doivent tenir un compte
exaél , ainfi que de leurs obfervations , afin de concourir avec les chefs à la
meilleure adminiftration ; les chirurgiens des corpâ & des vaiffeaux peuvent venir
à l'hôpital, quand bon leur femble, mais ils ne peuvent rien prefcrire & doivent
fe borner à des obfervations fur ce qu'ils croient utile & néceffaire. Les
frais de voiture pour les vifites du médecin & du chirurgien du roi , font faits
par l'État,
7°. L'hôpital doit avoir deux aumôniers qui ont 1,250 livres d'appointemens
fixes des fonds de la Colonie. Les aumôniers que les religieux feront venir de
France ne peuvent être employés ni 'par le préfet apoftolique ni par d'autres ,•
qu'avec le confentememenr par écrit du fupérieur. . .
8°. Tout ce que l'hôpital fait venir de France , y eft exempt de droits , quels
qu'ils foient. Les religieux ont leur pafTage gratuit en allant & en revenant ,
ainfi que les aumôniers & autres employés de l'hôpital,
9°. Les religieux peuvent faire boucherie, mais fans en vendre au public.
Il continue d'y avoir un fous-officier à la pefée de la viande Se au fervice de la
cuifine , lequel rend compte au commiflaire. Il afTiIte auffi à la dittribution & il y
a un cadenat & une fentinelle à la chaudière,
10". Les religieux-chirurgiens font tenus de drefler chaque mois l'état des
malades , de défigner la nature des maladies dominantes & des moyens curatifs
employés. Le médecin & le chirurgien du roi doivent le figner ; on le préfente
aux Adminiftrateurs par la voye de leurs rep-.éientans , & il eft envoyé au
miniftre.
11°. Suivant l'ordonnance du i". Janvier 1786 , le commis qui fait les états
d'hôpitaux , donne des reçus des facs des matelots de la marine de l'État 3 les
chefs de divifion Se kscommandans les vifitçnt.
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• 12". En tems, de paix , k- journée du. foldat , du matelot & autre entretenu. ^
ans difcinction de- maladie , eft de 3 Wv. lofous&de 5 li-v. eni tems de guerre.
Celle de l'officier 10 liv. & 16 liv. 10 fous, en tems de guexre. Les bas-officiers
des régiraens & des vaiffeaux doivent être placés dans les parties les plus, com.^
modes des falles.
13''. L'hôpital peut prendre aux magafins du roi les chofes qui lui font
néceffaires j furie pied auquel elles reviennent d'après l'état akêté par l'admi-
niliration.
14°. L'hôpital fupporte les quatre deniers pour livres, de tout ce que l'État
lui paye.
15.^. Op. compte les journées de malade , du jour de l'entrée inclufivemenr à
celui de fortie exclufivemenr ^ 6 livres par enterrement. Le commiiTaire de la
marine retire les armes & les hardes des foldats & matelots, en donne reçu 5 l'hôoi-
tal les tient en dépôt jufqu'à cette remife,
. lô*'. Les religieux font obligés d'avoir & d'entretenir des fournitures pour les
8co malades que leur hôpital peut contenir.
17°. Les pertes caufées: par accidens -imprévus , tels que le feu du Ciel, les
tremblemens de terre , ouragans, inondations, invafions par l'ennem.i , donnent
lieu à une indemnité par l'État en les faifant conftater par procès-verbal du prin-
cipal officier d'adminiftration ou par fes ordres , & approuver par les Admi-
niftrateurs.
18°. L'adminiftration des hôpitaux de France ne voulant pas garantir celle de
la Colonie , pour affurer l'envoi de ce que la première fait paffer à l'autre , on lui
compte , chaque année , 40,000 livres de France fur la quittance du procureur-
fyndic de la Charité. Cette fomme eft retenue par douzième fur les états de
chaque mois dans- la Colonie , & le tréforier de celle-ci en fait raifon au tréforier-
général des Colonies en France.
19°. Le marché eft fait pour jufqu' au dernier Septembre 1792, 8ic file roi
mettait en régie , ou chargeait des entrepreneurs du foin des malades , les ré^if-
feurs ou entrepreneurs feraient tenus de prendre les effets , les drogues , les
uftenfiles & les marchandifea deftinées à l'hôpital , d'après une cftimation d'experts
&; en payerait la moitié comptant , moitié fix mois après.
20°. Et comme il ferait prefque impoffible de féparer alors les bâtimens du
roi d'avec ceux des religieux, parmi lefquels ik font enclavés , & que les cuifines.
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.If îR-AWij; A I s.E d:e s a iK~r - b o m<î n g'xs-e. ^^^
•magafin s 'Vautres dépendances appartenant -au^î rel!gi«UK.ne tpajarrai-crEt .être 00111-
•murve-s à des entrepreneurs , l'État -netiendrait pour £oa fervieÉTce qiîçle prooès-
•v^i?baWuSi4 Septembre '17B7 coaftate être.àltti , .sàMi-qnt çenK d&venus inutiles
aux 'religieux , & lesjndèmniFeritt du terrain & des butimens qui font à eux , ■&
!eur donnerait le tems d'en confhiuire d'autres ou ferait faire cette conftruftion.
21^. Obligation de ;fuivre des .troupes frelles entraient en -çsmpagne , & qu'il
•n'y eût plus de fervice à faire à l'Jiôpital.
22°. 'Les reJi-giieux bê font pas tenus de .recevoir des officiers dansleur maifcai
principale, fi le pavillon .qui leur eftdÊftbé n'eft pas reaipli , & ils choifiroat
ceux qu'ils voudront mettre .dansla première.
Voîîà. maifTtenant le fervice'& la pDlice intérieure.:
• A chaque officier malade ^par jour, une livre & demie de viande de bouciierie.^
-une bonne volaille de deux en deux jours, .gi-iliée .ou rôtie, une côtelette de
'-m®uton~&^un plat-de légumes ou de poiiToa avecdes confitures du pays , ifuivartt
■les faifons. Les 'O'fficiers ne -peuvent manger plufieurs emfcmble à la table des
religreu-x , à moins que le fupérieur ne les invice. Les lit-s-d'officiers ont. un mate-
■las, une paiiiaffe d-e feuilles de mais , -une couverture de laine ou de coton, un
traverfin & un oreiller de plumes d'oyes , & des draps de toile blanche , qu'on
change tous'ks huit jours ^& même .plus fou-vent fi la maladie l'exige ; des fervLet-
tes tous les deux jours , -Tane cjhandelie des fix à la.livre par jour , & des lampes de
■nuit au -be.foin. On peut mettre plufieurs officiers dans le même appartement.
Ils font tenus de fe fournir de linge de corps. Il ont un domeftique blanc par
quatre , ou un noir par 4?Foi5 ., -fa^ïf a. augmenter en. cas. de n'éceiTité. Il y a d'aÉlleurs
'des tables, des ■chaifes , &c. Si lîoffici.Qrpr.end--uni.dom,eftiquc'â lui., cedomçftique
-eft à fes frais.
A chaque foldat , matelot ou autre entretenu, par jour, 26 onces .de viande
■de boucherie , de la n-ïei!feure iquahté ; 20 'onces de pain blaîaer,'bien ourt , frais
^ de la m'eillenre quaUté , ^Sc une -'chopine, mefure de Paris , de vin -.de Bar-
deaux. Pour varier , on met une forte volaille pour quatre Tations :& demie
-de -viande , & du vin blanc, au lieu de rouge , q.uandiles .^religieux , Je rmëdecin
'*& le •'chirurgien du Toi -n'y :trou^nt .^as ^^d'incorw^^énient. Tous les jours .on
■ptD'rEe'danslesin°fîTrae.rie«5ài%>tliDwres du:;matiia,iun-JMKillon';roaigre,a ^
^t .au lieiirre xlu .à la mantègue j à dix heures on diftribue le bouillon ^ras ,
la viande & le vin.j & le foir de même.. A quatr.e heures les malades , taillent
-eux-mêmes leur foups dans ks écueiles qu'on leur donne. D'autres ont des
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DESCRIPTION DE LA PARTIE
I
œufs , des bananes , du riz , des pruneaiix . des confitures du pays & autres
chofcs réglées par le médecin & le chirurgien du roi. 11 eft défendu de rien
réferver pour le lendemain , ■ foit bouillon foit viande quelconque. On peut
fubftituer le bouillon maigre au gras fi les officiers de fanté le jugent convenable ,
en y joignant les purées, les légumes, les panades, le riz, le gruau , le lait ^
les œufs , les confitures , & Ton diminue d'autant la viande.
Chaque malade eft couché feuL II a fur une couchette , un matelas de crin
ou de laine , une paillafle , un traverfin de paille de mil, maïs ou bananier,
une couverture de laine ou de coton. Il eft permis d'employer des hamacs &
des plians. Il doit y avoir trois paires de draps , fix chemifes & fix bonnets de
toile pour chaque lit. La vaiffelle eft de fer blanc ; il y a des chaifes percées &
autres uftenfiles à l'ufage des malades.
L'hôpital doit être deflervi par un religieux infirmier-général , très-expert ,
trois religieux-chirurgiens & un apothicaire. Ils ont fous eux des aides , de
manière qu'il y aie un religieux-chirurgien ou un aide-chirurgien pour quarante
malades, & un par 15 bleffés j un domeftique blanc pour 12 malades ou un
noir par 10. Il y a un infirmier blanc de ronde pendant la nuit, & un nègre
qui veille pour 25 malades. Si le nombre des nègres devenait infuffifant , les
aJminiftrateurs fourniraient des blancs qui auraient deux rations de malades &
des gages que ces adminiftrateurs fixeraient & que les religieux payeraient ,
mais on ne peut pas les forcer à faire venir pour l'hôpital des nègres de leur
habitation (*).
La vifite des malades fe fait de très-grand matin. Si le médecin .ne peut y
aller , elle -eft faite par le chirurgien- major. Les religieux les avertiflent l'un &
l'autre des opérations chirurgicales graves pour qu'ils y affiftent ou en confèrent.
On panfe les blcffés deux fois par jour.
Il y a une garde avec un officier qu'on n'eft pas tenu de nourrir. Les portes
de l'hôpital font fermées à la nuit & ne peuvent être ouvertes avant le matin
fans l'ordre des chefs.
L'État fait imprimer les billets d'entrée & de fortie , les états, les extraits
mortuaires ; le commis figne les états. Le régiftre mortuaire doit être tenu avec
foin, & tous les fix mois on en donne une copie certifiée , vifée du commlfTaire
(*) Qui produit annuellement depuis 150 jurqo'à 200 milliers de fuçre blaac.
^
I n»^
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M I N G UJE. 577
de ia marine ; elle^ft remife au contrôleur de la marine , qui l'envoie au miniftre
pour le dépôt de Verfailles ; le regiftre d'entrée eft paraphé par le commiffaire
de la marine , & les états font vérifiés & arrêtés par ce commiffaire chaque
mois, & ordonnancés par l'intendant ou l'ordonnateur.
Ce traité a été imprimé aux frais de l'État & envoyé aux religieux, au méde-
cin & au chirurgien du roi , aux chefs des corps & commandans , aux com-
miffaires chargés des hôpitaux & des claffes, au contrôleur de ia Colonie & à
fon repréfentant au Cap. Il a été approuvé pir l'intendant le 5 du même mois
de Septembre 1787, & par le miniftre le 17 Février 1788.
Je n'ai pu réfifter au défir de rapporter tant de particularités fur l'établiffement
de l'hôpital , parce que ce qui touche l'homme & furtout l'homme en proie
aux douleurs, intéreffe toujours l'être fênfible , Se que j'aime à croire mon
Lefteur rangé dans cette claffe. Je viens à la partie defcriptive de l'hôpital.
On l'apperçoit du chemin , parce que le terrain va en amphithéâtre depuis ce
chemin jufqu'au point oia le morne du Cap vient fe terminer par de petites
collines fuccefllves. La principale entrée , qui eft fituée à 650 toifes du tourni-
quet qu'a le Cours Villeverd fur la rue du Pont , eft placée au milieu d'une
claire-voye de bois peinte en rouge , & que porte un petit mur & des pilaftres
de maçonnerie. Là commence une belle avenue de quatre rangs de chênes qui
conduit à la maifon où font logés les religieux. Cette avenue dont la maîtreffe
allée a 132 pieds de large & celles des côtés 45 pieds , & qui n'exiftait pas en
1742 , fait un angle un peu obtus du côté du Nord avec le chemin , parce que
celui-ci va du Nord-Eft au Sud-Oueft, tandis que l'avenue eft dirigée de l'Eft-
' Sud-Eft à rOueft-Nord-Oueft.
La maifon eft à 255 toifes du chemin , l'on y arrive par une terraffe de 25
pieds de large , où l'on mente par trois efcaliers de pierres ; l'un au milieu &
en face de l'entrée de la maifon , les deux autres fur les côtés du premier &
obliquement placés.
Cette maifon de maçonnerie confifte en un arrière-corps , qu'une aile pofée
de chaque côté dépaffe de fix pieds. L'arrière-corps a 66 pieds de long fur 37
de large , & les ailes 45 pieds de long fur ;i2 ^^ l^'g^ j ce qui fait que le bâti-
ment, pris en total, a 132 pieds de façade; il fe montre tout entier dans
l'avenue qui a la même dimenfion. Ce n'eft que depuis 1783 qu'on a fait un
étage à cette maifon , couverte d'ardoifes , ce qui lui donne encore plus de
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578 DESCRIPTION DE LA PARTIE
grâce Se de commodités. On entre d'abord par la lerraffe dans une belle galerie
qui communique à un grand falon Icrvant de falle à manger & qui eft au centre
de 1.1 maifcn , il s 33 pieds en carré.
Il eft peu de fituation à Saint-Domingue plus agréable que celle de l'hôpital
du Cap qui, par Télévation de fon fol, domine une vafte étendue de plaine
qu'on apperçoit à l'Ett & au Sud, Ce local , rafraîchi par les deux brifes , offre
auiTi la vue de la rivière du Haut du Cap qui ferpente & dont le grand chemin
fe rapproche & s'éloigne fucceiTivement ; du côté du morne un jardin charmant
dont je parlerai bientôt , ajoute encore à tant de iouiiïaaces. Il eft dommao^e
que le petit m^orne de l'hôpital qui eft dans le chem.in , dérobe la rade du Cap
qui ajouterait & de la variéré & du mouvement au tableau charmant dont on
jouit de la tcrraffe de l'hôpital , & où l'on n'eft troublé que par le fpecbacle des
marais de la Petite Anfe , à travers lefquels l'œil faifit un inftant le voyso-eur
qui fe rend au Cap par le chemin de cet embarcadère.
Au Sud de la mai fon principale & fur la déclivité d'une colline , font les
cuiunes 5 les boulangeries, la buanderie, les magafms, la pharmacie, les écuries,
les remifes.
Au-defTous de ces conftru6tions & après un petit intervalle, eft une enceinte
qui s'étend du Levant au Couchant, 8v qui a la forme d'un carré long: elle
renferme plufieurs corps de bâtimens. Le principal , conftruit en maçonnerie ,
eft le premier bâtiment de ce genre qu'on ait fait pour les malades j il a , du
Nord au Sud , 50 toifes de long fur 29 pieds de large. A fon extrémité Septen-
trionale eft la chapelle qui eft comprlfe dans fa longueur & qu'on fait fervir aulîi
de lingerie ; elle eft fous l'invocation de St.-Jean-de-Dieu , fondateur de l'ordre '
des religieux de la Charité. Un petit clocher en flèche qui excède le toit , fert
à l'indiquer.
C'eft dans cette chapelle à laquelle M. Barreau, dont j'ai précédemment
énuméré les legs pieux , a laiffé , en 1758 , 2,000 livres pour acheter une lamjpe
& un calice d'argent, que M. l'abbé de Pradines prononça, le 7 Juin 1777,
j'oraifon funèbre de M. d'Ennery , mort gouverneur-général. Les gens de cou>-
leuf libres & efclaves & quelques blancs du Cap , viennent auffi y faire une
Ilation l'après-midi du Vendredi-Saint & entendre prêcher la paffion. On y a
été frappé plufieurs fois du talent du P. Roubion , chanoine de la Trinité, mort
depuis quelques années facriftain de la paroiflè du Cap. D'ailleurs il femble que dans
cr
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^"?>
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 579
un hôpital les cérémonies religieufes prennent un caractère encore plus augulte ,
parce qu'elles font accompagnées du fpedacle de l'homme dans l'état où il a le
plus befoin de la Divinité confolatrice qu'il implore.
Ce bâtiment élevé en 1737 & en 1738 , eft appelle auffi la falle St.-Jean-de-
Dieu. A chacune de fes extrémités & en retour d'équerre , allant de l'Oueft â
l'Eft , il y a deux autres falles auffi de maçonnerie qui lui font contigues. Celle
du côté du Nord qui tient à la chapelle , eft la falle St-Honoré, c'efc la dernière
bâtie, elle n'a même pas été auffi étendue qu'on le projetait; elle n'a que 18
toifes de long , fa largeur eft de 3 1 pieds. Celle du côté Sud , qui eft parallèle à
celle St-Honoré, eft la falle de la Vierge, terminée en 1756 , d'après un ordre
de M. Lambert, ordonnateur au Cap, choqué de ce que M. Perrier avait été
forcé de mettre les malaies de fon efcadre dans la ville. Elle a ^^ '^oi^^s de lon-
gueur fur 27 pieds de large. On s'appercevrait , à ces différences dans les dimen-
fions des trois falles , qu'elles n'ont été ni projetées , ni exécutées en même
tems. Elles ont cependant toutes la même élévation qui eft de 14 pieds jufqu'à
la naiffance du toit, & elles font couvertes de tuiles.
Jufqu'en 1777 , il n'y avait point d'autres bâtimens dans l'Eft de ceux donc
je viens de parler, mais l'augmentation de troupes que la crainte de la guerre fit
envoyer, ik par conféquent le plus grand nombre de malades a forcé de former,
dans cette partie Septentrionale , trois nouveaux bâtimens. Le plus Occidental
aligné à fa face Oueft fur le bout Eft de la falle de la Vierge , a 118 pieds du
Nord au Sud, & 30 de large, c'eft la falle St-Louis. Celui qui fuit dans
l'Eft, a 150 pieds de long qui viennent s'aligner fur la face Méridionale de la
falle St-Honoré , & 36 pieds de large , c'eft la falle St-Raphaël; le troifiêmc,
en tout femblable au fécond, eft la falle St-Auguftin. Ces trois bâtimens, conf-
truits en bois , couverts d'effentes & parallèles entr'eux , n'ont que dix pieds
d'élévation jufqu'à la naiffance du toit, & feulement environ 40 pieds d'inter-
valle de l'un à l'autrç. La clôture de cette enceinte eft formée par un mur de 7
ou 8 pieds de haut.
La difpofition de la falle Saint- Jean -de -Dieu, dont les deux extrémités
fervent elles-mêmes d'enceinte , forme deux cours , dont l'une eft au Couchant,
U l'autre au Levant de cette falle. Parcourons-les en décrivant les détails & les
inconvéniens de l'hôpital,
La couf Occidentale qui eft irréguUère dans fon côté Sud , contient deux rangs
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I
580 DESCRIPTION DE LA PARTIE
d'arbres fervant de promenade. Prefqu'au milieu de Ton côté Oueft eft un pavillon
à étage , de maçonnerie , où fe trouvent le logement des chirurgiens , une falle de
bain & une chambre de difcipline. Ces deux dernières font humides & mal-faines
à caufe de l'élévation du petit coteau qui porte la maifon des religieux & fes appar-
tenances , & auquel ce bâtiment fe trouve prefque adoiïe. Trois baignoires font
infufEifantes pour les malades, & la néceffité de faire fervir la même à un vénérien,
à un galeux, à un fébricitant, choque les premières notions de l'art de o-uérir,
amfi que celle de tranfporter des malades à travers une cour, pour aller prendre un
bain. Il faudrait des bains pour chaque falle, & qu'on eût foin de les placer dans un
lieu où l'on conduirait l'eauà volontéi c'eft un devoir qu'on doit fe hâter de
remplir.
En bâciffant la falle Saint- Jean-de-Dieu , on avait mis les latrines à 50 pieds
de cette falle & à l'angle Sud-Oueft de la cour. Il n'y a que fort peu de tems
que, fur les repréfentations de M. Arthaud , médecin du roi, le fupérieur de
l'hôpital en a fait conftruire de nouvelles. Sur le côté Oueft de la chapelle une
galerie en appenti , fert à abriter les malades qui pafTent par une Porte donnant
dans la falle Sa,nt-Jean-de-Dieu , & qui font ainfi garantis d'une courfe en plein
air, & quelquefois fur un fol humide, qu'ils étalent obligés de faire autrefois
Ces latrmes anciennes & nouvelles font nettoyées chaque matin par l'eau d'un
baffin de plufieurs muids, qu'on lâche & qui doit conduire les immondices
<lans une ravme qui pafTe au bout Sud de la falle Saint - Jean -de - Dieu On
affiire que l'on n'a pas donné affez de rapidité à ce courant, d'ailleurs infuffifant
& qu'il n'empêche pas des exhalaifonsinfeéles qui, dans k falle Saint-Jean-de-
Dieu, incommodent les malades furtout lorfque les vents d'Oueft & du Sud-Oueft
foufflent. Il femble q^^'on remédierait à ce mal, f: les latrines étaient au bout Sud
Eft de la falle Saint- Jean-de-Dieu , & ft une eau plus abondante, acquérant
tncore de la vîteiTe par fa compreffion , balayait un canal couvert.
Cette cour a auffi des baffins qu'on devrait tenir couverts & ferm.és avec des
cadenats , lorfqu'ils ne fervent pas , & il faudrait dans le cas contraire des ner
fonnes capables d'en interdire l'accès à des malades ou à des convalefcens ^ui
viennent y laver ou s'y baigner, & chercher ainfi de nouvelles caufe's de
maladies.
C'eft au Nord de cette cour qu'eft la porte d'entrée qui conduit dans l'hô-
pital. A fa droite , & â l'angle Nord-Oueftde la cour, eft le bureau de l'écrivain
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if
V
T^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 581
& du garde-meuble pour les effets des malades. Une barrière qui fermerait cette
porte j êz dont le cadenat ferait la nuit entre les mains du faélionnaire , empêche-
rait des courfes nofturnes & même des défertions. Un grand inconvénient de
cette courj c'eft que fe trouvant plus élevée que le pavé de la falle Saint-Jean-de-
Dieu, & ayant une pente de l'Ouefl à l'Eft, elle y conduit de l'eau dans les
grandes pluies.
Je pafle à la féconde cour , celle du Levant.
Les blelTés Se les vénériens font dans la falle de la Vierge. Il eft vraiment regret-
table , que pour avoir un magafm au bout Sud de la falle Saint-Jean-de-Dieu ,
on ait fermé toute communication entre ces deux falles , qui ouvraient l'une dans
l'autre , & que celle de la Vierge ait fon entrée fur le côté Nord dans la féconde
cour. Le froid & l'humidité font deux grands ennemis des maladies fyphiliitiques ,
& furtout des bleffures , trop fouvent fuivies du fpafme dans les pays chauds , &
toujours très-difRciles à guérir , comme on peut en juger par le feul fut des blefies
des vaiffeauxde l'armée de M. de Grafîè qui vinrent au Cap, après le combac
naval du 12 Avril 1782 , puifque de 180 bleffés , mis dans un hôpital, deux feuls
y furent guéris. Cette confidération exige le rétabliffement des chofes dans leur
premier état , fauf à placer une porte grillée entre les deux falles , pour éviter les
abus. Les latrines de la falle de la Vierge , qui font en dehors , au Sud & ver*
fon centre, ont aufîî trop peu d'eau pour leur nettoyement, & elles exigeraient
également un égout couvert jufqu'à la ravine.
L'entrée de la falle Saint-Honoré eft à fa face Sud , dans la féconde cour. C'eft
encore une fource de défordre , parce que les matelots marchands & les pauvres
qui y font placés , communiquent librement avec les foldats & les matelots de
l'État , & que jouifîànt de cette porte , où il n'y a point de faftionnaires, ils fortenc
eux-mêmes quand ils veulent. On corrigerait ces abus en faifant ouvrir cette falle
dans la chapelle. La falle Saint-Honoré a fes latrines , comme celle de la Vierge ,
à fon centre , au Sud , dans celte féconde cour. On n'y met que de fim.ples pots
fous des lunettes , & l'on va les vider aux latrines de la falle SaintJean-de-Dieu,
qu'on traverfe en infeélant les malades. Il faudrait encore faire un égout à travers
la cour & y conduire de l'eau pour nettoyer de vraies latrines.
On peut reprocher aux trois falles de maçonnerie d'avoir des ouvertures qui ^
quoique aflèz nombreufes , font percées trop bas dans leur partie fupérieure , ce
qui nuit à la circulation de l'air. Au bout Sud de celle Saint-Jean-de-Dieu, eft.
w
S2^2
DESCRIPTION DE LA PARTIE
^
une porte & deux fenêtres , qu'une bonne police voudrait qu'on grillât , pour
empêcher la fortie des malades , tandis que le befoin d'air exigerait , peut - être ,
que l'extrémité de la chapelle au Nord , eût quelque ouverture qui le renouvellerait
dans la falle Saint- Jean-de-Dieu. La conftruflion des trois falles de bois a dimi-
nué la féconde cour, qui formaitune utile promenade avec quatre rangs d'arbres ,
donc on pouvait fe difpenfer de prendre une partie, puifque le terrain ne man-
quait pas.
Les trois falles de bois font trop rapprochées l'une de Tautrej l'air y efltrop
reflerréj les exhalail'ons fe communiquent de l'une à l'autre , & les latrines pofticheii
de leur bout Sud ont les mêmes vices que celles de la falle Saint-Honoré.
C'eft au-deffu3 de cette falle en venant dans l'Oueft, & en dehors du mur de
clôture au Nord, qu'eft le corps - de - garde de l'hôpital. Comme il arrivait fré-
quem.ment que les m.alades franchiifaient ce mur, dans le côté Eft de l'enceinte
on a mis une fentinelle en dedans dans l'angle Nord-Eft de cette clôture ; mais
elle n'y eft pas la nuit . & le mal n'eft qu'à demi réparé.
Je paffe au côté Nord de l'avenue. On y trouve cinq corps de bâtimens parallè-
lement dirigés du Nord au Sud. Le plus Oriental & le plus long ( il a 150 pieds ),
eft à-peu-près aligné fur la falle Saint-Louis ; tous les cinq ont leur bout Sud
proche du fécond rang d'arbres de la contre-allée du Nord. Le dernier à l'Oueft &
-celui qui le précède , ont été conftruits pendant la guerre de 1778 i ils font de bois
& couverts d'efîentes. Le troifième eft de maçonnerie, divifé en plufieurs chambres
de malades , ouvertes feulement à l'Eft fur une galerie fort baffe. Le quatrième eft
de bois &c la plupart de fes chambres font des fervitudes. Ces trois bâtimens ont
égallement 110 pieds de long. J'ai vu pofer celui que j'ai défigné comme le
quatrièm.e, au mois de Mai 1777. Je rencontrai en allant à l'hôpital à la pointe du
jour, le nombreux atelier de M. Artau , qui en tranfportait la charpente
environnante toute affemblée , & revenant après le coucher du foleil , il y avait
une maifon de 1 10 pieds de long, paliffadée , couverte & fermée , dans un efpace
qui était vide le matin. Je cite ce trait , parce qu'il donne une idée des moyens
de cet entrepreneur , & d'une célérité d'exécution que lui feul a fait voira Saint-
Domingue.
Le dernier bâtiment, le plus Occidenral, & qui répond à l'entrée de la pre-
mière cour , de l'autre côté de l'avenue , eft un pavillon à étage , de 130 pieds
dç long appelé le pavillon des officiers j à caufç de fa deftipation. Il a quatorze
^
z^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 5S3
chambres de 15 pieds en carré. Au rez de chauffée eft une culfine & une falîe
de bains où l'on eft fâché de ne trouver que trois baignoires. La face Eft a une
galerie en haut & en bas de huit pieds & demi de large, il en aurait fallu une pa-
reille à l'Oucft pour qu'on pût , félon la direftion d^u foleil & des bi ifes , tenir les
chambres ouvertes & les garantir de la chaleur qu'on y éprouve. Une ravine
qui eft derrière ce pavillon , paffe à fon extrémité Nord. Devenue un torrent
dans les grandes pluies , elle fait refouler l'eau jufques dans les chambres du rez
de chauffée; il faudrait la détourner. Ce pavillon a encore un inconvénient , c'eft
celui de recevoir, dans la faifon des Nords, les exhalaifons des parcs à cochons &
de^ vidanges des cafés des nègres de l'hôpital, qu'on a mifes au Nord de la ravine,
fur le penchant d'un coteau & fur la ligne des cinq bâcimens dont je fuis occupé
en ce moment.
Le danger d'entaffer beaucoup de malades , eft encore plus grand dans les pays
chauds. Il ne faudrait jamais plus de deux rangs de lits dans lesfalles des hôpitaux
des Antilles , & les circonftances feules de la guerre peuvent contraindre à en
mettre davantage. On en avait formé quatre dans la falle Saint- Jean-de-Dieu
pendant l'automne de 1787 ; mais l'on s'apperçut que les ulcères prenaient un
caraftère gangreneux. On ouvrit une autre falle & les accidens cefsèrenî. C'eft
\me leçon qui ne doit pas s'effacer du fouvenir de ceux qui foignent cet hôpital j
oîi l'on a vu pendant la guerre de 1778, jufqu'à 825 malades non compris 45
officiers.
On y envifage auffi la gale'comme une maladie trop légère , & l'on ne veut
pas s'appercevoir qu'elle eft quelquefois produite par la mal - propreté du lino-e &
des draps.
Un grand inconvénient des hôpitaux coloniaux-, c'eft la néceffité d'y employer
des nègres dont l'indolente indifférence & la dangercufe complaifance laiffent les
malades fans foins , & leur procurent des alimens & des boiffons funeftes à leur
état. Le marché exige un nègre par dix malades, mais ils feraient heureux fi fa
violation leur en laiffait un pour foixante. Auffi des malades ayant le tranfport ,
fortent-ils , d'autres tombent de leurs lits & un grand nombre font privés des
fecours dont ils ont h plus preffant befoin. Sans prétendre faire une cenfure
amère des principes des religieux , il eft évident que leur nombre eft infuffifant
pour furveiller tous les détails d'un pareil hôpital ; & cela s'applique auffi au
petit nombre des chirurgiejis & des infirmiers blancs , qu'on ie contenterait de
h
'fiTIr
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\
5S4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
rencontrer par paire ou même feuls dans chaque falle , quoique le marché en
veuille un par douze malades. Il faudrait les attacher à d'aulTi pénibles , mais auffi
utiles fondions , par un traitement proportionné à leur zèle. .
Une chofe dont les amis de l'humanité ne pouront jamais aflèz s'étonner ,
e'eft que dans des marchés qui ( puifqu'on veut des marchés ) ne devraient que
marquer le prix des foins , des alimens & des remèdes qu'on peut tarifer, on
ait imaginé de fubvertir l'ordre naturel des chofes , fans vouloir çonfidérer qu'un
hôpital eft effentiellement deftiné à la confervadon des hommes des ciafTes les
plus précieufes. Comment veut-on que des religieux, qu'il eft iirpoffible de ne
pas envi fager comme des entrepreneurs , deviennent tout à la fois les fourniffeurs
&■ ceux qui examinent ou prefcrivent les fournitures. Je fais bien que le marché
exige les foins du m_édecin du roi, mais celui-ci doit auiïi , fuivant ce marché ,
fe concerter avec les religieux ; or , quel concert veut-on établir entre un médecin
qxi ne peut & ne doit fe déterminer que d'après fcs connaifTances & à qui fa
probité commande d'exiger en faveur du malade tout ce qui lui eft néceffaire , Se
des religieux entrepreneurs ? Si le médecin eft inébranlable , il fera bientôt
appelé tracaffier , & je garantis que le père Juferïeur trouvera des échos. Si le
médecin cède , je vois tous les abus fe multiplier , & un hôpital , le lieu le plus
fâcré par fa deftination , transformé en une boutique , où tout fe calcule , excepté
la durée de la vie des hommes.
C'eft alors qu'on confie la diftribution des remèdes à des nègres ignorans &
dont les erreurs font mortelles. C'eft alors que l'heure de toutes les diftributions
eft incertaine ; que des malades privés de force , périffent d'inanition , parce que
le marché a dit qu'ils devaient tailler leur foupe eux-mêmes , & n'a pas fu pré-
voir qu'ils feraient hors d'état de prendre ce foin , & qu'il arrive très-fouvent
qu'un malade enlève , de force , la pornon d'un autre malade plus faible que lui.
C'eft alors que les infirmiers blancs font occupés à jouer avec des convalefcens ,
au lieu de remplir leurs devoirs dont chaque négligence peut être un meurtre j
c'eft alors enfin qu'un hôpital n'cft plus qu'un cimetière où les cadavres ont
encore un refte de mouvement. :
Adminiftrateurs qui ftipulez froidement les conditions d'un pareil marché,
qui croyez qu'il faut plaire aux religieux de la Charité , comme fi leur plaire était
le but qu'on doit fe propofer , allez dans ces hôpitaux & écoutez les imprécations
de ceux pour qui vous penfez avoir tout fait , en difant qu'ils auraient ce que vous
jugez
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 585
jugez leur être nécefîaire , quand vous avez pris des mefures telles qu'on pûtks
leur refbfer impunément. Je fais qu'on criera : Mais la délkateje des entrepre^
neurs\ Lk crainte delà mort d'un feul homme qu'on doit f au ver , voilà tout ce
que j'apperçois, & je frémis quand je remarque, quand je fais que ma crainte
n'eft pas commune à tous ceux qui l'environnent.
Pour ajouter au ridicule mêlé de cruauté de ce fyftème , on veut aulTi que les
religieux faffent avec le médecin , le tableau des maladies & de leur traitement.
Comme fi ks religieux étaient deftinés à autre chofe qu'à exécuter , avec fidélité \
ce que le médecin a prefcrit. D'ailleurs ces états envoyés aux Adminiftrateurs &
fuppofés parvenus jufqu'au miniftre , ont-ils jamais produit une ligne de l'infpec-
teur-gé.iéral de la médecine coloniale ? Ce dernier a-t-il memeja.nais eu l'idée
heureufe , mais tardive des Adminiftrateurs qui demandaient au miniflre , par
une lettre du 16 Juin 1789 , que le journal des hôpitaux, rédig*^ par M. de
Horne,fut envoyé aux médecins, aux chirurgiens & aux apothrcaires du roi
dans la Colon-ie ? Comment répèce-t-on des conventions par pure forme & fans
être frappé de leur inutilité ? Comment fi on les croit néceflaires , ne prend-on pas
des mefures plus sûres pour leur accompliffement ?
Une autre circonftance me frappe & m'afflige encore , c'eft l'impoffibilité
qu'un médecin qui vient une feule fois par jour & qui ne voit qu'un feul moment
un malade , foit véritablement utile. L'inftant de fa vifite peut être calme &
fuivi d'une crife mortelle j dans un climat auffi aftif , la maladie change de carac-
tère d'une minute à l'autre , & le malheureux efc condamné à attendre vingt-quatre
heures un avis falutaire. On dira bien qu'un religieux- chirurgien ou autre fupplée
k médecin dans l'intervalk , mais fi l'accident eft du reflbrt de la médecine , fi
k chirurgien n'cft pas très-inflruit , s'il ne rend pas à la vifite du lendemain ' un
compte exaa de ce qui s'eft paffé , de ce qu'il a fait , que deviendra k moribond ?
Non jamais je ne ferai tranquilk fur k fort de l'hôpital du Cap tant que k
médecin n'y féjournera pas & ne pourra pas y faire des cours utiks à lui-même
& à des élèves ; tant qu'il n'y aura pas un logement féparé & une manière
d^être indépendante des religkux , dont il ne doit pas même faire foupçonner
l'influence. Mais qu'au moins il foit tenu d'y faire une vifite matin & foir, &
qu'on ne foumette pas à un vil cakul ks frais de fon tranfport, pour. lequel
Larnage & Maillart demandèrent vainement au miniftre , en 1739 , une fomme
de i,2Qoliv. Un feul recrue coûte plus a l'État que ces vif r-s ,. & n'y a-t-ii
Tom^ I, . E e e e '
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586 DESCRIPTION DE LA PARTIE
que ces bénéfices à peier ! On a vu , à la grande indignation de ceux qui n'ont
^s étouffe toi:te fenfibilité , les vifices du médecin & du chirurgien du roi,
interrompues parce que les religieux refufaient de fournir une voiture & que
l'adminiftration n'en donnait pas. Ell-ce là auffi une économie !
Payez tous les travaux utiles , payez les chirurgiens de l'hôpital fans vous
contenter de cette générofité parcimonieufe qui a décidé l'adminiftration à
accorder, le i". Janvier 1787 , 66 liv. par quartier à celui des garçons-
chirurgiens qui s'acquitte le mieux de fcs devoirs. Sachez que lorfque ces chi-
rurgiens font à la folde des entrepreneurs, ils font & moins nombreux & trop
dévoués ; réglez qu'au lieu d'une année , tous ceux qui fe deftinent à la
chirurgie paffcroni deux ans dans un hôpital de la Colonie avant d'y exercer
leur profefïïon , fans vouloir en excepter tous les ignorans à parchemin qui y
arrivent. Ceux qui feront vraiment inftruits ne feront que plus précieux après
cette école locale que rien ne remplace. Les autres auront le tems d'oublier le
raloir que leur m.ain eft accoutumée à manier & de la famiiliarifer avec les inf-
trumens qu'ils doivent employer pour guérir & non pour moiffcnner les habitans
du Nouveau-Monde ; qu'enfin les uns & les autres foient examinés avant d'être
admis à l'hôpital & à l'époque où ils doivent en fordr.
Je me fais peut-être un peu écarté de m.on objet afluel en m,e livrant aux
fentimens que l'adminifiration de l'hôpital a exrités en moi. Mais quand je
contemple cet amas de bâdmcns encore trop peu étendus dans ces tems où
l'homme détruit l'hommiC ; quand je réfléchis que le vainqueur y pouffe quel-
quefois des cris aigus fur un lit de fouffi-ance où la nature lui fait payer cher
les facrifices qu'il fait à la gloire , je ne pvis m/empêcher de demander que ces
afiles foient protégés par un amou.r pur & éclairé de l'humanité.
Encore un abus. Le cimetière de l'hôpital du Cap eft au Midi de tous
les bâtimens qui le compofent & de la ravine j il eft à 3^ toifes du bout Sud
de la fâlle Saint-Jean-de-Dieu , point où l'on traverfe la ravine fur un pont pour
y arriver. Ce cimetière qui a environ î8o pieds de l'Eft à l'Oueft, fur environ
iio du Nord au Sud, eft évidemment trop petit & trop voifm de l'hôpital,
fur lequel la brife du foir ramène fes exhalaifons. Je rends avec une fatisfadlion
réelle, ce .ém.oignage aux religieux, que depuis long-tem.s , & notamment en
1782, ils n'ont pas ceffé de demander que ce cimetière fut changé & transféré à
environ 6co toifes des faUes , derrière un petit monùcule qui garantirait de fes
'«wgur.'.t'."
-lu I !--■ 111^»
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 537^
émanations & qui en ôterait la vue à des malades , parmi lefquels il eft
poffibie que quelques-uns en foient douloureufcment affeflés. Mais en attendant
ce changement nécelTairej qu'on veille aux inhumations; elles font fi incom-
plettes quelquefois , qu'une odeur cadavereufe infefte la falle Saint- Jean-de-Dieu
& qu'il eft arrivé aux nègres de iaiffer un corps fans fépulture dans ce cimetière.
Veillez donc pour eus , Religieux confacrés à l'humanité foufrrante , ne tolérez
point , par exemple , que le vifage de celui qui a expiré , frappe , dans fon lit j^
l'être qui efi: près de le fulvre, & que ce tableau déchirant n'ajoute pas à ce que les.
approches de la mort ont quelquefois de hideux !
Un grand m.albeur pour l'hôpital du Cap, c'eft la nature du terrain qui
le borne à l'Eft ; ce font ks émanations dangereufes des marais immenfes fur
lefquels pafle la brife du large avant de lui arriver. La main feule du tcms peut
remédier à un pareil fléau , & jufqu'à cette époque heureufe, ces marais, dont
on ne peut s'empêcher d'êcre frappés , font un avertifîèment de plus pour que
des foins continuels & une police févère , empêchent tout ce qui pourrait fécon-
der les influences d'une atmofphère qui eft loin de l'état de pureté défirable
pour un hôpital.
Cet hofpice eft plus heureux quant à l'eau. Elle lui eft fournie en grande
maffe par plufieurs fources qui font au pied du morne , à peu de diftance &
dans rOueft de h maifon des religieux. Il eft feulem.ent fâcheux que ces fources
naiflènt dans un terrain argileux au lieu d'être fabloneux. Leur eau eft claire &
■limpide , elles blanchiffent parfaitement le linge & cuifent de même les légumes.
Dans l'analyfe qu'en ont fait MM. Arthaud, médecin , Roulin , chirurgien-major
Bc Ducatel, maître en pharmacie , le 4 Mai 1788 , & que l'on trouve imprimé
dans le premier volume des Mémoires de la Société des Sciences & Arts du
Cap , il réfuke que la pefanteur de ces eaux eft de onze degrés à l'aréomètre
pour les efprits , & d'après l'examen , par les réaclifs & par l'évaporation , que
chaque livre d'eau contient fept foixante-cinquièmes de grain de fel marin à bafe
terreufe calcaire, ou muriate calcaire ; un quart de grain de terre calcaire &
trois quarts de grain de félénite ou fulfate calcaire , ce qui prouve qu'elle n'eft
aucunement nuifible , quoiqu'elle ne jouilTe pas d'une pureté parfaite.
Il exifte , depuis plus de foixante ans , une difficulté entre le fupérieur de
l'hôpital & le préfet de la miffion, relativement à l'aumônerie de cet hôpital que
Jcs religieux regardent comme un titre qui confère tous les pouvoirs néceftaires
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58S DESCRIPTION DE LA PARTIE
pour l'exercice des fonctions paftorales & curiales , foit quant aux malades , fait
quant aux individus quelconques attachés au fervice de l'hôoital. C'était même
far cette confidération que le fupérieur de la Charité fe fondait , dès le mois de
Mars 1727 , pour être difpenfé de payer des droits curiaux à la paroiffe du Cap.
XJepuis les religieux ont obtenu & invoqué un brevet de Benoît XIV, du 5
Octobre 1745, qui confirme tous les privilèges concédés à leur ordre , & qui
accorde pour toujours aux prêtres employés au fervice des hôpitaux des îles de
,J Amérique , le pouvoir de baptifer , confener & marier , d'adminiftrer tous les
facremens & de faire dans leurs églifes toutes les fondions curiales. Ce bref, qui
a eu pour caufe une difcuffion entre les mifïïonnaircs des IHes dont il virg une
■requê^te, fous la date du 3 Janvier 1744, & ks réponfes du prieur-général
des pères de la Charité , h qui conféquemmenî juge un procès trcs-contradicloi-
reme.nt infcruit ,. veut que les aumôniers des hôpitaux coloniaux confeflènc
non-ieulement les malades & toutes les perfonnes qui-les fervent, à quelque titre
-que ce foit, mais leur donnent l'Euchariftie & l'Extrême-Onction ; il les aurorife
a baptifer, à marier les efclaves attachés à ces hôpitaux & à faire toutes les
fonchons paroiffiales , à oiHcier folemnellemenl- ks fêtes & les dimanches à
•publier les vigiles-jeûnes , fêtes & autres chofes femblables , & le pape impofe
-fur cela aux millionnaires un filence perpétuel.
■ Comme les brefs ne peuvent recevoir aucune exécution dans les Colonies fan=5
-des lettres d'attache du roi, le provincial des religieux de la Charité à Paris en
demanda , le miniilre lui répondit , le i 2 Mai 1751 , q,,e le roi nejugeait point
a propos de permettre l'enregiftrement du bref de 1745 , mais qu'il allait faire un
règlement fur la difficulté qui écait entre les miffionnaires & les hôpitaux Ce
règlement eft encore à naître , & les aumôniers des hôpitaux fe maintiennent
dans leur ancienne poffeiïion , en dépit des miiTionnaires & des préfets.
Il femble qu'il n'y a nul inconvénient dans le bref, pourvu que les
aumôniers exécutent ce que des loix coloniales leur prefcrivent fur les re^iftr=s
-des hôpitaux. On trouve ceux de l'hôpital du Cap , depuis fon établiiTemenï"
au mois d'Août 1698 jufqu'au 14 janvier 1759, ^^épofés au greffe de la Séné-
chaufTée de la ville. J'ignore ce qu'on a fait de ceux poftérieurs. L'édit du mois
de Jum 1776 veut que ces hôpitaux aient trois regiftres des inhumations; un
pour y demeurer , l'autre pour le greffe de la juridiftion du lieu 8. le troifième
pour le dépôt de VerfaiUes où l'on trouve , en effet , quelques regiftres des
■v
. '1.' 1 II amn
FRANÇAISE DE S A I î^ T - D O M ï N G U E 589
KÔpitaux coloniaux. N'eil-il pas vraiment étrange que , dans le marché de 1787
l'intendant ait cru pouvoir lubftituerâ ce troifièoie regiftre une copie certifiée &
s arroger ainfi dans un afte obfcur une autorité fupérieure à celle d'un édit enre-
giftre dans les cours de la Métropole.
Une chofe des religieux de l'hôpital de la Charité qui eft très-louée , c'eft leur
bonne chère dont je rapporterai cette preuve fmgdiére. Autrefois les officiers
malades mangeaient à leur table , dès qu'ils pouvaient s'y rendre, & ce rémme
leur paraiffait fi bon, furtout lorfque pendant la guerre, ils ne trouvaient au Can
que des penfions fort mauvaifes & fort chères , & aux époques où nulle campagne!
nulle entrepnie ne reveillait leur défir de combattre pour la patrie, qu'on prenait
par partie de plaifir, un billet d'hôpital. Cette méthode devenue abufive pour la
dépenfe des frais d'hôpitaux, frappa auITi fur les religieux. Les officiers malades
recevaient h vihte de leurs camarades & les vifitans augmentaient le nombre des
convives. C'eft pour remédier à ces manières qui convertiffaient l'hôpital en
auberge eu une lettre ou minifcrc du 3 1 Juillet 1785 , a porté aux det!x tiers
au heu de la moife , la retenue qui a lieu fur les appointemens des officiers'
malades, & que .e marche de 17S7 veut que chaque officier mange dans f.
chambre feul. °
Je viens au jardin de l'hôpital du Cap. Il eftà l'Oueft de la maifon & con
mence au bout d'une terraffe qui fuit la galerie placée au-devant de cette façade"
Une johe pièce d'eau avec un jet répond à la porte intérieure du falon &' form^'
le milieu d un beau potager. Supérieurement , le terrain qui eft la defcerte d'une'
coHme eft divifé en terraffies fucceffives. De petits canaux de briques , des
baffins de bains , des refervoirs couverts de bofquets , tout rend ce local riant
des plantes alimenteufes ou médicamenteufes lui fervent d'ornement ai^^ '
des arbriffeaux & des plantes curieufes & étrangères. L'air y eft dou ' l'^'^ ^"^
mure de l'eau parle à l'ame & la difpofe au calme & au repos i^n an !vj T'"
trop de recherches . l'art a embelli la nature. On ne fe lafTe pas de fonder "'
bonheur précieux que la jouiffance des fources qui arrofent le fol de l'hôpital 1 "^
procure. On penfe à l'influence qu'elles ont fur la falubriré d'un lieu qui renfe- "'
tant de malades dans un climat chaud, & l'on tait des vœux pour que 7^
travaux hydrauliques plus intelligens , augmente la mafîè de ces eanv' K ''
accroifl^e l'utilité. '"^ ^ '"^
Sur k droit, du jardin, qui a S5 toifcs de long à compter de la naiiTance du
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^95 DESCRIPTION DE LA PARTIE
parterre j &: 160 pieds de large, eft un baffin aflez long, Iitué près de la haie au
Nord , où l'on voit une multitude de poiiTons dorés de la Chine , connus à SainN
Domingue , fous le nom de FoiJJons ronges. Les premiers furent introduits dans
la Colonie par M. Mercier de la Rivière , commiffaire de la marine qui , vers
1777, en acheta quatre d'un jeune officier d'un navire venant de l'Inde , & mouillé
dans la rade du Cap ; il les paya vingt piaftres gourdes pièce. M. de Trémondrie,
habitant au Peti: Saint-Louis, au retour d'un voyage de France vers la même
époque , en ayporta auîTi plufieurs. Ils fe font prodigieufement multipliés , furtout
à l'hôpital.
C'efl: un fpetlacle très-amufant de voir ces jolis animaux promenant leurs cou-
leurs éclatantes à travers un liquide oij la lumière va les embellir & les nuancer.
On admire la pourpre , l'or & l'argent qui enrichit leurs écailles. Il en eft qui ont
près de dix pouces de long. Ils n'acquièrent leur couleur rouge que par une tran-
fition fucceiïlve j Se leur nuance noirâtre, qui eft la primitive , n'eft même pat
toujours relative à leur longueur ; on en voit en eiFet qui font encore tout noir ,
tandis que de plus petits font déjà devenus rouges ; c'eft vers la queue que le
changement commence. Ce baflln procure beaucoup de ces poiffons à la ville du
Cap , oij on les trouve dans des falons qu'ils femblent égayer &: oij à travers de
fuperbes bocaux de criftal, on fuit tous leurs mouvemens en admirant leur flexibi-
lité & toutes les nuances de leur robe. Mais ils deviennent très-délicats lorfqu'iîs
font ainfi contenus dans un efpace borné i j'en ai vu périr plufieurs en quelques
inftans , feulement parce qu'il était tombé un peu de mie de pain dans leur bocal.
Il faut ê;re exacl à les changer d'eau, éviter de les toucher, même de les tranfvafer
avec violence; car ils font aulTi délicats que jolis.
Au-deffu3 de ce baffin , & fous un petit toit ouvert qu'on y a pratiqué , font
plufieurs ruches eu des abeilles dépofent leurs dons utiles & bienfaifans. Je répète
que ce laborieux infefte , très-commun dans la Partie Efpagnole , s'eft fingulière-
ment nrrakiplié dans la Colonie Françaife , depuis 1777 qu'on en a apporté de la
Martinique & qu'on en a fait venir de la Partie Efpagnole. Ces abeilles effaiment
plus qu'en France & donnent en pks grande abondance un m.iel légèrement firu-
peax , mais qui mérite toujours, dans la Colonie , la préférence furie miel d'Europe,
cui y arrive un peu fermenté. Le fupérieur de Thôpital (Séraphin Merdier) , s'oc-
cupe beaucoup de ces abeilles , dont le travail procure une véritable reffource pour
ies raalaues. Ces hofpiulières , car elles méritent ce nom, font douces; la durée
"P-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 591
de leur cxiftence eft moins longue qu'en France , mais pouvant travailler toute
l'année elles s'épuifent plutôt , & leur propre utilité accélère kur deflrudion.
C'eft encore dans ce jardin qu'on voit fe naturalifer plufîeurs plantes des îndes
Orientales ou d'autres lieux , dont le fuccès ferait un vrai tréfor pour Saint -Do^
mingue. On y diftingue, entr'autres, le précieux arbre à pain , le palmier .du Cap
de Bonne-Efpérance , le datier du Sénégal, le manguier & encore le mûrier à
papier de la Chine , apporté dans la Colonie par M. François de Neufchâteau , qui
le tenait de M. de BufFon , & qui l'a confié aux foins du père Séraphin , dont on
ne, peut trop louer le zèle botanique. Puiffent tous ces dons des autres lieux de h
terre être fécondés par le fol de Saint-Domingue , & donner à fes laborieux habi-
îans & des fubfiftances & des jouiffances nouvelles !
Je veux dire un m.otde l'idée qu'a eu !e père Séraphin de faire fair-e en maçon-
nerie , dans de grands magafins , trois foudres à vin cimentés avec du biton , ^
contenant chacun vingt-cinq mille pintes. Onyalaiffé la première fois le vin
pendant un an j & il s'y eft amélioré ; on en a verfé de nouveau Rir la lie , &
après plufieurs mois, lorfque je le goûtai en 1788, il était excellent. Il eft poffible
que cette tentative amène d'heureufes imitations , même avec des dimenfions
infiniment plus petites.
La proximité où le terrain de l'hôpital fe trouve de la ville, Pcxpofait aux dévafr-
tations des nègres , qui venaient y couper du bois i ce défordre , auquel une
ordonnance de M. de Chaftenoye voulait remédier dès le 4 Février 1726, fe renou--
velle encore quelquefois , malgré l'amende de 50 livres qu'il fait encourir à leurs
maîtres.
M••■<|I■••<ll>'<|p■■<I^•<|I>•!îJl'■41l'■•4l|'■<l^'•4ll■■<l^•■<lllo^»■.
Vu Canton appelé le Haut du Cap.
En fortant de l'avenue de l'hôpital du Cap , & fuivant le chemin à l*oppofite dç
îa ville , on fe dirige vers le Sud-Oueft, & l'on s'écarte de la rivière jufqu'à uu
point où l'on trouve l'extrémité de l'un des prolongemcns du gros morne du Cap,
qui oblige le chemin à reprendre une direélion plus rapprochée du Sud. On
appcrçoit dans cet intervalle , & fur la droite , une pyramide carrée fur laquelle
«>n lit : Limites de la Garni/on du Cap , & des deux côtés du chemin font des
fentkrs qui. ponduifent aux petites habitations qui le bordent* Déjà l'ceil .corn-
I'
S9^ DESCRIPTION DE LA PARTIE
mence â faifir vers la gauche un grand efpace & à fe promener fur des parties de
la paroiffe du Quartier-Morin , & de celle de la Petite-Anfe. A la droite , il
contemple piufieurs petits lieux de pkifance ou habitations à vivres dont la culture
interrompt de tems en tems le ton agrefte de la haute montagne du Cap, & fur
lefquelles on recueille tout ce qui peut ferviraux befoins de la ville, en légumes,
en. racines & en fruits.
Le chemin le rapproche encore bientôt d'une autre petite cuiffe de mon-
tagne , qui court de l'Eft à l'Oued & fur l'extrémité de laquelle le chemin eft
tracé. Là on eft arrivé à l'habitation Charrier, dont le fite eft d'autant plus gti ,
qu'un joli pavillon placé fur une éminence, le décore. C'eft dans ce logement'
qu'un poireffeur du même nom avait deftiné aux délaflemens du prince de°Rohani
que Don Bernard de Galvez a fait fa réfidence durant fon féjour au Cap. M.
Charrier, pofieffcur acluel , lui en fit l'cfFre gér.éreufe , & c'eft dans ce lieu , que
ce général chéri des Français , a vu nacre un fils. J'ai annoncé qu'on avait fait
auparavant de ce féjour, celui des religieufes du Cap, lorfqu'on fit une cazerne
de leur couvent.
Le pavillon , fans ê:re très-vafte , eft fort commode ; une galerie ombrao-e
fcs deux façades à l'Eft k â l'Ouefti des meubles élégans fans fomptuofitéj
des peintures fraîches fans recherche ; une eau vive qu'on promène à fon gré ;
un iramenfe falon placé à angle droit & dans l'Oueft du pavillon ; une grande
terraiïe ornée de treillages & de figures , & à laquelle on arrive par un fuperbe
efcalier; tout promet, dans cet afile , le frais & le repos , & l'on peut y
trouver les douceurs de la folitude champêtre qu'augmente encore la facilité de
leur fubftituer en un inftant les plaifirs bruyans de la ville.
La ntuation de l'habitation Charrier eft d'autant plus riante , qu'à fa lifière
font piufieurs petites maifons qui bordent la routej qu'on appercoit de là la pre-
mière partie de la çourgade du Haut du Cap , & dans le lointain la chaîne de
montagne qui, depuis Sainte-Suzanne, fe dirige vers l'Acul. De l'habitation
Charrier le chem.in qui a un peu monté pour pafTer la petite patte de la monta-
gne , rcdefcend en faifant de petits détours , & conduit au Haut du Cap,
■ Ce point eft intéreff'mt pjur l'hiftcire , puifqu'il a été celui de la première
paroiffe que les Français ayent fondée dans la plaine du Cap. On ne doit pas
avoir oublié que les premiers d'entr'eux qui vinrent de la Tortue pour s'y
établir, n'étaient qu'au nombre de douze, 6^ ce fut là que fe fit le raffem-
blement
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 593-
Hement de leurs forces & de leurs moyens. La paroifTe fut mife fous l'in-
vocation du prince des Apôtres , patron de Pierre Lelong , celui d'entre ces
douze nouveaux Apôires de la grande île , qui avait la conduite & la confiance
des autres. J'ai vu un afte de baptême en tête duquel on lifait : "Extrait des
„ regiftres bapdftaires de l'églife Saint-Pierre du Haut du Cap Saint-Domin-
„ gue". Il relatait un baptême du 24 Février 1680, fait par Bournon , curé.
Le Bas du Cap , la ville aftuelle , ne tarda guère à avoir auffii une paroilTe ,
puifque le Confeil des milices y prononça un jugement le 26 Août 1684, fous
la préfidence de M. Bégon , intendant de toutes les Mes , venu alors de la Mar-
tinique à Saint-Domingue ; mais le Haut du Cap était le lieu principal relative-
ment à l'autre où l'on ne trouvait que des pêcheurs , & ceux que le commerce
avec la rade attirait dans fon voifinage.
Il ne faut cependant pas imaginer que cette efpèce de fupériorité eût des
traits bien remarquables , & pour qu'on en juge d'une manière non équivoque,
je tranfcris ici un procès-verbal de vifite de l'églife du Haut du Cap, que j'ai
en original , comme celui du Bas du Cap que le LecT:eur a déjà vu.
" L'an 1688 , le troifième jour du mois de Mai, fur les ordres de M. de Cufly, gouverneur , pour
„ le roi, de l'i]e de la Tortue & côie Saint-Domingue , nous François Camufet , procureur du Roi au
„ fiège royal du Cap , en conféquence dudit ordre , nous nous fomraes tranfportés au quartier du
„ Haut du Cap où eft fituée l'Eglife Saint-Pierre, où étant nous aurions vu & examiné ladite
„ églife tant en dedans que dehors , laquelle s'eft trouvé découverte & fans paliiTade , porte ni enclos
„ de cimetière; en laquelle manque une groffe cloche, attendu que c'eft une grande paroijes un tableau
„ de Saint-Pierre , une croix de bois de deux pieds de haut pour l'autel , une lampe , un bénitier ^
„ fix chandeliers , un mifîel romain , un rituel romain , un antiphonaire , un calice , un foleil , un
„ ciboire , un cuftode , deux burettes , une chafuble avec fon voile , couffin & devant d'autel , une
„ chafuble noire avec fon voile , couffin k devant d'autel ; deux aubes & amifts , & quelques toiles
„ pour faire des corporaux & nappes d'autel ; un fer d'hoftie , une clochette pour l'élévation , un
„ encenfoir & la nayette ; defquelles chofes ci-deffus , ladite Eglife Saint-Piej-re eft dégarnie & en
„ néceffité dont les habitants & paroiffiens d'icelle font dans l'impoffibiiité d'y fatisfaire ; en outre
„ nous aurions fait la vifite de la raaifon presbytérale , laquelle eft-tout-à -fait abattue fans y pou.
„ voir faire aucunes réparations que celle de la rétablir de tout généralement ; de tout ce que defîlis
„ nous avons fait & rédigé le préfent procès-verbal pour préfenter à Sa Majefté , afin que par fa
„ bonté ordinaire il lui plaife donner fecours. Fait & arrêté ledit jour & an que defTus , préfence
„ des fouffignés. Signé, F. Michel de Calais, prêtre, capucin indigne, deffervant ladite églife
„ en l'abfence du Père qui la deflervait ; Delaborde ; Daclos ; Camufet, procureur du Roi & mar-
,_, guiilier de ladite églife ; & Leliorel , greffier ".
Tome L jr f f f
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594 D ES CRIPTION DE LA PARTIE
On ne peut affcz s'étonner de l'état miférable peint par ce procès-verbal,
lorfqii'il y avait près de foixante ans que les Français luttaient contre tous les
obilacles d'un nouvel établiffement , &: au moment où la Colonie venait d'être
trouvée afîez importante pour avoir un tribunal Ibuverain & quatre Sénéchauf-
iees. L'une de ces dernières était même établie au Haut du Cap , dont l'églife
avait le procureur du Roi de cette Sénéchauflee pour marguiliier.
Le Haut du Cap était auffi le chef- lieu de ralliement de la milice des deux
paroiiTes , & la compagnie qu'elle formait portait même le nom du Haut du
Cap. Elle marcha, en 1690, au fiège de Saint-Yague , fous les ordres de
M. Fromageau , capitaine , qu'elle y perdit & elle-même fut taillée en pièces.
La paroifîè fut brûiée , pillée & détruite par les Efpagnols au mois de Janvier
1691 , époque où elle avait 150 hommes portant armes. Ceux des Colons qui
^avaient pu fuir, commencèrent cependant 'de nouveaux établifîemens , & au
mois d'0<5lobre 1692, la feule paroiffe du Haut du Cap contenak en blancs
121 hommes, 43 femmes & 95 enfans , &. avait pour capitaine M. Guérit.
Les Efpagnols réunis aux Anglois , vinrent ravager la dépendance du Cap,
& le bourg dont je parle en ce moment, difparut encore en 1695.
Malgré tant de malheurs , un nouveau bourg reparut ainfi qu'une églife qui
peignait bien la misère ; mais les pertes éprouvées avaient tant diminué les
habitans , que l'on conçut l'idée de fupprimer la paroiîîe du Haut du Cap ,
d'autant que plufieurs perfonnes avaient écé augmenter celle du Bas du Cap ou
de la Baffe-Terre. J'ai même la preuve qu'au mois de Juin 1698 , la paroiffe du
Haut du Cap n'avait point de parleur qui lui fût propre , mais feulement les
foins que le pafteur de celle du Bas du Cap lui donnait en la confidérant déjà
comme n'étant plus qu'une annexe. M. de Galiffet , gouverneur-général par
intérim, confomma cette fuppreffion à la fin de l'année 1699, en partageant
les paroiffiens entre la paroiffe du Cap & celle Saint - Pierre du Haut - Mouf-
tique , & en rapprochant l'églife de cette dernière comme je le dirai plus loin.
Ainfi a difparu la première paroiffe du quartier du Cap.
Depuis ce tems le Bourg qu'on n'avait pas anéanti , a toujours été le point
d^ réunion de plufieurs maifons , & il s'eft toujours nomm.é le Bour^» du
Haut du Cap. Il efi: compofé de deux parties vraiment féparées ; celle qu'on
trouve la première & que précède une tuilerie établie en 1769,3 24 maifons
où habitent cinq ou ivi ouvriers blancs, 50 ou 60 affranchis & environ 75
FRANÇAISE DE ^"SAINT-DOMlNGUE. 595
cfclaves. C'eft après cette première portion & à main gauche , qu'eft le point par
où le chemin va travcrfer la rivière du Haut du Cap , & gagner les paroiiTes
qui font à l'Eil- de cette rivière. Ce chemin était bien plus fréquenté lorfqu'il
était le feul qui fit communiquer tout l'Eft du Cap avec cette ville , c'eft-à-dire ,
avant l'établifTement du Bac & du chemin qui y conduit de l'embarcadëre de la
Petite- Anfe.
C'eû à ce point où la rivière était guéable , excepté dans les débordemens ,
au moyen de la pafTe qui y avait été formée avec de greffes pierres , qu'on a
conftruit cette année un pont avec des piles de maçonnerie & des travées
en bois. Il a 14 pieds de large 5 une feule arche de 46 pieds d'ouverture fcrtr
au paffage de l'eau , & la dépenfe a monté à 125,000 livres. On regrette que
le plan primitif de M. Rallier, qui y ajoutait deux arches latérales de 2j pieds
de large chacune , n'ait pas été fuivi , parce que le peu d'cxhauiTement de la
voûte unique fait craindre qu'elle ne foit furmontée. La rivière du Haut du'
C^p ne croît d'ordinaire que d'environ quatre ou cinq pieds îorfqu'elle eft débor-
dée ; cependant en 1784 elle a monté à la paffe de huit pieds & demi au-deffus
de fon niveau ordinaire.
Elle a toujours été l'embarcadère des habitans de cette partie , & autrefois oi>
y faifait beaucoup de tranfports du Cap par canots. On voit même une ordon-
nance , du 10 Août 1739 , qui uéfigne cet embarcadère comme uo de ceux qui
a, befoin de réparations , & dont l'incommodité contraint les matelots de fe
mettre â l'eau. C'était auffi à caufe de cette communication par h rivière ,
qu'une autre ordonnance, du ji Août de la même année , ordonnait aux rive-,
çair.s de cette rivière de la nettoyer , en coupant les bois qui la bordent. La
marée fe fairfencir jufques vers le pont dont je viens de parler. Il y a près du
pont deux magàfms qui fervent d'entrepôt aux objets tranfportés par la ravine ,
& près de ces magafins deux guildiveries.
La rivière du Haut du Cq^ doit avoir été, û non plus profonde, du moins
plus étendue autrefois , à l'époque où elle nourriffait des caymans , qui avaient
fait appeler Savane à Cayman un endroit de l'habitation Choifeul , de la Petite-
An fe , encore connu fous ce nom ea 17 10.
Après la première partie du bourg , on trouve deux habitations. Celle de la
droite eft la fucrerie Breda, la feule de la paroiffe, dont le M eft comme celui de
tout l'efpace qui eft depuis l'hôpital entre }a rivière & le morne,- mai «re 8ç
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DE LA PARTIE
chargé des débris graveleux de ce raorne. A gauche eft une manufaélure de
tuiles j de briques, de pots & formes pour la fabrication du fucre, connue aufli
fous }e nom de poterie à Breda , la plus eftimée de toutes , parce qu'elle efl d'une
argile non poreufe tris- pure , qui, loin d'agir par fes principes fur le fucre ,
favonie les foins du rafineur & femble embellir fon travail.
Ce point où le chemin s'élargit, a été témoin du maflacre d'un nègre-
exécuteur des hautes-œuvres , que la haine affez inexplicable des autres négîes
y fit pé-rir fous les pierres & le bâton , feulement à. caufe de fes fonctions. Cet
événement renouvelle une autre fois à la FofTetœ fur la provocation auffi infenfée
de quelques enfans , eft la caufe de la réfidence habituelle du bourreau dans la
geok , depuis plus de 20 ans , & il n'en fort que pour aller faire des exé-
cutions.
Après un intervalle d'environ 60 toifes , depuis l'extrémité de la première
partie du bourg, on trouve la naiflance de la féconde partie, qui renferme onze
maifons & une guildiverie. Une trentaine d'ouvriers blancs des deux fexes & 30
ou 40 efclaves en forment la population. Au total les maifons de ce bourg font
confidé râbles, couvertes d'elTentes , & une grande partie eft de maçonnerie. Le
voyageur en trouve en tout fcize à fa droite & dix-neuf à fa gauche. C'eft dans la
partie la plus Nord du bourg qu'était la boucherie lorfque le Haut du Cap était une
paroiffe j elle fourniffait le Bas du Cap , où la viande était t-anfportée'en canot.
La tuerie a m.ême exifté encore au Haut du Cap après que les autres établif-
femens eurent paffé da^ns la ville actuelle, & les canots continuaient les tranf-
ports. L'églife était au contraire dans la partie Méridionale.
Il y a quelques années qu'on a fait une tannerie au bourg du Haut du Cap
fur la rivière qui procure l'eau , undis que les mangliers de fes bords peuvent
donner du tan.
On avait établi un hôpital ambulant pour les foldats & les matelots français
^ efpagnols, au Haut du Cap en 17S2 , & l'on y a vu jufqu'à 400 malades.
Après être abfolument forti du bourg , le chemin fait environ 500 toifes en
tirant encore plus vers le Sud , & fe dirigeant vers une petite chaîne ou embran-
chement de la montagne qui fe prolonge un peu vers le Morne-Rouo-e -, mais
arrivé à cette diftance , on laifle cette direélion pour aller à l'Oueft. C'eft là
que finit la paroiffe de la ville du Cap , qui a pour limite, au Sud, une ligne qui,
cenfée partie de la rive gauche de la rivière, joindrait ce..e partie du chemin
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, syf'
qui va de TEft à l'Oueft jufqu'au morne, de manière que cette paroifîè nia,
guères plus de i,ooo toifes dans Ton côté Méridional; plane, meluré de l'inter-
valle qui eft là entre la-rivière & Je morne. Du pied de ce dernier une ligne-
qui prenant le fommet d'un embranchement du morne , vers lequel le chemin
arrive, & qui traverfant le maffif du morne du Cap, v?, fe rendre au Perit-
Port- Français, fait la borne de cette paroifîè à l'Oueft. Je n'ai donc plus à.
décrire dans la paroiffe du Cap , que fa partie montueufe.
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Du Morne du Cap.
Cette partie forme la plus confidérable portion du Morne du Cap, de cette
mafTe qui , commençant à l'Eft de la baie de l'Acul , vient jufqu'à Picolet &
occupe ainfi une longueur dfknviron 8,ooo toifes , mefurée en ligne droite de
l'Eft à l'Oueft, fur une profondeur Nord & Sud, qui varie depuis i,ooo
jufqu'à près de 5,000 toifes. Cette maffe a fon fommet principal, fa véritable
arrête, celle qui détenr.ine la chute des eaux vers le Nord ou vers le Sud,
plus éloignée de la mer qui la termine au Septentrion , que du terrain plane
qui la borde au Midi. Ce fommet forme une courbure dont la convexité regarde^
le Sud , & qui eft telle , qu'à l'extrémité Occidentale du morne , ce fommet fe
trouve dirigé vers le Nord-Oueft , tandis qu'à l'extrémité Orientale il court
au Nord-Eft. Ce fommer forme l'arc dont la longueur de 8,00 toifes ferait h
corde , & n'a gaêrcs lui-même plus d'environ 9,000 toifes. C'eft au milieu de
l'efpace qu'il parcourt, & oij font les établi/Temens de l'habitation Loumeau ,
que fe trouve la plus haute élévation de tout ce maffif monftrueux , & qui eft de
1,783 pieds perpendiculaires au-deffus du niveau de la mer. Enfin l'arc décric
par le fommet, appartiendrait à un cercle de 1,000 toifes de diamètre, & donc
le fegment fphérique aurait été enlevé de manière que fon milieu fe trouverait,
dirigé du Sud-Sud-Eft au Nord Nord-Ouefl.
De la grande arrête part une multitude d'embranchemens ou contreforts,,
dont la direaion principale eft fur le côté de la mer , du Midi au Septentrion ,
& en fcns contraire fur le côté oppofé; mais ces embranchemens fe fubdivifenc
eux-mêmes en branches-, en pattes & en ramifications du fécond, du troifième
U du quatrième ordre ,^ de force que ce groupe montueux a un cnfembk
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598 DESCRIPTION DE LA PARTIE
tumukairement dirpolé , & que fon afpc6l varie prefque à chaque pas à caufê
des éminences & des plateaux j des collines, des ravines, des falaifes 8c de
tous les autres accidens qui appartiennent à fa forme ou à la compofition inté-
rieure.
Le Morne du Cap efl abtolument détaché de toutes les autres chaînes de
montagnes , mais il en ell trop peu éloigné pour que tous les n^onticules qui
font cntr'elles & lui ne doivent pas ê:re confidérés comme des communications
réelles , comme des points d'union qui lient toute la carcaffe offeufe de l'île j
& en confidérant le morne aux Anglais , près l'Acul , & les élévations qui le
fuiventj.urqu'à la grande chaîne de l'Acul, qui elle-même eft un embranche-
ment de la cinquième de Cibao, on ne peut mécopnajtre cette dépendance
réciproque.
C'eft aufTi vers le milieu de la longueur de l'arrête, qu'on a fait pafier la
ligne qui fépare la paroiffe du Cap d'avec celle de la Plaine du Nord , dont la
première eft bornée au Nord & au Sud ; mais cette délimitation a laifTé bien
plus du morne dans la dépendance du Cap , ce qui rçfulte de ce que fa plus
grande profondeur ou largeur eft dans cette partie.
Le morne du Cap ferait un tréfor pour un naturalilte , parce qu'il contient des
fubftances trèi-Variécs & dont l'étude intérefîèrait principalement le minéralogifte.
On y trouve des parties ferrugineufcs , de cuivreufe? , de l'argile , mais furtout
des matières calcaires , foit en mjalTe de rochers , foit en morceaux détachés ;
des bancs de fable , d'autres de poudings , d'autres de coquilles marines. Ces
bancs font çommuném.ent dirigés de l'Eft à l'Oueft en s'inclinant vers le Sud i
On y rencontre du fpath, du granit imparfait, puis une efpèce de marbre jafpé
eu de jafpe. Tout y annonce un grand mouvement de la nature, dans la confufion
& le mélange des fubftances , dans l'inclinaifon des couches , dans les fmuofités
des filions montagneux , tandis que les coquilles Se des fragmens de madrépores
^tteftent le féjour des eaux au-deffus de la mafîc totale.
Quant à la couche végétale du morne du Cap , elle eft très-fuperficielle &,
chaque jour, elle eft entraînée par les pluies dont fa pente favorife la rapidité ;
de manière que ce fol découvert d'arbres , ou n'en ayant plus que de rabougris ,
n'eft qu'une terre maigre mêlée de fable & de gravois & où l'argile fe découvre
fréquemment. C'eft cependant un femblable terrain qui fournit à la ville du Cap,
^es légumes , des fruits , du laitage , du bois à brûler , & du charbon , ce quj
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. s§9
, annonce affcz que l'induftrîe y eft tres-aftive. Elle a moins à faire pour luipro-
Gurer les roches à ravets ou les granitoïdes qu'on employé dans les conftruàions
de maçonnerie.
L'afpea du morne n'eft point par-tout le même , & là , comme dans tout le
. refte de la Colonie , on peut obferver que les faces de montagnes qui regardent
la mer font plus défféchées & plus arides que les autres. C'eft furtout^depuis
Picolet jufqu'à la Foflètte que cette aridité eft frappante. Elle femble même
s'augmenter dans les points qui environnent la ville. On y voit de longues déchi-
rures , ouvrages des eaux , & un fol pierreux annonce la plus hideufe ftérilité.
Cependant un peu plus haut, l'œil diftingue de petites maifons de plaifance, ^ont
l'une porte encore le nom de M. le comte d'Eftaing qui l'avait achetée , en 1764,
en fociété avec M. Magon , intendant, pour y aller quelquefois refpirer un air
pur & frais. On remarque auffi des jardins où la bêche & furtout i'arrofoir rempli
de l'eau dont le morne du Cap eft un immenfe réfervoir , créent des effets y
pour ainfi dire , miraculeux, La température varie dans ce morne avec l'éléva^
tion & la fituation relativemement aux brifes , mais en général les jours y font
chauds , excepté durant les Nords.
C'eft à un point de l'extrémité Orientale du fommef , d'où une ligne dirio-ée
Eft & Oueft , irait paffer entre le fort Saint- Jofeph & celui de Picolet , qu'eft
placée la vigie. De ce point , l'obfervateur découvre à l'Eft & à i'Oueft du Cap
«ne immenfe étendue. Deux bâtons de pavillon fervent à y faire ks fignaux
convenus. Le bâton le plus Oueft fignale les mouvcmens des bâtimens de cette
partie , ou répète ceux qui lui font fucceflivement tranfmis depuis le Môle , &
l'autre annonce tout ce qu'on diftingue jufqu'à la Grange. La vigie eft perceptible
de la plus grande partie de la ville, où l'on eft informé , à l'inftant , de tous les
événemens maritimes que la vigie découvre. En tems de guerre , un milicien
d'ordonnance, à cheval, va^au foleil levant & aa foleil couchant, chercherTes
détails que l'obfervateur n'aurait pas pu exprimer par des pavillons ; quelquefois
. même ce voyage eft encore renouvelle pendant la journée. Cette vigie eft très-
ancienne : M. DucalTe avait impofé fur les habitaiîs du Cap , pour en payer
la dépenfe , un droit qui fut fupprimé en 1702.
C'eft dans le morne du Cap , au Nord du Champ de Mars, qu'eft la petite
habitation des religieufes que cet établiflement doit aux aumônes & au zèle du
père Boutin,- C'eft fur cette habitation &, non loin de la maifon , que fe trouvent
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600 DESCRIPTION DE LA PAR T 1 E
_plufieurs fources qui ont procuré à la ville fa première fontaine & dont l'eau ,
comme toutes celles du Cap , forment aifément des incruftations. Ce lieu fert à
cultiver quelques vivres , à élever des volailles , à donner du laitage , des œufs ,
& du fruit au penfionnat des religieufes ; elles en font même revendre quel-
quefois , & les oranges de chez elles furtout , ont , au Cap , ime réputation méri-
tée par leur énorme grofïèur & leur faveur extrêmement fucrée.
Il part quelquefois du morne du Cap des rochers qui roulent fur fa pente
..& qui caufent de vives allarmes..Dans la nuit du 9 ou 10 Février 17645 il s'en
détacha un du fommet , derrière les cazernes. Il avait 32 pieds de lonfï , aS de
large & 15 d'épailTeur. Cette maffe énorme, après avoir roulé avec grand fracas
jufqu'au bas du morne , y trouva , très-heureufement , une marre & des terres
fraîchement remuées, de manière qu'une de fes pointes s'enfonça fort avant dans
le fol. Il était tems qu'elle s'arrêta -, encore une révolution & elle aurait écrafé
une maifon à deux pieds de laquelle elle refta. Depuis on en a vu une autre
beaucoup moins groiTe , à la vérité, qui était parvenue jufqu'au bord du morne
vers la rue Sainte-Avoye & celle Saint- Jofeph. EJle fe trouvait placée & difpolee
intérieurement, de manière qu'une vieille négreffe y avait établi fa réfidence &
tout le Cap a vu la négreffe de la Groffe-Roche. iVLais la crainte qu'un jour ce
rocher ne condnuât fon voyage vers la ville , a porté à le faire dépecer j la pioche
& la mine l'ont affez amoindri , pour qu'il ceffe de donner des craintes.
De la Foffette vers le Sud , le morne du Cap eft moins aride & furtout moins
décharné. On y voit bien des parties incultes & prefqu'inacceffibles, mais lerefte
eft bolfé & les petites habitations y font pkis multipliées & plus produc1:ives, dans
la partie inférieure ; les eaux y font plus vives, plus légères , plus abondantes.
L'on a vu que depuis l'extrémité du faubourg du Pedt-Carenage, jufqu'au
.fort Picolet, le morne était en quelque forte bordé par le rivage, puifqu'il
exilait à peine un petit efpace fur lequel eft le chemin qui conduit de l'un
à l'autre. Arrivé à Picolet, il faut traverfer cette fortification pour pouvoir
.aller plus à l'Oueft, & k chemin ou plutôt le fentier qu'on trouve alors, eft
. d'une deftination & d'une jutilicé purement militaire,
De
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 6c)ï:
0003;^.^<®>C^t®..@.cS.<^^>^^!^C^O'
De la Bande du Nord, du Grande du Petit Port-Français.
De Picolet l'on commence la face Septentrionale du morne du Cap. Cette
face, qui porte le nom de Bande du Nord , depuis Picolet jufqu'à la pointe à
Honorât, eft beaucoup moins habitée que l'autre , & eft même inhabitable en
grande partie , dans près des trois quarts de fa longueur en partant de rOueil ,
par fon afpérité, par la nature ingrate de fon fol, & par l'impoffibilité d'y
pradquer des chemins durables & propres aux voyages & aux tranfports. On n'y
trouve que dans de petites anfçs des établiffemens qui annoncent la préfence
de l'homme.
Api es Picolet, & à i lo toifes à l'Oueft , eft la roche du même nom, qui eft
un morceau de rocher détaché , placé à environ 15 toifes de terre. Plus loin , & à
440 toifes , eft l'anfe aux Palmiftes , & à une pareille diftance encore i'anfe à
Laviviaud ovi font d^ux batteries ; la plus Eft eft appelée batterie à Herfan &
l'autre le fort Bourgeois , noms de deux habitans qui poffédaienî deux petites
habitadons fituées fur cette anfe. L'on appelé auiïi la féconde batterie , batterie
de la Bande du Nord. On arrive à l'une par le fentier aboutiflant à Picolet 5
& par un embranchement du chemin dont je vais parler , mais le fort Bour-
geois n'a de communication terreftre, avec le Cap, que ce chemin.
Arrivé à la Providence des hommes , on fe dirige vers la gorge du Nord-
Oueft, dont j'ai fait mention plufîeurs fois ,■ & l'on vajufqu.à l'extrémité de la
ville 3 en fuivant cette gorge, ayant à fa droite la ravine du Cap ou de la Belle
Hôteffe , où les blanchifîeufes viennent chercher le filet d'eau qui y coule à peine
dans les tems ordinaires. C'eft là que leurs langues fe donnent un libre effort par
les difcours & les chanfons ; c'eft là que la médifance , la calomnie , car il n'eft
point de claffe ni de couleur qui n'en connaiffe l'u fage , ont un champ libre p
auffi les. jaloufies , les querelles , les voyes de fait même, y font-elles fréquentes.
Toutes les paffions y trouvent à fe fatisfairc , Se les blanchiffeufes , dont tous les
feux ne s'éteignent pas dans le fluide oh. elles fe tiennent , ont aux Colonies une
réputation erotique qu'elles favent fouteair.
Il y a auffi des lavoirs dans quelques petits jardins de la g.iuche du chemin,
ils y ont été établis par des pardculiers dans leurs propres terrains où fe trouvaient
des fources. On paye à ces lavoirs 15 fous par blanchiffeuf3 pour la journée^
Tçme L G g g g
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►
éoi DESCRIPTION DE LA PARTIE
P^^rvenu au point où é:aic le cipxictière de la Providence, le chemin monte rapi-
dement dans un fol calcaire Se crayeux , côtoyant toujours la ravine qui en reçoit
piufieurs autres, toutes peu confidérables. Enfin l'on atteint le fommet de la gorge
où le trouve un petit repos. Là , le chemin fe fépare en deux. Celui de la droite
conduit , en fe divifant, aux différentes antes de la Bande du Nord y & celui de îa
gauche au grand & au petit Port-Français. A la droite du chemin le plus Oriental,
eftun petit corps-de-garde appelé Corps- de-garde de la Bande du Nord, qui
domine les deux chemins , & qui fert dans cette parde de limites à la garnifon.
Il a été coRltruit , en 1758 , en maçonnerie. Il fait face à l'Oueft &i a 60 pieds de
long , en comptant une galerie formée par des pilaftres ceintrés qui le couvrent
à rOuefb & au Sud.
Du corps-de-garde on apperçoit la mer ; la configuration de cette partie , qui
çft oppolec à celle par où l'on eft venu du Cap , lui eft abfolument femblable.
C'cft à rOueft k prolongement du rnorne auquel la ville eft adoffée , à l'Eft le
prolongement de la partie de ce morne qui va vers Picoîet & que l'obfervateur
voit fort au-deiïus de fa tête , parce que le haut de la gorge n'eft pas à beaucoup
près le fommet de la montagne. La pente des deux côtés de celle-ci , d'abord
très-roide , à partir de fa crête , plus adoucie vers fon milieu , forme enfuite une
efpèce de gorge ou de gaine rétrécie vers le corps-de-garde , mais dont les côtés,
qiu ont une très-grande inclinaifon , vont, en s'écartant l'un de l'autre, vers la
mer, former d'un côté la Bande du Nord, & de l'autre k Port-Français, entre
kfquels eft une cuiffe de la montao-ne.
Pour gagner l'anfe Laviviaud on fuit l'enfoncement de la gorge. Le chemin eft
roide & pkrreux ; on paffe piufieurs fois une ravine & enfin on arrive à la plage
dont l'étendue forme une petite habitation joliment fituée , & qui était enjolivée
autrefois. Au bord de la mer eft la batterie Bourgeois , que M. de Larnage fit
établir en 1749, avec un corps-de-gaide où la milice du Cap nentunpofte durant
la guerre.
Si l'on veut aller à k batterie d'Herfan , on prend dès k haut du chemin
de la Bande du Nord , une branche qui y conduit fur la droite. Cette batterie a
été étabheà la fin de 1741 , par M. de Coudreau , ingénieur, d'après ks ordres
de M. de Larnage.
A un quart de Heue du fort Bourgeois, eft l'anfe à P-eck^ puis a un autre tkrs
d-s iieue l'ank à Touloufe. On fe rend à lune & à l'autre par deux autres branches
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FRANÇAISE DE S A ÏN T -D O M I N G U E. éoj
de chemin qui viennent fe réunir en haut à celui de l'anfc Laviviaud, & qui
fuivent de petits enfoncemens ou efpèces de ravinages.
Après l'anfe à Touloufe , 8c à 700 toifes , on trouve la pointe du morne au
Diable qui eft à 400 toifes dans l'Eft de la pointe a Honorât ; cette dernière eft à
une lieue trois quarts du Fort Picolet , & forme l'extrémité Eft de ce qu'on
appelé le Grand-Port-Français , fitué à deux lieues & demie du Cap , dont l'autre
pointe Oueft eft la petite pointe du Port-Français ou la pointe à Barrau, du nom
d'un habitant.
Le Port-Français Ou Grand-Port-Français a environ 550 toifes d'ouverture
fur 426 toifes d'enfoncement. On y entre avec la plus grande facilité & l'on y
peut mouiller par 8 & 10 brafîes, fond de fable vafeux excellent & à une enca-
blure de terre. La mer y eft toujours belle , & l'on s'y trouve à l'abri des vents
du Nord , de l'Eft & du Sud. C'eft donc un refuge précieux pour un bâtiment
& même pour une frégate tourmentée par un Nord ou pourfuivie par l'ennemi.
La pointe à Honorât forme, avec la pointe du petit morne au Diable ou pointe
Lélot , dont elle eft à 466 toifes de diftance , une petite baie dirigée de i'Oueft
à l'Eft, en-dedans même du Grand-Port-Français. Cette petite baie à 400 toifes
d'ouverture fur environ 200 de profondeur. On y mouille également par fept
brafîes , fans aucun mouvement de la mer, & fi près de terre , qu'on peut y
établir un excellent carénage & y abattre ayant la mâture des vaifîèaux précifé-
ment à terre. La pointe à Honorât forme une efpèce d'avancée qui a, à l'Oucft
la petite baie dont je viens de parler, & de l'autre côté l'anfe qui eft entre la
pointe du morne au Diable & la pointe Honorât. Cette avancée &c le terrain
jufqu'au pied du morne, forment un efpace plane & afîez étendu, pour ce qu'exi-
gerait une relâche & un carénage , d'autant que la petite anfe de l'Eft eft
inabordable à caufe des reffifs à fleur-d'eau qui la bordent & qui s'étendent au
large dans le Nord. Dans le fond du Grand-Port- Français , où eft l'habita-
tion Belly , fe trouve un grand ruiiïeau ou une très-petite rivière dont l'eau eft
fort bonne.
Le Port-Français a eu l'honneur d'être vifité par l'Amiral des premiers vaif-
feaux de la' marine françaife quiayentété envoyés aux Antilles. Ces vaifîèaux^
armés au Havre -de-Grace , fous les ordres de M. de Cahuzac , partirent de
France le 5 Juin 1629. Ils étaient au nombre de dix, y compris une barque en
flûte ou galiote. Après avoir détruit tout ce qu'il y avait de forces maritimes
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éo4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
anglaifes à Saint-Chriilophe , ils allèrent croifer dans le golfe du Mexique en fc
donn"inî rendez-voiis à Tiburon & au Port-Français. M. de Cahuzac montant
ie vaiffeau les Trois-Rois , entra au Port-Français le 29 Octobre 1629 & y fit
de l'eau. Les gens de fon équipage y eurent même des vomiflcmens à cau'e
des prunes de monbin qu'ils y mangèrent en abondance.
Cet ufage de faire aiguade au Port-Français a duré long-tems. L'efcadre de
M. de Forant y prit fon eau au mois de Mars 1678. J'ai la certitude que la flûte
le Large y fit la fienne au mois de Juin 1690. Pendant très -long-tems les moin-
dres corfaires anglais y ont mouillé à leur gré & ils s'y procuraient commodé-
ment de l'eau & du bois. Trois vaifîeaux efpagnols y-parsèrent plufieurs jours
en 1691.
C'eft auffi le Port-Français qui a procuré un mât de deux pièces au vaiffeau
ie Rubis en 1731.
Le Port-Français où les Anglais firent leur débarquement en 1695, & d'où
ils allèrent au Cap, eîl depuis long-tems défendu dans l'Oueft, & h milice de
cette ville y fournit un pofte durant la guerre. Sa fituation eft vraiment pitcorefque
& la gorge qui le fait communiquer avec le Cap ne pouvant être apperçue parce
qu'elle eil obliquement placée , il femble qu'on n'ait pu y parvenir que par
la mer ou qu'on ioit forcé de franchir le fommet du morne du Cap pour en
fortir. Sur le côté Eft du Port-Français & fur une partie de fon fond au Sud ,
font plufieurs chaufourneries qui ajoutent à la fingularicé de ce fire , dont l'af-
peél eft aride & fauvage. Il n'y a qu'une lieue & demie du Cap au Porc-Français
par le chemiin.
Tout près de la pointe à Honorât, un peu au Sud, eft un petit mornet dé-
taché où il y a eu un colombier. Ce mornet portait autrefois une batterie de
cinq pièces de canon. Dans la guerre de 1756 on en avait confié la garde à
un nommé la Biftide , pêcheur de profeffion , dont la maifon était tout auprès.
Deux corfaires vinrent s'embufquer dans l'anfe que j'ai défignée comme propre
à un carénage , pour tâcher de furprendre quelques caboteurs ; mais la Baftide ,
ajdé de fes deux feuls com-pagnons , fe battit fi bien contr'eux pendant trois
heures , qu'il les contraignit de regagner le large après les avoir très-maltraités.
Le brave la Baftide eft mort en 1772.
On compte environ 1,20a toifes depuis la pointe du grand Port-Français ou à
Barrau, jufqu'à la pointe Oueft du petit Port-Français. La profondeur de <:e
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 6o<
petit port eft d'-^nviron 830 toifes. Là efl la limite Nord-Oueft de la paroifTe du
Cap, On fe rappelle que j'ai dit qu'au-devant du corps-de-gardc du haut de la
gorge en venant du Cap, la branche gauche du chemin allait au grand Port-
Français. Ce chemin qui va de l'Oueft â l'Eft , a une direftion affez droite dans
fa totalité , & n'a guèrcs que 2,600 toifes depuis le corps-de-garde d'en haut
iufqu'à cel-ii du Port- Français , mais ce chemin eft fatigant & difficile. Il eft fur
le côté de la grande pente du morne du Cap , & il rencontre les deux embran-
chemens du grand Se du petit morne au Diable allant à la mer. Il eft encore plus
difficile d'aller du grand Port-Français au petit , à caufe des roches à ravets
qui garniffent cet intervalle.
En allant du haut de la gorge du Cap au grand Port-Français, on trouve
plufieurs maifons de plaifance , & même de jolis jardins dont les produâ:ions ,
qui font dues à des eaux recueillies , contraftent avec l'aridité des parties qui
les avoifinent. C'eft là qu'on trouve ce qu'un goût affez bifarre s'efforce ,
depuis quelque tems , de réunir en France pour former des jardins anglais. D'un
côté font des points gais j peignés & enjolivés ; de l'autre des acacias , des
goyaviers j des campêches 5 ici des tonnelles, des biffîns j là des lianes, des
ronces & des parties de rochers.
Lorfqu'on retourne de la Bande du Nord ou du Port-Français au Cap , &
que parvenu au petit corps-de-garde on commence à defcendre pour venir
chercher la ville > on apperçoit y dans le lointain , des points de la paroifîe du
Quartier Morin. La perlpedive s'étend à mefure qu'on avance ; l'œil découvre
fucceffivement un plan plus grandi i! mêle bientôt La maifon du Sud de la ville
â l'afpeft de la campagne , & enfin le voyageur arrive à l'efpèce de petit fau-
bourg formé au-deffus de la Providence , & il regagne ainfi le Cap.
Cette ville eft diftante :
De celle de Santo-Domingo t
Par la route de Saint-Raphaël, de .- .i 4 * . * . - . Splisues,
Par celle dé DahabDn , de. ....-...<..♦ 98
■ De la ville du Foft-au-Prince , d'envifon 60
De celle des Cayes , d'environ ./......-. 108
Après avoir décrit & la ville & la paroiffe du Cap , je dois naturellemeiic
dire quelque chofe des refîburces de cette ville pour fes confommations , ce qui
comprend fes communications & fes rapports avec les autres points de la
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606
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Colonie & même avec la Métropole. Centre du commerce d'une portion très-
fertile de la Colonie j féjour dune garnifon & d'un grand nombre de confora-.
mateurs , le Cap tire fes fubfiftances locales d'abord de fon voifina&e , enfuite
des diverfes paroifîes de la plaine de Ton nom, dont prerque tous les coraeftibles
viennent au marché de cette ville , & encore des points de la côte depuis le
Fort-Dauphin jufqu'au Port-de-Paix , au moyen des c-arcaux pafTagers qui
tranfportent & des denrées & des vivres. Quant au:: lubuiUnces qu'elle attend
du dehors comme toute la Colonie , elles lui font procurées par les navires des
divers ports du royaume , & elle fert même d'enticpôt à toute la partie du
Nord. Les bâtimens de l'Amérique Septentrionale apportent aum des beftiaux
viyans, des volailles, des ialaifons , de la bierre , du riz, de l'hiKic- à brûler,
du mais , des fèves , indépendamment des planches Se du bois à bâtir qu'ils
fournifTerrt en majeure partie.
De la Défexse de la Partie du N
ORB.
Il ne me relie plus qu'un unique objet relatif au Cap & qui veut qu'oq
confidère ce lieu, non feulement comme une paroiffe de la Colonie, mais
comme le chef-lieu de la Partie du Nord ; c'eft fa défenfe militaire.
Je ne me livrerai pas à la queftion fi fouvent agitée , de favoir fi les Colonies
lie doivent être défendues que par des forces navales, ou fi elles peuvent avoir
une défenfe terreftre utile. Rien ne me femble plus oifeux que l'examen de cette
queftion , fi l'on prétend établir , que l'un des' deux moyens peut être fuffifanç
& indépendant de l'autre. Je crois avoir déjà dit, que tous les moyens doivent
être combinés de manière qu'ils aient ce triple objet, empêcher l'attaque
prolonger la défenfe fi l'attaque s'effcclue , & enfin préparer le fuccès dc^
fecours que la durée de cette défenfe amèneraient de 1^ Métropole. Or ce
plan exige les moyens des deux genres, La défenfe d'une Colonie , & par
conféquent celie d'une partie de cette Colonie , doit donc elle-même fe divifer
en maritime a? en tCFrellre } c'eft fous ce double rapport que je vais parler
de celle du Cap.
Par la défenfe maritime d?unc Colonie, je n'entends pas feulement l'emploi
d'une force navale , capable d'empêcher les entreprifes de l'ennemi , m^k je
ï
FRANÇAISE DE S A IN T - D O M î N G U E.
tomprends , fous cette dénomination , les obflacles de toutes les efpèccs que
la nature ou l'art oppofent aax entreprifes- d'un ennemi, que tranfportent des
bâtimens flottans , qui font eux - ir.êmes tout à la fois , & des moyens de
force & des moyens de diriger facilement vers divers points , des hommes &
des inftrumens de guerre.
Qu'on n'imagine cependant pas que je veuille , m'érigeant en homme du
métier & en juge , établir un fiflème de défenfe du Cap ; je n'ai l'intention
que d'offrir quelques idées générales , qui me fourniront des occafions de multi-
plier les détails defcriptifs.
Jufqu'en 169 1 ", la partie dépendante du Cap, qui ne s'étendait que de
i'Acul à Limonade , paraiiTait d'une fi faible importance , en comparailbn du
Port-de-Paix & de la Partie de l'Oued de la Colonie , qu'il n'y exiftait aucun
veftige de fortifications, & ce qui fe paiTa en 169 1, à la prife de toute cette
dépendance , en a été une affez forte preuve.
M. Ducaffe , fucceflfeur de M, de Cuffy , fut le premier qui penfa , au com-
mencement de 1692 , à la défenfe de cette partie. Il propofa la conftruftion d'un
fort au Cap , c'ell-à-dire , ce qu'on appelait alors un fort & dont on peut prendre
une idée, par de mi'érables redoutes qu'on a décorées de ce nom , même depuis
cette époque. Le Minifcre l'autorifa , le 27 Août, à conftruire cette forterefle ,
dont la dépenfe était évaluée à 60,000 livres. Telle fut l'origine du premier fort,
qui avait un revêtement de maçonnerie. On ne voyait en outre en 1694, que
des retranchemens de terre que M. de Graffe, commandant au Cap, fit faire.
Il yen avait aufïï un fur le foffé de Limonade, un fur la Grande rivière au Quar-
tier-Morin,un fur la rivière Anyàla Petite- Anfe & le quatrième au Haut-du-Cap,
fur la rive gauche de la rivière. On en avait placé de femblables le iona du rivao-e
au bourg du Bas-du-Cap , & ces moyens n'empêchèrent pas la dévaftation &
l'incendie de toute la dépendance du Cap, par les Efpagnols réunis aux Anglais,
en 1695. Ce ne fut auffi qu'en 1694, qu'on crût utile d'avoir un ingénieur
attaché au iervice particulier de Saint-Domingue.
En 1700, M. de la Boulaye , infpefteur - général de la marine, chargé par
le roi d'examiner l'état des Colonies , donna , fur la défenfe de Saint-Domingue ,
quelques idées qui fe bornaient à celle de la rade du Cap. M. Renaud fit alors,
pour fortifier Picolet , un projet qui a été le prem.ier germe des fortifications
du; port, Au furpkis on- peut juger de ce que l'on pouvait tenter , puifque le
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6o8
DESCRIPTION DE 1. t
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fond annuel, pour les fortifications ordinaires de la Colonie , écalt de 6,000
livres ; à la vérité, les travaux fe faifaient alors par les nègres des habitans, qu'oa
employait fréquemment aux travaux de tous les genres.
- Ce fut au mois de Juillet 1702 , que M. de Galiffet s'occupa de faire placer
une batterie à Picolet , d'aprè- un plan beaucoup plus reftraint que celui de M.
Renaud , que la nature du terrain fit trouver d'une trop pénible exécutioH. Il
y fit préparer un petit plateau pour recevoir fix canons. La tentative des ennemi?
fur Léogane avait fait adopter cette idée. Le commandeur d'Ailly & le comte
de Roufly devaient y tranfporter les canons , mais ils n'en eurent pas le tems.
Plufieurs autres vaiffeaux fe refusèrent même à ce tranfport difficile, parce
queh mer y eft to.ijoursgroire & bâten côte. M. Galiiïet fit faire une efpèce
d'avancée de pierres, par les nègres de corvée , pour faciliter le débarquement des
canons ; il envoya des fcieurs de long à la Tortue , afin d'avoir des madriers
d'acajou pour les plate-formes ; enfin au mois de Juin 1702, 0.1 y débarqua iix
canons de 24. M. de Galiffet conduifit lui-même le radeau à chaque voyac^e ,
avec beaucoup de peine & même de péril, puifque le radeau & tout le monde
penfa périr à la fixième pièce. Qn les fit monter enfuite fur la platç-foçme , qui
était à 45 pieds au-deflus de la mer.
Dans la même année , M. de Galifi^et fit faire 640 toifes de rctranchemens
en terre devant le bourg du Cap , & commencer deux batteries. La première
de fix pièces à l'extrémité de la yilîe dans le N^rd de la ravine fur le rivage ,
dans l'emplacement du fort de 1692, ce qui le fit appeler le Vieux Fore
Se l'autre de onze pièces auTi le long de la mer , à l'extrémité Sud de ia
ville , au bord Septentrional du marais , qui venait alors jufqu'à la rue Chafte^.
noyé, & qu'on nomma la batterie des Dameg. Quelques rctranchemens,
auffi en terre, placés dans difi^érens embarcadères , formaient , avec les fortifi-r
catior^s dont je viens de parler , toute la défenfe de la partie du Cap , lorfqu'erj
1710, M. Çauvet fit un mémoire fur cette défenfe.
Confidérant le morne du Cap comme une prefque-île formée par la mer,
la rivière du Haut-du-Cap & la rivière Salée du camp de Louife , il penfait
que toute la défenfe de la partie du Cap, devait être renfermée dans cette
étendue La batterie de Picolet & une batterie fur le petit Mouton , un
retranchement de maçonnerie devant le bourg & des rctranchemens de dif-
tance en diftance , depuis le bourg jufqu'à un retranchement qui régnerait de
h
\
FRANÇAISE DE SAI NT - D O M I N G U E. 609
/a rivière Saleé au camp de Louife , & dont le Cap ferait la retraite ,
compofaient tout le ryftème de M. Cauvet, qu'une ordonnance des Adminif-
trateurs du la Mars 17 10, borna encore au projet de Picolet, du petit Mouton St
de la muraille du Bourg.
Cependant en 1712 , les chofcs étaient comme en 170a. Il y avait un pofte de
milices à Picolet & un dans la ville. Un homme en vigie fur le morne dans
l'Oueftdu Cap, fonnait d'un cor un nombre de fois égal à celui des vailTeaux qu'il
appercevait dans TEft. Une féconde vigie fur l'habitation de M. de la
Thuyllerie à la Bande du Nord , faifait le même fignal pour les bâtimens venant
de rOueft , car on n'avait pas encore imaginé de choifir j comme à préfent , un
point d'où l'on découvrît les deux côtés : fi le nombre des voiles inquiétait, on
tirait l'alarme générale par deux coups de canons, à la diftance d'une minute
que l'on répétait un quart d'heure après , & alors tous les habitans fe réunif-
iaient à la favane de l'habitation Breda au Haut-du-Cap.
Le 29 Mars 17 13 , le Miniftre écrivit aux Adminiftrateurs , en envoyant un
plan de fortifications pour le port du Cap , & en leur prefcrivant de délibérer
fur fon exécution. Le confeil de guerre, tenu à Léogane le 13 Juillet, formé
par MM. de Charrite & de Paty gouverneurs , de M. Mithon ordonnateur ,.
Cauvet & le Merle ingénieurs , trouva d'abord le plan fautif & inexaél , & l'on
décida qu'au lieu de fortifier le grand Mouton , c'était le petit qu'il fallait rendre
refpeétable , après toutefois que M. le Merle l'aurait examiné. Celui-ci fit cette
vifite le 20 Février 1714 j accompagné de M, d'Arquian, gouverneur du Cap,
de M. de Charitte (qui venait d'être nommé gouverneur de la Martinique) , dé
M. de Vilaire, lieutenant de galiote, de M. Duleny capitaine de milices & de
MM. Duhamel & Rehautté, capitaines de deux navires mouillés dans la rade j,
& des pilotes du port, & il rejetta l'idée de fortifier foit le grand foit le petit
Mouton , foutenant qu'il fallait leur préférer le Bélier qui , étant fitué à l'entrée du
canal du carénage & pouvant avoir uj; feu croifé avec le Cap, leur était fupé-
rieur. Le réfultat de tant de foins fut que 1718 refiemblait à 1702, excepté
que la batterie du vieux fort était fans affûts, & que celle des Dames ne pouvait
plus fervir que pour les faluts.
M- Frezier , arrivant au Cap en 17 19 , fut choqué de ne trouver dans la partie
du Cap , que les trois batteries déjà nommées ,.& en mauvais état & fans parapet.
Il propofa , au mois d'Avril 1720 , de mettre Çicolet fur un pied de défenfe utile»
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^10 DESCRIPTION DE LA PARTIE
21 voulait que le vieux fort, détruit par les ennemis en 1695, fût rérablf*
Quanta la batterie des Dames , oij l'on comptait 15 canons, parce qu'elle avait
été allongée dans le Nord de la batterie Sainte-Barbe , qui venait jufqu'au point
où eft la calle du roi , deux flancs de 10 toiles de long pour la couvrir au Nord &
au Sud , lui paraiffaient fuffire.
M. Frezier confidérait tout plan relatif à la fortification des relTifs de la paffe ou
-de la rade, comme extrêmem^ent coûteux , & prelqu'impoffible dans l'exécution ,
mais il préférait, comme on l'avait propofé depuis 1718, d'avoir un ouvrao-A
à la pointe du Mapou, vers l'embarcadère de la Petite- Anfe, qui aurait 20 pièces
de gros canons pour battre le mouillage , cet embarcadère & le carénage. M.
Frezier propofait en outre de faire un retranchement au Sud de la ville & du
marais , appuyé depuis le morne, au bout de k rue Efpagnok, jufqu'à la rivière ,
& en retour le long de la mer , pour défendre l'embouchure de cette rivière.
Dix-neuf ans s'écoulèrent avant qu'il y eût rien de (tatué fur le travail de M.
Frezier. On avait été depuis long-tems totalement occupé du Fort-Dauphin.
Cependant en 1732, M. de Fayet était d'avis qu'on fongeât à fortifier le petit
Mouton de la pafie du Cap. Mais en 1739, M. de Larnage fit exécuter ce qui
concernait Picolet , qui fut mis à deux étages, & qui reçut 34 pièces de canon.
Au moyen de fon enceinte cette batterie devint un véritable fort de 25 toiles de
long fur 7 toifes de hauteur, que M. de Coudreau , ingénieur, termina à la
fin de 1741 , en y faifant conftruire le magafin à poudre avec fon mur d'en-
veloppe , k citerne & le corps-de-garde. Ce fut à la même époque qu'on
fit k porte de ce fort, qui eft formée de deux plkftres Ioniques de pierres
•de taille & à qui le piédeftal fert de focle. Une corniche de 8 pouces porte
mn fronton triangulaire , dans le tympan duquel font fculptées les armes de France
avec des attributs guerriers. Entre k porte & l'entablement eft une pierre portant
cette infcription.
LUDOVICO XV REGNANTE.
AuSPlCE
l>. D. Comité deMaurepas,
Regio
Navalis Rei it Coxoniarum
Pr^fecto.
Stetit hoc : stetque dîu
CONTRA Gallici NoMi n is Hostes
Propugnaculum.
Anno Doni. MDCGXLT.
'^
i
FRANÇAISE DE S A ï N T - D O M I N G U E. 6iv
Au devant du fort eft un foffé taillé dans le roc & fur lequel eft ua pont»
Jevis.
Dès 1735 , la batterie du vieux fort avait été détruite & celle des Dames eut
peu après le même fort. En 1741 , M. de Larnage confidérant que le fort
Picolet ne fuffifait pas pour protéger la rade du Cap , fit faire , à la hâte , une
batterie de 12 pièces de 18 , en terre & en fafcines , fur le quai où eft aujourd'hui
la batterie royale. Mais il demanda au miniflre de la faire remplacer par une
batterie de maçonnerie qui devait difpenfer de fortifier les reffifs de la rade
parce qu'on n'avait eu , félon lui , cette idée qu'à caufe de rimpoffibilicé de
placer une batterie au-devant du Cap , par le défaut de quai. Il fit auffi garnir de
pieux tout le bord de la mer , devant la ville.
Au com.mcncent de 1743 , d'après une autorifation du miniftre , on travailla
à la poudrière aftuelle & qui confiftait jufqu'alors dans une fimple café placée ea
avant de cette dernière, & que l'on pouvait canonner de la rade. C'était encore
une des propofitions de M. Freziçr réveillée par M. de Larnage. La poudrière
eft à l'épreuve de la bombe & conferve bien la poudre. Elle eft divifée en deux.
Un des côtés fert aux poudres de l'État, l'autre à celle des particuliers & des
vaifTeaux marchands.
On reçut auffi des ordres pour là batterie circulaire , mais dont l'exécution était
cependant foumife à cçlle des remblais de la Compagnie Béhotte. M. de Larna<ye
prefie par la crainte de la guerre , fit placer , en attendant, au-devant de l'arfenal
aéluel, une féconde batterie en terre & en fafcines, avec 12 pièces de 24 que la flûte
l'Éléphant venait d'apporter. Les habitans du Cap fournirent leurs nègres qui firent
environ 150 toifes de remblai qui était à la charge du roi Se qui unifiaient l'entre-
prife Béhotte & l'entreprife Çoudreau. Ils les donnèrent encore pour tout ce qui
.put accélérer les travaux de la batterie dont je viens de parler , comme remblais,
tranfports, &c, & lorfqu'au mois de Février 1744, l'on commença la batterie
circulaire , ils montrèrent le même zèle.
|. En 1744, M. de Vaudreuil vint dans la Partie du Nord. Il fit faire des corps-
de-garde à tous les poftes de Limonade , du Quartier-Morin , de la Petite-Anfe ,
de la Plaine du Nord , de l'Acul , du Limbe & du Port-Margot ; celui de
Caracol étant le feul qui en eût un. Au mois de Septembre de la même année , il
fit mettre , d'après le confcil de M. de l'Ifle-Adam , capitaine des troupes , tou
Je long du rivage du Cap , & de demi-pied en demi-pied , des pieux de 12 piedg
H h h h a
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1
DESCRIPTION DE LA PARTIE
de bng fur nx pouces de diamètre , enfoncés de fix pieds & dont la tête était à
fieur-d'eau , afin d'empêcher la defcente des chaloupes , fi l'ennemi pénétrait dans
la rade. On fonda /à cet'e occafion , tout le bord de la mer qui fe trouva d'un
fond argileux & par conféquent d'une bonne tenue pour les pieux , qu'un acon
ponté- enfonçait au mouton. Mais les vers détruifirent très-vîtc cet obftacle.
Ce fut alors que M. de Vaudreuil propofa l'établifîemient du fort Saint-Jofeph ,
fur la pointe nommée Pointe à Foëfon, du nom du propriétaire de l'habita-
tion dont elle dépendait . Il le jugeait indifpenfable pour féconder le fort Picokt
pour battre la paiTe &; le mouillage , en croifant fes feux avec les batteries
du quai , autres cependant qi/e la circulaire, que la guerre força de difcontinuer.
L'année 1745, fut l'époque de plufieurs difpofirions militaires au Cap. La
batterie faite de terre, où eft ia batterie royale, ayant été prefqu'auffitôt détruite
qii'achevée, par fon peu de folidiré , M. de Larnage ordonna de la conftruire
en maçonnerie, & cette batterie fat achevée avec l'année j c'eft la batterie
joyale elle-même. On fit un retranchem-ent en terre qui défendait toute la
longueur du petit carénage jufqu'à la ravine , l'on rafa alors les reftes du vieux
& l'on appela fort des Dames . la redoute qu'on mit à l'extrémité Septentrionale
de ce retranchement & d'où la rue du Fort aux Dames a pris fon nom. On fie
lane batterie à l'embouchure de la rivière du Haut du Cap fur la rive gauche pour
défendre cette embouchure. M. de Larnage fit rafer les merlons de la première
batterie de Picolet, & ouvrir, parles nègres de corvée, le chemin que nous voyons
& qui mène de la ville à Picolet.
On projeta auffi dès lors de couvrir la ville du Cap au Sud par un front de
fortifications ; on le commença au mois de Février 1746 , & il fut terminé au
mois d'Août fuivant. C'était un retranchement en terre gafonnée , qui , prenant
dans le pied Sud du morne qui borde la Foffette au Nord , venait fermer la ville
par une courtine & deux demi-baftions ; la courtine régnait depuis la rue
Efpagnole jufqu'à celle d'Anjou, & allait enfuite jufqu'à l'em.bouchure de la
rivière. Il y avait un glacis en avant de ce retranchement h l'on avait même fait
un chemin couvert depuis l'entrée laiffée à ce retranchem.ent pour aller à la ville
& qui était en face de h rue royale jufqu'à un petit retour qui ouvrait dans la
favane de la Foffette. Sur le morne dominant celle-ci , le retranchement avait
une batterie de trcis ea-.ons. M. de Vaudreuil voulait qu'on faisît cette occafion
.^o«r redreffer le chemin qui menait de la rue Efpagnole au Haut du Cap, mais
i
Z^y
^
FRANÇAISE DESAINT-DOMÎNGUE. 6ij'
M. de Chaftenoye ne trouva pas ce travail néceffaire & c'eft cette oppofition qui
en a laifîe le mérite à MM. de Reynaud & Le Braflèur.
Durant la même année 1746 , on fit un retranchement depuis le Sud de k
batterie royale jufqu'au point du quai qui correfpond à la rue Chaftenoye ; un
autre qui allait du Nord de la rue des Religieufes au Sud de celle Saint-Jofeph ;
tin autre oij eft la place le Brafieur & enfin on en ajouta un à l'angle Sud-Eft de la-
batterie qui venait d'être placée au bac. C'efl dans cette année qu'on fit auffi
beaucoup de remblais & de coaftruélions dans l'étendue de ce qui s'appelait
auparavant le marécage & qui , à caufe d'un haut-fond formé par un banc de-
fable charrié par la rivière , n'était pas auffi acceffible aux chaloupes que le reftc.
L'année 1747 fut remarquable , quant aux fortifications du Cap , par la^
conftruftion du fort Saint-Jofeph placé à 20 toifes dans l'Eft du chemin qui
mène à Picolet & à 400 toifes de ce dernier fort. Ce nom lui fut donné à caufe-
du patron de M. de Vaudreiiil qui l'avait propofé au miniilre , ainfi que je l'ai
obfervé. Ce fort fut achevé en 1748,
Ce fut pareillement en 1748 , qu'on s'occupa de l'exécution définitive de la
batterie circulaire, mais en abandonnant fon plan primitif. Selon celui-ci qui
était immenfe , il devait y avoir une batterie circulaire de 15 canons , tangente à
la ligne de la ravine au Nord -, & une féconde batterie circulaire abfolument
femblabîe , tangente au côté Nord de la rue Chaftenoye au Sud , puis l'intervalle
entre ces batteries devait être rempli par une batterie droite de 18 canons où l'on
aurait ménagé trois calles correfpondantes à la rue du Confeil , à celle Saint-
Jean Sic à celle de la Fontaine. Au lieu de cela on avait fait, en 1745 , la batte-
rie royale qu'on voit au Sud de la calle du roi & l'on fit à fa droite la batterie
circulaire que le plan x^ue^j'ai fait graver reprcfente. On ne conftruifit, en 1748 ^
que ce qui eft depuis la calle jufqu'à 12 toifes au Nord de la ravine , c'eft-à-dire ,
70 toifes en y comprenant l'oreillon qui, dans le bout Sud , va de l'Eft à l'Oueft.
Cette conftruftion & ks murs faits fur la ravine pour en contenir les bords ,
montèrent à 247,000 liv. On y travailla avec une telle aftivité que les canons &
trorsmortiers pouvaient y jt)uer le i^'. Mai 1748, ainfi qu'au fort Saint-Jofeph. On
mit un revêteirrent en merlon à la batterie royale qui était ù barbette j on fit une
tiftacade de pieux tout le long du marécage ; tous les flancs des retranchemens ,
ïies quais reçurent des canons ; on en mit fix aux flancs du front de la Foffette 1
«n prolongea k retranchement du petit carénage jufqu'à la rencontre de k ravine j
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*
►
I
éi4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
enfin l'on s'occupa d'afTurer la confervation du Cap pour lequel la prife de Saisit-
Louis augmentait les alarmes^ La paix arriva & avec elle l'efpèce de repo^
négligent qu'elle amène à fa fuite.
Cependant le miniftêre montra de la prévoyance, & fentant route l'impro-.
tance que Saint-Domingue devait acquérir & qui elle-même pourrait com-
promettre fa fureté , il crut devoir profiter de la paix pour multiplier les moyens
de le protéger. Ce fut dans cette intention que fut dreiTé le mémoire du roi,
du 25 Oclobre 1750, qui demandait à Ja Colonie de Saint-Domingue un
oftroi extraordinaire pour les fortifications. La Colonie l'accorda , en Mars
175 I , pour cinq ans. Un fécond m.émoire ,- du 7 Novembre 1754, prolono-ea
l'impôt pour cinq autres années, de 1755 à 1760 ; la Colonie obéit encore,
mais les deux Confeils fupérieurs qui étaient alors dans l'ufage de fe raffembler
pour la repréfenter & qui avaient voté en fon nom, en 1751, dreffèrent des
remontrances en 1755 , oij ils établirent que depuis 1720 il avait été fait pour
vingt millions de dépenfes en fortifications dans la Colonie , ce qui aurait dû
fuffire fi le favoir & l'économie avaient préfidé à leur emploi. Ces repréfenta-
tions ne furent pas heureufes , puifque l'impôt fut encore prolongé pour cinq
ans , jufqu'en 1765.
En 1755 ^^- ^^ Vaudrcull propcfa de fortifier le Grand-Mouton , & en
1757 M. Bart demanda que la pointe à Bertrand , qui eft à 200 toifes
dans le Sud du fort Saint-Jofeph, devînt une nouvelle protection pour le port,
& en effet on y voit maintenant une batterie de mortiers que l'on appelé , je
ne fais pourquoi , le fort aux Dames. En 1758 on acheva la batterie circulaii-e
dans la partie du Nord de la ravine , h ce fut la même année qu'on établir la
batterie de mortiers du Gris-Gris , lieu qui s'appelait, vers 1736, la Pointe des
Nègres. La guerre de 1756 ne cefi^a pas de donner des craintes à Saint-Domin-
gue , & ces craintes , en lui procurant M. de Belzunce , officier de terre fur le
talent militaire & la réputation duquel on avait fait un grand fond , furent
l'occafion d'un changement notable dans le fyftème de défenfe de cette Colonie.
Convaincu par la douloureufe expérience qu'on venait de faire à la Marti-
nique , oià les fecours étaient trop tardivement arrivés , qu'une place intérieure
qui prolongerait la défenfe pourrait fauver une Colonie , il eut cette combinaifon
pour idée principale, & j'ai dit comment Sainte-Rofe & le Dondon lui avaient
paru les points propres à le réalifer. M, de Belzunce manifefta encore par fe§
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fi- k ANC Al SE DE S A I N T-D 0 M I 5Î G U E. 6f;
difpofitions cette penfée , que la Partie du Nord de la Colonie de Saint-Domin-
gue eft la plus importante à défendre , celle dont la deftinée doit avoir la plus
grande influence politique fur celle de la Colonie entière.
' M. d'Eftaing , fucceflfeur de M. de Belzunce , auquel il attribuait un grand
favoir militaire , fut frappé de fon fyftème en arrivant, au mois d'Avril 1764,
des Ifles du Vent , où il avait eu la miffion particuîtère d'examiner le meilleur
plan de fortifier cei îles & de délibérer avec leurs chefs fur l'exécution de ce
plan. Il lui parut que M. de Belzunce avait faifi , en homme de guerre , l'objet
qu'on doit fe promettre en défendant une Colonie. C'etl d'après ces deux
hommes , à qui l'on ne peut refufer cet hommage , qu'ils o;it parié de ce qu'ils
favaient bien , que je hafarde une opinion , ou pour être plus vrai , c'efl la
leur que je vais expofer , après avoir ajouté qu'elle a encore éié commune à
M. Duportal j direéleur des fortifications , & dont M. d'Eftaing fe vantait
d'avoir reçu des leçons^
Une vérité première à faifir, c*eft qu'il y a entre une Colonie & la marine
une union & une corrélation tellement intime , qu'on ne peut fe diffimuler
que la fupértorité maritime doit difpofcr des propriétés coloniales. Une colonie
comme celle de Saint-Domingue , qui verfe annuellemens dans la Métropole
pour cent cinquante millions tournois de denrées y qui par conféquent imprime
tin mouvement prodigieux à fon commerce y ne doit pas être expoîée â devenir
la proie d'un ennemi puiiTant , qui pourrait,, mêine s'élcvant au-deiTus de la
honte d'une violation ouverte des traités , la croire juftifiée par un fuccès qu'on
n'aurait pas fongé à rendre difficile. Mais comme l'entretien du fecours d'une
marine permanente ferait ruineufe par fa dépenfe & par fa confommation en
hommes, il eft indifpenfable de trouver des reiTources intérieures.
Or celles-ci ne peuvent être autre cbofe qu'une fortification , combinée de
tnanière cependant qu'en donnant l'efpolr d'une défenfe prolongée , elle ne
foit pas elle-même inexpugnable fi elle devenait enfin le partage du vainqueur
qui aurait la fupériorité fur mer. Il faut qu'entre l'ennemi & cette place une
route difficile, femée d'obftacles , puifle à chaque inftant lui rendre fon
propre nombre embaraffant & l'expofe à voir acquérir , par une poignée
d'hommes acclimatés & embufqués , l'avantage fur de nombreux bataillons. Il
faut que tous les tranfports lui foient pénibles , que routes fes communicatiorïs
avec fes vaiffeaux foient lentes & fatigantes ; qu'en un mot les hafards de k
guerre & les maux du climat lui fafîent tout redouter.
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6t6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
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Mais ce fyftème veut des préparatifs. Il veut ceux du choix du lieu dont la
faiîibfité doit être une des conditions infpenfables. Il Meut des approvifîonnemens
furtout en objets fufcepdbles de confervation pendant un long-tems , & en outre
tks beftiauxj des fourrages , & ur.e dilpofition faite à l'avance , de manière qu'au
moment de l'attaque chacun fâche quel point , quelle fonftion , quelle utilité il
doit avoir dans cette efpëce de réduit général. Il faudrait que le génie du chef
fût rendre ce réduit tel_, qu'il faudrait pour le forcer, une attaque régulière &
propre à faire perdre beaucoup de tems à l'affiégeant.
Mais avec la vafte étendue de la Colonie fi-ancaife de Saint-Domingue, divifée
prefque naturellement en trois parties diftinftes, peut-être efl-il impoflible de
fe'paiTer d'avoir un point central dans chacun d'eux. On ne doit pas oublier qu'il
s'agit furtout de rendre fruiSlueux l'envoi d'un fecours de France , & par cgHt.
féquent de favorifer la réunion de la force qui combat encore dans l'intérieur
avec celle deftinée à la faire triompher par l'expulfion de l'ennemi. Il eft fans
doute difficile d'empêcher qu'une efcadre françaife ne débarque un fecours fur
une circonférence auiTi étendue , mais il ne faut pas que les troupes qu'elle
apporterait ait de grands efpaces à franchir, de grandes fatigues à effuyer avant
la réunion défirée , puifque ces troupes auraient à redouter , corames celles dç
l'ennemi , les maux qui frappent des hommes non-acclimatés.
L'utilité du pofte intérieur fentie, celle des autres moyens intérieurs l'eft
bientôt. Ils ne peuvent être que de deux efpèces , confidérés dans leurs rapports
avec le fyftème de défenfe générale , c'eft-à-dire , qu'ils confîftent dans les obfta-
cles à oppofer au débarquement & dans ceux qui doivent arrêter les progrès die
l'ennemi fi ce débarquement n'a pu été empêché ; & en s'occupant des premiers
il ne faut pas manquer de calculer le befoin d'empêcher l'infulte palTagère ou grave
qu'on pourrait tenter de faire à un point de la côte , foit pour le piller foit pour y
venir enlever le bâtiment qui cherche un refuge contre l'ennemi fupéricur qui le
pouriuit ; car c'eft une partie intégrante de la défenfe relative aux débarquemens ,
que celle qui éclaire les côtes & qui ne permet pas à l'ennemi de choifir les
points qu'il croit les plus accefîîbks ou de multiplier de fauffes attaques pour
en rendre une efficace.
Une des plus grandes difficultés de la défenfe des Colonies , c'eft de déter-
miner s'il eft avantageux ou non de s'oppofer au débarquem.ent, parce qu'il cft
prefque impoffible de décider la queftion en thèfc générale, Elle doit dépendre
des
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FRANÇAISE DE S A I N T - t) o'm I N G tl E. 617
des forces de l'ennemi , de celles qu'on a à lui oppofer , & beaucoup encore du
point où le débarquement eft tenté. Mais en général tout dit que le moment où'
l'ennemi a mis fur la plage environ le tiers de ce qu'on lui fuppofe d'hommes
de débarquement, eft le plus favorable pour l'attaquer; parce- qu'alors il ne peut
plus être protégé par le feu des vaiffeaux , & que dans le défordre inféparable
d'un débarquement qui n'eft encore efîeflué qu'en partie , les probabilités font
toutes en faveur de celui qui le trouble & qui a dû fe ménager une retraite
alTurée , tandis que l'ennemi n'a que celle de fes chaloupes , qui eft lente &
fujettc aux événemens de la mer. Il faudrait être bien fur de l'avantage d'une
pofition prifc à terre & voifine du point de débarquement pour préférer d'y
attendre l'ennemi , toujours plus à craindre lorfqu'il marche form.é qu'à l'inftanc
où chaque homme fort prefqu'ifolément d'une chaloupe , embarraffé de fes
armes, craignant de ks mouiller, troublé par la vue d'un élément qui n'eft
pas celui du foldat , & ignorant Tétat au vr^i du point où il arrive.
Comme tout débarquement fait par une armée a pour but néceffaire l'enva-
hifiement du territoire , & que pour y parvenir l'ennemi doit chercher à s'emparer
des points les plus importans , foit comme établiflfemens militaires , foit comme
dépôts de commerce ; une des premières notions de la défenfe doit être de
préferver ces mêmes points & leur voifmage , de toute defcente. Cette vue eft
encore plus importante dans une île qu'ailleurs , parce que les attaques ne
pouvant être effeftuées que par les moyens maritimes & toutes les reffource*
devant être tirées des vaiffeaux, c'eft faire beaucoup que de mettre une grande
diftance entre le point de débarquement & celui dont l'ennemi a le projet de
s'affurer ; entre l'armée qui attaque & l'efcadre ou la flotte qui la nourrit , qui
reçoit fes malades & fes bleffés , & d'où elle doit tirer fon artillerie.
Si cependant l'ennemi a débarqué, s'il marche pour conquérir, c'eft alors
que les reffources intérieures doivent être employées pour arrêter, pour rallentir
its progrès. Il faut que chaque pas lui offre la néceffité d'un nouveau combat ,
nn nouvel obftacle à franchir , la crainte d'un nouveau danger. Il faut furtout
s'être bien convaincu que chaque retard eft une viétoire remportée fur lui ,
parce que le climat peut en triompher d'un inftant à l'autre. Comme il doit
naturellement préférer la faifon tempérée pour fes entreprifes , dans la crainte
que. les chaleuni exceffives ne l'accablent des maux qu'elles enfantent , il s'ex-
pofe alors à la chance despluiçsqui peu'/ent, à chaque inftant, lui com.raander
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6i^ DESCRIPTION DE LA PARTIE
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-des hakes Prendre irrpraticabk un chemin où fon ariillcrie auraic pu pafîèr
quelques heures auparavant.
Dans un p.ays où la nature a multiplié partout des pofitions qne^l'art tenterait
vainement d'imiter, il y a mille probabilités en faveur de celui qui les connaît,
qui les a étudiées S; qui iàk par où il fuira fi une force fupérieure lui rend la
fuite néccffiire. On fcnt qu'il eft bien difEcile de fe promettre de grands fuccès
dans ks plaines , par i'impoffibilité d'oppcfer alors une milice , quoique très-
courageufej à des troupes familiarifées avec les évolutions militaires; mais
dans des fortifications bien entendues , dans des gorges , dans des ravines , dans
d'éeroits défilés , le courage du Colon déconcertera le foldat accoutumé à des.
mouvemens réglés & d'enfcmbk. Sans doute il eft pofiîble que l'attaquant, céief-
péré de l'inutilité de ia tentative, ou croyant même que le fpedacle de leurs
propriétés livrées aux flammes ar;ê:era le zê.e des habitans , offre partout lur fon
paflfage le tableau du ravage & àt l'incendie ; mais cette manière de guerroyer,
digne des flibuftiers , ne fera pas un moyen de conquête pour Id , fi le chef de
la Colonie a fu leur inlpirer l'erpoir d"y échapper, Se s'il fait mettre à profit
l'amour des Colons pour le nom Français. C'eftdonc à la guerre de campao-ne
qu'il faut tout rapporter, après avoir m.is les points piincipaux qui , dans les
Colonies , font prefque toujours les villes , à l'abri d'une invafion fou daine &
facile j & les côtes à l'abri d'un coup de main.
Ces idées générales rapportées à la dépendance du Cap, donnèrent à M.
d'Eftaing, l'occafion de propofer d'améliorer la défenfe de Picolet,,& de mettre
à la roche du même nom une batterie de canons & de m^ortiers qui, placée au
peint fur lequel les vaiiTeaux gouvernent long-tems avant de donner dans lapaffe ,
empêcherait par fes feux que l'on n'en approchât. Il adoptait le projet de forti-
fier le pedt Pvloutcn, en regrettant que la nature du fond du grand Mouton, &
des raifons d'économie lui cnlevaflent la préférence. Il attachait auffi un grand
prix au fecours de deux prames, qui avaient même -été conftruites dans les ports de
France fn 1765 , &.que l'on deftinait à être entraverfées dans les pafles du Cap^
& il croyait qu'on devait être toujours prêt à fermer cette paiTe par des
cftacades. Quant à la partie terreftre de la ville , M. d'Eftaing voulait dans les
gorges, depuis le Cap jufqu'à l'hôpital, des redans, des reiranchcmens , pour
défendre la communication de la ville avec la plaine , & que le morne Lory fût
îe point principal de cette parcie de -ia défenfe. J'ai parlé ailhurs de fes vues
«■j—y-n
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGÙÉ. 619
pour avoir des magafins de marine & une fortification propre à les défendre & à
protéger la ville en même tems , en les plaçant fur l'extrémité de la langue de
terre qui mène de la Petitc-Anfe au bac.
, Suivant une lettre du Miniftre aux Adminiftrateurs , datée du 22 Janvier
1768 , il était queflion de fortifier le petit Mouton, mais tout refla dans la
même fituation , excepté qu'en 1773 , d'après un plan de M. de Boisforeft de
1772, on fit le premier baftion.qui eft au Sud de la batterie royale & qui a été
mené fur le point du quai correfpondant à la rue Saint-Laurent, jufqu'à celui où
aboutit la rue de la Fontaine. A l'arrivée de M. d'Ennery au Cap , au mois d'Août
1775 ' ce gouverneur-général fit rétablir le front de fortifications de la ville au
Sud, tel qu'il avait été fait en 1746 , & il fit voûter les batteries de Picolet & du
fort Saint- Jofeph , pour les garantir du feu des hunes des vaiffeaux.
On doit regarder l'année 1777 , comme une de celles qui ont eu l'influence la
plus heureufe furies be foins de ladéfenfe de Saint-Domingue, parce qu'elle a été
l'époque de l'arrivée de cinq compagnies du régiment de Metz du Corps-
Royal-d'Artiilerie , & de trente ouvriers , le tout fous les ordres d'un chef de
brigade & d'un lieutenant-colonel. Les chefs eurent plufieurs occaOons d'exercer
ieurs talens ; c'efl à eux qu'on doit des magafins d'artillerie, le remplacement des
affûts marins par des affûts de côte , bien précieux dans un pays où réconoraie
en hommes doit être la première, & l'émulation qui s'cfl établie depuis lors entre
les officiers du génie & ceux de l'artillerie.
La guerre arriva en 177S , & elle réveilla encore l'attention fur ce qui inîéref-
fait la défenfe. La nouvelle de la prife de Sainte-Lucie & les vives intlances de
M. de Reynaud auprès de M. d'Argout, alors gouverneur-général, firent forti-
fier, au mois de Mars 1779, les mornes de l'hôpital, par des batteries Se des
redans, dont quelques-uns furent même concertés avec M. d'Eftaing, au mois
d'Aoû-: 1779, lorfque venant de la conquête de la Grenade, il faifait des
préparatifs paur aller attaquer Savannah. M. de Reynaud aurait voulu que le
morne Lory devînt un point refpeftable , que des prames défendilTent les
paffes , & que les magafri::s & les parcs d'artillerie fufient mis dans la gorge '
de rhabitation de la Eoffctte que M. de Reynaud trouvait encore économique
d'acheter. M. d'Argout fit oter les voûtes des batteries de Picolet & du fort
Saint- Jofeph & leur fit donner des afïuts de côte.
Enfin p".ur avoir fur les fortifications de la Colonie un avis motivé, cJ un'
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€10 DESCRIPTION DE LA PARTIE
plan qui pût être à l'avenir une règle , dont les gouverneurs ne pourraient
s'jËcarter qu'avec une autorifation expreiïe , le Miniftre écrivit à M. d'ArcrouC
le 22 Aouri779, de failir l'inftanc où plufieurs officiers fupérieurs s'y trou-
vaJenrj&: comme les circonftances de la guerre ne permettaient pas les déplacemens,
de fe borner , quant alors , à k Partie du Nord & au Maie , faufà embraffer par
la fuite les deux autres parties de la Colonie. II était ordonné de former urs
eonfeil de guerre, auquel ferait fournis les plans & les mémoires de MM:
d'Eftaing , Duportal , de Vallière , de Moulceau & de ISTolivos , ainfi que la-
correfpondance des Adminiftrateurs &c des miniftres fur cette matière , & les
plans qu'on croirait néceffaire de faire lever, fauf à celui des membres qui
ii'adopterait pas l'opinion de la majorité à motiver la fienne. Le réfultat de la
délibération devait fervir à faire dlftinguer les ouvrages les plus prefTés , & oa
devait l'accompagner de plans & de devis.
Le eonfeil de guerre, préfiJé par M. de Reynaud^ lieutenant au gcuverne-
ment général & commandant général de la Colonie par intérim , tint fa première-
féance au Cap le 2 Mai lySo, & était com.pofé de M. de Vincent, comman-
dant en fécond de la Partie de l'Oueft; de M. de Lilancour, commandant ea
fccond de la Partie du Nord ; de M. de Moulceau, DirccTreur général des for^
tificatlons , tous les trois brigadiers d'infanterie > de M. de Gimel , lieutenant-
colonel du Corps d'Artillerie au régiment de Metz , & de M. d'Ancleville ,
ingénieur du roi. M. de Vaivre , intendant, y affilia auffi d'apiès la lettre du.,
miniftre. M. d'Anfteville fat choifi pour rapporteur. Le Confeil de guerre,
dans fes fix féances terminées le 3 Juin , a propofé fes vues fur la Partie du
Nord & fur le Môle. Je crois pouvoir ajouter feulement qu'il a cru que U
défenfe intérieure & celle que j'ai appellée maritime devaient s'entr'aider.
C'eft d'après le réfultat de ce Conieil de guerre que M. de Reynaud a fait
détruire le retranchement que M. d'Ennery avait fait rétablir au Sud de 'Is;
ville. Ce travail qui avait coûté plus de 2CO,ooo livres & dont l'entretien
était fort cher, s'éboulait à la moindre pluie à caufe de fa nature fabloneufe j
il était dominé de partout, & comme on l'avait rendu tel qu'on pouvait y mon-
ter à cheval par la néceffité d'un talus capable de retenir les terres , il ne pouvait
pas défendre la ville à kquelle il interceptait l'air. On en a feulement confervé
ce qui eft à l'Oueft de la rue Efpagnole , comme on le voit fur mon plan &
dont le bout appuyé au morne de la FolTecte , montre encore ce qu'on appellaic
îe polygone.
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* F R A N CA î s E DE SAINT-DOMINGUE 621
C'eft en arriére de cette portion de retranchement Se dans le Nord-Oucft du'
cimetière qu'eft r.école d'arîille.ie pour le canon & la bombe, à qui l'autre!
iàcede Ja Fofîette donne la facilité de s'exercer fans danger pour perfonne. Orr
va à cette école par les deux côtés du cimetière. Entr'eux deux & au-deffus du
cimetière , l'on pafTe fur un petit pont de bois couvrant un ravinage , pour
aller foit à cette école , foit à la batterie de mortiers placée au-deffous du morne
Lory, vers-:îa moitié de la longueur d'un plateau étroit formant le fommet de
l'embranchement du morne du Cap qui va vers le cimetière ,- & qui s'éten-
dait autrefoisjufqu'auprès dt l'embouc-hure de la rivière.
. Quand on eft fur la plate- forme de cette batterie de mortiers ,, la ville pré-
fente un Goup-d'œil agréable &• inattendu. Ses rues tirées au cordeau , la facilita
de plonger dans chaque cour , offrent un tableau auiïi mobile que varié , &'
l'afpeft de la rade forme l'arrière plan- le plus intéreiTant que puifîe avoir une
vue à vol d'oifeau.
Depuis lySo, il n'a>été rien entrepris en fortifications au Gap, quoique ic
miniftre eût approuvé le 12 Février 1781 , le plan d'avoir un carénage pour
tenir toujours- une frégate mouillée e>n dehors de la paffe du Gap, afin de pro-
téger l'entrée Scda-fortie des bâ*imens du commerce. ■ -
- On peut dire avec alTurance que quelle que foit l'attaque de l'ennemi dans la
Partie-du Nord , le Cap en fera- toujours l'objet, à caufe de fon port , de fes
établiflemens & de fes richeflcs ; c'eft donc le Gap qu'il faut avoir continuelle-
ment en vue lorfqu'on s'occLipe de ladéfe-nfe de la Partie du Nord. '^.
Pour alTurer celle de toute la Colonie d'une manière qui feraic cefîer toute
inquiétude ,i il' faudrait' au- moins dix mille hommes de troupes d'Europe. Mais
combien de circonftances peuvent s'oppofer à ce rafiemblement de forces! Il
faut donc empêcher que cette brillante colonie ne puifl"e devenir, en une feule
campagne , la conquête de l'ennemii , & , à cet égard , il eft encore naturel de
croire que les efforts feront toujours dirigés vers la Partie du Nord , ce qui
me ramène à l'imiportance du Cap. L'ennemi n'oferait y rien entreprendre s'il
avait une garnifon de trois mille homme-5 & fi une armée au moins auiïi forte en-
gardait la plaine ; mais encore un coup cet état heureux ne peut être certain.
Nous avons vu que lé point le plus Oriental où l'ennemi pourrait effayer de
débarquer, ferait la baie de Manceniile d'où les chaloupes arriveraient à l'em-
bouchure du Maffa^cre, mais quelle tentative que celle qiii ferait faite à Saint».-
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&12 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Domtngue , à feize lieues du point qu'on voudrait envahir & dans un lieu où
l'on ne pénétrerait qu'en furmontant de grandes difFiCukés. Cependant deux
batteries fur k rive gauche de cette rivière fufHraîent pour diffiper toutes les
àppréhenfions, La chaîne de reflifs 5c de haut-fonds qui borde la côte depuis le
.Maffacre jufqu'au Fort-Dauphin , ne permet aucun accès qu'à des chaloupes à
travers des paflfes étroites ; mais de fimples batteries mifes à ces points d'embarca-
dères qu'on pourrait même combler en cas d'attaque prévue , remédient à
cet inconvénient.
Quant au Fort-Dauphin lui-même , il efl- d'une défenfe fuffifante avec l'efla-
cade de chaînes , de cables & de mâtures qui rendrait Ton entrêee impénétrable.
■ Du Fort-Dauphin à Limonade , des reffifs qui s'éiendent au large jufqu'à la
grande portée du canon , ne permettent pas à l'ennemi de protéger de fon
feu une defcente que tout dit qu'il ne hafardera pas de faire fous voile avec
l'incertitude de reprendre fes troupes fi elles étaient repouiïees.
Il y a bien trois paffes , mais celle des Fonds-Blancs propre aux chaloupes
feulement , a de quoi les foudroyer. La féconde, commune aux embai-cadères de
Caracol & de Jacquezy , eil acceffible à des bâtimens d'une certaine force , mais
ils ne peuvent s'approcher afTez pour protéger une defcente qui ne peut être faite
qu'aux deux embarcadères cités & où des batteries fuffifantes ne la foufFriraient
pas. La pafTe de Limonade donne plus de craintes , mais elle a 1,500 toifes de
long , elle eft finueufe , elle exige des pratiques & un bâdment bon maneu-
vrieri & fi l'on ne comptait pas afiez fur les batteries qui la défendent, une
prame deviendrait un obftacle infurmontabîe.
De Limonade à l'embarcadère de la Petite -Anfe , les difficultés furpaflent les
efforts que l'audace pourrait confeiller & que le manque d'eau du chenal
condamne d'avance. D'ailleurs les reffifs éloignent encore là le feu protedeur des
n^aiffeaux.
A rOuefb du Cap la Bande du Nord & le Port-Français offrent bien deux
points de débarquement, mais toutes les an fes qui font depuis l'entrée du Cap
jufqu'à celle de la Bande du Nord proprenvent dite , ne font abordables que pouf
des canots, encore dans des tems calmes. Il faut même que k mer y foie un peu
tranquille , ce qui n'arrive que rarement k matin & jamais l'après-midi , &
des batteries y font placées pour rendre cet abord beaucoiap plus dsngereiix:
Le Port-Français offre , il eft vr^ , des futilités plus grandes, parce qu'il eft le
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FRANÇAISE DE SAIN T-D O MI N G U E. 623
Je débacqaement le plus commode de la partie de côte que le morne du Ca^
termine , & que l'on fait que les Anglais y efFeftuèrent leur defcente en iSgsi
mais les mortiers qui y font placés doivent intimider les vaifFeaux. Si l'on y fâifaic
^ne féconde batterie dans l'Oueft , elle multiplierait les dangers pour eux , &
donnerait le items d'y accourir en force du Cap, d'autant que la vigie fignalerait
les mouyemens de l'ennemi. Mais fi , contre toute probalité, la defcente y était"
faite, quels obftacles que des fentiers très-étroits , tiès-roides à monter & d'une
âpreté inexprimable à travers lefquels il faudrait tenter d'arriver au haut de h
gorge i laquelle la ville eft adoffée , à travers des lits de roches à ravets , mille
fois fupérieurs aux chevaux de frife & aux chauffe-trapesinveniéespar l'art, puif-
qu'au tranchant du razoir fe trouve réuni un bruit auffi fort que celui de bouteilles
eaflees & que la dureté & l'irrégularité de ces pierres peuvent offrir une barrière
que l'adreffe ne pourrait vaincre qu'avec une perte de tcms qui ferait elle-m.ême
un grand moyen de fuccès contre cette entreprife. Le plus léger travail rendrait
bientôt ces fentiers in\pratlcables- & 500 hommes qui y feraient rouler les pierres
qu'ils trouveraient a leurs pieds, en extermineraient 10,000 qui ne peuvent
Jamais compter y mener du canon. On a d'ailleurs la refîburce :de .rendre inac^
ceffibtes ,■ en k& comblant , les paffes de ces embarcadères ou anfes, & l'an a 4
pied-d'ceuv-re teu.t ce qu'il -faut. ..-■.,
Depuis le Fort-Français jufqu'à l'Acul , la côte ne fouffrirait que des câfiçM-
en tems c.-ilme , c'eft-à-dire , dans un tems qui n'y règne prefque jamais , & le
morne préfenterait enfuite fon impénétrabilité aux débarqués.
Serait-on inquiet d'uae tCTitâtive par la baie de FAcul? Mais elle efï kmée
d'-écueils , elle n'affre qu'un ^inique mouillage pour de gros vaiffeaux & fi un ou
èteux vaiffeaux peuv-ent y entrer avec le fecours d'un excellent pratique, de^
précautions incroyables 6^ un vent fait ^ qu'elle comparalfon quand il s'agit d'une
Êfcadre nombreufe fu i vie de tr-anfports & de l'attirai 1 qu'exigerait l'attaque du
Cap ? Les anciens marins' regardent la -chofe -comme ImpalTible , furtout s'il
furvenait ua calme , parce que ne pouvant mouiller fur des roches , on ne peut
s'élever & que , porté par le^ caurans fur d^ re-ffifs , un vaiiTeau y ferait blentôc-
démantelé parla violence de la brife. il faut cependant s'y garantir d'une defcente
Jîartielle propre à faire diverfion & c'eft ce que ks batteties de canons & ^
fivorticrs qu'on y a faites font tr^s-ftifceptlbks d'exécuter.
Il\i-d«lâ ck l'Acul, iln'y «1?î^ d'al?ri j)our ks bâîimefts, Les |)ointg éloignés
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Si^ DESCRIPTION DE LA P A R T I E
du Cap dont ils font féparés par des rivières, des monragaes 5c des défilés facile'S
I défendre ne peuvent donner aucune crainte.
C'eil donc par le Cap même qu'il faut tenter de s'en emparer , & c'eft là aufli
qu'il faut réunir les moyens défenfifs maritimes. Il eft de h plus haute néceftté
d'y établir la batterie de m.ortiers & de canons que tous les hommes de guerre qu*
ont vu le local , ont propofé de mettre en dehors & au Nord de Picolet , près la
roche du même nom. On fait combien la bombe eft faite potir intimider le chef
le plus hardi d'un vaiffeau , furtout lorfqu'il eft à la portée de reffifs qui le mena-
cent de naufrage , fi fa témérité ne parvient pas à tout -franchir. Picolet foutenu
de ce feu & ayant , comme la batterie , des grils pour chauffer les bombes &
les boulets , deviendrait redouxable. Tout vaiffeau qui veut entrer dans la rade
du Cap eft obligé de paffer devant Picolet entre deux points qui n'en font éloignés
que depuis loo jufqu'à 300 toifes. Arrivés par fon travers , ils ne peuvent plus
s'en retourner fans courir le riljque inévitable de fe perdre à la côte. Un vaiffeau
ne peut s'emboffer moins loin de 100 toifes de Picolet, à caufe du tems qu'il
faut pour porter des ancres & fut-il n>ême à 250 toifes, fourche des deux paffes,
s'ily refte long- tems, il aura la groffe mer qui annullera la plupart de fes .coups,
tandis que Picolet & la batterie qui le fuit en porteront de sûrs , & s'il eft
dé.'emparé il faudra qu'il entre à tous rlfques ; il faut donc gêner
ia paffe.
La meilleure manière ferait de faire une batterie en fer a cheval fur le petiî
Mouton & d'y placer des canons , des mortiers & des obufiers , &: d'y avoir auffi
des grils. Si' l'on redoute quelque chofe de la paffe des Normands ^ une carcaffe
qu'on y coulerait peut tranquillifer. Enfin deux prames très-fortes avec une eûa-
cade en avar.t faite avec des chaînes , des cables , des mâtures h. des corps-morts
difpofés 430ur cette deftination _, rendraient les paffcs inacceffibles. Tant de
moyens fécondés par le fort Saint-Jofeph , le fort des Dames & la batterie du
Gris-Gris, vomiffant auffi des bombes h, des boulets rougis, doivent garandr
le fuccès.
Mais comme il faut fuppofer le cas où la paffe ferait forcée ; on doit confidérer
combien il devient effentiel alors que Picolet & le fort Saint-Jofeph ne tomibent
point par ce fait même. Il faut donc rendre l'un & l'autre fufcep:iblcs de tenir fix
femaines encore apre's & efpérer , par eux, de contraindre l'ennemi à abandonner
lia rade j ce qui , ou l'empêcherait d'y faire un déoarquemenc , ou priverait les
troupes
II
il
-r^^i
FflANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 625
troupes débarquées de toutes les refîburces , par l'éloignement des vaiffeaux. Il
ne s'agit pas de parler de la dépenfe que ce moyen coûterait j on ne doit Ja
connaître qu'après l'avoir efFeftuée. La batterie de l'oreillon eu circulaire , la
batterie royale & la batterie à mortiers placée au-deffous du morne Lory, çon-
coureraient auiïi au même but.
Quant au morne Lory lui-même qui part du grcs m.orne auquel il n'eft point
égal en hauteur , & dont il eft féparé par une coupure qui n'étant pas profonde ,
ne forme pas une véritable gorge , on a long-tems parlé d'y élever une citadelle
mais commandé par d'autres hauteurs , il ne peut être appelle à une auffi haute
deftinée. L'exécution en ferait fingulièrcmenc coûteufe ôc fes inconvéniens rie
difparaî traient pas tous.
Une redoute mife fur la rive droite & à l'embouchure de la rivière du Haut au
Cap jurait plus d'utilité pour protéger le fond de la rade , empêcher de remonter
la rivière & défendre la langue de terre de fa rive gauche. Ses feux croiferaient
avec ceux des batteries du quai & avec ceux de la première des neuf batteries
qu'on voit fur le morne de l'hôpital , depuis fon extrémité au bord du chemin ,
jufqu'à environ 500 toifes dans l'Oueft. Celles-ci battent l'embouchure de la
rivière , le front de la ville au Sud & les gorges du morne de l'hôpital , foit du
côté de la ville , foit du côté de l'hôpital.
Et fi tant de rcflburces étaient infufEfantes , fi l'ennemi s'emparait du mouillage
il ferait efîentiel d'avoir pris des mefures pour en elFeéluer une qu'un utile défefpoîp
confeillerait alors, ce ferait de mettre le feu à un brûlot, qu'on aurait tenu
mouillé le plus au Nord poffible , & dont les flammes embraferaient bientôt les
vaiflcaux ennemis fur lefquels le vent du large les porterait , confondant ainli le
vainqueur & la proie dont il fe ferait , mal à propos , déjà cru maître.
Il faut cependant examiner l'hypothèfe où la plus belle , la plus riche ville
des Colonies franç.aifes ferait tombée au pouvoir de l'ennemi , & où i! faudrait
agir pour qu'il ne pût pas la conferver & s'y croire poffeffeur de la Partie du
Nord. Je le répète , quelque part que la defcente foit tentée , il faut s'y oppofer
ê* défendre le terrain pied-à-pied , avoir un ou plufieurs bataillons de chafîèurs
dccouleurqui, faifant la guerre en Tyroliens, diminueraient, fans perte pour eux, îe
nombre des affaillans ; épier les inouvemens de l'ennemi, îe harceler, furtout par
des inquiétations durant la nuit , afin d'accélérer les effets fi redoutables des pays
chauds j couper fi l'on peut fes communications & enlever fes vivres, & s'il
Tome I. Kkkk
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626 DESCRIPTION DE LA PARTIE
eft dans k Cap , l'y reflerrer le plus qu'il fera poiTible & lui difpuLer enfuîtc
h plaine ; en un mot, faire tout ce qu'une petite armée peut tenter contre une
autre qu'on ne peut fuppofer moins de quatre fois plus forte qu'elle. Ce moyen
unique , laiffera au climat le tems de déployer fa vigueur contre l'ennemi , qui
conféquemment , réfulera d'autant moins aux efforts combinés de ceux qui le
combattent au- dedans & de ceux qui feront venus d'Europe pour les fecourir.
On confidère avec raifon les gorges les plus voifincs du Cap, telles que
Sainte-Rofe , k Dondon, la Marmelade comme des afiles im.pénétrables & des
derrières fûrs. La circulation montueufe que des fentiers difficiles affurent entre
les "premières coi:pL-s des divers aculs , tels que ceux des Pins, de Samedi, à
Conit & du Trou, avec le Fond-Chevalier, Sainte-Rofe, le Dondon , la Mar-
melade , le Lim.bé , eft une reflbiirce que l'ennemi pourrait d'autant moins
couper que d'autres fentiers , encore plus impraticables , vont déboucher de
ceux là dans la Partie Efpagnole , & former autant de peints de retraite , & des
têtes d'attaque. L'a/î , h fcience , les plus grandes forces ne fauraient interdire
cette relTource.
La gorge de Sainte-Rofe eft la pofition la plus centrale de la Plaine du Cap ,
avec laquelle elle a une multitude de communications par des débouchés de
montagne. Les troupes qui feraient dans la plaine auront donc îorjours un accès
vers cette gorge, à i'Eft par la ravine à Mulâtres, l'Acui de Samedi, les
ÉcrevifTts , le Moka , les Côtekttc-s , Sainte-Suzanne & le Bois-Blanc -, à
rOueft par le Dondon , le Bonnet à l'Évêquc, le Grand-Boucan, ks Mornets
& les Périgourdins. Le pofte de la Tannerie doit devenir inexpugnable entre
ks m.ains d'un chef habile. Des retranchemens répétés, appuyés à des redoutes
h des batteries battant la gorge du Grand-Gilks & la communication allant
vers l'églife Sainte-Rofe, font des moyens dont la puiflance eft incalculable. Si
k camp de Sainte-Rofe était forcé, celui du Dondon ferait fa retraite. Le
Dondon a des communications avec ks deux auûres parties de la Colonie
françaife & avec la Colonie efpagnole.
Si après tant de foins & d'opiniâtreté la Métropole ne faifait rien pour ks
couronner , elle aurait renoncé à fa plus belle Colonie , &: ce ferait aux circonf-
tances à confeiilcr ce qu'il ferait plus utile ou moins honteux de faire.
Mais ce qu'il eft efîèntiel qu'on fe perfuade à Saint-Domingue , c'eft qu'il ne
fuSt pas de f^ire & de propofer de grandes dépenfts de fortifications; Tabandon
Jli
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 62^
auquel on a l'habitude de les livrer, furtout en tems de paix, entraîne des-
réparations ruineufes lorfque la guerre reparaît, & elles font la preuve d'un
grand défordrc. Il y a depuis plufieurs années 200,000 livres tournois affeftées
annuellement à l'entretien & à l'augmentation des fortifications , & l'emploi en
efl fait d'une manière qui n'annonce ni zèle ni prévoyance. Il faut auffi que dès
les premières nouvelles d'une rupture les r.pprovifionnemens en vivres , en
munitions & en objets de tous les genres nécelTaires aux camps de Sainte-Rofe
& du Dondon occupent la penfée.
Mais ce qui eil aufli indifpenfable que tout cela, ce qu'il faut placer en
tête de tous les moyens préfervateurs de cette précieufe Colonie , c'eft le choix
d'un chef qui mette fa gloire à la conferver à la France , qui ait affez de talens
pour ne rien laiflèr d'intenté , affez de réputation pour que l'ennemi fâche que
fes efforts pourraient être vains, & affez d'énergie pour perfuader les Colons >
par fon exemple , qu'il eft beau d'être français , & qu'en portant ce titre on a
contrafté le devoir facré de verfer fon fang pour ne le pas perdre. Un te^
homme eft plus de la moitié du fuccès. Si l'on a calculé de plus que cet homme
pouvant périr viflime du climat ou tomber fous le fer ennemi, il doit être
remplacé à l'inftant même, on aura épuifé toutes les combinaifons- qui pro-
mettent moralement un fuccès tellement important , que rien ne doit paraîcre
trop coûteux pour l'obtenir.
M
■>e"i||^'N^il|>il|>'>lMl>-'l>"t*-'*il>'l[^<l*«°"
XIII.
Paroisse de la Plaine du Nord.
Il faudra fouvent répéter la cenfure contre les dénominations coloniales i'
parce qu'il femblerait encore , d'après celle-ci , que la Plaine du Nord ou la
Plaine du Cap eft renfermée dans une feule paroiffe. On dirait qu'il eft de la
deftinée de la paroiffe que je vais décrire de changer fouvent de nom , puifqu'elle
a déjà eu ceux de paroiffe de Mouftique & de paroiffe du Morne -Rouge.
La paroiffe de la Plaine du Nord eft bornée au Septentrion par la mer , au
Midi par une partie de la paroiffe du Dondon , au Levant par la paroiffe de
la Petite- Anfe & par celle du Cap, & au Couchant par la paroiffe de l'AcuL
K k k k 2
Kl
52S DESCRIPTION DE LA PARTIE
La paroifli de la Phine du Nord qui eft peu étendue , a une forme très-
biiârre à caufe des finuorués des rivières qui lui fervent de limites à l'Eft & à
rOueft j Sr elle a cette particularité, que fes deux extrémités Nord &: Sud font
iîlontagneure&.
Cette exrrémité Nord efr k paitic Occidentale du morne du Cap dont j'ai
hit ccnnaîcre la forme & la nature.
Sa limite Eft eft dans fa partie fupérieure : la ravine des Matteux qui fe jette
dans ia rivière du Haut du Cap , a environ 3,000 toifes en ligne droite du baurcr
du même nom -, puis la rivière du Haut du Cap jufqu'à environ 500 toifes avant
d'arriver à ce bourg. De là la limite va gagner un coude du grand chemin du
Cap à l'Acul , dont elle fuit la directian pour aller chercher le point de la crête
du morne du Cap où eftfiruée Thabiration Loumeau , & defcendre la face Nord
de ce morr.e vers la mer , dans le petit Port-Français.
A rOucft, la limite eft le bord Orientai de la baie de PAcul , jufqu'à
l'embouchure de la rivière Salée, puis cette rivière & enfuite la ravine de Vîre-
â-la-Voiie, qu'une expreffion obicène décorait autrefois; de-là elle gagne une
autre ravine à environ a,ooo toifes plus haut, & va avec elle chercher la ravins
du Haut du Cap , qu'elle abandonne dés qu'elle y a trouvé l'embouchure de !a
la ravine à Trompette , pour fuivre jufques dans la montagne.
La paroilTe de la Plaine du Nord doit être confidérée comme la féconde qui a
été formiée dans la Plaine du Cap. Son églife primitive , qui exiftait avant 168 1 ,
était placée dans un endroit peu éloigné du bourg du Haut du Cap. Ccnc égiife
de la paroiffe de Mouftique était fous l'invocation de Saint- Jacques , & fon pre-
mier curé était le père Hyacinthe, dominicain. Elle fut brûlée en 1691 ; ceh'e
qui la remplaça eut le même fort en 1695, Se en 169S on n'y voyait pour temple
qu'une barraque couverte de pailles , mais alors c'était l'églife du Morne Rouge,
Scelle était au point qu'on appelé m.aintenant le carrefour ou le cabaret & qui
eft à environ 2,000 toifes , mefurées du bourg du Haut du Cap. Le regiftre pa-
roiilj.al le plus ancien remonte jufqu'à l'époque de la dévaftation ne 1695. Enfin
'AU mois de Janvier 1720, l'éghfe a été transférée au lieu où on la voit en ce
THOment. Elle eft de maçonnerie , ifolée & placée à 1,800 toifes du carrefour
ou cabaret, & prefque fur le bord du chemin qui va du Capau Grand -Boucan
& aux Périgourdins. Saint- Jacques en eft encore Te patron.
La pr-emière culture de cette paroilTe a été ceJle de l'indigo ; on y a teotç
i\
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. ^29
celle du cacao 5 & le nom de Bras-Coco,, que porte encore une petite dérivation,
de la rivière du Haut du Cap, dans le bas de cette paroilTe, n'eft venue que de ce
que ce point était planté de cacaoyers qu'on y voyait encore en 1700. Enfuite
on a adopté celles de la canne à fucre & du cafïer. On y compte aftuellement 24
fucreries , donnant environ quatre millions de fucre; 3 indigoteries; 23 cafeteries;
30 places, à vivres; 2 fours à chaux; a guildivtries.; une hatte & un entrepôt-;
pour les. denrées.
Le foî de k paroiiTe de la Plaine dn Nord ne jouit pas d'une haute réputation.
Les parties où il' pourrait être d'une nature fertile font fi noyées , que la canne n'y
arrive point à une maturité parfaite. Il y a cependant des terrains , comme celui
de l'habitation Breda,, dont la qualité eft très - recommandable ; mais d'autres
parties, furtout celles du canton du Morne-Rouge , font féches ; les cannes y font
belles , mais fans jus. L'habitation le Norm.and de Mezy , y fait néanmoins quatre
cens milliers de fucre, mais avec un mobilier confidérable , & l'habitation
Cruel, avec z^6 nègres, n'en donne que 180 milliers.
Le canton du Grand Boucan , qui eft dans la partie fupérieure dé laparoifTe,
çft terminé par k r-evers Occidental du morne du Bonnet à l'Évêque. Son afpeét
à quelque chofe d'effrayant : ce n'eft qu'un amas énorme de rochers calcaires
entre les- interftices defquels s'élèvent des arbres fuperbes & d'une dureté que
femblc indiquer ce fol agrefte , fi propre à élaborer la- nourriture que des.
feuilles & des troncs pourris leur procurent, & que- des pluies, fréquentes dif-
pofcnt à remplir cette deftination-
Ce morne n'eft qu'excavations , précipices & cavernes ; dans, ces dernières
d'iramenfes' ftalaftites annoncent un long & continuel ouvrage de la nature.
Vers le milieu de l'élévation dm morne eft un baffin ou réfervoir d'environ
cent cinquante pieds de long,, fur cinquante pieds de large. Son eau limpide
6 p,ui?e nourrit d'énormes écreviftes ,, dem crabes & de magnifiques anguilles ,.
mais la, température en eft ft froide qu'on a vainement tenté plufieurs^fois d'y-
accoutumer des poifîbns de differens genres;; on les a toujours trouvés morts
k^ lendemain. Ce baffin- eft d'une immenfe profondeur , dans les intervalles qu'yr
laiiTent des roches amoncelées les unes fur les autres & que l'œil peut y diÛin-
guer,, quoiqu'elles foient ciles^m.êmes très- éloignées de la furface.
Le mm de Grand-Boucan a été donné à: ce Heu par les boucanniers, quic
7 trouvaient une cM& aijondante- d© gibiers &• de cochons marons,.
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i
630 DESCRIPTION DE LA PARTIE
La gorge du Grand-Boucan eft une des communications de la Plaine du
Cap avec le Dondon.
La paroiffe de la Plaine du Nord cfb coupée dans plnfieurs fens, par diffé-
rens chemins, qui conduifent à la montagne, à l'Acul, au Cap & au Quartier
Morin.
C 'eft dans un point où ce dernier chemin coupe la rivière du Haut du Cap,
qu'était le pont à Pafquier ainfi appelé du nom du propriétaire de l'habitation, pla-
cée là fur la rive gauche de cette rivière. Jufqu'en 1742, qu'il n'y avait point
de chemin de l'embarcadère de la Petite Anfe au Cap, plufieurs habitans falfaient
traîifporter leurs denrées à l'embarcadère du Haut du Cap , d'oii les canots les
conduiraient dans la ville ou dans la rade; pour cela on venait traverfer la
rivière du Haut du Cap au pont à Pafquier, fi toutefois le nom de pont
convenait à un gué revêtu d'une chauffée de pierres. J'ai plufieurs ordonnances
notamment de l'année 1739 , T^' prefcrivent de réparer ce pont qui, quoique
plus utile alors , n'était pas moins négligé qu'aujourd'hui.
La rivière du Haut du Cap ou rivière à Galiffet , caufe quelquefois des
dommages par fes débordemens. Elle eft aufli , comme prefque toutes celles
de la Colonie , un fujet de querelles & de conteftations entre fes riverains ,
foit pour des prifes d'eau foit à caufe des levées deftinées à garantir de fes
irruptions.
Toute la partie Septentrionale de la paroiffe de la Plaine du Nord peut
êire regardée, comme connue du Lefleur , d'après ce que j'ai dit du maffif
du morne du Cap , dont cette partie eft un prolongement.
Quant à la côte dont elle eft bordée, on y trouve le petit Port-Français ,
qui eft à une grande demi-lieue du grand Port-Français. Son enfoncement
qui eft Nord-Oueft & Sud -Eft & d'environ 1,800 toifes plus Sud que le
fort Picolet , a 830 toifes de profondeur. Il y a un quart de lieue de la pointe
Occidentale du petit Port-Français jufqu'à la pointe à Picard , &: 1,200 toifes
de celle-ci à la pointe des Trois - Maries où font trois groffes roches qui
portent le m.ême nom ; c'eft la pointe Orientale de l'entrée de la baie de
i'Acul & l'extrémité Nord-Oueft de la paroiffe de la Plaine du Nord.
Le débarquement eft prefque impraticable fur toute cette partie de côte ,
dont des canots peuvent à peine approcher dans des tems calmes j & d'aiUeuf s
les mornes qui la forment j font, à bien dire, impénétrables.
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I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 63 1
Dans le bord Eft de la baie de l'Acul , qui eft la limite Oueft de la pa-
roific que je décris, on trouve, à environ 600 toifes de la pointe des Trois-
Maries, la batterie Graville, au point oij aboutit une efpèce de grande gorge j
puis j à une pareille diftance de la batterie , un gros monticule qui faille vers
la baie de l'Acul , & qui eft appelé le morne Rouge. Il paraît avoir donné
autrefois fon nom à toute la paroiflè , & le canton le plus voifm de ce mon-
ticule le porte encore. Après ce morne Rouge, & dans le Sud, eft un enfoncement
nommé la baie à Allain & que fuit, à 200 toifes, h batterie AUain , mife
fur un épatem^nt de mcacagne, puis vient l'embarcadère & la batterie du Maliot.
Cet enibarcadère très-ancien , contient plufieurs magafins^
En gagnant encore plus au Sud , on commence à trouver le terrain maré-
cageux que forment les eaux de la ravine de Vîte-à--la- Voile , dans toute la-
portion où le mouvement des marées lui a fait prendre le nom. de Rivièse
Salée.
Cette rivière Salée eft traverfée par ïe grand chemin de k Partie du Nord,,
vers celle de l'Oueft , & quoiqu'elle n'ait à baffe marée que 18 pouces d'eau,
elle fe gonfle dans les hautes- marées. Ses débordemens , rares il eft vrai,
Félèvent d'environ fept pieds , & on i'a- vu aller à dix pieds trois pouces eh
1785. Cette contrariété , grande pour les voyageurs , pour les voitures de charge ,
& plus encore pour les nègres , avait déterminé MM. de Reynaud & Le
Braffeur à y projetter en 1780, un pont de pierres & de briques , pour lequel
la paroiffe de l'Acul donnait lo.cco livres, celle du Limbe 6,000 & celle de
Piaifance 4,000 livres. En 1788 ,. les Adminiftrateurs y ont fait faire , d'après
ks plans de M. de Rallier, dans un point un peu inférieur à l'ancienne
paffe , un pont qui a coûté 125,000 livras , payées par la caiffe municipale. Il
eft en piles de maçonnerie avec des travées de bois & il a 14 pieds de laro-e. Il
eft regrettable que M. Renaud, l'un- des entrepreneurs, y ait mis une
aétivité à laquelle on attribue fa mort.
En fortant du pont & rentrant dans la Plaine du Nord , on t.-ouve la pente-
d'un des mamelons qui courent encore du bord Eft de la baie de l'Acul dans
le Sud. Celui-ci porte le nom de morne aux Anglais, parce qu'ils s'y arrêtèrent-
en ï6^^,en. allant au Port-de-Paix. Le chemin le franchit dans un point
qui était extrêmement roide il y a dix ans. De làla. vue s'étend jufqu'aux hau=^
teurg: de Sainte-Suzanne^
fl
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632 D E s C Pv I P T I O N DE LA PARTIE
La portion de !a paroiffe de la Plaine du Nord qui fe rapproche du C^p
a des places à vivres , des cultures & des logemens , qui annoncent qu'on eflf
dans l'étendue qu'une grande ville femble s'approprier pour fes befoins & foa
luxe.
La population de la paroiffe delà Plaine du Nord était confidérable en blancs
des qu'on commença à l'établir} malgré les pertes qu'on y avait éprouvées
en 1691 j on y comptait encore cent hommes portant armes. Elle n'en avait
guères plus en 1723 , & l'on n'y comptait â cette féconde époque que 900
efclaves; maintenant elle renferme 92 blancs dont 15 s'occupent de la pêche^
aS affranchis & environ 4,500 efclaves.
Sa milice offre 70 individus.
La Plaine du Nord eft du Quartier , du commandement & de la Séné-
chauffée du Cap.
On trouve fur fon territoire une habitation qui a appartenue à Pierre Lelgng,
que j'ai déjà eu pluficurs occafions de citer. L'une de fes defcendantes l'a fait
paffer à M. Faubeau de Mallet par fon mariage.
C'eff fur l'habitation de M. Le Normand de Mezy( dont j'ai auffi placé
.'l'éloge ailleurs ) j qu'ont été naturalifés les premiers campêches venus à Saint-
Domingue. Le plant J qui en avait été pris à la baie de Campêche même , fut
apporté su Cap vers 1730, 8c donné à M. Le Normand qui en introduifit
l'ufage fur fa fucrerie du Morne Rouge où les citronniers réuffiffaient difficilement.
Le nouveau-venu n'a pas ceflé depuis de prendre, dans les divers lieux de
Ja Colonie, la place de celui qu'il fupplée à merveille comme moyen de
^éfenfe, mais il n'en a pas le doux parfum.
On croit que cette paroiffe contient des mines, & on regarde comme cer-
tain que le canton du Morne Rouge en recèle de cuivre.
On compte de l'églife de la Plaine du Nord:
A celle du Cap . . . . • • ' ' * ' ' * 4 lieœ-i
jA celle de la Petite-Anfe ^
A celle de l'Acul i V^
X I V.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE, 63^
X I V.
Paroisse dé l'Acul. -
ÎL fauti au rifque de paraître faftidieux , fe plaindre encore de ce qu'une
paroiffe a pris un nom qui exprime à Saint-Domingue un enfoncement queU
conque. Celle-ci en avait cependant un autre que Charlevoix attribue à une
prononciation vicieufe de ^con de Luyfa , dénomination efpagnole qui figni-
fiait le havre j le port oia réfide une dame Louife, & auquel des Français
ont fuppofé une dégoûtante origine. Quoiqu'il en foit , Can de Loui/e était
devenu Camp de Louife ^ &jufqu'en 1720, on fe fervait rarement d'une autre
cxpreffion pour parler de la paroiffe aftuelle , & la baie qu'elle contient s'ap-
pelait alors Port du Camp de Louife.
Le Camp de Louife faifait partie de la paroiffe du Morne-Rougc , la plus
avancée à l'Oueft, dans la plaine du Cap en 1699, époque ou M. de Galiffet
l'en fépara & en forma la paroiffe du Camp de Louife. Pour y attirer les habitana
ou plutôt pour y retenir ceux qui s'y occupaient déjà d'élever des pourceayx >
il y fit prendre une conceffion à fon neveu & une autre aux religieux de la
Charité. Avec ces exemples il fallut moins de huit jours pour que le terrain
entier de la paroiffe eût des conceffionnaires. Un carme qui venait de la Guade-^
loupe 3 avec une nomination de MM. de Blénac & de Bégon , Adminiilrateurs-
généraux des Ifles françaifes , pour être le pafteur des paroiffes de Nippes &
du Rochelois , confentit à en être le premier caré.
M. de Charrite parvint peu après à fe rendre maître , conceffionnaire , ou
propriétaire de toute cette paroiffe , dont il revendit une grande partie eri
1716. Je ne fais pourquoi vingt ans après , cet établiffement a pris abfolumenÉ
k nom de l'Acul.
La paroiffe de l'i^cul à pour limites : au Nord , la mer ; à l'Eft , la pa-«
roiffe de la Plaine du Nord ; au Sud , des chaînes de montagnes qui lui font
communes avec le Dondoa & la Marmelade , & à l'Oueft, la paroiffe du Limbe.
Cette limite Occidentale , fixée par une ordonnance des Adminiftrateurs du
îo Odobre 1776, commence au Nord par la crête de la montagne où font
les deux coupes du Limbe 6s va, de la plus grande élévation de la grande
Tome L LUI
634 DESCRIPTION DELA PARTIE
coupe, parcourir le lommet des plus hautes montagnes , jufgu'à la coupe à
David, pour de là gagner la rivière de la Soufrière du Limbe , puis fon^bras-
drcc au point où elle en a deux, jufqu'à la limite Nord delà Marmelade.
Cette paroiiTe a, dans fa plus grande largeur, environ 4 lieues , & k double
dans fa plus grande profondeur. Son territoire plane eft peu confidérable &
le fol y eft trçs-varié. Comme toutes les autres elle eft fubdivifée en can-
tons. .Ceux de la plaine font l'embarcadère, l'Acul proprement dit, les Manquets,
les Mornets & les Périgourdins. Ceux de la montagne font , la Grande Ravdne^
la Rivière Do.-ée , les Fond-BIeux, la coupe à Mongait , la ravine à George [
la Soufrière & la coupe à David.
Ens'occupant de la partie plane, la chof^e qui s'offre la première pour ê're
cecrite , comme ia plus intéreffants & la plus frappante , eft la baie,
La baie de l'Acul qui femble être préparée par le gifTemcnt des'terres dont la
diredlion eft à-peu-près vers le Sud-Oueft , depuis la pointe à Honorât jufqu'aux
Trois Maries , & vers le Nord-Eft, depuis Tîlet du Limbe jufqu'à la p3inte
o'Icaque / commence réellement à cette dernière pointe & à celle des Trois
Maries , ^diftantes l'une de l'autre de 945 toifes. Elle a une profondeur d'environ
3j5oo toifes.
On y arrive par trois paffes : l'une entre la côte & Tîlet à Sable ^ elle ne peut
fervir qu'aux feuh bateaux ; la féconde entre l'îlet à Sable & l'îlet à Rats qui eft
pleine de reffifs & d'écueils pour de gros vailTeauxj & la troifième entre l'îlet à
Rats & la côte qui court de la pointe d'Icaque à l'embarcadère du L-imbé. Cette
troifième paffe , indépendamment de la grande caye à Phihpot qui s'étend à plus
de 2,500 toLfcs vers l'Oueft, eft parfemée de tant d'autres cayes détachées les unes
des autres , qu^il faut une grande connaiffance du local & des précautions conti-
nuelles pour arriver à l'ouverture de la baïe. A fon tour , celle-ci , foitpar fon
nam-fond connu qui a 1,600 toifes de long fur une larseur moyenne de aoo toife= •
loit par d'autres haut-fonds qui en font détachés, foit par fon peu d'eau, dès
qu'on approche à une certaine diftance de terre , offre de nouvelles difficulté^ pour
yemr mouiller même au Nord du Morne-Rouge, devant l'habitation Graville ,
point qui peut recevoir de gros b?timens.
J Le 17 Septembre i7i2,des Anglais firent une defcente dans la baie & y
enlevèrent 46 nègres à M. de Charrite & 26 à M-^!. Huchet. En 171J toute h
defenfc de cette baie ne confiftait qu'en deux corps-de-gardc dont l'un était au
8
^«ni
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 6^$
point du Morne-Rouge & l'autre à i'Acui vers l'enfoncement de la baie. Un coup
de canon tiré de chez le commandant avertiflait tout fon contour.. Dépuis on avait
mis deux pièces de canons au corps-de -garde de i'Acul pour empêcher les tenta,
tives des frégates légères , les feules auxquelles on croyait que la pafîè pût
donner acc^s.
On était même fi plein de cette confiance , qu'il n'exiftait plus de canons fur la.
baie, lorfque le 17 Avril 1748 , trois corfaires français fortant du Cap & pour-
fuivispar deux batimens de guerre anglais , l'un de 26 & l'autre de 56 canons,
fe réfugièrent dans la baie de I'Acul , bien perfuadés que la petite frégate pouvait
feule tenter d'y entrer, & étant préparés à l'aborder. Mais le vailTeau de ^è 7
vint le premier la fonde à la main , & fuivi de la frégate , il mouilla à la baie à
AHain.
Les corfaires s'échouèrent à terre fur un fond de vafe , l'allarme fut tirée &
M. de Vaudreuil , bientôt informé au Cap de ce qui fe pafTait , envoya M. de
Fontenelle & quatre canonniers ; on f)rit les plus gros canons que les corfaires
avaient déjà débarqués , on en fit une batterie fur l'habitation Pillât & elle fut en
état de ripofter au premier coup que tirèrent les vaifîèaux après avoir mouillé. ■
On fit partir du Cap 6 pièces de canon de fix fur des charrettes & 150 nègres
firent un épaulement au Morne-Rouge pour couvrir la batterie où l'on devais
mettre ces pièces. Les vaiffeaux , qui avaient tiré plus de 200 coups de canons ,
envoyèrent un parlementaire pour déclarer que fi l'on élevait une batterie aJ
Morne-Rouge , ils feraient à la terre tout le mal qu'ils pourraient. M. de
Vaudreuil qui avait été â I'Acul avec la compagnie des dragons-milices du Cap ,
Tint au' Morne-Rouge répondre à cette fanfaronade en déclarant que fous trois
heures les canons feraient montés. Les batimens ne jugeant pas prudent de les
attendre, ils mirent à la voile S;, fortirent à la nuit, après avoir perdu Çc^t
hommes. Les canons qui , à caufe des mauvais chemins , étaient arrivés trop tard ,
fervirent à former la batterie du Morne-Rouge. M. de Vaudreuil commanda en -
même - temps un retranchement à l'embarcadère à Mahot , & une batterie à
l'embarcadère de i'Acu'.
Nous ne perdîmes perfonne dans cette affaire. Le capitaine le Blanc , le phi3
ancien des trois capitaines corfaires, fit des prodiges avec fa batterie, & M. PiUat
dont tous les nègres avaient été employés à la défenfe , eut fa favane labourée par
les boulets & quelques conftruclions endommagées,
. . - I, ! II ^
•éjô DESCRIPTION DE LA PARTIE
Maintenant la baie de l'Acul eft dans un état refpeftable i 8 batteries de canons-
•& de mortiers établies dans ion contour, la précaution de réduire la paffe du
Morne-Rouge, la feule propre aux vaifleaux , à 13 pieds de profondeur , &
■des corps-de-garde pour veiller aux moindres entreprifes , ne doivent laiffer
aucune inquiétude fi;r cette baie , quoique ^on enfoncement qui n'efl que vafes
& que manglef, 8c où les canots ne peuvent aborder qu'aux embarcadères , ne foit
réellement qu'à environ 7,000 toifes du Cap. D'ailleurs , il eft impoffible ,
.comme je i'ai dit précédemment , qu'une efcadre veuille s'y hafarder.
M. de Puyfégur , qui a levé un plan de la baie de l'Acul qu'on trouve dans fon
Pilote de Saint-Domingue, a marqué la latitude de l'îiet à Rat à 19 degrés 4S
minutes, 53 fécondes, & fa longitude à 74 degrés , 48 minutes, 3^ fécondes.
Le 14 Avril 1773 , k bateau le Dromadaire , monté par fon propriétaire M,
Turon , ancien pratique , fortait de cette baie avec un léger vent de terre , pour
sller au Csp. li avait pris , comme plufieurs autres fois , la pafTe entre la pointe
à Picard & l'îiet à Sable , mais fe trouvant en calme par le travers des Trois
Maries , tz ne pouvant mouiller fur les roches , les courans le portèrent fur un
xeffifoîj en peu de tems, U fut démantelé.
La baie de i'Aculaeu l'honneur infigne de recevoir Chriftophe Colomb qui lui
ava;ic donné le nom de Port St-Thomas , parce qu'il y était entré le 21 Décembre
1492 , jour de la fête de ce Saint.
C'eft au fond de cette baie , qu'eft l'em.barcadcre de l'Acul fitué au moins
3,000 toifes plus méridional que l'extrémité Sud de la ville du Cap. Il eft peu
confidérable quoique compofé de trois établiflemens. Celui qui appartient à M.
Chânche & qui eft le principal , a de plus une guildiverie. Quelques magafms
pour entrepofer les denrées & les marchandifes en retour & quelques baraques
occupées par des pêcheurs-, donnent un air de peuplade à ce point que la privation
d'eau potable empêchera toujours de devenir important. Lorfque la mer eft libre
c'eft-à-dire, pendant la paix , il part chaque matin de cet embarcadère pour le Cap,
où ils fe rendent dans la journée, quatre pa/fagers qui font des goélettes de 25 à
30 tonneaux dont un blanc & quatre ou cinq nègres forment l'équipao-e.
Cet embarcadère très-ancienétait affermé au profit du fifc dès 1 739 & le tranfport de
îabarrique defucreétaitalors d'une gourde. En 175 2, le fermier donnait 750 Lparan.
La rivière Salée qui eft la limite Nord-Eft de la paroiffe, fervait auffi autrefois
d'embarcadère , & des acons venaient y prendre des denrées qu'ils portaient
dans ]a baie. De légères obftfudions d^s le cours de cette rivière, & la négli-
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33-.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 637
gence trop générale dans la Colonie , ont fait perdre cette utile refîburce.
Depuis , on a parlé d'en nettoyer & d'en redrefifer le lit, & l'on a même été
jufqu'à propofer de faire communiquer la rivière Salée avec la rivière du Haut
du Cap j afin qu'en tem.s de gvierre , du rnoins , on pût faire parvenir, fans
danger , dans la ville du Cap , les denrées des paroifîès de la Plaine du Nord &
de l'A cul & même du Limbe & du Port-Margot , au moyen de petits bateaux
qm n'étant plus obligés de s'écarter de la côte , comme les paffagcrs , ne cour-
raient plus k rifque de tomber au pouvoir de l'ennemi. M. Bonami avait fait , en
, 177-8 , un plan de cette opération en avouant que l'invention en appartenait à M*
Cauvet , ingénieur, & MM. de Reynaud Se Le BrafTeur s'occupaient des moyens
de le réalifer , lorfque leur intérim a cefle.
Dès qu'en quittant la rivière Salée on entre dans la paroiiTe de l'Acul , on
fe trouve devant deux ou trois maifons , dont l'une eft une petite auberge ou
cabaret, Sj-l'on eft dans dans le canton de l'Acul, proprement dit. De ce
point partent plufieurs chemins. L'un va aux mornets, l'autre vers l'égîife & un
troifième , qui eft celui de communication entre le Cap & le Port-au-Prince ,
va de l'Eft à l'Oueft en fe dirigeant fur une chaîne de montagnes. En fuivant ce
dernier, l'on traverfe d'abord la raque à Maurepas , du nom d'un ancien pro-
priétaire de ce fol , qui eft fi compare & fi boueux dans les tems de pluies ,
qu'il n'eft pas de patience dont la durée puifTe égaler celle du tems qu'on met
alors à parcourir cette raque.
Dans cette longueur , on voit fur la gauche la fucrerie Sacquenville , dont
dépend un petit tertre que l'on aflfure avoir été l'habitation d'anciens naturels de
l'île, & où l'on prétend que des calculs lucratifs ont fait détruire des tombeaux.
On y trouve encore des fétiches & des coquilles. En avançant encore, on
apperçoit quelques autres fucreries dont l'afpecl contrafte agréablement avec
celui des mornes dont on s'eft rapproché,
- Parvenu à environ 1^500 toifes du pont de la rivière Salée, le chemin royal
eft coupé par un autre chemin qui conduit depuis le haut de la paroifîè jufqu'à
i'embarcadère du fond de la baie. La rencontre des deux chemins fe trouve à
§QO toifcs dans le Sud de cet embarcadère , & à 650 toifes dans le Nord de
i'églife confacrée à la Nativité de la Vierge. Cette ég^ife eft ifolée. H y a cinq
ans qu'on l'a rétablie à neuf & que la piété des habitans en a fait un temple digne
de fon objet. Ses regiftres remontent jufqu'en 1720 feulement. Elle eft prefque
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i
6jg DESCRIPTION DE LA PARTIE
fur la même ligne Efl & Ouefl que l'églife de la Plaine du Nord , & un chemin
afièz droi!: fait parcourir les 3,000 toiles qui font entr'elles deux.
On compte de l'églife de l'Acul
A l'égUis du Limbe , , 2 I. 1/2. \ A l'églife de la Marmelade , ; 7 I^
— Dondon .5 | -_ du Cap , . . , . 4
De refpèce de carrefour dont j'ai parié, le chemin prend la direction du
Nord-Ncrd-Oueft entre la baie & une chaîne de montagnes. Apre:, qu'on y a
fait environ 1,500 toifes , on trouve une ravine de la Bellc-Hôteffe , & 150
toifes plus loin le chemin de la grande coupe du Limbe , qui par des contours
adoucis mène dans les parties fupérieures de -la plaine du Limbe & à l'éo-life de
cette paroilTc. C'eft celle que fuit le courrier du Cap au Port-au-Prince.
A partir du point où le chem.in efl coupé par celui de la grande coupe , l'on
f ntre dans le canton du Camp de Louife , où eft la route du Bas Limbe, du
Port-Margot, du Port-de-Paix & du Môle. Ce canton n'eft dans fa partie
plane , qu'une bande qui a la baie dans l'Eft & une chaîne de montaories dans
rOueft. Cette bande a une habitation de chaque côté du chemin qui le coupe
en deux parties allez égales. Quand on efl parvenu dans le Nord au point qui
correfpond à-peu-près à la pointe d'Icaque, l'une de celles de l'entrée de la
baie , le chemin contourne un épatement de mornes , & en allant un peu à
rOuell l'on ne tarde pas à trouver la petite coupe du Limbe.
C'efl le nom du fécond point par lequel on franchit la chaîne de montagnes
qui eil à l'Oueil de l'Acul & qui va par des embranchemens fucceflîfs fe
réunir à la prem.ière chaîne du Cibao. Il faut monter afîez long-tems dans une
efpèce de gorge étroite où l'on trouve des efpaces cultivés & furtout dans le
point le plus élevé , où une bananerie çonîldérable. couvre les deux croupes de
la montagne , dont l'écartement kiffe un paffage au chemin.
C'eft en gagnant le haut du canton de l'Acul vers le Sud, qu'on trouve encor-e
dans la plaine celui des Manquets , qui n'appartient à préfent qu'à la fucrerie
de Noé , parce que celle d'Héricourt lui eil réunie , puis le canton des Mornets ,
dont la dénomination indique allez la nature. Ce dernier fe termine par une
gorge de fon nom, qui commence au-deffus de l'habitation Guillemenfon &; qui
mène au Dondon. Plus à l'Ouefl efl le canton des Périgourdins , dont la gorgç
mène à la Marmelade par la coupe à Mongaut.
L'on apperçoit dans un point de la plaine de l'Acul , & à environ une lieuç
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«fin
PRA N ÇA î SE DE SA î N T - D O M î N G U E. gjp
au-deffus de l'égiife , fur l'habitation Flaville & Nogcrée , un mculin à vent , qui
frappe d'autant plus l'œil du voyageur, qu'il eft le feul de toute la plaine du Cap.
Le territoire plane de la piroifTe de l'Acul contient, dans fa totalité , 17 fucre-
^ries;:& deux qu'on établit. On peut en évaluer le produit à trois millions &
demie de fucre blanc , mais pas de la première qualité. Il y en avait d'avantage
autrefois j des pertes & des produits infuffifans en ont fait difparaîcre plufieurs
dans le voifinage de la rivière Salée. La plaine a de plus 7 guildiveries , une
tuilerie-briqueterie & 2 entrepôts , l'un au pied des Mornets & l'autre au pied
des Périgourdins , pour recevoir les denrées des mornes & les provifions qu'il-s
tirent du Cap.
Les cantons montagneux renferment environ 100 cafeterfes & autant de-
places -à-vivres. Ils n'ont pas tous un fol égal. Plufieurs font très-,propres
à la culture du cafier, & confidérés même comme très-fertiles : tels font
•le haut des Mornets, la rivière Dorée, les Fond-BIeux & la coupe à David.
Ceux des Périgourdins , de la Grande ravine, de la ravine à Georges & de là
Soufrière ne conviennent point à cet arbufte , & plufieurs habitans en ont fait
une coûteufe expérience. Mais les vivres du pays y réumfTent bien. Ces cantons
feraient encore plus frudueufement employés en pacage pour les animaux qui
y viennent tous avec fuccês.
Au Sud de laparoiffe & prefqueau haut de la montagne qui la fépare d'avec
leDondon, fe trouve une fout ce très-abondante dont l'eau tombe de rochers
en rochers j plufieurs ruifleaux fe réuniffent è fon cours dans la gorge des
mornets, & arrivée dans la plaine c'eft la rivière du Haut du Cap, parce que
fon embouchure eft au Cap; ou la rivière à Galifet, parce qu'elle traverfe les
trois fucreries de ce nom. Ses eaux , que les plus grandes féchereffes ne réduifent
qu'à la moitié de leur volume , font mouvoir fept moulins à fucrc dont deux
font de la paroiffe de l'Acul.
Peut-être un travail hydraulique fur cette paroiffe , très-coupé par des ravines
des ruiffeaux, lui procureroit-il des avantages dont elle a befoin , & par exemple
celui de rendre les parties noyées du bord de la baie propres à la culture de la-
canne à fucre.
, La paroiffe de l'Acul a, comparativement a fa furface, beaucoup de chemia^
,à entretenir. On en compte 32,465 toifes , foit royaux , foit de communication
■ En i688 , la milice y était de 5 1 hommes , en 1723 de 99 , & à prélcnt elk-
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640 DESCRIPTION DE LA PARTIE
La population totale de h paroifle ( où l'on ne comptait que 950 nègres ea
1723 ), eft dans la plaine de 130 blancs & 3,500 efclaves , & dans les mornes
de 95 blancs, 200 affranchis & 1,500 efclaves. Total, 6,425 individus.
Le Camp de Louile devenu l'Acul, ed le lieu où l'on prétend que la lèprfe
ou réléphantiafis s'eft montré pour la première fois dans la Colonie françaife.
Cette affreufe maladie 7 parut en 1709, & d'après une vifite ordonnée par deux
arrêts du Confcil du Cap, le 5 Mai 1710 & le 3 Mars 171 1 , & faite par un
médecin & deux chirurgiens , on trouva qu'elle était l'affligeant partage de 28
familles ; & elle s'était propagée à Bayaha & au Trou. Était-elle venue , comme
quelques-uns le difaient, de l'île Saint-Chriflophe ? Était-elle un des effets d«
la nourriture principale des habirans de l'Acul , qui élevaient beaucoup de
cochons ? Était-elle enfin un argument pour ceux qui rejettant l'étymologie
de Charlcvoix quant au nom du lieu, en adoptaient une qu'ils attribuaient
à la plus honteufe débauche, & qu'autorifaient les noms dégoûtans que
portent encore quelques ravines. Le tems n'a rien refpefté de ce qui pourrait
donner des lumières fur ce point ; mais je trouve doux d'avoir à dire que de
charmantes Créoles de cette paroifle prouvent , par leurs attraits comme par
leurs vertus , que le féjour qu'elles habitent ne doit plus nourrir aucune pré-
vention défavorable.
On eft redevable à un habitant de l'Acul, nom.m.é Michel Périgord , d'avoir
eflayé, au commencement de ce fiècîe, de faire ufage de l'efpèce d'indigo appelé
Htard-, maron ou /^a-u^^é-, qui , quoique moins etlimé à plufieurs égards que
\\n'^\%o franc ^ multiplie cependant les reflburces de la Colonie. Mais depuis
J776 cette utile plante a prefque difparu par l'effet d'une maladie qui l'anéantit
U dont je parlerai à la defçription des paroilïès où fâ deftruétion s'eft mani-
feflée d'abord.
Les cacaoyers ont été long-tems une culture très-lucrative à TAcul, &
Charlevoix rapporte, d'après un mémoire de Le Pers, qu'en 17 14 un feuî
habitant appelé Chambillac en pofTédait vingt mille.
L'çpizootie a caufé de grands ravages dans la paroiffe de l'AcuL Elle y paffa
de l'habitation Ca^ré , du Quartier-Morin , fur celle Du Paty, qui, dirigées par
le même Adminiftrateur , avaient entr'elles des communications fréquentes. En
trois mois la fucrerie Du Paty perdit , en 1772 , 80 mulets , fans compter les
chevaux & les boeufs. Les fucreries la Plaigi^ . SacaaviBe & Macarty eurent
aufTi de grandes pertes d'animaux.
L'Acul
rt^T"
n'\
FRANÇAISE DESAINT-DOMINGUE. 641
L'Acul a vu naître M, Mercier DuPaty , mert tréforier de France & men:ibre .
de l'Académie de la Rochelle. Dans les mémoires plubliés par cette compagnie
favante en 1752, on en trouve un de M. DuPaty , lu le 5 Mai 1750 , fur les
bouchots à moules , pour fervir à l'Kiftoire naturelle du pays d'Aunis , oij il
parle des vers qui piquent les vaifîèaux. M. Mercier Du Paty était père de M.
le prcfidentDu Paty, dont la perte récente (en 1788) afflige encore tous ceux qui
défirent , au nom de l'humanité , une réforme dans nos loix criminelles.
\/^â
M
QJJ ARTTER DULIMBÉ.
XV.' ^
"ParoisseduLimbê.
■ Le Limbe a la mer au Nord ; au Sud une chaîne des montagnes dépendantes
de la première chaîne qui va du Ci bao vers le Port-de-Paix , & qui féparent
le Limbe d'avec la Marmelade & Plaifance ; à l'Eft une chaîne de montagnes
fecondaires qui vont de le mer jufqu'à la rencontre de la première chaîne du
Cibao , dans la. direélion du Nord au Sud , en féparant le Limbe de l' Acul , &
à rOueft encore une chaîne fecondaire femblable, qui eft la limite entre le
Limbe & le Port-Margot.
- Ce n'eft que vers 1712 qu'on a fongé â s'établir au Limbe, & encore en
17 15, les perfonnes qui l'habitaient de pendaient-elles de la parolffe de l' Acul. Cette
dernière paroiffe avait alors le P. Le Pers pour curé, qui exerçant fon goût pour la
formation de nouvelles paroiffes , acheta un terrain au Limbe moyennant Î15 1.,
pour y faire conftruire une chapelle. Ce local fe trouva dépendre de la conceffion
d'un M. Le Tellier , mais M. Barrère , lieutenant de roi du Cap , y fuppléa par
la conceffion d'un autre terrain. Le 2 Septem.bre 1715 j on confacra la chapelle
fous l'invocation de Saint-Pierre , dans l'endroit même où eil le bourg actuel.
La paroiffe a des afles qui remontent jufqu'à c.tl'iQ^ époque de 1715 , mais ils'
©nt été tenus avec beaucoup d'irrégularité , & il eft plufieurs longues lacunes
pendant lefquelles les regiftres n'ont, par exemple, rien de relatif aux baptê-
mes , aux mariages & aux inhumations des efclay es. •
• Pour accélérer le défrichement du Limbe , tous les terrains en furent réunis
Tome L M m. m en
*
1
ï
«42 DESCRIPTION DE LA PARTIE
le 3 Décembre 1715 j mais par un abus beaucoup trop commun alors, la ma-
jeure partie de la plaine du Limbe fut concédée à un feul individu, & cette
individu était M. de Brach , lieutenar.t de roi à Léogane. Il n'y avait donc que
des commencemens débattes en 17 16, & le 14 Septembre 1717 , les Admi-
niftrateurs furent encore obligés de réunir tout ce qui e'tait reîlé fan^ nul éta-
blifîement.
Le Limbé eft maintenant une paroifle confidérable , compofée d'une partie
plane & d'une partie montagneufe. La plaine qui a environ une lieue de lar^e
de l'Eft à rOueft^ fur trois lieues & demie de profondeur Nord & Sud, eft
arrofée par une grande rivière formée par les eaux de plufieurs ravines fortant
de diverfes gorges de montagnes, & dont la principale prend, comme je
l'ai dit , fa fource dans la paroifle de la Marmelade & parcourt environ quinze-
lieues avant d'arriver à la mer. On la nomme rivière Rouge , mais plus com-
munément rivière du Litiîbé. Ses débordemens font très-fréquens depuis le mois
de Novembre jufqu'au mois de Mars, & l'on cite particulièrement celui du
mois d'Oftobre 172.2. Ils font occafionnés par la réunion des pluies d^orage &
de celles qu'amènent les Nords. Alors k rivière , comme on l'a encore vu en
1783 > furmonte fes écores & va ravager les cultures que l'on n'a pas pris foin
de protéger par des digues & des levées. Elle ne tarit jamais & nourrit des carpes-,
fort délicates.
En obfervant qu'on trouve dans toute cette plaine des portions d'arbres &
des feuilles à 12, 15 & même 18 pieds de profondeur, il eft impofllble de ne
pas croire que la plaine du Limbé a été originairement couverte par la mer &
qu'on doit à la rivière le remblai qui forme le beau terrain qu'on y voir. Et'
en confîdérant combien- ces parties végétales enfouies font encore confervées ,.
on doit penfer que ce travail des eaux n'eft pas très- ancien..
Les points afTcz élevés pour que la rivière n'ait pas pu les atteindre dan^ fes-
débordemens , Ibnt d'une m.auvaife qualité & d'une nature argileufe.
D'un autre côcé , l'éloignement plus ou moins grand des montagnes qui ter-
minent cette plaine au Sud^ influe aufîî fur la bonté du fol. On peut même
regarder comm.e un moyen siîr pour apprécier cette bonté , l'ordre dans lequel
les torrens forment fucceffiTement leurs dépôts. Les galets ou graviers les plus
^ros font dépoféi par eux près de leurs fources , comme plus pefans , puis
Yien.oent ki fables & enfuite ie-s parties terreufes qui pouvant fe foutenir mêlées-
«■I»|H'
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^HANCAÏSE DE SAINT-DOMINGUE.
é43
aux eaux , ne font dépofées que dans les endroits où ces mêmes eaux nappent,
en quelque forte , en perdant leur vîceffe , c'elt-à-dire , près de la mer.
Mais fi dan-s ce fyftême les terrains voifins des grandes montagnes font les
moins favorifées par le fol , ce défavantage eft cependant balancé par les pluies
d'orage qui y tombent plus fréquemment & avec plus d'abondance.
L'on divife la plaine du Limbe en deux parties j favoir : le Haut Limbe ,
qui eft la plus proche des montagnes au Sud) elle contient i6 fucreries ; & le Bas
Limbe qui eft vers la mer , & où font fix fucreries. Ces deux parties font
féparées par la rivière qui , â environ une lieue de la mer , coupe en quelque
forte la plaine en allant du pied des montagnes de l'Eft chercher le pied de celles
■de rOueft.
En général les terres de la plaine du Limbe font d'une excellente qualité &
fufceptibles de toutes les cultures. On y avait autrefois beaucoup d'indigo qui
y devenait très-beau , mais les infedles -qui détruifent cette plante , ont déter-
miné tous les habitans > qui en avaient le moyen , à lui préférer la canne à
fucre. De manière que prefque toute la plaine du Limbe eft occupée par des
■fucreries. Les 22 qu'elle contient & dont 13 ont des moulins à eau, donnent
annuellement environ quatre millions cinq cens milliers de fucre blanc , dont la
moitié eft produite par les 16 fucreries du Haut Limbe, & l'autre moidé par
les fix fucreries du Bas Limbe. Avec plus de cultivateurs la plaine verrait encore
fon produit s'augmenter.
Lorfqu'on vient du Cap, on arrive, comme le dit la Defcription de l'Acul,
par deux gorges ou coupes. A environ une lieue de la cime de la chaîne que
franchit la grande coupe qui va au Haut Limbe , eft le bourg où eft l'églife qui
a été conftruite plufieurs fois en bois qui pourrifîent très-vîte à caufe de l'hu-
midité. On en projeté une de maçonnerie , mais aétuellement une grande café,
partagée en deux , fert à la fois &-de temple du Seigneur & de logement à fon
miniftre. Une vingtaine de mauvaifes cafés couvertes de pailles ou d'effentes ,
forment là une efpèce de bourg où réfident des ouvriers , des marchands Se des
cabaretiers , & où tin aubergifte nommé Roffignol , loue des chaifes attelées
pour aller au Cap ^ à. 66 liv. par jour , & des chevaux fellés pour la moitié
de ce prix. Prés du bourg , le grand chemin qui va du Cap au Port-au-Prince ,
traverfe la rivière qui , plus d'une fois , a mis le courrier en grand péril , & qui ,
chaque année, coûte la vie à quelque imprudent. Elle emporta le bourg prefque
en totalité en 1744. M m m m 2
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€44. D'ESCRIPTIOIsr DE LA PARTIE
Si l'on arrive par la petite coupe , on paffe le chemin qui conduit au Port- de-
Paix ; dès qu'on tit au fommet de la chaîne , limite de l' Acul & du Limbe ,
il s'offre un nouveau fpeélacle dans la plaine fertile du Bas Limbe, dont le
lointain qui iêmble artiftement ménagé par la nature , forme un effet pittoref-
que. Le voyageur en ferait enchanté s'il ne remarquait pas qu'il n'a pour y
defcendre qu'un chemin hériffé de pierres mobiles ou encore incruftées dans
Je loi qui forccn: les voitures à aller par laults & par bonds jufqu'au pied de la-
montagne. E;î vain chercherait-on à rendre la voie plus facile. Si l'on déplace
■les pierres 3 les pluies en enlevant la terre qui en couvre d'autres les laiffent
bientôt à découvert , 5c cette montagne inépuifabies en pierres calcaires , pro-
met de lailèr la patience des hom^mes encore quelques fiècles. Il ferait donc
plus fage de chercher un autre chemin , & peut-être eft-ce le long du rivage
qu'il faut le choifir , parce que de greffes pierres qui s'y trouvent permettraient
de former une levée de la plus grande folidité.
Il y a auffi un grand chemi.i de voiture qui fait communiquer entr'eux le
Haut &c le Bas Limbe.
Après le bourg & la paiTe de la rivière , le chemin du Port-au-Prince fuie
la plaine qui le rétrécit en fe dirigeant vers le Sud-Ouell, & il va ainfi
chercher la gorge de la Grande ravine oii coule réellement une grande ravine
qui a aufli des carpes & qu'il faut paffer trois fois. On rencontre ,■ dans cet
intervalle j des fucreries, dont celle Chabaud eft la dernière. On a de chaque
-x:ûté quelques indigoteries , ou bien des cafeteries dont les établifTemens font
■fur la portion plane & les cafiers dans des enfoncemens que laiffent l'extrémité
des épatemens de montagnes ou fur les pentes plus ou moins adoucies de ces der-
nières. Dans quelques points font auffi des entrepôts pour recevoir les denrées
des mianufaélures des montagnes , ou les objets utiles qu'elles attendent du
Cap. Le taux aftuel des charrois de cet entrepôt peut être connu en fâchant
cu'on paye quatre piaîlres-gourdes celui d'un millier de café de ces entrepôts,
a l'embarcadère du Limbe. Enfin l'on arrive au pied de la coupe de Plaifance
qu'il fallait gravir â cheval & avec effort , avant qu'on n'eût fait une route
praùcable aux voitures qui conduifent à Plaifance j & là finit la plaine du'
Limbe.
Les cantons de la partie montueufê de la paroifîê du Linibé font , en allant de-
VEft dans l'Oued, l'Acuî à Jean-Raux, la Ravine des Roches, la Soufrière
MilM li.'WIli|Ml
FRANÇAISE' DE SAINT-DOMINGUE. 64^
du Limbe , partie de la Grande ravine , le Boucan à Guimby , l'IUet-à-Corne.
le Morne à Deux-Têtes, la rivière Rouge & partie de la Coupe-à-N,o6. Le
cafter & les vivres du pays y réufilfîènt parfaitement.
On compte dans ces montagnes ou dans les gorges qu'elles forment, 124.
cafeteries , 13 indigoteries &-79 places à vivres. Il y a auffi dans la paroifle trois-,
manufactures qui font des pots , des briques & des tuiles, &: la paroiiTe à 4
guildiveries.
La coupe de Plaifance eft longue parce que le chemin a été pratiqué dans
la croupe mêaie de la montagne , & qu'il n'a pas été pclTible de lui donner une
pente extrêmement adoucie. Mais ceux qui ont paflë dans celle où l'on n'allait
qu'à cheval & qui eft fur la gauche de la nouvelle qu'on vient de terminer,
trouvent celle-ci bien douce. Ce chemin dans fes diredions différentes & quel-
quefois oppofées, montre des établiflemcns qu'on atteint fucceflivement &
au-deffus defquels on eil prefque furpris de fe trouver , lorfqu'après avoir
monté plus de 5,000 -toifes , on a pu parvenir au fommct de la crête qui eft,
le point le pius élevé de cette coupe & celui qui fert de limite aux deux
paroiffes du Limbe & de Plaifance. Arrivé là, l'œil contemple avec étonnement
la maffe énorme de montagnes qui s'offrent de toute part , U dont plufieur*
ont des afpefts volcanifés ; qui lemblent amoncelées les unes fur les autres, &.
qui , dans leurs pentes plus ou moins rapides, dans les intervalles étroits qu'elles
laiffent entr'ellcs , & qu'on pourrait prendre pour des précipices, offrent la
preuve de l'induftrie de l'homme. Le plttorefque de cette fituaiion s'accroît
par la vue de la Grande ravine du Limbe , du bord de laquelle on a commencé
à o-ravir la' coupe & que l'on apperçoit alors dans les différentes gorges , paffant
dans le canton de l'Iflet-à-Corne & donnant dans le lointain la mefure de la
hauteur à laquelle on eft parvenu. Lorfqu'on eft ftir la cime on éprouve une
fenfation qu'on ferait tenté d'appeler froide.
De toutes les paroiffes de la Partie du Nord de la Colonie , celle du Limbe
eft la plus favorifée par les pluies. Au mois d'Avril 1766, elles y causèrent
de grands dégâts. Le 25 elles furent accompagnées de coups de tonnerre
affreux , le même jour , le courrier allant du Cap au Môle , perdit fes.
paquets dans la rivière ; & le 26 à neuf heures quelques minutes du foir la
terre trembla. On a calculé que du 1". Avril 1783 au dernier Mars 1784, il y-
était tombé 17 pieds , 7 pouces, 8 lignes d'eau, Si ces pluies font nuifihles.
■i
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I
i
64,6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
quelquefois par leur trop grande abondance , les habitans font dédommagés
de cet inconvénient , parce qu'ils n'éprouvent point les fécherefles qui défclent
fi fréquemment les autres lieux par les difettes de vivres, toujours fi défaf-
treufes. Cependant la iechereffe de 1786 y a été doulcureufement fentie.
La fituation de la Plaine du Limbe , entourée de montagnes & traverféc
par une grande rivière . y rend l'air froid & humide. Le thermomètre de
Réaumur y eft prefque toujours deux degrés plus bas qu'au Cap. Cepen-
dant le féjour en eft fain pour les blancs, mais les nègres y font fujets à
dfs maladies de poitrine , dont des tranfpirations fupprimées font la plus
fréquente caufe.
Les montagnes qui bordent le Limbe font encore affez garnies de bois.
Les parties les plus voillnes de la wçr en ont d'excellens , appelés boi? in-
corruptibles. Celles qui font au contraire à une lieue & plus de la mer,
né portent que des bois miOus , dont quelques-uns peuvent néanmoins fervir
à des charpentes couvertes ou être em^ployés en merrain.
Les deux chaînes de montagnes de TEft & de l'Oueft de la paroi ffe, n'oni
que des pierres calcaires calcinables , depuis le rivage jufqu'à environ une
lieue' en gagnant dans le Sud. A partir de là jufqu'à la grande chaîne , il n'y
a plus de pierres calcaires.
Le Limbe recèle probablemient des mines de divers genres. Vers 1763 ,
un habitant , en faifant creufer pour conftruire une éclufe fur la rivière du
Limbe , découvrit une mine de lapis lazuli. Il en envoya à Paris plufieurs
morceaux qui furent reconnus pour être de h m^ême nature que la pierre
d'azur Orientale avec laquelle on prépare le beau bleu appelé Outremer.
On trouve de l'ocre dans les hauteurs de la Grande ravine, près l'Iflet-à-
Corne.
Sur la rive droite de la Grande ravine & vis-à-vis l'habitation Glier , eft
une grofle pierre qui paraît être une ophite ou ferpentin , fur laquelle font
plufieurs figures humaines groffièrement faites , mais . profondement gravées
dans la pierre même. On attribue" ce travail aux anciens naturels &, pour cette
raifon, cette pierre porte le nom de Floche à rinde.
Non loin de là, & fur l'habitation Chabaud,efl un efpace qui paraît avoir
été applani de main d'homme. On y remarque les relies d'une terraiTe & J'ott
trouve dans les environs une grande quantité de fétiches indiens.
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' .■ FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 647
Il eft tems de parler de la côte de cette paroifle. A partir de la peinte
^d'Icaque -, qui forme l'entrée Nord-Oueft de la baie de l'Acul , jufqu'à celle
du Limbe, il y a beaucoup de haut-fonds & de reflîfs. C'eft à 1,360 toifes
de la pointe d'Icaque , que commence la limite du Limbe , dont l'embar-
cadère eft à deux lieues encore plus à l'Oueft,
Cet embarcadère , adopté depuis long-tem& par les habitans , n'a reçu qu'en:
1748, par les ordres de M. de Vaudreuil , après l'entrée des deux bâtimens
dans la baie de l'Acul, la batterie projetée par M. de Larnage en 1742,
On avait cependant déjà fait du paffage qui y était établi, l'objet d'une ferme,
que je trouve adjugée, le 3 Mai 1743, par l'ordonnateur du Cap, à M. Burgaut^
avec celle des pafTages de l'Acul & du Fort-Dauphin. Le tarif de ce pafîao-e
était alors de 2 livres 5 fous par libre, de moitié pour un efclave,, d'une gourde
par barrique de fucre , &c. La ferme fut de 3,000 liv, en 1752. Autorifés par
les Adminiftrateurs du Cap, le 4 Mars 1751, les habitans firent à cet embarcadêr.-î
une chauffée qu'ils cédèrent à M. Delfaut, d'après une autorifation des Adminiftra-
teurs-généraux ,. du 27 Avril 1762, & qui eft poffédée ea ce moment par M..
de Pont.
L'emb^-cadère du Limbe a aéluellement 33 nraifons. Ti en a malheureufement
quelques-unes couvertes de paille , ce qui les menace toutes d'incendie. Au-
devant de l'embarcadère , M. de Pont , pour faciliter les chargemens & les
déchargemens & être indépendant de l'époque de la haute mer qui , lorfqu'elle
arrivait la nuit y donnait aux nègres la fatigue des veilles, a fait combler en
roches 180 pieds, 8c a mis au bout de ce remblai une jettée ou calle de bois
de 86 pieds, a l'extrémité de laquelle eft. une grue q^ui facilite encore k^
opérations,.
A 160 toifes dans l'Eft de l'embarcadëre , eft l'îlet du Limbe qui a 170 toifcs
de long du Nord au Sud fur 140 toiles de large. Comme il eft de nature calcaire ,
JM. Blay & M. de Pont ont obtenu , le premier fous M. de Belzunce , le fécond
en 1783 , la permiffion d'y établir un four à chajx. Celui de ce dernier , le feul
qui loiten aftivité donne jufqu'à 5,000 barils de chaux par fournée. Entre l'îlet
du Limbe & la pointe Eft du m.orne à Marigot , font deux autres petits îlets donc
le plus grand qui eft dans l'Eft b.qnt les groffeo mers furmontent , eft nom-
mée la Roche-Pauvre. On ne trouve qu'une paUc pour des canots entre ces;
derniers îlets»
A.,ij
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1
S!
648 DESCRIPTION DE LA PARTIE
L'embarcadère du Limbe a le défavantage d'être fous Te vent du Cap. Les
bateaux-paffagers qui portent les denrées , ont donc prefque toujours le vent
contraire pour fc rendre dans cette ville , ce qui les oblige î. courir une première
bordée fort au hr^e , afin de B'élever au vent , & de tâcher d'entrer au Cap à la
féconde , & dans l'intervalle d'urne demi-journée. Mais en tems de guerre ils
font forcés d'aller de terre à terre & fouvent encore ils relâchent au Port-Français.
L'embarcadère du Limbe eft d'un grand fecojrs aux caboteurs qui y ont bonne
tenue. L'îlet du Limbe le défend au Nord , le morne du Marigot au Nord-Oueft
&, les reffifs à l'Eil. Si un corfaire ennemi tentait d'y entrer avec la brife favorable
du vent du large , m.algré la batterie de 6 pièces de canons à laquelle il faut
préfenter le devant en donnant dans la paffe, il ne pourrait plus en fortîr que la
nuit parce qu'il faudrait y attendre la brife de terre ; & dans l'intervalle , les forces
• armées de h paroiiTe qui fe réuniraient , ne lui permettraient plus d'effeéluer cettç
réfolution.
Les vigies pofées pendant la guerre fur deux petites montagnes , au pied
defquelles effc i'em.bârcadère du Limbe , avertiffent les caboteurs de la préfence
de l'ennemi & ils prennent alors les mouillages qui font le plus à leur portée. C'eft:
à ces vigies qu'on doit attribuer de n'avoir perdu aucun des quatre pafîagers du
Limbe 'qui font des bateaux de 70 à 80 tonneaux, dont deux font à M. Elay &
deux à M. de Pont. Ces propriétaires ont des magafins où l'on entrepofe les
denrées du Limbe & m.êmes celles de Plaifance. Un blanc pafîager y paye une
gourde ; un nègre , un quart de gourde ou gourdin -, une barrique de fucre ,
3 gourdes ; une de vin , 9 livres ; un baril de farine , 3 livres ; un faç de café ,
trente fous ; le refce à proportion.
On pourrait donner aifém.ent à l'embarcadère du Limbe , un filet d'eau pris
dans le caiïal de Thabitation Lavaud. Cette eau fervirait aufîi aux caboteurs que
ce m.ouillage reçoit & qui la paient aux nègres à raifon d'un efcalin par fceau.
On trouve 210 toifes de l'embarcadère du Limbe jufqu'à la pointe Eft du morne
à Mario-ot & 350 jufqu'à la pointe Oueft du même morne. Toute cette partie
de côte eft bordée d'un reffif à fieur d'eau , qui la rend d'un accès très-diiiicile.
- Le m.orne à ?4arigot forme la pointe Eft de l'anfe du même nom , qui â
3,810 toiics j'jfqu'au morne à Manioc qui la termine a l'Oueft. La fièche de
l'anfe eft d'environ 850 toifes & l'embouchure de la rivière du Limbe s'y trouve
à 810 toifes du morne à Marigot. Il y a au milieu de cette anfe .un haut-fond
confidérabk
BVyr*m<rw*F
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 649
confidérable des deux côtés duquel on paffe , mais le meilleur eft celui de l'Eft.
Le mouillage y eft très-expofé au Nord.
Du morne à Manioc jufqu'à la pointe Eft de l'anfe du Port-Margot où finît k
paroifle du Limbe , il y a 240 toifes , mais toutes de côtes de fer.
La population totale de la paroifîè du Limbe eft de 300 blancs , 200 affranchis
& environ 5,000 nègres.
La milice y compte 250 hommes portant armes.
Quoique l'églife du Limbe ne foit qu'à 4 lieues & demie de celle du Cap , en
ligne droite , il y a réellement par le chemin :
De cette égîife au Cap , .... 6 lieues. De cette églife à celle du Port-Margot, 3 lieues.
» — à celle de l'Acul , . 3 ■ ■ de Plaifance, . 7
Le Limbe donne fon nom à un Quartier dont dépendent les paroifles du Limbéj
de Plaifance , du Port-Margot & du Borgne.
Il eft du commandement & de la SénéchaufTée du Cap. '
Il n'eft aucune paroiffe de la Colonie qui ait à fe glorifier autant que celle da
Limbe, de l'influence de l'un de fes habitans fur la profpérité de Saint-Domingue
français. En difant ces paroles , tous les hommes juftes , l'envie elle-même
liomment à la fois M. Belin de Villeneuve.
M. (Paul) Belin de Villeneuve eft le premier , pour ne pas dire le feul , qui fe
foit occupé 3 avec fuccèi , de perfcétionner l'art du fucre. Il eft réfulté de les
recherches , une théorie sûre.
Le canton du Bas Limbe était décrié , autant par fon peu de produit , que par
la mauvaife qualité dç fes productions. M. Belin y achète , en fociéte avec M.
Raby , une habitation ; il prouve que les connaifîances feules manquaient ; lesf
eaux qui nuifaient font contenues Se évacuées , & un lieu cité comme incapable
, de nourrir des cannes , devient le fitc d'une immenfe fucrerie. On l'imite , même
en le cenfurant , & le Limbe a changé de face.
La fupériorité de la manufafture de M. Belin lui attire bientôt des perfonnes
qui viennent y chercher l'inftruftion. Elles y font accueiUis avec cmpreflèment
& fi toutes n'emportent pas des connailfanccs théoriques parfaites , elles vont
montrer que leur pratique les met au-delTus des autres fabricateurs , & on ditj,
pour louer un rafineur : C'efi ifn élève de Belin. Cette pratique , il l'a même fi bien
éclairée , que des nègres ont pu , avec elle feule , obtenir des réfultats heureujf.
Avant les procédés de M. Behn , les formes de fucre fabriquées à Saint-
Tome I, N n n n
>-s.3mL.
M
é^o D E s C R I P T I O N D E LA PARTIE
Domingue ne pefaient que 28 liv. D'après fes procédés, elles vont à 40 liv.
ce même plus; le fucre eft plus beau, on tire partie de toutes les matières qui
étaient perdues auparavant, les firops amers donnent de meilleur efprit ardent ,
parce que le principe fucré n'eft pas détruit par les erreurs de la fabrique. Qu'on
calcule combien il fe fait de formes de fucre à Saint-Domingue , qu'on remarque
qu'il en eft un quart qu'on doit aux lumières de M. Belin , & l'on pourra
apprécier alors de combien la Colonie & l'État lui-même fjnt redevables à ce
-colon depuis trente ans.
Ce n'eft p-s tout. En 1769, M. Belin au lieu de trois cylindres égaux
qu'avaient les moulins à fucre, a donné un tiers de plus i|k^iamètre des cylin-
dres latéraux , & celui du centre a communiqué la même fomme de mouvement
avec un ders de moins dans la force motrice , avantage énorme quand celle-ci
eft produite par des animaux. ,
Il a reftifié les fourneaux des chaudières , qu'on ne pouvait débarraffer de
leurs cendres fans arrêter le feu , ce qui diminuait l'aftion de cet agent. Il a
imaginé depuis encore \m nouvel équipage qui hâte confidérablement la fabri-
cation d'une quantitée donnée de fucre. Se on fait chez lui 172 formes par
24 heures. Il a perfec1:ionné les coffres à étuve (*) & amélioré la diftribution
des bâtimens qu'on employé dans une manufacture à fucre , de manière à am-
plifier la m.ain-d'ceuvre ; on lui doit un moulin à préparer la terre pour le
terrage du fucre , & la démonftration qu'il eft infenfé de faire venir de France
une terre argileufe blanche pour cet ufage. Enfin dans la culture , dans l'admi-
niftradon & la conduite d'un immen'e atelier, M. Belin s'eft montré comme
dans l'art du fjcre , & le perfeftionnement des machines , d'autant plus dignes
d'éloges , que et qu'il fait il l'a appris lui-même , & que toute fa renomm.ée eft
à lui comme fes talens.
Le gouvernement lui a accordé, au mois de Juillet 1777, des lettres de
(*) C'cftlci le cas de dire qu'onn'avait pu obtenir jufqu'en 1786 qae de maui-aispivots , mais
MM. Pacolta , de Nantes , en ont fiit exécuter d'excellens pour M. Belin & pour M. Verret.
Ils ont aufîi des tambours qui ont le fini des pièces d'orfèvrie & qui font fupérie
îurs a ceux
d'Angleterre, qu'on ne polit q a 'extérieurement tandis que l'intérieur elî plein de défauts & d'inéga-
lités. Ces tanùjours font d'excellente matière , ainfi que les chaudières à fucre de la même manu-
faûure.
MM. Dacolla procurent, en outre , fur un modèle de M. Belin , fes nouveaux coff;es à étuye.
,J
FRANÇAISE DE S AI N T - D O M I N G U E. 651
noblefle , que fans doute un jour hs defcendans de quelque dévaftateur d'une
contrée , qui en a obtenu aufli , fe croira en droit de dédaigner ; mais Ci l'utilité
eft le caractère de la vraie gloire j celle de M. Belin nous femble bien faite
pour fervir de bafe à l'orgueil , puifqu'on veut qu'il entre dans tout.
Je dois au caraflère obligeant de M. Belin , à fon amitié pour moi & plus
encore à fon penchant pour les vues qui m'animent, des principes , des règles
& des obfervations fur toutes les parties qui conftituent le cultivateur colonial.
Je les ai recueillis dans de longs & nombreux entretiens, dans des léjours
renouvelles iur l'habitation miême , oîi la démonftration fuivait la théorie. Il a
revu ma rédaélion. Un jour viendra fans doute où je les offrirai au Public, pour
qui je les ai recherchés , 8*. ce fera un nouveau bienfait de l'homme que h
médiocrité a attaqué de cent manières , Se toujours fans confidérer qu'il aurait
fallu frapper trop haut pour qu'elle put l'atteindre. Qu'elle fâche que tant qu'elle
n'aura pas à citer un exemple qui l'emporte fur celui de M. Belin , faifant au
Bas Limbe y avec 165 carreaux de cannes, 650 nriilliers de flicre , d'une qualité
que nulle autre fucrerie du m.ême lieu n'égale , fes clameur? ne feront qu'infen-
fées. J'en appelé à la multitude de perfonnes qui ont été voir, fur l'habitation
de M. Belin , ce que c'cft qu'une fucrerie où de grands talens mettent leur
empreinte fur tout (*).
Qu'il efi: pénible , après avoir cité un être dont toute la vie eft une férié
d'aéles recommandables , d'être obligé d'en nommer un dont l'atroce exiftence a
été un fléau pour l'humanité.
C'eft de l'habitation de M. le Normand de Mézy , au Limbe , que dépendait
le nègre Macandal, né en Afrique. Sa main ayant été prife au moulin, il avaic
fallu la lui couper , & on le fit gardien d'animaux. Il devint fugitif.
1 ■-.<:
i
fi
•c ;a
' (*) On lit fur le manteau de la cheminée de la fucrerie de M. B^lin , ces quatre vers qu'elle a
ififpiré à M. de la Borde , enfeigne de vaiiTeaUj qui a péri dans le voyage de M. .de la Pérouf©
^stour du Monde.
L'homme a 5lif a les biens , l'homme oinfales maix,.
Tout travail a fa récompenfe ,
s*— * ' '■ Et la plus douce ici compenfe
L'amertume de nos travaux.
^ N n a n :2
t^'^^^^BMÔlMM
6,-2 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Pendant fa direrdon il fe rendit célèbre par des empoifonnenKns qui répan-
dirent la terreur parmi les nègres , & qui les lui fournie tous. Il tenait école
ouverte de cet art exécrable , il avait des agens dans tous les points de la
Colonie , t: la mort volait au moindre lignai qu'il faifait. Enfin dans fon vafte
plan , il avait conçu l'infernal projet de faire difparaîcre de la furface de Saint-
Domingue tous les hommes qui ne feraient pas noirs , & fes fuccès qui allaient
toujours cro;ffans avaient propagé un effroi qui les affuraient encore. La vigilance
des magillracs , celle du gouvernement , rien n'avait pu conduire jufqu'aux
moyens de s'emparer de ce fcélérat , & des tentatives punies d'une mort pref-
que foudaine, n'avait fervi qu'à terrifier encore plus.
Un jour les nègres de l'habitation Dufrefne, du Limbe, y avaient formé un
-calenda nombreux. Macandal qui était accoutumé à une longue impunité , vint
fe mêler à la danfe.
Un jeune nègre , peut-être par l'impreffion que la préfence de ce monflre
avait produite fur lui , vint en avertir M. Dupleflis , arpenteur, & M. Trévan
qui fc trouvaient fur cette habitation , & qui firent répandre le tafia avec tant
de profufion, que les nègres s'enivrèrent tous, & que Macandal, malgré fa;
prudence , fe trouva privé de fa raifon.
Gn alla l'arrêter dans une café â nègre , d'où on le conduifit dans une chambre
de l'un des bouts de la maifon principale. On lui lia les mains derrière le dos ,
& faute de fer on lui mit des envergcs de chevaux. Les deux blancs écrivirent
au Cap pour prévenir de cette capture , & avec deux nègres domeftiques ils
gardèrent Macandal, ayant des piftolets chargés fur la table oij était une
lumière.
Les gardiens s'endormirent. Macandal, peut-être aidé par les deux nègres ,
délia fes mains , éteignit la chandelle , ouvrit une fenêtre au pignon de la mai-
fon , fc jetta dans la favanc & gagna des cafiers en fautant comme une pie.
La brife de terre qui augmenta , fie battre le crochet de la fenêtre , ce bruit
réveilla; grande rumeur , on cherche Macandal que les chiens éventèrent bien-
tôt & qu'on reprit.
Macandal qui , s'il avait fait ufage des deux piflolets au lieu de fuir , était sûr
d'échapper, fut condamné à être brûlé vif par un, arrêt du Confeil du Cap du
ao Janvier 1758. Comme il s'était vanté plufieurs fois que fi les blancs le pre-
nait il leur échapperait fous difFérentes formes , il déclara qu'il prendrait celle
d'une mouche pour échapper aux flammes»
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 653
Le hafard ayant voulu que le poteau où l'on avait mis la chaîne qui le fai-
fiflait fut pourri , les efforts violens que lui faifaient faire les tourmens du feu ,
arrachèrent le piton & il culbuta par-defîus le bûcher. Les nègres crièrent :
Macandal Jauve ; la terreur fut extrême ; toutes les portes furent fermées. Le
détachement de Suiffes qui gardait la place de l'exécution la fit évacuer ^ le
geôlier Mafle voulait le tuer d'un coup d'épée , lorfque d'après l'ordre du Pro-
cureur-général i il fut lié fur une planche & lancé dans le feu. Quoique le corps
de Macandal ait été incinéré, bien des nègres croyent , même à préfent, qu'il
n'a pas péri dans le fupplice.
Lé fbuvenir de cet être pour lequel les éplthètes manquent , réveillent encore
des idées tellement finillres , que les nègres appellent les poifons & les empoi-
fonneurs des Macandals , & que ce nom eft devenu l'une des plus cruelles injures
qu'ils puiffent s'adreffer entr'eux.
Un peintre de Paris nommé Dupont , fit en prifon le portrait de Macandal
& de trois de fes principaux complices , & les apporta en France. Sa veuve
les faifant vendre fur le quai du Louvre , M. Courrejolles les acheta & les
d.onna à M. Mazères , à la mort duquel ils ont encore été vendus. J'ai acheté
celui de Macandal à Verfailles , d'un étaleur au coin de la grande écurie dans
l'avenue de Paris. Ce portrait eft à l'huile & très-bien fait.
On ferait un ouvrage volumineux de tout ce que l'on rapporte fur Macandal j
mais il était réfervé à un anonyme de le préfenter dans le Mercure de France
du 15 Septembre 1787 , comme le héros d'un conte intitulé Hift cire véritable où
l'amour & la jaloufic agiffent comme deux grands refforts.
L'épizoode s'eil montrée fur l'habitation Eelin , m.ais en faifant tuer les
mulets chez kfquels la morve était bien caractérifée & en ifelant ceux qui
n'en offraient que des atteintes , il eft parvenu à en arrêter les ravages.
On voit fur l'habitation Belin un Rima ou Arbre à pain , placé le 7 Août 1788
dans une terre de rapport , excellente & tr.ès-fraîche. Il avait le 28 Décembre
un tronc d'un pied, d'où partait un jet de 14 pouces & demi, de 7 lignes de
diamètre, ayant des feuilles de 17 pouces de long. Tout promet que cet arbre fi
précieux aura le fuccès le plus complet, & les foins de M. Belin y concoure-
ront parce qu'ils font continuels , & que vouloir être utile à la Colonie eft pour
lui une douce habitude,
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6s4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
«xjat^®.;^ ^K@>;^>^>@>c^>^^^i>Ka
XVI.
P A R O I s s
DE Plais
A N C E.
Noi;3 voilà parvenus à l'une des paro'uTes les plus importantes de la Paxtie-
Françaife, parce qu'elle eft fituée dans un point deftiné , par fa nature, à fervir
de moyen de corrimunication entre la Partie du Nord, la Partie de l'Oueft &
k r-efte de la Colonie , & même à aflurer à divers points de la Partie du
Nord , une communication entr'eux.
Un lieu éloigné de douze lieues dans le Sud-Oueft du Cap , oij l'on ne pou-
vait arriver que par des lentiers que les chafTeurs eux-mêmes ne reconnoiffaîent
pas toujours , ne pouvait être tiès-fréquenté , malgré le nom que lui avait fait
donner la fituation de rèfpèce de baffin qu'on y trouve , & qui devait paraître
réellement agréable à celui qui avait vaincu la difficulté d'y pénétrer. En ua
mot, ce ne fut qu'en 1726 qu'on fît de Plaifance une paroiffe , quoique
depuis cinq ou fix ans on eût commencé à y reconnaîcre & à y féparer les coir^
cédons. D'épaiffes forêts, des pluies abondantes, les obfl-acles de l'entrée &
de là fortie , tout confpirait contre ce féjour ^ en écartait les Colons les plus
hardis,
Plaifance comptait , en 1728 , 53 habitations toutes dans la partie bafie. M.
de Lafond en commandait alors les milices.
Je ne fais quel motif a donné l'Archange Saint-Michel pour patron à cette
paroiffe; mais le premier temiple qu'on lui confacra n'eut pas une longue durée,
puifqu'en 1746, M. Cabrol de NègrefeuiUe , l'un des paroifilens , donna neuf
carreaux de terre pour fervir à y conftruire une églife & un presbytère. Bientôt
après la paroiffe fut fans pafteur , & en 1751 j M. de la Touraudais , marguil-
lier, le fuppléait à plufieurs égards & notamment en délivrant des extraits des
regiftres tenus fort mal en ordre. L'églife s'écant anéantie une féconde fois , la
majefté divine était renfermée dans une portion d'une mauvaife café depuis
treize ans, lorfqu'on a conftruit l'églife acluelle en 1784. Elle eft fur le même
emplacement que la précédente, ayant 72 pieds de long fur 30 de large &;
faite de maçonnerie. Elle a coûté cinquante & quelques raille livres.
X-a paroiffe de Plaifance qui n'a été démembrée d'aucune autre , a pour
: \
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. Gk^^
limites : au Nord , les paroilTes du Borgne , du Port-Margot & du Limbe -, à
l'Eft, le Limbe & la Marmelade i au Sud, la Marmelade & les GonaiVes; & à
rOueft, les GonaiVes & le Gros-Morne. Partout des chaînes de montagnes la
'bordent, fa plus grande longueur qui va du Sud-Eft au Nord-OueO: , eft d'en-
viron huit lieues ; fa largeur varie depuis trois lieues jufqu'à environ une lieue
& demie. Ce dernier point eft celui où le Margot qui appartient à la paroiffe du
Port-Margot , fait une rentrée dans Plaifance.
On diftingue cette paroiffe en deux parties principales , qui font Plaifance ou
le Haut Plaifance , & Pilate ou le Bas Plaifance. La première , qui comprend
la partie Orientale jufqu'au morne à Miel , a pour fubdivifion Plaifance pro-
'■ prement dit , la Trouble , la Grande-Rivière , le Mapou , le Bœuf-Blanc , la
Provence & la ravine Champagne. La féconde eft une gorge très-ouverte for-
mée dans la partie Occidentale de la paroiffe , d'un côté par la "chaîne qui fépare
celle-ci de la paroiffe des Gonaï/es , & de l'autre côté par les montao-nes qui.
féparent la paroiffe de Plaifance de celles du Borgne & du Port-Margot. Elle fe
partage en Pilate proprement dit, en Ravine à Baudin , en Piment & en
rivière La Porte.
La culture des premiers Colons français de Plaifance , a été l'indigo , indé-
pendamment de ce que cette denrée jouiffait alors d'une forte de faveur , elle
était plus analogue qu'aucune autre à la pofition du lieu , par la facilité de la
tranfporter au Cap où elle devait être vendue. Comme tout était encore ^grefte
a Plaifance , on n'y cultivait même que l'indigo fauvage ou bâtard , & ces
Colons fimples & heureux, trouvant dans la chaffe & la pêche des reffources
journalières , voyaient croître la plante qu'ih ignoraient alors que les infectes .
attaqueraient un jour comme l'indigo franc.
Plaifance avait une exiftence qui n'annonçaient rien de brillant, quoiqu'on
y vit quelques Colons riches , lorfqu'en 1770 pluficurs nouveaux habltans y pa-
rurent & y firent des défrichemens confidérables. La culture des deux indigos
s'y multiplia , mais bientôt celle du cafier la remplaça dans plufieurs points ,
& des forets entières furent abatraes , pour céder leur place à i'arbufte qui
fembie s'être approprié toutes les montagnes de la Colonie. Examinons Plaifance
dans fes différens cantons, tels qu'ils font à préfent.
' Celui appelé Plaifance, d'une manière plus particulière, va depuis le peint où
eft le baffm de la Trouble jufqu'au morne à Miel où le Pilate con-mence. ,
r
^
il
656 DESCRIPTION D S LA PARTIE
C'ell dans im de ces pai .:s qui'X l'églile , & dans vin autre , plus à l'Efr d'en-,
viron 3,000 toifes , fe trouve ce qu'on appelé le bourg de Plaifance , c'eft-à-dire,
une douzaine de maifons , d'auberges ou de cabarets Se le logement de la
marécbauiTife. La terre de ce canton eft réputée d'autant meilleure , qu'elle
s'éloigne davantage de la coupe qui conduit au Limbe & qu'elle gagne la partie
baffe du baiTin= C'eil un mélange d'argile , de fable & de limon,
La Trouble, qv.i eft le canton le plus Sud-Eft de la paroiffe ^ a pour bornes,
une partie de la Marmelade , l'Iflet-à-Corxîe , qui dépend du Limbe ; le cantoa
de Plaifance & celui de la Grande - Rivière. L'argile domine dans la partie
inférieure. Les eaux y ftagnent & la terre y eft gercée durant les féchereffes ^
tandis que dans les hauteurs qui le bordent , eaux , fol 3 température, tout eft
propice aux légumes & aux cafiers ; miais en général ce canton , par des alter-
natives de féchercffe & d'humidité , éprouve la fanté de fes habitans & les
africains s'y acclimatent avec difficulté.
La Grande- Rivière eft bornée vers le Sud , par la rivière connue fous lo
nom de Grande-Rivière des Gonaïves ; à i'Eft , par la Marmelade ; au Nord^
par le canton de la Trouble , & à l'Oueft , par celui du Mapou. Il eft fort avan-
tageufement établi.
Le Mapou , dont on n'a connu la valeur que depuis environ vingt-cinq àa& ^
donne maintenant une immenfe quantité de café Se il mérite fa réputation.
Le Bœuf-Blanc fuit le Mapou dans I'Eft.
La Provence eft dans le Nord , oppofée au Mapou & touchant au Limbe.
La ravine à Champagne , qui fuit la Provence dans l'Oueft & qui touche
au Limbe & au Port-Margot , a un fol très-varié , & où s'offre le contrafte
d'un terrain fécond avec un champ argileux. M. Stollenverk a imaginé d'y
employer les patates comme un engrais , & de fuperbes cafiers font l'éloge
de cette idée.
Dans la féconde partie de la paroiffe de Plaifance, le Pilate, proprement
dit , offre un beau baffm que l'indigo a un peu épuifé. Les collines nourriflent
de beaux cafiers.
Le Piment , l'un des cantons qu'on ait le plus établi à Plaifance , n'a pu obtenir
cette préférence que du voifinage de l'embarcadère^ du Port-Margot , puifque les
vlciffitudes des faifons s'y font fentir d'une manière défavorable. Elles font
même regretter le féjour d'un lieu où des eaux limpides & falubres, des bois
propres
3^
. \
FRANÇAISE DE S A I N T-DO M î N G U E. ^57
propres à la bâtifrr& des pierres calcaires , offrent de grands avantages. On ne
conçoit pas comment ce canton eft de la paroiffe de Plaifânce , avec lequd
il n'a & ne fâurait avoir aucun rapport, tz point de celle du Post-Margot »
dont fa feule pofition dit qu'il doit faire partie,
La rivière la Perte. Ce canton n'a guères été formé que poftérieurement à
1750, comme celui du Piment, Il efl très-arofé. Ses parties élevées vers le
Gros-Morne font calcaires , le bois y eft commun & , à quelques exceptions
près, le cafàer s'y plaît. La température en eft très-fraîche.
Enfin on peut comparer plufieurs parties élevées du canton de la ravine à
Baudin , à celles du Mapou,
La paroifle de Plaifance compte 32 indigoteries , toutes dans la partie plane
& dont le produit peut être évalué à 35 ou 40 milliers d'indigo. Ce revenu
était prefque double lorfqu'on cukivait l'indigo bâtard. Les 180 cafeteries
donnent environ trois millions de café. Avec des bras , cette quantité pourrait
être augmentée d'un tiers. Toute la paroiffe n'eft cependant pas également
propre à infpirer cette confiance. Par exemple, la montagne qui fépare
Plaifance de la Marmelade & des Gonaïvcs & qui forme une pente douce,
a, dans fa face Orientale , un fol qui la csmmande prefque. La terre y eft,
dans une longueur d'environ fix lieues , alternativement noire & rouge , afîèz
forte , mais nêlge de pierres calcaires ou roches à ravets qui' empêchent les
dégradations des pluies & confervent une fraîcheur propice. Le refte de la
.montagne , malgré la fécondité qu'elle promet d'abord , a des pierres vitri-
fiables & quelquefois du tuf. On jouit fur cette chaîne d'une température
qui femble appartenir à un printems perpétuel, & à cette fenfation déhcieufe
fe mêle un plaifir bien vif, lorfqu'on y trouve, comme dans le haut de
l'habitadon de M. le chevalier Puiiboreau , qui eft cependant de la paroifle
de la Marmelade , des fruits & des fleurs qui rappelent la France. Mais dans
la montagne qui confine au Limbe, une terre rouge & forte & le manque
de pierres calcaires, défendent de la compter comme propre à prolonger
îong-tems les fuccès du cafier.
Les produftions de Plaifance font ducs à une population d'environ 600 blancs ,
530 afiranchis & 6,600 efclaves.
L'humidité du lieu , qui ferait contraire au cotonnier , 8c qui eft un avan-.
tage pour le cafier & l'indigo, favorife aufîi les vivres du pays. Toutes les
'Via
•/W%\r^tià'YA3^^'\ . V*.-
é5S DESCRIPTION DE LA PARTIE
efpèces y réuflliTent : bananiers , tayos ou malangas , manioc , ignames , patates y
ma'is, riz , pois , &c. ; & dans les années de féchereffes les paroiffes des GonaiVea
5c du Grcs-Morne 5^ reçoivent de celle de Plaifance d'abondans fccours,&:
dans tous les cas l'excédent de Piaiiance eft utile à la confommation du Cap.
Les graines de jardinage, l'artichaut, y ont un fol propice; le pommier de
France y égayé la vue fans être propre à flatter le goût, &: la vigne em-
bellit aufTi quelquefois une tonnelle , quoique fon fruit fait âpre.
Les cannes à fucre , que MM. Chailieau ont plantées fur leurs habitations ,
■prouvent que le baffin de Plaifance pourrait permettre un ctabliiîèment de
iucrerie.
On trouve encore du bois a Plaifance , malgré tout celui que les cafétérias lui
font facrifier chaque jour. Le courbaril, improprement appelé' par quelques-uns,
bois palmifte , le cèdre ou acajou franc, le bois major, le brefiilet, l'aman-
dier à petites feuilles , le bois favane , l'acoma jaune , forment , avec plufieurs
autres , la clalTe des bois qu'on appelé incorruptibles. Celle des bois excellens
à employer à couvert , eft encore plus nombreufe. L'acajou bâtard ou meuble,
y eft loin d'égaler en beauté celui des Gonaïves.
La fimple obfervation fuiîit pour prouver que la partie minéralogique de
piaiiance eft très - curieufc. Plufieurs îuiffeaux y roulent des paillettes d'or ;
l'on attribue à une mine de ce métal , le nom de ravine de la Mine , que
porte un courant d'eau dans la montagne adoiïee au Limbe. Oa affure aufïï
qu'on en a vu de cuivre & il n'y a aucun doute fur l'exiftence de celles
de fer. Plaifance offre partout des granits -, le jaipe 8c le pôrphire de toutes-
les nuances & de h beauté la plus vantée , rr^ê.ne chez les anciens , font
dans fes montignes , furtout vers la rivière la Porte. Les ophites y font com-
munes aulîi. S: elles expliquent comment l'on trouve dans plufieurs points
des pierres ou haches indiennes , que ks naturels devaient à cette fubftance
pierreufe. On rencontre auffi de leurs vafes de terre cuite & de leurs uflen-
files. M. I.ouet, en faifant fouiller fur fon terrain, y trouva en 1727 un
vafe d'argile cuite en forme d'urne avec fon couvercle. Ce fut avec une
extrême furprife qu'en le découvrant, on trouva une tête d'homme coupée
au raz des épaules. Sa forme & la nature des cheveux , dont elle était en-
core couverte , ne permettaient pas de douter que ce ne fut celle d'un
jïalheîircux ïrwiien.
•il
il
FRANÇAISE DE S A I N T - D O M î N G U E. 659
On trouve aufll dans les montagnes des coquilUges marins.
Plaifance eft principalement arrofé par trois grandes ravines ou petites ri-
vières. Elles ont leurs fources , vers le Sud-Efl , dans la montagne qui fépare
cette paroifTe de celle de la Marmelade. La plus Septentrionale s'appele k
Trouble, comme le canton qu'elle traverfe. La plus Occidentale donne fon
nom au canton de la Grande-Rivière ; la rivière la Graix eft entr'elles deux.
Elles fc réuniflènt à environ une lieue & demie du pied de la montagne au
baffin de la Trouble , & deviennent les Trois - Rivières : dénomination que
cbnfervent leurs eaux mêlées , en traverfant le refte du canton de Plaifance
& le Gros-Morne jufqu'au Port-de-Paix oij eft leur embouchure à la mer,
après avoir parcouru environ trente-cinq lieues depuis Plaifance , en comptant
les finuofités,
La rivière des Trois-Rivières , qui charrie partout les pierres calcaires de
fon lit, reçoit toutes les eaux de la parolffe de Plaifance avant d'arriver aw
morne la Porte , où elle entre dans celle du Gros-Morne, par le canton du boucan
Richard. Les principales ravines qui s'y jettent font, vers le Sud, celles du
Mapou , du Bœuf-Blanc & à Baudin; vers le Nord, celles du boucan Champagne ,
dû Margot & du Piment j vers l'Oueft , eft la rivière la Porte, ainfi appelée
parce qu'un peu au-deflbus de fon confluent avec les Trois-Rivières , celle-
ci , refferrée entre deux gros rochers , paffe dans l'intervalle que ceux-ci laifTen^t
entr'eux, & qu'on a nommée Porte. Leg aïo pieds de hauteur perpendi-
culaire de ces rochers ; le bruit des eaux roulant en cafcades ; le bafîln profond
qu'elles forment au-deffous & le fentiment de froid qu'elles produifent par
ieur grande agitation , qui en réduit une portion en état de vapeurs , tout faitd-e ce
paffage un fite qui porte un earaftère que la nature feule fait donner , &
qui infpire une forte d'horreur. On eft même affez déterminé par fon a^^eél
I. nippofer que ce paffage a été produit par quelque fecoufîe violente.
-Lçs rivières de Plaifance n'ailéchent jamais ; les pluies y font trop abon-
dantes pour qu'on puifTe y éprouver cet inconvénient. On évalue à 80 pouces
d'eau le terme moyen de celles-ci annuellement ; mais , même à Plaifance ,
îa quantité de pluie va en dtcroifiant.
C'eft, d'une part, à ces pluies & au volume d'eau qu'elles produifent, &
de l'autre part, à la conformation de la partie plane de Plaifance, qu'il faut
attribuer un phénomène de c^tte partie, ' .
O o o o 2
v^
noRvi
►
€6o DESCRIPTIONDË LA PARTIE
Prefque chaque jour un brouillard plus ou moins épais , plus ou moins humide ,
plus ou moins élevé, couvre cetce iurface. Quelquefois il eft formé avant l'aurore;
d'autrefois il ne devient fenfiblc qu'avec elle & même qu'après ; tantôt l'ob-
fervateur , qui eil fur un point des chaînes qui dominent , l'apperçoit comme une
mer d'oij s'élèvent çà & là des monticules qu'on pourrait confidérer comme
autant de petites îles ; tantôt il n'eft compofé que de pelotons féparés , ou de
longs filions qui occupent des hauteurs différentes , ou de filons qui indiquent
la direftion & les dimenfions de chaque gorge. Il efb des jours où fa blan-
cheur eft celle de la neige ; d'autres jours il a une nuance terne ; une fois
il dérobe la vue des objets les pkis voifins , une autre fois il ne cache que
ceux qui font à une certaine diftance. Sa bafe eft le plus fouvent à terre
même , mais par fois auffi il laiffe entr'elle & lui , un intervalle marquée
C'eil d'ordinaire dans la direction de l'Eft à l'Oueft qu'il s'étend, mais
il en prend auffi qui diffèrent de celle-là.
Les Colons trouvent dans ce phénomène météorologique, un baromètre qu'ils
croyent fur. Si le brouillard fe diffipe infenfîblement , il promet une belle
foirée j s'il s'élève, la pluie eft prochaine.
Dans la faifon pluvieufe k brouillard fe montre peu dans le fond , & il
s'empare des hauteurs; & même, depuis que les défrichés fe font multi-
pliés dans celles-ci , il femble aller chercher plus haut les forêts qui lui offrent
leur paifible afile: enfin entre huit & neuf heures du matin,, ce voile aériea
difparaît tout- à-fait.
Le fite de Plaifance eft montagneux dans fa plus grande partie & d'autant
plus frais , que miême fa portion plane eft fort au-deffus du niveau de la mer..
Le thermomètre de Réaumur a 25 degrés 4 po^r maximum dans ce fond
& à la cime des monts il ne va qu'à 22. En général la température eft plus
chaude dans les points qui avolfment cette paroifTe , même de 3 ou 4 degrés.
Cette différence pourrait être prife pour l'yne des caufes de la condenfation
des vapeurs, fur un point très-arrofé , d'autant qu'il n'y a point de brouillard
lorfque le vent règne pendant la nuit.
Il n'eft pas extrêm,ement rare de voir le thermomètre defcendre en peu
d'heures , même de 7 ou 8 degrés , dans les points les plus élevés des chaînes'
jqui bordent Plaifance. On y éprouve alors ce que le Gontrafte veut qu'on
appelé un grand froid, quoique le therp^omëtre marque encore 14 ou 15. degrés*
^
'FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 66i
"Les ophtalmies font affez communes à Plaifance, quand il y a régné, des
Tents de Sud - Oueft , qui ont traverfé la paroifîe féche des Gonaïves. Les
•cantons argileux font un domaiae pour les fièvres quand les années font
pluvieufes.
Dans les deux mois de Novembre & de Décembre 1786, on a refîenti.à
Plaifance quatre fecouffes de tremblement de terre venant du Nord-Oueft.
Il efl tems que j'envifage Plaifance dans le rapport que j'ai exprimé en
•commençant fa defcription & qui le rend fi intéreflanî.
Lorfqu'on commença à y former des établiffemens , ils ne fe trouvèrent
pas , comme dans les autres paroilTes qui font plus à l'Eft dans la plaine dvi
Cap , l'effet d'une extention de culture gagnant de proche en proche , mais
abfolument féparés de tout le refte ; cette partie n'avait donc aucun che-
min. J'ai dit que les feuls fentiers où pafTaient des chafTeurs en tinrent d'abord
lieu, mais ce n'était encore que pour aller vers le Port-Margot, point d'oij
étaient venus les premiers habitans de Plaifance. On ne pouvait pas , de toutes
les fituations , trouver ce point de fortie également commode , & pendanc
la guerre le befoin d'aller au Cap en fit défirer un autre.
On prit encore les chafTeurs pour guides & l'on arriva avec des fatigues
cruelles jufqu'à la Grande ravine du Limbe. Plaifance n'ayant cette ifTue que
pour fa propre commodité , il était réduit à la rendre praticable avecfes feules
forces & cela n'amenait que des efforts peu fruftueux»
Cependant les habitans trouvant tous plus d'avantages à aller au Cap qu'au
Port-de-Paix j une déclaration du roi du 16 Juin 1740, prefcrivit la diflrac-
tion de la paroilTe de Plaifance & du Pilate de la Sénéchauffée du Port-de-
Paix , dont elle avait dépendu depuis fa formation , pour la donner à la Séné-
chauffée du Cap. Plaifance relia cependant encore du commandement militaire
du Port-de-Paix , mais un ordre du roi du a6 Oftobre 1746 , l'a réuni encore
au Cap fous ce rapport. Ce fut, pour ainfi dire, à- cette dernière époque,
que M. de Vaudreuil , gouverneur de la Partie du Nord , conçut l'idée de
faire communiquer cette partie & celle de l'Oucft par Plaifance , & au mois
de Septembre 1750, fans même attendre les ordres des Adminiftrateurs - gé-
•n'éraux, il fit travailler les nègres des diverfes paroiffes environnantes au chemin
depuis le bas de la coupe de Plaifance dans le Limbe , jufqu'au bas de
celle des Gonaïves dans cette dernière paroiiT^; mêm.e. Ce travail fut conduit
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662 D E s C R I P T î O N D E L A P A R T I E
avec tant d'aftivité, qu'au mois de Septembre 1751 , M. de Vaudreuil alla
par ce chemin , du Cap aux Gonaïves , & dès lors les Français n'eurent plus
befoin , pour aller du Cap au Port-au-Prince , d'emprunter un paffage fur le
territoire efpagnol. Par une conféquence de cette entreprife, Plaifance , que
eette route faiiait traverfer continuelle m. ent, vit accroître fea établiffemens,
M. de Beîzunce, tout occupé de camps, de communications & de défenfè
intérieure, ne trouvant pas ce chemin propre à fes vues , en chercha un autre
& fit un trucé auquel on fie penfa plus à caufe de la paix de 1763, &. de
ia mort de ce général.
En 1773, les clameurs fe fàifant entendre de toute part, contre le mau-
vais état du chemin de la coupe de Plaifance, devenu en quelque forte impraticable
M. de Vallière ordonna qu'on prit des mefures efficaces pour en faire un folide.
Pn y travailla & les habitans de Plaifance , particulièrem.ent , prouvèrent par-
leur zèle , qu'ils en fentaient la néceffité.
Vingt-cinq ans plutôt on ne concevait mên^e pas l'efpérance de pratiquer
dans un pareil maffif de montagnes , une route durable & commode , & dès
qu'on eut celle-ci, le défir de paflèr du Nord à l'Oueft , en voiture, s'éveilla.
Il fallait pour cela trouver furtout une ifîue de Plaifance vers les Gonaïves
& ce fut vers ce but que les obfervatlons fe dirigèrent.
M. de Reynaud pendant le court intérim qu'il remplit , à la mort de M,
de Vallière en 1775 , fit faire des recherches , mais on n'eut que des idées vagues,
La guerre de 1778 créant des befoins , on reprit l'idée de la communication
par Plaifance, & l'année fuivante , M. Louis Dumefnil , habitant & arpenteur de
cette paroifife , fit lever le plan d'un chemin qui , prenant dans la plaine de Plai-
fance , gagnait les Gonaïves par la ravine Sèche. M. du Moufceau en fit mémQ
une vérification que fuivit une opinion favorable 3 le 23 Novembre 1779.
La mort de M. d'Argout ayant donné, au mois d'Avril 1780 , un nouvel
intérim à M. Reynaud qui était devenu lieutenant au gouvernement-général , il
chargea M. de Manfuy, ingénieur & aide-maréchal - général - des - logis, de
s'occuper effentiellcment d'efFeduer un chemin de voiture entre les deux Parties
du Nord & du Sud. M. de Manfuy , l'un des ingénieurs-géographes envoyés
dans la Colonie , en 1764, pour en faire le plan topographique (*) , encore aide
C) Ce plan n'a jamais été achevé j à caufe de la mort de pkiieurs ingénieurs.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 66^
des connaiflances locales de plufieurs habitans &c notamment de celles de M»
Ballon , capitaine des milices à Plai lance ; après avoir jugé que le chemia
propofé par M. Dumefnil , ne pouvait pas en être un de voiture , traça, avant le
mois d'Août 1780, une nouvelle route connue fous le nom de communicatiori
de la Brande.
' A la même époque j M. Marfan , voyer de Plaifance , propofa à M. de
Reynaud un chemin qu'il difait préférable Se qui paflait dans la partie la plus baffe
de la chaîne de montagnes qui fépare Plaifance d'avec le Limbe , le Port-Margot
& le Borgne , & qui eft la première chaîne du Cibao. De cette coupe jufqu'au
morne la Porte , M. Marfan comptait deux lieues -, de là à la coupe à Jofeph on
paffe le chemin de voiture du Cap au Port-Margot , une lieue un quart , & de ce
dernier terme au bourg du Limbe environ une lieue , ce qui ne faifait que quatre
lieues de la limite du Gros-Morne au Limbe.
De fon côté , M. Dumefnil réclamait en faveur de fon projet de la ravine
Sèche , M. de Manfuy reçut donc de M. de Reynaud , l'ordre de faire une vifitc
exa6le de ce dernier & d'en marquer les inconvéniens. Il en dreffa un procès-
verbal le 10 Septembre 1780 , fans néanmoins manquer de dire qu'il fallait
entretenir le chemin tel qu'il exiftait déjà , ainfi que celui des orangers , parce
que des circonftances particulières pouvaient rendre utiles ces diverfes iffues.
MM. de Reynaud &, Le BrafTeur prefcrivirent l'ouverture du chemin de la
Brande & on y mit les ouvriers le a Janvier 178 1. C'étaient 75 foldats du régi-
ment du Port-au-Prince & 60 du régiment du Cap , cent nègres de l'atelier du
foi , cent de la paroiffe de Plaifance & cent de celle des Gonaïves ; la paroiffe du
Gros-Morne devant travailler au chemin fur fon territoire. Le 14 Avril fuivant ,
M. de Reynaud parcourut à cheval toute la route accompagné de trente-deux
perfonnes que cet événement avaient attirées.
MM. de Reynaud & Le Braffeur avaient rendu compte au miniftre , îe i".
Décembre 1780, de ce qu'ils avaient ordonné, &le miniilre dont tous les alentours
n'étaient pas favorables , furtout au premier de ces deux Adminiftrateurs
répondit, le 17 Février 1781 , que l'on s'était trop preffé & que les corvées
étaient bien onéreufes aux habitans. Des lettres particulières ayant publié cette
cfpèce de défapprobation 3 on crut le moment propice pour reparler des projets
autres que celui de la Brande qu'on regardait comme profcrir.
M. de Reynaud enjoignit alors à M, d'Anteville j capitaine au corps royal du
il
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664. DESCRIPTION DE LA PARTIE
génie, d'aller vificer toutes les coTiaïaaications p^îTibles du Nord à l'Oueft ,
& d'en rendre un compte par écrit. Ce compte détaillé Sr daté du 2,7 Mai 17S1 ,
était favorable au chemin par la Brande ; mais l'intérim de M. de ReynauJ ayant
fini à Ton départ pour France , à la fin du mois de Juillet 178 1 , tout ce qu'il
avait voulu, fijr facriné à des reffentimens p^rfonnels , & un chemin de voiture
dont on érait au moment de jouir , fut abandonné comme une entreprife ati
moins inutile. On y gagna cependant ce que cet infatigable Adminiftnteur avaig-'
fait faire pour adoucir le chemin de la coupe de Piaifance & les foins qu'il avait
fait donner fous la direftlon de M. de Grandmont, commandant de la paroifle
des Gonaïves , à celui de la coupe des Gonaïves ou des Orangers, pour Iç
rendre moins mauvais.
Six nouvelles années s'étaient écoulées depuis, lorfqu'une circonftan ce difficile
à prévoir, ed venu produire ce que 40 ans de recherches , de projets , de plan?
& d'efîais n'avaient pu procurer à h Colonie. Je veux parler de la réunion des
deux Confeils du Cap & du Port-au-Prince qui, en obligeant les habitans dç
la riche Parcie du Nord à franchir les monts qui femblaient les fép-irer de
celle de l'Oueft , pour aller folliciter la juftice dans cette dernière ville , a
voulu impérieufement qu'on fit une route de voiture , dont le préambule de
l'édit de réunion fuppofe même l'exiftence. MM. de la Luzerne & de Marbois
y ont fait travailler , d'après leur ordonnance du 13 Novem.bre 1787, & on
l'achève en ce moment ; de manière qu'on peut déformais aller en voiture
de la Partie du Nor4 dans celle de l'Oueft. MM. du Chillau & de Marbois
viennnent même , par une ordonnance du 28 Mai 1789 , d'autorifer un établif-
fement de carioles , réuni à la fermée de la pofte aux lettres , pour tranfporter
les voyageurs du Cap au Port-au-Prince & réciproquement , en payant 396
livres par perfonne , & même jufqu'à Léogane,
Jettons maintenant un coup-d'œil fur tous les moyens de communication
de la paroifTe de Piaifance.
La Partie du Nord & celle de l'Oueft ont pour féparation naturelle la pre-
mière chaîne du Cibao , qui court en fe prolongeant vers le Môle Saint-Nicolas,
& depuis 1750 , que M. de Vaudreuil a voulu qu'une communication entre ces
deux parties fut entièrement fur le territoire français, c'eft toujours Piaifance qu'on
^ conftamment reconnu pour le point oij cette chaîne devait être franchie.
^n effet la feule chaîne qui fépare Piaifance des Gonaïves ofire une pofitioi;^
centrale ^
FRANÇAISE DE S A I N T - D p M I N G U E. $6s
centrale , d'oîj les fecours peuvent être égalemcRt portés dans tous les points
de la Partie du Nord , depuis la baie de Mancenille jufqu'à Jean-Rabel , &
dans tous ceux de la Partie de l'Oueft, depuis les Gonaïves jufqu'au Grand-
Goave & â Jacmcl , & de celle-ci dans la totalité de la Partie du Sud. Cette
chaîne eft , par une conféquence néceflàire de fa fltuation , un centre qui , en
définitif, pourrait être celui de la retraite de tous les points que l'ennemi attirait
forcés , & un rempart contre les tentatives qu'il voudrait faire contre l'une ou
l'autre des deux Parties du Nord ou de l'Oueft, fi l'une des deux était déjà
envahie. A un pareil éloignement de fe? vaiflèaux , avec la néceffité d'une
marche auffi longue & femée d'autant d'obftacles , il eft plus que probable que
^'attaquant harcelé par des troupes légères & ayant à combattre le climat, ne
ferait que d'impuifllins efforts.
Avec cette vue défenfive , il faut une route propre aux tranfports de tous les
genres, a^ix gros bagages, & c'eft ce qui rend fi importante celle que l'on a
afluré aux voitures de trait & de charoi. Elle
en outre , l'objet important
d'aflfurer le tranfport des denrées des Gonaïves , & même d'une partie de la
plaine de l'Artibonite , d'oîî l'on eft obligé de les envoyer au Cap pendant la
guerre , & de tirer de cette ville les provifions d'Europe & les objets néceflàires
â l'exploitation.
J'ai parlé, dans la Dcfcription du Limbe, de cette route jufqu'au point où
elle parvient à la cime de la coupe de Plaifance, depuis la Grande ravine du
Limbe- De ce point elle va trouver, à environ 3,000 toifes, ce qu'on nomme
le bourg de Plaifance , oij eft la rencontre du chemin qui va au Gros-Morne.
De ce bourg , connu aufli fous le nom de carrefour de Plaifance , elle fait 700
toifes pour traverfer les Trois-Rivières. De ce point des Trois-Rivières à celui
où elle trouve la ravine des Orangers, elle fait 2,200 toifes, & c'eft dans cet
intervalle qu'eft l'embranchement du chemin de cheval, qui va, par le canton
de la Trouble, à la Marmelade & au Dondon. Les 2,900 toifes dont je viens
de faire mention , parcourues dans la partie plane de Plaifance , font communes
à l'ancienne route de Vaudreuil , mais avec une largeur & une foîidité qu'elle
.-n'avait pas auparavant. De la ravine des Orangers , la route fait 4,555 toifes
pour aller, avec une pente d'environ 4 pouces par toife, chercher fur la pre-
mière chaîne Li crête à Puilboreau , point qui eft dans cette partie la limite de
■Plaifance avec les Gonaïves , celle de la Sénéchauffée du Cap & de celle de
Tme I, P p p p ^
>
i(>e DESCRIPTION DE LA PARTIE
Saint-Marc , & autrefois du Confeil fupérieur du Cap & de celui du Port-au-
Prince , point dont on peut évaluer la hauteur à environ 400 toifes au-deflus da
niveau de la mer.
• C'eft de cette mê.-ne chaîne , &: aux confins de Plaifance , de la Marmelade
& des Gonaïves , que l'œil peut fe promener fur la plus riche portion de la
Plaine du Cap , & aller faifir la Grange , dans la direftion de l'Eft-Nord-Efl- ^
à environ vingt-fix lieues de diftance. Il peut parcourir encore les montagnes
cultivées qui bordent cette plaine , & comparer cet afpeiSl gai &c varié à celui
des portions prefque défertes des poiïeffions efpagnoles qu'il découvre au Sud-
Eft, & avec lefquelles Plaifance lui offre, dans le Nord, un contrafte de plus.
Je reviendrai au chemin de voiture dont on doit la direélion & l'achèvement
au zèle & aux talens de M. de Vincent , ingénieur , en décrivant la paroiffe
des Gonaïves , aux confins de laquelle je le laiffe. J'ajouterai feulement qu^il a
été fait par entreprife , & que les divers habitans qui en ont fait exécuter des
portions , alnfi que les foldats des réglmens du Cap & du Port-au-Prince qu'on
y a employés , ont été payés par la caiffe publique,
La route par la ravine Sèche , & qui eft celle dont M. Dumefnil voulait qu'on
fit le chemin de voiture , vient aufli du carrefour de Plaifance , mais vers
l'extrémité de la plaine elle coupe plus à l'Eft que le chemin des Orangers pour
aller atteindre un point de la coupe des Gonaïves , far l'habitation Saint- Amand,
après avoir fait 5,855 toifes depuis le carrefour. Il a l'inconvénient de parcourir
des contreforts trcs-multipliés de la grande chaîne , de fuivre pendant S ou 900
toifes une ravine remplie de pierres, de galets & de gravois , auxquels une
argile blanche a formé un glutin durci , & d'avoir , quoique féche dans les
tems ordinaires comme le dit fon nom , beaucoup d'eau dans les orages. Ce
dernier effet provient de ce qu'elle eft formée par une patte d'oie de ravines
qui aboutiffent toutes à fa tête & qui defcendent de mornes efcarpés par cafcade.v
D'ailleurs cette route exigeant un long travail, des mines, ces obftacles ont
iemblé plus faits pour arrêter que les 2 Heues -i qu'a de plus la route qui a été
ouverte aux voitures-, tandis que l'autre eft reftée praticable aux chevaux &
pour l'utilité des habitans de fon voifinage , foit de la Grande-Rivière , des-
Gonaïves , foit des gorges de la Motte , du Dos-d'Ane , &c.
Le troifième chemin eft celui des Orangers , ainfi appelé parce qu'il fuit:
long-tems une ravins de ce nom. C'eft celui qu'on doit à M. de VaudreuiLj.
t
iMi
^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 667
& conféquemment le plus ancien de tous, puifgy avant lui Plaifance ne commu-
niquait point avec les Gonaïves. Il eft plus à l'Oueft que celui de la ravine Sèche.
il a, en commun avec la grande route royale de chaifes, 2,900 toifes, comme je l'ai
dé> dit , puis il fait 1,975 toifes pour aller du paffage de la ravine des Orangers,
gagner la coupe des Gonaïves fur l'habitation Bernard, portion dans laquelle il
n'eft plus qu'un chemin de cheval , avec une pente de 4 pouces par roife. Prefque
au fommet de cette coupe , limite des deux paroiiTes , mais du côté de Plaisance ,
on trouve une efpèce de réfervoir naturel , fans iffue. Il a environ 60 pieds en
carré & iç de profondeur. Les pluies ou les féchereffes n'ont aucune influence
fenfible fur le volume de feseaux.
Un quatriè ne chemin eft celui de la Brande , qui eft reftc aufll une fimple
route pour le cheval. Il part également du carrefour de Plaifance , à 800 toifes
duquel il commence à côtoyer la rive droite des Trois-Rivières, & va vers l'églife
puis il parvient au penchant du morne à Miel, qui fépare Plaifance du Pilate , &
ayant parcouru 4,700 toifes depuis le carrefour.
" A 750 toifes du morne à Miel, le chemin traverfe à la paffe laBoulayes,
& cette feule fois , les Trois-Rivières , dont il prend alors la rive gauche juf-
qu'au morne la Porte , n'ayant g^êres que deux ou trois pouces de pente par
toife depuis le carrefour ; il franchit le morne la Porte à 4 pouces par toife &
parvient à la limite du Pilate avec le boucan Richard, dépendant de la paroiffe
du Gros-Morne , après avoir fait 4,300 toifes depuis le morne à Miel.
Du point commun au boucan Richard & au Pilate, il fait 2,600 toifes pour
gagner la crête qui fert de limite entre le canton du Boucan Richard , du
•Gros-Morne ^ le canton de la Brande aux Gonaïves , pour de là aller , en
fuivant la ravine de la Brande , joindre dans les Gonaïves le poteau où aboa-
-tilTent les trois autres communications dont j'ai rendu compte , en faifant encore-
•10,500 toifes , ce qui complète 22,100 toifes depuis le carrefour de Plaifance,
On a reproché à cette-communication la difficulté de l'entretien , s'il était rendu
■propre aux voitures , & d'être trop rapproché des parojfles qui en avaient
déjà une. '
Du Pilate on peut aller ^au Port-de-PaiK& au Port-au-Srince par le Gros-
Morne,' Se gagner'k Cap par le Port-Margot , le Limbe, &c. . .
Le canton de la ravine à Champagne a, en outre , une fortie vers le Limbe
direélement , & une troifième vers le Margot, mais il n'y a qu'un befoin
abfolu qui puiffe déterminer à en faire ufage. F p p p 2
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Mamm^
CRIPTION DE LA PARTJE
La paroifè de Piaifance eft du Quartier du Limbe, de k Sé-néchaufTée & éf}
commandeiBÇM du Cap. EUe a pour ta police , foo commandant de «jiîjoes, .U9
fubftitut du procureur dg roi du Çap , & depuis une ordonnance dy ij Sep-
tembre Î775 , une maréchauflee compofée à préfênt d'un exempt , 4' un briga,-
dier & de quatre archers. Sa milice peut donner 150 individus, dont uu pey
plus de moitié font blancs.
Le Courrier dm Cap au Port-au-Prince laiffe & prend deux fois par {èsjaiôÇ
des lettres au bureau de Plaifance , qui eft l'une des msLiCçps ,4u ç^rçlpur.
On compte de l'églife de Plaifance :
A celle du Borgne , ... 9 lieues. A celle de la Marjnelaie, . . i i^tiS*
-r^. Port- Margot , ' . .7 ■— ^r-r dea Goaaives , . f^
"-=— ^-lirnbé , ... 7 du Çros-Mprije, . j
i
XVII.
Paroisse jjy Port-M A.B.-O.0 ■T.
. Nui lieu de Saint-Domingue ne peut k difputer en ancienneté au PoFfe-
Margct, comm.e écablifremenc français, fi ee n'eft l'île de la Tortue. Cette
dernière devenu le féjour des Aventuriers depuis 1630, avait en eux une popu-
lation mélangée d'indivns de divers lieux d'Europe , augmentée , dans la mène
année, .de français expuHes de Saint-Chxiftophe par les e^pagnol-s, & fi leg
Boucaniers pafîaient quelquefois de là dans l'île Saint-Domingue même , ils
n'y avaient que des huttes momentanées qui portaient le nom de Boucans.
Quoique les Espagnols euflènt exterminé prefque tous les habitans de la
Tortue en 1638 , il refta cependant une quarantaine de françsis difpdriés fur la
côte de Saint-Domingue, qui voyant que cette petite aie -était abandonnée , y
retournèrent en 1679, y vivant fans chef & fans que pcrfonne les y troublât.
Mais "VYilIis , capitaine anglais , ayant enlevé , fans aucune au torifation , de l'îlje
<îc Nieves environ trois cens de fes compatriotes , il les eonduifit 9 la Tortue.
Lts français accueillirent ces nouveaux compagnons & ne eeflaient même , depuip
^atre mois, de les aider de toutes leurs reflbiofçes, lorfque l'ingrat Wilîis les
ifit défarraer , en fit maffuwer une partie d§ iang-toid & 4:nyoya le xt^ .d^jB»
i'île Saint-Domingue,
"^
Française desaïnt-domingue. 66^
Quelques-uns de ceux çchapp's à tant d'infortunes , allèrent en faire le récit
au Commandeur de Poincy, gouverneur-général pour le roi^ des îles de l'Amé-
rique, dont Saint-Chriftophe était alors le chef-lieu. M. de Poincy conçut le
projet de faire fervir cette .circonflance à l'exéeution d'un parti qui lui était déjà
pretrit par les Seigneurs de la Compagnie des Mes de l'Amérique , formée &
protégée parle Cardinal de Richelieu, alors Grand-Maître, Chef & Surinten--
dant'général de la Navigation & Commerce de France.
Un omcier de marine , compagnon de d'Enambuc , premier fondateur des
Antilles françaifes , à qui fes talens & fon courage avaient fait donner le com^
mandement d'une compagnie à Saint-Chriftophe , y jouiflait auprès du com-
rnandeur de Poincy d'une confiance méritée. Mais il était huguenot , chéri de
ceux de fa croyance dans i'îie , & cç fut aflcz pour le dévouer à la perfécu,
tion. Poincy réfiftait depuis quelque tems , parce que le Vaflèur & fes adhcrens
lui étaient néceflaires. Enfin il crut le moment favorable , & il ordonna à le
Vaflèur d'aller croifer dans le golfe du Mexique, & lui remit des inftruflions
relatives à Saint-Domingue pour le cas où fa croifière ne ferait pas fruftueufe.
j:.e Vaflèur fe mit avec ceux que leurs opinions religieufes rendaient fufpeéls
comme lui , dans une barque que M. de Poincy avait fait acheter , & ils parti-
rent pour aller fervir une patrie qui les rejettait de fon fein. D'après le plan de
M. de Poincy, ils vinrent aborder dans l'ÎIct du Port-Margot , qui portait déjà
ce noni dont l'origine m'eft inconnue.
Ainfi ce petit point reçut le premier chef revêtu d'un pouvoir vraiment légai
^ émané médiatemcnt du Monarque. Les français qui les fuivaicnt , ceux qu'il
trouva fur la c^te , furent réellement dès-lors des erres avoués & diriges par
l'autorité qui r^giâfait la natiog entière dont ils faifaient partie.
^ Pe cetîlet , le YaflTeur allait vifiter Willis qui lui rendait la pareille. Les anglais
vivaient, avec les nouveaux français de leur voifînage , dans une parfaite har-
monie , 8c même les deu» chefs étaient convenus que des français mêlés aux
habitans de la Tortue , feraient ^ cqmme jls le défiraient eux-mêmes, affimilés
iu}? anglais , mais cet accprd ne fut pas de Jqngije durée. WiHis qui avait une
jpopuîatipn plus grapde d^ns fo^ fie , y défarm» quelques perfbnnes venues de
i'Ikt, il fe joua des plaintes de le Vaffeiir , qui , laffé û§ mm d'infuke , débai?!
qua avec quaraot^-neuf hommes feulemepf à la 'Torçqe , 1? 31 Août 164g. Ji
U WiHis pirirQnnier , §?ero|)3ra de cg«çp(î|jtç ,% ^ui , s^^^^^ni^ m h^ m^m
1-^
''m
I
670
DESCRIPTION DE LA PARTIE
partis pour l'île Sainte-Catherine, devint, à cet époque, la première capitale
de la Colonie Françaife de Saint-Domingue.
La proximité de la Tortue fournit l'occafion d'un établiiïement , & dans l'îlet
& dans l'île Saint-Domingue au point qui correfpondait à cet îlet ; & lorfque
d'Ogeron y forma, en 1665, une habitation où il introduifit la culture du
cacaoyer en 1666. On comptait une centaine de français dans ce lieu & environ
foixante- fur l'îlet. Mais la préférence qu'acquit bientôt après le Port-de-Paix j
ne lailTa plus que des Boucaniers au Port-Margot , & ks ravages des ennemis
en 1695 lui furent très-funeftes.
On y bâtit cependant u^ne églife alors , mais elle ne tarda pas à s'anéantir , Se
lorfque les nouveaux efforts tentés au commencement du fiècle aftuel , folt
dans l'Eit du Port-de-Paix, foit dans l'Ouefl du Cap, conduifirent quelques
Colons jufqu'au Port-Margot, ils dépendirent de la paroifTe de l'Acul , puis
ils eurent une chapelle fuccurfale où l'on célébra la meffe pour la première fois
le 21 Juillet 17 II. Elle était au bord de la rivière dans un endroit qu'on nom-
moit auparavant Boucan au Figuier au père l'Amande , parce qu'un Boucanier
de ce nom y avait eu fon boucan autrefois , & y avait planté quelques figuiers-
bananes qu'on y voyait encore. Cette fuccurfale était elle-même à 7 ou 800 pas
plus bas que l'églife de 1695. Le temple de 17 11 fut confacré , par un vœu
unanime, à Sainte-Marguerite,
Les débordemens de la rivière du Port-Margot expofant la maifon du Sei-
gneur, les habitans s'affemblèrent , le 6 Avril 1712, à la plaine du Nord fur
l'habitation de M. de Ban ère, lieutenant de roi du Cap, & y arrêtèrent que
cette chapelle ferait mife fur la pointe du morne du Corail. Les Adminiftra-
teurs confacrèrent ce vœu & autorisèrent à ne rien payer à l'églife de l'Acul,
mais à préparer , par une taxe , le moyen d'en faire conftruire une convenable
chez eux-mêmes.
On comptait alors au Port-Margot 80 hommes portant armes, tous indigo^
tiers ou chafleurs , & qui pafTaient pour très-courageux.
La paroifTe faifait peu de progrès quoiqu'elle eût des conceffionnaires , parce
que les conceffions étaient immenfes , & M. de Charitte vendit à lui feul , en
Ï716, du terrain pour quatre grandes habitations 4u moin?. Le 14 Septembre
1717, les Adminiftrateurs réunirent tout ce qui n'était pas défriché.
Aujourd'hui la paroifTe du Port - Margot a 8 fucreries , dont 4 avec dç
t
"5?^
ï? RANG AI SE DE SAINT-DOMINGUE. 671
înoulins à eau , 15 indigoteries , 119 cafeteries , i cacaoyère , 13 placcs-à-
vivresj 38 habitations incultes faute de bras, 3 guildiveries , 3 entrepôts
& I briqueterie.
Sa population eft de 2^^ blancs, 184 affranchis & 5,500 efclaves.
La mer borde la paroifle du Port-Margot au Nord ; le Limbe à l'Efl: ;
Plaifance au Sud & le Borgne à l'Oueft. On lui donne environ 9 lieues de
longueur du Nord au Sud, & environ 3 lieues de l'Efl à l'Oueft.
La paroiffe du Port-Margot a d'abord pour divifion principale, le Port-
Margot & le Margot. Le Port-Margot eft une efpèce de vallée environnée
â l'Eft , au Sud &c à 1 Oueft par des chaînes de montagnes. Le Margot, qui
eft placé au-deffus du Port - Margot , n'a guères de plane que le point où
coule la rivière. Les montagnes y font fort élevées & ont une pente affez
rapide.
Enfuite le Port - Margot & le Margot fe fubdivifent en huit cantons que
je vais parcourir , & dont les fept derniers ne font que des penchans de
montagnes ou des montagnes mêmes.
Le Bas Cartier , comme l'indique le mot même , eft- la partie qui touche
à la mer. Il gagne vers le Sud-Eft , en rétréciffant jufqu'au bourg appelé
Grand bourg , &: il eft plane. On fubdivife aufli ce canton en deux parties
qui font , l'Embarcadère & la Boularde.
Le Grand Bourg , placé à environ une lieue & demie dans le Sud de
l'Embarcadère, a 42 maifons toutes numérotées; c'eft là qu'eft l'églife aétuelle.
Le Bas Cartier a fix fucreries qui donnent onze cens milliers de fucre
blanc. On pourrait en placer quatre de plus qui pourraient en produire huit cens
milliers. On n'y compte plus que fix indigoteries , parce que l'indigo y périt,
& trois places-à-vivres. Ce canton a L des nègres de la paroiffe & 4- de fa
furface. Il eft le plus expofé aux débordemens des rivières de la paroiffe &
fes habitans ont , dans leur lot de répartition , l'entretien de la coupe à Noé ,
où paffe , dans la chaîne -qui fépare le Port - Margot du Limbe, le grand
chemin du Cap au Port-de-Paix.
Le Petit Borgne eft placé au deffus du Bas Quartier , fans s'étendre comme
lui jufqu'à l'Eft de la paroiffe. Il n'a qu'une fucrerie en brut, qui. pourrait
faire trois cens milliers de fucre blanc , 2 indigoteries, 15 cafeteries & 2 places-
à-vivres , y de la furface de la paroiffe &c -^ de fes efclaves.
W
-m
^
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le canton du Corail eft fcparé de celui du Petit Borgne , qu'il fiirmontc ,
par une petite chaîne de montagnes. Il renferme 5 indigoteries , 24 cafeteries ,
I cacaotière , 3 places - à - vivres , -1- de la furface & un peu plus du \- des
nègres de la paroifTe,
La Grands Plaine ou Plaine à V Anneau , eft refpace qui eft au Sud du bourg
& qui va jufqu'au fommet de la montagne qui fépare ce canton de celui du
Margot. Il a I fucrerie, i indigoterie , 16 cafeteries'ç 3 places-à-vivres , i
briqueterie , i guildiverie , 3 entrepôts , -i de la furface & 4. des nègres. C'eft
dans fon étendue qu'eft une réunion de quelques maifons formée par l'acquit
fition de divers petits terrains démembrés d'une habitation , & à laquelle on a
donné affez improprement le nom de petit Bourg. Il eft à environ une lieue
& demie dans l'Oueft-Sud-Oueft du grand Bourg.
Le canton du Bras Droit , tire vers l'Oueft. Il a 8 cafeteries , ^ de U
furface & -J-^ des nègres.
Le Bras Gauche , contigu au précédent j a 15 cafeteries & 2 places-à-vivres,
II occuppe -^^ de la furface de la paroifle Se environ — de fes nègres.
Le Margot , ({m. t?i dans le Sud-Oueft , & comme enclavé dans la paroifle
de Plaifance , compte 1 indigoterie & 3 1 cafeteries , ^ de la furface & -j^
des nègres.
Enfin le boucan Michel, dont la majeure partie dépend du Borgne , qui gagne
vers le Nord-Oueft , n'a que 10 cafeteries , -^ environ de la fiirface & -rV
des nègres.
Le fol de la paroifle du Port-Margot eft en général léger & pierreux. II
ne donnait autrefois que de l'indigo j à préfent il n'en fait guères que 20 milliers,
8t le produit des cafeteries peut-être évalué à environ un million & demi de
livres. Les vivres y font bons & la confommation du Cap donne une utilité
réelle à leur culture.
La partie plane eft arrofée par deux rivières & par une fource ; cette dernière
eft appelée le trou Pétra. Celle appelée du Port-Margot , qui parcourt la paroiflTe
dans le fens de fa longueur, a,, quoiqu'elle tarifle dans plufieurs points durant les
grandes féchercflès , des débordemens dont les ravages s'exercent dans la partie
plane , mais furtout dans le bas vers la mer. Dans cette plaine , qui paraît
être le produit de fon limon, tout parle de fes effets & de fes irruptions.
Elle a paffé autrefois par le trou Pétra & elle menace encore d'y retourner
I
■^
F-'RANÇAISE DESAÏNT-DOMINGUE. 673
& de partager le grand Bourg. Sa rapidité , qu'augmente celle des torrens dont ■
elle eft gronie,la rend très-dangereufe j & en 1722, elle caufa une grande
■ inondation.
Le. 9 Février 1764 , la pluie fut fi confidérabk qu'en moins de fix heures
coûtes les habitations furent inondées.
• -Dans le coup de vent de la nuit précédente, la goélette la Sainte-Barbe du Cap,
•-.venant du Môle chercher de la chaux auBorgne , périt furies reffifs vers la partie
■~ Orientale du Port-Margot. Ge malheur fut commun-à une goélette efpagnole
allant du Cap à Cube , à une pirogue. & axi paffager du Port- Margot.
- D'après les obiêrvations ^faites par M. Le Gras fur l'habitation de M°^ fon
époufej il y -a eu au Port-Margot :
En 178 1, un coup de vent le 5 Septembre, un tremblement de ttrre le
'6 Oftobre & 93 jours pluvieux.
En 1782 , 112 jours pluvieux.
En 1783 , 146 jours de pluie donnant 158 pouces 10 lignes d'eau. Les rivières
furent débordées depuis le l*^ jufqu'au 21 Novembre & elles firent d'incroyables^
ravages. La plus grande crue d'eau fut le 6 , il avait fait la veille une avcrfe pendant
13 heures fans la moindre difcontinuation. Il y eut un tremblement de terre j le
30 Août.
En 1784 , 160 jours pluvieux donnant 123 pouces d'eau. Le mois de Mars
qui , d'ordinaire , n'cft pas pluvieux , donna , à lui feul , 20 pouces 6 lignes en
-î;5 jours.
îl faut ajouter à ces réfultats trouvés fur une habitation au centre de la plaine,
que dans les points qui confinent à la mer , la quantité de pluie eft à peu près
moindre de 4., mais que dans le voifinage des -montagnes , il y a |- de plus.
En général , les mois les plus abondans en pluie font ceux depuis celui d'AoÛ£
jufqu'à celui de Janvier inclufivement. Il y a dans cet intervalle de très-violens
orages.
Cependant le Port-Margot n'eft pas toujours préfervé des féchereffes -, il en
.fouffrit aux aïois de Mars & de Mai 1781, mais il en fut défolé au mois de
■ Mars 1786., ■ '
Malgré des pluies auïïî confidérables , on ne trouve point de marais dans la
plaine du Port-Margot h l'on n'y voit que rarement des bro\iill3rds. On y
Terne I. 0^9 ^ Q
674 DESCRIPTION DELAPARTIE
voit même un nombre remarquable de vieillards. Il y a environ 15 ou 16 ans,
qu'on ya vu mourir M-=. Tcxier , âgée de 130 ans.
Mais avec une femblable quantité d'eau , les chemins du Port-Margot font
prefque toujours mauvais. Ceux de la plaine femblent fe détériorer tous Icsjours.
Celui qui pafle par la coupe à Jofeph fituée à environ 700 toiles dans l'Eft du
petit bourg & qui eft le chemin du Cap pour les trois quarts des habitans delà
paroiffe , & même pour plufieurs habitans de divers cantons de Plaifance , tel que
le Piîate , la rivière la Porte & le Piment , & pour des habitans du Gros-Morne
& du Haut du Borgne , eft dans un état qui le rend dangereux.
En 1772 , on imagina de faire, au Port-Margot, un chemin neuf qui a coûté
15,000 journées de nègres & qui n'a point fervi. Il ferait à défirer qu'on les eût
employées à baifîer cette coupe de 20 pieds & à y élargir la route. La coupe à
Ncé par laquelle le grand chemin de voiture venant du Cap , entre dans cette
paroiffe en quittant celle du Lim.bé , aurait auffi befoin qu'on l'adoucît de 5 ou 6
pieds perpendiculaires & qu'on Télargit dans plufieurs endroits.
Le Port-Margot n'a pas encore un véritable embarcadère quoiqu'il y ait un Heu
de ce nom depuis le commencement du fiècle , c'eft ce qu'on jugera mieux par
ks détails que je vais donner fur la côte de cette paroiffe. ■
Elle commence à la pointe Eft de i'anfe du Port-Margot. A 160 toifes dans
- le^ Nord-Nord -Oueft de cette pointe , eft l'îlet du Port-Margot , auquel le
Vaffeur donna , par reconnaiffance , le nom de Refuge Si qu'on appelé auffi à pré-
itntVIjlei-à-CûènL lia 540 toifes de long fur 400 de large êc les hommes â qyi
il rappelé l'époque où il était l'abri de quelques proteftans perfécutés , au courao-e
defquels on doit la Colonie Francaife de Saint-Dom.ingue , ne le contemplent pas
fans un mouvement d'admiration.
A environ 80 toifc3 dans le Nord-Nord-Oueft de Ulet du Port-Margot, eft la
Prifon-d'Ogeron. C'eft un rocher , élevé d'environ 15 à 20 pieds , ayant a peu
près trente toifes dans fa plus grande longueur qui eft de TEftàrOueft. Il e§t
cou-pé à pic & la mer y brife avec violence. Sa furface inégale eft chargée d'afpé-
rités , le tems l'a fiUoné & il eft entièrement ftérile.- C'eft là, fuivant latradition^
que d'Ogeron envoyait les malfaiteurs de l'île de la Tortue. Il eft probable qa'cn
ks y laiffàit avec des fers ou des Uens , puifque fans cela ils auraient pu nager & fe
fauver à terre. Ils 7 attendaient, dit-on, une mort dont l'afpeft était bien propre
I
~:p--
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 675 •
a exciter le défefpoir. Ils iTie fembîe qu'ils devaient regarder comme un bonheur
de pouvoir s'élancer dans l'eau pour y trouver une fin moins hideufe.
. Si ces rapports font vrais , il n'efl pas aifé de trouver une excufe à un fuppllce
aufîi atroce , à moins que l'imagination des Flibuftiers ne l'eût conçu elle-même ^
comme feule capable d'imprimer la crainte à des hommes de leur trem.pe.
Par-tout le coeur de l'homme fenfibie eft brifé par la vue ou par l'idée de quel-
ques-uns de fes femblables conjurés contre la tranquillité des autres.
De la pointe Eft de î'anfe du Port-Margot jufqu'à fa pointe Oueft , nommée le
morne des Dames , il y a trois-quarts de lieue. L'enfoncement de cette anfe eîl
de 330 toifes.
Auffitôt qu'on a tourné la pointe Orientale de I'anfe , & en fe dirigeant au
_Sud-Sud-Oueft , on trouve un eftcr qui mène â l'embarcadère du Port-Margot ,
où il y a 14 maifons ou magafins numérotés d'après l'ordonnance du 20 Octobre
1780. En 1742, il n'y avait encore, le long de la mer 3 qu'un feul habitant
poflèfTcur d'une immenfe étendue & fes voifins étaient à une lieue dans les terres. .
Une vigie fur la pointe Eft , avertifîait l'embarcadère de ce qui paraiffait fur la
côte. M. de Vaudreuil fit faire , en 1748 , à cet embarcadère une batterie , 8c 6
pièces de canon le protègent encore efficacement en ce moment.
Cet embarcadère devenant de plus en plus précaire par les fables de l'efter , les
habitans qui follicitaient depuis 25 ans une utile réparation , obtinrent de M.
d'Ennery la permiffion d'y travailler. On affure qu'on eut le crédit de lui faire
adopter un mauvj.is projet en le pirant du nom de M. Duportal, &; 14,000 jour-
nées de nègres , & 183OOO livres d'argent, n'ont produit qu'un plus mauvais
embarcadère.
Des perfônnes qu'on regarde comme inftruites , afîurent qu'il faudrait faire, un
pe^ au-defîbus du canal qui fournit l'eau au moulin de l'habitation Bayeux , ua
pilotis de pieux de bois incorruptibles frappés à refus de mouton , de manière
à faire entrer , à volonté , toute l'eau de la rivière dans ce canal , à la tête duquel
orj mettrait une éclufe de la plus grande folidité , afin que dans les débordemens ,
îa totalité de l'eau refiât dans la rivière. Dans les tems ordinaires elle irait du
capal dans l'efter oij fon volume entraînerait les fables que le vent de Nord-Oueft
charrie à l'embouchure. Ces précautions & celle de couler un vieux navire dans
le Nord-Oueft , achèveraient de rendre l'embarcadère sûr. D'ailleurs Md=. de
Bayeu.x gagnant dans ce projet un meilleur moulin & un moyen d'embarquement
Q^q q q 2
Il
11
éj6- DE S C R 1 p r 1 O N DEL A^^ P^A R T I E
de ics Rktss chc7. eîle-rr.êrae , Son habitation pourrait êtfe chargée de J'tntretlea
du canal jufqu'à rembarcadère.
Le Pûrt-Margot-a deux paffagers qui font les tranlports au Cap. Ce païTage
donnait aufifc 2,850 lir. par an , en 1752.
Dans l'anfe du Port-Margot & à 440 toifes de fa pointe Orientale, cîl une autre
petite pointe qui partage cette anfe en deux autres, & à 150 toifes après cette -
petite pointe , eft l'embouchure aftueile de la rivière du Port-Margot' qui porte -
auffilc nom de rivicre du Limon.
Il n'y a point de mouillage païTable dans toute l'anfe du Port-Margot , qu'er?
dedans de l'ilet du Refuge, parce qu'on y efl à l'abri des Nords. Les groffes- •
lames , les ras de marée battent cette côte.
Le morne des Dames ou à Madame, qui fépare l'anfe du Port- Margot de l'anfe -
à Chouchou , eil formé par une demi-circonférence d'environ 650 roifes de côtes
de fer trés-élevées. Depuis la pointe Oueftde ce morne jufqu'à celle Efl del'ânlê ■
à Chouchou, on trouve 940 toifes fur environ 750 toifes d'enfoncement. • Cette
anfe eft encore plus expofée à la force des vents de Nord que la précédente. lî '
n'y aguères que des barques ou cMoupes qui fréquentent cette partie delà côte~-
avec beaucoup de foins pour veiller le tems. On y a cependant deux canons en
batterie.
Lé morne qui fépare l'anfe à Chouchou de la baie de la rivière Salée , préfente '
tm front de côtes de fer de 335 toifes dirigé Eft & Oueft , ayant fes deux côtes
Nord &-Sud de chacune 700 toifes de côtes de fer auffi & également très-élevées-
au-deffus de la mer. L'ouverture de cette baie jufqu'à la pointe- du Baril-de-
Bœut , eft de 438 toifes fur 1,000 de profondeur.
Au fond de cette baie ell l'embouchure de la rivière Salée , qm efl à ce
point la limite de la paroifTe du Port-Margot & de celle du Borgne, &' l'endroit '
où le chemin du Cap au Port-de-Paix cefîè d'être praticable aux voitures.
L'Embouchure de la rivière Salée forme un lagon^ ou efter fpacîeux , de 9 à 10
pieds de profondeur. Le mouillage qui eft devant cette embouchure fê trouve
abrite du Nord.
On trouva dans le pilote de M. de Puyfégur le plan de l'Anfe à Chouchou- -'
& de -la baie de la rivière Salée. Il donne pour latitude à la pointe Eft dtf-
cette première, 19 degiés 50 minutes 40 fcconcks, & pour longitude 74 degr%-
S& minutes ^5 fécondes.»
iMte^
F R: A N Ç A ï S E D E S A I N T^D O M I K G IJ E.
677
Î.3 côte de la paroiiîe' du Porc-Margot court dû Slia-Eft-Vuart-d'Eft dans le
Nord-Oueft-quart-d'Ouefl, & l^s^térresvues de laraer ont moins d^eléVàtion que
dans la partie qui les précède depuis la baie de Mancenilîe.
La paroiffe du Port-Margot eft du quartier du Limbe, dd commandement
&de- la SénéchauiTée du Cap. Cette dernière y a un fubflitut du procureur
du roi.
La milite du Port-Margoteft d'environ 120 individus, dont plus des deux
tiers font blancs. En 1688 elle avait la moitié de ce nombre.
On ne peut s'empêcher , en décrivant le Port- Margot , de ' marquer de'
l'etonnement de ce que le canton du Piment, qu'on a donné à la partie de
Plaifance, n'appartienne pas à la première. Trois des côtés de ce canton font
du Port-Margot; il n'a point de chemin pour aller à Plaifance ; il eft d'^ux^
fois plus loin de l'églife de Plaifance que de celle du Port-Margot- iln'a'
d'autre débouché que l'embarcadère du Port-Margot, qu'il n'atteint^cependari»
que par de mauvais fentiers jufqu'à ce qu'il foit parvenu dans cette dernière
paroifTe, dont tous les rapports religieux & civils prefcriverit de le faire dépendre.
On compte de l'églife du Porc-Margot à celié ciu Limbe , . 3 lieuesV
—— •■ je Plaifance , . 7
— ■ du Borgne , . 7
LaparoiiTe du Port-Margot a vu mourir, le 2 Novembre 1758 , fur l'habita-
tion de Mde. fonépoufe, devenue fa demeure depuis plufieurs années'. M.'
François Le Gras, né à Orléans en 1719. II avait fuivi fon père qui é^ait venu
habiter Nantes , où M. Le Gras fut élevé chez les Oratoriens. Privé de
fon père , il entra dans la compagnie des cadets de Rochefort , qu'il quitta
pour fui^^re , à l'âge <le feize ans , ù mère dans la Colonie , où elle était appelée
par les intérêts d'une fœur. DeVenu' procureur de l'habitation Saint-Michel, du •'
Quartier-Monn , il y établit une ' adminiftration fage , & la ' preuve qu'il fentait
l'importance de la conduite d'un grand atelier , c'eft qu'il cohçut dès lors l'idée
de traiter un^ jour cette queition qu'il avait poiée lui-même. " Quelle ferait la ^
„ meilleure éducation, tant au phyfique qu'au moral, à donner aux enfans
„ efclaves pour les rendre plus piopres aux fervicés que dans l'âge viril les
„ maîtres ont droit d'exiger d'eux , & les mettre ' dans le cas, en'^rendant ces ■
„ fervices, de" jouir de' toute h fomme dfe bonheur que leur éc.it d'efcîavage
3, peut comporter ? ''
■ Avi
vi
^78 DESCRIPTION DE LA PARTIE
D'agriculteur M. Le Gras devini: aiTelTeur du Confeil du Cap en 1745,
titulaire en 1752, & procureur-général en 1767.
L'erdmc publique fut le partage de M. Le Gras dans ces diverfes parties de
I3, magiitrature coloniale. Juge intègre & éclairé , organe de la loi qu'il voulait
qu'on reTpeftât parce qu'il était ami de l'ordre , M, Le Gra*. avait une philo-
fopkie douce qui le rendit conciliateur dans des circonftances difficile?, ■
Ayant obtenu des lettres de nobkfîe en 177J & un brevet de confeiller honoraire
des deux Confeils de la Colonie en 1774 , M. Le Gras redevint agriculteur , mais
pour goûter les douceurs de la vie champêtre , qui étaient fi analogues à fes
penchans i & partageant fes loifirs entre les foins de fa propre fucrerie & celle
d^ M'*^- Le Gras, ilpaflait des jours doux & tranquilles. En 1784; un phénomène
nouveau pour Saint-Domingue , celui de la naiffance de la Société des Sciences
Sç Arts du Cap , lui offrit une jouiflance de plus. Capable d'en appercevoir
l'utilité préfente & future, il lui donna 1,600 liv. pour un prix dont il lui
lalfîa le choix , & reçut avec fatisfaftion le titre de membre honoraire de cette
compagnie. Il s'occupait d'obfervations qu'il comptait lui offrir , lorfqu'il a vu
finir une vie dont la vertu a marqué toutes les époques. Son éloge a été prononcé
le I"- Mai 1786, dans une féance publique de la Soc.é'-é par M. Baudry Deflj-
zières , Se applaudi comme un jufte hommage. Une partie de la bibliothèque
de M, Le Gras , par la delïination que M. fon fils lui a donné , enrichit celle
^e cette Société,
X Y I TI.
Paroisse du Borgne.
En 1728 j le local qui forme aftuellement la paroifTe du Borgne &c qu'oa
appelait le grand & le petit Borgne, avait 19 habitations &c 125 nègres travaillans.
La plupart de ces établifTemens étaient des corails, Se la côte était l'afilc où des
pêcheurs de tortue & de çarret fe retiraient. Comme le lieu était fort pluvieux >
on faifait vers la mer un peu d'indigo , mais plus intérieurement la plante pouffait
rapidement & décroîffait de mê.Tie fans donner de fécule,
Encore en 1743 , le Borgne était tellement une dépendance de la paroiffe du
Petit-Saint-Louis, que les habitans n'obtinrent qu'alors une chapelle fuceurfalc.
FRANÇAISE DE S A î N T - D O M I N G U E. 679
où le père Levantier , fupérieur de la miffion des jéfuites , célébra la première
méfie, le i^'. Septembre 1743.
On fit un curé du Borgne du père Frontgous , cordelier , le 29 Avril 1753 ,
mais ce lieu ne fut réellement une paroifîe que le 13 Août 1754, époque où
la dédicace de fon égliie fut faite à Saint-Charles-Sorromée , par le père Cabady,
jéfuite, en préfence du curé que je viens de nommer.
Les limites de la paroifîe du Borgne font maintenant , d'après une ordonnance
'des Adminiftrateurs du 30 Août 1786 , au Nord , la mer, depuis l'embouchure
dé la rivière Salée jufqu'à la pointe d'Icaque j à l'Eft, la paroiffe du Port-
Margot par la chaîne du boucan Michel & du boucan Tâche, jufqu'à la
fource de la rivière Salée; au Sud, la paroifîe de Plaifance , au moyen du canton
la rivière la Porte , & celle du Gros-Morne , par le canton de la rivière Manceî ,
& à rOueft , la paroifîe du Petit-Saint-Louis , en venant du point Sud-Oueft de
la limite avec le Gros-Morne , gagner le piton du Genipayer , puis les deux
Fourchons Se de là , fuivre la crête qui fe termine à la pointe d'Icaque , & qti
fépare les cantons du Sergent & du Précipice, du bas de Sainte- Anne. Le
Borgne a donc environ 6 lieues du Nord au Sud s fur environ 5 lieues de l'Eft
à l'Oueft.
Cette paroifîe eft généralement en montagnes,' dont la plus haute, appelée îe
piton du Grand-Pierrot, fitué à fa limite Sud-Oueft , eft élevée de 620 toifes
au-deflus du niveau de la mer. De fon fommet l'on découvre la Grange , la
Tortue , la Gonave &, par une gorge, la mer au port à l'Écu. Il y a néanmoins
quelques petites portions planes le long de la rivière du Borgne, mais la plus
confidérable n'a guères que 400 toifes en carré.
Ses cantons font, à partir de la limite Nord-Eft , pour aller chercher celle
Nord-Oueft , en contournant la paroifîe ; le Margot , le boucan Michel & le
boucan Tâche , nommé d'après un ancien boucanier ; ces trois cantons toucheik
s la paroifîe du Port-Margot. Enfuite vient le Trou d'Enfer , que fa fituatiôn
peut avoir fait appeler ainfî & dont la rivière tombe entre deux énormes rochersj
il touche au Piment & à la rivière la Porte , cantons de la paroifîe de Plaifance,
8c à celui de la rivière Manccl , du Gros-Morhe. Dans un des points communs à
te dernier canton , eft une montagne à deux fommets , qu'on connaît fous îe
nom de Bonnet à l'Évêque , & qui fait découvrir le Borgne, Plaifance, le
Gros-Morne Se les Gonaïves>
68o
D E 5 C R I P TION DE LA PARTIE
Après vient, la. Petite rivière qui répond i l'Aqjl dj Gras-Morne, comras
le boucan Champagne répond au Pendu de h même parolffei enfin la Vallée
^e.Jofaphat, parce que ce point était autrefois comme un bout du monde»
le boucan Mola j le Sergent, qui répondait à la paroifle du Petit^Saint-Louis
comme le Précipice , auquel fon nom doit être venu de ce que fa rivière tombe
de rochers en rochers. Le canton du grand Boucan eft dans le T.oifma^e ^ç
dans le Sud-5ud-Oue{l du nouveau bourg.
La principale rivière qui arrpfc le Borgne en porte le nom. Elle efl fprmée
par la rivière du Margot, par celle jdu Précipice, celle du Sergent, celle
appelée Petite rivière , celle du Bras Droit , celle du boucan Tâche , celle
du Saut-d'eau & celle du boucan Michel. Le Borgne a , en outre, k rivière
de Barre qui, après un cours d'environ une lieue & demie dans le Borgne,
.ya dans la paroiiTe du Petit-Saint-Louis où efl fon embouchure.
Le genre de culture qui convient le mieux à cette paroiiTe, efl, celle du
çafîer. On recueille, année commune, environ trois millions & demi pefant
de café. Jl efl généralement reconnu que le café du Borgne efl fupérieur à
celui de tout le refle de h Partie du Nord , & il efl payé un ou deux fpus
plus cher par livre. Les vivres de tous les genres y viennent très-bien , ainft
que les légumes & les plantes potagères originaires d'Europe.
En I74i,le Borgne ne comptait que 763 individus, & à préfent il a^ia
blan^cs, 282 affranchis, 5,742 efclaves, 2 indigoteries , ii7,cafeteries , 32 places^
l-vivres, 2 hattesSc i chaufournerie.
L'indigo a été l'objet des foins des premiers cultivateurs , mais des pluies
trop fréquentes font renoncer à cette plante , d'ailleurs fujette à beaucoup d'in-
convéniens.
Au nombre de fes établifTemens , le Borgne compte aulTi deux bourgs. L'un
qui efl appelé l'Embarcadère, parce que c'eft vraiment fa deflination, eft à
très-peu de diflance de la rive droite de la rivière , 8ç s'étend des deu^i côtés
d'un efler nommé h SavaiU. On l'a crée le 8 Septembre 1754, & l'on y
voit au)ourd'hui une quarantaine de maifons. Il efl fur le terrain acheté des
deniers paroifTiaux , le 23 Avril 1753 , de Philippe Porquin, mulâtre libre,
pour y conftruire l'églife , le prefbytère Se ce bourg.
Mais en 1774, les marguilliers ont été autorifés à foliiciter des Adminiflra-
^urs le tranfporc & la reconflrudion de l'églife, fur un terrain donné à la
paroifle
\
È^^"«;^~.Mt:!»'j*f!.ii.jiiiL.-5*i^>*!»>»-'»^.'
"^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 6Sx
paroifîè, avec cette deftination, par M. Belet, le -23 Décembre 1742.
. Cette églife qui eft celle aftuelle a été bénie, le 20 Avril 1777 , pai'le père
Colomban, préfet apoftolique de la Partie du Nord, M. l'abbé de la Porte
étant curé. Elle eft: fur la rive gauche de la rivière , ainfi que le bourg au-
quel elle a donné lieu & qui a été autorifé, le 24 Septembre 1780 , après de
longs débats avec les propriétaires des maifons de l'ancien. Ce bourg réunie 40
blancs, autant d'affranchis & environ 80 efclaves.
Le Borgne , malgré fon éreftion en paroifTe , dépendait pour tous les autres
rapports du Port-de-Paix. L'ordonnance des milices, du 1". Avril 1768,1e
plaça néanmoins dans le Quartier du Limbe ; & une déclaration du roi du
21 Juin 1774, l'a diftrait de la Sénéchaufîee du Port-de-Paix , pour le donner
à celle du Cap.
On trouve au Borgne plufieurs communications. La principale eft celle du
Cap au Port-de-Paix , qui va y chercher le chemin prefqu'abandonné des Côtes
de fer qui fuit la direétion du rivage , ou la gorge étroite & tortueufc du
Bas de Sainte-Anne qui pafTe dans le Sud des montagnes des Côtes de fer.
Il y a aufli un chemin pour venir des hauteurs gagner l'églife & aller à l'em-
barcadère dont fe fervent auffi des habitans de la rivière la Porte Se du Piment ,
quoique renfermés dans les limites de la paroiffe de Plaifance.
C'eft fur la gauche, & à toucher le chemin en allant de l'églife aduelle à
l'embarcadère & à environ cinq quarts de lieue de la mer , qu'efl , fur un lieu
nommé la Grande Colline, fur l'habitati'. n Gazin , au flanc des Côtes de fer,
une caverne découverte en efcarpart ce chemin dans le roc.
Cette caverne eft divifée en fept voûtes ou grottes qui varient dans leurs
dimenfions. La première, quoique la moins confidérable , pourrait contenir au
moins cent perfonnes. On y trouve des offemens humains, des fétiches, des
priapes de grandeur naturelle, & des fragmens de la vaiffelle des naturels
avec des moulures ( 1 ).
( I ) M. Arthaudj Médecin du Roi au Cap , de qui je tiens une partiede ces détails depuis 17,83
& qui les a fait imprimer en 1788 dans le premier volume des Mémoires de la Société Royale des
Sciences & Arts du Cap; a donné à M. Grandclas, Médecin à Paris, une taffe de terre noire
X)rnée de moulures , qu'il avait prife dans cette caverne en 1777 , époque où pour la première fois
elle fut vifuée dans fon entier par lui & par quelques autres curieux , au nombre defqueb était
M- l'Abbé de la Porte.
Tome I, R r r r
682 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Au fond de la p;emlère voûre efl une ouverture de trois pieds de haut fur aâ-
tant de large , d'o5 l'on fent qu'il vient un vent aflez fort, & d'où l'on apper--
çoit une efpèce de gouirre ; mais en fe traînant on trouve fur la droite de cette
ouverture un paffage qui mène à une grotte immenfe percée à fa voûte ,
ayant des niches dans le roc, & fuivie de cinq autres. Dans la dernière font des
rochers entafiës &: entraînés, au moyen de quelques trous du haut répondant au
revers de la montagne , par le torrent qui , vraifem'olabîement , parcourt toute la
caverne & aboutit au gouffre voifm de la première grotte. Des colonnes des
pyramides renverfées , des chapiteaux , des entonnoirs , des ftalaftites de toutes
les dimenfions & de toutes ks formes, garniffent cet immenfe intérieur qui a
quelque chofe de fombre & de fait pour attrifter. Cet effet fem.ble augmenter
encore par la lueur incertaine des flambeaux fans lefquels on ne pourrait pas s'y
diriger , Se qu'éteignent quelquefois des légions de chauve-fouris. A cette fen-
fation fe mtle un mouvement produit p:ir un enfemble auquel on trouve quelque
chofe de majefLueux , & enfin l'ame eflr oppreffée lorfqu'on fonge que ce vafte
fouterrain a peut-être été le dernier refuge d'un grand nombre de ces Indiens
dévoués â la mort par la cupidité efpagnole.
. On remarque auffi au Borgne un étang falé qui fe trouve fur l'habitation Thi-
baud , à mi-côte au moins de la rivière Salée, 8c à environ 120 pieds au-deffus
du niveau de la mer. On affure qu'on y a pris du poiffon de mer , notamment
des mulets , des brochets & des fardes.
Examinons la limite Septentrionale de cette paroiffe.
En parlant de l'embouchure de la rivière Salée dans la Defcription de la pi-
roiffe du Port-Margot, j'ai dit qu'elle était lagoneufe. Le grand chemin du
Cap au Port-de-Paix paffe à cette embouchure. On était obligé de faire un
long circuit dans h mer fur un banc de fable écroit , & prefque tous les ans il
s'y noyait quelques perfonnes dans les hautes marées. M. Savy, habitant du
voifinage, autorifé par les Adminiftrateurs le 10 Décembre 1774, y a établi
un bac qui eft fouir.is au même tarif que celui du Cap , & qui eft auffi d'une
grande unlité j on y projette un pont.
Aprçs l'embouchure de la rivière Salée, vient, comme je l'ai déjà dit ail-
leurs, h pointe du Bariî-de-Bceuf, à laquelle correfpond , dans l'Eft , un îlet
que fa forme a fait nommer le Baril-de-Bœuf. De celle-ci à la baie d'Argent,
€0 avant de laquelle eft auffi uq rocher j on trouve 400 toifcs de côtes de fer.
-^¥^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 68j
Cette baie n'a que 145 toifes de largeur fur 70 toifes de profondeur ; de là l'on
compte 540 toifes de côtes de fer jufqu'à la pointe de Jean Aube, qui eft h
pointe Orientale de l'anfe la Grange, de 455 toifes fur environ 290 toifes de
profondeur. Cette baie eft bonne , mê.ne pour un vaifîcau , au befoin.
Il régne 350 toifes de côtes de fer entre l'anfe la Grange & celle du Borgne ,
dont l'ouverture eft de 715 toifes fur 180 toifes d'enfoncement. Cette anfe du
Borgne ne peut recevoir que des canots ou de petites barques, c'eft au fond
qu'eft placé l'embarcadère que protège une batterie mife dans un point choifi
par M. de Gimel , commandant d'artillerie en 1781.
On peut dire que toute la côte , depuis le Port-Margot jufqu'à cet embarca-
dère, eft peu abordable. Se que fon intérieur, compofé de montagnes tiès-
hautes & de rocs , n'eft guères propre à infpirer â l'ennemi l'efpoir d'y
pénétrer , d'autant que durant la guerre il y a , à l'embarcadère , i;n pofle
fourni par la milice de la paroifle formée de la même manière & du même
nombre d'individus que celui du Port-Margot.
C'eft à deux de ces montagnes qui s'avancent de chaque côté de l'embou-
chure de la rivière & qui , vues de la mer, ne préfentcnt qu'une entrée à peine
apperçue, qu'on attribue le nom de la paroifle. J'avoue que fans une petite
barque qui m'en marquait l'ouverture , je ne l'aurais pas difcernée , quoique je
n'en fufl'e qu'à une petite demi-lieue Nord h Sud ( le 3 Juin 1787 ),
Il y a près d'une demi-lieue depuis la pointe Oueft de l'anfe du Borgne juf-
qu'à l'anfe à Lavaud, qui n'a que 180 toifes de large fur 90 toifes d'enfonce-
ïîicnt. C'tft là qu'eft l'embouchure de la rivière des Bananiers. En parcourant
1,320 toifes après l'anfe à Lavaud, on trouve l'embouchure de la rivière d'Enfer
qui eft près de la pointe du Pêcheur > & 715 toifes jufqu'à l'embouchure de la
rivière de Prcflieu} toute la côte de cet intervalle, de 2,035 ^'^'^^^^ jufqu'à
160 toifes en deçà de l'embouchure de la rivière de Preflieu , eft de fer, inabor-
dable & fort élevée au-deflTus de l'eau, excepté dans le fond de l'anfe à
J-avaud.
De l'embouchure de la rivière de Preflieu à la pointe Orientale de l'anfe du
Bas de Sainte -Anne , il y a 127 toifes & environ 1,800 toifes de cette pointe
jufqu'à la pointe d'Icaque, ce qui fait l'ouverture de l'anfe du Bas de Sainte- Anne,
qui a 640 toifes de profondeur.
Rrrr 2
t
é84 DESCRIPTION DE LA PARTIE
M. de Puyfégur marque la latitude de la pointe d'Icaque à 19 degrés ^4^
minutes 28 fécondes, & la longitude à 75 degrés 3 minutes 13 fécondes.
De la rivière de Preflieu un reffif à fleur-d'eau s'étend au Nord-Oueft, & un
autre de la pointe d'Icaque dans l'Eft-Nord-Efl: , l'un & l'autre avec une lar-
geur moyenne d'environ 120 toifes. Entr'eux eft une pafle de 260 toifes pour
gagner l'anfe.
D'après des obfervaîions faites au canton de la Vallée de Jofaphat ou à Jofeph,
dans le Sud-Oueft , par M. Odelucq fur fon habitation , la plus grande cha-
leur de 1785 a été de 22 degrés & la moindre de 12 degrés. 146 jours de pluie
ont donné 340 pouces , i ligne d'eau. Mars , Avril , Mai & Août ont été les
mois des plus forte pluies, & Février/ Juillet, Septembre & Décembre ceux
des moindres.
Suivant d'autres obfervations faites au nouveau bourg, par le père Balthazar,
curé , pendant les fix premiers mois de 1788 , la plus grande élévation du ther-
momètre de Réaumur , au mercure, a été de 22 degrés à midi , & la moindre
élévation de 15 degrés à fix heures du matin. Il y a eu 71 pouces , i ligne &
demie d'eau.
Le 14 Août 1787, on a inhumé, dans le cimetière du Borgne, Louis
Bourcé, quarteron libre, né dans la paroifîe delà Plaine du Nord, âgé de
loi ans. La maladie de quatre jours dont il mourat , était la feule qu'il eût
éprouvée , èi fix mois auparavant il avait été à une chaffe de nègres marons..
On compte de l'églife du Borgne :
A celle du Port-Margot . . . . .... ....... 7 lieues
de Plaifance g
du Gros-Morne j^
' du Petic-Sâint-Louis. ^ §
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~^5^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 6?!
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QJJ ARTÏÈÎl DU PORT-DE-PAIX,
. . . X I X.
Paroisse du Gros-Morne.
Cette paroifîe qui cftà environ dix-huit lieues dans le Oueft-Nord-Ouefl du
Cap , a j au Nord , les montagnes du boucan Champagne qui la Icparent du
JBorgne , & enfuite les hauteui's de la rivière de Barre qui la féparent du Petit-
Saint - Louis ; à l'Eil, le Morne la Porte qui eft entre elle & la paroiffe de
Piaifance j au Sud, les limites des Gonaïves connues fous le nom de Crête
Efpagnole ; au Sud-Oueft, la montagne de Terre-Neuve qui la fëpare de la
paroiffe du Port-à-Piment -, à l'Oueft , les montagnes du Haut Mouftique de
la paroiffe du Port-de- Paix ; & au Nord-Oueit la Falaife où eft la borne qui,
dans ce point , lui eft commune avec le Port-de-Paix.
La paroiffe du Gros-Morne a , du Nord au Sud , environ 7 lieues , & de
l'Eft à l'Oueft environ 8 lieues. Cette furface fe divife en différens cantons ;
favoir : le boucan Richard ; la rivière Mancel; l'Acul ; le Moulin qui en 17 16
appartenait tout entier à M. deBrach; le Pendu j.la rivière Blanche ; le Précipice;,
la ravine aux Chiques ; & la ravine des Halliers.. Tous ces cantons font mon-
tueux & très-hachés.
Il y-a cependant une portion de la paroiffe que l'on confidère comme plane ,
c'eft celle le long de laquelle coule les Trois^Rivières qui traverfent le Gros-
Morne & que l'on a vu qui fe dirige de Piaifance au Port-de-Paix, On évalue
à 22 lieues fon cours depuis le point où elle arrive fur le territoire du Gros-
Morne jufqu'à fon embouchure. Le gr^nd chenriin la côtoyé & elle fait tant
de fmuofitésj que dans l'intervalle dç dix lieues qui eft entre le bourg du
Gros-Morne jufqu'au Port-de-Paix , ce chemin la paffe quinze fois. Le volume
de fes eaux eft fort augmenté dans la paroiffe du Gros-Morne par la rivière
Mancel, les rivières l'Acul , du Moulin, du Pendu. Elle ne manque jamais
d'eau , parce que fa fource eft dans un lieu où les pluies de Nord font abondantes
& on en a la preuve dans les crues eonfidérabks qu'elle éprouve à. l'ipoq^e de
ces pluies.
'\5
i
i%6 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le fol du Gros-Morne e fl prefque entièrement confacré à l'indigo , & les
parties inférieures lui font très-propres , parce que les dégradations des mornes
les enrichiilent. Il y a mêaie beaucoup de portions qui pourraient employer
l'arrofemcnt avec fuccès , & fans les difficultés du débouché , la culture de
la canne pourrait ccre lucrative dans quelques endroits. Il y a même une
ucrerie attenante au bourg, dans l'Oueft, qu'a établie, depuis 1786, M.
d'Aufligné , avec un moulin mû par l'eau des Trois - rivières ; on a planté des
cannes fur celle Imbauk, dans fon Sud-Oueft, & au bas du Pendu, à un
point nommé la plaine la Croix. M. David cft occupé d'une manufadure
du même-genre.
On peut compter environ 90 indigoteries au Gros-Morne, que l'on doit
divifer en 4 claffes. La première en contient 10 qui , dans les années favo-
rables , donnent de 3 à 4 milliers d'indigo ; la féconde, S qui donnent de
12 à 1,500 livres j la troifième eft formée de 35 indigoteries qui produifent
de 4 à 500 livres & la quatrième de 40 qui ne vont que de 2 à 300 liv. .
de forte que dans les bonnes années le Gros-Morne peut donner de 70 a
80 milliers d'iadigos. On y compte , en outre , une trentaine de cafeteries peu
confidérables. Les autres habitans font de la graine d'indigo ou culdvent des
vivres du pays.
Les parties les plus élevées de la paroiflc & furtout fes collines à pente
douce conviennent au cafier , même la montagne qui lui donne fon nom 6e
qui eft d'une grande hauteur. Elle eft à environ deux lieues dans le Sud-
Eft du bourg -, fa face Méridionale eft aride tandis que celles du Levant &
du Couchant font chargées de bois , que la hache abat chaque jour , pour
faire fervir un fol fertile & frais au cafier. Le fommec de ce Gros-Mcrne eft
plat & arrofé de plufieurs fourccs; fa bafe a des terrains très-fertiles.
L'air du Gros Morne eft très-fam ; on n'y a pas vu régné de maladie conta-
gieufcs. Des brifes d'Eft & d'Eft-Nord-d'Eft très-réglées, ont, fans doute,
une grande influence fur cette falubrité. Cependant la température y eft fort
féche & quelquefois fix mois entiers s'écoulent fans pluie , d'où il réfulte de
grandes pertes en plantations , en vivres & en animaux.
Cet inconvénient & celui d'être obligé de tranfporter des denrées, foi t aux
Gonaïves , à fept lieues ;foit au Port-de-Paix , à dix lieues ; foit au Port-à-
Piment , à douze, femblent condamner le Gros-Morne à la médiocrité.
il>^eiÊi^RCMb>.»yMbw^.>
FRANÇAISE l3 E S A I N T - t> O MIN G UE. 687
En 4728, il n'avait que 43 habitations, dont les propriétaires étaient tous
mécontens, & l'on n'y comptait que 482 nègres travaillans.
Cette paroifle a un bourg aflez central , compofé d'une quarantaine de maifons'
Deux cens individus de toutes les nuances en forment la population , com-
pofée de marchans , d'aubergiftes & de teneurs de billards. Il y a dans une
maifon attenante au bourg , un exempt , un brigadier *& quatre cavaliers de
maréchauflee.
L'églife , qui y a été conftruite en 1785, a 70 pieds de long fur 40 de
large j elle eft jolie furtout à caufe de fa charpente faite toute d'acajou. Elle a rem-
placé celle que le coup de vent du mois de Septembre 1772 avait renverfée , &
elle eft aufli fous l'invocation de la Purification Notre - Dame j elle eft féparée
du bourg par le grand chemin. On a fait rebâtir récemment auiïi le preft)ytére.
La population totale de la paroifle du Gros-Morne eft d'environ 450 blancs,
280 affranchis &: 4,000 nègres. La milice a 100 blancs & 90 aifranchis.
On peut aller en voiture du Gros-Morne aux Gonaïves & par conféquent
au Port-au-Prince, & du Gros-Morne au Port-de-Paix & au Môle. Cette
paroiffe a auffi , avec Plaifance , une communication qui pafîè du boucan Richard
au Pilate , & dont une branche fe fépare dans ce dernier canton pour aller
au Port-Margot, & de là au Cap. Ces deux derniers chemins ne font pra-
ticables qu'à cheval , jufqu'à ce que , dans chacune des deux paroiiïès àt
Plaifance & du Port-Margot, ils joignent les points où les routes font faites
pour la voiture.
Il y a de l'églife du Gros-Morne ;
A celle du Borgne .....*...... 12 lieues.
A celle du Port- Margot g
Au mois de Mai 1765, une négrefle nommée Véronique , appartenant 1-
M. Galot, accoucha au Gros-Morne de trois enfans nègres, dont un était
garçon. Au moyen de chèvres , qu'on avait drefie à cet effet , ces enfans ne
furent allaités par leur mère que durant la nuit, & l'on ne pouvait voir,
qu'avec un tendre intérêt, l'efpëce d'emprefîement avec lequel les chèvres
femblaient lui difputer les nourrifibns.
Le Gros-Morne eft de la Sénéchaufîee & du commandement du Pott-
de-Paix,
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6J8 D E ija.K'i? T ION DE L A F A R T I E
>
h
XX.
Paroisse dû P e t i t-S a i n t-Lo u i s, où Saint-Louis
D U N G R D .
- Cette paroiffe eft l'une des plus petites de la Colonie. Elle a, au Nord ,
là mer ; à l'Eft, le Borgne ; au Sud , d'abord le Borgne encore , par une partie
du canton de celui-ci , nooimé le boucan Champagne , & enfuite une partie
du Gros-Morne , dont elle eft féparée par ime chaîne de très-hautes montagnes i
& à rOueft la rivière de la Cave , qui la fépare de la paroifîè du Port-de-Paix.
Dans fa figuré irrégulière , elle peut avoir environ quatre lieues, de l'Ell à
i'Oueft, & trois lieues & demie du Nord au Sud.
Cette paroiffe doit fon établiffement à l'abandon de la Tortue , dont plufieurs
habitans vinrent habiter ce local, qu'ils appelèrent Pointe-Palmifte. Les Efpagnols
& les Anglais en ruinèrent l'églife en 1695 , & emmenèrent prifonnier le capucin
qui en était curé. Deux jacobins y vinrent , fucceffivement après , faire les
fondions curiales, mais fans s'y arrêter, parce que les paroiffiens n'étaient pas
■en. état de les entretenir. Enfin au mois de Décembre 1696 , ils bâtirent une
mauvaife églife , à laquelle M. Ducaffe , gouverneur de la Colonie , donna le
patron du roi , un prêtre féculier pour curé , des vafes facrés & quelques
ornemens.
Les jéfuites prefqu'au moment où ils devinrent miffionnaires de la Partie
"du Nord en 1704, achetèrent de la fucceffion de M. Jergat une habitation
fituée au Petit-Saint-Louis, qu'ils augmentèrent encore par une conccffion que
MM. de Choifeul & Mithon leur accordèrent le 18 Odlobre 1709. L'habi-
tation Jergat était près du bourg, dont les habitans doivent le terrain^ ainfi
-- queceluiderégliie^àlagénérofité de M. le Jeune.
Ce bourg eft entre h mer & l'habitation des jéfuites , qui a. été vendue à
M, de Rouvray, ainfi que leur fucrerie du Terrier-Rouge , par les fyndics
de leurs créanciers. Il contient environ cinquante maifons de bois ou de ma-
çonnerie.
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
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On avait fait fur -une petite éminence à l'Onefl du bourg , une églife de
maçonnerie qui fut renverfée par le coup de ve-nt du mois de Septembre 1772-.
On en a bâti une de bois incorruptible en 1780, au centre de ce bourg,
& elle cft dédiée , comme la première , au Saint dont la paroifle porte le nom.
La fituation du Petit-Saint- Louis forme une efpèce d'amphithéâtre , depuis
le rivage jufqu'au pied des montagnes. Il y a quelques portions planes , mais
ks plus étendues n'excèdent pas 200 carreaux & encore ces petites étendues
fe trouvent-elles divifées entre plufieurs habitations.
Les collines ou monticules qui féparent ces efpaces & qui font de î'cnfemWe
un pays irrégulier , font arides , & il en cft beaucoup d'abandonnées. Le fol y eft
maigre prefque partout ; leurs parties inférieures , que l'indigo occupe depuis
long- tems j font tellement appauvries, qu'il faut les fumer, leur accorder un
repos , que l'intérêt même du cultivateur réclame , ou les deftiner à d'autres pro-
duiftions. Ce ne ferait cependant pas à la canne à fucre qu'il faudrait fonger , car
il y a trente ans que l'on a été obligé d'en abandonner une dont on avait
fait l'efTai.
Les montagnes, & principalement celles du canton de la rivière de Barre,
font généralement bonnes. Le fol y eil argileux , mais couvert de pierres
calcaires. Les cafeteries qu'on y 2 formées ne préfentent pas encore de vaftes
tnanufa6lures , mais des efpaces boilés attendent que des bras puiflent féconder
une plus grande induftrie. La plus haute montagne de la paroiffe a une hauteuf
cvalrée à 650 toifes au-deffus du niveau de la m.er.
Un particulier a pollédé long-tems feul un immenfe domaine , dans le canton
de la rivière de Barre, que fon abandon femblait faire adopter par les nègres
fugitifs; mais il vient récemment de le livrer à l'agriculture, en en vendant
plufieurs portions.
Les rivières de cette paroiffe ne font que de fortes ravines qui fe précipitent
du haut des montagnes vers la mer , & dont le cours fe trouve un peu
Fallenti danS* i'efpace où elles ne trouvent plus qu'un plan incliné.
Les plus confidérables de ces rivières font , celles du bas de Sainte- Anne &
t^ Barre, La première j qui eil: la moindre des deux, eft formée d'une infinité
de ravines qui de fcendènt des hauteurs jufqu'au fond du bas de Sainte- Anne , &
qui fe réuniffent dans un lit commun qui les porte toutes à la mer. La féconde
vient du Borgne & traverfe la paroiffe du Petit-Saint-Louis, où elle eft confîdé'-
Ts?M J.
S s s s
i\
690- DESCRIPTION DE LA PARTIE
rable & va à la mer. Elle eft très-profonde en certains endroits & elle fair
courir des dangers aux hommes & aux animaux. Comme ces deux rivières
ont une pente qu'on peut évaluer à trois ou quatre pouces par toifes, elles
îi'ont jamais de longs débordemens , mais ils font fréquens.
Les rivières du Pecit-Saint-Louis font poiffonneufes vers leur embouchure ,
& l'on recherche les mulets & les carpes de la rivière de Barre. Depuis le
mois d'AoÛL jufqu'à celui de Novembre, on voit à cet embouchure une in-
concevable quantité de petits poifîbns de 1 2 ou 1 5 lignes de long , qui noircilTent
l'eau qu'ils couvrent j c'eft vraifemblablement l'époque ou le frai du poiffon
cfl éclos. Les nègres font une pêche extrèmerpent abondante de ce Tri-Tri
ou Pifquet & ils en font même fécher pour les conferver.
Les rivières de Saii^t - Louis , des Nègres & de la Caye à Vinaigre , Ibne
plus petites que les deux que je viens de citer.
La piroiflea, comme toutes les autres, fa divifion par cantons, .dont les
principaux font: la rivière des Nègres, Saint-Louis, la Plaine Efpagnole ,
la rivière & la montagne de Barre , la pointe d'Icaque & k Bas de Sainte-
Anne.
Les trois premiers forment une plaine d'environ trois lieues Efl & Ouefl ,
fur environ une demi-lieue du Nord au Sud. Le terrain y eft afîez. bon en quel-
q'-ies endroits ; c'ziï une terre argileufe , ameublie par un gravier fin , produis
par les dégradations des montagnes ; des pluies abondantes fertiiifent ce vallon,
où il y a beaucoup d'indigoteries. On n'y plantait autrefois que de l'indiga
bâtard, mais en 17S0, au moment de fa m.aturité , cette plante a péri en
peu de jours. Le m.ême "accident, éprouvé auffi au Borgne & au Port-Margot,,
s'étant renouvelle en 1781, on a recouru à l'indigo franc, qui réuffit à m^er-
veille.
Toute la partie plane , depuis la rivière de la' Caye jufqu'au Bas de Sainte-
Anne , eft confacrée à cette culture ; l'indigo y eft en général bleu cuivré. On
pourrait mettre des fucreries dans ce vallon -, il y en a eu autrefois que l'embarras
de l'exportation a fait abandonner.
La paroiffe n'a plus de bois que dans fes montagnes , où Ton trouve l'amandier,,
ie tavernon , le cèdre blanc , le bois rouge , le bois marie , l'acoma , le bois,
rofe , &c.
I-es pierres qui couvrent prefque toute la terre de ces montagnes fo&%
-y^-.
FRANÇAISE D E S A I N T-D O M I N G U E, 6^i
calcaires. Les blocs ou moëlons charriés par la petite rivière de la Caye ,
ont une criftallifadon afîèz régulière en parallèlipipèdes , & font propres à la
bâtiffe & même pouf la taille. Ceux de la rivière des Nègres font très-
gros , plus blancs & prefque tous roulés. Il y a des points des montagnes où
l'on trouve des lits de craie de plus de cent pieds de profondeur; il y en a
■' de fable , de tuf & quelques uns de grès. Les fpaths calcaires y font com-.
muns & l'on rencontre quelques carrières d'albâtre.
: Les chemins du Petit-Saint-Louis font dans un état qui n'en fait pas Téloge.
H femble qu'on n'y fâche pas que l'agriculture & le commerce veulent des
foutes faciles & fûres , quoiqu'en tems de guerre , furtout , la longue fuite
ides précipices du chemin des Côtes de fer , arrache quelquefois d'inutiles
■regrets.
EniySo, un citoyen zélé , M. Dupont Fortabas , a contourné cette mon-
tagne , & par la gorge du bas de Sainte-Anne, il a pénétré dans l'intérieur du
Borgne; de là, tournant toujours la montagne, il a gagné l'embarcadère.
M. de Reynaud , alors gouverneur-général par intérim, a adopté & encou-
ragé fon plan; en 178 1 on y a travaillé; l'ouverture eft faite , mais ce travail
Il important, puifqu'il ferait communiquer en voiture avec le Cap , le Môle
& le Port-au-Prince, eft laifle aux efforts impuiffans des deux parcifTes du
Borgne & du Petit-Saint-Louis ; c'eft-à-dire , qu'il ne peut être ni perfeflionné
ni entretenu , car les dommages d'un feul hiver pluvieux font plus grands
que leurs moyens réunis , même fans calculer ce que ceux-ci doivent perdre
à caufe de l'inexpérience qui les dirige & de la lenteur qui en accompagne
i'emploi.
■ LaparoifTe du Petit-Saint-Louis avait, en 1728 , 6 fucreries , 30 indigoteries,
&: II places-à- vivres. Le canton de la rivière de Barre avait 13 de ces 47
étabhffemens, qui réuniraient en tout 632 nègres travaillans. Aujourd'hui cette
paroiffe a 25 indigoteries qui produifent , année commune, 80 milliers d'indigo;
elle a 60 cafeteries, dont 15 appartiennent à des gens de couleur; elles donnenç
environ 1,500 milliers de café. Elleaaufll des places-à-vivres dont le faccés
efl fort utile à la ville du Cap.
La population blanche eft de 350 individus; celle des affranchis de 3301
éeile des efclaves de 4,200. ' ■ - - "• ,
L'air de Saint-Louis du Nord-cil généralement fain , quoique la température
S s s s 2
^j
i\
i
é92 DESCRIPTION DE LA P A R T I E
y foit affez pluvieufe, pour qu'on y regarde comme une féchereiTe un mois
ccoulé fans pluie. Le thermomètre & le baromètre y font comme d^^ns les poinÊiî
correfpondans de la paroilTe du Port-de-Paix.
Le tonnerre ayant tombé fur un moulin à café de l'habitation de M. Dubuiffon_,
ancien mourquetaire , y caufa des délbrdres dans la charpente. M. David,
autre moufquetaire , étant allé voir fon camarade le lendemain , M. Dubuiflb»
voulut démontrer l'effet du tonnerre ; mais en touchant une des pièces de
bois, il fut frappé d'une violente commotion , le bras lui enfla &. il en fut
malade. Ce moulin fit alors , fur M. DubuifTon , l'effet de la boiiteille de Leyde.
La coK qui termine au Nord la paroifie du Peîit-Saint-Louis & qui court
encore du SudEfc-quart-d'Ell , vers le Nord-Ouefl-quart-d'Oueft, commence k
ia pointe d'Icaque , d'après l'ordonnance du 30 Août 1786. A environ 90P toifes
plus loin eil l'embouchure de la rivière du bas de Sainte-Anne , que fuit
l'embouchure d'un efler à i3o toifes de diftance. Entre ces deux embouchure*
eft un îlet de 120 toif s de longueur Eft & Oucft, fur 20 toifes de large
&; fcparé de h terre par un petit canal d'environ 15 toifes.
A environ 180 toifes au Nord de l'embouchure de la rivière du bas de
Sainte-Anne , efl un banc de fable de 230 toifes de largeur moyenne j qui
va joindre le refïïf de la pointe d'Icaque.
De ia pointe d'Icaque venant vers l'embouchure de la rivière du bas de
Sainte-Anne, il y a 260 toiies de côtes de fer & 365 toifes de pareilles côtes
de cette embouchure à celle de Vaudroc. Ces trois points déterminent l'anfe-
à Yaudroc , qui a environ 160 toifes d'enfoncement. Il y a en fuite 290 toifes
de là à la pointe Eft de l'anfe à Vivanaux, puis 530 toifes jufqu'au Cap-Rouge,
qui détermine à rOueft i'an'e à Vivanaux; en com.ptant enfuite 470 toifes,
on eft à la pointe Eft de l'anfe du Cap-Rouge , oii finit un reiTif qui longe
h côte depuis l'em.bouchure de la rivière à Vaudroc , fur environ î 00 toifes.
de largeur moyenne. Il ne peut entrer dans les anfes à Vaudroc, à Vivanaux
& du Cap-Rouge , que des barques ou des chaloupes qui font très-expofées
aux vents de Nord. La rivière du Cap- Rouge a fon embouchure au milieu
de l'anfe du même nom.
De l'anfe du Cap-Rouge à la pointe Eft de celle du Grand-Marigot 400
toifes; 2S5 toifes de cette pointe à celle Oueft de la. même anfe , qui forme
k pointe Orientale de l'anfe du Petit-Marigot, L'embouchure de to rivière
~>-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. %
■de là Cacaoyêre cû à rentrée de la première anfe & celle du Petit-Marigot,
au milieu de l'anfe du nnê.-ne nom, & enfin près de la pointe Occidentale
de l'anfe dw Petit-Marigot, eft l'embouchure de la rivière de Barre. Les mouillages
du Grand & du Petit-Marigot font aufll peu fûrs que les précédens.
On compte un bon quart de lieue de la rivière de Barre à la Petite rivière,
•& enfuite 660 toifes de celle-ci à la batterie du bourg.
La ficuation de ce bourg, dans une petite plaine au bord de la mer, eft
commode & faine, mais fon port n'eft qu'un pedt baffin formé par des reffifs,
expofé à tous les vents & où ii ne peut entrer que de petits bâtimens. Ce
bourg prend chaque jour de l'accroifferrient ; mais la difficulté d'y charger &
fa poficion éloignée pour plufieurs points de la paroiife ne lui permettront ja-
mais d'arriver à une grande extenfion. Il contient en tout 80 individus &; deux
paffàgers qui font les tranfports au Cap.
Du bourg de Saint -Louis à la rivière de fon nom on trouve 360 toifes.
Neuf cent quarante-cinq toifes plus loin , eft l'embouchure d'une autre rivière
qui eft à fec dans les tems ordinaires j puis en faifant encore 360 toifes, on
trouve l'embouchure de la rivière des Nègres , guéable dans les tems fecs ,
& dangercufe par fes débordemens fubits , dûs au giflement des mornes &
des falaifes qui y jettent leurs eaux. La rivière des Nègres qui précède la
pointe à Coroffe , eft fuivie , à 1 10 toifes , do l'embouchure de la rivière de la
Caye, limite Nord-Oueft da Petit-Saint-Louis avec le Porr-ic-Paix.
L'Ifle la Tortue couvre abfolumcnt la côte de la paroifTe du Petit- Saint-
Louis , qui commence, pour ainfi dire, au point qui correfpond à l'extrémité
Orientale de cette petite Ifle. Dans le canal d'environ fix mille toifes
de large qui eft entr'eux , la mer eft communément belle & prefque jamais
groffeàterre, ce qui permet aux caboteurs, furtout en tems de guerre, de
fe réfugier dans les anfes de la paroiOè, dont la meilleure eft celle de
ia pointe d'Icaque. Elle a été pour eux un refuge très - précieux durant la
guerre de 1778 , & ils venaient, d'un côté , s'y informer fi le canal de la Tortue,
& , de l'autre , fi la cote vers le Cap, étaient fan* bâtimens ennem^is. On en a
vu jufqu'à 40. fous la pKotedlion de la batterie & du corps-de-garde qu'on
y a placé. Cependant oa doili dire qu'en général la côte du Petit- Saint-Loviis
9>k double inconvénient dea reffiê & de: manquer toac i eoup de vem , larf-
qji.'©o eâ affalé hm la terre.
r
^
I
i
f
é94 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Le Petit-Saint-Louis , que Charlevoix dit s'être appelé ie Mafccre orisi-
naircraent , eft du Quartier , du commandement & de la Sénéchauffée du Port-
«■ie-Paix. Sa milice, en i6S8, lorfque c'était la Pointe Palmifte , avait 82
hommes. Aujourd'hui elle compte 160 individus , dont 50 font affranchis.
Il y a de fon églifc ,
A celle du Cap , , , , . , , .8 lieues,
du Gros-Morne ...... 10
du Port-de-Paix . . ... . . 3 4
Padrejan , nègre efpagnol , après avoir tué fon maîcre , fe réfugia à la Tortue
d'où il alla enfuite établir un terrain au Petit - Saint - Louis. Vers 1679, il
débaucha quelques nègres avec lefquels il projetta d'égorger tous les blancs.
Ayant réuni vingt-cinq efclaves , il courut , à leur têre , jufqu'au Port-Marcrot,
pillant & maffacrant tout ce qu'il rencontrait. Il fe retira enfuite avec eux dans
la haute montagne de Tarare , vers les confins aflucls de la paroiffe du Boro-ne.
De là il faifait des invafions qui groflîlfiient fa troupe & coûtaient toujours
la vie à quelques blancs.
Il était difficile d'aller attaquer Padrejan , mais vingt boucaniers en prirent
la réfolution & l'exécutèrent. Padrejan fut tué avec fix autres nèores,
XXI,
Paroisse du Port-de-Paix,
Christophe Colomb Ibrtant du Port-à-l'Écu , au mois de Décembre 1492
pour fe diriger vers l'Eft , apperçut un port où il entra , & la beauté du lieu
où réfidait un Cacique dépendant de celui du royaume de Marien , fut caufe
qu'il le nomma Valparayjo , Vallée de Délices: c'eft ce que les Français ont
toujours appelé Port-de-Paix. L'hiftoire ne nous a rien tranfmis qui puiffe faire
cj-oire que Vdparay/o ait jamais été choifi par les Efpagnols pour y former un
établiiTcment de quelque importance. Car c'eft à tort que quelques perfonnes
ont cru que le nom de l'Affientc , fous lequel on connaît encore l'habitation
Souverbie qui touche à la ville aftuelle du Port-de-Paix, annonce une pofleffion
efpagnole. Cette habitation avait été achetée par la Compagnie de l'Affiente,
^ FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 695
ainfi appelée d'après un traité fait à, Madrid le 27 Août 1701 , par M. Ducafîe ,
en vertu de la procuration de la Compagnie de Guinée , avec le roi d'Efpagne ,
pour fe charger de V Affiente ou tranfport des nègres dans les Indes Occidentoks
cfpagnoks.
La defcriprion de la paroiiTe du Port-Margot nous a montré comment l'île
la Tortue était devenue la première capitale françaife de Saint-Domingue. Le.
Vaffeur ébloui par Ton fuccès , méconnut aflèz ouvertement , dès 1742 , l'autorité
du commandeur de Poincy & ceUe de la Compagnie des Ifles , mais il ne fe
cacha plus , lorfque vigoureufement attaqué par les Efpagnols à la Tortue erï
1643, i' les eût repouffés avec une grande perte pour eux.
La Compagnie ayant donné l'ordre au commandeur de Poincy, le 2 Mars
1644, de s'emparer de la Tortue , il crut qu'il fuffirait d'y envoyer le chevalier
Longvilliers de Poincy fon neveu , pour tâcher de déterminer le Vaffeur à venir
â Saint-Chriflophe , mais celui-ci s'y refufa. Les démêlés du commandeur de
Poincy avec M. Patrocles de Thoify , que le roi avait nomil lieutenant-général
des îles & auquel il ne voulait pas céder la place, mirent le commandeur dan^
l'mipuilTance de rien entreprendre, avant 1652, fur h Tortue , où le Vaffeur
régnait en defpote. Mais à cette dernière époque le chevalier de Fontenay,
chevalier de Malthe de réputation, fit à Saint- Chriftophe , par fon ordre, un,
armement avec lequel cet officier feignit de croiler, puis il vint au Port-à-
l'ECU, rendez-vous convenu, où M, de Trivial, neveu du commandeur, le
joignit avec de nouvelles forces. Ils apprirent en arrivant au Port-à-I'Écu , que
deux miniftres des volontés arbitraires de le Vaffeur venaient de l'aiTiffiner
Alors le chevalier de Fontenay fit reconnaître fon autorité , & il eft le premier
qui prit k titre de Gouverneur pour le roi de la Tortue & cote Saint Do
mingue. Tous les catholiques chaffés par le Vaffeur,, revinrent dans cette petite
île durant le nouveau gouvernement.
Les Efpagnols harcelés par les Flibuftkrs dont la Tortue fourmilki-t , vinrent
l'attaquer de nouveau au mois de Janvkr 1654 &: la prirent. Le chevalier de
Fontenay forcé d'en fortir , y revint du Port-Margot , mais les moyens
furent infuffifans pour en efi^eéluer la conqiête. Le peu de français qui reftaknt
encore avec lui allèrent fe mêler aux Flibuftkrs & aux Boucaniers qui fré
quentaient k Port-Margot, & qui „ privés de chefs parce que k chevalkr d.»
Fontenay repaffa en France, perdirent toute idée de reprendre la Tortue
■•!
I
l
égô DESCRIPTION DE LA Ï»ARTIE
Un gentilhomme du Périgord , nommé Jérémie Defchamps , chevalier
feigneur Du Raufîct , qui avait aidé le Vaffeur dans la conquête de la Tortue
en 1640, étant allé en France après l'expulfion du chevalier de Fontenay,
propofa à la Compagnie des Ifles de s'en emparer. En conféquencc il reçut du
roi, le 28 Novembre 1656, la commiffion de commandant de la Tortue , fous
l'autorité royale & celle des gouverneurs-lieutenans généraux des îles de l'Amé-
rique.
Du RaufTet trouva le moyen de pafîer au Port-Margot , d'y réunir 4 ou 500
FUbuftiers ou Boucaniers , avec lefquels il alla au Port-de-Paix & de là à la
Tortue , qu'il reprit. Il s'intitula gouverneur-licutenant-général pour le roi des
îles de la Tortue, P^otan & autres adjacentes ( îles de la baie de Honduras ).
Malgré ce titre. Du Raufîet prétendait être le propriétaire de la Tortue, 8c
il méconnaiffait rr.ême la Compagnie des Lies lorfqu'il paffa en France en i66j
pour y régler Tes droits , lailTant le çommandemenc de cette île à Defchamps
de la Place , fon n^eu.
Tandis que Du RauiTet arrivé en France demandait au roi qu'il fît défendre,
fous peine de la vie , de s'établir le long de la côte de Saint-Domingue , fon
neveu y pofait les fondemens du Port-de-Paix, Du Rauiïet élevant trop haut fes
dem.andfs , la Compagnie obtint qu'il fut mis à la Baftille , d'oij il ne fortit que
le 15 Novembre 1664 pour figner l'afte de vente de tous fes droits fur la
Tortue à la Compagnie des Indes Occidentales, lubftituée par un édit du mois
de Mai précédent à la Compagnie des Ifles de l'Amérique.
A peu près au rr.ême inftant où Du RauiTet partait de France pour aller
reprendre la Tortue , en vertu de fa ccmmiiîion de 1656 , d'Ogeron , membre
d'une compagnie de la France Méridionale qui devait form.er des établilTemerts
dans la Terre-Ferme, partait auffi pour aller diriger les entreprifcs de cette
Compagnie. Convaincu, ces la Martinique où il s'arrêta, que les obftacles
furpafïaient fes moyens, il alla à Saint-Domingue en 1659, repalTa en France,
revint à Saint-Domiingue , alla à la Jamaïque , retourna dans fa patrie & fe
trouvait à Saint-Domingue pour la troif ème fois , lorfqu'ayant vifité les Lucayes
& les Caïqucs j il en demanda & en obtint la concefTion , à perpétuité , en 1662.
Mais perfuadé que ce projet ne valait pas mieux que celui de la France Méridio-
nale , il était venu établir une habitation au Port- Margot , avec les débris
échappés 3 fes maiheureufes ent-eprifes.
D'Ogeron
vHr-
FR ANC AISE DE SAINT-DOMINGUE. e^^y
D'Ogeron qui avait vu Du Raufîet à la Tortue & qui rendait jaftice à fa valeur,,
à laquelle on devait cette île , écrivit à la Compagnie des Ifles de l'en récompenfer
mais de fe faire céder les droits de Du RaufTet. Avant même de les acquérir par
un afte public , la Compagnie choifit d'Ogeron pour prendre polTefîion de la
Tortue en fon nom , & fur fa préfentation , le roi l'en fit gouverneur , le 27.
Oftobre 1664.
Quoique d'Ogeron , mis en polTeffion de la Tortue , y réfidât , il eut cepen^
dant dès-lors le plan d'étendre les établiffemens de l'île même de Saint-Domingue
& , en outre , celui d'en expulfer , un jour , les Efpagnols , de manière que cette
île fût, dans fa totalité, une poffeflion françaife.
. Ce fut fous ce gouverneur que le Port-de-Paix commença à donner des
efpérances, parce que les Efpagnols qui faifaient une guerre cruelle aux boucaniers,,
finirent par détruire eux-mêmes , à l'aide de chiens , le bétail dont ceux-ci fe
nourriflaient & vendaient les cuirs ; ces boucaniers étaient donc réduits à la
néceffité de chercher d'autres reflburces , & d'Ogeron leur vanta celle de la
culture que plufieurs flibuftiers adoptèrent auffi en revenant d'expéditions maU
heureufes.
D'Ogeron montra aux Efpagnols, en faifant attaquer & rançonner Saint- Yague
en 1667 , que les Français n'étaient pas toujours fur la défenfive , & la Tortue &
la côte Saint-Domingue s'enrichirent de ces dépouilles.
D'un autre côté, des Angevins venaient, en foule, goûter les douceurs dç
i'adminiftration de leur compatriote d'Ogeron. Il avait obtenu qu'on lui envoyât
de France des époufes pour fes Colons encore un peu farouches, & comme le
Port-Margot & le Port-de-Paix étaient les deux points les plus voifins de la
Tortue , ce furent ceux qui fe reflentirent le plus des avantages que ce chef
favait faire naître. En 1668 le Port-de-Paix était déjà auffi confidérable que
cette époque voifine de fa fondation H les vexations des Efpagnols permettaient
de l'efpérer,
A la fin de la même année 1668, d'Ogeron pafla en France, laifîant le
gouvernementj à,t la Tortue & de la côte de Saint-Domingue à M. de Pouançay
fon neveu, nommé par intérim depuis le 30 Décembre 1667. Il revint vers le
mois de Juin 1669, amenant plufieurs centaines d'engagés, & il continua i'
réfider à la Tortue.
Le projet de la fuppreffion de îa Compagnie des Indes Occidentales , effeç- ■
Tome î. T 1 1 1
I %
698
DESCRIPTION DE LA PARTIE
tué par un édic du mois de Décembre 1674, é:ani: connu de d'Ogeron , il
avait demandé la permifTion de pafTer en France , qui lui fut envoyée au mois
de Janvier 1675. M. de Cuffy, auquel il donna fon intérim, réfida à la To^tue.•
M. de Pouancay , nommé par le roi en 1676 à la place de fon oncle mort à
Paris au mois de Mai 1676 , eut la même réfidence^jufqu'à fa mort arrivée
en 1683. M. de Franquefnay l'adopta auffi pendant l'intérim que fit ceffer M.
de Cuffy qui vint de France prendre poffeflion de la place de gouverneur au
mois d'Avril 1684.
Mais même fous le gouvernement de d'Ogeron , la Tortue avait commencé
à éprouver de la diminution dans fa population. La colonie qui en était forcie
pour aller s'établir dans la plaine du Cap , celle envoyée en renfort à Samana ;.
l'expédition de Porto-Rico &: celle de Sc-Yague , en avaient été les caufes prin-
cipales. Sous M. de Pouançay deux expéditions contre Cube, la fureur de k
courfe & l'accroiîTement même des établiffcmens faits dans l'île Saint-Domin-
gue , dépeuplèrent encore ttîlemient la Tortue , que M. de Cuffy défefpérant de
îa ramener à fon premier degré de fplendeur , réfolut de transférer ailleurs le fiége
du gouvernement.
Le Port-de- Paix lui; parut m.érirer cet honneur , & au mois de Mars 16^5^
M. de Cuffy y fit commencer une maifon pour lui ; une batterie de zo canons &
une tranchée au bord de la mer pour mettre ce lieu hors d'infuke ; ce qui n'em-
pêcha pas toutefois que les ETpagnols ne vinffcnt , le 6 Mai fuivant,. détruire-
\'ers Jean-Rabel un corail où il y avait plus de 800 pourceaux & enlever
des nëcrres du corail des \ à\es apparrenant au fieur Galichon , héritier de
M. de Pouançay. On y fit auffi une prifon & un corps-de-garde.
Ainfi le Port-de-Paix eft dans la réalité y la "première capitale françaife qu'ait"
eu l'ile Saint Domingue même , parce que ce fut le lieu que vint habiter M.
de Cuffy. Dans la même année 1685, k Port-de-Paix, qu'on appelait auffi
quelquefois les Trois-Rivières , eut une Sénéchauffée dont la Tortue ne fut
plus qu'une dépendance. Bientôt après M. le Clerc de la Boulaye y devint
major pour le roi , & le Port-de-Paix réunit alors tout ce qui défignait un
point capital de la Colonie.
Cependant ces iuccès n'étaient eux-mêmes que relatifs à ceux de îa Colonie
pris en maffe , & fans doute ils étaient bien foibles fi on les compare à ce qu'eft
celk-ci en ce moment. J'en ai une preuve particulière dans le procès- verbal-
w^
>• '*'5I!L., >-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 699
fait le 12 Avril 1688, par Gabriel Bobin , procureur du roi du Fort-de-Paix ,
de l'état de l'églife dont le père Viftor,, capucin , était alors curé. La vifite
qu'il en fait, en préfence de M, Louis Remouffin, capitaine d'une compagnie de
Cavalerie-milices; de Philippe de Bocq, marchand, marguillier; de Thomas le
Clerc , éouyer fieur de la Boulaye , major pour le roi i d'Antoine Queret ,
écuyer fieur de la Richardière , confeiller du Confeil fouverain de la Colonie,
premier capitaine de la compagnie de Milices ; de Vincent Merrey , aufîi cort-
feiller -, de Pierre Pelvéy , fénéchal du Port-de-Paix & de plufieurs autres ,
prouve que cet églife était de bois , couverte d'effentes , & manquant de plu-
fieurs chofes. Mais on y trouve aufii que malgré qu'elle ait 60 pieds de long &
20 de large j elle efl: infufEfante pour contenir les fidelles qui s'y raflemblent;
que fi les trois cloches ne peuvent Tonner en branle , le clocher a trente pieds
de haut. Quant au presbytère bâti aux dépens du curé , fur un terrain concédé
aux capucins , chargés de la mlffion de la Partie du Nord , dont le chef-lieu
fe trouvait alors au Port-de-Paix , il eft afTcz fpacieux pour loger trois ou quatre
religieux ; mais le cimedère eft fans clôture , & les habitans font exhortés , pa,
le procureur du roi , à marquer , à cet égard , leur refpeél pour ce lieu Jaint.
Ces particularités me donnent lieu d'obferver que le Port-de-Paix était alors
dans une fituation plus floriffante que la plaine du Cap , où, l'on était obligé
d'invoquer la charité royale pour les mêmes objets. -
Ce fut encore en 1688 qu'on vit arriver à Saint-Domingue , les quarante-
neuf premiers foldats qui y ayent été envoyés pour y demeurer, & ce fut au
Port-de-Paix qu'on les plaça comme pour former la garde de M. de Cufly &
relever la dignité de l'emploi du gouverneur , qui au commencement de 1689
datait fes lettres au miniftre , du Fort du Fort-de-Faix.
M. de Cufly était revenu au Port-de-Paix le 20 Juillet 1690, de l'expédi-
tion de la ville de Saiht-Yague , dans la Partie Efpagnole de l'île prife & brûlée
le 5 du même mois , & il projettait d'autres entreprifes contre les Efpagnols j
lorfque le 1 1 Août un bâtiment entra au Port-de-Paix où il conduifait 82 fol-
dats de la garnifon de l'île Saint-Chriftophe , que les Anglais venaient de faire
capituler, & 140 habitans expulfés par eux de cette colonie j 128 autres
arrivèrent deux jours après. Le 20, plus de 200 entrèrent au Cap, parce que
leur bâtiment qui coulait bas d'eau & qui s'échoua à l'entrée de cette ville,
ne put pas gagner le Port-de-Paix , où il s'en préfenta encore 250 le 28 , dontj
■ Tttt 3 :
fi
roo
DESCRIPTION DE LA PARTIE
il fallut envoyer la majeure partie à Léogane. Au mois d'Oftobre ri en vint
encore mille dans la Colonie , dont, pour fa part, le Port-de-Paix eut 400.
.Par-tout ces infortxjnés furent reçus comme des frères j par-tout le même ac-
rcueil, la m^rae générofité fe montrèrent à leur débarquement, foit à Saint-
Domingue, foit à la Martinique, où le refle de cette Colonie fut tranfporté
-& où l'on tranTpcrta , par ordre du roi , tous ceux qui voulurent y aller de Saint-
Domingue le 20 Oclobre 1692.
Ce malheur augmenta la population de Saint-Domingue & furtout celle du
Port-de-Paix j mais auffi comme l'arrivée de ces colons fuivait une féchereffe
defix mois, éprouvée par la Partie du Nord , on en enterrait jufqu'à 12 ou
15 par jour au Port-de-Paix, où la plupart était enlevés dès le fécond ou le
îroifième jour delà m.aladie , & quelquefois fubitement. Il fallut même faire
àch Tortue un lieu de convalefcence où M. de CulTy les envoyait par centaines,
• En 1691 , les Efpagnols détruifirent le Cap , & des habitans du Port-de-Paix
qui avaient marché avec M. de Cufly au fecours de ce lieu , trouvèrent la
mort comme lui à la bataille de Limonade , notamment M. Remouffin. Mais
îa même année devait lui faire éprouver une calamité nouvelle.
Au mois de Mars 1685, Louis XIV avait envoyé k chevalier de Chaumont
en AmbaiTade au roi de Siam , en le chargeant de ramener deux Mandarins
Siamois arrivés en France à la fin de 1682. En retour les vaifî'eaux reçurent
deux Ambafiadcurs Siamois qui arrivèrent à Breft le 18 Juin 1686.
Ces Arabafladeurs repartirent du même port le 1^. Mars 1687, avec une
efcadre compofée de deux vaifTeaux , trois flûtes & une frégate, fur laquelle
étaient en outre plufieurs miffionnaires & environ 4 ou 500 hommes de troupes
envoyés au roi de Siam & commandés en chef par M. Desfarges , ayant fous
fes ordres M. du Bruan. M. Desfarges déclaré général Siamois , prit garnifon
à B^ncock au mois d'Octobre fuivant.
Le miniftre Confiance , fi célèbre dans les annales Siamoifes , ayant formé,
pour mettre fur le trône le gendre du roi , une confpiration qui lui fit perdre
la tête au mois de Mai 1689, M. Desfarges & les troupes françaifes que ce
miniftre avait employées , furent obligées de quitter le royaume de Siam après
y avoir couru de grands dangers & y avoir réfiilé à force ouverte. Enfin ils
s'embarquèrent emmenant auffi les français de rétablificment que la Compagnie
des Indes avait à Merguy , dans un autre point du royaume de Siam , mais en
faifant route pour France , ils fç virent forcés de gagner la Martinique.
w^
FRANÇAISE DE S A î N T - DO M 1 N G U E, jùx
On vit donc arriver au Fort - Royal de cette île , au mois de Décembre
1690, le vaiflèau l'Oriflamme, commandé par M. de Leftrille , qui convoyait
deux navires de la Compagnie des Indes , appelles le Louré & le Saint- Nicolas,
apportant avec eux le pourpre & une fîevre peftilenticUe dont les ravages étaient
fi cruels, que dès le 3 Janvier 1691 , M. de l'Eftrille , MM. de C roi fet , du
Halgouet , de Seintre & plus de cent perfonnes , foit de ces bâtimens , foit de
l'île, étaient déjà au nombre de Tes viftimes. Les habitans du Fort-Royal s'en-
fuirent effrayés de cette rapide deflruftion qu'augmenta encore l'infedion de
55 barils de viande qu'on jetta à la mer, de ces vaiffeaux dans le carénao-e.
Il fallut faire camper dans un lieu écarté le peu de foldats venus de Siam , qui
reliaient encore,
Malheureufement M. Duquefne-Guiton , commandant deux vaifleaux &
qui revenait de Pondichéry , fe trouva en même-tems au Fort-Royal , ainfi
que le vaiffeau le Mignon. La contagion s'y répandit & quand ces trois vaif-
feaux firent rpute pour France, au mois de Juin 1671, ils avaient perdu
au moins la moitié de leurs équipages.
M. Ducaffe , arrivé d'Europe au Fort-Royal le 8 Mai de la même année
vit bientôt les fiens en proie à cette maladie cruelle. Elle défolait la Martinique
entière, lorfque M. Ducaffe en partit le 27 Juillet , commandant le Solide,
le Cheval - Marin, & l'Émérillon qui avait été atteint le premier de cette
contagion. Cette efcadre mouillée à l'île Sainte^Croix , où elle avait ordre 4e
prendre des vivres pour les habitans de Saint-Chriftophe qui étaient à Saint-
Domingue , y perdit, du 2 au 7 Août, 40 hommes & y îaiffa le germe de
la maladie. Elle vint enfuite au Port-de-Paix le 12, où les habitans de Saint-
Chriftophe reçurent d'elle des vivres , mais en même-tems le plus affreux
préfcnt dans cette maladie qui mit, pour eux, le comble aux maux que leur
faifaient déjà fouffrir la guerre , l'expulfion hors de leur pays , la mifère
les rigueurs du climat où ils étaient tranfportés -, tous ces fléaux réunis en
moiffonnèrent plus de la moitié.
Le Porî-de-Fai}^ a été alnfi le premier lieu de Saint-Domingue où s'eft
naanifeftée la maladie qui porte encore le nom de Maladie de Siam, Mal
de Siam ou Matelote, quiji pendant plus de foixante ans, a immolé prefque
chaque année des milliers d'individus dans les Antilles j dont l'effroi était tel
que dès le £7 Août 1692 , une ordonnance prefcrivit la quarantaine à touS'
■ta
1
702
DESCRIPTION DE LA PARTIE
bâtlmens venans de la Martinique à l'Iile d'Aix ; qu'en lôg^., l'amirauté de
Nantes défendit aux équipages & aux perfonnes venant des Mes , d'entrer dans
ce port, avant une vifue , à peine de la vie j & qu'en 1708 , nul bâtiment
venant de ces Iilss n'était admis dans les ports de France , qu'après une
vifite.
Cette maladie s'ofî"re encore quelquefois dans des êtres nouvellement arrivés
d'Europe , comme pour empêcher qu'on ne perde le fouvenir d'une maladie
dont le hideux tableau eft bien propre à inrpirer la terreur. En effet, ceujî
qu'elle attaque rendent un fang corrom^pu par tous les conduits & prefque
par tous les pores de leur peau , chargée de grandes tâches noires , caraétêre
d'une putréfaélion qui menace tous ceux qui les environnent.
M. Ducafîe , qui reçut à Léogane la nouvelle de fa nomination par le roi au
gouvernement de Saint-Domingue , à la place de M. de Cufîy , fe rendit au
Port - de - Paix au mois d'Oélobre , comme le féjour defîiné au chef de la
Colonie j il s'occupa^dès lors d'y faire élever ce qu'il appelait le château.
Les habitans fournirent un nègre de corvée fur dix , ce qui en procura quarante &
on en loua trente aux frais du roi. Ces foixante-dix travailleurs avaient rendu
ce château capable d'avoir en 1694, 32 canons & une palifîade. Ces prépa-
ratifs étaient une fuite de ce que depuis 1692, M. Ducaffe ne ceflait de
recevoir de toute part des preuves que les Efpagnols & les Anglais méditaient
h ruine de Saint-Demingue , & il alla cependant en 1694 faire une incurfion
à la Jamaïque , qui ne fervit , fans doute , qu'à irriter davantage les ennemis.
Les Efpagnols & les Anglais réunis vinrent mouiller dans la baie de Mancenille
le 15 Mai 1695. Comme le Cap paraifTait le point le plus menacé , M. Bernanos,
major pour le roi du Port-de-Paix ^ en partit, avec un grand nombre d'ha-
bitans,le 18, & arriva au Cap le 21. Les troupes débarqiées , augmentées
de celles venues de la Partie Efpagnole par terre , arrivèrent le 27 à la favane
de Limonade , où M. de Cufly avait péri , & le 28 au Quartier-Morin , dirigées
vers le Haut du Cap , dont elles approchèrent jufques fur la paroiffe de la Petite-
Anfe. Le 29 les ennemis débarquèrent à la Bande du Nord ; de là ils prirent" à
revers le bourg du Bas du Cap , où M. du Lyon fit fauter la poudrière , encloua
le canon & mit le feu aux maifons. Les Anglais entrèrent le 30, au matin,
dans la rade du Cap , mirent à terre un corps qui marchait en même tems"
que les Efpagnols venus par Mancenille , pour mettre M. de GrafFe , oui
"">-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 703
commandait au Haut duf Cap & Tes neuf cens hommes , entre deux feux.
Alors M. de Grafte fit replier fur la paroiffe du Morne-Rouge , d'oii il fe
replia encore à la rivière Salée de l'AcuI.
Les ennemis, maîtres du Cap en quatre jours & prefque fans coup férir 3,,
fe dirigèrent vers le Port-de-Paix par terre: les Anglais fuivant l'Acul, le
Limbe , &c. , & les Efpagnols par Plaifance , & le Gros Morne , tandis que
la ûottc s'y rendait par mer. Le 15 Juin, cette dernière s'empara du bourg
de Saint-Louis , oij elle mouilla dans un point où nul vaiffeau ne s'eft hafardé ,
ni avant , ni depuis , & elle débarqua 50a hommes qui forcèrent M. Bernanos,
revenu du Cap , à fortir de ce bourg èc à aller camper à la rivière des Nègres
oij il fut attaqué le 17 fans fuccès. Le 18 cinq vaiffeaux voulurent faire une
dcfcente pour couper la retraite à M. Bernanos ,, mais M., de Paty s'y oppofa*
jufqu'au 20 , que ces vaiffeaux retournèrent à Saint- Louisv
Le même jour on annonça les Efpagnols qui venaient par terrer-, & contre
lefqucls M. Danzé alla à René-de-Bas protéger la paffe des Trois-Rivières.
Le 23 & le 24 ,.M. de la Boulaye, lieutcnaat-de-rol du Port-de-Paix, qui,
V commandait parce que M. Ducaffe était en voyage à Léogane , fit retirer
tous les poftes & fe contenta d'envoyer M. Danzé au retranchement des Pères-
avec 1 00 hommes, dont la plupart s'en allèrent le 25, ce qui força à cva^
cuer ce retranchement. Le même jour M. de la Boulaye fit mettre le feu-
au bourg du Port-de-Paix,
Le 30 la flote ennemie vinr mouiller à la rivière Salée du Port-de-Paijs.
Le i«. Juillet, au matin, une batterie Angîaife de la pointe des Pères com^-
■mença à battre le fort. Le 2 , une féconde batterie Angîaife tira du morne
Saint-Ouen ou morne du petit Port-de-Paix , & une troifième du même
morne. Le 3 , les Efpagnols mirent leur pavillon fur la batterie de la pointe
des Pères & le 7 les ennemis firent jouer deux mortiers à bombes.
Le 13 Juillet, ce qui reftait au fort des 180 blancs, des 100 nègres armés & des
2 compagnies des troupes détachées de la marine , formant 9o1iommes qui s'y
étaient renfermés , parlèrent de l'évacuer. On fortit à neuf heures du foir , après
avoir encloué les canons, mouillé les poudres, détruit les provifions. Un foldat
déferteur ayant prévenu les ennemis du projet de l'évacuation -, ils placèrent
pîufieurs embufcadcs où les Français auraient tous péri , Ci à un palTage des
n
I
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704 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Trois-Rivières , M. Archambaud , Colon, ne les eût dirigés vers un gué qui
porte encore Ion nom, par reconnaiffance , & d'où l'on g^gna la crête des
Ramiers , rendez-vous convenu & fitué à 5 lieues du fort.
Pendant que les Efpagnols pouri^jivaient les Français fortis du château, lea.
Anglais vinrent en prendre pcfTeffion & en refusèrent l'entrée aux Efpagnols.
Ceux-ci ravagèrent tout cç qu'ils purent , ce qu'imitèrent les Anglais qui ,
fuivant toujours le chemin du rivage depuis le Cap , avaient pillé le Port-
M?.rgot. Les Anglais avaient 900 hommes de troupes groffis de 600 matelots
tirés des vaiffeaux, & les Efpagnols 1,900 hommes. Nous perdîmes au Port-de-
Paix ^s hommes tués , 32 pris ; outre 32 femmes , 70 enfans & 543 nègres que
les Efpagnols amenèrent en trophée à Santo-Domingo. Le Port-de-Paix reft^
avec 261 hommes , §4 femmes , 181 enfans & 670 nègres.
Les ennemis , après avoir perdu un nombre alTez confidérable d'hommes 3ç
furtout d'Anglais , que le climat traita crjellement ou qui le noyèrent dans le
nombreux pafTages des rivières , vivant déjà entr'eux dans une forte de méfin^
telligence que fortifiait celle des deux chefs de terre & de mer anglais, fe
décidèrent à fe rembarquer , le 27 Juillet,
L'événement de la prife du Port-de-Paix & de fa deftruétion , ainfi que celle
de tout fon voifmage, qu'on dût imputer à un officier à qui l'hiftoire fait des repro.=
çhes de plus d'un genre , porta un coup d'autant plus funefte à ce lieu, que M,
Ducaffe propofa auminiftre , dès le 30 Août 1695 , de transférer ailleurs le fiège
du gouvernement , parce qu'il n'était pas là dans le point le plus convenable par
rapport à la totalité de la Colonie & à des vues d'établiflèment Se de défenfe.
Cependant on envoya dans cette partie quelques-uns des habitans de la Colonie
de Sainte-Croix que le roi fit conduire de cette île au Cap où ils arrivèrent le 2
Février 1696. Dès le 25 Décembre de la même année , M. Ducafîè
fit retourner ces habitans dans la dépendance du Cap , où M, le comte
de Boiffyraimé , gouverneur de Sainte - Croix , nommé commandant de
la Partie du Nord de la Colonie Françaife de Saint - Domingue , entra
en fondions le jo Mai 1697.
Mais prcfque tous les habitans du Port-de-Paix même , auxquels on voulait
donner la même dellination , s'obftinèrent à ne le pas quitter. En 1697 la
plupart marchèrent à l'expédition de Carthagènc , & ils trouvèrent prefque à
leur
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FRANÇAISE DESAÎNT-DOMINGUE. 705
leur recour , une défenfe du roi de laifîcr rétablir leur Qjartier , qui déformais
dépendait: ou Cap.
C'en était fait du Eort-de-Paix & Tes habitans auraient été forcés d'opter
entre le Cap & Léogane , comme on le leur prefcrivait, fi IVÎ, Danzé , major du
•Port-de-Paiîr n'eût concouru à faire changer cette détermination. Au lieu de
s'oppofer à leurs efforts pour rétablir leurs biens, il les y excita, & dans l'année
.1699 , ils fe livrèrent à la culture du tabac , de l'mdigo & du coton ; l'on comp-
tait même alors dix ou douze fucreries qu'on commençait à établir. Les
repréfentations de M. Danzé & l'efFet de la paix de Rifwick fauvèrent enfin le
Port-de-Paix de la fatale fupprefîion que les inftruélions du roi à M. de la
Boulaye , inCpefteur-général de la Marine , allant vifiter les Antilles , voulaient
-encore qu'on poursât au point <iu'il n'y reftât qu'une compagnie & un officier-
major pour en interdire i'acLt. aux forbans. Qu'elle chute pour une capitale !
titre dont le Bort-de-Paix fut dépouillé en faveur de Léogane , qu'on lui préfera
dès 1695.
M. Ducafîe qui pafîa au Port-de-Paix au mois de Décembre 1699, y donna
des éloges au zèle & aux travaux des colons qui avaient , en quelque forte ,
•recréé cet établiffement que je vais préfenter dans fon état aéluel.
La paroifîè du Port-de-Paix a pour limites, au Nord, la mer; à l'Eft , la
paroiffe du Petit-Saint-Louis ; au Sud , celle du Gros-Morne ; au Sud-Oueft,
celle du Port à Piment , & à l'Oueft , celle de Jean-Rabel.
La ville du Port-de-Paix qui, fuivant les obfervations de MM. de Verdun,
Borda & Pingre , eft à 19 degrés 54 minutes 30 fécondes de latitude et à 75
degrés 14 minutes de longitude , & qui eft bâtie dans un petit efpace plane &
même bas, a la mer au Septentrion, la rivière du Port-de-Paix à l'Eft, des
mornes qui la commandent au Sud & un lagon à l'Oueft". Elle eft au fond d'une
anfe dont le bout Oriental eft plus avancé dans le Nord que celui Occidental &
<:om.me la ville fuit la courbe en forme de croiffant que décrit le rivage , fcs
rues ont des direftions qui femblent la divifer en deux portions. La plus Eft qui
contient huit îlets commence à la rivièr« du Fort-de-Paix & finit à la rue de
i'Églife; fes rues partant de la mer , vont du Nord-Eft au Sud-Oueft & font
coupées par d'autres , à angles droits. La féconde , plus étendue , & qui contient
S5 îlets, la plupart inégaux, a fcs rues dans le fens du Nord-Eft-quart de Nord au
Sud-Oueft-quart-S-jd. D'autres rues les coupent j celles-ci ont pour dircdion U
Tome L V v v y
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7o6
DESCRIPTION DE LA PAP. TIE
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plus commune , celle de l'Efl à l'Ouefl. Cette portion de la ville va de la rue
de l'Églife ù la rue de Vallière -, fa partie fupéricure s'appele la petite
Guinée , parce qu'ellecfr plus ordinairement le féjour des gens de couleur i la rue
de k petite Guinée n'eft même devenue que récemment la rue Royale.
La ville où l'on comptait 52 maiions en 1728 -, 80 en 175 1 , évaluées 59,000
livres de loyers 5 T06 en 1755, évaluées 92;,ooo j 115 en 1764, évaluées lojjOoo
Sz 140 en Ï771, comptées pour 13,100 liv. , en contient maintenant 220 qui
lie peuvent être eftimées à moins de 250,000 iiv. de loyer. Ces maifons font ert
majeure partie de maçonnerie entre poteaux , à fim.ple rez de chauffée & prefque
toutes couvertes d'effentes. Cependant depuis environ quinze ans on y a fait des
maifons à un é:age , & l'on piut en compter à-peu-près vingt de ce genre.
En vertu d'une ordonnance des Adminiftrateurs du 14 Juillet 1773 , la ville
a été pavée &. fes rues ont ceffé d'être des cloagues dans les tems pluvieux.
Mais de ctt avantage mêmie eft ré'liité un grand inconvénient, c'efb d'avoir,
par l'exhaufTement des rues, fait ftagner les eaux pluviales dans les cours, oij
elles croupiffent & font une caufe de dangers peur la fanté.
L'églife eft à l'extrémité fupéricure & fur le côté gauche de la rue de fon
nom , & elle termine la ville dans ce point. Elle eft comme le presbytère qui
i'avûifine par derrière , folidement bâtie de maçonnerie , mais fans voûte ni
lambris. Son portail & touce la façide avaient été renverfés parle trcm'DlemenC
de terre du 3 Juin 1770, mais on l'a réparée. Elle eft dédiée , ainlî que celles
qui l'ont précédée, a la Conception de la Vierge, en fouvenir de ce que Colomb
avait donné le nom de Conception au Port-à-i'Ecu , qui a dépendu du Port-
de-Faix. Il y a \:n clocher auS de maçonnerie.
Au devant de réglife & dans l'Oiieft, eft un grand efpace de forme irrégu-
lière & portant depuis plus de cinquante ans le nom de place-d'arrrtes. Le
cimetièi-e était autrefois autour de l'églife , mais il a été mis hors de
la ville & au Sud du point où le nouveau chemin de la montagne vient joindre
à l'Oueft la rue du Morne.
-Dans la même rue de l'Églife & à environ 40 toifes du rivage, eft h place
Louis XVÎ, faire récemment; elle a vingt toifes en carré, y compris
les rues qui la 'cordent. Elle eft fituéc de manière que fes quatre angles corref-
pondent aux quatre points cardinaux.
Au milieu de cette place eft la fontaine pour laquelle elle s été faite , Se que
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F R A N Ç A ï s E, ;d E SAINT-DOMINGUE. 707
l'on reproche à M. Dcsforges , ingénieur, d'avoir fait exécuter d'une manière
contraire aux vœux des citadins. M. de Bellecombc avait dans une affemblée
de la paroifft en 1783 , agréé l'idée d'une fontaine, parce qu'il était trop coû-
teux d'envoyer chercher aux Trois-Rivières de l'eau , foit pour les habitans , foit
pour la garnilbn, & il promettait que le roi payerait la moitié de la dépenfe.
Comme elle n'a pas répondu à l'attente des habitans , le roi a payé feul cette
dépenfe de 1 20^000 livres.
Indépendamment du reproche du mauvais choix de la place, de fa forme &
du coup-d'œil gauche de la fontaine qui efi: un piédeftal quadrangulaire oii l'on
a le projet de placer la ftatuc pédeftre de Louis XVI, de marbre blanc ; oa
a foutenu que l'eau fournie par la réunion de trois fources à environ 250 toifes
au Sud de la ville fur le terrain de la fucrerie Aubert, avait des qualités mal-
laifantes, & l'on a continué à faire ufage de celle des puits pratiqués dans
prefque toutes les maifons , ou à envoyer chercher celle des Trois-Rivières ,
cij un nègre en remplit de petits barils dont il charge un âne , ce qui multiplie
aflez ces animaux dans la ville. M, Gauche a vainement fait deux analyfes de
cette eau, dont il réfulre qu'elle n'a qu'un peu de félénite & qu'elle fe puri-
fiera de plus en plus à l'avenir, parce qu'elle ne ftagne plus fur un fol argi-
leux j le préjugé l'emporte, fon coup-d'œil louche en dégoûte & on s'obftine
à lui attribuer des coliques d'eftomac ; le bienfait de la fontaine eft donc nul.
Son eau qui a couié pour la première fois le 2 Février 1785, va enfuite vers
une calle au bas de la rue de l'Eglife pour remplir des lavoirs qui ont une
véritable utilité & fervir auffi à l'aiguade des bâti mens. Cette fontaine a tari
dans de grandes iéchereffes.
On prétend que l'eau des Trois-Rivières employée à faire tourner le moulin
de la fucrerie des héritiers Souverbie & Gilbert, proche delà ville , vers le
Sud-Ov;eft ~& qu'on aurait pu conduire dans celle-ci, efl: préférable à tous
égards,
Le long de la ville , fur la plage , efl un rang d'arbres. Chaque propriétaire
«hoifit ceux qu'il croit les plus propres à y répandre une ombre propice. Les
înaifons qui bordent ce quai n'ont pas des direcftions bien exadtes , mais elles
doivent en fuivre une marquée fur le plan-directeur, lorfque des reconftruélions
en procureront la facilité.
La ville du Porî-de-Paix eft affez fujette à des maladies annuelles, qu'on ne
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7cS DESCRIPTION DE LA PARTIE"
peut s'empêcher d'attribuer aux marais ou lagons qui l'environnent. Le premier de
ceux de ia partie Orientale & le plus vorun de la ville , ie nomme l'étano- do
Coq. Il a j à-peu-près , cent toiles de diamètre , & la figure efi: prefque rondcy
Situé dans un efp èce de cul-de-lampe , il eft Tégoût des mjontagnes voifines
& peut-être reçoit-il les infiltrations de la mer , dont il n'eft éloigné que
d'environ 20 toiles. Quelquefois il a fept pieds d'eau à Ton milieu, mais d'ordi-
naire trois ou quatre pieds. Il eft bien rare qu'il foit à {ec , de fa poficiorï
femble rendre difficile de le deiTécher. L'on a propcfé d'y jetter la ravine appelée
la rivière du Port-de-Paix , qui forme auffi un marais à l'entrée Eft de la
ville , & far lequel on a confiruit , à granrds frais , un petit pont qui eft cepen-
dant hors de la direction du chemin. Cette ravine ainfi conduite , ceiîerait elle-
même de nuire , & fts eaux donneraient du mouvement à celles de l'étang du'
Coq qui corrompent l'air en croupiffant, & dont les ém-anations font Dortées-
fur la ville par le vent prefqu'habituel d'Eft.
Il y a un autre lagon, dépendant de l'hàbitadon Du Roulin, à environ 250 toifes'
dans le Nord-Eft de l'étang du Coq. Il eft form.é par its infiltracions ds
l'étang dont je vais parler & de la mer , & par l'égout des eaux pluviales»-
Dans la forme très-irrégiilière , il peut avoir 40 toiles fur 30. Des mjangliers-
l'environnent, & quaud il eft fans eau, ce qui arrive très-fcuvent , l'odeur qu'il
répand eft porté fur la ville , dont il n'eft qu'à un petit quart de lieue. Lorf-
qu'il commience à féther & qye l'air eft tranquille, fa fur^ace eft couverte^
d'un nuage grisâtre, dont rinfeélion avertit ds ne pas approcher. On devrait
du moins couper ces arbres qui gênent la circulacion de l'air.
Le troifième marais, dépendant des habitations Du'Roulin & Lavaud , appelé
le Grand étang , a jiafqu'à cinq pieds d'eau dans les tems pluvieux. Il forme
une efpèce de carré long de 300 toifes fur 180. On pourrait facilement, aves
une éclufe à ba feule , en dégorger l'eau dans la mer, dont il n'eft pas éloio-né ,-
& les travaux de l'un des propriétaires d'une partie de cet étang, a prouvé
l'efficacité du moyen.-
Enfin dans l'Oueft eft un marais formé par la mer , qui s'introduit durant
les grandes marées dans ce terrain alors plus bas qu'elle. Il faudrait pour éviter
cet inconvénient au lieu de l'éclufe fimple , placée entre le grand fort &: la
ville , qui demeure toujours ouverte pour égouter l'eau de la mer & celle
de la vide du moulin Souverbie qu'on jette dans ce marais , en mettre une
"'1^:
ÎRANÇAÏSE DE S A ÏN T-D O M I N G U E. 709
â hafcule qui fe fermerait à marée montante. Ce moyen, fécondé par quel-
ques foîTéi de retenue , difpjfés avec art, exhauffrrait peu à peu le fond du
marais , qui fe trouverait enfin préfervé de l'inondation.
Il ferait tems qu'enfin Ton fongeâc à des travaux qui rendraient faine une
ville où l'on tient des troupes en tems de guerre & où le gouvernement devrait
penfcr qu'il y a toujours des Colons; c'eft-à-dire , des hommes précieux. Il
pourrait auffi réalifer un projet heureufement conçu par des hommes éclairés,
en fâifant fervir l'eau de la ravine ou ruifîcau du Port-de-Paix à en arrofer
ies rues , ce qui ferait peu difpendieux , puifqu'à environ 250 toifes au-deflus
de l'églife, ce ruilTeau eft plus élevé que la ville.
Le marché des légumes , herbages , grains , &c. , qui était orlginaîremenf
au bord de la mer , fe tenait, depuis quelques années , fur la place-d'armes devant
l'églife , lorfque l'intérêt de quelques pirticuliers a fu obtenir des Adminiftrateurs
le 16 Juin 1772, une ordonnance qui l'a fait tranfporter de nouveau au bord
de la mer. Cette pofuion a l'inconvénient d'être expofée à un vent confidt^-
rabl'? qui charrie beaucoup de fable fin imprégné de fel marin , qui defsèche
& iai;t IcS légumes. D'ailleurs des caboteurs forains qui arrivent la veille au
foir , pe'ivent trop facilement accaparer dès le point du jour ce qu'on apporte
pour vendre Si priver la ville d'une reilource d'autan-t plus précieufe , que
ce marché n'a lieu que le dimanche , & que dans les tems pluvieux on
à l'époque de la récolte du café les nègres ne s'y rendent point. On voie
dans le cours de la femaine quelques nègres offrant de petits fupplémens de
provificns , mais toujours infuffifans.
La confommation journalière de la ville du Port-de-Paix peut être eilimée
à environ 300 livres de bœuf frais , un mouton ou un cochon , & à peu près-
800 livres de pain ; une partie de ce dernier article cft prife par les habitans
voifins de la ville , qui ont leur viande au moyen de boucheries maronnes ,
où l'on débite deux ou trois jeunes bœufs par Jemaine.
La ville s'offrira encore pour d'autres détails, mais qui intéreffent auffi la
.paroiffe entière.
Celle-ci a plufieurs cantons dont les principaux font : la Plaine du Portr-
de-Paix , la Montagne , Réné-de-Bas , la Plate , le Fond-Ramier , le Haut.
-&, le Bas Mouftique,
Dans le premier de ces cantons paiTe la rivière d^te ks Trois-Rivièresj,
' iniinMi r -|— - ■nmr'^-
7IO DESCRIPTION DE LA PARTIE'-
dont j'ai parlé à l'article de Piaifance & à celui du Gros-Morne. Sa largeur
mo'/enne efl d'environ trente toi:1-s , fa mcit-.dre hauteur de dix-huit -poucesi
quelqiiefcis elle a lo ou 12 pieds d'eau èc fes débordemens font fréquens
k furieux à caufe de fa chute confidérable. Le 2 Septembre 1772 , cette
rivière entraîna des bâtlmens entiers de plufieurs indigoteries , des hommes,
des animaux , &c. Son embouchure à la mer eft aune demi-lieue au Couchant
de la ville, entre la fucrerie Souverbie &: celle Brun Larcherie. Ces deux
fucreries & celle de M''=. Auber font les feules que faffe mouvoir l'eau des
Trois-Rivières , qui y fert aufil pour arrofer- Plufîeurs ordonnances de police
ont défendu d'y jctter les vides des indigoteries , parce qu'elles en altèrent
l'eau & lui donnent des qualités ties-nuifibles.
Le canal de l'habitation Souverbie , qui portait autrefois le nom de l'Affiente ,
eft étonnant par fa longueur , & remarquable par les travaux qu'il a exigé ,
quoiqu'il ne foit pas digne du tableau qu'en a fait Raynal.(*) La prife d'eau
eft , peut-être , la plus folide qu'on puiffe trouver dans la Colonie. La direc-
tion de cette entreprife efb un monument du talent de M. Potier, devenu
depuis arpenteur a,ux Cayes , & un fujet de regretter qu'on ne l'ait pas employé
plus fouvent.
- Quoique le canton de la plaine contienne beaucoup d'habitations propres à
la culture de la canne à fucre , il n'a cependant que fix fucreries, toutes avec
des moulins à eau. J'ai dit que trois employent celle des Trois-Rivières j
deu.x autres prennent celle de la rivière de la Caye-à-Vinaigre : ce font les deux
fucreries Lavaud , appelées la Caye & la Pointe-à-Palmifte -, & la dernière;
celle Du Roulin , l'eau du ruifîcau du Port-de-Paix , qui trompe fouvent l'efpoir
du cultivateur. Ces fix fucreries donnent deux millions de fucre blanc. Les.
cannes qui avoifment la mer font fouvent attaquées par des infefles & la
tendance de leur vefou à paffer â la fermentation acide , exige des talens réels
dans les rafineurs.
Ce canton avait autrefois un plus grand nombre de fucreries , mais les difficultés
de l'exportation pendant la guerre en ont fait remettre plufîeurs en indigoteries.
Sans cet inconvénient majeur , les bords des Trois-Rivières pourraient avoir
une vingtaine de fucreri.es , que leurs eaux féconderaient & dont elles feraient
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(*) Ton. 6, page 239, édition in- 3®, en 10 volumes . Neufchatel , 1773.
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F R A N CA I s E DE SAINT-DOMINGUE.
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mouvoir les machines dans retendue que cette rivière parcourt , depuis le
Gros-Morne jufqu'au Port-de-Paix.
A une lieue à l'Orient du Port-de-Paix, le ruiiTcau appelé la rivière de
rOrterie , dépcfe , iur les corps de ion lit , une terre calcaire qui forme des
incruftations trèi-cvrieufes. En dix -huit mois ou deux ans des quartiers de
pierre s'y réunifîent an une feule pièce & les corps femblents'y être pétrifiés.
Le canton de la Montagne eft un de ceux de la Partie du Nord le mieux
établi en cafeteries. Son penchant Nord offre un riant & riche afpeft , & les
trente cafeterie-s de ce canton donnent au moins deux millions de café par
an. Son argile ocracée 3 prefque toujours couverte de roches à ravets, com-
pofe un fol que des pluies fréquentes rendent propre au cafîer. Dans plufieurs
points & même à la furface , on trouve dts mines de fer d'efj.èces différentes j
des pyrites cuivreufes & arfenicales , dans des couches d'une argile grisâtre.
Différentes grottes montrent dans les rochers des flalaftites Se des ftalagmites
mamelonnées. Les fpaths calcaires font entre des bancs de rocs & communs.
Des albâtres ibiés & peu durs , mais d'une éclatante blancheur , frappent aufTi
l'obfervateur. Une craie , qui vraifemblabkment a fubi l'aftion du feu & qui
délayée dans l'eau prend la confulance & prefque la dureté du plâtre , procure
un ciment , afiTcz impénétrable à l'eau , pour fournir des glacis à café fans addition
de fable.
Le Canton de la Plate , comporé de mornes hachés par des ravines profondes ,
ell le revers Sud des montagnes du Port-dc-Paix c€ Sud-Ouefl de celles du
Petit- Saint-Louis, L'indigo y a remplacé, vers 1777, ^^ cafier qui y avait
parfaitement réuffi depuis 1770, m.ais dont le prix vénal ne dédommageait plus
le cultivateur. Les produétions y font femblables à celles du canton de la mon-
tagne ; fon fol cft cependant meilleur , mais les pluies y font moindres & la
chaleur y efl plus forte. Toutes les eaux de ce canton viennent former la rivière
qui porte fon norri & décèle une origine efpagnoîe & des mines d'argent , opi-
nion fortifiée par des écaantillons que le père Plumier dit y avoir trouvé en 1690.
Cette rivière qui va fe jetter dans ks Trois-Rivières , devient un torrent d'au-
tant plus dangereux pendant les Nords & les orages , que fon lit eft l'unique
fentier par lequel les habitan-s vont gagner le grsnd chemin qui mène au Port-
de-Paix. On y trouve les mêmes bois qu'au Haut Mouilique.
René-de-Bas cil eompofé d'une portion plane chargée de monticules & coupée
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712 DESCRIPTION DE LA PARTIE
par un grand nombre de ravines qui, prefque toujours à fcc , font terribles dans
les grands orages. Son fol marneux, profond & très-fertile, produit, malgré
les ravages des fécherefles ( d'autant plus fréquentes que les pluies du Nord
ne gagnent pas ce point ) , beaucoup d'indigo d'une, belle qualité & auquel plu-
fieurs habitans doivent de grands fuccès. Ce canton avait de très-beau bois que
les abattis ont fait réduire en cendres. On regrette que plufieurs terrains épuifés
par l'indigo foient laines en friche, tandis que le cotonnier y réuffirait à mer-
veille. Les Trois-Rivières, en travenant ce canton, feraient fufceptible de donner
des moulins à eau aux fucreries qu'on y formerait. Le grand chemin du Gros-
Morne au Port-de-Paix y ofFre aulTi un précieux avantage. René-de-Bas f?>urniç
fies bois femblables à ceux du Haut Moufiique.
Le Fond-Ramier, le plus petit canton de cette paroifle , eft entre le canton
du Port-de-Paix & celui du Bas Mouftique. L'indigo qu'il produit abondam-
ment, eft, quoique d'une bonne qualité , le plus pefant du Port-de-Paix , ce
qu'il faut attribuer aux eaux faumâtres où l'on fait macérer la plante. Pour les
befoins de la vie & les ufages domefriques , les habitans de ce lieu font obligés
d'envoyer chercher l'eau aux Trois-Rivières. Le fol y eft compole d'ung couclie
profonde de terre marneufe. Ce canton avait autrefois, vers la m.er, une grande
baie que ks alluvions ont comblée. Plus récemment encore on y voyait une
faline tellement abondante , que M. Durecourt , major du Port-de-Paix, écri-
vait en 1728 au miniftre , qu'elle pouvait fournir annuellement quatre mille
barils de fel d'un gros grain & très-blanc. On l'a laifTée s'anéantir faute d'en-
tretien , tandis que fon produit , réuni à celui des falines de la baie de Mouftique
& du Port-à-l'Ecu , dont les travaux prefque nuls en ce moment pouvaient
Itre augmentés , aurait furpaflë les befoins de la Partie du Nord.
^ Le Bas Mouftique, quoique terminé au Nord par la mer, en eft cependant
féparé par une chaîne de montagnes afîèz hautes & qui fcmble avoir été ua
ancien refTif giffant comme la cote aduelle. C'cft dans cette chaîne que la rivière
de Mouftique a fait une coupure. La plaine qui eft entre la faline du Fond-
Ramier & de la rivière du Mouftique, eft mamelonnée par une infinité de
monticules, qui dans leurs pierres, roulées ou galets, montrent bien leur ori-
gine toute marine. La rivière de Mouftique qui ne tarit que dans les grandes
fecherefîès des mois de Mars & Avril , à des débordemens courts mais fréquens.
Elle en , eu un terrible en 1772; elle s'éleva dans le Haut Mouftique à 30
pieds
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE'. 713
pieds fur une largeur moyenne d'au moins 150 plcis y elle creufa beaucoup foa
Iif dans les pomts où elle était refferrée entre des rochers, & dans la plaine elle
inonda plus d'une demi-lieue de terrain avec une hauteur depuis 9 jufqu'à 15
picds. Et cependant cet immenle yolume d'eau que les cataraftes versè-
rent fur la C.nonie alors , n'eft pas à comparer aux pluies qui contraignaient,
il y a 40 ans, à abandonner la culture de l'indigo dans ce canton, & à celles
qui ont dû produire les ravines qui y font voir le roc vif à d'immenfes pro-
fondeurs. ^
Tous le Bas Mouflique eft un ancien baffin de la mer que des alluvions one
comblé. Des fouilles de 60 pieds faites en 1776 , ont toujours montré la même
terre. La quahte en eft mameufe, & avec des pluies fuffifantes elle peut le
difputer, de fertilité, à toutes celles de la Colonie; c'efl une de celles qui
produit le meilleur indigo. Sa nature extrêmement ameublie & donnant palTac^e
a des courans fouterrains , y rend les fources fort rares. Il en réfulte que toutes
les plantes pivotantes y réuffiffent bien ; tandis que celles à racines horifontale«
y periffent pendant les féchereffes qui défoîent fou vent ce canton. Le Bas Mouf-
tique n'a que des arbres rabougris ; cependant fes gorges ont de beaux bois à
veines & à nuances magnifiques & produifent des gayacs de la plus grande
oeaute, toutes les efpèces d'0/^«/i^ ou Nopal y croiffent fpontanément. Celui
appelle patte de tortue & un cardafTe , y acquièrent les dimenfions des arbres.
Le canton du Bas Mouftique eft traverfé de l'Eft à l'Oueft par le chemin rovai
du Port-de-Paix au Môle.
-Enfin le canton du Haut Mouftique eft féparéde celui du Bas Mouftique
par une chaîne de montagnes d'une hauteur médiocre , & qui peut-êt^e bor
daientla côte autrefois. De là le terrain^ va en amphithéâtre jufqu'aux monta-
gnes qui leparent ce canton de la paroiftb du Port-à-Piment. J'ai déjà die
combien il offrait, dans fes ravines, de preuves du mouvement des eaux • Ls
rochers y font calcaires. Le fol qui eft excellent en beaucoup d'endroits quoi-
que aride dans d'autres , eft formé d'une terre végétale noire portée p'ar une
couche profonde de marne, où les proportions de l'argile & de la terre calcaire
varient & où les féchereffes ne font pas deftruftives. Il y a auffi des points où le
fond eft du grès verdâtre parfemé de pyrites ferrugineufes. L'indigo réuffit dans
ce canton, il eft bleu flottant, mais il rend peu & les pluies de Nord qui le
font périr excitent à lui préférer le caSer qu'on y avait mis par pure curiofité ii
Tome I. . V
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i.
714 DESCRIPTION DE LA PARTIE
y a environ 45 ans. On y compte déjà plus de 30 cafeteries qui donnent un
grain qu'on regarde comme fupérieur à celui de toutes les Antilles , & quî
femble être un rival de celui de Moka. En 1784, M. Bonfeigneur , habitant des
hauteurs de ce canton, a récolté 90 milliers de ce café avec 25 nègres feule-
ment. Il femble que le ciel ait voulu , par cette abondance, encourager le père
de feize enfans vivans.
Le canton vient auffi d'acquérir un grand avantage par le beau chemin de
voiture que les habicans ont fait il y a cinq ans , pour gagner l'embarcadère du
Port-de-Paix ou celui de la baie de Mouftique. On peut dans certains points,
cultiver utilement le cotonnier, & de belles cannes à fucre Jifent qu'il en.
eft d'autres où l'induftrie pourrait form.er des fucreries. Tout promet que ce
canton , naguêres tiès-ignoré , offrira de riches produftions au commerce.
Le haut Mouftique eft encore tout couvert de bois , & prefque toutes les
efpèces que llle produit s'y trouvent , furtout ceux appelés incorruptibles , tels
îjue les trois efpèces de bois chandelle , où l'on peut trouver les proprictés du^
fantal, le brefillet , le bois-m.arbré , le gratte- galle , le bois à pedtes feuilles,
le bois de favane franc , le bois de rofe , k bois canelle , le gri-gri de mon-
tagne, le raifinier &: le fapotiliier des mornes , le bois de fer, le tendre-à-
cailloux, le cypre, qui eft le cèdre des Bermudes , comme le difr.ic le père
Plumier dès 1690 ; des pins propres à la mâture,, furtout dans la chaî.ie qui eft:
commune au Port-à-Piment , où le père Plumier en vit de 80 pieds de haur
& de plus de deux pieds de diamècre , & recueillit une demi-livre de réfine
claire comme de la diérébent'nine une demi- heure après avoir entaillé deux ou
trois de ces pins à coups de hache. Il ajoutait même qu'on s'en fervait à la.
paroiffe du Port-de-Paix en guife d'encens. Les acajous mouchetés & ondes, le
monis tin^cria , fi recherché à caufe de fa belle teinture jaune, s'y rencontrent
prefque par-tout ; on y volt le bois pelé ou tavernon , le bois marie , l'ébène 3^
h palmifte franc, à vin- & à chapelets, plufieurs fortes de lataniers , dont un:
très-grand paffe pour être le talipot des Indes Orientales , & a des feuillei dont;
on couvre les maifons du Haut Mouftique..
Là font aufîi des pierres calcaires de toute efpèce , des fpaths calcaires , &
çiême celui appelé Crijial d'IJlande.. H y a des mines de fer noirâtre attirables à
l'aiman , & d'autres ; des mines, de cuivre , du zinc , des bancs de pyritea.
caartiales &_ cuivneufes, de grands blocs, de filex dans des lits de raai-ne ,, des
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 715'
géodes tapiffées intérieurement de criHaux, de quartz ou de criflal déroche,
blancs , noirs , rougi âtres. Dans d'autres points , font des blocs de grès parfemés
de marcafîîtes.
Au pied des montagnes qui féparent le Haut & le Bas Mouftique , ePc
l'endroit que les premiers habitans ont nommé la Cuivrière, à caufe d'une fource.
très-fétide , à la furface de laquelle eft une crème gorge-de-pigeon. M. Gauche
prenant l'ancien chemin du Haut Mouftique au Fond-Ramier , s'y eft rendu le
24 Juillet 1785. La fource fort d'un rocher calcaire par une fente, auprès
d'une ravine très-creufe , qui là a creufé dans le roc un baffin de dix pieds de
profondeur & de diamètre , d'où elle tombe dans les tems pluvieux d'environ
20 pieds de hauteur.
L'eau de la fource , froide , limpide & fans couleur au fortir' du rocher ^
répand dans l'atmolphère voifine une forte odeur de foie de foufre décompofé ,
& des exhalaifons luffocantes à l'approche des pluies ou des orages. Arrivée au
b^iffin de la ravine , l'eau paraît blanche , bleuâtre & même favoneufe.
M. Gauche penfe que la qualité fulfureufe de cette eau minérale eft due â
une mine de charbon de terre où cette eau pafle -, elle fert à manufacturer l'indio-o
de l'habitation Tardif, fur lequel elle ne paraît point agir, quoiqu'elle femble
rendre très-variable la durée de la macération de l'aniK Les nègres de l'habitation
ne boivent que de cette eau , qui perd toute fon odeur en s'éloignant de la fource.
Ils y font exempts de maladies cutanées, & l'on y trouve des vieillards qui
fcmblent faire l'éloge de fon ufage.
M. Gauche a découvert , dans le même mois de Juillet 1785 , une mine de
cuivre à l'entrée du canton du Haut Mouftique, au Nord-Oueft des montagnes
qui font confidérées comme ayant fait la côte autrefois. Ce naturalifte a jugé
qu'elle était de la nature de celles qui donnent de 70 à 72 livres par quintal
de mine.
Suivant des obfervations métérologiques faites fur l'habitation Souverbie qui
touche la ville du Port-de-Paix , depuis 1775 jufqu'en 1785, le thermomètre
de Réaumur n'eft monté que deux fois à 28 degrés ( le 15 Juin 1775 & le 2Ç
Oftobre 1776) , & n'a pas defcendu au-deftbus de 14 degrés au-deflus de glace-
Celles faites fur l'habitation de M. Gauche , à l'entrée inférieure du canton du
Haut Mouftique, donnent pour température moyenne entre 15 & 20 degrés à 6-
heures du matin , entre 22 & 26 à midi ( il n'a monté que trois fois à 26 4- ),
X X X X 2
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B E S C R I P T I
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L A PART
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excepté en Mars & Avril , que le thcrrrxrr.ètre marque quelquefois 13 degiés
le matin & 19 à midi.
Les plaies d'orage tombent ordinairement eiitre midi & deux heures. lî en
vient autant de l'Oueft que de l'Eil , mais peu du Sud. Les p'uies furciït
cxceffives au mois de Mai Se de Juin 1689.
La pontion du Haut Mouftique entre la mer oui bcrde la côte de la Partie
du Nord de la Colonie & celle qui tenr.ine la Partie de l'Oueft , Sz à une
ciftance à-peu-près égale de chacune qu'on peuc évaluer à fix lieues , eft raufe
qu'on y éprouvé trè:>-fréquemment des tourbidons de vent. La brile du larc^c
qui vient de l'Efr & qui fe fait fentir tous les matins vers onze heures ou
midi , finiffant par être dominée par la brife d'Oueft à-peu-prés la moitié des
jours de l'année , au moment où leur aclicn devient à-peu-près égale , ks corps
légers qu'ils agitent pirouettent.
La parcilTc fouiirit, le 15 Août 17S4, un pedt coup de vent qui fenverfa
prefque tous les bananiers.
Outre le tremblement de terre du 3 Jun 1770, dont j'ai parlé à l'arcicle
de l'égiife, on en relTcndt une fecoulTe très-lenfible le 31 Janvier 1784 a midi
40 minutes ; elle a duré deux fécondes & était dans la direfticn de l'Oueft à
:^'Eft. On a éprouvé un autre tremblem.ent de terre allez violent le c Décem.bre
J7S7 A 7 Heures 28 minutes du foir. Le 5 Janvier 1788 à midi & un^qu'art",
il en fit une fecoufTe affcz violente pour cafkr d; la vaifTelle.
La température de la paroiiTe eft trés-pr.opre aux vivres & aux fruits du pars,
qui réuff fTent furtout dans les terrains marneux. Les légumes y font beaux ,
& tout le monde connaîc les énormes & exccllens artiehaux du Port-de-Paix ,'
dont trois ne font payé, que dix fous de France. Le mufcat y a auFÎ une
grande renommée, & l'on regrette que les guêpes en foient auffi friande^ Il 'y
a bien long-tems que le ralfin & le mufcat ont été heureufement naturalisés
su Port-de-Pa^x, puique M. Ducaffe vantait, dans une lettre du 4 Avil
1694, celui dont il faifait trois récoltes en treize mois da^u /on heau jar^^r Tl
avait récollé auffi au mois de Février du froment que M. Boyer lui avait apporté
de la Partie Efpagnoie, & qu'il avait femé au mois d'0(5lobre p-écédent P
ne pouvait tarir fur l'éloge des pois veits , des excellents melons & des afperc^es'
Le père Plumier dit aulll avoir vu en 1690 au ?ort-de-Paix , dans le jaHin
des Capucms , de beaux mûriers dont il a même mangé du nuit.
t
F R A N Ç A ï S E DÉ S A î N T - D O M î N G U E. 717
Le c'.imat y eu: très -favorable à la fanté ( la ville exceptce ) , & d.ips les
parties élrvécb on refplie un air fain qui eft cependant humide dans îe cant )n
de la MoQCagne, & touiours fcc & vif au Mouftique. Les femmes y font extrê-
mement fécondes, & l'on y voit des familles -de îo, 12 & 15 cnfans , ce qui
ferait un phénomène dans d'autres lieux de la Colonie. Des centenaires de toutes
les couleurs parlent auffi en faveur de cette paroiffe.
Les animaux domeftiques font nombreux. Les forées ont des cochons marons ,
& la pintade , le ramier , les tourterelles , le gibier aquatique , les crabiers ,
les frégates, les paille-en-cu , les perroquets, les merles , les bouts-de-tabac,
les charpentiers, des oifeaux de proie, des roffignols , des colibris, des bou-
vreuils , des oifeaux-mouches , des évêques , des pivoinets , &c. &c. , peuplent
ces forêts & y vivent dans l'union ou dans l'état de guerre, félon l'inftinâ: qu'ils
ont reçu de h nature pour remplir une deilination qui échappe à notre faible
intelligence.
A cette incomplette nomenclature du règne animal , on peut ajouter des
couleuvres & des lézards de plufieurs efpèces , & les infeéles venimeux que
j'ai nommés à l'article du Dondon.
Les Trois- Rivières ont auffi en abondance les poiffons que j'ai cités au
même endroit. Mais c'eil la côte de cette paroiffe qui en procure beaucoup.
Cette côte commence à la rivière de la Caye , où finit la côte de la paroiffe du
Petit-Saint-Louis. A un quart de lieue de l'embouchure de cette rivière eft la
ravine Sèche , où eft la fucrcrie Lavaux , &. à 675 toifes plus loin la pointe à
Palmifte , dont la féconde fdcrerie Lavaud porte le nom.
Il y a 1,780 toifes de la pointe à Palmifte à la Grande-Pointe, où eft un
efter. Entr'tUes deux eft la pointe des Martiniquais , le trou Carangue , l'anfe
à Bodin & la pointe d« la Table. Après avoir doublé cette dernière & à
environ 700 toifes avant d'arriver à la Grande- Pointe , eft un étang qui fe
comble, & l'anfe qui fe trouve entre lui & la Grande-Pointe eft propre à un
carénage & en a même h nom. Une batterie le protégerait en croifant fes
feux avec ceux du fort de la pointe des Pères capucins, qui n'eft qu^à 510 toifes.
Ce fortin ou plutôt la batterie qui porte ce nom , que la pointe a elle-
rn'êmej parce qu'elle fallait partie du terrain originairement concédé à la miffion
des capucins, ayant alors fon principal établiffement au Port-de-Paix, a été
commencé en 1756 ^ par les ordres de M. de Vaudreuil, fur les plans &
n
m
7i3 DESCRIPTION DE LA PARTIE
la direction de M. de Villers, ingénieur. Elle avait été projettée p.ir M. de
Larnage en 1742 , ainfi que tous les changemens & les eiTibelIifTcmens qu'on
a faits depuis cette époque juiqu'à préfent dans la ville du Port-de-Paix. Ce
fordn qui efl au point où l'on avait mis en 1747 la bactérie de la Marine
dont je parle un peu plus loin , eft à la chute d'un mornet , & les hommes
du métier affûtent que ce n'eft pis un chef-d'œuvre de l'art. Ses 22 pièces
de canon protègent la rade du Port - de - Paix ; il a environ 24 pieds d'élé-
vation.
Du fort de la pointe des Pères, appelé aufTi le Petit -Fort, juiqu'à la
pointe du Grand-Fort , il y a 530 toifes. C'eft la mefure de l'ouverture de
la baie du Port-de-Pai.x qui a 250 toiles d'enfoncement , & à laquelle cette
faible dimenfion ne permet guères de donner le nom de port. Ce mouillao-e
eft battu en plein par les vents de Nord, contre lefquels on ne peut tenir
durant environ fix mois de l'année. Il l'eft auffi des vents d'Ouefl: & de
Nord-Quefi: qui y excitent des raz de marée & affez fouvent, pour que les
b.àtimens chaffent fur leurs ancres. D'ailleurs on peut y entrer la nuit; mais
anffi ces inconvéniens empêchent qu'il ne puiffe fervir de point d'appui à l'ennemi.
Le Grand-Fort ruiné en 1695 parles ennemis, qui n'y avaient laiffé que
ia batterie baffe du Nord-Eft , refta avec cette feule batterie ( où l'on avait
9 pièces de canon en 1727) jufqu'en 1757. A cette dernière époque le fort
a été réparé mais dans des dimenfions plus petites. Son tracé originaire , fait
fous M. de Cuffy , était une fordfication à la romaine , à laquelle trois pedtes tours
donnaient un afpecl antique. La vieille enceinte a été coupée en deux par
la nouvelle. Ce fort eft fur un plateau de 120 toifes de large Sud-Eft& Nord-
Oueft, de 160 toifes de long Eft & Oueft, & de 45 pieds au - deffus du
niveau de la mtr. Le fommet du plateau forme une efpèce de cavalier. Ce
trapézoïde , dans l'étendue duquel il n'y a point d'eau , a, da.s fa partie Orientale
donnant fur le mouillage, 32 pièces de canon. Les reffifs le défendent au
Nord du côté de la mer, & la lame bat fur fon efcarpement, qui eft plus
à pic vers la terre.
Le Grand & le Petit fort , dont les feux fe croifent , Se qui ont été ré-
parés en 177 1 , à caufe des dégradations que le tremblement de terre de l'année
précédente y avait caufées, dominent les extrémités de la ville. Leur commu-
nication avec elle eft affurée par des ponts établis depuis 1757 auffi, pour
il
i
z^
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 719
n'avoir pas à redouter les inondations de la rivière du Port-dc-Paix &: du
iagon de l'Oueft.
Le Grand fort elt dominé par le morne des .Pères, qu'il a à l'Eil, par celui
des Anglais qui eft vers le Sud & par le morne Saint-Ouen qui eft dans
l'Oueft. L'attaque de 1695 en a donné des preuves fans réplique , & l'on
voit encore dans fa muraille des boulets à 18 pouces de profondeur, qui
l'honorent , pour me fervir de l'expreiTion d'un ancien gouverneur - général.
Cependant les côtes oppofées aux rriornes des Anglais & Saint-Ouen font plus
élevés que ceux de l'Eft & du Nori , & il eft même à remarquer que les
boulets venus de la batterie du morne Saint-Ouen , ont une direftion prefque
horifontale.
L'obfervàtion de l'incruftation d':s boulets donne l'occafion de dire que la roche
de mer de tous ces parages eft propre à la maçonnerie.-
C'eft vers l'angle Sud-Oueft du Grand fort & dans le voifinage du point oCr
étaient les bâtimens de la Compagme de rAffien'"ey qu'on a transféré le cimetière
des nèo-res , qui était autrefois à l'extrémité Nord-Eft de la ville.
A 160 toifes de la pointe du Grand fort , eft la pointe Eft du petit Port-de-
Paix , qui , avec celle qui eft à iio toifes dans l'Oueft, forme la petite anfe du
même nom,- de 80 toiies de profondeur i les bateaux peuvent y mouiller &
les canons du fort défendent ce point.. C'eft dans la partie Occidentale de cette
anfe qu'eft le morne Saint-Ouen , le long duquel règne un fond de roches 8e
qui eft à 300 toifes de la petite embouchure de la rivière des Trois- Rivières , car
fon embouchure principale eft à 160 toifes plus loin, ce qui fait environ 1,200
toifes à partir de la calle qui eft fur le quai de la ville..
A un bon quart de lieue de l'embouchure des Trois-Rivières, eft la pointe
de la Baleine , qui elle-même eft à 835 toifes de la rivière Salée , dénominatiori
que nous retrouverons encore plus d'une fois. Cette dernière diftance forme i'anfe
de la rivière Salée où les boucaniers & les fiibuftiers venaient prendre du fel , »■-
la faline que j'ai cité©, lorfque la. Colonie était à la Tortue ; elle a 330 toin'es dc:
profondeur & les huîtres de mangles y font en abondance.
La pointe de la Vigie eft 230 toifes plus loin ; après vient la pointe du Four-^
neau, puis celle de la. baie de Mouftique à une lieue de la précédente , avec une-
côte de fer.
- ■ I^- baie de Mouftique a 4^5 toiles d'ouverture fur autant de profondeur Touts;
m
720
DESCRIPTION DE LA PARTIE
fa côte ed: affez abordable 5^ la tenue eft bonne; mais une greffe mer y tourmente
beaucoup & l'on y eft fort expcfé dans les Nords. Cette baie par fa fituation
entre le Môîe Saint-Nicolas & le Cap , fert fouvent de refuge aux caboteurs durant
Ja guerre , & quoique petite elle pourrait au befoin donner afile à un vaiffeau. Ce
point, qu'une batterie protège , ferait un embarcadère commode pour les cantons
du haut & du bas Mouftique , & l'inconvénient de voir la rivière qui s'y jette
tarir prefque tous les ans aux mois de Mars & d'Avril, n'eft peut-être pas fans
remède , par rapport à l'eau qui ferait néceffaire à la petite bourgade qui s'y
formerait. On y trouve beaucoup de tortues.
C'eft à la rivière de Mouftique , qui tombe dans cette baie , que fe termine la
côte de la paroiffe du Port-de-Paix & que commence celle de la parciffe de
Jearx-Rabel. Depuis l'embouchure de la rivière de la Caye , jufqu'à la ville du
Port-de-Paix , les montagnes s'éloignent de la cote & lailîl-nt une portion inter^
médiaire affez praticable. Depuis le Port-de-Paix, jufqu'à l'extrémité Ouetl de
la paroiffe, toute la côte eH" prefque de fer & abfolument inabordable, excepté
dans les points que J'ai indiqués.
Toute cette côte eft poiffonneufe. Le canal que forme avec elle l'Ifle la Tortue
procure une multitude d'efpèces de poiffons, & le marché du Port-de-Paix offre
continuellement le tafard, le brochet, la carangue , le vivanneau , la bécune ,
le rouget, le coffre , le perroquet , la lune , le haut-dos, le chirurgien, quelque-
fois des thons & des bonites.
Des habitations qui voyentle canal de la Tortue , on a quelquefois le fpeftacle
du com,bat de l'efp^don & du fouflcur , que l'on prétend annoncer quelque tem-
pête. On y a pêche des lamantins pefant plus d'un millier & en 1774 pr^s de
l'embouchure des Trois-Rivières , un pantoufîier ou marteau qui pefait plus de
1,500 hvres s'échoua lui-même , en s'élançant fur les nègres pêcheurs. Le pifquet
ou tn-in; dont J'ai déjà parlé à l'article du Petit-Saint-Louis , s'offre auffi dans
ksTrois-Rivières, durant le dernier quartier de la lune , depuis le mois d'Août
julqu'à celui de Novembre. Il remonte rapidement cette rivière jufqu'au Gros-
Morne , où il arrive ayant déjà triplé en groffeur. La matière vifqueufe dont ii
eft couvert , le fait adhérer aux corps qu'il rencontre , & il eft englouti par milliers
dans un feul repas , parce qu'il forme un mets très . délicat , quoiqu'un peu
indigefte. ^ i r
La conchyliologie trouve auffi des richeffes fur cette côte. Des nautiiles papi-
racées
l
~J^'
FRANÇAISE DE S A IN T - D O M î N G UE, 721
racées d'une grandeur étonnante , de nombreux limaçons , les lambis , les caf-
ques,les fabots , les burgos, les palourdes, le^ ourfins , les murex ,' les vis,
la muFxque , le ducal , &c. &c. , peuvent y offrir des relTources aux curieux de
cette claffe de beautés naturelles.
-. De la pointe de la Caye , la côte s'élève dans le Nord jufqu'à la Grande pointe i.
& même la pointe de la Table, plus communément appellée la pointe du Caré-
nage , eft le point le plus Nord de k côte de la Partie Françaife de l'île Saint-
Domingue. Sa lantude obfcrvée par M. de Chaftenet-Puyfégur , le 7 Juillet
1784, eft de 19 degrés, 56 minutes, & fa longitude de 75 degrés,' 12 minutes,
15 fécondes , ce qui place ce Heu à :i:^ minutes , 50 fécondes ou environ i c lieues
à rOueft du Cap.
De la Grande pointe la côte va vers le Sud-Oueftjufqu'à la ville du Port-de-
Paix, d'où elle prend le Nord-Eft jufqu'à la pointe de la Baleine, où elle
regagne le Sud - Oueft affez rapidement, pour que la pointe Eft de l'a baie de
Mouftique foit de trois m.inutes au moins plus Méridionale que celle du Carénage.
La vue des terres de la paroiiTe a un afpeft affez marquant , & lorfqu'on vient
de l'Eft avec l'intention d'entrer dans le Port-de-Paix , l'anfe où il fe trouve fe
• développant fucceffivement, le fite des montagnes qui le dominent, les deux forts
& les arbres du quai ne font pas privés d'effet.
La vue perfpeélive & le plan géométrique de la ville du Port-de-Paix ( Voyez
l'Atlas ) fuffifent pour faire prendre une idée exaéte de cette ancienne capitale ,
<{\n ne peut plus être comparée à plufieurs autres établiffemens de la Colonie.*
Déformais ce n'eft plus qu'un afile pour des batimens pourfuivis ou pour ceux
qui viennent s'y charger. On y dépofe les objets d'importation ou d'exportation
dont ce lieu eft l'entrepôt.
Le Port-de-Paix était autrefois le chef-lieu de l'un des deux Quartiers qui
compoiaient alors à eux feuls toute la Partie du Nord de la Colonie, &
comme on la vu, ce quartier s'étendait, en 1685, depuis k Môle jufqu'au
Port-Français , c'eft-à-dire , jufqu'aux portes du Cap. Il avait même été porté
encore plus loin dans l'Oueft parle fait, &jufqu'd y faire entrer les GonaiVes ;
mais on le dépouilla fucceffivement des paroifTes qu'on créa au Couchant du
Cap jufqu'au Port-Margot , & qu'on crut fi naturel de regarder comme des
dépendances du Cap, qu'on ne fe rappella même pas que le Port-de-Paix y avait
;qu€ique droit. Une ordonnance des Adminiftratcurs , du 20 Juillet 1718, retiVa
m
'H
.1
91
722 DESCRIPTION DE LA PARTIE
les Gonaïves du commandement, de la Sénéchauffée & de la paroiiTe du Port-de-
Paix. Le 16 Juin & le 26 Octobre 17^6 , la n^ême chofe eut lieu par rapport à
la piroilT: de Plaiiance , 8c enfin le 21 Juin 1774, le Borgne en a encore été
détaché. Le Qjircier du Port-de-Paix fe trouve réellement réduit , en ce mo-
ment au. i trois paroiflès du Gros-Morne, du Pctit-Saint-Louis &, du Port-de-
Pa'x. - " - '
Cependant la Sénéchauffée à Un territoire plusé:endu, puifqu'elle comprend
en outre les quatre paroiiTes de Jean-Rabel , du Môle, de Bombarde & du
Port à Piment , de manière qu'elle s'ttend en même-tems fur des points de la
Partie du Nord & de la partie de l'Ouell. Elle efl compofée comme celle du
Cap &; a la mê:r.s compétence qu'elle. Chaque paroiffe a un fubîlitut de fon-
procureur du roi charge de la police. Elle compte huit procL:reurs & autant
dé notaires. L'Amirauté, compofée auiïi comme celle du Cap, a pour officiers- ■
ceux de la Sénéchaufîee. Les pièces de cette dernière ont été abfolument dé-
truites en 1695.
La ville du Port-de-Paix , après avoir eu le gouverneur de la Colonie pour
chef, & en même-tems un lieutenant de roi & un major, n'a plus eu que
ces deux derniers depuis 1695 jufque vers 1727 qu'on y ajouta un aide- major.
En 1735 on cciTa d'y avoir un lieutenant de roi, puis en 1740 on rétablit le
lieutenant de roi &: l'on retira le marjor que l'ordonnance du roi du 23 Juillet
1759 fupprima réellemient. Pais l'ordonnance de 1763 révoqua les Etats-majors 5.
■ & celle du 15 Mars 1769, rendit un major au Port-de-Paix qui eut de plus,
un r/ioment, un aide-major en 1770. Mais enfin depuis 177 i que cet aide-major
eil: devenu major , le Port-de-Paix n'a eu qu'un officier de ce grade, & c'eft
ce que lui alloue encore l'ordonnance du roi du 20 Décembre 1783. Ce msjo?
( qui loge dans une maifon particulière ) , rend compte au comrrja.idant particulier
du Cap.
Il y auffi toujours dans cette ville un officier d'adminiftration chargé des dif-
férens détails du port, des magafins , des troupes, &c. ; car le Port-de-Paix a
une garnifon durant la guerre & un détachement d'artillerie pour la garde des
forts. On y a un capitaine de port. Jufqu'en 1732 on envoyait les foldats ma-
lades à l'hôpital du Cap ; on les met à préfent dans un logement qu'on choiut à
cet effet, & c'eft un femblable choix qui procure des cazernes à la garnifon.
La maréchauffée établis au Port-de-Paix, k 10 Mai 1770, ell actuellement
~^-
FR ANC AISE DE S A î N T - D O M î NG U E. 723
compofé; d'un prévôi; j d'un exempt, d'un brigadier & de fept archers. Celle
du Gros-Morne obéit à ce prévôt. On a trouvé cette viile fufceptible d'avoir
une troupe de police créée par l'ordonnance du 17 Juin 1788 , & formée d'ua
exempt , un brigadier & trois archers-fergens > elle fait le fcrvice auprès de
la Sénéchauffé comme celle du Cap.
En 1681, la dépendance du Port-de-Paix avait 440 blancs , dont 200 por-
tant armes , II mulâtres ou indiens , & 357 nègres. En iê88 , oa y comptait
82 hommes de milices. En 1692 elle pouvait armer 230 hommes ; en 1697 on
n'y comptait que 361 nègres. En 1705 elle eut un régiment de milices de fon
nom. En 17 14 fes nègres taxables étaient au nombre de 695 , & en 1723 , elle
en avait 1800 de tout âge & de tout fexe , & fa milice était réduite à 130
hommes.
A préfent la feule paroiffe du Port-de-Paix a 450 blancs , 130 affranchis Se
8;97 2 efcUvcs. Dans ce total la ville eft pour 336 blancs, 70 affranchis & 527
efclaves.
Sa milice eft de 195 blancs & de 130 affranchis. Au fiège do fort du Port-
de-P<iix , en 1695 , les nègres qui y étaient renfermés étaient commandés par
l'un deux appelle Scipion.
Outre les fix fucreries dont j'ai parlé , cette paroiife 382 cafeteries qui donnent
pour taux annuel moyen , trois millions fix cens milliers d'un café trè^-eftimé j
71 indigoteries ; quelques points plantés de cotonniers; quelques ha::tes ; des
places à vivres ou à graine d'indigo. En 1728 la paroiflTe n'avait que 61 manu-
faftures , dont 4 en fucreries.
D'Ogeron y avait fait planter des cacaoyers en 1666; mais il ne paraît pas
qu'ils y ayent profpéré.
Encore en 1703 , il n'y avait point de chemin du Port-de-Paix au Cap, ni
vers Léogane. Le 30 Juillet 1709 , une ordonnance des Adminiftrateurs établit
un portillon qui portait les lettres de ce quartier à l'Arribonite & y reprenait
celles qu'y laiffait le courier établi entre Iç Cap & Léogane. En 1727 ils avaient
ordonné qu'un courrier irait du Cap au Port-de-Paix & que les lettres de ce
dernier lieu feraient prifes au premier pour Léogane ; mais les négocians
demandèrent qu'on préférât, comme en 1709, le courrier particulier alant à
i'Artibonite. Encore en 1735 , les barques fervaient autant que les courriers à la
^communication épiftoiaire entre le Cap Se le Port-au-Prince puifqu'une ordoii»
' Y y y y 2
^m
4
7^4 DESCRIPTION DE LA PARTIE
nance du n^.cis d'Odlobre aflujecrit les maîtres de ces barques à remettre le« l-*-.-e3
^ux bureaux des pofles des deux villes , afia que leur taxe aide à payer le
courrier.
_ Maintenant le Fort-de-Paix a trois chemins de voitures. L'un qui conduit
jufqu'au point où le chemin du Môle trouve le commencement de la prefqulle
Un qui va jufqu'à la limite Orientale du Petit-Saint-Louis & un troifième qui va
-aux Gonaïves & par conféquent au Cap & au Port-au-Prince , en palTant car le
Gros-Morne. Ces chemins viennent aboutir fur la place Louis XVI.
Le débouché des denrées du Port-de - Pai>i & , par conféquent , fon lien
d'apprcvifionnemcnt , eft le Cap ; car fon port ne reçoit d'ordinaire que trois
bâtimens de Bordeaux & du Havre par an; un ou de-.x autres viennen^ y
cpporterfou y prendre du fret. Les tranfports font faits par des barques paŒ^aèrcs
â bord dcfquclies on peut faire charger par des acons. Il y a fix paffaeers à la'Ville
du Port-de-Paix.
Depuis le 28 Janvier 1777 , les patrons de ces paffagers font alTaJettis à
juftifier, par des cernficats des receveurs de l'octroi , de la quantité de denrées
qu'ils ont chargées & du déchargement qu'ils en font au Cap.
Le zèle & le courage qu'ont toujours montré les habitans de la dépendance du
Port-de-Paix à fc défendre contre les ennemi3 , exige que j'en rappelé ici une
preuve.
Les deux frégates l'Atalants h la Syrène, commandées par MM. Duchaffau^t
& de Guichen, étant forties du Cap le 14 Juin 1747 , pour aller au Petit-Goav-
elles furent chaffées & forcées d'entrer au Port-de-Paix le 15. Le 16 au matin
l'on vit par.î:re quatre vaifîeaux de guerre anglais dont un de 80 canons , & deux
frégates. Les deux frégates françaifts s'embofsèrent tout à terre , & M Dure-
court lieutenant de roi au Port-de-Paix , fit à la pointe des Pères une batterie de
fix canons de 12 que lui donna M. Duchaffault Se qui fut en état de tirer à 4
heures de l'ap:è3-ff.idi , fur les trois premiers vaiffcaux. M. le Roy , enfeignede
vaiffeau , commandait cette batterie qui a porté dix ans le nom de batte'i-ie de
la Marine.
Le 17 au matin tous les vailTeaux anglais vinrent canonner & la batterie h.'hs
frégates qui leur ripoftèrent , aiafi que Tuniqtie batterie qui exiftât alors au Grand
fort & le foir du même jour ils difparurcnt.
Pendant ces 43 heures, la compagnie des dragons -milice s du Petit- Saint-^-
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 725
Lo'^is fut conflamment fous les armes au revers Eft de la pointe des Fèresî celle
des dragons du Port-de-Paix ftr le quai ,-au bout Oriental de la ville , ayant à fa
gauche , la milice à pied du Port-de-Paix & foixante nègres efclaves iaticiers ,
dreffés & formés en compagnie par M. Durecoart , depuis la guerre. Il y avait
dans le Grand fort, 80 blancs ou affranchis qui fervaient le crnon , & M de
Bombelles , aide-major de la place , qui était en convalefcence au Gros-Morae
en vmt en toute hâte , avec 100 hommes de ce dernier lieu ou des hauteurs du
Port-de-Paix. On fe difputa de zèle & de bonne volonté & les officiers de la
Sénéchauffée fe tinrent près de M. Durecourt dont ils faifaient exécuter les
ordres. Toutes les milices commandées par MM. Bonnauît , Ballant & Graffet
commandans des paroififes de Saint-Louis , du Gros-Morne & du Port-de-Paîx ,
ciTuyèrent , avec un grand fang-froid , le feu des vailTcaux qui était dirigé telle *
ment haut qu'il n'y eut que quelques maifons du Port-de-Paix endo mfha gs
& qu'on ne perdit que quelques hommes , mort des fuites d'une imprudence qui
fit brûler quelques cartouches au fort. Les milices reftèrent affembîées jufqu'au
21, que M. Durecourt les renvoya, en les comblant d'élog-es. Les frégates
l'Atalante & la Syrène fortirent du Port-de-Paix le i^--. Juillet.
Je terminerai l'article du Port-de-Paix , en regrettant que la deftinatîon faite
par M. Jacques Verjus , Créoi & habitant de cttte paroifTe , le 27 Août 1730,
ne fe fokpas encore réalifée. Il a confacré fa fuceeffion à l'établiffementd'un hôpital
pour les pauvres de la paroiffe & 50 ans après , ce n'cfc encore qu'un projet. Les
adminiftruteurs des Providences du Cap avaient demandé ces fonds , à la char,o-e
de recevoir les pauvres du Port-de-Paix. On a plaidé Se un arrêt du Confeil du
Cap du 3 Décembre 1781 , a renvoyé à folliciter du roi des lettres-patentes pour
autorifer cet établiffement. On eft tenté de croire que quelqu'un eft coupable de,
Régîigence relativement à cet objet qui intéreffe l'humanité,
11 y a de l'églife du Port-de-Paix :
A celle du Petit Saint-Louis
•Gros-Morne ••....
• de Jean-Rabel . . . , .
3 IkvL'çs 1,
10
12
Quoique je nomme ailleurs M. Gauche qui a habité loQg-tertis îa paroiffe du
?ort-d€-Paix, js crois devoir dire ici que c'ell ^ Ibn zcle pour to^it ce qui é^
H
72S DESCRIPTION DE LA PARTIE
utile , que je dois une partie des dé:ails dcfciiptifs du Port-de-Paix qu'il m'avait
fournis d'après une copie manufcrite de ma Defcription de Limonade que je lui
avais envoyée comme une efpèce d'indication de m.onplan. M. Gauche a de p'us
enrichi le premier volume dest4émoires de h Société des Sciences & Arts du
Gap Français , dont il eft un des membres diftingués , des détails qu'il m'avait
fournis.
Après avoir décrit les vingt Se une parollTcS dont fe trouve ac1;uer,ement com-
pofée la Partie du Nord de Saint-Domingue , il eft naturel & n.ême indirpenfable
de parler de l'Ide la Tortue qui appartient à cette Partie de h Colonie , par fa
ficuation & par tous Tes rapports.
tOCO<^>^>.@>.S>.^^>^S^<S':^^"
H
'1
il
IslelaTortue.
Je te salue, Berceau de la plus brillante Colonie que pofsède la France
dans le Nouveau-Monde ! Afile de ces hommes qui , après avoir étonné l'Uni-
vers par leur audace , con'acrèrent à l'agriculture des bras fi long-tems employés
par la vidoire ! Lieu où a écé prépa-é l'un des plus grands fuccés obtenus par les
puilTances européennes , au-delà des mers ! Je te falue , Rocher où les deftinées
de Saint-Domingu.» ont été fi long-tems agitées ; & encore dans l'état auquel t'a
ré luit ta pro[_re utiLté , je vénère en toi la caufe de tous les miracles que
l'induftrie a créés dans une vafte Colonie. Plus la gloire de celle - ci a été
rapidement acquife & plus elle me rappelé que tu en pofas les premiiers
fonde mens.
Qu'on me pardonne cet élan , il exprime ce que j'ai fenti , lorfquej'ai mis le
pied fur le fol de l'î.e la Tortue.
Située dans le Ncrd de l'île Saint-Domingue dont elle n'eft féparée que
par un canal d'e v ron fix mille toi, es '-e largeur moyenne, l'île la Tortue s'étend,
fuivant les cbfervatio-.s de M. de Puyléj^ur, depuis 75 degrés a minutes 3^
^^
FRANÇAISE DE S A î N T - O Ô' M I N G U E. 727
fécondes jufqu'à 21 minutes 36 fécondes du même degré de Longitude Occiden-
tale du méridien de Paris , ce qui lui donne environ. neuf lieues de long fur une
largeur moyenne qu'on peut é\^a!uer à 3^000 toifes. La Latitude de fon milieu
peut ê:re comptée à 20 degiés 4 minutes. Sa diredtion'eft de rEil-quart-Sud-Eil
à rOi.icfl-qaart-Nord-Oueftj de manière que la ligne de ce dernier rnmb de vent
prolongée , irait rencontrer la pointe de Maizy de l'île de Cube dont le bout
Occidental de la Tortue eft à environ 37 lieues, tandis que fon bout Oriental
eft à environ 14 lieues du Cap Français.
Le nom de Tortue a été donre à cette Ifle , parce que vue de la mer , dans
le fens de l'un de f s côtés , elle préfente une forme qui eft à peu près celle d'une
tortue fort étendue , au moyen de ce que Tes deux extrémités , n'étant pas fur-
montées de la plate-forme qui compofe la plus grande élévation de l'Ifle ,
l'extrémité de l'Ouefc reffemble afîcz à la tête d'une tortue de terre fovtie de
fon écale , tandis que le bout Oriental montre l'extrémiité poftérieure du même
animal. Les deux pointes vont même tellement en s'aminciflant , que le front de
celle de i'Eft n'a que 250 toiles & celle de l'Ouefi: que 3ootoires.
Cette L^e a environ 41,000 toifes de toir, dont 21,000 forment la portion
qui , à partir du point le plus Oueftjufqu'au plus Eft , paiTe par le côté Nord , &
20;Oco toifes la portion oppofée du Sud.
La côte Méridionale court dans une direction beaucoup plus rapprocI:ée de là
ligne droite que la Septentrionale , qui va toujours vers le Nord-Eft dans une
longueur d'environ 6,000 toifes , depuis la pointe Oueft, tandis qu'à partir de la
pointe Eft elle tire vers le Nord-Oueft pendant environ 4,000 toifes. Dans l'in-
tervalle de 1 1,100 toifes qui refte la côte eft aflez droite.
Toute la côte du Nord eft de fer & inacceffible , fi ce n'eft dans deux points-
dont je parlerai.
La partie du Sud eft remplie de petits mouillages plus ou moins fûrs , dont le
principal eft celui que je vais commencer à décrire , après avoir jette un coup--
d'œil rapide fur les différens états oij la Tortue s'eft trouvée , depuis que les
Avanturiers s'y font établis , jufqu'à préfent.
On a vu par la Defcription des paroiffes du Port- Margot & du Port-de-Paix ,
la férié des principaux événemens qui avaient fait de la Tortue la première polTef-
fion françaife de Saint-Domingue, & de ceux qui l'avaient réduite enfuite à n'être
plus j dès 1685 , qu'un pçini; fecondatre, .
4
DESCRIPTION DE LA PARTIE
Lorfque d'Ogeron fut mis en poiTsITion de la Tortue , le 6 Juin 1665 , cette
Ifie avait 400 hommes portant armes. Ce fut en 1666 qu'il forma le projet de la
fortification sppciée la Tcur , qve M. Eîcndel , ingénieur envoyé par le roi , vint
faire commencer au mois d'Avril 1667. La Tortue était confidérable lorfque les
hibitans de toute la Colonie de Saint-Domingue fe révoltèrent en 1670 , contre
l'autorité de d'Ogeron , qui voulait les; empêcher de com.m.ercer avec des Fleffin-
guois & même le prêrre Lamarre, curé de la Tortue & Morel, _/;;«(f/V de fes
habitons , furent envoyés en France par d'Ogeron & gardés au château de Nantes
jufqu'au mois de Mari 1672 , qu'un ordre du roi les en fit fortir.
Après que d'Ogeron , fur les ordres de M. de Baas , gouverneur - général des
Lies , eut envoyé de Saint - Domingue à la Martinique cent flibufliers pour atta-
quer Curaçao, il partit lui - même avec d'autres habitans pour aller fe joindre à
cette expédition, mais il fit naufrage à Porto-Rico & M. de Baas, qui n'avait pas
réiim, vint favoir des nouvelles de d'Ogeron à la Tortue mêm.e, il y mouilla le
15 Avril 1673 ; il trouva cette île très-appauvrie par fes pertes en hommes, & ceux
qui y étaient encore fort dégoûtés. Il eut miême beaucoup de peine à déterminer
M, de la Periére , officier venu de la Martinique avec lui , à prendre le com.-
mandemenî de la Tortue dans l'abfence de d'Ogeron qu'on croyait mort & qui
revint prefque auffitôt.
D'Ogeron voulant aller retirer de leur fituation les malheureux Français qu'il
avait laifffcs à Porto-Rico , fit une nouvelle expédition avec 500 hommes , qui fut
encore moins heureufe, & la Tortu-e fe trouva prefque dépeuplée.
Elle n'avait pas ceffé de décroître , comme je l'ai dit ailleurs , lorfque M. de
Cufîy alla s'établir au Port-de-Paix. Elle avait cependant des habitans & ils con^
fer/aient encore un curé en 1689. On ne comptait plus que 70 hommes portant
armes en 1692 ; ce nomDre diminua de moidé l'année fuivante , d'autant que M.
Ducaffe les excitait à pafTer au Port-de-Paix, & en 1694,1a Tortue fut totalement
abandonnée , comm.e déform.ais fans utilité , elle qui avait réuni foixante-cinq ans
auparavant tous ceux qui ne voulaient pas que les Efpagnols pofirédafTent fculs 1^
grande Ifle.
On nefe rappela l'exiftence de la Tortue que 18 ans après, lorfque voulant
ifoier dans la Partie du Nord , les perfonnes attaquées de la lèpre , on la choifit
pour être leur afile. Le miniftre blâma, le 29 Mars 1713 , ce parti adopté par
un arrêt du Confeil du Cap du 25 Avril 1 7 1 j; parce que, félon lui, i! fallait réfervcr
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FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 7,^
la Tortue pour fervir de refuge , foit contre quelque contagion , foit contre les
attaques des ennemis.
: La Tortue fut donc encore une fois fans habitans & cet état d'abandon y avait
tant fait multiplier les pour<:eaux , dont la propagation y a toujours été prodi.ieufc
comme le prouve-même la dénomination d'Iflç-aux-Pourceaux, fous laqudle' les
Hollandais la diftiugua.ent , que les chefs furent obligé, d'y faire faire une chalTc
qui en detruifit des milliers.
Il n'en fallut pas davantage pour infpirer à tous les habitans de la Parrî. ^
Nord , l'idée d'aller à la chail. à la Tortue : en chalTant on vit de t^^^^f^,
la guerre leur fut auiTitôt jurée. On défendit la chalTe & la coupe des bois, ce om'ou
renouvclla encore le .3 Oftobre ,731 , en difant que cette Ifle était défini â
fournir les bois néceffaires aux objets publics. ^"^n^ee a
Comme l'We^fut lailTée dans un état plus tranquille, il lui vint des habitans
4 une autre efpece : des nègres marons , & une ordonnance des Adminiftrateu
du H Juin 1741 , accorda 100 livres par chacun de ceux qu'on y capturerait Le
pouTfuite étant un prétexte plaufible,on recommença à couper les bois &
chafîer de manière que le .1 Février 1750, on établit un M. Tourni ponr
garder 1 lue & on lui donna même la moitié des amendes prononcée contre les
delinquans , l'autre moitié était appliquée aux Providences du Cap. Cette me-
fure fut encore inefficace, puifque dès le 30 Avril fuivant il fallut ordonner des
vilites dans l'iae par la maréchaulTée.
Alors on feignit de prendre des permiffions particulières pour la chafle du
xochon rx^aron , mais comme l'une de ces permiffions avait produit un charc^e-
,rnent de bois une nouvelle ordonnance du 27 Mai 1766 les fupprima touJ'es
& interdit abfolument l'accès de la Tortue , dont on rendit M. Collineau
gardien.
Tel était l'état des chofes lorfque l'on jetta , quoique de fort loin , des yeux
de convoitife fur la Tortue. M. le duc de Choifeul & M. le duc de Praflin ré'^
iiiffant à eux deux les parties ks plus importantes de l'adminiftration du royanme"
^kurimmenfe crédit les autonfant à difpofer de tout à leur gré , les trois petites
îlesqm bordent les trois parties de la Colonie françaife leur parurent dignes de
leur protedion , & la Tortue fut la première qui en reçut la preuve '^
■ Le 26 Avril 1767 , le roi accorda à Élizabeth-Célefte-Adélaïde de Choi'êul
femme du comte de Moatrevel, cploDcl du régiment de Berry , & fille de
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730 D E s C R I F T-î O N D E L A P A R"T I E
Gézar-Gabriel de Choifeul ,-duc de Prafun , alors mnijîje àe la marine, le breveS
de conceffion de l'île de la Tortue. Les motifs confignés dans ce brevet (*)
font que la Tortue renferme des bois précieux, qu'il eft prefque impoîTible
d'en tirer, faute de chemins & d'embarcadères , obftacle qu'un conceffionnairé
aurait intéiêt à lever, d'où réfulterait un avantage notable pour la Colonie,
qui commence à manquer de bois. Par ces motifs & autres confidérations parti-
culières, M-^^ de Montrevel en obtint le don en toute propriété, pour être
réo-ie par elle fans que ni fon mari ni les héritiers de fon mari puiffent jamais
y avoir ni adminiftradon ni droit quelconque. Sa Matefté fe réferve cependant
les droits de fouveraineté & de jufiice , & tous les bois de gayac comme
réceffaires au fervice de la marine. Elle défend de plus : 1°. d'y avoir ni bourg
ni hameau, faufàyavoir une églife paroiffiale ou fuccurfale; 1" . d'y foufFrir
aucun marchand j 3^ d'y cultiver des cannes à fucre & d'y avoir plus de
fubfiftances que celles nécefîaires à la confommation de ceux qui y feronî:
entretenus j 4". d'y former aucun embarcadère fans la permiffion exprefle des
Adminiftrateurs. Avec ces prohibitions qui parailTent toutes relatives àla protection
de la Colonie contre les ennemis qu'on craint d'attirer à la Tortue ; le brevet de
don permet tous les autres ufages qu'on voudra faire de l'île , même de k
vendre en tout ou en partie pourvu qu'elle Ibit établie , fans cependant que la
loi générale qui prononce la réunion au domine de tout ce qui n'eft pas défriché ,.
puiffe s'appliquer à la Tortue.
Enfin pour faire mieux connaître ce que les Adminillrateurs peuvent avoir'
à permiCttre ou a em.pêcher, le brevet difait que deux ingénieurs-géographes
arpenteraient & lèveraient la carte topographique de la Tortue.
En vertu de ce brevet cnregiftré au Confeil du Cap, l'intendant fit , avec
MM. Roger & de Calogne , arpenteurs, le 15 Janvier 1768, un marché pa?
lequel ces derniers s'obligeaient à faire cet arpentage & ce plan topographique ,
qui, commencés le 15 Mars de la même année & achevés le 3 Décembre
fuivant , ont coûté plus de 60,000 liv. au roi. Je tire de ces opérations plufieurs
des détails que je rapporte. J'y trouve , par exemple , qu^ la fuperficie de la
Tortue , eft de 44,365 arpens -^- de Paris , ou 1 1,734 cssrreaux '"4^ de Saint-
Domingue.
(*) V. Loi^ (^ Conftituùons de Saint-Doniing«e , tom. 5 page loo.
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 731
Voilà comrr.e la Tortue , autrefois l'orguei) du nom ftançais dans les Antilles ,
«îl devenue la propriété d'une feule perlbnne , bien étrangère fans doute à tout
ce que cette petite îie a de renom & pouvait encore avoir d'utilité pour la
Colonie.
M-^^ de Montrevel ctant morte, peu-après, le don à pafTé au vicomte de
Choifeul Praflin , depuis duc de PrâÛin , fon frère & foa légataire univerfel ,
qui l'afferma à M. Labattut, négociant du Cap, à raifon de 18,000 liv.
par an, fous la condition que la guerre fufpendrait les fermages j mais M.
Labattut qui avait tiré d'iramenfes avantages de la fourniture des bois à l'État
durant la guerre de 1778, n'a pas voulu profiter de cette claufe. Enfin le 31
Mars 1785 , M. de PraHin ayant obtenu du roi la prrmiffjon de vendre la
■Tortue telle qu'elle était, mais à condition que l'acquéreur ferait ftriélement
«nu à exécuter les claufes de la conceffion de 1767 , M. Labattut a acheté
par contrat devant M. Truchat , notaire à Paris, le 20 Avril 17S5 , l'îlç
la Tortue , dont il eft le poffcfîeur aftuel.
Le lieu principal de la Tortue a toujours été invariablement celui qui porte
encore le nom de Baffe -terre , que les Efpagnols appelaient Porto-Rei ou Port-
du-Roi , & qui eft fituée dans fa partie Méridionale. Il doit cet avantage à fon
mouillage , qui eft le plus fur , & à la facilité qu'a ce point de pouvoïr com-
muniquer de là à prefque tout le refte de l'île. C'eft à la Baffe-Terre que le
vaiffeau la Notre Dame, monté par M. de la Peticière & faifant partie de
l'efcadre de M. de Cahuzac , la première que la France ait envoyée aux Ifles,
alla, le 29 Juin 1629, pour réparer une voie d'eau. Ce mouillage eft, d'après
ksobfervations de M. dePuyfégur, par 20 degrés, i minute 40 fécondes de
latitude Nord, & , par 75 degrés, 7 minutes, 30 fécondes de longitude du
Méridien de Paris. Le fond de ce mouillage eft.d'un beau fable fin '^ blanc.
Il a 350 toifes de profondeur depuis fon entrée & environ la moitié en largeur,
& peut recevoir des bâtimens tirant de 14 à 16 pieds d'eau. La direftion de -
l'entrée eft du Sud-Eft au Nord-Oueft, avec 22 pieds d'eau à la paffe & une
profondeur qui arrive à 7 braffes en gagnant vers la terre.
Ci port eft formé par deux bancs ou haut-fonds, dont le plus confidérable
part de l'entrée & fe dirige vers la pointe à Maffon,.dans l'Eft-. Comifte les
bords de ce banc font prefque verticaux , on peut le ranger à une pedce portée
de fuûl depuis cette pointe jufqu'au port. L'autre banc de l'Oueft de l'entrée
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I
732 DESCRIPTION DE LA PARTIE
îaifle entre lui & la terre une féconde pafie apoellée Petite pafîe , parce que
n'ayant que i a pieds d'eau à_baffe mer^ elle n'admet que de petits bâtimens.
Je fuis forti par cette dernière fur la goélette h Minerve , de So tonneaux ,
appartenant à M. Labattut , le 6 Juin 1787, pour aller de la Tortue au
Môle.
Les bancs n'ont que très-peu d'eau , Se même ils découvrent vers l'entrée à
baffe mer. C'efl: ce qui les rend plus propres à arrêter & à brifcr les vagues ^
la. mer étant ordinairement aiïèz groffe dans le canal. Le port de la Bafîè-Terrc
eft abrité fi ce n'cft du vent de Sud, qui fouffle rarement fur cette côte.
A 20 toifes dans le Couchant de l'embarcadère de la Baffe-TeiTe qui eft au
fond du port . on trouve fur le bord de la mer un vieux pignon de maçon-
nerie bâti à chaux & à fable, qui paraît être les relies d'un ancien corps-de-garde
ou maifon-forte , conftruite du tems des Fiibuftiers. Le bas était percé de
meurtrières, & au-deffus était vn plancher d'où l'on faifait jouer l'artillerie fur
le port par une embrafure qu'on voit encore dans ce pignon , à huit pieds
de haut.
M. Labatt?at a fait , à fes frais , au bord de la mer , dans la guerre de 1778 ,
une batterie de 11 pièces de 12.
_ Il a trouvé 17 pièces de canon au bord de la mer dans le m.ouillage de
la Baffe-Terre; il y en avait du calibre de 18. Quelques-unes ont été
montées fur la batterie d'en haut , qui défend auffi ce point avec neuf pièces de
18 & de 24, afin d'empêcher que les ennemis n'en faffent en tems de guerre
lin lieu de relâche & de repos , d'autant plus propre à cette fin qu'une eau
pure & qu'une chafTe abondante y affureraient des refîburces , & que de là en
pourrait courir fur les bâtimens & s'emparer furtout des paflagers qui le
préfenteraient dans le canal.
Cette batterie d'en haut , placée à 120 toifes de la mer & à environ 80 pieds
au-deffus de fon niveau , aux dépens de M. Labattut auquel l'Etat n'a fourni que
les ca,nons , eft précifément au point où était ce quon appellait la Tour. On a vu
que celle-ci avait été conftruite en 1667 , fous d'Ogeron. Les murs de cette
Tour dont le diamètre intérieur avait 36 pieds, étaient faits de î pierres liées
par une efpèce de tuf argileux confiftant , & avaient eux-mêmes dix pieds^
d'épaiffeur. Tout autour régnait extérieurement un parapet de deux pieds.
L'entrée faifait face au Nord fie était recouverte par une avancée de pierres auffi.
■ FRANÇAISE DE ÔAÎN T-D O M I N G U E.
733
A gauche en entrant , était un efcalier de pierre en forme de limaçon , s|ïpuyé
contre le mur intérieur & conduifant au haut de la Tour qui avait 24 pieds
d'élévation. Cette tour ronde était à trois batteries, l'une fur l'autre , dont les
cmbrafures ne Ce trouvaient point fur la même ligne de haut en bas. Elle donnait
j'allarme , dans toute l'île , par trois coups de canon. De chaque côté de la
Tour, il y avait des plate-formes ou batteries à barbette qui tiraient furie port.
Cette Tour qui tombait en ruine, a été démolie par M. Labattut, en 1776.
A 380 toifes du rivage fur une plate-forme naturelle , à mi-côte du morne qui
domine le mouillage & fes alentours , parce qu'il eft à 200 pieds au-deflus du
niveau de k mer , font les ruines d'une cfpèce de pentagone irrégulier j c'eft le
fort le Vaflèur , ainfi nommé parce que cet officier l'avait fait conftruire. Les
murs d'enceinte font de pierres féches , excepté dans la partie qui fait face à h
mer où il paraît avoir été maçonné ou plutôt lié par une efpèce de terre o-laife
détrempée. Au centre de cette enceinte eft un rocher de 20 à 25 pieds de haut
fur environ 2^ pieds de diamètre , dont des portions font foutenues ou appuyées
par des nmrs de la nature de ceux de l'enceinte. L'intervalle entre la muraille &
le rocher eft de 35 pieds. L'hiftoire nous dit que le gouverneur refidait au haut de
ce rocher oij il tenait les mainitions , & la garnifon au pied dans des appentis qui
y étaient adoffés , & qu'on ne comm.uniquait au rocher que par une échelle de
fer & mobile.
Cette enceinte oij Ton ne pouvait guères mettre plus de 200 hommes &de 12
pièces de canons, a fon entrée de 6 pieds de large vers le Sud-Eft. Venant
d'abord du Sud , le chemin fait le Sud-Eft pendant 25 pieds & gagne enfuite
l'enceinte un peu obliquement. Il paraît que l'un des objets principaux de ce fort
après celui de défendre le mouillage , était de conferver un ruiffeau dont k fource
qui eft très-abondante , fournit de l'eau à la Baffe-Terre ; car cette fource ren-
fermée dans le fort mêmie , coule par un ravin qu'enfilait le feu de l'une des faces
& d'un rédent.
A 1,200 toifes dans l'Eft du mouillage de la Baffe-Terre , eft la pointe à
Maffon , nom de l'un des ûx anciens éîabllffemcns de la Tortue. Près de la
Baffe-Terre , en trouve la fource des Parcffeux ,. ainfr nommée parce qu'étmt
couverte parla haute mer , on aimait mieux attendre qu'elle découvrît, que d'aller
chercher de î'eau au fort le Vaffeur. Lapetite bande de terrain plat qui eft entre ces
deux points , le long de. la mer , eft un peu fabloncuxj mais arrive Ih pointe
\\
734 DESCRIPTION DE LA PARTIE
à Marfon , ce n'eft plus qu'un lieu bas & à fleur-d'eau , couvert de roches mobi-
les &: borde d'un roc vif, le long de la mer, jufqu'à un bgon qui en occupe une
grande partie. Les montagnes dont le lagon baigne le pied , ne font que des
rochers nûs & efcarpés. On pourrait feulement efpérer , de cet efpace ,
quelques bois & de la chaux, mais où prendre l'eau douce pour éteindre cette
dernière ? •
■ Cinq cens toiles après la pointe à Mafîbn & allant toujours à l'Eft, eft le
Carénage , dénomination dont il n'eft pas aifé de foupçonner l'origine , quand on
voit les reffifs & les haut-fonds qui bordent la côte.
Les Plaines font 1,200 toifes plus à l'Orient. Ce point où l'on a vu quelque-
fois des baraques de pêcheurs , doit auiTi ce nom à quelque circonftance que fon
afpeft ne fait pas foupçonner. C'eft à environ 1,000 toifes des Plaines , qu'efl la
pointe aux Coquillages , que plufieurs cartes appelent auffi pointe de Portugal , &
qui efb formée de rochers qui vont vers l'intérieur en s'élevant. Je ne puis attri-
buer ce nom de pointe de Portugal , qu'à la circonfbance qui faifait que plufieurs
flibuftiers de la Tortue prenaient des commiffions de guerre du roi de Portugal ,
pour courrir fur les Efpagnols. Tel était un capitaine Champagne qui était avec
fon bâdment à la Tortue à la fin de 1666.
Depuis le lagon , qui eft dans l'Eft de la pointe à Maflbn , jufqu'à la pointe aux
Coquillages , il règne une plate-bande qui varie dans fa largeur inégale , depuis
100 jufqu'à 200 tjïfes , 6i encore ce fol , compofé de limon mêlé de fable , eft-il
marécageux dans plufieurs points. Des ouvriers du roi y avaient 'cependant de's
vivres de terre en 1768 & furtout des patates exquifes; mais après les avoir mangées,
il faut boire l'eau bourbeufe Ôi faumâcre d'une marre, la feule qu'offre tout ce
canton.
Les hauteurs par lefquelles cette étendue eft dominée, font de grands rochers
caverneux , dont la hauteur Se la pente font effrayantes. On trouve dans le Nord
delà pointeaux Coquillages , une caverne d'environ 18 pieds de haut fur autant
de profondeur , remplie d'offemens humains.
A 350 toifes plus loin que la pointe des Coquillages , on voit encore, dans une
anfe de terrain fabloneux de 350 toifes de long fur 80 de large & terminée par des
rochers bordés de précipices , les ruines d'un ancien corps-de-garde ou maifoa
forte. Il n'en refte plus que les murs dont la maçonnerie eft excellente ; une em-
.brafure pratiquée dans le pignon & tournée vers la mer, annonce qu'on ^'.avaif
^1
FRANÇAISE DE S" A I N t - D O M I N G U E.
7J5
placé de l'artillerie fur un plancher dont on trouve des relies , & le rez c|e
chauffée eft crénelé à hauteur d'appui. Il n'y a cependant là de paffage que pour
des chaloupes. On n'a dans cet afile que de déteïlabk eau de marre.
Du ccrps-de-gardejufqu'à la pointe Eft de la Tortue , qui eft de 38 fécondes
plus Oueft que la pointe d'Icaque;& qui fépare le Borgne du Petit-Saint-Louisj il
y a environ 1,000 toifes. Une ligne de toute la largeur de l'Ifle tirée Nord & Sud
à 700 toiles de cette pointe , laifferait dans l'Eft toute la portion qui ne forme
qu'un feul rocher , dont on peut évaluer la hauteur à 4opieds au-deffusdu niv^eau
de la mer. La furface fupérieure de cet immenfe roc , quoiqu'elle foit en quelque
forte horifontale , eft cependant crevaffée & garnie d'afpérités tranchantes comme
des razoirs -, de manière qu'on ne peut y marcher qu'avec danger. Les bords de
ce maffifénorme font excavés à leur bafe jufqu'à 5 où 6 pieds de profondeur, par
les flots qui viennent s'y brifcr fans relâche & lors même que l'état de l'atmofphère
femblerait devoir appaifer leur furie. Dans les tempêtes ils s'élèvent jufques fur le
haut du maffif même & avec un mugiffement épouvantable. Leur rage eft fi forte
alors , qu'une profondeur de 200 pieds d'eau ne garantit pas les coquillages , d'au-
tres corps foumarins , du fable, des plantes & d'énorm.es morceaux de pierres ,
d'être tirés du fond de l'abyme & lancés à plus de 150 toifes fur le malTif.
En allant de la Baffe-Terre dans l'Oueft , on trouve , à environ i,coo toifes y
Cayonne l'un des points les plus célèbres de la Tortue , parce que le chevalier de
-Fontenayyfit fa defcente en 1652; après la mort de le Vaffeur , que ce fut
encore par là que les Efpagnols , qui attaquèrent ce chevalier en 1654, débar-
quèrent & que lui-même rentra peu après à la Tortue , pour effayer , mais- en vain,
de la ravir à fes vainqueurs, Cayonne eft d'ailleurs , dans fa petice étendue , l'un
des meilleurs terrains de la Tortue , avantage que rend encore plus précieux la
rivière de fon nom qui y coule & dont l'eau eft auffi bonne que celle de la Baffe-
Terre. On y voit encore des veftiges d'indigoteries qui prouvent que cette plante
y a été cultivée. Cayonne , dbnt la petite plaine a été en 1654 le théâtre du com-
bat le plus opiniâtre & le plus meurtrier de ceux donnés à la Tortue entre les
Français & les Efpagnols , était un des fixétabliffemens que comptait la Tortue à
l'époque de fa fplendeur & dans les commencemens on y a cultivé du tabac. Je ne
fais pourquoi ce nom Indien eft prononcé Cayorne depuis quelque tems.
A 400 toifes du mouillage de Cayonne eft la pointe de fon nom , & à environ
1,000 de celle-ci la pointe aux Oifeaux, dontdes ca-rtes inexaftes indiquentl'e nom
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il
736 DESCRIPTION DE LA PARTIE'
a'j morne de l'Ouefl de la B^ffe-Terrc. Tout près de cette pointe, mais dans
l'Eft, eft l'anfe du Cabaret, dont il cft aifé de concevoir que le nom vient d'un
cabaret qu'aura eu cette petite anfe , unique point praticable , & encore pour
des chaloupes, qui foit dans l'intervalle de la pointe de Cayonne à celle des pifeaux,
tout garni d'affreu?: rochers entafîes les uns fur les autres. On trouve cependant
]à les vertiges d'une indigoterie & d'une marre ou puits, A environ loo toifes
dans l'Eft de l'anfe du Cabaret eft une caverne de 7 ou 8 pieds d'élévation Se
d'environ 10 pieds d'enfoncement , où l'on trouve beaucoup d'ofîemens humains.
- La pointe des Oifeaux , élevée feulement au-deffus de h mer de 50 ou 60
pieds , a un fommet plat , avec un peu de terre mêlée de pierres. A la toucher
dans l'Eft , font plufieurs rochers détachés de terre d'environ 30 toifes & dont
l'afpecT: eft curieux. Comme ils ont été rongés par la mer dans le bas & que leur
furface , formée elle-même d'une pierre durcie , eft couverte d'arbuftes , ils ref-
femblent alTez à des pots de Seurs> Ces bois, & les rochers mêmes, font l'afile
d'mnombrables oifeaux , parmi lefque!s domine'nt les merles , dont on démêle de
très-loin l'importune loquacité. C'eft de cette circonftance que la pointe tire fon
nom.
-Dans l'Oueft de la pointe aux Oifeaux il y a un mouillage de 6 à 8 pieds de
prorondeur, au fond duquel coule une rivière , ou pourparler plus vrai un ruilTeau,
dont l'eau eft réputée la meilleure de l'Ifie & qu'on voit avec regret fe perdre dans
un heu , oij nulle culture ne peut être tentée. Depuis cette rivière jufqu'au Petit-
Mahé , qui eft à 1,600 toifes de la pointe aux Oifeaux , toute la bande vers la côre
eft étroite & d'un roc qu'on ne pourrait que convertir en chaux. Le Petit-Mahé
lui-même eft formé d'un ruban qui borde quelques éminences fufceptibles d'être
cultivées quoiques roides. Un refte d'indigoterie proche de la m^er annonce qu'on
a tenté celle de cette plante , favorifé par une fource ou pleureufe qui vient des
hauteurs.
En faifant encore 650 toifes , on eft au Grand-Mahé , dont on ne peut rien
citer. Milplantage qui le fuit à 750 toiles , a été l'un des établiffemens de la
Tortue primitive & conquérante. Il a une portion plane & fes hauteurs font
fertiles. Les iources de ces dernières (onc cependant très-faibles & femblent ne fe
réunir dans un ravin que pour s'y épuifer. Le tabac a pu feul erre le partage de
cet endroit ou plutôt le mil ou maïs comme femble i'indiqi:<r fon nom lui-
même.
On
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE.
737
On compte 700 toifés du Milplantage au Ringot , dont on a modernemer.t fait
le Gringotj petit intervalle plane où im ruifleau donne conftamment une eau crifta-
îine & pure. Des rochers aigus & prefque perpendiculaires le termine. On y vok
une indigoterie rainée.
Entre le Ringot & la Rofelière, qui le fuit à 900 toifes , mais plus près du
premier , eft le Terrier-Rouge , au-deffus duquel font quelques plateaux. Une
fource vient des hauteurs & fe confume en route. La Rofelière eft ainfi nommée
à caufe de quelques rofeaux qui bordent la rive & qui doivent , fans doute » la vie
à la rivière abondante du nom du lieu , dont les eaux , perdues en apparence dans
les crevaiTes des rochers , s'enfiltrcnt furement à travers le fol. La Rofelière eft
Nord & Sud avec le Grand ou Vieux for: de la ville du Port-de-Paix.
- L'intervalle eft d'environ 1,600 toifes entre la Rofelière & le bord Eft de
la Saline , avant lequel eft la Vallée. La Saline elle-même en parcourt 750 , &
à 600 toifes de là eft le milieu du Trou Vafeux, qui n'eft qu'un lagon peu étendu
au devant duquel eft cependant un mouillage plus abrité & plus grand que
celui de la Baffe-Terre, mais dont la paffe n'a que 12 pieds d'eau. Après le
Trou Vafeux , & à 800 toifes , eft le Carénage Anglais, oij de petits bâtimens
peuvent aller fe virer jufqu'à terre ; puis l'Hôpital à 1,900 toifes encore plus à
l'Oueft ; & enfin il y a 1,700 toifes de l'Hôpital à la pointe Occidentale de l'Ifle.
Depuis l'entrée de la gorge appelée la Vallée jufqu'au Trou Vafeux , le terrain
eft plat & l'on pourrait même y aller en voiture. Mais cçtte étendue n'eft guères
propre à la culture & l'eau y manque , fi ce n'eft à la Vallée même.
Cette dernière a environ 200 toifes d'ouverture & 500 toifes de profondeur ,
depuis le rivage jufqu'à un point où elle fe bifu-i-que en deux vallons j celui de
l'Eft s'appele la Peiiie Vallée, celui de i'Oueft la Grande Vallée. LTne fource
coule entre les deux , mais dans les tems de féchcreffe elle tarit dans (on lit fablo-
neux ; à environ 600 toifes de la bifurcation , tout le terrain , pendant un quart de
iieue depuis la mer , eft propre à la culture , & deux anciennes indigoteries l'attef-
îeraientau befoin. Plus haut le fol eft aride & pierreux.
Quant à la Saline, dont on diftingue les deux portions en grande & petite Saline^
elles font maintenant fans utilité , & ce fort eft commun à une autre faline qui eft
près de l'hôpital & qui fait même appeler Pointe de la Saline , la pointe la plus
Sud-Oueft de la Tortue. Il eft encore remarquable que cette dernière faline cor-
refponde à-peu-près à celle de la rivière Salée du Port-de-Paix.
Tome I. . A a a a a
I
41
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►
7J8 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Da Trou Vaitux ju:qu'à la moitié de la diilance entre l'hôpital & la pointe de
rOucril, la cô:e eft efcarpée & ion fommet eft couronné de chaînes qui s'éten-
dent elles-mê. nés jiiiqu'à cette pointe. Dans quelques points il y a de o-randes
laiiTcs de fable. Cette portion de côte a plufieurs bons mouillages même pour les
~7vaiireaux du premier rang , mais pas une aiguade. Les noms de Carénage & d'Hô-
pital font affez anciens pour que je n'en puiÇe pas trouver l'origine. Près de
i'PIôpital fe trouvent des ruines d'indigoîeries qui offrent une difficulté encore
plus difficile à réfoudre, pjifqu'il ell: impoiTible de concevoir comment on fuppléaic
l'eau qu'exige cette manufacture , & qui n'exifte pas dans toute cette étendue.
La pointe Occidentale de la Tortue , qui ell , félon M. de Puyfégur, de cina
minutes plus Orientale que h baie de Mouftique , n'a qu'environ 12 pieds d'élé-,
vation au-deffus de la mer. Comme celle Orientale elle eft formée d'un mainf de
roches tranchantes , terminé par une côte de fer.
D'une ligne tirée Nord & Sud à environ 900 toifes dans l'Ed de cette pointe ,
commencent des rochers qui vont vers l'Eft. Entr'eux & la pointe & à partir de
celle-ci j eft d'abord un monticule pierreux dont la fiirface eft couverte de pierres
jTiarines , calcaires & mobiles. Après eft une vafte plaine de fable qui traverfe
toute la largeur de l'Ifle dans ce point, & va fe terminer dans l'Eft au pied d'une
falaifeprefque verticale & à des côtes de fer au Nord & au Sud. Cette falaife
arrondie en croupe & dont la fommité eft fenfiblement convexe , s'élève graduel-
lement & mêm.e par deux zones affcz marquées , jufqu'à ce qu'elle foit parvenue
au point qui correfpond dans le N«rd aux hauteurs de la gorge de la Vallée. C'eft
furement par cette configuration que l'idée d'une Tortue fera venue à Colomb. La
plaine fabloneufe eft aride & n'a que quelques petits arbres, qui n'excèdent pas
20 pie.ds d'élévation. Sur la croupe au contraire , on en trouve de furprenans pat
leurs dimenfions , & les efpèces en font très-variées. On ne fait pas commjent une
efpéce de roc, à peine recouvert d'un pouce de terre , peut leur procurer une
nourriture fuffifante.
Dans toute h côte de la partie Nord , qui n'eft qu'un rocher continu dont les
bords font à pic & que j'ai déjà défignée comme inacceffible , il y a, à environ
900 toifes de la pointe de l'Oueft, un enfoncement qu'on a nommé Port-des-Fous,
& cela miême du afTez quel degré de confiance il doit infpirer. A-peu-près à l'op-
pofite du carénage Anglais , mais auffi au Nord , eft la pointe à Soufleur.
Vers le milieu de cette côte Septentrionale, mais cependant un peu plus à t'Ouefr*
FRANÇAISE "DE S A I N T - D O M î N G tJ E. 739
•ell l'anfe à Tréfor, où le jette une petite ravine du même nom h. où de petits
canots peuvent s'approcher affez près pour qu'on faute à terre j mais dans un teras
extrêmement calme , ce qui eft prefque un phénomène fur cette côte, où le
moindre vent rend la mer furieufe. On dit que ce nom d'anfe à ïréfor vient de
ia perte d'un gâllion chargé d'or & d'argent. Mais ce qu'on a peine à croire , lorf-
qu'on a vu ce lieu, c'eft ce qu'en dit la tradition : que ce fut par là que du Raufîen
rentra dans la Tortue , où il furprit Se défit les Efpagnols vers 1657. La feule vue
de ce point fuffitpour qu'on juge du caradère des Avanturiers. Et de quoi n'étaient
pas capables les hommes aflez téméraires pour côtoyer & aborder d'affreux rochers
& tenter une expédition , où la rencontre de l'ennemi était la chofe la moins redou-
table ! Quel tems il aura fallu pour débarquer 4 ou 500 hommes à travers des
vagues qui , dans leur impulfion , comme dans leur retour après qu'elles le font
brifées contre le roc , ouvrent des gouffres dé vorans !
Mais ce débarquement enfin effectué , quel courage il fallait encore pour par-
venir au but ! Le mafîlf fur lequel ils mirent pied à terre eft, comme je l'ai die
en parlant de la pointe de l'Eil , hérifTé de pointes de rochers , où chaque pas fait
courir le rifque de la vie. Ce malTifn'eft traverfé que pour aller trouver plufieurs
chaînes de rochers d'une hauteur & d'uneroideur affreufes, s'éievant par gradins les
uns au-delTus des autres , qui ont prefque toute la longueur de l'Ifle & où il n'y a
d'intervalle que ceux de quelques crevafTes ou précipices. Enfin tous ces obfta-
cles vaincus , il leur aura fallu traverfer encore l'efpace qui eft depuis le haut de
riile , en face de l'anfe à ïréfor, jufqu'au fort le VaîTeur, où ils s'em-
parèrent du corps-de-garde efpagnol , d'autant moins défendu dans fes derrièreSj
qu'il eût feinblé extravagant de les croire expofés.
Au point qui correfpond à Cayonne , fur la côte Nord , eft la RoufTière , rivière
qui coule dans un lit profond bordé de précipices où elle fe perd avant d'arriver à
la mer. A la Baffe-Terre correfpond la rivière à Robin , qui eft du même genre.
Entre les deux efl la pointe appelée Tête-de-Chien,
Le Ledeur doit voir par les détails où je fuis entré , qu'il me refle une portion
de riile à lui faire connaître.
Cette portion efl une véritable plate-forme d'environ 400 pieds de hauteur au-
delTus du niveau de la mer , pofée fur le mafîlf que j'ai décrit comme borné par la
tner & terminé par des rochers , qui, font à leur to'jr les b ^rds de la plate-forme ou
,^u mafTif fupérieur. Ces bords font dans l'Eft , le Nord & l'Ouefl, déchirés 6s
i A aa a a 2
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^ —
►
740 DESCRIPTION DE LA PARTIE
Drefque verticaux , excepté vers le Nord-Efl où leur pied eft cxcavé & caverneux
dans une longueur de plus tz 7^000 toiles. Dans cet efcarpement & toujours
dans le Nord-Eft , font encore des traces de dépôts de fable , des mangliers & des
laifinici-s du bord de la mer , qui, dans leurs formes chétives, femblent attefter
cependant j qu'autrefois les vagues ont battu cette féconde plate-forme , aujour-
d'hui intérieure de près d'une demi-lieue.
Le mafTif fupérieur part , comme on l'a vu , d'i:n point qui eft à 700 toifes dansf
rOueft de la pointe de l'Eft de Tlfle , & fe termine à la fahife fituée par le travers
de la gorge de la Vallée , c'eft-à-dire , qu'il parcourt environ 15,000 toifes dans
la direftion de riflt même , avec une largeur moyenne Nord & Sud d'environ
ï.ooo toifes.
Cette féconde plate-forme eft, comme celle qui lui fert de bafe , d'un roc vif.
Sa lurface fupérieure forme une longue plaine doucement inclinée vers le Nord ,
jufqu'au point oia l'on arrive à fon efcarpe.
Cette conformation de i'Ifle la Tortue eft d'autant plus faite pour frapper
le Pliyficien , que riile Saint- Domingue^ dans fes parties correfpondantes à
celles de la Tortue , furtout dans le Sud-Oueft de la pointe Occidentale de celle-
ei & jufqu'à la Plate- forme du Môle , a une côte divifée par couches ou plate-
formes placées les unes fur les autres & de manière que celles inférieures forment
toujours un entablement par rapport aux autres ou un plan incliné. S'il porte fes
regarda jufques fur I'Ifle de Cube , il y retrouve encore cette analogie , & tirant
une ligne de l'Eft-Sud-Eft au Oueft-Nord-Oueft , du Cap à Foux du iNlôie au
point de I'Ifle de Cube qu'elle atteint & qui eft par 78 degrés 7 mnnutes de Lon-
gitude , il y rencontre le lieu auquel on a donné le nom des Autels , parce qu'il
eft compofé de plate-formes ou maffifs pofés les uns fur les autres.
La furface de la plus haute plate-forme de la Tortue , eft en général calcaire ,
comme prefque celle de toute Tlfle. On y voit çà Se là de grandes m.aflès de
rochers également calcaires , & le plus fouvent de la nature des roches à ravets.
On y trouve cependant aufli du granit & des pierres quartzeufes ; mais il n'y a pas
fur cette haute furface une feule goûte d'eau courante ; on y rencontre feulement
des marres en grand nombre. Le père Plumier écrivait le 8 Oftobre 1690, qu'il
avait vu du marbre bleu-verdoyant , en defcendant de l'habitation de M. la Fran-
chife, à Milplantage par la Vallée. Il dit aiilTi , que chez M. la Franchile on avait
tîouvé une matière minérale 5 qui , fondue , avait donné de trts-bon argent.
(
I
FRANÇAISE DE SAINT-DOMINGUE. 74Î
Le fol de la Tortue éft encore digne de la réputation dont Charlevois dit
qu'il jouifTait. On ne peut fe refufer à partager cette opinion, io4-rqu'on voit
que tout y croît prefque fpontanément & que toutes les produftions de la nature
y ont un caraélère qui annonce la fertiJité. Ses inépuifables forêts fourniirej;t
toujours abondamment le bois d'acajou que le luxe de la mode fait tant
rechercher à caufe du luftre dont la nature l'a embelli , & le gayac , fi propre
aux poulies pour le gréement des vaifTeaux. Prefque tous les autres beaux bois
de la grande île s'y trouvent auffi , & particulièrement le bois-m.arie ou dame-
marie , mais nulle part les efpèces ne font aufiTi belles. La Tortue a donné
au vaiffeau l'Annibal , de 74 canons , une grande vergue de 64 pieds i & en
1779 au Robulle j aufîi de 74 canons , une pièce de 38 pieds de long fur 19
pouces d'équariflage en tout fens pour fon gouvernail.
L'affreux mancenillier naît à la Tortue , mais il devient la proie des flammes
dès qu'il eft apperçu , afin que les crabes ne puifîent pas manger fon fruit de
empoifonner les nègres , pour lefquels ceux-ci font un mets recherché.
Ces forêts, oij il exifte peut-être des arbres auffi anciens que l'île même, font
peuplés de ramiers dont le goût délicat flatte agréablement le palais , & que
leur étonnante multiplication offre toujours par milliers.
A cette reffource fe réunit celle des cochons marons que , malgré la guerre
continuelle qu'on leur fait, l'on trouve à chaque pas. Se dans une telle propor-
tion , que quelques années de repos pour eux exigeraient furerâent qu'on
renouvellât la précaution d'en faire faire une chafl^e générale , parce que l'île
ne pourrait plus les nourrir. La chair en eft excellente.
Le canal de la Tortue a auffi, comme je l'ai annoncé à l'article du Port-de-
Paix, de grandes refîburces en approvifionnemens. On s'étonne aflcz de ce
qu'il n'y a point d'huîtres à la Tortue, ce qu'il faut attribuer à ce que les
mangliers ne font que' dans (des points oij la côte eft fabloneufe. j.
En lifant le procès-verbal de remife de la Tortue à d'Ogeron par M.
Defchamps de la Place, neveu de Du Rauflfet , le 7 Juin 1665 (*) , on voit
que dès lors elle avait diminué en importance ; le fort le Vafleur , appelé
la Roche, avait feul des canons montés, & ces canons n'étaient qu'au
nombre de quatre. Mais la Tortue avait, à cette époque, 400 habitans féden-
(,*) Y. Loix & ConftUuùons dç Saint-Doraingue , to-ii. icr. pag. i^è^,
742" DESCRIPTION DE LA PARTIE
taires qui cukivaient du tabac, & M. ,de la Place avait des cannes plantées au
canton de h Montagne , l'un des Cik établiiTemens de l'île , & fitué fur la
grande plate-forme , au-delà de la BafTe-Terre. En 1669 d'Ogeron y comptait
Ï5300 individus, tous blancs j en 1670 on y fit vingt-quatre mille rolies ou
andouilles de tabac ; mais dans It recenfement de 16S1 je ne trouve plus dans
.. toute la Tortue que 168 blancs, 89 nègres & 17 mulâtres ou Indiens. En
î688 le canton de Cayonne avait 54 hommes portant armes, & celui de la
Vallée 70. Rien ne m'apprend quelle quantité d'indigo on a jamais retiré de-
cette petite île.
Tout ce que je rapporte de la Tortue doit convaincre que la BafTe-Terre
en a toujours été l'efpéce de capitale. C'efi: de là que la communication eft la
plus facile avec tout le reftc de l'île. On en part à cheval , foit pour aller vers
Cayonne ou vers ia pointe à MaiTon , foit pour aller gagner la plate-forme
Supérieure , où eft un chemin praticable à cheval auffi , & par lequel on va
depuis la Vallée jufqu'à l'extrémité Orientale du haut maffif, tandis qu'un
autre mène du Grand & du Petit Mahé à la partie Nord. Ces chemins qui
font l'ouvrage foit des anciens habitans dont les fix établiffemens communi-
quaient entr'eux, foit deâ gardiens pu ouvriers que le roi y a mis , iervent à
i'extracflion des beaux bois fi utiles à la Partie du Nord de Saint-Domingue,
furtout pour les ouvrages de fortifications , & pour lefquels l'État a payé des
fommes très-ccufivlérables durant -la guerre de 1778. Le roi y achetait éo-ale-
ment du bois à biûler à raifon de 15 liv. la corde, en l'envovant chercher,
ce qui l'é.evait à 36. liv, , & l'on en confommait trois mille cordes par an au
Cap,
Depuis 17S5 que M. Labattut a acheté la Tortue, c'eft encore la Baffe-
Terre qui eft le chef-lieu de tout le m,ouvement qu'il s'efforce d'im.primer à
j^île entière. Là une maifon vafte & commode , à laquelle conduit une belle
allée de palmiers , femble dire à quiconque y eft attiré pnr la curiofité , par
un air pur & falubre ou par l'amitié , qu'il y fera reçu avec cette aménité
franche qui eft le caraftère du maître. De cet afile , l'œil étonné parcourt dans
la grande île une étendue de côtes que des manufactures de tous les o-enrçs
égayent, & que des fites plus ou moins variés rendent encore plus piquante.
Au bas de ce rideau richement décoré & dans un point qui forme ptrfpeélive
pour la Baffe-Terre, eft le bourg du Petit-Saint-Louis. Le canal qui
il
I
FRANÇAISE DE SAIN T-DO M I N G U E. 74J,
cft entre la Tortue & Saint-Domingue mêle une forte de fraîcheur à ce tableau ,
que la vue de canots, de petits bâtimens & de barques paflagères animent encore-
Si l'on cherche la promenade , la vue des batteries dont on eft proche
éveille des idées de proteftion. Va-t-on vers le fort le Vaffcur, on croit lire
on commente i'hiftoire des Aventuriers. Si l'on gagne Cayonne , au charme
qu'y fait trouver un immenfe bananerie où une ombre douce invite au calme
& au repos, fe mêle le fouvenir des efforts qui ont procuré à la France. la
plus florifîante Colonie , & rendu le nom des Flibuftiers redoutable. En chaflànt
on croit fuivre la trace des premiers habitans , qui maniaient continuellement
le fufil pour défendre leur exiftence , pour chercher leur fubfiftance , dz , prefque
malgré foi, l'on fe trouve affocié aux Boucaniers, Si l'on contenv-le les rocs-
par lefquels on eft fréquemment arrêté ; fi l'œil mefure des hauteurs efcarpées
ou des defcentes qui font autant d'abymes , on fent un mouvcmejit qui tient;
prefque à l'audace & que femble infpirer le féjour des premiers Français
environnés de troubles , & n'attendant rien que de leur perfévérance. Enfin
foit qu'on admire ces arbres dont la cime altière femble aufll avoir fon orp-ueil
foit qu'entré dans une caverne on fe fente attendri en fongeant aux malheureux.
Indiens qui paraiffent y avoir cherché du moins une mort paifible , par tout à
la Tortue l'ame & la penfée font occupées. Ah ! Je ne tenterai pas de faire
partager toutes les Tentations que j'y ai éprouvées. Peut-être même faut-il avoir
entrepris de décrire Saint-Domingue & d'en publier I'hiftoire pour goûter, en
vifitant cette petite île à jamais mémorable ,^ toutes les joui ftan ces qu'elle m'A
procurées.
M. Labattut qui s'occupe d'y faire réufiir la culture du cafter dont il a déa-
formé une immenfe plantation fur la plate-forme au-defîbs de la Bafle-terre, s'eft
auffi déterminé à faire partager à des hommes induftrieux les avantages que
promet le fol de la Tortue , & il en compte déjà 25 auxquels il en a vendu une "
grande partie dans l'Oueft,
Ainft la Tortue reprendra ,. fans doute , fes droits à- l'utilité générale &^déjà fé
tait le cri qui s'était élevé contre un abus de la faveur. Si l'on n'en voit plus fortir
comme autrefois, de farouches conquérans, elle fera encore recommiandable par les
biens dont elle peut enrichir fes nouveaux maîtres, & puifque le fort femble l'avoir
deftinée à étonner , qu'elle exerce de nouveau cette belle nréroo-ativ©
en produifant des richefî'cs dont la maiïè comparée à fapetitefie , rappelle que-
fâ fécondité a été long-tems vantée I
h .( ,
.''.*ii
I
f
5^44 DESCRIPTION DE Lx^ PARTIE
Que le propriétaire de cette terre fartunée qui a fu fignaler fon patriotifme par
deux prêts de 880,000 livres , généreufement faits , en 1783 , à Don Bernard
de Galvez pour les troupes efpagnoles & au roi pour l'efcadre de M. de Vau-
dreuil , jouiffe bientôt de la fatisfaftion de contempler tout ce qu'aura créé fon
utile exemple ! Un jour, peut-être, la reconnaiffance appliquera fon nom à l'une des
parties de cette île glorieufe & j'aime à penfer que ma faible plume en le répétanc
pluûeurs fois , ne méritera pas le reproche d'avoir é:é dirigée par une trop
complaifante amitié.
La Tortue dépend de la Sénéchaufiee & du commandement du Port-de-Paix.
Mais la paroiffe du Petit-Saint-Louis & du Port-de-Paix fe difputent l'honneur
de l'avoir dans fes limites , elle qui les a immédiatement créées l'une & l'autre.
En quittant cette petite île pour retourner dans la grande , il eft naturel de
dire que les vents les plus ordinaires du canal qui les fépare & qu'on nomme
Car.al de la Tortue , font ceux de l'Eft & que la mer y eft quelquefois houkufc
bc fatigante. Il eft donc difficile , en général , de remonter ce canal , mais après
de fortes brifes de Nord-Eft, les courans portent à l'Eft avec affez de force pour
gagner au vent en peu de tems.
Le vailTeau du roi le Solide a péri fur la Tortue , en 1691.
La pofition de la Tortue rend encore plus défavantageufe celle du Port-de-Paix
que le canal permet de bloquer ou au fortir duquel on peut trouver des forces
fupérieures. Ce devrait être une raifon pour mettre fur la Tortue une vigie qui
inftruiraitla grande terre de ce qui fe paffe au Nord de cette île.
il
J E termine ici la Defcription de la Partie du Nord dont je trouverai a parler
encore dans des comiparaifons que m'offrira la Defcription des deux autres Parties :
elles qui lans être en tout auffi importantes que la première , ont auffi de grands
-droits à la curiofité 8s à l'intérêt du Lefteur.
Fin du Premier Volume.
TABLE DES
ATIERES
Com^eni/es dans ce Premier Volume^
Le ehiSre déligne la page.
^
rSCÔURS PRELIiMINAIREj îij
AvertiffemenC , xv
Explication de pluiîeurs exprelîions employées à
Saint-Domingue & dans ce volume , xvij
Defcription topogiapliique & politique de la
Partie Françaire de l^Ifle Saint - Dorningue ,
A 1 pag'-'> I
Etendue de la Partie Françaife , 3
Des montagnes & des plaines , 3
Royaumes dont dépendait fous les Caciques , ce
qui forme la Partie Françaife , , 5
Population de la Partie Françaife de Saint-Domin-
gue , 5
Bes Blancs , 6
Des Européens qui habitent Saint - Domin-
gae ,
Des Créols blancs ,
Des Créoles' blanches ,
Des Eiclaves ,
Des Efclaves venus d'Afritjae,
Des Efclaves Créols ,
Des Affranchis,
Combinaifons du Blanc ,
• • Wêgie ,
— Mulâtre ,
■ Quarteron ,
— — — — — Metif ,
■ Mameiouc ,
"■ Quarteronne ,
-Sang-mêlé ,,
Toms J,
-Sacatra ,
-Grifffj
9
12.
ï7
23
24
59
68
71
71
71
72
72
72
73
73
Combinaifons du Maraboti ,
des Sauvages & Qaxiihz% de 1
rique ou indiens Occiaéntaux,
-Indiens Orientaux,
Sacatra ,
Griffe ,
Maraboa ,
Mulâtre 1
Quarteron ,
Métif,
Mameiouc ,
Quarteronne ,
Sang-mêlé ,
'Amét
74
T>
82
85
83
83
84.
8S
85
85.
N0MBR.EET Natu aE^des étabîlfTemens
de la Partie Françaife de Saint-Domingue, 100
Divifion de la Colonie Françaife en trois par-
100
ttes
PARTIE DU NORD.
los
Quartier du Fort-Dauphin ,
I. ParoiiTe du Fort-Dauphin ,
■d'Ouanaminthe ,
- de Valiière ,
- du Terrier-Rouge ,
- du Trou ,
Quartier de Limonade ,
II.
m.
IV.
V.
107
107
H7
165
180
VI. Paroiffe de Limonade , jg^,
VII. Sainte-Rofè , improprement ap-
pelée paroiffe de la Grande Rivière, 22a
VIII. Saint- Louis du Morin , du Quar-
tier Morin , ou du Trou de Charles Moiin ,230
IX. Paroiffe du Dondon,
X, I— ■ ■■ de la Marmelade ,
Quartier du Cap.
Bbbbb
247
zoçr
I
■1
74Ô
T A B L
ParoiiTe de la Petite-Anie ,
du Cap Fiançais ,
XI.
XII
Vills da Cap ,
Première Seftion ,
Dsuxièmej
Troifièmcj
Qcatrièms , —
Cinquièms ,
Sixième , ■
Septième , .
Haitième , ■
Da Port da Cap ,
-Dis Inceiidiss ,
293
296
302
321
345
373
433
439
443
464
471
483
De h Police, _ _ _ " 483
Nombre des maiionî S; popuiacion du Cap , 490
Da Cap coriiîdéré comme capitale ,
État - major & officiers d'Adminiftration
Cap, _
Partie militaire. Garnifon da Cap ,
Des Milices du Cap ,
Des Médecins , Cairurgi3ns & Apothicaires ,
De la Chambre
d'Agriculture ,
de Comm.erce ,
De la Gazette ,
De l'Aîmanach 5: de quelques Ouvrages impri-
493
du
494
496
497
501
503
505
506
mes à Saint-Domingue ,
Da Climat & de la Température du Cap ,
Des Maladies ,
Étrangers & autres perfonaes remarquables
nues au Cap ,
De l'Éducation ,
Des environs du Cap,
De la Ra\4ne dû Cap ,
Chemin du Fort Picolet ,
La Fofîette ,
Cou's Villeverd ,
De la Bouclierie ,
De l'K;pital des Religieux de la Charité,
Du canton appelé le Haut du Cap ,
D-i Àlorne da Cap ,
De la Bande du Nord , du Grand & du
Port-Français ,
De la défenfe de la Partie du Nord ,
XlII. ParoiÏÏe de la Plaine du Nord,
XIV. — l'Acul,
Quartier du Limbe ,
XV. ParoiiTe du Limbe ,
XVL — de Plaifance,
XVir. du Port-Margot,
XVin. du Borgne ,
Quartier du Port-de-Paix ,
ParoiiTe du Gros-Morne,
du Petit Saint
XVIX
XX.
lom.% du
Nord ,
509
511
527
. ve-
538
545
547
547
554
556
560
563
564
591
Petit
6c I
606
627
633
641
641
6^4
668
6-8
685
685
Louls ou Saint-
es?
XXI, ParoiiTe du Port-de-Palx , S^\
Ille la Tortue , 726
AkeiUes. Les premières de la Partie du Nord
paralfîent à S:;inte-Rofe ; d'où elles vèr.;i;nt
229. — On en
Dondon 263. — Celles
de l'Hô jital au Cap 590.
Ahus. 309, 323, 355. — Monîlrueux relatif à
la chaîne publique, 397, 398 , 399. — De l'en-
trée des Admi.-.iiîratears ' & da Procureur-Gé-
néral dans le couvent des Re.rgieufes da Cap ,
avec une grande fuite, 432. — Qu'on premier
commis de Verfailles faic du crédit de fa place,
453 I5 fui-ja;ites. — Sur les Conceffions , 642 j
729. V. Fa-jeur. Mar'cchoj'Jfée.
d'autorité , 368 , 396, 50,.
Acadiens. Placés à Saiate-Rofe pms envoyés au
Môle 227. — ^ Placés au Dondon puis envoyés
au A'Iôle 265.
Acclimater. (Néceffité de s') 52S.
Acc'jucheur. V. Mîdecin - Accoucheur. — Sage ■•
Femme.
Acon. Vont du Cap à Caraco], à Jacquezy, 163.
T— à l'embarcadère de ia Petite - x^fe 241. ^^
On en a au Port-de-Paix 724.
Aaeur. V. Speclacle.
Acul. Appelé Port-Saint-Thomas par les Efpa-
gnols , 207. — Pcnt qu'on y projette , 457 ^
Sa baie, 623, 631, 634. — Sa défenfe militaire,
631, 634, 635,636. — Noms primitifs de
ce lieu , 633. — A dépendu de la paroilTe da
Morne - Rouge ,6^,7,. — Devenu paroiiTe du
Camp de Louife en 1699, 633. — On y éle-
vait beaucoup de pourceaux ,633. — Son pre-
miercuré, 633. — Tvl. de Charrite en poffédait
une grande partie., 633. — Ses limites , 633,
— Sa partie plane, 634 , 639. — Son fol 634,
639. — Ses cantons , 634, — Sa partie mon-
tagneufe , 634 , 639. — Combat dans fa baie
634. — M. de Puyfégur a fait un plan de fa
baie , 636. — Latitude & Longitude d'un point
à l'entrée de fa baie , 636. — Bateau qui périt
dans fa baie, 636. — Chriftophe Colomb eft
venuàl'Acul, 636. — Son embarcadère , 636.
— Ses paffagers, 636. — Sa rivière falée, 636.
■ — Ses chemins , 637, 639. — Son églife ,
637. — Ses regiftres paroiifiaux , 637. — Sa
diliance à d'autres lieux , 638, — Ses cantons,
638 , 639. — Ses gorges , 638. — A le feu!
moulin à vent de la Partie du Nord, 639. — «
Ses fucreries , 639. ^- Ses autres manufactures,
639. — Ses cafeteries , 639. — - Servirait dans
quelques points àl'éducation des animaux, 639.
— A la fource de la rivière du Haut - du - Cap
ou de Galiffet fur fon territoire , 63^. — §f|'
DES MATIÈRES.
747
eaux, 639.— Sa milice, 639. — Sa popula-
tioa , 64.0. — On prétend que c'eft le premier
endroit où la lèpre a paru à Saint-Domingue ,
640. — Opinions fur cette lèpre, 640. — C'eft
à i'Acui qu'a commencé la culture de l'indigo
bâtard , 640. — On y a cultivé beaucoup de
cacaoyers , 640. — Rsvages de l'épizodtie ,
640. — Perfonne recommandable à laquelle
il a donné KaifTance, 640. — Le Fort-Margot
en a dépendu, 670.
Acul à Conit.S-3. pofition militaire, 626, — V.Trou.
Acul de Samedi, 131. — On y avait projette
une paroiiFe , 152, 153. — Sa pofition m.ili-
taire , 6z6.
« des Pins. 132, 141. Ses étabîiffemens ,
132. — Produit un v-afe recherché, 132. —
Peut offrir une utile commanication , 153.
Adde (M.). Éloge d'une belle preuve de recon-
naiflance que donne cet artifte , 408, 412.
Adminijiraieurs en chef de la Colcnie. Sont trop
preffés de juger la Colonie avant de la con-
naître , 128. — Reproche pour n'avoir pas mis
les greffes du Cap dans la maifon du gouver-
nement, 382. — Sont quelquefois jaloux,
393 ,461. — Eloge de leur zèie pour les
maifons de Providence du Cap , 403 , 404 ,
407. — Leurs fecrétaires avaient une rétribu-
tion fur les prifons , 407. — Entrent dans le
couvent des religieufes du Cap, 432. — Où ils
ont réfidé , 493. — La Chambre d'Agricul-
ture doit rendre compte de leur adminiftration,
504. — Reproche fur les marchés pour les
hôpitaux , 584.
Adminijirateurs. F. Proaiidence.
Adminijiration du Fort-Dajjphin , 1 33. — Éloge
de celle d'une habitation , 1 74.
• de Saint-Domingue. Preuve de là verfa-
tilité , 309 328.
Jh-ojlat^ V. Montgolfière.
4ffalages du Dondon , 258. — Leur explication ,
258.
Affranchis. 6j , 99. — Sont communément ap-
pelés Gens de couleur ou Sang-Mêlés , 68. —
Comment cette claffe a été produite , 68. —
Leur progreffion fucceffive , 69. — Leur nom-
bre aiîluel & caufes qui l'ont produit , 69, 70.
—Doivent leur exiilence aux Colons , 70. —
Sont compofés d'individus de plufieurs nuan-
ces , 70. — Compofés de deux-fixièmes de
nègres , de trois-fixièmes de mulâtres & des
nuances au-deffous , & d'un-fixième des
nuances au-deffus du mulâtre, 90 — Ceux qui
ne font pas nègres fe croyent fupérieurs à
ceux qui le font, 90.— Les mulâtres font les
plus nombreux , 90. — Leur familiarité avec
les efclaves , 96. — Vertu d'un affranchi ,416
i^ fui'va?ites. — Coinpofent prefque toujours
la maréchauffée , 449. — Marque de bien-'
faifance envers eux , 460. ■ — Caraélère des
femmes affranchies, 467. — Ou font les preuves
de leur état , 496. V. Auha , Lciùs De/rou-
leaux , Fin cent.
JffranchiJJèment , 68, 69, 70 , 90. — Efpèce
d'.iffranchiffement tacite , 99.
Africains. L'infouciance eft leur caraélériftique ,
25 -^ Caufes & effets de leur infouciance, 25.
— Sans éducation, 25. — Leur caraélère, 25,
— Leurs qualités corporelles varient félon le
point où ils ont reçu le jour, 26. — Leur
nourriture , 27. — 11 en eft de pédéraftes, 27 ,
34- — Leurs religions, 28, 32 , 33 , 38, — Il
en efi d'anthropophages , 28 , 33, — Ceux de
la Côte d'Or & de la Côte des Efclaves font
fanguinaires , 29. — Marques qu'ils ont fur la
peau, 27,28, 29. — Menés aux Colonies,
35. — Reproches que leur fait le nègre créol a
caufe du baptême, 35. — Sont polygames &
jaloux, 37, 95. — Aiment a paffer pour
créols , 38. — Ceux qu'ils &Y>'^e\entBâtiniens ,
38. — Impreffion que leur fait une glace , une
montre , du vin , 39. — S'étouffent en avalant
leur langue, 62. — Préjugé contre eux , 81.-
V. Couleur , Efclaves , Nègre.
Afrique. Parties qui fourniffent des Efclaves aux-
Antilles ; Mœurs & Caractères de fes iT^bi»
tans ,28. V. Efcla'ves , Nègre.
Agotias. 29.
Aide-major. 115, 133, 495,722.
Aiguade des vaiffeaux. V. Fontaine.
Aiman. V. Mine.
Air. V. Température.
Albinos. Defcription d'une Albinos ,
Détails fur des Albinos , 57 , 58.
Allemands. Placés à Sainte-Rofe puis envoyés aa
Môle , 227. — Placés au Dondon & envoyés
au Môle, 265.
Almanach de Saint-Domingue , 509.
Aniat. Sicilien habitant & architecle à Limonade,
184, 185 , 199, 453.
Amiral de France. Son receveur dans les Ami-
rautés , 385.
Amirau té du Cap , 1 03 . ^ — Son lieu d'affemblée ,
37^ ' 377.— Sa création, 384. — Sa compofi-
tion, 384, 385.
56.
du Fort-Dauphin , 103, 134.
du Port-de-Paix , 103, 722.
Ancre. Qu'on croit être celle de la caravelle dg
Chriilophe Colomb .189.
74«
TABLE
Anei-. A çu^ci employés aa Port-de-'P^.ix , 70.7.
■anglais. Krégate anglaife qui échoue à Caracoî ,
IQZ. — Oruc trs anglais priionniers air Trou ,
1-76. — Uais aux Efpagnois dévaflent la Partis
da N«rd en 1695 , 183. — AlknC à la Kavans
€111762, 215. — Morne de leur nom, 631.
— Ce qa'ils tentent dans la baie de l'AcuI , 634.
Chaffés de la Tortue , 669. — Ravagent le Port-
Margot ^n 1695 , 670. — Détrulienj; le bourg
du Petit-Saint-Louis , 688 , 703. — Prennent
— Prennent le Port-de-P.ûx ,
hrtue. Wiiks.
Âp.hnaurX ࣠a Colonie , 100. — De la P<îrtie du
No/d, îCO- — Do.Tieiîiques d'Europe rcuffil-
fe Cap , 702
703. V. La
fent bien sa Dondon , 262. — vJei
ié42ffifrent p:s aa Dcndon , 262
réuSiïent pas à la Ivîarniekde , :
ve-nd au marclié CJiigny , 442.
jHteropci.ha.ges, zb , ^S-
JiuJ^-s , 29.
Jpahicairs de PAiXîira'-jté , 385.
, du roi , 502.
du Cap , 502.
qui ne
Qui ne
Supé-
Pq-
Appwit&mens des Conteiiiefs du Conielî
rieur du Cap , 335. — V- Maréchavjj'ic
lice.
Jrahes. V. Maures.
Aradas , 29 , 30. — Particularités relatives
aux négrefies Aradas , Ji- ■ — V. Danje.
Jrhres. Preuves de l'ancienneté d'un arbre, î8{.
— Appelé Bois de lance , 1S2. — Ceux utiles
aux levées, ceux qui leur nuiient , 191 , 192,
— Oranger , citronnier , bols de campt-;he ,
2î6. — Allée de aliènes , 32-'. — Penchent à
Pûueft &
pourquoi , 257
r
eux piP.ntes au
Cap ,311, 327 , 391 j 44+- . — ^^«'^ ^^ F"^
t€ins lur eux, 520. — Datier , 553. — I>u
quai du Port-de-Paix , 707. V. Bms , Fiantes.
. à pain , au Limbé , 653.
.= fruitiersj 145, 159, zi6.
_ de France 1^5,178,657,658.
Archan-rs frère). Cure de Lirr-Oiiade , 218.
Argout (M. q') Gouverneur - général. Regardé
cOir.me celui qui a fourni l'idée de la fontaine
du Fort-Dauphiin , 121, 122- — Enterré au ca-
veau de i'cgliié du Cap, 343. — ■ Rue de Ion
nom au Cap , 46g.
Ann&ii'ies. Ceilcb de la ville de Porto-Real , 164.
— Celles du Cap , 330, 447. V. CaracoL
Arper.tcur. 134 , 496,
»_ Principal, 134.
Arrcjimint. \zî. — Premier exemple dan-s la
r«tfiis da Nord , 253,
Arjenal de Marlra^ (Projet d'un) , 24! , 2A2.
Art au , Eutrepreneur du roi ,^ a la concsiîian du
cours Yiileverd , 561. — Eloge de ia célérité
de fon exécution , 582.
Artihouits. Procure des chex^aux , 425. — Pont
projette, 458. — Ses déboucîiés ea eems-de
guerre, 665.
Ariichû.ux. 224, 658,-716.
Artiherie, Son parc , 303. — Ancienne école
du canon, 422. — Les Bombardiers , 407,
497. — Ses O.ivriers , 467 » 497. — Son coni--
mandant réJlde au Cap, 490. — Le Corps-
Ro\al , 497. — Influence heureufe de celle du
Corps-Royal arrivée en 1777, 619. V". Cap-
Français-
Artljts fétérinaire , 502. V. Èpizcetie.
AJfsjJeurs de ia SénechaufTée Cm Cap , 583.
du Conreil du Cap
;86.
Ajjiente. Habitation qui a eu ce nom au Port-de-
Paix , 694 , 710. — Cette habitation a un beaiv
canal pour fa lucrerie , 710. V. Ccmpagni-i di
VAiïient!.
Auha. Éloge de ce nsgre libre , 17a.
Audiencier de la SénéchaufTée du Cap , 383,
. du Ccnfeil du Cap , 387.
Auger (IVI.). Gouverneur de la Colonie, Ton
ejoge
371-
Auteur. Ses motifs pour publier la Defcriptîon
de la totalité de PLle Saint - Domingue , 2, —
Son opiràcn fur la caufe de l'odeur qu'exhaient
les nègres, 54. — L'ordre qu'il adopte pour
cette Defcription, 100. — Son Ouvrage des
Loix & Conftitutions, &c., 378. — Sanomina-
tion de Confeiller au Confeii Supérieur du Cap,
^83. — S'iionore d'avoir été Avocat au Ccni'eil
<iu Cap , 388. — Sa réception de Confciller,
3S8. — A remporté le prix pour l'éloge de
Caftelveyre & de Doiiouies , fondateurs des
deux maifons de Providence du Cap , 40g.
— A été Secrétaire -adjoint de la Chambre
d'Agriculture du Cap , 504, — Chofes intéref-
fantes qu'il a à publier iur la culture coloniale,
651. V. Le Dijcours Préliminaire.
Awjraj (M.). Son éloge , loj- — Comment il
gagne une maïadie cJiarbonneufe, 165.
Avalanches. Y. Affalages.
A-oenturiers. 5, 6o8j 73.9.
A-vocais du Ccnfeil Supérieur du Cap , 3S8.
— A qui ils donnaient place dans leur banc, 388?
— avaient pour chef leur Doyen fous le nom
de Bâtonnier, 3S8, — L'attteur l'a été, 3.85.
A^deak, V- Lila^h
B
~^:î?^
;■!
DES M x\ T ï Ê K E s;
f4f
B.
Sdas (M. de). Gouverneur-général des îfles vient
à la Tortue & y laiffe un gouverneur , jz'8.
Bmc. Sur la Grande-Hivière , 215.
■^Sur la rivière du Haut du Cap, 452. —
Quand il eft établi , 452. — 'Eft l'objet
d'ane ferme, 452 £5" /uivantcs, 457. — Son
péage, 453. — Sa police , 455. — Son privi-
lège exclufif , 455. — Faits qui lui font reîa-
tifs, 456 — Inconvéniens de fa pofitivyn , 457.
— Sur la rivière Salée du Borgne, 6j2.
Maie, de l'Acul. V. Jcul.
— de Mancenille, 293 , 621 , 702, 703.
•»»" de Mouftique. Ses faiines ,713. — • ià nature,
71g — Ses tortues , 720.
Bains oublies du Cap , 312, 434 46S,
Bal. V. Dan/e.
Balanqué (M.). Son éloge , 4S4.
Baleine , -213.
Ballon. V. Montgolf}ye,
Bair.haras , 27.
Bamhov. , 2ig.
TBamboula. Eipèce de tambour au fon duquel les
nègres danfent, 44.
^ancs honorifiques. V. Honneurs.
Bande du 'Nord , 60 1 , 602 , 622 , 702,
JSanxa. Liftrament de mufique des nègres , 44 ,
52. ^ ...
Baptême. Idée des nègres à cet égard , 35.
Barcmeire. Sa marche à Saint - Domingue , 2S7.
— Opinion de l'Auteur fur le Baromètre , 288.
V. Température.
Bar au (M.). Bienfaiteur de PégUfe du
341. — Des Rejigieufes du Cap , 432. -
l'Hôpital du Cap ,'578.
Barre Èleclrique. V. ÉleSricité.
Barré de Saint-Venant (M.)- Son éloge.
Baffe ' Terre. L'un des premiers noms du Cap.
V. Cap - Françai; ,
f Chef-lieu de la Tortue, V. la Tortue.
Bâtimens. Ce que les nègres entendent par ce
mot, 38.
Bayàha. -Jrigine de ce nom , iii. — Quand
en a ceffé de remployer, 116. — V. i'ort^
Da'.iphin,
BégoH \l\l-). Intendant- général des Ifles de
l'Amérique. Vient à Saint-Domingue, 380.
Bthstte (M.). A la tête d'une compagnie de
fon nom , fait d'utiles travaux au Cap , 306.
Cap,
- De
234:
Belin de Villeneu've (M.). Son influence fur la
profpérité de Saint-Domingue , 649, — Con-
naiffuices dont il a enrichi l'Auteur, 651,
Bellec-:l^ (M de). Gouveri^eur-général , 369,
Tom, l
561. — Q'ii & rue3 du Cap qui lui doivent
leur nom , 470. — Soa lOiluence fur la cenfure
de la gazette , 508.
Bel%ut:ce ( M. le Vicomte de ). Commandant
général des troupes & milices. Établit mi
camp an Trou , 572. -— Quand il devient gou-
verneur-général, 172. — Sa réputation mili-
taire, 172, 614. — Son arrivée avec des
troupes , 20g — Fait mettre un bac fur la
Grande rivière, 215. — Met des camps à
Sainte-Rofe & au Dondon , 226. — Avait fait
commencer un pont aj Dondon , 256. — Ses-
vues furie Dondon où il fait mettre des camps,
264, 265. — Il £;it ouvrir un chemin da?
Dondon au Cap & un du Dondon à Saint-
Raphaël , 264, 265. — Un du Cap au Port=.
au-Frince , 26; , 273 , 662. — Son épitaphg
dans l'églife du Cap, 338. — Rend la mal%^
chauffée to^ts militaire , 450.
Beiin , 28 , 31
Bejïiau::. • — V. Animaux.
Bie-ifai/^nce , 460. — V. Cajlelveyre , Dolicuhs i
Jafhiin.
Bijjagots , 28. ■ — Ont des boucliers de pea»
d'éléphant , 28.
Blancs. Qui habitent la Partie Françaife , 6, — ?
Il n'y en a qu'un quart de Créols , 9. —
P^éfultat de leurs com.binaifons avec le nègre &
les mélanges fucceflifs qui en proviennent ,71.
• — Dans la Partie du Nord p. us des deux tiers
font du fexe mafculin , io6. V. Créai , Créole «
Population.
Blanches. V. Blancs,
Blé , 716.
Blejfés. Extrèm;ement difliciîes à guérir aus
Colonies, 581.
Bois. Effet de leur deftruftion , 4.. — d'O^aaa-
minthe , 145. ™ Du Dcadon , 262. — Di- Iz
Plaine du Nord , 629. — De pLÙfance , 658.
- — Du Port-de-?aix, 713, 714. — De la
Tortue, 741, 742. V. Arbres, Plantes. ■:
Bois de Lasce. Canton de la paroiffe de Limo-
nade. Son étabiiiTemeat , 182- — D'où lui
vient ce nom^ 182 — Son premiier habitant, !o2»,
— Dépendit de la paroiffe du Qinrtier-Morin,
182 — Ses habitans prelque tous détruits à la
bataille de Limonade , 183.-^ Devient de la
paroiffe de Limonade , 184,, 1S5. — Veut
une cliapelle, 184. — Sa première fucrerie ,
1 84. — Veut devenir, paroiffe ,184 — Son
égliie ,184, 200. — Ses petits cantons , 200,
y. Arbres.
Bsij'niorant ( M. de ). Détails fur ce commifiaire
ordonnateur du Cap, 244.
BoiJJiraimé ( M. de )• Ce gouverneur de l'îlj»
C c c c ç
m
m
k
h
750 T A B
Sainte-Croix, le devient de la Partie du Nord
de Saint-Domingae , 704.
Sonami ( M. ). Propofe de réunir la rivière
Salée de l'Acal à la rivièie àa Haut du Cap ,
Bor.gars (M. de ). Rues qui lui doivent leur
nom, 470. — Son caradère trop facile, 508.
Bonnet à VÈ-oique. Montagne de ce nom , &
pourquoi, 283, 629. — Autre montagne du
même nom , 679.
Borgne ( le ). Son état en 172 S & en 1743 ,678.
— Dépendait da Petir-Saint-Lcûs , 67S. —
Quand on en a fait une paroifle , 679. — Son
églife, 679 , 680. — Ses limites, 679. —
Ses cantons , 679. — Efl: tout montagneux,
679 — Sa plus haute montagne , 679. — Ses
rivières , 680. — Sa culture , 680. — Son
eafé payé plus cher , 63o. — Sa population ,
6Sc. — Ses manufaflures , 680. — Ses bourgs ,
6Sq, 63 1. — Son embarcadère , 6S0. — A
dépendu du Port de-Paix , 681. — Sa dépen-
dance civile & militaire, 63 1. — Ses ciiemins,
681. — Caverne qu'on y trouve, 681. —
Preuve de l'iiabitation des anciens Naturels ,
681. — Situation d'un étang falé , 682. — Ses
côtes , 682. — Son bac , 682. — Sa défenfe
militaire, 683. — D'où lui vient fon nom,
653. — Obfervations fur fa pointe d'icaque ,
654. — Sa température , 684. — Centenaire
qui y meurt , 684. — Diftance entre lui &
plufieurs autres lieux , 684.
"Botanique. Riche au Dondcn, 262. — V. Jrhres,
Bois , Plantes.
Boucaniers. 5,6.
Boucherie. Abus qu'elle produit & fon influence
épLzootique ,291.
du Cap , 452 , 493 , 563.
^«arj-. De Bayaha , 114, 131. — D'Ouanaminthe,
123, 139, 140, 144 — du Terrier-Rouge , 158
— Du Trou , 163 — Delà Tannerie, i3o — Un
projette à l'égiile deLimonade, 199. — De l'em-
barcadère de Limonade, 200. — De Sainte-
Rofe , 221. — De i'Embîrcadère de la Petite-
Anfe, 238. — Du Dondon ,251. — du Haut-
da. Cap , 594 \£ fuivantes. — Du Linibé .
643. — De Piaifance , 656. — Grand & Petit
bourg du Port-Margot , 671, 672. — Du
Borgne, 680, 681. — Du Gros-Morne,
687. — Du Petit-Saint-Louis , 683.
Bourgeois (M.). Secrétaire de la Chambre d'Agri-
culture & de Commerce , pais de la Chambre
d'Agriculture & de la Chambre de Commerce,
318,541.
Bour-.quis ,28,
du Cap.
la— ^
leure
Bourreau majfacré , 576 , 596.
Bov.rfe. V. Chambre de Commerce
— commune. V. Huijjiers
BcuJJok. Effet attribué à une mine
Bûi'.tin (Père). Jéfuue. Son éloge, 335 , 567, rr-
Fait un hôpital, 372. — Forme une maifoR
d'Orphelines , 372. — Eli: le fondateur du
couvent des Reiigienfes du Cap pour l'éduca-
tion des filles , 373 , 426. — Notice fur lui,
640. — On lui doit les cabrouets , 553.
Brach (M. de). Avait à lui f;ul la maje
partie de la plaine du Limbe , 642.
Brar.cas ( Mde. la Ducheife de ). Se fait faire le
don du péage du bac du Cap , 212 , 454»
^55 ' 457-
Breda ( M. de ). Major du Cap. Où il déilrait
qu'on mît cette ville , 299.
Brefs du Pape. Comment exécutés aux CoIonieSj
588.
Briqueteries. De la Colonie , 100. — De la Partie
du Nord , 106. — De la paroiiTe du Fort-
Diuphia , 129. — D'Ouanaminthe , 145.—
Du Trou, 175. — De Limonade, 196. — Du
Quartier- Morin , 239.. — La première de la
Coionie fr-inçaife , 246. — De la Petite- Anfe ,
276. — De l'Acul , 639, — Du Limbe, 645,
— Da Port-Margot , 671, 672.
Brije. V. Vent.
Brûlé [M.). Habitant de Sainte-Rofe, élève les
premières Abeilles de la Partie du Nord, 225.
Brûleaieit. Son effet iurlefol, 204.
Brulley (M.). Il tente l'éducation de la coche-
nilie à la Marmelade , 274. — Le gouverne-
ment l'encourage , 274.
Bureaux. V. Huijjiers. Pro-jidencc.
—————De Police Municipale. Les Adminif-
trateurs de la Colonie en étaient membres ,
307. — Ses opérations fur le quai du Cap, 307.
— Ses opérations fur la Place - d'armes du
Cap , 327.
Buttet (M.). Lieutenanî-de-roi duFort-Dauphin,
136.
Bjron (Le Commodore). Eil venu au Cap, ii<).
Calir.et Littéraire. Par qui le premier efi établi
au Cap, 323.
Cabrciiets. Efpèce de charrette coJoniale 5553 —
A qui on les doit, 553.
Cacao , 629. — Cultivé autrefois à l'Acul , 640.
— V. Cacaoyères.
Cacaotières.—y V. Cacaofères^
DES MATIÈRES.
751
Cacaoyer. D'Ogeron en introduit la culture aa
Port-Margot & au Port-de-Paix , 670 , 723.
Cacaoyères. De la Partie Françaii'e , 100. — De
la Partie du Nord, 106. — De Sainte-Rcfe ,
223. — Du Port-Margot, 671 , 672.
Cachalot. — V. Baleine.
Cacique , 5 , 694. — V. Guacanaric.
Cafiiers , 713.
Café. Celui de l'AcuI des Pins très-recherclié &
pourquoi, 132. — Celui du Borgne eft payé
plus cher , 680. — Celui du canton du Haut-
Mouftique du Port-de-Paix eft eftimé , 714,
— Récolte étonnante de café , 714. — Cultivé
à la Tortue , 742. — V. Cafeterie , Cafur.
Gafeteries. De la Partie Françjife, 100. — De la
. Partie du Nord , 106. — Du Fort-Dauphin ,
131, 132. — D'Ouanaminthe 145. — Du Trou,
175 , 196. — De Limonade, 203, 204. — De
Sainte-Rofe , 223. — Du Dondon , zOi — De
la Petite-Anfe , 288. — De la Plaine du Nord ,
629. — Del'Acul, 639, — DuLimbé,645.
»— De Piaifance, 657. — Du Port-Margot,
671?, 672,680. — Du Gros-Morne , 686. —
— Du Petit - Saint - Louis , 689 ,691. — Da
Port-de-Paix, 711 , 714, 723. — De la
Tortue, 743. — V. Cap, Ccifar.
Cafeyère — V. Cafeterie.
Cafer. Les premiers caSers de Saint-Domingue
venaient de la Martinique , 164, 261. — A
qui l'on en eft redevable , 164. — Où on les
naturalifa, 154. — Premier lieu où l'on en cul-
tiva dans la Partie Françiife , 164, 261.—
— Pourquoi il ne réuflit pas dans certains lieux,
203. — Les faces des montagnes vers la mer ne
lui conviennent point , 204. — Vient plus vite
& dure moins à Limonade qu'à la Marmelade
& au Dondon , 204. — Détruit par l'herbe à
Panache , 204. — V. Cafeterie , Café
Cahuzac (M. de ). Amiral des premiers vaif-
feaux français envoyés aux Antilles 603 , 731.
-Calatrava. Réception d'un Chevalier de cet ordre
d'Efpagne, dans l'églife du Cap, 342»
Calinda. — V. Danfe.
Calvaires. — V. Cap Vert, 27.
Camp. De Louife. — V. Acul.
— .de Sainte-Rofe. — V. Sainte-Rofe.
———du Trou ,172 i£ fui'vantes.
Ga>npêche. Où on l'a naturalifé d'abord à Saint-
Domingue , 632. — A remplacé le Citronnier
pouf les hayes , 632.
Canal. Projeté entre la baie du Fort-Dauphin &
celle de Jacquezy & de Caracol , 136, 160,
212.
Cangas , 28,
Canne a fucre. Sa culture exige des individus
accoutumés à un foleil ardent , 24. — Le feu
y prend fpontanément , 164 — Où l'on dit
qu'ont été plantées \ts premières cannes à fjcre
dans la Plaine du Cap , 236. — Eft l'objet d'un
troc , 444, — Les Créols l'aiment beaucoup ,
444- ■"" ^ • Sucre , Sucrerie.
Cap. Cap-Français. P^ un Commandant en fécond,
102. — A un Commandant particulier , 102 ,
494. — A un Ordonnateur de la Marine , 102,
494. — A un Confeil Supérieur de fon nom,
103,316, 321,323, 376 i^ fuivantes.—
A une Sénéchauffee, 336, 324, 376, 377,
380 , 381 , 382, 594. — A une Amirauté ,
103 ' 376 , ^77 ' 384- — Son Morne , 104 ,
597' j"fl'i'à 605. — ; Ses avantages , 105.
— Reçoit les denrées du Dondon, 266
Quartier de fon nom , 275 , 607. — La paroif-
fe du Cap n'eft, pour ainfi dire , compofée que
de la ville du même nom , 293. — Arrivée aa
Cap par mer, 293 iJ fi'vantes. — Fort Picolet,
293. — Son Port , 293- , 471 y fuivantes. —
A peine apperçu en venant par mer , 296. —
Serait une belle ville partout , 296. — Sa La-
titude , fa Longitude , 296. — Sa fituation ,
296 , 511. — Ses noms , 296 , 297 , 298. —
Eut Gobin, caîrinifte , pour premier habitant ,
^97 > ^ 3H- — ^'Vait deux étabîiflemens , Pua
T^ppdéHaut-cfu-Cap, l'autre Bas-du-Cap , 298»
Le Cap aftuel s'eft appelé la Baffe-Terre »
298. — Reçoit la petite colonie de Samana ,
298. —Eft détruit par les Efpagnols en 1691
& en 169J, 298, 702. — Pourquoi la ville eft
au point où on la voit , 29S. — Sa figure , fes
dimenfions , 299. — Ses rues 299 , 314, 315,
316,320,321, 342,343,344., 3^6, 357,
358, 394, 433,434,435, 439' 446' 448,
451, 465, 467,_468, 469, 470, 48;,
49°/ '^S^- — Diviûon de'fes rues en ilets ou
carrés & en emplacemens , 299. — Ses maifons
299 , 300 , 301 , 312 , 321 , 326 , 447,.
483, 490, 522. —Son pavé, 300. — Son
climat &'fa température, 301, 511 ^ fi-
'vantes. — On y a le goût des oifeaux , 301,
— Ses limites , 301 ,433, 435, 596, 597, 598.
■ — Sa defcription divilee en 8 Sedions , 302.
— Dimsnfions de fa première Section, 302,
— Son quai , 302 , 304 , 305 , 307 , juf!,:à
314, 31-6, 463, 466, 467, 469, 470,
481. — Ses calies , 302, 304, 306. — Ses
fontaines , 302 , 311 , 329, 345, 399, 424,
444 ' 447 ' 468 ,512 cf faisantes , 557 ,
600. — Ses moyens de défenfe , 303, 304,
306, 325 , 60Î , 607, 608. — Son pare
w
n
k
I
•
75*
TABLE
^'cbllques
d'artil'eYÎe , 303. "■*- iies pi^ices pc;
304, 311, 315.326, 33c , 331 , 357 , 353 ,
359, 4.22, 441 , 445 ,464, 468. — Une
Compagriie BcrjOtte y fait d'utiles tra\'aux ,
3s5. — Coaimeni: 1! eft trè3-agran.di ea 1740,
306. — Scr. morte des Capucins , 306 , 32;.
! — Ses marchés , 306 , 3171326, 440,468,
■ ton marciie aux isiar.cs
Grues iur fon q^iai , 307
300 , 317. •—
308. — ^ Concel-
fiais fur fon quai, 307, 308,309,310-
Son Capitaine de port , ^qq , 474. — Origine
des deux rr,aifons de bois qai font fur fon quai,
310. — Ses eaux, 310, 319, 46S , 512 . 526,
•55-' 599- — Ana'yle de les fources , 310 ,
'319. — Allée d'.u-bres , 311, 327, 328,
444.. — Son cours Le Brafleur , 311. — Sa
îJéridienne , 3 1 1 . — Ses baLis pubiics ,312,
434, 468. -—Ses corps - de - garde , 313,
S-c garde - quais ,
influence com-
merciale , 3 ! 4 , 321 , 483. r— Magafiu de
15.- — Ses prifons , 315,
- Ses incendies , 315,
— Sa Ravine , 310 , 413,
;,i, COI. — S;s ponts.
315 , 324, 328, 331. —Ses g
313, 314. — Preuves ce ion in
merciale , 314, 3
la Marine , 314,
321 , 356, 467. -
319044' 43î- 483-
547'
316,
549
3J^
45:
460, 552 ,
595. — Sa Chambre de Commerce & fa Boarfe,
318, 505. — Ses magafms publics , 320, 333,
> — Son accroiiTement depuis 1734, 320
E;en:
de la feeor.de Section , 32c
Ses
Troupes, 321. — Ses rues commerçantes,
321 , 322, 323 , 324. — Reçoit des liabitans
ae Pille Sainte-Croix, 321. — Son bureau
des ventes maritimes, 322. — Point de vue
agréable , 322. — Ses Cabinets littéraires , fes
Libraires, 323.- — Son Eglife , 524, 326,
32/' 3-9' 334' yVf^'^ 344' — Son
ioi , 324, 511. — Ce que coûte une
partie de fon étendue , 325 . 346. — Ré-
ûdence de plufieurs Généraux & Intendans,
326, 334. — Sa Police, 327 , 328, 485, iif
Jiùvantes , 562. — Ses armoiries & leur ori-
gine , 330 , 347. — Ses MLices , 333 , 497 ,
a jui-uantes , 594. — É • enemens relatifs à
deux ex:;cutions , 332. Les Religieux de la
Cuarité y ont d'abord tenu leur hôpital, 334.
• — Ses Reiigieufes , 336 , 428. — Épitapiie ,
338. — Perf.înnes remarquables enterrées dans
ion egliie , 339. 340. — La dcvocioa de fes
habit-ns un peu tieue , 340. — Ses cloches ,
342. — Ses cinîeticre> , 342 , 343, 3^8,
414 , 435. — Prsfbuère qu'on y conftruit ,
343. — O.ig ne du no.n ae plunears de fes
îaei , 344 , 34 j , 3^0. — Sa troiiièiTie Seûion,
34^- — Ralfon de î'an de fes accfOÎfTemeiï? ,
346. — Son fpeélacle , 346, 359.— Efpèce de
Club agréable qu'on y établit , 347. — Sa
Société Royale des Sciences & Arts , 347. —
Sa defcription IVlédico - Topographique , par
M. Arthaad, 345. — Chef-lieu d'une miffion ,
352. — Son Imprimerie , 353, 355. — Dé-
tails fur l'état ancien de la Partie Occiàentaîe vers "
la mailon adluei'.s du Gouvernement, 357, 358.
= — Etrangers & autres perfonnes remarquables
qu'on y a vues , qui y ont féjourné , qui y font
nées ou mortes , 366, 538 , l3 j'uivanies. —
Le fpeâacle y eft néceflaire , 371. — Ses hô-
pitaux, 334, 371 ,^372 , 395, 415,434,
452, 557, 596. — E!oge de la conduite de
fes habitans envers ceux de Saint-Chriilophe ,
371 , 433. — Sa quatrième Seftion , 373. — Sa
maifon appelée le Gouvernement , 374 CS' fui'
"jarztes , 390 ^ j'ii^j:mtes. — Ses promenades ,
291 , 560. — Ses deux maifons de Providence ^
354 C? fv.} ^jantes ,399 53" fm-oantes, — Sa
chaîne publique , 398. — Sa Providence
des gens de couleur ,416 l£ fui-janies. — So»
Champ de Ivlars , ancienne école da canon ,
422. — Ses cazeraes , 422, 425 , 465 i3
Juivantes. — Ses lavoirs., 425 , 515 , 6oi. —
Ses moyens d'éducation, 431 , 432 , 545.—»
Sa cinquième feélion , 433. — État de cette
— - feélion autrefois
43:
Son entrée vers Is
plaine aa commencement du fiècle,433.—
Ce qu'on y appelé petite Guinée , 433. — Soii
pavé , 424. — Son plan-directeur , 434. — »
Ses loges de franc-maçons , 434 , 554. — Si
fixième feftion , 439- — Ses marais, 439,
440, 448,514, 55S . 559,560. — Ré-
flexions fur les noms de pluneurs de fes rues ,
440. — Projet de lui donner des portes triom»
phaies , 446. — Sa feptième feilion , 448. — »
Sa maréchauiTée , 448. — Ses bouclierles , 452,
563, 564.— Son bac, 452.— Ses chemins, 452 «
453.', 554.' 5.^3 ' S9^ ' 60b , 601 , 603. — Sa
huitième feition , 464. — Son arfenal , 464 ,
465. — Son faubourg , 464 , 472. — Sa gar-
nifon , 464 , 491 , 496 , 591. — Son colifée
ou waux-hall , 466.- — Sa boulangerie , 467 3
468. — Son hangard à la mâture , 469. —
BaiTm auquel on travaille , 469 — Son ancien
carénage, 477. — Eil un port d'entrepôt,
480 — Nombre moyen des bàtimcas qa'oa
trouve dans fon port, 482. — Ses pompes,
4S5. — Ses cabarets , 486. — Sa populatioa
491 , 594. — Ses confommations , 493. —
Ccniidéré comme capitale , 493 C? jia"ju.ites.
— A été la iixiéme capitale de la Partie Frai-
5i
DES MATIÈRES.
75i
çaife , 493. "^ Son état-major & fes officiers
d'adminiftration , 494 ^ fuiiiantes. — Eten-
due qu'avait aatrefois le quartier de fon nom ,
494 — Confidéré comme une fubdélégation
de l'intendance , 495. — Son greffe de la fub-
délégation , 495. — Sa partie militaire, 496.
' — Eit la réfidence de l'ingénieur de la Partie
du Nord , 496. — Eft la réfidence du com-
mandant de l'artillerie , 496. — Ses gardes
magaûns , 496. — Régiment de fon nom ,
496. — Ses médecins , fes chirurgiens & fes
apothicaires , 501. — Ses accoucheurs , fes
fages-femmes , fes dentiftes , fes \'étérinaires ,
502. — Sa Chambre d'Agriculture , 503. —
C'eft là que la gazette a commencé , 506 -—
C'eft là qu'on a fait le premier almanach de
Saint-Domingue , 509. ' — Ouvrages qu'on y
a imprimés , 509 ,510. — Son inclinaifon ,
51!. — On y boit l'eau des puits, 517. —
Projet pour y mener l'eau de la Grande riviè-
re de Limonade , 517. — On n'y a point de
caves , 519. — Ses maladies , 527 iâ Jui'vantes.
I — N'ait pas exempt d'épidémies , 535. — On
y voit peu de perfonnes âgées , 537. — Ses
environs , 547 l!S fui-vantes. — Ses jardins ,
553. — Son ancienne guinguette, 553. — Ses
cabrouets, 553. — Lieu cù ont été faites des
. obfervations aftronomiques , 554. — Sa guin-
guette aéliielle , 554. • — Ses fortifications ,
555. — Santé de fes habitans , 555. — |^a
Foffette , 556. — Cours Villeverd , 560. —
Chem.in de l'Hôpital , 563 , 564. — Le Hiat
du Gap , 591. — Ses places-à-vivres , 592. ' —
Jlabitation Charrier , 592. — S'appelait le
Bas du Cap , 593. — •- Le confeil des Milices
s'y aflembiait , 593. — Ses entrepôts , fes
guildiveries , 595. — Son unique fucrerie ,
595. — Ses poteries , 596. — Sa minéralogie,
598. — Sa vigie , 599 , 609. - — - Ses côtes ,
Bol iS Juinjantes. 1 — Sa diftance de plufieurs
autres lieux , 605 , 727, — Ses communica-
tions , fes moyens d'approvifionnemens , 605 ,
6o6. — Son importance , comme chef-lieu de
la Partie du Nord ; 606. — Reçoit les denrées
fabriquées depuis le Fort- Dauphin jufqu'aa
Port-de-Paix , 606. — Éloge de fes habitans
611. — Chofes qui annoncent fon voiiînage ,
632. — V. Bande du Nord y Défenfe de la
Partie du Nord ; Grand Port-Français y Petit
Port-Français.
Cap la Grange. — Voy. la Grange.
Samana , 293.
( Vert , 27.
Ça fit aine de navire arrivant au Cap > 48J;
Capitaine de Port 133 , 309, 474, 722.
Capitale. La Tortue efi; la première Capitale de
la Partie Françaife de Saint-Domingue , 493 ,
670, 695. — Le Port-de-Paix eft la féconde,
493, 698. — Léogane eft la troifième , 493 ,
705. — Le Petit Goave eft la quatrième , 493<.
— Le Port-au-Prince la cinquième , 493. — La
Cap-Français la fixième , 493. — Le Port-au-
Prince celle aéluelle , 493.
Caplaoïis ,29.
Capucins. Ont eu les premiers !a million de îa
Partie du Nord, 107, 181 , 325, 374.— Sont
chargés à préfent de la miffion de la Partie du
Nord , 107. -^ On leur fait don d'un morne aa
Cap , qui prend leur nom , 32^. — Leur loge-
ment au Cap , 325 , 374. — Avaient un fyndic
temporel , 325 — Railbns qui a dû faire pré-
férer les Capucins de Normandie , 452. — Le
chef-lieu de leur mifîion a été au Port-de-
Paix , 717. — Morne & fort de leur nom 717,
Caracol. Projet de canal entre la baie du Fort-
Dauphin & la fienne , 136. — Ses embarca-
daires, 136, 160, 161, 178. — Canton de
Caracol, 159. — Son fol, 159, 171. — Sa
baie, 161, 162. — Sa rivière , 160, 161.
Ses efters , 161. — Sa paffe , 178 , 622. — -
Une frégate anglaife y échoue, 162. — Seç
bateaux paflagcrs , 162. — Ce que fignifie ce
nom , 163. — Etait le fite de la ville de Perto-
Réal , 163 , 207. — Son port était celui de la
Nati'dté , 163, 207. — Conceffions qu'on y
a faites, 171. — Portion qui dépend de la
paroiife du Trou , 171. — Colomb eft entrain^
de là vers Limonade , 207. Voy. Défenfe milir^
taire. Défenfe de la Partie du Ncivd.
CaraB}re. On oublie vite à Saint-Domingue ,
121. — Difficultés qu'on y mûrifie un plan ,
136. — Opinion égoifte , 153. — Point de
foins confervateurs , 173 , 192. — Les Colon»
ont befoin d'être contraints à faire ce qui leur
eft utile , 193. — Celui du Colon eft infouT
ciant, 194, 216, 456, 456, 458, 510.—
Difficile de faire le bien à Saint-Domingue ,
203. — Point de foins des chofes agréables ,
216. — Des OfHcie.rs de Milices & des fimplee
miliciens, 500. — Les duels font fréquens,
568. — Des Bianchiffeufes , 6oi. — Voyez
Affranchis y Blanc y Colons y Créol y Créole.
De Clieux y Efcla-iies y Nègres.
Caraïbes. On en a amené à Saint-Domingue , G-j^
— Réfultat de leurs combinailbns avec ie Blanc,
le Nègre & les nuances intermédiaires , 74'— <
Sont alhmilés aux Blancs pour les droits poli»
tiques ,81.
Pdd44
W^
f ;
■fjà
I fl
I
Carénage du ^.artier Moriu. Etait l'ancien Ca-
renr.gs du Cap , 238 , 242. — Voy. Cap.
Carthagene. Des Colons de Saint - Domingue
marchent à la priie de cette viile ,218, 248 ,
704.
-Cajîei-jiji-e. Fondateur de la Providence des
hommes au Cap. Son éloge , 399 o fuiv. &
414. — Avait commencé un hoipice charita-
ble à Léogane , 400. — Sa mort , 404. —
Paffe à tort pour le fondateur des deux Pro-
vidences du Cap , 405. — On ne trou-re fon
nom nulle part à la Providence^ 40S. — Voy.
Pro-oidence.
€ajiex ( M. ). Soninn^ence far l'étabiLTemenL de
v'^alUère , dont il a été le premier Ccramaa-
dant.j Î4.3.
Ccftillon. Eloge d'une poudre de ce nom , 550.
Cawvii (M.). Son Mémoire fur la défenlé du
Cap , 6o3. — V . Défenfs de la Partis du Nord.
Ca-jer/ie. Da Borgn3j 681. — De la Tortue ,
?34» 736- _
Caycs ( Ville aes ). Sa diUance da Cap, 605.
Cayman , 595.
Casernes de la Maréchauffée. — V. Maréchaujfée.
des Chalfears volontaires, 447-
' des ChalTeurs royaux de couleur ,452.
« du Cap, 423 y Jui-j. — Faites lur les
plans de M. Rabié , 424. — Améliorées par
M. Heffe , 424. — Ce qu'elles peuvent loger
de troupes , 424. — Leur chapelle , 4,24. —
Leur fontaine, 424. — Anciennes cazernes de-
venues i'Arfenal , 405.
• du Manège au Cap , 425.
■ faices dans i'encios des Reiigieufes , 429.
Centenaire , 179, 2C4. — Nombreux à Sainte-
Rofe , 224 , 225 , 226. — du Port -Margot ,
674. — Du Borgne , 684. — Da Port-de-Paix,
717, — V ov. Te:npéraîure.
Cercle des Philadelphes. — \^ Scciiié dis Sciences
Ijj Arts du Cap.
Chabar.Dn { IvL ) de l'Académie Françaife , Créol
de Limonade , 198, 217.
. de Maugris ( M, ) Créol de Limonade,
198 , 217.
Chuiiie fukliq^ue. Son origine, 397. — Son but,
■ -398. — Cliangcment qu'éprouve malheureuie-
ment fa police, 39S — Abus monllrueux qu'elle
montre , 398.
Chaleur du Soleil, 19S. — Voy. Mîlêorologie ,
Température.
Chan.bre ^^ Agriculture. Celle du Cap , 391. —
Q^iiad projettée , 292. — Son fecretaire, 3 1 8,
504. — Demande une Imprimerie, 354. —
Kecîame contre un don îcX^ à M. Laporte ,
BLE
434- — Son origine, 503. — Sa conflitutlen
pri.nitive , 603.— Sa compétence, 503. —
Doit donner un Mémoire motivé fur l'adminif-
tration de chaque Adminiftrateur, 504 — Ses
travaux , 504. — Troubles qu'elle a éprouvé$i
Ç04. — Où elle s'aiTemble , 504.
Chambre d" Agriculture <3 de Commirce— Voyez
Chambre d'Agriculture.
• de Commerce du Cap', 318. — Origine,
318 y fui'v. — Son fecretaire, 318. — Son
cachet, 319. — Son état aftuel , 503,505.
— Sa compolition, 505. — Reproche qu'on
lui fait , 505. — Son éloge, 505. — i^rojet
utile qu'elle avait & comment il s& traverfé >
505.
Chameaux , J45.
Champ de Mars ,422.
Chanjon. — Voy. Langa.ge.
Charlevoix ( le Père ) , Jéfuite , i î 8. — Publie
i'HLftoirc de Saint-Domingue , 218 , 268.
Vient au Cap , 538.
Charrite ( M. de ) , Gouverneur du Cap. Bien-
faiteur de l'églife du Quartier Morin , où il a
une chapelle, 235. — On dit que les premières
cannes à fucre de la plaine du Cap ont été
plantées fur fon habitation, 236 — -Détails
fur lui , fes qualités , fon caraftère ; obliga-
tion que la Colonie lui a , 246. — Eft le pre-
mier qui terre du fucre dans la Colonie, 2J.6.
— Etablit une poterie , une tuilerie , une
briqueterie , 246. — Avait eflayé d'avoir une
manufacture de tabac en poudre , 246. — Où
il délirait que fût la ville du Cap , 298. —
Devient propriétaire d'une partie du Cap ,
423-
— Pour combien fa veuve vend
une partie du terrain du Cap, 325. — Im-
menfe jardui qu'il avait au Cap même , 346.
— Lieutenant au Gouvernement-général de la
Colonie , 494. — Pcffédait une grande partie
de la paroiùe de l'Acul, 633. — Poffédait uns
grande nartie du Port-Marg-ot , 670.
Chajfeurs royaux. Troupe formé d'hommes de
couleur , 70.
Volontaires de couleur , 447.
Chrfier.oye (M. de ), Gouverneur de la Partie du
Nord, 115, 149. — On lui doit les premières
levées de Limonade, 191. — Comment il
donne un nom à une rue du Cap, 322. — De-
venu Lieutenant au Gouvernement-général ,
494-
fils , ( M. de ) Gouverneur da Cap &
Lieutenant au Gouvernement général , 494.
Château de Colanb , zoj. — V. Fort la Nativité.
Chi.
"J
Tiurnsnc.
■Y.
■ curs a Cûaux,
i
DES MATIERES
755
CLemins. Entre la Partie du Nord & celle de
i'Oiieft , 104, 229, 265, 273. — Ridicule
de l'ordonnance de 1781 à l'égard de ceux
des mornes , 151. — On pourrait en faire un
entre Ouanaminthe & le Trou par ks hauteurs,
153. — Du Bois de Lance au Quartier- JVîoria ,
200. — Du Cap au Fort-Dauphin , 213 , 2E4.
— De Limonade aa Cap, 214. — De la paroiffe
Sainte Rofe, 224 , 228 , 229. — du Quartier-
Morin , 236. — Entre le Cap cSc l'embarcadère
de la Petite- Anfe , 242 j 314 , 452 , 453. —
Du Dondon au Cap , à Saint-Raphaël , au
Port-au-Prince, 265 , 266, 267. — De la
Marmelade au Cap, 273. — De la IVÎairneJade
aux Gonaïves , 273. ■ — De la Petite-Anfe ,
283, 284, — Du Cap à Picolet, 554 ^ful'va,it£s.
■ —Du Cap à l'Hôpital, 563 , 564. — Du Haut
du Cap , 591 . 595. — Du Cap à la bande du
Nord & au Grand & au Fetit-Port-Français ,
602 , 603 , 604, 605. — De la Plaine du
Nord, 630. — Del'Acul, 637,638, 639. —
Du Cap au Poitviu-Prince , 638 , 644, 645.
—Du Cap au Môle, 638, 691, 724. — Du
Limbe, 644. — Du Cap au Port-au-Prince,
é6i iS fuiijantes , 691 , 724. — De Plaifance
au Gros-Morne & au Port-de-Paix , 667.
— Du Cap au Port-de-Paix , 67 i, 690 , 724.
De la Coupe à Noé , 674. — Da Borgne ,
681. — Du Gros-Morne, 687. — Du Petit-
Saint-Louis , 67 1 . — Du Port-de-Paix ,712,
■713, 714, 723 , 724. — De la Tortue,
712.
Chenjaux. — 17. V. Animaux.
Chica. V. Danfe.
Ckien. Maladie gangréneufe qui en fait périr
beaucoup , 535.
Chirurgien.— 134, 501, 571. — Epreuve
coloniale à laquelle il faut fouraettre les chi-
rurgiens ,586.
■ da Roi. V. Hôpital.
Z^"' I ^"Cap, 501.
— Major j ^ ■'
' de l'Amirauté , 385 , 501.
des r*lilices, 501.
du régiment du Cap.
Choijhil {M. le Vicomte de). Influe fur la forma-
tion du bojrg d'Ouanaminihe , 144, — Empê-
che qu'on abandonne le territoire de Vallière .
1+8.
Cihao. — 3. — V. Montagnes,
Cimetières. Du Cap , 342, 343, 358. — Le
-caveau derrière Péglife a des' parties de corps
defféchées & entières, 343. — Celui de la
Providence, 414, 415 Son origine, 414.
De la.Fafiette, 435. — Refjs des Jéfuites
d'aller au cimetière de la FofTette, 435.
Inruffifance du cimetière de la Foflcîte , 435
i^ fui-uaiitei. — Danger de les remuer avant
un certain terme , 436. — Celui de la Foflétte
a un chapelain , 437. — Effet attribué aa
petit-mil planté dans le cimetière de la Fof-
fette , 437. — Réflexions fur l'ufage des cime-
tières , 438. — Obfervations fur la fituation "-c
l'extérieui- du cimetière de la FolTette , 43S ,
439-
Cinqua?ite Pas du Roi. — 243. — Ce que c'eft ,
569.
Clément ( M. ). Adeur du Cap. Son éloge , 365,
366 , 367. ^ ^
Climat. — V. Température.
Clugny (M. de }. Intendant. — Son éloge ,
292 , 316.
Cochenille. Sa culture entreprife à la Marmelade,
274.
Cochon. V. Pourceaux.
-Maron. V. Pourceaux.
Code Noir. 68.
Colomb ( Chriftophe ). 163 , 164. — Ancre
qu'on croit celle de fa caravelle , 189, — Où
& quand il a bâti le fort la Nativité , 206,
— Mouiiîe à Caracol , 207. — Fait naufrage à
Limonade , 207. — Entre dans la baie de
TAcul , 636. — Va au Port-de-Paix , 694. —.
Va au Port-à-PÊcu , 706.
Colons. Ceux Européens de la Partie Françaife ,
6. — Premières m.œurs des Colons, 7. —
D'oij vient leur infouciance pour leur pays ,
8. — Leur luxe , 8. — Mœurs de leur fécond
âge, 8. ^ — Leurs mœurs adliielles, 9. —
Environnes d'efclaves & de domelHques, 11. —
Ne fe donnent point de jouiffances , n. —
Voyagent avec rapidité ," 17. — Cultivaient
eux-mêmes au commencement , 24. — Ont
— Ceux qui
créé la clalTe des affranchis , 70.
défrichent n'ont aucune jouiffance réelle qu'à
la cinquième génération , 128. ■ — Leur
courage, 251. — Ceux tués à la bataille de
■Limonade, 183. — Marque de bienveillance
qu'ils donnent , 460. — Teinte de leur peau ,
512. Revenant de France ont encore befoin
de s'acclimater , 528. V. Blanc. Créai. Créole,
Colonies. Nature de la population d'une Colonie ,
6. V. Défenfe de la Partie du hlord.
Colonies de ^ l'Amérique Septentrionale. Ont donné
les premières l'exemple d'avoir des engas-és, z^
Co7neftibles.—Y. Marché. " ^'
Commandant du Cap. Avait féaiicç ^u Confeil
fagérieur dç cette ville i 385.-
•..• ; '
<
TS^
TABLE
Conrftaiidant en fxond. Il y en a trois , ioo_,
I02. — Celui du Cap avait féance au Confeil
àî cette viiie , -586. — Maifon où plufieurs de
ceux du Cap ont réfidé , 394.. — Quand créés,
^g-. — y. Gou--jerneur c.s Sainte-Crotx.
— particalier. — Un au Cap , 102. —
Où il loge , 370.
Commerc;. Détails fur ce'.ui du Cap , 322,482.
Conn-.iJJ'airi de la Marins , 4.95. — Admis au
Comeil Supérieur, 356. — N'y était plus
admis, 3 g 5. — Le plus ancien le al y avait
féance ,306. _
o-énéral de la manne. Avait ieance
au Confeil Supérieur du Cap , 336. — Préfidait
le Confeil, pnVatement au conieiller-préildent,
286. — ]^/I. Caignet , commllTaire-général ,
préiid.tit le Ccnfsil du Cap , en iiabit noir ,
"3S9.
Corr'.miffion. Due aux divers agens qu'on employé
à Sai;
t-Domingue, 505.
lie de ï'AjJiinte.
-'^1-=
des
Ce que c'était , 094..
îndis. La Coior.ie fe foulève con-
tr'elle , 244. — Obtient le privilège^ excluiif
de la côte de Guinée & achète la Follette ,
556. — Y.FeJJstte.
lccidc::fah!. Succède à la
Oc
compagnie des Ifles de l'Amérique, 696.
Supprimée en 1674 , 697.
des If.es de l'Jmérique , 7
66q.
V. Ccnpagnic des Indes Occidentales.
Comptables ', 1 34.
CanceJJlons. — V. Ah'.'.s i Cap ; Caracol ; Jac-
quezy.
Conj'rérie de la. Miféricorde. — V. Hôpital.
Congés ,32.
Co/j/t// de la Guadeloupe, 380.
de la Martinique , 380.
• de Léogane , 3£o.
de Nippes, 380.
, de Saint-Chriilophe, 380.
-des Milices, 380. — Sa compoiition ,
380 , 38B. — Sa nature , 388._ — Le Comman-
dant des Milices le préfidait, 388. — Le
Major des Milices y était procureur-général,
3S8.
. du Petit-Goave, 3S0.
' • Souverain de Saint-Domingue. — Voy.
Confeil Supérieur du Cap. Sa création, Î05J
3S5. — Sa fuppreffion , 103. — Lieu où il s'eil
affem-blé» 310, 3x1 , :;23 , 324, 376 , 3-7,
30^. — Rue de fon nom , 321, 324. — Ma-
réchauffée qui formait û garde, 377. — Sa
chapelle, 378. — Sa bibliothèque, 378. —
Sa falle Q-audience, 378. — Sa falle de déli-
bération, 379. — Sa compofitioa , 385 , 385.
•r-Son territoire, 385. — Son inftallation »
385. - — Epoque de fes a.Cemblées , 385. — Par
qui préf.dé , 386, — Chângemens qu'il éprou-
ve, 386 - — Les commiludres & les contrôleurs
de la Marine y avaient entrée, 386. — Ses
aiTeffeurs , 386'. — Rang de fes membres en.
tr'eux, 386.— Ses Coufeillers honoraire;,
387. — Son audieacier, 387. — Séances ho-
norifiques qu'il accordait , 387. — Ses Avocats,
283. — Sa compétence , 388. — Son coflum.e,
288. — Plufieurs de fes m.embres étaient
o&iers de Milices dans l'origine, _389. — ^
Des magiftrats des Cours fouveraines de Fran-
ce y fiègent en épée , 389. — Quand fes mem-
bre's adoptent l'habit noir, 38g. — M. d'EC
taing y liégeoit en habit noir, 389. — M.
Caignet , Ordonnateur , le préfidait en habit
noii-, 389. — Eli bienfaiteur de la Providence
des hommes , 401. — Réclame contre des
dons abufifs , 453 , 454. — Son droit de paf-
fage au bac ,453-
_ du Port-au-Prince, 103. —
Réclam.e contre le don du bac du Cap , 4^5.
Confeils Supérieurs de Saint-Domingue repréfeii-
taient autrefois la Colonie, 614.
Confeiller. Dans l'origine le Confeil du Cap en
avait fept, 385. — Le Doyen des confeillers
avait la préfidence au Confeil, 385. — Sont
portés à 12 au Confeil du Cap en 1763 , 3S6.
Ont des appointemens , 386. — Etaient encore
12 au Confeil du Cap , y compris le Préfident,
386. — Le Préfident était choifi parmi eux,
386. — Leur coftume , 388 — Voy. Premier-
Confeilhr , Second- Confeiller.
■ les Confeillers des Cours fupérieures
ont une féance honorifique dans ceUes de
Saint-Domingue, 387.
Capitaine de Milices , tué à Limonade^
Cofifil des Milices.
^ du Petit-Goave. Sa création ,
380. — On en retranche du territoire pour le
Confeil du Cap, 385. — Prefque tous_ fes
membres ofîicicrs de Milices à fa création ,
Supérieur de Saint-Domingue. Quana &
183.
comment il acte formé 1 loj.
■ de Sénéchauffée , 1 34.
-honoraires des Confeils fupérieurs,f
387. — Ne peut jamais préfider , 387. _
Cou.trôleur de la Mâri>:e. Admis au Confeil fup»-
périeur , 386. — Plus admis , 386.
Coquillages. Ceux qu'on expofe en vente, 442.
Coreii,
Coquille:
> I
20.
DES MATIÈRES.
757
X^oraiJ. Lieu où l'on élève des cochons. — Voy.
Pourceaux.
GofluTiie. La Magiftrature coloniale porte l'épée
& pourquoi, 388 ^ fuinjantes. — Quand le
Confeil du Cap a adopté l'habit noir , 389.
Cite d'Afrique. — Voy. Jfri^ue,
d'Angok, 32, 34.
de Congo, 32.
■ ds la Partie du Nord, 104. — Du Fort-
Dauphin, m, 113. — Du Temer Rouge, i6o.
De Limonade, 206. — Du Quartier Morin, 237.
— Depuis l'embouchure de la Grande-Rivière
de Limonade jufqu'à celle de la rivière du
Haut du Cap , 246. — Du Fort-Dauphin au
Gap , 293 , 622. — Du Cap à la baie de l'Acul,
'601 i^ fui'vani es ,622 , 623. — A l'Oueil de
l'Acul, 623. — De la Plaine du Nord , 630.
— Da Limbe, G/^.j. — Du Borgne, 682 — Du
Petit-Saint-Louis , 693 — du Port-de-Paix ,
717 — De l'ifls la Tortue, 727.
,.' des Efclaves , 28 , 29.
.P-— des Graines ou de Malaguette ou du Poi-
vre, 28.
d'Ivoire ou des Dents , 28 , 29.
■^ d'Or, 28, 29, 32.
,C otocolis ,29.
Çotonneries. De la Partira Françaife , roo — De la
Partie du Nord , 106 — De Sainte-Rofe, 223.
Cotonnier. Sa culture effayée fans fuccès au Trou,
177 — On i'a cultivé à Limonade , 181 — Il
y en a au Port-de-Paix , 723 — V. Cotonnerie.
Coitin ( Veuve ) . Son éloge , 394.
Couleur.^ 26 , 27 , 30 , 3 1 , 32 -^ Effet de celle
des nègres fur les Européens , ,55 — Celle
des nègres ne s'oppofe pas à l'expreflion
des paffions fur leur figure , 16 — Celle des
«nfans nègres , ,56 =— Altérations de celle de
la peau des nègres , 56 , 58 •=- Les nègres
tirent vanité d'une couleur aoire foncée , 58.
. — Opinions des nègres fur la leur , 6t, —
Dénominations données aux nuances réful-
tantes du mélange du Blanc & du Noir , 71 à
,g8 -^ £iie forme treize nuances diftindes à
..Saint-Domingue, 75 — Préjugé colonial
fur la couleur , 75 — Celle du Mulâtre , 76
— Celle du Quarteron, 76, 80.-— Celle
^u Métif , 77 — Celle da Mamelouc , 78
Celle du Quarteronne , 79 , — Celle du Sang-
mêlé , 79 — Celle du Sacatra, 79 — ■ Celle
du Griffe, 80 — Celle du Marabou, 80. ■ —
Celle des Caraïbes , Sauvages ou Indiens , 80 ,
81 — - Cel!c des nègres a différentes teintes ,
82 — Parties no-ircs ou blanches des différen-
ces nuances des Ijabitansds- Saint ^ Domisgue ,
Tome I.
8z — Ce que dit le préjugé colonial à cet
égard , 86. — S'affoiblit dans le nègre qui ha-
bite les pays froids , 87 — Bafe fur laquelle
l'Auteur a établi fes raifonnemens quant aux
nuances des individus de Saint-Domingue , €7,
88 , 89 — Se renforce dans les enfàns provenus
de deux individus de même nuance , 89 —
Altérations de celle de la peau des mulâtres ,
91 — Idée qu'elle infpire aux gens de couleur
efclaves , 98 — Teinte de celle des Colons
blancs, 512 — V. Albinos , E/claves , Nègres.
Coup-de-^ent , 106 — De 1772, 155, 213,
261 , 526, 673 — V. Température , Fent.
Coupe. — V. Chemin.
Courrejolles (M.). Détails relatifs à une conceffioa
qu'on lui avait accordée fur le quai du Cap ,
307 £5' fui'vantes — Eft caufe d'une grande
extenfion acquife par le faubourg du Cap ,
469.
Crèol. Il n'y en a qu'un quart parmi les Blancs ,
9 — Mœurs des Créols blancs, 12 — Ses
avantages phyfiques & moraux & comment il
perd ces derniers , 12 , 14 — Le Créol enfant
efttrèa-gâté, 12 — Eft un objet d'idolâtrie
pour fes parens , 12 — N'a qu'une éducatioii
imparfaite , 14 , 545 ^ fuiijantes — Injuste-
ment accufé par M. de Paw ,15 — Son goût
pour le plaifir ,15 — Peu propre au mariage,
î6 — Eil jaloux & aime le jeu , 16 — Ses
belles qualités , 16 — Méprife la mort , ij
— Langage créol , 64 — Chanfon créole , 65.
• — Aime beaucoup la repréfentation des tragé-
dies , 363 — Sapaffion pour la danfe , 371 —,
Aime à fucer des cannes à flicre , 444 — Ve-
nant de France a encore befoin de s'acclimater,
528 — Utilité de le faire élever en Francs «
546 — V. Blanc , Colons , Crtole.
Créole. Caradière & Mœurs des Créoles Bîanchesp
17 — Ett jolie, 17 — Aime izs enfans avec
excès, 18. — L'amour a fur elle un grand,
empire , \^ ■ — Elle fe remarie facilement ^ iq
— Eft jaloufe ,19— Aime la danfe , le chant ,
la folitude, 19, 20 — Régime des Créoles ,
20 — Caufes qui détruifent fes cha/nies de
bonne heure , 20 — Les Créoles font mariées
tiop jeunes, z\ — Sont fécondes , zi
Ne peuvent le plus fouvent al'aiter leurs en-
fans , 2i_ — Ne reçoit point d'éducation dans
la Colonie, 21 , 531 — - Avantage de fon
caraétére , 21 — A une noble fierté , 21 — -
Ses belles- & fesmauvaifes qualités , 22,531 r—
Son éloge comme danfeufe , 371 , — - Son
éducation , 426 — Motif pour f^ire élever
les Créoles en France, 431 ,'546- — Leu^
E ee e e '
758
AELE
geme de vie au Cap , ^^
Crecl.
;2 — V. £Ia
û.ilC ,
%
Croifeuil (M. de). , 139.
Cube (Ifle de). M. de Po-jançay £iit tenter deux
expédicioas cDnire eile . 698. — Sa diilance
de iaTcrtae, 727 — Son analogie avec la
Tortue , 740.
Cultivateur. Ê;l toujours un citoyen , 1-3 —
P.aifons pour les muJtiplier dans les montagnes,
353-
Culture. — V. Cojijzie nianiifa3ure Coloniale a
fon moi — V. Belin de ViLlenewve.
Curé. Faits, relatifs à un curé de Sainte - Rofe ,
222.
C:iffj (M. de) Gouverneur. Prend ic bràle Eaint-
Yagae, 182 — Son avis & fa mort à la bataille
de Limonade , 182 — Enterré à Limonade,
383 — Ré£de à la Tcrti:e , 6^i — Tranf-
porte le liège du gouvernement au Port-de-
Paix, 698.
D
Dacoâa (IvîM.) de Nantes. Éloge de leur manu-
fâdure, 650.
— Les Providences & les Hôpitaux doivent
y envoyer des regifires , 588.
Député. pe la Colonie, 292 — Le Confeil de h
Martinique avait demandé dès 1730, des
députés des Colonies , 503.,
Defci-ipiion. Ordre adopté par l'Auteur, ico —
Médico-topogra'phique du Cap par M. Ardiaud,
349 — ^ • Coaqits Pa'cïJJe à fan mot.
Desforges (M.) Ligénieur. Fait an plan de
reireffement de la Grande rivière de~Limo-
r.ade, 193 — Ce qu'il propofait pour la ravine
du Cap, 549.
Defpaigne iiA.). Son éloge, 553.
DifpaJJler ^M.). Géuevoij. Son éloge , 323;
Dlfiance. Celle da Fort-Dauphin à divers
points, 13S — Celle da Terrier-Rorge à
divers points, 165 — Du Trou à divers points,
179 — De Limonade à divers points ,
221 — De Sainte-Rofe à divers points,
229 — Entre le Quartier- Morin & d'autr=s.
lieux , 267 — De la Marmelade à d'autres
lieux, 274 — Entre la Pedte-Anfe & d'autres
lieux, 289 — Celle du Cap à d'autres lieux,.
60 " ""''""■ - - -
Ja>i i
^70
„ .. , T^ r^ . - -^ ' 7^7 — Celle de la Plaine du Nord n
Calinda, 44 — Du Cnica , d'autres lieux, 632 — Du Limbe à d'a^Kres
45 — Du Vaudoux, 45 — A Don Pèdre , 5 i
— PaSon des Créols pour la danfe, 371.
Daxr.icpi. Bourg de la Partie Efpagnole, 108
Sa fit^aation , 143 — On y expédie les lettres
pour la Partie Efpagnole , l'Efpagne, Sec,
Dazille
246.
De Cl.-eux (I\I.) On propose de lui ériger une
fiatue , parce qu'il a procuré le calîer aux An-
tilles 169 — Sa mort, 170.
■lyébordemeKs. — V". Inondations.
Défenje de la Partie du Nord, 606 à 627.
des Colonies — V. Défenfe de la Par-
(M ), Eloge de ce médecin-chirurgien.
tie du Nord.
^—^— Militaire
100,
3: , 303 , 209, 212 ,
Z26 , 238, 303, 304 , 306 , 3-09 , 325 , 445 ,
555' 6°i ' 602, &31 , 634, 635 , 647, D48 ,
0^4, 683,693,717,718,720,724, 732,
734, 741 , — V^ Cote , Défenfe de la Partie
du Nord , Emiarcadere , Fortif cations , Mi-
lices.
Défrichement. N'eu complet qu'à la .cinquième
génération , 128.
Dent ,502.
Dentijîe ,502.
Dépôt des Chartres des Colonies à Verfailhs. Son
utilité, 382 — Reproche fur la négligence de
ceux (jui devraient y envoyer des pièces , 383
lieux , 649 — De Pialfance à d'autres lieux ,
668 — Du Port-?Jargot à d'autres lieux ,
672 — Du Borgne à u'autrcs lieux, 684 —
Du Gros-Morne à d'auties lieux, 685 , 686 ,
6S7 — Du Port-de-Paix à d'autres lieux , 725
— De la Tortue à plafieurs lieux , 727. — V,
Chemin.
Difillerie — V. Gulldi'verie.
Divifion. Celle de la Partie Françaife , 100.
Dolioules (M.). Fondateur de la Pi-o\'idence des
femmes au Cap. Son éloge , T,gj^ isï fi-vantes.
— Inj'uftice dont on efi coupable envers lui ,
396 — E:l prefque oublié , 405— Son nom r.e
ie trouve point à la Providence , 308 — V.
Pro'oidence.
Don. — V. Jhus y Brancas ; Noailles i Laport^.
Dondon (ie) , 4. — C'elt là qu'a commencé la
culture du cafier à Saint-Domingue, 164,
26 1 — M. le maréchal de Noailles était d'avis
qu'on y f_t une place forte, 220 — M. de
Belzunce y établit des camps , 226 , 264
Origine de fon établiffement , 247 — Lenteur
de les com.mencemens , 249^251 — Son
églife, 251 , 256 — Son bourg, 231 , 256,
267 — Ses limites , 251 , 255 — Ses m.onta-
gnes , 252 ,253 , 294 — Ses communicacicrts
avec la Partie Efpagnole, 252 . — Élévation
de fon fol h erreur que reftine l'Auteur à ce •
fujet , 252 — Son fiie, 252 — Nature dcfcn
":»>
D
S
MAT
ERES.
759
Son éten-
foli 252, 253 , 254, 255 j 258
due , 252 — Ses cantons , 253 13 fui'vantes.
— Ses établiiTemens , & fes manufaélures ,
253 — Ses rivières , 255 ,256 — Son canton
le premier établi , 255 — Ses premiers habi-
tans, 255, 256 — Pont qu'on y avait com-
mencé , 256 ■ — Sa maréchauflee , 256 — Noms
de fa rivière depu's fa iburce , 257 — Rivière
& gs-aiFre des Vàfeux , 257 — Ses eaux miné-
rales , -258 — Sa miâéralogie ,258 — Ses
afFalages ou avalanches, 258 —-Sa tempéra-
turc, 260 — Ses coups de vent , 261 — Sa
première culture a été l'indigo, 261 — I.,e
cotonnier n'y réuffit pas , 261 — A une indi-
goterie , 261 — Ses places-à-vivres , 261 —
Ses cafeteries & leur produit ,261 — Raifons
pour que ce lieu décroiiTe , 262 — Son fol
produétlf en légumes , en racines , en fruits,
en fleurs , 262 — Ses richeffes botaniques ,
262 — Ses Dois , 262 — Ses plantes aromati-
ques , 262 — A du cochon maron , 262: —
On y trouve le pilori , 262 — Animaux do-
meftiques qui y réuliîiTent , 262 — Animau3r
domeftiques qui n'y réuffiiTent point , 262. —
Ses oifeaux , 262 — Ses infeCles , fes reptiles ,
265 — On y a des abeilles , 2(33. — Parait
avoir été fort peuplé par les Indiens qui y ont
rendu une voûte célèbre , 263 — La voûte à
Minguet , 263 — Sa population , 264 — Ses
Milices, 264 — Son importance militaire, auabl
premiers Adminiftiaieurs de la Providence des
hommes , 402 , 403.
-( M. Defmé). Éloge de ce Maglflrat
178, 292.
■ ( M. ). Auteur d'une pièce de théâtre &
d'un ouvrage en réponfe à M. Hiiliard d'Au-
berteuil , 368, 542.
Diicajfe {M.). Gouverneur de St-Domino-ue —
Où il_ déiirait que fût le Cap , 299 — °EA le
premier qui penfe à la défenfe de la partie du
Cap , 607 — Signe un traité de i'Afiiente avec
TEfpagne, 695 — Apprend, à Léogane ,
qu'il elt nommé Gouverneur de la Colonie .
702 — Fait une incurfion à la Jamaïoue, 702'
Ducatel (M.). Premier habitant du' Bois de
Lance , 182.
Du Clnlleau (M.)- Gouverneur-général. Trait
qui fait fon éloge ,461.
Duclos ( M. ).. Intendant , 1 15.
Dumefnil ( M. L:uis ). Arpenteur & habitant de
Plaiiance , propofe un chemin pour faire com-
muniquer la Partie du Nord avec celle du Sud,
662.
Du Moukeau. Direfteur-général des fortifications,
2 10 , 662 — V. Dcfe>yi de la Partie du Nord.
Du Paty ( M. Mercier ) , né à l'Acul. Son élo--
641 — Etait père de RL le.Préfident du Eaty.,
641.
Duflaa ( M. le Préfident ). Son habitation rema--
264, 614, 626 — Ses chemins , 204 , 265 ,
266 ,267 — Reçoit des Acadiens & des Al-
lemands , 365 — Envoyé fes denrées au Cap ,
266 — Projet d'un chemin de voiture nour
aller au Cap, 267 — Diftance entre lui &
divers lieux , 267 — A un bureau de porte,
267 — A offert an exemple de fuperfétation ,
267 — Perfonnes qui l'ont hibité & qui méri-
tent d'être citées, 268 — A eu le père Le
Pers pour curé , 268 — A pour curé aûuel
M. l'abbé de la Haye , 268 ( V. ce fiom ). —
On eflaye d'y naturalifer des plantes de l'Inde.
chez M. Fabbé de la Haye , & chez M. Prieur,,
269.
Don Fedre. — V. Danfe.
Dragons de Cnndé 15 de Belzunce^ Leur logement,
au Cap , 447.
Doyen — Voyez ConfeiUer.
firoguijle- — Voyez Apothicaire.
Dub-o'urg ( M. ). Eloge de ce comédien , 36^ —
Notice fur lui , 543.
Duhuijfon (M. ). Éloge de l'adminiftration de fa
fucrerie , 61 , 1.74— Bienfaiteur de la Provi-
dence des hommes , 400 — L'un des deux-
e a cauie
une levée, 234 — Acaufe
dune avenue de chênes, 237 — Beauté de
l'hôpital de cette habitation , 237 — Ses lifiè-
res,237 — Cette habitation efcVemolie de vefti-
ges des anciens Naturels de l'Ifle \ 240
Dupont Jortabas ( M.)- A. fait faire un utils
chem.in, 691.
Duportal ( M. ). Direfteur-gcnéral des fortifica-
tions, 192 — Son éloçe, 192, 241 , 67c ,
Son opimon fur la defjnfe de la Colonie , 6i c
V oyez Dife}ife de la Partie du Nord.
Durand ( M. )■ Eloge de l'etabliffement fak nar
çe.chirurgien pour le traitement- des Africains-
malades , 415.
Du Raujfet. Fait la conquête delà Tortue, 6g5
739 — ^'en croit propriétaire , 696 — É'I mis-
à la Baflille & vend fes droits à- la CampaMis-
des Indes Occidencales , 696. r & -
Dureau ( M. ). Etablii la première fucrerie à--
Limonade , 184.
Dureau de la Malle ( M. ) , 2l8.
Du--vernet {M.). Introduit, avec M. Fournicr-
de Varenne ,. le bambou à -Saint-Domineue ^
319. **
^A
i\
k
I
760
-J A B L
E.
1
Eaux. Qaand on commence à -en faire un utile
ufa^e pour rAgricultare 8 , 292 — Ufafe de
. cell's da Fort-Dauphin ,132 — Celles d'Oaa-
çam'jitha, 14.2 — Celles du Terrier-Rouge,
jyg — Celles du Trou , 175 — Leur niveau ,
190 — Le befoin de les égoûter , 190 — Celles
- de Limonade, 187, 193, 201 — Idées de
M. VeiTet fur celles qu'on pourrait donner à
■ Limonade, aa Qaartier-Ivlofin & à la Pcùte-
Anfs, ZC2 — Principes fur l'emploi de celle
des rivières, 277 ij fui-vantes — Celles d'une
fource du Cap fe vend , 3 10 , 468 — Celles
ou Cap & leur analyfe, 310, 319, 516,
^,^2 ,558 — Travaux utiles pour augmenter
celles du Cap ,513 i3 fui-'oantes — Celles des
puits du Cap , 517 ^ f:»-vantes —'&2.<K\x^ au
Grand-Boucan, 629 — De l'Acul , 639 —
Réfervoir de la coupe des Gonaïves , 667 —
Du Port-de-Paix- , 707 — De la Tortue, 733,
. 734 ' 73Î ' 736-. 737 ' ,74° — Voyez Moulin
a eau , Riijière , l'emperature.
Eaux minérales. De Ste-Rofe , 229 — Du Dondon
2j3.
Ecole — Voyez Education.
Ecfe-cijfes ( Canton des ) , de la paroLTe du Trou
— V oyez Trou.
Education. Celle des Créols négligée , 14, 545 —
Maifon d'éducation propofee au bourg du
Trou, 169 — Celle des perfonnes du fexe chez
ies Religieufes du Cap , 431 , 432 — Manque
à Saint-Domingue , & idées de PAuteur à cet
égard ,545 — Cherté de celle de la Colonie ,
. 544 ' 545-
Eglije. Celle du Fort-Dauphin, 120, 13 1- —
"d'Ouanamiathe , 139, 143 — DeVallière, 152
. — Du Terrier-Rouge, 158 — Du Trou, 167,
168, 169 , 178 — De Limonade, 181 , 183 ,
184, 185, 106,199 — Du Bois de Lance, 184,
185 — De Ste-Suzanne , 202 — De Ste-Rofe ,
221,229^ — Du Quartier-Morin , 234, 235
Du Dondon, 251 — De laMarmalade, 272
— de la Petite-Ânfe, 275,282, 283 — Du
Haut du Cap , 593 — De la Plaine du Nord ,
628 — Dj l'Acui , 637 — Du Limbe , 641 ,
643 — De Piaifance , 654, 656 — Du Port-
Margot, 670,671 — Du Borgne , 679 —
Du Gros-Morne , 687 — Du Petit-St-Louis ,
688 , 689 — Du Poit-de-Paix , 706.
• du Cap , 324 , 326 , 327 — Bancs hono-
rifiques qu'on y puce, 235 , 340 — Première
cérémonie faite dans celle aftu-lle , 336 —
^'Tableaux qu'en y voit, 338 — A des orgues.
339 — Perfonnes remarquables qu'on y a ea-
terrées , 339, 340 — Ses cérémonies, 340
Ses revenus , 340 — A reçu des dons , 341 —
Ses Adminiftrateurs & fes Marguilliers , 341
— Ce qu'elle a coûté , 341 — On y reçoit un
chevalier de Calaïrava , 342 — Ses cloches ,
. 342 — Son caveau & inhumations qu'on y tait ,
, 343 ', 343-
EhSlricité , 522 i^ fui-vantes. — V. Température t
Tonnerre.
. médicale , 553 -^ N'a pas réuiîi à I4
Maitinique , 523.
Eloge. Y. Perfonnes recommand ahhs .
Embarcadère. De la Crochue, fa fîtuation, 112"—
Par qui établi , 112 — De Jacquezy , 161 ,
162 , 163 , 209 — De Caracol , 161 , 162 ,
163 , 209 — De Limonade , 209 ijS fuivames.
— Utilité de celui de Limonade, 212 — On
y va , du Cap , en dedans des reffifs , 222 -~
Population & ancienneté de celui de Limonade,
212 — De la Plaine du Nord, 631 — ^De
l'Acul, 636 — Du Limbe, 647, 648 — On
devrait procurer de l'eau à l'embarcadère da
Limbe , 648 — Du Port Margot , 671 , 675
— Du Port-de-Paix ,720 — V. Défenfe mili-
taire , Défenfe de la Partie du Nord.
■ de la Petite-Anfe. C'eft vers ce point
que réfidait le Cacique Guacanaric , roi de
Marien , 163, 240, 297 — Dépend da
Quartier-Morin , 238 — Pourquoi on l'appelle
ainfi, 239 — Sa fuuation , 239 — Sa deftination,
239, 241 - — Ses maifons & fes manufactures ,
239- — Ses moyens de défenfe, 239 — Les
nègres y aiBuent les fêtes & les dimanches ,
239 — N'eil pas fain & pourquoi, 240 — Son
eau, 240 — La légion d'Ellaing y a été
logée , 241 — On y a mis des hôpitaux
d'Africains , 241 — Avait un bateau paitager ,
241 — Comment on communique de la Petite-
Anfe avec le Cap par mer, 241 — Chemin delà
au Cap , 242 , 244 — Sol entre lui & la rivière
du Haut du Cap , 245 — On voulait y mettra
le Cap , 298.
É/iambuc (M. D'). Premier fondateur des Antilles
françaifes , 669.
Enfans , 42 , 96 — Ceux de couleur réuiTiirent
d'autant moins qu'ils s'approchent plus da
blanc , 93 — R;res à Saint-Domingue , 533 — .
Difficulté de les élever à Saint-Domingue,
533 — Abus de charger des enfans de garder
d'autres enfans , 533 — Ceux du Petit-Care-
nage du Cap ob'ftrtiés , 536 — Nombreux aa
Port-de-Paix 5 ^14 — V. Créol , Créole ^
Maladies.
Engagés,
':^
M
DES MATIÈRES.
76s
£>iga^és. Cultivaient la Terre à Saint-Domingue ,
34, 181. • — 'Comment ils étaient procures,
24, 181 — Leur ufage s'eft perdu , 25 , 181
— Leur nom eil devenu une injure , 25 —
D'Ogeron ea amène de France , 697.
Ennery (M. d' ) Gouverneur-général Détermine
à faire une fontaine au Fort-Dauphin , 121 ,
134 — Canton de fon nom, 271 — Ses entrailles
mifes dans le caveau de l'églife du Cap j 343
— Ce qu'il fait pour les Providences du Cap,
407— Son oraifon funèbre, 578 — Ses idées
fur la défenfe du Cap , 61 g.
Entrepôts — V. Port d'Entrepôt.
< de Sainte-Rofe , 223. r-r- Du Cap ,
595 — De la Plaine du Nord, 629 — De
TAcul , 639 — Du Limbe , 644 — Du. Port-
^ Margot ,672.
Épitaphe. De M. de Belzunce ,338.
Épixootie 13g — P.echerches publiées à ce fujet ,
• 165,291' — -"Commence au Quartier-Morin en
1772 , 236 — A la Petite-Anfe , 290 — Remèdes
employés contre elle , 290 — S6s ravages à
l'Acul , 640^-Au Limbe ,653 — V. WorlocL
Efcla'vage, Sur fa conciabilité avec le bonheur ,
Efclaves. Sont preique tous nègres , 23 —
Les deux tiers font venus d'Afrique , 24 —
Caraftère propre de ceux venus d'Afrique, 24.
— Qui a fuggéré l'idée d'en avoir à Saint-Do-
mingue, 24 — Toutes les Antilles j françaifes en
ont eu dès leur origine , 24 — Depuis quand
Saint-Domingue en a, 24 — Nombre aftuel
de ceux de la Colonie, 25 — Ceux de Saint-
Dpmingue forment au moins les trois-cin-
quièmes de ceux des Antilles ,25 — Quelle
partie de l'Afrique donna les premiers à
l'Amérique , 26 — Ceux venus de différentes
parties de l'Afrique, 26 iâ fuivantes. — Ceux'
de la côte de Malaguette prompts à la révolte,
38 — Ceux de la côte d'Or auffi , 29 — Ceux
de la côte d'Or eftimés pour la culture, 30 —
Prévention contre les Ibos, 31 — On ne fait
pas de cas de ceux du Bénin , 32 — Ceux du
Congo & de la côte d'Angole font les plus
communs à Saint-Domingue & y font eftimés,
■ 32-«-Créols , 39 — Nature de la crainte des
femmes efclaves qui fervent des femmes de
couleur , 96-'— Les gens de couleur efclaves ne
■ font guères que domeftiques , 98 — Ceux de
couleur fe croyent fupérieurs aux nègres libres,
58 — Avantages qu'ils trouvent dans le
voilînage d'un marché , 153 — Empire que
quelques-uns d'eux cherchent à établir par
■ la fuperfiition , 275 — Quand on coinmehce
Tem, J.
à déclarer leur fiiite , 382— Arrivant d'Afri,
que & malades . 415 — ÉiabiliFement pour Iç
foulagement de ceux arrivés malades d'Afrique,
415 — Affidés reçus dans la marécbauffee , 44,91
— Ne peuvent quitter l'habitation de leur
maître fans fa permiffion par écrit , 4; i —
Bienfaifance dont ils étaient l'objet , 460 — b
Leurs maladies 534 — Maladies de ceux dei
villes, 534 — Queltion dont ils étaient l'objetj
677 — V. Nègres , Popvlation.
Efpagnoh. Leurs réclamations par rapport au.
Quartier du Fort-Dauphin, 114— Leurs récla
' mations fur Vallière , 248 ÎJ fui^jantes. ■—
Dévailent la Partie du Nord en 1691 & 1695 ;
167 , 702 — Manient bien la lance , 182—-
Sont battus à Saint- Yague , i8z— Font une
irruption dans la Partie Françaife en 1691 ,
182, 183— Unis aux Anglai:. , ils dévailent
la. Partie du Nord en 1695, 183 — Il en
vient une armée au Cap , zii — Ouvrent une
communication avec la Partie Françaife par
Saint-P.aphaël , 264 — Ils ferment cette com-
munication , 264— Rue Efpagnole au Cap .,
433 — Troupes iifpagnoles venues au Cap ,
211, 366, 451, 493, 595 ~ Venaient
autrefois attaquer les bâtimens dans le port
du Cap , 474 — Remarquables venus aa Cap j,
538' 539 — Détruifent le bourg du Petit-
Saint-Louis , 688 , 703 — Ce qu'ils font au
Port-de-Paix en 1685 , 698 ■— Prennent le
Port-de-Paix, 703.
Efiaing (M. D'). Gouverneur-général , 173 —
Son opinion fur M. de Belzunce, 173 — Fait
lever le camp du Trou ,173 — Renvoyé en
France un procureur - général , 178 — - Crée
une légion, 241 — Fontaine de fon nom au
Cap , 303 — Crée un bureau de police muni-
cipale , 307 — Ce qu'il fait relativement au
quai du Cap , 308 — Demande à Saint-Domin-
gue des troupes pour attaquer Savannah ,321
— -Chanfon faite pour lui au Cap & chantée au
fpeftacle, 366 — Siégeoit au Confeil du Cap
en habit noir , 389 — Comment il remplace
la maréchauffee , 450 — Habitation de fon nom
dans le morne du Cap, 590 — Son opinion fur
la défenfe de la Colonie , 615 , 618.
Ejier. Ce que c'ell: , 1 60.
de Caracol , 161.
des Fonds-Blancs , i6o, , i6î.
Ètablijfemens. Nombre & nature de ceux de la
Pariie Françaife, 100 — De la Partie du
Nord, 106 — Des Colonies commençeat toa-
^ jours dans le voiiinage de la mer, 181.
Étage , 5 .
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Etalûn;:e!ir-Jaiigeur , 489 — V. Police.
Estampe mile far la poitrine des nègres , 6j.
É_:ang falé du Sorgne , 682 — V. Borgne.
État- Major. Cel'.;i da Fort- Dauphin , 133 — Du
^ Gap, 494 — Da Port-de-Paix , 722.
Éto.ts-maJGrs. N'avaient plus de féance dans les
Confeiis fapérieurs en 1763 , 3S6.
Etais-U-iis d'Jinérique. On dit que l'épizootie
far k, chevaux en eJl venue à Saint-Do.Tiingue,
290 — Nombre moyen de leurs bâtimens dans
k port du Cap , 482 — Objets qu'ils procu-
rent à Saint-Domingue , 606.
Eunuqits , 34^.
Eûropîe.is. Leur amour pour les richelTes les
conduit aux Colonies , 8 — Caraclère &
mœurs de ceux qui habitent Saint-Domingue ,
9 — PiusXujets aux maladies Ju climat que les
Créols ,17 — Impreihcns qu'ils éprouvent
au moment d'arriver , 296.
Exécutions. Où elles fe font au Cap , 332.
FantzTts , 2g.
Fa"jeur. Exemples d'abus de la faveur , 309 ,
^3S5' 454' 7-9-
Femmes. Leur heureufe inauence à Saint-Domin-
gue , 7 — Leur influence lur les mœurs, 8
— Jaloufes de leurs fervantes & veulent les
avoir jolies , ! i — Conformation des femmes
Aradas, 31 — Les Africaines trouvent la poly-
gamie naturelle & font très - officieufes en
amour les unes pour les autres. 37 — Les
Africaines préfèrent les -nègres , 38 — Leur
apitié , 63 — Des Sauvages & des Indiens
aimées des Blancs , 69 — Celles de couleur
gâtent auffiJeurs enfans , 93 — Fidélité &
fecret des domeiliques de celles de couleur ,
96 — Celles de couleur ne peuvent avoir que
des négrefîès peur fervantes , 96 — Celles
de couleur aiment à rendre infidelles les maris
des blanches, 96 — Leur fureur pour voir les
exécutions , 533 — En très-grand nombre au
fpeaacle du Cap, 563 — Diftinguées en deux
feules cMés à Samt-Doroingue , les jolies &
celles qui ne le font pas ,365 — Sédentaires
au Cap, 471 — Ce-;ies du Petit-Carenage au
Cap, 471 — Caraaère de celles du Cap, 531
Celles envoyées de France , 697 — Très-
fécondes an Port-de-Paix , 717 — V, Blan-
ches , Caraffere , Créole , Mœurs.
Ferme. — V. Bac, Pajj'agers.
Fidas. — V. Foëdas.
Filks Mainte-Marie. — V. Religieu/es.
Fleurs. La Violette, 178 — A Sainte-Rofe , 224
— Au Dondon , 262 — A la Marmelade,
272 — Au marché Clugny, 444 — Au Cap
SS3 — V.^ Plantes.
Fieurj (M.). Éloge de ce Concierge infpecleur
des prifons du Cap , 397.
Flihujîiers , 56 , 675.
F cédas ,29.
Fonds , 29.
Fonds-Blancs , 130, 160, 622.
Fontai-ne du Cap. Celle d'Eftaing, 312, 514,
515- — Celle du quai, 311, 515 — _De la
place d'armes , 329, 514 — De la rue du
Confeil ,345, 514,515 — Celle de la place-
Montarcher , 359 , 514 , 515 _ Du coin de
la pnfon, 399, 514, 515 _ Celle des ca-
zernes , 424 , 514, 515 — De la place Clu-
gny , 444 , 445 , 514 , 515 _ De la place
royale , 447 ,515 — Une projettée à la place
la Luzerne , 468 — Du gouvernernent , 393 ,
515 — Nouveaux travaux faits pour les aug-
menter, 514, 515 — Des Religieufes , 515 ,
•6op -T- On y en compte neuf, 515 — Projet
qui en aurait donné trois de plus ,515 — Une
projettee à la Foffette , 557.
— — du Fort-Dauphin , 120, 121, 122, 124.
du Port-de-Paix, 706, 707.
Fonter.ay (le chev. de). Envoyé pour ôter la
Tortue à le Vafleur , 695 — Commande à. la
Tortue à la mort de le Vaueur, 695 — ChaiTé
par les Efpagnols , 695.
Fcrt-Da...phtn. A un major , 102 — A une Séné-
chaufTee , 103 , 115 , 133 — A une amirauté ,
i.°3 ' 134 — Paroiffe de ce nom , 107 — Situa-
tion de k paroliTe , 107, 125 — Ses limites ,
107 ,125 — Ses moulins à eau , 109, 110,
127, 128, 132 — Ses manufaftures, 1 10 ,
129,130 — Ses côtes , 1 1 1 , 113 — Ses for-
tifications, îii , 112 , 116 , 116, 118 — Sa
magnifique baie , 1 1 3 , 112,113 — Ses em-
barcadères , m, 112, 113 — Jflets de fa
baie , 113 — La ville ,113 — Origine de la
riile , 1 13 — M. de GaliiTet eft le premier qui
vante fon importance, 114 — Ses premiers
habitans français dans le fiècle afluel , 114
Premier bourg qu'on -y forme , 114, 131 —
Son premier curé , 114 — Ses éîablLTemens ,
en 1714 ,114 — Produifait beaucoup d'indi-
go, 114 — Nom de fon premier bourg ,114
Influence de M. de la Rochalar fur fon exiften-
ce afluelle , 114 — On y transfère la Séné-
ehau.Tée du Trou ,115 — Son premie.r étàt-
major, 115 — Ses premiers m.oyens de défenfe,
115 — In.fcriptions poux le Fort, 115 — D'oi
~^y
DES MATIÈRE
S.
€ft venu ce nom, ii6 — Pierre de taille
empiqyéeau fort , 117 — Premier bâtiment de
l'Etat qui entre dans fa baie , 117 — Sa ville
eft la féconde de la Partie du Nord pour l'im-
portance, 118 ~ Étendue de la ville , fes
rues, fes maifons , 118, 119, 123. — Sa
place publique ,120 — Son églife eft une des
plus belles de Saint-Domingue, 120 — Sa
fontaine, 120, 121, 122,124 — Ses éta-
bliffemens publics ,122— Ouanàminthe lui a
nui, 123 —Séjour mal-fain a pourquoi, 123^
124 — Rivière qui touche la ville, 123
Sa garnifon, 123, 124, 125 , 134 — pertes
qu'y font les troupes, 124 — Son hôpital ,
124 — Bout de la ville vers Maribarou , 124
— Savanes entre le canton Dauphin & celui
de Maribarou ,125— Traces volcaniques ,
125 — Ses vigies ,126 — Ses rivières, 126,
129, 1 3 1 — Le bas Maribarou dépend de
cette paroiiTe & quatre habitations du haut
Maribarou , 126 , i2j — Débordemens de fes
rivières, 127 — Sujet aux féchereffes , 127,
130 — Ses levées, 127 — Nombre de fes
fucreries & leur produit, 127, 130 Sa
population , 128 , 129, 130,' 132, 134 —
Son canton des Fredoches , 128 — Décroiffe-
raent dans le nom.bre de fes fucreries ,129
Ses montagnes , 129 , 131 _ Son canton des
Fonds-Blancs, 130 — Ses cafeteries , 131 —
Son chmat , 132— Traitement de fes nègres ,
132 — Quefrion fur Pufage de fes eaux ,132
Vues générales fur cette paroifle , 133 —Chef-
lieu d'un quartier, 133 _ Son état-major ac-
*"^^ '. ^33 — Son adm-iniftration ,133 — Son
premier capitaine de port , 133 _ Sa police ,
133 — Sa maréchauflee , 134 — Son bureau
depofie, Î34 —Nature des habitans de la
ville , 134 — Ses paffagers , 135 — Son com-
merce , 135 , 136— Projet d'un canal entre fa
baie & celle de Caracol , 136 — Ne peut être
un point de débarquement pour l'ennemi ,
136 — Sa milice, 137 — Sa latitude , 137—
Sa l_ongitude, 137 — Diftance de la ville à
pluueurs lieux de la Colonie & à des points de
la paroi-ffe, 137 — Ses chemins ,137 — A eu
des bacs , 138 — A eu une diligence, -«38
Ses mines, 138 — Quantité de pluie qui y
tombe annuellement , 13S — Tremblemens de
terre , 139 — Reffent i'epizootie , 139 _ A
donné le jour à un auteur , 139 — Jufqu'où il
va chercher des vivres, 223 — Son afpeâ ,
294 — Ponts projettes , 457 — V. Mariiarau.
Fort la Bouque ,111, 204 — Accident qfi y
arrive & belle conduite de plufieurs perfonnes.
76^
I î? ^— Regardé comme inutile , 117 — Eft
placé où il y avait un fort efpagno] , 117,118
— Pièces trouvées en fouillant fes fondemens,
117 — V. Fort-Dauphin,
Fort la Nati-uité. Où il fut mis par Coloirib ,
164, 2o5 — Ses ruines appelées encore Château
de Colomb , 207.
Fort Picolet. V. Ptcokt.
Fortifications. Leur dépenfe , 614,627- V
Défenfe militaire, Dêfenfe de la Partie du Nord.
tojje de i/œo^^yé' (Rivière du). Avait un pcnt,
5 — Safituation, 187 — Sa fource , 188
— Ses débordemens, 188, 192, ig, _
Exauffement de fon lit , 188 — Longueur de
Ion cours , 18S — Son embouchure, i88 —
Ju{qu'.;ù elle était navigable autrefois , 1 80 —
Ses levées, 190— Opération de M. Verret,
193 — Son fond s'eft exaucé & pourquoi , ig-
— Sa largeur ,214. ^"^
Foffeite {\Â). Lieu qui touche la ville du Cap
— D'où lui vient ce nom , 556 A ap-
partenue à la Compagnie d:-s Indes , c c6 -—
S'eft appelée l'Afrique , 556 — Eft vendue
plufieurs fois , 556 — Son utilité , rr; —
Achetée par le roi , y^-j — Sa culture , 557
— On y avait projette un hôpital, une fontaine,
557 — Indiquée par l'Auteur comme propre
a la vente des nègres amenés d'Afriqu- & ten-
tatives à ce fujet, 597, 558 — Eau qu'elle
procure, 558 — Sa finiître réputation, 558
— Lieu de danfe pour les nègres , rrS
Ancien état d'une partie de ce lieu, rç8 —
On voulait y mettre les . Providences ,5 rg
560 — On y a maffacré un nègre bourreau'
590 — L'école d'Artillerie eft dans fon voifi-
nage 621 — V. Défe>J-e d, la Partie du
JSord.
Foudres a vin, K^-i.
Foules ou Poules ou Foulards
Fournier (M.) , 189 , 212 -
fortune, 218.
— de Bellevae (M.). Ancre trouvée fur
Ion habitation, 189 — RedreiFe la Grande
nviere devant fon terrain , 194.
— (Mde.), Donatrice de l'églife de Limo-
nade, 186.
-— : de la Chapelle (M.), 181 , 104 _.
Son éloge, 218 , 292, 363.
de Varennes (M.). Son éloge , -.[g
27.
Son étonnante
292.
Fourrage. — V. Plantes.
Fours à C^^«Ar. De la Colonie , joo — D- la
Partie du Nord, 106 _ De la paroifTe "da
i^ort-Diuplun , 129— Du Cap, 555 — De
i
I
I
764.
T A B L E
la PliiAe du Nftrd, 63f '«^pJ Linabé, 64.7
— Da Fort-M irgot , 6bo.
France. B)u cûinmerc? avec Salat-Poaiingwe j
482.
Franc-Maçons. Leurs Loges su Cap, 434 s S54-
François (le Çapiuiiie). Tué à la bataille de
Limonade , 198 — Ravine de fou nom , ig8.
François de Neuf-Châreay. [M.). Fak les fondi
d'un prix poar avoir un papier prefervé des
iafeçcc; , 349 — Demaude une tecjnde im-
primerie pour le Cap , 356.
Franquifr.ay (M. de). Établit la première lutte
dans ""la Partie du Nord, 160 — Son avis &
faniortàla bataille de Limonade, 1S2 —
Enterré à Limonade, 183 —r Propriétaire de
la lavane de Limonade , ipS — Réfide à la
Tortue pendant un intérim de gouverneur, 69S.
Fredcches. Ce que c'eft, 128.
Fr-iits ,178 — EJ-is pour les améliorer ,218
Du Doadon , 262 — De ia Marmelade ,
272 , 657 — Au marcné Ciugny , 443 , 444 ,
— Du Cap , 533 — Du Port-de-Paix ,716
-- V. Arhns fruitiers , Arbres fruitiers de
France.
Qahriac (M. de Saint-Paulet de). Son éloge ,
291 y fui'-jantes — Eli le premier qui em-
ployé l'arrofement dans la culture de la Partie
du Nord, 293.
Quillardet (M.). Son influence fur l'établiffe-
ment de Vallière , 148.
Galbar , 31-
Galériens. V. Chaîne publique.
Çaliffet (M. de). Eft !e premier qui vante Pim-
portance du Fort-Dauphin, 114, 115 — Sa
famille a trois fucreries à la Petlte-Anfe , 277^ —
Expreffions-proverbiales qui fe rapportent à ce
nom, 277 — Éloge de fa famille, 277 —
Éloge de M. de Galiffet , 291 — Ses travaux
^u Cap , 304 — Tenait quelquefois Paudience
de la Sénéchauffée du Cap , 381 — Fait faire
la batterie de Picolet , 608 — Il forme la
paroiffe du Camp de Louife , 633.
C^d-ces. (Don Bernard de). Vient au Cap avec
une armée espagnole, 21 1, 366, 539 —
Une rue du Cap porte fon nom , 470 —
Son éloge, fa mort, 539 r— L^eu où il ré-
fidait au Cap & où U a eu un fils , 592.
Garde magafir. d'' Artillerie , 496.
> delà Marine , 496.
Qavdf.ur de Tilly (M. le)., ?rén(i use frégate
^ngiaiie, 170.
Qardiet des éctufes là font ainsi , -I34 , 202 j
S19,
Qar'iier (M.). Son éloge, 172, zi6 , 218.
Gitrvifci:. —r- V. Troupes.
Gaiiey (M.). Eli le premier qui établit des
bâias publics au Cap-Français , 468.
Gauche (M.). Ses utiles ohiervatiofls , 707 ,
715 , 710, 725.
Galette, de Médecine & d'Hyppiatrique, 510,
- — ■ — - de Saint-Domingue. Son origine, 5c !5
— Ses Rédadeurs , 506 , 507, — ba cenfura
506 , 50S — ■ Son utilité , 506 , 509 -r^ Ses
titres, 506, 507 ^— Frayeur qu'elle caufe
dans les bureaux de la Marine , 507 ■ — Oa
l'imprime aii Port-au-Prince , 507 — Ce que
coûte fon abonnement, 507 — Son produit
fes dépenfes, 508 — Il eft prefque impof-
fible d'en trouver une collection complette,
509,
Gentil de la Barkinais (M. le ) , 217,
Gens _ds Couleur , 6^ — Leurs heiies qualités i
98 — Leurs dehtuts , 98 — On en forme
un corps de chaffeurs , 172 — Leur mortalité
comparée à celle des troupes européennes,
£73 — Leur paffion pour les chevaux, 451
?— Utilité dont ils peuvent être pour la défenfè
de la Colonie , 625 -r^ -Y. Affranchis , Cbaf-
furs-royc.ux , Chaffeurs-'vtilonîaires , Couleur ,
Providence des Gens di couleur.
Geôlier. — V. Fleury , Frifons.
Gobiii , Calvinifte. PofTédaii tout le terrain oè
eft maintenanf la yille du Cap, 297, 324,
423- , , ,
ponaï'ves ( les ) , 4 ■ — Envoyent leurs denrées
au Cap durant, la guerre 665 — Ont dépendu
du Port-de-Paix , 721.
Go'iffre ae la ri^uiere des Vajeux, — . V. Dondon.
Gou-'oertiement. Reproches fur fon indifférence ,
194 — Trait de faibleffe qu'il donne , 557 —
\ oyez Admir.ijîrat eurs . Adminijlraticn.
<r- ' Maifon qui porte ce nom au Cap , 374
— Sa defcription , 374 ^3" fui~oantes — Gou-
verneurs qui y logent , 375 , 376 — Achetée,
par le Roi, des fyndics des créanciers des
Jéfuires, 375 -^ Deftination primitive que le
Miniftre lui donna , 375 — Le Ccnfeil du
Cap s^y affemblait, 376 — La Sénéchauffée &
l'Amirauté y liègent ,376 — L'Ordonnateur y
a loge, 376 — Le Commandant particulier du
Cap y loge, 376 — Sa lituaîion très-agréable
390 ^— On y jouit d'une belle vue , 390 — ■
Son verger, 390 — Ses eaux, 390 — Ses
inccnveidens , 390 —^ Embeliiffemens faits par
MÎVL de Reynaud & Le Braffeur, 391 — Sa
promenade j
'~:^
DES MATIERES.
fôS:
promenade , 392 — A des barrés éleftriquea ,
ce qu'y produit le tonnerre , 393 — Concier-
ge , Horloger ,393;
Gouverneur. De la Partie du Nord -*- Voy. Gsa-
ijsriie-jr du Cap.
>" du Cap. Sa féance au Confeil fupérieur
• de cette ville , 385 — Le premier 494-
■ de Ste-Croix. Titre du Gouverneur du
Cap jufqu'en 1763, loz , 494 — • Voyez
BoiJJîraimi.
Gou-verneur général de la Colonie , loo — Oà
plufieurs Ont réfidé au Cap ^ 334, 375 , 376 ,
• 394 — A un« loge au fpeftacie du Cap , 361
Sa ieance au Confeil fupérieur, 385 , 380 —
• A la préféance au Confeil fupérieur j 3'^5 ~—
Siège au Confeil dans un fauteuil, 387.
Grains — Voyez Plantes.
Gramont ( M.- ). Caren.vge qu'il a établi au Cap ,
477 — Vaiffeau qu'on y a caréné , 478 -^-Eco--
nomies qu'il procure, 478 — Reproche qu'on
fait à ce Carénage , 479.
Grand Boucan — Voyez Plaine du Nord.
Grande-Ri-viere — Voyez Rivière.
*- — ■■ Voyez Sts-Rofe.
Greffe , 38! . 382, 495.
Greffier. Hi l'Amirauté du Cap, 384.
«' de la Sénéchiuffee du Cap , tué à Li-
monade, 183 — Sîs fonctions , 383.
•-^ du Confeil du Cap , 385, 38Ô, 307.
• Commis , 383 , 387.
Grêle — Voyez Température.
Crenadiers-Veloniaircs blancs. Leurs cazernes au
Cap,32î.
Grffe. Rcfultat de fés combinaifons avec le Blane
& les autres nuances piodaiîes par des mélan-
ges fucceffifi , 74 , 83 — E;i la dixième nuan-
ce Coloniale , 80 — • Ses avantages , 80 — Son-
penchant a.noureux , 80 — Bieffe l'odorat , 80
• — Effet des maladies vénérieraies , 80 — £fl:
produit de cinq manières , 80 , 82— ^Parties
blanches ou noires que comporte fa nuance ,
82 , 89". •— Yoj. Griffonne.
Griffonne Réfultat de lés combinaifons avec le
Blanc & les autres nuances produites par des
mélanges facceffifs , 74, 83 — Voy. Grffe.
Gros-Morne (le). Ses limites, 685 — Diuance
entre lui & d-'autres lieux , 685 , 686 , 687 —
- Son étendue , 685 - Ses Cantons , 685 - A une
petite portion plane,- 685-Traverfé par la riviè-
re des Trois-Rivisres , 685— Ses rivières , 685
Son fol, 686 — Cultivé en indigo, 636 —
On y établit des fucreries , 686 — Ses indi"0-
t terres , 686— Ses cafeteries , 686-— Sa graine
ti'indigo , 686 — Morue «jui -lui deaxse fon
Tmne I,
nom , 686 — Sa température 686 — - Délâv^n-
tage de fa pofition, 686 — Son état en Ï728 »
687 — Son bourg- , 687 — Sa maréchauifée 3
6Sj — Son églife , 687 — Sa population .
687 — Sa milice , 687 — Ses chemins , 6S7 ■—
Une négreffe y fait trois énfans , 687 — Sa
dépend:;nce civile & militaire , 687.
Guacanaric ( Cacique). Ou était le chef-lieu de
fon royaume, 163 , 189 , 207 , 216.'
Guaraouai — Voyez Grands Ri-uiere.
Guildi-veries. De la Partie Françaife, ïoo De
la Partie du Nord , [o5 — Du Trou , ly .
De Limonide, 596, ziz — Du Qaa.tier-
Morin, 239 — De la Petit-Anfe, 276" Da
Cap, 595 — De la Plaine du Nord , 629
Dsi'Acul, 636 — Da Limbe, 645 Da
Port-Margot, ôj i , 6j7..
Guillaudeu ( M. ). Son habitation a une colonne
avec une barre éledrique , 235.
Guillaume Henri d' Angleterre (,Ie Prince ). Vient
au C:ip-, 366 , 539.
H.
Hahithns. Ceux de la plaine du Cap reçoivent &
logent des troupes ,426 — Voy. Colons.
Plaie. Celles de citronniers ont fait place à celles
de Campèche ,216
Haties , 159 — La première de la Partie du
Nord , i6o — De Ste-Rofe, 223 •^— De la
Perite-xlnfe, 28^ — De la Pîaine du Word,
629 — Du Borgne . 680 — Ûu Port-de-P^ix ,
7z
3-
Haut du Cap ( le ). A eu la première paroiffe de
la plaine du Cap, ^-92 — £t-;£ ae fcn érlsfe
en i583 , 593 — La oénèchauffée du Cap y
fut établie , 594 — Sa Mi ice , ^g^ — Sa po-
pulation , 594 — à3. parjiif- diviiee entre I3
Cap & celle du Haut «Vlojilque , 594 — For-
me un bourg 594 — 6à population adue le ,
594 '^^95 — Son pont, 595 — 560 éiabiliie-
mens à une poterie très - renammée, 596 ~
On y a maJficre un nègre bourreau, 596 —
Où était fon églife . t^^i — A cae tanasne 596
— A un hôpital ambulant , 596 ~ Son emour-
Gadère, 630 — - Voy. Cap.
Haut M'n/Jlique — Voy. Plaine du Nord
Herbe a panache. Envahit je cafier , 204— -Sert
à couvrir des cafés, 204 — Les befti.iux en
broutent les jeunes pouffes , 204— V. FlafHes.
Plerrera. Cité 189, 206, 207.
Hilliard d'' AuherteuU ( M. ). Ses ouvrages , ^43,
Hivernage ,213.
Honfeur.Antc\\\jXQ fur un bâumer.t de ce Port^ 474,
m
11
i V'
G
Sgg^
^mmmww}) ■mmw
l
166
T A
Honneurs. Bancs honnorifiq'oes dans les églifes ,
33c , 3/).o — Ceux rendus aa Confeil du Cap
par la ivIaréchauiTée , 377.
.Hôpital. Du fort-Dauphin , 124 , 56^ , 570 —
d'Oiianimn^he , Î44. — De Tembarcadère de
ia Petite- Anfe , 241 — D;s religieux de la
Charité du Cip , V. ce m'A — I>e ia Miieri-
corde, fon origine, 37Î — Ce qu'il devient,
372 — Boutin, 372--Darand ou Maifonde fanté,
415 ,558 — Bouvier , 434 ,_ 437 — Près dn
bac, 452 — Projette à la follette , 557 — Du
Pûrt-de-Pai:< , 568, 724 — Ca Pet.t-Goave ,
561^ — De Saint-Louis , 568 — Du Trou, 570
—Dj. Haut du Cap, 595 — V. Pro-vid:nce.
—— i;'es Religieux de la Charité. Du Cap, 243
334, ^b^ju/ju^à 591 — Quand établi,.564, s°5
—Sa deftination , 565 — Spécialement fournis à
l'Intendant 560 — Obtient des lettres-patentes
eni7i9& en 1723, 567, 368 — Sa police, 567 <J
fui-vanies. Voulait avoir les biens défîmes aux
religieufes du Cap, 568 — Conditions du der-
nier marché fait pour cet hôpital, 571 i^
lui vantes. — Maiibn des Religieux, 573 —
Avantages & inccnvéniens de fa poiiuon ,
578, 587 — Ses bâtimens , 578 <£ fuinjantes.
— Sa chapelle , 578 — Vices de fon adminif-
t ration j 579 l£ f:<.i'vantes — Nombre des
malades qu'on y a vas , 583 — Son cimetière ,
586 — Ses eaux, 587, 589 — Difficultés rela-
tives à fcn aun-iônerie , 587 — Ses régi lires ,
abus à cet égard, 588, 58g — Son jardin,
589 — Son vivier , 590 — Ses abeilles , 590 —
Ses plantes étrangères, 591 — Ses foudres à
vin , 591 — Ses bois , 591.
• — Samt-Jofeph , 395.
Horloge. De la paroiffe du Cap , 342 — De la
maifon du Gouvernement au Cap, 376.
HoJ'pitaliti. Noblement exercée à bi-Domingue ,
16.
HnJJIeïs ,382, 383, 384, 388 — Sont en bourfe
commune au Cap , 384, 385.
Huîtres , 442 ,741.
lios , 29 , 3c— Effet de leur croyance quant à
la metempfycofe, 30.
Impojitiens. Pour les fortifications ,614.
Imprimerie. Détails hiftoriques fur celles de Saint-
Domingue , 353 — Premières pièces impri-
mées à Saint-Domingue & leur titre, 353 ,
354 — Larnage & Maillart en demandent une ,
354 — La Chambre d'Agriculture du Cap ,
en demande une, 354 — Quand le Cap en a
eu une, 355 — Privilège exciufif qu'on leer
^ L E
accorde , 355 — Soumiie à l'Intendant , 355-r-
Qaand la Coionie en a eu deux, 355 - — Le
trenrbiement de terre de 1770 détruit celle
du Pcrt-au-Prince , 355 — Penfioa mife fur
celle du Cap , 355 — ua en demande deux
pour le Cap ,355 — Plairite de ce qu'elles
n'étaient point taxées , 356 — On les taxe ,
356 — ïroilième impriin,ne dans la Colonie ,.
356- — Manière de ;e3 rendre pîus utiles, 356
— Plus chères qu'en France, 506.
Incendie. Au Cap, 315 , 319.
Incrujiatioii — V. Minéralogie,
iKàien. On en a amené ue la Guyane à Saint-
DOiniugue, 67 — Refakat de leurs combinaifons
avec le blanc , le nègre & les nuances inter-
médiaires, 74 , 75 — On en diihngue de deux
fortes ,81 — Sont aiiimiles aux D.ancs quant
aux uroits po.itiques , 81. — V. Naturels ,
Fùpi-Jatiû/i , Sau-vages , Zingres.
hiaigû. Sa culture veut des iiorûmes accoutumés
au ioleii, 24 — Le Quartier Dauphin a été
celui qui en prôdaiiait le plus, "114 — pre-
mière culture de la paroiJe da Trou, 175 .
On le cultive à Limonade , iSi— Oavrao-a
ilir i'indigo , zi8 — 'De S:iinte-Roft; , 221 — •
Éiait cultive au Qiiartier-Ivîorin, 236 — Premiè-
re Culture; du Dondon, 261 — Ne réu:Gc point
à la Mannelade , 271— Où l'on a commencé
la culture de l'indigo bâtard dans la Colonie,
640 — Bâtard détruit par une maladie, 640 ,
690- — On l'a abandonné au Limbe , 643 — On
en cultive la graine au Gros -Morne , 686—'
V. Indigoterie
Indigoteries. De la Partie Françaife ,100 — De
la Partie du Nord ,106 — Du Fort-Dauphin ,
129, 130 — Du Terrier Rouge, 156, —
De Limonade , 196 — De Sainte-Rofs , 223
— DuDondon, 261 — De la Petue-Anfe ,
282 — Du Limbe, 645 — De Plaifance ,
657 — Du Port-Margot, 671, 672, 680
— Du Gros-Morne , 6^5 , 686 — Du Petit-
Saint-Louis , 6g 1 — Les eaux de leurs vides
dangereufes , 710 — Du Port-de-?aix ,710
711, 712, 713^723 — De la Tortue»
736' 737' 738— V- Indigo.
Ingénieur. La Colonie a eu le premier en 1694,.
607.
■ Géographes. Chargés de faire le plan
de Saint-Domingue , 210, 662.
Inhumation. V. Cimetière.
Inoculation, 218, 219, 536 — V. Worlock.
Inondation , 186, 187, 190 , 213 , 221 j 222,
223, 525, 712 — ^loy. Eaux, Rivières 3
Température,
^' ^
S-m
DES MATIÈRES.
767
Infcrlpions. Pour le fort du Fort-Dauphin , 1^5 ,
-, J 1 6 — Pour \à. fontaine du Fort - Dauphin ,
121,122 — Pour i'égiife du Trou , 168 —
De la fontaine & de la méridienne du quai du
Cap ,312 — De la fontaine de la place-d'ar-
mes du Cap, 330 — De la fontaine de la
place Montarcher , 359 — De la maifon de
Providence des hoinmes & celle que l'Auteur
propofe , 408 — Du cimetière de la Fojiette ,
438 — De la fontaine de la place Clagny ,
445 — Du pont du Cap , 460 — Du fort
Picolec , 610.
Infestes, 262 ^ 382, 717.
Jiifpeiïeur l^ Direîteur-général de la Médecine ,
de la Pharmacie i£ de la Botanique des Co-
lonies , 570 , 585.
Iniendant , 100 , 195 — Où plufieurs ont réfidé
au Cap , 326 , 334 — A une loge au fpeûacle
au Cap , 361 — Eft Fréfident du Confeil
Supérieur , 385 , 3B6- ■ — Depuis quand & à '
quelle occaiion il eft 'devenu intendant de Ma-
rine , 479 — Était feul chargé de la cenfure
de la Gazette , 506 , 508 — A la furveil-
Jance générale des hôpitaux , 566 — V. Hon-
neurs.
Intirejfés au canal de la Petite-Anfe — Voy.
Petite-Anfe.
Interprète de l' Amirauté , 385.
Iris américaine.' Ce que c'était , jîo.
IJlet de Limonade. — Voy. Limonade,
•du Maffacre , io8 , à m , 144.
des Boucanniers ou à ^aya«. D'oij lui vient
ce premier nom ,113,114.
J
Jacquesy. Canton de la paroilTe du Terrier -
Rouge & de celle du Trou , 158, 172 — Ce
mot eft Indien, 158 — Très - fertile , 159
— Ses fucreries , 159, 172 — Produit les
meilleures Caïmites, 159 — Son embarcadère,
160 -^ Sa baie , 160 , 622 — On voulait
le faire communiquer avec la baie du Fort-
Dauphin par un canal , 160 — Ses paffagers ,
162, — Conceflions qu'on y a faites , 171.
— • V. Rivière de Jacquexy.
jfamdique. M. Ducalié y fait une incurfion ,
70Z.
y a/min. Nègre libre. Son éloge comme fonda-
teur de la Providence des Gens de couleur au
Cap, 416 — Sa femme, 417 — Marques
d'eilime qu'il a recueillies, 417, 418, 419 —
La Société d'Agriculture de Paris lui accorde
BHe médaille d'or, 41g «-- Là Société' des
Sciences & Arts du Cap veut lui donner une
médaille ; comment fon int^'ntion eil arrêtée ,
419 — Ses vertus , fes difpofitions , fa bienfai-
lance , 416, 420 — Vœux qu'il infpirSa
421 — Sa demeure 433.
Jaugeur de P Amirauté , 485.
de la SénéchavJTéi — V. Êtalonneur,
Jaugeur,
Jean-Jacques RouJJeau (Met de) Sur ce qu'on
a joué fon Devin du Village au Cap, 347.
Jean-Rabel. Ce qu'y font les Efpagnols en 1685 ,
698.
Jéfuites. Remplacent les Capucins dans la Par-
tie du Nord, 107, 353, 374 _ Avaient une
fucrene au Terrier-Rfuge & fingularité de ce
choix , 157 , 688 — Ce font eux qui na-
turalifentles premiers cafiers à Saint-Domingue,
164 — Preuves de leur orgueil , 335 — Ceux
morts tranfportés de leur maifon au caveau
du Cap , 343 — Ce qu'ils font relativemept
à plufieurs conceffions , 357 — Leur demeure
au Cap,^ 374 ^ fui'vantes — Loués, 400 —
Difficultés qu'ils font fur le cimetière de la
^FoîTette, 435.
Jeu. Fureur pour le jeu, 10, 16, 187.
journal de Saint-Domingue. Détails fur cet ou-
vrage & fon éloge, 509 — SonRédaûeur,
509.
Juchcreau de Saint-Denis (M.). Bienfaiteur
de la Providence des hommes, 401,
L,a Baftide. Trait de valeur de ce pêcheur ,
604.
Labattut ( M. ) D'abord fermier puis proprié-
taire de la Tortue, 731 — Ce qu'il fait
pour la défenfe de la Tortue , 732 — Son
éloge , 742 , 744 — A commencé la cul-
ture du cafier à la Tortue , 743 — A vendu
plufieurs terrains à la Tortue, 743.
La Boulays (M. de ). Infpefteur-général des
Colonies. Envoyé pour faire le plan de la
défenfe des Antilles , 607 , 705 — Ce qu'il
fait au Cap , 607.
La Chapelle (M. de). Intendant. Propofition
qu'il faifait par rapport aux troupes ,123.
Lagon aux Bœufs , 119, 133.
La Grange ( Cap ) , î 36 ,293 , 294 — Sa dif-
tance du Cap , 390 — Éloignement où on le
voit , 390 , 660 , 679.
La Haye {M. l'abbé de ). Curé du Dondon ,
258 — L'auteur lui doit beaucoup de détails
fur le Dondon , 259 — Explication qu'il
''m
'mmnn^m^Wimfm
mmÊmm
768
TABLE
donne des afFaiages oa avatanches , 2$g -= Ses
travaux botaniqaeb , 269.
La Lanc! ( M. de ) , ingénieur , dirige les tra-
vaux du Fort-Dauphin , 115.
Langage Créai , 64 — Cnanfon créole , 65.
Lapole ( M. )• Éloge de ce vétsriaaire.
Laporte ( M. de ). Dons que ce premier- com-Tiis
des bureaux de Verf.:iHes fe fait fiire , ziz,
453 y fuivantes. — Fait fon frère intendant
de Saint-Domingue , 453 — Pro.l: (ja'il reu.e
du bac du C^p , 454 » 457-
— — — Lalanne , intendant, 453.
■ ( Morne ). — V. Plaifcnce.
Lanisgs ( M. le Jlarquis de ). Son éloge , 8 ,
242 , 277, 300 , 354, 401 , 402 , 44
mes , 401 , 402 — V07. Campéche , Macizi'J&L
Léogane. CaHeiveyre y avait fondé un hQfpice
charitable , 400 — Troilième capitale de la
Partis Françaife , 493 — Attaqué en 1 702 ,
500 — On y envoyé des habitans de Saint-
Clirilîoplie , 700 — ■ Devient la Capitale de la
Colonie , 705 — Voy. Hôpital du Religieux
de la Chariii.
Le Pers ( le Père ) Téfuite , curé du Trou , 158.
— L'églife da Trou éii dediee à fon patron.
452, 453, 457, 496,569, 71Ï
.0
Son
éloge eil: prononcé dans une féance publique
de la Société des Sciences & Arts du Cap ,
349 — Y. Défcnfe de la Parti: du Ncrd.
La RochaJard ( M. de ). Gouverneurneur-géné-
raî. Son influence fur les établiSemens du
Fors-Dauphin, 114, 115, ii5 — Idée fm-
gulière de lui , 498.
Las Cafas. A fuc-fféré l'idée d'avoir des cfclaves
Africain: à Saint-Domingue , 24.
LaugisrfAs (M. ). Son éloge , 484.
La-~:al ( le P. ) Jéfaite , caré da Trou , y avait
_ fait bâtir un hÔDital, i6S — Enterre dans
1 cgiile au uap , 342.
Lwvairs. Publics, 425, 515 , 707
Ls Br!7.£}-uy ( M. ). Intendant par intérim. Eloge
de f-^n adminiflration , 211 , 215 , 303 , 304 ,
353 ^ 315 ' 343 ' 391 ' 44Î ' 446 . 458 . 467 '
502 , 517 , 560 , 504 , 631 , 637 — Place &
cours de fon nom au Cap ,311,313.
Lejeh-ure ( M. ). A établi la première lucrerie du
Bois de L'nce , 184.
Li Febure Defiayes (M-)- ^'^" élcge , 157 —
Ses obfervations fur le baromètre , 280.
Légion d'Eilair.g ,241.
i de Saint-Domingue , 496.
Le Gras ( M. ). Eloge de ce Rîaglftrat mort au
Port-Margot , 677.
Légumes. Beaux àSte-Rofe, 224 — AuDondon,
262 — A la Marmalade , 272 — Expofés au
marché Clugny , 441 , 442 — RéuffifTent au
Borgne , 63o — Au Port-de-Paix ,716-
Le Long (M. ). Chef des Français qui vinrent de
la Tortue s'établir dans la plaine du Cap ,
1S3, 244, 207,593 — Son éloge, 183 —
Sa defcendancî actuelle, 244, 632.
Ls Ncrmand de Mézj (M.). Ordonn'teur du
Çap , bieafûiteur de la Providence des Iiom-
Curé de Limonade, 1S5 — A fourni
à Charlevoix des Mémoires pour l'Kiftoire de
St.-Domingae, 21a, 268, 538 - Notice fur lui,
268 — SucceiHvenient cure de Limonade & du
Trou , 268 — Meurt curé du Dondon , 268 —
Ses manufcrits botaniques paffent au Médecin
Poupée Defportes , 26S — Curé de l'Acul ,
641 ■ — Forme la paroiile du Limbe , 641.
Ls l/'ajjii.r. Quel il était, 669. — Perflcuté à
cauie de ù religion , 669 — Vues du Com-
mandeur de Pomcy" fur lui , 66g — Part de
Saint-Chriitopbe avec les autres rehgionnaires,
669 — Aborde dans l'^lîet du Port-Margot ,
669 — Viiîte Vv''il!is à la Tortue , 669— Prend
la Tortue , 609 — Méconnaît toute autorité
fupérieare, 695 — RepouiTc les Efpagnols de
la Tortue , 695 — Affaffiné à la Tortue, 695
— Fort de fon nom , 733 , 741.
Lèpre , 640 , 728.
Libraires du Cap , ^.23.
Lieutenant. Au Gouvernement - général de la
Colonie , 494.
— de l'Aa-.ii-auté ,384.
■ de Roi , 115, 133 — Originairement
il en entrait deux au Conied du Cap , 385 —
Voyez Honneurs.
— — — de Roi du Cap , 494.
• Particulier de la benechauiTée du Cap,
380,383.
Liiantcnr ( îvî, ). Commandant en fécond de la
Partie du Nord. Dcterndne à ciéer la paroiiTe
deVaLiere, 150 — Fête que lui donne la
compagnie des Volontaires - niiiices du Cap
qu'il commandait, 467.
LU as ou Jzedecck , 2 18.
Limbe. Pont projette , 457 — Ses communica-
tions, 626 — Ses deux cotrpes , 638,643 —
Ses limites , 641 — Quand on a commence fon
établinement , 641 — Dépendoit de la paroiiTe
de i'Acul , 641 — Son ég.ife — 641 , 643 —
Ses regiflres paroiffiaux , 641 — Sa partie
plane, 642, 64*, 644 — Sa rivière & fes
débordemens , 642 , 643 , 645 , 648 — Com-
ment fa- plaiàe s'eft formée , 642 — Son fol 3
642 .
--tfv
DES MATIÈRES.
769
64? , 643 — Ses cantons , 643 , 644 — Ses
fucreries , 643 — On y a cultivé l'indigo ,
643 — Ses moulins à eau , 643 — Son pro-
duit fufceptibje d'augmentation , 643 — Son
bourg, 643— On y trouve des chaifes &
des chevaux à louer , 643 — Ses chemins ,
644 , 645 — Ses entrepôts , 644 — Sa partis
montueuie , 644 — Ses cafeteries , 644 — Ses
indigoteries , 644 — Ses places-à- vivres 644 —
Ses briqueteries-tuileries-poteries , 644 — Ses
Guildiveries , 644 — Sa température , 645 —
Quantité de pluie annuelle , 645 — Ses mala-
dies , 646 — Sa minéralogie , 646 — Sa côte ,
647 — Son embarcadère , 6â^-j , 648 — Sa
défenfe, 647 , 648 — Ses fours à chaux , 647
Ses vigies , 648 — Ses paffagers , 648 — Ses
eaux , 648 — Sa population , 649 — Sa Mi-
lice :, 649 — Sa diUance de plusieurs autres
lieux , 649 — Donne Ton nom à un quartier ,
649 — Sa dépendance civile & militaire, 649
— Homme précieux qui l'habite , 649 -Macan-
dal y rendait , 65 1 — L'épizootie y a fait des
ravages ,653 — On y trouve l'arbre à pain ,
^ 653.
Li->ntes. Entre la Partie Françaife & la Partie
Efpagnole, 108, 109, 1 10, m , j 14 , 148
i^/uivantes, 120, 251.
Limonade. La paroifîe la plus Orientale en 1705 ,
167- -Donne fon nom à un quartier, 180,217--
Sa fituation , 1 80 — Sa réputation, 1 80 — Ses
limites, 180 — Ses rivières, fes ravines,
180,, 185 , 186 ,'187, 188, 189, 190 , 198,
203 , 204 , 212 , 213 — Eft une paroiffe de
plaine ,180 — Son étendue , iSo — Ses can-
tons , 181 , 203 , 204 — L'un des premiers
établiff.-mens de la Plaine du Cap , 181 A
dépendu du Quartier-Morin , 181 - — Preuve
que fon terrain était vierge, i8i — Son em-
barcadère , 181 , 200, 210, 211 — Son
• églife^ 181, 183, 184, 185, 186 — Ses
progrès, 181 — La culture y commence par
le tabac , puis le coton, puis i'indigo , 181
jSa population, 181, 182, 196, 216 —
N'avait point encore de nègres en 1655 , 182
— Canton du Bois de Lance, 182, 184
Ses malKèurs , 182, 183 — Sa milice , r82 ,
183 , 216 — Bataille de fon nom ,182 —
MM. de Gufiy & de Franquefnay y font enter-
rés , 183 — Sa première fucrerie , 184 —
Première fucrerie du Bois de Lance , 184
— Ses ponts , 185 — A le père Le Pers poar
curé , 185 — Un Préfident de la Partie Efpa-
gnole y vient un jour de la fête de la patrone ,
ï 85 —Nature d'une portion de {a plaiae , 1 83 '
Tome I.
— S'augmente ver? la mer ,189 — On y
trouve une ancre qu'on croit être celle de la
caravelle de Chrifcophe Colomb ,189 — Ses
levées ,190 — Opérations fur fes levées &
fon redreffement de la Grande rivière , 190 fjf
fui-vantes. — Réunit toutes les cultures , 195
— Ses fucreries, 195 , 197 — Ses manufac-
tures , 195 , 196 — Son fol , 196 , 193 203 ,
Z04 , 209 — Sa favane & molières qu'on y
trouve, 196 — Sa favane appartenait à M.
Franquefnay , 196 — Sa favane forme une
commune , 1 96 — Sa raque , 1 96 — Sa plaine
valeule , 197 _ Sa partie minéralogique ,
I99_ — Le morne à Mantègue , 200 — Met
de fon nom , 20o--Ses moulins à eau , 201
Sa fuccurfaie à Sainte-Suzanne , 202 Ce
qu'on devrait faire du canton des Côtelettes ,
203 — Un centenaire , 204 — Culture da
cafier_, 203, 204— Ses cafeteries, 20-1 —
Ses mmes , 204 — Preuves de la réfidence
des anciens Naturels , 206 — Sa côte , 206
A , dans fon territoire , le fjrt la Nativité ,
bati par Colomb , 206 , 307 , 208 — Colomb
y fait naufrage, 207 , 297 — Pièces trouvées
dans !e heu appelé château de Colomb , 208
Sa tourbe faiineufe , 209 — Sa défenfe , 210
2 1 1 — Opmion fur fes paffes , 210 , 622
Troupes efpagnoles qu'on y canto.:.ie , 211
Ses paffagers , 21 1 -- Canots qui y vont du
Cip_, 21 j — Utilité de fes paffagers ,212—
Habitani de fon embarcadère, 212 Ses
pêcheurs ,'212— Sa défenfe primitive , 212
— - Sa température, 213 — Ses chemins ,213
— Sujette aux féchereffes , 2 1 3 — Sur l'ori-
gme de fon nom , 216 — Ses hommes utiles ,
216,217 — Sa diflance vers d'autres lieux ,
217 — V. Bois de Lance s Fojfé de Limonade }
Rci/cou ; Saif:te-Suzan)!e.
Louis Des Rouleaux. Éloge des "vertus de ce
nègre, 544.
Louis XV. Son fervice eft la première cérémonie
faite dans l'églife afluelle du Cap, 336.
Luzerne. E'ie réuffit à S Jnt-Domingue, 164.-
— - ( M. delà). Gouverneur-général devenii
miniftre la Marine. Favorife l'établiffemenf de
la Société des Sciences & Arts du Cap , 360
— Ses bonnes difpofxtions pour la Providence
des gens de couleur du Cap, 4i9_Place de-
fon nom au Cap , 464 , ztôa.
M
MacandaL Notice fur ce monitre , 6j i.
Hhhhh
wxmmwwfm^imit
r
I
AELE
Magaftn. De la marine , 3 14 — Magaûn public au
Cap , 320 333.
Magijîrature Colonie-. Pourquoi elle porte l'épée ,
3 8 S l3 fuin-'antes.
Magnstifme. Genre de magnédûne effayé à la
Marmelade , 274.
■ animal. Eli la caufe occafiormelle de
rétabliffement de la Société des Sciences &
Arts du Cap , 347.
llaillart (M). Intendant. Son éloge , 8 , 242 ,
272, 306, 354, 401, 403, 452, 453
496 , 569 — Font de fon nom , 2S2 — iion
élc^e prononcé dans une féance publique de
la Société des Sciences & Arts du Cap , 349 —
Rue du Cap qui a rapport à lui , 440 — V.
Larnage.
Mais ( Nègres ). 29.
Mai/on de fantè — V. Hôpital.
Mai/on des Orphelines , t,-jz — V. Boutin.
Maître. Uu cruel affaffiné , 1 7c.
Major. Un au Fort-Dauphin , 102, 115 ^ I33"~
Un au Port-de-Paix , 102, 722 — Au Cap,
495- , . ^ . . .
' pour le roi. Originairement il ea entrait
deux au Confeil fuperieur du Cap , 385 — V.
Honneurs.
général de la Colonie , 495.
■ ■_ des troupes & milices , 495.
Mal de Siam — V. Maladie de Siam.
Maladies , 224 , 241 , 2§8 , 512 , 527 — Plus
violentes à St-Domingue qu'en France , 529 —
Leur caraétère au Cap, 529 l3 fui-jantes —
Celles des enfans , 533 — Des efclaves , 534 —
Ont pe/du de leur iiitenfité à St-Domingue ,
534 — La petite-\-érole , 535 — La rougeole,
536 — L'cléphanthiaris ou mal-rouge , 527 —
La gravelle, la pierre , l'apoplexie , 537 — Du
Petit-Carénage du Cap, 555 — Le Ipafme ,
581 — Ulcères gangreneux, 5S3 — La gale, 583
= — Leur rapidité aux Colonies , 535 — Du
Limbe, 646 — Ophtalmies, 661 — De Flaifance,
661 — Du Porl-de-Paix , 700, 707 — La
lèpre , 728.
= de Siam ,534 — Comment & par qui
elle eil apportée à la Martinique , 701 — Ses
ravages à la Martinique , 701 — Comment
elle eft apportée à Ste Croix , 701 — Comment
blanc & les autres nuancer des mélanges
fucceffifs , 72 — Eft la lixième nuance , 78
— Très-rare , 78 — Ses défavantages , 78 —
Eft produit de cinq manières , 78, 85— Parties
bLnches & noires de fa au^çe, 8.4 -^ V■^
Mamelouque.
Mamelovque. Y. MameUue.
Mancenille. Sa baie ,. l j^.
Mandingues. 27.
Mar.glier. V. Bois.
Maxtîgu! ( Morne à ). De la paroiffe de Lîmo»
nade , zoo — A fervi d'afile aux nègres
marons , 200 — D'où lui vient ce nom , 3q,o,
Maniifaàures . De la Partie Françaife , 100.
• — De la Partie du Nord , \o(^
De l'Acul , 639.
■ — De la Marmelade ,271.
— — De la Petite Anfe , 276 , 377 , 285.
De la Plaine du Nord , 629.
De la Tortue, 736, 737, 738,
741, 742,743.
■■ De Limonade, 184, 195, 196,201,
elle pafle à Saint-Domingue , 701 — Durée de
fes ravages , 701 — Terreur qu'elle répand en
France , 702 — Extrêmement rare à préi'ent ,
702 — Son caraftère , 702 — V. Siam.
« des Volailles , 262.
Vénériennes , 80.
Mamelouc. RéfuUat de fes combinaifons avec le
6s
■De Plaifance , 655, 657, 6581
59-
127
691.
De Ste-Rofe , 222 , 223 , 224.
De Vallière , 151.
D'Ouanamintlie , 140 , 141 , i^zi
Du Borgne , 680.
Du Cap , 555 , 592 , 595 , 596.
Du Dondon , 253 , 261.
Du Fort-Dauphin , 100, iio, 126
118, 129 , 130, 131 , 132, 140,
Du Gros-Morne , 686.
Du Limbe , 643 , 644 , 647.
Du Petit-Saint-Louis , 689 ,
690,
Du Port-de-Paix , 710, 711,712
713, 719, 723.
-Du Port-Margot , 670 ,
239, 246.
-Du Quartier - Morin ,
671
231 '
672.
232,
• Du Terrier-Rouge, 156 , 157 , 159.
' Du Trou, 172,174,175, 178.
Maralou. Réfultat de fes combinaifons avec le
Blanc & les autres nuances , produites par des
mélanges fucceffifs , 74 — Eft la onzième
nuance, 80 — Eft produite de cinq manières ,
80 , 83 — Parties blanches ou noires dont
fa nuance peut-être compofée, 83,
Mariais. (M. de). Intendant. Trait qui. fait
fon éloge 46 1 — Rue de fou nom au Cap ,
465 , 467 — Sa vigilance pour les secen»
femens j 49 1 .
DES MATIÈRES.
Marché. Leur utilité , 153 -r- IJn projeté à l'é-
glife de Limonade , 199.
** r- du C^p. Marché dos Blancs , 306 , 3 1 7
^ — De la Place-d'armes , 32,6 i^ fuintantei —
Dans la rue Efpagnole , 326 -r- I,e premier
marché était dans la rue Efpagnole , 433 —
Marché Clugny , 44,0 y Jui'vmi^}. — Quan-
tité de nègres qui viennent au marché Clu-
gny ,_ 441 — Diftribution du marché Clugny
& objets qu'on y expofe, 441 i^ juiv.antes, —
Les nègres y troquent, 444 — La Luzerne,
468,
«■ Du Port-de-Paix , i,oq., 7?q
Voy. Hôpital.
MaréchauJJ'ée. Du Fort-Dauphin, 123, 134 —
D'Ouanaminthe , 145 — Du Trou, 171—.
Du Dondon, 256 — De la Marmelade , 273
~ Du Cap , donnait une garde au Confei!
du Cap , 377 -^ Origine de celle de la Colonie,
448 — Prefque toujours compofée d'affranchis
même d 'enclaves , 449 ^r- Sa compofition , 449
_ -~r Rang de ks officiers , 449 , 450 — Récep-
tion , 450 — Appointemens , 450 — Ses revues,
450 — Débats qu'elle occafionne entre les offi-
ciers de juftice & les officiers militaires , 450
— Ses devoirs , 450 — Son habillement ,
(on équipement ,451 — Ses défordres , 451
— De Piaifance, 656, 668 — Du Gros-
Morne , 687 , 723 — Du Port-de-Paix , 722.
Marée. Sa plus grande élévation, 213 — Époque
de fa plus grande élévation, 213,
Margat ( Père ) , Jefuite , curé du Cap. Ses
ouvrages, 541.
MarguilUer. Calcul iîjdécent admis au Cap fur
la place de Marguiliier , 341.
Mariages ( féconds ) , 431.
Maribarqu (Canton de). Son afpeft , 126
Plaine de ce nom , iz6 — Diftingué en haut
& bas, 126 — Population de la portion qui
çfl dans la pareille du Eort-Dauphin ,128 —
Son fol excellent , 128 — Se reiîént de l'épi-
zootie , 13g T^ Qç nom eft ]i>dien , 140 —
Nature de ion fol , 141 — Son vin decannes
fupérieur aux autres , 141.
Clarine. Premier bâtiment de h Marine- royale
qui entre dans la baie du Fort-Dauphin ,117
*r? Projet d'uD arfenal de marine au Cap ,
34 î ' ?4? ' S04 — Magafm de la marine
a,!^ Cap , 3 14 — Hangajrd de la mâture au
,Ca.p, 4,6j| — Baffin auq.uel or travaille au Cap,
469. ■ " -.->... ,.
^armelqds {\&) , 4 — Sa température, 178 —
La fource de la rivière du Dondon eil dans
fes montagnes , 257 — Ongine ^6 fon nom.
m
z6g — Quand formée en paroî.^Te , 270 -^. Ses
limites , Z70-T- Son foî , 2.70 , 271 -— fa, tem-
pérature , 270 , 27 1 -^ A un- canton d'Eaaery,
Zji — On y cultive le cafier , 271— Pas pro-
pre à l'indigo , 271 — On devrait effayer lé
cotonnier dans quelques parties, 272 -Sesldgii-
mes, fes fruits, fes fleurs , 272— Point de
ehafle ni de pêche , 272 — Les moutons & les
voJailies n'y réuffiflent point , 272 •— Ses ri-
vières , ravines , &c. 272 — Sa minéralogie,
372 ---Sa population, 272 — Sami'ice, 272
jon eghle , 272-Sa police , 273 - A un bureau
de pofie , 273- Sa maréchauiTée 273-Ses che-
mmî, 273-Difl;ance entr'elle & plufieurs lieux ,
274- M. Brulley y tente la culture de la coche-
nille, 274 — Efpèce de magnétifme qu'on y a
exerce, 274 — Ses communications , 626.
Maronage des Efda^>es. Quand commence l'ufrge
d'en faire cne déclaration , 382 — Commuta-
tion de fa peine, 397.
Martinique {mz\?i). On y envoyé les habitans
de St-Chnftophe , 700 — Ravages qu^y caufe
la maladie de Siam ,701.
Matelot. Ce que le P. Boutin fait pour eux , za.o ,
SS3— Voy. Hôpital. '^ ■ ^^ '
Matelote. Ufage de ce mpt parmi les négrefîes ,
37-
Yoy. Maladie de Siam.
Maure. On en tranfpqrte quelquefois aux Colo-
nies , 26.
' Mcjombss , 32.
Médecin , 134 , 501 — Voy. Infptaeur & Diree-
teur-genéral de la Médecine , de la Pharmacie
C5 de la Botaniqui des Colonies^.
Médecin Accoucheur , 502,
du Cap, 501.
7— du Roi, 134— Devrait réiider à Ph3-
pitai ,584 , 585 — Voy. Hôpital du Religieux
de ta L hante.
Mé/alliés. Blancs dont les femmes ne font pas des
blanches , 99 — Où le préjugé les place, 90.
Me/urades. — Voj. Cangas. ^^
Météorologie. — Voy. Température.
Meti/.KcMt3.x. de fes combinaifons avec le Blanc
& les autres nuances provenues de mélano-es
iucceffifs, 72 — Eft la cinquième nuance, "77
— Eft produite de fix manières, -jj , gç _.
— Ses avantages , fes défavantages ', 77 , 78
— Parties blanches & noires de fa nuance , 8r
89. -■'*
Métive — Voy. Métif.
Miel. — Voy. Abeilles.
Milices. Éloge de celle du Fort-Dauphin, iî7_
D'Ouanaminthe, 145 --Fatigue que caufe]»
m
i"'»i
\^i
5'72
A
B
gusrre à celle de Valiière , 154 — Da Terrier-
Rouge, 165 — Da Troa , 17S — De Limo-
i\..d: , 182 — Celle de Limonride , de Ste-Rofe
& ài Dondon viennent , en tems de guerre ,
garder l'eiabarcadere de Limonade , 211 —
■ De Limonade, 216 — De Ste-Rofe , 221 —
De la IJarmelade , 272 — ,De la Petite-Anfe ,
iSo — Fête donnée par une compagnie de
Milice du Cap , 466 — Aufîi ancienne que la
Colonie, 497 — Les premiers Juges de la
Colonie en faifaient partie , 497 — Du Cap ,
497 '^ fuiu. — Ses omciers dévoués aux chefs
de la Colonie , 500 — Leur rétabliffement en
1 768 ,500 — Celle du Hiut du Cap , 594 —
Elle marche au fiége de St-Yague 594 — Lear
emploi en cas d'attaque , 618 — De la Plaine
du Nord 632 — De l'Acul , 639 — Da Lim-
be , 649 — De Plaifance , 668 — Du Porc-
Margot, 67c , 677 — Du Gros-Morne , 687
— Du Port-de-Paix , 723 — Eloge de celle du
Port de-Paix, 724. — V07. Confeù des Milices.
■ HoKKSurs.
M/y;/r.-?.%/V. Du Terrier-Ro'jge, 157 — De Limo-
, - nade , °i 09 — De Ste-Rofe , 2 zù — Du Qijar-
tier-Morin ,232 — Du Dondon , 23 S — De
la Marmelade , 272 — De la Petite-Anfe , 283
— Du Cap, 598— De la Plaine du Nord ,
639 — Du Limbe , 646 — Du Petit St-Louis ,
- £qo — Du Port-de-Paix , 711, 713^ "^H —
De la Tortue, 738 , 740 — Voyez Mines.
Mines. Celles du Fort-Dauphin, 138— Celles
d'Ouanaminthe ,145 — Canton nommé la
Mine & pourquoi, 145 — De Caracol, 165 —
■ De Limcnade^!, 204 , 205 — Effets qu'on at-
tribue à u'ne mine de pierre aimantaire, 205
— \ . Minéralogie.
Mines ( Nègres ) , 29.
Mi'zguet. On doit à ce Colon l'établiffemcnt du
D'ondon, 147, 255 — Son éloge, 247 i3 fi.i--j.
— Si defcendance nefe trouve plus au Dondon,
- --0 — Son nom donné à plufieurs plantes ,
^^Q La célèbre voûte du Dondon porte
auffi fon nom , 263. , ^
Mirebalais — Voy. Chemins. Défenfe de la Par-
i- - :, tie du Nord. '*
' Mijirables ,28.
■ llifions 107 , 357 — Celle de la Partie du Nord,
552 ' 374' 7^7-
Mijjîonnairee. — Voy. MiJJîons.
Mithon {M.). Intendant- Fait décider que le
Cap fera où on le voit, 299.
Meeurs. Influence des troupes fur elles, 8 — Ne
fon.: pas févères à Sr Domingue , 15 , 33, 529
■ — Preuve qu'elles ne fca;t pas très-douces , 23
— Celles des Africains , 25 y fiiivenfesj-*^
Dérèglement des mœurs Coloniales , 92 £if
Jui~jantes — Caufes du relâchement de celles
de St- Domingue , 95 — Celles de Ste-Rofe,
2z6 — Du C
3?:
3':
564' 365
222
367 , 369, 456, 531 — Deshabitans du petit
Carénage au Cap ,471 — On vend publique-
ment au Cap des livres & des eftampes cbfcè-
nes , 490 — V oy. Africain , Cdcns , CrécI ,
Créole , Européens, Mulâtr^es.
Mokos ,32.
Môle St-iSicalas. Reçoit des Acadiens & des
Allemands, 227 , 265.
Mondonsrues , 32 — Sont anthropophages , 33—-
Sont pédéraftes , 34.
Montagnes. Celles de la Partie Françaife , 4 —
Celles de la plaine du Cap , 104. , 294 — Sépa-
rent la Partie du Nord de celle del'OueR-, 104
Du Fort Dauphin , 129, 131 — D'Ouana-
minthe, 145 — L^tilité de les peupler , 154- —
Seri-ant d'afile aux nègres fugitifs , 154 , 175.
Celles du Trou i75-Cha;ne daCibao, 221,641.
—Du DonJon , 252 — De la Petite-Anfe, 283
-Du Limbe, 641-De Plaifance, 657,059, 663,
667 — Du Borgne , 679 — Du Gros Morne ,
686, du Petit St- Louis , 689 — Du Port^-'de-
Paix, 711,712,713, 720.
Mof.t archer (M. de) Intendant. Place â ifontaine
de fon nom, 359.
Morugzlfilres. Expériences faites avec des Mont-
golfières , 288, 470.
Morne. — Voy. Montagnes.
Marne des Capucins , 306 — Origine de fon nom,
324 — Ses propriétaires fuccefiifs , 525 — Eît
applani, 326.
: : du Cap. Sa defcription , 557 l3 fhi-j.
organifé. D'où lui vient ce nom, 155.
• St-Michel. Sa fituation & fes dimenfions y
244, 302.
Mortalité. Des troupes blanches ic de couleut
comparée , 173.
Moj'iereau (M.). Son ouvrage du Parfait Indi-
goteur, 218".
Moulin a eau..D'd Fort-Dauphin, 109, 127 , 132
— Ceux d'^Ouanaminthe , 142 — Du Trou,
174 — De Limonade, zoi — Du Quartier-
Morin, 233 —De la Petite-Anfe, 277 ijf
Jui^uantes , z%z — De la Plaine du Nord,
639 — De l'Acul ,639 — Du Limbe , 643 _ —
Du Port-Margot , 670 — Du Port-de Paix ,,
71c, -
a vent. L'unique de la Partie du Nord^
639.
\fu.(re. — V. Bdiiu
V-' mm mm* -
ii^l
DES MA
Moufombés ,32.
Mouton. Du Cap de Bonne-Efpérance , tranrpor-
té à Saint-Domingue ,291 — V. Animaux.
Mozambique: , 34 — Il en eft d'eunuques , 34.
Mozard {M.). Obtient une féconde imprimerie
au Port-au-Prince ,356 — Éloge de fon
imprimerie , 356 — Eii nommé rédacteur de
la gazette , 507 — Son éloge , 507.
Mulâtre. Originairement claffe parmi les Indiens
& les Sauvages , 68 — Était réputé libre à
zi ans, 68 — Réfultat de fes combinaifons
avec le blanc & les autres nuances provenues
de mélanges fucceffifs , 71 — Eli: la troifième
nuance , 75 — , Il a deux nuances diftincles ,
75 — Eft produit de douze manières, 75 , 83
— Avantages & défavantages du mulâtre, fon
. caraftére , yo , 90 — C'efi: l'être le plus appro-
prié au climat de Saint-Domingue , jS —
Parties bianclies & noires de lii nuance , 83 —
Eft la claffe la plus nombreufe des Aftranchis ,
90 , g^ — Ses palfions , 90 — Son amour
pour les chevaux ,91 — 91 — Propre à être
un excellent foldat ,91 — Pourfait les nègres
fugitifs ,91 — Son luxe ,91 — Aitératuns
de fa peau, 91 — Eft celui qui vit le plus
long-tems à Saint-Domingue, 92 — Mauvais
mari , 9- — Caufes qui s'oppofent à ce que
cette clalfe ne difparailfe , 95 — Phyfiquement
fupérieur aux autres gens de couleur , 98 —
V. Couleur ; MulâtreJJe.
Mulâ.trejfe. Ses avantages , 92 — Soncaraftère,
92 — Livrée à la volupté , 92 — Sa précocité ,
92_ — Ses mœurs , 93 , 93 , 94 — Son luxe ,
9~' — Très-fobre, 93 — Coud fupérieurement ,
94 — Le poifon de l'amour fort aftif chez elle ,
94- — Dïux fmgularités relatives à fa conduite,
94 — Il en ell d; très-vertueufes , 94 — Épou-
fe malheureufe, 95 — Redoute la maternité,
95 — Semble n'avoir pas autant de foins pour
fes enfans que les blanches & les négreiTcs ,
95 — Eft une maîtreffe impérieufe , 96 — An-
tipathie entr'elles & les blanches , 96 — Ai-
me la publicité en amour , 97 — Son prétendu
dédain pour les m.ulâtres ,97 — Choque
quelquefois l'odorat ,97 — Sa propreté , fes
bains , g'j — Son goût pour les fleurs , 97 —
Ne veut pas foufFrir auprès d'elle au fpec-
tacle du Cap , fa mère négrelTe , 365 —
Éloge de la bienfaifance de l'une d'elles, 394
— V. Couleur ; Mulâtre.
Mulet. Mule qui produit un muleton, 165, 229,
289.
Mûrier ,218,716.
Mufcat, Jl6.
T I È R E S.- 773
Muftcien. Oifeau ainlî nommé & pourquoi , 155,
N
Nagos , 29.
Naturels de Saint-Domingue. Forme de leur tête ,
126,352, 658 — Preuves de leur Habitation
dans divers points, 152, 206, 240, 284,
646, 658, 681,734, 73^ — Avaient des
vafes & des fétiches de terre cuite , 208 —
— Enterraient les cadavres parallèlement 208 ,
— Leurs cérémonies , leurs opinions , 264 —
V. Caverne , Indien , Sawvage , Voîite a
Minguet.
Négociant. Abus de ce nom, 505 — V. Chambre
de Co?nmerce.
Nègres. Leurs idées par rapport au baptême ,
35 Leur fuperftition, 36,52 — Croyent aux
forciers , 36 — 11 en eft d'empoifonneurs , 36
Gefticulent beaucoup , 36 — Aiment les fons
imitatifs., 37 — Sont fententieux , i,-j ,6-] —
Sont jaloux, 37, 52 — Ont fur les Blancs
un avantage phyfique en amour ,38 — Aiment
quelquefois le tafia à l'excès , 39 — Aiment
les remèdes , 42 — Sont fobres , 42 — Sont
railleurs , 43 — Boivent peu , 43 , — . Sont
moins ivrognes que certains Blancs , 43 — .
Sont propres , 43 — ALment le tabac & I2
jeu , 44 — ChérifTent palFionnément la danfe ,
4+ — Leurs inftrumiens de mufique ,44 — .
— ■ Pofsèdent le talent d'improvifer, 44 —
Ont l'oreille très-jufte , 51 — Comment ils
apprennent à jouer des inftrumens , 51
Sifflent à merveille, 52 — Leur amour propre,
53 — Leurs combats, 53 — Leurs exercices,
53 — Odeur qu'ils exhalent, 54 — Opinion,
fur leur odeur , 54 — Très-fenfibles au froid ,
SJ — Paroiftent moins vieux que les Blancs ,
56 — N'ont prefque pas de barbe , 56 —
Rsfpcftent la vieillefte , 56 — Aiment à s'é-
piler , 56 — Leurs vêternens à Saint-Domingue,
57 — Leur réfignation , leur courage , leur
mépris pour la mort, 6i — Opinions fur
leurs qualités morales , 62 — Leur opinion
fur leur couleur , 63 — Leurs funérailles , 63
Leurfucceffioa , 64 — Leur deuil , 64
Mépriiis par V.i Indiennes & les Sauvageifes ,
6() — Réfultats des combinaifons du nègre
avec le blanc & les autres nuances produites
par des mélanges fucceffifs ,71 — Ceux af-
franchis regardés comme les derniers des af-
franchis , 90 — Dans la Partie du Nord il
y a neuf nègres contre fept négreffes , 106 ■ 1
Leur nourriture diffère dans les trois Parties
I i i i i
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l|( .ipwi|.Jlllii|pi|i.iJ|i||i
774
''TABLE
^
tle la Colonie, 106 — Traitement de ceux
du Fort-Daapiiin , 132 — Utiliie de la reli-
gion pour eux , 154 — En 1685 il n'y en
avait point encore à Limonade , 182 — Ar-
rivent à une grande viîilleffï , 225 — On en
met de malades à l'embarcadère de la Petite-
Anfe , 241 — Détruiifeat le poiiTon , 257 —
Eïpreiuon qui eît relative à ceux des habita-
tions GiliiFet , 277 — Impreflion de leur nom-
bre comparé à celui des Blancs , 296 — Cri-
minels, où on les exécute au C;:p , 333 —
Es lapident un bourreau au Cap ^ 333 — Leurs
exercices religieux au Cap , 340 — Meiïe
de leur nom, 340 — Aiment à fonner les
cloches , 342 Nombre de ceux qui viennent
au marché Cljgny , au Cap , 441 — Troquent
des iubiiftances , 444 — Utidté dont ferait
pour eux un pont ilir la rivière du Cap , 457
— Leur imprévoyance quant à leurs dents, 502
— Donnent à manger aux malades Se croyent
aux remèdes des commères , 534 , 583 —
Ce que le père Boatin fait pour eu.x , 540 —
Leurs dnnfes à la FoiTstte , 558 — Leur ca-
raftère infouciant , 583 — Ils mafîacrentles
nègres qui rempîilTeut le métier de bourrsau ,
576, 596 — V. Afi-icains , Centenaire ,
Chaîne publique , l^égrejfes , Padrejai.
Africains. Projet pour forcer à les ven-
dre à terre, 557,558. — Voy. Africains.
Macandal.
Agouasj 29.
AouiTas , 2g.
Aradas , 29.
Bambaras , 27.
Biffagots , 28.
Blancs — V. Jlhinos.
Bouriquis , 28.
Calbar — V. iCegres du Galhar.
Calvaires — V. migres du Cap Vert.
Cangas ,28.
Caplaous , 26.
Congos , 82.
Cûtocoiis , 29.
Créols. Supérieurs aux Africains , 59.
— 11 en eft de fupérieurs les uns aux autres ,
39 — Sont en général mieux traités que les
Africains , 40 — Sont plus hâtifs que les
Africains , 40 — Idée fingulière qu'ils ont par
rapport à une certaine abUinence durant la
femaine fainte, 43 — Tirent vanité de reffem-
bler aux Blancs par la forme du nez ,55 — Ne
font poLnt étampés , è"].
De la Côte des Dents — V. Nègres
ai la Cite d'I-'ijoire.
:'gres. De la Côte des Efcl aves , zg.
des Griines ou de Mala-
guette, 28.
28.
•d'Ivoire ou des Dents,
■ d'Oi , 23 , 20 . ;n. .
de Aîadagafcai , 34.
du Bénin > 31-
— ■■ Cap Vert > 27.
Gaibar , 31.
Monomotapa ,34..
Pantins , 26.
Fida s . — V . F cédas .
Foëdas , 29.
Fonds , 29.
Foules , Poules ou Foulards , 27.
Fugitifs. Se réfugient dans les monta-
gnes, 154 — Maux qu'ils caufent, j - .
— Polydor un de leurs chefs , 154, i-T
— Ont fait donner des noms à plufieûi^s
pitons , 154 — Canga un de leurs chefs , 175
— Colas , Jambes - coupées , un de leurs chefs
200. V. Macandal.
Ibcs , iS» , 30.
Libres, ^talent dans l'origine diftin-
gués des mulâtres libres , 68 — Donnent
à quelques lieux le nom de Petite Guinée
433 — La compagnie des nègres libres du
Cap marche au fiège de Carthagène , rco
— V. Auba , Jaj'iMH, Louis des Rç'y.Uatix
Vincent Olli-vier.
Maïs , 29.
Mandinguesj 27.
Mayomoés , 32.
Meiurades. — Voyez N)gres Can-
gas.
- Mines , 29.
- Miferables , 28.
-i\'Iokos ,32.
- Mondongues , 1,2.
- Moufombés j 32.
- Mozambiques , 34.
- Nagos , 29.
-Ouaires ,31.
- Popos , 29.
- Foulards — V. Nègres Fcnks.
■Poules — V. Nègres foules.
■ Qaiambas , 27,
- Sénégalais , 26.
• Socos , 28
• Yoloffes , 27.
Négrejes. Africaines, aiment à être rénutées
Croeles, 38 — Créoles plutôt pubères que
les Aincames, 40 —Se livrenç à des jouiiTanees
DES '?M A
trop précoces^^ 4c— Leurs mères trafiquent
de leiir virginité , 40 — Dépendance où elles
demeurent par rapport à celui ^ui leur a fait
perdre leur virginité , 40 — Caufes qui em-
pêchent leur fécondité , 40 — Ont un accouche-
ment facile , 41 — Ce qu'elles font pour retarder
l'acGotichement , 41 — Moyen qu'on prend
pour ies faire accoucher, 41 — Sont exceller.tes
mères, 41 — Leur continence pendant qu'elles
allaitent & préjugé à tet égard, 41 —
S'ennorguiJliflent d'être mères , 41 , 42 — Leur
fein , 41 — Leurs avortemens , 42 — Leur peau
plus fraîche que celle des blanches , 43 —
Leurs abiimences périodiques, 43 — -Éprouvent
des accidens des bains /roids , 43 — Leur
laxe , 59 — Leurs affeétions , kurs haines
entr'elles , 60 — Réfultat de leur mélange avec
les blancs & les diverfes combinaifons qui
en proviennent fucceflivement, 7 1 t3' fut-xiantes
jufqu^à 88 — Leurs filles mulâtreffis ne veulent
pas ies fouffrir auprès d'elles au fpcûacle du
Cap ,365 — Une négrefle fait trois enfans ,
687 — V. Ar aidas , Femmes , Nègres.
Noailhs ( Maifon de ) Elle obtient la conceflîon
de l'ilet du Maffacre , 109.
' _( M. le Maréchal de ). Était d'avis
d'avoir une place forte au Dondon , 226.
Nolt'vos (M. de ). Gouverneur-général. Va à
Daxabon , 149.
Nomenclature Coloniale. Reproches qu'elle mérite,
220 , 230 , 627 , 628 , 633.
Nopal , fi^ — V. Cactiers.
Nords ( les ). 712 — V. Température , Vent.
Normmjds. Les premiers français des Antilles
étaient prefque tous Normands , 332 , 473.
Notaires , 384 , 388 , 722.
o
Ohfervations Aftronomiques. Lieu oii MM. de
Fkurieu , Pingre , Verdun & Borda en ont
fait au Cap , 5';4.
Odehic (M.) Ses obfervations météorologiques ,
285 — Son obfervation fur la marche du baro-
mètre à Saint-Domingue , 287.
Odeur. Celle des nègrts , 54— Celle des griffes,
86 — Celle des mulâtres , 97.
Officiers d' Adminijiration. Du Fort - Dauphin ,
J 33— Giand^ inconvénient qui réfulte de les
avoir chargés de la police de la chaîne pu-
blique, 398— Du Cap , 494 , 495_Du Port-
de-Paix,^ 722 — V. Adminifiration.
■> militaires. Place hon'orjiique où l'on ad-
mettait ceux du grade de major &. au-deffus
^ m Confeil du Cap, 387.
i^
I^i R E S.
Ogeron (g'). Agent de la Compagnie des LHes
àe l'Amérique puis gouverneur de Saint-
Lomingue. Son influence fur Saint-Domingue
7— Etablit une habitation au Port-Margot '
670 , 696— Introduit ia culture du cacac-er '
670— Pnfon de fon nom , 674.— Entreprifes
qui le mènent en Amérique , O96 — Va à la
Martinique , à la Jamaïque, fe fait concéder
les Liicayes & les Caïques , 6()Ç> — Nommé
gouverneur de la Tortue , 697— Réfide à k
iortue, 697— Favorife le Port-de-Paix , 607
—Forte les premiers français à la culture
&97—i' ait attaquer & rançonner Saint- Yao-ue '
697_Attire des Angevins k-s compatriotes '
697— ^au venir des epoufes de France , 607
— Aepafîe en France en 1668 & revient à k
iortue en 1069; retourne encore en France
ou il meurt, 698 — Tente deux expéditions
contre Porto-R-co , 698 , 7^S-Les^habnan:
de la Colonie fe révoltent contre lui "2,9
Oifeaux. Le muficien , 155, 262— La 'ca-ile-
huppee , 202 —Ceux du Dondon, 262 —Le
colibri , l'oifeau-mouche , 262 — De p-oie
263— On a le goût des oifeaux au Cap, &
ûou on les tire, 301 — Singularité deceuK
du Sénégal, 301.
Olliruier—V. Vincent Olli--vicr
(le Père), jéfuite. Son eîoee , 2^6.
Or donnât ettr de la Marine, 10^—. du a lop--
celui du Cap , 376 , 495. ^"
— des guerres , 49^.
Orge--oiUe ( M. Panier d' ). Intendant des îles du
vent, meurt au Cap , 339.
Orpheline. — V. Boutm s M.ijln des Orphelines
Ouûires ,31. '
Ouanaminthe. Son bourg nuit au Fort-Dauphin
123 . 339 — . Devient une paroJiTe , 140 ^
Ce mot eil indien, 139— Son bourg ell i'éta-
bUiiement le plus vohin de la limite éfpaçnole-
& détails lur ce bourg, 135, 140, 1.2'
143 ,_ 134— A dépendu de Bayaha & du Fort'
Daupnm, 139 _ A été fuccurfale , i,q _
p.'Utxe de Maiibarou, 14c — Ses fucreries -
140 , 141 — Ses divers cantons , j/q, m _1
Sei rivières, ravines, &c. , 141 'j '3
Décroiirement de fes fucreries , 141 '__ \a ^
des lieux les plus arrofés de la Colonie fr-^n '
çaife , 142 ~ Ses moulins à eau , 142 —"a
cprouve un incendie. 143 - Hôpill qu'on
a eu au bourg & abus qu'.nen a fkit, jL _
Ses débouches , 144 - Sa police, ,44 Z^g^
con.mandant, 144 _ Sa maréchauffée , ^
- Son bureau de pofte, ,45_Ses montagnes^
143 ~ Ses mines , 145 — Ses bois , fe^
\ 1
m
f^br
76
TABLE
plantes , 14.5 — Ses mauufaaares , 145^ — Sa
population , fa milice , 14; — Habitation
où' l'on acoir.rEencé à y rsire du fucre terré,
i^- — Sa température , 140 — Ses phéno-
mènes météorolcgiqties , I46 — Ses ramiers ,
1^5 — M. de Parades y eft enterré , 146.
Padreian. Nèpre , chef d'une révolte aa Petit-
Samt-Lo'Jis , 694.
Paîétwvier. Borde la côte , 240.
Palmiers ( Magninque aJlée de ) , 21 S , 742. _
Paparel { Mde. ) Bienfaitrice & patrone dei'egli-
lè de la Marmelade , 273.
Papier. État où il eft mis par les infectes , 382.
Parades ( M. dî ). Enterré à Ouanaminthe ,
146.'
Paratonnerre. — V. Torr.erre.
ParoiJJh. L'Auteur en adopte la divifion dans
cette Deicription , 100 — Il y en a 21 dans
la Partie du Nord , 103 — Il y en a cinq dans
la SénéchauiTee du Fort-Dauphin , 133 — Ce
qu'il faut entendre par paroiffe de plaine, 140.
— On en avait pr.ajeté une à l'Acul de Sa-
medi, 152 — li y en a 13 qui dépendent de
la Sénéchaulfée du Cap , 381. — Voy. Chaque
Paroijfe a foi mot.
, de la Grande-Rivière. — V. Sainte-Rcfe.
. de Moullique — V. Plaine du Nord.
— du îvIorne-Rouo;e — V. Plaine du Nord.
-du Qjartier Morin — V. Quartier-Morin.
I du Trou de Charles Morin — V. Quar-
tier-Morin.
du Petit-Saint-Louis ou Saint-Louis du
]\^ord — V. Pelit-Saivt-Louis.
Saint-Louis du îvlorin — V. Quartier-
Morin.
Partie de lOueft , loo — A un commandant en
fécond , 100 — Jugée autrefois plus impor-
tante que celle du Nord , 607 — Ses commu-
nications avec la Partie du Nord, 661 iS fui-
'vanîes.
Partie du Nord , lOO r-r- A un com.mandanî en
fécond , 100 , 102 — Ses limites , loi , 102 ,
Ï03 — Safurface, loi , 105 — Par où ont
commence fes établiffemens , 102 — Quand
elle a eu cinq quartiers , 102 — A cinq quar-
tiers , IC2 — A perdu le quartier dj Môle ,
102 — A un comraiiTaire-ordonnateur de la
marine, 102 — Chefs qui la dirigent , 102 —
Avait un Confeil fupérieur , 103 — Contient
^ I paroiffes , dont 1 7 de plaine & 4 de monta-
gnes . 103 , 726 — Renferme la Plaine du
Cap , 103 ' — Plus de la moitié de fa furface
ell montueufe ,104 — RefTifs qui en bordent
la côte , 1 ?4 — Séparée de la Partie de l'Oueft
par des montagnes , 104 — Ses chemins de
communication avec la Partie de l'Oueft, 104
661 l:S- fuiua.ntes. — Ses avantages fur celles
de l'Oueft & du Sud , 105 — A été
la première établie par les Français 106 —
Sa population ,106 — La fociabilité y eft
plus marquée, ic6 — Dévaftée par les Ef-
pagaols en 1691 , 1S2, 183 — Dévaitée par les
Efpagnols & les Anglais réunis en 1695 , 183
. Premier exemple d'arrofement, 282 — A un
ingénieur en chef , 496 — Son point le plus
Septentrional ,721.
Parue du Sud , ico. — A un commandant en
fécond , 100.
■ Efpagnole de Saint-Domingue. Sa defcrip-
tion , 2 — Vue de fa côte Septentrionale , 294
— Ses communications avec la Partie Françailé,
626 — Produit du froment , 716.
Francaife de Samt-Daningue. Son impor-
tance, 1,2 — Motifs qui doivent faire défarer
de la bien connaître , i, 2 — Sa forme , 2, 3 — ■
Son étendue , 3 — Ses montagnes , 2 — Ses
plaines , 3 — Plus chaude & plus expofée anx
féchereffes que la Partie Efpagnole , 4 —
Caciques dont dépendait fon territoire , 5 —
Elle éprouve une pénurie de beftiaux , 5 — Sa
population , 5 — Contrafte de fon aipect avec
celui de la Partie Efpagnole , 294 — Son com-
merce avec la France , 482 — Ses dilFérentes
capitales , 493 — V. Cara^ere , Couleur ,
Défer.Je de la Partie du Nord, Efpcgnols, Mar.w
faBures , Maurs , Partie de /' Ouejî , Partie
du Nord , Partie du Sud , Population.
Pajagers. Barques de ce nom , 135 — Ceux du
Fort-Dauphin, 135 , 136 , 294 — Leur police,
135 , 162 — De Jacquezy , 162 , 163 , 294 —
• De Caracol , 163 , 163 , 294 — De Limonade,
211 — Le fifc s'était emparé de ceux de Limo-
nade , de Caracol à de Jacquezy , 211 , 212
— De l'embarcadère de la Petite- Anfe , 241 —
De l'Acul , 636— Du Lim.bé , 648— Du Port-
Margot , 676 — Du Borgne , 673 — Du Port-
de-p£ix , 724.
Patate. Douce. Employée avec fuccès comme
engrais ,656.
Pau-ure — V. Hôpital , Pro^jidcnce.
Pa-u (M. de), 15.
Paye-n. Libraire à Metz , premier imprimeur
envoyé à Saint-Domingue , 253 — Vexations
que le gouverneur-général lui fait éprouver ,
253 , 254.
•ÉIMÉMRÉM
DES MATIERES.
77:
ftàu — V. Cov.hur.
/•/r/^ifarj. De l'embarcadère de Limonade , 212.
Penjion. Sur une place de Sénéchal , puis l'ur
" l'imprimerie du Cap , 355.
Périgourdins ( Gorge des ), 638 — V. Défenfe de
la Partie du Nord.
Perrier (M.). Son éloge , 306.
Perfonnes recommandables par des taîens , des
'vertus , des travaux , des ejfais , des aSions
courageufes , des dons , i^c, l^c. i3c. — Leur
éloge, 117, 134, 139, 145, 148, 149,
160, 165, 169, 173, 174, 178, 179,
190, 193, 196, 198, 202, 203, 216,
jufqu'à 220; 224, 237, 242, 245, 246,
247, 263, 268, 269, 274, 277, 285,
291 , 297 , 306, 307 , 323 , 339 , 348 ,
ju/qu'h y^z; 356, 364,^366, 371, 372,
37^» 391, 397, 399 ^ fuivautes ; 412,
415 , 416 y Jui-vantes ; 426, 469 , 477 ,
484, 500, 515, 539, 540 jilfqu'à 545;
590, 592, 604, 635, 640, 641, 649,
662, 663, 666, 673, 678,681, 691 ,
703 . 705 . 710, 715 , 725 , 731 , 732 ,
743 — V. Larnage , LeBraJJeur , Maillart ,
Rejnaud de V illeverd.
Petit Carénage. Nom d'un faubourg du Cap ,
464 y fuivantes.
Petit-Goaz'e. Quatrième capitale de la Partie
Françaife , 493 — On y met un hôpital , 568.
Petit- Saint-Louis (Is). Eii l'une des plus petites
paroiiiés de la Colonie , 688 — Ses limites ,
683 , 692 — Son étendue, 688 — Doit fon
établiffement à la Tortue , 688 — Se nommait
la pointe Palmifte , 688 — Ruiné en 1695 ,
688 — Son égJife, 688, 689 — Les Jéfukes
y avaient une-feabitation , 688 — Son Bourg,
688 , — Sa fituation , 689 — Son fol , 6S9 ,
690 — Ses montagnes, 6Sg — Ses cafcteries ,
689,691 — Ses rivières ,689,691 — Ses can-
tons , 690 Sa culture, 690 — Ses bois, 690
Sa minéralogie , 690 — Ses chemins, 691
Son état en 1728, 691 — Ses indigotenes,
69 î — Ses places-à-vivres, 691 — Sa po-
pulation , 691 — Sa température ,691 —
Ses côtes, 692 — Sa défenfe militaire, 693
— Ses côtes couvertes par la Tortue, 093
— Nom que lui attribue Charlevoix' , 694
— Sa dépendance civile & militaire, 694
— Diftance entre lui -& d'autres lieux , 694
— Révolte de nègres qu'y excite Padrejan ,
■494-
Pettte-Anfe ( Paroifù
de
a). Celle du Quartier
Morin en dépendait , z^o , 244 — C'eft par
éAs que commence la culture de la Plaine du
Cap, 244 — Quand établie , 27; — Dé-
. truite par les Efpagnols & les Anglais en .1695,
275 — Son églife, 275 , 282, 283 — Ses
regiftres paroiffiaux, 275 , — Ses limites , 27$
Son nom ne lui convient plus , 276 — Ses
cantons , 276 — Ses établiffemens & fes ma-
nufaôures , 276 , 277 , 285 Son fol , 276 ,
283 — Produit de fes fucreries , 277 — Ses
habitans prennent de l'eau dans la Grande ri-
vière , 277 — Sa partie montagneufe, 283
Ses eaux , 283 284, 285 — Ses eaux pro-
duifent des incruftations , 283 Ses che-
mins, 283, 284— Preuves d'habitation par
les anciens Naturels , 284 — Sa tempérarure
&_ ion climat , 285 W fuiuantes — On y
fait une expérience aè'roflatique , 288 — Sa
population, 2 89 — Sa milice, 289 — Diftance
entr'dle & d'autres lieux, 2S9 — L'épi-
zootie y a fai-t de grands ravages , 290 —
On y a mis des moutons du Cap de Bonne-
Efpérance ,291 — Perfonnes qu'elle offre
a citer , 291 — Son nom était le nom pri-
mitif du Cap, 297.
Petite Guinée. Nom d'une portion du Cap &
origine de cette dénomination ,433 Une
portion de la ville du Port-de-Paix a le même
nom , 706.
Petite-Vérole. Ses ravages , 535 — Maux qu'eik
caufe en 1772, 535 — Prétendu preferva-
tif reconnu fans eiFet, 536 — V. Inocula-
tion . Maladies.
Peuplier d'Italie , 219.
Pian. Maladie des Volailles , 262.
Picolei (Fort). Fortification du Cap, 295 —
Son afpeft en venant de la mer , 295 — Mar-
que l'entrée du port du Cap , 295. — V.
Défenfe de la Partie du Nord. ■
Pièces de cuiwe. Trouvées enfouies à Limonade,
208.
Pierre pourrie. V. Roc pourri.
Pilori. Quadrupède naturel aux Antilles, 262,
Piment ( h ). Canton de Plaifance , 656 De-
vrait dépendre du Port-Margot , 6--.
Piton._ Ce que c'eft , 143 — A quoi' plufieurs
doivent leur épithète , ija.
de Bav.iha , 142 , 294.
des Flambeaux, 154, 294
des Frégates. D'où lui vient ce nom, 143,
— EU: le même que le piton de Bayaha-T
142.
Ténèbres, 154, 294,
Sarrafin , 294.
Places-à-'viureu Ce que c'eft, 100 — De Li-
monade , 190 — De.Sainte-Rofe, 22-^'--
"If '- l^ !- 1^
Jx iv K i\ K
www
?7«
T A B LE
Dj Dondor. . 261 — De la Petks-Anfe , 288.
^ — Dia Cap, 592 — De laPiaine da Nord,
629 — Dû Limbe , 645 — Du. Port-Margot,
670 , 672 — Dj Borgne , 680 — Du Petit-
Saint-Loais , 691 — Du Port-de-Paix , 723.
Places publiques^^ Du Cap. Celle Saint- Louis ,
304 — . Celle Le BraiTeur , 311, 313 — Place-
d'.irmes ou place Notre-Dame , 326 ^ _/î.i-
•vantcs — Projet fur la place-d'armes da Cap ,
331 , 332 — On paffe la revue des Milices
du Cap far la place - d'armes , 332 — La
place - d'armes eit celle des exécutions des
criminels blancs ,332 — Place Montar-
cher , 357 353, 359 — Projet fur la place
i\îontarcher , 359 — Celle du _Charap-de-
Mars , 422 — Forme & deitination qu'avait
cette dernière autrefois , 422 — Place Ciugny,
441 y fi'.ivanîç$ — Arbres & fontaine da
cette place , 444, 445 — ia place Royale,
475 y fiùvantej — Place la Luzerne , 464 ,
468.
. Fort- Dauphin ,120.
— Port de-Paix , 706.
Plaine du Cap. Son étendue , 103 , 104 —
Attire les bâtimens , 105 — ies premiers
habitans , 183, 244, 297.
Plaine du Nord. A été paroiffe de Mcaftique
& paroiffe da Morne-Rouge , 627 ' — Ses li-
mites , 627 , 628 — Sa forme 627 — A été la
féconde paroi.Te de la plaine du Cap , 628 —
Son églife , 62S — Ses regiftres paroiilîaux,
62S — Sa première culture , 628 — On y a
tenté la culture du cacao 629 — Sa culture
ailuelle 629 — Ses manufaiTture? & autres éta-
bliiTemens , 629 — Son fol, 629 — Ses cantons
629 , 630 , 63 1 — Son canton du Grand-Bou-
can, 629 — Ses eaux , 629 — Ses communi-
cations 630 — Ses chemins, 630 — Ses ponts
630 — Ses rivières, 630 — Ses côtes, 630,
651 — Sa défenfe , 63 i — Ses embarcadères ,
631 — Ses rivières, 63! — Son morne aux
Anglois 63 I — Choies qui y annoncent le voi-
fmage da Cap ,632 — Sa population ,632 —
Sa milice, 632 — Ses rapports civils & mili-
taires ,632 — Réfidence de la defcendance de
Pierre le Long , 652 — Le campêche y a été
naturalifé ,.632— Sa minéralogie, 632 — Sa
difiance de plufieurs autres points ,632.
Plaijance. Sa coupe, 645 — Son importance,
654, 661 I3 Jui-jj. — Sa fituation, 654 — Ses
premiers établifîeiT.ens , 654 — Son égiife,
054, 656, 667 — Ses regiilres pai-oiiîiaux,
654 — Ses limites, 655 — Ses cantons, 655
— Ses culturesj 055 , 659 — Son bourg, 656
— Sa maréchauiTée ^ 656 , 668^— Son fol , 65e.
657 — M. StoUenverk y employé la patate
comme engrais 656 — Ses indigoteries , 657
Ses cafeteries , 657 — Ses vivres du pays, 657
Ses plantes ,658 — Les cannes à facre y réui-
fjffent , 658 — Ses bois, 658 — Sa minéraîp-
gie , 658 , 659 — Preuves d'il, bitation des
anciens Naturels, 658 — Ses montagnes , 659.,
666 — Ses rivières , fes ravines , 659 — Lieu
appelle ia Porte 659 — - Piuie annuelle, 659 —
Ses brouillards, 6co — Ses maladies, 661 —
Ses communications , 661 à 667 — Diftrait de
la fénéchauiTee du Port de-Paix , 601 -^ Eft
une pofition centrale par rapport à la Colonie ,
664 — Ses rapports civils & militaires , 668
Sa police , 668 — Sa milice , 66E — Sa porte
aux lettres , 663 — Sa diilance de pluiieurs
autres lieux , 665.
Plan. On avait projette celui topographiquç de.
St-Dcmingae , 210, 662.
Direcleur, 434 , 488 , 707.
Plantes. Efpèces dangereuies pour les beHiayy ^
291 — Leur influence fur l'air, 437 — Effet
attribué à celles d'un cimetière, 437 , 438 —
Expofées au Marché Ciugny, 441 , 442 , 443
Employées comme fourage , 442 , 553 , 561 —
Grains du marché, 443 — Vivres du pays,
443 — Voy. Arbres. Cttneiières. Léginnss.
Plantes de PIndi. On eflaye de les naturalifer
à St-Domingue , 269, 591 , 633.
Pluie. 138 --Voy. Tempérciture.
Plumier (le Père) 711 , 714, 716 > 740.
Poiiiçy ( le commandeur de ). Goiiverneur-'
général des Ifles. Envoyé le Vailéur à la
Tortue , 669 — Veut retirer le Vaffeur de la
Tortue , 695 — Ses démêlés avec un nouveau
gouverneur-général nommé parle roi, 695.
Pointe d'Icaque. Sa latitude 5; fa longitude, 564^
735- — Son utilité , 693.
Poiriers. Efpèce de bignones qu'on croyait
exempts' de la piqûre des vers , 328.
Pcifons. Inasécution d'une ordonnance à ce
lujet , J02 — Le mancenillier en eil un , 740
— V. MttcandaL
Poijfo'ns , 690 , 717 » 726» 741 — De rivière ,
256, 642 — Vendus au marché Ciugny, 442 —
Salés , 443 — Quelquefois dangereux , 53.5 —
Dorés ou poifTons de la Chine , 59c — BafTin
où ils ne peuvent vivre , 629 — Appelés tritri,
690 , 720.
Poi£on-nitr (M.) V. InfpeFfeur y dire£teur-géné~
rai de la Médecine , ae la Pharmacie i^ de la
Botanique des Colonies.
Police. Du Fort-Dauphin, 133 — d'Ouarsaniicilierj
DES
MATIÈRES.
779
144. — Du Troa , 170 — De Sainte Rofe, 230
. — ^De Plaifance , 668 — D;s paroifTes de la
Sénéchaiiffee du Port-de-Paix , 722.
Police. Celle du fpeélacle appartient à l'état-
major ,362.
Des ports ^ 480.
— Des quais , 481.
. Du Cap , 327 , 485 , 562 — Ses divers
objets , fes vices , 485 , 489 t^ fid'vantes —
Vraies caufes de {"on imparfeaion , 489.
•i (troupe de ) , 487 — Son uniforme , 488 — i
Son traitement , 4S8 , 723.
Polidoi V. Nègres fugitij's
Pont. Sur le Fofle de Limonade , 185 , 714,
457 — Projeté fur la Grande rivière de Limo-
nade , 215 — Projeté fur la rivière du Dondon,
256 — Pont Maillart, 285 — Calomnies fur
celui de la ravine du Cap, 316 — Premier
pont fur la ravine du Cap, 321, 465 —
Ponts adlaels fur la ravine da Cap, 321 —
Projeté à l'embouchure de la rivière du Haut
du Cap, 452 , 457 — Sept ponts projetés ,
457— Pont projeté fur l'Artibonite ", — 458
Infcriptions pour celui du Cap , 460 — Fait
fur la rivière du Haut du Cap, 595 , 630 —
De la rivière Salée de l'Acul ,631.
Popos , 29.
Population. Celle de la Partie Françaife ,
5 — Celle de la Partie Françaife comparée
à celle de la Partie Efpagnole & à
celle de la France , 6 — Celle de l'île entiè-e
lors de_ fa découverte , 6 — Celle de la Partie
Françaife diftinguée en trois clafles, 6 — Carac-
. tères de celle d'une Colonie à efclaves , 6 —
Comment eft compofée la population blanche-
9 — Celle de Saint-Domingue a de la defcen-
dauce de Caraïbes , d'Indiens & de Sauvages,
67, 68^Les nuances les plus rapprochées du
nègre font les plus communes , 89 — De la
Partie du Nord, 106 — Du Fort-Dauphin ,
128, 129, 130, 132, T34 — D'Ouanamintbe,
145 — De Vallière , 152 — Utilité de celle des
montagnes, 154 — Du Terrier-Rouge , 165-^
Du Trou. 178 — De Limonade, 212, 216,
217 — De Sainte-Rofe , 226 — Du Quartier-
Morin , 245 — Du Dondon , 264 — De la Mar-
inelade, 272 — De la Petite-Anfe , 289 — Da
Cap , 490 i3 Jui-janies — Nature de celle des
' Colonies, 492 — Faible en enfans , 492 — Dif-
ti.iilion à ta;re dans celle de Saint-Domingue,
528 — Celle du Haut da Cap , 594 , 595 —
De la Plaine du Nord , 632 — De l'Acul ,
640 — Du Limbe, 649 — Du Port-Mar-got ,
- 670, 671 —Du Borgne, 681— Du Gros-
Morne, 687 — Du Petit-Saint-Louis, 691-^
Du Port-de-Paix , 714,723-^De la Tortue,
728 , 741, 742.
Port ,133 — Police des ports ,481.
' àPÉcu. Nom que Colomb lui donne, 706—
Ses îhlines, 712.
Port-au-Prince. Quand il a eu une imprimerie ,
355 — A une maifon de Providence ,413 —
Cinquième capitale de la Partie Françaife,
493 — Capitale actuelle de la Partie Françaife,
493 > 494 — Sa diilance du Cap, 605.
' de France. Nombre moyen des bâtimens
de France qu'on voit dans la rade du Cap, 482.
d'entrepôt. Le Cap cil un port d'entrepôt ,
480.
Port-de-Paix. A un major , 102 , 698 — A une
Sénéchaaffée , IC3 , 698 , 722 — A uns ami-
rauté , 103 — A été le chef-lieu de !a miffion
de la Partie du Nord , 374 — Confidéré com-
me capitale , 493 , 698 — Ses hôpitaux , 56S ,
724 — Jugé autrcfoîs plus important que le
Cap, 607 — Plaiilmce en a dépendu, 661 ,
724— Le Borgne en dépendait, 6S1 , 724
— ^ Chriftophe Colomb y entre & l'appelle
Valparayfo , 694 — D'où y vient un nom de
l'Aifiente, 694 — Favorifé par d'Ogeron ,
(><^J — Choih par iM. de Cuffy pour être le
fiege du gouvernement , 698 — Ce qu'y font
les Efpagnols , en 1685 , 69S — S'appelait
quelquefi;is les Trois-P,.ivières , 698 — Son
état , en i683 , 099 — Son églLTe , 699 , 706
— Reçoit les 49 premiers foîdats envoyés à
Saint-Domingue , pour y refter , 699 — On y
conduit des habitans de Saint-Chriiiophe , 699.
— Mortalité qu'on 7 épro,uve , 700 — Plu-
fieurs de fes habitans tués à la bataille dff
Limonade , 700 — C'ell là que la maladie dï
Siam commence à Saint-Domingue , 701 —
M. Dacaffe visnt y réfider , 'joz. — Les Anglais
. & les Efpagnols le prennent , en 1795 ' Z^J""
Sa défenfe militaire , 703 — Son état après le
fiége de 1695 , 704 — Reçoit des habitans de-
Sainte-Croix , 704 — Ses habitans marchent
au fiege de Caj-thagène , 704 — Mis dans Ix
dépendance du Cap , 705 — On veut en
chaffer lcs_^habitans ,. 705 — Sa culture en 1699..
705 ~ Ce/fe d'être la capitale de Saint-Do-
muigue, 705- — Ses limites , 705 — Sa ville,
705 — Ses Fues , 705 , 706 — Ses maifons ,
7o6_ — Sa place-d''armes , 706 — Sa placr;
Louis XVI, 706 — Sa fontaine . 706 ,, 707-
Comment on s'y procure de l'eau pour boire ,
707 -— Son quai , 7C7 — La ville fujette aux
maladies & caufes cu'oa leur attribue t.ot— —
M
m
730
TABLE
Ses mirais , 708 , 709 — Son marché , 709 ,
720 — Confo.-nmaiion journalière de la ville ,
709 — Ses cantoas , 709 i3 fid-vante:. — Ses
rivières, 709, 710, 711 , 712 , 720 — Ses
fucreries , 71G , 723 — Ses moulins à eau ,710
— A un beau canal à une fucrerie , 710 — Ses
indigoteries ,710.711, 712 » 715 > 723 —
Ses cafeteries , 711. 714 — Ses montagnes,
711 , 712 , 713 , 720 , 723 — Sa irintralo-
gie, 711 , 713, 714, 715 , 719 — Son fol, — —
711,712,713 — Ses ciismLas , 711,712,
713 , 714, yz^ — Ses falLries, 712 , 719 —
inondation, 712 — Ses bois , 713 — Produit
da nopal & d'autres cailiers , 713 — Sa popu-
Port-Français ( Grand ) , 601 , 603 , 604,
622 — A reçu l'amiral des premiers vaiffaux
français envoyés aux Antilles , 603 — Éloge
de fon eau , 603 , 604 — A procuré un mât à
un vaiffeau , 604 — Les anglais/ font leur dé-
barquement en 1095, 4°4» 623 -^ Trait de
valeur do.it il elt le théâtre , 604.
^Pedt) , 601 , 604 , 622 , 62J,,
ition
7H
721
Sa température , 7 1
3 »
716 , 717 — Ses artichaux , fes fruits , l'on
mafcat, &c. , 716 — On y a récolté du fro-
ment , 716 — On y a eu des mûriers ,716 —
fécondité des femmes, 717 — Sa zo iogie ,
717 , 720 — Ses côtes , 717 — Sa defenfe,
militaire, 717,718,719, 720 , 724 — A le
point le plus Septentrional de la Colonie, 721
- — Son alpedt , fon utilité aftuelle , 721 —
Autrefois chef-lieu d'un immenfe quartier ,
721 — Les Gonaïves en dépendaient, 722 —
Ce que le quartier de fon nom comprend
maintenant, 722 — Cliangemens fucceffifs dans
fon é:at-m:îjor , 722 — En quoi il dépend du
Cap , 722 — A un Oxiicier d'adminiitratian ,
722 — Sa garnilon , 722 — Sa maréctiauffée ,
722 — 6a tro upe de police , 723 — Sa milice ,
723 — Scâ cotonniers, 723 — Ses hattes ,
723 — Ses piaces-a-vivies , 723 — Ses ca-
caoyers , 723 — Ses débouchés , fon commer-
ce , vailleaax qui y viennent , 724 — 6es
paifagers , 724 — Combat au Port-de-Paix ,
724. — liùpi'ai projeté pour les pauvres , 724
— Diftance entre lui & d'autres lieux, 725 —
La poiition de la 1 ortue nuit à fa fureté , 744.
J'irl ^u Cap. Sa delcription , 47 l5 fui-vat^tes.
— Nàuiragcs qui y lent arrivés, 473 , 473 —
Trait iiarai de M. de Kerfaint, 4--3 — Autre-
fois les Efpagnols venaient y attaquer les bati-
mens , 474 — Peut contenir un grand nombre
de bâtimens , 474 — Se comble , 475 — A
des vers , 476 — Ses carénages , 477 £5 J'ui-
manîes. — Abus qu'on y foulFre , 479 — Eft
un port de manne , 479 — Ses ouvriers , 479
Lit un port d' entrepôt , 480 — Ses incendies ,
4S i , 482 — Ufage relatif aux capitaines d-e
navires qui y vie.ment , 483 — '1 aux moyen
de la population qu'il prelénte , 492 — Ses
premières fortifications , 607 — - V. Cap i
ûéfcfij'e de la Fartie/u Nord.
Etait à Caracol — y.
62S.
de la Nativité
Caracol.
Fort-Margot É tabliffement français le plu»
ancien ^prés la Tortue , 663 — Le Vaffear
aborde dans l'ilet du Port-Margot, 66(j, 6ja.
Ses premiers etablilfemens , 670 — D'0~eron
y a une habitation , 678 — Sa population^ 670
671 Ravagé en 1695 , 670 — Son églife, 670,
671 — A dépendu de l'Acul, 67c — Ses rivières
& leurs débordemens , 670 , 672 — Sa milice,
670-— I\I. de Cbarrite en polTédait une grande
partie , 670 — Ses fucreries , 670 , 672— Ses
moulins à eau, 67c — Ses indigoteries , 671 ,
672 — Ses cafeteries, 671, 671 — Ses
cacaoyères , fes places-â-vivres , 671, 672
—A des habitations incultes, 6t2 — Ses o-uil-
diveries , 671 , 672 — Ses briqueteries , 671 ,
672 — Ses limites , 671 — Ses cantons , 671 ^-
Ses bourgs, 671, 672 — Ses chembs , 671-,
674 — Son embarcadère, 671 , 674, 675 —
Son fo! , 672 — Sa température ,' 073 — Ses
centenaires , 073 — Sa coupe , 674 — Ses côtes,
674 — Sa priion d'Ogeron , 674 — Sa defenfe
miJitaire, 675 — Ses pallagers, Ô76 — Sa rivière
Salée , 676— Obfervations de M de Puyféo-ur
lur cette côte , 676 — Sa dépendance civile &
militaire, 677 — Sa milice, 677 — Sa diftance
de pluùeurs autres lieux 677 — Eloge de M.
le Gras qui l'habitait , 677 — Favorifé par
d'Ogeron, 697.
Royal ( Ville de). Où elle était', 164,
207 — Ses armoiries, 164 — Ses mines, 165.
Saint-Thomas , V. JcnJ.
Fcrto-Rico. D'Ogeron tente deux expéditions ,
69g-
Fortugais. Furent les premiers qui introduifirent
des nègres en Amérique , 26.
Pofte attx Lettres , 134 , 145 , 171 , 267 , 273 .,
439, 664, 6d8 , 723.
/'û/trzÉ'. De la Colonie , ico — De la Partie du
Nord, 106 — Du Fort Dauphin , d'Ouana-
ir.inthe , 145 — De LimonaJe , ig6 — Du
Quiartier-Iviorin, 239 — Première de la Partie
du Nord , 246 — Eloge de celle Breda aj
. Hauj
^uâss^sâsâs^^
DES MATIÈRES,
7^î
îîaut du Cap ,596 — Du Limbe , 645. - Voy.
Briqueterie, Tuilerie.
Potier ( M. )• Taleat qu'il a montré en hydrau-
lique, 710.
Pouançaj ( M. de ) , Gouverneur de St-Domin-^
gue. Avait acheté une partie du terrain où efc
la ville du Cap ,325; — Réfide à ' la Tortue ,
697 , 698 — Fait deux expéditions contre
Cube', 698.
Poupée De/pertes ( M. ) Médecin au Cap , a les
nianufcrits botaniques du Père Le Pers , 26S
Ses ouvrages, 269 — Médecin du roi au Cap,
501 —- Notice fur lui , 541 -r- Faits relatifs à
l'hôpital du Cap & qui le concernent, 509.
Pmrceai'.x j 159 , 262 — On en élève beaucoup
à l'Acul , 633 , 640 — Leur étonnante multi-
plication à la Tortue , 729.
•'■ (Me aux ), Voy. La Tortue.
Préjugé. Celui des Colonies place parmi les Afri-
cains quiconque s'allie avec eux, 81 — Il prétend
que les traits africains fe reproduifent après
plufieurs nuances, 86 — Contre le couvent des
Religieufes du Cap, 431. — Yoy. Couleur.
Mé/alliés.
Premier Commis des Bureaux des Colonies ' — Voy.
haporte Lalanne.
Premier-Con/eiller. Titre qui donnait la préfi-
dence du Confeil fupérieuj- , 386.
Préf.dent. Celui du Confeil du Cap pris parmi les
Confeillers & depuis quand, 386, — Voyez
Confeil fupérieur du Cap. Confciller. hitendant.
Premier-Confeilkr. Second-Confeiller.
" de la Partie Efpagnole à Limonade en
1708, 185, 538 — Qui viennent au Cap,
538.539-
Prêtres , 1 07.
Prévôt général.
• grand.
particulier,
]
Voy. Maréchaujjfée.
Pri/ons. Du Cap , 3 1 5 , 467 — Ce qu'on appelle
au Cap vieilles prifons, 32 r-Prifons adhielles
du Cap ,321, 396 — Somme qu'on y applique,
396 — Leur defcription 396 — Améliorations
qu'elles demandent , 396 — Eloge d'un con-
cierge ,397 — Défordre qu'on y foufFre , 397
— Payaient une rétribution aux fecrétaires des
Adminiftrateurs de la Colonie , 407 — Payent
une rétribution aux Providences , 407.
> d'Ogeron , 674.
Priii'ûge exclufif. L'opinion annulle celui de la
vente des livres, 323 — Des
355-
Prix. — Voy. Cap , Pajfitgers.
Procureurs. Ceux du Fort-Dauphin , 134 — Ceux
Tome I. _
imprimeries
•Ceux du Port-de-Paix,.-
du Cap, 383 , 388
722.
Procureur du Roi. Celui du Cap tué à Limonade
• 83. — V. Amirauté. &énéchaujjée.
— de l'Amirauté. V. Amirauté.
Procureur-général. Du Confeil fupérieur du Cap
385,386,387,432.
Promenades publiques. Du Cap, 311 , 391 , 560.
Proji ( M. ) Eloge de ce négociant du Cap , 400
Eft l'un des deux premiers Adminiftraieurs de
la Providence du Cap , 402 , 403.
Pro-uidence ( Maifons de). Éloge de leurs deux
fondateurs , 349 , 394 , 408 — Leur admi-
niftration eft commune, 395 — Ce oue les
Adminiilrateurs de la Colonie font erl leur
faveur, 403 , 404 , 405 — Leur chirurgien ,
403 —Leur exilknce légale , 404, 405
Leurs propriétés en 1769, 405 — 011 oublie
qu elles ont deux fondateurs , 405 Compofi-
tion du bureau qui les adminiftre , 405 , 406
Où leur bureau s'affemble, 405, 407 —
Leurs réglemens , 405 , 406 — Doivent en-
voyer leurs regiilres au dépôt de \"''erfaille3,
406 — Ont le produit d'une repréfentation
du fpeftacle & anecdote à cet égard, 407— •
Abus introduit dons leur admintih-ation , 407
—Peu d'inftruaion de leur bureau d'admi-
niftration fur ce qui les concerne , 408
Sufpenfion des affemblées de leur bureau , 409
— Leurs revenus , leurs dépenfes ,410,411,
412, 413 — Moyens de leur attirer de nou-
veaux bienfaits ,412 — Bienfaits qu'elles ont
reçu, 412 — Ceux qu'on doit mettre au
rang de leurs bienfaiteurs, 412 — Aftes
mortuaires qu'on y dreiîb , 4 î 2 — Ont don-
né naiflhnce à une maifon de Providence au
Port-au-Prince, 413 _ Ont donné des ter-
rains à baux emphythéotiques , 413 , a.14 —
Lieu où l'on a eu l'idée de les placer', 559.
— ;;^°^' ^^A'^'^C)""^ • Dolioules , DubuifTon ,
hilliard d\4uberteuil , Raynal.
des Femmes. Son origine, 394— Son
fondateur , 394 — Elle eft confacrée a Sainte-
Ehzabeth, 395 __ Son éloge , 375 Son ad-
miniftration pnmuive . 395 , 402 — Reproches
qu elle inipire , 396 , 405 — Nombre à&s.
miortunes qu'on y trouve, 396 — Où 021
99 — Son adminif-
projette de la mettre , 3
tration réunie à celle dé 'la Providence des
hommes , 402. — V. Dolioules.
— — des Cens de couleur. Son origine, 415
— Celui qui en efc en quelo ne forte le fon-
dateur, 416 — Reproches qu'elle donne
occafion u'adrefTer à ceux aui lui ont nui
LUU
yî2
B
i
^
diredement ou indireôemsnt , 417 tf _/«/'-
njantei — Ce que l'Autear a tenté pour elle
. & détails curieux à ce fujet, 418 l^ fui-vantes
— Projet de lettres-patentes pour elle, 419
Bienveillance dn Miniftre pour elle , 419 —
Coniment fes fucees font empêchés ,419 —
Vœux qu'elle infplre, 420 ,421 — V. jafmin.
^ro-jzdence des hommes. Son fondatear , 399 —
Son origine, 399 — Ses bienfaiteurs , 400 ,
401 — Son iniHtution & fon but, 401 i^
fui-vantes — Ufage abufif que le Miniftre
veut en faire, 402 — Sonadminifbration réunie
à celle de la Providence des femmes , 402 —
Son éloge par Larnage , 403 — Quand ca
a entrepris de la rebâtir, 407 — Ses dimen-
fions projettécs , 408 — Etat actuel de fes
conitrudlions , 408 , 409 — Sa chapelle, 408
— On n'y trouve point le nom de Callelueyre ,
408 — Son infcnption aéluelle & celle que
l'Auteur propofe ,408 — A fen-i d'hôpital ,
4C9 — Reynal mai informé à fon égard ,
409 — Opinion de M. Hilliard d'Auber-
teuil & de M. Dubuiiïbn fon critique , 4C9
Reproches à faire au fite de cet établifîement ,
40g — . Nombre de perfcnnes qu'elle reçoit
à préfent , 410 — Néceiîité d'y faire des chan-
gemens, 410 — V. Caftel-oeyre.
* — du PcKt-au-Pri/zce , 413.
Pityj'fguf ( M, de Chailenay ) . Ses obfervatîons
à Saiat-Domingue , 296, 636, 676, 684,
721 , 726.
Quadrupèdes naturels av.x Antilles , 262^
^.ai. V. Cap-Francais.
V. Pcrt-de-P'aix.
Quarteron. Réfukat de fes combinaifons avec le
Blanc & les autres nuances proventies de mé-
langes fucceffifs , 72 — Eftla quatrième nuance
coloniale ,76 — Ses avantages , fes défa-
vantages > 76 , 77 , 95 — £ft produit de
vingt manières ,84 — Celui qui provient
d'an Bianc & d'une Grilionne ell extrême-
ment blanc, 80 — Parties bianclies & noires
de fa nuance, 84. 83, 89
^tartevonne. Il en eft d'auiS blanches que des
blanches mêmes ,77 — ^.artercn.
^ârteronné. Réfultat de fes combinaifons avec
le blanc & les autres nuances provenues de
mélanges fucceffifs , 73 — Eft la feprième
nuance coloniale, 78 — ES produit de quatre
manières , 78 , 85 — S»3 avantages , 78 —
Fardes blanches & noires de fa Ruance^ 85
— A partir de lui on retrouve le phyfigue
du Blanc , 98
^ua.rterûiince. — V. Sluarteronné,
S^iiartiers. On a toujours divifé la Colonie par
Quartiers ,102.
de Limonade , 180, 217.
' du Cap. Le fécond de la Partie du Nord,
102 , 275.
du Fort-Dauphin. 102, I07> I33.
■ du Limbe, 64I.
——^— du Môle. Oté a la Partie du Nord^ lo',
Éluartier-Morin ( le ). Limonade en dépendait ,
181 — Le Bois de Lance en dépendait, i8i.
— Sa milice , 183 , 245 — Ste-Rofe en dépen-
dait , 184 — Sa denoihination ell bifarre >
2.3o_ — Dépen.lait de la paroilTe cela Petite-
Anfe, 230 — Son étendue, 230, 231. — Ori-
gine de fon nom , 230 ,231 — Eil une paroiffe
de plaine , 231. — Ses limites ,231, — Soa
fol excellent, 231, 132 — Produit de quel-
ques-unes de fes fucreries , 23! , 232 — N'a
pas d'autre manufafture que des fucreries, 232
Son fucre réputé le plus beau , 232 — Morne
Pelé qu'on y trouve avec une mine de fer, 233
Sa plaine due à la Grande-Rivière , 232 —
Ravage qu'y caufe la Gninde-Riviàre , 233 —
Toutes fes habitations riveraines de la Gran»-
de-Rivière pourraient avoir des moulins à eau,
233 — A quatre moulins à eau, 233 — Ses
levées fur la Grande - Rivière , 234 — Son
églile , 234 — Epoque où remonte fes regif-
tres paroilîiaux ,235 — Barre éleftrique fur
l'habitation GuillauJeu , 235 — L'épizootie
y a commencé en 1772, 230 — On dit que les
premières cannes à fucre de la plaine du Cap '
y ont été plantées , 236 — On v ci:Itivai: l'in-
digo , 236 — Son peu d'importance autrefois-,
236 — A eu le P. 0;ivier poar curé, 236
Ses chemins, 256 — Nature de fes maifcrrs
d'habitation, 237 — Ses côtes, 237 — Ses
moyens de défenfe , 238 — Ses rivières , fes
ravines, 238 — L'embarcadère delaPetite-
Anfe en dépend, 338 — Le Cscique Guaca-
naric habitait fon territoire, 240 — Plein de
preuves du fejour des Indiens, 240 — L'an-
cien carénage du Cap en dép>endait , zaz —
Sa température , 245 — Sa population , 245 —
Diilance entre lui & d'autres lieux , 245 —
C'eft là qu'on commence à terrer le fucre dans
la Colonie , 246 — A eu la première briquete-
rie, la première tuilerie, îa première poterie
de la Partie du Nord , 246 — Hommes uti'es
qu'il donne ©ccafion de nommer , 246 — Ses
habitsns rsvendiquent l'eau de la Grande-Pi-
DES MATIÈRES.
m
vière , 280.— V. Duplaa. Embarcadère de la
Petite-Anfe.
^uiambas , zj. ■
R.
Rabié ( M. ). Donne les pîans & les deffins de
plufieurs établiffemens. publics à Saint-Domin-
gue, 330, 337, 424.
Rallier ( M. de ) , Ingénieur en chef de la Partie
du Nord. Ses foins pour augmenter l'eau au
Cap, 515 i^ fui'vantes — Fait le plan du pont
de la rivière Salée de l'Acul ,631.
Hamiers , 1^6 , 741.
Rang. Des membres qui compofent le Confeil du
Cap, 386, 387.
Raque , 159.
Rat. Multiplie étonnamment aux Antilles , 262.
Ra'uine. Du Cap , 316, 321 , 413 , 422 , 547
^ /muantes.
Raynal. Mal informé fur la Providence des hom-
mes , 409 — Son opinion fur les mala-
dies , 537 — Cité pour l'éloge de Louis
des Rouleaux , 544 — A trop loué un canal ,
710.
Rebouc ( Rivière du ). Elle a été la limite entre
les Français & les Efpagnols ,114, 167.
Receveur-général. Des droits de M. l'Amiral ,
385.
Redoute. — V. Danfe,
Régi?nent. On envoyé des Régimens dans la Co-
lonie en 1762 , 8.
■ de Dillon. Pertes qu'il fait , 288.
' de Quercy. Fait une grande perte d'hom-
mes au Fort-Dauphin , 123 — Eft d'un camp
au Trou , 172, 173.
■ du Cap , 496 — Son uniforme , 496.
Efpagnol de Léon. Pertes d'hommes
qu'il fait au Fort- Dauphin ,124 — Perd beau-
coup de monde à Ouanaminthe , 144.
Règne Minéral. — V. Mine, Minéralogice.
-. Animal. — V. Animaux.
Végétal. — V. Arbres. Bois. Plantes.
ReligieuJ'es du Cap. Leur chapelle fert de paroiffe,
336, 430 — Leur étabUffement dû au Père
Boutin, 373 , 426, 427, 428 — Leurs ftatutsi
leur adminiftration , 427 , 428 — Leur nom-
bre , 428 — Leur fyndic , 428 — Leur local
aftuel & changemens qu'il a éprouvés , 429 ,
430 — ■ On loge des . troupes dans leur cou-
vent , 429 — Perfonnes qu'elles reçoivent ,
430 — Ont de l'eau ,431 — Leurs penfionnai-
res , 43 î — Réflexions fur cet établiffement
confidéré comme maifon d'éducation ,431 —
Bienfaits reçus par cet établiffement , 432 —
Les Adminillrateurs & le Procureur-général y
entrent , 432 — Sont appelle' es aulTi Filles Ste-
Marie ,432 — Leur Direfteur ,432 — Leijr
habitation, 59g.
l8l — V. Capucins, yéfuites.
Religieux, 107
MiJJîons.
• de la Charité. Leur hôpital
pifal. Produit de leur fucrerie de la
V. Hé-
Petite-
Anfe, 576 — Bonne chère que font ceux da
Cap & anecdote à ce fujet , 589.
Religion , 154 — V. Egli/e. Miffions.
Renioufm ( M. ). Tué à la bataille de Limonade,
183 , 69g, 70CS.
Renaud ( M. ) , Ingénieur-général de la Marine.
Envoyé aux Colonies , ce qu'il fliit au Cap ,
607.
Reptiles 203 — V. Ani!n3-ux.
Réfideiece — V. Adminiftration.
ReJJifs — V. Côte.
Reunion. Des deux Confeils du Cap Se du Port-
au-Prince , 103 , 664 — V. Confeil.
Ré-vol te ,728.
Rey{lil.) Créol & Procureur-général du Cap.
Ses ouvrages, 542.
Reynaud de Villeverd ( M. ) , Lieutenant au Gou-
vernement-général , }i Gouverneur-général
par intérim. Eloge de fon adminiftration ,211,
215, 203, 304, 315, 343, 370, 391, 3g2, 438,
441, 446,458,467, 502, 517. 560, 564,637,
664, 6g I — Son logement , 434 — Fait tra-
vailler à un chemin pour fiiire communiquer
les Parties du Nord & de l'Oueft entr'elles ,
662.
Rivitre. Exemples qu'on peut s'en fervir pour
remblayer, 189 — Ravines ou ruifiéaux laté-
raux du voifinage de leur embouchure ,190 —
Le fond de leur lit eft très-élcvé , 190 — Leur
niveau, 190 — Avantage de l'élévation de leur
ht ,190 — Celles dont le lit eft bas defsèchent
les terrains voifias , 190 , 191— Manière d'ea
entretenir les levées , 191 , 192 — Leur re-
dreffementeft-il fans inconvénient .? 104 — Le
fond de leur lit s'élève à Saint-Domingue &
pourquoi, 195— Manière de les paffer , 215
— Ponts projettes fur fept rivières , 457
V. Chû.oue paroijfs à fon jnot.
■ à Galifet — V. Rivière du Haut du Cap.
de Caracol , 161 — Où eft fa fource »
174.
- de Jacque%y , 160 , 163 , 168 ,
170
175 — i'i-ojet de la redreffer , 170 — Ou eft
ik fource , 174.
des TroisRiviires , 685 , 710.
— — du Dondon — V. Dondon ,■ Marmelade.
^^mvmiifimmmt
7S4
TABLE
i
M.i'visrâ du Tojfé dz Limonade— Y . Fojfé de Lzmo-
naae.
* du Haut du. Cap. A un bac j 452 —
Poiit qu'on y projetait , 55z 13 fui'uanîss. —
Obfervations lur cette rivière ,461 — A un
pont , 596 , 630 — A ea des caymaiie, 595
Sis débordïmens , 630 — Sa fource , 639.
>■ ■ d:i Majfacre. D'où lui vient ce nom ,
108 — Son embouchure eft fortifiée, m —
Sa diilance de celle la Macrie , 127.
— du T^rriar-Rcuge , 158, 159» 160.
• du Trou — V. Ri-were de jacquezy.
■ ( Grande). Ses fources , 151, 186 —
Volume de fes eaux , 151 , 187 , 281 — Lan-
gueur de fon cours , 186, 192, 231 — Ses
changemeiis de lit , 186 , 188 — Ses inonda-
tions j 186 , 187 — Paraît avoir fermé le fol
r,1
celle de Limonade, 172, 197 — Sujet aux
féchereffes , 172 — Obfervations fur ce aosi ,
197 — Nature de fon fol , 198 — ImpreiSoû dç
la chaleur fur ce terrain , 19S.
Roucouyers , V. Roucoit.
Rougeole ( la ) 536 — V. Maladies.
RouJJeau , V. Jean-Jacq^ues Rcuffèau.
S centra. Réfultat de fes combmaifons avec îe
blanv. iz les autres nuances produites par des
mélanges fucceiEfs, 73 — Forme la cinquième
nuance , 79 — Elt produit de trois manières ,
79 , 82 — Eft très-peu commun , 79 — Parties
noires & blanches dont la nuance peut être
form.ée , 82 , 89.
lane de Liaionade & da Q^artier-Morin , Sage-femmes. Abus à reprimer , 41 , 42 — Da
Cap , 502.
Sa'.nt-Chrifiophs ( Me ) Partie de fes habitans
expulfés par les Anglais font tranfportés . au
Cap , au Port-de-PaLx , à Léogane & à la
Martinique; accueil qu'ils y reçoivent, 371 ,
699 , 700 — Ses habitans donnent leur nom à
une partie du Cap, 433 — Mortalité de fes
habitans , 700 — Deilruction que fait de fes
habicans la maladie de Siam , 701.
Saint-Domingue ( ifle ). Surface totale de cette
île, 3 — Son hifloire , 218 — Devient chaque
jour plus fujet aux féchereffes , 224 — Comme
on y perd vite l'idée de ce qui y a exiité ,
357 — Son climat, 527 13 fui'vc.v.tcs — Son
produit annuel, 615 — Ses habitans fe révol-
tent contre d'Ogeron , 728 — Partie Françaife
de Saint-Domingue.
Saint-Laurent (M. le Chev. de ) Gouverneur-
général par intérim des iles Françaifes ds
l'Amérique. Vient à Saint-Domingue , 380.
Saint-Louis. Pris en 1748 , 500 — On y met un
hôpital, 568.
. du Nord — V. Petit-Saint-Louh.
i83 , 232 — Jufqu'où elle était navigable au-
trefois , 1 89 — Preuve qu'elle remblaie ,
189 , 237 — Ses infiltrations, 190 — Ses
débordemens , 191 , 191 , 193 , 212 , 213 ,
221 , 222 , 232 — Plan de redreffement , 192 ,
233 — Portion redrelîée , 194 — Coùteufe
pour ceux qu'elle défo'e , 194 — Sa largeur ,
214 — Poût qu'on y a projette plufieurs fois ,
215 — A eu un bac , 215 — Manière de la
paffer , 215 — Abus de cette dénomination ,
220 — Les naturels l'appelaient Guaraouai ,
221 — Eaux qui s'y jettent , 222 — A pref-
que tari en 17S6 , 234 — Ses levées , 234 —
Moulins à eau qu'elle procure , 277 — Pont
projeité fur el e , 457.
la Mairie , 126 , 127 — Ce qtie lignifie
ce mot ,127 — V. Rivière du Terrier-Rouge.
Marion , I23 , I29, 13I.
I Salée- D'où vï^nt communément ce nom ,
188.
Salée de V Acul , 631 , 636 — Sa quantité
d'eau, 631 — Son pont ,631 — Projet de la
réunir à celle da Haut du Cap , 637.
Robinsau ( M. de ) , 1 45 , 1 60.
» de Bojgon ( M. ). Soin qu'il prend
pour multiplier les arbres à fruit , 145.
RoJ°pl>urrie} Ce que c 'eft , 205.
Roches à ravets , 599.
RocLalard. — V. La Rochalard.
Rouhion (Père) Religieux de la Jv'îerci. Éloge de
fon talent , 578.
Rûucou. Les Indiens en ufaient pour fe peindre,
197 — Les Efpagnols le cultivaient , 197 — Les
Françr.is n'en font pas de cas , 197.
s= Cantoii divifé entre la paroiffe c,p. Trou &
Saint-Raphaël. Paroiffe de la Partie 'Efpagnole ,
252 — Chemin entre lui & le Dondon , 265
— Sa diflance du Cap , 605.
Saint-Yague. Ville de la Partie Efpagnole. Prife
&c brûlée par les Français, 182, 594, 698 —•
Prilé & rançonnée par les Français , 6^1.
Sainte-Croix ( M. le Chev. de ). Ancien gou-
verneur de Belle Ifle , meurt au Cap , 33g ,
434-
•;— (Ifle) Ses habitans tranfportés à. Saint-
Domingue , 321 ,704 — Comment elle reçoit
la maladie de Siam , 701 — Son gouverneur
devient celui du Nord de Saint- L'oroingue ,
704. Sainte-',
DES M A ; T I È R E S.
7^5
Saintl-ËIixsèei/:, V. Pro'vidsnce ries fèm'nts.
Sainte-Ro/e, i^i — Dépendait du Qjartkr-Monn,
184, 22 j — Son nom mJ-à-propos changé,
â2o— Sa forme, fes limites, 220, 221 — Son
églife, fon bourg , 221 — Ses milices , 221 ,
226 — Célèbre autrefois par fon tabac & fon
indigo ,^ 2:21 — pHrticularités relatives i un de
fes cure's , 222 — Ses manufaaures , fes éta-
blifTemens Se fes produdions , 222, 223,
224 — Ses ravines , fes rivières , 222 — Son fol ,
223 , 226 — Son utilité , 223 • — Ses cantons ,
223 , — Ses chemins , 224 , 228 , 229 — Sa
température , 224 — Ses vieillards & fes cen-
tenaires, 224— Sa population , 226 — Ciraôère
de fes habitans , 226 — Sa falubrité , 226 —
Sa pofition militaire, 217, 226, 614, 625 — M.
de Bekunce y établit des camps , 226, 227-—
Ses communications, 227 — Cimetière dans
l'un de fes cantons , 228^-A eu des abeilles
lapr;m'èredans la Partie du Nord, 229—
jDillance entr'elle & d'autres lieux ,229 —
Dépend du Quartier de Limonade , du com-
mandement & de la Sénéchauffée du Cap ,
229 — Ses eaux minérales, 22g — Sa police ,
239 — Ses montagnes , 294.
Smnte-Suz,anne. Canton de laimonade. Quand
commence fa culture , j8i — Ses prûduftions ,
202 — A une fuccurfale Se comment , 202 —
On y avait mis des cailles-hupées , 203 — Ses
montagnes , 294, 390.
Salai/ons , 443 — Y. États-Unis, PoiJ/o.tis.
Salim. Du Port-de-Paix , 712 , 716— Du Port-
à-l'Ecu, 712 — De la Tortue , 737.
€amana. Avait .une petite Colonie Françaife
qui l'abandonne en 1676 , 298, 698.
^ang^Mêlg. Réfultat de fes combinaifons avec le
bJanc & les autres nuances provenues de mé-
' langes fticceffsfs , 73- — Eft la cinquième nuance
' Coloniale , 76 — Eft produit de quatre ma-
nières , 79 ,86 — Son rapprochement du
blanc , 79 — PaTties blanches & noires de lâ
nuance , 86.
Sang-Mêlée. V. Sang-MêU, '- ''■-■i"-
$a»g~Mêlés. ExpreffioQ fynonyine âe gens de cou-
leur , 99.
Saeto- Domingo. Diftance de cette tapi taie de la
Partie Efpagnok au Cap, 605.
fauU ,219.
$avannah en Géorgie , aux Etats - Unis (T A-
méri(j^iie. Expédition contre ce lieu , 216.
Sauvages. On en a amené du Canada 8t du Mif-
fiiTipi à Saint-Domingue , 67 , 80 , 8 1 —
■ '"Réfultat de leurs combinaifons avec le Blanc ,
Je jNègre & les nuances interniédiaires 74,81 —
Leurs cheveux ,81 — Sont affimiîés aux Blancs
pour les droits politiques, 81 — V. Cardibes.
Indiens , Naturels.
SéchereJJe. V. lempéraiure.
Second-Cnnfdller. Titre qui donnait laPréfidencs
du Conieil Supérieur , 386 — V. Préjîdent.
Sénéchal, 134 — Du Trou, 170 — Celui du
Cap tué à la bataille de Limonade , 183 — Du
Cap, 380 , 381 , 382 , 383 — V. Sénéchaujfée.
Sénéchauffée. Membres dss Senéchauffees , où affis
dans le Confeil Supérieur , 387.
— — du Cap, 103 — Où elle a tenu fes
feances . 316, 324, 383 — Lieu où elle
s'afTemble ,376 — A un tableau de Louis
XVI, 377 — Sa création , 380 — vSa comn
pofition, 380 — Son territoire , 381 — Treize
paroiilés qui en dépendent, 381 — Son inftal-
lation, 381 —Ses regiftres , 381 — Incendie
qu'elle éprouve, 381 — Ses premiers officiers
tués à la bataille de Limonade en 1691 , 381
Ses commencemens, 381 — Son Sénéchal
380, 381 , 382], 382, — Son Lieutenant-par-
ticulier , 380 , 383 — Ses AfléfTeurs ,383 —
Son Procureur du roi , 38c , 383 — Ses Subfti-
tuts , 388 — Son Greffier, 380, 383 Ses
Greffier-commis, 383 — SonAudiencier, 38?
— Sa compétence , 383 , 384 — Ses Huif-
fiers, 382 , 383 , 384 — Ses Procureurs , 383,
— Ses Notaires , 384 — Avait originairement
la compétence maritime , 384 — Son droit
de païîage au Cap, 455 — Eft chargée de I3
police , 485 iJfui'vantes — Rend vingt-mille
jugemens par an , 489 — Établie d'abord au
Haut du Cap , 564.
■ du Fort-Dauphin , 103, 133, 13.
— V. Sénéchauffée du Trou.
1 — ; — — du Port-de-Paix ,103 — Sa créa-
tion , 380 — Son territoire, 381 Le
Borgne en a dépendu , 381 , 681 — Plaifance
en a dépendu, 661 — Quand créée , 698 -^
Son étendue Se fa compofition , 722.
— — ;; du Trou. Devenue celle du Fort-Dau^
phin , 170 — Inftallée par qui , 170 -^ oi
fe tenait fes audiences, 170 —Son premier
Senechal ,170.
Sénégalais ,26.
Sept-Frîres {m^ts àsi) , 136, 293.
Sépulture. Abus dans la paroiffe du
179 — V. Cimetière.
Serpent — V. Vaudoux.
Siam ^ — y. Maladie de Siam.
Société des Sciences SS? Arts du Cap , ». ,
Ses Mémoires , fes ouvjages , fes utiles tra
vaux, 165,. 229, 283, 291 , 349, 35,^
M- m m iii xn
Trou.
157 ^
T A_ B LE
I
4
/
i
îSj. c5' fy.i'-jMtes , --zô — Sou inftitution ,
ia compoiidcn, 347 , 348, 351 — Les Ad-
mlaifti-iteuîs l'encouragent, 350, 563 — Ob-
tient des lettres-patentes , 350 — Ce que
l'Académie des Sciences fait pour elle, 350 —
Ses luccès auprès des Mufees de Paris , de
Bordeaux & de Touloufe Se de la Société d'A-
griculture de Paris , 351 — Noms de fes pre-
miers fondateurs , 3.5.1 — Ses bienfùteurs ,
- 351 — 2°^* éloge , 510, 51L, 546, 720.. '
Socos , 29.
Sel, 198, 20^ — V. Chaque parc-£i 21/071 mot.
Solano ( Don .Jofepll ). Ce i'rélident de la Partie
Efpagf.oie vient deux fois au Cap, 366, 53,9.
. Sofcs , z8.
Spafme. — V. Maladies.
Speclach. Du Cap. Son origine, 346 — Son lo-
cal aduel , 369 — Sa recette à ia dépenfe ,
360 , 362 , 370. — Loges honorifiques , 361
— Loge appelée du Confei! , fon origine ,
362 — Sa "police, 362-, 363 — Ses acteurs
& éloge de plufieurs d'entr'eux., 363,304,
36- — Qaand les gens de couleur y ont été
admis , 365 — Anecdote* plaifantes de ce
fpe£lac'.e , 361; — Perfonnes remirquahles qu'on
y a vues , 566 — EiTai de pièces , 368 — Il
eH deferté pendant cinq mois & demi & pour-
quoi , 368 , 369 — AAears des théâtres de
France qu'on y a v.xs, 369 — Cas où le fpec-
tacle efl: gratuit, fermé ou en- relâche, 370 —
Défenfes d'engager un-aéteur d'un autre ipeila-
cle , 370 — Acleurs à qui l'on refufe la. fe-
pulture , 370 — Aclei
pour parrains ou marraines ,570
tao-es ,371 — D.oane une repréfentation an-
nuelle au pront des maifcns de Providence ,
407 — V. Jean Jacques Roujfcau.
Staphtop. ( M, le chevalier de ) ^_ 122. ^
&ubftituts , des Procureurs du roi des Sénéchauf
fées. Veillent à la police légale dans les pa-
roi ffes , 144, 230,383, 722.
,^ du Procureur-général du Lonleii da
Cap , 386 , 387.
Sacre. Première hacàtation où l'on en fait de terre
à Ouanaminthe , 145 — Celai de la paroiffe
du Qjartier-Moriii réputé le pliis beau, 233
Le premier qui ait été terré dans la Coloras,
246 — ^ V. Belin de Vilh-ieicve , Sucrerie.
Sii:rcrie. De la Partie Françaife , 100. — De
la Partie do Nord , 106 — Du Fort-Dauphin,
J2-, , IJ2 — De Minbaroux , 140 — D'Oua-
naminthe , 140 , 141 — Du Terrier-Rouge,
Ï57 . 159 , ,172 — Du Trou , 172, 174—
î?2 Limonade, 1S4 , 155 , 197 — De S.ai-nie-
urs ou Actrices reiafés
Ses avan-
Pvofe , *2 2 — Du Qi^arti'.TTMorin , 232 —
De la Petite-Anfe, 276 , 277 , 576 — Du
Cap , 595 — De la Plaine du Nord, .629^
— De l'Acul , 639 — Du Limbe , 643 — .
Du Port-Margot, 670. — Da Gros-Morue,
Giâ — Du Port-de-Paix , 711 ,, 723.
Sv.pterfhaJion , 207.
Sfndtc. Des Religieufes du Cap , 428 , 432. ■<»--
Des hâbitans de la Tortue, 728.-
Tabac , 7 — Premier objet du con'.nierce calo-.-
niai, 24 — Première culture de Limonade,
181 — De Sainte-Rofe , 2zi — Eflki d'une
manufaclure de tabac en poudre , 246 — De
la l'ortue , 742.
Tannerie ( Bourg de la ) , iSo.
Tanner'as ,100 — Sont toutes dans la Partic-
du Nord , 106 — Une au Flaut du Cap , J96.
Température. Du Fort-Dauphin , 132. — D'»..)ua-
naminthe , 146 — De \'allière, 155 — Du
Terrier-Rouge, 165 — Du Trou, 175, 178
• — De la - Marmelade , 178 270, 271 —
De Limonade , 213. — De Sainte-Rofe , 224
— Du Quartier - Morin , 245 — Du
Dondon , 261 , 262 — De la Petite-Anfe ,
228, 285 — Du Cap, 511 ^ fuii'antes — --
Du Limbe , 645 — De Plaifance , 65,7 ,
659, 65o — Du Port-Margot , 673 — Du
Gros-Morne, 686 — Du Petit Saint -Louis \r.
691 — Du Port-de-Paix , 2\^^7J-§i-.— ,
Terragc du fucre , 198 , 650. --•- , •■-':*<[.;
Terrier- Ri,uge ( le ) , 155 — Sa forme, 155 — Sa
fituation , fes limites , fon fol, 156 , 157 — Ses
Hianufaftures , 1,56, 157, 159 — Ses rivièresj
fes ravines , 156, 157, 159 — Ses cantons,
156, 157 — Sujet aux féchereffes , 156, 157,
164 — Les Jéfuites y avaient une fucrerie ,
157 — Origine de ce nom , 1,57 — Son bourg,
1.58 — Q.iand il eft devenu une_paroiiîé 158,
Sa côte, i6o , 161 — Ses eflers , i6q — Sa
défenfe militaire , 160 — S.es embarcadères ,
i6r, i.6i, 163 — Ses baies, 161 , 162, 165
— C'eii dans cette paroiife qu'ont été natura-
ralifés les premiers caiiers de l'Iile , 164— A
de la luzerne., 164. — Sa. température, 164
—Une mule y prodiiit , 165 — Sa population,
365 — Sa milice , 165 — Sa diftance de
pi uiieurs lieux , 165 — Y.Car&col. Jacquez.y.
TUanc
L2 — V^. Maladies.
Thermomètre — \'^oy. Température,
x'kihaiih Du-uernay ( M.. ). Trait de. fon ccuragew:.
y . F.crt^la Bouque.
DES MATIÈRES.
?87
ITonn^rr-: , 205, 25^5, 692— Paratonnères , 37 ï ,
393 > 525 — Au Cap 524.. — ■ V. Tet:jpé rature.
/Tortue ( la ). Fournit les premkrs cultivateurs de
la plaine du Cap, 183, 244. , 2ç>7 , 69.8 —
Première Capitale & premier établiffement de
la Partie Françaife , 493, 668, 670, 695, 697,
698,727 — Ses bois, 608,741, 743 — Dé-
tails hiltorJques , 668, 669 , 695 , 696 , 728 ,
739 — A donné liou à la fomiation du Petit-
Saint-Loiiis , 688, 693 — Caufes de fa dé-
cadence, 698 — Dépend du Port-de-Paix dès
1685 , 698 — Devient un lieu de convalefcence,
;;oo — Son canal, 720 , 741 , 743 , 744 —
Éloge que l'Auteur lui adreffe , 726 — Sa fi-
tuation , 726 — Sa latitude , fa longitude ,
726, 727 — Son étendue, 727, 730 — Sa
diftancs de plufieurs lieax , 727 — Sa forme
&fonnom, 727, 735, 738, 739, 740, 742
— _Ses côtes , 727, 731 î^ fuiv. — Sa popu-
îation, 728 — Sa défenfe militaire , 728, 732,
. 734, 741 — Ses habitans avaient un fyndic ,
- 728 — Fournit des Flibuiliers pour attaquer
Curaçao , 728 — M. de Bias y vient & y
nomme un gouverneur , 728 — Se dépeuple ,
abandonnée en 1694, 728 — On y envoyé
des lépreux , 728 — S'appellait Ifle aux Pour--
ceaux, 729 , 741 — Son état d'abandon juf-
qu'en 1768 , 729 — Concédée par le Roi à
Mad. de Montrevel , 729 — Son arpentage &
fon plan topographique, 730 — Affermée &
vendue depuis à IVL Labaitut , 731 — Son
chef-lieu eit la Baffe-Terre, 731,-00 des
vaiffeaux de M. Calmzac y iroaille , 731 — '■
La Tour & le Fort le Vaffeur ou la Roche ,
732, 741 — Ses eaux, 732 , 734, 735 _ Sa
pomte de Portugal, 734 — Sei produaions ,
73+ > 73s ' 730, 742 — Ses cavernes, 734
— Avait autrefois fix établiffemens , 735 —
Ses indigcteries, 736, 737, 738.— Ses falines,,
737 — Sa minéralogie ,.738 , 740 — Son Anfe-
à_ îréfor, 739 — Analogie entre fa conforma-
tion & celle des parties correfpondantes de la
grande ÎIeSt-Domingae& dePîle deCube, 740
Son fol, ■741 — A beaucoup de ramiers , 74.Ï
N'a point d'huîtres, 741 — Sa population ,
74.1, 742 — Ses chemins., 742. — Eloge de
Ibn propriétaire aftuel , 742 — Idées que cette
îleinfpire , 743— On y cultive le cafier, 7^3—
Toa dépendance civile & militaire , 744—!. Un
vaiffeau a péri fur fes côtes , 744 — Sa pofition
eil défavantageufe pour le Port-de-Paix , 744.
Tortue , 144 , 720.
Taiirhefalineufi. Le long de la mer , 209 — Le
fea,y prend fpontanément > 20g,
2'repiblement déterre , 106, £39, 177, 286, 257,
^336, 526, 661, 716. — Voy. Te>npércit!,rc.
Trenie-lix mois — V. Enfrapé,
rtbunal lerrier , 190.
Trcis-RtHjih-cs. — Voy. Ri--jure des Trats-Ri-
'vières.
Trou ( le ). Sa forme , 165 ~ Sas limites , î66
— Ses noms & fes éubliffemens primicifs, 166,-
167 — A eu un hôpital , 168 — Son bourg ,
168, 170 — Maifon d'éducation prooofée avec
la flatue de De Clieux , 169 — Ses rivières ,
i70i 177 > 178 — A eu une Sénéchauffee ^
170, — Sa pohce , fa maréchauffde , fon bu-
reau des poftes , 171 — Ses cantons , ,171 —
'74' 177 — Ses fucreries , 1,72, 174, 175—
Sujet aux féchereffes , 172 , 174, 175 _ Son
loi, 172 , 175 — Sa polition militaire, 172 ,
626 — Ses gorges, 173 — Ses manufadures ,
175, 178 — Sa température, 176, 178 —
Effai du cotonnier , 1 77 _ Sa population ,178
— Ses milices , 178 — Ses débouchés, 178
— Pérfonnes qu'il a vu naître , 178 — Sa dif-
tance de plufieurs points, 179 — Pérfonnes
âgées qui y font mortes, 179 — Ses monta-
gnes , 294 — Pont projette , 457.
Troupes. Eavoyées en 1762 , 8 — Cantonnées ai*
^ Trou, 172, 173 — Venues avec M. de Bel-
zunce , 209 — Où elles font la parade au Cap ,
393 — Leur logement, 423 , 425 , 426 , 429 s
45' / 4^4 — Premiers foldats envoyés
à Saint-Domingue , 699 — V. Défenfe de la
Partie du hord s Foiu-Dauphin ; ■ Hôpital ;
Pcrt-de.-Paix.
7'uileries. Du Fort-Dauphin-, 129 — De Limo-
nade , 196 — La première de la Partie du
Nord , 246 — De la Petite-Anfe , 276 — D«
PAcul , 639 — Du Limbe , 645 — V. Brique- -
ter les.
u,.
"Utrel (M. ).:S<5n éloge , ix-g.
V.-
Vaiffeau-x. Premiers valiffeaux^de l'État enî-oyé» '
aux AntiUes , 603.:
Vai^-ore{M..àt ). Intendant , 121 ~ Concourt'
à l'établiffement de la Société des Sciences &
Arts du Cap , 350.
V allier e, 131 — EU: montsgneujf , i47~Quand •
formé , 147 , 148 , 151 — Porte ie nom d'un-
gouverneur-général , 137— Ses cantons , 147, -
148 — Querelles avec les Efpagnois pour- im-^
m
4
f85
TABLE
t
territoire , 148 , 149 , 150 — îVL de Ciioifeul
infîae uir la poîTejion , 149 — M. de Lilan-
cour détermine à en faire une paroiiTe , 150^
— Ses limites , 150 — Ses rivières , 150, 151
— Son fol , 151 — Sa population , 152 — Son
iiilioire natui-elle, i:;2. 155 — Pi-euvet, que
les anciens Naturels l'habitaient , i qz — N'a
point de marché ,152 — Son églife , 152 —
^aifons de lui préférer i'AcuI de Samedi , 153
— Sa milice , 154 — Ses débouches, 154 —
Sa température, 154, 155-
Valliere (M. le Chev. de ). Gouverneur-général.
Son nom donné a une paroiffe , 147 — Fait
réparer la coupe de Pkifasce , 662.
Vaudoux. — V. Danfs.
Vaudreuil (M. de). On lai doit le premier che-
min entre la Partie du Nord & celle de l'Oueft
far le territoire français, 104 , 661 , 664, 666
■ . — Rue & fort de fon nom au Cap , 345 , 440 ,
612,613 — Soii éloge, 345, 612 — Faif
fortifier le Port-de-Paix , 717 — V. D-éfenfe de
la Partie du h'ord ; Embarcadère.
Vent , 211 , 526 — Effet de celui d'Eft fur les
■ arbres, 181 — Efpèce de combat entre celui
de l'Eft & de l'Oueft, 716 — V. Température.
Verjus (M.). Créol du Port-de-Paix. A deftiné
fa fuccelïïon à un hôpital pour les pauvres ,
724-
Verret (M.) Ingénieur-hydraulicien. Ses utiles
opérations, 128, 193, 202, 281, 517 —
Vint de la Louifianne s'établir à l'embarca-
612, 641.
dère de la Petite-Anfe , 242.
Vers. Attaquent les vaiîTeaux , 476,
Vétérinaire. V. Artijie vétérinaire.
Vieillards. De Sû'ax.-]b:)m.mgae , 537.
Vienm {M. le Marijuis de ) , Gouverneur-géné.
rai. Enterré dans l'égîîfe du Fôrt-Dîupliiû, ïzô*
Villes. Oiûfs qii'eiies recèlent , 153.
— ^ des Colonies coa:idérées comme de»
p aees de guerre , 4S9.
Vin de Falme. Effet qu'on lui attribue, 38.
Viticent Olliuier. E.oge de ce nègre centenaire »
224.
Vi'vres duPays. V. Places-à-vit/rts^
Voiture Publique , 1-38 , 664.
Vclailles , 202 , 272 , 442.
Volcan. V. Miner.Jogie.
Voûte à Minguet. Sa defcription , 263'*— Idée»
des Indiens fur fon origine , 264.
Voyer , 134 , 488.
——— principe > 134.
W
Waljh ( M. )• Avait fait venir des chameaux ,
Wewves le jeune (M.). Éloge de fon ouvrage
fur les Colonies , 543.
Willis (Anglais), Se rend maître de la Tortue ,
668 — Sa mauvaife conduite ; eft challé de la
Tortue , 669.
Worlock (M.). Ses obfervations météorologiques
au Trou , 176 — Son éloge , fes fuccès dans
l'inoculation , 247 , 536 — Son ouvrage fur
l'épizootie, 247.
Yolofes j 27.
Zingres. Defcendans d'Indiens, j^, 8ju
Fin de la TaMe âes Maiihts JuPrmîer Volamp
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4&r.^^iMSjiji)f£i|)ti.iiiijilpjmmi.
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