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Full text of "Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie francaise de l'isle Saint-Domingue. : Avec des observations générales sur la population, sur le caractère & les moeurs de ses divers habitans; sur son climat, sa culture, ses productions, son administration, &c. &c. Accompagnées des détails les plus propres à faire connâitre l'état de cette colonie à l'époque du 18 octobre 1789; et d'une nouvelle carte de la totalité de l'isle."

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DESCRIPTION 

TOPOGRAPHIQUE  ,      PHYSIQUE, 

t 

CIVILE,  POLITIQUE  et  HISTORIQUE 

r  .:  DELA 

PARTIE       FRANÇAISE 

,  s 

DE 

L'ISLE    SAI-NT-DOMINGUE. 


^If  "^  ''!.'  °^''"'"'"'"'  8"""'"  '■'"•  "i  P-Pularion  ,  fur  le  Caraftère  &  les 
Mœursde  fesdwersHabitans;  fur  ,b„  Climat,  fa  Culture,  fes  P™d„aTo„s 
fon  Admimflration  ,  &c,   &c.  .  ^u-^uuns, 

Jccon^^ag^ées  des  détails  les  plus  propres  à  faire  connaître  l'état  de  cette  Colonie  â 

r époque  du  i8  Oâîobre  1789  j 
Et  d'une  nouvelle  Carte  de  la  totalité  de  l'Ifle. 


P^»"  M.  L.  E.  MOREAU    DE    SAINT-MÉ 


R  Y. 


TOME      PREMIER. 

Co.PK......  outre  les  objets  généraux ,  la  Defcription  des  vingt  .-  une  Paroiffes  de  la  Partie  du 

Nord  &  de  l'Ifle  la  Tortue. 


Les  fources  de  fa  profpirité  ne  fon 


t  pas  toutes  taries. 


.      A       PHILADELPHIE, 

Et  s'y  trouve 
Chez  l'AUTEUR  ,   au  coin  de  Front  &  de  Callow-Hill  ftreets 
A  Paris  ,  chez  DUPONT,  Libraire  ,  rue  de  la  Loi. 
Btà  Hambourg,  chez  les  principaux   Libraires. 


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1797. 


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I, 


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ÎMPRIMÉ      SELON      LA     Loi. 


La  Soujcripiion  àt   cet  Ouvrage   devant  rtjîer    ouverte  ja/qu'au    rAoment  de    la 
■livrai/on  de  ce  Premier  Volume,  la  Lifte  de  MeJJieurs  les  Soiifcripeurs  fera  mif& 
G.  la  tête  du  Second  Volume, 


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DISCOURS 


PRÉLIMINAIRE, 

J\.  cette  vérité,  depuis  fi  long-tetns  répétée,  que  rien  n'ed  auffi  peu  connu 
que  les  Colonies  des  Antilles,  fe  réunirai:  peut-être  bientôt  l'impoffibilité 
de  connaître  celle  qui  a  été  la  plus  brillante  d'entr'elles  ,  fi  je  ne  me  hâtais  d'otfrir 
le  tableau  fidellc  de  fa  fp'.endeur  pafféc. 

Occupé  depuis  quatorze  années  à  recueillir  tout  ce  qui  appartenait  à  la  Def- 
cription,  à  la  Légiflation  &  â  l'Hiftoirc  des  Colonies,  j'avais  déjà  publié  fix 
volumes  ;«-4<',  du  Recueil  des  Loix  des  IHes  Françaifes  de  l'Amérique  fous  le 
Vent  (*) ,  dont  Saint-Domingue  était  le  chef-lieu ,  &  d'immenfes  matériaux 
«talent  déjà  préparés  pour  que  les  autres  parties  de  mon  plan ,  fur  ces  îles ,  paruf, 
fent  fucceffivement  ,  lorfque  la  révolution  françaife  ,  difpofant  de  moi  prefque 
tout  entier,  m'a  mis  dans  l'impuiflance  d'accomplir  mon  projet. 

Jette  eniuite  loin  de  la  France  par  la  tempête  politique  qui  a  pouffé  des 
Français  fur  prefque  tout  le  refte  du  globe  ,  j'ai  eu  le  bonheur  de  fauver,  avec 
ma  vie,  les  preuves  de  m'a  confiance  à  rch-rrcher  tout  ce  qui  a  trait  aux 
Colonies,  &  lorfque  mes  infortunes  me  l'ont  permis,  j'ai  repris  la  tâche  que 
mon  dévouement  à  la  chofe  publique  m'avait  fait  entreprendre.  Plein  de  cette 
fenfée,  que  les  vérités  utiles  ne  fauraient  être  long-teras  méconnues,  j'ai  toujours 
Jijouté  à  celles  que  j'avais  à  préfenter  à  ma  Patrie  ,   &  j'ai  p'us  d'une  fois  con- 


i»)  Sous  le  titre  de  Loix  ^  Co»J},t,aion,  àa  Colonie,  Fran;ai/h  de  l'Jmêrijuejou^  le  njenu 


l.l 


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\y  DISCOURS 

folé  ma  douleur  d'habiter  loin  d'elle  ,  en  dirigeant  mes  idées  vers  Ton  bonheur, 

tandis  que  mon  cœur  s'ennorgueilliffaic  de  Tes  fucces. 

Une  première  occafion  s'eft  offerte  de  lui  donner  nne  marque  de  mon  zèle , 
&  c'eft  à  la  ceffion  faite  par  l'Efpagne  à  la  France  ,  de  la  Partie  Efpagnole  de 
Saint-Domingue ,  qu'eft  due  ma  Defcription  de  ce  territoire  (  i  ). 

Combien  j'ai  regretté  alors  que  les  coups  de  la  fortune  me  filTent  la  loi  de 
mettre  de  côté  la  Defcription  de  la  Partie  Françaife  !  Mais  l'amitié  n'a  pas  été 
inaftive  ,  &  c'eft  fous  fes  aufpices  que  mon  zèle  s'eft  ranimé. 

Je  puis  donc  enfin  publier  la  Defcription  de  cette  Colonie,  qui  a  été  Ci 
juftement  enviée  par  toutes  les  Puiffances ,  qui  fut  l'orgueil  de  la  France  dans 
le  Nouveau- Monde,  &  dont  la  profpérité  faite  pour  étonner,   était  l'ouvrage 

de  moins  d'un  fiècle  &  demi. 

A  cette  rapide  énonciarion  de  la  gloire  de  Saint-Domingue,  comme  colonie 
françaife  ,  il  me  femble  entendre  une  foule  de  perfonnes ,  me  prêtant  des  vues 
peut-être  contradictoires ,  m'accufer  ou  de  me  livrer  à  un  travail  inutile  ou  de 
chercher  à  exciter  de  regrets  déformais  fans  rem,ède. 

Je  dois  donc  faire  ici  une  profeiïion  de  foi  claire  &  franche  de  mes  motifs. 

Quelle  que  foit  la  fituation  dans  laquelle  la  paix  générale  de  la  France  avec 
tous  ceux  qui  s'étaient  coalifés  pour  lui  ravir  fa  liberté  ,  trouvera  Saint-Do- 
mincrue  j  quel  que  puiffe  être  le  fyftème  que  ma  Patrie  adoptera ,  à  cette  époque , 
.fur  fes  Colonies  à  fucre  ,  il  ferait  abfurde  de  fuppofer  que  cette  fituadon  ,  que 
ce  fyftème  n'auront  aucun  rapport  avec  ce  que  ces  Colonies  étaient  au  moment 
où  leur  Métropole  a  fait  une  révolution  dont  les  fecouffes  font  fenties  jufqu'aux 
extrémités  de  la  Terre.  N'exifta-t-il  plus  que  les  objets  purement  phyfiques 
dont  leur  enfemble  eft  compofé,  il  faut  que  la  connaiflance  de  ces  objets 
éclairent  fur  la  détermination  quelconque  qu'on  adoptera. 

Or  ,  fi  cette  propofition  a  toute  la  folidité  que  je  lui  trouve  ,  par  rapport  à 


(  i)  Publiée  à  Philadelphie  en  1796,  en  2  vol.  in-8°. 


PRÉLIMINAIRE.  v 

laquelle  des  Colonies  cette  connaiflance  fera-t-elle  plus  nécefTaire  ,  que  pour 
celle  qui  l'emportant  à  elle  feule  fur  toutes  les  autres  réunies ,  doit  par  cela 
même  attirer  les  regards  la  première ,  &  exciter  une  foUicitude  plus  vive  ? 

La  Colonie  françaife  de  Saint-Domingue  eft ,  je  le  fais ,  celle  qui  a  éprouvé 
de  la  manière  la  plus  cruelle,  les  convulfions  révolutionnaires.  C'eft  dans  fon 
vafte  fcin  qu'elles  ont  fait  plus  de  ravages  :  divifions  inteflines ,  guerre  étran- 
gère ,  tout  s'efl  réuni  pour  l'accabler  de  maux ,  pour  la  déchirer  ,  &  il  fem- 
blerait  que  ce  corps  vigoureux  &  robufle  ,  que  cet  Hercule  colonial ,  eût  été 
deftiné  à  n'être  plus  un  jour  qu'un  fquelette  décharné. 

Cette  opinion  fut-elle  fondée,  &je  ne  l'adopte  pas,  (  comme  le  prouve  alTez 
mon  épigraphe  )  ,  pourquoi  la  peinture  ficlcUe  de  ce  qu'était  n'aguères  encore 
une  Colonie  qui  donnait  cent  cinquante  millions  tournois  de  produits  annuels , 
qui  fe  glorifiait  judement  d'influer  fur  la  profpérité  de  fa  Mère-Patrie,  ne 
ferait-elle  pas  préfentée ,  du  moins ,  comme  un  monument  en  quelque  forte 
hiftorique  ,  &  comme  un  chapitre  à  méditer  par  tous  ceux  qui  ont  part  au 
gouvernem.ent  des  États  ? 

Il  ne  peut  donc  jamais  être  indifférent ,  &  il  eft  encore  bien  moins  inutile 
de  montrer  ce  que  le  génie  français  avait  crée  à  deux  mille  lieues  de  la 
Métropole  ;  d'expofer  avec  détails  ce  que  ce  génie  ,  très-fouvent  contrarié  par 
le  Gouvernement ,  était  parvenu  à  produire  prefqu'en  un  inftant  &c  avec  une 
fupériorité  qui  lailTait  loin  derrière  elle  tout  ce  que  les  autres  nations  ont  entrepris 
de  femblable. 

Mais ,  &  cette  efpérance  je  ne  faurais  l'abandonner  ,  la  France  pour  laquelle 
l'importance  des  Colonies  finira  par  être  une  vérité  mathématique,  voudra 
réparer  leurs  malheurs  par  ce  qu'elle  ne  peut  s'empêcher  de  les  compter  parmi  les 
fiens  propres  ;  parce  qu'elle  doit  les  confidérer  comme  des  maux  qu'il  faut 
guérir,  s'il  eft  vrai  qu'un  corps  politique  ne  faurait  recouvrer  toute  Ton  énergie 
tant  qu'une  plaie  profonde  altère  Sj:  mine  les  fources  qui  concourent  à  conferver 
fon  exiftcnce.  Lorfque  cet  inftant  aura  été  amené  par  la  paix  générale ,  la  France 


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1 


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vj  DISCOURS 

aura  befoin  ,  furtouî  peur  Saint-Domingue  ,  d'avoir  des  renfeignemens  capables 
de  la  diriger  dans  le  choix  des  moyens  qu'elle  devra  adopter  pour  en  faire 
enèore  une  utile  Colonie. 

Précendrait-on  que  ma  Deicription  s'ar;  étant  précil'ément  au  jour  où  les 
premiers  mouvemens  de  h  révolution  ont  été  îl;ntis  à  Saint-Domingue ,  elle 
ne  faurait  éclairer  fuiFiiamment  les  efprits  ,  ni  procurer  les  avantages  que  je 
viens  d'indiquer  ? 

Je  réponds  que  la  Defcription ,  telle  que  je  la  publie  ,  eft  précifément  ce 
qu'il  faut  défirer  :  car  ou  ce  qu'elle  efl:  deftinée  à  faire  connaître  fubfiftc 
encore ,  où  il  a  été  détruit  en  tout  ou  en  partie.  Dans  le  premier  cas ,  rien  ne 
peut  la  fupp'iéer  ;  dans  le  fécond ,  en  ajoutant  ces  deux  feuls  mots  n'exijie  fins  , 
ou  à  la  fin  du  livre  ou  aux  divers  articles  defcriptifs  ,  on  aura  la  connailTance 
xiétaillée  de  la  nature ,  de  l'emploi  des  objets  dont  il  faut  déplorer  l'anéantiflè- 
ment.  C'eft  même  l'unique  manière  d'apprécier  la  valeur  de  la  perte  qu'on 
aura  faite  ,  &  s'il  exifte  des  m.oyens  de  la  réparer ,  rien  n'efl  propre  à  les 
fug-gérer  comme  ces  détails  mêmes. 

DO 

f  Et  fans  cela,  comment  faire  la  comparaifon  de  ce  que  fut  Saint-Domingue 
avec  ce  qu'il  fera  au  moment  oïj  ce  rapprochement  deviendra  le  premier  devoir 
de  quiconque  devra  travailler  à  fa  reftauration  ?  Sans  cela  comment  mettre  fin 
à  l'interminable  difpute  qui  fubfiHe  déjà  depuis  trop  long-tems  entre  ceux  qui 
exagèrent  &  ceux  qui  diffimuknt  tout  ce  qui  contrarie  leurs  vues  dans  ce  parallèle? 
Il  ne  s'agit  plus  ,  comm,e  en  1630,  d'attendre  que  l'audace  des  Aventuriers 
enfante  des  prodiges  i  il  ne  s'agit  point  de  venir,  comme  autrefois,  s'emparer 
du  fruit  de  leurs  conquêtes ,  &  de  ne  les  en  récompenftr  eux  ou  leurs 
defcendans  ,  qu'en  les  rendant  durant  p'us  d'un  dtmi-fiëcle  le  jouet  continuel 
d't  fiais ,  de  tâtonnemens ,  de  pincipes  incohérens  &.  de  ks  vexer  fous  le  pré- 
texte qu'ils  ne  pouvi'.itnt  fe  pafi^lr  d'une  prottélicn  qui  fut  quelquefois  leur 
fléau  II  faut  maint,  nant ,  &  c'eft  à  coup  sûr  le  but  qu'on  fe  propofera ,  faire 
fortir  de  ce  qui  fera  relié  à  Saint-Domingue  de  fon  ancien  état,  les  moyens  de  le 


PRÉLIMINAIRE.  vij 

rendre  encore  un  jour  une  fource  de  richeffe  &  de  puillance  pour  la  France.  Dans 
ces  channps  tout  fumans  de  fang  &.  de  carnage ,  il  faut  faire  renaître  l'abon- 
dance ,  &  que  rafpeft  du  bonheur  foit  le  partage  d'une  terre  où  il  faut  enfevelir» 
s'il  ell  pofTible ,  jufqu'au  fouvenir  des  calamités  dont  elle  a  été  le  théâtre. 

Et  l'évidence  de  cette  vérité  une  fois  bien  établie  ,  quel  flambeau  plus  pré- 
cieux peut-on  prendre  pour  marcher  avec  afllirance  fur  cette  immenfe  furface  ^ 
que  celui  qui  fera  diftinguer  les  chofes  qui  y  fubfiftent  encore  &  reconnaître 
par  leurs  ruines  mêmes,  celles  qui  ne  font  plus  ! 

Qu'on  fuppofe  en  effet  une  portion  quelconque  de  la  Colonie  qui  aura  fouf- 
fert  le  plus  de  ravages  ;  par  exemple  ,  une  paroifîè  entière.  La  Defcription  à  la 
main,  la  plus  fimple  infpeflion  dira  ce  qu'elle  a  perdu  de  manufactures ,  d'ha- 
bitans ,  de  cultivateurs,  d'ctabliflTemens  publics,  de  relTources  de  tous  les 
genres  ,  &  de  cette  efpèce  de  revue  ,  douloureufe  il  eft  vrai ,  fortira  la  connaif- 
fance  des  pertes  qu'on  devra  réparer.  Se  celle  des  moyens  qui  reftent.  On 
connaîtra  encore  de  cette  paroifTe  fon  étendue ,  fon  fol ,  les  avantages  ou  les 
inconvéniens  de  fa  fituation  j  fa  température,  fes  produélions  ,  fa  minéraloo-ie 
fes  rivières,  leur  direftion  ,  fes  côtes,  leurs  ports  ,  leurs  mouillages,  &c.  &c. 
On  peut  même  juger  par  la  marche  progreflive  qui  l'avait  conduite  au  degré 
d'utilité  où  elle  était  parvenue  au  moment  de  la  révolution ,  ce  qu'on  a  raifon- 
nablement  droit  d'efpérer  pour  l'avenir.  Quelquefois  même  des  fautes  ou  des 
erreurs  que  des  obftacles  particuliers  avaient  fait  commettre  ,  feront  tout  indi- 
qués afin  qu'on  les  évite. 

Il  n'cft  donc  point  d'hypothèfe  où  l'on  puiffe  prétendre ,  avec  raifon  ,  que  la 
D«fcription  que  je  donne  aujourd'hui  n'efl;  plus  utile;  &  il  efl  fi  affreux  ,  j'ai 
prefque  dit  fi  abfurde  ,  de  fuppofer  la  feule  qui  puifïe  donner  du  poids  à  cette 
affertion  ,  c'eft-à-dire  ,  celle  de  la  perte  abfolue  de  Saint-Domingue  ,  par  l'impcf-- 
fibilité  de  le  ramener  à  être  une  Colonie  agricole  &  manufafturière  ,  que  je  la  re- 
pouffe avec  un  fcntiment  d'indignation  qui  a  mon  patriotifme  même  pour  principe,. 


vilj  DISCOURS 

Et  enfin  fi  ce  fort  réellement  déplorable  était  celui  qui  menace  Salnt-I>omin- 
gue  ,  il  ferait  néceffalre  encore  à  l'Hiftoire  des  Nations  de  réunir  un  chapitre  au 
grand  livre  de  l'expérience  ,  pour  montrer  ce  qu'a  été  ,  dans  fa  courte  exiîlence, 
une  Colonie  que  fa  nature  ,  fa  fplendeur  &  fa  deflru^lion  rendraient  le 
premier  exemple  de  ce  genre  dans  les  annales  du  monde.  Nous  recherchons 
avec  curiofité  les  ruines  des  anciens  établiiTemens  qui  ont  fait  la  gloire  & 
l'admiration  des  peuples  &  nous  recourons  à  de  pénibles  recherches  ,  à  de  fa- 
vantes  dilTertations  pour  arriver,  par  elles  ,  à  la  connaiffance  imparfaite  des  mœurs 
&  du  gouvernemeni  de  ces  peuples.  La  Grèce  ,  l'Itahe  appellent,  chaque  jour, 
les  obfervateurs.  Eh  bien!  avec  cet  Ouvrage,  on  méditerait  fur  Saint-Do- 
mingue ;  8v  fans  doute  on  peut ,  à  quelques  égards  ,  retirer  autant  de  fruit  de 
cette  contemplation  que  de  celle  des  débris  d'Herculanum ,  qu''on  va  tirer  du 
milieu  des  cendres  qui  les  recouvrent  depuis  tant  de  fiècles. 

Mais  mon  cœur  &  mon  efprit  rejettent  également  cette  fuppofition  ,  &  c'eil 
plein  de  confiance  dans  ma  Patrie  ,  que  je  publie  cette  Defcription. 

Je  dois  répondre  d'avance  à  une  obfervation  que  je  me  fuis  déjà  entendu  faire 
dans  des  entr'^ticns  privés  ;  c'eft  de  n'avoir  pas  établi ,  dans  cet  Ouvrage  ,  quel  eft 
rétataétuel  des  lieux  que  j'y  décris. 

Premièrement,  il  faudrait  que  j'adoptafTe  pour  cela  une  époque  quelconque,  & 
comme  je  ne  regarderai  jamais  comme  vrai ,  ce  qui  n'eft  pas  marqué  pour  moi 
au  coin  de  la  certitude  ,  je  laifferais  iurement  encore  un  intervalle  entre  cette 
époque  &  le  moment  oij  je  fais  paraître  ce  livre  ,  ce  qui  ne  me  garantirait  qu'à 
demi  du  reproche  j  miais  à  coup  sûr ,  cet  é:at  ne  ferait  pas  celui  où  la  paix 
trouvera  Saint-Domingue.  Je  me  ferais  donc  livré  à  des  travaux  pénibles  &; 
incomplets. 

D'ailleurs ,  comm.ent  aurais-je  pu  appliquer  à  cette  portion  ,  ma  méthode 
d'entrer  dans  des  détails  hiftoriques  pour  rendre  la  Defcription  plus 
curieufe  &   plus  inîéreiïante  ?   E  aurait  donc  fallu  parler  de  la  révolution  ,  &  je 

mç 


PRÉLIMINAIRE.  jx 

me  fuis  impofé  la  loi  de  montrer  Saint-Domingue  tel  qu'il  était  le  premier 
jour  que  la  révolution  s'y  eft  manifeftce.  Suis-je  en  ce  moment  affez  inftruit  pour 
parler  de  cette  révolution  avec  la  véracité  que  rien  ne  me  fera  jamais  abandonner  ? 
Le  moment  eft-il  venu  d'écrire  fur  la  révolution  coloniale  ?  —  Je  déclare  haute- 
ment que  je  ne  le  crois  pas. 

D'un  autre  côté ,  je  n'ai  ni  le  défir  ,  ni  la  prétention  de  m'ériger  en  juge  de  ce 
qui  s'eft  paffé  relativement  aux  Colonies  &  particulièrement  à  Saint-Domingue  j 
ni  en  confeiller  pour  les  mefures  qu'on  doit  adopter  à  leur  égard.  J'ai  publié 
depuis  plus  de  quinze  ans  la  réfolution  d'écrire  l'hiftoire  des  Colonies  &  là  je  ne 
négligerai,  ne  trahirai,  ni  n'excéderai  les  droits  qui  appartiennent  au  titre  facré 
d'hiftorien  ;  mais  dans  cette  hiftoire ,  je  diftingue  auITi  tout  ce  qui  a  précédé  la 
révolution  ,  &  1789  eft  encore  là  un  terme  qui  me  commande  un  repos.  C'eflau 
tems  &  aux  circonflances  à  rendre  publique  cette  portion  de  mes  veilles  :  au  tems 
parce  que  j'en  ai  befoin  pour  exprimer  mes  idées  &  les  rendre  dignes  du  grand 
jour:  aux  circonftanccs ,  parce  que  les  malheurs  perfonnels  que  j'ai  éprouvés 
depuis  la  révolution  ,  m'empêchent  de  calculer  ,  avec  certitude  ,  le  moment  où 
mon  zèle  ne  fera  point  enchaîné  par  des  motifs  que  je  n'ai  déjà  trouvé.^  que  trop 
impérieux. 

Je  ne  veux,  à  préfent ,  exprimer  furies  Colonies  qu'une  feule  penfée.  C'eft 
que  quelle  que  foit  la  deftinée  qui  les  attend  ,  quiconque  ofera  fe  mêler  de  les 
adminiftrer  fans  favoir  ce  qu'elles  ont  été  &  fans  fe  convaincre  qu'en  gouverne- 
ment ,  c'eft  toujours  par  la  comparajfon  du  point  d'où  l'on  eft  parti  avec  celui 
où  l'on  fe  trouve  ,  qu'on  doit  juger  celui  où  l'on  peut  arriver,  ne  fera  jamais 
propre  à  y  faire  ceflcr  le  défordre  &  à  les  rendre  encore  précieufes  pour  leur 
Métropole. 

Et  quel  eft  l'homme  raifonnable  qui  croit  qu'après  tous  les    chângemens  que 
la  France  a  éprouvés  depuis  huit  ans  ,  il  ferait  poffîble  qu'elle  fut  gouvernée  par 
~<eux  qui  ignoreraient  ce  qu'elle  a  été  auparavant  ?  C'eft  parce  qu'elle  eft  encore 
Tome  I.  jj 


N 


■**"•  ^  "" 


DISCOURS 

remplie  de  Français  &   d'hommes  qui   la  ccnnaiffent ,  qu'elle  eft  capable  cle« 
grandes  réiclutions  &  des  étonnans  fuccès   qu'on  admire. 

Mais  où  font  ceux  qui  connaiiTent  les  Colonies  ?  J'entends  par  là  non  pa& 
ceux  qui  les  ont  vues  ,  qui  même  les  ont  habitées ,  mais  ceux  qui  les  ont  étudiées 
fous  un  rapport  quelconque  &  qui  font  en  état  d'éclairer  fur  ce  qui  les  con- 
cerne. Peut-être  même  s'en  trouverait  -  il  encore  affez  d'exiftans  fi  on  les 
rêuniiïait  &  n  on  pouvait  les  interroger  tous  fur  les  pardes  qui  leur  font  le 
plus  familières  ;  mais  le  m.alheur  les  a  difperfés  par-tout ,  &  ce  malheur  n'il  pas 
îe  moindre  qu'ait  éprouvé  Saint-DomingLie. 

D'une  autre  part  ,  les  opinions  de  quelques  -  uns  &  la  prévention 
cruelle  qui  s'eft  élevée  contre  eux  &  qui  les  confond  tous ,  permettent-ils  qu'on 
fonge  à  les  confulter  ou  qu'on  veuille  croire  à  ce  qu'ils  diraient  de  plus  vrai  ? 
Et  c'eft  à  deux  mille  lieues  des  Colonies  qu'on  doit  ftatuer  fur  ce  qui  les 
concerne  l  N'y  eût-il  que  cet  inconvénient  infurmontable ,  quelle  raifon  pour 
chercher  des  lumières  &  pour  les  accueillir  I 

J'ofc  croire  que  je  ne  mg  livre  pas  à  un  mouvement  préfomptueux  en  difant 
qu'on  en  paifera  d'importantes  &  de  multipliées  dans  cet  Ouvrage.  Par  un  hafard 
qu'il  faut  trouver  heureux  ^  il  a  été  fait  à  une  époque  où  Saint-Domino-ue  était 
parvenu  au  fommet  de  la  profpérité  ,  &  on  y  trouve  affez  clairement  la  marche 
progrefTive  qui  l'avait  fait  arriver  à  ce  terme.  J'ai  décrit  l'état  de  cette  Colonie, 
jufqu'en  1789,  fous  les  yeux  de  fes  habitans  &  aidé  par  les  connaiffances  de 
beaucoup  d'entr'eux  &  par  la  bienveillance  qu'alors  je  pouvais  appeler  géné- 
rale. Si  même  je  m.e  cite  quelquefois,  fi  le  terrible  moi ^  toujours  défavorable 
pour  l'écrivain ,  eft  forti  fréquemment  de  ma  plume  ,  c'eft  pour  donner  la\ 
preuve  que  je  parle  avec  certitude  ;  c'eft  pour  augmenter  ,  relativement  à  quel- 
que fait,  la  confiance  que  j'ofe  croire  que  le  Lecteur  m'accordera,  &  pour 
mieux  rappeler  à  mes  contemporains  que  nous  avons  vu^  enfemble  ce  que  je- 
rerracc.   Il  n'eu:  pas  un  rapport  fous  lequel  lapins  belle  des.  Colonies  n'y  foit 


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PRÉLIMINAIRE.  ^4 

prcfcntéc:  adminiftrateur ,  commerçant,  agriculteur,  phyficien  ,  philofophe, 
marin  ,  homme  de  lettres,  tous  peuvent  y  trouver  dis  chofes  dignes 
d'atention. 

Jamais ,  &  ce  fait  ne  me  fera  pas  conteflé ,  jamais  aucun  pays  n'aura  été 
décrit  avec  autant  de  particularités.  Cette  entreprifc  ,  nul  ne  l'avait  formée  avant 
moi,  &  déformais  l'avantage  même  d'une  longue  priorité  fuffit  pour  que  je 
puiflê  dire  qu'elle  ne  ferait  tentée  par  perfonne.  D'ailleurs ,  commuent  retrouver 
ce  que  je  pofsède  feul  depuis  les  évènemens  arrivés  à  Saint-Domingue  ?  Com- 
ment faire  renaître  toutes  les  circonflances  qui  ont  nourri  &  quelquefois  fécondé 
un  zèle  que  tout  s'était  plu  à  encourager  &  que  tous  les  fuffrages  femblaient 
avoir  voulu  récompenfer  d'avance?  Il  eft  donc  vrai  que  c'eft  de  moi  feul  qu'oa 
peut  attendre  l'ouvrage  que  j'offre  en  ce  moment  au  Public. 

Il  eft  tel  qu'il  eft  forti  de  ma  plume  ,  fi  l'on  excepte  quelques  réflexions ,  qui 
pouvaient,  huit  ans  plutôt,  porter  un  caractère  de  courage  ,  &  auxquelles  j'ai 
craint  qu'on  n'en   prêtât  un  autre  qui  m'aurait  bleffé. 

C'eft  donc,  en  confervant  toujours  cette  idée,  que  j'ai  écrit  j  ufqu'en  1789,  qu'il 
faut  lire  cette  Defcription,  où  plufieurs  chofes  auraient  befoin  d'excufe  fi  elles 
avaient  une  date  plus  récente.  Il  faut  même  remarquer  que  je  dis  dans  plus 
d'un  endroit  ^^//<r  «»;?f'^  :  expreffion  qui  fe  rapporte  toujours  à  1789;  &  qu'en 
défignant  ou  des  époques  paffées  ou  des  époques  futures  ,  fans  les  marquer 
autrement  qu'en  difant  il  y  a  tant  d'années  ou  dans  tant  d'années  ,  c'eft  encore  de 
1789  qu'il  faut  partir  pour  les  compter. 

Quelque  amour-propre  qu'on  puiffe  foupçonner  dans  cette  obfervation ,  je 
dirai  néanmoins  qu'il  n'eft  pas  de  Colon  de  Saint-Domingue  pour  lequel 
la  defcription  des  objets  qu'il  connait  le  mieux  n'aura  pas  quelque 
chofe  de  nouveau,  parce  que  perfonne  n'a  employé  comme  moi  quatorze 
années  à  chercher,  foit  dans  la  Colonie  foit  au  Dépôt  fi  précieux  de 
Vcrfailles,  les  détails  hiftoriques  de  manière  à  retracer  plufieurs  origines.  C'eft 

b  2 


?ij  DISCOURS 

encore  un  caractère  particulier  à  cet  Ouvrage  que  de  dire  le  premier  une 
multitude  de  faics  déjà  vieux  pour  Saint-Domingue,  oij  la  nature  détruit  vite 
parce  qu'elle  eft  occupée,  fans  relâche,  de  reproduftlon. 

J'ai  adopté  dans  mon  plan  les  divifions  civiles  de  la  Partie  Francaife  de 
Saint-Domingue  comme  les  plus  fimples  &  les  plus  généralement  connues.  Je 
me  fi.is  arrê;é  avec  une  forte  de  complaifance  fur  les  divers  établiflemens  publics, 
parce  qu'ils  prouvent  quels  progrès  la  civilifation  avait  faits  dans  cette  Colonie , 
&  qu'ils  font  miieux  relTortir  l'importance  qu'elle  avait  acquife.  J'ai  blâmé  & 
quelquefois  même  avec  force ,  mais  je  n'héfite  point  à  dire  que  i'en'ploi 
que  je  me  fuis  permis  de  ce  moyen  que  l'écrivain  a  droit  d'employer ,  eft 
juftifié  par  l'ufage  miême  que  j'en  ai  fait.  Pourquoi  ne  m'a-t-il  pas  été  toujours 
permis  de  fuivre  le  penchant  de  mon  cœur  &  de  louer  fans  ceffe  L 
Je  n'en  ai  pas  perdu  une  feule  occafion,  &  le  Lecteur  trouvera  furement  plus 
d'une  preuve  du  plaifir  que  j'ai  goûté  en  citant  les  hommes  que  leurs  vertus  ou 
leurs  talens ,  &.  quelquefois  la  réunion  des  unes  Se  des  autres  ont  rendus  dignea 

d'éloge. 

Je  ne  me  fuis  cependant  pas  diflimulé  ,  depuis  que  le  foin  de  l'imprefTion  de 
mon  livre  en  a  remis  toutes  les  parties  fous  mes  yeux ,  qu'il  eft  des  hommes 
que  la  haine  ou  l'affection  préfente ,  depuis  la  révolution  y  fous  des  couleurs  bici. 
différentes  de  celles  que  j'ai  employées  pour  les  peindre.  Mais  je  répète  que 
je  finifTais  d'écrire  avec  1789,  &  je  crois  de  ma  probité  d'écarter  ce  que  j'ii 
entendu  ,  &  ce  que  j'ai  vu  depuis  lors  ;  ou  bien  il  me  faudrait  renoncer  à 
la  confiance  que  j'ai  voulu  infpirer ,  en  déclarant  que  j'avais  éloigné  de  moi ,  avec 
un  fcrupule  religieux  ,   tout  ce  qui  n'avait  pas  précédé  la  révolution. 

Il  me  refiera  encore  à  publier  l'Hiftoire  de  Saint-Domingue  ;  j'ai  aufïï  en 
réferve  des  traités  complets  fur  les  différentes  cultures  coloniales.  Le  Public  en 
recevra  pareillement  l'hommage,  fîmes  vœux  qui  n'ont  jamais  pour  objet  que 
l'utilité  de  tous,  ne  font  pas  contrariés. 


PRÉLIMINAIRE.  xiij 

Je  ne  puis  ni  ne  dois  me  flatter  que  ce  livre  n'aura  point  de  détrafteurs. 
Comme  je  ne  facrifierai  jamais  mon  opinion  à  aucune  confidération  ,  je  n'attends 
ni  ne  veux  ce  facrificc  de  perfonne.  Je  place  au-defîus  de  tout,  la  France  &  Ton 
bonheur,  &  je  compterai  pour  rien  tout  ce  qui  tendra  à  nuire  au  livre  par  des 
motifs  fauflement  prêtés  à  Ton  Auteur.  Rien  ne  me  fera  facrifier  la  vérité  :  lorf- 
que  je  la  montrerai  elle  fera  toute  nue. 

Je  ne  prétends  cependant  pas  rejetter  des  obfervations  Se  même  des  critiques 
fondées  :  je  les  provoque  ,  au  contraire.  L'erreur  eft  l'appanage  de  l'homme  & 
j'adreffe  d'avance  des  actions  de  grâce  aux  petfonnes  qui  m'auront  affez  bien  jugé 
pour  croire  que  je  n'ai  commis  que  des  fautes  involontaires. 

Ce  témoignage  &  celui  que  nul  autre  intérêt  que  l'utilité  de  mon  pays  ne  m'a 
fait  prendre  la  plume  ,  font  écrits  au  fond  de  ma  confciçnee.  Si  la  France 
retire  le  moindre  fruit  des  vérités  que  je  publie  en  cet  inftant  ,  mes  longues  & 
pénibles  recherches  ne  feront  que  trop  récompenfées.  PuifTe-t-elle  y  voir  une 
preuve  nouvelle  des  fentimens  que  je  lui  ai  jurés  &  auxquels  je  mourrai  fidelle  1 


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d^-'tX^ti^^ 


AVERTISSEMENT, 


L'Atlas  dont  je  parle  plufieurs  fois  dans  cet  Ouvrage  en  eft  cependant  affez 
indépendant  pour  que  l'on  puifle  prendre  l'un  fans  l'autre  ;   il  eft  facile  néan- 
moins  de  concevoir  qu'une    Defcription   acquiert  bien  de  la  clarté  par   des 
plans  &  des  vues  perfpeftives  (  i  ). 

J'avais  d'abord  penfé  à  ne  mettre  qu'une  Table  générale  des  Matières  de 
tout  l'Ouvrage  à  la  fin  du  lecond  volume  ;  mais  réfléchiiïant  que  la  recherche 
des  détails  defcriptifs  veut  qu'on  recourt  fouvent  à  la  Table,  j'ai  cru  me  rendre 
plus  agréable  au  Leéleur  en  en  faifant  une  pour  chaque  volume. 

Je   me  fuis  félicité  auffi  de    ce  qu'une  divifion   naturelle  formait  celle  des 
deux  volumes.   La   Partie  du  Nord  &   rWe  la  Tortue  compofent  le  premier 
tandis  que  le  fécond  renferme  la  Partie  de  l'Oueft  avec  llfle  la  Gonave  •  la 
Partie  du  Sud  avec  l'Ifle  à  Vache,  &  les  débouquemens  de  Saint-Domingue 

Il  pourra  arriver  qu'en  calculant  la  population  ou  le  nombre  des  manufaéTures 
quelconques  de  l'une  des  Parties  de  la  Colonie  ou  un  autre  objet  d'après  la 
defcription  de  chaque  paroiffe ,  on  ne  trouve  pas  un  réfultat  femblable  ^ 
l'énoncé  général  que  je  place  à  la  tête  de  la  defcription  de  chacune  des  trois 
Parties,  mais  cet  énoncé  je  l'ai  tiré  des  recenfemens  fournis  par  l'Adminiftra- 
tion,  tandis  que  les  autres  documens,  je  les  ai  recueillis  dans  les  faroifles 
mêmes,  &  avec  plus  d'exaftitude.  C'eft  donc  à  ces  derniers  que  la  préférence 
doit  appartenir. 

Commej'ai  employé  plufieurs  termes  confacrés  par  l'ufage  à  S.int-Domin- 
gue.   J'ai   cru  devoir  en  donner  une  explication  concile  mais  fuffifante  pour 


(i  )  Le  prix  de  cet  Atlas  eft  de  huit  gourdes» 


i 


x« 


xvj  AVERTISSEMENT. 

que  cette  efpèce  de   nomenclature  coloniale  ne  puiffe  arrêter  aucun  Ledeur  ; 

d'autant  que  la  Table  des  Matières  peut  encore  fervir  de  fupplément  à  cet 

égard. 

Pour  garantir  le  Public  de  l'inconvénient  de  contrefadions  qui  fourmille- 
raient néceffairement  de  fautes  dans  les  noms  propres  des  perfonnes  ,  des  lieux 
&  des  chofes ,  j'ai  jugé  utile  de  mettre  ma  fignature  à  chaque  exemplaire  ,  à  la 
fin  de  cet  Avertiffement.  • 


EXPLICATION 


Wiim  I 


«t^ww^^nMimnuH^miMijuw  iiu»i.M>itiiu.-'M'n.i.n-Li»'-i...B'_v  i^^.ivrtarn 


EXPLICATION 


De    quelques    termes    employés    â  Sai7it-Dcmin^ue 

ce    Premier   Volume, 


a  an  s 


A.  L'ufage  du  figne  du  datif  remplace  fouvent , 
à  Saint-Domingue  ,  celui  du  génitif-".  Ainfi  au 
lieu  de  dire  L'iiabitation  GalifFec  ou  de  GalifFet, 
on  dit  riiabitation  à  GalifFet  ,  la  café  à  un 
tel ,  la  rhière  «  Mancel  ,  la  ravine  à  Pré- 
voll ,    &c. 

AcuL.  Signifie  ,  à  Saint-Domingue  ,  un  enfon- 
cement. 

AjouPA.  Petite  hutte  baffe  ,  en  forme  de  toit , 
faite  de  quelques  petits  pieux  &  couverte  de 
feuillages. 

Argent.  L'exprelîion  -argent  ries  Colonies  ,  ou 
Amplement  des  Colonies  ,  après  une  fomme  , 
doit  être  entendue  du  taux  de  la  monnoie  colo- 
niale de  Saint-Domingue ,  où  la  piallre-gourde 
vaut  iuit  /ivres  cinq  Joics. 

Argent  de  France  ou  feulement  de  France  , 
veut  dire  ,  fur  le  pied  de  la  monnoie  courante 
de  France  ,  qui  vaut  50  pour  cent  de  plus  que 
la  monnoie  courante  de  Saint-Domingue  j  de 
forte  que  les  huit  livres  cinq  fous  de  la  piaftre- 
gourde  ne  font  que  cinq  livres  dix  fous  , 
argent  de  France  ou  tournois;  Se  que  cent 
livres  de  France  valent  cent  cinquante  livres 
de  Saint-Domingue. 

Quand  on  trouve  une  fomme  fans  aucune 
défignation  particulière  ,  c'efl  toujours  argent 
des  Colonies  qu'il  faut  l'entendre. 

£.\c  A  Vesou.  Vafe  de  bois  ou  de  maçon- 
nerie dcfdné  à  recevoir  le  jus  des  cannes  à 
fucre ,  en  attendant  que  les  chaudières  en  ayent 
befoin  pour  le  cuire. 

Bois  Debout.  Bois  compofé  d'arbres  fur 
pieJ. 

Tome  /, 


Bois  Debout  (  Faire  un  ).  Abattre  les  arbrea 
qui  couvrent  un  terrain. 

Bois  de  Fardace.  C'eft  le  bols  d'arrimaye 
pour  remplir  les  vides  entre  ks  objets  àt  ïa 
cargaifon  d'an  vaifîeau. 

Boucan.  Lieu  où  l'on  fut  rôtir  ou  ^rrlUer  dea 
viandes  ,  en  les  perçant  de  morceaux  de  Lois 
en  guile  de  broches  ;  ou  bien  où  l'on  expose 
des  viandes  ou  d'autres  fubltances  à  l'aftion  dg 
ia  rumee. 

Boucaner.  Faire  rôtir,  gr;iJer  ou  fumer  des 
vjandes  ,  du  poifTon  ,   &iz. 

Boucanier.  Nom  donne'  auY  premiers  habi- 
tans  chafTeurs  de  Saint-Domingue  ,  à  caufe  de 
leur  ufage  de  faire  rôtii-  ou  griller  des  viandes 
dans  un  boucan. 

Boucherie  Maronne.  Boucherie  accidentelle 
&  qui  fe  fouftrait  aux  règles  de  la  police. 

Brise.     EU  fynonyme  de  vent. 

; de  terre,  elt  le  vent  qui  vient  de  l'inté< 

rieur  de  l'ile. 


•  du  large,  eft  le  vent  qui  vient  de  la  mer. 

•  carabinée  ,    efl  une  brife  violente. 


Cal  le.  Mot  venu  de  PEfpagnoI.  Calle  ,  Det'te 
rue,  petit  paffage.  En  Francnis  .  c'./t"  une 
avancée  fur  la  mer  ,  pour  embarquer  &c  dC 
barquer. 

Carabiné  ,    Carabinje.      Adjcdif  qui  ej. 


I 


EXPLICATION  BE  ^JEL^JÊS  TERMES. 


Quand  il  fe  rapporte  au  vent   Se 
Pojiucle  quand  il  ie  rapporte  à  un  chemin. 

Carreau.  Étendue  de  terrain  qui ,  à  Saint- 
Domingue  ,  comprend  cent  pas  de  trois  pieds 
&  demi  en  carré.  Dans  d'autres  Colonies 
comme  la  Guadeloupe  &  Ciyenne  ,  le  carreau 
-n'a  que  cent  pas  de  trois  pieds  feulemeiit  en 
carré. 

Le  carreau  de  Saint-Domingue  a  environ 
trois  arpens  vingt-cinq  trente-deuxièmes  de 
Paris ,  Si  plus  d'an  acre  un  quart  anglais. 

Case.  Mot  fouvent  fynonyme  aux  Colonies  avec 
cel'ai  de  I,L::j'jn.  Cependant ,  en  général ,  il 
déngne  une  conllrudion  de  médiocre  impor- 
tance. 

Che?^in  ccrrahiné.  Ciiemm  qu'on  a  obftrué  ex- 
près pour  en  interdire  Paccès. 

Caye.  Banc  ou  Roche  qui  efl  dans  l'eau. 
£cueil. 

Corail.  Lieu  fpéciaiement  deftiné  à  élever  des 
cochons.  ^ 

Coupe.  Point  par  lequel  un  chemin  fait  fran- 
ciiir  une  chaiiiê  de  montagnes. 

Défriche.     Svnonyrr.e  de  défrichement. 

Embarcadère.  Lies  oii  l'on  embarque.  On 
dit  au3i  quelquefois  Débarcadère  pour  dé- 
figaer  un'  lieu  de  débarquement.  Msjs  le  ieul 
'  iîK>t  eiTibarcadère  emporte  maintenant  la  dou- 
ble idée  d'embarquer  &  de  débarquer.  Il  vient 
de  rEfoaj'-'iol. 


Ester.  Autrefois  Ex-terre.  Nom  donné  à  des 
parties  marécageufes  &  noyéss  ,  formées  le 
long  des  côtes  par  des  alluvions  _  ^ 
retraite  de  la  mer  ,  &  qui  font  pour  ainf  dire, 
extra  terra  ,  au-delà  de  la  terre  ,  da  terrain 
folide  dont  ces  elbers  fout  même  quelquefois 
détachés. 

Étage.  Comme  les  défricheœens  ont  commen- 
ct  le  long  du  rivage  &  que  ce  n'eft  que  par 
lUCcefEon  de  tems  qu'on  a  défriché  fupérieure- 
ment  ,  en  gagnant  vers  l'intérieur ,  on  a  ap- 
p3]lé  la  féconde  ,  la  troifième  ligne  dès  défri- 
chemcns  &c  ,  le  fécond  ,  le  troifisir.e  étage. 
Far  une  an?iogie  tii-ée  de  cette  expreffion ,  en 


dit  qu'une  habitation  ell:  aux  étages  de  tel!% 
autre  ,  lorfqu'une  ligne  tirée  de  la  mer  vers 
l'intérieur  &  pafîant  par  la  première  habitation 
va  ,  dans  une  difcance  quelconque  ,  rencontrer 
celle  qui  eft  à  fes  étages. 

Flibustier.  Nom  venu  de  Flj-hoot ,  ou  Fly^' 
boat ,  barque  légère  ,  marchant  vite.  Comme 
les  premiers  habitans  de  Saint  -  DominguC 
étaient  prefque  tous  occupés  de  la  courfe  fur 
mer  ,  ils  reçurent  le  nom  de  Flibufîiers  fous 
lequel  ils  firent  les  exploits  les  plus  étonnans. 

FouRQ^  Bifurcation.  Ainfi  le  fourq_  d'un 
chemin  eft  l'endroit  où  ce  chsmin  fe  divife  en 
deux  ou  même  en  un  plus  grand  nombre  de 
branches. 

GiiNERAL.  C'éft  l'exprefîion  dont  on  fe  fert  !e 
plus  communément  pour  défigner  le  gouver- 
neur-général de  la  Clouie  ,  qu'un  appelle 
même  Gé;isral  ,  ou  mon  Général  ,  en  lux 
parlant. 

. &  IrvTEN'DAXT  (  MM.  les  ).  Expreiîîon 

qu'on  em.ploye  pour  parler  colleftivement  du 
Général  &  de  l'Intendant  ,  au  lieu  de  dire 
M.  le  Général  &  M.  l'Intendant. 

Gourde.  — A'oy.  Fiafîre-gourde. 

Habituer  un  terrain  ;   le  défricher. 

Hatte.     Mot  tiré  de  l'Efpagnol  k  qui  figniiïe 
Haras  ,   lieu  où  on  élève  des  beftiaax. 

Lagon.     Marécage  ,  lieu  noyé. 

Lieue.     Exprime  ,  dans  cet  ouvrage  ,  une  éten- 
due de  deux  mille  tcifes  de  iix  pieds  français. 


par  la      Livre.  —  Voy.   Argent. 


Mante  GUE.  GraiiTe  de  cochon  fondue  ;  yâ;'.'?- 
doux. 

Marittgouiii.  L^^e£l^  bourdonnant  très-ref- 
femblant  au  coujîn  de  France  &  dont  les  pi- 
qôi-es  font  cuifantes. 

Marcn.  Sauvage  ;  qui  habite  les  bois  j  les 
forets  ;   fjgiîif. 

MoKKCiE.  —  Ycy.  J'r^fa?. 


% 


BH 


EXPLICATION  DE  ^UEL^UËS  TERMES. 


x\% 


MoKNE.     Montagne. 

MonNET.     Petite  montagne  ;  mocùcule. 

MousTiQDE.  Petite  mouche  prcfqu'im percep- 
tible ,  dont  l'aiguillon  pcaètrc  la  peau  &:  y 
cauic  une  vive  doulcuF. 

Passi.  P.i/nige  ,  iflbe  vers  un  mouillage,  une 
côte.  —  Point  ou  uns  rivicre  elt  guéable. 

Piastre  -  Gourde.  Monnoie  d'Efpagne  va- 
lant cinq  livres  dix  fous  de  France.  On  l'ap- 
pelé aulîi  jimplement^««r^V.';  &  on  la  dillingue 
ainfi  de  la  piaftre  fimple  qui  était  une  ancienne 
monnoie  d'Efpagne  ,  qu'on  ne  voit  plus  dans 
la  circulaciou  £i  qui  valait  huit-onzièmes  de  la 
piallre  gourde. 

On  appelé  gourdin  la  pièce  qui  elt  le  quart 
de  la  piaihe-gourde. 

Racadeau.  Efpèce  de  petite  mouche  dont 
la  piqûre  caufe  une  forte  douleur  &  lailfe  une 
efpcce  d'auréole  cramoilie. 

Raqjje.  Lien  quelquefois  no)'é  ,  mais  toujours 
bas  ,  où  font  de  petits  arbres  rabougris. 

Savane.     Pr-iirie  naturelle. 

Sucre.  ^o>r.  Terrer  le  fucre. 


Tache.  Feuille  du  Palmier. 

Terrer  (  le  Sucre  )  C'eft  le  foumettre  à  l'ac- 
tion de  l'eau  mife  en  état  de  fufpenfion  dans 
une  certaine  quantité  de  terre  très-battue  ;  cette 
eau  ,  en  filtrant  depuis  la  partie  large  de  la 
forme  de  fucre  jufqu'à  fon  fommet  qui,  dans 
cette  opération,  fe  trouve  inférieurement  placé, 
lave  les  crillaux  du  fucre  &  emporte  de  leur 
furface  toutes  les  parties  firupeufes  qui  y  étaient 
encore  unies.  Delà,  l'expreifion  Sucre /erre  fOur 
défigner  le  fucre  qui  a  fubi  cette  aftion. 

Tournois.  P'ej.  Argent. 

Vide  d'un  moiùlin.  C'eft  l'eau  fortant  de  fon 
canal  après  qu'elle  l'a  fait  mouvoir. 

•—-- ; d'une  Indigoterie.  C'eft  le  canal  qui  char» 

rie  l'eau  qu'on  a   fait  fervir  à  la    macération 
de  l'indigo. 

Vivres  de  Terre.  C'eft  l'appelation  généri- 
que par  laquelle  on  défigne  colleaivement  les 
racines  telles  que  le  manioc  ,  la  patate  ,  le  tayo 
ou  choux  caraïbe  ,  l'igname,  la  couche-couche 
&c. 


du  Pays.  C'eft  ,  outre  les  vivres  de  terre, 

les   bananes  ,   les    figues-banaues ,    les    pois? 
le  mahis ,   &c. 


^■****-'^'-'-'^ ""--■""  '  -    " ■^■.      -.-t>^^ 


ERRATA. 

Du  Premier  Volume* 

dère  de  la   Petite -Anfei 
12  ,  lifez  :    2  lieues. 
II,  mettez  au-deffous  en  titre; 

Ville  du  Cap. 
10,  lifez  :  nef. 
25  ,  effacez  :   général. 
27  ,  lifez  :  fecretaire. 
8 ,  au  lieu  du  9  ou   10  ;  lifez  : 

du  9  au  10. 
21  ,  au  lieu  de  Trivial ,  lifez,: 

Tréval. 

^ant  «ti!<  fautes  furmm  typographiques  >  h  USieur  ,v?  înfiamment  prié  d'y  fuppUir. 


Pacs    47, 

ligae  i«re.  au  Heu  de  nmmt ,  lifez  : 

contre. 

217. 

go. 

30  ,  lifez  :  Occidentaux. 

296, 

121  , 

9,  lifez  :  Artau. 

143. 

3^  '      lifez  :  \  Daxabon. 

1ère.,                j 

336' 
38s  > 

150, 

151  » 

10 ,  au  lieu  àt/aurt ,  lifez  : 

507. 

faut. 

600, 

217, 

10  ,  au   lieu  de  :  Au  bourg  du 

Cartier  -  Morin  ,  lifez  : 

69s 

Au  bourg  de  l'embarca- 

^ 


«pn 


DESCRIPTION 

T  O  P  O  G  R  A  P  H  I  Q_U  E     et     P  O  L  I  T  I  QJJ  E 

DE  LA 

PARTIE     FRANÇAISE 


D        E 

L'ISLE       SAINT-DOMINGUE. 


_L(A  Partie  Françaife  de  l'île  Saint-Domingue  eft  ,  de  toutes  les  pofleffions  de  la 
France  dans  le  Nouveau-Monde  ,  la  plus  importante  par  les  richelTes  qu'elle 
procure  à  fa  Métropole  &  par  l'influence  qu'elle  a  fur  fen  agriculture  &  fur  fon 
commerce. 

Sous  ce  rapport,  la  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue  eft  digne  de  l'ob- 
fervation  de  tous  les  hommes  qui  fe  livrent  à  l'étude  des  gouvernemens ,  qui 
■cherchent  dans  les  détails  des  différentes  parties  d'un  vafte  état,  les  points 
capitaux  qui  peuvent  en  éclairer  l'adminiftration  ,  &  montrer  les  bafes  réelles  du 
meilleur  fyftème  de  profpérité  publique. 

La  connaiflance  particulière  de  la  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue,  peut 

encore  intéreffer  l'.homme  qui,  fans  faifir  l'enfemble  dont  je  viens  de  parler, 

défire  connaître  les  mœurs ,  le  caraélére ,   les  produftions ,  la  population  &  le 

commerce  d'une   Colonie ,   que   fon   éloignement   même   de   la  Mère -patrie  ^ 

Tome     L  .  ^ 


1 


1  DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

empêche  de  lui  reffembler,  &  dont  la  perte  ou  la  confervation  efc  un  des  plus 
grands  événe mens  fur  lequel  elle  ait  à  méditer. 

Enfin  le  philofophe ,  le  naturalifle  ,  l'agriculteur  &  prefque  tous  ceux  que  la 
contemplation  phyfique  ou  morale  de  la  nature  occupe,  ne  peuvent  voir  fans 
fruit  le  tableau  fidèle  d'un  établiliement ,  placé  ibus  le  ciel  de  la  Zone  torride  & 
dont  le  fort  peut  influer  fur  les  deftinées  de  la  France. 

Mais  tous  les  motifs  que  je  viens  de  rappeller  ,  comme  propres  à  faire  défirer  la 
Defcription  de  la  Partie  Françaife,  acquièrent  encore  une  nouvelle  force  quand  on 
remarque  que  la  propriété  de  l'île  efc  partagée  entre  deux  nations ,  qui  ont  dû 
adopter  des  vues  particulières  à  chacune  d'elles,  relativement  à  leurs  colonies» 
parce  qu'elles  ont  dans  les  principes  de  leur  gouvernement,  &  même  dans 
leur  caraftére  ,  des  différences  remarquables.  Ainfi ,  une  peinture  exaéle  de 
la  totalité  de  l'île  Saint-Domingue ,  doit  avoir  le  double  avantage  de  faire 
connaître  le  génie  Français  &  le  génie  Efpagnol ,  agiflant  à  de  grandes  dif- 
tances,  &  de  montrer  quel  genre  de  moyens  l'uii  &  l'autre  a  fait  fervir  à  fes 
defîeins. 

C'eft  dans  la  periu.îfion  qu'on  pouvait  retirer  un  grand  fruit  de  cette  Defcription 
générale  ,   que  je  me  fuis  déterminé  à  l'entreprendre  (*). 


JLiA  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue  ,  forme  la  portion  Occidentale  ds 
cette  île  im.menfe  ,  dont  les  Efpagnols  occupent  abfoiument  l'Orient..  Mais  elle 
n'offre  pas ,  comw.t  la  Partie  Efpagnole ,  une  furface  d'une  longueur  à-peu-près 
égale  ,  &  peu  variable  dans  fa  largeur.  Saint-Domingue  Français  a  une  fio-.jre 
irréguliêre  ,  produite  par  une  double  caufe  ;  l'une  eft  la  direéllon  finueufe  de  la 
ligne  des  limites  qui  fépare  le  territoire  des  deux  nations ,  &  l'autre  deux  pointes 
de  terre  inégales ,  ou  plutôt  deux  prolongemens ,  qui  partent  du  bord  Sud  &  du 
bord  Nord  de  l'île  ,  pour  courir  dans  l'Ouefb ,  &  qui  laiffent  entr'eux  une  efpèce 
d'enfoncement  ou  de  petit  golfe. 


(*)  L'accueil  qu-e  le  Public  a  daigné  faire  à  la  publication  de  la  Defcription  de  la  Partie 
Efpagnole,  que  j'ai  imprimée  à  Philadelphie  l'amiée  dernière  1796  ,  ell:  tout  à-la  fois  ,  &  un  véhicule 
de  pins  pour  mon  zèle  ,  &  un  fevorable  augure  pooT  cç  qui  a  rapport  à  k  Partie  Françaife. 


PRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         j 

Ktendue  de  la  Partie  Françaife. 

Le  prolongement  Méridional  qui  eil  le  plus  allongé  ,  puifque  fon  extrémité  eft 
de  trente  lieues  plus  Occidental  que  l'autre  ,  a  environ  foixante-quinze  lieues  de 
long ,  comptées  depuis  la  limite  jufqu'à  cette  extrémité,  fur  une  largeur  qui , 
variant  depuis  fept  jufqu'à  quinze  lieues,  peut  être  évaluée  à  onze  lieues  de 
largeur  moyenne. 

Le  prolongement  Septentrional  a  environ  cinquante  lieues  de  long  ,  mefurées 
aufTi  depuis  la  ligne  des  limites ,  qui  là  fe  trouve  un  peu  plus  reculée  dans  l'Eft  , 
jufqu'au  point  oîi  ce  prolongement  finit  dans  l'Oueft ,  fur  une  largeur  variable 
depuis  fix  jufqu'à  quinze  lieues,  &  qu'on  peut  eftimer  à  douze  lieues  de  largeur 
moyenne. 

L'efpace  qui  refte  enfuite  entre  ces  deux  pointes ,  &  qui  borde  le  fond  du 
petit  golfe  ,  pré  fente  à  fon  tour,  une  bande  d'environ  trente  lieues  du  Nord  au 
Sud  ,  fur   une  largeur  moyenne   de  dix  lieues  de  l'Eft  à  l'Oueft. 

D'après  ces  données ,  qui  offrent  un  réfultat  d'environ  dix-fept  cens  lieues 
carrées  ,  &  confidérant  que  la  Partie  Françaife  eft  très-montueufe ,  on  peut 
évaluer ,  la  furface  totale  de  cette  colonie  ,  à  deux  mille  lieues  carrées  ;  lefquelles 
réunies  aux  trois  mille  deux  cens  lieues  carrées  ,  déjà  trouvées  ,  à-peu-près  , 
pour  la  Partie  Efpagnole  ,  offrent  pour  la  furface  totale  de  l'île  St-Domingue  , 
cinq  mille  deux  cens  lieues  carrées,  dont  la  Colonie  Françaife  ne  forme  guères 
plus  du  tiers ,  quoique  ,  par  fa  configuration  ,'  elle  ait  au  moins  cinquante  lieues 
de  côtes  de  plus  que  le  territoire  Efpagnol. 


Bes  Montagnes  &  des  Plaines. 

La  Partie  Françaife  eft  ,  comme  celle  qui  l'avoifme ,  compofée  de  parties 
montueufes  &  de  parties  planes ,  mais  ce  font  les  premières  qui  font  les  plus 
nombreufes.  Elles  forment  des  chaînes  que  l'on  peut  appeller  principales,  &  qui 
font  des  prolongemens  de  celles  de  la  Partie  Efpagnole ,  dont  on  a  vu  dans  la 
defcnption  de  cette  partie  ,  que  le  groupe  ou  centre ,  était  en  quelque  forte  au 
Cibao.  J'ai  même  dit  que  la  première  chaîne  de  ce  groupe  fe  prolonge  par  une  de 

A   2 


\  .! 


DES 


CRIPTION    DE    LA     PARTIE 


Tes  branches  jufques  vers  le  Port-de-Paix,  en  fe  fubdivifant  pour  arriver  au  Cap 
du  Môle  Saint -Nicolas  ;  tandis  que  d'autres  cliaînes  vont  gd^gmx  \t  Dondon ,  la 
Marmelade ,  \t  Gros  Morne ,  les  Gondhes  ,\t  Mirebalais  ,  &  s'étendent,  par  des 
embranchemens  faccefTifs  ,  jufqu'à  l'extrémité  de  la  pointe  qui  fe  termine  vers 
le  Cap  Tiburon.  ^ 

De  ces  chaînes  principales,  qui  courent  à-peu-près  de  l'Eft  à  l'Oueft ,  fe 
détachent j  comme  je  l'ai  fait  remarquer  en  parlant  de  l'île  en  général,  des 
chaînes  fecondaires  qui  parcourent  fa  furface  en  différons  fens,  &  qui  fe  dirigent 
vers  la  mer.  C'eft  entre  elles  que  font  placées  les  plaines  françaifes ,  qui  ne 
diffèrent  de  celles  que  nous  avons  adnnirées  dans  la  Colonie  efpagnole,  que  parce 
qu'elles  font  moins  étendues. 

Quant  aux  montagnes  que  je  confidère  comme  les  premières  chaînes,  elles 
occupent  à-peu-près  le  miheu  de  chacune  des  deux  pointes  de  la  Partie 
Françaife,  mais  leur  hauteur  eft  plus  confidérable  dans  la  pointe  Méridionale. 

Les  Montagnes  de  la  Partie  Françaife  fervent ,  comme  celles  de  la  Partie 
Efpagnole  ,  à  faire  varier  k  climat,  qui  dépend,  dans  l'une  comme  dans  l'autre, 
de  leur  hauteur ,  de  leur  proximité ,  de  la  m.anière  dont  elles  Ibnt  placées  par 
rapport  au  vent  dominant,  &  de  plufieurs  circonftances  que  Ton  peut  appeller 
accidentelles.  Mais  en  général,  la  Partie  Françaife  eft  plus  chaude  &  plus  expofée 
aux  féchereffes  qu'on  voit  devenir  &  plus  fréquentes  &  plus  longues,  depuis  que 
par  une  avidité  qui  compte  l'avenir  pour  rien ,  &  qui  trompe  fouvent  fur  la  valeur 
du  préfent  ,on  a  abattu  les  bois  qui  couvraient  ces  points  élevés  ,  qui  y  aopellaient 
des  pluies  fécondes ,  qui  y  retenaient  des  rofées  a'oondantes  ^  &  une  humidité  don& 
des  forêts  prolongeaient  encore  l'utile  influence. 

Je  répète  ici,  qu'il  ferait  impoffible  de  donner  une  defcription  qui  convînt  à 
toutes  les  montagnes,  &  j'adopterai  la  même  méthode  que  pour  la  Partie 
Elpagnole  :  c'eft-à-dire  ;  que  je  placerai  aux  lieux  qui  leur  font  particuliers  ,  les 
détails  propres  à  faire  bien  juger  de  ces  portions  du  territoire  français. 

Le  m.ême  motif  veut  le  même  ordre  de  chofes  à  l'égard  des  plaines,  entre 
lefquelles  j'aurai  des  différences  fenfibles  à  faire  remarquer.  Et  fi  l'on  veut  fe 
rappeller  ce  que  j'ai  dit  à  cet  égird  dans  la  Defcription  de  la  Colonie  efpagnole,, 
5in  fera  convaincu  de  l'avantage  de  cette  méthode. 


,V 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.  5 

Royaumes  dont  dépendait  ,Johs  les  Caciques  ,  ce  qui  fonne  la  Partie  Françaife. 

On  le  foiulenc  lans  doute  auffi  ,  que  la  Colonie  françaife  fe  trouve  formée 
d'une  grande  partie  du  royaume  de  Marien  ,  &  de  la  prefque  tctalité  du  royaume 
de  Xaragua;  mais  où  il  ne  reliait  plus  un  leul  Indien,  lorfqus  les  Français  vinrent 
dilputer  l'ile  aux  Efpagnols. 

C'eft  à  h  partie  hiftorique  à  nous  dire  quels  furent  les  efforts,  les  combats  ,  les 
défaites  &  les  fuccès  de  ces  hommes  ,  dont  le  courage  étonnera  la  poftérité  ,  &' 
qui,  défignés  fous  le  titre  d'^w«/«r?Vr^  par  leurs  ennemis,  qui  ne  voyaient  ta 
eux  qu'un  ramas  d'êtres  obfcurs  &  de  pirates  ,  devinrent  un  peuple  cultivateur ,  à 
l'héroïfme  duquel  la  France  doit  fa  plus  belle  poffeffion  d'outre-mer.  Mais  en 
parlant  de  la  pénurie  des  beftiaux  qu'éprouve  la  Partie  Françaife,  j'ai  déjà  ofFeru 
le  tableau  progreffif  des  écablilTemens  que  ces  premiers  Français,  ces  Bcucaniers , 
ic  ces  Flibuftiers ,  dont  la  dénomination  fernble  toujours  réveiller  des  idées 
d'audace  &  de  terreur,  formèrent  à  Saint-Domingue.  J'ai  dit  comment  n'ofant 
y  paraître  d'abord  ,  qu'en  s'y  ménageant  les  moyens  de  fuir  à  l'afped  d'un  ennemi 
pxiiflant,  ils  s'étaient  tenus  rapprochés  les  uns  des  autres,  bordant  la  côte  ^ 
de  quelle  manière  prenant  enfuite  de  la  confiance  dans  leur  nombre ,  ils  avaient" 
étendu  leurs  petits  domaines  ,  pafîe  du  rivage  à  un  élcigc  ou  bord  fupérieiir  , 
puis  de  celui-ci  à  un  autre  encore  ;  comment  enfin  ,  par  des  progrès  dont  on  ne' 
peut  afiTez  s'étonner ,  les  Colons  français  font  parvenus  à  foumettre ,  à  leur- 
courage  &  à  leur  perfévérante  induftrie  ,  toute  la  furface  qu'ils  occupent 
aujourd'hui. 

Population  de  la  Partie  Françaife  de  Saint-Dcmingue. 

Cette  furface  a  environ  cinq  cens  vingt  mille  individus,  divifés  en  quarante! 
mille  blancs ,  vingt-huit  mille  afl^ranchis  ou  defcendans  d'afi^ranchis ,  &  quatre 
cens  cinquante  deux  mille  efcîaves.  Ce  qui  offre  la  proportion  fuivante  :  onzu- 
efclaves  trois  dixièmes  pour  un  blanc  ;  dix  blancs  pour  fept  affranchis ,  &  feize 
efcîaves  pour  un  affranchi. 

On  trouve  auffi  qw  la  li-eue  carrée  de  Saint-Domingue  français  contient  deu;{ 


6  DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

cens  foixante  individus,  c'eft-à-dire  ,  fix  fois  &  demie  autant  que  la  lieue  carrée 
de  Saint-Domingue  efpagnol  ;  mais,  à  fon  tour,  ce  nombre  n'eft  que  le  quart  de 
la  population  de  la  lieue  carrée  de  France.  Difons  enfin ,  qu'en  fuppofiint  aue 
l'île  entière  eût,  lors  de  fa  découverte  ,  un  million  d'Indiens  également  répartis, 
la  Partie  Francaife  eft  plus  peuplée  en  ce  moment ,  qu'elle  ne  l'était  alors. 

Les  trois  claffes,  prefque  phyfiquemient  diftinftes ,  qui  compofent  la  population 
de  h  Colonie  Francaife  ,  rendent  cette  population  très-diîFérente  de  celle  des 
contrées  européennes.  Ce  ferait  m^êmie  prendre  une  idée  bien  fauiïe  de  cette 
Colonie  ,  que  de  croire  à  chacune  de  ces  trois  claffes  un  caractère  propre  ,  qui 
fert  à  la  faire  diftinguer  toute  entière  des  deux  autres.  Chaque  claffe  a  des  traits 
particuliers  ,  qui  femblent  former  des  fubdivifions  ,  que  ie  tâcherai  de  faire  faifir , 
en  offrant  fuccelTivem.ent  à  mes  Leéteurs  ce  qui  concerne  le^  blancs ,  les  efclaves 
&  les  affranchis, 

DesBlancs. 

Dan'S  les  lieux  oij  les  hommes  fe  trouvent  raffemblés  depuis  une  lono-ue 
fuccefTion  de  temps,  leur  réunion  prélênte  un  amalgame  plus  ou  moins  parfait, 
&  tous  les  m.embres  de  la  famille  générale  ont  entr'eux  des  traits  de  reffemblance 
faciles  à  appercevoir  ;  mais  dans  des  étabhffemens  coloniaux  récemment  fondés 
par  une  émigration  fuccelTive  ,  on  ne  peut  trouver  des  marques  d'un  véritable 
enfcmble  :  c'efl:  un  compofé  informe  qui  fubit  des  imprefTions  diverfes  ,  &  cette 
inconhérence  eft  remarquable  fur-tout ,  lorfqu'une  grande  colonie  eft  formée  par 
des  individus  qui  font  venus  y  trouver  un  cHmat  lointain ,  &  abfolument  différent 
du  leur  ;  parce  que  chacun  conferve  alors  l'habitude  de  quelques  ufages  des  lieux 
qu'il  abandonne ,  feulement  modifiés  &  appropriés  au  pays  où  il  eft  tranfporté. 
Que  fera-ce  ,  fi  dans  la  nouvelle  patrie  qu'ils  fe  font  faite  ,  &  où  ils  fe  trouvent 
mêlés ,  com.me  par  hafard  ,  les  Colons  font  environnés  d'efclaves  ! 

D'après  ces  raifons  qui  donnent  un  caraélère  particulier  aux  mœurs  des 
colonies  de  l'Amérique  ,  je  vais  tâcher  de  faifir  celui  qui  diftingue  les  Colons 
français  de  Saint-Domingue. 

Des  Flibuftiers ,  accoutumés  à  chercher  leurs  befoins  à  travers  les  périls  d'un 
élément  redoutable ,  ^  à  les  obtenir  par  la  force  des  armes  i  des  Boucaniers ,  la 


K 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  13  O  M  I  N  G  U  E.  7 

Krreur  des  forêts  ,  dont  ils  détruiraient  ks  habicans  ,   ne  pouvaient  avoir  que  des 
mœurs  farouches  &  fiinguinaires. 

Ce  furent  cependant  de  pareils  hommes,  mélange  de  plufieurs  nations,  que  des 
ipéculateurs  qui  calculaient  dans  la  métropole  de  la  France  quel  parti  l'on  pouvait 
tirer  de  leurs  conquêtes  ,  entreprirent  d'aflervir ,  &  de  foumetcre  à  leurs  vu.s 
intérenées.  Ce  projet,  infenfé  en  apparence,  ne  pouvait  réi.nir  que  par  le 
moyen  d'un  chef,  dans  lequel  fe  réuniraient  les  talens  les  plus  extraordinaires  , 
C>:  ce  chef,  h  Compagnie  des  îles  de  l'Amérique  le  trouva. 

En  effet,  jamais  pcrfonne  n'influa  autant  que  d'Ogeron  ,  fur  les  mœurs  des 
intrépides  conquérans  de  Saint-Domingue  Français  ,  dont  il  parvint  à  faire  des 
agriculteurs.  Pour  leur  en  donner  les  qualités  les  plus  néccffaires ,  d'Ogeron 
invoqua  le  fecours  d'un  fexe  féduifant ,  qui  fait  par-tout  adoucir  l'homme  ,  & 
augmenter  fon  penchant  pour  la  fociabilité  :  il  Ht  venir  de  France  des  êtres 
intérelTans  ,  de  timides  orphelines  pour  foumettre  ces  êtres  orgueilleux  ,  accou- 
tumés à  la  révolte,  6c  pour  les  changer  en  époux  fenfibles  &  en  pères  de  famille 
vertueux.  C'en  de  cette  manière  que  Saint-Domingue  eut  une  population  qui  lui 
devint  propre ,  &  qu'on  commença  à  le  confidérer  comme  une  vérit.ible  patrie. 

Lorfque  ces  premiers  Colons  furent  parvenus  à  s'affranchir  de  la  tutelle 
ruineufe  des  Compagnies  de  commerce,  lorfque  par  les  vexations  même  qu'on 
leur  faifait  éprouver  pour  la  vente  de  leur  tabac  ,  on  les  eut  forcés  à  fubftituer 
d'autres  cultures  à  celle  de  cette  plante  ,  ils  commencèrent  ù  connaître  l'aifance  \ 
&  tranquilles  &  contens ,  ils  virent  s'augmenter  leurs  moyens  de  fortune.  Bientôt! 
riches  fans  luxe,  ils  eurent  une  exiilence  d'autant  plus  digne  d'envie,  qu'ils 
n'avaient  pas  encore  appris  l'art  de  changer  les  fuperfluités  en  befoins.  L'empire 
de  ces  mœurs  coloniales  s'étendit  même,  pendant  long-tems,  iufques  fur  les 
guerriers  ,  qui  le  font  prefqu'accoutumés  à  fe  diftlnguer  par-tout  des  autres 
citoyens.  Chaque  foldat  pouvait  devenir  Colon  ,  &  fi  le  changement  fréquent 
des  chefs  &  les  évcnemens  politiques  n'avaient  pas  influé  fur  le  fort  des  habitans 
de  cette  île  ,  ils  n'auraient  rien  eu  à  envier  à  ceux  de  la  Métropole. 

Mais  ce  bonheur  paifible ,  devint  lui-même  la  caufe  d'un  changement  confi- 
dérable.  Des  Colons  qu'une  culture  dirigée  avec  intelligence  avait  enrichis^ 
deftinèrent  leurs  enfans  à  divers  emplois.  II  fallut  les  envoyer  en  France  pour 
y  faire  des  études  analogues  à  leur  état  futur.  Ceux  qui  revinrent  dans  leur 
pays,  y   apportèrent  des  goûts  qu'on  ne  pouvait  pas  y  fatisfaire  i  ils  s'étaient 


8  DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

arrachés  quelquefois  à  des  penchans  déjà  trop  fortifiés  ;  enfin  ils  rougirent  peut- 
être  des  mœurs  ruftiques  de  leurs  parens.  De  là,  ce  dégoût  du  lieu  natal,  cette 
efpèce  d'ennui  qui  fait  qu'on  ne  fe  regarde  plus  que  comme  paffager  dar.s  le  pays 
eu  l'on  elL  forcé  quelquefois  de  réfider  toute  fa  vie.  De-là,  cette  infouciance 
pour  l'avantage  &  la  profpérité  d'une  patrie  ,  de  laquelle  on  n'attend  plus  que  le-s 
moyens  de  vivre  éloigné  d'elle,  &  de  payer  cher  des  jouifîances  qu'on  ne 
.iBukipîie   que  parce  qu'elles  ne   fâtisfont  point. 

A  ce  malheur,  qui  a  rendu  la  plupart  des  Colons  étiangers  à  la  terre  qui  les  a 
vu  naître,  s'en  joignit  encore  un  autre:  letir  goût  pour  la  difîipation ,  leurs 
dépenfes  éclatantes  les  faifant  remarquer,  on  fe  fit  des  Colonies  une  idée  exagérée. 
Les  contrées  dont  les  productions  pouvaient  fuffire  à  un  luxe  auffi  effréné,  devaiens; 
être  confidérées  comm.e  des  mines  inépuifables  ;  &  l'amour  des  Européens  pour 
l'or  ,  les  fit  partir  po'.ir  aller  prendre  leur  part  de  ces  tréfors  immenfes;  en  vain  , 
im  climat  deflrufteur  en  moliTonna  la  maj-eure  partie  ,  on  ne  vit  que  les  dépouilles 
rapportées  par  ceux  qui  revenaient. 

La  Colonie  paraîfiait  cependant  fatisfaire  â  tant  d'ambition,  &  en  1738, 
elle  fut  confiée  à  deux  adminiftrateurs ,  dont  le  génie  &  l'union  la  rendirent 
-encore  plus  importante.  L'idée  la  plus  heureufe  de  ces  deux  chefs,  fut  de 
déterminer  les  habitans  à  employer  l'eau  ,  qui  coulait  fans  utilité  dans  des  plaines 
immenfes,  à  en  augmenter  la  fertilité.  Alors  on  vit  s'ouvrir  de  toute  part, 
des  canaux  qni  fécondèrent  des  plantes  précieufes.  D^s  routes  plus  commodes 
s'ouvrirent ,  &  les  diverfes  parties  de  la  Colonie  purent  communiquer  entr'elies. 
La  population  s'accrut  doublement,  parce  que  les  Colons  goûtant  fous  Larnage 
&  Maillart ,  les  douceurs  d'une  admdniftration  paternelle ,  s'arrêtèrent  dans  leurs 
foyers  ,  où  cet  avantage  attirait  encore  les  Européens. 

Mais  ce  nouveau  degré  de  civilifation ,  changea  auffi  les  mœurs  du  fécond 
âge  de  h  Colonie  ,  que  d'autres  événemens  devaient  faire  varier   encore. 

La  perte  de  quelques-unes  de  nos  Colonies,  pendant  la  guerre  de  .1756, 
n'ayant  que  trop  appris  ce  qu'on  pouvait  craindre  pour  les  autres ,  on  y  fit 
pafîer  des  régimens  &  d'autres  troupes  réglées,  pour  les  conferver  fous  la 
domination  Françaife.  Ce  fut  ainfi  que  Saint-Domingue  reçut  en  1762  plufieurs 
bataillons.  Les  défenfeurs  de  la  patrie  ,  ne  font  pas  les  gardiens  des  mœurs  : 
relies  de  St.-Domingue  en  firent  l'épreuve.  Le  luxe  fe  propagea  dans  la  Colonie  , 
&  il  n'y  eut  aucune  profefTiOn  préfervée  de  fçs  atteintes.   Ce  fut  lur-tout  fur  le 

.fexCi 


rviCSSBUi 


v^^irs^'itXt- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.  9 

fjxe  qu'il  obtint  les  plus  grands  avantages  ,  &  ces  mariages  où  l'or  ëc  l'orgueil 
règlent  tout,  fe  multiplièrent  avec  une  forte  de  fcandale.  Depuis,  une  autre 
guerre,  dont  la  caufe  &  le  fiège  principal  étaient  en  Amérique,  en  multipliant 
les  troupes  ,  les  marins  &  même  les  aventuriers  que  les  tems  de  fermentation 
fembient  faire  éclore  ,  a  augmenté  les  maux  de  Saint-Domingue,  pui{q,.e  la 
dépravation  des  mœurs  eft  une  fource  réelle  de  maux. 

Dans  l'état  aéhiel  de  la  Colonie  françaife  ,  la  population  blanche  n'offre 
guères  qu'un  quart  de  Créols  ;  c'eft-à-dire ,  de  perfonnes  nées  dans  l'île,  & 
encore  les  femmes  en  forment-elles  la  majeure  partie  ;  le  refte  eft  compofé 
d'Européens  des  divers  points  de  la  France  ,  auxquels  font  mêlés  quelques 
étrangers  ,  &  des  Créols  des  autres  Colonies. 

Parlons  d'abord  des  Européens  ,  puifqu'ils  ont  été  les  fondateurs  de  la  Colonie 
qui ,  dans  fon  origine  ,  comptait  parmi  les  Français  un  grand  nombre  de  Nor- 
mands, de  ces  premiers  navigateurs  des  Mes  du  Vent,  dont  l'influence  eft  encore 
remarquable  dans  pluficurs  ufages  domeftiques ,  &  dans  plufieurs  mots  du  patois 
Créol. 

<~««l'  ^1'  ^KAM'  <|l'-<lli  •«11-*!.  .411  .<ll,  <||,.^|,..<,., 

Des  Européens  qui  habitent  Saint-Y^omino-ue.  ' 

Les  Européens  qui  viennent  à  Saint-Domingue ,  ont  communément  une  rude 
épreuve  à  fupporter ,  à  l'époque  de  leur  débarquement.  Lorfqu'on  a  quitté  fon 
pays  avec  l'efpoir  d'une  fortune  qui  femble  placée  fur  le  rivage  américain  & 
qu'on  s'y  trouve  ifolé  &  fans  reffource,  on  voudrait  porter  le  pied  en  arrière  • 
mais  .1  n'eft  plus  tems.  Des  befoins ,  difficiles  à  fatisfaire  parce  que  tout  eft 
coûteux,  fe  multiplient  j  l'avenir  prend  une  forme  hideufe ,  le  fang  s'ai^^rit  la 
fièvre  ardente  de  ces  climats  brûlans  arrive  ,  &  la  mort  eft  fouvent  le  terme  de 
projets  auffi  courts  qu'infenfés.  Mais  la  Métropole  a  fes  inutiles ,  fes  téméraires 
fcs  enfans  crédules ,  fes  hommes  dangereux  peut-être  ,  &  ils  ne  manqueront  pas 
a  la  terre  qui  les  dévore  ,  &  qui  appelle  auffi  des  hommes  précieux  ,  privés 
de  reffiources  en  Europe  ,  &  qui  viennent  exercer  au  loin  leur  aélivité  &  des 
talens  ,  dont  le  Nouveau-Monde  s'énoro-ueiUit. 

Lorfque  l'Européen  qui  débarque  a  un'afile,  d'où  il  peut  confidérer  le  lendemain 
fans  mqu.étude  ,  il  doit  s'occuper  de  ce  qu'exige  de   lui  le   luxe  de  la  mode.  Il 
ne  lui  demande  pas  des  étoffes  riches,  mais  légères^  des  toiles  que  la  fineffe  de  leur 
i-ome     L  g 


ïo         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

tiffu  ait  rendu  très-chcres  ,  8>:  dont  il  relèvera  la  fimplicité  par  des  bijoux  ,  dont 
l'œil  paiiTe  être  frappé.  C'eft  le  premier  emploi  qu'il  doit  faire  de  fes  gains  ou 
de  fon  crédit:  c'ell  la  livrée  coloniale.  Ne  la  point  porter,  c'eft  fe  déprécier 
foi-même,  ou  prendre  l'air  d'un  cenfeur ,  dans  un  pays  où  l'on  s'eft  promis  de 
n'en  pas  écouter. 

Il  eft  \m  autre  foin  non  moins  important,  c'eft  de  vanter  fa  naiffance.  On 
fupplée  même  dans  ce  genre  à  la  réalité  ,  &  cette  partie  de  l'invention  eft  aiïez* 
fîuftueufemeiu  cultivée.  Du  mioins  ,  faut-il  taire  fon  origine  lorfqu'elle  n'a  rien 
de  noble  ,  &  c'eft  déjà  trop  d'avoir  à  redouter  que  l'envie  n'en  révèle  la  vérité. 
Telle  eft  miême  la  force  de  l'habitude  qu'on  contracte  à  Saint-Doraing'je ,  de 
fe  croire  anobli  par  fon  feul  féjour  dans  l'île  ,  qu'il  eft  des  Européens  qui 
rompent  tout  com,merce  avec  leur  famille,  qui  la  fuyent  en  repaiTant  en  France 
&  qui  détournent  avec  grand  foin  leurs  regards  du  lieu  oij  ils  appercevraienc 
l'humilité  du  toit  paternel.  Ils  fe  choifiiTent  enfin  un  héritier  dans  la  Colonie  , 
pour  garantir  leur  mém.oire  de  la  honte  que  répandraient  fur  elle  des  parens 
grolTiers  ,  qui  viendraient  recueillir  leur  fucceffion. 

L'un  des  écuells  les  plus  dangereux  pour  ceux  qui  arrivent  à  Saint-Domino-ue, 
c'eft  la  paiTion  du  jeu  qui  y  eft  prefque  générale.  On  y  trouve  ces  lieux  où  l'on 
établit  fon  bonheur  fur  l'infortune  d'autrui ,  où  Ton  eft  appelle  généreux  pour 
avoir  fu  faire  contraécer  à  un  être  quelquefois  au  défefpoir ,  des  dettes  qu'on  a 
décorées  du  nom  facré  d'honneur ,  où  l'on  va  oublier  enfin  qu'on  eft  époux  y 
père  &  citoyen. 

Mais  fi  l'on  fe  préferve  de  cette  contagion,  il  eft  plus  difficile  de  réfifter  aux 
attraits  d'une  autre  pafTion,  dont  la  nature  fe  plaît  à  mettre  le  germe  dans  tous 
les  cœurs.  On  ne  trouve  pas  à  Saint-Domingue  comme  dans  les  grandes  villes 
d'Europe  ,  le  fpeélacle  dégoûtant  d'un  fexe  attaqué  par  celui  qui  doit  favoir  fe 
défendre  pour  embellir  fa  défaite  ;  mais  on  n'y  eft  pas  protégé  non  plus  par 
cette  décence  publique  qui  préferve  les  mœurs ,  dans  les  Heux  où  l'on  rougit  de 
la  dépravation  des  capitales.  On  s'expatrie ,  le  plus  fouvent ,  dans  l'âge  où  les 
défirs  font  efferv^efcensj  on  vient  quelquefois  de  fe  fouftraire  à  la  furveillance 
gênante  de  fes  parens  ,  &  tout-à-coup  maître  de  foi ,  on  le  trouve  expofé  à  la 
féduétion  la  plus  dangereufe  ,  puifque  fa  fource  eft  en  nous-mêmes.  Il  faudrait 
un  courage  éprouvé  pour  échapper  à  un  pareil  danger,  &  l'on  répète  tant  à 
Saint-Doxninguje  que  k  climat  défend  d'efpérer  la  vidoire  ,  qu'on  eft  peu  tenté 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 


II 


de  la  clifputer.  On  fe  livre  donc  à  Ton  penchant,  &  calculant  la  vie  plutôt  par 
l'emploi  agréable  qu'on  en  fait  que  par  fa  durée ,  on  arrive  rapidement  au  terme 
de  la  dcftruftion. 

L'intempérance  de  la  table  eft  encore  un  défaut  aflcz  commun  à  Saint- 
Domingue  ;  quoique  l'on  ait  banni  des  repas  la  joie  tumultueufe  des  anciens 
Colons  ,  qui  annonçait  au  loiù  la  perce  de  leur  raifon  ,  on  traite  toujours  à  la 
créole ,  c'ell-à-dire  avec  profufion.  D'un  autre  côté ,  comme  la  grande  chaleur 
diminue  les  forces,  on  croit  les  réparer  par  des  alimens  fortement  afîaifonnés. 

Tout  prend  à  Saint-Domingue  un  caraftère  d'opulence  ,  qui  étonne  les 
Européens.  Cette  foule  d'efclaves  qui  attendent  les  ordres  &  même  les  fignes 
d'un  feul  homme  ,  donnent  un  air  de  grandeur  à  celui  qui  leur  commande.  Il 
eft  de  la  dignité  d'un  homme  riche,  d'avoir  quatre  fois  autant  de  domeftiques 
qu'il  lui  en  faut.  Les  femmes  ont  principalement  le  talent  de  s'environner  d'une 
cohprte  inutile  ,  prife  dans  leur  fexe  même.  Et  ce  qu'il  eft:  difficile  de  concilier 
avec  la  jaloufie  que  leur  caufent  quelquefois  ces  fervantes  rembrunies ,  c'eft 
l'attention  de  les  choifir  jolies  ,  de  rendre  leur  parure  élégante  :  tant  il  eft  vrai 
que  l'orgueil  commande  à  tout  !  Le  bien  fuprême  pour  un  Européen  étant 
de  fe  faire  fervir ,  il  loue  des  cfclaves  en  attendant  qu'il  puiflè  en  avoir  en 
■propriété. 

En  arrivant  à  Saint-Domingue  ,  on  eft  étranger  à  prefque  tous  ceux  qu'on  y 
trouve.  On  ne  les  entretient  le  plus  fouvent  que  du  projet  qu'on  a  de  les  quitter; 
car  k  manie  générale  eft  de  parler  de  retour  ou  de  paffage  en  France.  Chacun 
répète  qu'il  part  Vannée  prochaine ,  &  l'on  ne  fe  confidère  que  comme  des 
voyageurs ,  dans  une  terre  oij  l'on  trouve  fi  fouvent  fon  dernier  afile.  Cette 
malheureufe  idée  eft  tellement  familière,  qu'on  fe  refufe  ces  riens  commodes  qui 
donnent  du  charme  à  l'exiftence.  Un  habitant  fc  regarde  comme  campé  fur 
un  bien  de  plufieurs  millions  ;  fa  demeure  eft  celle  d'un  ufufruitier  déjà  vieux  ; 
fon  luxe,  car  il  lui  en  faut,  eft  en  domeftiques,  en  bonne  chère  ,  &  l'on  croirait 
qu'il  n'eft  logé  qu'en  hôtel  garni. 

A  ce  tableau  des  m-œurs  qu'on  pourrait  appeller  générales  ,  il  eft  nécef- 
faire  d'ajouter  ce  qui  appartient  d'une  manière  plus  fpéciale  aux  Blancs 
Créols  ,  parce  que  plufieurs  caufes  &  particulièrement  l'aftion  d'un  folcil 
conftamment  brûlant,  produifent  dans  les  habitans  de  la  Zone  Torride  des 
modifications  qui  les  font  différer  des  habitans  des   Zones   tempérées. 

B   2 


■-'Jî'jiH»^^-*- 


12 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Pes   Créds   Blancs. 

Les  Américains  qui  ont  reçu  le  jour  à  Saint-Domingue  &  qu'on  défignc 
fous  le  nom  de  Crhls  (  commun  à  tous  ceux  qui  naiffent  aux  Colonies  ), 
font  ordinairement  bien  faits  &  d'une  taille  avantageufe.  Il  ont  une  figure 
allez  régulière  ;  mais  elle  eft  privée  de  ce  coloris  dont  la  nature  égay?  & 
embellit  le  teint  dans  les  pays  froids.  Leur  regard  eft  expreffif,  &  annonce 
même  une  forte  de  fierté  ,  capable  d'élever  contre  eux  des  préventions  défa- 
vorables ,  lorfqu'on  ne   fait  que  les   appercevoir. 

Exempts  de  la  torture  du  maillot  ,  leurs  membres  offrent  rarement  la 
moindre  difformité.  Et  la  température  du  climat  ,  en  les  favoriiant  encore  , 
leur  donne  une  agilité  qui  les  rend  propres  à  tous  les  exercices  ,  pour  lef- 
quels   ils    ont   autant  de  penchant  que   de   dilpofition. 

Ce  développement  rapide  des  qualités  phyfiques  ;  le  fpedacle  fans  cefTc 
renaiffant,  des  produftions  dont  une  caufe  toujours  aftive  &  toujours  féconde 
enrichit  leur  pays  ;  peut-être  encore  la  vue  continuelle  de  cet  élément  qui 
les  fépare  du  refte  de  l'Univers  ;  tout  concourt  à  donner  aux  Créois  une 
imaginadon  vive  &  une  conception  facile.  Ces  dons  heureux  préfagcraienî 
des  fuccês  pour  tout  ce  qu'ils  voudraient  entreprendre  ,  fi  cette  facihté  ne 
devenait  pas  plle-m.ême  un  obftacle  en  produifant  l'amour  de  la  variété  ,  &  fi  les 
préfens  dont  la  nature  fe  montre  fi  libérale  dans  leur  enfance  ,  ne  fe  chan- 
geaient pas,  le  plus  fouvcnt,  en  maux  pour  eux-mêmes  &  en  fujcts  d'éton- 
nement  pour  l'obfervatcur. 

Différentes  circonftances  s'accordent  encore  pour  faire  perdre  aux  jeunes  Créois 
l'avantage  qu'ils  ont  d'abord  fur  les  enfans  des  autres  climats.  En  premier 
lieu  ,  la  tendreffe  aveugle  &  exceffive  des  parens  qui  foufcrivent  à  leurs 
volontés  &  qui  croyent  que  cette  tendreffe  leur  défend  la  plus  légère  réfif- 
tance.  Il  n'eft  point  de  caprice  qui  ne  foit  flatté ,  point  de  bifarrerie  qu'on 
n'excufe ,  point  de  fantaifie  qu'on  ne  fatisfaffe  ou  qu'on  n'infpire  même;  enfin 
point  de  défauts  que  l'on  ne  laiffe  au  tems  le  foin  de  corriger  :  au  tems  qui 
fuffirait   quelquefois  pour   les   rendre   incorrigibles.   (*). 


(*)  Tout  le  monde  connaît  ce  trait  attribué  à  un  enfknt  Créol  &  qui  peut  en  peindre  urt 
grand  nombre,  —  "  Mon  vlé  gnon  zé.  —  Gnia  point.  —  A  coze  ça  mon  vlé  dé,  „  •—  "  Je 
Yeox  un  ceuf,  —  Il  n'y  en  a  point,  —  A  caufe  de  cela  j'en  veux  deux  ,^^ 


A" 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ,j 
Heureux  encore  l'enfant  Créol  q,.'u;,e  fanté  ferme  garantir  tic  l'occallon 
fimefte  cl  éprouver  toute  la  fenGbiliié  des  auteurs  de  fes  jours.  Car  f,  fa  vie 
cft  menacée  fi  fon  exirtence  ell  frêle  ,  il  ne  peut  échapper  au  malheur  d'être 
un  fu;et  d  ,dol.itr,e.  Tous  les  dégoûts  de  la  maladie  font  pour  fes  parées  des 
preuves  de  prétendus  défirs  qu'on  ne  lui  croit  pas  la  force  d'exprimer  Alors 
on  uwcnte  pour  lui  .  on  fe  livre  aux  idées  les  plus  extravagantes ,  &  f,  le 
tempérament  de  l'enfant  Créol .  plus  fort  que  les  obflacles  qu'un  attachement 
fervde  lu,  oppofe  tnomphe  du  mal  phyfique,  les  germes  peut-être  indef- 
truftibles  d  une  maladie  morale   menacent   le   relie   tie  fes  jours. 

Qu'on  ajoute  à  ces  inconvcniens  ceux  de  l'habitude  d'être' entouré  d'ef. 
claves  .  &  de  n'avoir  befoin  que  d'un  regard  pour  tout  fa.re  céder  autour 
de  fo,.  Jamais  defpotc  n'a  eu  d'hommages  plus  affidus .  ni  d'adulateurs  plus 
conftans  que  l'eniant  Créol.  Chaque  efclave  eft  founns  aux  variations  de  fon 
humeur.  &  fes  dep.ts  enfantins  ne  troublent  que  trop  fouvent  la  paix  domef 
t.ques,  parce  qu'il  ft.ffit  pour  qu'il  commande  l'injuKice,  qu'elle  foit  iTbi „ 
dune   volonté   qu'il   ne   fait   pas   encore   diriccr  ■• 

Enfin  ju'ques  dans  fes  jeux  l'enfant   Créol"  ell  réduit  à  n'être   qu'un  tyran 
Place   au   m,l,et,  de   pet.ts   efclaves   qu'on   condamne  à   flatter   fes  caprices 
ou  ce  q,u  eft  plus  révoltant  encore  ,  à  renoncer  à   tous   ceux   de  leur     „e 
.1   ne  veut  pas  fouffrir  la  moindre  contrariété.    Ce   qu'il   voit    il  le  ^    ' 

qu'on  lu,  montre    il  l'exige.  &  fi  ,a  f.talité  permet 'q^unT 'le        ti^lT 
pagnons  lu,  refifte     il  s'ii-rite  ,   on   accourt  de   toute 'parc   à   fes  c ris  &  ce^; 
de  l,„fortune  que  ,a  couleur  a  défigné  pour  la   foumifllon .  apprennent   atf 
fitot  quon  l'a  contramt   à  céder  &  peut-être   même  qu'un  chTtiment     p uni 
la  de,obe,fl-ance   dans   celui  qui  n'a  pas   encore  l'inftina   de  la  fe"  idc 

C  eft  pourtant  dans  les  actes  même  de   ce  defpotifme  honteux  qu     le  bon 
heur    e  quelques  efclaves    prend  aflez   fouvent  fa  fource .  parce   qt^fi   Wa„; 

me,lleur  fort.  Et  même  fi  c'eft  un  autre  enfant  que  le  C,-éol  adopte  &  s'il  .randit 
vec  fon  ma.,re,  d   deviendra  un  jour,  fuivant  fon  fexe .  l'objet  ou  1  Cn i 
re   de  les  p  a.firs     &  l'afcendant  qu'il  prendra   le  garantira,  lui  &  L'Z^s 

efclaves  qu',1  voudra  protéger  .  des    injuftices  du  maître 

du  Cr'ol'tl-sT  7""'"?  T  '"""'"  '■^""  P°"  '-"ff"  dans  l'ame 
duCreol  toutes  les  femences  d.u  b,en .  &  auxquelles  il  faut  ajouter  encore  te 


!(Ji 


14' 


DESCRIPTION     D 


A     PARTIE 


dangers  qui  acceKnpagnent  les  bienfaits  de  h  fortune ,  ne  feraient  rien  fi  une 
éducation  furveillée  combattait  tous  ces  ennemis  de  Ion  bonheur.  Éloigné 
du  preftige  &  ne  confervant  de  fes  inclinations  naiiTintes  ,  qu'une  efpèce 
d'énergie  &  d'élévation,  que  des  inftituteurs  intelligens  Se  attentifs  pourraient 
changer  en  vertus  ,  rAm.éricain  déjà  favorifé  par  la  conf!:itution  phyfique  , 
ceiT^rait  d'être    condamné  à   la  médiocrité. 

^  Mais  c'ef!;  à  cette  occafion  qu'il  faut  déplorer  le  fort  des  Créols.  Confiés 
en  France  ,  le  plus  fouvent  >  à  des  êtres  pour  qui  ils  font  étrangers  où  à 
des  mercenaires  qui  leur  vendent  des  foins  fouvent  au-deiTous  du  prix  qu'ils 
favent  en  exiger  ,  ils  n'ont  pas  même  l'efpoir  de  profiter  de  l'éducation 
imparfaite  des  collèges  où  on  les  rélègue.  Perfonne  ne  les  excite  ,  perfonne 
ne  les  encourage.  Incapables  de  défirer  les  fuccès  pour  les  fuccês  mêmes-,  ils 
comptent ,  avec  ennui  les  jours  paiïcs  dans  l'exil  de  la  maifon  paternelle  & 
avec  impatience  ceux  qui  doivent  en  borner  le  terme,  On  ne  leur  parle  de 
leurs  parens  que  pour  flatter  cette  efpèce  d'amour-propre  qui  ,  au  lieu  de 
porter  à  mériter  des  fuffrages  ,  fait  croire  qu'on  en  eft  toujours  afîez  digne. 
On  ne  leur  en  parle  que  pour  réveiller  le  fouvenir  des  faiblefîes  de  ces  parens 
pour  eux  8:  la  comparaifon  de  ce  premier  état  avec  l'abandon  dans  lequel 
ils  font  tombés ,  n'eft  guères  propre  à  les  enflamm.er  pour  l'étude  dont  tout 
le    prix    efr    dans   l'avenir. 

C'eft  ainfi  que  la  plupart  des  Créols  parviennent  ,  foit  dans  la  Colonie 
fbit  en  France ,  à  l'âge  où  ils  doivent  paraître  dans  le  monde.  Il  ne  refte 
peut-être  plus  pour  leur  ravir  l'efpoir  de  devenir  des  hommes  eftimables  que 
^e  flatter  leurs  goûts  pour  la  dépenfe  &  pour  des  jouifTances  dont  l'efpèce 
fouille  quelquefois  l'ame  encore  plus  que  l'excès  ,  &  enfin  de  ne  les  con- 
traindre que  dans  un  feul  point  ,  précifément  parce  qu'il  femblerait  devoir 
être  libre  ,  le  choix  d'un  état  ;  ce  choix  c'eft  l'orgueil  des  përes  qui  le  fait  , 
même   de  deux   mille  lieues. 

Tout  autorife  à  croire  qu'une  éducation  dont  le  premier  foin  ferait  l'étude 
même  des  jeunes  Créols  &  de  leurs  penchans  ,  favoriferait  les  difpofitions 
qu'ils  montrent  dans  leur  enfance,  &  qui  fe  perdent  à  mefure  qu'on  les  plie 
d'avantage  à  une  méthode  dont  tout  accufe  la  trifte  uniformité.  En  effet , 
il  eft  des  Créols  qui  ont  rempli  l'efpérance  qu'ils  avaient  fait  concevoir  , 
parce  qu'ils  ont  trouvé  cet  intérêt  touchant  qui  devient  un   véhicule  &  une 


,V 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         15 

rccompenfe  pour  celui  qui  a  fu  l'infpirer.  Il  en  eft  mcme  qui  ont  furmonté 
les  obllacJcs  dont  on  les  avait  comme  entoures.  Et  pourquoi  dans  un  pays 
où  les  plantes  étrangères  excitent  tant  de  curiofité  &c  de  foins ,  ne  femble- 
t-on  indifférent  que  pour  celles  qui  n'y  font  tranlplantées  qu'afin  d'éprouver 
les  innuences  d'un  climat  bienfaifant  8c  dont  les  fruits  utiles  payeraient  fi 
bien  les  travaux  du  cultiv.iteur  laborieux  &  eftimable  qui  les  aurait  entrepris  ! 
C'eft  faute  d'avoir  fait  ces  obfervations  qu'on  a  adreffé  aux  Américains 
le  reproche- d'être  incapables  de  tout.  Il  fallait  auparavant  remarquer  de  quel 
point  ils  partaient  ;  confidérer  que  pour  connaître  les  Sciences  &  les  Lettres 
&par  conléquent  s'enflammer  pour  elles  ,  ils  étaient  forcés  de  s'expatrier.  Alors 
on  aurait  apperçu  que  cette  néceffité  même  les  plaçait  dans  une  hypothèfe, 
dont  les  défavantages  ne  pouvaient  être  balancés  par  les  influences  de  leur 
climat  ,  qu'on  a  mieux  aimé  accufer  de  favorifer  leur  phyfique  aux  dépens 
de  leur  moral.  De  là  quelques  favantes  inepties  dont  on  a  enrichi  les  Recherches 
fur  les  Am-ru<:i„s  &  que  le  génie  Américain  de  Franklin  a  foudroyées  pour 
jamais. 

Le  Créol  qui  n'eft  pas  forti  de  Saint-Domingue  ,  où  il  ne  peut  rccevoiV 
aucune  éducation,  &  ccl.i  qui  revient  dans  fon  pays  natal  ,  aorès  que  fon 
éducation  a  été  négligée  en  France,  font  donc  entièrement  livrés  à  cette 
imagination  vive  &  effcrvefcente  dont  j'ai  dit  que  la  nature  les  douait  fous 
un  ciel  brûlant  j  aux  iuites  de  la  tendrelîè  dangereufe  de  leurs  parens 
&  de  la  facilité  de  donner  leurs  volontés  pour  loix  à  des  efclaves.  Qu^Is 
dangers  pour  l'âge  où  les  pafilons  fe  difputent  entr'elles  la  poffeffion  d'un  cœur 
difpofé    à   éprouver  vivement   &   leur  choc   &  leur  tumulte  ! 

C'eft  alors  que  le  Créol  perdant  de  vue  tout  ce  qui  n'efl  pas  propre  à 
fatisfaire  fcs  penchans  ,  dédaignant  tout  ce  qui  ne  porte  pas  l'em-preinte  du 
plaifir,  fe  livre  au  tourbillon  qui  l'entraîne.  Aimant  avec  tranfport  la  danfe  , 
la  mufique  ,  il  fembk  n'exifter  que  pour  les  jouiffances   voluptueufes. 

Combien  il  eft  difficile  que  de  femblables  difpofitions  ne  deviennent  pas 
funeftes  dans  un  lieu  où  les  mœurs  ne  font  rien  moins  que  propres  à  les  mai- 
trifcr.  Comment  enchaîner  un  tempéramment  ardent  dans  un  lieu  où  \à  clafTe 
nombreufe  des  femmes  qui  font  le  fruit  du  mélange  des  Blancs  &  des  femmes 
cfo^laves  ,  ne  font  occupées  que  de  fe  venger  ,  avec  les  armes  du  plaifir , 
d'être   condamnées  à  l'aviiiffement.    Auffi  les   paffions  déploycnt  -  elles  toute 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

leur  puiîTance  dans  le  cœur  de  la  plupart  des  Créols  ;  &  Icrrqu'enfin  les  glaces 
de  l'ào-e  arrivent:  ,  elles  n'éteignent  pas  toujours  ledéfir,  la  plus  cruelle  de 
toutes   les  pafTions.  -  ' 

On  peut  donc  dire  ,  avec  vérité,  que  tout  concourt  pour  former  chez  les  Créols 
le  caractère  impérieux  j  vif  &  inconftant  qu'on  leur  connaît,  &  qui  les  rend 
peu  propres  à  l'hymen  ,  dont  les  beaux  jours  ne  peuvent  être  l'ouvrage  que 
d'une  confiance  miUtuelle.  Jaloux  par  amour-propre,  ils  font  tourmentés  parla 
crainte  de  l'infidélité  ,  dont  ils  donnent  l'exemple.  Heureufe  encore  lepoufe 
trahie,  fi  en  éprouvant  tout  ce  que  le  foupçon  a  d'injurieux.,  elle  n'eft  pas 
condamnée  à  avoir  quelquefois  fous  fes  yeux  ,  l'objet  qui  lui  ravit  les  preuves 
d'un  amour  qui  lui  fut  folemnellement  juré.  '     • 

Les  défauts  des  Créols,  au  nombre  defquels  il  faut  compter  celui  de  fe  livrer 
au  jeu,  font  cependant  rachetés  par  une  foule  de  qualités  efximables.  Francs, 
affables,  généreux,  peut-être  avec  oflentation  ,  confîans ,  braves,  amis  fûrs  & 
bons  pères,  ils  font  exempts  des  crimes  qui  dégradent  l'humanité  :  les  faffes 
d'une  Colonie  aufTi  étendue  que  celle  de  Saint-Domingue  ,  offriraient  à  peine 
les  noms  de  quelques  Créols  à  infcrire  dans  la  lifle  des  fcélérats.  Combien  il 
ferait  facile  de  rendre  les  habitans  de  cette  brillante  Colonie  ,  auffi  recommen- 
dables  que  ceux  qu'on  fe  croit  permis  de  leur  citer,  comme  des  modèles  inimita- 
bles pour  eux  ! 

Une  vertu  principale  des  Créols,  c'efl  l'hofpitalité.  Ce  que  j'ai  dit  de  la 
manie  d'aller  en  France ,  doit  fuffire  pour  prouver  qu'il  y  a  peu  de  fociété  à 
Saint-Domingue,  &  que  cet  efprit  fugitif efl  du  moins  peu  fait  pour  la  rendre 
agréable.  C'efl  donc  un  motif  pour  accueillir  dans  les  campagnes  ,  les  voyageurs 
qui  jettent  quelque  variété  fur  un  plan  monotone.  Dans  un  pays  vafte  oti  l'on 
efl  opulent,  où  il  n'y  a  point  de  pofles  ,  où  des  auberges  en  petit  nombre  ne 
fervent  qu'à  des  individus  qui  n'ont  pas  de  relations  dans  la  Colonie  ,  l'hofpitahté 
prend  un  caraftère  de  générofité  ,  qui  honore  ceux  qui  l'exercent.  Il  efl  des  habi- 
tans qui  facrlfient  un  capital  de  plus  de  trente  mille  livres,  en  chevaux,  en  voiture 
&  en  cochers ,  pour  la  commodité  de  ceux  qui  ont  befoin  d'aller  d'un  point  à 
un  autre  de  la  Colonie.  Mais  de  quoi  n'abufe-t-on  pas  !  Il  y  aurait  trop  à  rougir 
pour  les  Européens ,  de  révéler  les  fcènes  par  lefquels  ils  fe  font  efforcés  de 
rendre  les  Colons  difEciles  fur  ce  point.  Malgré  cette  défoWigeante  expérience , 
un  homme  avoué  par  l'ami  d'un  feul  habitant,   peut  encore  entreprendre  le  tour 

de 


iii^BiV  - 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.  17 

de  la  Colonie  ,  &c  Ci  les  qualités  perfonnelles  en  font  un  homme  aimable  ,  il  efl: 
fur  d'emporter  des  regrets  de  tous  les  lieux,  dont  une  recommandation  luccefTivc 
lui  aura  ouvert   l'entrée. 

Le  caraftcre  Créol  paraît  auITi  dans  la  manière  de  voyager.  De  petits 
chevaux  de  médiocre  apparence  ,  font  parcourir  aux  chaifes  ou  efpèces  de 
cabriolets,  trois  &  même  quatre  lieues  par  heure.  Cette  vîteffe  annonce  l'ha- 
bitude de  vouloir  &  d'être  obéi  avec  promptitude.  Le  cocher  qui  connaît  le 
génie  de  Ton  maître  ,  partage  Ion  impatience  ,  &  met  de  la  gloire  à  n'être 
pas  devancé.  C'eft  donc  encore  un  article  de  luxe  pour  les  habitans  ,  que  celui 
des  chevaux;  d'autant  que  pour  le  plus  léger  motif,  on  expédie  un  meflager 
à  cheval ,  qu'à  la  rapidité  de  fa  courle  &  aux  cris  dont  il  anime  fa  monture 
couverte  de  fueur ,  on  prendrait  pour  un  courrier  qui  porte  la  nouvelle  d'un 
événement ,  auquel  toute  la  Colonie  eft  intéreffée. 

Les  Créols  de  Saint-Domingue  font  moins  fujets  que  les  Européens ,  aux 
maladies  de  leur  climat.  Mais  une  jeunefle  prématurée  ,  l'abus  des  plaifirs 
peut-être  ce  levain  ,  dont  l'origine  eft  déiormais  la  feule  chofe  fur  laquelle 
l'Europe  .:\:  l'Amérique  puident  avoir  à  difputer ,  ne  fuffifent  que  trop  fou- 
vent  pour  détruire  le  tempérament  le  plus  robude.  Alors  s'accélère  le  moment 
où  le  Créol  a  befoin  de  faire  ufage  de  l'cfpèce  d'infouciance  ,  avec  laquelle  il 
envifage  la  ceflation  de  la  vie,  &  que  femble  lui  donner  le  fpeftacle  fréquent 
de  la  mort. 

Mais  quittons  ce  tableau  lugubre  ,  pour  efquifler  le  caractère  de  la  portion  Ja 
plus  touchante  du  genre  humain. 

Des  Créoles  Blanches'. 


A  la  délicateffe  des  traits ,  les  femmes  Créoles  de  Saint-Domingue  réuniffent 
cette  taille  &  cette  démarche  élégante  ,  qui  femblent  être  l'apanage  des  femmes 
des  pays  chauds.  Rarement  douées  de  cet  enfemble  &  de  cette  exaftitude 
rigoureufe ,  qui  conftiEuent  effentiellement  la  beauté ,  leur  figure  offre  prefquc 
toujours  cette  combinaifon  ,  plus  féduifante  &  plus  difficile  à  peindre  qu'on 
nomme   la  pliyfionomic  3    &   fi  l'on  obtient  aifcment  de  la   Grèce   &   de  h 

Tome     I.  r 


i8 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Géorgie  un  tribut  de  femmes  belles,  il  ferait  facile  à  Saint-Domingue  d'en 
fournir  un  de  femmes  jolies. 

C'cft  dans  les  grands  yeux  fpirituels  des  Créoles ,  qu'on  trouve  le  contrafle 
heureux  d'une  douce  langueur,  &  d'une  vivacité  piquante.  Si  l'âpreté  du  climat 
ne  rendait  pas  auffi  paflagère  la  fraîcheur  de  leur  teint  ,  il  ferait  difficile  de  fe 
défendre  d'un  regard  oij  la  tendrefîe  &  une  forte  de  gaieté ,  fc  mêlent  fans  fc 
confondre.  Mais  fâchant  employer,  avec  un  goût  exquis,  les  reflburces  délicates 
que  la  toilette  peut  offrir ,  fans  rien  emprunter  du  menfonge  ,  les  Créoles  ,  aidées 
de  ces  grâces  ,  favent  conferver  l'empire  que  la  nature  leur  a  donné. 

Vêtues  avec  une  légèreté  que  le  climat  exige ,  elles  ne  paraîfient  que  plus 
libres  dans  tous  leurs  mouvemens ,  &  mieux  faites  pour  réveiller  l'idée  d'une 
volupté  d'autant  plus  leduifante  ,  que  la  nonchalance  caradérife  tous  leurs 
mouvemens. 

L'état  de  défceuvrement  dans  lequel  les  femmes  Créoles  font  élevées  ;  les 
chaleurs  prefque  habituelles  qu'elles  éprouvent  ;  les  complaifances  dont  elles 
font  perpétuellement  l'objet  ;  les  effets  d'une  imagination  vive  &  d'un  déve- 
loppement précoce;  tout  produit  une  extrême  fenfibilité  dans  leur  genre  nerveux. 
C'eft  de  cette  fenfibilité  même ,  que  naît  encore  leur  indolence  qui  fait  s'allier 
à  leur  vivacité  ,  dans  un  tempérament  dont  le  fond  eft  un   peu  mélancolique. 

Cependant  il  ne  faut  qu'un  défir,  pour  rendre  à  leur  ame  toute  fon  énergie. 
Accoutumées  à  vouloir  impérieufement ,  elles  s'irritent  à  raifon  des  obftacles  ; 
&  dès  qu'ils  ceiTentj  l'infouciance  renaît.  Sans  émulation  pour  les  talens  agréables 
qu'il  leur  ferait  fi  facile  d'acquérir  ,  elles  les  envient ,  cependant ,  avec  une 
forte  de  dépit  ,  dès  qu'une  autre  les  pofTède.  Mais  ce  qui  les  affeéle  jufqu'à 
les  afîliger,  c'eft  la  préférence  que  les  charmes  de  la  figure  peuvent  faire  obtenir 
à  quelques-unes  d'elles ,  fur  les  autres.  Il  eft  même  facile  de  foupconner  cette 
antipathie  ,  née  d'une  rivalité  fecrête  ,  quand  on  remarque  combien  les  femmes 
Créoles  cherchent  peu  à  fe  réunir  ,  quoiqu'elles  fe  prodiguent  les  carelTes  dès 
que  le  hafard  les  rafTemble, 

Les  Créoles  portent  à  l'excès  leur  tendreffe  pour  leurs  enfans.  Ce  font  elles 
furtout  qui  leur  infpirent  les  plus  finguliêres  fantaifies.  J'ai  affez  dit  combien 
leur  aveuglement  eft  funefte  à  ces  enfans  qu'elles  ne  commencent  à  traiter  en 
mères ,  qu'au  moment  oxx  elles  confentent  à  les  envoyer  en  France ,  dans  l'efpoir 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  rj 
qu'ils  y  recevront  une  éducation  cultivée.  Elles  aiment  auiïl  leurs  parens  avec 
affeftion,  &  leur  en  prodiguent  à  chaque  inftant  les  témoignages  les  plus  doux. 

L'amour,  ce  befoin  ,  ou  plutôt  ce  tyran  des  âmes  fenfibles,  règne  fur  celle 
des  Créoles.  Aimables  par  leur  propre  fenfibilité  &  par  des  moyens  qu'elles  ne 
tiennent  que  de  la  nature,  fans  impoliure  ,  flins  artifice,  elles  fuivent  leur 
penchant,  qui,  pour  rendre  parfait  le  bonheur  de  ceux  qui  en  font  l'objet, 
aurait  peut-être  befoin  de  dépendre  davantage  du  fentiment. 

Il  faut  cependant  ajouter,  que  fi  l'amour  égare  quelquefois  les  Créoles,  h 
durée  de  leur  attachement  pour  le  choix  qui  les  rend  coupables,  rachèterait  leurs 
fautes ,  fi  la  décence  pouvait  jamais  ceffer  de  s'en  ofFenfer. 

Heureufe  la  Créole ,  pour  qui  les  fermens  de  l'hymen  ont  été  les  vœux  de 
l'amour!  Chérilfant  fon  amant  dans  fon  époux  ,  fa  fidélité,  plus  communément 
encore  le  fruit  de  fa  nonchalante  fagefle,  que  de  la  vertu  qui  fuppofe  des  combats 
&  une  viftoire  ,  aiïlirera  leur  tranquillité  commune.  Mais  fi  le  mari  n'a  d'autres 
droits  que  ceux  du  devoir,  qu'il  redoute  en  les  exerçant  defpodquement  de 
meprifer  ceux  de  la  compagne  ,  fon  exemple  pourrait  être  fuivi. 

Toutes  ces  difpofitions  aimantes  font  que  la  perte  de  celui  auquel  elles 
étaient  hces  ,  amènent  prefqu'aufïïtôt  un  nouvel  engagement.  Aufii  peut-on 
leur  appliquer  ce  que  M.  Thibault  de  Chanvallon  a  dit  des  Créoles  d'une 
aucre  Colonie  -,  "  qu'il  n'eft  point  de  veuve  ,  qui  ,  malgré  fa  tendrefle  pour 
„  ies  enfans,n  efface  bientôt,  par  un  nouveau  mariage ,  le  nom  &  le  fouvenir 
„  d'un  homme  dont  elle  paraifTait  éperduement  éprife  ".  Peut-être  même 
n'exifte-t-il  pas  de  pays  où  les  fécondes  noces  foient  auffi  communes  qu'à 
Sa.nt-Domingue  ,  &  l'on  y  a  vu  des  femmes  qui  avaient  eu  fept  maris 

L'attachement  des  Créoles  efl  mêlé  de  jaloufie ,  &  malgré  leur  indifférence 
pour  l'époux  que  les  feules  convenances  leur  aura  donné  ,  elles  ne  peuvent 
lui  pardonner  fes  infidélités.  C'efl  contre  tout  ce  qu'elles  peuvent  foupçonner 
quel  es  s'irntent  avec  fureur.  La  jaloufie  a  donné  la  mort  à  des  femmes 
Créoles  qui  n'ont  pu  fupporter  le  changement  d.  celui  qu'elles  idolâtraient 
Elles  font  même  capables  de  préférer  la  perte  de  l'objet  aimé  à  celle  de 
fa^tendreflè  :  tant  cette  odieufe  paffion  dénature  tout  ,  jufqu'au  fentiment 
pieme  ou  elle  prend  fa  fource   J 

^  La  danfe  ,    mais  la  danfe   vive  a   tant  d'attrait  pour   les  Créoles  qu'elles 
s  y  livrent  fans  rélcrve  ,   malgré   la  chaleur  du   climat   &  la  faiblelTe  de  leur 

Ç  a 


f' 


DESCRIPTION      DE     LA     PARTIE 

conftit'jtion.  Il  femble  que  cet  exercice  ranime  leur  exigence,  &  elles  favent 
trop  bien  quels  charmes  nouveaux  il  donne  à  une  figure  exprciïive  &  à 
une  taille  gracieufe  ,  pour  qu'elles  ne  le  recherchent  pas  avec  ardeur.  Il  leur 
fait  oublier  l'indolence  qu'elles  paraiiT;nt  chérir.  On  les  entend  même  prelTer 
ia  mefure  qu'elles  fuivent  avec  une  précifion  rigoureufe ,  mais  fans  contrainte. 
Enfin  telle  eft  l'erpècc  de  délire  oij  la  danfe  les  plonge  ,  qu'un  fpeélateur 
étranger  croirait  que  ce  plaifir  eft  celui  qui  a  le  plus  d'empire  fur  leur  ame. 
En  voyant  âùfTi  que  dans  un  bal  la  retraite  de  quelques  femmes  devient  un 
iigp.al  pour  que  les  autres  quittent  la  danfe  ,  on  imaginerait  que  ne  formant 
qu'une  feule  famille  ,  elles  ne  jouiffcnt  de  cet  amufement  qu'autant  qu'elles 
le  partagent  toutes.  Combien  il  efh  regrettable  que  ce  mouvement  de  tcn- 
drefîe   apparente   ait  befoin  d'un  nouveau   bal  pour  reparaître  ! 

Les  Créoles  aiment  le  chant.  Leur  gofier  facile  fe  prête  agréablement  aux 
airs  légers  &  aux  airs  tendres  ;  mais  la  romance  efc  ce  qui  leur  plaît  d'avantage. 
Ses  fons  plaintifs  femblent  faits  pour  flatter  leur  difpoficion  langoureufe  ,  & 
elles  en  accentuent  les  exprefîlons  avec  une  vérité  qui  féduit  le  cœur  après 
avoir   charmé    l'oreille. 

La  folituJe  plaît  beaucoup  aux  femmes  Créoles  qui  y  vivent  volontiers  , 
mêmxe  au  fein  des  villes.  Elle  leur  donne  un  caraftère  de  timidité  qui  ne  les 
quitte  pas  dans  la  fociété  où  elles  répandent  peu  d'agrémens  ;  à  moins  qu'elles 
n'aient  appris  en  France  à  fentir  tout  le  prix  d'une  amabilité  qu'elles  favent 
rendre   touchante. 

Les  Créoles  font  três-fobres.  Le  chocolat  ,  les  fucreries  ,  le  café  au  lait 
furtout ,  voilà  leur  nourriture.  Mais  un  goût  qui  femble  plus  fort  qu'elles  , 
les  porte  encore  à  refufer  les  alimens  fains  &  à  leur  préférer  les  falaifons 
apportées  d'Europe  ou  des  mets  du  pays  ,  bifarrcment  préparés  &  connus  fous 
des  noms  plus  bifarres  encore.  L'eau  pure  eft  leur  boifîbn  ordinaire  ,  mais 
elles  lui  préfèrent  par  fois  une  limonade  compofée  de  firop  &  de  jus  de 
citron.  Les  Créoles  ne  mangent  guères  aux  heures  du  repas ,  mais  indifcinc- 
tement ,  lorfqu'elles  éprouvent  les  défirs  d'un  appétit  dont  elles  fuivent  toute 
îa  dépravation. 

Un  fommeil  trop  prolongé  ,  l'inaftion  dans  laquelle  elles  vivent  ,  des 
écarts  de  régime  de  toute  efpéce  j  des  alimens  mal  choifis  ,  des  pafiîons  vives 
prefque  toujours  en  jeuj  telles  font  les  fources  des   maux   qui  menacent  les 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         ^i 

femmes    Créoles  ,    &   les  caufes   qui   flctrinent   fitôt   leur   charmes  :   brillantes 
comme   les   (leurs  ,  elles   n'en    ont   aufli  que   la  durée. 

Une  autre  caufe  de  cette  rapidité  avec  laquelle  les  Créoles  perdent  Se  les 
moyens  de  plaire  &  leur  fanté  ,  c'eft  l'habitude  pernicieufe  de  les  marier 
avant  que  la  nature  ait  achevé  toute  leur  croiirance.  Mères  avant  d'avoir 
acquis  tout  leur  développement  ,  elles  ne  donnent  la  vie  qu'en  abrégeant 
la  leur.  Généralement  fécondes  ,  ibutenant  leur  grofleffe  fans  maladie  &  l'en- 
fantement fans  accident  ,  elles  s'abufent  fur  ces  avantages  qui  ne  font  dûs 
qu'à   la  faible  fie  de    leurs   organes. 

Il  me  lemble  voir  naître  l'étonnement  en  apprenant  que  dans  un  pays  où 
la  tendrefTe  maternelle  eft  une  vertu  exaltée  ,  les  enfans  prefTent  un  fein 
étranger.  Il  n'cll:  que  trop  vrai  que  s'il  efl  peu  de  femmes  Créoles  qui  ne 
tentent  de  nourrir  leurs  enfans  ,  il  en  efl  très-peu  qui  achèvent  de  remplir 
ce  devoir.  Faibles  par  conftitntion  &  parce  qu'on  a  hâté  le  moment  de  la 
maternité  ,  faibles  parce  qu'elles  détruifent  leur  eftomac  &  que  le  climat 
&  peut-être  des  vices  hérédit.iires  ont  rendu  le  genre  nerveux  très-irritable  ; 
les  Créoles  font  réduites  à  folliciter  d'une  efclave  Je  lacritice  de  fbn  fano- 
pour  conferver  l'être  à  qui  elles  n'ont  pu  donner  que  la  vie.  Mais  leurs  enfans 
font  nourris  fous  leurs  yeux ,  elles  difputent  leurs  careiTes  à  la  nourrice  qu'on 
afFranchit  prefque  toujours  pour  prix  de  ce  bienfait  ;  enf^n  les  mères  rachè- 
tent par  leurs  foins  ,  par  leurs  foUicitudes  ,  l'impuiiTance  oij  elles  fe  trouvent 
de  fatisfaire  à  une  loi  dont  l'oubh  eft  quelquefois  cruellement  puni  dans 
d'autres   climats. 

Les  femmes  Créoles  ne  reçoivent  aucune  é.ducation  à  Saint-Domingue  ;  & 
quand  on  les  juge  d'après  cette  obfervation  ,  on  eft  étonné  de  leur  trouver 
un  fens  aufîî  jufte.  Leur  efpiic  naturel ,  plus  dégagé  de  préjugés,  donne  à  leur 
ame  une  trempe  forte  qui ,  fi  elle  contribue  à  les  égarer  dans  ce  qu'elles  veulent 
d'irraifonnable  ,  procure  à  leurs  réfolutions  bien  dirigées  un  caradère  de  ftabi- 
lité  dont  quelques  détrafteurs  chagrins  avaient  prétendu  que  leur  fexe  était 
incapable. 

On  peut  même  demander  avec  confiance  aux  femmes  Créoles  un  confeil 
dès  qu'il  intéreffe  le  fcntiment  ou  la  délicateffe.  Douées  d'une  efpèce  de  taél 
qui  vaut  fouvent  mieux  que  nos  principes  ,  elles  fe  portent  naturellement 
vers  ce  qui  eft   préférable.  Fière  ,  indignée  de  tout  ce   qui  avilit ,  méprifant 


DESCRIPTION 


PAR 


t.>y 


plus  que  les  hommes  mêmes  ,  les  hommes  dégradés  ,  une  femme  Créole 
partage  vivement  l'affront  fait  à  celui  qu'elle  aime.  Il  faut  qu'il  renonce  à 
fa  tendreffe  s'il  eft  capable  de  dévorer  un  affront  j  elle  n'écoutera  jamais  les 
foupirs   d'un  lâche  &   préférerait  de   pleurer  fur    fa    tombe. 

Il  n'eft  malhcureufement  que  trop  facile  de  leur  prouver  qu'on  eft  digne 
d'elles  à  cet  égard.  La  plus  grande  preuve  du  peu  de  fociabiHté  de  Saint- 
Domingue  ,  c'eft  le  faux  point  d'honneur  qui  y  maîtrife  encore  l'opinion. 
Dans  un  p:iys  où  la  fortune  fait  tant  de  rivaux  ,  il  eft  difficile  de  prendre 
ces  dehors  polis  qui  font  peut-être  les  premières  fauvegardes  de  la  fureta  particu- 
lière. L'habitude  de  commander  aux  efclaves  &  de  ne  trouver  que  de  la 
foumilTion,  rend  néceffairement  le  caractère  un  peu  altier,  &  des  Colons  défen- 
feurs  de  leur  propres  foyers,  doivent  être  dominés  par  un  préjugé  aufTi  ancien 
que   la  Colonie  ;   il  donne   même  aux  magiftrats  un  extérieur  o-uerrier. 

Les  Créoles  font  auffi  naturellement  affables  ,  généreufes  ,  compatiffantes 
pour  tout  ce  qui  porte  l'empreinte  de  l'infortune  &  de  la  douleur,  mais  elles 
oublient  quelquefois  ces   vertus  envers  leurs  efclaves   domcâiques. 

Qui  ne  ferait  révolté  de  voir  une  femme  délicate  à  qui  le  récit  d'un  mal- 
heur moindre  que  celui  qu'elle  va  caufer ,  ferait  répandre  des  larmes ,  préfider 
à  un  châtiment  qu'elle  a  ordonné  !  Rien  n'égale  la  colère  d'une  femme  Créole 
qui  punit  l'efclave  que  fon  époux  a  peut-être  forcée  de  fouiller  le  lit  nuptial. 
Pans   fa  fureur  jaloufe  elle   ne   fait   qu'inventer   pour  affouvir   fa   veno-eance. 

Ces  fcénes  affreufes  qui  font  très  -  rares  le  deviennent  encore  plus  de 
jour  en  jour.  Peut-être  même  les  Créoles  perdront  -  elles  ,  avec  le  tems 
ce  penchant  pour  une  domination  févère  ,  dont  elles  contractent  l'habitude 
dès  l'âge  le  plus  tendre.  Le  foin  d'en  faire  élever  un  très-grand  nombre  en 
France  ,  l'influence  des  ouvrages  qui  font  l'éloge  des  vertus  domeftiques  & 
.qu'elles  lifent  avec  attendriffement ,  amèneront  fans  doute  cette  heureufe  révo- 
lution. Déjà  les  Créoles  trouvent  du  plaifir  à  adoucir  le  fort  des  efclaves 
qui  les  approchent  i  déjà  elles  prodiguent  aux  enfans  de  tous  leurs  efclaves 
des  fouis  qu'elles  dédaignaient  autrefois.  Il  eft  plus  d'une  Créole  eftimable 
dont  le  premier  foin  en  s'éveillant  eft  d'aller  vifiter  l'hôpital  de  fon  habita- 
tion ,  &  de  veiller  à  ce  que  les  maux  des  nègres  foient  foulages  ,  &  leurs 
peines  adoucies.  Quelquefois  même  leurs  mains  délicates  préparent  des  médj- 
çanjens  tandis  que  la  çonfolation  coule  de  leur  bouche  perfuavive, 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ,, 
Sexe  charmant!  Tel  efl  votre  apanage  ,  k  douceur  &  la  bonté.  C'cft  pour 
tempérer  la  fierté  de  l'homme,  pour  le  captiver,  pour  lui  rendre  agréable  le 
fo.ige  de  la  vie,  que  la  nature  vous  forma.  Ne  dédaignez  donc  pas 'de  régner 
par  les  moyens  qu'elle  vous  a  donnés.  Le  fondateur  d'une  religion  ,  en  peignart 
avec  des  traits  de  feu  un  lieu  de  délices  éternelles,  a  fenti  qu'il  fallait,  poui-. 
exciter  l'enthoufiafme  ,  vous  montrer  dans  ce  féjour  douces  &  belles ,  &  il  a 
féduit  par  ce  tableau  vraiment  enchanteur  ! 

Je  ne  prétends  pas,  dans  ce  tableau  du  caraftère  des  blancs  qui  habitent 
l'île  Saint-  Domingue  ,  avoir  recueilli  tout  ce  qui  peut  le  diftingucr,  mais 
feulement  offrir  les  principales  généralités,  qui  en  font  comme  la°bafe.'  Il  fc 
préfentera  dans  le  cours  de  la  Defcription  de  la  Partie  Françai/e  ,  plus  d'un 
détail  relatif  aux  mœurs  &  aux  caraélères  de  fes  habiians ,  plus  d'une  exception 
remarquable  ,  plus  d'un  fujet  de  louange  ou  de  blâme  ,  &  le  Leéteur  attentif 
n'aura  pas  toujours  befoin  qu'on  les  lui  indique  ,  pour  en  être  frappé.  Il  doit 
fentir,dèsàpréfent,  que  dans  une  Colonie  où  chacun  ,  apportant  fes  vices  & 
fes  vertus  ,  fe  dirige  vers  le  temple  de  la  fortune  ,  félon  fes  opinions  ,  k^ 
befoins  &  les  circonftances ,  il  doit  y  avoir  des  nuances  fenfibles,  même  des 
diffemblances  abfoluesi 

DesÈsclaves. 


Quoioyî  les  Èfclaves  ne  forment  pas  la  clalTe  qùî  ,  dans  la  population  ,  fuit 
immédiatement  celle  des  blancs  ,  il  paraît  naturel  d'en  parier  avant  que  de  rien 
dire  des  affranchis ,  puifque  ceux-ci  offrent  le  réfultat  modifié  de  l'efclavage  des 
uns  ,  &  de  la  liberté  des  autres. 

L'obfervation  infpirée  par  la  population  blanche ,  en  ce  qu'elle  n'eft  pas  toute 
compofee  de  Créol. ,  doit  être  rcnouvellée  par  rapport  aux  Efclaves ,  puifque 
les  deux  tiers  de  ceux-ci  (  qui  font  prefque  tous  nègres  ),  font  venus  d'Afrique 
tandis  que  le  furplus  eft  né  dans  la  Colonie.  Il  faut  donc  parler  d'une  manière 
diftincle  de  ces  deux  claffes ,  qui  ont ,  à  certains  égards ,  des  traits  qui  leur  font 
plus  ou  moins  particuliers» 


DESCRIPTION 


PARTIE 


Bes  Efdaves  venus  d'Afrique. 

Saint-Domingue  eR:  le  premier  lieu  de  l'Amérique  où  il  y  ait  eu  des 
Elclaves  Africains  ,  &  perfonne  n'ignore  qu'ils  y  furent  introduits  comme  culti- 
vateurs ,  d'après  l'avis  de  Barthélémy  Las  Calas  ,  qui  en  avait  vu  quelques-uns 
amenés  par  hafard  à  Saint-Domingue  depuis  1505.  Il  propoTa  de  les  fubiliituer 
aux  naturels  de  l'île  ,  que  le  travail  des  mines  rendait  l'objet  des  plus  cruelles 
vexations,  &  menaçait  de  faire  difparaître  abfolument'de  leur  terre  natale.  L'idée 
de  Las  Cafas ,  égaré  par  l'humanité  même  ,  fut  adoptée ,  parce  qu'elle  offrait 
des  moyens  de  plus  ;  car  la  cupidité  ne  cefla  pas  de  moiffonner  les  malheureux 
Indiens. 

Toutes  les  Colonies  françaifes  des  Antilles  eurent ,  dès  leur  nalflance ,  des 
Efclaves  Africains.  Mais  l'île  Saint-Domingue  en  avait  déjà,  puifque  fes 
premiers  conquérans  en  polTédaient  alors  ,  depuis  près  d'un  fiècle  &  demi. 
On  croira  aifément ,  que  dans  les  commencemens  des  tentatives  des  Aventuriers, 
ils  avaient  à  peine  quelques  nègres  qu'ils  enlevaient,  foit  à  terre,  foit  dans  leurs 
courfes  mariâmes  ,  à  leurs  ennemis  ,  &  ce  ne  fut  qu'en  fe  livrant  à  la  culture , 
que  les  Colons  français  connurent  le  befoin  réel  des  Africains.  On  les  vit  même , 
pendant  affcz  long-tems,  cukiver  de  leurs  propres  mains,  aiïbciés  à  des  efpèces 
d'efclaves  blancs,  appelles  Engages  ou  Trente-fix  viois  ,  noms  qui  exprimaient 
l'état  fervile  oij  ils  étaient   &  fa  durée. 

'  Tourmentés  du  défir  d'aller  provoquer  la  fortune  dans  les  Colonies ,  une 
foule  d'individus  fe  vendaient  en  France  pour  trois  ans ,  à  un  capitaine  de  navire 
qui ,  pour  prix  de  Leur  tranfport ,  les  cédait  à  fon  tour  à  un  Colon  ,  pour  uns 
fomme  convenue.  Mais  cet  ulage  ,  dont  il  eft  affez  remarquable  que  les  Anglais 
aient  les  premiers  donné  l'idée  dans  les  Colonies  de  l'Amérique  Septentrionale  , 
où  il  exifte  encore  aujourd'hui  malgré  leur  indépendance  ,  ne  put  pas  fe  foutenir 
aux  îles  françaifes.  Ce  ne  fut  même  que  jufqu'à  l'époque  où  le  tabac  fut  l'objet 
principal  &  même  unique  du  commerce  colonial,  que  les  Engagés  furent 
trouvés  propres  aux  mêmes  emplois  que  les  nègres.  Mais  la  culture  de  l'indigo 
&  furtout  celle  de  la  canne  à  lucre ,  exigèrent  impérieufement  des  individus 
plus  capables  de  réufter  à  l'effet  continuel  d'un  foleil  ar,ientj  &  cette  culture 

offranç 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         o^ 

ofiVant  à  Ton  tour  ,  dans  fes  bénéfices  ,  les  moyens  de  payer  les  nègres  que  les 
commcrçans  envoyaient  prendre  en  Afrique  ,  le  nombre  des  efclaves  s'eft  conti- 
nuellement accru  iufqu'au  nombre  que  j'ai  déjà  indiqué  ,  &  qui  b'éiève 
maintenant  à  quatre  cent  cinquante-deux  mille. 

Les  Engagés  qu'on  avait  continué  de  tranfporter  en  très-petit  nombre  & 
que  plufieurs  lois  exigeaient  impérieufement  que  les  armateurs  des  navires  mar- 
chands envoyafient  à  leurs  frais  ,  ne  furent  plus  que  des  chefs  d'ateliers  de 
nègres  ;  mais  depuis  un  grand  nombre  d'années ,  il  ne  refte  des  Engagés  que 
le  fouvenir  de  l'impôt  que  le  gouvernement  leur  avait  fubftitué  &  qiri  a  été 
converti  d'abord  en  une  fourniture  de  fufiîs  que  leur  mauvaife  qualité  a  fait 
juflement  rejeter  ,&  enfuite  en  une  obligation  de  tranfporter  des  foldats ,  des 
officiers  ou  des  agens  quelconques  du  gouvernement  aux  Colonies  ou  de  celles- 
ci  en  France.  On  pourrait  cependant  ajouter  que  quelquefois  le  fouvenir 
des  Engagés  fert  à  réprimer  l'orgueil  de  ces  hommes  qui  ,  par  des  airs  dédai- 
gneux,  forcent  l'amour-propre  blefîé  à  rechercher  leur   origine. 

Une  grande  partie  de  l'Afrique  eft,  pour  ainfi  dire ,  tributaire  de  l'Amérique 
à  qui  elle  donne  des  cultivateurs.  Saint-Domingue  pofsèdc  ,  à  lui  feul  ,  au 
moins  les  trois  cinquièmes  des  efclaves  des  îles  françaifes  de  l'Amérique. 
L'étendue  de  l'Afrique  ,  celle  des  parties  où  h  triilte  a  lieu  ,  les  immenfes 
intervalles  qui  féparent  ces  différentes  parties  ,  tout  doit  faire  féntir  que  les 
mœurs  des  Africains  réunis  dans  les  Colonies  y  forment  un  enfemble  où 
l'on  ne  trouve  pas  exaélement  les  moeurs  particulières  de  ces  divers  peuples. 
AgUrant  fur  le  moral  les  uns  des  autres  ,  les  nuances  du  caraclère  qui  dilHn- 
gue  l'Africain  des  autres  habitans  "du  globe  fe  fondent  en  quelque  forte  en 
un  tout  qui  ne  conferve  que  le  ton  principal  &  qui  fert  à  montrer  l'Africain 
devenu    colonial  :   c'eft    cet   enfemble    que  je    veux  tracer. 

Ce  qu'il  offie  de  plus  remarquable  &  qui  eft  le  moins  fournis  à  l'influence 
de  la  tranfplantatlon  ,  c'eft  l'infouciance  dont  on  peut  former  par-tout  la 
caraclériftique  du  nègre.  Elle  eft  chez  lui ,  fans  doute  ,  l'effet  d'une  tempé- 
rature qui  rendant  les  premiers  befoins  infiniment  bornés  ,  lui  ôte  tous  les 
foucis  &  les  foins  que  l'homme  trouve  dans  l'idée  de  l'avenir.  De  cette 
difpofition  de  l'ame  doit  naître  inévitablement  l'indolence  ,  &  c'eft  l'état  favori 
du  nègre.  Privé  de  toute  é.lucation  ,  livré  à  tous  les  préjugés  ,  à  toutes  les 
terreurs  de  l'ignorance  ,  il  eft  faible  &  craintif  quoiqu'il  puiffe  s'élever  au 
Tom,     I,  jy 


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2*5 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


mépris   des   dangers   phyfiques  ,  préclféraent   parce   que   fon   imagination  perd 
fon  empire   à  leur   égard. 

Les  qualités  corporelles  varient  extrêmement  chez  les  nègres  à  raifon  des 
dlfférens  points  de  l'Afrique  où  ils  ont  reçu  le  jour.  Pour  mieux  remarquer 
ces  qualités  ,  la  manière  la  plus  sûre  eft  de  les  obferver  dans  leurs  rapports 
ai'ec  ces  lieux  eux-mêmes  ;  d'autant  qu'elle  fera  voir  de  combien  de  peuples 
li  population  noire   de   la   Colonie   eft   tirée. 

Lcrfqu'à  la  naiffance  du  feizième  fiècle  ,  les  Portugais  commencèrent  à 
introduire  quelques  nègres  en  Amérique  ,  ce  furent  les  environs  du  Sénéga 
qui  les  fournirent^  &  c'eft  encore  la  partie  la  plus  Septentrionale  de  l'Afrique 
où  l'on  va  chercher  des  efclaves.  On  y  amène  quelquefois  auffi  ,  en  très- 
petit  nombre  il  eft  vrai,  des  Maures  ,  des  defcendans  ou  des  viéli  mes  de  ces 
Arabes  procréés  d'Ifmaël ,  qui  lé  répandirent  comme  un  torrent  débordé  dans 
l'Afrique  vers  le  milieu  du  feptième  fiècle  &  dont  les  connaifTances  étonnent 
encore  l'Europe  qu'ils  ont  contribué  à  éclairer.  Ces  Maures  ou  Arabes ,  placés 
le  loncr  du  fleuve  Sénégal ,  font  une  guerre  cruelle  aux  nègres  leurs  voifms 
&  vont  même  à  de  très-grandes  diflances  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  che.r- 
cher  des  efclaves  qu'ils  vendent ,  ainfi  que  leurs  prifonniers  nègres ,  pour  payer 
un  tribut  à  l'Empereur  de  Maroc  fous  le  joug  duquel  ils  font  courbés. 
Malo-ré  l'infériorité  de  leur  nombre  ,  les  Maures  ufent  envers  les  Nègres  d'une 
audace  qu'on  a  de  la  peine  à  concevoir ,  &  c'eft  dans  les  cas  extraordinai- 
rement  rares  où  ceux-ci  réfutent  avec  fuccès  ,  qu'ils  vendent  quelquefois,  à 
leur,  tour ,  parmi  d'autres  nègres  ,  des  Maures  ,  qu'ils  maffacrent  le  plus  fouvent 
tant  ils  les  haïiTent.  C'eft  ainfi  qu'on  a  vu  des  Maraboux  ,  livrés  par  les 
nèo-res  fur  lefquels  ils  exercent  cependant  .un  empire  d'autant  plus  abfolu 
qu'il  eft  fondé  fur  la  fupcrftition  ,  aller  montrer  à  une  colonie  conquife  autre- 
fois par  les  Efpagnols ,  des  efclaves  ilTus  de  ceux  qui  furent  auffi  autrefois 
les    conquérans   de  l'Efpagne. 

Les  nègres  Sénégalais ,  furent  encore  les  premiers  qu'apportèrent  aux  Colons 
français  les  Compagnies ,  qui  parvinrent  à  fe  faire  accorder  le  privilège  exclufif 
d'un  commerce,  que  les  étrangers  firent  feuls  dans  les  premiers  tems  de  la 
Colonie  de  Saint-Domingue.  Ces  nègres  font  grands  &  bienfaits,  élancés,  d'un 
noir  d'ébène.  Leur  nez  eft  allongé ,  &  aflez  femblable  à  celui  des  blancs  j  leurs 
cteveux  font  moins  crépus  &  plus  fufceptibles  de  s'étendre  &:  d'êçre  treflCés^ 


II 


i£v 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         27 

que  l'efpèce  de  laine  qui  couvre  en  général  la  tête  de  l'Africain.  Dans  Ton 
moral,  le  Sénégalais  a  auffi  des  marques  d'une  efpèce  de  fupériorité  -,  lui,  que  les 
Maures  fubjuguent ,  quoique  belliqueux  &  aguerri.  Il  eft  cultivateur,  intelli- 
gent ,  bon  ,  fidèle ,  même  en  amour  ,  reconnaiffant ,  excellent  domeilique. 
Vivant  de  petit  mil ,  de  maïs  &  de  riz  ,  il  eft  très-fobre  ,  très-propre  à  la  o-arde 
des  animaux ,  difcret  &  fur-tout  filencieux,  qualité  fi  rare  chez  les  Africains^ 
&  qu'on  ne  prife  pas  afîez  chez  les  peuples  policés. 

Les  Tcdoffes ,  voifins  des  Sénégalais  ,  n'en  diffèrent  guères  que  parce  qu'ils 
font  encore  plus  grands.  On  peut  comparer  aux  Sénégalais  ,  les  nègres  du 
Cap-Verd,  qui  bordent  le  pays  des  Yoloffes  ,  &  qu'on  nomme  fort  impropre- 
ment aux  Antilles  dc% 'Calvaires.  Leur  couleur  noire ,  eft  encore  plus  foncée  que 
celle  du  Sénégalais  ;  leur  taille  eft  avantageufe  ,  leurs  traits  font  heureux  ,  &  lea 
femmes  auraient  tojs  les  caraétères  de  la  beauté,  fi  leur  gorge  n'excédait  pas  quel--' 
quefois  par  fa  groffeur,  les  belles  proportions.  Des  dents  d'un  ivoire  éblouifiânt  , 
gArniiTent  une  bouche  d'oîj  fort  un  fon  doux ,  &  fur  lequel  il  femble  qu'influe  le 
lait  qui  eft  leur  nourriture  favorite.  Qiii  croirait  qu'on  peut  reprocher  aux  hommes 
^  à  qui  la  nature  préfente  de  pareilles  compagnes  ,  un  penchant  qui  l'outrao-e  ! 

Les  Feules  ,  appelles  vulgairement  Pcules  ou  Foulards  ,  voifins  des  Sénégalais 
&  des  Yoloffes,  mais  plus  intérieurem.ent  placés,  font  affez  femblabks  aux  Sé- 
négalais   parla   taille  feulement,  car   leur  couleur   eft  rougeâtre.- 

C 'eft  des  points  qui  font  encore  plus  à  i'Eft  du  Sénégal  ,  que  viennent  le? 
Bamharc.s ,  les  hommes  de  la  plus  haute  ftature  qus  donne  l'Afrique'',  mais' 
qui  ont ,  fur  \\n  vifage  trifte  ,  de  longues  marques  qui  dekendent  des  tempes 
vers  le  cou  ,  &  qur  s'élargiffent  à  leur  milieu.  Le  Bambara  eft  lent,  fa  démarche 
mal  afiurée  peint  l'indolence ,  &  telle  eft  l'opinion  qu'il  a  fait  concevoir ,  ainfi 
que  d'autres  nègres  amenés  de  plufieur^  centaines  de  lieues  à  I'Eft  de  l'Afrique 
&  vendus  avec  lui ,  fous  la  dénomination  générique  de  Bambara ,  que  ce  mot 
fert  à  indiquer  un  grand  corps  fans  grâces.  Le  fobriquet  qu'il  a  aux  îles,  eft 
celui  de    Voleur  de  dinde s^  &   Voleurdemoutcns,  dont  il  eft  très-friand. 

Les  flambas, voifins  des  Bambaras,font  auffi  grands  qu'eux,  mais  ils  n'ont  paî 

un  extérieur  auffi  gauche  ,  &  ils  ont  trois  longues  raies  fur  chaque  côté  du  vifao-e. 

Il  faut  ranger  enfuite  les  Mandingues.  Ils  habitent  au  Sud  des  Yoloffes,   fur  la. 

côte  qui  porte  leur  nom ,  &  lur  hi  bords  de  la  rivière  de  Gambie.  Ici  la  teints 

du  noir^dt  la- peau  s'affaiblit,  &  le  caraélère  a-changé  encore  plus,- Le  Mandingiit 

D  a 


>  î 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

efl:  un  maître  févére  ,  quelquefois  cri^el ,  &  il  eft  fripon  par  habitude  ;  fa  princi- 
pale nourriture  eft  le  riz.  Mais  l'efclave   Mandingue,  par  cela  même  qu'il  a  été 
plié  violemment  au  joug,  eft  bon  à  employer  aux  îles  où  fon  fort  eft  am.élioré 
&  il  y  perd  quelquefois  fon  penchant  pour  le  larcin. 

Prefque  en  face  des  Mandingues ,  &  en  tirant  au  Midi ,  font  les  îles  des 
^Hf^-S'^f^  '  dont  la  traite  appartient  aux  Portugais.  Il  en  vient  fort  rarement , 
ainfi  que  des  paities  voifines ,  des  Sc/cs ,  &  quelques  nègres  très-guerriers  qui  ont 
dans  leur  pays  l'ufage  de  boucliers  de  peaux  d'éléphant  de  toute  leur  hauteur, 
Se  derrière  lefouels  ils  font  à  l'épreuve  de  la  balle.  Ces  nègres  font  pour  les 
habitations  de  bons  chaffeurs ,  &  des  gardiens  fûrs  des  places  à  vivres. 

Tous  les  Africains  dont  j'ai  parlé  juiqu'ici,  &  qui  font  embarqués  fur  divers 
points  d'une  côte  qui  comprend  environ  trois  cens  lieues,  depuis  le  dix- 
feptième  degré  de  latitude  Septentrionale  ,  où  eft  placée  l'embouchure  de  la 
rivière  du  Sénégal ,  jufqu'à  Serre -Lione,  font  en  général  Mahométans ,  du 
moins  ceux  qui  habitent  près  de  la  mer.  Mais  cette  religion  eft  mêlée  d'une 
..  _  idolâtrie,  qui  prévaut  d'autant  plus  ,  qu'on  pénètre  d'avantage  dans  l'intérieur, 
&  fouvent  mxême  les  preuves  de  la  circoncifion ,  font  les  feules  auxquelles  on  peut 
reconnaître  qu'ils  font  foumis  à  des  idées  de  Mahométifmie. 

.  Après  Serre-Lione,  allant  au  Sud,  fe  trouve  la  Côte  des  Graines  ou  de 
Malagiiettâ  ou  du  Poivre  ,  qui  finit  au  Cap  des  Palmes,  puis  la  Cote  d'Ivoire  ou 
i^(?^  Dé'«/j ,  qui  fe  termine  au  Cap  ApoUonie.  C'eft  de  la  côte  de  Malao-uette 
que  viennent  les  Bouriquis ,  les  Mijérables  ;  non  loin  d'eux  font  les  Mefurades  ou 
Çangas ,  parmi  lefquels  ceux  qui  habitent  vers  le  haut  des  rivières,  font  anthro- 
pophages. Mais  la  traite  de  la  côte  de  Malaguette  &  celle  de  la  côte  d'Ivoire 
appartiennent  exclufivement  aux  Anglais;  de  manière  qu'on  ne  voit  qu'infiniment 
peu  de  ces  nègres  à  Saint-Domingue  ,  où  ils  ne  font  introduits  que  par  le 
commerce  interlope.  Ces  nègres  font  très-hardis ,  prompts  à  la  révolte ,  aimant 
la  défertion  ,  &  en  général  très-peu  propres  à  la  culture  coloniale.  Les  nëores 
du  Cap  des  Palmes  &  des  lieux  circonvoifins,  font  très-adroits  à  la  chaffe  & 
à  la  pêche  ,  très-grands  nageurs  &  plongeurs  audacieux. 

Vient  enfuite  la  Côte  d'Or,  qui  fournit  beaucoup  de  nègres  à  Saint-Domino-ue, 
où  l'on  eft  dans  l'ufage  de  comprendre  dans  cette  côte ,  qui  commence  au  Cap 
ApoUonie  &  qui  finit  à  la  rivière  de  Volta  ,  la  Côte  des  EJclaves ,  qui  fuit  cette 
îivière  au  Sud,  &  qui  eft  entre  elle  &:  le  Bénin.  Les  nègres  de  la  Côte  d'Or 


r 


FRANÇAISE  DE  S  A  î  N  T  =  D  O  M  I  N  G  U  E.  29 
font  en  général  bienfaits  &  intelligens  j  mais  on  leur  reproche  d'être  communé- 
ment trompeurs,  artificieux,  diffimulés,  pareiTeux,  fripons,  flatteurs,  gourmands/ 
ivrognes  &  lafcifs.  Ils  ont  l'œil  étincelant ,  l'oreilie  petite ,  les  fourcils  épais , 
le  nez  applati  &  légèrement  recourbé  ,  la  bouche  aiTez  grande  ,  les  dents 
blanches  &  bien  rangées  ,  la  peau  iuifante  &  les  cheveux  fufceptibies  d'être 
trèfles. 

Ces  nègres  font  connus  dans  la  Colonie  fous  diverfes  dénominations ,  parce 
que  la  Côte  d'Or  renferme  plufieurs  populations  difixrentes  ,  &  que  le  langage 
y  varie  à  de  très-petites  diflances.  La  plus  générale  de  ces  dénominations ,  celle 
qu'on  y  regarde  prefque  comme  générique  ,  efl;  celle  à' Âradas ,  qui  s'efl:  formée 
de  la  prononciation  corrompue  d'Jrdra,  nom  de  l'un  des  royaumes  de  la  Côte 
des  Efclaves ,  mais  on  fait  aufli  diftinguer  les  vfais  Aradas  des  autres. 

L'ufage  a  encore  fait  confidérer  comme  nègres  de  la  Côte  d'Or ,  ceux  qui 
{ont  tirés  du  Cap  Laho  ou  Lahou ,  qui  eft  à  la  Côte  d'Ivoire  ,  &  par  cette  raifon 
on  les  nomme  Caplaous.  Ils  foBt  intelligens,  petits,  m.ais  forts. 

La  véritable  Côte  d'Or  procure  d'abord  les  Mirées  dont  le  pays  fournit 
de  l'or  de  mine  &  non  pas  feulement  de  la  poudre  d'or.  Leur  peau'  efl:  d'une 
nuance  qui  tient  prefque  le  milieu  entre  le  noir  &  le  cuivré  ;  puis  les  Jgouas 
leurs  très-proches  voifins  avec  lefquels  ils  n'ont  de  différence  que  par  leurs 
dialeftes ;  enfuite  des  6"^^,  des  Fa;mns.  Ces  habitans  de  la  Côte  d'Or  font 
très-orgueilleux  ,  livrés  à  des  guerres  continuelles ,  capricieux  &  prompts  à  fe 
donner  la  mort. 

De  la  Côte  des  Efclaves,  qui  n'a  pu  recevoir  ce  nom  particulier  dans  une 
partie  du  monde  où  la  fervitude  eft  univerfellement  connue  que  parce  que 
l'efclavage  y  eft  plus  hideux  &  que  le  fang  de  ceux  qui  y  font  afîervis  eft 
verfé  fous  le  plus  léger  prétexte  ,  on  reçoit  les  Coiocolis  qui  habitent  le  royaume 
,de  Cote  le  plus  feptentrional  ^e  cette  Côte  ,  puis  des  Pops  ,  plus  entre- 
prenant que  les  premiers;  les  Fidas  ou  Feëdas  placés  au  Sud  &  qui  précè- 
dent les  Jrdras  ou  Jradas  &  de  l'intérieur  viennent  des  Fonds  ,  des  Mais  , 
des   Joujas  ,  des  3ûs  &  des  Ni?gos. 

L'mtelligence  eft  un  caraftère  commun  à  tous  les  nègres  de  la  Côte  d'Or 
&  à  ceux  de  la  Côte  des  Efclaves',  mais  les  mœurs  de?  derniers  font  vraiment 
fanguinaires ,  furtout  chez  les  Judas  ou  Jradas  proprement  dits,  dont  la  férocité 
eft  aflez  connue  par  tout  ce  que  l'hiftoire  a  publié  ,de  vrai  mais  de  prefque 


10" 


5S         DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

incroyable   fur   les   Behmeis  a    qui  les  Rois   de    Juda  ont  fait  aimer   le  fan^. 
à   force    d'en   répandre  eux-mêmes. 

Tous  ces  nrgres  que  je  confondrai  auffi  pour  être  mieux  entendu  de3 
Colons  de  Saint  Domingue  ,  n'ont  pis  la  peau  d'une  couleur  réellement  noirs 
mais  toujours  d'une  teinte  jaunâtre  qui  fait  qu'on  pourrait  en  prendre  plu- 
fieurs  pour  des  mulâtres  ,  fi  des  marques  plus  ou  moins  multipliées ,  plus 
o-u  moins  ridicules  pour  l'œil  qui  n'y  a  pas  été  accoutumé  dès  l'enfance  ne 
montraient   qu'ils   font  Africains    &  nèo-res. 

Il  eft  m.ême  de  ces  m.arques  ,  par  exemple  celles  des  nègres  Mines,  qui  les 
défigurent  parce  qu'elles  les  déchiquetent.  L'orgueil  s'ell  emparé  de  ce  trait 
national  &  il  eft  des  lieux  où  la  prérogative  de  s'enlaidir  eft  un  droit  qui 
n'appartient  qu'aux  rangs  élevés  i  car  en  Afrique  aum  il  y  a- des  rangs.  Oa 
a  même  vu  des  nègres  Mines  reconnaiflant  des  princes  de  leur  pays  ,  à  ces 
fignes  bifarres,  fe  profterner  à  leurs  pieds  &  leur  rendre  des  hommages  dont 
3e  contrafre  avec  l'état  de  fcrvitude  auquel  ces  princes  étaient  réduits  dans 
la  Colonie  offrait  un  tableau  aftèz  frappant  de  l'inftabilité  des  grandeurs 
humaines. 

Les  nègres  de  la  Côte  d'Or  font  aélifs ,  adonnés  au  commerce  &  ce  o-oût 
ils  le  manifeftcnt  aux  îles,  où  ils  en  perdent  un  autre,  celui  de  man^-er  les- 
chiens  dont  on  a  fait  le  fobriquet  particulier  des  Aradas  ;  car  on  aime  afîez 
aux  Colonies  à  cara-flérifer  ainfi  lesdiverfes  nations  Africaines  :  l'on  dit  donc 
Arada  mangeur  de  chiens  ou  Avare  ccr,m$.  un  Arada;  car  ce  vice  eft  très-fort 
chez  eux  (*). 

On  eftin-iC  les  nègres  de  la  Côte  d'Or  p^ôur  la"  culture  ,  mais  en  o-énérâl 
leur  caraiflêre  altier  en  rend  la  conduite  difficile  &  elle  exige  des  maîtres 
qui  fâchent  les  étudier.-  C'eft  principalement  à  l'égard  des  Jbcs-  qu'une  grande 
furveillance  eft  néceiTaire,  puifque  le  chagrin  ou  le  mécontentement  le  plus 
léger  les  porte  au  fuicide  dont  l'idée  loin  de  les  épouvanter  femble  avoir 
quelque  chofe  de  féduifant  pour  eux  ,  parce  qu'ils  adoptent  le  dogme  de  la 
tranfmigradon  des  âmes.  On  n'a  vu  que  trop  fouvent  les  Ibos  d'une  habitation 
former  le  projet  de  fe  peiadre  tous  pour  retourner  dans  leur  pays.  Il  y  a  lons- 
tems  qu'on    oppofe  à  leur   erreur   une  de   leur  propres  opinions  ;    lorfqu'cn 


(*^  En  Créol  :  "  Rada  mangé  chien  „.  —  "  VaiicHé  tan  com'   Rada 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        31 

n'a  pu  prévenir  abfQlument  ce  voyage  pythagoricien  ,  on  fait  couper  h  tête 
du  premier  qui  fe  tue  ,  ou  feulement  fon  nez  &  fes  oreilles  que  l'on 
conferve  au  haut  d'une  perche  ;  alors  les  autres  convaincus  que  celui-là  n'ofera 
jamais  reparaître  dans  fa  terre  natale  ainfi  déihonorc  dans  l'opinion  de  fes 
compatriotes  &  redoutant  le  même  traitement  ,  renoncent  à  cet  affreux  plan 
d'épxiigration. 

Cettr  difpofidon  de  l'ame  qui  fait  défigner  les  Ibos  par  ces  mots  Créols  : 
3os  pend'  cor  à  yo ,  (  les  Ibos  fe  pendent  )  fait  que  beaucoup  de  Colons 
redoutent  d'en  acheter;  mais  d'autres  par  cela  même  qu'ils  en  pofsèdent  déjà 
les  préfèrent  parce  qu'ils  font  très-attachés  les  uns  aux  autres  &  que  les 
nouveaux  venus  trouvent  des  fecours  ,  des  foins  &  des  exemples  dans  ceux 
qui  les  ont  devancés. 

Les  femmes  Aradas  ,  caufeufes  éternelles  ,  font  rarement  employées  comme 
domelViques  ,  attendu  que  de  tous  les   Africains  les   Aradas   font  ceux  qui  par- 
yiennent   le   moins   à   parler  le   français    &  que    c'eft   à   l'entendre    dans  leur 
bouche  qu'on  peut  faire  confifter  la  plus  grande   épreuve  de  ceux  qui  fe  flattent 
,de  pofféder  le  langage  Créol.   Ces  femmes  font  auffi  accariâtres  &  querelleufes  j 
.on  les  reconnaît  extérieurement   à   des  hanches   &  à  des  fefîes  dont  l'ampli- 
tude  eft  devenue   le  dernier  terme  de  toute  comparaifon  de    ce   genre.    Une 
-étude  pouffée  plus  loin  ferait  rencontrer  d'autres  traits  d'autant  plus  particuliers 
qu'ils  fuppofent  des  ufages  évidemment  contradidoires  ;  l'excifion  des  nymphes 
ou  leur  dilatation  dans  une  étonnante  proportion   ;    dilatation  qu'accompagne 
.celle  d'une   autre  partie ,  au  point  qu'un  fexe  pourrait  en  quelque   forte  rem- 
plir le  rôle   de  l'autre. 

Mais  il  eft  tems  de  palTer  au  Bénin  qui  ne  donne  que  peu  de  nègres  à 
Saint-Domingue  ,  parce  qu'on  eft  dans  l'ufage  d'y  facnfier  les  prifonniers 
.&  ce  n'eft  que  depuis  peu  de  tems  qu'on  y  voit  quelques  efclaves  du  royaume 
.d'Ouaire  qui  eft  limitrophe  du  Bénin  au  Sud.  Ces  derniers  font  cependant 
fort  doux  malgré  .ce  voifinage  &  ils  font  les  uns  &  les  autres  d'une  teinte 
plus  foncée  que  ceux  de  la  Côte  d'Or.  Ce  font  les  Anglais  qui  font  prefque 
Jtoute  la  traite  de  ces  deux  royaumes  ,  ainfi  que  celle  du  Calbar  ou  Galbar 
dont  les  nègres ,  quoique  de  la  taille  de  ceux  d'Ouaire  &  du  Bénin,  font  taci- 
lurnes  &  attaqués  du  fcorbut  parce  que  leur  pays  eft  marécageux.  On  ne  fait 
.pas  cas  à  Saint-Dcmingue  des  nègres  du  Bcnin  parmi  lefquels   viennent  les 


1 


52 


D  E 


S  C  R  I  P  T  I  O  N 


DE     LA     PARTIE 


Mokos ,  ni  de  ceux  du  Galbar.  AufTi  a-t-on.pris  le  parti  de  les  annonce? 
Goinme  Ibos  afin  de  ne  pas  réveiller  "la  prévention  &  l'on  uie  de  la  mêir.e 
précaution  pour  les  nègres  de  la  rivière  du  Gabon  qui  font  encore  plus  au 
Sud  que   ceux    du  Galbar  ,  mais   qui   font   auffi  mai-lains   &  auffi  maladifs. 

Les  Africains ,  depuis  le  Cap  Apollonie  où  commence  la  Côte  d'Or  juf- 
qu'au  Galbar,  font  tous  plongés  dans  la  plus  ténébreufe  idolâtrie  à  laquelle  ils 
mêlent  des  pratiques  qui  appartiennent  évidemment  au  mahométifme.  Ils  n'eft 
pas  jufqu'aux  reptiles  les  plus  dégoutans  qui  ne  foient  déinés  dans  quelque 
lieu,  &  Eofman,  dans  Iba  voyage  de  Guinée  ,  raconte  le  fait  de  l'extermi- 
nation générale  des  cochons  ,  parce  que  l'un  d'eux  avait  mangé  un  ferpent  , 
tandis  que  cet  inftincl  rend  les  cochons  encore  plus  précieux  aux  habitans  de 
celles  des  Antilles  où  les  fcrpens  font  éprouver  les  plus  vives  &  les  plus 
ufres  craintes. 

Nous  fomm  es  parvenus  aux  nègres  qui  font  les  plus  com.muns  à  Saint- 
Domingue,  èi  qu'on  y  prife  beaucoup  ;  c'eft-à-dire,  à  ceux  de  la  Côte  de  Congo  & 
d'Angole ,  qu'on  connaît  dans  la  Colonie  fous  le  nom  générique  de  Congos. 
C'eft  de  cette  immenfe  étendue  qui,  du  Cap  Lopez  au  Cap  Nègre,  comprend 
près  de  trois  cent  lieues  comptées  en  ligne  droite  ,  que  l'on  reçoit  quelques 
Mayombês ,  placés  vers  l'Eft-quart-Nord-Eft ,  les  Ccngos  proprement  dits,  qui 
font  au  milieu,  puis  les  Movjomhés  &  les  Mondongues  ,  qui  font  pris  à  i'Eit  dans 
l'intérieur,  &  qu'on  conduit  au  Congo,  mais  qu'on  doit  bien  difcinguer  des 
habitans  de  la  Côte  d'Angole,  comme  je  vais  le  faire  voir. 

Les  Mayorabés  que  l'on  traite  particulièrement  à  Malimbe  &  à  Loano-o  ,■ 
ou  que  donne  quelquefois  Gabimde  ;  ou  les  Malimbes ,  tirés  du  royaume  du 
même  nom  ,  font  com.m-e  tous  les  Congos,  d'une  taille  moyenne  &  d'une  nuance 
qui  tient  le  milieu  entre  celle  du  Sénégalais,  &  celle  des  nègres  confidéres 
en  général  comme  nègres  de  k  Côte  d'Or,  quoique  ces  derniers  placés  entre 
Serre-Lione  &  le  Cap  Lopez,  foient  plus  au  Nord  qu'eux.  Les  nègres  du  Zaire  , 
qui  font  entre  Gabimde  &  Ambris ,  montrent  auffi  dans  leur  caracftère  une  teinte 
de  fierté  ,  qne  n'ont  pas  les  autres  habitans  qui  les  avoifment. 

Les  vrais  Congos  ou  F'ranc-Ccngos  ,  pour  me  fervir  de  l'expreffion  de  Saint- 
Domingue  ,  fortent  des  royaumes  de  Congo  &  d'Angole  ,  &  font ,  comme  tous 
ceux  de  cette  Cote ,  d'une  douceur  &  d'une  gaieté  qui  les  fait  rechercher^ 
Aimant  le   chant  ,    la  danfe  &   la  parure  ils   font    d'excellens    domeftiques  > 

& 


■k^JBoK 


FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE.        ^j 

&  leur  intelligence,  leur  facilité  a  parler  purement  le  Créol,  leurs  figures 
enjouées  &  fans  marques ,  furtout  chez  les  femmes ,  qui  n'ont  que  deux 
petites  élevures  près  des  tempes  &  que  la  coquetterie  pourrait  ne  pas 
toujours  condamner ,  les  fait  préférer  pour  le  fervice  des  maifons  ;  on  en  fait  auffi 
d'habiles  ouvriers  &  de  bons  pêcheurs.  On  prife  beaucoup  les  femmes  Congos 
pour  la  culture ,  parce  qu'elles  y  font  accoutumées  dans  leur  pays ,  &  qu'en 
général  les  Congos  y  vivent  de  manioc  ,  &  encore  plus  de  bananes ,  qu'ils 
aiment  tellement,  qu'on  les  caraftérife  en  difant  :  Congo  mangé  banane ,  (  Congo 
mangeur  de  bananes).  D'ailleurs  excellens  mimes ,  ayant  toujours  le  rire  fur  la 
figure  ,  ils  font  précieux  dans  un  atelier  où  ils  appelent  la  gaieté  ,  qui  ne  conver- 
,tit  pas  toujours  le  travail  en  délaffement,  mais  qui  retarde  du  moins  la  fatigue 
qui  marche  à  fa  fuite.  Peut-être  auffi,  que  dans  un  pays  oij  les  mœurs  n'ont 
pas  une  pureté  exemplaire  ,  le  penchant  des  négreffes  Congos  pour  le  libertinage 
a-t-il  augmenté  celui  qu'on  a  pour  elles. 

Il  y  a  beaucoup  de  Congos  qui  ont  des  idées  de  catholicité  ,  notamment  ceux 
de  la  rivière  du  Zaïre.  Elles  leur  font  venues  des  Portugais ,  mais  elles  n'onC 
pas  banni  celles  du  mahométifme  &  de  l'idolâtrie  ;  de  manière  que  leur  religion 
forme  un  affemblage  alfez  monftrueux.  On  peut  leur  reprocher  d'être  un  peu 
enclins  à  la  fuite. 

Tous  ces  traits  du  caractère  des  Congos  les  rend  abfolument  diffembkbles 
d'avec  les  Moufombés  &   les  Mondongues ,   leurs   voifins.  Jamais   on  n'eut    un 
caraftêre  plus  hideux  que  celui  de  ces  derniers ,  dont  la  dépravadon  eft  parvenue 
au  plus  exécrable  des  excès ,  celui  de  manger  leurs  femblables.  On  amène  auffi 
à  Saint-Domingue  de  ces  bouchers  de  chair  humaine  ,  (  car  chez  eux  il  y  a  des 
boucheries  où  l'on  débite  des  efclaves  comme  des  veaux),  &  ils  y  font,  comme 
en  Afrique ,  l'horreur  des  autres  nègres ,  &   notamment  des  Congos ,  qui ,  à 
caufe  du  voifinage ,  font  le  plus  expofés  à  leur  cruauté.  On  les  reconnaît  à  leurs 
dents  incifives ,  toute  fciées  en  autant  de  canines  aiguës  &  déchirantes.  On  a  eu  à 
Saint-Domingue  des  preuves  que  des  Mondongues  y  avaient  gardé  leur  odieufc 
inchnation,  notamment  en   1786,  dans  une   négreffe  accoucheufe  &  horpitalièrc 
fur  une  habitadon  des  environs  de  Jérémie.  Le  propriétaire  ayant  remarqué  que 
la  plupart  des  négrillons  périmaient  dans  les  huit  premiers  jours  de  leur  naiflance , 
fit  épier  la  matrone  j  on  lafurprit  mangeant  un  de  ces  enfant  récemment  inhumé;, 
&  elle  avoua  qu'elle  les   faifait  périr  dans  ce  delTcin. 

Tcme     L  E 


BV 


H 


34 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Li 


Les  Mondongues  paraiffent  néannioins  affez  fcnfibles  aux  reproches  des  autres 
nègres ,  pour  qu'on  croye  qu'ils  fentent  eux-mêmes  l'horreur  de  leur  penchant 
féroce.  Oa  fait  d'ailleurs  que  les  Congés  tâchent  de  les  avoir  jeunes ,  &  qu'ils 
les  gardent  parmi  eux ,  pour  leur  ôter  les  principes  qu'ils  peuvent  avoir  fucé 
dans  leur  pays.  Mais  quant  à  un  goût  honteux  que  les  femmes  furtout  rappellent 
avec  amertune  aux  Mondongues,  on  prétend  que  ni  au  Congo  ni  dans  la  Colonie, 
en  ne  réuffit  pas  toujours  à  le  leur  faire  perdre. 

On  ne  voit ,  point  à  Saint-Domingue  ,  d'Africains  venus  du  relie  de  la  côte 
Occidentale  de  l'Afrique ,  qui  va  fe  terminer  au  Cap  de  Bonne- Efpérance.  La 
Côte  d'Angole  eft  dans  cette  partie ,  la  borne  de  la  traite  pour  les  Colonies 
françaifes  d-l'Amérique  ;  car  celle  du  royaume  de  Benguèle  eft  aux  Portugais. 
On  y  a  cepen.iant  vu  quelques  nègres  du  Monomotiipa  &  de  Madagaftar, 
mais  on  les  devoit  à  des  circonftances  fortuites,  &  ce  n'eft  que  depuis  quelques 
années,  que  la  côte  Septentrionale  de  l'Afrique  a  augmenté  les  cultivateurs  de 
Saint-Domingue,  de  quelques  nègres  Mozambique?. 

On  diftingue  parmi  eux ,  les  Mozar^^iques  proprement  dits  ,  les  ^i/ci ,  les 
^uiriam  ,  les  Montfiat ,  qui  font  les  plus  propres  à  la  culture  ,  &  d'autres  nègres 
appelles  auffi  Mi;2:.?;;?%«^j ,  mais  qui  viennent  de  points  plus  avancés  vers  le 
Cap  de  Bonne  -  Efpérance  ,  &  qu'on  ne  peut  pas  fe  flatter  de  plier  à  la 
fervitude.  Les  vrais  Mozambiques  font  d'une  nuance  qui  n'eft  pas  extremem^ent 
noire,  d'une  taille  plus  avantageufe  que  celle  des  Congos,  mais  la  dlfpropordon 
de  leurs  bras  avec  leur  corps,  dénote  affez  les  affeftions  de  poicrine  auxquelles 
ils  font  très-fujets.  Fort  doux ,  très-intelligens ,  ils  ont  les  uns  pour  les  autres 
un  attachement,  qui  les  porte  à  fe  rechercher ,  &  toutes  les  démonftrations  de 
l'amitié  accompagnent  leur  rencontre. 

Déjà  malheureux  par  une  complexion  faible  ,  beaucoup  d'entr'eux  le  {ont 
encore  par  l'effet  d'une  pradque  révoltante,  (  dont  d'autres  Africains  offrent 
auffi  quelquefois  des  preuves  aux  îles  ),  U  qui  leur  enlève  le  titre  d'homme 
en  leur  laiffant  la  vie^  furtout  lorfque  viélimes  involontaires  de  ce  crime  ,  qu'ils 
cherchent  conftamment  à  tenir  fecret,  ils  fe  l'entendent  reprocher  ,  eux  qu'on  ne 
peut  pas  en  confoler.  On  fait  que  l'Orient  de  la  péninfulc  d'Afrique  fournit 
par  milliers  des  efclaves  à  l'Afie ,  où  ils  font  deftinés  à  être  eunuques ,  &  l'on 
affure  mêm.e  qu'elle  envoyé  de  ces  derniers  en  Aoiffinie  &  en  Arabie. 

Tels  font  les  divers  habitans  de  l'Afrique  réunis  à  Saint-Domingue  ^  qui 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  35 
devient  déforiTiais  leur  patrie,  &  où  ils  prennent  une  manière  d'être,  oui  ne 
peut  ni  refîembler  à  celle  qu'ils  avaient  dans  les  lieux  de  leur  origine,  ni  en 
.différer  abfolument. 

Il  y  a  bien  des  endroits  de  la  Colonie  ,  oii  la  nomenclature  que  j'ai  donnée 
cil  plus  nombreufe  ;  mais  cette  difrérence  ne  vient  que  de  ce  que  des  nègres 
interrogés  fur  le  lieu  de  leur  naifîance  ,  en  citent  le  canton  qu'on  transforme  en 
royaume  ,  comme  fi  l'on  diflinguait  un  Havrais  d'un  Normand  &  d'un  Français. 

Les  Africains  devenus  habitans  de  Saint-Domingue  ,  y  refient  en  vénérai 
indolens  &  parefTeux ,  querelleurs ,  bavards  ,  menteurs  &  adonnés  au  larcin. 
Toujours  livrés  à  la  plus  abfurde  fuperflition ,  il  n'eft  rien  qui  ne  les  efîraye 
plus  ou  moins.  Incapables  de  clafTer  dans  leur  efprit  les  idées  religieufes ,  ils  font 
confiller  toute  leur  croyance  dans  les  démonftrations  extérieures.  S'ils  vont  aux 
éghfes  ,  ils  y  marmotent  quelques  prières  qu'ils  favent  mal ,  ou  bien  ils  y 
dorment.  Ils  ont  cependant  leurs  dévots  &  furtout  leurs  dévotes ,  dont  les 
grimaces  feraient  même  envie  à  certaines  dévotes  européennes  ,  qui  ne  feraient 
pas  toujours  capables  de  leur  apprendre  quelque  chofe  en  hypocrifie. 

Comme  les  nègres  Créols  prétendent  ,  à  caufe  du  baptême  qu'ils  ont  reçu , 
à  une  grande  fupériorité  fur  tous  les  nègres  arrivant  d'Afrique  ,  &  qu'on  défigne 
fous  le  nom  de  Bojals  ,  employé  dans  toute  l'Amérique  efpagnole  ;  les  Africains 
qu'on  apoflrophe  en  les  appellant  Chevaux  ,  font  très-empreffés  à  fe  faire 
baptifer.  A  certaines  époques  telles  que  celles  du  Samedi  Saint  &  du  Samedi 
xle  la  Pentecôte ,  oij  l'on  baptife  les  adultes ,  les  nègres  fe  rendent  à  l'églife , 
&  trop  fouvent  fans  aucune  préparation ,  &  fans  autre  foin  que  de  s'affurer  d'un 
-parrain  &  d'une  marraine,  qu'on  leur  indique  quelquefois  à  l'inllant,  ils  reçoivent 
le  premier  facrement  du  Chrétien  ,  &  fe  garantiffent  ainfi  de  l'injure  adreffée 
aux  non-baptifésj  quoique  les  nègres  Créols  les  appellent  toujours  baptifés  debout. 
-  Le  refpea  des  nègres  pour  leur  parrain  &  leur  marraine  eft  pouffé  fi  loin ,  qu'il 
.l'emporte  fur  celui  qu'ils  ont  pour  leur  père  &  pour  leur  mère.  Jurer  la  marraine 
d'un  nègre  ,  c'eft  lui  faire  l'injure  la  plus  fanglante  ,  &  on  les  entend  après  de 
longues  querelles,  dont  le  trait  capital  qui  paraît  venir  du  royaume  d'Angole  , 
.eft  d'adreffer  à  la  partie  qui  caraftérife  le  fexe  de  la  mère  &  de  la  marraine, 
<ies  injures  fouvent  extraordinaires  par  leur  bifarrerie,  s'écrier:  il  m'a  infulté  » 
mais  il  n'a  pas  cfé  jurer  ma  marraine.  Cet  afcendant  eft  même  un  objet  qui  doit 
fixer  l'attention  des  maîtres  -,  car  fur  une  habitation  ,  par  exemple  ,  il  n'eft  pas 

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36         DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

rare  qu'un  nègre  abufant  du  titre  de  parrain  ,  fe  faffe  fervir  par  un  nouvel  arrivé  , 
&  augmente  ainfi  le  travail  de  ce  dernier ,  d'une  manière  fouvent  nuifible  pour 
fa  fanté,  f)arce  qu'il  n'ell  pas  encore  acclimaté.  Les  nègres  s'appellent  entre  eux 
frères  Sz/a'/os  ,  lorfqu'ils  ont  en  commun  un  parrain  ou  une  marraine. 

Les  nègres  croyent  à  Tintlaence  malheureufe  de  certains  jours  ;  par  exemple  , 
du  vendredi,  &  s'abftiennent  alors  de  rien  entreprendre  de  ce  qu'ils  croyent 
important.  Si  un  nègre  fe  choque  le  pied  droit,  il  eft  content  ,  c'eft  le 
bon  pied  ;  mais  fi  c'eft  le  gauchp ,  cela  le  trouble.  Si  même  il  s'eft  heurté 
de  ce  pied  concre  quelqu'un ,  il  faut  qu'on  lui  donne  un  petit  coup  du  pied 
droit  :  il  appelle  cela  lui  rendre  fon  pied.  Mais  ce  qui  l'irrite ,  c'eft  de  voir 
paiTer  un  balai  fur  quelques  parties  de  fon  corps;  il  dem.ande  auffitôt  fi  on 
le    croie   more  &   demeure    convaincu   que  cela   abrèo-e   fa  vie. 

Les  nègres  croyent  à  la  magie  &  l'empire  de  leurs  fétiches  les  fuît  au- 
delà  des  mers.  Plus  les  contes  font  abfurdes  plus  ils  les  féduifent.  De  petites 
figures  groffières ,  de  bois  ou  de  pierre ,  repréfentant  des  hommes  ou  des 
animaux ,  font  pour  eux  autant  d'auteurs  de  chofes  furnaturelles  &  qu'ils  appellent 
garde-corps.  Il  eft  un  grand  nombre  de  nègres  qui  acquièrent  un  pouvoir 
abfolu  fur  les  autres  par  ce  moyen  &  qui  fe  fervent  de  leur  crédulité  pour 
avoir  de  l'argent,  de  la  puiiTance  &  des  jouiffances  de  tous  les  genres,  même 
celles   que    la   crainte   ne  devrait   pas  favoir    ravir  à   l'amour. 

On  fera  moins  étonné  de  cette  efpèce  d'affervifTement  fi  l'on  confidère  que 
parmi  les  Africains  tranfporcés  en  Amérique  ,  il  y  en  a  peut-être  un  quart 
qui  ont  été  vendus  d'après  un  jugement  de  leur  compatriotes  qui  les  a  dé- 
claré forciers.  Heureufe  la  partie  du  monde  oh.  on  les  envoyé  pour  expier 
ce  crime  ,  fi  celui  d'empoifonnement  qui  donne  auffi  lieu  à  un  grand  nombre 
de  jugemens  de  déportation  était  auffi  imaginaire  que  l'autre  !  Ce  n'eft  pas 
que  ces  monftres  qui  mettent  leurs  foins  à  faire  périr  leurs  femblables  foient 
auffi  communs  aux  Colonies  qu'on  l'a  crû  pendant  long-tems  ,  &  qu'on 
doive  leur  attribuer  tous  les  m.aux  produits  par  des  caufes  très-phyfiques  & 
dépendantes  du  climat.  Mais  il  eft  malheureufe  ment  trop  certain  que  de  vieux 
Africains  profelTent  à  Saint-D'omingue  l'art  odieux  d'empoifonner;  je  dis  pro- 
fcfîent,  car  il  en  eft  qui  y  ont  une  école  où  là  haine  &  la  vengeance  envoyent 
plus  d'un  difciplc. 

Chez  les  nègres  3  comme  chez  tous  les  peuples  nan-civilifés  ,   les  geftes 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        j; 

font  très-multipliés  &  ils  forment  une  partie  intrinsèque  du  langage.  Ils  aiment 
furtout  à  exprimer  les  fons  imitatifs.  Parlent-ils  d'un  coup  de  canon  ?  Ils 
ajoutent  boume -,  un  coup  de  fuCû  ,  poum  ;  un  fovfRtt ,  pimme ;  un  coup  de  pied 
ou  de  bâton  bimme  -,  des  coups  de  fouet,  v'iap  v'iap.  Eft-on  tombé  léo-èrement  ? 
c'efl:  bap  ;  fort ,  c'cft  boum  ;  en  dégringolant  ,  blou  coutoum  -,  &  toutes  les  fois 
qu'on  veut  rendre  un  fon  augmentatif,  on  le  répète  kùi ,  loin  ,  loin,  loin,  qui 
exprime  une  grande  diftance. 

Les   nègres  aiment  les  proverbes  &   les  fentences.  Ils  en  ont  même  de  très- 
moraux.  Après  une  faute  ,  on  dit  communément  en  fe  repentant  :  Ah  !  fif  avais 
Ju\  Les  nègres  en  ont  tiré  ce  proverbe:   Si  mon  tè  conné  !  pas  jamais  douvan  ^ 
U  toujours   derrière  ,    pour  marquer  qu'on  ne  réfléchit  que  lorfqu'il  n'en  efl: 
plus  tems. 

Tous  les  Africains  font  polygames  à  Saint-Domingue  &  jaloux.  Les  mariao-es 
y  font  extrêmement  rares  entr'eux  ,  &  les  maîtres  les  plus  religieux  font  pref- 
qu'obligés  de  renoncer  à  les  porter  à  cette  union  qui  n'eft  qu'un  fujet  de 
fcandale.  L'influence  de  leurs  mceurs  primitives  &  la  difproportion  même 
du  nombre  des  femmes  comparé  à  celui  des  hommes  ,  dont  les  premières 
ne  forment  guéres  qu'une  moitié ,  font  des  caufes  très-naturelles  de  cette  plura- 
rite   que   le  climat   favorife    encore. 

Les  nègres  maltraitent  violemment  les  négreffes  qui  les  trompent  ou  qu'ils 
foupçonnent  de  les  avoir  trompés  ,  &  il  en  efl:  parmi  celles-ci  que  ces  mauvais 
traitemens  attachent  encore  ,  lors  mêmes  qu'ils  ne  les  dégoûtent  pas  d'être 
infidèles.  Les  négreflTes  ont  auffî  leurs  accès  de  jaloufie  ,  mais  ils  font  tou- 
jours relatifs  à  leurs  forces  ,  parce  qu'elles  redoutent  d'irriter  celui  qu'elles 
accablent  de  reproches.  Malheur  à  lui  cependant  fi  fon  amante  efl:  vigoureufe, 
car  il  doit  craindre  alors  quelque  chofe  de   plus  que  la  menace. 

Cependant ,  en  général ,  les  Africaines  accoutumées  à  des  maris  polygames , 
n'ont  pas  une  jaloufie  furieufe  >  &  il  eft  même  afîbz  commun  d'en  voir  plu- 
fieurs  qui  viyent  dans  une  forte  d'harmonie  quoiqu'elles  aiment  le  même  objet. 
Elles;  fe  nomment  alors  entr'elles  matelotes  ;  mot  tiré  d'un  ancien  ufage  des 
Flibufl:iers  qui  formaient  des  fociétés  dont  les  membres  s'appellaient^  réci- 
proquement matelot.  Parmi  ces  femmes  ,  comme  parmi  toutes  les  autres, 
il  y  a  une  efpèce  de  ligue  contre  les  hommes,  &  fans  s'aimer,  fans  pref- 
que  fe  connaître ,  elles  font  volontiers  officieufes  l'une  pour  l'autre  dès  qu'il 


3S         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

s'agit  de  rendre  un  amant  dupe.  On  ne  faurait  même  croire  jufqu'à  quel 
point  les   deux    fexes    aiment  à  fe  charger  du   rôle   qui   prépare   la  féduflion. 

Un  caractère  très-diftinftif  des  négreffcs  nées  en  Afrique ,  c'efl  leur  pen- 
chant invincible  pour  les  nègres.  Ni  leurs  habitudes  avec  les  S'a-^  ^  ni 
les  avantages  qu'elles  y  trouvent ,  &  au  nombre  defquels  l'afFranchifTement  fe 
rencontre  fouvent,  pour  elles  ou  pour  leurs  enfans,  ni  la  crainte  d'un  châàment 
que  l'orgueil  &  h  jaloufie  peuvent  rendre  extrêmement  févère ,  ne  ioat  ca- 
pables de  ics  retenir.  Elles  combattent  plus  ou  moins  long-tems ,  ou  cachent 
plus  ou  moins  heureuiemenc  cette  inclination  qui  finit  toujours  par  l'emporter  ; 
&  l'on  en  a  la  preuve  dans  le  choix  public  qu'elles  font  toujours  d'un  nègre 
lorfqu'un  événement  quelo-que  ,  en  les  rendant  à  elles-mêmes,  détruit  leurs 
rapports  avec  des  Blancs.  L'analogie  des  penfées ,  celle  du  langage,  l'égalité 
parflùte  ,  la  familiarité  qui  en  réfulte  &  qui  n'eft  pas  le  moindre  charme 
de  l'amour ,  font  uns  doute  les  principales  caufes  de  cette  tendance  que  fortifie 
l'éducation  primitive.  Peut-être  auffi  (&  j'ai  entendu  plufieurs  négreffes  l'avouer) 
l'avantage  que  la  nature  ,  ou  l'ulage  du  vin  de  palme  a  donné  aux  nègres 
fur  les  autres  hommes  dans  ce  qui  conftitue  l'agent  phyfique  de  l'amour  , 
a-t-elle  une  grande  influence  dans  ce  choix  pour  lequel  le  Blanc  n'efl  qu'un 
ehétif  concurrent. 

Ce  qui  a  cependant  de  la  peine  à  s'accorder  avec  les  faits  que  je  viens 
de  rapporter  ,  c'eft  d'amour-propre  que  les  négreffes  Africaines  mettent  à 
être  réputées  créoles.  Les  nègres  de  leur  côté  ne  font  pas  exempts  de  ce  défir  : 
tous  aiment  à  être  au  moins  confidérés  comme  venus  en  bas  âge  dans  la 
Colonie.  C'eft  une  fuite  de  cet  amour-propre  qui  les  engage  à  refufer  de 
fervir  d'interprètes  à  ceux  de  leur  nation  qui  arrivent ,  fous  le  prétexte  qu'ils 
ont  oublié  leur  langue  ;  &  comme  il  faut  des  inconféquences  à  l'homme  de 
tous  les  pays  ,  les  Africains  gardent  machinalement  l'habitude  de  s'appeller 
entr'eux  hâtïmens  lorfqu'ils  ont  été  tranfportés  dans  le  même  navire ,  ce  qui 
les  décèle. 

Un  amour-propre  d'un  autre  genre  eft  caufe  qu'ils  refufent  affez  obftiné- 
ment  de  donner  des  détails  fur  les  moeurs  de  leur  pays ,  parce  qu'on  ne  leur 
diffimule  pas  affez  combien  on  les  trouve  ridicules.  Il  n'y  a  guères  que  ceux 
venus  déjà  vieux  qui  s'en  entretiennent  quelquefois  ou  qui  en  parlent  aux 
enfans  blancs.  C'eft  ainfi  qu'on  fait  qu'ils  adorent  toutj  les  mont.ignes  ^  les 
arbres,  les  mxDuches  à  miel,  les  caymans,  &c.  &c. 


•% 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        39 

Il  y  a  trop  d'analogie,  même  de  reflèmblance  ,  entre  les  productions  natu- 
relles de  l'Afrique  &  celles  de  Saint-Domingue  pour  que  la  vue  de  celles- 
ci  faffe  éprouver  aux  nègres  un  grand  éconnement  lorfqu'ils  débarquent.  Mais 
prefque  tous  les  objets  d'art  les  frappent.  Parmi  ceux-ci  ce  qui  les  furprend 
le  plus  c'eft  la  réflexion  produite  par  une  glace.  Le  nègre  s'y  contemple 
il  palpe  le  verre  ,  il  court  vite  par  derrière  ,  pour  y  faifir  un  fécond  lui- 
même.  Convaincu  de  l'inutilité  de  cette  tentative  répétée  ,  il  fait  mille  fmge- 
ries ,  mille  grimaces  &  prend  toutes  les  attitudes  pour  jouir  d'une  imitation 
dont  rien  ne  peut  lui  expliquer.  Une  montre  produit  d'autres  fenfations 
qui  l'intéreffent  encore  j  il  croit  au  premier  inftant  qu'un  animal  eit  la  caufe 
du  mouvement. 

Il  eft  des  nègres  à  qui  le  vin  caufe  une  vive  horreur ,  la  première  fois  qu'on 
leur  en  préfente.  Comme  c'eft  d'ordinaire  du  vin  de  Bordeaux  ou  de  Provence  , 
qui  cft  d'un  rouge  foncé  ,  il  le  prend  pour  du  fang ,  &  ce  liquide  réveille  les 
idées  de  crainte  qu'il  a  eues  en  fe  voyant  tranfporté  dans  un  navire  ,  par  des 
Blancs.  Mais  rien  n'efl  moins  durable  que  cette  impreffion  de  la  liqueur  bachique» 
à  laquelle  ils  finiflfent  toujours  par  reprocher  de  n'être  pas  affez  piquante  pour 
leur  palais  ,&  ils  lui  préfèrent  bientôt  le  tafia,  qu'ils  aiment  fouvent  jufqu'à 
l'excès. 

Comme  ce  qui  me  refte  à  dire  des  nègres  d'Afrique  fe  rapporte  également  aux 
nègres  Créols  ,  il  eft  naturel  que  j'entretienne  d'abord  le  Leéleur  de  ce  qui  elt 
pardculier   à   ces  derniers. 

\ 

Des  Efdaves  Créols. 


Les  nègres  Créols  naiflent  avec  des  qualités  phyfiques  &  morales ,  qui  leur 
donnent  un  droit  réel  à  la  fupériorité  fur  ceux  qu'on  a  tranfportés  d'Afrique; 
&  ce  fait  qu'ici  la  domefticité  a  embelli  l'efpèce  ,  en  appuyant  une  vérité  de 
l'Hiftorien  fublime  de  la  nature  ,  pourrait  peut-être  fournir  matière  à  douter  par 
rapport  aux  excès  qu'on   a  reproché   au  defpotifme  des  maîtres. 

Il  eft  aifé  de  fentir  cependant ,,  que  les  qualités  du  nègre  Créol  ont  elles-mêmes 
des  degrés  de  comparaifon  ,  parce  que  le  produit  de  -deux  nègres  Créols ,  pas- 
exemple  ,  a  de  l'avantage  fur  celui  de  deux  nègres  Bambaras,  U  ainfi  des  autres 


40  DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

combinaifons  &  du  croifement  de  peuples  difFérens  ;  &  cette  dernière  raifon  efl 
peut-être  même  ,  une  des  plus  influentes.  A  l'intelligence  ,  le  nègre  Créol 
réunit  la  grâce  dans  les  formes ,  la  fouplefle  dans  les  mouvemens ,  l'agrément 
dans  la  figure  ,  &  un  langage  plus  doux  &  privé  de  tous  les  accens  que  les 
nègres  Africains  y  mêlent.  Accoutumés  ,  dès  leur  naifîance  ,  aux  chofes  qui 
annoncent  le  génie  de  l'homme  ,  leur  efprit  efl  moins  obtus  que  celui  de 
l'Africain  qui ,  quelquefois  par  exemple  ,  ne  fait  pas  difcerner  les  iubdivifions  de 
la  monnoie  ;  de  manière  qu'il  veut  obftinément  la  pièce  qu'on  lui  a  dit  d'exiger  , 
ou  il  refufe  de  vendre.  Il  n'eft  aucun  objet  pour  lequel  on  ne  préfère  les 
nègres  Créols ,  &  leur  valeur  eft  toujours ,  toutes  chofes  égales  d'ailleurs  ,  d'un 
quart,  au  moins,  au-defîus  de  celle  des  Africains.  Une  prédileftion  affez  générale, 
fait  préférer  les  nègres  Créols  pour  les  détails  domeftiques ,  &  pour  les 
diôercns  métiers.  Il  eft  affez  fimple  ,  qu'étant  élevés  avec  des  Blancs  ,  ou  fous 
leurs  yeux  ,  ces  derniers  fe  les  attachent  d'une  manière  plus  immédiate,  &  qu'on 
leur  deftine  des  foins  moins  pénibles  ,  &  une  vie  qui  a  aufTi  plus  de  douceurs , 
notamment  celle  d'une  nourriture  plus  agréable  &  plus  facile. 

Le  développement  dans  les  enfans  nègres  ,  eft  communément  plus  rapide 
chez  les  Créols ,  que  chez  ceux  qui  Ibnt  conduits  d'Afrique  en  très-bas  âo-e , 
fans  douce  parce  que  la  nature  fouifre  toujours  une  révolution  pour  les  acclimater. 
Les  jeunes  négreffes  Créoles  font  auffi  plutôt  pubères  ,  que  les  jeunes  Africaines. 
Il  me  femble  qu'on  peut  attribuer  cette  dernière  différence  ,  à  la  précocité 
des  jouiffances  qui  troublent  l'ordre  phyfique  &  pervertiffent  l'ordre  moral  , 
-  &  auxquels  la  négrite  Créole  a  plus  d'occafions  de  fe  livrer,  C'eft  furtout  dans 
les  villes ,  que  la  corruption  des  mœurs  offre  de  fréquens  exemples  de  femmes 
qui  n'ont  pas  été  enfans  affez  long-tems.  J'affligerais  encore  ,  fans  ceffer  d'être 
vrai,  fi  j'ajoutais  que  cette  fatale  anticipation  eft  quelquefois  le  réfultat  d'un 
calcul  dont  le  profit  eft  pour  les  mères ,  que  la  feule  idée  de  ce  trafic  devrait 
révolter  j  d'autant  qu'elles  favent  qu'une  négreffe  ,  dans  quelque  lieu  qu'elle  foit 
née  5  refte  toute  fa  vie  dans  une  efpèce  de  dépendance  de  l'homme  qui  moiffonna 
la  plus  précieufe  de  toutes  les  fleurs ,  lors  même  qu'elle  ne  l'aime  plus ,  &  ce 
qui  eft  plus  étrange  encore ,  lors  même  qu'elle  ne  l'a  jamais  aimé.  On  n'a  pas 
afîèz  réfléchi ,  que  l'une  des  caufes  qui  doit  s'oppofer  le  plus  à  la  reproduélion 
des  nègres,  ce  font  les  maternités  hâtives,  ou  les  abus  qui  retardent  l'époque 
de  la  maternité.. 

Les 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       41 

■  Les  négrefîes  accouchent  avec  une  grande  facilité ,  &  à  peine  les  douleurs  les 
avertiffent-elles  aflez  tôt,  pour  qu'elles  puiflent  s'y  difpofer.  Il  eft  même 
aflfez  fingulier,  de  voir  une  négreffe  revenir  du  travail,  chargée  d'une 
pierre ,  fous  le  poids  de  laquelle  fes  mufcles  fe  gonflent ,  &  qui  fe  preffe  autant 
qu'elle  le  peut ,  avec  ce  fardeau  volontaire  ,  pour  gagner  le  lieu  où  elle 
doit  accoucher  ,  perfuadée  que  fans  cette  compreflion ,  elle  n'aurait  pas  le  tems 
d'arriver. 

On  ne  s'occupe  malheureufement  pas  affez,  d'avoir  des  fages  femmes  inftruites; 
&  je  ne  puis  m'empêcher  de  dénoncer  ici  à  l'humanité  &  à  la  raifon  ,  l'ufagc 
où  font  pkifieurs  d'entr'elles ,  d'épuifer  en  efforts  pénibles  &  quelquefois  dano-e- 
reux ,  les  forces  de  celle  qui  va  accoucher,  fous  l'abfurde  prétexte  de  l'aider, 
&  comme  elles  le  difent  elles-mêmes  ,  de  lui  faire  Jervir  fes  douleurs.  On  voit 
des  Blanches  qui  partagent  cette  erreur,  &  qui  pouffent  l'ineptie  jufqu'à  frapper 
violemment  la  malheureufe  que  les  fouffrances  accablent  ,  afin  que  l'excès 
même  de  ces  fouffrances  devienne  un  fecours.  Je  me  fuis  demandé  pourquoi 
les  apologifles  de  ce  remède  bifarre  ,  ne  fe  le  faifaient  pas  adminiftrer. 

On  ne  peut  donner  affez  de  louanges  aux  fentimens  que  l'amour  maternel  a 
placé  dans  le  cœur  des  négreffes.  Jamais  les  enfans ,  ces  faibles  créatures, 
n'eurent  de  foins  plus  aîTidus  -,  &  cette  efclave  qui  trouve  le  tems  de  baigner 
chaque  foir  fes  enfans  &  de  leur  donner  du  linge  blanc ,  efl  un  être  refpeftable. 
Elles  nourriffcnt  long-tems ,  &  même  fi  l'on  ne  leur  impofait  pas  l'obligation  du 
fevrage  ,  elles  prolongeraient  encore  ce  terme.  Il  y  a  d'autant  plus  de  mérite  dans 
la  durée  de  l'allaitement,  que  les  mères  nourrices  paffent  pour  très-exaftes  à 
éviter  alors  tout  commerce  fufpeA ,  fi  l'on  en  excepte  avec  le  père  de  l'enfant , 
qu'un  préjugé  univerfel  dit  qu'on  peut  ne  pas  comprendre  dans  le  fcrupulc 
général. 

C'efl  à  l'orgueil  de  la  maternité,  que  la  plupart  des  négreffes  facrifient  l'un 
des  charmes  les  plus  féduiians  de  la  beauté ,  celui  d'une  jolie  gorge.  Elles 
affeébent  de  l'aplatir  pour  qu'on  les  traite  en  mères  j  &  il  efl  affez  fingulier 
de  voir  des  femmes  occupées  de  perdre  des  appas  ,  qu'on  cherche  tant  1 
conferver  ailleurs.  Il  efl  donc  peu  commun  de  voir  des  négreffes  avec  un  beau 
fein  ;  quoiqu'il  foit  ridicule  de  croire  ,  du  moins  à  l'égard  de  celles  qui  font  en 
Amérique  ,  à  ces  tétons  qu'elles  jettent ,  dit-on  ,  par-deflTus  leurs  épaules ,  à  deg 
enfans  qui  ne  favcnt  comment  faifir  ces  monftrueux  vafes  à  Uir. 

Tome     I.  F 


iiii— iln-lurfVtftl' 


DESCRIPTION     D 


LA     PARTIE 


Une  autre  preuve  du  prix  que  les  négrefles  attachent  à  la  maternité  ,  c'eft 
i'ufage  où  font  plufieurs  d'entr'elles  de  fe  faire  défigner  par  le  nom  de  mère  de 
leur  fils  aîné  ;  ainfi  une  négreffe  dont  le  fils  s'appeleraiî  Louis  ,  ferait  nommée 
Man-Lcuis ;  ce  genre  de  vanité  peut  bien  en  valoir  d'aitres. 

Quel  dommage  que  des  idées  d'incontinence  ,  &  quelquefois  des  idées 
chagrines ,  portent  des  mères  à  ravir  l'exiftence  à  leur  fruit ,  avant  même  qu'il 
ait  vu  le  jour  !  Je  trahirais  la  vérité  ,  fi  je  taifais  que  cet  outrage  fait  à  la  nature 
efi:  même  affez  commun  parmi  les  négreffes  des  villes  ou  ne  leurs  environs, 
&  que  réuni  au  mal  de  mâchoire  ou  tétanos ,  que  la  haine  &  la  jaloufie  favent 
muldplipr,  il  détruit  un  grand  nombre  d'êtres.  Ces  avortemens  ,  &  ce  oue  j'ai 
dit  de  l'inexpérience  des  accoucheufes ,  expliquent  aflfez  pourquoi  il  eft  tant 
de  négrefTcs  fujettes  aux  mialadies  hyftériques ,  que  de  vieilles  matrones  favent 
encore  aggraver  ,   en  fe  faifant  guéri fleufes  du  -mal  de  mère. 

C'eft  d'ailleurs  une  manie  générale  de  tous  les  nègres  ,  d'aimer  à  fe  droguer. 
Il  ell  même  reçu  parmi  eux  ,  qu'un  médecin  eft  fans  talens  lorfqu'il  ne  donne 
pas  beaucoup  de  rem.èdes.  Auffi  ,  en  reçoivent  -  ils  de  plufieurs  mains  ,  ainii 
que  de  la  nourriture  ;  parce  que  ,  félon  eux  ,  la  médecine  des  Blancs  fait 
périr  le  plus  grand  nombre  des  malades  par  la  diète. 

En  fanté  ,  le  nègre  peut  mériter  la  qualité  de  fobre  ,  quoiqu'il  fe  m»ontre 
gourmand  &  même  goulu  ,  dans  les  occaficns  où  il  trouve  à  manger  avec 
profufion.  Content  de  peu  dans  fa  vie  comm,une  ,  il  eft  peut-être  de  tous  \ts> 
homm.es  celui  qui  confomme  le  moins  d'alimens,  furtout  comparativement  à 
fon  travail.  Nourri  de  caffave ,  de  racines  peu  fucculeiites  ou  de  grains  qui 
femblent  plus  pefans  que  nutritifs ,  il  recherche  avec  avidité  les  viandes  &  le 
poifiTon  falé  \  d'abord  parce  qu'ils  corrigent  l'infîpidité  de  fes  autres  alimens ,  que 
le  piment  combat  encore,  &  parce  qu'en  les  mangeant  fouvent  crus,  du  moins 
le  poiffon ,  il  économife  encore  les  inflans  dont  il  a  la  difpcfition. 

Le  nègre  n'a  d'autre  règle  pour  manger ,  que  fon  appétit.  Afiêz  ordinairement 
il  ne  fait  que  deux  repas,  l'un  vers  dix  ou  onze  heures  du  madn  ,  &  l'autre 
vers  cinq  heures  du  foir.  Il  aime  à  réunir  plufieurs  mets  dans  le  même  plat, 
&  même  dans  chaque  bouchée.  Un  couïs ,  (  demi-calebaffe  ),  une  affiette  s'il 
eft  plus  opulent ,  contient  tout  ce  qui  doit  faire  fon  repas ,  &  il  n'a  d'autre 
couteau ,  d'autre  cuilliére ,  d'autre  fourchette,  que  fes  doigts  &  fes  dents.  \]n 
grand  plaifir  pour  lui ,  c'eft  de  caufer  en  mangeant ,  &  s'il  fe  trouve  plufieuïs 


m- 


bSiw 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        43 

nègres  enfemble  ,  chacun  à  fon  afllette ,  ou  bien  chacun  puife  à  fon  tour  dans  un 
piat  commun.  C'eft  le  moment  des  contes  ,  qu'interrompent  de  grands  éclats  de 
rire.  La  faillie,  l'épigramme ,  carie  nègre  eft  railleur,  animent  les  convives 
&  l'hyperbole  eft  admife  pourvu  qu'elle  amufe.  Quand  on  a  fini  de  manger , 
chacun  boit  un  énorme  coup  d'eau,  It  feul  de  tout  le  repas.  Ce  n'eft  pas  que 
les  nègres,  même  Créols,  n'aiment  le  tafia,  mais  c'eft  le  plus  petit  nombre,  &  les 
ivrognes  font  bien  plus  rares  parmi  eux ,  que  chez  la  portion  du  peuple  d'Europe 
privée  d'éducation. 

Dès  qu'on  a  fini  de  manger,  on  fe  lave  les  mains  &  furtout  la  bouche,  avec 
un  foin  extrême  ;  ce  font  principalement  les  négreffes ,  qui  le  prennent  exafte- 
ment.  Il  eft  même  affez  commun  de  leur  voir  un  petit  morceau  de  bois ,  un 
bout  d'une  liane  favoneufe  ,  qu'elles  mâchent  d'abord  pour  en  former  une  efpèce 
de  broffe ,  &  qui  leur  fert  à  frotter ,  plufieurs  fois  dans  le  jour  des  dents  qui  ne 
font  cependant  pas  toujours  aufîl  faines  que  blanches,  furtout  celles  des  négreffes 
créoles.  - 

Cela  conduit  à  dire  que  la  propreté  eft  un  des  caractères  des  nègres  & 
fmguliêrement  des  femmes.  Elles  recherchent  l'eau  fans  ceffe  ,  &  lors  même 
qu'elles  font  réduites  à  n'av-oir  que  des  vêtemens  mal-propres  ,  leur  corps 
eft  fréquemment  plongé  dans  le  bain  d'une  eau  vive  &  courante  ;  à  moins 
qu'elles  ne  foient  forcées  de  fe  contenter  de  l'eau  pluviale  qu'elles  ont  recueil- 
lies ou  que  des  puits  leur  donnent.  Cette  habitude  fi  heureufe  dans  un  climat 
chaud  ,  contribue  encore  à  augmenter  la  fraîcheur  de  leur  peau  qu'on  fait 
être  comparativement  plus  grande  que  celle  des  femmes  des  climats  froids. 
Auffi  les  Turcs  qui  méritent  qu'on  les  regarde  comme  de  bons  juges  en  ce 
genre,  préfcrent-ils  (  fcîon  Bruce  ),  dans  la  faifon  brûlante,  l'Éthiopienne  au 
teint  de  jais  à  l'éclatante  CircafTîenne.  C'eft  encore  par  propreté  que  les  négreffes 
s'impofent  certaines  abftinences  périodiques ,  &  il  ferait  défirablc  qu'elles  vou- 
luffent  auffi  fe  priver  alors  de  leurs  bains  froids  qui  deviennent  un  principe 
d'obftruftion   &  d'autres  accidens   caufés  par  la  répercuffion, 

Puifque  je  parle  d'abftinence  je  ne  puis  en  taire  une  dont  le  motif  eft  la 
crainte  bifarre  d'un  châtiment  qui  doit ,  félon  les  nègres ,  affimiler  un  inftant 
à  l'efpcce  canine  ceux  qui  ofent  facrifier  à  l'amour  durant  toute  la  Semaine 
Sainte.  Il  m'a  été  impoffible  de  remonter  à  l'origine  d'une  pareille  opinion  , 
&  j'ai   feulement  vu  plufieurs  fois  une  foule  de   nègres  prodiguant  dans  les 

E  2 


44 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


rues  des  huées  à  des  individus  que  l'on  prétendait  avoir  trouvés  fubifîant  la 
punition  ;  mais  aufli  i'efFroi  s'évanouit-il  à  l'inftânt  ou  l'horloge  fait  commencer 
le  jour  de  Pâques. 

Les  nègres  aiment  le  tabac  en  poudre  avec  une  forte  de  fureur  &  ceux 
d'Afrique  y  réunifient  l'habitude  de  fumer  que  les  femmes  partagent.  Le  jeu 
eft  encore  une  de  leurs  paffions  &  le  jeu  de  hafard  ,  c'eft-à-dire  avec  des 
dez  ,  ou  avec  trois  des  petites  coquilles  des  Maldives  appellées  coris  &  dont 
il  faut  pour  gagner  ,  que  deux  au  moins  foient  tournées  du  même 
côté.  Il  eft  peu  de  nègres  qi:i  entendent  quelque  chofe  aux  jeux  de  cartes, 
fi  ce  n^ell  à  ceux  d'une  extrême  fimplicité.  Ils  aiment  aufTi  les  paris  &  ils. 
en  ont  une  occafion  dans  les  combats  des  coqs  qu'ils  élèvent  avec  ce   deffein. 

Mais  ce  qui  ravit  les  nègres,  foit  qu'ils  aient  reçu  le  jour  en  Afrique, 
:&it  que  l'Amérique  ait  été  leur  berceau,  c'eft  la  danfe.  H  n'eil  point  de 
fatigue  qui  puiffe  les  faire  renoncer  à  aller  à  de  très-grandes  diftances  ,  & 
quelquefois   même    pendant   la  durée  de  la  nuit ,  pour  fatisfaire   cette  paffion. 

La  danfe  nègre  eft  venue  avec  ceux  d'Afrique  à  Saint-Domingue,  &  pour 
cette  ralfon  même  elle  eft  commune  à  ceux  qui  font  nés  dans  la  Colonie 
&  qui  la  pratiquent   prefque   en  naiflant  :  on   l'y  appelle    Calenda. 

Pour  danfer  le  Calenda  ,  les  nègres  ont  deux  tambours  faits  ,  quand  ils 
le  peuvent ,  avec  des  morceaux  de  bois  creux  d*une  feule  pièce.  L'un  des 
bouts  eft  ouvert,  &  l'on  étend  fur  l'autre  une  peau  de  mouton  ou  de  chèvre. 
Le  plus  court  de  ces  tambours  eft  nommé  Bamhoula ,  attendu  qu'il  eft  formé 
quelquefois  d'un  très-gros  bambou.  Sur  chaque  tambour  eft  un  nègre  à  cali- 
fourchon qui  le  frappe  du  poignet  &  des  doigts  ,  mais  avec  lenteur  fur 
l'un  &  rapidement  fur  l'autre.  A  ce  fon  monotone  &  fourd  fe  marie  celui 
d'un  nombre  ,  plus  ou  moins  grand ,  de  petites  calebaffes  à  demi  remplies  de 
cailloux  ou  de  graines  de  maïs  &  que  l'on  fecoue  en  les  frappsjit  même 
fur  l'une  des  mains  au  moyen  d'un  long  manche  qui  les  traverfe.  Quand  on 
veut  rendre  l'orcheftre  plus  complet  on  y  aflbcie  le  Banza  ,  efpéce  de  violori 
groffier  à  quatre  cordes  que  l'on  pince.  Les  négreffes  difpofées  en  rond  règlent 
la  mefure  avec  leurs  battemens  de  mains  &  elles  répondent  en  chœur  à  une 
ou  deux  chanteufes  dont  la  voix  perçante  répète  ou  improvife  des  chanfons  ; 
car  les  nègres  pofsèdent  le  talent  d'improvifer  &  c'eft  lui  furtout  qui  fert  à 
montrer   tout  leur  penchant  pour  la  raillerie. 


BOI 


i*^ 


.    I 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        4^ 

Des  danfeurs  &  des  danfeufes  ,  toujours  en  nombre  pair  ,  vont  au  milieu  du 
cercle  (  qui  eil  formé  dans  un  terrain  uni  &  en  plein  air  )  &  f e  mettent 
à  danfer.  Chacun  afFefte  une  danfeufe  pour  figurer  devant  elle.  Cette  danfe 
que  l'on  voit  gravée  dans  mon  Atlas  &  qui  offre  peu  de  variété  ,  confifte 
dans  un  pas  oij  chaque  pied  eft  tendu  &  retiré  fucceflivement  en  frappant 
avec  précipitation ,  tantôt  de  la  pointe  &  tantôt  du  talon  fur  la  terre ,  d'une 
manière  affez  analogue  au  pas  de  VAnglaife.  Le  danfeur  tourne  fur  foi-même 
ou  autour  de  fa  danfeufe  qui  tourne  auffi  &  change  de  place  en  agitant  les 
deux  bouts  d'un  mouchoir  qu'elle  tient.  Le  danfeur  abaiffe  &  lève  alter- 
nativement fes  bras  en  gardant  les  coudes  près  du  corps  &  le  poing  prefquc 
fermé.  Cette  danfe  à  laquelle  le  jeu  des  yeux  n'eft  rien  moins  qu'étrano-er 
eft  vive  &  animée  ,  &  une  mefure  exaftc  lui  prête  des  grâces  réelles.  Les 
danfeurs  fe  fuccèdent  àl'envi,  &  il  faut  fouvent  qu'on  faffe  ceffer  le  bal 
que  les  nègres  n'abandonnent  jamais    qu'à   regret. 

Une  autre  danfe  nègre  ,  à  Saint-Domingue  ,  qui  eft  auffi  d'origine  Africaine 
c'eft  le  Chica ,  nommé  fimplement  Calenda  aux  Iles  du  Vent ,  Congo  à  Cayenne  , 
Fandangue  en  Efpagne  &c.  Cette  danfe  a  un  air  qui  lui  eft  fpécialement 
confacré  &  oià  la  mefure  eft  fortement  marquée.  Le  talent  pour  la  danfeufe 
eft  dans  la  perfection  avec  laquelle  elle  peut  faire  mouvoir  fcs  hanches  &  la 
partie  inférieure  de  fes  reins  en  confervant  tout  le  refte  du  corps  dans  une 
efpèce  d'immobilité  que  ne  lui  fait  même  pas  perdre  les  faibles  agitations  de 
fes  bras  qui  balancent  les  deux  extrémités  d'un  mouchoir  ou  de  fon  juoon. 
Un  danfeur  s'approche  d'elle  ,  s'élance  tout-à-coup  >  &  tombe  en  mefure 
prefqu'à  la  toucher.  Il  recule,  il  s'élance  encore  &  la  provoque  à  la  lutte 
la  plus  féduifante.  La  danfe  s'anime  &  bientôt  elle  offre  un  tableau  dont 
tous  les  traits  d'abord  voluptueux ,  deviennent  enfuite  lafcifs.  Il  ferait  impof- 
fible  de  peindre  le  Chica  avec  fon  véritable  caraftère ,  &  je  me  bornerai  à 
dire  que  l'impreffion  qu'il  caufe  eft  fi  puiffante  que  l'Africain  ou  le  Créol, 
de  n'importe  quelle  nuance  ,  qui  le  verrait  danfer  fans  émotion  pafferait  pour 
avok  perdu  jufqu'aux  dernières   étincelles   de   la  fenfibilité. 

Le  Calenda  &  le  Chica  ne  font  pas  les  feules  danfes  venues  d'Afrique 
dans  la  Colonie.  Il  en  eft  une  autre  que  l'on  y  connaît  depuis  long-tems  , 
principalement  dans  la  partie  Occidentale ,  &  qui  porte  le  nom  de  Vaudoux. 


M 


w- 


46         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  comme  une  danfe  que  le  Vaudoux  mérite  d'être 
confîdéré  ,  ou  du  moins  il  eft  accompagné  de  circonftances  qui  lui  affignent 
un  rang  parmi  les  ioftitutions  où  la  iuperfticion  &  des  pratiques  bifarres  ont 
une  grande   part. 

Selon  les  nègres  Aradas ,  qui  font  les  véritables  feftateurs  du  Vaudoux  dans 
la  Colonie  ,  &  qui  en  maindennent  les  principes  &  les  règles  ,  Vaudoux  fignifie 
tin  être  tout-puilTant  &  furnaturel ,  dont  dépendent  tous  les  événemens  qui  fe 
paffent  fur  ce  globe.  Or  ,  cet  être  c'efr  le  ferpent  non  venimeux,  ou  une  efpéce 
de  couleuvre  ,  &  c'eft  fous  fes  aufpices  que  fe  raflemblent  tous  ceux  qui 
profeffent  la  même  doc1;rine.  Connaifîance  du  pafle  ,  fcience  du  préfent ,  pref- 
cience  de  l'avenir,  tout  appartient  à  cette  couleuvre  ,  qui  ne  confent  néanmoins 
à  communiquer  fon  pouvoir  ,  &  à  prefcrire  fes  volontés  ,  que  par  l'organe  d'un 
grand-prêtre  que  les  fedateurs  choififlent,  &  plus  encore  par  celui  de  la  négreiTe, 
que  l'amour  de   ce  dernier  a  élevé  au  rang  de  grandc-prêtreffe. 

Ces  deux  miniftres  qui  fe  difent  infpirés  par  le  Dieu ,  ou  dans  lefqucls  le  don 
de  cette  infpiration  s'eft  réellement  manifefté  pour  les  adeptes ,  poitent  les  noms 
pompeux  de  Roi  &  de  Reine ,  ou  celui  defpotique  de  maître  &  de  maîtrefîè , 
ou  enfin  le  ntre  touchant  de  papa  &  de  maman.  Ils  font ,  durant  toute  leur  vie 
les  chefs  de  la  grande  famille  du  Vaudoux ,  &  ils  ont  droit  au  refpect  illimité 
de  ceux  qui  la  compofent.  Ce  font  eux  qui  déterminent  fi  la  couleuvre  a<^rée 
l'admifTion  d'un  candidat  dans  la  fociété  j  qui  lui  prefcrivcnt  les  oblic^ations , 
les  devoirs  qu'il  doit  remplir  ;  ce  font  eux  qui  reçoivent  les  dons  &  les  préfens 
que  le  Dieu  attend  comme  un  jufte  hommage  i  leur  défobéir ,  leur  réfifler  c'eft 
réfifter  au  Dieu  lui-même  ,  c'eft  s'expofer  aux  plus  grands  malheurs. 

Ce  fyftême  de  domination  d'une  part  ,  &  de  foumiffion  aveugle  de  l'autre 
bien  établi ,  on  forme  à  des  époques  déterminées ,  des  affemblées  où  préfidenc 
le  Roi  &  la  Reine  Vaudoux  ,  d'après  les  ufages  qu'ils  peuvent  avoir  empruntés 
tle  l'Afrique ,  &  auxquels  les  mœurs  créoles  ont  ajouté  plufieurs  variantes  & 
des  traits  qui  décèlent  des  idées  européennes  ;  par  exemple ,  l'écharpe  ou  la 
riche  ceinture  que  porte  la  Reine  dans  ces  afTemblées  ,  &  qu'elle  v  varie 
quelquefois. 

La  réunion  pour  le  véritable  Vaudoux ,  pour  celui  qui  a  le  moins  perdu  de 
la  pureté  primitive,  n'a  jamais  lieu  que  fecrêtement,  lorfque  la  nuit   répanii 


kSlM 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        47 

Ton  ombre  ,  &  dans  un  endroit  fermé  Se  à  l'abri  de  tout  œil  profane.  Là 
chaque  initié  met  une  paire  de  fandales ,  &  place  autour  de  fon  corps  un  nombre 
plus  ou  moins  confidérable  de  mouchoirs  rouges,  ou  de  mouchoirs  oij  cette 
nuance  eft  très-dominante.  Le  Roi  Vaudoux  a  des  mouchoirs  pl-js  beaux  &  en 
plus  grande  quantité  ,  &  celui  qui  eft  tout  rouge  &  qui  ceint  fon  front ,  eft 
fon  diadème.  Un  cordon  communément  bleu ,  achève  de  m.arquer  fon  éclatante 
dignité. 

La  Reine  vêtue  avec  un  luxe  fimple  ,  montre  aufTi  fa  prédilection  pour  h 
couleur  rouge ,  qui  eft  le  plus  fouvent  celle  de  fon  cordon  ou  de  fa  ceinture. 

Le  Roi  &  la  Reine  fe  placent  dans  un  des  bouts  de  la  pièce  ,  &  près 
d'une  efpèce  d'autel ,  fur  lequel  eft  une  caiffe  oij  le  ferpent  eft  confervé ,  & 
où  chaque  affilié  peut  le  voir  à  travers  des  barreaux. 

Lorfqu'on  a  vérifié  que  nul  curieux  n'a  pénétré  dans  l'enceinte  ,  on  commence 
la  cérémonie  par  l'adoration  de  la  couleuvre  ,  par  des  proteftations  d'être  fidèles 
à  Ton  culte ,  &:  fournis  à  tout  ce  qu'elle  prefcrira.  L'on  renouvelle  entre  les 
mains  du  Roi  &  de  la  Reine  le  ferment  du  fecret,  qui  eft  la  bafe  de  l'aflbciation, 
&  il  eft  accompagné  de  tout  ce  que  le  délire  a  pu  imaginer  de  plus  horrible  ^ 
pour  le  rendi-e  plus  impofant. 

Lorfque  les  feftateurs  du  Vaudoux  font  ainfi  difpofés  à  recevoir  les  impreffions 
que  le  Roi  &  la  Reine  femblent  leur  faire  partager  ,  ces  derniers  prenant  le  ton 
afFedueux  d'un  père  &  d'une  mère  fenfibles ,  leur  vantent  le  bonheur  qui  eft 
l'appanage  de  quiconque  eft  dévoué  au  Vaudoux  ;  ils  les  exhortent  à  la  confiance 
en  lui,  &  à  lui  en  donner  des  preuves,  en  prenant  fes  confciis  fur  la  conduite 
qu'ils  ont  à  tenir  dans  les  circonftances  intéreftantes. 

Alors  la  foule  s'écarte ,  &  chacun  félon  qu'il  en  a  befoin ,  &  fdon  l'ordre 
de  fon  ancienneté  dans  la  feéle  ,  vient  implorer  le  Vaudoux.  La  plupart  lui 
demande  le  talent  de  diriger  l'efprit  de  leurs  maîtres  ;  mais  ce  n'eft  pas  aiïez 
l'un  follicite  de  plus  de  l'argent,  l'autre  le  don  de  plaire  à  une  infenfible- 
celui-ci  veut  rappeller  une  maîtrefîe_  infidèle  ;,  celui-là  défire  une  prompte 
guérifon ,  ou  uhc  exiftence  prolongée.  Après  eux  ,  une  vieille  vient  conjurer 
le  Dieu  de  faire  ceffer  le  mépris  de  celui  dont  elle  voudrait  captiver  l'heureufe 
adolefcence.  Une  jeune  follicite  d'éternelles  amours  ,  ou  elle  répète  des  vœux 
que  la  haine  lui  difte  comme  une  rivale  préférée.   Il  n'eft  pas  une  paffion  9m 


^ 


48         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

ne  profère  un  vœu,  &  le  crime  lui-même  ,  ne  déguife  pas  toujours  ceux  qui 
ont  Ton  fuccès  pour  objet. 

A  chacune  de  ces  invocations,  le  Roi  Vaudous  fe  recueille  j  l'Efprit  agitent 
lui.  Tout-à-coup  il  prend  la  boîte  où  eft  la  couleuvre ,  la  place  à  terre  &  fait 
monter  fur  elle  la  Reine  Vaudoux.  Dès  que  l'afile  facré  eft  fous  fes  pieds, 
nouvelle  pythoniffe  ,  elle  eft  pénétrée  du  Dieu  ,  elle  s'agite  ,  tout  fon  corps 
eft  dans  un  état  convulfif,  &  l'oracle  parle  par  fa  bouche.  Tantôt  elle  flatte 
&  promet  la  félicité,  tantôt  elle  tonne  &  éclate  en  reproches;  &  au  gré  de 
fes  défirs ,  de  fon  propre  intérêt  ou  de  fes  caprices ,  elle  difte  comme  des  loix 
fans  appel ,  tout  ce  qu'il  lui  plaît  de  prefcrire  ,  au  nom  de  la  couleuvre  ,  à  la 
troupe  imbécille ,  qui  n'oppofe  jamais  le  plus  petit  doute  à  la  plus  monftrueufe 
abfurdité  ,  &  qui  ne  fait  qu'obéir  à  ce  qui  lui  eft  defpotiquement  prefcrit. 

Après  que  toutes  les  queftions  ont  amené  une  réponfe  quelconque  de  l'oracle, 
■qui  a  aufTi  fon  ambiguïté  ,  on  fe  forme  en  cercle ,  la  couleuvre  eft  remlfe  fur 
l'autel.  C'eft  le  moment  oij  on  lui  apporte  un  tribut,  que  chacun  a  tâché  de 
rendre  plus  digne  d'elle  ,  &  que  l'on  met  dans  un  chapeau  recouvert ,  pour 
qu'une  curiofité  jaloufe  n'expofe  perfonne  à  rougir.  Le  Roi  &  la  Reine  promettent 
de  les  lui  faire  agréer.  C'eft  du  profit  de  ces  oblations ,  qu'on  paye  les  dépenfes 
de  l'aiïemblée  ,  qu'on  procure  des  fecours  aux  membres  abfens  ou  préfens , 
qui  en  ont  befoin,  ou  de  qui  la  fociété  attend  quelque  chofe  pour  fa  gloire  ou 
fon  illuftration.  On  propofe  des  plans ,  on  arrête  des  démarches,  on  prefcrit  des 
aftions  que  la  Reine  Vaudoux  appuyé  toujours  de  la  volonté  du  Dieu ,  &  qui 
n'ont  pas  auflî  conftammcnt  le  bon  ordre  &  la  tranquillité  publique  pour  objet. 
Un  nouveau  ferment ,  auffi  exécrable  que  le  premier ,  engage  chacun  à  taire 
ce  qui  s'eft  paffé  ,  à  concourir  à  ce  qui  a-  été  conclu ,  &  quelquefois  un  vafc 
oîi  eft  le  fang  encore  chaud  d'une  chèvre  ,  va  fceller  fur  les  lèvres  des  affiftans , 
la  promefle  de  fouffrir  la  mort  plutôt  que  de  rien  révéler,  &  même  de  la  donner 
à  quiconque  oublierait  qu'il  s'eft  auffi  folemnellement  liç. 

Après  cela ,  commence  la  danfe  du  Vaudoux. 

S'il  y  a  un  récipiendaire  ,  c'eft  par  fon  admiffion  qu'elle  s'ouvre.  Le  Roi 
Vaudoux  trace  un  grand  cercle  avec  une  fubftance  qui  noircit ,  &  y  place  celui 
qui  \eut  être  initié  ,  &  dans  la  main  duquel  il  met  un  paquet  compofé 
d'herbes ,  de  crins ,  de  morceaux  de  corne  &  d'autres  objets  auffi  dégoûta.is. 


3Le 


'•Il 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.        45 

Le   frappant  cnfiiite  légèrement  à   la  tête  avec  une  petite  palette  de  bois     il 
entonne  une  chanfon  africaine  ,  (*)  que  répètent  en  chœur  ceux  qui  environnent 
le  cercle  j  alors  le  récipiendaire  fe  met  à  fembler  de  à  danfer;  ce  qui  s'apoelle 
monter  Vaiidoux.  Si  par  malheur  l'excès  de  fon  tranfport  le  fait  fortir  du  cercle   le 
chant  cefTe  auffitôt ,  le  Roi  &  la  Reine  Vaiidoux  tournent  le  dos,  pour  écarter  le 
préfage.  Le  danfeur  revient  à  lui ,  rentre  dans  le  rond ,  s'agite  de  nouveau ,  boit ,  * 
&  arrive  enia  à  des  convulfions  auxquelles  le  Roi   Vaudoux  ordonne    de   ceffer 
en  le  frappant  légèrement  fur  la  tête  de  fa  palette  ou  mouvette,  ou  même  d'un 
coup  de  nerf  de  bœuf  s'il  le  juge  à  propos.  Il  eft  conduit  à  l'autel  pour  jurer 
&  de  ce  moment,  il  appartient  à  la/e6te. 

Le  cérémonial  fini ,  le  Roi  met  la  main  ou  le  pied  fur  la  boîte  où  eft  la 
couleuvre ,  &  bientôt  il  eft  ému.  Cette  impreffion  ,  il  la  communique  à  la 
Reine  j  &  par  elle  la  commotion  gagne  circulairement  ,  &  chacun  éprouve 
des  mouvemens  ,  dans  lefquels  la  partie  fupérieurc  du  corps ,  la  tête  &  les 
épaules  femblent  fe  diCoquer.  La  Reine  furtout,  eft  en  proie  aux  plus  violentes 
agitations  ;  elle  va  de  tems  en  tems  chercher  un  nouveau  charme  auprès  du 
ferpent  Vaudoux  y  elle  agite  fa  boîte  ,  &  les  grelots  dont  celle-ci  eft  garnie 
faifant  l'effet  de  ceux  de  la  marotte  de  la  folie ,  le  délire  va  croiffant.  Il  eft- 
encore  augmenté  par  l'ufage  des  liqueurs  fpiritueufes  ,  que  dans  l'ivreffè  de  leur 
imagination  les  adeptes  n'épargnent  pas  ,  &  qui  l'entretient  à  fon  tour.  Les 
défaillances ,  les  pamoifons  fuccèdent  chez  les  uns  ,  &  une  efpèce  de  fureur  chez 
les  autres  -,  mais  chez  tous  il  y  a  un  tremblement  nerveux ,  qu'ils  femblent  ne 
pouvoir  pas  maîtrifer.  Ils  tournent  fans  cefîe  fjr  eux-mêmes.  Et  tandis  qu'il  en 
eft  qui ,  dans  cette  efpêce  de  bachanale  ,  déchirent  leurs  vêtemens  &  mordent 
même  leur  chair;  d'autres  qui  ne  font  que  privés  de  l'ufac-e  de  leurs  fens 
&    qui    font    tombés  fur   la   place ,  font    tranfportés ,    toujours    en    danfant . 


(*)  Eh  !  eh  !  Bomba,  hen  !  hen  ! 
Canga  bafio  té 
Canga  moune  dé  lé 
Canga  do  ki  la 
Canga  li. 

.,.  Les  deux  premiers  fons  de  la  première  ligne  font  prononcés  très -ouverts  ,   &   les  d;iix  dernief 
de  la  même  ligne,  ne  font  que  des  inflexions  fpurdes. 

Tome     L  Ci 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


dans  une  pièce  voifine  ,   où  une  dégoûtante  proflitution  exerce  quelquefois,  da.:%  ■ 
robfcurité  ,     le    plus     hideux    empire.   Enfin ,   h  laffitude   termine   ces    fcènes 
affligeantes  pour  la  raifbn  ,  mp.is  au  renouvelleLncnt  defquelles  on  a  eu  p-rand  foia 
de  fixer  d'avance  une  époque. 

Il   eft  très-naturel   de   croire  que   le    Vaudoux   doit   Ton   oi  io-lne   au  cuire   da 
ferpent ,  auquel  font  particdicrernent  livrés  les  habitans  de  Juida,   qui  le  difen-- 
originaire  du  royaume  d'Ardra  ,  de  la  même  Côte  des  Efclaves  ;   &  quand    on. 
alujufqu'à  quel  point  ces  Africains   poufTent  la  fuperftition   pour  cet  a:iimaî-' 
jl.  eft  aifé  de  la  reconnaître  dans  ce- que  je  viens  de  rapporter  (*).- 

Ce   qu'il  y   a   de    trè^-vrai  ,   bc  en  même-tems  de  très-remarquable    dans   le 
Vandûux ,  c 'eft  cette  efpèce  de  magnétifme  qui  porte- ceirx   qui   iont  réunis,   à 
danfer  jufqu'à  la  perte  du   fentiment.  La  prévention  eft  même  fi  forte   à  cet 
égard,  que  des  Blancs   trouvés  épiant  les  myftères  de  cette  fefte,  &  touchés  paj- 
l'un  de  fes  membres  qui  les  avait  découverts ,  fe  font  mis  quelquefois  à  danfer  r- 
&    ont   confenti  à  payer  la  Reine   Vaudoux ,  pour   mettre    fin  à   ce   châtiment 
Cependant,  je  ne   puis  mi'trepêcher  d'obfervcr    que  jamais  aucun  homme  ds" 
la  troupe  de  police  qui   a.  juré  la  guerre  au  Faudcux ,    n'a  fenti  la  puiiTance  qiû. 
force  à  danlcr  ,  &  qui  aurait  fans  doute  préfervé  les  danfeurs  eux-mêmes     de 
la  nécefiîté  de  prendre  la   fuite. 

Sans  doute  pour  aftaiblir  les  allanT:es  que  ce  culte  myftérieux  du  Vaudcux  cauf*'  - 
dans  la  Colonie ,  on  affecte  de  le  danfer  en  public,  au  bruit  des  tambours  2x:  avec 
les  battemens  de  mains j  on  le  fait  même  fuivre  d'un  repas, -où  l'on  ne  manç-e 
que  de  la  volaille.  Maisj'affure  que  ce  n'eft  qu'un  calcul  de  plus,  pour  échapper 
à  la  vigilance  des  miagiftrats  ,  &  pour  mieux  afllirer  le  fuccès  de  ces  conciliabules 
ténébreux,  qui  ne  font .  pas  un  lieu  d'amiufemiCnt  &  de  plaifir ,  mais  plutôt 
une  école  où  les  âmes  faibles  vont  fe- livrer  à  une  domination  ,.  que  mille 
circonftancei  peuvent  rendre  funefte. 

On  ne  faurait  croire,  jufqu'à  quel  point  s'étend  la  dépendance  dans  laquelle 
les  chefs  du  Vaudoux  tiennent  les  autres  membres  de  la  {tztt.  Il  n'eft  aucun  de 
ces  derniers  ,    qui    ne    préférât   tout ,    aux    malheurs    dont   il   eft   menacé ,  s'il  - 
ne  va  pas  affiduement  aux  affemblées ,  s'il  n'obéit   pas  aveuglement  à   ce  que 


(*)  Les  Indiens -Malabares  adorent-  auiS  la  codeuvre  qu'ils  appellent -A'^a/Z^  Pambon;  c'eft-à-dite-j 
Bonne  CouUwvKe- 


l*K 


^'mmÊm 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE        5.1 

Faudoux  exige  de  lui.  On  en  a  vu  que  la  frayeur  avait  aiïèz  agités  ,  pour  leur 
ôter  l'ufage  de  la  raifon  ,  &  qui ,  dans  des  accès  de  frénéfie ,  pouffaient  des 
.kurlemens,  fuyaient  l'afpeél  dés  hommes,  &  excitaient  la  pitié.  En  un  mot', 
rien  n'eft  plus  dangereux  fous  tous  les  rapports  que  ce  culte  du  Vaudoux ,  fondé 
fur  cette  idée  extravagante,  mais  dont  on  peut  faire  un  arme  bien  terrible 
que  les   miniftres  de  l'être  qu'on  a  décoré  de   ce  nom ,  favent  &  peuvent  tout. 

Qui  croirait  que  le  Vaudoux  le  cède  encore  à  quelque  chofe ,  qu'on  a  auffi 
appelle  du  nom  de  danfe  !  En  1768  ,  un  nègre  du  Petit-Goave ,  efpagnol 
d'origine,  abufant  de  la  crédulité  des  nègres,  par  des  pratiques  fuperfti- 
tieufes ,  leur  avait  donné  l'idée  d'une  danfe  analogue  à  celle  du  Vaudoux  ,  mais 
cij  les  mouvemens  font  plus  précipités.  Pour  lui  faire  produire  encore  plus 
d'effet,  les  nègres  mettent  dans  le  tafia  qu'ils  boivent  en  danfant ,  de  la  poudre 
à  canon  bien  écrafée.  On  a  vu  cette  danfe  appellée  Dan/e  à  Dom  Pèdre ,  ou 
fimpkment  Von  Pèdre ,  donner  la  mort  à  des  nègres  ;  &  les  fpeélateurs  eux- 
mêmes,  éledrlfés  par  le  fpeélack  de  cet  exercice  convulfif ,  partagent  l'ivreffe 
des  acleurs,  &  accélèrent  par  leur  chant  &  une  mefure  preffée ,  une  crife  qui 
leur  eft ,  en  quelque  forte  ,  commune.  Il  a  fallu  défendre  de  danfer  Don  Pedre 
fous  des  peines  graves ,  &  quelquefois  inefficaces. 

Les  nègres  domeftiques  ,  imitateurs  des  Blancs  qu'ils  aiment  à  finger ,  danfent 
des  menuets  ,  des  contredanfes  ,  &  c'eft  un  fpedtacle  propre  à  dérider  le  vifage 
le  plus  férieux  ,  que  celui  d'un  pareil  bal  ,  où  la  bifarrerie  des  ajuftemens 
européens  ,  prend  un  caradère  quelquefois  grotefque, 

La  jufteffe  de  l'oreille  des  nègres  leur  donne  la  première  qualité  du  muficien 
auffi  en  voit-on  un  grand  nombre.,  qui  font  bons  violons.  C'eft  l'inftrument 
qu'ils  préfèrent.  Beaucoup  cependant  n'en  jouent  que  par  routine  ,  c'eft-à-dire 
qu'ils  aprennent  d'eux-mêmes,  en  imitant  les  fons  d'un  air,  ou  bien  qu'ils  font 
cnfeignés  par  un  nègre  formé  de  la  même  manière,  &  qui  ne  leur  défigne  que 
la  pofition  des  cordes  &  celle  des  doigts  ,  fans  qu'il  foit  queftion  de  notes. 
Par  une  habitude  qu'ils  acquièrent  très-rapidement,  ils  favent ,  par  exemple,, 
que  la  valeur  du  Si  eft  fur  la  troifiême  corde  en  y  mettant  le  premier  doigt , 
&  en  écoutant  un  air  ,  ou  en  fe  le  rappellant  mentalement ,  ils  l'ont  bientôt 
appris.  On  fent  cependant  que  cette  méthode  ne  peut  faire  que  des  meneftriers  , 
&  ils  ne  cèdent  à  ceux  de  France  ni  par  leurs  fons  bruyans ,  ni  par  le  talent  de 
.boire  copieufement ,  ni  par  celui  de  dormir  fans  ceffcr  déjouer. 

G  2         . 


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52         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Les  ntgres  s'exercent  auiTi  fur  le  Banza  dont  j'ai  déjà  parlé,  &  ib  ont 
de  plus  un  inftrument  compofé  d'une  planchette  d'environ  huit  pouces  de  long , 
fur  quatre  ou  cinq  de  large.  On  y  fai:  entrer  ,  dans  le  fens  de  fa  longueur  ,  un 
petit  morceau  de  fil  de  fer  ou  de  laiton  ,  fous  lequel  paffent  en  travers  plufieurs 
bouts  de  rofeau  ou  de  bambou  extrêmement  minces  ,  d'inésales  lono-ueurs  . 
avec  une  largeur  prefqu'égale  par-tout,  &  qui  ji'excéde  guères  trois  lignes.  Le 
nègre  ,  tenant  la  planchette  des  deux  mains ,  appuyé  les  ongles  de  Tes  pouces  lur 
l'extrémité  des  bouts  de  rofeau  ,  que  le  ni  de  laiton  force  ainfi  à  s'élever 
&  à  réfonner.  Ces  fons  criards  bz  monotones ,  ceux  de  la  cr.ji-nbarde 
des  cymbales  triangulaires  &  des  échelettes ,  voilà  ce  qui  complette  la  mufiaue 
inftrumentale  des  nègres. 

Ils  fifflent  à  merveille ,  &  c'efl:  même  une  de  leur  grande  manière  de  fe  parler, 
&  de  fe  prévenir  lorfqu'ils  en  ont  befoin.  C'efl  principalement  en  amour ,  que 
ce  langage  leur  eft  utile.  Dans  les  lieux  très-habités  ,  on  entend  quelquefois 
plufieurs  perfonnes  qui  fiaient  durant  la  nuit  ou  pendant  la  foiree ,  &  c'eft 
d'ordinaire  un  fignal  qui  eft  du  moins  très-bien  compris,  s'il  n'efl  pas  toujours 
permis  d'y  répondre.  Car  à  Saint-Domingue  comme  ailleurs  ,  les  ombres  de 
la  nuit  favorifent  les  amours ,  &  par  conféquent  les  amans.  Le  nègre  qui 
renferme  dans  fcs  veines  les  feux  d'un  climat  brûlant ,  va  quelquefois  à  de 
grandes  diftances  ,  porter  des  vœux  à  l'objet  aimé.  Il  n'elt  point  d'obftacle 
que  fa  paiïlon  ne  furmonte  ;  ni  la  fatigue  de  la  veille,  ni  la  crainte  de  celle 
du  lendemain  ,  ni  les  chemins  ,  ni  les  rivières  débordées  ,  rien  ne  l'arrête* 
6c  il  eft  des  chanfons  créoles  qui  peignent  à  merveille  cette  audace  amoureufe. 
Enfin  elle  triomphe  d'une  crainte  bien  puiiTante  fur  les  efprits  faibles ,  c'eft 
celle  des  Reve-^at^s  ;  &  ce  nègre,  courageux  d'ailleurs  ,  qui  croit  aux  fpeétres 
&  aux  loup-garoux ,  couit  la  nuit  avec  emprefîement ,  dès  que  refpoir  du  plaifir 
le  guide.  Une  jeune  beauté  au  teint  d'ébtne,  qu'un  conte  de  Zc-,nbi  (*)  fait 
trembler  de  tous  fes  membres ,  veille  pour  l'attendre  ,  lui  ouvre  une  porte 
qu'elle  fait  faire  mouvoir  fans  bruit,  &  n'a  qu'une  crainte  ,  c'eft  d'être  trompée 
dans  fon  attenta. 

Je  le  répète,  la  fidélité  en  amour  n'eft  le  caraélère  du  nègre  dans  aucun  des  deux 
lèses  ;  &  c'eft  le  moment  de  dire  que  Saint-Domingue  a  offert  des  exemples 


(*)  Mot  créol  qui  fignifie  e/prit ,  revenant. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         ^j 

de  fuperfétadon  d'autant  plus  certains  ,  qu'un  individu  fe  trouvait  nègre  &  l'autre 
mulâtre.  AufTi  la  jaloufie  des  nègres  ,  mukiplie-t-elle  les  querelles  que  la  rivalité 
produit.  On  ne  faurait  croire  combien  il  y  a  de  viélimes  des  fuites  de  l'infidélité, 
&  fouvent  les  crimes  occultes  font  appelles  par  une  implacable  veno-eance. 
A  cette  caufe  des  fréquens  combats  de  nègres  entr'eux  ,  fe  joint  l'effet  de 
l'amour-propre  ,  qui  tient  à  être  nés  dans  certaines  contrées  d'Afrique,  ou  à 
habiter  certains  cantons  de  la  Colonie  ,  à  ne  fe  pas  laiiTer  devancer  quand  on 
cft  cocher  ,  &c.  &c.  Cet  amour-propre  produit  quelquefois  des  querelles, 
fanglantes.  On  voit  encore  plufieurs  ateliers  époufer  les  démêlés  de  quelques- 
uns  de  leurs  membres ,  ou  ceux  d'un  autre  ateHer  qui  a  un  maître  de  la  même 
famille ,  parce  que  Tufage  eft  qu'alors  les  nègres  s'appellent  entr'eux  négres- 
maîtres. 

C'eft  à  coups  de  poing  ou  de  tête  que  ces  différens  fe  vident,  du  moins 
entre  les  femmes,  qui  fuppléent  à  la  force  par  l'acharnement.  A-lais  d'autres 
fois  ,  c'eft  avec  des  bâtons  d'un  bois  extrêmement  dur  ,  qui  ont  de  plus  de 
légers  noeuds ,  &  dont  le  bout  fupérieur  eft  trouvé  bien  orné  par  un  nèo-re, 
lorfque  de  petits  doux  dorés ,  recouvrent  &  arrêtent  le  morceau  de  cuir  qui 
le  garnit  jufqu'au  tiers  de  fa  longueur  ;  c'eft-à-dire ,  pendant  environ  dix- 
pouces ,  &  qu'un  autre  morceau  de  cuir  lui  fcrt  de  cordon.  Les  nègres  manient 
ce  bâton  avec  une  grande  dextérité ,  &  comme  ils  vifent  à  la  tête,  les  coups 
qu'ils  portent  font  toujours  graves.  Auffi  les  combattans  font-ils  bientôt  enfan- 
glantés  ,  &  il  n'eft  pas  facile  de  les  féparer  lorfque  la  colère  les  tranfporte,  & 
lorfque  le  combat  s'eft  engagé  après  que  chaque  nègre  miouillant  fon  doio-t 
de  fa  falive  ,  l'a  palTé  fur  la  terre  pour  le  rapporter  fur  fa- langue  ,  &  que  frappant 
enfuite  fa  poitrine  de  fa  main  ,  &  élevant  fes  yeux  vers  le  Ciel ,  il  a  ainfi  fait, 
dans  fon  opinion  ,  le  plus  affreux  des  fermens.  La  police  leur  a  bien  interdit  ces 
bâtons ,  dont  on  les  prive  alTez  fouvent ,  mais  ils  font  fi  facilem^ent  remplacés  , 
que  la  précaution  n'a  que  peu  d'effet. 

Ce  bâton  meurtrier  fert  auffi  à  faire  briller  l'adrefTe  ,  dans  une  efpêce  de 
lutte.  On  ne  peut  s'empêcher  d'admirer,  avec  quelle  rapidité  les  coups  font 
portés  &  évités j  par  deux  nègres  bien  exercés.  Ils  fe  menacent,  ils  tournent 
l'un  autour  de  l'autre  pour  fe  furprecdre  ,  en  tenant  le  bâton  &  l'agitant 
toujours  des  deux  mains  ;  puis  fubitement  un  coup  eft  lancé  ,  l'autre  bâton  le 
pare 3  &  ks  coups  font  ainfi  portés  &  ripoftés  alternativement,  jufqu'à  ce  que. 


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-54        DESCRIPTION      DE     LA      PARTIE 

rl'un  des  combattans  foit  touché  par  l'autre.  Cette  joute,  que  j'ai  fait  graver  auffi 
d'après  un  deffin  anglais  ,  a  Tes  régies  comme  l'efcrime  ;  un  athlète  nouveau 
remplace  celui  qui  a  été  vaincu,  &  la  palme  efi:  donnée  au  plus  adroit. 

Il  n'eft  pas  naturel  de  parler  de  ces  exercices  des  nègres ,  Ibit  à  la  danfe  , 
fuit  à  ces  joutes  ,  fan?  dire  un  mot  de  l'odeur  qu'ils  exhalent,  &  qui  frappe  l'odorat 
qui  devrait  y  être  le  plus  accoutumé.  Beaucoup  de  perfonnes  l'attribuent 
à  un  ufage  africain  ,  cekii  de  s'oindre  d'huile  de  palme  ,  foit  pour  fe  défendre 
des  mieftes  ,  foit  pour  animer  la  nuance  noire  ,  foit  enfin  pour  aiïbupîir  la  peau 
&  la  rendre  flexible  ;  mais  à  moins  qu'on  ne  dife  que  l'effet  de  cette  hi'Ue  a 
une  influence  qui  non.  feule  ment  ne  cefTe  pas  avec  l'-habitude  de  s'en  fervir^ 
mais  qui  paiTe  aux  générations  futures,  il  efc  impofïible  d'expliquer  :  i°.  Com- 
ment l'Africain  qui  n'emplove  jamais  l'huile  de  palme  à  Saint-Domingue  ,  y 
conferve  de  l'odeur.  2^.  Pourquoi  certains  nègres  créols  qui  ne  s'en  font  jamais 
fervi,  exhalent  une  odeur  fétide.  30.  Pourquoi  il  eft  des  nègres  abfolumenit 
inodores.  4°.  Et  enfin,  par  quelle  fingularké  il  arrive  que  le  mulâtre  n'eft  pas 
toujours  exempt  de  cette  odeur.  C'eil  en  vain,  que  .certains  individus 
cherchent  à  combattre  par  la  propreté  la  plus  recherchée,  ces  émanations  qui 
ont  deux  caractères  bien  diftinds,  puifque  dans  les  uns  elles  font  fortes  & 
pénétrantes ,  tandis  que  dans  d'autres  elles  font  fades  &  douceâtres.  Les  unes 
&  les  autres  fe  dlftinguent  bien  de  l'odeur  qu'exhalent  les  nègres  qui  arrivent 
frottés  d'huile  de  palme,  par  les  foins  des  marchands  négriers,  qui  veulent 
gu'une  peau  Juifante  annonce  la  fanté. 

Je  prie  le  Leéleur  ,  de  mie  permettre  ici  une  obfervation. 

Le  nez  eft  le  ti-ait  le  plus  remarquable  du  vifage  ,  &  celui  qui  fert  à  carafté- 
rifer  la  phyfionomie  des  nations  ;  l'allongement  &  l'applatiffement  du  nez  fonjc 
deux  différences ,  deux  écarts  de  la  nature  ,  mais  il  fem^ble  que  la  longueur 
du  nez  doive  contribuer  à  la  perfedion  de  l'organe  ,  à  la  facilité  des  fécrétions  , 
&  que  les  camards  doivent  avoir  le  fens  de  redorai  moins  parfait j  mioins  étendu 
èc  être  plus  fujet  aux  maladies  du  nez. 

Les  nègres  qui  habitent  un  pays  fec  &  brûlant ,  dont  le  fang  efl  defTéché 
par  une  tranfpiration  cxceflîve  ,  doivent  avoir  moins  bcfoin  de  cet  organe.  Il  a 
-dû  s'oblitérer  par  le  défaut  d' ufage ,  &  la  camufité  a  dû  devenir  le  trait 
jdiftindlif  de  l'efpèce. 

La  beauté  n'étant  qu'une  idée  d'ordre,  née  de  l'habitude  &  de  la  reflemblance 


"^ 


F  R  A  N  Ç  A'ï  s  E    DE    S  A  î  NT  -  D  O  Ml  N  G  iT  ^.         ^^ 

générale,  les  négreffes  auront  pu  chercher  à  procurer  à  leurs  enfans  ce  trait- 
national  j  en  leur  applatiffant  le  nez.  Il  femble  encore  que  la  camufité  foie 
prefque  toujours  accompagnée  de  la  groffeur  des  lèvres  ,  &  que  la  nature 
reprenne  d'un  côté  ce  qu'elle  perd  de  l'autre. 

Les  négrillons  nés  dans  nos  Colonies  ,.  qui  ont  la-  même  éducation' 
phyfique  &  les  mêmes  alimens-  qu'en  Afrique  ,  ont  en  général  le  nez  moins 
épaté  ,.  les  lèvres  moins  groiïes  &  les  traits  plus  réguliers  que  les  né^^res 
Africains.  Le  nez  s'allonge,  les  traits  s'adouciffent ,  la  teinte  jaune  des  yeux"' 
s'afFaiblit,  à  mefirre  que  les  générations  s'éloignent  de  leur  fource  primitive  ,  & 
ces  nuances  d'altération  font  très-fenfibles.  J'ai  vu  des  nègres  avec  un  nez 
aquilin  &    fort  long  ,  &  ce  trait  paffer  à  tous  les  individus  de    la  même  famille'. 

L'Archipel  de  l'Amérique  eft  relativement  ,  un  climat  tempéré  pour  les 
Africains.  Les  nègres  font  très-fenfibles  au  froid  &  ne  peuvent  pas  fe  pafler  de 
feu  aux  Antilles  ,  tandis  que  les  Européens  n'en  approchentjamais  que  dans 
hs  hautes  montagnes ,  &  encore  le  foir  feulement.  Cette  temoéracure  doit 
diminuer  leur  tranfbiration  ,.&  la  nature  qui  cherche  à  fe  débarafler  ,  doit  rétablir 
dans  les  enfans  l'évacuation  de  la  membrane  pituit.ùre  ,  qui  excitant  i'oro-ane 
lui  procure  l'extenfion  néceffaire  à  fon  ufage; 

Les  nègres  Créols  tirent  vanité  de  ce  trait  de  refîemblance  avtc  les  Rla.'ics 
&  affectent  de  fe  prévaloir  de  ce  qu'ils  regardent  comme  une   fupériorité. 

Serait-ce  parce  que  l'humeur  du  nez-  aurait  repris  dans  les  Créols  le  cours 
oïdinaire ,  qu'ils  ont  en  général  moims  d'odeur  que  ceux  de  Guinée?  Cette 
h-um.eur  infeéle-t-elle  la  tranfpiration  chez  ces  derniers  ,■  corromipt-elle  plcS 
la  matière  de  ieurs  fueurs  ? 

J'abandonne  d'autant  plus  volontiers  ces  remarques  aux  phyficiens ,  dont  elles 
méritent  peut-être  l'attention  ,  qu'ils  réfléchiront  que  les  Indiens  qui  habitent  un 
pays  très-chaud  ont  le  nez  long  &  point  d'odeur,  &  je  reprend  ce  qui  concerne 
les  nègres  de  la  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue. 

Une  impreflîon  très-vive  pour  les  Européens  qui  débarquent  pour  la  pfemièri 
fdis  dans  l'une  des  Antilles,,  &  à  plus  force  raifon  à  Saint-Domingue,  c'eft  d'y 
voir  autant  de  figures   noires.  Un  des  effets  du  fombre  de  cette  nuance,  fur' 
laquelle  les  clairs  femblent  fe  fondre ,  eft  de  faire  que  les  Européens  foient  un  "'■ 
peu  plus  ou  moins  long-tems,  avant  de  pouvoir  reconnaître  un  nègre  par  les' 
feuis- traits  de  fa  phyfionomie ,  &  par  conféquent  de  le  diftinguer  d'un  autre"- 


^ 


5^ 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


nègre.  J'avoue  même  que  toutes  les  fois  que  je  fins  revenu  de  France  aux 
Colonies ,  j'ai  éprouvé  un  peu  cet  embarras  ;  mais  bientôt  on  faifit  &  l'enfemble 
&  les  détails  d'un  vilage  noir',  comm.e  ceux  d'un  vilage  blanc.  Toutes  les 
afFedilons,  toutes  les  paffions  s'y  peignent  avec  un  caractère  qui  eft  propre  à 
chacune  d'elles',  &:  rien  n'y  eft  perdu  ,  pas  m.êrae  la  rougeur  qui  trahit 
l'innocence  en  faveur  du  plaifir,  quoique  cette  expreffion  puiffe  paraître  étrange. 

Les  enfa:;s  nègres  ont,  à  l'époque  de  leur  naiffance  ,  une  peau  dont  la  teinte 
rougeâtre  laiiTerait  indécis  fur  leur  couleur,  fi  un  léger  bord  noirâtre  ne  fe  faifait 
pas  remarquer  autour  des  points  que  la  pudeur  veut  qu'on  cache  ,  &  à  la 
naiffance  des  ongles.  La  maladie  change  auffi  la  peau  du  nègre  ;  elle  prend 
alojs  une  pâleur  relative,  &  la  petite  vérole  y  laiffe  des  mouches  d'un  noir 
plus  foncé  aux  points  où  elle  a  marqué,  lors  même  qu'elle  n'a  pas  creufé. 

Le  ton  fombre  de  la  peau'des  nègres  ,  eft  caufe  que  la  vicilleffe  fe  laiffe  moins 
"lire  fur  leur  figure  ,  d'autant  qu'ils  n'ont  prefque  pas  de  barbe ,  &  que  leur  cheve- 
lure laineufe  ne  blanchit  que  lorfqu'ils  font  très-avancés  en  âge.  Ce  contrafte  des 
deux  couleurs  a  même  quelque  chofe  de  plus  frappant ,  &  il  ne  peut  manquer 
d'être  très-remar^iué ,  parce  que  tous  les  nègres  ont  beaucoup  de  vénération 
poi;r  leurs  vieillards.  Ils  inculquent  ce  fentlmiCnt  à  leurs  enfans  dés  l'âge  le  plus 
tendre,  &  par  l'empreffemient  que  ceux-ci  mettent  dans  leurs  foins  officieux, 
dés  qu'ils  font  en  état  d'en  avoir  pour  leurs  vieux  parens ,  on  voit  que  la 
leçon  a  réuffi.  , 

J'ajouterai  que  les  nègres  aiment  affez  à  s'éplier  ou  à  ufer  des  cifeaux  &  du 
razoir ,  pour  avoir  une  peau  fur  laquelle  rien  ne  s'élève,  &  ce  goût  n'eft  pas 
toujours  cxclufivement  celui  d'un  fexe. 

L'une  des  fmgularités  les  plus  dignes  d'obfervation ,  relativement  à  la  peau 
noire  ,  s'offre  quelquefois  à  Saint-Domingue  ,  je  veux  parler  des  Albinos  ou 
Nègres-hlancs ,  comme  on  les  nomme  dans  la  Colonie.  Il  y  en  a  toujours 
quelques-uns,  <k  il  n'eft  même  pas  rare  que  les  mères  de  ces  blafards  foient 
d'une  teinte  très-foncée.  Il  exifte  encore  une  Albinos  au  Cap  qui  a  bien  voulu 
fe  prêter  en  1783,   à  des  obfervations  dont  le  Ledeur  ne  fera  pas  privé  {*). 


{*)  Cette  Albinos ,  créole  du  Part-de-Paix  ,  nommée  Marguerite  Rebecca,  fille  légitime  &  unique 
de  Guillaume  Rebecca ,  nègre  tenant  un  bateau  paflager  da  Port-de-Paix  au  Cap,  &  à'Ur/uU 
Cornavf,  nègreffe,  l'un  &  l'autre  Créob  de  la  paroiffe  du  Gros-Morne,  eft  née  le  15  Septembre  1767^ 

On 


■FRANÇAISE    D  E    S  Al  N  T  -  D  O  MI  N  G  D  E,        57 

On  voyait  à  la  même  époque ,  au  canton  de  Maribaronx ,  fur  i'habitatiora 
Théard  &  veuve  Poirier ,  une  négreffe  ,  mère  de  fept  ou  huit  enfans ,  dont  ies 
premiers  &  les  derniers ,  provenus  du  même  père ,  étaient  Albinos ,  tandis  que 
ies  intermédiaires  qui  en  avaient  un  autre ,  étaient  noirs. 

J'ai  vu,  au  mois  de    Février   1788,    Jean,  furnom.mé  Jean  blanc ,  dans  la 


Elle  a  le  26  Mai  1783  ,  quatre  pieds ,  onze  pouces  ,  fix  lignes ,  pieds  nus  ;  elle  eft  bien  faite 
&  d'un  embonpoint  proportionné.  Sa  tête  efl  un  peu  longue,  &  fes  oreilles  font  difpofées  de  manière 
<jue  le  haut  du  cartilage  furmonte  les  yeux  ,  tandis  que  le  bas  du  lobe  ne  defcend  qu'à  la  moitié 
du  nez  j  ce  qui  fait  paraître  les  mâchoires  très-longues,  &  principalement  la  mâchoire  inférieure. 
La  peau  de  Marguerite  ,  qui  eft  très-fine  &  qui  laiiTe  appercevoir  les  ramifications  des  plus  petits 
vaiffeaux  qui  s'y  diftribuent,  eft  d'une  blancheur  fade,  &  devient  fèche  vers  les  extrémités  du 
corps.  Ses  cheveux  font  une  efpèce  de  laine  d'un  blond  roux ,  affez  agréable  au  toucher,  Ses 
fourcils  font  de  la  -même  nuance  ,    &  rares ,  ainfi  que  les  cils. 

Sa  figure  a  le  caradère  de  celle  des  nègres  ,  furtout  dans  un  nez  épaté,  &  dans  deux  lippes 
épaifles  &  décolorées.  Elle  a  le  fein  très-joli ,  &  dans  la  proportion  de  fon  âge.  Le  fiège  de  la 
pudicité  &  les  aiffelles ,  font  garnis  d'une  manière  analogue  aux  cheveux ,  &  elle  eft  depuis  deux 
ans ,  fujette  au  figne  périodique  de  la  puberté. 

On  n'apper^oit  fur  toute  l'habitude  de  fon  corps  ,  aucune  tache  ,  fi  ce  n'eft  quelques  petits 
points' lenticulaires  rouffâtres ,  qui  font  très-apparens  fur  la  poitrine.  Ses  mains  &  fes  pieds ,  quoique 
grands ,  ne  font  ni  difproportionnés  ni  difformes. 

Ses  cheveux,  quoique  frifés  &  lanugineux,  prennent  cependant  fous  le  peigne,  une  efpèce 
d'étendue  ,  car  elle  en  forme  une  trèfle  d'environ  huit  pouces,  à  partir  du  lien. 

Ses  yeux  font  bien  fendus ,  &  affez  ouverts  pour  appercevoir  que  le  mufcle  releveur  jouit  de 
toute  fa  force.  Le  blanc  de  l'œil  eft  pur;  la  pupille  &  la  prunelle  affez  larges;  l'iris  eft  compofé 
à  l'intérieur,  autour  de  la  pupille ,  d'un  cercle  jaune  indéterminé;  enfuite  vient  un  autre 'cercle 
mêlé  de  jaune  &  de  bleu  ,  de  manière  que  les  yeux  font  chatoians.  Ils  ont  un  mouvement 
d'ofcillation  très-vif,  pendant  lequel  les  deux  yeux  s'éloignent  ou  fe  rapprochent  alternativement 
du  nez  d'environ  deux  lignes ,  avec  une  direftion  un  peu  inclinée ,  des  tempes  vers  le  nez  : 
diredion  qui  eft  commune  aux  orbites.  Elle  affure  cependant  que  ce  mouvement  involontaire  ,  & 
même  fatigant  à  remarquer ,  n'a  paru  que  depuis  peu  ,  après  un  mal  d'yeux  confidérable. 

Marguerite  Rebecca  efl  douce  &  laborieufe.  Elle  lit ,  écrit  (  je  conferve  de  fon  écriture  ),  & 
chiffre  bien,  &  a  dans  fes  difcours  &  dans  fa  contenance ,  l'affurance  d'une  perfonne  de  fon  état. 
Elle  coût  à  merveille  (  j'ai  porté  des  chemifes  faites  par  elle  ),  elle  eft  gaie,  &  paraît  ne  différer 
des  autres  nègres  que  par  les  traits  phyfiques.  Elle  jouit  d'une  bonne  fanté,,  &  a  fupportc 
récemment ,  fans  aucun  accident ,  la  petite  vérole  naturelle   &  la  rougeole. 

Son  extérieur  eft  modefte  &  décent.  Sa  peau  que  la  grande  chaleur  anime,  fe  colore  aulFi  par 
l'effet  d'une  efpèce  de  honte  qu'elle  éprouve  lorfqu'elle  eft  confjdérée.  Elle  pratique  avec  affiduité 
Jes  exercices  de  piété. 


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5B         T)  E  S  C  H  I  P  T  I  O  N     DE     LA    P  A  H  T  I  E 

prifon  de  Saint-Louis  du  Sud  (  où  il  avait  été  mis  pour  avoir  manqué  à  la 
revue  des  milices  ).  Ce  nègre  libre,  créol  de  Cavaillon  ,  était  Albinos,  quoique 
fes  huit  frères  ou  fœurs  fuffent  nègres  noirs  ,  &  il  était  marié  à  une  négrefîe  ,  dont 
il  avait  alors  cinq  enfans  tous  nègres. 

Qu'il  me  ibit  permis,  puilque  je  parle  d'JIihios  ,  de  fortir  un  inftant  de 
Saint-Domingue  ,  pour  obferver  qu'à  la  Martinique,  au  quartier  du  Vauclain. . 
une  négrefîe  de  M.  Lambert  Donce  ,  fit  deux  jumeaux  ,  don  l'un  était  nèsre 
&  l'autre  Albinos. 

Cette  altération  de  la  peau  des  nègres,  n'eft  pas  h  feule  qu'elle  donne  lieu  de 
remarquer;  il  en  efl  une  autre  ,  qui  femble  être  la  graduation  entre  le  nègre  & 
V Albinos.  Elle  confifte  dans  des  marques  ou  taches  plus  ou  moins  grandes  ,  & 
avec  des  nuances  qui  varient  depuis  le  rouffàtre  ,  jufqu'au  blanc  laiteux.  Tout 
le  monde  connaît  ce  que  Buffon  a  publié  d'une  négreiïè  pie ,  &  à  la  fymétrie 
près  de  ces  taches ,  qui  efc  un  phénomène  très-rare ,  on  voit  fouvent  des  nègres 
ainfi  marqués  ,  foit  fur  le  corps  entier ,  foit  fur  une  partie  ,  &  quelquefois  fur  un 
membre  feulement. 

Parmi  les  nègres ,  le  noir  foncé  de  la  peau  eft  une  beauté.  Ils  favent  que  des 
yeux  vifs  &  des  dents  blanches,  tranchent  mieux  fur  ce  fond  très-rembruni , 
&  la  coquetterie  eft  de  toutes  les  couleurs.  Elle  fe  montre  auffi  dans  les  vêtemens 
des  nègres  ,  tout  fimples  qu'ils  font:  donnons   en  une  idée. 

Une  chemife  &  une  culotte ,  voilà  pour  le  nègre  ;  &  même  il  en  eft  qui 
îi'ont  que  la  culotte.  Cette  chemife  &  cette  culotte  font  quelquefois  de  la  même 


Comme  l'on  cherclie  toujours  à  tout  expliquer,  les  bomies  gens  avec  Icfquels  vivent  cette 
Albinos  ,  répètent^ce  qu'on  lit  dans  le  numéro  5  i  des  Affiches  Américaines  de  Saint-Domingue  , 
du   23   Décembre    1767  ,  fur  la  naiffance  de  Marguerite  Rebecca  ,  &  que  je  copie. 

„  Sa  mère  dont  la  fageffe  &  la  conduite  font  exemplaires  ,  aMait  régulièrement  les  Fêtes  & 
,,  Dimanches  aux  offices  de  la  paroiffe  de  ce  quartier,  &  fe  plaçait  ordinairement  en  face  du 
.,  tableau  du  maitre-autel  qui  repréfente  un  ex  ^joto  d'une  Reine  ,  dont  la  figure  belle  ,  expreiTives 
,,  &  vivement  coloriée ,  faû'ait  fur  elle  une  impreffion  fi  fîatteule ,  qu'elle  ne  pouvait  fe  défendra 
„  d'avoir  toujours  les  yeux  deffus  ,  ni  même  de  le  confidérer  fans  émotion.  C'eft  ce  qu'elle  a 
3,  confbamment  déclaré  à  toutes  les  perfonnes  que  la  curiofité  a  attirées  chez  elle,  pourvoir  & 
j,  admirer  ce  bifarre  &  furprenant  efFet  de  la  nature  ". 

Le  Ledleur  peut  ^comparer  cette  defcription  fidelle  ,  avec  les  folies  recueillies  par  IVî.  de  Paw 
iur  les  Alèincs.  -  •  .     " 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  MÎN  G  U  K     "5^ 
-tOile,  d'autres  fois  de  toiles  difFérenïes ,  &  c'eft  déjà  une  efpcce  de  recherche. 
Xa  culotte  longue  ou  courte  eft  une   autre   combinaifon  j    mais  chez  les  nèo-res 
cultivateurs  elle  eft  toujours  courte.  Dans  la  cheraiie  ,  le  collet ,  les  poio-nets  , 
ies  épaulettes  font  quelquefois  difFérens-  du  refce  ,  &  c'eft  un  nouveau  confeil 
.de  la  mode.    Un  iiègrc ,   pour  peu  qu'il  ne  foie  point  parefieux,  u  plufieurs 
rechange; ,  &  pour  les  dimanches  ,  les  fêtes  èi  les  jours  de  marque  ,  la  chemife 
&  la  culotte   font  blanches.    Un   chapeau  plus   ou  moins  beau ,   mais  prefque 
itoujours -rabattu,  une  plus  grande  fine Ee  dans  la  toile,  l'addition  d'une  vefte, 
v&  enfin  celle  des  fouliers ,  car  les  nègres  ont  les  pieds   nus,   &  s'en   fervent 
même  adroitement  pour  prendre  quelque   chofe  à  terre  avec  les  orteils  ,  comme 
ils   le  feraient  avec   les  doigts   de   la   main  ;    tels  font   les   divers  degrés   que 
parcourt  le  luxe,  auxquels  il  faut  cependant  ajouter  que   des  mouchoirs,  plus 
ou  moins  chers ,  font  fur  la  tête  ,  au  cou   &  dans  les  poches  5  de  manière  que 
tel  nègre  très-petit-maître ,   peut  offrir  fur  lui  une  dépenfe   qu'on   ne   payerait 
pas  avec  dix  louis  de  France  ,    &  fouvent  fa  garde-robe  vaut  quatre   ou  cinq 
fois  autant.  îl  eu  auITi  des  nègres ,  efpëce  de  féduéleurs  à  la  mode,   comme 
«n   en  voie  parmi  les  Blancs ,  à  l'égard   defquels  les  jiégreffes  fe  difputent  le 
plaifir  de  les  faire  paraître  plus  élégans. 

Pour  une  négrefîè,  une  chemife  ,  une  jupe  &  puis  un  mouchoir  qui  couvre 
la  tête ,  voiià  le  vêtement  ordinaire.  Mais  de  combien  de  nuances  il  eft  fufcep- 
tible  ,  depuis  la  groITe  toile  de  Vitré  en  Bretagne,  le  Brin  &  le  Gbiga ,  juCqu'â 
la  toile  de  Flandres  tz  la  baptifte  \  Et  ce  mouchoir  qui  ceint  le  chef,  la  mode 
,a-t-elîe  jamais  rien  trouvé  qui  fe  prêtât  mieux  à  tous  fes  caprices ,  à  tout  ce 
qu'elle  a  de  gracieux  ou  de  bifarre.  Tantôt  il  eft  fimple ,  &  n'a  d'autre  valeur 
que  dans  fes  contours  ^  tantôt  la  forme  de  la  coiffure  exige  que  dix  ou  douze 
mouchoirs  foient  fuccelTivement  placés  les  uns  par-deffus  les  autres  ,  pour 
former  un  énorme  bonnet ,  dont  le  poids  demande  une  forte  d'équilibre ,  qui 
rappelle  i'adreffe  étonnante  avec  laquelle  les  nègres  des  deux  fexes  portent  fur 
leurs  têtes  des  vafes  remplis  de  liquide,  &  parcourent  avec  rapidité  de  longs 
cfpaces ,  fans  avoir  befoin  de  leurs  mains.  Quel  luxe  quand  le  moindre  de  ces 
douze  mouchoirs  coûte  un  demi-louis  de  France  ,  &  qu'on  fonge  que  celui  du 
delTus  ne  pouvant  être  mis  plus  de  huit  jours  ,  il  faut  avoir  des  fupplémens  ! 
Le  mouchoir  de  cou  qui  doit ,  pour  l'élégance  ,  être  afforti  à  celui  de  k  tête  , 
augmente  la  dépenfe  ,  &  ceux  de  poche  la  portent  très-haut. 

H  2, 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Il  eft  cependant  beaucoup  de  négreiïès,  qui,  quoique  très-bien  mifes ,  fup- 
priment  le  mouchoir  de  cou.  Je  n'ai  pas  befoin  de  dire  que  ce  font  les  jeunes, 
&  celles  chez  qui  ce  mouchoir  cacherait ,  &  une  jolie  taille ,  &  des  contours 
heureux.  De  beaux  pendans  d'oreille  d'or,  dont  la  forme  varie,  des  coliers  à 
grains  d'or  mêlés  de  grenats ,  ou  bien  de  grenats  feulement ,  ajoutent  à  l'orne- 
1-nent  ,  ainfi  que  des  bagues  d'or.  Un  beau  chapeau  uni  de  caftor  blanc  ou  noir , 
ou  ayant  un  ruban  de  foie  ou  d'or  autour  de  la  forme  ,  ou  même  enrichi  d'un 
large  bordé  d'or ,  indique  encore  un  ton  plus  élevé  ,  ainfi  que  le  corfet  ;  &  enfin 
le  cafaquin,àla  façon  des  Blanches,  puis  des  fouliers  de  cuir  en  forme  de 
mules ,  &  par  fois  même  des  bas. 

On  aurait  peine  à  croire  jufqu'à  quel  point,  la  dépenfe  d'une  négreffe  efclave 
peut  aller  ;  elle  m.et  toute  fa  gloire ,  &  une  de  fes  plus  douces  jouilTances ,  à 
avoir  beaucoup  de  linge.  Jamais  elle  ne  fe  trouve  affez  de  mouchoirs  ni  de 
deihabillés,  t-c  une  manie  qu'elles  ont  prefque  toutes,  c'eft  de  fe  les  emprunter 
réciproquement.  La  plus  grande  marque  d'amour  qu'on  puifîe  donner  à  une 
négreffe ,  c'eft  de  lui  faire  coupe?-  des  cotes  -,  c'eft-à-dire  ,  de  la  conduire  ou  de 
l'envoyer  chez  un  marchand ,  pour  choifir  les  fuperbes  mouffelines  ,  les  indiennes 
&  les  perfes ,  dont  elle  fe  fait  des  jupes.  Combien  d'entr'elles  favent ,  par  un 
manège  étudié ,  infpirer  l'efpoir  à  de  crédules  amans ,  déjà  dupes  depuis 
iong-tems,  lorfqu'ils  s'appercoivent  que  leurs  préfens  ne  leur  acquièrent  ai.éua 
droit!  On  a  vu  des  négreffes  qui  avaient  jufqu'à  cent  defliabillés ,  qu'on  ne 
pouvait  évaluer  à  moins  de  deux  miille  écus  de  France. 

Un  grand  plaifir  pour  elles,  c'eft  de  faire  ce  qu'elles  appellent  l'alTortiments 
c'eft-à-dire  ,  qu'à  certaines  fêtes  folemnelles  ,  elles  s'habillent  plufteurs  d'une 
manière  abfolument  uniforme  ,  pour  aller  fe  promener  ou  danfer.  On  fait  plus 
fréquemment  l'affortiment  avec  une  bonne  amie  qui  eft  la  confidente  ,  celle 
dont  on  ne  peut  pas  fe  paffer.  Cet  attachement  extrêmement  vif ,  eft  par  cela 
même  peu  durable  -,  car  il  faut  le  dire ,  les  perfidies ,  les  trahifons  viennent  trop  ' 
fouvent  de  la  bonne  am.ie  ;  &  quand  le  jour  de  la  haine  eft  arrivé ,  il  n'eft  pas 
d'injures  qu'elles  ne  fe  prodiguent ,  point  de  turpitudes  qu'elles  ne  révèlent  ou 
qu'elles  n'inventent  ,  &  des  paroles  on  en  vient  prefque  toujours  aux  mains, 
Qn  fe  rappelle  bien  alors  le  vieil  adage  :  Amitié  de  femmes  ,  de  l'eau  dans  un 
■panier. 

Ce  n'eft  pas  feulement  dans  les  villes,  que  le  luxe  des  efclaves  eft  très-apparenr.. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         gj 

Dans  plufieurs  ateliers  ,  celui  qui  a  manié  la  houe  ou  les  outils  pendant  toute 
la  femaine ,  fait  fa  toilette  pour  aller  le  dinianche  à  l'églife  ou  au  marché ,  & 
l'on  aurait  de  la  peine  à  le  reconnaître  fous  des  vêtemens  fins.  Cette  métamor- 
phofe  eft  encore  plus  grande  pour  la  négreffe  qui  a  pris  une  jupe  de  mouffeline 
&  fes  mouchoirs  de  Paliacate  ou  de  Madras.  Je  l'affure  ici ,  il  eft  bien  peu  de 

^  nègres  exempts  de  reproches  ,  lorfqu'on  les  voit  couverts  de  haillons  ,  & 
lorfqu'enfin  on  ne  peut  leur  en  faire  ,  c'eft  à  la  mauvaife  adminiftration  des 
maîtres  qu'ils  s'adrelfent,  &  peut-êcre  plus  juftement  encore  ,  à  l'adminiftration 

-publique. 

Les  nègres,  tels  qu'ils  font  dans  la  Colonie,  montrent  en  général  plutôt  le 
courage  de  la  réfignation  ,  que  celui  de  la  bravoure  ;  néanmoins  dans  les  circonf- 
tances  où  l'on  a  eu  befoin  de  cette  dernière  qualité  ,  on  a  eu  à  fc  louer  de 
l'épreuve,  pourvu  toutefois  que  les  nègres  aient  alors  avec  eux  des  Blancs, 
pour  les  raiTurer  &  pour  leur  donner  de  la  confiance.  Leur  réfignadon  eft  entière 
dans  les  douleurs  phyfiques ,  &  j'en  ai  vu  fournis  à  des  opérations  très-doulou- 
reufes,.où  ils  étouffkient  la  plainte.  Lorfque  le  crime  les  mène  à  la  mort.  Ils 
y  vont  avec  une  fermeté  qui  reflemble  quelquefois  à  l'infenfibilité.  Il  en  eft 
dont  l'ame  fière,  élevée  ,  rougirait  de  la  moindre  bafl-efTe.  Le  chagrin  a  fur  eux 
beaucoup  d'empire ,  &  il  agit  avec  la  rapidité  qu'on  lui  connaît^dans  tous  les 
climats  chauds,  parce  que  l'imagination  plus  aéliv^e,  y  eft  auffi  plus  facile  à 
frapper.  On  a  vu  des  nègres  que  la  contrainte  &  une  vie  trop  monotone, 
affedaient  fingulièrement.  J'en  citerai  deux  traits.^ 

Sur  l'habitation  des  Glaireaux  ,  au  Quartier  Morin ,  un  nègre  nommé  Jean-. 
Bapùjie ,  àétc^^ni  le  travail  de  la  culture,  imagine  pour  s'en  débarafîèr ,  dt 
tailler  fur  les  dimenfions  de  fon  bras  droit,  un  bras  de  bois  aflez  dur,  &  pendant 
plufieurs  mois,  il  exerce  fa  main  gauche  à  couper  le  poignet  du  bras  de  bois 
avec  fa  ferpe.  Lorfqu'enfin  il  fe  croit  affez  fur  de  fon  coup ,  il  place  la  vraie 
main  droite  qu'il  ne  pût  cependant  amputer  qu'au  quatrième  coup. 
^  Un  autre  nègre  de  l'habitation  DubuiflTon ,  dans  la  paroifîe  du  Trou  (  fucre- 
rie  dont  la  fage  adminiftration  mériterait  d'être  prife  pour  modèle  dans 
toute  la  Colonie  ) ,  était  fujet  à  déferrer  &i  à  des  maladies  qui  étaient  la  Mtt 
de  fon  libertinage  &  dont  Ictraitement  le  faifait  tenir  dans  une  forte  de  gêne. 
Un  premier  jour  de  l'an ,  il  affile  fon  couteau,  &  d'un  feul  coup  il  fe^'rend 
eunuque. 


ILJilJWJipiiPJIP 


6% 


DESCRIPTION    DE    LA     PARTIE 


Je  n'ajouterai  pas  d'autres  déta'tls  du  m^me  genre,  on  tfeft  que  trop  inftruit 
de  la  facilité  qu'ont  certaitis  Africains  à  s'.étoufFer  avec  leur  langue  &  de  la 
frivolité  des    motifs    qui  les  portent  à  employer  ce  moyen. 

Des  p£i-fonnes  concluant  de  l'énergie  de  quelques  nègres  pour  les  peindre 
tous,  on  dit  qu'il  ferait  facile  d'en  faire  promptement  des  hommes  trés- 
éclairés^  dont  les  fucces  feraient  glorieux  pour  l'hunanité  entière.,  &  à  l'appui 
de  cette  opinion  ils  ont  rapporté  des  faits  qui  prouvent  que  des  nègres  ft 
font  diilingués  par  des  actions  recommàadables  dans  diIFérens  genres  &  même 
par  une  efpcce  de  favoir. 

D'autres  perfonnes  au  contraire,  pulfant  leurs  argumens  dans  des  aftes  auffi 
réels  &  qui  prouvent  la  plus  honteufe  ignorance  &  un  pencriant  bien  fort 
pour  le  vice,  ont  affirmé  que  les  nègres  font  une  efpèce  abâtardie  &:  dégénérée  , 
&  peu  s'en  eft  fallu  qu'ils  n'imitafifent  ce  concHe ,  auffi  injufte  que  bifarre  ,  où 
l'on  agita  la  queftion  de  favoir  fi  les  femmes  avaient  une  ame  ,  elles  qui 
avertiffent  l'homme  de  l'exiftence  de  la  ficnne. 

La  vérité,  dit-on  fansceiTe  ,  n'éil  pas  dans  les  extrêmes,  &  les  deux  opinions 
que  je  cite  fur  le  nègre  le  prouvent  encore;  car  elles  font  également  erro- 
nées. Qui  oferait  fe  charger  de  démontrer  que  l'influence  de  l'éducation 
.peut  ou  ne  peut  pas  s'étendre  .à  tel  ou  tel  objet  ?  Qui  peut  favoir  jufqu'à 
quel  point  les  cautes  pbyfiques  fécondent  ou  contrarient  l'éducation  ?  Qui 
peut -même  défigner  d'une  manière  infaillible  le  fyftème  d'éducation  qui  con- 
fient le  mieux  à  tel  peuple  donné?  Ce  proolême  tout-à-la-fois ,  métaphyfique 
moral,  phyfique  &  d'économie  politique  n'eft  pas  réfolu ,  ni  même  entamé 
par  des  déclamations  où  une  fauffe  philofophie  adopte  tout  d'un  côté  &  où 
la  mauvaife  foi  nie  tout  de  l'autre.  Le  fait  aduel  c'eft  que  le  nègre  eft  dans 
un  état  de  dégénération  réelle  comparativement  à  l'européen  civilifé.  Cet 
itat  eft  tel  qu'il  autorife  à  foutenir  que  cette  dégénération  qui  eft ,  peut-être  , 
l'ouvrage  des  fiècles.,  voudrait  d'autres  fiècles  pour  que  fes  effets  généraux  difpa- 
ruffent  tout-à-fait  &  un  concours  de  caufes  &  de  volontés  dont  il  eft  difficile 
de  fuppofer  la  réunion  fubite ,  quelque  féduifant  que  cet  ^fpoir  puifîè  être. 

Les  nègres  n'ont  que  fort  peu  d'idées  de  calcul  &  ils  comptent  avec  des 
grains  de  maïs  ou  des  pois  ,  en  variant  les  efpèces  ou  les  groffeurs  pour 
indiquer  les  différentes  pièces  de  monnoie.  Jamais  ils  n'ont  une  notion  exafte 
-de  leur  âge,  &  l'on  ne   parvient  pas  même  à  leur  en  faire  retenir  l'époque. 


iFIRANÇAlSE   DE    SAINT-DOMINGUE.        63 

Ce  qui  eft  paffé  depuis  dix  ans  leur  femble  à  une  diftance  qu'ils  confondent 
avec  une  autre  diîlance  double  &  triple.  Leur  mémoire  eft  très-fautive  & 
les  trompe  fouvent.  Il  leur  faut  de  très-grands  événemens  pour  leur  tenir 
lieu  de  dates,  &  ce  qui  les  étonne  le  plus  dans  les  Blancs,  c'eil  l'écriture, 
c'eft  la  communication  des  idées,  &  quand  ils  difent  que  les  Blancs  auraient 
réputé  les  nègres  forciers  s'ils  avaient  fait  cette  précieufe  découverte  ,  ils 
conviennent  aflez  qu'ils  ne  font  pas  très-éloignés  de  nous  croire  un  peu  fami- 
iiarifés  avec  le  démon.  Ce  mot  me  rappelle  ce  que  quelques  nègres  dilbnt  de 
leur  origine. 

Selon  eux,  Dieu  fit  l'homme  &  le  fit  blanc;  le  diable  qui  l'épiait  fit  un 
être  tout  pareil;  mais  le  diable  le  trouva  noir  lorfqu'il  fut  achevé  ,  par  un 
châtiment  de  Dieu  qui  ne  voulait  pas  que  fon  ouvrage  fût  confondu  avec 
celui  de  l'Efprit  Malin.  Celui-ci  fut  tellement  irrité  de  cette  différence 
qu'il  donna  un  foufflet  à  la  copie  &  la  fit  tomber  fur  la  face  ,  ce  qui  lui 
aplatit  le  nez  &  lui  fit  gonfler  les  lèvres.  D'autres  nègres  moins  modelles 
difent  que  le  premier  homme  fordt  noir  des  mains  du  Créateur  &  que  le 
Blanc  n'eft  qu'un  nègre  dont  la   couleur  efl  dégénérée. 

J'ai  déjà  dit  quelque  chofe  de  l'opinion  des  nègres  fur  les  morts  dont  ils 
racontent  toutes  les  fables  que  les  vieilles  de  tous  les  pays  font  aux  enfans. 
De  là  le  zèle  qu'ils  mettent  aux  funérailles ,  &  qui  a  un  caractère  différent 
q^and  il  fe  rapporte  aux  Blancs  ou  aux  nègres.  Ce  qui  eil  commun  ce  font 
les  hurlemens  ,  les  cris  de  défefpoir  &  les  démonftrarions  d'une  douleur  déchi- 
rante. Quel  dommage  que  pour  la  plupart  ce  ne  foit  qu'une  coutume ,  qui 
au  fond  n'eft  pas  plus  fotte  que  celle  de  louer  en  Europe  des  hommes  pour 
porter  des  habits  de  deuil.  C'eft  à  des  momens  convenus  de  la  cérémonie 
funèbre  que  ces  cris  éclatent  ,  &  l'on  cite  même  à  ce  fujet  une  anecdote  vraie 
ou  faulTe  qui,  au  furplus  ,  peint  bien  un  enterrement  ou  afnftent  des  nègres. 
Des  cris  s'étant  fait  entendre  ,  une  négreffe  qui  avait  un  grand  crédit  fur 
les  autres ,  les  interrompit  en  leur  difant  :  pencore  cric  ,  mon  va  ha  %of  la  vol. 
"  Ne  criez  point  encore  ,  je  vous  donnerai  le  fignal  „.  Arrivées  à  la  fofle  , 
les  négreiTes  font  mine  de  s'y  jetter  ,  elles  fe  débattent  pour  s'arracher  à 
celles  qui  les  retiennent ,  &  dans  ces  combats ,  les  convulfions  &  les  pamoi-. 
fons  ont  leur  place. 
-Si  l'o-n  enterre  un  nègre  ,  les  autres  accompagnent  aufïï  le  corps  ;  quelquefois 


II! 


s^^ 


û^        DESCRIPTION    DE    LA    PAUTÎK 

même  avec  un  nmbour  ,  en  diantant  Téloge  du  défunt,  &  en  battant  des  mairiS, 
L-'oû  fixe  en  fuite  à  un  jour  qui  laiffe  le  tems  des  préparatifs,  ce  qu^on  appelle 
un  fervice  ,  c'eft-à-dire  ,  un  grand  repas  où  l'on  mange  bien  &  boit  encore 
mieux ,  &  qui  fe  termine  quelquefois  par  la  danfe.  Ce  font  les  parens ,  les  amis 
ouiles  nègres  compatriotes  qui  font  les  frais  de  cette  cérém.onie  ,  qui  n'eft  rien 
moins  que  lugubre.  J'eus  le  malheur  de  perdre  un  jeune  nègre  Mondongue, 
nommé  Caftor  ,  le  29  Novembre  1782,  &  les  nègres  firent  fon  fervice  le 
25  Décembre.  Je  contribuai  même  pour  le  repas,  ce  que  font  beaucoup  de 
maîtres. 

Quand  un  efclave  meurt  ayant  des  enfans ,  ils  fe  partagent  ce  qu'il  a  laifléj 
les  parens  fuccèdent  à  défaut  d'enfans.  Enfin  fi  cet  ordre  de  fucceffion  manque, 
on  diftribue  ,  avec  l'agrément  du  maître-,  les  effets  à  d'autres  nègres  qui  ont  des 
enfans  ,  &  .lorfqu'on  peut  établir  que  le  défunt  a  eu  l'intention  de  difpofer  de 
{on  petit  pécule  ,  fa  volonté  eft  accomplie  comme  facrée. 

Le  deuil  des  nègres  confifte  à  fe  vêtir  de  blanc  durant  plufieurs  jours,  &à 
avoir  le  mouchoir  de  tête  plié  en  demi-mouchoir,  mis  lâns  aucun  foin,  &  avec 
les  deux  bouts  pendans.par  derrière. 

Je  ne  fuis  pas  affez  injufte  pour  prétendre  que  les  larmes  des  nègres  font 
toujours  étudiées  ;  il  eft  des  nègres  qui  pleurent  parce  que  leur  cœur  eft  déchiré  , 
dont  les  yeux  fe  mouillent  lorfque  long-tems  encore  après  ,  ils  parlent  de  quelques 
objets  qui  leur  étaient  chers,  &  parmi  lefquels  ils  comptent  des  m.aîtres  qu'ils 
ont  aimés  &  fervis  avec  une  eftimable  fidélité. 

J'.ai  à  parler  maintenant  du  langage  qui  fert  à  tous  les  nègres  qui  habitent 
la  colonie  françaife  de  Saint-Domingue.  C'eft  un  français  corrompu ,  auquel 
on  a  mêlé  plufieurs  mots  efpagnols  francifés ,  &  où  les  termes  marins  ont  aufG 
trouvé  leur  place.  On  concevra  aifément  que  ce  langage  ,  qui  n'eft  qu'un  vrai 
jargon ,  eft  fouvent  inintelligible  dans  la  bouche  d'un  vieil  Africain  ,  &  qu'on  le 
parle  d'autant  mieux ,  qu'on  l'a  appris  plus  jeune.  Ce  jargon  eft  extrêmement 
mignard ,  &  tel  que  l'inflexion  fait  la  plus  grande  partie  de  l'expreiTion.  Il  a  auflî 
fon  génie  ,  (  qu'on  paffe  ce  mot  à  un  Créol  qui  croit  ne  le  pas  profaner  ),  &  un 
fait  très-fûr  ,  c'eft  qu'un  Européen  ,  quelque  habitude  qu'il  en  ait  ,  quelque 
longue  qu'ait  été  fa  réfidence  aux  Ifles ,  n'en  pofïède  jamais  les  fineflTes. 
.  Je  n'ignore  cependant  pas  que  le  langage  créol  a  donné  lieu  à  plufieurs 
^critiques.  Il  en  eft  une  fore  amère  ,  conûgnée  dans  un  ouvrage  intitulé  :  Voyage 

d'un 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  65 
d'un  Suijfe  dans  différentes  Colonies  d'Amérique.  Il  eft  vrai  qu'on  a  pris  une 
méthode  fort  fûre  pour  le  décrier  ,  c'eft  de  faire  du  Crêol-Sutjfe ,  &  d'en  conclure 
que  ce  langage  eft  miférable.  Je  me  range  à  l'avis  de  l'auteur ,  mais  il  faut 
avouer  que  fon  baragouin  ne  paffera  pour  du  créol ,  qu'auprès  de  nos  favans 
qui  en  introduilent  un  du  même  genre  fur  les  théâtres,  &  qui  perfuadent  au^- 
Parifiens  que  c'eft  le  véritable.  La  prétendue  lettre  du  Suiffe  n'a  jamais  été 
écrite  que  par  lui,  ou  par  quelqu'un  qui  a  voulu  s'amufer  de  fa  crédulité.  J'en 
appelle  aux  féduifantes  Créoles,  qui  ont  adopté  ce  patois  expreffifpour  peindre 
leur  tendrefîe  ! 

Il  eft  mille  riens  que  l'on  n'oferait  dire  en  français,  mille  images  voluptueufes 
que  l'on  ne  réuffirait  pas  à  peindre  avec  le  français  ,  &  que  le  créol  exprime  ou 
rend  avec  une  grâce  infinie.  Il  ne  dit  jamais  plus  que  quand  il  employé  les  fons 
inarticulés ,  dont  il  a  fait  des  phrafes  entières.  Le  Chia  ,  le  Bichi  même ,  qu'on  a 
tant  voulu  ridiculifer  ,   eft-ii   un  terme  de  dédain  qui  renferme  plus  de  fens  ? 
Et   pour   qu'on   ne   prétende  pas  que  je  crée  des  merveilles  imaginaires  ,  je  vais 
rapporter   une  chanfon  bien   connue,  qui  fera  voir  fi  le  langage  créol   eft  un 
jargon  infignifiant  &  maulTadc.  Elle  a  été  compofée,  il  y  a  environ  quarante  ans  , 
par  M.  Duvivier  de  la  Mahautière ,    mort   Confeiller   au  Confeil  du  Port-au- 
Prince.  J'en  préfente,  en  même-tems,  la  traduftion  verfifiée  par  un  créol  ,  qui, 
aux  dépens  de  fon  amour-propre,  n'a  cherché  qu'à   conferver ,  prefque'ligne 
pour  ligne,  le  fens  littéral  qu'une  imitation  libre  aurait  empêché  de  faifir. 


00c»  ,i|>.  ,i|^  .ii^,,,!^  ^►■.il^.iil>  .ii>.  ,ii^  ,i|>.,i|>.,rt[^ . 


Sur  l'Air  :  ^ue  ne  fuis-je  la  fougère  ! 


Lifette  quitté  la  plaine , 
Mon  perdi  bonher  à  moue  ; 
Gié  à  moin  femblé  fontaine, 
Dipi  mon  pas  miré  toué. 
La  jour  quand  mon  coupé  canne  , 
Mon  fongé  zamour  à  moue  ; 
La  nuit  quand  mon  dans  cabane  , 
Dans  dromi  mon  quimbé  toué. 
Tome     I. 


Lifette,  tu  fuis  la  plaine. 
Mon  bonheur  s'eli  envolé  ; 
Mes  pleurs,  en  double  fontaine. 
Sur  tous  tes  pas  ont  coulé. 
Le  jour ,  moiffonnant  la  canne , 
Je  rêve  à  tes  doux  appas  ; 
Un  fonge  dans  ma  cabane , 
La  nuit  te  met  dans  mes  bras. 


I 


IJILM.  H.  LMJH 


es 


DESCRIP    riON 


E 


r»'  s\ 


A     PARTIE 


Si  to  allé  à  la  ville  , 
Ta  trouvé  geine  Candio  ,    ' 
Qui  gagné  pour  tromper  fille  , 
Bouch;  doux  palTé  firop. 
To  va  crer  yo    bin  ilacère  , 
Pendant  quior  yo  coquin  tro  ; 
C'ell  Serpent  qui  contrefaire 
Crié  Rat,  poar  tromper  yo. 


Tu  trouveras  à  la  ville  , 
Plus  d'un  jeune  freluquet  , 
Leur  bouche   avec  art  dillUle 
Un  miel  doux  mais  plein  d'apprêt  ; 
Tu  croiras  leur  ccBur  fincère  : 
Leur  cœur  ne  veut  que  tromper  ; 
Le  ferpent  fait  contrefaire 
Le  rat  qu'il  veut  dévorer. 


•'-I 


Dlpi  mon  perdi  Lifette , 
Mon  pas  fouchié   Calinda. 
Mon  quitté  Bram-bram  fonnctie. 
Mon  pai  batte  Bamboula. 
Quand  mon  contré  laut'  negrefTe, 
Mon  pas  gagné  gié  pour  li  ; 
Mon  pas  fouchié  travail  pièce  : 
Tout'  qui  chofe  a  moin  înourri. 


Î.Ion  maigre  tant  com'  gnon  fouche  , 
Jambe  à  moin  tant  comme  rofeau  ; 
Mangé  15a  pas  doux  dans  bouche , 
Tafia  même  c'eil  comme  dyo. 
Quand  mon  fongé  toué,  Lifette  , 
Dyo  toujour  dans  jié  moin. 
Magner  moin  vini  trop  bête  , 
A  force  chagrin  magné  moin. 


Pvîes  pas,  loin  de  ma  Lifette  , 
S'éloignent  du  Calinda  ; 
Et  ma  ceinture  à  fonnette 
Languit  fur  mon  bamboula. 
Mon  œil  de  toute  autre  belle  , 
N'apperçoit  plus  le  fouris  ; 
Le  travail  en    vain  m'appelle  , 
Mes  fens  font  anéantis. 

4 

Je  péris  comme  la  fouche  , 
Ma  jambe  n'ell:  qu'un  rofeau  ; 
Nul  mets  ne  plait  à  ma  bouche, 
La  liqueur  s'y  change  en  eau. 
Quand  je  fonge  à  toi ,  Lifette  , 
Mes  yeux  s'inondent  de  pleurs. 
Ma  raifon  lente  &  diftraite  , 
Cède  en  tout  à  mes  douleurs. 


Lifet'  mon  tandé  nouvelle , 
To  compté  bintôt  tourné  : 
Vini  donc  toujours  fidelle  . 
Miré  bon  pafTé  tandé. 
N'a  pas  tardé  davantage  , 
To  fair  moin  affez  chagrin  , 
Mon  tant  com'  zozo  dans  cage  , 
Quand  yo  fair  li  mouri  faim, 


Mais  ell-il  bien  vrai,  ma  belle  , 
Dans  peu  tu  dois  revenir  : 
Ah  !  reviens  toujours  fidelle  , 
Croire  eft  moins  doux  que  fènu'r. 
Ne  tarde  pas  d'avantage , 
C'eft  pour  moi  trop  de  chagrin  ; 
Viens  retirer  de  fa  cage , 
L'oifeau  confumé  de  fsSia, 


S- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE        67 

C'efl  dans  ce  langage  qui ,  comme  l'on  voit ,  comporte  la  rime  &  la  mefure , 
que  les  Créols  aiment  à  s'entretenir ,  &  les  nègres  n'en  ont  pas  d'autre  entr'eux. 
C'ell  encore  par  fon  moyen ,  que  les  nègres  expriment  &  leurs  mots  fententieux , 
&  leurs  traits  piquans. 

On  leur  entend  dire  ,  par  exemple  ,  d'un  bavard ,  que  fa  bouche  n'a  pas  de 
dimanche.  Veulent-ils  montrer  que  l'orgueil  eft  une  fottife ,  ils  indiquent  deux 
points  oppofés  du  Ciel ,  en  difant  :  <S"o/^ /i?î'^ /^  ,  //  couche  /à  .„  Le  Iblcil  fe  lève 
ici,  il  fe  couche  là  „.  Pour  exprimer  que  fi  cet  aftre  a  un  couchant,  il  n'eft  pas 
de  fujet  de  vanité  qui  puiffe  être  durable. 

Je  bornerai  pour  ce  moment ,  à  ce  que  j'en  ai  dit ,  ce  qui  concerne  la  clafTe 
des  nègres  ,  qui  comprend  en  quelque  forte  tous  les  efclaves  à  Saint-Domingue. 
Parmi  ceux-ci  ,  fe  trouve  mêlée  la  defcendance  de  quelques  Caraïbes ,  de 
quelques  Indiens  de  la  Guyane  ,  de  Sauvages  Renards  du  Canada  ,  de  Natchez 
de  la  Louifiane  ,  que  le  gouvernement  ou  des  homm.es  violateurs  du  Droit  des 
Gens  ,  jugaient  néceffaire  ou  lucratif  de  réduire  à  la  fervitude. 

J'oubliais  de  dire  que  ce  qui  diftingue  le  plus  le  nègre  créol  ,  de  l'Africain, 
c'efl:  qu'à  l'exemple  des  Colons  anglais  ,  les  habitans  de  la  Colonie  francaifè 
font  étamper  fur  la  poitrine ,  de  leur  nom  ou  avec  de  fimples  lettres  initiales 
les  Africains  ;  tandis  que  les  autres  ne  le  font  que  dans  les  cas  extrêmement 
rares  où  on  veut  les  humilier  ,  précifément  parce  que  l'ufao-e  les  exceo^e 
L'étendue  de  la  Colonie,  le  voifinage  d'une  Colonie  étrangère,  tout  aura  porté 
à  adopter  une  précaution  qui  n'a  rien  de  douloureux.  Elle  a  cependant  un 
inconvénient  pour  l'Africain  ,  qui  paffe  de  l'état  d'efclave  à  celui  d'affranchi , 
c'eft  qu'en  prolongeant  le  fouvenir  de  fa  première  fituation  ,  elle  peut ,  dans 
plufieurs  cas ,  élever  des   doutes  fur  fa  liberté. 

Mais  ces  Affranchis,  voyons  quels  ils  font;  j'aurai  afîez  d'occafions,  dans 
la  Defcription  d'une  immenfe  Colonie  ,  de  compléter  le  caraftère  &  les  mœurs 
des  Efclaves  &  j'y  trouverai  l'avantage  de  rendre  les  chofes  plus  frappantes,, 
parce  qu'elles  fe  trouveront ,  pour  ainfi  dire,  dans  des  cadres  qui  leur  feront 
affortis. 


\ 


ï  2 


é8 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


c=»=^-^ 


D    £ 


A    F 


FRANCHIS. 


LEsAfFranchis  font  plus    univenellement    connus  fous  le  nom   de  Gens 
de-Couleur  ou  de  Sang-mélés ,  quoique  cette  dénomination,  prife  exaft^ment 
defigne    auffi  les    nègres    efclaves.     Dès    que   la    Colonie    eut    des   efclav^s  ' 
elle  ne  tarda  pas  à  avoir  des  Affranchis,  &  plufieurs  caufes  durent  concourir 
a  .ormer  cette   clalTe  intermédiaire  entre  le  maître  &  l'efclave.  A  Sr-Domincvue 
les  e.claves   étaient  non-feulement  des  nègres ,  mais  encore  des  Indiens  &  des 
Sauvages    qu'on  ne  diftinguait  des  nègres  que  par  leur  couleur.    La   rareté  des 
femmes,  les   mœurs  des   Flibuftiers   &   des  Boucaniers,   l'appât  attaché  à  la 
condefcendance  des  negreffes  ,    firent   paraître  les    mulâtres    que    la  nuance    de 
leur  peau  claffa  avec   les  Indiens  &  les  Sauvages  ,  comme  le  prouvele  recen 
fement  de   i68r,où  on  les  trouve  tous    confondus    &  au  nombre    de   480   • 
mais  alors  ,  il  n'y  avait  de  libres  que  des  Blancs.  ' 

Les  hommes  qui  afferviffaient  ,    fans    fcrupule  ,  'les  Sauvages  &  les   Indiens 
colores   comme  les  mulâtres,   éprouvèrent  cependant  un    fentiment   particulier 
a  lafpea  de   ceux-ci ,  &  par  une  forte  d'accord,  qui  ne   put   avoir  fon  origine 
que   dans  1  afteélion  paternelle  &  dans    famour-propre  ,   il  paffa  en  ufa^e  ^ue 
les  mulâtres  en  atteignant  leur  vingt   &  unième  année-,   forçaient  d'efcWe 
CepenoV^t  l'mtérêt  perionnel  ayant  violé  plus  d'une  fois  cette  convention  tacite' 
.  &  le    Code  Noir  ayant   réglé    les   fucceffions    coloniales   quant   aux   efclaves 
les  mulâtres   perdirent   leurs  avantages  ,  &  l'on  ne   reconnut  réellement   pour 
Affranchis  que^ceux  à   l'égard  defquels  le  maître  avait  formellement  abdLé 
fes  droits  par  ecnt.  Il  avait  exifté  de  femblables  Affranchis  bien  avant  i68r 
puifque  l'édit    du  mois  de  Mars  de    cette  année  ,   préparé   par   les    Confe  k 
Supérieurs  &  les  Adminiftrateurs   des    Colonies   plufieurs   années  auparavant 
tait  de   la  manumiffion  ,  volontairement  foufcrite  par  le   maître ,  une  difpofidon 
légale    o.  l'on  voit  dans  les  recenfemens  du  commencement  du  fiècle   aeluei 
qu'il   fe   trouvait  environ   500  Gens  libres  de    tout  âge    &  de   tout  fève     eue 
quelquefo,s   l'on   diftinguait   encore    en   nègres   libres    &    en  mulâtres    libres  ■ 
fans  doute   parce  que   Fcn    confondait    avec    ces    derniers   la   defcendance   des 
Indiens  &  des  Sauvages  parmi  lefquels   il  a  dû  fe   trouver  d'autant  plus  natu 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  69 
rellement  des  Affranchis  que  les  Indiennes  ou  les  Sauvageffes  ont  du  im-rh 
pour  les  nègres ,  tandis  que  les  Blancs  aiment  le  caraftère  doux  &  fidelle 
&c  les  appas   fecrets  de  ces  femmes. 

Si    l'on    réfléciiit     au   grand    nombre  de    motifs   qui   fe     réuni/Talent   potu- 
l'augmentation    du    nombre     des    Affianchis   ,    on     fera    fans    doute    furrris 
de    n'en  pas  voir  davantage  en    1703  ,  époque  où  je  n'en  trouve   que  500  de 
recenfes.^En  effet  les  fuites  d'un  concubinage  qui  femblaic  néceffaire  ;  une  forte 
de^  genérofité  qui  fouvent  ne  devait  s'exercer  qu'à  la  mort   du   maître  ;   vn 
calcul,  même  intéreffé  ,    parce  que   l'on   vendait   quelquefois    l'efclave   à' fi' 
même  3  le  mariage  d'un  Affranchi  avec  fonefclave;enân    la  propre  reproduftioa 
des  Affranchis  ,  tout  devait  fervir  à  augmenter  cette  claffe.  Elle  refta  cependant 
quelques  années   fans    accroiiTement   fenfible   -,    puis   les  libertés    teftamentaires 
&  les  ventes  d'efclaves  confenties  à  eux-mêmes  étant  devenues  plus   fréquente- 
il  y  eut  une  ordonnance  de  171 1   qui  affujettit  l'affranchiffement  à  l'autorifation 
des  chefs  delà  Colonie.  En  1715,  il  y  avait  environ  1500  Affranchis,  &  il   fal],c 
plus  de  trente    ans  pour  doubler  ce   nombre.    On   en   compta  enfuite  pins   de 
6,000  en  1770  &  le  double  dix  ans  après. 

Ce  dernier  accroilfement  eut  fa  fburc^  dans  la  force  qu'avait  acquis  l'opinion 
que  le  Blanc  ,  père  d'un  enfant  de  couleur ,  devait  chercher  à  lui  procurer  h 
liberté,  dans  le  premier  effet  de  l'ordonnance  de  1775,  parce  qu'en  prefl 
cnvant  de  nouvelles  formes  pour  l'affranchiffement  &  en  lui  donnant  de  nouvelles 
gênes  ,  elle  annonçait  de  la  faveur  pour  le  paffé  -,  &  dans  le  défir  de  recruter 
la  maréchauffée  qui    fit  promettre  la  liberté  à  ceux  qui  y  ferviraient. 

Mais  nulle  augmentation  n'a  jamais  été  égale  à  celle  qu'offre  '  Je  mo 
ment  aéluel  comparé  à  1780  ,  puifque  les  G.ns  -  de  -  Couleur  fe  trouvent 
maintenant  au  nombre  de  vingt-huit  mille ,  ce  qui  préfente  un  total  prefgu- 
double  de  celui  d'alors.  Il  peut  cependant  être  expliqué  par  les  raifons 
que  je  viens  de  rapporter  fur  ce  qui  a  eu  lieu  dans  l'intervalle  de  1770  à 
1780;  en  y  ajoutant  d'abord,  que  des  dépenfes  d'em.belliffemens  faites  en 
1780  &  depuis,  ont  rendu  les  affranchiffemens  nombreux,  parce  qu'on  avait 
befoin  du  produit  de  leur  taxe  -,  de  manière  que  depuis  dix  ans  l'on  peut 
en  compter  plus  de  fept  ou  huit  mille,  &  en  outre  que  jamais  les  mariages 
d  Affranchis  avec  des  efclaves  ,  ni  ceux  des  efclaves  avec  des  Blancs  n'ont 
ete  aufB  commams.  On  a  reproché  ,   furtout  dans  la  Partie  du  Sud,  à  plufieurs 


iBBET^ 


?o 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


de  ces  derniers,  d'avoir  réuni  à  cette  complaifance .  chèrement  payée ,  celle 
de  ie  rendre  maris  de  plus  d'une  femme.  Or  ,  tel  de  ces  mariages  produi- 
iant  la  légitimation  de  cinq  ou  fix  enfans ,  ce  moyen  a  porté  une  augmentation 
confidérable  &  fubitc  dans  la  claiîe  des  Affranchis  ,  &  a  caufé  auffi  une 
plus  grande  reprodu6tion.  La  formation  des  Chaffeurs  Royaux,  en  1779,  a  encore 
donné  lieu  à  l'accroiffement  ,  en  faifant  mieux  rechercher  les  Gens-de-Couleur 
non-recenfés  &  en  devenant  la  caufe  de  la  ratification  de  libertés  peu  légales 
en  faveur  de  ceux  d'entr'eux  qui  en  offraient  le  prix  dans  leur  dévouement 
à  s'enrôler  dans    ce    corps. 

Telles   font  les  caufes  ,    qui  ,    en   fe   combinant   entr'elles  ,    ont  donné   à  la 
Colonie  Françaife  de  Saint -Dom-ingue   les  vingt -huit   mille  Affranchis    qu'elle 
■compte    en   ce  moment. 

La  première  obfervation  au'lnfpire  l'exiftence  de  cette  ciaffe  ,  c'eft 
que  ce  fut  au  fein  de  la  France  ,  qu'on  fit  des  lois  pour  le  maindcn  de  la 
fervitude  des  Africains  en  Amérique  ;  que  ce  fut  la  France  qui  fongea  à 
s'approprier  les  produits  du  commerce  de  la  traite  des  noirs  qu'il  eft  même 
interdit  aux  Colonies  de  faire  direclement  ;  que  le  gain  de  ce  privilège  exclufif 
a  été  pour  la  France  ,  &  que  les  Colons  ne  doivent  qu'à  eux  feuls  l'idée  de 
l'affranchiffem-ent ,  de  ce  pacte  heureux  qui  rétablit  un  efclave  dans  les  droits 
de  l'humanité  i  qui  donne  au  maître  le  moyen  de  fatisfaire  fa  juitice  ou  un 
fentiment  de  générofité  qui  tourne  au  profit  de  l'cfclave  &  qui  ajoute  à  la 
force  politique  des  Colonies  >&  auquel  enfin  11  n'a  manqué  pour  être  vrai- 
ment refpectable  ,  que  l'obligation  de  la  part  du  maître  d'affurer  la  fubfiftance 
de  l'Affranchi  jufqu'à  ce  qu'il  pût  s'en  procurer  une,  &  pour  le  cas  où  l'àpe 
&   les  infirmâtes  le  livreraient  à   la  misère. 

Les  Affrar.chis ,  comme  il  eil  aifé  de  le  fentir ,  font  des  individus  offrant 
une  grande  variété  dans  les  nuances  par  leur  m.élange  avec  les  Blancs  ,  avec 
les  nègres  &  entr'eux  m^êmes  j  mélange  qui  pouvant  fe  faire  avec  différentes 
comibinaifons  de  nuances  ,.  donne  ,  à  fon  tour  ,  naiffance  à  des  combinaifons  nou- 
velles. Les  deux  extrêmes  font  pour  ces  Affranchis  d'un  côté  le  nègre  &  de 
l'autre  des  individus  dont  la  couleur  ne  montre  aucune  différence  fenfible  , 
lorfqu'on  la  compare  à  celle  du   Blanc. 

C'eft  pour  mieux  faire  connaître  cette  localité  colorée  que  je  vais  parcourir 
ks  degrés  divers,  du   mélange. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         71 

RÉSULTAT 

De  toutes  ies  nuances ,  produites  par  les  diverfes  combinaifons  du  mé!ano-e 
des  Blancs  avec  les  Nègres ,  &  des  Nègres  avec  les  Caraïbes  ou  Sauvages 
ou    Indiens   Occidentaux  ,  &  avec  les   Indiens  Orientaux. 

L 


Corahinaijons  du  Blanc. 


D'un  Blanv  &  d'une 


Négreffe  ,  vient 
-  Mulâtrefie ,  

■  Quarterone,  — 
.  Métive , 

■  Mamelouc[ue,  — 
•  Quarteronnée  ,   - 

■  Sang-mêlée , 


-un  Mulâtre, 

Quarteron. 

Métif, 


■  Marabou ,  - 

•  Griffonne , 

•  Sacatra^  - 


Mamelouque. 

Quarteronne. 

Sang-mêlé. 

-Sang-mêlé,  qui  s'approche 
continuellement  du  Blanc. 

' Quarteron. 

Quarteron. 

' Quarteron. 


IL 


D'un  nègre  S:  d'une 


Combinaifons  du  Nègre. 

Blanche  ,  vient 

■  Sang  -  mêlée  , 

■  Quarteronnée, 

•  Mamelouque, 

Métive  ,   — ^ 

■  Quarteronne ,  — — _ 

Mulâtrefle  , 

Marabou  , 

Griffonne  ,   . ., 

Sacatra ,  ■ . 


■  un  Mulâtre. 

—  Mulâtre. 

—  Mulâtre. 

—  Mulâtre.- 

—  Mulâtre. 

—  Marabou. 

Griffe. 

Griffe. 

—  Sacatra. 
Sacatra, 


III. 

Combinaifons  du  Mulâtre. 

D'un  Mulâtre  &  d'une  Blanche  ,  vient 

■ Sang-mêlé  , 


Quarteronnée , 
Mamelouque ,  • 


un  Quarteron. 

—  Quarteron. 

—  Quarteron. 
—Quarteron. 


À 


'■iJ 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


D'un  Mulâtre  &  d'une  Islétive  , 


•  Quarteronne ,  • 
■  Marabou  ,  — 
'  Griffonne  ,  — 

Sacatra  ,  

Négrefle  , 


IV. 


Combinaijcns  du  ^lartercn. 


D'un  Quarteron  &  d'cne  Blanche  ,  vient 

— Sang-mêlée  ,  — 

Quarteronnée  ,  . 

IVIamelouque  ,  - 

■ Métive  , 


MuIâtrefTe ,   

Marabou  , 

Griffonne , 


Sacatra  , 

'  NégrefTe,  


V. 

Ccmlinaijons  du  Métif. 

D"unMétif&  d'une  Blanche,  vient 

Sang-mêlée  , 


■  Qaarteronnée , 

Mamelouque ,  - 
Quarteronne  ,  - 
MuIâtrefTe  .  — 

Marabou , 

'  Griffonne, 

Sacatra  ,    

■  NégrefTe,  


VI 

Combinaijons   du   Mamelouc. 

D'an  Mamelouc  &  d'une  Blanche,  vient. ~~- -=- 

Sang-Mélée ,  — 


—Quarteron. 

—  Quarteron* 

—  Mulâtre  > 

—  Marabou; 

—  Marabou. 

Griffe. 


un  Métif. 

—  Métif. 
Métif. 

—  Métif. 
îérif. 


ivletif. 

Quarteron. 

-  Quarteron. 
— Mulâtre. 

-  Mulâtre. 

-  Marabou. 


un  Mameîouc. 

Mamelouc. 

Mamelouc. 

Mamelouc. 

Métif. 

—  Quarteron. 

Quarteron. 

Quarteron. 

Mulâtre. 

Mulâtre. 


Qaarteronnçe  >  ■ 


un  Quarteronne. 
■  Quarteronne. 
Quarteronne, 


*^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE, 


73 


D'un  Mamelouc  &  d'une  Métive ,   vient- 

. — ■ ■ Quarteronne  .  - 

. .— —  Mulâtreffe  ,  — 

< Marabou ,  

« ■ Griffonne,  

— Sacatra ,  — ■- 

'        ■  '    Négreffe  ,  


VII 

Combinai fons  du   ^arteronné. 


D'un  Quarteronne  &  d'une  Blanche  ,  vient , 
. . Sang-Mêlée  , 


Mamelouque , 

Métive  , 

Quarteronne  , 
Mulâtrefle  ,   — 

Marabou  , 

Griffonne  ,  — 
Sacatra  ,  - — - 
NégrefTe  ,   — 


V  I  I  L 

Comhinaifons  du.  Sanz-mêlè. 


D'un    Sang-mêlé  &  d'une  Blanche ,  vient 

. Quarteronnée , 

Mamelouque ,  - 

___ Métive , 


-Quarteronne  , 
-MulàtreiTe ,  — 
-Marabou  ,  — 

-Grifronne  , 

-Sacatra  , 

-Négreffe  , 


I  X. 
Comhinaijons  du  Sacatra^ 


D'un  Sacatra  &  d'une  Blanche ,  vient  • 
. — ■ — ■ Sang-rnêlée ,  — 


■  un  Mamelouc. 
Méiif. 

Quarteron. 

—  Quarteron, 

—  Quarteron. 
Mulâtre, 

Mulâtre' 


-un  Sang-mêlé, 

—  Sano;-Mé'é. 
■  Qoarteronné. 

—  MamelouCr 

Métlf. 

—  Quarteron. 
Quarteron. 

—  Quarteron. 

Mulâtre. 

Mulâtre, 


un  Sang-mêlé. 

—  Sang-raélé. 

—  Quarteronne. 
Mamelouc, 

Métif. 


-  Qaarteron, 
■  Qaarteron, 

Quarteron, 
•  Quarteron. 

-  Mulâtre. 


•  un  Quarteron.- 
—  Quarteron.- 


Tome     L 


K 


n^r^ 


n 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


D'un  Sacatr.'.  cz  d'une  Quarteronnée , 
îvIamelouQ  ue  ,  - 


Métive,  

Quarteronne , 
J.Iulâtreffe ,  - 
Marabou ,  — 
Grilfonne  ,  - 


-M  egreiiS 


X. 


CGmbinai/ons  du  Griffe. 


D'un  GriiF;  &  d'une  Blanche ,  vient- 

Sang-mêlée ,  — 

Quarteronnée , 

Mamelouque , 

Métive  , 

Quarteronne  , 

Mulâtrefie  , 


-  Marabou , 

'  Sacatra  , 

-  Négreffe ,    


Ccmhinaijons  du  Marabou. 
XL 


D'un    Marabou   &  d'une  Blanche ,   vient 

Sang-mêlée  ,  — 

Quarteronnée  ,  - 

■ Mamelouque  ,  — 

Métive  j  


Quarteronne , 
Mulàtreffe  ,  - 
Griffonne  ,  - 
Sacatra  ,  i — 


Négreffe ,  ■ 


XII. 


-.Mulâtre, 

-  Mulâtre, 

■  Mulâtre. 

-  îv'lQÎàtre. 

■  Ivlarabou. 
Griffe. 

—  Gri/Fe. 

—  Sacatra. 


un  Qoarteron 

—  Quarteron. 

—  Quarteron. 

—  Quarteron. 
Quarteron. 

Mulâtre. 

Marabou. 

iVIarabou . 

Griffe. 

Sacatra. 


-  un  Quarteron 

Quarteron 

Quarteron 

• Quarteron 

Quarteron 

Quarteron 

Mulâtre 

Marabovi, 

Griffe 

• Grrffe 


Cùmhinaijons  des  Sauvages  iâ  Caraïbes  de  l'Amérique ,  ou  Indiens   Occidentaux. 

Comme  leur  nuance  eft  celle  du  Mulâtre ,  leurs  combinaifons  ont  exadlement  les  mêmes  réfultats  , 
Excepté  que  les  cheveux  font  moins  crépus   dans  les  combinaifons  qui  approchent  du  nègre  , 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        75 

i  partir  du  P.lulâtre ,  &  qu'ils  font  plus  longs    &  plus   droits  dans  les   combinaifons  qui  partent 
du  Mulâtre  pour  aller  vers  le  Blanc. 

XIII. 

Combinaifons  des   Indiens  Orientaux. 

Lear  nuance  étant  celle  du  GrifFe,  les  combinaifons  qui  reTultent  de  leur  me'lange  peuvent  être 
comparées  à  celles  du  Sacatra.  Mais  les  cheveux  de  ces  Indiens  étant  longs  &  plats ,  tant  que 
ce  caraftère  des  cheveux  eft  remarquable  dans  les  combinaifons  ,  on  les  appelle  indiftindtement 
Zingres,  Se  quand  les  cheveux  deviennent  laineux  ,  ils  font  confondus  avec  les  autres  combinaifons 
du  GrifFe,  auxquelles  ils  reffemblent  le  plus. 

Il  y  a  donc  treize  clafîes  diftinftes ,  quant  à  la  nuance  de  la  peau  ,  dans 
les  individus  qui  forment  la  population   de  la  Partie  de  Saint-Domino-ue. 

J'ai  déjà  parlé  des  deux  qu'on  doit  confidérer  comme  élémentaires  &  conf- 
titutlvesde  toutes  les  autres  ,  je  veux  dire  le  blanc  &  le  noir  ,  à  l'égard  defquels 
le  préjugé  colonial  a  adopté  comme  maxime  que  quelque  rapproché  que 
puiffe  être  du  Blanc  ,  la  femme  non-blanche ,  il  ne  faurait  provenir  un  Blanc 
de  leur  procréation  ;  de  même  que  quelque  rapproché  du  nègre  que  puiffe 
être  une  femme  colorée  ,  ils  ne  peuvent  jamais  produire  un  nouvel  individu 
qui  redefcende  jufqu'au  nègre.  C'eft-à-dire  ,  en  termes  plus  fimples  ,  que  les 
Blancs  mêlés  entr'eux  peuvent  feuls  faire  des  Blancs  &  que  les  nèo-res  ne 
peuvent  provenir  que  de  nègres  des  deux  fexes. 

La  troifième  nuance  efl:  celle  du  Mulâtre  qu'on  pourrait  prefque  fubdi- 
viferen  deux;  attendu  que  les  Mulâtres  comparés  entr'eux  ,  offrent  deux  nuances 
três-diftinftes  qui  font  exaâiement  celle  du  cuivre  rouge  &  celle  du  cuivre 
jaune.  Ils  ont  tous  les  cheveux  crépus. 

Le  Mulâtre  eft  produit  de  douze  manières  ;  car  dans  ce  cas-ci  comme 
dans  tous  les  autres ,  je  ne  compte  que  pour  une  feule  combinaifon  celle  du 
Mulâtre  avec  une  Blanche  &  celle  du  Blanc  avec  une  Mulâtreffe  ,  puifqu'il 
n'y  a  que  le   fexe  de   changé.  - 

1.  Le  Mulâtre   provenu  du  Blanc  &  d'une   Négreffe  &  qui  eft  vraiment; 

la   moyenne  proportionnelle  entre   les  deux. 

2.  Le  Mulâtre  provenu  du  Sang-Mêlé  avec  la  Néo-reffe. 

3- Quarteronne   avec   la   Sacatra. 

4. ,^ . __  Négreffe. 

K  2 


\ 


A 


76         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

5.  Le  Mulàcre  provenu  du  Mamelouc  avec  la  Sacatra. 


6. 


Né»reffe. 


Métif  avec  la  Sacaitra. 
Négreffe. 


9- 

3  0. 
II. 


plus  foncé  provenu  du  Quarteron   avec  la  Griffonne. 

■  Sacatra. 

provenu   du  Mulâtre  &  de  la   Marabou  &    qui  eft   d'un 
cuivré  encore  plus  fombre. 
12.  Enfin   le  Mulâtre  produit  par  le  Mulâtre  avec   la   Mulâtreffe.   Celui-ci 
s'appelle  Franc-Mulâtre ,  Mulâtre-Franc ,  ou  Cafr^ue. 
De    toutes  les    combinaifons  du   Blanc    &  du   nègre  ,   c'eft  le  Mulâtre    qui 
réunit  le  plus  d'avantages  phyuques  ;  de   tous  ces   croifemens  de  races  c'eft  lui 
qui  retire  la  plus  forte  conftitution  ,  la  plus  analogue  au  climat  de  Saint-Domingue. 
A   la  fobriété    &   à    la   force  du  nègr« ,  il  unit  la  grâce    dans  les  formes   & 
l'intelligence   du   Blanc.  Il  vit  jufques  dans  un  âge  très-avancé  &   fi   fa   peau 
fe  tache  en    vieilliflant ,  il  n'a   que  la  laideur  de  la  vieillefîe  &  point  fa  caducité. 
Imberbe  comme  le  nègre,  il  a  comme  lui  un  cara6lère  laineux  dans  les   che- 
veux ,   mais   fon  poil  eft  plus  long.    Indolent ,   il    a   cependant  la  paffion   des 
exercices  du  corps  &    furtout  celle  de  l'équitation  &  celle   qui  porte  un  fexe 
vers    un  autre.  Encore  un  coup  ,  c'eft  l'homme  de  ce   climat  qui  brûle  ,  de 
cette  Zone  oi^i  l'homme   femble  être  dévoué  au  plaifir. 

La  quatrième  nuance  eft  celle  du  ^arîeron ,  que  ce  nom  défigne  parfai- 
tement, lorfqu'il  eft  le  produit  d'un  Blanc  &  d'une  Mulâtrefîe  ,  parce  qu'il 
n'a  vraiment  alors  que  le  quart  de  fa  nuance   en  commun  avec  le  nègre. 

Le  Quarteron  a  la  peau  blanche,  mais  ternie  par  une  nuance  d'un  jaune 
très-affaibli  ;  fes  cheveux  font  plus  longs  que  ceux  du  Mulâtre  &  boucl,és. 
H  les  a  même  affez  fouvent  blonds ,  à  moins  qu'il  ne  foit  produit  par  l'une 
des  combinaifons  où  l'éloignement  du  Blanc  eft  plus  grand  j  parce  qu'alors  la 
teinte  jaune  eft  plus  prononcée  &  les  cheveux  deviennent  crépus. 
Les  Quarterons  font  produits  de  vingt  manières. 
I.  Par  le  Blanc  avec  la  Mulâtrefîe. 

2. .   ■  Marabou. 

j.  ' ■  Griffonne. 

4.  ...I  ..    ■    M   I  Sacacra. 


FRANÇAISE    DE    SAINT -DOMÎNGUE. 

Par  le  Sang-Mêlé  avec  la  Mulâtreffe. 

— . — .  .  Marabou. 

— =— Griffonne. 

-. . -■     —  Sacatra. 

Par  le  Quarteronne  avec  la  Mulâtreffe. 

__, Marabou. 

Griffonne. 


77 


Par  le  Mamelox  avec  la  Mulâtre  ffe. 

'  Marabou. 

' GiiffonnCk 

Par  le  Métif  avec  la  Mulâtreffe. 

Marabou. 

' ■— Griffonne. 


S- 
6. 

7- 
8. 

9- 

lO. 

ïi. 

12. 

ï4. 

î6. 

17. 

i8.  Par  le  Quarteron  avec  la  Quarteronne. 

19. Mulâtreffe. 

20.  ■ —  Marabou. 

Il  cft  des  Quarteronnes  dont  la  blancheur  eft  telle ,  qu'il  faut  des  yeux  bien 
exercés  pour  les  diftinguer  des  Blanches.  C'eft  un  avantage  qu'ont,  par  exemple , 
fur  toutes  les  autres  ,  celles  qui  font  nées  de  muJâtreffes  de  la  teinte  du  cuivre 
jaune,  &  qui  étaient  elles-mêmes  des  filles  de  Blancs  non-bafanés,  &  de  néo-reffes 
d'une  teinte  un  peu  rougeâtre. 

Au  Quarteron  ,  la  nuance  a  donc  déjà  confidérablement  gagné  ;  mais  qu'il  cfl 
loin  de  pouvoir  être  comparé  au  mulâtre  pour  la  force ,  &  furtout  pour  celle 
de  réfifler  au  climat.  En  s'approchant  du  Blanc ,  il  cft  devenu  prcfque  auffi 
fufceptible  que  lui  de  toutes  les  impreffions  de  la  température  chaude.  Il  a 
déjà  &  peut-être  ,  plus  que  le  blanc ,  befoin  d'un  abri  contre  le  foleil ,  dont 
l'effet  brunit  fa  peau  &  la  tache  de  touffeurs  qui  prennent  un  ton  jaunâtre ,  & 
qui  lui  donnent  quelquefois  un  teint  défagréable  &  blafard. 

A  la  cinquième  nuance ,  fe^réfente  le  Mélis ,  appelle  à  Saint-Domingue 
Mé^if,  qui ,  principalement  s'il  eft  fils  d'un  blanc ,  a  une  peau  fort  blanche  & 
4es  cheveux  longs,  mais  cette  blancheur  n'eft  point  animée. 

Ce  Métif  ne  peut  être  le  produit  que  de  fix  combinaifons, 

1,  Du  Blanc  avec  la  Quarteronne. 

2.  Du  Sang-mêlé  avec  la  Quarteronne. 


D  E  s   C  R  I  P  1'  I  O  N 


PARTIE 


3.  Du  Quarteronne  avec  la  Quarteronne. 

4.  Du  Mamelouc  avec   la  Quarteronne. 

5.  Du  Métif  avec  la  Méclve, 

6.  Du  Quarteron  avec  la  Métive. 

Ici  robfervation  de  l'augmentation  du  blanc  dans  la  couleur,  avec  une  perte 
proportionnelle  dans  la  force  phyfique  ,  doit  être  renouvellée.  Le  MétiF,  furtouc 
celui  qui  n'a  en  réalité  que  le  huitième  du  nègre  ,  efc  même  plus  faible  que 
le  Blanc ,  dont  il  le  rapproche  par  la  peau  &  par  l'intelligence.  Le  Métif 
imberbe  ,  comme  le  quarteron  ,  eft  encore  plus  accablé  parole  climat.  Il  fe 
reproduit  à  peine,  &   c'ell  miéme  déjà  une  chofe  rare  que  des  Métifs. 

La  fixième  nuance  eit  celle  du  Mamelouc  ,  qui  ne  peut  pas  être  confondu 
avec  le  Blanc,  préciiement  parce  qu'il  a  une  blancheur  matte ,  décolorée ,  &  où 
l'on  démêle  q-elque  chofe  d'une  teinte  jaunâtre.  Cette  peau  eft  encore  plus 
ennemie  du  haie  que  celle  du  Métif,   &   il  femble   qu'elle  manque   d'élafticité. 

Cinq  combinalfons  feules  ,   peuvent  donner  des  Mamcloucs. 

I.  Le  Blanc  avec  la  Métive. 

1.  Le  Sang-mêlé  avec  la  Métive. 

3.  Le  Quarteronne  avec  la  Métive. 

4.  Le  Mamelouc  avec  la  Mamelouque. 
5- Métive. 

Il  n'y  a  plui  ici  qu'un  feizième  du  nègre. 

Les  Mameloucs  qui  font  le  produit  du  Mamelouc  avec  la  Mamelouque,  font 
peut-être  aiTez  rares  pour  qu'on  n'en  trouvât  pas  quatre'  dans  toute  la  Colonie 
&   l'on  ne  fera  pas  furpris  de  ce  fait,  fi  l'on  a  bien  remarqué   ce   que  j'ai  dit 
de  la  dégénération  des  Gens-de-Couleur,  depuis  le  Quarteron. 

Au  feptième  rang  vient  le  ê^.arteromié  ,  auquel  on  ne  peut  compter  par 
conféquent  qu'un  trente-deuxième  de  noir. 

Il  eft  le   réfultat  : 

1.  Du  Blanc  avec  la  Mamelouque. 

2.  Du  Sang-mêlé  avec  la  Mamelouque. 

3.  Du   Quarteronne  avec  la  Quarteronnée. 

4.  Du  Quarteronne  avec  la  Mamelouque. 

Ici  s'offre  un  phénomène  nouveau  ,  c'eft  que  les  Quarteronnes  produits  par  les 
Blancs  &  les  Mamelouques  fe  rapprochent  très-fenfiblement  du  Blanc  par  la 


li 


^ç^ 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  79 
force ,  Se  les  f^jrpaffent  en  longévité  ,  de  manière  qu'ils  femblent  être  après 
les  mulâtres,  les  hommes  les  plus  appropriés  à  la  température  coloniale. 

On  compte  pour  huitièmt  nuance ,  celle  du  Sang-mêlé ,  qui  comprend  tout 
ce  qui  -eft  au-deffus  du  quarteronne  ,  &  qui  n'a  par  confcquent  qu'un  foixante- 
quatrième  du  nègre  ,  mais  qui  le  rapproche  continuellement  du  Blanc. 

Cette  clafîe  peut  être  produite  de  la  manière  fuivante  : 

I.  Par  le  Blanc  avec  la  Quarteronnéc. 

2. ^ ' Sancr-mêlée. 


-Sang-mêlé  avec  la  Sang-mêlée. 


Quarteronnéc. 


Combinaifons  dont  les  deux  dernières  furtout ,  offrent  l'idée  d'une  foule  de 
■  combinaifons  fecondaires,  le   Sang-mêlé  pouvant  être  au  premier,  au  fécond 
degré,  &  enfin  cà  un  degré  fucceffivement  plus  voifm  du  blanc. 

Il  faut  des  yeux  bien  experts  ,  pour  reconnaître  ces  derniers  mélanges  d'avec 
les  Blancs  purs ,  &  l'on  peut  dire  qu'en  général  il  n'y  a  guères  que  Ta  tradidon 
orale  ou  écrite ,  qui  ferve  de  guide  à  cet  égard. 

Il  exifte  à  Saint-Domingue  des  Sang-mêlés  parvenus  au  quatrième  mélange 
de  Sang-mêlés,  toujours  avec  des  Blancs,  de  forte  qu'ils  n'ont  réellement  dans 
leurs  veines  qu'un  cinci  cens  douzième  du  fing  Africain.  Cette  proximité  du 
Blanc  les  rend  fi  femblables  à  celui-ci,  qu'ils  ont  autant  à  redouter  que  lui  du 
climat,  mais  auffi  tous  fes  avantages  moraux  dz  phyfiques  leur  font-ils  communs. 

Les  trois  nuances  qui  reftent ,  appartiennent  à  une  autre  combinaifon  ,  à 
laquelle  on  peut  donner  le  nom  de  latérale ,  parce  qu'elle  ne  fe  trouve  pas  dans 
la  ligne  qui  va  du  blanc  au  noir,  ou  du  noir  au  blanc. 

Le  Sacatra  qui  forme  la  première  de  ces  nuances',  &  par  conféquent  h 
neuvième  dans  l'ordre  général,  eft  un  être  moins  noir  que  le  nègre,  &  d'une 
teinte  plus  foncée  que  celle  du  griffe.  Il  eft  des  Africains,  qui  leur  reflèmblenc 
à  cet  égard  :  tels  font  certains  nègres  de  la  Côte  d'Or. 

Le  Sacatra  ne  peut  être  produit  que  de  trois  façons. 
I.  Par  le  Griffe  avec  la  Né.o-reffe. 

O 

—  Sacatra Négreffe. 


a. 


Sacatra. 


'^  Cette  claffe  exifte  à  peine  ,  &  quoiqu'elle  foit  regardée  comme  fupérieure  au 
nègre ,  elle  n'en  difïère  que  d'une  manière  prefque  infenfible  ,  puifqu'elle  n'a 
qu'une  partie  blanche  ,  contre  fept  noires. 


8d 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Le  Griffe  a  la  dixième  nuance.  Il  eft  en  général  plus  bafané  que  le  mulâtre', 
quoique  l'on  voye  des  Griffes  aufTi  clairs  que  le  mulâtre  for.cé.  Mais  ce  qui 
eft  très-remarquable  ,  c'eft  que  le  quarteron ,  provenu  d'un  Blanc  &  d'une 
Griffone  ,  foit  d'une  teinte  qu'on  ne  diftinguerait  pas  de  celle  du  Blanc  ,  fi 
fes  cheveux    n'étaient  pas   frifés. 

Le  Griffe  eft  tellement  fav'orifé  par  la  nature ,  qu'il  eft  fort  rare  d'en  voir 
«n  qui  n'ait  pas  une  figure  agréable  &  un  enfemble  qui  plaît.  Il  a  tous  les 
avantages  du  mulâtre  ,  mais  il  n'eft  aucune  des  combinailbns  produites  par 
les  mélanges  coloniaux  ,  qui  puiiTe  offrir  un  réfultat  auîTi  livré  à  la  fougue 
amoureufe  que  le  Griffe  &  elle  eft  égale  dans  les  deux  fexes.  C'eft  un  phé- 
nomène ,  peut-être  inoui ,  que  la  continence  dans  un  individu  de  cette  nuance 
&"  fans  doute  par  une  fuite  même  de  ce  tempérament  impoffible  à  contenir , 
les  repentirs  qui  naiffent  du  plalfir  font  encore  plus  cuifans  ,  lorfqu'ils  font 
procurés  par  cette  claffe.  On  remarque  auITi  qu'en  général  les  Griffes  font 
affez    fjjets  à   bleffer  l'odorat. 

Il  eft   des   Griffes   réfultats  de  cinq   cambinaifons. 

1.  Du  Nègre  avec  la   Mulâtreffe, 

2.  — — Marabou. 

3.  Du  Griffe  avec  la  Griffonne. 
A. Sacaîra. 

5,  Du   Marabou   avec    la    Sacatra, 

En  onzième  lieu,  il  faut  compter  le  Marabou  qui,  quoique  affez  femblable 
au  Griffe  ,  a  en  général  une  teinte  plus  olivâtre.  Il  eft  auffi  moins  enc'ùn 
au   plaifir.   Le   Marabou  vient  de    cinq  manières. 

î.  Du  Quarteron  avec  une  Négreffe. 

■1.  Du  Mulâtre  avec  une  Griffonc 

^ . —  Sacatra. 


4..  Du   Marabou  avec   une  Marabou. 
r    ___ . Griffonne. 


Je  range  à  la  douzième  nuance  les  Sauvages,  Caraïbes  ou  Indiens  Occf- 
qui  font  en  très-petit  nombre  &  qui  fe  réduifent  peut-êcre  à  quelques  femmes 
amenées  de  la  Louifiane  par  des  bâtimens  Anglais  &  dont  on  fait  des  domef- 
tiques,  car  je  ne  fâche  pas  qu'on  les  ait  employés  à  d'autres  ufages.  Un  feul 
trait  diftingue  tous  ces  Indiens  Occidentaux  ,  hommes  ou  femmes  ,  des  mulâtres 

& 


mm 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       8i 

&  des  muiâtreiTes ,  ce  font  de  longs  cheveux  j  extrêmement  plats  ,  d'un  noir  de 
jais.  Quant  à  la  figure  ,  ils  l'ont,  trifte  &  moins  agréable  que  celle  du  ipulâtre  ; 
leurs  pieds  &  leurs  mains  font  plus  petits. 

Mêlés  aux  nègres  ou  aux  blancs,  ou  aux  divers  réfultats  du  méîanc^e  de  ces 
deux  couleurs ,  il  n'y  a  plus  de  différence  entre  leur  defcendance  &  celle  des 
mulâtres ,  fi  ce  n'eft  que  les  cheveux  font  plus  long-tems  noirs  ,  plus  lono-.tems 
plats.  Mais  une  preuve  qu'enfin  cette  marque  elle-même  fe  perd,  c'eft  que 
malgré  ces  faits  certains ,  qu'au  commencement  du  fiêcle  il  y  avait  plus  de  trois 
cens  Sauvages  ou  Indiens  en  fervitude  à  Saint-Domingue  français;  qu'en  1730, 
M.  Salvert ,  gouverneur  de  la  Louifiane  ,  y  envoya  vendre  cinq  cens  Sauvages 
Natchez  ,  &  qu'on  en  a  amené  d'autres  depuis ,  &  de  la  Louifiane  èc  du 
Canada  ,  il  n'y  a  point  de  nuances  ni  de  caraftères  extérieurs ,  qui  faffent  recon- 
naître les  individus  qui  doivent  les  avoir  pour  tige. 

Enfin ,  au  dernier  terme  ,  viennent  les  Indiens  Orientaux ,  qu'il  faut  diUinsuer 
en  deux  efpèces.  La  première  eft  compofée  d'un  très-pedt  nombre  de  vérita^bles 
naturels  des  Indes  Orientales.  L'autre ,  d'individus  qui  y  ont  également  reçu  le 
jour ,  &  qui  font  aulTi  infiniment  rares  dans  la  Colonie  ,  mais  qui  réfultent  du 
mélange  des  Indiens  avec  les  efclaves  Africains  amenés  dans  l'Inde.  On  diftingue 
facilement  ces  Indiens  entr'eux,  car  les  premiers  ont  une  teinte  olivâtre  ,  analogue 
à  celle  du  griffe  ;  leur  nez  eft  élevé,  &  leurs  cheveux  font  très-longs;  tan'dis 
que  les  autres  font  plus  rapprochés  du  nègre  par  la  peau  &  les  traits ,  &  par 
des  cheveux  moins  longs  &  moins  foyeux.  Lorfque  les  uns  &  les  autres  fe 
mêlent  aux  autres  individus  quelconques  de  la  Colonie  ,  leur  raradère  fe 
conferve  quelquefois ,  ftirtout  en  fe  rapprochant  du  Blanc;  &  alors,  comme  je 
l'ai  déjà  dit,  on  les  appelle  Zingres.  Mais  je  puis  répéter  pour  eux,  comme 
pour  les  Sauvages ,  que  leur  defcendance  fe  confond  avec  celle  de  l'Africain. 

Malgré  l'analogie  des  nuances  entre  les  Indiens  Orientaux  ou  Occidentaux  , 
&  les  mélanges  du  Blanc  &  du  Noir ,  il  y  a  néanmoins  cette  différence  impor- 
tante en  politique  ,  que  ces  Indiens  font  complètement  affîmilés  aux  Blancs 
pour  les  droits  &  les  privilèges,  tant  qu'ils  ne  fe  mêlent  qu'entr'eux  ou  qu'avec 
des  Blancs ,  &  qu'on  ne  les  prive  de  leur  liberté ,  qu'en  violant  des  loix  qui 
font^pofitives,  claires  &  mukipliées.  Mais  auffi  ,  dès  que  le  fang  Africain  s'eft 
uni?,  celui  d'un  Indien  ou  d'un  Blanc  quelconque,  le  préjugé  les  dégrade,  eux 
&  leur  defcendance ,  comme  méfalliés  ,  fans  qu'ils  puiffent  prétendre  à  nul 
Tom,     L  T 


;   ,1 


8  2 


DESCRIPTION     DE.    LA     PARTIE 


emploi ,  â  nulle  place  ,  parce  que  de  ce  momeni; ,  ils  font  aiTimilés  aux  Affranchis. 

Les  détails  dans  lefquels  je  luis  entré  fur  les  nuances  des  hommes  colorés 
doivent  avoir  fait  remarquer  qu'à  leur  égard  comme  par  rapport  au  Blanc 
lui-miême  ,  mille  circonfrances  font  que  fouvent  deux  perfonnes  ,  appartenant  à 
la  même  clafTe  ,  diffèrent  beaucoup  entr'eUes  quant  à  la  nuance ,  parce  que  l'une 
eft  d'un  ton  de  peau  plus  foncé  que  l'autre.  Il  peut  même  fe  faire  qu'une  perfonne 
que  la  couleur  de  ceux  de  qi;i  elle  dent  le  jour ,  place  dans  une  claffe  fupérieure, 
foit  d'une  nuance  plus  foncée  qu'une  perfonne  de  la  claffe  inférieure.  C'eft  ce 
que  rendra  encore  plus  fenfible,  ce  que  je  vais  ajouter  fur  les  diverfes  nuances, 
en  commençant  par  les  plus  rembrunies  ,  &  omettant  les  deux  extrêmes  , 
puifque  j'ai  déjà  affez  parlé  du  nègre  ,  &  qu'on  a  vu  qu'il  en  eft  d'extrêmement 
noirs,  d'autres  d'un  noir  cuivré,  ce  qui  doit  avoir  de  l'influence,  mêm.e  par 
rapport  à  deux  mulâtres  ;  car  le  fils  d'un  Provençal  &  d'une  Sénégalaife  fera 
plus  foncé  que  celui   d'un  Flamand  &  d'une  négreffe  Foëda. 

Pour  me  rendre  plus  intelligible  ,  je  fuppofe  que  le  Blanc  &  le  Nègre 
forment  chacun  un  tout  compofé  de  128  parties  qui  font  blanches  dans  l'un 
&  noires  dans  l'autre.  On  fera  donc  d'autant  plus  près  ou  plus  loin  de  l'un  ou 
de  l'autre,  qu'on  fe  rapprochera  ou  que  l'on  s'éloignera  davantage  du  terme 
qui  leur  fert  de  moyenne   proportionelle   &  qui   doit  être  ici  64. 

I. 

Le  Sacatra ,  qui  eft  le  plus  rapproché  du  nègre  &  qui  eft  produit  de  trois 
manières,  peut  avoir  depuis  8  jufqu'à  16  parties  blanches  &  depuis  112  juf- 
120  parties   noires. 

Sacatra. 

Blanches.  Noires. 
Venu  du  Sacatra  &  de  la  Négreffe             .             .  '          .8  120 

-— Sacatra.  .  .  .16  jj2 

— — —  Griffe  &  de  la  Négreffe.  .  «  ,16  112 


I  I. 


Le  Griffe  réfultat  de  cinq  combinaifons  3  peut  avoir  depuis  24  jufqu'à  32 
parties  blanches  &  g6  ou  104  noires. 


FRANÇAISE   DE    SA:INT  =  DOMINGUE.        83 

Griffe. 

Blanches.         Noires. 
Venu  du  Marabou  avec  la  Sacatra 
-■  Griffe  avec  la  Griffonne 

—  Nègre  avec  la  MulâtrefTe 

Maraboù     .  . 


Griffe  avec  la  Sacatra 


•   32 

^G 

•   32 

96 

•   32 

96 

.  24 

104 

•  24 

104 

1 1 1. 


Le  Marabou  a  dans  fes  cinq  combinaifons  depuis  40  jufqu'à  48  parties  du 
blanc  &   depuis   80  jufqu'à  88  du  noir. 

Marabou. 


3|  . 


Venu  du  Marabou  avec  la  Marabou 
— — —  Quarteron  avec  la  Ncgreffe 

■^ —  Mulâtre  avec  la  Griffonne 

■  ' —  Sacatra. 

- — "' Marabou  avec  la  Griffonne 


.  48 

80 

.  48 

80 

.  48 

80 

.40 

88 

.  40 

8S 

IV. 


Le  Mulâtre  dans  fes  douze  combinaifons ,  va  de  56  à  70  parties  blanches 
&  en  garde  depuis  58  jufqu'à  72  noires.  Ainfx  il  y  a  tel  mulâtre  plus  rap- 
proché du  Blanc  qu'un   autre,  de  14  parties. 

M    U    L    A    T    R    E. 


Provenu  du  Quarteronne  &  de  la  Sacatra 

. Mamelouc   &  de  la  . 

--'  Blanc  &  de  la  Négrelfe  . 
— -  Métif  &  de  la  Sacatra. 

•  -  Quarteron  avec   la   Griffonne 

'"'  Mulâtre  avec  la  MulâtrefTe 


70 

58 

68 

60 

64 

64 

64 

64 

64 

64 

64 

64. 

L  2 

■:3P^ 


pi 


84        DESCRIPTION     DE 


Sang-Mélé  avec  la  Négrefîe. 

Quarteronne ^ . 

Mamelouc  --^ . 

Métif __ 


Quarteron   avec  la  Sacatra 
Mulâtre  avec  la   Marabou 


1  L  A 

P 

A 

R  T  I  E 

Blanches. 
.  63 
.   62 
.   60. 

■  56 

■  56 

Noires 

6s 
66 

68. 
72^ 

7-2 

72 

Les  20  combinalfons  du  Quarteron  offrent  depuis  7 1  jurqu'à  g6  parties  blanches 
&  depuis  32  jufqu'à  57   parties   noires. 


Q^U     A    R    T    E    R    O    N, 


Venu  du  Blanc  &  de  la  MuIâtrelTe  . 

Quarteron  avec  la  Quarteronne 

■ Sang-Mêlé  avec  la  Mulâtrefîè 

■ Quarteronne 

' Mamelouc 

Blanc  avec  la  Marabou     . 

Métif  avec  la  MulâtrefTe  . 

■ Sang-Mêlé  avec  la  Marabou 

— — —  Quarteronne 

Mamelouc  .         , 


'llii 


- —  Blanc  avec  h  Griffonne  . 

Métif  avec  la  Marabou    . 

— -  Quarteron  avec  la  Mulâtreffe 
— =  Sang-Mêlé  avec  la   Griffonne 

Quarteronne ■ 

Mamelouc —____• 

Blanc  avec  la  Sacatra 

-  Métif  avec  la  Griffonne     . 

Quarteron  avec  la  Marabou 


Sang-Mê!é  avec  la  Sacatra 


96 

J2 

96 

32 

95 

33 

94 

34 

92  ■ 

3^ 

88 

40 

88 

40 

87 

41 

86 

42 

84 

44 

80 

48 

80 

48 

80 

48 

79 

49 

78 

50 

76 

52 

72 

56 

72 

56 

72 

56 

7^ 

57 

.  \ 


FRANÇAISE    DESAINT-DOMIN  GUE         85 

VI. 

On  trouve   dans  les  fix  combinaifons  du  Métif,   depuis    104  jufqu'à   112 
parties  blanches ,  &  par  conféquent  depuis  16  jufqu'à  24  parties  noires. 


M    É    T    I    f. 

Venu  du  Blanc  avec  la  Quarteronne         , 

— —  Métif  &  de  la  Métive 

'  Sang-Mêlé  &  de  la  Quarteronne 

■  Quarteronne  8z.  de  la . 

— — ^—  Mamelouc   &  de  la    — — 


Quarteron  &  de  la  Métive 

VIL 


Blanches. 
112 
112 
III 
110 
IIO 
1.04 


Noires 
16 

i6 

17 
18 
18 

24. 


Les  cinq  manières  qui  produifent  le  Mamelouc  ,  font  dans  le  rapport  de 
116  à   120  parties  parties  blanches,  fur   8    ou  12  parties  noires. 

,         Mamelouc. 

Venu  du  Blanc  &  de  la  Métive 

. Mamelouc  &  de  la  Mamelouque    . 

— Sang  Mêlé  &  de  la  Métive 

.- Quarteronne  &  de  la  — — - 

»-  Mamelouc  &  de  la  — — — 

VIII. 

Les  quatre  combinaifons  du  Quarteronne  vont  de  122  à  124  parties  blan- 
ches &  de  4  à  6  parties  noires. 

Q^U    ARTERONNÉ» 


.       .120 

8 

.   120 

8 

.   119 

9 

.   118 

ÏO 

.   116 

12 

Venu  du  Blanc  &  de  la  Mamelouque 

— Quarteronne  &  de  la  Quarteronnée 

■^-^ .  Sang-Mêlé   &  de  la  Mamelouque 

'  Quarteronne  avec  la  • — 


124 
124 
123 

122 


4 
4 
S 


•  ■^  ■ 


-rr»A^ 


DESCRIPTION     DE 


Sang-Mélé  avec  la  Négrefle. 

Q.iarteronné^ — — — ■ 

Mamelouc  ■■ . 

Mécif 

Quarteron   avec  la  Sacatra 
Mulâtre  avec  la   Marabou 


:   LA 

PARTIE 

Blanches. 

Noires 

•     6j 

(^5 

.     62 

66 

.     60 

68 

•     56 

72 

.     56 

7.2 

.     56 

72 

Les  20  com binai fons  du  Quarteron  offrent  depui  7 1  jufqu'à  96  parties  blanches 
&  depuis  j2  jufqu'à  57   parties  noires. 


Q^u 


A    R    T    E    R    o 


Venu  du  Blanc  &  de  la  Mulâcrefle  . 

Quarteron  avec  la  Quarteronne 

Sang-Mêlé  avec  la  Mulâtrefle 

QuarLeronné  — — 

Mamelouc 

'  Blanc  av'ec  la  Marabou 

Mécif  avec  la  Mulâtrefle  . 

Sang-Mêlé  avec  la  Marabou 

Quarteronne 

Mamelouc  . 

■ Blanc  avec  h  Griffonne  . 

Mécif  avec  la  Marabou    . 

Quarteron  avec  la   Mulâtreffe 

Sang-Mêlé  avec  la   Griffonne 

■  Quarteronne ■ —  ■ 

• Mamelouc  — — . 

■  Blanc  avec  la  Sacatra 

-  Métif  avec  la  Griffonne     . 

■ Quarteron  avec  la  Marabou 

•  Sang-Mê'é  avec  la  Sacatra 


9& 

32 

96 

32 

95 

33 

94 

34 

92 

36 

88 

40 

88 

40 

87 

41 

86 

42 

84 

44 

80 

48 

80 

48 

80 

43 

79 

49 

78 

50 

76 

52 

72 

56 

72 

56 

72 

-      S6 

7^ 

57 

ri' 


r. 


f.i 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  87 
lë  rencontre  ,  il  eft  dans  l'affemblage  des  traits  ,  dans  un  nez  épaté  ,  dans  des 
lèvres  épaiffes ,  qui  ne  montrent  que  trop  l'origine.  Mais  cet  indice  ,  auquel 
il  ferait  peut-être  plus  dangereux  de  croire  qu'on  ne  le  penfe ,  c'eft  l'œil  du 
préjugé  qui  le  voit,  &  s'il  fe  promenait  dans  l'Europe  entière ,  il  trouverait 
avec  ce  fyftème  ,  de  quoi  y  former-  auffi  une  nomenclature  colorée  ;  car  qui  n'a 
pas  obfervé  en  voyageant  dans  cette  partie  du  monde  ,  des  teints  bien  obfcurs 
&  des  traits  qui  femblent  appartenir  à  l'Afrique  ?  Il  y  a  furement  tel  quaiteron , 
deux  fois  plus  blanc  qu'un  Efpagnol  ou  qu'un  Italien. 

Et  fi  lorfqu'on  compte  à  peine  un  fiècle  &  demi  depuis  que  les  deux  cou- 
leurs fe  mêlent  dans  la  Colonie  françaife  ,  il  y  a  déjà  des  occafions  où  l'on 
eft  réduit  à  douter  par  rapport  à  certains  individus  ,  quelques  générations 
de  plus  ne  peuvent  -  elles  pas  amener  un  rapprochement  abfolu  quant  aux 
teintes ,  furtout  dans  un  climat  où  la  peau  de  l'Européen  lui-même  prend  un 
ton  jaunâtre,  lorfqu'il  en  éprouve  long-tems  l'influence  ?  Cette  époque  pourrait 
même  être  accélérée  par  des  circonftances  particulières ,  telles  par  exemple , 
que  la  tranfplantation  dans  un  pays  froid  ;  l'on  fait  que  le  nègre  qui  habite 
la  France  y  eft  moins  noir  qu'aux  Antilles  ,  &  j'ai  conftaté  ,  fur  plufieurs 
individus  nègres  ou  colorés ,  qu'ils  étaient  d'une  nuance  bien  moins  fombre 
l'Hiver  que  l'Été. 

Je  dois  dire  ici,  que  dans  l'évaluation  des  parties  blanches  &  des  parties 
noires  des  divers   mélanges  ,  j'ai  toujours  pris  le  nèo-re  de 


Le  Sacatra  de  -  . 
Le  Griffe ,  de 
Le  Marabou ,  de 
Le  Mulâtre ,  de 
Le  Quarteron ,  de 
Le  Métif ,  de 
Le  Mamelouc ,  de 
Le  Quarteronne,  de 
Le  Sang-mêlé ,  de 
En    faifant    toujours    rapporter 
précèdent ,   &  où  le  Blanc   &  le  nègre  font  toujours  fuppofés  agir  dans  le$ 


(lanches. 

Noires. 

0 

128 

16 

112 

32 

96 

48 

80 

64 

64 

96 

32 

112 

16 

120 

8 

124 

4 

126 

2 

es    nouveaux    mélanges    à    ceux    qui    les 


x^ 


88 


DESCRIPTION     DE     LA      PARTIE 


proportions  que  je  viens  de  dcfigner,  c'eft-à-dire ,  que  le  mulâtre  que  je  prends, 
vienc  d'un  Blanc  &  d'une  vraie  Nègreife;  ce  qui  lui  donne  pardes  égales  des  deux 
nuances  ,  &  ainfi  des  autres. 

D'après  cette  obferyation  &  les  tables  où  j'oiîre  les  inimmiim  &  les  maximum 
de  chaque  nuance,  on  peut  toujours  trouver  le  minimuvi  &  le -maximum  d'un 
mélange  lublequenî.  C'eft  ainfi  que  fi  un  Blanc  eft  mêlé  à  une  mulâtrelTe ,  de 
70  parties  blanches  qui  eft  le  raaximum  ,  le  quarteron  qui  en  proviendra  aura  99 
parties  blanches  ,  tandis  que  le  même  Blanc  mêlé  à  la  mulâtreffe  de  ^6  parties 
blanches  qui  eft  le  mini:-nHin ,  ne  p/oduira  qu'un  Quarteron  de  92  parties  blanches. 

On  peut  encore  le  convaincre  par  les  recherches  des  maximum  &c  des  minimum 
qu'il  eft  rigoureufement  poffible  qu'un  quarteron  ,  par  exemple  ,  pris  dans  le 
minimum  ne  Toit  qu'égal  au  mulâtre  pris  dans  le  maximum.  En  effet  ,  fi  un 
mamelouc  de  116  parties  blanches  a  procréé  avec  une  griffonne  de  24,  le 
quarteron  qui  leur  devra  le  jour  n'aura  que  70  parties ,  &  ne  fera  conféquemment 
qu'égal  au  mulâtre  de  70  parties  ,  &  cependant  dans  la  colonie  l'un  fera  réputé 
quarteron ,  &  l'autre  mulâtre  feulement. 

On  peut  même  trouver  que  l'individu  de  la  nuance  confidérée  comme  ftipé- 
rîeure,  ait  moins  de  parties  blanches  que  l'individu  de  la  nuance  réputée  inférieure. 
En  voici  un  exemple.  Le  Mulâtre  &  la  Marabou  font  un  Mulâtre  ,  qu'on  place 
conféquemment  au-deffus  du  Griffue.  Cependant  fi  ce  Mulâtre  &  cette  Marabou 
font  tous  les  deux  au  minimutn  y  l'un  n'aura  que  56  parties  blanches,  &  l'autre  que 
34  feulement  (*).  Ce  Mulâtre  n'aura  donc  réellement  que  45  parties  blanches, 
quoiqu'on  le  mette  au  -  defîus  de  ceux  d'entre  les  Marabous  ,  qui  en  ont 
jufqu'à  48. 

On  doit  en  conclure  ,  que  l'arbitraire  agit  fur  toute  la  claffification ,  &  que 
l'on  ne  peur  offrir  que  les  approximations  que  j'ai  établies.  Elles  donnent 
cependant  lieu  de  remarquer  qu'en  général ,  l'arbitraire  a  plutôt  augmenté  que 
dimdnué  l'évaluation  des  nuances  -,  je  veux  dire  que  le  calcul  mathématique 
ferait  defcendre  plus  d'individus  d'une  nuance  dans  la  nuance  au-deffous ,  qu'il 


(*)    Car  le  Marabou  peut  avoir  pour  ayeul  un    Griffe   de  24  parties  blanches  feulement,   ce  qui 
■  a  réduit  fa  mère  Sacatra  ,  venue  de   ce    GrifFe   &   d'une   négrcffe  ,   à    n'avoir  plus   que    12    parties 
blanches.  Or  cette  mère  k  ua  Mulâtre  de  56  parties,  n'ont  pu  faire  qu'un  Marabou  de  34partie$ 
blanches.  - 


n  en 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  8a 
n'en  ferait  monter  de  cclle-cî  dans  l'autre  ;  d'autant  que  lorfque  ,  par  exemple  , 
un  enfant  vient  d'un  Quarteron  clair  avec  une  Griffonne  claire  ,  au  lieu  de  le 
réputer  Marabou ,  on  le  claffe  alors  parmi  les  Mulâtres ,  &  ainfi  des  autres 
combinaifons. 

Ces  approximations  peuvent  encore  préfenter  certains  rapports  inverfes  lorf- 
qu'on  prend  alternativement  Je  Blanc  &  le  Noir  pour  terme  de  comparaifon. 
C'eft  amfi  que  tandis  que  le  Quarteron  a  ^  du  Blanc  &  i.  du  Nègre  ,  le  Griffe 
a  -1  du  Nègre  &  ^du  Blanc  ;  que  tandis  que  le  Métif  a  i.  du  Blanc  &  i.  du 
Noir,  le  Sacatra  a  I.  du  Noir  &  i.  du  Blanc. 

Ce  ferait,  peut-être  ,  après  tant  de  récherches  fur  les  dénominations  tirées  de 
la  couleur,  le  heu  d'en  faire  fur  la  caufe  de  celle-ci  dans  les  nègres  -,  mais  cette 
differtation  où  je  ne  réunirais  furement  pas  plus  de  lumières  qu'il  n'y  en  a  dans 
celles  qui  ont  été  publiées  fur  cette  matière,  m'écartcrait  fans  utilité  j'ofe  le 
dire,  de  mon  fujet ,  &  ne  fervirait  qu'à  ajouter  une  opinion  de  plus  à  celles 
qui  ont  confidéré  la  chaleur,  comme  la  caufe  principale  de  la  couleur  foncée 
du  nègre,  caufe  que  mille  circonflances  peuvent  accélérer,  ralentir,  balancer 
ou  détruire,  fans  qu'il  foit  permis  à  l'homme  de  porter  un  jugement  certain  fur 
ce  point.  Il  eft  toujours  très-évident ,  que  la  caufe  quelconque  de  la  couleur  du 
nègre,  n'agit  pas  feuleftient  furies  humeurs  de  fa  peau ,  puifque  celle  deflinée 
a  la  procréation,  conferve  de  l'influence  fur  les  mélanges  dont  elle  eft  un 
élément,  quoique  cette  influence  colorée  ne  foit  pas  toujours  dans  la  proportion 
ou  un  calcul  purement  arithmétique  la  préfente. 

Je  dirai  même  à  ce  fujet  un  fait  que  l'on  peut  vérifier  comme  moi  ,  Veft 
que  dans  la  combmaifon  d'une  nuance  avec  la  même  nuance  ,  la  teinte  fe 
renforce,  c'eft  ce  qui  eft  feiafible  furtout  dans  le  Mulâtre  ,  venu  de  père  &  de 
mère  qui  font  Mulâtres;  fa  peau  eft  plus  fombre  que  celle  des  autres  Mulâtres 
qui  ont  cependant  moins  de  parties  blanches  que  lui. 

La  difficulté  d'arriver  aux  derniers  degrés  du  mélange  vers  le  Blanc  ,  par- 
ce qu'ils  exigent  plus  de  tems  ,  &  ce  que  j'ai  dit  de  la  faible  conftitution 
du  Quarteron,  du  Métif  &  du  Mamelouc  ,  doit  convaincre  que  les  nuances 
ks  plus  rapprochées  du  nègre  ,  font  les  plus  communes.  Aufll  parmi  les 
Affranchis,  trouve-t-on  deux  fixièmes  de  nègres  ,  trois  fixièmes  de  Mulâtres  ou 
de  Marabous,  de  Griffes  &  de   Sacatras  que  l'on  confond  avec  les  Mulâtres 


Tome     I. 


M 


90        D  E  s  C  R.  I  P  T  î  O  N     DE     LA     PARTIE 

&  un  dernier  fixième  d'individus  des  nuances  fupérieures  ,  à  compter  du 
Quartercn  inclufivement. 

Dans  la  propre  opinion  des  Affranchis ,  il  y  a  une  grande  diftance  entre  les 
Affranchis  nègres  &  les  autres  ,  qui  relativement  aux  nègres  ,  femblent  fe 
réunir  tous  en  une  feule  claffe.  Il  faut  avouer  que  quelques  motifs  réels  appuye- 
raient  cette  prévention  ,  fi  elle  n'était  pas  poulfée  auffi  loin.  La  première  ,  c'efl 
que  plufieurs  négreifcs  font  affranchies  ,  parce  qu'elles  ont  eu  peur  hvts  m.aîtres 
une  complaifance  qui  n'eft  pas  au  profit  des  mceurs ,  &  parmi  celles-là  ,  ccmme 
parmi  celles  qui  ont  obtenu  la  liberté  pour  avoir  été  nourrices  ou  pour  d'autres 
fervices.  réeL  ,  il  en  eft  un  affez  grand  nombre  qui  nées  en  Afrique,  font 
trcs-inférieures  en  intelligence  &  en  avantages  corporels,  aux  négrefîès  efclaves 
nées  dans  la  Colonie.  AuiTi  y  a-t-il  fort  peu  de  nègres  libres  dont  les  habitudes 
diffèrent  de  celles  des  nègres  elclaves  ,  &  ceux  qui  s'en  écartent  feront  affez 
bien  peints  parce  que  je  dirai   des  Affranchis  des  autres  nuances.  » 

Les  plus  nombreux,  ceux  mêmes  qui  le  font  affez  pour  que  leur  nom  foit 
donné  dans  l'ufage  ordinaire  à  tout  ce  qui  n'efl  pas  nègre  ou  Blanc  ,  ce  font 
les  Mulâtres. 

J'ai  déjà  dit  qu'ils  étaient  bien  faits,  d'une  forme  agréable •&  fort  intellio-ens  ; 
m.ais  ils  poufTent  auffi  loin  que  le  nègre  ,  l'indolence  &  l'amour  du  repos.  Ces 
homm.es  font  capables  de  réuffir  dans  tous  les  arts  méchaniques  &  libéraux  & 
quelques-uns  l'ont  prouvé  d'une  manière  qui  aurait  dû  les  exciter  tou5 ,  fi  ne 
rien  faire  n'était  pas  pour  eux  le  bonheur  fuprême.  Le  Mulâtre  ouvrier  travaille 
lorfque  le  befoin  efl  devenu  impérieux,  &  encore  fa  fobriété  ,  aufn  grande  que 
celle  du  nègre  &  la  nature  du  chm^at ,  lui  laiifent-elles  la  pofTibilité  d'une 
longue  lutte  avec  ce  befoin  i  puis  il  retourne  à  l'oifiveté,  jufqu'à  ce  que  la 
même  caufe  ramène  le  m.ême  effet.  Sans  doute  il  efl  des  exceptions  à  ce  trait 
général  ;  on  connaît  des  Mulâtres  laborieux  ,  occupés  de  fe  procurer  une 
exiftence  douce  ,  à  l'abri  de  la  misère  ,  &  même  accompagnée  de  jouiffances 
plus  ou  moins  agréables  ;  mais  la  facihté  avec  laquelle  on  les  compte  ,  appuyé 
l'obfe.rvation   générale. 

Le  Mulâtre  aime  le  plaifir  ;  c'efl  fon  unique  maître ,  mais  ce  maître  efl 
defpotique.  Danfer,  monter  à  cheval,  facrifier  à  la  volupté,  voilà  fes  trois 
pafuons.   Il   égale  le  Créol   blanc   daps  h  première  ,   &   le  laiffe  loin  derrière 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 


91 


lui  dans  la  dernière.  Q^ant  à  fon  goû;:  pour  les  chevaux  ,  il  ne  faut  qu'un  fait  pour 
ie  prouver  &  le  faire  juger  ,  c'eft  que  dans  toutes  les  Colonies^  la  prepaière 
injure  qu'on  adreffe  à  un  Mulâtre  ,  c'eft  de  l'appeller  volor  cboiial ;  voleur  de 
chevaux. 

On  fait  du  Mulâtre  un  excellent  foldat,  &  une  foule  de  circonfrances  l'ont 
prouvé  à  Saint-Domingue ,  notamment  les  levées  de  MaréchauiTée  ,  les  ChafTeurs 
formés  parM.de  Belzunce  en  1762,  les  Chafleurs- Royaux  de  1779  '^l"^  °'""^ 
marché  au  fiège  de  Savannah  dans  la  Géorgie.  Il  femble  même  qu'alors  il 
perde  de  fa  parefîe ,  mais  tout  le  monde  fait  que  la  vie  du  foldat ,  a  dans  les 
loifirs  qu'elle  laifTe ,  de  l'attrait  pour  les  hommes  indolens.  Il  eft  bien  confiant 
que  dans  la  Zone  Torride ,  il  ne  peut  pas  exifter  un  défenfeur  plus  précieux 
que  celui  qui  vit  de  peu  ;  qui  fe  contente  des  racises  &  des  fruits  que  le 
climat  produit;  qui  ne  redoute  pas  le  foleil  &  auquel  il  ne  faut,  pour  ainfi 
dire  ,  point  de  vêtemens  ;  qui  gravit  une  montagne  avec  agilité  ;  qui  fait 
monter  au  haut  d'un  arbre  &  qui  réuiïit  afiez  à  la  chaffe  pojr  ne  prefoue 
jamais  perdre  fon  coup.  Il  ne  faut  cependant  pas  prétendre  à  une  difcipline 
qui  s'étende  jufqu'à  le  caferner.  Un  Mulâtre  foldat  pourra  fe  trouver  exac- 
tement aux  appels  du  jour  ,  peut-être  même  à  celui  du  foir  -,  mais  c'eft  en 
vain  qu'on  veut  gêner  fa  liberté  la  nuit:  elle  appartient  au  plaifir  &  il  ne 
l'engage   point ,  quelque   traité   qu'il  ait  fait  d'ailleurs. 

Ce  font  les  Mulâtres  qui  communément  pourfuivent  les  efclaves  fugitifs  , 
&  l'on  juge  alors  de  leur  fupériorité  locale  fur  tout  autre  foldat  ;  d'autant 
qu'en  quittant  leur  fouliers  ,  ils  ont  les  m.êmes  avantages  que  Tefclave  qui 
fe  fert  de  fon  pied  nû  pour  monter  jufques  lur  des  rochers  ,  ou  pour  def- 
cendre  de  rapides  falaifes. 

Le  Mulâtre  aime  la  parure  :  la  vefte ,  le  pantalon  de  toile  fine ,  le  chapeau 
retapé,  &  les  mouchoirs  de  tête  &  de  cou  lui  font  chers.  Dans  des  jours 
de  marque  ,  il  a  fouvent  des  bas  &  un  habit  &  toujours  de  la  grâce  &  de 
l'élégance ,  de  quelque  manière  qu'il  foit  vêtu.  Prcfque  imberbe  ,  il  paraît 
long-tems  jeune  j  jufqu'à  ce  qu'enfin  le  blanc  de  fes  yeux  fejaunifle  &  annonce 
les  progrès  de  l'âge.  Celui-ci  amène  les  cheveux  blancs  &  les  taches  de  la 
peau,  qu'on  voit  même  paraître  de  bonne  heure  chez  quelques-uns  fous  le 
nom  de  Loîcis  &  qui  préfagent  une  altération  cutanée  dont  les  caraélères  font 
la  laideur  &  la  difformité.   Cependant ,  &  dans  cet  état  qui  excite  le  dégoût , 

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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


le  Mulâtre  fournit  encore  une  longue  carrière;   c'efl  celui   de  tous  les  êtres 
■    de   Saint-Doir.ingue  ,  dont   la  vie  efc   la  plus  prolono-ée. 

Tous    les  avantages  donnés   par   la  nature  au  Mulâtre    font   prodigués  à  la 
MuIâtrefTe.    Ce   que  j'ai  écrit  en  peignant  les  Créoles    blanches    lui^'convient:' 
parfaitement ,  fi  on  le  fait  rapporter  à  l'élégance    des  formes  ,  à  la  facilité  des 
mouvemensi    mais   elle  porte  plus  loin  cette    nonchalance    qui   annoncerait   la 
faibleffc.  Cl  cette    caufe  n'était  pas   démentie  par  le    langage  des   yeux.    A    fa 
démarche  lente;  accompagnée  de   mouvemens  de  hanches  ,    de   balancemens 
de  tête;  à   ce    bras   qui  fe   meut  le   long   du  corps   en    tenant  un  mouchoir  ; 
a   un  petit  morceau  de  racine  devenu  une  efpèce  de  broffe   qui  frotte  fréquem- 
ment l'émail  des  plus  belles  dents ,  reconnaiiTez  l'une  de  ces  prêtreffes  de  Vénus 
auprès  defquelles  les  Lais,  les  Phri'^ê  auraient  vu  s'évanouir  toute  leur  célébrité. 
L'être   entier  d'une   MuIâtrefTe  efl  livré  à  la  volupté  ,  &  k  feu  de  cette 
DéefTe  brûle  dans  fon    cœur  pour  ne  s'y   éteindre    qu'avec  la   vie.    Ce    culte  , 
voilà   tout  fon  code,  tous  fcs  vœux,  tout  fon  bonheur.    Il   n'eft  rien  que  l'ima- 
gination la   plus    enflammée   puifîe   concevoir,  qu'elle    n'ait   preffenti ,  deviné , 
accompli.    Charmer    tous  les  fens,  les    livrer   aux  plus  délicieufes  extafes ,  les 
fufpendre   par   les   plus  féduifans    ravillcm-ens  :    voilà  fon    unique   étude  ;    &  la 
nature,   en    quelque  forte ,  complice    du   plaifir,luia    donné  charmes , 'appas , 
lenfibilité  ,    &  ce  qui  eft    bien   plus  dangereux  ,   la  faculté  d'éprouver  encore 
mieux  que  celui  avec  qui  elle  les  partage,  des  jouiffances  dont  le  code  de  Papbos 
ne   renfermait  pas   tous  les  fecrets. 

On  fe  rappelle  que  j'ai  cité  les  Mulâtreffes  comme  les  Créoles  les  plus  préco- 
ces. Cette  particularité  ,  leurs  difpofitions  naturelles  ,  les  féduftions  de  leurs 
femblables  ,  l'effet  d'une  réputation  qui  appartient  à  toute  la  claffe ,  font  autant 
de  caufes  qui  les  vouent  de  bonne  heure  à  l'incontinence.  On  ferait  afflio-é 
de  voir  jufqu'à  quel  point  ce  défordre  s'eft  accru  ,  &  quelquefois  le  terme 
qui  fépare  l'enfance  de  la  puberté  &  qui  appartient ,  pour  ainfi  dire  ,  éga- 
lement aux  deux  ,  eft  à  peine  refpefté.  De  là  tous  les  maux  dont  le  moindre 
n'eft  pas  d'empêcher  la  reproduftion  ,  ou  de  n'en  faire  réfulter  que  des  êtres 
faibles  &  débiles. 

Le  luxe  des  Mulatrefles  eft  pouffé  au  dernier  terme  ,  &  depuis  1770  il 
a  fait  des  progrès  qui  paraiffent  incroyables  à  ceux  qui  ont  pu  comparer  les 
deux  époques.   C'eft  toujours  dans  les  villes  qu'on  doit  l'obferver  pour  en 


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"mr 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        95 
avoir  une  idée  exa«e.  Ce  luxe  confirte.  prefque  entièrement,  dans  un  frul  obiet 
Ihab,  lement ,  pu.fqt.e  rien  nVft  d'ordinaire  plus  fimple  que  le  lo,etnent  d'un^ 
Mt„atrcne,  qu.  confifte  en  une   on  deux  pièces  ou  cl,ambres  ,   tout  au   plus 
Lune  de   ces  p,e.es  fert  de  falon  .  elle   eft  fouvent   fans  autre     tenture  qu'un 
pap,er.  une  glace     une  table,   un  beau  cabaret  .vec  des  porcelaines ,  de  jol.es 
cl,a,fes  de  patUe  pe.ntes  ,  ou  de  rotin  ,  tel  en  c:',  i'.vneublement.  D,n,  l.  fécond 
font  les   .enres  chofes  ,  n,ais  d'un  autre  goût,  puis  un  Ht  couvert  d'une  b:n 
perfe,  eleve   de  quatre  ou  en,   pieds,  fuivant  l'ufage  de  la  Colonie;  une  ou 
d  ux  „„^,es  du  plus  bel  acajou,  &  un  lit  de  repos  du  n,ên,e  bos,  dont 
ufage  neft   pas  un  problême  infoluble.    Si  le   logement  n'a  qu'atne  ^èce 
out  ce  que  je  v.ens  de  détailler  s'y   réunit.  &   une  cuiHne  &  des  logemens' 
extérieurs  pc>ur  les  efclaves  ,  complètent  la  demeure  d'une  Affranchie    On  e„  a 
cependant  vu  quelques-unes  qui  pouffaient  la   recherc'ne  beaucoup  ^  s  loi    & 
q«ava,ent  des  ma.fons  fomptueufes ,  mais  ce  genre  n'eft  pas  col'^  Vs    „f 
Dom  ng„,  .  ,  ^,,  ^^„,^  ^^^^  ^^^^^^  ^^  ^^^  d'une 'courtifane-M  ht  eff 

q.e  futvrent  long-tems  le  plaiGr.  la   curiofué  &  la  fortune 

Comme  toutes  les  Créoles     Ipq  M.il^.i-v^n-. 
pour  les  reoas     &  eM,  '         ^"'■"■•effes  mangent  fans  avoir  d'heures  fixes 

pour   les  repas,   &  elles  vivent  avec   une  frugaiité  remarnnahl,     s,       ■  c 

doute  contribue  à  leur  co„rervation.C 'eft  donc    encorrf  ?"'        ' 

q.e  tout  eft  rérervé.  Tout  ce  que  l'Inde  prod^ii  de ^is  b  ."Ve  17"-™" 
en  mouflèlines,  en  mouchoirs,  en  étoffes  &  en  toilef  """  '"'=  P'"^  P""'" 
de  la  mode  pour  embellir  ce  re;e  colorÎ  De  i  e  d'ends"!  "b''"  'T" 
la  multiplicité,  plus  que  le  genre  ,  augmente  la  vat^^^^^^ 
profuEon,  &  le  défit  de  ces  chofes  coûteules  eft  îll'e  7  r  u7" '"'' 
voit  un  afl-ez  grand  nombre  de  Mulàtrefc  à  slnt  Dom  "  "' '  ^"'^ 
changer  en  entier  de  vétemens  ,  tous  les  j!:s\te°nr'^"' ■''"' ^°-^^^^^^ 
en  nfgu";    tufentf  f  "'l'^"''':'''  '"°''  '^ê»- 1"^  les  Blanches  portent 

degré'qu^LttTtrisX;^:  t,f!rr  ''"''""''"  '^-'  ■= 

Ceft  même  aux  premiers  élans  q^Z  fo!t  ver  Vir  qT„'"^  ''^T 
ont  été  initiées  à  certains  myftères    narce  nue  1  r      '.?         ^"^^  ''"'"" 

^  ,.e  ce  luxe  eft  le  fignal  dL  ^vl^  p^  ^if  ^t  ""  "  ^""^"^'^  ' 

ûepenle ,  c  eft  le  défaut  de  foin  pour  les  confer. 


94- 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


ver;  c'efi:  cette  prodigaliré  qui  fait  que  les  chofe?  les  plus  difpendieufes  font 
comme  dédaignées ,  en  les  employant  lors  même  que  leur  ufage  eit  un  véritable 
abus  ,  ou  en  les  rejettant  parce  qu'elles  ont  déjà  fervi  quelquefois.  Prefque 
jamais  une  Multtreffe  ne  prendra  l'aiguille,  dont  elle  fe  fert  comme  une  fée, 
peur  prolonger  la  durée  d'une  parure  achetée  fort  cher  ;  fon  orgueil  lui  dit  qu'il 
faut  la  remplacer  par  une  autre  ,  &  elle  fait  comment  elle   a  acquis  la  première 

Ce  que  j'ai  peint  jufqu'ici  des  MulâtrefTes ,  a  affez  préparé  à  m'entendre 
dire  que  la  plus  grande  publicité  accompagne  leurs  aélions.  La  plupart  d'entre 
elles  demeurent  chez  un  Blanc  ,  ci^i  ,  fous  le  titre  bien  peu  mérité  de  ',nh:agcres ., 
elles  ont  toutes  les  fondions  d'une  époufe ,  fans  être  fort  difpofées  à  accom.plir 
les  devoirs  de  ce  titre.  Les  autres  ont  des  logemens  qui  leur  font  propres.  Ce 
font  autant  d'écoles  où  le  favcir  eft  promptement  acquis,  mais  aux  dépens  de 
l'innocence  ,  de  la  bourfe  &  très-fréquemment  de  la  fanté. 

C'eft  même  à  ce  dernier  égard  ,  qu'on  remarque  deux  particularités.  L'une, 
que  le  poifon  de  l'amour  eft  plus  actif  chez  les  Mu'âtreffes  que  chez  les 
autres  femmes  ,  les  GriiFonnes  exceptées  ;  &  la  féconde  ,  que  malgré  les 
maux  qu'elles  éprouvent  elles-mêmes  de  l'excès  des  plaifirs ,  on  les  voit  fouvent 
&:  toujours  avec  furprife,  prendre  ,  vers  l'âge  de  trente-cinq  ans ,  un  embonpoint 
qui  reproduit  plufieurs  de.  leurs  charmes  ,  &  qui  leur  donne  encore  des  droits 
à  plaire.  Il  ferait  cependant  très-peu  raifonnable  de  penfer  que  cette  efpèce  de 
palingénéfe ,  foit  le  partage  de  toutes  celles  qui  en  ont  befoin  ;  mais  on  peut 
affurer  que  Tage  qui,  dans  les  climats  tempérés  ,  eft  celui  de  la  dcftruélion  des 
femmes  prodigues  de  leur  exiftence  ,  n'eft  pas  plus  f^nefte  aux  Mulâtreffes , 
qu'aux  autres  femmes  qui  n'ont  pas  adopté  le  m^ême  calcul. 

Il  ne  faudrait  pas  conclure  non  plus ,  de  ce  que  je  dis  des  mœurs  des 
Mulâtreffes ,  qu'il  n'en  eft  point  qui  connaiffent  la  vertu.  Olù  ,  l'on  en  voit  dorrt 
la  conduite  miériterait  d'être  prife  peur  modèle  ;  qui  ont  miême  de  plus  à 
attendre ,  l'éloge  d'avoir  réfifté  à  l'exemple  de  leurs  femblables ,  aux  féduélions 
iâns  nombre  dont  elles  font  environnées  ;  d'autant  que  le  préjugé  leur  refufe  la 
confidération ,  qui  eft  le  jufte  prix  de  tant  de  facrifices  &  d'un  combat  où  il 
faut  plus  d'un  genre  de  courage  pour  triompher.  Mais  ces  exceptions  font 
malheureufemient  bien  rares.  C'eft  celles  qui  en  font  l'objet,  que  des  Blancs 
ou  des  hommes  de  leur  claffe  prennent  quelquefois  pour  époufes.  Quand 
tUes  font  unies  à  ces  derniers ,  elles  ont  prefque  toujours  une  palme  de  plus  à 


FRANÇAISE    DE    S  A  J  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.         95 

obtenir ,  pour  n'avoir  pas  imité  un  époux  dont  la  fidélité  n'eft  pas  l'apanage, 
&  pour  foufFrir  ,  avec  plus  ou  moins  de  réfignation,  les  mauvais  traitemens  qu'ils 
leur  prodiguent ,  &  qu'on  doit  imputer  au  défaut  d'éducation  ,  &  à  un  penchant 
jaloux. 

C'eft  donc  réellement  à  Técat  de  courtifane  ,  que  les  MulatrelTes  font 
preique  généralement  condamnées ,  &  elles  y  font  affociées  avec  les  femmes 
efclaves.  Ce  commerce  illégitime  qui  oîFenfe  les  mœurs  &  la  morale  rellgicufe, 
efi:  cependant  regardé  comme  un  mal  r.écelTaire,  dans  les  Colonies  où  les  femmes 
Blanches  font  en  petit  nombre  ,  &  furtout  dans  celle  de  Saint-Domingue  ,  où 
cette  difproportion  cft  encore  plus  grande.  Il  femble  qu'il  prévienne  de 
plus  grands  vices  :  les  faibleffes  des.  maîcres  pour  les  efclaves ,  font  caufe  que 
l'efclavage  eft  adouci.  On  efl  même  en  quelque  forte  autorifé  à  dire  ,  que  la 
chaleur  du  climat  qui  irrite  les  défirs,  &  la  facilité  de  les  fatisfiire  ,  rendront 
toujours  inutiles  les  précautions  légiflatives  qu'on  voudrait  prendre  contre  cet 
abus ,   parce  que  la  loi  fe   tait  où  la  nature  parle  impérieufement. 

On  conçoit  auiTi  que  l'exemple  des  femmes  efclaves  ,  influe  fur  les  mœurs 
de  celles  qui  font  libres.  Les  négreffcs  venues  d'Afrique  ,  où  la  polygamie  eft 
autorifée,  favent  que  par  leur  comm.erce  illégitime  avec  les  Blancs,  elles  peuvent 
améliorer  leur  fort  &  celui  de  leurs  enfans  ,  &  c'eft  affez  pour  les  porter  à  h 
condefcendance.  Ainfi  l'influence  du  climat,  le  goût  du  luxe,  l'éloignement 
pour  les  époux  de  leur  clafîe  ,  qui  font  les  maris  les  plus  foupçonneux  &  les 
plus  defpotiques ,  tout  porte  les  femmes  de  couleur  à  fuir  le  mariage  &  à  fc 
livrer  à  un  concubinage  lucratif,  qui  fatisfait  mieux  leurs  inclinations  volup- 
tueufes  ,  &  auquel  elles  doivent  leur  liberté. 

C'eft  le  concubinage  des  Blancs  avec  les  négrelTcs ,  qui  eft  la  caufe  aue  les 
Mulâtres  affranchis  font  aufli  nombreux  j  car  les  Mulâtreffes  libres  font' elles- 
mêmes  très-peu  d'enfans',  précifément_par  le  genre  de  vie  qu'elles  ont  adopté. 
En  fécond  lieu,  le  climat  de  Saint-Domingue  étant  moins  favorable  aux 
enfans  dont  la  nuance  s'approche  du  Blanc,  les  Quarterons  réuffifTent  peu.  Enfir. 
la  corruption  des  mœurs  qui  mène  tous  les  vices  à  fa  fuite  ,  fait  craindre  la 
maternité  aux  Mulâtreftes.  De  là  ,  les  moyens  &  peut  -  être  les  crimes 
qui  en  garantiffent.  Ce  ne  ferait  donc  pas  hafarder  une  erreur,  que  de  foutenir 
que  fi  les  Mulâtres  libres  n'étaient  paj  recrutés  par  des  enfans  de  Blancs  &  de 
négreffes ,  cette  claffe  m.ettrait  bien  nioins  de  tems  à  difparaître  ,  qu'il  ne  lui  en 
a  fallu  pour  arriver  au  terme  où  elle  eft  parvenue. 


a:j:i 


'^^ 


S6 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


L'éducation  phyfique  des  enfans  de  couleur,  eft  ablolument  la  même  que 
celle  des  enfans  blancs,  &  elle  produit  les  mêmes  avantages  quant  à  leur  taille 
&  à  l'exemption  des  défauts  corporels.  Les  femmes  de  couleur  ont  pour  leurs 
enfans  une  tendreffe  qui  eft  bizarre  auffi  dans  fes  effets ,  mais  ie  n'oferais  pas  dire 
qu'elle   foit   accompagnée    d'autant   de   foins   que    celle   des   Blanches   &   des 


negreiTes 


Ces  femmes  font  des  maîtrefîes  fort  impérieufes  &  très-redoutées  ,  quoiqu'il 
foit  très-commun  devoir  des  Mulâtrefles  libres,  vivant  dans  la  plus  grande 
familiarité  avec  des  femmes  efclaves  :  mais  ce  ne  font  pas  les  leurs.  Et  i'obferve 
à  cet  égard  que  cette  familiarité,  quelquefois  fondée  fur  la  parenté,  a  très-fouvent 
pour  caufe  ,  les  préfens  que  des  Affranchies  reçoivent  des  efclaves  qui  ont  des 
amans  dans  Iturs  maîtres  ou  dans  d'autres  Blancs ,  qui  leur  donnent  les  moyens 
d'être  généreufcs.  En  général ,  les  Mulâtres  tirent  mêaie  de  grands  fecours  des 
efclaves  avec  lefquels  ils  ont  des  rapports  de  différens  genres,  fans  s'en  croire 
humiliés. 

Un  trait  bien  remarquable  ,  c'eft  la  Hdélité  &  le  fecrer  avec  lequel  les  femmes 
de  couleur  font  fervies  par  leurs  négrefles  ;  car  une  opinion  prefque  impérieufe  , 
leur  défend  d'avoir  des  efclaves  pris  dans  les  nuances  mélangées.  Une  négreffel 
même  la  plus  maltraitée  ,  ne  confent  prefque  jamais  à  trahir  fa  maîrreffe'',  ni  â 
écouter  un  homme  à  qui  celle-ci  accorde  des  faveurs.  Si  enfin  elle  fuccombe 
c'eft  en  tremblant ,  c'eft  en  défirant  que  la  maifon  ,  ou  au  moins  l'autel  où  fl 
maîtreffe  facrine  au  plaifir,  ne  foit  pas  le  lieu  où  elle  fe  livre  elle-même  à  fon 
vainqueur.  Cet  effet  de  k  crainte  eft  d'autant  plus  fingulier ,  qu'il  n'a  pas  lieu 
dans  les  fervantes  d'une  époufe  blanche. 

Ce  qu'on  fe  perfuadera  facilement,  c'eft  qu'il  y  a  entre  les  Mulâtreffes  & 
les  Blanches,  une  antipathie  qui  prend  fa  fourcc  dans  la  perfuafion  que  leurs  vues 
s'entre-nuifent.  Les  unes  veulent  des  époux,  les  autres  cherchent  à  empêcher 
qu'on  ne  le  devienne  ,  ou  du  moins  à  faire  agir  comme  fi  on  ne  l'était  pas.  De  là , 
cette  haine  qui  fe  montre  dans  les  avions ,  dans  les  difcours  ^  de  là ,  les  unions 
malheureufes,  la  ruine  de  plufieurs  famiUes  ,  &  quelquefois  encore  des  écarts 
de  mœurs  de  la  part  de  Blanches  ,  à  qui  le  défir  de  la  vengeance  confei'lle 
d'imiter,  en  quelque  chofe,  celles  qui  ont  caufé  leurs  maux.  Un  fait  très-conftant 
c'eft  que  fort  peu  de  femmes  de  couleur  refufent  leurs  faveurs  à  un  Blanc  dès 
q^u'il  eft- marié,  furtout  s'il  facrifie  dans  cette  infidélité,  une  époufe  que  les 


grâces 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE         cjj 

grâces  auraient  dû  fauver  d'une  préférence  que  rien  n'excufe.  Qui  croirait  cependant 
que  les  Mulâtreffes  font  fouvent  prifes  pour  modèle  par  les  Blanches,  dans  leurs 
ajuflemens  négligés ,  &  qu'il  en  eft  parmi  celles-ci  qui  ont,  avec  les  premières  » 
des  converfations ,  où  une  curiofité  toujours  déplacée  &  qui  n'effc  pas  exempte 
■  de  dangers ,  n'eft  fatisfaite  qu'aux  dépens  de  la  décence  !  On  eft  même  affez 
furpris  de  voir  que  dans  leurs  attitudes  ,  leur  démarche  &  leurs  geftes  ,  beaucoup 
de  jeunes  Créoles  s'étudient  à  imiter  les  MulâtrcfTes  ,  qu'elles  fe  dépitent  tant 
d'avoir  pour  rivales ,  &  dont  elles  augmentent  ainfî  l'orgueil. 

Cet  orgueil  confifte  furtout  à  montrer  fes  triomphes ,  &  dans  la  Colonie  il 
ferait  bien  difficile  que  quelque  chofe  reftât  fecretj  d'ailleurs  entre  elles-mêmes 
les  MulâtreiTes  fe  difputent  les  victoires  ,  &  dans  leurs  querelles ,  tout  ferait: 
révélé  ,  s'il  y  avait  quelque  chofe  de  caché.  La  publicité  ,  je  le  redis ,  eft  une  de 
leurs  plus  douces  jouiffances  ,  &  c'eft  au  plaifir  qu'elles  y  trouvent.,  qu'on 
doit  l'ufage  qui  fait  que  ,  chaque  foir ,  à  l'heure  du  coucher,  on  voit  fortir  les 
filles  de  couleur  de  chez  elles  ,  fouvent  éclairées  par  un  fanal ,  porté  par  une 
efclave ,  &  allant  paffer  la  nuit  chez  celui  qu'elles  aiment  le  plus ,  ou  qui  les 
paye  le  mieux. 

Les  MulâtreiTes  affeftent  une  forte  de  dédain  pour  les  Mulâtres ,  &  mêm^e 
dans  leurs  bals  qui'  reffemblent  à  ceux  des  Blanches  ,  elles  ne  veulent  d'auties 
hommes  que  des  Blancs.  J'aflure  néanmoins  que  chez    un  grand   nombre  d'en- 
tr'elles ,  ce  dédain  n'eft  que  fimulé,  &  que  plus  d'une  a  pour  favori  un  Mulâtre 
qu'elle  embellit  fecrètement  de  ce  qu'elle  reçoit  d'un  Blanc  qui  jurerait,  s'il  le 
fallait ,  que  fa  bien-aimée  a  une  averfion  infurmontable  pour  les  hommes  colorés 
Il  en  doute  d'autant  moins,  que  cette  bien-aimée  eft  une  tigreffe  enjaloufie 
&  comment  fuppofer  qu'une  femme  joué  un  fentiment  qu'elle  n'éprouve  pas  ! 

Il  eft  des  Muiàtrefîes  ,  que  leur  célébrité  ne  garantit  pas  du  défagrément  de 
choquer  l'odorat,  &  que  l'ufage  des  parfums  ne  fait  que  trahir  d'avantap-e.  Mais  ce 
défaut  n'eft  rien  moins  que  général.  Elles  aiment  la  plus  exquife  propreté,  &  elles 
font  un  ufage  continuel  des  bains.  Elles  ont  même  à  cet  égard,  une  habitude  bien 
plus  favorable  à  la  beauté  que  celle  des  Blanches,  parce  qu'elles  employent  toujovri 
l'eau  froide.  C'eft  à  ce  moyen  qui  donne  du  ton  aux  chairs  &  à  la  fibre  ,  qu'Iles 
doivent  fans  doute,  de  paraître  plus  long-tems  jeunes  ,&  de  n'être  pas  habituelle- 
ment vaporeufes,  elles  qui  font  de  toutes  les  femmes,  celles  donc  k  genre  nerveux 
.eft  le  plus  travaillé  par  le  magnétifme  de  l'amour  j  elles  qui  aiment  les  fleurs 
Tom.     L  N 


Ml 


J 


9?         DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

avec  pa.Tion,  qui  s'en  parent,  qui  en  jonchent  leurs  lits  &  leurs  armoires,  &  qui, 
fâchant  bien  que  leur  parfum  éveille  la  volupté  ,  ont  un  grand  plaifir  à  en 
Ibrmer  des  bouquets  pour  l'objet  qui  leur  eft  cher.  Il  eft  rare  qu'une  fille  de 
couleur  aille  le  foir  trouver  Ton  amant ,  fans  s'être  plongée  auparavant  dans  l'eau 
froide  ,  ou  fans  en  avoir  fait  verfer  à  grands  flots  par  fes  efrlaves  ,  depuis  fes 
épaules  jufqu'à  fes  pieds  (  car  la  coiffure  eft  faite  pour  durer  deux  ou  trois 
jours  fans  quitter  la  tête  )-,  &  elle  arrive  ainfi  avec  la  fraîcheur  &  la  dureté  du 
marbre. 

Tout  ce  qu'on  vient  de  lire  fur  les  Mulâtres  des  deux  fexes  ,  eft  applicable  , 
prefqu'en  totalité  ,  aux  Gens  de  couleur  des  nuances  plus  blanches  ,  pourvu  qu'on 
en  excepte  ce  qui  tient  à  la  force  du  tempéramment  ,  à  l'aptitude  au  plaifir 
&  à  la  prolongation  de  la  vie.  Qu'on  fe  rappelle  toujours  que  le  Quarteron ,  le 
Métif  &  le  Mamelouc,  font ,  à  tous  égards  ,  inférieurs  aux  Mulâtres,  &  qu'à 
partir  du  Quarteronne  ,  on  retrouve  le  phyfique  du  Blanc. 

Les  Gens  de  couleur  font ,  en  général ,  bons  &  fufceptibles  d'élévation  dans 
i'ame,  &  les  femmes  font  compatifîantes  pour  les  pauvres  &  furtout  pour  les 
malades  à  un  point  qu'on  ne  peut  aflez  louer.  Le  manque  d'éducation  & 
l'imitation  des  vices  &  des  ridicules  des  Blancs  qu'ils  outrent,  font  leurs  plus 
grand  défauts.  Ils  font  fort  hofpitaliers  ,  &  s'ils  pouvaient  vaincre  leur  indolence 
les  Colonies  pofiëderaient  en  eux  des  êtres  précieux.  On  peut  leur  reprocher 
des  crimes;  mais  ce  font  des  hommes,  &  des  hommes  quelquefois  encore 
trop  près  de  la  fervitude  ,  pour  qu'on  doive  en  être  étonné.  Les  fuccès  de 
pkiueurs  d'entr'eux  dont  l'enfance  a  été  cultivée  en  France ,  prouve  que  les 
ravaler,  comme  font  Certaines  perfonnes ,  c'eft  facrifier  aveuglément  au  préjugé  ; 
tandis  que  les  turpitudes  de  beaucoup  d'autres  ,  leurs  mœurs  &  leur  inaptitude 
aéluelles  font  la  plus  forte  critique  de  l'opinion  de  ceux  qui  vei>knj:  qu'on  les 
croie  fupérieurs    aux  Blancs. 

Il  me  refte  à  dire  que  parmi  les  efclaves  font  aufil  des  Gens  de  couleur 
de  toutes  les  nuances.  Il  eft  prefque ,  fans  exemple ,  qu'il  y  en  ait  d'emplovés 
à  d'autres  ufages  qu'aux  foins  purement  domeftiques  ,  &  il  ne  faut  guères 
compter  que  des  Mulâtres.  Ces  efclaves  fc  croient  fupérîeurs  aux  nèo-res 
libres  à  caufe  de  leur  rapprochement  du  Blanc  par  leur  nuance  ;  &  par  leurs 
mœurs,  ils  font,  en  quelque  forte ,  encore  une  clafiTe  mitoyenne  entre  l'efclavage 
&  l'affranchiffement,  ou  plutôt  entre  l'efclavage  extrêmement  adouci  &  l'affran- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        g« 

chiflèment  tacite  dont  jouiffent  beaucoup  d'efclaves  de  toutes  ies  nuances  qui , 
foit  par  la  condefcendance  de  leurs  maîtres ,  foit  parce  qu'ils  fe  font  rachetés 
eux-mêmes  envers  lui  des  devoirs  de  l'efclavage ,  foit  enfin  parce  que  l'admi- 
niftration  publique  ferme  les  yeux  fur  cet  abus,  font  réputés  Affranchis  fans 
l'être.  Mais  je  les  ai  deffinés ,  en  parlant  de  ceux  pour  lefquels  ils  font  des 
efpëces  d'auxiliaires. 

Enfin  on  appelle  Méf alliés  ,-  les  Blancs  dont  le&.,  femmes  ne  font  pas  des 
Blanches.  Il  faut  les  regarder  comme  un  nouvel  intermédiaire ,  entre  les  Blancs 
&  les  Gens  de  couleur.  Ils  appartiennent  cependant  à  ces  derniers ,  par  leur 
alliance.  Mille  occafions  différentes  me  ramèneront  encore ,  dans  le  cours  de 
cette  Defcription ,  à  offrir  des  traits  qui  appartiendront  aux  Affranchis,  parmi 
lefquels  un  affranchiffement  plus  ou  moins  ancien  &  un  plus  grand  éloignement 
de  la  couleur  du  nègre  ,  font  des  prérogatives  qu'ils  invoquent,  au  moins  en 
fecret.  Mais  ee  que  je  défire  que  le  Ledeur  retienne  ,  c'eft  que  je  me  fervirai 
indiftindement  de  ces  mots  ,  Gens  de  Couleur  &  Sang-mêlés  ,  pour  défigner  tous 
ceux  qui  ne  font  ni  Nègres  ni  Blancs ,  &  que  j'entendrai  par  Affranchis  ,  tout 
ce  qui  n'eft  ni  Blanc  ni  Efclave. 


N  a 


^^^Mm:j^^'^^_ 


lOO 


DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 


NOMBRE    ET    NATURE 

Des  Ètahliffemens  de  la  Pa?'tie  Frajîçaife  de  Samt-Domingue, 


i-<A  Colonie  francaife  de  Saint-Dommgue,  dont  je  viens  de  peindre  les  habitans, 
contient  793  manufadures  à  fucre  ou  fucrerres  -y  3,150  indigoteries  ;  ~j%q 
cotonncries;  3,117  cafeteries  ou  cafeyêres  ;  1&2  guildiveries  ou  diftiileries  de 
tafîa  ou  eau-de-vie  de  fucre;  26  briqueteries  &  tuileries;  6  tanneries;  370  fours 
à  chaux  ou  chaufourneri&s  ;  29  poteries  &  50  cacaoyêres  ;  indépendamment  d'une 
foule  d'autres  établifTemens  connus  fous  le  nom  de  places-à-vivres ,  parce  qu'on 
y  cultive  des  racines  nourriffantes  ,  des  grains ,  des  fruits ,  &  que  l'on  y  élève  des 
volailles  &  d'autres  animaux ,  qui  font  autant  de  moyens  de  fubfiftance. 

On  compte  en  outre  à  Saint-Domingue  français  ,  40  mille  chevaux  ;  50  miUe 
mulets  &  250  mille  boeufs  ,  moutons  ,  chèvres  ou  pourceaux ,  qui  fervent  à 
i'exploitatian  des  manufactures  ou  à  la  confommation  des  habitans. 

Division  de  la  Colonie  Fraîicaisezn-  trois  parties. 

Cette  Colonie  a  été,  dès  fon  origine  ,  diflinguée  en  trois  portions  qui  forment 
des  divifions  diftinftes  ,  &  qu'on  appelle  Partie  du  Nord ,  Partie  de  l'OueJi  y. 
&  Partie  du.  Sud;  dénominations  prifes  du  point  du  Ciel,  auquel  répond  le 
chef-lieu  de  ces  trois  parties. 

Chacune  d'elles  eft  foumifc  à  un  Commandant  en  fécond ,  qui  reçoit  les  ordres 
immédiats  du   Gouverneur-Général  &   de  l'Intendant. 

Pour  être  plus  clair ,  &  pour  mettre  en  même-tems  le  Lefteur  à  portée  de 
me  fuivre  avec  plus  de  facilité,  j'adopte,  pour  première  divifion,  celle  de  ces  troîs- 
Parties  ;  &  confidérant  que  nulle  autre  clafTification  ne  peut  être  auffi  commode 
que  celle  des  paroifTes ,  je  la  prends  encore  pour  m'aider  moi-même  dans  ks- 
détails  infinis,  que  préfente  une  Colonie  telle  que  celle  de  Saint-Domingue, 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 


10  r- 


PARTIE    BU    NORD. 


Cette  Partie  a  pour  limite  a'iuelle  à  l'Orient ,  la  Colonie  Efpagnole  , 
dont  elle  eft  féparée  par  la  Rivière  du  Maflacre,  depuis  fon  embouchure  jufqu'à 
fon  confluent  avec  celle  de  Capotille  ,  enfuite  par  celle-ci  jufqu'à  fon  confluent 
avec  la  Rivière  de  la  Mine  ,  puis  par  la  Rivière  de  la  Mine  &  par  une 
ligne  qui  va  dans  le  Sud  chercher  le  Piton-des-Ramiers  &  les  Montagnes 
de  la  Mine  &  de  Marie-Gallegue.  La  Partie  du  Nord  fe  trouve  donc  terminée  à 
l'Eft  par  les  Paroiflès  du  Fort-Dauphin  &  d'Ouanaminthe,  limitrophes  de  k 
Colonie  Efpagnole  ;  ce  qui  forme  une  ligne  d'environ  dix  lieues ,  dirigée  du 
Nord  au  Sud  depuis  la  Mer  jufqu'aux  Montagnes. 

Les  bornes  de  la  Partie  du  Nord  dans  le  Sud  &  dans  l'Oueft  font  : 
i^.  Une  ligne  convexe  dirigée,  à-peu-près  ,  de  l'Efl:  -  Nord  -  Efl;  au  Sud- 
Sud-Oueft  qui,  prenant  du  Canton  de  la  Mine  dans  la  Paroifl:e  d'Ouana- 
minthe  vient  fe  terminer  à  la  limite  commune  de  la  Paroifiè  de  la  Marmelade 
&  de  celle  des  Gonaïves  i  ligne  qui,  dans  fa  longueur,  fépare  les  Paroifl^es  fran- 
çaifes,  de  Vallière,  du  Trou,  de  Limonade,  de  Sainte-Rofe  ou  la  Grande-Rivière 
du  Dondon  &  de  la  Marmelade  ,  du  territoire  cfpagnol  -,  &  2°.  une  lio-ne 
fînueufe  qui  ayant  pour  direftion  k  plus  principale  ,  celle  du  Sud-Efl:  au  Nord- 
Ouefi:,  fépare  (  en  allant  du  point  où  k  précédente  finit  jufqu'à  k  Mer  ). 
les  ParoiflTes  de  la  Marmelade  ,  de  Pkifance  ,  du  Gros-Morne  &  de  Jean^ 
Rabel ,  de  celles  des  Gonaïves ,   de  Bombarde  &    du   Môle. 

Enfin  la  Partie  du  Nord  eft  terminée  dans  toute  fa  longueur  Septentrionale,, 
qui  eft  d'environ  quarante-cinq  lieues,  par  la  Mer  qui  baigne  les  Côtes  de 
k  ParoiflTe  du  Mole,  de  Jean-Rabel^du  Port-de-Paix  ,  du  Petit  Saint-Louis 
ou  Saint-Louis  du  Nord ,  du  Borgne  ,.  du  Port-Margot ,  du  Limbe ,  de  l'Acul ,. 
de  k  Plaine  du  Nord,  du  Cap  ,  du  Quartier-Morin  ,  de  Limonsde,  du  Terrier 
Rouge  ,  &  du  Fort- Dauphin. 

C'eft  donc  dans  la  Partie  du  Nord  que  fe  trouve  ,  prefqu'en  entier ,.  le  pro- 
longement Septentrional  dont  j'ai  parlé  à  la  page  3  ,  &   k   furface   de  cette 
Partie  peut  être  évaluée  à  environ  quatre  cens  quatre-vino-t  lieues  carrées. 
La  Partie  du  Nord  n'a.  pas  toujours  été  renfermée  dans  les  limites  aftuellss* 


102 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Par  un  ufage  auiïi  ancien  que  l'établiiTement  de  la  Colonie  Françaife  ,  on  a 
toujours  diftingué  celle-ci  en  plufieurs  portions  ,  fous  le  titre  de  ^artiers,  qu'on 
défigne,  à  leur  tour,  fous  le  nom  du  lieu  principal  de  chacun  de  ces  Quar- 
tier?. C'eft  ainfi  qu'on  a  dit  le  Q^jartier  du  Port-de-Paix ,  le  Quartier  du  Cul- 
de-Sac  ,  le  Quartier  de  Nippes  ,  le  Quartier  du  Cap  ,  &c.  Les  établiflemens 
de  la  Parti.e  du  Nord  ayant  connmencé  par  le  Quartier  du  Port  -  de  -  Paix  , 
celui  -  ci  compofait  d'abord  feul  toute  la  Partie  du  Nord  ;  puis  vint  le  Quar- 
tier du  Cap  ;  pendant  long-tems  il  y  eut  même  un  intervalle  prefquevide  entre 
rextrêmiré  Orientale  du  premier  &  l'extrémité  Occidentale  du  fécond,  &  le 
Quartier  du  Cap  s'étendait  alors  jufqu'à  la  limite  efpagnole  dans  l'Oueft;  mais 
depuis  on  vit  fe  former  le  Quartier  de  Bayaha  ou  Fort-Dauphin  ;  &  la  Partie 
du  Nord  a  été  réellement  fubdivifée  entre  ces  trois  feuls  Quartiers  durant  plus 
d'un  demi-f  ècle. 

Une  ordonnance  du  Roi ,  du  i"-  Avril  1768,  ayant  enfuite  fait  cinq  Quar- 
tiers de  cette  étendue  ,  la  Partie  du  Nord  a  eu  le  Quartier  du  Cap  ,  le 
Quartier  de  Limonade  ,  le  Quartier  du  Limbe  ,  le  Quartier  Dauphin  &  enfin 
le  Quartier  du  Port-de-Paix  qui  s'étendait  encore  alors ,  comme  précédemment , 
jufqu'au  Môle  inclufivement.  Enfin  une  autre  ordonnance  du  Roi ,  du  20  Décem- 
bre 1776,  a  fixé  la  Partie  du  Nord  ,  telle  qu'elle  efl  en  ce  moment,  &  l'a 
compofée  des  cinq  Quartiers  du  Fort-Dauphin,  de  Limonade ,  du  Cap,  du 
Limbe  &  du  Port-de-Paix.  Mais  quoique  par  la  nomenclature  ,  la  Partie  du 
Nord  paraiiTe  n'avoir  rien  perdu  alors  ,  on  lui  a  réellement  ôté  les  Paroifles  de 
Jean-Rabel ,  du  Môle  &  de  Bombarde ,  pour  en  former  un  Quartier,  donné 
à  la  Partie  de  l'Oueft  ,    fous  le   nom   de  Quartier  du  Môle-Saint-Nicolas. 

La  Partie  du  Nord  a  pour  Adminillrateurs  ou  Chefs  particuliers  ,  mais 
communs  à  les  cinq  quartiers ,  un  Commandant  en  fécond,  qui  depuis  1763 
a  remplacé  l'ancien  Gouverneur  de  Sainte-Croix  &  du  Cap ,  &  un  Commiffaire 
Ordonnateur  de  la  Marine  ,  établi  depuis  17 19;  l'un  &  l'autre  réfident  au  Cap. 
Il  y  a,  en  outre,  un  Commandant  particulier  au  Cap  qui  commande  les  trois 
quartiers  du  Cap  ,  de  Limonade  &  du  Limbe  -,  puis  un  Major  réfident  au 
Fort-Dauphin  &  un  autre  Major  en  réfidence  au  Port-de-Paix  &  commandant 
le  quartier  du  même  nom.  Dans  chacun  de  ces  deux  derniers  lieux  efl  un 
pfficier  d'adminiftration.Ces  agens  militaires  ou  civils  font  fous  les  ordres  du  Com- 
niandant  en  fécond  &  de  l'Ordonnateur.  Voilà  la  vraie  divifion  de  la  Partie  du  Nordj 


■^ 


FRANÇAIS  EDE    SAINT-DOMINGUE.       ,03 

celle  qui:  fixe  y^^^^^^  ,  j^^^,^,^  ^^^^^  ^^^^^  dénomination  doit  être  appliquée 
^  La  Partie  du_  Nord  avait  un  tribunal  fupérieur  de  juftice  dont  le  territoire 
était  celui  des  cinq  quartiers  tels  qu'ils  étaient  avant  que  l'ordonnance  du  20 
Décembre  1776  ne  les  changeât.  Mais  cette  cour  qui  portait  le  nom  de  C..>7 
Supneur  du  Cap  que  lui  avait  donné  l'édit  de  fa  création  ,  en  date  du  mois 
de  Jmn  1701  ,  en  l'établiffant  au  Cap,  a  été  fupprimée  par  un  autre  édit  du 
mois  de  Janvier  1787  &  réunie  à  celle  du  Port-au-Prince  pour  ne  former 
qu  une  feule  cour   fous   le  titre   de    Confeil  Supérieur  de  Saint-Domingue 

Chaque  chef-lieu  des  trois  quartiers  du  Cap  ,  du  Fort-Dauphin  &  du  Port- 
de-PaiK  ,  a  une  Sénéchauflee  qui  a  tout  le  territoire  du  quartier  pour  juridiftion  • 
avec  cette  obfervat.on  cependant  que  le  quartier  du  Môle  ,  malgré  fon  comman- 
dement particulier  qui  dépend  de  la  Partie  de  l'Oueft,  n'a  jamais  celTé  d'être 
du  reffort  de  la  juridiélion   du  Port-de-Paix. 

Partout  où  eft   une    Sénéchauffée,  il  y   aufïï  une   Amirauté 
On   compte  dans  la  Partie  du  Nord  ,  vingt  &  une  paroilTes,  favoir  ■  le  Fort 
Dauphin     Ouanaminthe  ,  Vallière  ,  le   Terrier  -  Rouge  &  le  Trou  qui  forment 
la  Senechauffee  du  Fort-Dauphin  .  les  treize  fuivantes  qui   compofent  la  Séné- 
chauffee  du  Cap ,   favo.r  :    Limonade,   Sainte-Rofe    ou    la   Grande  -  Rivière 
le  Q"---Monn    laPetit^^^^        ,  le  Dondon ,  le  Cap,  la  Plaine  du  Nord! 
la  Marmelade,  l'Acul,  le  Limbé ,  Plailance,  le  Port-Margot,   &  le  Borgne 
Et  enfin  le  Gros-Morne  ,  Saint-Louis  du  Nord,   &   k  Port-de-Paix    *"     ' 
appartiennent  à  la  SénéchaufTée  du   Port-de-Paix.  '    ^"^ 

Des  vingt  &  une  paroifîes  qui  forment  la  Partie  du  Nord,  il  y  enadix-fept  qu'on 
appelle  paroiffes  de  plaine  ,  parce  que  leur  furface  contient  une  portion  plane 
plus  ou  moins  étendue  ,  &  quatre  feulement  font  appellées  paroiffes  de  mornes 
parce  qu'on  ne  peut  y  arriver  qu'à  travers  des  montagnes  &  que  les  voiture. 
de  trait  ny  fauraient  parvenir.  Ces  quatre  dernières  font  Vallière,  le  Dondon 
la   Marmelade   &   le  Borgne.  ^uuun  , 

La  Partie  du  Nord ,  canfidérée  dans  fon  enfemble,  renferme  une  plaine  vaft^ 
&  fertile,  qui  porte  le  nom  de  Plaine  du  Cap.  Elle  commence  à  la  rivière  du 
Maffacre  ,  &  fe  termine  à  l'Oueft  de  la  paroiffe  du  Port-Margot^  ce  qui  forme 
une^longueur  d'environ  30  lieues,  fur  une  profondeur  qui  varie  depuis  4  llues  iuC 
qu  a  8  &  qu'on  peut  évaluer  à  fix  lieues  pour  terme  moyen,  à  caufe  des  enfonce» 
mens  des  gorges,  alfez  ordinairement  nommés  Aculs  dans  la  Colonie.  Gett. 


4 


V^K-ii".  ^7 


104        DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

fupei-ficie  d'environ  1 80  lieues  carrées,  eft  cependant  interrompue  quelquefois 
par  des  mcmets  ou  monticules  en  quelque  forte  ifolés  j  par  des  portions  monta- 
gneufes,  telles  que  le  groupe  confidérable  &  élevé  ,  appelle  le  Morne  du  Cap  , 
qui  cerne  la  ville  de  ce  nom  &  qui  fe  ti  ouve  dans  ce  point  de  la  plaine ,  le  long 
même  de  la  côte  ;  &  encore  par  de  petites  chaîoes,  de  la  nature  de  celle  qui 
forme  la  coupe  du  Limbe. 

De  l'extrémité  Occidentale  de  la  plaine  du  Cap  ,  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
Partie  du  Nord  dans  l'Oueft ,  les  bords  de  la  mer  font  en  général  montueux. 
Les  cuifles  de  montagnes  qui  viennent  jufqu'au  rivage  ,  laiiTent  cependant 
entr'elles  de  petits  intervalles  planes ,  mais  qui  n'ajoutent  que  très-peu  à  ce  que 
la  Partie  du  Nord  a  de  furface  plate.  On  peut  donc  dire  avec  vérité  ,  que  plus  de 
ia  moidé  de  la  Partie  du  Nord  eft  en  montagnes ,  plus  ou  moins  élevées. 

La  côte  de  la  Partie  du  Nord  eft  ,  depuis  l'embouchure  de  la  rivière  du 
Maffacre  ,  où  commence  le  territoire  français ,  jufqu'à  l'îlct  du  Limbe ,  plus 
ou  moins  garnie  de  rochers  ou  reffifs  formant  des  bancs ,  entre  lefquels  font 
des  points  de  débarquement,  ou  même  de  grands  mouillages,  tels  que  ceux 
du  Fort-Dauphin ,  du  Cap  &  du  Port-de-Paix. 

Dans  fon  contour  intérieur ,  la  Partie  du  Nord  fe  trouve  comme  féparée  ,  par 

les  montagnes,  de  la  Partie  de  l'Oueft,  qui  eft  entre  elle    &    celle  du  Sud- 

Les  communicadons  de  l'une  à  l'autre  ,    font  même  pénibles.  Autrefois  elles 

n'en  avaient  que  par  mer  ;  enfuite  on  a  paiïe  fur  le  territoire  Efpagnol,  pour 

aller  du  Dondon  au  Mirebalais ,  chemin  qui  exifte  encore  ,  fi  toutefois  il  mérite 

ce  nom,   &  que  M.  de   Chateaumorant ,  Gouverneur-Général  de  la  Colonie, 

décrivait  en  ces  termes  au  miniftre  ,  en  17 16:  „  Je  n'aurais  pu   me  rendre 

par  terre  à  Léogane  ,  quelqu'envie  que  j'en  eulTe  ,  quand  même  ma  fanté  me 

l'eût   permis,  les  chemins  étant  quafi  impraticables.  Il  faut  faire  dix  lieues 

fur  les  terres  efpagnoles  ,  y  coucher  une  nuit ,  &  les  fix  autres  être  à  la  belle 

étoile  ,  après  avoir  marché  tout  le  jour  à  l'ardeur  du  foleil.  Il  y  a  m.ême  des 

,,  montagnes  à  pafîer ,  qu'il  faut  monter  8e  defcendre  à  pied ,  fi  l'on  n'y  veut  pas 

„  courir  rifque  de  la  vie  ,■  les  chevaux  ne  pouvant  pas  quafi  s'y  tenir  „. 

En  17 19,  on  ouvrit  quelques  fentiers  qui  allaient  du  Nord  à  l'Oueft,  fans 
quitter  le  territoire  français  ,  mais  avec  d'incroyables  difficultés  ;  &  ce  n'a  été 
qu'à  la  fin  du  mois  d'Août  1750  ,  que  M.  de  Vaudreuil ,  Commandant-Général 
de  la  Colonie,  fit  ouvrir,  par  cent  nègres  de  corvée,  le  chemin  qui  a  fervi 

jufqu'en 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       105 

jufqu'en  1787.  A  cette  dernière  époque  Ja  réunion  des  deux  Confeils  du  Cap 
&  du  Port-au-Prince,  a  fait  travailler  à  une  route  propre  aux  voitures,  au  lieu 
qu'on  ne  pouvait  aller  auparavant  qu'à  cheval  ,  dans  un  intervalle  d'environ  huit 
lieues ,  &  encore  qu'avec  de  grandes  dilEcultés. 

La  Partie  du  Nord  a  des  avantages  réels  fur  celles  de  l'Ouefl  &  du  Sud. 
Il  en  eft  qui  tiennent  ù  la  nature  de  fon  fol  &  de  fon  climat ,  &  d'autres  qui 
font  dûs  à  fa  pofition  géographique.  Parmi  les  premiers ,  on  doit  compter  celui 
d'avoir  beaucoup  de  rivières ,  de  ruifîeaux  ,  de  ravins  ,  &  de  recevoir  des  pluies 
réglées,  notamment  celles  qui  accompagnent  le  vent  du  Nord,  quoique  depuis 
vingt  ans  leur  périodicité  ait  été  fouvent  remplacée  par  de  longues  &  défaf» 
treufes  féchereffes.  Le  fo]  de  cette  Partie  eft  généralement  plus  produûif  que 
celui  des  deux  antres ,  &  l'on  en  a  la  preuve  dans  l'avantage  inappréciable  de 
pouvoir  s'y  paffer  d'arrofage  ,  qui,  laiflant  l'eau  aux.  moulins  à  fucre  ,  permet 
une  grande  économie  en  animaux  fort  chers  ,  difficiles  à  remplacer ,  &  dont 
l'exiftence  devient  chaque  jour  plus  incertaine  par  les  épizooties.  Ce  n'eft  pas 
qu'on  ne  trouve  dans  les  Parties  de  l'Oueft  &  du  Sud  ,  des  terrains  auffi  fertiles 
que  dans  celle  du  Nord ,  mais  ils  veulent  prefque  toujours  l'arroferaent,  &  tel  fol 
dont  les  produaions  étonnent  l'œil  &  enrichiffent  le  propriétaire  ,  ferait  frappé 
de  ftéfilité  ,  fans  le  fecours  du  principe  aqueux  qui  féconde  la  terre   &  l'embellit. 

L'avantage  géographique  de  la  Partie  du  Nord ,  c'eft  de  fe  trouver  placée 
au  vent  des  deux  autres  -,  ce  qui  dépend  de  l'effet  prefque  totalement  conftant 
des  vents  alifés ,  qui  foufflent  de  l'Eft.  Tous  les  bâtimens  qui  viennent  d'Europe, 
attérixTent  au  haut  de  la  côte  Nord  de  la  Colonie  efpagnoie,  à  caufe  des  danaerl 
qui  exiitent  plus  à  l'Oueft,  &i  que  la  vue  de  ce  point  de  la  côte  aide  à  évkcr. 
Ils  la  fulvent ,  &  viennent  paiTer  devant  le  Nord  de  la  Colonie  françaife ,  où 
les  denrées  de  la  vafte  plaine  du  Cap  les  invite  à  s'arrêter.  Lorfqu'un  bâtimene 
part  du  Cap ,  il  a  le  débouquem.ent  le  plus  proche  &  le  moins  dangereux  ;  tout 
concourt  donc  à  mériter  la  préférence  à  un  lieu  qui ,  en  tems  de  guerre  furtout , 
promet  une  traverfée  plus  courte  ,  une  fortie  plus  facile  &  plus  de  probabilités 
pour  trouver  un  convoi. 

De  ce  que  le  Cap  reçoit  &  attire  plus  de  bâtimens  que  les  autres  ports  de 

îa  Colonie ,  il  en  réfulte  d'autres  avantages  pour  la  Partie  du  Nord  i   c'eft  que 

les  denrées  y  font  avantageulément  vendues  ;  c'eft  que  leur  débouché  eft  plus 

certain  pendar.t  la  guerre;  c'eft  qu'elle  offre  les  meilleures  marchandifes,  parce  que 

To?ne     I.  '  Q 


V 


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-^TKSl"*^ 


îo5        DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

h  concurrence  qu'on  redoute ,  confeille  de  n'en  apporter  que  de  bonnes  qualités  j 
c'eft  enfin  ,  d'offrir  plus  de  reffources  pour  la  fubîîftance  des  efclaves  ,  quelque 
calamité  qu'on  puiffe  éprouver.  D'un  autre  côté  ,  le  Cap  écant  un  lieu  qui 
réunit  des  établiffemens  de  tous  les  genres ,  la  circulation  du  numéraire  y  eft 
plus  rapide  qu'ailleurs  ;  &  l'induftrie ,  quelque  forme  qu'elle  veuille  prendre , 
eft  prefque  fûre  d'y  être  encouragée. 

La  Partie  du  Nord  eft  la  première  que  les  Français  aient  établie  ,  &  elle  eft 
encore  la  plus  importante  par  fa  fituation  ,  m-ilitairement  parlant ,  par  fes 
richeffes  &  par  fa  population.  Sur  fa  furface  d'environ  quatre  cent  quatre-vingt 
lieues  carrées  ,  comme  je  l'ai  déjà  dit ,  on  peut  compter  à-peu-près  feize  mille 
Blancs  de  tout  âge  ,  dont  plus  des  deux  tiers  font  du  fexe  mafculin  ;  neuf  mille 
gens  de  couleur  libres ,  prefqu'en  nombre  égal  dans  chaque  fexe,  &  cent  foixante- 
dix  'mille  efclaves  ,  parmi  lefquels  le  rapport  des  nègres  eft  à  celui  des  négreffes 
comme  neuf  eft  à  fept.  La  Partie  du  Nord  renferme  à  elle  feule,  288  fucre- 
ries  j  443  indigcteries  j  66  cotonneries  ,  2,009  cafeteries  ,  46  guildiveries  ,  19 
briqueteries  5  6  tanneries,  les  feules  qui  exiftent  dans  la  Colonie,  125  fours  à 
chaux,  II  poteries,  7  cacaoyères  ou  cacaotières ,  15  mille  chevaux  ,  24  mille 
mulets,  &  8S  mille  autres  animaux,  tels  que  bœufs,  moutons,  chèvres  ou 
cochons. 

Les  nègres  ont ,  dans  la  Partie  du  Nord  ,  une  manière  de  fe  nourrir  , 
qui  n'eft  pas  la  même  que  dans  les  deux  autres  parties.  Ils  y  préfèrent  la  caffave 
à  l'ufage  des  racines ,  &  en  général  ils  y  font  plus  induftrieux  &  mieux  traités, 
La  culture  eft  aufTi  pouilée  plus  loin  au  Nord ,  &  l'art  de  fabriquer  le  fucre  , 
y  a  fait  des  progrès  qu'on  n'égale  peint  encore  dans  le  refte  de  la  Colonie. 
Il  faut  dire  de  plus  ,  parce  que  c'eft  la  vérité  ,  qu'on  y  trouve  une  plus  grande 
fociabilité ,  &  des  dehors  plus  polis.  Il  y  a  même  une  forte  de  rivalité  jaloufe  , 
de  la  part  de  l'Oueft  &  du  Sud  à  cet  égard  ,  &  elle  fervirait  au  befoin ,  de 
preuve  à  cette  obfervation.  La  plus  grande  fréquentation  des  bâtimens  euro- 
péens y  place  les  premiers  faccës  de  la  mode ,  &  par-tout  oij  ri  y  a  des  Français , 
la  mode  a  des  adorateurs.  Le  luxe  y  a  donc  un  culte  très-fuivi ,  &  c'eft  da 
Cap  5  comime  d'un  centre  qu'il  répand  fes  jouiffances  &  fes  maux.     • 

Je  ne  dois  pas  omettre  ,  en  vantant  la  Partie  du  Nord  ,  de  dire  qu'elle 
éprauve  plus  rarement  que  les  deux  autres,  ces  coups  de  vent  funeftes,  ces 
ouragans  furieux  ,   qui  détruifent    abfolument  l'efpoir   &   la  récompenfe   da 


■^r 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       107 

cultivateur,  &  qui  femblent  être  une  guerre  des  élémens  entr'eux  Elle  n'eft  pas 
non  plus  menacée  de  fubverfion  comme  celle  de  l'Oueft  ,  par  ces  commo- 
tions violentes  où  l'on  croit  fentir  la  terre  vaciller  fur  fon  axe  ,  &  où  la  demeure 
de  l'homme  devient  tout-à-coup  fon  tombeau. 

Les  églifes  de  la  Partie  du  Nord  ont  eu  originairement  des  Capucins  pour 
pafteurs ,  &  l'on  a  vu  parmi  eux  ,  des  prêtres  &  des  religieux  de  divers  ordres  , 
qu'on  prenait  pour  affurer  le  fervice  divin.  En  1704,  les  capucins  ne  pouvant 
plus  fournir  les  fujets  néceffaires  ,  ils  abandonnèrent  cette  miffion  ;  &  les 
fils  de  Loyola  remplacèrent  les  difciples  de  Saint-François.  Ils  la  gardèrent  jufqu'à 
leur  expulfion  de  la  Colonie  ,  à  la  fin  de  T763.  Les  prêtres  féculiers  en  ont  été 
chargés  depuis  lors  jufqu'en  1768  ,  qu'elle  eft  repailée  aux  Capucins  ,  qui 
la  deffervent  en  ce  moment. 

Ce  ferait  une  entreprife  &  longue  &  difficile  ,  que  de  comparer  ,  fous  tous 
les  rapports  ,  la  Partie  du  Nord  avec  celles  de  l'Oueft  Se  du  Sud  ,  &  encore  les 
exceptions  partielles  empêcheraient-elles  fouvent  cette  comparaifon.  Au  lieu 
de  ce  travail  peu  fatisfaifant ,  je  crois  devoir  attendre  que  l'ordre  de  la  def- 
cription  me  fourniffe  des  particularités  à  citer  ou  des  obfervations  à  faire  ,  & 
qui  ferviront  en  même-tems  à  bien  caraélérifer  le  lieu  dont  je  parlerai ,  &  la 
partie  de  la  Colonie  dont  ce  lieu  dépendra.  Le  Le6leur  pourra  ainfi  prendre  une 
opinion  j  qui  fera  véritablement  la  fienne. 


ARTIER    DU     FORT-DA 

L 


P  H  î  N, 


Paroisse     du     Fort-Dauphin, 

Cette  paroifie  commence  avec  la  côte  Nord  de  la  Partie  Françaife  de 
!a  Colonie  de  Saint-Domingue  ,  &  par  conféquent  à  l'embouchure  de  la  rivière 
du  Maflacre  ,  qui  eft  la  limite  commune  avec  la  Colonie  Efpagnole.  Elle  a 
elle-même  pour  borne  à  l'Eft ,  la  ligne  de  la  frontière  efpagnole  &  la  paroifTe 
d'Ouanaminthe. 

D'après  l'ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  23  Avril  1759  (*)  ,  cette  limite 

(*)  Voyez  Loix  de  Saint-Domingiie,  vol.  4.  'm-ÂX°'  page  255  »  recueillies  &.  publiées  par  l'Auteur, 

O   2 


*1 


r    ' 


ïo8 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Orientile  efl  ainfi  dirpofée.  D'abord  h  rivière  du  MaûVcre  jufqu'aa  poini:  de 
l'habirarion  Vaubbnc ,  d'où  une  ligne  allant  de  i'Eft  à  l'Ouell  ,  rencontrerait 
la  barrière  de  h  mênie  habitation  ;  puis  de  cette  barrière  le  grand  chemin 
du  Fort-Dauphin  à  Ouanaminthe  ,  entre  les  habitations  la  Tsfr.'  &  Lamberc 
Camax ,  jufqu'au  gué  de  la  rivière  la  Matrie  ,  appelle  /.2  PûOe  à  la  Tcfte  i 
ou  TaJlfe  aMencir;  de  là  c'eft  le  cours  de  la  Matrie  qui  forme  la  borne  'ufqu'à 
une  autre  pafie  ou  gué  vulgairement  nommé  la  Paji  à  Dép's  ;  puis  de  cette- 
Paffe  à  Dépé  c'eft  une  ligne  droite  qui  va  au  fommet  du  Morne-Chapelle^ 
&  de  celui-ci  jufqu'au  Morne-organifé  que  l'éreclion  de  la  paroilTe  de  Vallière 
a   enlevé  à  celle  du   Fort-Dauphin. 

Au  Nord  ,  la  paroifîe  du  Fort-Dauphin  a  k  Mer  pour  terme.  A  l'Oueft 
elle  trouve  la  paroiffe  du  Terrier-Rouge ,  c'eft-à-dire  ;  d'abord  vers  la  côte  ^ 
une  partie  des  Fonds-Blancs,  qu'un  chemin ,_  courant  Nord  &  Sud  &  paffant 
dans  l'Ell  des  Mamelles  ,  fépare  du  refte  des  Fonds-Blancs  qui  appartiennent 
à  la  ParoilTe  du  Fort-Dauphin;  enfuire  le  canton  du  Terrier-Rouge  propre- 
ment dit,  puis  k  canton  du  Grand-Baffin.  Après  cela  elle  eft  contigue  à  une 
portion  de  la  ParoilTe  du  Trou,  dont  celle  du  Fort  -  Dauphin  fe  trouve  féparée 
par  la  rivière  Marion  juiqu'à  Ion  confluent  avec  la  rivière  de  l'Acul  de  Samedi 
&  par  cette  dcïnière  rivière  en  gagnant  la  cim.e  de  la  montao-ne  de  l'Acul 
de   Samedi. 

Au  Sud  ,.  eil  encore  une  portion  de  la  paroiffe  de  Vallière  ,  dont  celle  du- 
Fort-Dauphin  fe  trouve  féparée  dans  cet  endroit,,  parle  fommet  des  montao-nes 
de  l'Acul-de-Samcdi  ;  enfuite  la  paroiffe  d'Ouanaminthe  vers  les  montao-nes. 
de  l'Acul-des-Pins ,  &  le    Morne-organifé.. 

La  rivière  du  Maffacre,  qui  tire  fon  nom  des  anciens  meurtres  que  les  Bouca- 
niers &  les  Elpagnols  ant  réciproquement  com.m.is  fur  fes  bords,  en  difputant 
le  territoire,  a  pour  nom  efpagnol  Daxabon  &  pour  nom  indien  Guatapana^ 
Elle  eft  le  terme  des  poffeffions  françaifes  dans  cette  partie ,  &  fon  cours  ainfi 
que  fa  pêche  ont  été  déclarés  communs  aux  deux  nations  par  le  traité  des^ 
limites   du  3  Juin    1777.. 

A  environ  deux  mille  cinq  cens  toifes  de  Çon  embouchure ,  eft  un  premier 
ilet  défigné  par  l'épithéte  de  Petit  Jjlet  ou  IHet  des  Caymans,  &  qui  commençant: 
à  la  pyramide  N^  2,  va  jufqu'à  celle  N^  6.  Cet  î!et  eft  partagé  entrer 
k  France  &  l'Efpagne ,  &  la  portion  françaifc  a  écd  concédée  à  l'habitation-. 


■^ 


^m 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       109 

Dvpïn  ,  qu'elle  touche.  En  concmuant  à  remonter  la  rivière  au-ciefTus  de  ce 
premier  îiet,  elle  ne  forme  qu'un  feul  bras,  pendant  environ  deux  cens  toiftî. 
C'cll  à  l'un  des  points  de  cet  intervalle  &  au  -  deffas  de  la  pyramide  N^. 
7  ,  qu'était  une  prife  d'eau  pour  Tufage  des  cinq  moulins  à  lucre  des  habitations 
riveraines  du  Maffacre ,  à  l'extrémité  du  bas  Maribarou  ,  &  dépendantes 
de  la  paroiire  du  Fort-Dauphin.  A  cette  dillance  de  deux  cens  toifes  ,  commence 
le  grand  îlet  du  Maffacre  ,  connu  fimplement  fous  le  nom  d'IJIei  du  Mo.p.cre 
partagé  dans  fa  longueur,  qui  eft  d'environ  4,800  toifes,  par  les  pyramides  ' 
depuisleN^.  Sjufqu'auN^.  17;  de  manière  que  chacune  des  deux  puiffances 
a,  à-peu-près ,  la  moitié  de  fa  furface. 

Une  preuve  que  l'adoption  de  la  rivière  du  Maffacre  pour  borne ,  a  favorifé 
les  feules  prétentions  efpagnoles  ,  c'efl  que  le  grand  îlct  du  Maffacre  était 
eonfidéré  dans  fa  totalité  ,  comme  une  propriété  francaife  ,  lorfque  le  roi  le 
concédait  en  1754  au  Duc  de  Noailles ,  au  Duc  d'Ayen  fon  fils  &  au  Marquis 
de  Montclar,  fils  du  Duc  d'Ayen.  Les  démêlés  des  limites  s'étant  oppofés  à 
îa  prife  de  poffeffion ,  le  Duc  d'Ayen  devenu  Duc  de  Noaiiles  ,  &  le  Marqui'^ 
de  Montclar,  alors  Marquis  de  Noailles  ,  obtinrent  au  mois  de  Novembre 
1768,  des  lettrcs-pattentes  confirmatives  des  premières.  Enfin,  le  traité  des  limites 
de  1777  ayant  borné  à  la  moitié  le  droit  de  la  France  fur  cet  ilet,  de  nouvelles 
lettres-patentes  du  mois  de  Mars  1778  ,  ont  confirmé,  quanta  cette  cortion ,  celles 
de  1754  &  de  1768. 

Cette  conceffion  confidéiée  alors  comme  formant  une  fuperficie  d'environ 
420  carreaux,  a  été  vendue  le  1  Février  1780,  par  MM.  le  Maréchal  &  le 
Marquis  de  Noailles,  à  MM.  Parades  &  Pittaubert  pour  une  fomme  confidé- 
rable ,  dont  il  ne  reliait  plus  dû  que  cent  mille  livres  tournois  ,  au  mois  de 
Janvier  1787.  Cette  conceffion  eft  un  des  trop  fréquens  exemples  qu'offre  ^aint- 
Domingue,  de  l'abus  de  la  faveur.  A  combien  d'ufages  utiles  ne  pouvait-Jn  pas 
deftiner  la  moitié  de  l'îlet  du.  Maffacre  ?  Par  exemple  ,  à  dédommager  ,  même  en 
nature,  plufieurs  propriétaires  dépouillés  par  le  traité  des  limites  ,  ou  du  moins  à 
former  avec  fa  valeur  ,  quelques  établiffemens  publics 

L'îlet  du  Maffacre  a  été  divifé  le  5  Mars  1784,  entre  MM.  Parades  & 
?.t  aubert  (  après  en  avoir  vendu  50  carreaux  à  l'habitation  Gourgues  ^  o  a 
I^.bjtation  Tavau).  Laportio.de  M.   Pittaubert  qui   eft  la  plus  M    idL  le 


U  où  il  avait  commencé  les  plantations  U  les  conftrufti 


ons  néceffaires  à  une 


l 


^^^ 


ÎIO 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


fucrerie,  a  pour  propriétaires  actuels  MM.  TeftarJ  &  Lalanne,  négocians  du  Cap. 
Il  V  a  fur  cette  habitation  une  briqueterie  -  tuilerie  ,  êc  un  four  à   chaux. 

Le  bras  droit  du  MafTacre  qui  borde  Tîlet  à  l'Eft ,  fe  nomme  la  rivière  de 
Don  Sébailien  j  ou  le  Bras-Efpagnol.  Il  efc  très-encombré,  &  fe  trouve  à  fec 
lorfque  le  bras  français  ou  Occidental  ,  a  encore  une  tranche  d'eau  de  8  à  9 
pouces  d'épailTeur.  Le  bras  français  eft  auffi  connu  fous  le  titre  de  Bras  gauche 
du  Maffacre,  dénomination  très  -  faudve ,  parce  que  la  ligne  qui,  fuivant  le 
traité  des  limites ,  borde  le  grand  îlet  dans  fa  partie  Oucft,  depuis  un  point  qui 
correfpond  à  -  peu  -  près  au  milieu  des  pyramides  N°^'-  11  &  I2,jufqu'àla 
pyramide  N°-  7  ,  eft  réellement  formé  1°.  Par  un  foffé  creufé  de  main  d'homme  , 
pendant  environ  trois  cens  cinquante  toifes  en  ligne  droite  ,  &  2°.  Par  la  Ravine- 
à-Coufms,  qu'on  doit  encore  bien  diltinguer  du  vrai  bras  gauche  de   la  rivière 

du  Maffacre. 

En  effet,  un  arrêt  du  Confeil  du  Cap,  du  mois  de  Juillet  17S4,  ajugé 
qu'il  fe  trouve  ,  entre  la  Ravine-à-CouHns  qui  fe  jette  dans  le  Maffacre  ,  un  peu  au 
Sud  de  la  pyramide  N°-  7  &  le  bras  gauche  du  Maffacre  ,  une  portion  de 
145  carreaux  ,  qu'il  a  adiugés  à  MM.  Bedout  &  Croifeuil ,  malgré  les  préten- 
tions des  ceffionnaires   de  MM.  de  Noailles. 

Ainfi  les  archives  de  ce  tribunal  fupérieur  renferment  le  traité  des  limites  de 
1777,  qui  adopte  comme  bras  gauche  du  Maffacre,  la  Ravine-à-Coufins  j  & 
fon  arrêt  de  1784  ,  qui ,  d'après  des  plans  du  local ,  des  procès  verbaux  &  une 
difcuffion  très-étendue  ,  a  prononcé  que  le  traité  des  limites  a  dans  cette  partie 
de  rîlet  du  Maffacre  ,  facrifié  72  carreaux  &  demi  du  territoire  français ,  puif- 
qu'il  aengoblé  dans  cet  îlet,  qu'on  devait  partager  en  deux,  145  carreaux  qui  n'en 
dépendent  pas. 

Mais  ce  n'eft  pas  à  cette  quantité  que  fe  borne  le  préjudice ,  puifque  foixante 
carreaux  font  reftés  encore  compris  dans  le  Sud  de  la  portion  recouvrée  par 
MM.  Bedout  &  Croifeuil ,  entre  le  bras  gauche  réel  du  Maffacre  &  une  partie 
de  la  Ravine-à-Coufms ,  &  le  foffé  qui  donne  l'eau  au  moulin  de  l'habitation 
Lambert  Camax  ;  ce  qui  exigeait  un  dédommagement  de  trente  carreaux  de  la 
part  des  Espagnols ,  auxquels  on  ne  peut  cependant  imputer  cette  vicieufe 
démarcation.  Ils  ne  connaiffaient  ni  le  foffé  Lambert  Camax  j  ni  la  Ravine-à- 
Coufins  ;  tandis  que  nous  avions  nous  ,  des  plans  ,  une  tradition ,  des  témoins 
oculaires ,  &  que  j  com-me   le  difait  Don  Garcia ,  commiffaire  des  Espagnols 


4» 


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FRANÇAISE    DE    S  A  J  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.       m 

pour  Ja  délimitation  entre  les  deux  nations ,  M.  de  Choifeul  qui  agiffait  pour 
là  France  ,  ne  peut  prétendre  qu'on  lui  ait  jamais  fait  une  objection  -,  ce  qui 
d'ailleurs  était  conforme  aux  inflruftions  de  la  Cour  d'Ernao-nc. 

La  portion  Parades  dans  la  conceffion  primitive  ,  &  qui  n'eft  plus  que  de 
128  carreaux,  eft  noyée,  inculte  &  afFcrmée  depuis  1785  à  l'habitation  Vaubknc 
qu'elle  avoifine.  La  Partie  Efpagnole  de   l'îlet  eft   auffi  fans  culture. 

L'embouchure  du  Mafiacre  eft  acceffible  à  des  chaloupes ,  &  les  Efpagnob 
y  ont  mis  de  leur  côté  un  corps-de-garde.  Des  idées  de  fureté  &  non  de 
fifcalité  ont  fait  placer  depuis  quelques  années  fur  la  rive  Oueft ,  trois  pièces 
de  canon  pour  préferver  cette  embouchure  ,  quoique  bien  éloignée  de  toute 
entreprife  utile. 

J'ai  dit,  qu'à  cette  embouchure  qui  eft  dans  la  Baie  de  Mancenille  ,  com- 
mence la  côte  françaife  ,  au  Nord.  En  la  fuivant  ,  il  y  a  deux  lieues  &  un 
quart  depuis  le  Maflacre  jufqu'au  Fort-Saint-Louis  ou  Fort-la-Bouque.  Dans 
cette  étendue  qui  offre  une  côte  toute  de  fer  &  élevée  de  vingt  pieds  au-deffus 
de  la  mer,  on  ne  trouve  de  points  acceffibles  que  la  Tour,  lieu  placé  à  150 
toifes  de  l'embouchure  du  Maffacre  &  où  il  y  a  un  corps-de-garde  ;  l'embar- 
cadère de  Baux  3410  toifes  plus  loin  ;  l'embarcadère  de  la  Petite -Melonnière 
à  840  toifes  du  précédent;  puis  â  815  toifes  de  ce  dernier,  celui  de  la  Grande- 
Melonnière  où  eft  une  batterie  &  d'où  l'on  compte  encore  2,330  toifes  jufqu'au 
Fort-!a-Bouque.  Tous  ces  endroits  ,  fort  improprement  appelles  embarcadères  , 
puifqu'on  n'y  tranfporte  ni  denrées  ni  approvifionnemens ,  ne  font  que  des  points 
militaires  dont  on  furveilie  l'accès  pendant  la  guerre. 

Le  Fort-la-Bouque  eft  fur  la  pointe  Eft  de  la  Baie  du  Fort-Dauphin ,  dont 
la  beauté  avait  donné  lieu  au  premier  nom  qu'elle  reçut  des  Efpagnols  bc  qui 
devint  celui  de  toute  cette  partie  de  l'île.  Eaya-ha  !  exprimait  en  effet  la  jufte 
admiration  que  fait  éprouver  l'afpeft  de  cette  magnifique  baie  où  les  plus 
nombreufes  flottes  pourraient  être  réunies  &  trouveraient  les  commodités  navales  ' 
qui  dépendent  de  la  fituation  ,  difpofées  par  la  nature  d'une  manière  bien  fupé- 
rieure  à  tout  ce  que  l'art  pourrait  créer,  foit  peur  caréner,  foit  pour  réaarer 
les  vaiffeaux.   M.  de  Verdun  y  caréna  fa  frégate  au  mois  de  Mai    1778. 

L'entrée  de  la  baie  du  Fort-Dauphin  eft  un  véritable  goulet ,  dirigé  à-peu-près 
Nord  &  Sud  fur  une  longueur  de  1,317  toifes,  &  dont  l'ouverture  a  390  toiies  à 
partir  de  la  Pointe  du  Fort-ia-Bouqueàl'Eft,jufqu'àla  Pointe-Noire  à  l'Oueft,Il^ 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


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ens'élargiffantvcrs  la  baie  où  il  finie  par  avoir  475  toifes. Ce  goulet,  quia  depuis  qua- 
forzejufqu'ci  trente-cinq  braffcs  de  profondeur,  ell  défendu,  d'abord  par  les  33  piè- 
ces de  canon  du  Fort-la-Bouque,  mot  francifé  de  l'efpagnol  Bccû,  qui  fignifie  entrée, 
bouche ,  &  dont  une  prononciation  vicieufe  fait  déjà  le  fort  la  Boucle  ;  en 
fécond  lieu  par  la  batterie  de  l'Anfe  de  32  pièces  ,  qui  efu  à  380  toiles  du  Fort- 
la-Bouque  ;  puis  par  le  Fort-Saint-Charks  de  1-2  pièces,  placé  à  412  toifes 
plus   loin  &  que  fuit  à  525  toifes  le  Fort-Saint-Frédéric  de    9  pièces. 

La  Côte  qui  borde  l'Oueft  du  goulet  a  1,740  toifes  de  long  ainfi  divifées  • 
Ï40  de  la  Pointe-Noire  ,  qui  eft  un  peu  hors  du  goulet ,  jufqu'à  celle  de  l'Anfe- 
à-Falaife  i  375  de  celle-là  à  celle  du  Bec-à-Marfouin  ;  300  enfuite  jufqu'à  la 
Pointe-Lucas,  que  précède  l'Anfe-à-la-Houe  ,  &  de  la  Pointe-Lucas  à  celle 
du  Baril-de-Bceuf  22s  i  445  toifes  pour  gagner  la  Pointe-à-BriiTon  ou  Briffbn  , 
-avant  laquelle  eft  l'Anfe-du-Carénage  j  &  enfin  345  autres  toifes  pour  arriver  à 
ia  pointe  qui  termine   le   goulet  dans  le  Sud. 

Le  Lefteur  fe  convaincra  facilement,    par  le   plan  géographique   èc  la  vue 

perfpeftive  du   Fort-Dauphin   qui  font   partie  de  l'Atlas  ,  que  la  plus  grande 

dimenfion  de  la   baie  ell  de  l'Eft  à  l'Oueft.    Elle  a  dans  ce  fens  près  de  deux 

lieues  fur  une  largeur  moyenne  Nord  &  Sud  d'une  forte  demi-lieue.  En  fuivant 

dans  l'Eft  le  contour  de  la  baie  ,  on  tiouve  à  4G0  toifes  du  fort  Saint-Frédéric, 

i'Anfe  du  Grand-Carénage ,  que  termiine ,  à  500  toifes ,  la  Pointe-des-Écoutes. 

De  celle-ci  aux  Cazes-Duvivier,  il  y  a  environ  une  demi-lieue  ,  &:  de  ces  Cazes 

gagnant  vers  le  Sud-Eft  ,  on  trouve  à  environ  trois-quarts  de  lieue,  la  Pointe- 

'  Péchereau  qui  forme  une  avancée  dans  l'Oueft,  &  qui  couvre  dans  le  Sud  l'ancien 

embarcadère  de  la  Saline-aux-Boeufs.    C'eft   en   allant   de   la   Poinre-Péchereau 

dans  le  Sud,  qu'on  rencontre  fucceffivement  à  800  toifes  les  Cazes-de-Nanette , 

à  1800  autres ,  celles  de  Moineau  &  à  une  lieue&  demie  ,  celles  de  Derfac  qui 

ne  font  qu'à  130  toifes  de  l'embouchure  de  la  Rivière-à-canon.  A  un  quart  de 

lieue  de  cette  embouchure  ,  eft  la  Crochue  qui  eft  le  point  le  plus   Sud  de  toute 

la  baie ,  &  qui  fert  d'embarcadère  aux  pareilles  d'Ouanaminthe  &  de  Vallière 

&  à  prefque  toute  celle  du  Fort-Dauphin. 

On  compte  près  d'une  lieuede  la  Crochue  ,  établie  en  1733  par  M.  Baudin 
de  la  Craye  ,  au  bout  Sud-Eft  de  la  ville  du  Fort-Dauphin. 

En  partant  de  l'extrémité  de  la  citadelle  qui  a  le  même  nom  que  la  ville 
&  oui  eft  preique  Nord  &  Sud  avec  l'entrée  de  la  baie  ,  &  contournant  celle- 


^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       jij 

cl  en  gagnant  l'Oueft,  on  trouve  ,  à  une  lieue  ,  l'embarcadère  à  Caron ,  qui  eft 
iui-i-nême  à  une  demi  -  lieue  de  l'embouchure  de  la  rivière  Marion ,  placée 
à  un  quart  de  lieue  de  l'embarcadère  Girard.  De  cet  embarcadère ,  on  va  au  cul-^ 
de-fac  Dujarriay ,  dont  la  pointe  Sud  eft  à  900  toifes ,  &  qui  a  1,800  toifes  de 
contour.  De  la  pointe  Nord  de  ce  cul-de-fac  ,  on  fait  une  grande  lieue  pour 
atteindre  le  point  qui  répond  aux  bâtimens  de  l'habitation  Meyer,  puis  670  toifes 
pour  gagner  les  bâdmens  Mathieu ,  &  deux  lieues  un  quart  pour  fe  trouver  à 
la  grande  pointe  à  BrifFon ,  par  laquelle  eft  terminé  le  tour  de  la  baie  ,  qui  a 
plus  de  dix  lieues  par  fes  diverfes  finuofités. 

Cette  baie  a  cinq  îlets.  Un  à  900  toifes  &  prefque  dans  i'Eft  de  la  pointe  où 
eft  le  fort  Saint-Frédéric  ;  un  fécond  appelle  l'Iflet  à  Séran,  à  cent  toifes  au  Nord 
de  la  pointe  Péchereau  ;  &  le  troifième  ,  nommé  l'inet  à  Garnier  ,  à  600  toifes 
au  Sud  de  la  même  pointe.  Le  quatrième,  l'Iflet  des  Oifeaux  ou  llflet  Fouar- 
dière  ,  eft  à  une  demi-lieue  dans  l'Oueft-Sud  Oueft  de  la  pointe  à  BrifFon  ; 
&  le  cinquième ,  l'Iflet  à  Boyau  ou  des  Boucaniers ,  à  900  toifes  dans  l'Oueft- 
Nord-Oueft  de  la  citadelle  du  Fort-Dauphin.  Le  premier  ,  le  fécond  &  le 
quatrième  îlets  font  fort  petits;  le  troifième  l'eft  un  peu  moins,  &  l'îflet  à 
Boyau  ,  le  plus  grand  de  tous  ,  a  160  toifes  de  long,  fur  80  de  large.  Il  a  été 
célèbre  autrefois,  parce  qu'il  fervait  de  retraite,  avant  1662,  aux  Boucaniers 
qui  venaient  chafl:cr  des  bœufs  aux  environs  de  cette  baie  ;  &  encore  en  1733  , 
cet  îlet  était  connu  fous  le  nom  d'Iflet  des  Boucaniers.  Il  a  éré  long-tems  queftion 
de  le  fordfier,   &  l'on  peut  en  faire  un  utile  carénage. 

L'élévation  des  terres  qui  féparent  la  baie  de  la  mer  ,  la  garantit  parfaitement  ; 
de  manière  qu'il  y  règne  toujours  un  calme  aufll  précieux  que  fa  bonne  tenue. 
Elle  a  encore  un  avantage  dans  la  chaîne  de  refiîfs ,  larges  &  prefqulà  fleur 
d'eau ,  qui  font  en  dehors.  En  effet  ,  ils  protègent  une  côte  baiTc  qui  eft , 
depuis  i'Oueft  du  goulet  ou  la  pointe  Noire  ,jufqu'aux  Efters  des  Fonds-Blancs  , 
fitués  à  deux  lieues  un  tiers  de  la  pointe  Noire,  &  ajoutent  une  féconde  défenfe 
naturelle  aux  mangles  ,  qui  eux-mêmes  rendent  les  débarquemens  très-diiîiciles. 
Les  reffifs  ne  laifi^ent ,  outre  l'entrée  de  la  Bouque ,  que  deux  ou  trois  pafl^ages  5 
mais  fi  étroits  &  fl  peu  profonds  ,  qu'un  canot  pourrait  à  peine  y  pénétrer. 

La  ville  du  Fort-Dauphin   eft  bâtie  fur  une  portion  de  terrain   qui  avance  au 
Nord  ,  di  dont  l'extrémité  ,  qui  eft  prefqu'au  centre  de  la  baie  ,  porte   la  cita- 
delle. Cette  ville  a  eu   pour  origine ,  le  double  defliin  de  protéger  une  magni- 
Tûtne     I,  p 


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114       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

fique  baie ,  où  l'ennemi  aurait  pu  fe  repofer ,  fe  réparer  &  même  tenter  une 
defcente  qui  aurait  inquiété  la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie  ,  &  de  s'oppofer 
aux  incurfions  des  Efpagnols  ,  dont  j'ai  fait  voir  (*)  que  les  réclamations 
comprenaient  toujours  le  quartier  de  Bayaha.  Dès  les  premières  entreprifcs  des 
Aventuriers  &  celles  des  Flibuftiers  &  des  Boucaniers  ,  qui  leur  fuccédèrent , 
ceux-ci  avaient ,  comme  je  l'ai  déjà  obfervé  ,  formé  un  établiffement  à  l'Iflet  à 
Boyau;  mais  cet  établiffement ,  quoique  fucceffivement  augmenté  ,  était  accom- 
pagné d'inquiétudes  continuelles  de  la  part  des  Efpagnols  ,  contre  lefquels  on 
marcha  plufieurs  fois.  Un  mémoire  du  Père  Le  Pers ,  Jéfuite,  écrit  à  Saint- 
Domingue  en  1714,  porte  qu'alors  un  nomm.é  Bénard  ,  furnommé  Maringoidn , 
avait  une  hatte  dans  le  quartier  de  Bayaha  oij  il  s'était  toujours  maintenu  ,  malgré 
les  Efpagnols ,  qui  ne  rétablirent  leurs  hattes  en  deçà  du  Rebouc  ,  qu'après  la 
paix  de  Rilwick,  faite  en  1698. 

M.  de  Galiffet,  le  premier  qui  connut  &  qui  vanta  l'importance  de  Bayaha, 
s'occupa  efficacement ,  au  commencement  du  fiècle  afluel  ,  de  donner  des 
habitans  à  cette  partie.  Il  y  plaça  en  1701 ,  plufieurs  foldats  congédiés.  Quelques- 
uns  y  formaient  ,  par  rapport  aux  Efpagnols  ,  ce  qu'on  nommait  alors  une  vigie, 
deftinée  à  avertir  de  leurs  mouvemens  -,  &  en  170J  ,  ils  avaient  formé  un  bourg 
français  àt  Bayaha  ^  dont  le  curé  fe  nommait  alors  l'abbé  Rio.  En  1714,011 
comptait  plufieurs  fucreries  &  un  certain  nombre  de  hattes  dans  cette  dépen- 
dance ,  &  c'était  le  lieu  de  la  Partie  du  Nord  où  il  fe  fabriquait  le  plus  d'indigo 
à  cette  époque.  On  défirait  tellement  d'accroître  les  progrès  de  Bayaha,  qu'une 
ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  20  Juin  171 1  ,  y  accordait  préférablement 
des  conceffions ,  &  que  le  3  Décembre  1715  &  le  14  Septembre  1717,  ils 
réunirent  celles  qui  n'avaient  point  été  établies. 

Ce  bourg  dont  la  fituation  ne  pouvait  remplir  que  le  feul  deffein  d'être  plus 
à  portée  de  furveiller  les  Efpagnols,  qui  avaient  tout  ravagé  en  1691  &  en  1695 
&  de  les  repouffer ,  fut  abandonné  pour  la  ville  aftueUe ,  où  les  habitans  furent 
îranfportés ,  &  qui  fe  nomma  auffi  Bayaha. 

Cette  tranflation  fut  due  principalement  aux  repréfentations  de  M.  le  Chevalier 
de  la  Rochalar  ,  Gouverneur-Général  ,   fur  l'importance  de  la  baie  ,  &    elle 


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(*)  Voyxz  l'Abrégé  Hilloriciue  ,  à  la  tête  du  premier  volume  de  ma  Defçription  de  la  Partie, 
Efpagnole. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       n^ 

s'efFe6tua  en  1725.  Il  obtint  auffi ,  par  des  lettres-patentes  du  7  Août  1726, 
celle  de  la  Sénéchauffée  qu'avaient  établie  au  Trou,  en  1725,  des  lettres-patentes 
du  mois  d'Août  1724 ,  &  Bayaha  pofleda ,  en  1727  ,  un  tribunal  de  fon  nom.  On 
attachait  un  tel  mérite  à  confolider  ce  pofte ,  que  le  roi  y  nomma,  le  15 
Novembre   1728,  un  lieutenant  de  roi,  un  major  &  un  aide-major. 

Tant  de  foins  n'étaient  pas  féparés  du  projet  de  fortifier  ce  local ,  projet  conçu 
par  M.  de  Galifîèt  dès  1700,  &  le  Comte  de  Mau  repas  ,  Miniftre ,  approuva 
les  plans  que  M.  de  la  Rochalard  en  avait  fait  drefîèr ,  nprès  avoir  fondé  le  port 
lui-même  auparavant  &  encore  en  17 13.  Les  moyens  de  fureté  confiftaient 
alors  dans  une  pièce  de  canon  mifc  à  l'entrée  de  la  baie  ,  au  point  oij  eft  le 
fort  la  Bouque  ,  avec  une  garde  qui  était  chargée  d'arraifonner  les  canots  &  les 
bâtimens ,  &  dans  les  cas  de  danger  ,  le  canon ,  la  bouche  tournée  vers  l'inté- 
ri^eur  ,  tirait  un  coup  que  répétait  une  autre  pièce  ,  placée  chez  M.  Caron  , 
commandant  des  milices  &  du  quartier  (  qui  a  donné  fon  nom  à  l'un  des 
embarcadères  de  la  baie  )  ;  enfuite  d'habitation  en  habitation  ,  on  tirait  un 
coup  de  fufil  pour  répandre  l'allarme  ,  &  pour  réunir  tous  les  défenfeurs. 

Le  fort  Bayaha  fut  fixé  au  point  où  eft  la  citadelle  ,  &  l'on  en  pofa  la 
première  pierre  ,  en  grande  folemnité  ,  à  l'angle  de  l'épaule  gauche  du  baftion 
de  Maurepas ,  avec  l'infcription  fuivante ,  compofçe  par  M.  de  la  Rochalard  , 
j^  gravée  fur  une  plaque  de  cuivre  ; 

POUR    PERPÉTUELLE      MÉMOIRE    A    LA     POSTÉRITÉ. 

/.'«a   de    Grâce    MDCCXXX   $5   h  XVe-    de    Pheureux   r}gne  aV  L  O  U  I  S     XV      B.ot   de 

France   îif    de    Naiiarre  : 

La  première  année  de  l'âge    a'a  Prince    DAUPHIN,  fin  f  rentier  fih  : 

Sous   le  Minipre  ,  pour    la    Marine    ^    les    Colonies   de  M.    </^Phelipeaux,    Comte  de 

Maurepas  : 

la  feptieme  année  du  Gouvernement   Général,    en  cette  IJle  ,   de    M.    G  a/par  d  Charles  de  GoussE  , 

Che-ualier   de  la    R  o  c  h  a  L  a  r  ^   ^'^  POrdre  Militaire   de    Saint-Louis  , 

Chef-d'E/cadre  des  armées  du  Roi  ,  auteur  du  projet  de  cet  étahlijjement. 

Et  fius   l'Intendance  de  M.    Jean-Baptijle   D  u  c  L  O  S. 

A   été  cejourd'hai,  8  du  mois   d'Août,   pofée  cette   première  pierre  au  baftion  de  Maurepas, 
par  M.    EsTiENNE   de  CHASTENOYE  ,  Chevalier  de    l'Ordre  Militaire  de  Saint-Louis  ^ 

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ii6        DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Gouverneur  de  l'Ile  Sainte-Croix  Se  Commandant  en  cette  Partie  de  Saint-Domingue,  en  pré- 
fence  de  M.  Louis  Marin  BUTTET,  Chevalier  de  l'Ordre  Militaire  de  Saint-Louis , 
Lieutenant    de   Roi  de   ce    fort ,    ville  &    pays  en  dépendons  : 

Et  de    Louis    Joseph    de    la    LANCE  ,    Ingénieur    ordinaire  des   camps  &  armées   du  Roi  y 
chargé   en  chef  de   la   conduite  des   fortifications  de  Saint-Dommgue. 

M.  de  Chaftenoye  qui  avait  fait  la  dépenfe  de  la  plaque  ,  fit  auiTi  celle  de 
deux   médailles  d'or  ,  fur  l'une  defquelles  ,   on  grava   ces  mots  i 

Monfiigneur  Le  Comte   de  MAUREPAS   Mhiifire  y    Secrétaire  d'État   de    la   Marine  ,    1730. 

Et   fjr   l'autre  ; 

hlonfMtr  Le   Chevalier   de   la  ROCHALAR  ,  Gouverneur  ^  Lieutenant-Gémral  de  la  Colonie , 

1730. 

Au  mois  de  Décembre  fuivant ,  M.  de  la  Rorhakr  donna  le  nom  de  Fort- 
Dauphin  à  la  citadelle  &  à  la  ville  de  Bayaha,  &  cette  dénomination ,  prife  de  la 
nailTance  du  Dauphin  arrivée  l'année  précédente  ,  ayant  été  agréée  par  le  Roi, 
une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  ,  du  i3  Octobre  173  i  ,  prefcrivit  à  tous 
les  officiers  publics  de  ne  plus  employer  que  le  nom  de  Fort -Dauphin.  Ainli 
s'éteignit  celui  de  Bayaha  qui,  encore  en  17  lo  ,  était  celui  qu'on  donnait'à  toute 
l'étendue  de   terrain  qui   était  depuis  Caracol  jufqu'à  la  rivière   du  Maflacre. 

Le  Fort-Dauphin  eft  confiruit  fur  ua  roc  à-peu-piès  triangulaire  &  efcarpé' 
d'environ  15  à  16  pieds ,  dont  il  a  fallu  un  peu  fuivre  l'irrégularité.  H  forme  une 
prefqu'île  dont  la  gorge  eft  coupée  par  le  fofTé  ,  &  il  offre  la  figure  d'une  botte.- 
Il  s'avance  dans  la  baie  de  manière  à  être  vu  du  goulet  dès  qu'on  s'y  préfente  & 
pour  lequel  il  devient  même  un  point  de  perfpecT:ive,  Ce  fort  confifte  en  une 
•fimple  enceinte  ayant  trois  baftions  fur  le  bord  des  efcarpemens.  Il  renferme 
tous  les  bâtimens  nécefTaires  ,&  a:  l'avantage  de  ne  pouvoir  être  battu  d'aucun 
point  de  la  côte,  de  dominer  toute  la  baie  &  de  découvrir  par  le  goulet  jufqu'en 
pleine  mer.  Le  cavalier  Maure  pas ,  placé  dans-  le  baftion  du  même  nom,  a 
d'excellens  fouterrains  fous  fes  plates-formics  j  il  fait  face  à  l'entrée  de  la  baie  & 
ne  craint  point  le  feu  des  hunes  des  plus  grands  vaifîèaux.  Cette  fortification  qui 
couvre  la  ville  ,  qui  bat  l'embouchure  de  la  rivière  des  Roches  &  les  environs  ,< 
protège  efficacemicnt  la  baie  au  moyen  de  fes  feux  croifés  avec  eeux  du- fort 
Saint-Frédéric  dont  elle  n'eft  qu'à  800  toiles^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ny 

La  pierre  de  taille  employée  dans  le  Fort-Dauphin  a  été  apportée  de  France , 
-notamment  par  la  flûte  le.  Profond.  Ce  fut  encore  cette  flûte  (  premier  bâtiment 
de  la  Marine  royale  françaife  entré  dans  cette  baye  )  ,  qui  apporta  une  partie  des 
canons  qui  arment  &  le  Fort-Dauphin  &  les  fortifications  du  goulet.  La  citadelle 
du  Fort-Dauphin  était  achevée  en  1735  à  l'exception  des  merlons  &  des  plate- 
formes des  bateries  qui  furent  commencées  à  la  fin  de  1741  &  achevées  a-a 
commencement  de  1743.  Il  efl  difpofé  pour  avoir  55  pièces  de  canon. 

On  a  vu  que  les  fortifications  du  goulet  confiftent  en  quatre  parties.   Le   fort 
la  Bouque  qui  reçut  fa  première  garniTon  le  16  Juillet  1736  &  que  le  Roi  pref- 
crivitj  en  1742,  de  nommer  la  redoute  Saini-Louis,  (  dénomination  qui  n'a  jamais 
prévalu  ),  eft  un  petit  fortin  qui  avait  un  donjon  qu'un  incendie  confuma  le  31 
Mars  1788.  Un  foldat ,  endormi  fur  Ton  lit,  en  fumant ,  occafionna  cet  accident, 
qu'un  vent  d'Eft  violant  augmenta  tellement  ,   que   pour   fauver   le   ma.crafin   à 
poudre ,  il  fallut  rompre  le  pont-levis ,   la  porte  d'entrée  &  la  partie  en  bois  du 
petit  efcalier  qui  conduifait  des  fouterrains  au  donjon.  Des  fecours  portés  très-à:- 
propos  empêchèrent  ce  malheur,  &  on  les  dut  au  zêlede  M.  Thibault-Duvernay, 
capitaine  des  milices ,   de  deux  charpentiers  de  navires  ,  de  deux  tailleurs  de 
pierres  &  d'un  foldat.  M.  Bernard,  gardien  de  ce  fort,  fut  auffi  con\muniquer 
fon  intrépidité  à  ceux  que  la  crainte  de  voir  fauter  la  poudrière  faifait  dé^à  fuir, 
&  le  gouvernement  diftribua  avec  utilité  &  difcernement ,   &  les  éloges   &  les 
récompenfes.  Le  donjon  n'a  point  été  relevé ,  d'autant  que  dans  l'infpccflioii 
générale  de  M.  du  Pujet ,  colonel  du  corps  royal  d'artillerie  des  Colonies ,   faite 
en  1786,  le  fort  la  Bouque,  auquel  l'aftion  du  feu  de    1788    a  fingulièrement 
nui,  était  noté  comme  inutile   (  reproche  qu'on  lui  avait  déjà  adreffé  plufieurs 
fois  )  ,  &  comme  devant  être  détruit  pour  faire  ailleurs  emploi  de  fes  matériaux. 
Une  batterie  fur  le  bord  oppofé  &  une  eftacade  de  chaînes  &  de  mâtures  feraient 
une   défenfe  bien  fupérieure  à  celle  du  fort  la  Bouque  &  qui  laifferait  fans  nulle 
inquiétude  fur  le  fort  de  cette  baie. 

Lors  de  la  conftruftion  du  fort  la  Bouque ,  on  trouva  précifément  à  la  même 
place,,  les  ruines  d'anciens  murs,  &  dans  la  fouille  en  173^,  quatre  pièces  de  cuivre,- 
dont  trois  étaient  des  monnoies  d'Efpagne  fabriquées  fous  Ferdinand  IV  (  Roi  de 
CaftiUe  depuis  1295:  jufqu'en  1312  )  &  qui  avaient,  fans  doute,  éié  apportées 
par  les  Efpagnols.  La  quatrième  de  ces  pièces  était  un  jeton  qui ,  luivanC 
toutes  les  apparences  >.  avait  été  fabriq,ué  par  les  Hollandais  depuis  i^ôô^tems^ 


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ii8 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


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auquel  ils  commencèrent  la  conquête  de  leur  liberté  :  fept  figures  d'hommes 
portant  le  globe  terreftre,  faifaient  vraifemblablement  allufion  aux  fept  Provinces- 
Unies  ,  la  ruche  à  miel  à  la  République  de  Hollande  &  les  infcriptions  au 
bonheur  que  produit  l'union.  On  voit  même  fur  le  plan  gravé  dans  l'ouvrage  de . 
Charlevoixj  imprimée  en  1732  j  le  point  où  eft  le  fort  la  Bouque  ,  défigné  fous  le 
nom  de  Pointe  du  Fort-Efpagnol;  dans  d'autres  plans  ce  fort  efh  appelle  redoute 
de  l'entrée.  On  y  avait  mis  en  1768  un  employé  qui  yifitait  les  bâtimens  entrant 
&  fortant  pour  empêcher  la  contrebande. 

La  batterie  de  l'Anfe  qui  vient  après  le  fort  la  Bouque  ,  n'a  été  conftruite  que 
dans  la  guerre  de  1756.  On  commença  entre  elle  &  ce  fort,  en  1760,  une  citerne 
d'environ  trois  cens  bariques  d'eau.  Cette  batterie  eft  confidérée  comme  la  vraie 
défenfe  du  goulet ,  parce  que  chaque  bâtiment  eft  forcé  de  fe  préfenter  à  fon  feu , 
de  manière  à  en  être  enfilé. 

Le  fort  Saint- Charles  j  contemporain  du  fort  la  Bouque  &  qui  reçut  aufli  ce 
nom  en  1742  ,  au  lipu  de  celui  de  Redoute  à  'mi -c anal ,  n'a  jamais  été  acheyé  i  on 
donnait  autrefois  le  nom  d'Anfe  des  Helleux  fuivant  les  uns ,  mais  bien  plus 
vraifemblablement  des  Halleurs ,  à  un  petit  enfoncement  qui  fuit  ce  fortin. 

Quant  au  fort  Saint-Frédéric  ,  commencé  en  1740,  &  terminé  en  1741  ,  il 
reçut  auffi  ce  nom  en  1742,  au  lieu  de  celui  de  Redoute  de  la  Grojfe- Pointe.  Il 
n'a  jamais  été  complètement  fini  non  plus.  Les  fortifications  de  la  paroiffe  du 
Fort-Dauphin  ont  beaucoup  coûté  ,  foit  à  établir ,  foit  à  réparer  ;  &  un  état 
m'apprend  que  de  1739  à  1744  inclufivem.ent ,  on  y  a  dépenlé  deux  cens  cin- 
quante-trois mille  livres  tournois, 

La  ville  du  Fort-Dauphin  qui  eft  la  féconde  de  la  partie  du  Nord  pou,, 
l'importance ,  reçut  fes  premiers  habitans  de  la  peuplade  du  bourg  de  Bayaha» 
Elle  eft  fituée  au  fond  de  la  baie ,  le  long  du  rivage  ,  &  occupe  une  étendue 
de  400  toifes  de  longueur  du  Nord-Gueft  au  Sud-Eft,  &  d'environ  300  toifes 
en  largeur  du  Nord-Eft  au  Sud-Oueft  ,  &  fe  trouve  à  400  toifes  de  l'entrée  du 
fort.  On  y  compte  douze  rues ,  qui  partent  du  bord  de  la  mer  &  fe  dirigent  vers 
l'intérieur  j  &  fept  qui  coupent  ces  premières  à  angle  droit.  Ces  rues  qui  ont 
cinquante  pieds  de  largeur ,  à  l'exception  de  la  grande  rue  qui  en  a  dix  de  plus  , 
partagent  75  carres  ou  îlets ,  ou  portions  d'îlets ,  parce  que  quelques-uns  ont 
une  forme  irrégulière  j  que  leur  donne  la  direftion  de  la  mer  ou  de  la  rivière; 
ces  75  îlets  font  enfuite  divifés  en  390  emplacemens.  Les  îlets  parfaits  ont  243 


bN 


ààk^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ng 

pieds  de  chaque  côté  ,  &  font  féparés  en  huit  emplacemens  qui ,  fur  une  profon- 
deur égale  de  123  pieds  &  4. ,  ont ,  favoir  :  les  4  des  angles ,  chacun  61  pieds 
-1  de  façade  ,  &  les  4  renfermés  entre  ceux-là,  chacun  62  pieds  de  façade. 
Il  n'y  a  cependant  que  deux  cens  quatorze  maifons  bâties  au  Fort-Dauphin  , 
c'eft-à-dire,  que  la  ville  peut  en  avoir  encore  autant  dans  fes  extrémités,  car 
tout  ce  qui  eft  déjà  conftruit  fe  trouve  rafle mblé. 

Les  fept  rues  qui  vont  du  Nord-Oueft  au  Sud-Eft,  &  que  je  vais  nommer 
dans  leur  ordre ,  font  :  la  rue  Vallière  ,  dénomination  qui  annonce  qu'elle  eft 
■moderne  ,  puifqu'elle  porte  le  nom  d'un  Gouverneur-général ,  nommé  en  1772  ; 
puis  la  rue  du  Quai,  ce  qui  prouve  qu'autrefois  elle  bornait  la  ville  j  la  rue 
Saint-Charles  ,  l'un  des  patrons  de  M.  de  la  Rochalarj  la  Grande  rue,  de 
foixante  pieds ,  qui  a  des  arbres  de  chaque  côté  dans  plufieurs  de  fes  points  : 
c'eft  la  plus  longue  rue  de  la  ville ,  parce  qu'elle  conduit  d'un  bout  à  la  levée 
qui  eft  entre  la  ville  &  la  citadelle  ,  &  que  de  l'autre  elle  fe  termine  au  srand 
chemin  de  Maribarou  &  d'Ouanaminthe  ;  la  rue  Sainte-Anne  ;  la  rue  de 
l'Églife ,  oij  l'églife  n'eft  cependant  point  placée ,  &  la  rue  de  la  Rivière. 

Les  douze  rues  qui  vont  de  la  mer  vers  la  rivière ,  font  la  rue  Montacher, 
(  Intendant  en  1771  ),  elle  vient  jufqu'à  l'endroit  oij  le  chemin  du  Fort-Dauphin 
au  Cap ,  traverfe  la  rivière  j  la  rue  Bory  (  Gouverneur-Général  en  1762  )j  la 
rue  de  Clugny  (  Intendant  en  1761  );  la  rue  Saint- Jean,  (  patron  de  M.  Duclos 
Intendant  )j  la  rue  Bourbon,  au  bout  de  laquelle  eft  une  calle  de  150  pieds, 
pour  embarquer  &  pour  débarquer  ;  la  rue  Dauphine  ;  la  rue  Saint-Étienne 
(à  caufe  du  Patron  de  Mr.  Chaftenoye  ),  &  la  rue  du  Marai3.  Les  trois  autres  qui 
ne  font  que  projettées ,  n'ont  pas  de  nom. 

Les  rues  du  Fort- Dauphin  ne  font  point  pavées.  Prefque  toutes  les  maifons 
ont  un  petit  perron  carrelé  ou  pavé  ,  quelquefois  même  entouré  de  murs , 
où  l'on  fe  met  le  foir  pour  prendre  le  frais.  La  largeur  des  rues  les  livre  à  toute 
l'aftion  du  foleil ,  &  >par  conféquent  à  une  chaleur  brûlante ,  dont  l'effet  eft 
peut-être  moins  infupportable  encore  que  celui  des  fortes  brifes  qui  y  élèvent 
des  tourbillons  de  pouflîère.  Les  maifons  font  affcz  jolies  j  il  y  en  a  beaucoup 
qui  font  de  maçonnerie ,  toutes  avec  le  feul  rez  de  chauffée.  L'intérieur  en  eft 
frais,  parce  que  les  emplacemens  font  affez  profonds  pour  qu'on  puifllè  avoir 
des  galeries  &  des  cours  oîj  l'air  circule  librement.  L'ameublement  eft  aflèz 
bien  entendu  pour  une  ville  coloniale ,  &  il  eft  plus  d'un  logement  où  fe 
montre  une  forte  d'élégance. 


lao 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Il  n'y  a  qu'une  feule  place  publique  dans  cette  ville  ;  elle  eil  bordée  dans  fes 
quatre  faces  par  la  Grande-Rue  ,  la  rue  Dauphine  ,  la  rue  Sainte-Anne  &  celle 
Saint-Érienne  ;  elle  a  plus  de  cinquante  toifes  en  carré ,  &  fe  nomme  la  Place 
royale. 

C'eft  fur  le  côté  Sud-Ouefh  de  cette  place  ,  &  à  fon  angle  avec  la  rue 
Saint-Étienne  ,  qu'était  une  vieille  barraque ,  où  l'on  a  célébré  long-tems  le 
fervice  divin,  &  dont  l'état  était  tout-à  la  fois  indigne  de  la  Majefté  du  Très-Haut 
&  menaçant  pour  ceux  qui  y  portaient  leurs  vœux.  Les  paroiffiens  fe  déter- 
minèrent donc  en  1783  ,  à  faire  achever  l'édifice  commencé  alors  depuis  plus 
de  40  ans.  L'enceinte  extérieure  de  ce  temple  élevé  en  maçonnerie,  était  due 
au  père  la  Cour  ,  Jéfuite  ,  curé  de  la  paroiffe,  qui,  nouveau  Langlet ,  dévoré 
du  zèle  de  la  maifon  de  Dieu,  y  avait  employé  le  produit  des  dons  pieux  qu'il 
avait  obtenades  fidèles  &  du  gouvernement.  Mais  fa  mort  arrêta  abfolument 
la  continuation  de  cet  édifice  ,  qui,  malgré  cet  abandon  ,  n'a  éprouvé  aucune 
dégradation  ,  folt  de  l'intempérie  des  faifons  ,  foiî  de  l'effet  des  tremblemcns  de 
terre.  En  s'occupant  de  le  terminer,  d'après  une  délibération  des  paroiffiens^ 
du  28  Novembre  1784  ,  homologuée  par  les  Adminillrateurs  le  3  Avril  1785  , 
on  jugea  qu'il  était  trop  vafte  pour  la  paroiffe  ,  &  on  le  réduifit  d'un  tiers, 
ce  qui  a  forcé  à  refaire  la  façade  ,  hormis  dans  la  partie  correfpondante  aux 
deux  chapelles  du  devant.  On  a  fupprimé  auiTi  la  croix  latine  qui  était  au 
haut  du  portail. 

C'eft  une  des  plus  belles  églifes  de  Saint-Domiingue.  Elle  efl  fous  l'invocation 
de  Saint-Jofeph ,  &  a  104  pieds  de  long  &  40  de  large  ,  le  tout  dans  œuvre, 
&  40  pieds  d'élévation  jufqu'à  la  naiffance  de  la  charpente.  L'édifice  eft  terminé  en. 
cul  de  four  dans  fa  partie  poftérieure.  i'i.u-devant,  eft  un  perron  de  quatre  marches. 
On  compte  qu'elle  a  coûté  100,000  livres  tournois.  C'cfh  laque  fut  enterré  M. 
le  Marquis  de  Vienne,  Gouverneur-Général,  qui  mourut  le  4  Février  1732 
dans  cette  ville  ,  où  la  relâche  de  plufieurs  gallions  au  Cap  &  le  bruit  répandu 
de  quelques  deiTeJns  hoftiles  de  la  part  des  Efpagnols  ,  pour  s'oppofer  à  rérabhf- 
fement  du   Fort-Dauphin ,  l'avaient  conduit. 

:  Une  entreprife  extrêmement  utile  aux  habitans  de  la  ville  du  Fort-Dauphin  ^ 
a  placé  un  fécond  monument  au  milieu  de  cette  place  d'armes  ;  c'eft  une  fontairiC 
deftinée  à  leur  donner  l'eau  qu'ils  étaient  obligés  d'aller  chercher  affez  loin  ^ 
pour  l'avoir  falubre,  ou  d'aller  prendre  dans  le  canal  d'une   habitation   contigue  ^ 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  iM  I N  G  U  E,       122 

qui  n'était  pas  obligée  à  cette  fervitude.  Il  en  coûtait  trente  livres  tournois  par  jour 
au  tréfor  public  ,  pour  l'eau  de  la  garnifon.  Ce  fut  fous  l'adminiftration  &  durant 
une  vifite  de  MM.  d'Ennery  &  de  Vaivre  au  Fort-Dauphin ,  qu'on  en  forma 
le  projet,  le  9  Juin  1776.  Le  14  Août  fuivant ,  les  habitans  fubftituèrent  à  une 
première  contribution,  celle  du  quart,  une  fois  payé  ,  du  produit  d'une  année  de 
leurs  loyers i  le  marché  fut  pafle  pour  50,000  livres  tournois,  dont  la  moitié 
devait  être  tirée  de  la  caiffe  des  libertés  ,  &  la  livraifon  de  l'ouvrage  fut  promife 
pour  le  mois  d'Oélobre  fuivant. 

L'exécution  en  fut  confiée  à  M.  Artaud  ,  entrepreneur.  On  établit  la  prife 
d'eau  à  une  grande  lieue  du  Fort-Dauphin ,  fur  le  terrain  de  MM.  les  héritiers  le 
Gris ,  &  l'eau  a  été  conduite  par  le  moyen  d'aqueducs  intérieurs  &  extérieurs. 

Cette  fontaine  achevée  en  1787  n'a  pas  été  décorée  fuivant  le  projet  origi- 
naire ,  &  d'après  lequel  je  l'ai  fait  graver  N^.  6  de  mon  Atlas.  Elle  devait  erre 
formée,  comme  l'on  voit,  par  une  pyramide  quadrangulaire ,  ayant ,  à  chaque  face 
du  focle,  un  mafque  de  la  bouche  duquel  fort  l'eau.  L'un  des  côtés  de  la 
pyramide  devait  porter  les  armes  de  France,  &  celui  oppofé ,  cette  infcriptiou  : 


M 


L'an  de  N.  S.  MDCCLXXVI. 

"  Sous  le  règne  de  Louis  XVI  &  le  gouvernement  de  M.  le  Comte  d'Ennery  ,  Lleutenant-Géne'ral 
.,  des  armées  du  Roi ,  Grand-Croix  de  l'ordre  royal  &  militair*  de  Saint-Louis ,  Gouverneur- 
„  Général  des  Mes  de  l'Amérique   foui   le   Vent  ,,. 

"  Et  l'adminiftration  de  M.  de  Vaivre ,  Confeiller  du  Roi  au  Parlement  de  Franche-Comte', 
:,,  Intendant   de   juftice,  police  ,  finances  &  de  la  guerre,,. 


Tandis  que  les  deux  autres  côtés  recevraient  les  armoiries  de  ces  deux 
Adminiftrateurs.  La  corniche  était  furmontée  par  quatre  dauphins  groupés 
accolés  par  la  queue,  &  répondant  aux  quatre  faces.  L'ouvrage  ayant  été  long  &  les 
Adminiftrateurs  ayant  changé,  on  oublia  (  &  c'eft  l'ufage  à  Saint-Domingue  ) 
ceux  auxquels  on  était  redevable  d'une  vue  utile ,  &  en  1779  on  regardait"  déjà 
M.  d'Argout ,  alors  Gouverneur-Général ,  comme  l'auteur  de  ce  bienfait.  C'eft 
d'après  cette  opinion  qu'on  doit  lire  l'infcription  fuivante ,  qui  me  fut  confiée 
a  cette  époque  par  fon  auteur  M.  de  Stapleton  ,  Créol  de  Saint-Domingue  , 
Cnevalier  de  l'ordre  de  Saint-Hubert. 

Tûm.     I,  „ 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Non  erat  ante  fiaens  populis  fitientibus  humor  ; 
Ecce  peregrinani  nûttit  fons  publicus  undam  ^ 
Miraturque  novos  fiuftus  &  noa  fua   dona.  ' 
Jam  liquor  ad  vellros  decurrit  purior  hauftus; 
O  cives  !  Licet  his  seftum  fedare  flaentis. 
Veftra  fitis  quotks  fuerît  fatiata  bibendo  , 
Clamate  :  Hsc  nobis  à'Jrgoutus  munera  fecit  ; 
Hic  noftfum  voluit  primus  minuifle  laborem_, 
Atque  iui  memores  populos  feciffe  merendo.. 

Une  choie  bien  étonnante  pour  ceux  qui  ne  connaiïïent  pas  Saint-Domingue  ^ 
c'efl  que  la  dépenfe  de  k  fontaine  fe  foit  élevée  à  dix-fept  cent  mille  livres 
de  la  Colonie  (  1,133,333  libres,  6  fous,  8  deniers  de  France  ),  fomme  vraiment 
exhorbitante  ,  llirtout  n  Von  confidère  la  médiocrité  de  la.  ville  du  Fort-Dauphin. 
Onapofé,pour  garantir  la  prile  d'eau  des  débordemxers ,.  un  batardeau  qui  a. 
coûté  le  tiers  de  cette  fomme  ,  tandis  que  fi  cette  priiè  d'eau  avait  été  miiè  quatre, 
cens  pas- plus  haut,  on  aurait ,  avec  une  éclufe  &  une  pelle,  rempli  le  même 
objet,  &  économifé  les  trois  quarts  de  cette  fomme..  On  aurait  auffi  fauve  k 
dépenfe    d'un   fyphon  de   cent  mille   livres    tournois. 

On  a  encore  dit  contre  l'exécution  du  projet  de  cctre  fontaine ,  telle  qu^^elle  a  eu- 
lieu  ,  que  le  batardeau  élevant  les  eaux  de  trois  pieds  ,  il  a  diminué  d'autant 
les  levées  de  l'habitation  voifine  &  détruit  leur  réfiftance  ;  qu'en  faifant  la  prife. 
d'eau  oij  elle  eft,  on  a  nécefîîté  le  facrifice  d'une  grande  portion  d'eau,  pour 
qu'il  pût  en  arriver  fix  pouces  à  la  fontaine,  &  qu'on  a  ravi  à  dix-neuf  fucre- 
ries,  l'eau  avec  laquelle  on  aurait  pu  arrofer.  On  ajoute  même  que  cette 
fontaine  dont  les  réparations  entêté  très-coûteufes,  a  enfin  celle  de  donner  de 
l'eau,  avant  la  fin  de  1788. 

On  avait  placé  aulTi  un  tuyau  de  détournement  qui  conduifait  l'eau  à  une  petite 
fontaine  mife  furie  côté  Nord  cTe  k  Grande  rue  ,.  entre  les  rues  Bory  &  Clugnv. 

La  rivière  Marion  qui  fournit  l'eau  à  la  ville  ,  en  donne  auffi  aux  trois  fucreries 
le  Gras ,  Collet  &  le  Gris. 

Il  y  a  en  bâtimens  publics ,  au  Fort-Dauphin  ,  une  maifon  appellée  le  Couver- 
nemerit  ,  parce  que  l'officier  militaire  ,  commandant,  y  loge;  elle  eft  à  l'angle 
Nord-Oueft  de  la  onzième  rue  ,  en  allant  de  la  Grande  rue  à  la  citadelle  ;  la. 
maifon  du  Roi  bâtie  fur  la  place  d'armes  &  au  coin  de  la  Grande  rue  ;  là  font 
l'officier  &  les  bureaux  d'adminiilration  ;   à  l'angle  Nord-Oueft  de  k  Grande 


1 


FRANÇAISEDE    SAÎNT-DOMINGUE.       123 

rue  avec  la  rue  Saint-Étiennc  ,  eft  le  logement  de  la  maréchauffée  ;  &  à  celui 
Sud  Oueft  de  la  rue  de  l'Églife  avec  celle  Bourbon ,  l'on  a  bâti  les  priions. 

La  ville  du  Fort-Dauphin  a  eu  des  commencemens  extrêmement  lents ,  &  en 
1738  les  maifons  qui  étaient  dans  la  Grande  rue,  formée  la  première,  étaient 
comme  abandonnées  &  tombaient  en  ruine.  Cette  ville  en  avait  104  en  175 1  , 
116  en  1755  ,  &  138  en  1761  ,  époque  où  l'on  a  penfé  qu'elles  pou- 
vaient être  évaluées  à  100  mille  livres,  de  loyer.  En  1765  on  en  voyait 
cependant  1703  mais  une  ordonnance  du  18  Janvier  1775,  prouve  que  plu- 
fieurs  emplacemens  étaient  abandonnés  ,  puifqu'elle  menace  de  réunion  & 
prefcrit  des  peines  de  police  contre  la  mal-propreté  &  les  autres  inconvéniens  de 
cet  abandon. 

Le  voifinage  du  Cap ,  celui  d'Ouanaminthe  ,  où  les  habitans  du  Fort-Dauphin 
ont  voulu  empêcher  pendant  plus  de  trente  ans  qu'on  ne  fit  un  bourg ,  devenu 
l'entrepôt  d'un  commerce  furtif  avec  les  Efpagnols  ,  ont  toujours  contrebalancé 
le  plan  de  faire  quelque  chofe  d'intérefîant  de  cette  ville. 

Terminée  au  Nord-Eft  par  la  mer  &  au  Nord-Oueft  parla  citadelle  &  la  mer 
elle  l'eft  au  Sud-Oueft  par  la  rivière  des  Roches  (  bras  droit  de  la  rivière 
Marion  ),  qui  la  contourne  dans  toute  fa  longueur.  Cette  rivière  qui  ne  tarit 
jamais  &  dont  la  fource  eft  dans  le  piton  de  Bayaha  ,  fervait  autrefois  à  défaîtérer 
les  habitans  qui  lui  doivent  l'eau  de  leur  fontaine.  Comme  elle  a  fon  embouchure 
à  190  toifes  du  chemin  qui  va  de  la  ville  à  la  citadelle  ,  dans  un  terrain  prefque 
de  niveau  avec  la  mer ,  elle  épanche  quelquefois  fes  eaux  fur  ce  fol ,  &  le  rend 
d'autant  plus  marécageux  que  les  grandes  marées  y  entrent  aufTi. 

C'eft  à  cette  caufe  défaftreufe  ,  que  la  ville  du  Fort-Dauphin  doit  la  juHe 
réputation  d'infalubrité ,  dont  elle  jouit.  Ceux  qui  l'habitent  prouvent  par  leur 
teint  livide  ,  par  le  délabrement  de  leur  fanté  &  par  une  rapide  deftruftion 
combien  l'air  y  eft  dangereux.  Comment  expliquer  d'après  cela  ,  la  propcfition 
que  M.  de  la  Chapelle  ,  Intendant  de  la  Colonie  ,  faifait  au  Minidre  ,  &  que 
celui-ci  adoptait  dans  une  lettre  à  M.  de  Larnage  du  8  Juin  1737,  de  mettre 
tous  les  foldats  débarquant  d'Europe,  pendant  une  année,  dans  les  poftes  du 
Fort-Dauphin  &  de  Saint-Louis  du  Sud  ,  comme  les  plus  fains  de  la  Colonie  ? 
Exemple  frappant ,  &  malheureufement  trop  commun  ,  de  la  rapidité  avec 
laquelle  des  Adminiftrateurs  prononcent  fur  un  pays  où  ils  arrivent  à  peine  ! 

Le  premier  bataillon  du   régiment  de   Quercy  perdit  dans   la  garnifon  du 


] 


4 


Ï24       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

Port-Daupîiin ,  en  1763  &  1764  j  un  nombre  infini  d'hommes,  &  en  17S2  le 
régiment  Elpagno]  de  Léon  ,  compofé  de  1,440  hommes ,  vit  mourir,  en  3'  mois, 
17  officiers  ,  3  cadets  &  647  Ibldats. 

^  Jufqu'cn  1732  on  envoyait  au  Cap  ,  par  mer  ,  les  malades  de  la  garnifon  du 
l^ort-Dauphin,  ce  qui  augmentait  encore  les  pertes.  A  cette  époque  ,  M.  Du- 
clos  ,  Intendant,  y  fit  établir  une  chambre,  pour  traiter  les  malades.  En  1739  r 
M.  Larnage  voulanty  avoir  un  véritable  hôpital ,  y  deftina  55,000  livres  qu'il 
avait^  tirées  d'une  amende ,  pour  fait  de  commerce  étranger.  On  acheta  en 
conféquence  une  habitation  qui  avait  même  appartenue  autrefois  aux  religieux 
de  la  Charité  du  Cap ,  lorfqu'ils  ne  prévoyaient  pas  qu'il  y  aurait  un  jour  une 
ville  du  Fort- Dauphin.  Elle  était  en  1739  ""^  indigoterie.  Comme  l'acquifitiou 
€tait  conditionnelle,  &  que  l'approbation  du  Miniftre  ne  vint  pas,  le  Fort- 
Dauphin  n'a  pas  eu  d'hôpital.  La  garnifon  du  régiment  de  Querry  y  ^vm  fait 
faire  un  établiiïèment  paffager  ,  que  les  religieux  de  la  charité  du  Cap  cédèrent 
même  à  un  entrepreneur  peu-à-près.  L'hôpital  était  à  l'entreprife  lors  du  ré^^i- 
ment  de  Léon,  &  maintenant  il  n'y  a  qu'une  clpéce  d'ambulance  pour  la  garnifon. 
Mais  ce  qui  ferait  encore  plus  important  qu'un  hôpital ,  ce  ferait  de  détruire 
]a  caufe  qui  rend  ce  féjour  mortifère.  Il  n'y  en  a  pas  d'autre  moyen  que  de  con- 
duire les  eaux  mêmes  de  la  rivière  à  travers  le  marais  que  la  levée,  qui  fert  à 
aller  de  la  ville  au  fort ,  a  partagé  en  deux.  Un  pont  fort  fimple  faciliterait  le 
palTage  des  eaux  de  l'un  des  côtés  dans  l'autre  &  de  là  à  la  mer.-  Ce  moyen, 
le  moins  coûteux  de  tous  ceux  qu'on  pourrait  employer ,  ferait  auffi  le  plus 
sûr  ;  car  k  parti  de  faire  remblayer  a  été  tenté  par  le  moyen  des  foldats  &  leur 
mortalité  a  fait  voir  fcn  danger.  Une  levée  formée  fur  la  rive  gauche  de  la 
rivière  en  rejetterait  encore  les  eaux  du  côté  de  la  ville  &  en  les  retenant ,  furtout 
après  les  débordemens  ,  elle  les  obligerait  à  dépofer  leur  limon  dans  le  marais 
dont  le  fol  s'exhaufferait,  &  il  perdrait  ainfi  la  faculté  d'exhaler  des  miafmes 
délétères  &  infefts.  L'économie  faite  fur  la  fontaine  pouvait  fuffire  à  ce  travail 
auquel  des  milliers  d'hommes  auraient  fini  par  devoir  la  vie ,  &  elle  aurait  fauve 
le  fcandale  que  l'ignorance  ou  toute  autre  caufe  a  donné  dans  une  dépenfe 
énorm.e. 

Le  côté  Sud-Eft  de  la  ville  tû  le  plus  gai ,  parce  qull  s'ouvre  fur  la  campagne 
&  qu'en  entrant  dans  le  chemin  de  Maribarou,  on  apperçoit  fjr  la  droite  ,  des 
plantations  de  cannes  qui  réjouiffent   la  vue  -,  à  la  gauche  eft  un'e  briqueterie. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ri. 

Parvenu  à  1,200  toifes  de  la  ville,  on  eft  fur  un  petit  tertre  qui  en  forme  les 
limites  pour  la  garnifon  &  à  environ  300  toifes  duquel  on  rencontre  ,  fur  la 
gauche  ,  un  chemin  qui  mène  à  l'embarcadère  de  la  Crochue. 

Mais  avant  de  terminer  ce  qui  concerne  la  ville  &  de  compléter  des  détails 
qui  doivent  la  préfenter  comme  le  chef-lieu  de  l'une  des  grandes  étendues  appe- 
lées quartiers  ,  il  eft  néceffaire  que  je  donne  une  idée  exaéte  de  la  totalité  de  la 
paroiffe  du  Fort-Dauphin. 

Elle  efl-  d'une  forme  irrégulière  ,  parce  que  la  paroiffe  d-Ouanaminthe  avance 
&  y  pénètre  dans  l'Eft.  La  paroiffe  du  Fort  -  Dauphin  qu'on  peut  évaluer  à 
vmgt  heues  cariées  de  furface,  eft  une  de  celles  qu'on  appelle  paroifTe  de  plaine 
à  Saint-Domingue  &  fa  portion  plane  en  forme  environ  les  deux  tiers. 

Une  favane  ,  ou  prairie   naturelle ,  fépare   le   canton   Dauphin  ,  proprement 
dit,    &   qui  eft  dans  le   contour  de  la  ville ,  du  canton  de  Maribarou   qui  eft  à 
l'Eft.    Cette  favane  a  environ  une  lieue  &  demie   de  largeur  à  fon    extrémité 
Nord,contigue  aux  Fredoches  &  fe  dirige  vers  les  montagnes  en  s'élargiff.nr 
lout  y  annonce  l'aridité  :  des  monticules    fans  aucun  ordre  entr'eux      &^*ne 
donnant  la  vie  qu'à  quelques  arbuftes  chétifs  ,  incapables  de  cacher  un  fol  chareé 
de  nombreux  cailloux  détachés  :  des  pierres  &  des  roches  qui  fortent  d'une  terre 
ochracee  pour  montrer  leurs  têtes  rougeâtres  ou  brunes,  &  d'autres  qui'  tout-à-faic 
a  nu  prcfentent  des  mafles   fiUonnées    &  chargées  d'afpérités  ,  tel  eft  le  fpec 
tacle  de   cette   favane  dans  les  tems  fecs.  S'il  pleut  abondamment,  une  herbe  fine 
Se  fucculente  dérobe  bientôt  ce  trifte  afpec^  &  lui  fubftitue  un  riche  tapis  de 
verdure.    On  fe  demande  d'où  peut  provenir  un  changement  aufîl  fubit      aufïï 
abfolu  &  comment  cette  favane  s'eft  formée  &  a  confervé  fon  élévation  au- 
deffus  des  terrains  environnans  .? 

Le  phyficien  eft  tenté  de  répondre  que  fa  configuration  ,  fon  élargifTement: 
vers  la  montagne  ,  la  couleur  des  terres  &  leur  analogie  avec  le"  terres- 
des  montagnes  voifines ,  analogie  que  les  pierres  détachées  reproduifent  à  leur 
tour  parce  qu'elles  font  vitrifiables  comme  celles  de  ces  montagnes ,  annonceur 
esdefordres  d'un  volcan ,  dont  la  lave  aura  coulé  avec  toutes^s  ;atières  en 
fufion,  &  aura  toujours  occupé  un  efpace  moindre  en  s'éloignant  du  cratère  II 
femble  même  qu'alors  la  mer  bornait  le  fol  de  la  favane  puifqu'elle  touche  aux 
Fredoches  ou  tout  eft  encore  calcaire  &  annonce  le  fejour  plus  récent  des  eau^ 
Des  convulfions  plus  ou  moins  vives ,.  produifant  des  irruptions  plus  ou  moins. 


.5 


126 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


P 


.f 


lointaineî  &  des  expulfions  de  pierres  plus  ou  moins  aftives  ,  la  lavane  aura  eu 
des  inégalités ,  des  monticules  &  les  principes  martiaux  expliqueraient  dans  ce 
fyftème  ,  la  ténuité  &  l'efculence  de  l'herbe. 

Quelques-uns  des  monticules  de  celte  favane  ont  eu  &  ont  encore  des  déno- 
minations particulières.  Celle  de  Morne  -  à  -  Vigie  ,  que  l'un  d'eux  conferve 
vient  de  l'ufage  auquel  il  a  été  deftiné  ,  lorfqu'après  les  ravages  des  Efpagnols 
en  1695  j  on  y  plaça  deux  hommes  en  vigie  pour  épier  leurs  mouvemens  ;  vigie 
dont  on  fupprima  les  obfervateurs  ,  lors  de  la  paix  à  ia  fin  de  1698,  quoique 
l'impofit'.on  pour  leur  payement  ait  duré  jufqu'en  1702.  Dés  raifons  plus  ignorées 
ont  créé  ,  la  Mahotiere ,   les  Marmoufets  ,   les  Platcns  hc. 

C'eft  dans  cette  favane  ou  dans  ces  favanes  que  font  auffi  des  ruilTeaux  oij 
l'eau  ne  fe  montre  que  durant  quelques  heures  &  feulement  à  l'époque  des 
pluies ,  quoiqu'on  en  ait  fait  des  Rivière- Blanche  ,  des  Rivière-à-Canon  ,  &c.  Le 
voifmage  des  fucreries  ou  quelques  vallons  ont  raffemblé  dans  ce  lieu  17  blancs  , 
^6  affranchis  &   268   efclaves. 

Mais  quelle  vue  délicieufe  que  celle  offerte  au  voyageur  lorfque  de  l'extré- 
mité de  ces  favanes ,  il  découvre  la  riche  plaine  du  canton  de  Maribarou  !  Son 
oeil  fe  promène  fur  des  champs  de  cannes  qui  femblent  s'embellir  encore  par  le 
contrafle  des  points  qu'il  vient  de  parcourir.  Il  aime  l'effet  que  produit  fur  ce 
vert  ondoyant,  des  arbres  d'un  vert  plus  prononcé  &  placés  cà  &  là,  comme 
pour  varier  la  fcène.  Les  bâtimens  d'un  grand  nombre  de  manufactures  y  ajoutent 
leur  intérêt,  &  les  bois  qui  bordent  les  rives  du  Maffacre  ,  couronnent  &  fixent 
rhorifon. 

Tout  annonce  que  cette  plaine  eft  un  ancien  fond  vafeux  de  la  mer.  Des 
points  bas  que  les  rivières  n'ont  pas  couvert  de  leur  fable  brifé  ,  ont  encore  des 
traces  bitumineufes.  Les  plantes  font  imprégnées  de  leur  acre  fubftance  &  c'eft 
un  des  obftacles  qui  s'oppofe  à  la  fabrication  du  fucre  des  cannes  que  ces  endroits 
produifent  &  fur-tout  à  fa  pelludicité. 

La  rivière  la  Matrie  fépare  le  canton  de  Maribarou  des  grandes  favanes  &  la 
rivière  du  Mafl"acre  eft  entre  ce  canton  &  les  poffefTions  efpagnoles.  Maribarou 
eft  divifé  en  haut  &  en  bas  Maribarou.  Le  bas  Maribarou  eft  la  partie  qui  fe 
trouve  au  Nord  du  chemin  qui  mène  de  la  ville  du  Fort-Dauphin  au  bourg 
d'Ouanaminthe.  Le  haut  Maribarou  s'étend  au  contraire  dans  le  Sud  de  ce  chemin 
juf<^u'à  la  rivière  de  la  petite  Artibonite  ,  vulgairement  nommée  rivière  à  Baujeau 


^ 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.       ny 

&  qui  fe  jette  dans  le  MafTacre  entre  les  habitations  Baujeau  &  Vigne.  Il  rcfulte 
de  cette  divifion  que  tout  le  bas  Maribarou  appartient  à  la  paroifTe  du  Fort- 
Dauphin  qui  renferme  en  outre  quatre  habitations  du  haut  Maribarou ,  parce 
qu'elles  font  dans  l'Ouefl  de  la  Matrie  j  tout  le  refte  du  haut  Maribaroux  e£ï  de 
laparoifle  d'Ouanaminthe. 

Dans  le  bas  Maribarou  les  deux  rivières  du  Maflacre  &  de  la  Matrie  ne  font 
jamais  à  plus  d'une  lieue  l'une  de  l'autre  ,  même  dans  les  contours  où  elles 
s'écartent  le  plusentr'elles,  &  dans  de  grands  débordemens,  notamment  dans  ceux 
du  mois  de  Septembre  1761  &  du  4  au  5  Août  1772  ,  l'on  a  vu  leurs  eaux  fe  con- 
fondre ;  le  même  phénomène  eut  lieu  durant  plus  de  25  jours  en  1787. 

En  1776  ,  époque  d'une  longue  fécherefle  ,  qui  ne  s'eft  que  trop  renouvellée  , 
la  Matrie  a  tari  plufieurs  fois;  le  Maflacre  conferva  à  peine  un  filet  d'eau  ,  èc 
l'une  &  l'autre  très-renommées  pour  leurs  nombreux  poiffbns  ,  ont  fingulièrem.ent 
perdu  de  ce  précieux  avantage  ;  d'autant  que  les  nègres  trouvant  déformais  le 
poiiTon  dans  des  afilesfans  profondeur  ,  en  firent  une  prodigieufe  dcftruélion. 

La  Matrie  fe  jette  dans  le  Maflacre,  à  environ  deux  mille  toifes  de  l'en\bou- 
chure  de  ce  dernier,  &  il  y  a  même  de  l'analogie  dans  leurs  deux  noms^ 
car  Matrie  vient  de  Mata  ,  efpagnol ,  Ueu  où  l'on  tue  ,  où  l'on  fiic  boucherie. 
Le  Maflacre  fe  dirige  enfuite  vers  la  mer  par  un  paflage  étroit,  entre  deux 
monticules,  où  fes  eaux  refl^errées  s'oppofent  avec  force  au  flux  de  la  rner,  que 
l'on  reconnaît  au  goût  de  l'eau  Jufqu'à  deux  lieues.  Vers  le  point  où  le  Maflacre 
reçoit  la  Matrie  &  où  ce  conflit  cfl:  le  plus  fenfible  ,  il  s'eft  élevé  un  banc  de 
fable  ,  qui ,  foutenu  par  l'cflbrt  oppofé  des  deux  caufes ,  préftnte,  même  dans 
de  grandes  inondations ,  un  môle  que  l'audace  a  quelquefois  employé.  Des  levées 
s'oppofent  aux  irruptions  du  Mafl^acre ,  furtout  depuis  le  bourg  d'Ouaniminthe 
jufques  au  point  qui  lépond  à  l'extrémité  inférieure  du  grand  îlet. 

On   compte  dans  la  partie  de  Maribarou  qui  dépend  de   la  paroifîe  du   Fort- 
Dauphin  ,   17  fucreries,  favoir  :  13   du  bas   Maribaroux,    &   les  quatre  du  haut" 
Maribarou  dont  j'ai  parlé  -,  leur  produit  total  peut  être  évalué  à  trois   millions 
&  demi  de  fucre  terré,   &  plus  d'un  demi  million  de  fucre   brut. 

Depuis  i750jufqu'en  1753,  trois  habitans  &  enfuite  cinq  ,  s'occupèrent  du  foin 
d'employer  l'eau  du  MaflTacre  à  fertilifer  leur  fol  &  à  faire  mouvoir  des  moulins.  Ils 
firent  à  ce  fujet  trois  conventions  ,  qui  amenèrent  dans  la  même  année  1753  ,  une- 
conceffion  d'eau  de  la  part  des  Adminiftrateurs ,  &  elle  fiit  l'origine  de  la  prif© 
d'eau  dont  j'ai  parlé. 


.^ 


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128       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Le  Maflacre  ayant  éprouvé  plufieurs  débordemens ,  &  les  difficultés  que  les 
cinq  propriétaires  des  moulins  fe  fufcitaient  eux-mêmes  entr'eux ,  ayant  rendu 
un  examen  du  local  néceffaire  ,  cet  examen  fut  ordonné  par  les  Adminiftrateurs 
le  28  Juillet  1784.  Il  a  eu  lieu  au  mois  de  Mai  1786  ,  par  M.  Michel  Verret, 
frère  et  affjcié  de  l'ingénieur  Hydraulicien.  Cette  opération  qui,  comme  une 
foule  d'autres ,  prouve  l'utilité  d'artiftes  éclairés  en  ce  genre  ,  a  démontré  que 
depuis  1753  jufqu'en  17S6  ,  le  Maffacre  avait  creufé  fon  lit  de  4  pieds  9  pouces 
4  lignes  j  et  que  la  prife  d'eau  devait  en  conféquence  être  portée  plus  haut  qu'elle 
n'était  auparavant,  et  miême  au-delTus  de  la  pyramide  N°.  8.  M.  Verret  a  fait 
trouver  de  l'eau  en  quantité  fuffifante  pour  l'arrolement  et  le  jeu  des  cinq 
mouUns  affociés  à  l'eau  ;  et  il  a  marqué  pour  les  tems  de  fécherefie ,  l'ordre 
dans  lequel  chacune  des  cinq  habitations  (  dont  trois  peuvent  en  outre  prendre 
de  l'eau  dans  la  Matrie  pour  arrofer  feulement  )  ,  doit  faire  ufage  de  l'eau. 
Cette  opération  a  amené  le  26  Décembre  1786  ,  une  convention  par  laquelle 
les  cinq  intérefles  ont  formé  un  fyndicat ,  pour  tout  ce  qui  eft  relatif  à  cette 
jouiffance  d'eau,  et  le  19  Avril  1787,  les  Adminiftrateurs  l'ont  convertie  en 
ordonnance ,  ainfi  que  le  procès  \erbal  de  M.  Verret. 

Il  n'y  a  cependant  que  trois  habitations  qui  ayent  déjà  des  moulins  roulans ,  et 
fi  l'on  y  ajoute  le  moulin  à  eau  de  l'une  des  quatre  habitations  du  haut  Mari- 
baroux ,  on  en  trouve  quatre  pour  la  Paroiffe  du  Fort-Dauphin. 

Maribarou  dépendant  du  Fort-Dauphin  ,  a  60  blancs,  17  affranchis  et  environ 
2,500  efclaves.  Il  s'en  faut  bien  que  ce  canton  ,  dont  le  fol  m.érite  peut-être  le 
premier  rang  parmi  tous  ceux  de  Saint-Domingue  français ,  foit  parvenu  au 
degré  d'accroiiTement  dont  il  eft  fufceptible ,  puifqu'il  n'eft  encore  qu'à  fa 
troifiême  génération  de  Colons.  Or  l'on  fait  que  la  première  défriche  ;  que  la 
féconde  commence  les  grands  travaux  ,  comme  les  levées  qui  doivent  garantir  du 
ravage  des  eaux ,  et  les  foliés  qui  doivent  les  égoûter  ;  et  que  la  troifiême  ordonne 
les  plantations  et  entreprend  les  édifices ,  pour  que  la  quatrième  puifl'e  réalifer 
le  plan  d'une  udle  et  grande  manufacture.  Heureufe  la  cinquième ,  fi  elle  peut 
mêler  l'ao-réable  à  l'utile,  et  unir  fes  jouifiTances  perfonnelles  aux  richefîès  de 

l'État  ! 

J'ai  dit  que  les  grandes  favanes  étaient  contigues  aux  Fredoches;  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  ,  dans  la  Colonie  ,  à  des  terrains  dont  le  fond  eft  une  efpèce  de  tuf 
Ibiancheâtre  et  argileux,  qui  ne  donne  la  vie  qu'à  des  ronces  et  à  quelques   bois 

blancs. 


^ 


FRANÇAISE    DE    SAÎNT-DOMINGUË.      129 

blancs  ,  dont  les  proportions  accufent  le  fol  de  ftérilité.  Tel  eft  celui  qui  borde 
la  paroifle  du  Fort-Dauphin  au  Nord,  et  qui  fuit ,  à-peu-près,  les  contours  de 
la  baie  et  le  terrain  qui  eft:  entr'eilc  et  le  bas  du  MafTacre.  Ces  Fredoches  (qui 
ceignent  aufll  la  baie  de  Mancenille  )  ,  environnent  dans  cette  partie  le  Lagon- 
aux-bceufs ,  efpèce  de  petit  lac  dont  les  eaux  contenues  de  toute  part  par  des 
terres  élevées ,  n'ont  pas  pu  fe  retirer  avec  la  mer  lorfqu'elle  a  abandonné  les 
lieux  voifins.  Cependant  comme  fes  bords  font  moins  élevés  au  Nord-Eft 
c'eft  par  là  que  dans  les  crues  d'eau ,  l'excédant  fe  dégorge  dans  la  Matrie. 

Les  Fredoches  renferment  quelques  indigoteries,  condamnées  par  les  fécherefîès 
à  une  trifte  langueur.  Ce  fol  convient  mieux  à  quatre  poteries ,  qui  ayant  par 
la  mer  un  débouché  facile  ,  fourniffent  les  fucreries  de  quartiers  même  trés- 
éloignés.  On  y  voit  aufii  pluueurs  fours  à  chaux,  auprès  defquels  la  pierre 
calcaire  et  le  bois  fe  trouvent  placés ,  et  en  outre  trois  briqueteries  et  tuileries 
dans  le  nombre  defquelles  eft  comprife  celle  qui  eft  au  fortir  de  la  ville  du 
Fort-Dauphin  ;  tous  les  établiffemens  des  Fredoches  ont  53  blancs,  104  affranchis 
et  678  efclaves. 

On  a  trouvé  dans  les  Fredoches ,  en  1787  ,  cinq  têtes  d'hommes  au  fond  d'une 
caverne.  L'aplatifTement  du  coronal  ou  frontal ,  depuis  les  fourcils  jufqu'en  haut, 
démontrait  qu'elles  avaient  appartenu  à  d'infortunés  Indiens.  Elles  étaient  bien 
confervécs  &  garnies  de  leurs  dents.  Malgré  toutes  les  recherches  il  n'a  pas  été 
poffible  de  rencontrer  d'autres   parties  offeufes. 

Le  refte  de  la  plaine  de  la  paroiife  du  Fort-Dauphin  eft  au  Sud  des  Fredoches. 
Elle  y  forme  un  efpace  qui  a  les  grandes  favanes  dans  l'Eft  ,  les  montagnes 
au  Sud  ,  &  dans  l'Oueft ,  un  prolongement  de  ces  montagnes  qui  fe  dirige  au 
Nord  &  s'arrête  à  une  petite  lieue  de  la  côte  &  de  la  ville  &  dans  le  cou- 
chant de   cette  dernière. 

Au  pied  de  cet  épatement  montueux  ,  coule  la  rivière  Marion  ,  formée 
par  les  eaux  des  montagnes  de  l'acul  de  Samedi  ,  augmentées  de  celles  de 
tous  les  ravins  qui  bordent  fon  cours.  Des  deux  côtés  de  la  rivière  font  des 
habitations  en  fucrerie  ;  mais  comme  la  branche  de  montagnes  dont  je  viens 
de  parier  a  une  pente  prolongée  vers  la  rivière ,  la  rive  Oueft  eft  la  plus  refferrée. 
Cependant  celle  de  l'Eft  eft  afîez  remplie  par  les  monticules  des  favanes ,  pour 
que  la  rive  Occidentale  ait  eu  douze  habitations  ,  tandis  que  la  rive  Orientale  n'en 
avait  que  cinq  et  encore  d'une  plus  petite  étendue.  Enfin  ks  deux  côtés  fîniiTent 
Tg-me     J.  j^ 


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130        DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE       - 

par  fe  rétrécir  au  point  qu'on  n'y  trouve  plus  que  quelques  vallons  et  quelques 
coteaux. 

En  confidérarit  cet  efpjice  ,  dont  h  partie  fupérieure  s'appelle  le  canton  de  h 
grande  Colline  et  n'a  plus  que  trois  de  ces  anciennes  fucreries  ,  on  conçoit  qu'à 
l'époque  où  les  rivières  n'avaient  pas  encore  formé  leurs  lits ,  &  promenaient 
leurs  eaux  à  raifon  des  pentes ,  les  parties  fupérieures  lur  lefquelles  ces  eaux 
n'auront  pu  ni  féjourner  ni  dépofer  un  fédiment  limoneux  ,  n'auront  pas  acquis 
une  couche  végétale  auiïi  épailTe  que  les  parties  inférieures.  Dans  les  points 
voiuns  de  la  mer ,  mais  qui  font  bas ,  les  eaux  douces  auront  corrigé  l'âcreté 
'des  dépôts  marins  &  le  limon,  en  fe  combinant  avec  eux  ,  aura  produit  un  fol 
plus  ou  moins  fertile  ;  tandis  que  dans  les  endroits  tels ,  par  exemple ,  que  la 
portion  des  Fonds-Blancs  qui  dépend  de  la  paroifle  du  Fort-Dauphin  ,  les  eaux 
n'ayant  pu  aller  combattre  l'âcreté  primiiive  ,  fes  effets  fubfiftent  encore.  Cette 
explication  eft  appuyée  par  la  nature  différente  du  fol  dans  les  17  fucreries  & 
même  dans  les  collines  &  les  vallons  de  la  partie  rétrécie  ,  qui  enrichi  d'abord  par 
les  dépouilles  des  montagnes  chariées  par  les  pluies  a  vu  enfuite  fa  fertilité  fe 
détruire  par  la  caufe  même  qui  l'avait  créée.  On  pouvait  porter  à  environ  deux 
millions  de  fucre  le  produit  de  ces  17  fucreries,  prefque  toutes  anéanties ,  fur- 
tout  celle  du  canton  de  la  grande  Colline.  Les  recenfemiens  ne  font  monter  la 
population  de  cette  partie  ,  qu'à  6j  Blancs,  2,202  efclaves  &  feulement  à  10 
affranchis  ;  car ,  en  général ,  on  voit  peu  de  ces  derniers  dans  les  lieux  où  des 
établiffemens  muhipliés  font  ou  ont  été  une  preuve   d'énergie   et  d'acftivité. 

Ce  qui  fe  trouve  des  Fonds-Blancs  dans  laparoiffe  du  Fort-Dauphin  et  qui  , 
comme  je  l'ai  déjà,  obfervé,  ne  comprend  pas  les  mionticules  appelles  les  Mamelles, 
placés  à  2,700  toifes  dans  l'Outft  de  la  pointe  du  baril  de  Bœuf,  et  à  mille  toifes 
de  la  mer,  contient  plusieurs  indigoteries.  Des  féchereffes ,  prefque  continuelles 
depuis  quelques  années  ,  les  affligent  ôc  les  réd  ifent  à  la  plus  grande  médiocrité. 
La  coupe  de  Bayaha  q  i  n'eil  qu'une  gorge  de  l'extrémité  de  la  branche 
Occidentale  des  montagnes  de  la  paroiffe  du  Fort-Dauphin  ,  contient  aufîi 
quelques  faibles  indigoteries  &  des  cultivateurs  de  manioc  &  de  maïs.  Ces 
deux  endroits  ,  d'autres  habitations  de  la  grande  CoLine  ,  des  favanes  de 
3'acul  de  Samedi  ou  de  la  favane  à  Bouché  continue  à  celle-ci ,  ont  3 1  blancs  , 
73  affran  his ,  &  442  efclaves. 

A  i'Eii  de  la  coupe  vie  Bayaha,  eft  une  portion  triangulaire  que  forment,  avec 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       r^? 

la  mer ,  les  deux  branches  de  la  rivière  Marion,  Cette  rivière  fe  bifurque  dans 
la  plaine  même  &  Ton  bras  droit  (  que  les  habitans  placés  à  fa  gauche  ,  voulurent 
combler  en  17 17  (*),  va  vers  la  ville  ayec  le  nom  de  rivière  des  Roches.  On 
conftriiifit  dans  cette  efpèce  d'îlet  ,  au  commencement  de  1707,  une  chapelle 
fuccurfale  de  L-imonade  ,  où  le  curé  de  cette  paroiffe  venait  célébrer  le  fervice 
divin.  L'abbé  de  Mont-Tours  y  dit  la  première  mefîe  le  25  Mars  de  la  rr^êm^ 
année.  En  17 10  le  père  Boutin,  Jlfuite,  en  fit  une  paroiffe  dédiée  à  Saint- Jofeph, 
et  en  1722,  on  transféra  l'églife  à  1,500  tolfes  plus  à  l'Oueft ,  au  vieux  bourg 
de  Bayaha  et  à  800  toifes  ai]  Sud  de  l'embarcadère  de  1^^  Crochue,  dans  une  favane 
où  le  local  de  l'ancien  cimetière  efb  encore  reconnu  par  la  vénération  fuperlli- 
tipufe  des  nègres.  Ce  n'a  été  qu'en  17.-^1  que  la  ville  du  Fort-Dauphin  a  eu  , 
dans  fon  enceinte  ,  fon  pafteur  qui  eft  toujours  le  feul  eccléfiaftique  du  lieu, 

Il  ne  me  relie  plus  maintenant  à  décrire  que  les  montagnes  ;  elles  bornent  k 
paroiffe  au  Sud.  Au  Sud-Oueft  font  celles  de  l'acul  de  Samedi  et  dont  la  faca 
ou  le  revers  Nord  eft  de  la  paroiffe  du  Fort-Dauphin.  On  parla  en  1768  de 
former  une  paroiffe  à  l'acul  de  Samedi  -,  \çs  |iabitans  autorifés  par  le  gouvcrnemenc 
en  1772  à  déHbérer  à  ce  fujet,  nommèrent  un  fyndic  pour  fuivre  l'exécution  du 
plan  qui  comprenait  toute  la  gorge  pu  baffjn  de  l'acul  de  Samedi ,  la  circonfé- 
rence du  morne  au  Diable  ,  la  yallçe  de  l'acul  des  Pins ,  le  Morne-Organifé  , 
&  les  cinq  canfons  de  la  face  Sud  de  la  montagne  ou  grande  Crête  de  l'acul  de 
Samedi ,  qui  dépendent  aujourd'hui  de  la  paroiffe  de  Valliére.  Ce  plan  qui  fut 
contrarié  &  qui  a  cependant  produit  la  nouvelle  paroiffe  de  Valliére  ,  auraic 
réuni  plus  d'avantages  que  l'établiffement  de  celle-ci.  Mais  cet  objet  appartient 
à  la  defcription  de  cette  paroiffe  ,  avec  laquelle  il  eft ,  en  quelque  forte , 
lié.  L'acul  de  Samedi  renferme  plufieurs  cafeteries  fans  qu'aucune  mérite  d'être 
citée  ,  et  dans  prefque- toutes  ,  on  affocie  la  culture  des  vivres  à  celle  du  cafier. 

Après  l'acul  de  Samedi  (  très-arrofé  par  divers  bras  de  la  rivière  Marion  ,  par 
la  rayine  des  Pa'écuviers  ,  par  celle  à  Bouyard  ^  &c.  ),  et  en  allant  vers  l'Eft,  on 
trouve  d'abordj  la  belle  Crête  j  haiite  montagne  ,  pofée  prefqu'en  face  de  l'entrée 
de  la  baie  ,  et  à  l'Eft-  de  laquelle  coule  la  rivière  Marion  dans  un  canton  appelle 
les  Fqnds-BIeus ,  puis  le  morne  au  Diable  ,  qui  fépare  l'acul  de  Samedi  de 
l'acul  des  Pins.   Un  coteau  dont  la  déclivité  eft  affez  douce  pour  qu'il  conferve 


m 


i  *  )  Voyez  Lcjx  de  Saint-Domingue,  tome  2  ,  page  592. 


R  i' 


m 


IJ2 


DESCRIPTION    DE    LA     PARTIE 


encore  une  couche  ^  égétale  a  fervi  à  placer  dans  ce  lieu  une  fucrerie  ,  ayant  un 
moulin  à  eau  ;  la  terre  de  tout  ce  canton  j  ne  répand  pas  au  foins  du  cultivateur 
de  café  j  mais  le  manioc  y  eft  fort  beau. 

L'acul  des  Pins  ,  ainfi  nomir.é  parce  que  les  pins  y  font  communs ,  eft  le 
canton  qui  touche  à  la  paroiiïè  d'Ouanaminthe  dans  l'Eft  &  dans  le  Sud.  Les 
commencemens  de  fa  culture  ont  été  brillansi  on  y  a  formé  une  affez  belle 
fucrerie  et  de  grandes  cafeteries.  Un  grain  rond ,  petit  et  fec,  a  acquis  de  la 
réputation  aux  cafés  qu'il  produit  et  qui  font  recherchés  par  les  capitaines  pro- 
vençaux ,  parce  qu'afTociés  aux  cafés  venus  du  Levant ,  ils  trom.pent  l'œil  du 
connaifîeur  et  le  palais  du  gourmet. 

Toute  la  partie  du  Fort-Dauphin  en  mornes ,  eft  habitée  par  loo  blancs  > 
200  affranchis  et  1,490  efclaves. 

Jettons  maintenant  des  vues  générales  fur  le  Fort-Dauphin.  Le  cHmat  y  eft 
extrême.  Après  une  féchereflè  annuelle ,  qui  dure  ordinaire  mien  t  depuis  le  mois 
de  Février  jufqu'à  celui  de  Mai  ou  de  Juin ,  les  pluies  deviennent  excefïïves 
avec  les  premiers  orages ,  et  amènent  des  fièvres  bilieufes  ardentes.  Il  réfulte  de 
ces  avalafTes ,  qu'après  avoir  confommé  les  vivres  de  terre  ,  de  nouvelles 
plantations  faites  pour  les  remplacer;,  font  fans  fuccês.  De  là  des  difettes  qui 
durent  fix  mois  entiers ,  et  qui  font  caufe  que  dans  un  lieu  où  la  difcipline 
des  efclaves  pourrait  être  plutôt  trouvée  relâchée  que  févère ,  il  y  a  une  grande 
perte  de  ces  hommes  précieux ,  perte  qui  était  encore  proportionnellement  plus 
confidérable  autrefois  5.  lorfqu'on  leur  faifait  defTécher  les  parties  noyées  de  cette 
paroifTe  ;  mais  maintenant  les  travaux  d'égouî  &  de  levées  ,  font  faits  à  l'entre- 
prife  par  des  nègres  qui  y  fontdrefTés  &  accoutumés. 

Ge  ferait  peut-être  le  cas  d'examiner  s'il  n'y  aurait  pas  plus  d'avantao-e  à 
employer  en  arrofement  qu'en  machines  y  l'eau  qu'on  tire  des  différentes  rivières. 
Chaque  année  la  féchereffe  réveille  des  haines  qui  ont  toujours  à  Saint-Domino-ue 
un  caraftêre  fort  actif.  Il  ferait  très-digne  d'une  adminiftraticn  fage  ,  amie  de 
l'ordre  et  de  la  profpérité  publique ,  de  ftatuer  enfin  par  un-  règlement  général 
fur  tous  les  droits  ligitieux  de  ce  genre ,  et  que  des  chefs  principaux  et  fubalternes 
favorifent  ou  bleffent  d'après  des  motifs  trop  étrangers  à  la  juftice.  Ne  pourrait- 
on  pas  réunir  les  eaux  de  la  rivière  de  Jean  de  Nantes  avec  celles  de  la  petite 
Artibonite  (  toutes  deux  de  la  paroifTe  d'Ouanaminthe  "),  et  une  portion  de 
■ceiks  du  haut  du  MafTacre  ,  pour  les  diftribuer  de  manière  que  le  premier 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ijj 

habitant  ne  fût  tenu  de  remettre  fon  eau  qu'au  trolfiême ,  le  fécond  qu'au 
quatrième  ,  &  ainfi  en  alternant.  Lorfque  ]a  pente  ferait  faible  ,  des  trop-pleins 
garantiraient  des  débordemens ,  &  l'on  afîlire  que  des  nivellemens  ont  prouvé 
que  ce  travail  eft  pofîîble. 

Un  autre  trop-plein  fur  la  Matrie ,  pourrait  porter  quelquefois  dans  le  Lagon- 
aux-bœufs,  qui  a  2,500  toifes  de  long  fur  500  de  largeur  moyenne,  des  eaux  qui  en 
défraieraient  le  fond  et  les  alentours ,  et  qui  y  mettraient  un  limon  précieux  pour 
la  culture  et  même  pour  la  falubrité  de  l'air ,  que  ce  lagon  ne  peut  qu'altérer. 

Le  Fort-Dauphin  ne  préfente  aucune  idée  d'augmentation  peur  l'avenir ,  fî 
ce  n'eft  dans  la  culture  de  Maribarou  et  dans  celle  de  quelques  portions 
montueufes,  qui  pourraient  fixer  des  hommes  réduits  à  n'employer  que  de 
faibles  moyens  d'établifîèment.  Mais  tout  cela  en  ajoutant  à  la  richeffe  de  la 
paroiffe  et  en  lui  procurant  furtout  des  vivres  que  la  montagne  produirait  en- 
abondance  ,  ne  ferait  rien  pour  la  ville  proprement  dite.  Encore  une  fois ,  la 
proximité  du  Cap,  celle  du  bourg  d'Ouanaminte  s'oppoferont  toujours  efficacement 
à  ce  que  la  ville  du  Fort-Dauphin  acquière  une  importance  plus  grande  que 
celle  aéluelle ,  &  dont  on  aura  une  idée  plus  exafte  par  les  détails  fui  vans. 

Le  Fort-Dauphin  eft  le  chef-lieu  du  Quartier  de  fon   nom  ,   l'un  des  cinq 
de  la  Partie  du  Nord  ,  et  qui  comprend  les  cinq  paroiffes  du  Fort-Dauphin, 
d'Ouanaminthe,  de  Vallière,  du  Terrier-rouge  et  du  Trou.  On  a  vu  qu'en  y 
créant  un  commandant  militaire  en  1728  ,  il  avait  pour  état-major  un  lieutenant 
de  roi ,  un  major  et  un.  aide-major ,  ce  que  confirma  encore  l'ordonnance  du 
roi   du  23  Juillet  1759.  L'aide-major  fut  fupprimé  en   1777;  et  par  l'efi'et  de 
l'ordonnance  du  20  Décembre   1783  ,  il  n'a  plus  qu'un  major.  Un  officier  de 
l'adminiftration  de  la  marine  y  a  toujours  été  chargé  des  foncT:ions  d'un  fubdélégue 
de  l'ordonnateur  du  Cap,  et  c'eft  encore  un  écrivain  principal^  de  la  marine 
comme  le  difait  l'ordonnance  de  1759.  Un  commis  aux  clafTes  eft  chargé  de 
détails ,  fous  fes  ordres  j   et  un  capitaine  de  port  veille  à  tout  ce  qui  concerne 
cet  emploi,  dont  M.  Miftral  fut  le  premier  pourvu  en  r/32. 

La  SénéchaufTee  a  un  fénéchal,  un  lieutenant  particulier,  un  procureur  du 
roi,  deux  fubftituts,  un  greffier ,  un  audiencier ,  huit  procureurs,  huit  notaires 
diftribués  dans  les  difFérentes  paroiffes  du  reffort  de  la  fénéchauffé  ,  qui  eft  éo-aî 
à  celui  du  commandement,  dix  huiffiers ,  unjaugeur-étalonneur  et  un  concie^e 
éesprifonss  etdepuis  178  8, un  exempt,  un  brigadier  et  trois  archers-fergens  de  polic'e. 


:_^/^ 


ï34      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Jamais  réputation  n'a  peut-être  été  plus  odieufe  que  celle  des  procureurs  de  lajurif-- 
diftion  du  Fort-Dauphin  ,  avant  que  le  zèle  levère  de  M.  d'Ennery  et  la 
probité  lurveillante  de  MM.  Gautier  de  la  Rivière  et  d'Hudicour,  fénéchaux  , 
n'eufîent  mis  un  frein  à  cette  rapacité  ,  qui  avait  fait  du  Fort-Dauphin  l'épou- 
vantail  des  plaideurs  et  la  honte  de  la  juftice.  Il  y  a  eu  dans  cette  fénéchaulTée 
des  confeillers,  à  deux  époques.  D'abord  un  feul  (M.  Barbé),  que  les 
Adminiftrateurs  nommèrent  le  5  Avril  1739  ,  &  ceux  choifis  en  vertu  de  l'éJit 
de  réunion  des  deux  Confeils ,  du  mois  de  Janvier  1787. 

Le  fénéchal  eft  auffi  lieutenant  de  l'Amirauté  ,  qui  a  été  établie  avec  la  Séné- 
chaufTée ,  et  le  procureur  du  roi  appartient  aux  deux  fièges  ,  ainfi  que  les  officiers 
miniftériels.   Deux  interprêtes  en  dépendent. 

Une  brigade  de  maréchauflëe,  compofée  d'un  prévôt ,  de  deux  exempts ,  deux 
brigadiers  et  vingt-deux  archers ,  dépend  du  quartier  Dauphin.  Le  prévôt  réfide 
dans  la  ville  -,  il  a  un  exempt  et  fix  archers  à  Ouanaminthe ,  et  un  exempt  et 
quatre  arcliers  au  Trou. 

Les  comptables  pubUcs  font  un  garde-magafin  de  la  marine  et  de  l'artillerie, 
un  tréibrier  ,  un  receve'jr  de  l'odroi  et  des  droits  domaniaux  ,  un  curateur  aux 
lucceffions  vacantes ,  et  un  receveur  des  droits  d'amirauté.  On  y  voit  un  médecin 
et  un  chirurgien  du  roi,  un  chirurgien-major  de  l'amirauté ,  et  deux  chirurgiens 
ordinaires ,  un  arpenteur  principal  ,  un  voyer  principal,  un  gardien  des  éclufes 
et  fontaines  ;  plufieurs  arpenteurs  réfident  dans  l'étendue  de  U  jurifdiftion. 

Le  Fort-Dauphin  jouit  depuis  long-tcms ,  comme  le  prouve  une  ordonnance 
des  Adminiftrateurs  du  12  Décembre  1727,  d'un  établiffement  de  pofte  aux 
lettres.  Le  courrier  de  toutes  les  parties  de  la  colonie,  paffant  par  le  Cap,  y  arrive 
et  en  part  deux  fois  par  femaine.  Il  n'y  venait  qu'une  fois  avant  le  giois  dç 
Mars  Î764C 

Divers  ouvriers ,  quelques  maîtres  d?écple  pour  enfeigner  la  leélure ,  l'écriture 
et  l'arithmétique  ;  des  marchands  ,  dont  quelques-uns  même  fe  titrent  de 
négocians  ;  des  revendeurs  ;  un  nombre ,  toujours  trop  grand ,  de  çabaretiers , 
dont  le  privilège  qui  était  en  ferme  autrefois ,  donnait  déjà  3,560  liv.  au  fifc 
en  1728;  quelques  plaideurs  et  quelques  olfifs  complètent,  avec  les  divers 
employés  ou  fonctionnaires  publics  ,  la  population  de  la  ville  du  Fort-Dauphin  , 
DÙ  l'on  ne  compte,  malgré  tout  cela  ,  que  254  blancs,  130  affranchis  &  470 
^fclaves.  On  peut  y  ajouter  un   détachement  fourni  par  le   régiment  du  Cap 


1 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  135 
pour  la  garnifon  du  fort  et  celle  des  fortifications  de  l'entrée  ,  garnifon  qui , 
jufqu'tn  1762,  était  de  trois  compagnies  des  troupes  détachées  de  la  marine 
et  25  fuiflès ,  qu'un  bataillon  durégiment  de  Quercy  remplaça  en  1762.  Le  poftc 
du  fort  la  Bouque  avait  original. ement  30  hommes  et  un  officier,  on  ne  le 
relevait  que  tous  les  15  jours.  La  ville  pourrait  compter  en  outre  50  caboteurs 
ou  marins  qui  s'occupent  de  la  pêche  qu'ils  vont  faire  dans  la  baie  de  Mancenille  , 
©u  du  tranfport  des  denrées  ,  qui  a  lieu  dans  des  barques  &  dans  des  bateaux 
depuis  quatre  jufqu'à  cent  tonneaux. 

Le  tranfport  dont  je  viens  de  parler,  fe  fait  par  de  grandes  barques  nommées, 
Paffagers  ,  lorfqu'il  s'agit  du  Cap  ,  et  dont  l'ufage  efl  même  déjà  ancien  pour  le 
Fort-Dauphin  ,  puifque  le  produit  en  a  été  long-tems  affermé  au  profit  du  roi. 
Ils  iont  affranchis  de  cet  impôt  depuis  le  24  Août  1750,  &  leurs  propriétaires 
font  feulement  fournis  à  tenir  des  écritures  en  règle  de  ce  qu'ils  charo-ent ,  &  à 
répondre  de  la  perte  &  des  avaries ,  quand  elles  font  imputables  à  leur  négli- 
gence ou  à  l'impéritie  des  patrons,  qui  doivent  être  des  libres,  et  connus  de  l'Ami- 
rauté ,  par  une  déclaration  de  l'armateur. 

La  facilité  de  cette  communication  réduit  la  ville  à  n'être  qu'un  entreprit 
partiel ,  puifque  plufieurs  embarcadères  font  aufTi  des  entrepôts.  L'on  a  cependant 
vu  quelquefois  le  pavillon  français  flotter  dans  la  baie,  fur  des  navires  d'Europe 
pendant  la  paix ,  quoique  le  plus  fouvent  les  capitaines  fe  contentent  d'envoyer 
du  Cap  des  marchandifes,  qu'un  officier  du  navire  vend  dans  un  magafin  qu'il 
prend  à  cet  efïlt.  On  a  mêine  compté  jufqu'à  12  ou  15  de  ces  magafins,  qui 
faifaient  chacun  un  débit  de  100  et  150  mille  livres  par  mois.  On  n'en  efl  pas 
furpris ,  quand  on  lait  que  la  dépendance  du  Fort-Dauphin  efl  une  de  celles 
dont  les  propriétés  font  les  plus  dégagées  de  dettes. 

En  1784  ,  il  y  a  eu  une  importation  direéte  du  Fort-Dauphin&  de  fon  voifînage, 
par  deux  navires  de  Bordeaux  ,  quatre  goélettes  efpagnoLs  ,  dont  trois  °de 
Barcelone  et  une  de  Cumana,  et  cinq  bateaux  ou  brigantins  des  États-Unis 
d'Amérique. 

En  tems  de  guerre,  la  ville  du  Fort-Dauphin  eft  nulle  quant  au  commerce  , 
et  même  le  tramport  des  denrées  et  des  approvifionnemens  de  cette  paroiffc  y 
eft  très-difficile.  Les  relfifs  é:ant  abfolument  à  fleur  d'eau  ,  il  re  peut  y  avoir 
de  navigation  lûre  entre  eux  et  la  terre  ;  il  faut  donc  gagner  la  pleine  mer, 
et  par  cela  même  le  cabotage  efl  expofé  à  bien  des  rifqucs.  Les  vents  contraires. 


136       DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

les  tempêtes  ,  l'ennemi  ,  tout  concourt  à  fufpendre  la  communication.  Il  ré= 
fuite  de  cet  état  de  chofcs  ,  que  les  habitans  payent  plus  cher  et  vendent  meilleur 
marché.  Quelquefois  dans  les  fortes  brifes  du  mois  d'Avril ,  on  attend  un  mois 
les  provifions  demandées  du  Cap.  Le  fret  par  les  paffagcrs  devient  chaque  jour 
plus  cher.  Suivant  l'adjudication  faite  le  3  Mai  1743  ,  il  était  alloué  au  fermier 
par  perfonne  libre,  trois  livres  j  par  efclave  ,  trente  fous;  pour  un  barril, 
cinquante  fous  ;  pour  une  barrique  ,  cent  fous ,  &  fix  francs  quand  elle  était 
remplie  de  fucre.  Cette  barrique  de  fucre  qui  était  tranfportée  en  1770  pour  " 
7  liv.  10  fol-,  payait  dans  la  guerre  de  1778  24  liv.  15  fol,  et  depuis  la  paix 
elle  eft  taxée  à  20  liv.  12  fol.  6  deniers. 

Les   obftacles   apportés   par  la   guerre ,   font  toujours   renouvelier  le  projet 
d'ouvrir  un  canal  qui  irait  de  la  partie  Oueil  de  la  baie,  entre  la  pointe  àDujarriay 
et  les   terres  arides  placées  Nord   et   Sud  des  Mamelles,  jufqu'à  la   baie   de 
Caracol,   à  l'embouchure   de  la   rivière  du  même  nom,  d'où  les  paffagers   fe 
rendent  au  Cap  en  dedans  des   reffifs.  J'ai  même  un  plan  drefîe  en   175 1   par 
M.  Charlevoix  de  Villers ,  ingénieur ,  où  l'on  voit  que  ce  canal  d'environ  6,000 
toifes  devait  avoir  30  pieds  de  largeur  dans  fon  fond  ,  30  pieds  de  talus  ,   &  30 
pieds  de  haut  à  partir  du  haut  des  berges.  Mais  la  paix  revient ,  &  dans  un 
pays  où  les  hommes  ne  font  pour  ainfi  dire  que   pafîèr ,  il  eft  difficile  qu'un 
projet  foit  conçu ,  mûri  &  exécuté  lorfque   fon  exécution  exige  des  talens ,  du 
tems  &  de  la  dépenfe.  M.   de  Moulceau  était ,  en  1773,  d'avis  qu'on  fît  le 
canal.  Le  Miniftre  dans  une  lettre  du  mois  de  Février   1774»  en  a  rejette  Iç 
projet  à  caufe  de  fon  inutilité  en  tems  de  paix. 

La  baie  du  Fort-Dauphin  ne  fera  jamais  choifie  par  les  ennemis  pour  un 

'^oint  de  débarquement  ,  parce  que  les  vaiffeaux  ne  peuvent  y  entrer  qu'un  à 

un  ;   qu'enfilés  par  les  batteries  ,  ils  font  expofés  à  faire  côte  s'ils  font  défem- 

parés  ;  &   que  d'ailleurs  la  côte  étant  armée  de  reffifs ,  il  y  a  le  danger  des 

calmes  ,   celui    des    courans  ,   des   brifes    violentes  ou  carabinées,  celui  des 

Nords  ,  &c.  Mais  auffi  ,  malgré  fa  pofition  au  vent  ,  cette  baie  ne  peut  pas 

être  un  établiffement  de   proteftion  -,   car  d'une  part  une  efcadre  ne  pouvant  en 

fortir  qu'un  vaifTeau  après  l'autre  ,  &  les  brifes  de  terre  n'étant  pas  toujours  afîez 

durables  ni  affez  fortes  pour  qu'une  efcadre  nombreufe  fe  flattât  de  fortir  toute 

entière  ,  &  de  l'autre  part  la  baie  de  Mancenille  offrant  une  retraite  à  l'ennemi , 

^  la  Grange    tz  les  Sept-Frères  des  mouillages  fûrs ,  des  forces  fupérieures 

pourraient 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE-       137 

pourraient  y  être  aifément  bloquées  par  des  forces  très-inférieures.  Le  Fort- 
Dauphin  eft  donc  tout  ce  qu'il  peut  êtrej  puifqu'on  l'a  préfervé  de  devenir  un 
refuge  pour  les  ennemis  -,  qu'il  en  eft  un  pour  les  bâtimens  pourfuivis  qui  ne  peu- 
vent  pas  gagner  le  Cap ,  &  un  point  de  raffemblement  pour  s'opoofer  au  paffage 
de  l'ennemi  s'il  tentait  une  defcente  à  la  baie  de  Mancenille.  C'eft  même  id 
l'occafion  de  dire  que  l'éloge  de  la  milice  du  quartier  Dauphin  a  été  fait  fans 
difcontmuation ,  par  tous  les  Adminiftrateurs  ,  &  que  fon  zèle  &  fon  amour 
pour  le  nom  français ,  font  des  vertus  qu'elle  n'a  pas  ceffé  de  montrer. 

Elle  eft  compofée  aéluellement  de  240  blancs  &  175  affranchis. 

La  population  totale  de  la  paroiffe  eft  de  700  blancs ,  600  affranchis  &  environ 
9,000  efclaves.  En  1723  ,  on  y  comptait  206  hommes  portant  armes,  &  1,030 


nègres. 


La  latitude  du  Fort-Dauphin  marquée  fur  mon  plan  ,  eft  de  19  degrés  42 
minutes  30  fécondes,  &  fa  longitude  Occidentale  du  Méridien  de  Paris  ^  de  74 
degrés  21  minutes. 

La  ville  du  Fort-Dauphin  eft  à  environ  12  lieues  du  Cap,  87  de  Santo- 
Domingo  ,  5  de  Dahabon  &  5  d'Ouanaminthe  ^  à  4  lieues  du  bourg  du- 
Terrier-rouge ,  6  de  celui  du  Trou ,  &  13  de  Vallière. 

Par  rapport   à   l'intérieur   de   la   paroiffe ,   on   compte,  du   Fort  -  Dauphin 

^'^""'     A  ,  .    ^  listes. 

3  A  Ja  grande  Colhne ,       •■....      ii  j/z 


Au  bas  Maribarou       ..... 

A  l'embouchure  du  MafTacre      .     . 

A  la  Melonniere  ,        ........      r 

Aux  Fredoches ,     ......     ^     z 

Aux  Fonds-Blancs , 2 

A  la  coupe  de  Bayaha  ...... 

A  la  paffe  de  la  rivière  Marion  ,     . 
Au  Vieux-Bourg  , 


2 

2 

1 


Au  Morne  à  Vigie   &  la  Mahotière ,  3 

Aux  Marmoufets  &  aux  Platons ,         .  4 

A  l'acul  de  Samedi  , _• 

Au  Morne  au   Diable  ,       .....     6 

Aux  Fonds-Bleus, y 

A  l'Acul  des  Pins  ,        .......  y 

Et  au  Morne  Organifé,     .     .     ...     .     „. 


Il  y  a  des  grands  chemins  de  communication  entre  le  Fort-Dauphin  &  les 
paroiffesde  fa  juridiftion.  Il  communique  avec  les  bourgs  de  ces  paroilîes  par 
des  routes  de  voiture  ,  excepté  avec  la  paroiffe  de  Vallière  qui  eft  montagneufe 
dans  fa  totalité.  Le  chemin  royal  qui  va  du  Fort-Dauphin  au  Cap,  eft  affez 
pénible  depuis  cette  première  ville  jufqu'à  l'extrémité  des  Fonds- Blancs,  parce 
qu'il  faut  prefque  continuellement ,  monter  et  defcendre.  Cependant  ces  cinq 
lieues^font  aifément  franchies  en  deux  heures,  grâces  à  k: rapidité  des"  chevaux^ 
Tome     I.  o 


^ 


i 


138       D  E  s  C  R  I  P  T  I  O  N     DE     LA     PARTIE 

créols  ^  moms  aue  le  débordement  des  rivières  ,  n'y  mette  obfVacle.  M.  de 
Belzunce  avait  fait  pofer  ,  en  1762,  fur  les  deux  paffages  de  la  rivière  Marion, 
des  bacs  qui  ne  fubfiftent  plus. 

Gn  avait  établi  auffi  au  mois  de  Mai  1785,  entre  le  Fort-Dauphin  et  le  Cap,  une 
dilic^en-e  à  dix  places  ,  dont  fix  pour  des  Blancs  à  deux  piaftres-gourdes  et 
quatre  pour  des  affranchis  à  une  piaftre-gourde.  Elle  allait  d'une  ville  à  l'autre 
dans  la  journée.  Mais  ce  genre  d'établiflement ,  déjà  tenté  plufieurs  fois  à  Saint- 
Domingue  ,  n'a  eu  aucun  fucc-ès. 

La  paroilTe  de  Bayaha  renferme  des  mines ,  et  j'ai  même  la  preuve ,  dans 
une  ordonnance  des  Adminiftrateur^  ,  datée  du  26  Décembre  1716,  qu'on  en 
avait  trouvé  une  d'or  ,  puifqu'eUe  permettait  à  MM.  de  Boifdenier ,  Belfond  , 
Gerland ,  et  autres  affociés  ,  de  faire  travailler  cette  mine  pendant  dix  ans  , 
privativement  à  tous  autres,  à  la  charge  de  payer  net  au  Roi ,  le  cinquième  de 
l'or  ,  qu'on  ferait  tenu  de  repréfenter  toutes  les  femaines  au  commandant  &  au 
commiffaire  du  Cap  ,  à  peine  de  confifcation  et  de  déchéance  du  privilège.  Je 
n'ai  pas  pu  découvrir  dans  quel  point  était  cette  mine  dont  je  fuis  certam  que 

l'exploitation  n'a  jamais  eu  lieu. 

On  lit  dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  &  des 
Arts  du  Cap,pag.  199  ,  l'analyfe  d'uiie  mine  de  pierres  argikufes  cuivreufes 
trouvée  fur  l'habitation  de  M.  Marcadé  ,  placée  au  bord  de  la  mer  dans  la  baie  et 
à  l'Oueft  de  la  ville  -du  Fort-Dauphin.  La  mine  eft  à  deux  pieds  de  profondeur  j 
ces  pierres  couvertes  d'une   efpèce   de  rouille   brunâtre,  montrent  une  couleur 
yerte   très-claire   dans  leurs  fraftures  ;  quelquefois  des  taches  blanchâtres  &  des 
parties   quartzeufes  ,   &  des  traces  de  pyrites  ^  le  toit  quartzeux  qui  les  recouvre 
fait  feu  avec  le  briquet.  On  dit  que  le  lit  en  eft  fort  étendu.   A  l'air  libre ,  la 
pierre  a  pefé    1,152  grains  &  926  dans  l'eau   diftiUée.   D'après  l'analyfe  ,  M. 
Auvray ,  membre  de  la  Société  ,  a  trouvé  que  la  mine  avait':  i°.  -^V  &  demi  d£ 
cuivre  ,  réduit  fous  forme  métallique.  20.  ^«^  &  demi  d'argile  dépouillé  de  fa 
partie  colorante,  de  fragment  de  quartz  &  d'acide  carbonique.  Et  3^  ^  de 
terre  calcaire ,  de  terre  epfonneufe  ,  &  d'une  petite  portion  d'argile. 

Des  obfervations  météorologiques  faites  dans  la  paroiffe  du  Fort-Dauphin  fur 
la  quantité  d'^au  qui  y  tombe  annuellement ,  ont  donné  les  réfultats  fuivans. 


Année  pluvieufe 
Année  moyenne 
Année  sèche   . 


6  pieds. 
4 
3 


1  pouces. 
6 


2  lignes- 
6 


%, 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       139 

On   y  reffent  quelquefois  des  tremblemens  de  terre  qui  ne  font  cependant 
jamais  capables  de  renverfer  des  édifices.  On  en  a  reffenti  un  afTez  fore  le  28 

Août  1784.. 

En  1788,  l'épizootie  a  fait  périr  èc   des  mulets  &  des   bœufs  dans  le  bas 

Maribarou. 

La  paroiffè  du  Fort-Dauphin  a  vu  naître  M.  Croifeuil ,  auteur  d'une  traduc- 
tion ,  en  vers,  de  l'Art  d'aimer  d'Ovide. 


II 

Paroisse       d  '  O   ir  a   n   a  m   r  n   t   h  ev 

OuANAMiNTHE   portc   encorc  le   nom  indien  qu'avait  le  canton  oij  fon 
bourg  eft  fitué  &  qui  fe  prononçait  autrefois  Giianarainto.   Cette  paroifTe  dont  le 
bourg  eft  l'établiffement  français  de  ce  genre  ,  le  plus  voifm  de  la  limite  efpa- 
gnole  ,  faifaif  autrefois  partie  de  l'immenfe  quartier  de  Bayaha  &  adépendu  de  la 
paroifle  du  Fort-Dauphin  jufqu'en   1751.   On  yavait  formé,  dès   173 1  ,  une 
fuccurfale  à  caufe  des  habitans   qu'attiraient  dans  les   alentours  k  commerce  avec 
les  Efpagnols ,  qui  étaient  obligés  de  tirer  tous  leurs   approvifionnemens  de  la 
Partie  Françaifc.    Cette  fuccurfale.  étant  le  préfage  d'un  bourg  ,  les  habitans  de 
ia  ville  du  Fort-Dauphin  en  marquèrent  auffitôt  de  l'inquiétude.    On  voit  par 
tine  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  30  Juin  1738,  qu'on  défendit  fur  cette 
frontière  des  relations  qui  nuifaient  au  Fort-Dauphin.    Les  habitans  d'Ouana- 
rainthe  qui  voulurent  enfuite  une  paroifTe   réelle  au  lieu  d'une  fimple  annexe,. 
émirent  leur  vœu  ,  le  15  Décembre  1751  ,  fur  le  point  où  la  nouvelle  paroifle 
devait  être  affife.  Ils  croyaient  même  fi  bien  que  l'autorifation  de  s'expliquer  X 
cet  égard  ,  était  un  titre  que  le  vicaire  d'Ouanaminthe  commença  à  adminiftrer 
les  Sacremens  &  a  fe  regarder  comme  un  véritable  curé  jufqu'à  ce  qu'un  arrêt: 
du  Confeil  du  Cap  du  18  Novembre  1752,  lui  prefcrivit  de  n'agir  que  comme 
vicaire  de  celui  du  Fort-Dauphin.  Autour  de  fa  chapelle  s'étaient  ralliés  depuis 
loRg-tems  des  affranchis  dont  le  négoce  réveilla  les  allarmes  du  Fort-Dauphin  & 
celles-ci  produifirent  une  autre  ordonnance  du  4  Avril  1758',  qui  défendit  dé- 
faire aucun  trafic  à  Ouanaminthe.  Il  efl  très-remarquable ,  qu'environ  huit  moifc 

S  a-. 


DESCRIPTION 


PARTIE 


après  ,  c'eft-à-dire,  le  29  Noveinbre  1758  ,  les  mêmes  AdminiUrateurs  érigèrent 
Ouananiin:he  en  paroiffe  ,  en  lui  donnant  pour  limite  commune  avec  celle  du 
Fort-Dauphin,  la  rivière  la  Matrie  depuis  fa  fource  jufqu'à  la  mer.  Les  plaintes 
nouvelles  du  Fort-Dauphin  ,  mais  feulement  fur  la  trop  grande  étendue  de  la 
paroiffe  d'Ouansminthe  ,  produifirent  une  ordonnance  du  23  Avril  1759  '  ^P^  ^^ 
reflraignit  à  l'étendue  qu'elle  a  aujourd'hui. 

Cette  paroiffe  a  pour  limites  aduelles  à  l'Eft  &  au  Sud,  la  frontière  efpagnole, 
favoir:  la  ligne  de  dém.arcation  de  l'îlet  du  Maffacre,  depuis  le  point  où  elle  ferait 
rencontrée  par  le  prolongement  vers  l'Eft  du  chemin  qui  paffe  à  la  barrière  de 
l'habitation  Vaublanc  jufqu'à  la  pyramide  N".  17,  Enfuite  ,  depuis  cette  pyra- 
mide jufqu'à  la  2  2'=-  ,  les  eaux  du  Maffacre  ,  celles  fupérieures  du  ruiffeau  de 
Capotille,  &  puis  du  ruiffeau  de  la  Mine,  font  la  féparation  qui  va  enfuite,  tournant 
vers  le  Sud,  jufqu'à  la  pyramide  N°.  32,  qui  eft  fur  la  paroiffe  de  Vallière,  contigue 
dans  le  Sud-Oueft  à  celle  d'Ouanaminthe  ;  enfin  celle-ci  a  dans  l'Oueft  ,  la 
paroiffe  du   Fort-Dauphin. 

Ouanaminthe  eft  une  paroiffe  de  plaine  ,  fui vant  ce  que  j'ai  dit  qu'on  devait 
entendre  par  ce  mot  ;  c'eft  une  des  plus  petites  de  la  Colonie ,  car  elle  n'a  o-uères 
plus  de  dix  lieues  carrées  de  furface  ,  &  plus  de  la  m.oitié  de  cette  étendue  eft  en 


montagnes. 


La  paroiffe  d'Ouanaminthe  a  une  forme  très-irrégulière ,  à  caufe  du  cours 
des  rivières  qui  la  bornent  à  l'Eft  ,  &  qui  viennent  du  Sud-Eft.  Le  bour^  eft 
même  plus  Oriental  que  l'embouchure  du  Maffacre. 

La  partie  plane  fe  trouve  divifée  en  plufieurs  cantons  ou  portions  de  cantons , 
parce  qu'il  en  eft  dont  le  nom  eft  commun  à  la  partie  de  montagnes  qui  les  avoifme. 
En  général ,  cette  partie  plane  offre  beaucoup  de  portions  favaneufes ,  qui  aug- 
mentent à  mefure  qu'on  va  vers  le  Sud  ,  &  dont  le  terrain  n'eft  pas  très-fertile , 
furtout  dans  le  voifinage  des  favanes  du  Fort-Dauphin.  Les  autres  offrent 
cependant  des  terrains  très-propres  à  la  culture  des  vivres  de  terre.  Mais  dans 
toute  cette  plaine ,  rien  n'eft  auffi  précieux  que  le  haut  de  Maribarou ,  nom 
Indien  ,  &  non  pas  Marie-Barmx  ,  comme  le  veulent  ceux  qui  donnent  le  nom 
d'une  femme  pour  étymologie  à  celui  de  ce  lieu. 

Le  haut  Maribaroux  contient  en  totalité  quatorze  fucreries ,  dont  dix  dépen- 
dent de  la  paroiffe  d'Ouanaminthe.  Ces  dernières  produifent  annuellement  deux 
millions  &  demi  de  fucre   blanc.   Enfuite   vient  le   canton  d'Ouanaminthe  , 


^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       141 

proprement  dit,  à  l'une  des  extrémités  duquel ,  vers  le  territoire  efpagnol  eft 
ïe  bourg.  Ce  canton  eft  renfermé  entre  la  rivière  delà  petite  Artiboi.ice  on  à 
Beaujeau,  &  l'habitation  Efcot,  qui  borne  le- bourg  d'Ouanaminthe  au  Sud. 
Il  compte  onze  fucreries  ,  donnant  environ  deux  millions  de  fucre  blanc. 

Vis-à-vis  le  bourg  d'Ouanaminthe ,  dans  l'Oueft  de  la  paroiiic  ,  eft  le  canton 
des  Savanes  de  la  petite  Artibonite  ;  puis  au-deflus ,  allant  au  Sud-oua^t-Sud- 
Eft ,  le  canton  des  Savanes  naturelles  de  la  petite  Arribonite.  Au-deff^s  de  cette 
bande  ,  en  eft  une  autre  qui  a  dans  l'Eft  le  canton  de  la  favane  d'Ouanaaiinthe 
puis  en  gagnant  dans   l'Oueft  celui  de  la  favane  du  Canary  ,   &  enfin  celui  de 
la  favane    au  Lait  ,   qui  touche  déjà  à  l'acul  des   Pins.    Supérieurement  encore 
&  dans  une  efpèce  d'enfoncement  entre  les  mornes ,  &  qui  fe  dirige  au  Sud-Eft, 
font  les  cantons  de   Capotille  ,  de  la  favanne  Longue  ,   de  l'Hermitage  ,  de  la 
ravine  des  Roches,   puis  celui  des   Brûlages,  qui  eft  le  point  de   la  Partie  du 
Nord  de    la  Colonie    françaife  le   plus   avancé    dans  la   Partie   Efpagnole  5   en 
revenant  un   peu   au  Sud,  on  trouve  le  canton  de  la  Mine,  celui  du  Trou 
de  Jean  de  Nantes  ,  &  celui  de  la  Nouvelle-Bretagne.  On  ne  peut  pas  faire  xm 
grand  éloge  de  toute  cette  extrémité  fupérieure   plane,   furtout  lorfqu'on   eft 
obligé  de  dire  que  Capotille  &  la  Mine  ont  vu  s'anéantir  les   quatre  fucreries 
qu'elles  avaient  autrefois.  Cela  ramène ,  prefque  malgré  foi ,  à  parler  de  Mariba- 
rou  ,   confidéré  cependant  dans  toute  fon  étendue   haute  &  baffe. 

Ce  qui  borde  le  Maffacre  depuis  l'embouchure  de  la  petite  Artibonite  jufqu'à 
celle   de  la   Matrie ,  eft  d'un   fol  excellent;  ce    qui   eft  à  l'Eft  du  chemin    ^ 
une   qualité   fupérieure   au  terrain   placé  à  l'Oueft  ;   mais   ce   qui  mérite   une 
préférence  décidée ,  c'eft  la  portion  qui ,  bordant  le  Maffacre  ,  eft  vers  le  milieu 
eatre  les  deux  embouchures  dont  je  viens  de  parler.  Près  du  Maffacre,  la  terre 
eft  gnfâtre  ,  légère ,  profonde  ,  propre  a  l'arrofement ,  &  l'on  y  reconnaît  une 
vraie  terre  d'alluvion ,  tandis  que  celle  qui  eft  le  long  de  la  Matrie ,  eft  noire 
forte  &  même  argileufe.  " 

On  a  comparé  le  vin  de  canne  de  Maribarou  à  ceux  de  Limonade  &  du 
Quartier-Morin  ,  &  il  a  toujours  paru  plus  riche. 

Les  cantons  de  la  partie  montagneufe  font  une  portion  des  Brûlages 
&  de  la  Mine,  le  canton  du  morne  Obé,  partie  de  celui  du  Trou  "de 
Jean  de  Nantes  &  de  celui  de  la  Nouvelle-Bretagne  ,  celui  de  l'acul  à  Parifien , 
&  ceux  du  DetroK  &  du  Trou  à  Jeannot,   que  je  nomme  dans  l'ordre  où  ils 


.Jt 


f 


DESCRIPTION    DE    LA    PART  TE 

font  autour  de  la  partie  plane  qu'ils  bordent ,  &  en  commençant  leur  nomen- 
clature par  le  Sud-Eft  de  la  paroifife. 

C'eft  dans  cette  partie  Sud  -  Eil  des  montagnes  ,  que  fe  trouve  le 
piton  de  Bayaha,  que  l'on  appelle  auffi  piton  des  Frégates ,  parce  qu'on  prétend 
qu'il  lert  de  reconnaiffance  aux  vaiiTcaux  de  ce  nom ,  qui  vont  le  long  de  la 
c^te  Nord.  La  pyramide  N^  31  de  la  frontière  avec  les  Efpagnols ,  eft  fur  la- 
pente  Sud  de  ce  piton,  fitué  à-peu-près  Nord  &  Sud  du  morne  au  Diable, 
quoique  fon  fommet  ibit  la  véritable  borne.  Mais  comme  tous  ks.  pitons  (  qui 
ne  font  autre  cliofe  que  des  pointes  de  montagnes  de  forme  ronde  &  inacceffibles 
dans  leur  partie  furérieure  )  ,  il  eil  à  l'abri  de  l'audace  de  l'homme  ,  qui  peut 
bien  le  défigner  pour  Urn:j ,  mais  qui  ne  faurait  aller  lui  impo fer  des  marques 

de-  fa  propriété-. 

Ouanaminrhe  elt  un  des  points  les  plus  arrofés  de  la   Colonie  ,  puis   qu'entre 

les  rivières  de  la  Mine  ,  de  Capotiile  &  du  Maffacre   qui  le  bordent  à  l'Eft,  & 

celle  de  la  Matrie  qui  eft  a  l'Oueft  ,   fe  trouvent:   i'.  La  ravine  de  la  favane 

Longue  ,  qui  vient ,  avec  les  eaux  de  la  Raque  Efpagnole ,  fe  jetter  ,  peu-à-près, 

dans°la  rivière  du   Canarv.   2^   Cette  rivière  du  Canary ,   où  fe  rend  la  ravine 

des  Sables  après  avoir  kçu  la  ravine  de  la  Savane   au  Lait.  3^  La  ravine  du 

Trou  de  Jean  de  Nantes  &   celle  du  Détroit.  Et  4^  la  rivière  de  la  petite 

Artibonite  ,  née  au  piton  de  Bayaha ,  &  quiforme  même ,  en  fe  fubdivifant  entre 

les  mornes,  pk.ficurs  des  rivières  que  je   viens   de   nommer,  tandis  que  fon 

cours  principal  qui  garde  fon  nom  ,  traverfant  la  plaine  de  la  paroilfe  ,   du  Sud- 

OueftauNord-Eft,   recueiUe  fucceffivement  fes  diverfes  branches  que  d'autres 

eaux  ont  augmentées  ;  elle  arrive  ainfi  enrichie  ,  dans  la  rivière  du   Maffacre  ,  au 

point  eue   i'ai   défigné.    Cette  maffe  d'eau  fi  précieufe ,   fait   mouvoir  quatre 

moulins\  &  je  répète  ,  qu'un  travail  général ,  intelligemment  dirigé,  pourrait. 

donner  des  moulins  à  eau  à  prefque  toutes  les  fucreries  de  la  paroiffe. 

Le  bourg  d'Ouanaminthe  qui  eft  à  cinq  lieues  de  la  ville  du  Eort-Dauphin  ,. 
&  par  conféquent  à  dix-fept  de  celle  du  Cap  ,  puifqu'il  communique  avec  cette 
dernière  en  paffant  par  l'autre  ,  eft  placé  dans  une  favane  élevée.  Il  eft  compofe 
de  dix-fept  ilets ,  ayant  foixante-feize  emplacemens ,  où  font  bâties  foixanr^-cinq 
maifons  dans  une  étendue  de  21G  toi'Iés  de  l'Eft  à  l'Oueft  ,  &  de  135  toifes  du 
Nord  au  Sud.  Vingt  &  un  de  ces  emplacemens  ayant  vingt-quatre  maifons,  font, 
arrentés  au  profit  de  la  paroiffe ,  à  laquelle  ils  appartiennent.  Quatre  rues  fonf 


I 


nm 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.       143 

dirigées  de  l'Eft  à  l'Oueft  3  &  ciniq  autres  les  coupent  à  angles  droits  ;  ii 
n'y  a  guères  que  cinq  ou  fix  maifons  qui  s'écartent  de  cette  diretlion  ,  qu'on 
doit  leur  faire  fuivre  dans  les  cas  de  reconftruclion.  Ce  font  les  feules  qui  étaient 
jeftées  après  un  incendie ,  auquel  on  ell  redevable  malgré  foi  j  de  la  régularité 
Â(5tuelle  du  bourg. 

En  venant  du  grand  chemin  du  Fort-Dauphin  ,  qui  eft  à-peu-près  du  Nord- 
Oueft  au  Sud-Eft ,  on  tourne  à  gauche  pour  entrer  dans  le  bourg  par  la  Grande 
jue  j  l'une  de  celles  ouvertes  d'Orient  en  Occident.  Elle  a  foixante  pieds  de  large 
&  va  fe  terminer  à  l'autre  extrémité  ,  dans  le  chemin  qui  conduit  à  Dahabon  , 
&  oij  commence  aufll  le  chemin  qui  va  dans  le  Sud  ,  pour  conduire  au  canton 
de  la  Mine.  La  Grande  rue  a  parallèlement ,  dans  le  Sud ,  la  rue  de  l'Affomption  , 
&  dans  le  Nord  la  rue  Lilancour  (  commandant  en  chef  par  intérim  )  ,  èc  celle 
de  Vallière  ,  (  Gouverneur- Général  )  ;  ces  trois  n'ont  que  quarante  pieds  de 
large.  Les  quatres  rues  du  Nord  au  Sud ,  font ,  lorfqu'on  vient  du  côté  du 
Fort-Dauphin ,  d'abord  la  rue  de  l'Églife  ,  de  quatre-vingt  pieds  de  large  ,  au 
bout  de  laquelle  5  à  droite  8c  à  foixante -dix  toifes,  c&  le  temple  du  Seigneur 
.ayant  foixante  pieds  de  long  fur  quarante  de  large  ,  &  dédié  à  Notre-Dame  de 
l'Affomption.  Enfuite  la  rue  Royale  ,  la  rue  Du  Grés  (  lieutenant  du  roi  du 
Fort-Dauphin  )  ,  la  rue  Reynaud  (  Commandant-Général  par  intérim  )  ,  &  la 
Tue  de  Vaivre  (  Intendant  )  ;  ces  quatre  n'ont  que  trente  pieds  de  large ,  &  la 
dernière  eft  en  quelque  forte  le  prolongement  du  chemin  de  la  Mine.  Sur  la 
gauche  de  la  Grande  rue  &  devant  celle  de  l'Eglife  ,  eft  la  place  d'Ennery , 
(  Gouverneur-Général  )  ,  qui  a  trois  cens  cinquante  pieds  de  long  du  Septen- 
trion au  Midi ,  èc  feulement  deux  cent  cinquante  d'Orient  en  Occident,  à  partir 
des  arbres  qui  l'environnent.  Il  eft  aflèz  ridicule  que  la  rue  de  l'Églife  qui  s'ouvre 
dans  cette  place ,  ne  correfponde  pas  à  fon  milieu. 

Il  n'y  a  que  488  toifes,  en  ligne  droite ,  du  bord  Eft-  du  bourg  jufqu'à  la 
borne  N°.  18  ,  pofée  pour  limite  fur  les  deux  rives  du  Maffacre  qui  ,  dans  cet 
endroit,  oij  eft  un  gué  ,  a  85  pieds  de  large;  c'eft  ce  qu'on  appelle  la  paffe 
d'en  haut.  La  paffe  d'en  bas  eft  à  environ  70  toifes  au-deffous  de  la  première. 
Elle  eft  moins  folide  que  la  précédente  vers  laquelle  le  chemin  fera  dirigé  ;  car 
aétuellement  il  fait  un  coude  &  va  gagner  la  paffe  d'en  bas.  Ces  deux  paffes 
conduifent  au  bourg  de  Dahabon  qui  eft  en  face  de  celui  d'Ouanaminthe  &  à 
environ  300  toifes  du  Maffacre  ,  fur  le  bord  duquel  les  Efpagnols  ont  un  corps- 


^ 


A 


DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


de-garde.  Du  côté  des  Françaisj  les  habirans  ont  placé  des  levées  pour  fe  garantir 
de  fes  débordemens.  De  la  pafle  d'en  bas  à  l'extrémité  fupérieure  du  grand  îlec 
du  MaiTacre  ,  il  n'y  a  qu'environ  380  toifes. 

Le  bourg  d'Ouanaminthe  doit  toute  fon  exiftence  aux  échanges  qui  peuvent 
s'7  faire  avec  les  Efpagnols  ,  &  il  a  eu  fa  part  des  profits  que  Monte -Chrift  leur 
procurait  pendant  la  guerre  de  1756.  Ce  bourg  efl.  fort  fain  &  l'on  en  a  fait  une 
fatistaifante  épreuve  dans  rérabliiTeinent  d'un  hôpital  militaire  qu'on  y  forma  au 
mois  d'Ottobre  1778  &  qui  était  deftiné  aux  convaîefcens  &  aux  fcorbutiques. 
Le  voifmage  de  la  Partie  Efpagnole  ,  celui  du  Maflacre  y  rendaient  la  boucherie, 
le  laitage ,  le  légumes  abandans  èc  furtout  les  tortues  de  terre  qui  conviennent  fi 
bien  à  certaines  maladies  des  climats  chauds  ;  mais  au  lieu  de  fe  renfermer  dans 
cette  fage  deftination ,  on  envoya  bientôt  toutes  fortes  de  malades  à  Ouanaminthe, 
même  des  malheureux  qui  ne  permettaient  plus  d'efpoir,  &  l'on  en  vit  qui, 
épuifés  encore  par  la  fatigue  d'un  trajet  fait  fur  des  bateaux  incommodes  ,  expi- 
raient prefqu'en  arrivant  à  l'hofpice  ,  où  il  mourut  beaucoup  de  monde  ,. 
(  notamment  des  foldats  du  régiment  efpagnol  de  Léon  )  &  qui  fut  entièrement 
abandonné  au  commencement  de  17  83. 

Il  avait  é:é  queilioa  d'acquérir  un  terrain  pour  établir ,  à  demeure  ,  un  pareil 
hôpital ,  placé  jufqu'alors  dans  des  maifons  prifes  à  loyer.  Mais  ce  projet,  digne 
des  amis  de  l'ilumanité  ,  ne  s'eft  pas  réallfé.  O.i  indiquaic  même  un  terrain  dépen- 
dant de  l'habitation  dt;>  héritiers  Sens ,  à  la  lifière  d'un  emplacement  appartenant 
à  la  fabrique,  qui  a  l'avantage  de  n'ê:re  qu'à  environ  140  toifes  d'un  lieu  oij  l'on  fe 
procurerait  facikraenc  de  l'eau.  On  arriverait  à  cet  hôpital  par  le  chemin  de  la 
Mine,  &  le  bourg  qui  n'^en  ferait  qu'à  150  toifes  ,  ajouterait  encore  aux  reffources 
pour  l'approvifionnement. 

Tel  ell  le  lieu  qui  n'a  cefîe  de  porter  ombrage  au  Fort-Dauphin  ,  &  que  celui- 
ci  aurait  encore  voulu  anéantir  en  1768.  On  a  long-tems  tourmenté  ceux  qui 
voulaient  faire  un  petit  commerce  à  Ouanaminthe  ,  mais  perfonne  n'a  peut-être 
plus  travaillé  à  l'augmentation  de  ce  bourg  que  M.  le  Vicomte  de  Choifeul. 

Les  denrées  d'Ouanaminthe  ont  le  même  débouché  que  celles  du  Fort- 
Dauphin ,  fau  fie  peu  que  les  Efpagnols  prennent  pour  leur  propre  confommation. 

La  police  légale  de  cette  paroiffe  qui  eft  du  commandement  &  de  la  Séné- 
chaulTée  du  Fort-Dauphin  ,  eft  faite  par  un  fubftitut  de  ce  tribunal  qui  y  réfide  ; 
&  celle  de  furveilhnce  ôc  de  sûreté  par  un   coœxmandant  des  milices  &  un 

exempt 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       14^ 

exempt  de  maréchaufiée.  On  a  terminé,  en  1787  j  le  logement  deftiné  à  la 
maréchauffée  &  un  arrêt  du  Confeil  de  Saint-Domingue  ,  rendu  le  4  Septembre 
de  la  même  année  ,  en  a  fait  payer  entiéremeni  la  dépenfe  fur  la  caifîè  publique. 
Il  y  a  un  bureau  de  pofte  dans  ce  lieu  &  l'on  fe  rappelle  que  j'ai  dit  qu'il 
expédiait  les  lettKs  pour  la  Partie  Efpagnole  &  envoyait  auffi  à  Dahabon  celles 
qu'on  veut  faire  paiîèr  en  Efpagne  ou  dans  les  Colonies  Efpagnoles  (*). 

Les  montagnes  d'Ouanara"inthe  ,  comme  celles  du  Fort-Dauphin  ,  renferment 
des  mines  de  fer,  &  les  plus  forts  indices  annoncent  qu'il  y  en  a  de  fulphureufes. 
C'eft  à  une  mine  d'or  qui  a  été  exploitée  par  les  Efpagnols ,  que  le  Canton  de 
la  Mine  doit  fon  nom.  Les  bois  y  font  très-beaux,  les  richelTes  de  la  botanique 
très-multipliées  &  l'on  affure  même  y  avoir  vu  du  quinquina.  Il  ferait  peut-être 
préférable  que  ces  montagnes  fuffent  plus  propres  à  la  culture  du  cafîer  qui  ne 
peut  êcie  comptée  que  pour  trois  ou  quatre  habitations.  Les  autres  y  réunifient 
la  culture  des  vivres ,  à  laquelle  beaucoup  d'autres  établilTemens  font  livrés 
exclufivement  &  avec  un  fuccès  très-lucratif.  Ouanaminthe  qui  a  une  poterie- 
briqueterie  près  du  bourg  ,    n'offre  nulle  part  de  l'indigo. 

La  population  de  la  paroifie  d'Ouanam.inthe  eft,  de  280  Blancs  ,  270  affranchis 
&  environ  7,000  efclaves.  Il  s'y  trouve  308  hommes  portant  armes ,  en  deux 
portions   égales  ,  dont  Tune  de  Blancs  ,  &  l'autre  de  gens  de  couleur. 

L'une  des  plus  anciennes  habitations  de  la  paroilTe  d'Ouanam.inthe  ,  eft  celle 
Robineau,  fituée  dans  le  canton  de  la  petite  Artibonite,  c'eft  du  moins  celle  oij  l'en 
a  commencé  à  faire  du  fucre  terré,  en  1730  ;  elle  appartient ,  à  préfent,  à  M. 
Robineau  de  Bougon,  Créol  &  petit-fils  de  M.  Robineau,  procureur-général  du 
Confeil  du  Cap.  Quoique  ce  colon  eftimable.&  inftruit  ,  réfide  habituellement 
en  France  ,  il  a  cependant  conftamment  affujetti  les  régilTeurs  de  fon  habitation  ,  à 
lui  donner  ,  de  tems  en  tems  ,  un  tableau  de  l'état  &  du  nombre  des  arbres 
fruitiers  qu'il  a  pris  plaifir  à  y  planter  &  à  y  multiplier  ,  dans  un  voyage  qu'il 
y  fit  en   1750.  Mais  on  aime  mieux  vanter  que  fuivre  fon  exemple. 

Vers  1750  ,  M.  Walfh  ,  fit  venir  d'Afrique  ,  quelques  chameaux  qui  ont  vécu 
plufieurs  années  fur  fon  habitation  dç^Ia  Mine,  fans  donner  de  poftérité.  lis 
effrayaient  les  chevaux  au  point  d'être  la  caufe  de  plufieurs  accidens.  Ce  fut  une 
des  raifons  qui  en  empêcha  l'ufage  pour  les  tranfports. 


j*)  Aboyez  la  Partie  Efpagnole,    ler.   vplume  j  page  195 

Tom.     L 


V- 

.1 


DESCRIPTION 

La  température  de  cette  parciffe  eft  analogue  à  celle  de  la  paroifTe  du  Fort- 
Dauphin  ,  mais  avec  cette  particularité  que  lurtout  dans  le  canton  d'Ouanaminthe 
proprement  dit,  les  fécherefles  s'y  font  beaucoup  plus  Sentir  &  que  les  pluies  qui  les 
fuivent,  cauient  de  plus  grands  débordemens.  On  y  éprouve  auffi  de  violens  orages; 
c'eft  même  de  la  chatne  de  Cibao  &  par  les  parties  montagneufes  qui  ne  font  pas 
loin  de  Maribarou  ,  qu'ils  fe  dirigent  vers  la  partie  du  Nord  de  la  Colonie 
françaife  &  il  eft  pafie  ,  en  proverbe ,  d'y  dire  quand  on  entend  un  orage  lointain 
que  Maribarou  gronde.  Le  tonnerre  y  tombe  affez  fréquemment,  &  l'on  cite 
plufieurs  incendies  que  fa  chute  a  caufés  dans  quelques  habitations.  Le  17  Juin 
1783  ,  à  deux  heures  ,  vingt  minutes  de  l'après-midi,  à  la  fuite  d'un  vent 
furieux  fuivi  de  pluie ,  vint  une  grêle  dont  on  ramafla  des  grêlons  auffi  gros  que 
k  poing.  Elle  dura  environ  vingt-huit  minutes  &  fut  fuivie  d'une  averfe.  Ce  fut 
furtout  vers  l'habitation  Th-ilorier ,  au  bord  extérieur  Sud-Oueft  de  l'îlet  du 
Maflacre  ,  qu'elle  fe  fit  fentir  &  elle  y  brifa  les  tuiles  de  la  maifon  principale. 
Heureufement ,  que  la  pluie  dont  cette  grêle  fut  précédée  ,  avait  fait  retirer  les 
nègres  &  les  animaux  ,  car  ils  auraient  pu  être  bleffés  &  même  tués  par  des 
grêlons  auffi   prodigieux. 

Le  2  Oiflobre  1764  ,  le  tonnerre  tomba  au  bourg  d'Ouanaminthe  où  il  tua  M. 
Belleville  ,  procureur  du  Fort-Dauphin ,  M.  Chaillou  ,  ci-devant  notaire  &  un 
charpentier.  Dix  autres  perfonnes  qui  étaient  dans  la  chambre,  furent  renverfées  du 
même  coup  fans  recevoir  aucun  mal  ;  mais  deux  foldats  efpagnols ,  du  corps-de- 
garde  de  l'autre  côté  du  Maflacre  ,  furent  tués. 

Les  montagnes  des  environs  d'Ouanaminthe  ,  font  très  peuplées  de  différentes 
«fpèces  de  ramiers ,  qui  procurent  un  mets  très-délicat  à  la  dépendance  du  Fort- 
Dauphin  ,  d'où  l'on  en  tranfporte  même  au  Cap.  Le  voifmage  des  Efpagnols  qui 
ne  font ,  ni  auffi  nombreux ,  ni  auffi  turbulens  que  les  Français ,  permet  à  ce 
bel  oifeau  de  fe  multiplier,  &  comme  il  n'a  pas  rinftindl  d'éviter  de  franchir  les 
limites ,  il  vient  y  trouver  la  mort  que  nos  nègres  chafîeurs  ne  lui  laifTent  pas 
îong-tems  attendre. 

Le  cimetière  du  bourg  d'Ouanaminthe  recèle  les  reftes  de  M.  de  Parades  , 
mort  à  Maribarou  fur  l'habitation  d'Ofmond  ,  &  dont  le  nom  a  été  Iong-tems 
le  fujet  d'une  aciive  curiofité  ,  parce  qu'il  était  mêlé  aux  détails  relatifs  aux 
projets  politiques  que  l'armée  navale  de  M.  Dorvilliers  devait  favorifer,  en  1778, 
Mais  laiiTons  à  l'hiftoire  à  réveiller  des  cendres  qui  repofent  dans  un  lieu  obfcur  de 
Saint-Domingue» 


# 


■:,.:? 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       147 

î    I    L  , 

Paroisse     de     Vallière. 

Cette  paroiffe ,  dont  toute  l'étendue  eft  montagneiife  ,  porte  le  nom  de  l'un 
des  deux  Adminiftrateurs  qui  Pont  érigée,  le  10  Août  1773,  par  une  ordonnance 
où  on  lit  qu'elle  eft  formée  des  cinq  cantons  de  la  rivière  à  Prévoft  &  des  Raca- 
deaux ,  du  Trou- Vilain  ,  de  la  rivière  à  Mulâtre ,  du  Boucan-Neuf  de  la  Grande 
rivière  &  de  la  Nouvelle-Gafcogne.  Ce  territoire  qui  était ,  en  majeure  partie  , 
dans  la  paroiffe  du  Fort-Dauphin  ,  &  quant  au  refte ,  dans  celle  du  Trou ,  eft 
placé  au  revers  Sud  du  fomraet  des  montagnes  de  l'acul  de  Samedi  ,  qui  vont 
depuis  le  piton  des  Nègres,  jufqu'à  celui  des  Flambeaux. 

On  peut  le  confidérer  comme  ayant  deux  bandes  ,  dont  la  plus  Septentrio- 
nale commence  à  l'Eft ,  à-peu-prèô  vers  le  piton  de  Bayaha  ;  c'eft  le  canton  de 
la  rivière  à  Mulâtre,  nom  qui  lui  fut  donné  par  M.  Saffray  de  Tournemine  , 
prévôt  général  de  maréchauffée  ,  parce  qu'en  pourfuivant  des  nègres  fugitifs,  i^ 
perdit  un  mulâtre,  tué  fur  l'écore  de  la  rivière  qui  defcend  du  piton  des  Ténèbres, 
Plus  à  l'Oucft  eft  le  Trou- Vilain  ;  une  gorge  profonde  qu'obfcurciffaient  des 
arbres  ,  dont  des  milliers  de  liane  épaiffiffaient  encore  le  feuillage,  lui  ont  attiré 
cette  dénomination.  On  trouve  ,  allant  toujours  à  i'Eft ,  la  rivière  à  Prévoft . 
fon  nom  rappelle  le  premier  habitant  dont]  l'induftrie  plaça  un  défriché  au 
bord  de  la  petite  rivière  qui  coule  au  milieu  de  ce  troifième  canton ,  par  lequel 
la  première  bande  eft  terminée. 

La  féconde  bande  plus  intérieure  que  la  première,  commence  à  l'Eft,  par  le 
Boucan-Neuf  de  la  Grande  rivière ,  dénomination  que  lui  donna  un  M.  de  la 
Porte ,  ancien  chaffeur  ,  qui  avait  placé  le  boucan  de  fa  chaffe  fur  les  rives  de 
la  Grande  rivière.  Enfin  plufieurs  gafcons  ayant  été  les  premiers  s'établir  au 
canton  des  Bas-Ouragans ,  il  finit  par  prendre  le  nom  de  Nouvelle-Gafcogne, 
Les  premières  conceffions  furent  toutes  données  avec  ces  divers  noms,  qui 
ont  fait  place  à  celui  de  paroiffe  de  ValUère. 

Tous  ces  cantons  étant  féparés  par  des  chaînes  de  montagnes ,  celles-ci  les  ren- 
daient, poi:r  ainfi  dire,  étrangers  les  uns  aux  auïres,  faute  de  chemins  de  communi- 
cation. Le  nom  de  ravine  à  Mulâtre  était  même  l'appellation  générique,  parce  que 

T  % 


I 


I 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

ce  canton  avait  été  le  premier  établi  par  le  courage  de  M.  Utrel  ,  qui  ofa 
demander  une  conreffion  de  ces  lieux  connus  des  feuls  chalTeurs ,  &  qui  l'obtint 
en  1744  ibu5  la  défignailon  de  hauteurs  de  l'acul  de  Samedi.  La  defcendance  de 
cet  intrépl-ie  colon  ,  qui  frappa  du  premier  coup  de  hache  les  antiques  poiTeffeurs 
de  ce  fol  j  n'a  cependant  pas  recueilli  le  jufte  fruit  de  fes  peines  ,  &  des  enfans , 
laiffés  en  bas  âge,  ont  vu  pafîer  en  d'autres  mains  ,  par  de  nouvelles  conceiïions , 
une  proprié X   que  fcn  origine  aurait  dû  rendre  refpeftable. 

Mais  perfonne  n'a  autant   contribué  à  faire  connaître   l'intérieur  de  ces  mon- 
tagnes que   M.  Gaillardet ,  Créol ,  le  plus  grand  épouvantail  des  nègres   fugitifs , 
&  un  déterminé   chaffeur  dès  fa  ieunefle.   Devenu  commandant  des  milices  du 
quartier  Dauphin  j  &  remarquant  la  faveur  qu'obtenait  la   culture  du   cafier,   & 
la  détérioration  qu'éprouvait  la  face  Nord  de  la  montagne  de  l'acul  de  Samedi  s 
il  indiqua  au  gouvernement  la  ravine  à  Mulâtre   comme   propre  à  recevoir  le 
précieux  arbufte  de  l'Arabie.  Il  vifita  les  lieux  &  détermina  plufieurs   perlonnes 
à  demander  des  conceflions  en  1748.  On  éprouva  même  alors  ce  qui  eft  arrivé 
élans  prefque   toute  la  Colonie  ,  c'eft  qu'il  y  eut  plus  de  terrain  de    concédé  qu'il 
n'en  exiftait  en  réalité  ,  Se  le  gouvernement  prit   le  fage  parti   de  faire  lever  ,  par 
M.   Meillat ,  arpenteur  éclairé  ,   un  plan  général  de  ce  canton.  Cette  époque  fut 
encore  celle  oii  l'on  vit  (  félon  l'ufage  )  ,  d'un  côté  ,  des  conceffionnaires  effrayés 
de  l'entreprife  d'aller  défricher  dans  des  montagnes   où  il  fallait  gravir  à  pied  » 
&   de    l'autre  ,    des     protégés    toujours    apoftés    pour    s'emparer    des  concef- 
fions  J  vendre  leurs  titres  à  des  hommes  inaccefllbles  à   toute  crainte  ,   &   bien 
plus  dignes  qu'eux  d'obtenir  gratuitement  le  droit  d'enrichir  l'Etat.  Parmi  ces 
derniers  ,  on  doit  citer  M.  Caftex  ,  qui ,  déjà  favorifé  par  la  fortune  ,  aida  de  fes 
confeils ,  de  fon  exemple  &  de  fa  bourfc  ,  les  hommes  qui  vinrent  comme  lui  fe 
placer  dans  ces  nouveaux  défrichés ,   &   qui  a  obtenu  le  titre   de  commandant 
de  la  paroiffe  de  Vallière  au  m.oment  de  fa  création  ,  de  l'amitié  reconnaiffante 
de  fes  concitoyens  autant  que  du   choix  du  gouvernement. 

Les  difficultés  inféparables  d'un  défrichement  dans  un  pareil  local  ;  ne  furent 

pas  les  feules  que  les  habitans  eurent   à   éprouver.   Les  Efpagnols  qui   n'avaient 

cefîe  de  prétendre  que  la  Grande  rivière  ,  depuis  fa  fource ,  était  la  limite  des 

eux  nations ,  appercevant  des  plantations  fur  la  rive  Sud ,  vinrent,  le  21  Février 

I7i;5,  faire  une  fomraation  de  les  abandonner.  Le  tranfport  de  M.  de  Lange,  majof 

du  Fort-Dauphin  avec   quelques  miliciens  3  éloigna  les_  verbalifeurs.    M.  de 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E.        14g 

Vaudreuil,  alors  commandant  général  de  la  Colonie  ,  fit  pofer  un  corps-de-garde 
/ur  l'habitation  la  plus  avancée  vers  le  Midi  ;  mais  lorrque  le  retour  de  ce  chef 
en  France  eut  fait  ramener  ce  corps-de-garde  au  bord  de  la  rive  Septentrionale  , 
cent  cinquante  Efpagnols  avoués  par  leur  gouvernement,  vinrent  au  mois 
.d'Août  1757  ,  faccager  &  brûler  les  quatre  habitations  qui  fe  trouvaient  ainfi 
abandonnées  &  fans  proteélion.  Les  troubles  fe  renouvellèrent  plufieurs  fois  -,  en 
vain  les  habitans  du  quartier  Dauphin  marchèrent  à  différentes  époques  pour 
punir  les  Efpagnols  ,  ceux-ci  venant  tout-à-coup  par  leurs  défères  &  s'en 
retournant  après  le  ravage,  les  habitans  qui  marchaient  pour  procurer  du  fecours, 
fe  trouvaient  harcelés  fans  aucune  utilité. 

Les  Colons  laffés  de  tant  d'inquiétudes  ,  reculaient  leurs  plantations  ;  quelques- 
uns  les  avaient  eniièrcment  abandonnées  ,  &  leur  exemple  devenait  contagieux, 
lorfqu'à  l'occafion  d'un  trouble  ,  fur  lequel  M.  de  Chaftenoye  ,  Gouverneur 
du  Cap,  avait  des  avis  certains,  M.  de  Lange,  déjà  nommé,  reçut 
l'ordre  de  faire  marcher  toutes  les  milices  de  la  dépendance  à  cette  frontière. 
Des  pcrfonnes  que  leur  état  exemptait  de  ce  fervice  ,  fe  réunirent  par  zèle  aux' 
milices,  &  mirent  M.  le  Vicomte  de  Choifeul,  alors  fimple  particulier,  à  leur 
tête.  M.  Gaillardet,  chargé  d'éclairer  la  marche,  ayant  été  apperçu  par  les 
Efpagnols,  ils  jugèrent  qu'ils  étaient  découverts,  &  employèrent  à  fuir,  la 
journée  qui  précédait  celle  deftinée  à  leurs  dévaftations.  On  refta  cependanï 
campé  durant  trois  jours,  dont  M.  de  Choifeul  profita  pour  infpirer  aux  habi- 
tans du  quartier ,  la  réfolution  de  demeurer  fur  leurs  terrains.  Perfonne  n'eut 
peut-être  plu^que  lui  le  don  de  perfuader  ,  &  celui  plus  heureux  encore  de 
faire  croire  que  fon  opinion  lui  venait  de  ceux  à  qui  il  i'infinuait.  Sans  cet 
événement,  il  ne  faut  pas  douter  que  le  cours  de  la  Grande  rivière  ne  fûc 
devenu  la  limite  définitive  ;  ce  qui  aurait  fait  perdre  à  la  France  tout  ce  qui  eft 
entre  fa  rive  gauche  &  la  limite  aduelle ,  depuis  les  fourccs  de  cette  rivière 
jufqu'à  Bahon. 

Les  Efpagnols  ne  ceffèrent  cependant  pas  de  fe  plaindre  ou  de  menacer,  & 
on  en  vint  au  mois  d'Avril  1760,  à  une  convention  provifoire ,  ftipulée  par  M. 
Defgrieux,  Capitaine  des  troupes,  &  par  Don  Gafpard,  &  qui  maintint  nomi- 
nativement douze  habitans.  Elle  n'empêcha  pas  en  1761  ,  des  hoftilités  que  IC 
Bart  arrêta.  Les  Efpagnols  ayant  encore  fait  des  réclamations  à  l'arrivée  de 
M»  de  Nolivos,  en  1770  ,  pour  que  les  Français  abandonnaflènt  la  rive  gauche 


ISO 


DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 


de  la  Grande  rivière  ;  ce  nouveau  gouverneur  vint  en  1771a  Dahabon,  pour 
convaincre  Don  Gafpard  qui  y  commandait,  que  la  convention  provifoire  du 
mois  d'Avril  1760  ,  repoufîait  elle-même  la  prétention  des  EfpagnoJs.  Au  mois 
d'Août  de  la  même  année  1771,  Don  Fernandez  ,  commandant  de  Saint- 
Raphaël,  &  M.  de  Boisforeft  ,  ingénieur  en  chef  de  la  Partie  du  Nord,  vinrent 
enfemble  examiner  cetle  partie  de  la  frontière  ,  &  en  lever  le  plan.  Au  mois 
d'Avril  1773  ,  on  répandit  que  les  Efpagnols  ayant  à  leur  tête  le  Préfident 
même  de  Santo-Domingo ,  devaient  venir  faire  une  incurfion  dans  cette  partie  , 
ce  qui  y  amena  encore  les  milices  de  la  dépendance  ,  ayant  à  leur  tête  MjVI.  de 
Lilancour  &  Du  Grès ,  lieutenant  de  roi  &  major  du  Fort-Dauphin.  Ce  mou- 
vement qui  fe  trouva  inutile ,  ayant  donné  lieu  à  des  obfervadons  de  la  part 
de  M.  de  Lilancour ,  elles  devinrent  une  des  caufes  de  l'éreclion  de  la  paroifle 
de  Vallière  ,  au  mois  d'Août  fuivant, 

On  croyait  que  l'opération  définitive  des  limites  augmenterait  la  nouvelle 
paroifle,  mais  le  fait  a  été  contraire  à  cette  attente.  Les  retranchemens  ont 
même  été  caufe  qu€  les  limites  données  à  la  paroifle  en  1773  ,  ont  été  changées 
par  une  nouvelle  ordonnance  du  15  Novembre  1783  ,  qui  les  a  avancées  dans 
rOuefl: ,  iur  la  paroifl^e  du  Trou. 

Vallière  eft  maintenant  borné  à  l'Efl:  par  la  ligne  des  limites  efpagnoles, 
depuis  un  point  antérieur  à  la  pyramide  N".  32,  jufqu'à  la  pyramide  N°.  33. 
Cette  limite  qui  vient  du  piton  de  Bayaha  &  qui  fuit  la  crête  du  morne  à 
Ténèbres  &  le  piton  des  Eflfentes ,  borne  la  rivière  à  Mulâtre  &  le  Boucan- 
Neuf,  &  a  laiffé  aux  Efpagnols  une  plaine  nommée  le  Pedt-Baffin ,  oii  le 
gouvernement  français  avait  donné  des  concefllons  autrefois. 

Au  Sud,  c'eft  encore  la  frontière  efpagnole  qui  termine  Vallière  depuis  la 
pyramide  N°.  23^  jufqu'à  la  pyramide  N°.  43  ,  placée  au  confluent  que  forme 
le  ruifîèau  des  Chandeliers  qui  vient  de  la  Partie  Efpagnole  ,  avec  la  Grande- 
Rivière  qui  eft  fur  notte  territoire.  La  limite  Sud  borde  ainû  tout  Te  terrain 
appellç  Bas-Ouragans  ou  Nouvelle  Gafcogne.  A  l'Oueft  ,  la  crête  du  piton  des 
Nègres ,  le  piton  des  Flambeaux  &  la  rivière  des  Racadeaux  féparent  Vallière 
de  Limonade  &  enfuite  du  canton  des  Écrevifles  appartenant  au  Trou.  Enfin  au 
Nord  ,  la  Grande-Rivière  &  l'acul  de  Samedi  le  féparent  de  la  paroifle  du  Trou 
&  de  celle  du  Fort-Dauphin. 

.J.a  paroiflTe  de  Valière  ,  dans  fa  longueur  de  i'Eft  à  l'Oueft ,  peut  avoir  enviroj^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       151 

trois  lieues  de  fiirface  fur  deux  de  largeur ,  du  Nord  au  Sud.  Sa  Gonfiguration 
intérieure  eft  celle  d'une  longue  colline  au  milieu  de  laquelle  coule  la  Grande- 
Rivière  ,^  formée  par  divers  ruifîeaux ,  venus  des  crêtes  ou  chaînes  de  montagnes 
qui  la  ceignent  de  toutes  parts. 

Les  premières  fources  de  la  Grande-Rivière  fortent  du  piton  de  Bayaha  &  de 
la  crête  de  la  montagne  à  Ténèbres  ,  vers  l'Eft  de  la  paroiffe.  Ces  fources  forment 
d'abord  deux  petites  rivières  dont  l'une  eft  appellée  rivière  à  Ténèbres  &  l'autre 
rivière  du  Boucan-Neuf  &  qui  fe  joignent  à  environ  une  lieue  de  leur  origine.  A 
ce  point  de  jondion  ,  la  rivière  prend  le  nom  de  Grande-Rivière  ,  parce'^qu'elle 
a  un  lit  vafte  ,  un  cours  fans  cafcade  ni  fault.   Après  s'être  promenée  dans  les 
différentes  finuofités  que  forme  le   terrain  ,  elle  va  dans  la  paroiffe  qui  porte  le 
même   nom   de  Grande-Rivière  (  qu'on  s'eft  accoutumé  à  préférer  à  celui   de 
Sainte-Rofe  )  &  enfulte  dans  la  plaine  du   Cap  ,  pour  y  répandre  la  fertilité  , 
quoique  des  excavations  placées  dans  des  rochers  entre   lefquels  elle  s'eft  fait  un* 
paffage  ,  abforbent ,  fans  doute  ,  une  grande  partie  de  fes  eaux,  puifque   maleré 
toutes  celles  dont  elle  reçoit  le  tribut ,  elle  n'en  conferve  pas  plus ,  dans  les  tems 
ordinaires  ,  à  l'endroit  où  le  grand  chemin  du   Cap  à  Limonade  la  traverfe  , 
qu'elle  n'en  contient  dans  les  tems  fecs ,  au  point ,  fi  voifin  de  fa  fource  ,  où  elle 
reçoit  le  nom  de   Grande-Rivière.    De  ce   point  &  dans  la  feule   paroiffe  de 
Vallière  ,  la  Grande-Rivière  eft  groffic  par  la  rivière  à  Mulâtres  ,  la  ravine  à  la 
Porte ,  la  ravine  à  Prévoft  &  celle  des  Racadeaux. 

Quand  on  obferve  l'inclinaifon  rapide  des  diverfes  montagnes  de  Vallière  ,  on 
ne  peut  refufer  un  jufte  éloge  aux  hommes  qui  ont  le  courage  d'aller  exercer  leur 
înduftrie  dans  de  femblables  lieux  ,  où  la  plus  petite  entreprife   eft  difficultueufe. 
On  admire  l'intelligence  qui  y  a  ouvert  plufieurs  chemins  de  communication  & 
ceux  néceffaires  à  l'exportation  des  denrées  ;  &  quand  on  eft  conduit  par  cette 
contemplation  à  réRéchir  fur  l'ordonnance  du  24  Novembre   1781  ,  relative  aux 
chemins,  on  ne  peut  affez  s'étonner  qu'elle  ait  demandé,  par  exemple,  dix 
pieds  francs  de   largeur   aux   chemins  de  communication  fur  le  penchant   des 
montagnes  ipuifqu'à  Vallière,  l'emploi  de  tous  les  nègres  à  ce  feui  travaille 
l'accomplirait  pas  en  dix  ans. 

Vallière  ne  produit  que  du  café  &  des  vivres  du  pays.  Il  donne  environ  un 
million  &  demi  de  livres  de  cette  graine  fi  utile  au  cultivateur.  Il  ferait  poffible 
d'y  doubler  cette  quantité  ,  mais  ce  ferait  fon  maximum.  Le  fol,  très-diverfifié 


152       D  E  s  C  R  I  P  T  I  O  N     D  E     L  A     P  A  R  T  I  E 

comme  ailleurs ,  eft  au-defTus  du  médiocre  ,  fans  arriver  à  la  fupérlorlté  qui  rend 
célèbres  quelques  lieux  de  la  Colonie.  On  y  compte  environ  cr-t  habitations  ëc 
une  population  de  i6o  blancs  ,   i6o  affranchis  &  à-peu-près  2,000  efclaves. 

On  ne  remarque  rien  d'intéreffant  pour  l'hlftoire  naturelle  dans  la  paroiffe  de 
Vallière  ,  où  le  phyficien  obferve  cependant  qu'il  n'y  a  point  de  pierres  calcaires 
fufceptibles  de   calclnation  pour  fournir  de  h  chaux.   Des  veftiges  d'uftenfiles  à 
l'ufage  des  anciens  Naturels,  qu'on   rencontre  fur  ie   fommet  des   montagnes  & 
dansles  gorges  ,  annoncent  qu'elles  ont  été  très-peuplées  autrefois.    On  y  trouva, __ 
en  1787°  u'n  grand   tombeau,   auprès  duquel   en   était   un  autre  qui  n'avait  pu 
erre  élevé  qu'à'un  enfant.    Comme  le  plus  grand  était  chargé  d'hyérogliphes  & 
que  la  pierre  qui  le  recouvrait  fupérieurement ,  avait  fix  pieds  &  était  d'une  feule 
pièce     on  le  regarda  comme  un  tombeau  de  Cacique  ,  ou  au  moins  d'un  perfon. 
naae  trè.-confid"érable.    Je  n'ai  pas  pu  favoir  quelle  fuite  avait  eu  l'examen  qu'on 

iè  propofait  d'en  faire,  -^   tt  n-       ^ 

Quoique  l'ordonnance  d'érecTion  en  paroiffe  ,  (de  1773)  ,  autorife  Valhere  a 
avoir  un  bourg  &  un  marché ,   il  n'y  exifte  cependant  encore  rien  de   femblable. 
Ce  n'eft  même   que  depuis  1782,  que  le  fervice  divin  y  a  été  célébré  ,  chaque 
mois ,  par  le  curé   de   Limonade    auquel  on  paie   2,000  liv.  par  an.  Antérieu- 
rement &  depuis    1780,   on   donnait  800  liv.   au   curé  du  Fort-Dauphin  pour 
y  venir  quatre  fois  par  an  ,  les  jours  de  revue  de  la   milice  -,  cependant  Vallière 
n'a  ceffé  d'offrir  lajouiffance  de  huit  ou  neuf  carreaux  de  terre,  d'un  domeftique, 
de  deux  chevaux,  les  meuDles  d'un  ménage  &  mille  écus  ,  par  an  ,  pour  avoir 
un  curé   qui  lui  ferait  fpécialem.ent  attaché.    Le   29  Septembre   1773,   les  habi- 
tans  fe  font  impofés  à  raifon  de  trente  livres  par  tête  d'efclave  ,  pour  les  frais 
d'érabliffement  en  paroiffe  ,    &   fur  environ  quarante   mille  livres   tournois  qui 
en  font  réfukés ,  on  a  acquis,  au  nom  de  la  fabrique  ,  un  terrain  de.  vingt-huit 
carreaux  dans  un  point  cemral,  où  l'on  a  conftruit  deux  batimens ,  l'un  fervant 
tout-à-la  fois  de    chapelle  ,  fous  l'invocation  de  Saint-Vincent  (  patron  de  M. 
de  Montarcher,  Intendant  ),  &   encore  de  prefbytère  en  attendant  une  églife  , 
^  l'autre  pour  l'utilité  du  curé. 

J'ai  dit  dans  la  defcription  du  Fort-Dauphin  ,  'qu'il  avait  été  queftion  de 
former  une  paroiffe  à  laquelle  on  défignait  pour  centre ,  un  lieu  fitué  à 
l'entrée  du  baffin  de  l'acul  de  Samedi  près  de  la  rivière  Manon,  &  dans  une 
éireaion  Eft  &Oueft,  avec  l'acul  des  Fins  d'un  côté  &  la  coupe  des  Perche^ 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       153 

de  l'autre.  On  affjre  même  qu'un  chemin  (  qui  eft  poffible  )  prolongé  jufqu'au 
canton  de  la  Mine  dans  la  paroilie  d'Ouanaminthe ,  conduirait  les  habitans  de 
ce  dernier  point ,  au  bourg  du  Trou  en  moins  de  tems  qu'il  ne  leur  en  faut  à 
préfent ,  pour  être  à  la  hauteur  de  la  ville  du  Fort-Dauphin  ,  lorfqu'ils  fe  rendent 
en  voiture  au  Capj  c'eft-à-dire,  qu'il  y  aurait  une  économie  d'un  tiers  de  chemin. 
Aujourd'hui  les  habitans  de  l'acul  des  Pins  ont  fept  ou  huit  lieues  à  faire  pour 
aller  à  leur  parollTe  ,  tandis  qu'une  coupe  ,  placée  vers  le  milieu  d'une  crête 
baffe  qui  domine  la  double  coliine  par  laquelle  les  deux  vallées  font  féparées ,  & 
fituée,  à-peu-près,  au  centre  de  l'acul  des  Pins;  coupe  oij  je  fais  que  l'on  a  déjà 
paffé  à  pied  &  à  cheval  fans  qu'on  y  ait  employé  le  moindre  travail ,  aurait  fait 
communiquer  ce  canton  avec  celui  de  l'acul  de  Samedi. 

D'un  autre  côté  ,  les  cabrouets  ,  les  animaux  de  charge  &  les  nèp-res 
feraient  arrivés  à  ce  bourg  par  un  chemin  de  plaine  pour  l'approvifionner ,  tandis 
que  les  montagnes  voifmes  ,  y  trouvant  un  entrepôt  peu  éloigné,  y  auraient 
apporté  auffi  leurs  provifions.  Il  y  aurait  peut-être  eu  par  le  même  moyen  ,  des 
facilités  pour  charier  des  merreins  ,  des  effentes  &  même  du  bois  à  bâtir  qu'il 
faut  brûler  aujourd'hui  fur  la  place  pour  en  être  débarraffé.  Les  kabitans  les  plus 
éloignés  auraient  pu  arriver  au  bourg ,  en  trois  heures.  Il  y  aurait  donc  eu  avan- 
tage pour  tous ,  &  notamment  pour  la  plaine  du  Fort-Dauphin  &  de  Maribarou, 
où  les  féchereffes  rendent  les  fecours  en  vivres  du  pays  fi  preffans.  Tous  ces 
motifs  ont  fléchi  devant  l'intérêt  particulier ,  fi  l'on  en  croit  certaines  opinions  , 
parce  que  l'ouverture  du  chemin  aurait  facrifié  ce  même  intérêt  à  l'éo-ard  de 
quelques  habitans  fur  le  terrain  defquels  il  aurait  paffé. 

Peut-être  que  le  peu  d'établiffemens  faits  à  Vallière,  confidéré  comme  pareille, 
ferait  une  raVibn  pour  revenir  au  plan  de  l'acul  de  Samedi  auquel  on  les  réunirait. 
Dans  tous  les  cas  ,  il  ferait  utile  ,  du  moins  ,  de  confolider  celui  d'un 
marché  à  Vallière.  Le  nègre  qui  trouve  à  vendre  &  à  acheter  ,  a  plus  de 
reiTources,  plus  de  joulffances  &  fa  condition  s'améliore.  Le  commerce 
que  ces  échanges  produifent,  tire  d'une  oifiveté  dangereufe  des  gens  de  couleur 
des  Blancs  qui  croupiffent  dans  des  villes  ou  dans  de  grands  bourgs  j  cij  ils 
donnent  &  reçoivent  alternativem.ent  l'exemple  des  vices.  Avec  des  profits 
ils  deviendraient  habitans  &  l'homm.e  qui  cultive  un  champ  eff  un  citoyen  &  un 
homme  qui  a  une  patrie.  Je  fais  que  de  riches  planteurs  Se  des  citadins  égoïftes 
croient  que  tout  le  monde  eft  heureux  lorfqu'ils  ne  manquent  de  rien  &  qu'ils  ne 
Tome     L  Y  ~ 


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.-"-«r" 


DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

.  veulent  que  de  grands  propriétaires  ou  des  hommes  à  grandes  fpéculations  ,  fans 
fe  refîbuvenir  de  ce  qu'ils  furent  autrefois  &  fans  compter  tous  les  hafards  dont 
ils  font  les  enfans  gâtés.  Mais  moi  qui  fonge ,  à  mon  tour ,  que  la  nature  fait  des 
fourmis  &  des  éléphans ,  moi  qui  penfe  aux  nègres  que  la  misère  &  le  défaut 
d'alimens  fubftantiels  &  de  fecours  de  l'art  de  guérir  ,  moiffonnent ,  je  fuis  d'avis 
qu'on  multiplie  les  individus  dans  les  montagnes  oij  le  luxe  ne  fait  pas  gravir  & 
où  une  population  libre  ,  deviendrait  tout  à  la  fois  ,  un  moyen  de  richeffes 
nationales  &  de  fureté  intérieure.  On  en  a  la  preuve  dans  l'écabliffement  des 
montagnes  de  l'acul  de  Samedi  &  par  conféquent  de  Valiière.  Tous  les  noms  de 
piton  des  Nègres  ,  de  piton  des  Flambeaux  ,  de  piton  des  Ténèbres  ,  de  crête 
à  Congo,  rappellent  des  époques  où  des  fugitifs  fe  cantonnaient  dans  des  points 
prefqu'inacceffibles ,  ne  fut-ce  que  par  le  défaut  de  chemins.  On  fe  rappelle 
encore  de  Polidor  &  de  fa  bande ,  de  fes  meurtres ,  de  fes  brigandages ,  &  furtout 
de  la  peine  qu'on  eut  à  l'arrêter. 

Il  faut  compter  en  outre  que  dans  le  cas  où  de  grands  intervalles  de  montagnes 
font  fans  point  de  réunion  ,  les  fecours  fpirituels  font  refufés  à  des  hommes  qui  , 
du  moins  en  fortant  d'une  vie  laborieufe ,  veulent  s'entendre  dire  qu'un  être 
fouveralnement  bon  les  attend  pour  les  récompenfer.  Le  frein  m.oral  de  la 
religion  ,  abftraftion  faite  même  des  vérités  confolantes  qu'elle  met  en  réfervc 
dans  le  cœur  de  l'homme  pour  l'époque  où  le  malheur  les  fait  éclore ,  s'altère 
&  fe  perd  fi  l'homme  eft  loin  de  tout  ce  qui  lui  parle  de  l'autre  vie.  Une 
féconde  railon ,  c'eft  que  des  revues  de  milices  répétées  ,  au  moins  à  chaque 
trimeftre,  appelent  quelquefois  très-loin  un  habitant»  pour  qui  elles  font  trois  jours 
de  détournement  &  une  occafion  de  dépenfe.  C'eft  bien  aflez  que  durant  la 
guerre  ,  il  faille  envoj-er  ,  comm.e  les  habitans  de  Valhère  ,  toutes  \ts  lîx 
femaines,  une  garde  de  huit  jours  au  pofte  de  la  Meionnière,  où  plufieurs  d'entre 
eux  n'arrivent  qu'après  avoir  fait  douze  ou  quinze  lieues ,  dont  quelques-unes 
font  périlleufes  dans  ceitaines  faifons. 

La  paroilTe  de  Valiière  n'a  d'autre  débouché  pour  fes  denrées  que  le  Fore- 
Dauphin  j  d'où  elle  les  envoie  au  Cap ,  qui  lui  fournit  auffî  fes  befoins.  Il  y  a 
huit  ou  dix  lieues  de  tranfport. 

La  fituation  de  cette  paroiiTe,  environnée  de  montagnes,  la  garantit  des 
{iéchereffes  qui  défolent  les  plaines  de  fon  voilînage.  Elle  eft  plutôt  iujette  à 
liexcès  des  pluies  &  aux  débordemens  qui  en  font  Ja  fuite.  Dans   l'ourao-an  du 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       155 

4  au  5  Août  1772 ,  &  qui  fe  fit  fentir  depuis  Ouanaminthe  jufqu'â  Saint-Marc 
le  vent  qui  foufflait  du  Sud-Eft,  renverfa  les  conflruftions  ^  détruifit  le  manioc  ' 
le  riz  &  les  pois.  L'acul  de  Samedi ,  l'acul  des  Pins,  la  Nouvelle-Bretagne 
furent  ravagés  ;  la  récolte  de  café  qui  était  fur  les  arbres ,  fut  prefqu'à  motdé 
perdue,  &  ce  qui  reftait  de  la  précédente  dans  les  magafms,  fut  confidérablement 
endommagé.  Une  pluie  abondante  qui  dura  vingt-quatre  heures  ,  ajouta  les 
inondations  à  tant  de  calamités, 

La  température  de  Vailière  efl  aflez  fraîche,  &  elle  ferait  même  trouvée 
froide  par  les  habitans  des  viiles.  On  pourrait  y  naturalifer  des  arbres  fruitiers 
de  France,  &  en  1787  on  voyait  chez  un  habitant  plufieurs  pommiers  ,  dont 
un  avait  vingt-fix  pouces  de  circonférence.  On  obfervait  avec  raifon  qu'étant 
fauvageon  ,  venu  de  pépin  ,  fes  fruits  ne  pouvaient  pas  être  bons. 

Dans  l-Eft  de  Vailière ,  ell  le  Mont-Organifé  qui  en  dépend.  Il  ne  fe  dégrade 
pas  comme  la  face  Septentrionale  des  montagnes  qui  font  au  fond  de  la  plaine  du 
Fort-Dauphin ,    &   l'on  y  trouve  des  terres  qui  ont  encore  leur  fertilité  pre- 
mière.   On  a  appelé  ce  mont,  Orgaràjé ,  parce  qu'il  fcmble  être  l'afile  chéri 
de  l'oifeau ,  nommé  muficien  à  caufc  de  fon  brillant  gofier  &  de  fa  facilité  à 
moduler  plufieurs  notes  de  mufique  avec  une  exaétitude  qui  charme  l'homme 
toujours  occupé  de  fe  retrouver  dans  tout.  C'eft  une  des  jouifîances  de  ces  lieux 
élevés,  où  le  regret  produit  par  plus  d'une  privation,  efl  adouci  encore  par  une  vue 
étendue,  qu'on   peut,   de  certaines  pofidons ,   promener  jufqu'à  des  diftances 
très-confidérables;  &  par  la  fraîcheur  tonique  des  nuits ,  dont  la  température  eft 
telle,  qu'au  point  du  jour  &  à  caufe  des  eaux  limpides  dont  on  eft  entouré  par 
les  bras  nombreux  de  plufieurs  rivières,  on  éprouve  à  l'air  extérieur  une  fen- 
fation    très-propre  à  rappeler  celle   des  gelées    blanches  de   France,  &   cette 
fenfation  eft  commune  aux  montagnes  avoifinantes ,  &  notamment  i  celles  de 
l'acul  de  Samedi. 


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I  V. 


Paroisse     du     Tïrrier-Rqu 


G    E. 


L  A  forme  de  cette  paroifle  eft  prefque  celle  d'un  triangle  ayant  fa  bafc  à  la 
m^r  &  dont  les  deux  côtés  vont  toujours  en  fe  rapprochant  jufqu'au  fommet .  où 

V  2 


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156 


DESCRIPTION     D 


LA     PARTIE 


ils  font  très-peu  dUlans  l'on  de  l'autre.  Elle  eft  ,  pour  ainfi  dire  ,  toute  en  plaine , 
&  ne  renfer  T;e  qu'une  très-petite  portion  montagneufe  qui  n'eft  même  ,  dans 
certains  peints,  que  le  penchant  doux  de  quelques  collines  ou  l'extrémité  de  quel- 
ques petites  chaînes. 

La  parciffe  du  Terrier  -  Rouge  eil  contigue ,  dans  l'Efl  ,  à  celle  du  Fort- 
Dauphin  ,  de  ibrie  qu'elles  fe  partagent  les  Fonds-Blancs  ;  le  canton  du  Terrier- 
Rouge  ,  proprement  dit ,  eft  enfuite  ,  &  le  canton  du  Grand  -  BafTm  ,  qui 
formonte  celui  du  Terrier-Rouge  en  allant  au  Sud,  correfpond  à  la  grande 
Colline  du  Fort-Dauphin  :  au  Nord  eft  la  mer  :  à  l'Oueft  ,  en  partant  du  rivage  ^ 
eft  une  petice  portion  de  la  paroifîe  de  Limonade  avec  laquelle  celle  du  Terrier- 
Rouo-e  a  en  commun  ,  la  ravine  à  Grimaud  jjufqu'à  la  rencontre  du  chemin  du 
Cap  au  Terrier-Rouge  ;  puis  ce  chemin  lui-même  ,  devient  une  limite  Sud , 
jurqu'à  ce  que  parvenu  à  la  lifière  des  habitations  Pardieu  &  Bretoux ,  il  trouve 
la  cime  de  la  montagne  des  Épineux  ,  des  Balingans  &  à  Bouché,  qui ,  dirigée  au 
Sudj  devient  une  partie  de  la  limite  Occidentale  du  Terrier-Rouge ,  contigue 
dans  cette  parde  à  celle  du  Trou. 

Au  Sud,  la  paroifîe  d^i  Terrier-Rouge  a,  par  fa  configuration  ,  le  chemin  dir 
Cap  au  bourg  du  Terrier- Rouge,  comme  je  viens  de  le  dire,  pour  fa  limite  Oueft; 
puis  dans  le  furplus  de  fa  frondère  Méridionale,  elle  a  pour  limite  commune  avec 
la  paroiflè  du  Trou  ^  la  ravine  à  Bouché  jufqu'à  fon  confiuent  avec  la  rivière 
Marion. 

La  paroiffe  du  Terrier-Rouge  a  un  fol  extrêmement  varié.   J'ai  déjà  dit  urt 
îîiot  de   celui  des  Fonds-Blancs  ,   que  traverfe  le    grand    chemin    du    Cap    au 
Fort-Dauphin.  Rien   n'eft   plus  fait   pour  attrifter  ,    que  Tafpecl  qu'il  préfente 
dans  les  temps   fecs ,  &   qui  ferait  douter   que   ce    canton  foit   fufceptible  de. 
produire    un    indigo  très  -  eftimé  ,   quand  des  pluies  propices  viennent  le  fé- 
conder. Un    tuf  blancheâcre   &  marneux  y  étale  bientôt  les  miracles  de  la  plus 
rapide  véo-étation  ,   fi  les  fels  qu'il  contient  font  tenus   dans  Tétat  de  diftbiution 
qui  peut  les    convertir  en  fève.  Il  eft  cependant  des  portions  plus  voifines  du 
rivage  qui  font  d'une  aridité  abfolue,  parce  que  la  mer  eft  encore  trop  proche 
d'une  furface  qu'une  effiorefcence   falineufe   occupe  toute   entière  ,   ou   qu'elle 
n'abandonne  que  pour  donner  paiTage  à  des  ar'ouftes  vrais  avortons ,  ou  à  ces 
végétaux  fpongieux,    qui  femblent  vouloir  repouîTer   encore  par  leurs  épines  :> 
i'homme  que  r  aridité  du  fol  n'aurait  pas  écartéo,  C'eftdans  le  canton  des  FondâT- 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  157 
Blancs  qu'on  a  trouvé,  il  y  a  peu  d'années,  du  vrai  fulfate  de  chaux,  dont  la 
Société  des  Sciences  &  des  Arts  du  Cap-Français  a  même  fait  faire  le  bufte  de  feu 
M.  Lefebvre  Deihayes,  iiabitant  de  Plymouth,  l'un  de  fcs  membres  les  plus  zélés. 
C'eft  encore  au  canton  des  Fonds-Blancs  que  font  les  mamelles ,  petits  monti- 
cules placés  à  l'extrémité  Oueft  des  Fredoches  ,  remarquables  par  leur  ifole- 
ment,  &  dont  j'ai  parlé  à  l'article  du  Fort-Dauphin  ,  mais  qui  appartiennent  à  la 
paroiffe  du  Terrier-Rouge. 

Cette  bande  Nord  eft  fuivie  ,  en  allant  dans  le  Sud  ,  d'un  canton  qui  en 
diffère  un  peu,  c'eft  celui  de  la  Belle-Hôteffe ,  au-deffus  duquel  encore  eft  celui 
du  Grand-Baffin  ,  qui  va  communiquer  par  fon  bout  fupérieur  à  la  gorge  de 
î'acul  de  Samedi ,  &  où  le  terrain  eft  médiocre  &  les  pluies  tellement  rares , 
que  la  culture  y  eft  quelquefois  fans  fruit.  Le  Grand-Baffin  a  cependant  fept 
fucreries  ,  mais  qui  ne  donnent  entr'elles  que  500  m.illiers  de  fucre.  Une 
rivière  ,  la  Matrie  ,  paflè  au  Grand-Baffin  j  quoique  confidérable  à  fa  fource  ,  fon 
lit  eft  fouvent  à  fec ,  parce  que  fes  eaux  s'infiltrent  parmi  les  fables  qu'elle 
eharie  &  dont  fon  cours  eft  bordé. 

Du  Grand-Baffin  qui  termine  la  paroiffe  au  Sud-Eft  gagnant  l'Oueft  ,  on 
trouve  le  canton  qui  fe  nomme  le  Terrier-Rouge  proprement  dit ,  &  qui  eft 
bordé  au  Nord  par  le  chemin  qui  va  du  Cap  au  Fort-Dauphin  ,  en  paffant  par 
le  bourg  du  Terrier- Rouge.  Ce  canton  eft  défolé  auffi  par  la  féchereffe.  On  y 
compte  cinq  fucreries ,  dans  le  nombre  defquelles  eft  celle  qui  appartenait  aux 
Jéfuites  ,  autrefois  miffionnaire^  de  la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie  ,  &  où  ils 
avaient  une  chapelle  clauftrale  &  270  nègres.  Ces  cinq  fucreries  donnent 
néanmoins  environ  un  milion  de  fucre  ;  quantité  dont  celle  des  Jéfuites  fournit 
îe  tiers,  mais  les  capitaux  qui  produifent  ce  revenu,  prouvent  bien  le  peu 
de  fertilité  du  fol.  Il  eft  même  très-extraordinaire  que  des  religieux  &  furtout 
des  Jéfuites  ,.qui_,  dans  toutes  les  Colonies,  ont  m^ontré  une  grande  fagacité  dans^ 
le  choix  des  conceffions  qu'ils,  fe  font  fait  faire,  ayent  franchi  le  Quartier-Morin  & 
Limonade  pour  venir  s'établir  au  Terrier-Rouge.  Ce  canton  finit  à  la  face 
Orientale  de  la  chaîne  des  Épineux,  des  Ealingans  &  à  Bouché ,.  terme  de 
la  paroiffe  à  l'Oueft. 

Le  nom  de  Terrier-Rouge ,  donné  à  caufe  de  la  nuance  du  terrain  (  origine 
qui  blâme  l'ufage  de  dire  les  Terriers -Rouges  )  ,  appartient  fpécialement  auffi 
à  une  grande  fayane  naturelle ,  nommée  la  grande  favane  du  Terrier-Rouge  ou  la; 


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158       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

Savane-Carrée,  qui  unit  diagonalement  le  canton  du  Terrier-Rouge,  dont  je 
viens  de  parler  ,  avec  l'extrémité  fupérieure  des  Fonds-Blancs  ,  la  plus  rapprochée 
du  Fort-Dauphin.  Cette  favane  très-étendue  ,  efl  chargée  dans  piufieurs  endroits 
de  fredoches  ou  de  raques  (  affemblage  de  bois  rabougris  )  ,  qui  s'étendent  dans 
divers  fens ,  &  qui  rendent  inutiles  de  grands  efpaces  où  l'on  ne  va  pas  même 
chercher  quelques  bois,  que  leur  incorruptibilité  devrait  faire  prifer,  malgré 
la  peticelTe  de  leurs  dimenfions. 

Le  bourg  du  Terrier-Rouge  ,  placé  à  environ  trois  petites  lieues  de  l'embar- 
cadère de  Caracol ,  eft  compofé  de  vingt-cinq  maifons  éparfes  &  médiocres , 
fituées  auprès  de  l'églife  dédiée  à  Saint-Pierre  ,  &  fervant  à  loger  quelques  petits 
détaillans  ,  utiles  au  marché  de  la  paroifle ,  qui  fe  forme  au  bourg  les  fêtes  & 
les  dimanches.  Le  Terrier-Rouge  faifait,  avec  le  Trou  ,  parne  de  la  paroifle  de 
Limonade.  Lorfque  le  Trou  devint  en  1705  une  paroiffe  qui  s'étendait  jufqu'aux 
limites  efpagnoles  ,  le  Terrier-Rouge  qui  en  dépendait  eut  une  chapelle  en 
1707,  &  devint  lui-même  une  paroifle  dès  17 10,  fi  on  en  croit  une  note 
écrite  en  17 14  par  le  père  Le  Pers  ,  qui  devait  le  bien  favoir  ,  lui  qui  a  été 
le  fondateur  de  la  paroifle  du  Trou.  Néanmoins  ,  foit  que  cet  établiflèment 
paroifllal  de  17 10  n'ait  été  que  précaire  ,  foit  qu'il  eût  même  été  abandonné 
depuis  i7i4,on  voit  dans  une  pièce  authentique,  l'ordonnance  des  Adminif- 
trateurs  du  27  Août  1712,  qu'en  1721  les  habitans  du  Terrier-Rouge,  du_ 
Grand-Baflin  ,  du  Grand  acul  de  la  Belle-Hôtefl"e  ,  de  la  Savane  -  Carrée  & 
du  Fond-Blanc  ,  demandèrent  une  paroiffe  ,  à  caufe  de  leur  trop  grand  éloi- 
gnement  de  celle  du  Trou.  Autorifés  le  18  Mai  à  délibérer  à  cet  égard,  ils 
arrêtèrent  le  26  Odobre ,  qu'on  conftruirait  l'églife  fur  un  terrain  entre  deux 
raques  fituées  dans  la  favane  à  Goyave  ,  lieu  oij  efl:  le  bourg  aéluel ,  ce  qui  fut 
approuvé  par  les  Adminiftrateurs.  Le  bourg  efl;  afl"ez  au  centre  de  la  paroifl"e , 
puifque  ~4e  bout  Nord-Oueft  de  celle- ci  qui  s'en  écarte  plus  que  le  refle  , 
n'a  point  d'habitans  5  il  eft  près  de  la  rivière  la  Matrie  ou  du  Terrier-Rouge 
qu'il  a  à  l'Efl: ,  &  qui  vient  du  morne  à  Bouché. 

Il  ne  refte  plus  à  décrire  que  la  portion  de  la  partie  Septentrionale  de  h 
paroifle  ,  qui ,  placée  au-deflTous  du  grand  chemin  du  Cap  au  Fort-Dauphin , 
^'étend  depuis  les  Fonds-Blancs  jufqu'à  la  paroiflfe  de  Limonade,  dans  l'Ouefl: 

Le  canton  qui  fuit  les  Fonds-Blancs  de  l'Eft  à  l'Ouefl  eft  celui  de  Japquezy. 
Çç  mot  indien  que  l'on  écrit  Jaquezy ,  Jacquezy  &  Jaxy ,  était  le  nom  de  toutî 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       159 

l'étendue  qui  forme  ]a  paroifTc  du  Terrier-Rouge  &  une  partie  de  celle  du 
Trou;  auflî  ne  le  connaiflait-on  autrefois  que  fous  cette  dénomination  génériaue, 
&  le  Trou  était  appelle,  le  Trou  de  Jacquezy .  Depuis,  il  a  été  reftraint  au 
canton  dont  je  parle  en  ce  moment  &  qui  eft  entre  la  mer,  les  deux  bras  de  la 
rivière  de  Jacquezy  ,  &  le  chemin  qui  va  du  Cap  au  Fort-Dauphin. 

Jacquezy  ,  proprement  dit ,  eft  très-remarquable  par  fa  fertilité.  Huit  fucreries 
y  donnent  dix-huit  cens  milliers  de  fucre  blanc  d'une  belle  qualiié.  Qu'on  ju-e 
par  là  de  ce  qu'on  pourrait  attendre  de  ce  terroir  ,  fi  les  pluies  ne  lui  étaient  pis 
auffi  conftamment  refufées  où  fi  les  habitans ,  au  lieu  de  fe  difputer  par  de  lon^s 
&  coûteux  procès ,  le  peu  d'eau  qui  coule  fans  utilité  dans  les  rivières  ,  s'accor- 
daient pour  fe  la  partager  à  raifon  de  leurs  poffeffions  arrofables  !  Ils  augmenteraient 
leurs  revenus  &  ajouteraient  à  leurs  richeffes  la  jouifTance  délicieufe  du  jardina-e 
des  fruits  &  du  laitage  qu'on  regrette  de  ne  pouvoir  pas  donner  à  des  nè-res 
convalefcens.  C'eft  à  Jacquezy  que  viennent  les  meilleurs  caïmites  ,  ce  fruit 
-  à  mucilage  fucré  ,  dont  les  Créols  font  fi  friands  ,  quoique  fon  odeur  un  peu 
fermentec  le  rende  peu  agréable  aux  Européens.  La  caïmite  eft  là  auffi  aroffe 
qu'une  belle  pomme  de  calville  ou  qu'une  belle  orange  ,  &  fa  peau  offre  fur  un 
fond  verd  ,  la  nuance  violette  qu'a  le  deffous  de  fa  belle  feuille  lifîè 

Le  bourg  du  Terrier-Rouge  qui  a  la  grande  Savane  du  même  nom  au  Nord- 
Eft,  a  auffi  une  grande  favane  de  Jacquezy  au  Nord-Oueft  &  à-peu-près- à  la 
même  diftance.  A  la  naiffance  de  cette  favane  ,  à  l'Eft  &  avant  d'arriver  à  la 
rivière  laMatrie,  eft  un  monticule  qui  n'eft  qu'un  point  du  prolongement  de 
la  crête  des  Epineux,  vers  le  Nord.  On  le  nomme  le  morne  Efpagnol,  &  autrefois 
on  appelait  auffi  paffe  Efpagnole  ,  le  point  voifin  où  le  chemin  traverfait  la  rivière* 
Plus  au  Nord  font  deux  petites  réunions  d'eau  que  les  Français  ont  toujours 
appellées  la  grande  Mare  &  la  mare  à  l'Oye.  C^eft  entre  elles  deux  que  M  de 
Pardieu  avait  une  hatte  ,  en  1716,  &  au-deffus  un  corail  ou  lieu  pour  élever 
des  cochons. 

Le  canton  de  Caracol  fuit  Jacquezy ,  dans  l'Oucft.  Ce  n^eft  plus  qu'uffe 
favane  que  la  fécherelTe  change  quelquefois  en  un  champ  ,  couvert  de  pouffière. 
II  y  a  cependant  des  habitations  dans  la  partie  Sud  de  Caracol  ,  mais  elles  font 
de  la  paroiffe  du  Trou.  Enfin,  entre  Caracol  &  la  limite  de  Limonade  ,  on 
trouve  encore  une  raque  appellée  raque  à  Budan ,  qui  n'a  point  d'établiiTemens 
dans  ce  qui  dépend  du  Terrier-Rouf  e. 


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i6o       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Mais  ce  qui  eft  fufcepdble  d'offrir  un  véritable  intérêt ,  c'eft  la  côte ,  qui 
borde  toute  cette  paroifîe,  au  Nord.  A  mille  toiles  du  point  du  rivage  qui  répond 
aux  Mamelles,  commencent  les  Efters  des  Fonds-Blancs,  ces  portions  qui, 
mitoyennes  encre  la  terre  &  l'onde  ,  ont ,  fi  j'ofe  m'exprimer  ainfi  ,  une  exiflence 
amphibie  &  à  qui  leur  nom  eft  venu  de  ce  qu'elles  font  ex  terra,  hors  de  la  terre, 
avec  laquelle  elles  ne  forment  pas  un  tout  homogène.  Les  efters  ou  exterres  des 
Fonds-Blancs  (  &  l'uiage  a  rendu  efter  plus  familier  )  ,  ont  environ  3,000 
toifes  de  long  fur  une  profondeur  qui  augmente  en  gagnant  à  l'Oueft  &  qu'on 
peut  compter  à  environ  mille  toifes  en  terme  moyen. 

La  chaîne  de  reffifs  ,  dont  j'ai  de  à  parlé  à  l'article  du  Fort-Dauphin  ,  eft 
parallèle  à  cette  cÔce  dont  elle  n'eft  éloignée  que  de  500  toifes  &  où  elle  a  plus 
d'une  demi-lieue  de  large  ,  &  feulement  huit  ou  neuf  pouces  d'eau  à  mer  baffe. 
Un  peu  à  l'Eft  du  point  où  commencent  les  efters  ,  eft  une  petite  paffe  où  les 
canots  peuvent  traverfer  les  reffifs  ,  &  à  1,500  toifes  de  celle-là  ,  eft  la  paffe  des 
Fonds-Blancs  où  de  petits  bâcim.ens  pourraient  pénétrer  ;  auffi  y  a-t-il  en  face 
de  cette  dernière  une  batterie  &  un  corps-de-garde  pour  la  défendre  &  s'oppofer 
même  au  paffage  des  canots  qui  fe  ferait  introduits  par  la  paffe  qui  leur  fuffit. 
Ce  corps-de  garde  ,  où  l'on  arrive  en  contournant  les  efters  dans  l'Eft  &  allant 
enfui^e  le  long  du  rivage  ,  eft  à  2,500  toifes  de  la  pointe  de  Jacquezy  qui 
termine  ces  efters  dans  l'Oueft  &:  qui  eft  prefqu'en  ligne  droite  avec  l'entrée  du 

Fort-Dauphin. 

On  trouve  1,420  toifes  en  contournant  la  côte  depuis  la  pointe  de  Jacquezy , 
jufqu'à  l'embouchure  de  la  rivière  la  Matrie  ou  du  Terrier-Rouge  qu'elle  a  au 
Sud.  On  remonte  cette  rivière  pendant  550  toifes  pour  arriver  à  l'em'oarcadère 
de  Jacquezy  cyji  exiftait  avant  17 16  ;  &  à  une  petite  lieue  dans  l'Eft  duquel 
était  dans  les  Fonds-Blancs  ,  la  hatte  que  M.  Robineau  ,  fucceffivement 
Sénéchal  et  Procureur-Général  au  Cap  ,  fit  à  la  follicitation  de  MM.  le  Chevalier 
de  Saint-Laurent  et  Bégon  ,  et  à  l'exemple  de  M.  Franfquenay  en  1685,  et  qu'on 
voyait  encore  en  17 16.  _  _^ 

A  400  toifes  dans  le  Sud-Oueft  de  l'embouchure  de  la  Matrie  ou  rivière  du 
Terrier-Rouo-e  ,  eft  celle  de  la  rivière  de  Jacquezy  ou  du  Trou  de  Jacquezy, 
qui  eft  couverte  ,  dans  l'Oueft ,  par  une  pointe  qui  s'avance  de  plus  de  200  toiles 
hors  de  l'embouchure  et  qui  forme  ,  avec  la  pointe  de  Jacquezy  ,  la  baie  de  ce 
nom  ,  où  devait  aboutir  le  canal  de  communication  avec   le   bord  Oneft  de 

-r        ,  •  La 

la  baie  du  Fort-Dauphin. 


FRANÇAISE    DE    SA  n^T-DO  MIN  GUE.       i6i 

La  dernière  pointe  forme  ,  en  même-tems  ,  celle  Septentrionale  de  la  baie  de 
Caracol.  Dans  cette  dernière  baie  et  à  une  demi-lieue  de  la  pointe  ,  efl  l'embar- 
cadère de  Caracol  qui  exiftait  avant  17 17  ,  et  où  l'on  embarque  dans  deux  points 
dont  le  fecdnd  eft  à, 360  toifes  dans  l'Oueft  du  premier  &  près  de  l'embouchure 
de  la  rivière  de  Caracol  qui  eft  dans  l'Eft  de  la  favane  du  même  nom.  Là  côte 
courre  au  Sud-Oueft  depuis  la  pointe  qui  forme  la  baie  de  Jacquezy ,  à  l'Oueft 
jufqu'à  la  rivière  de  Caracol  ,  où  elle  reprend  la  direftion  de  l'Eft  à  l'Oueft 
pendant  600  toifes;  mais  à  ce  terme,  la  côte  recule  d'environ  500  toifes  dans 
le  Sud  j  &  formant  trois  arcs  de  cercle  prefqu'égaux  ,  que  deux  petites  pointes 
féparent ,  elle  fait  une  grande  lieue  dans  l'Oueft,  Arrivée  là  ,  elle  reprend  le 
Nord  &  revient  prefque  jufqu'à  être  parrallèle  avec  la  direftion  de  la  cote  depuis 
l'entrée  du  Fort^ Dauphin  jufqu'à  la  pointe  de  Jacquezy. 

C'eft  au  devant  de  ces  arcs  ou  enfoncemens  &  ,  par  conféquent ,  du  retour  de 
côte  qui  eft  à  angle  droit  avec  lui  ,  qu'eft  un  nouvel  efter  découpé  par  portions 
inégales,  mais  plus  grandes  que  celles  de  l'efter  des  Fonds-Blancs.  Il  a  3,700 
toifes  de  l'Eft  à  l'Oueft  &  environ  1,500  du  Nord  au  Sud.  Entre  lui  &  les  arcs 
eft  la  baie  à  Békli  qui  a  470  toifes  d'ouverture  &  1,400  de  profondeur  de  l'Eft  à 
l'Oueft.  Au  fond  de  la  baie  de  Békli,  eft  un  intervalle  dans  l'efter  même  ,  au 
troiflème  arc  qui  eft  le  dernier  au  fond  ^  &  que  quelques  perfonnes  appellent  la 
baie  à  Conégut  du  nom  de  l'habitation  qu'elle  borde  &  où  eft  l'embouchure  de 
la  rivière  à  Grimaud  ,  limite  de  la  paroifle  de  Limonade  ;  ce  qui  m'avertit  de 
rentrer  dans  celle  du  Terrier-Rouge. 

Les  efters  des  Fonds-Blancs  &  de  Caracol ,  font  couverts  de  palétuviers  qui 
fournilTent  du  tan  &  où  l'on  vient  cueillir  des  huîtres. 

L'efter  de  Caracol  eft  formé  par  douze  portions  appellées  îlets  ,  qui  en  compo- 
fent  l'enfemble  que  l'on  nomme  la  pointe  de  Caracol.  Les  trois  îlets  les 
plus  confidérables  de  ces  douze  font  le  côté  Eft  de  l'efter.  Tout  cet  efter  fut 
concédé  le  22  Novembre  1769  à  M.  Courrejolles,  ce  qui  n'empêcha  pas  plufieurs 
perfonnes  de  le  convoiter  en  1772  &  en  1775,  Mais  un  arrêt  du  Confeil  du  Cap 
du  20  Mars  1781  ,  a  maintenu  M.  Courrejolles  dans  fes  droits.  Le  poiTcfleur 
aftuel  eft  M,  Bernier ,  qui  l'a  payé  vingt-fept  mille  livres ,  au  mois  de  Jan- 
vier 1783. 

La  pointe  de  Caracol  fe  trouve  à  3,000  toifes  de  celle  de  Jacquezy.  L'-ouverture 
qui  eft  entre  elles  deux  conduit  donc  :    1°.  à  la  baie  de  Caracol  qui  occupe  k 
Tome     /,  5^ 


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i6i 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


milieu.    2".  à  celle  de  Jacquezy  qui  eft  dans  le  fond  Sud-Ell;  &  3*^.  à  celle 
de  Békly  qui  efl  dans  le  fond  Sud-Oueft. 

Dés  1713  j  ces  divers  embarcadères  furent  f«ri2i5'z«^j' ,  mais  celui  de  Caracol 
fut  le  premier  de  tous  ceux  de  la  Partie  du  Nord  qu'on  fortifia.  Il  l'a  été  par  les 
foins  de  M.  de  Chailenove  qui  y  fit  placer  une  batterie  &  un  retranchement. 
Cet  embarcadère  eft  aiTez  difficile  ,  parce  que  les  chaloupes  ne  peuvent  en  appro- 
cher qu'à  la  haute  mer.  L'embarcadère  de  Jacquezy  eut  aufTi  un  retranchement 
peu  après,  fait,  comme  celui  de  Caracol ,  par  des  nègres  de  corvée.  M.  de 
Belzunce  y  ajouta  encore  des  difpofitions    en    176-2. 

Maintenant  l'embarcadère  de  Jacquezy  &  celui  de  Caracol  font  protégés  par 
des  batteries  &  des  corps -de-garde  ,  capables  de  s'oppofer  aux  entreprifes  que 
pourraient  tenter  les  canots  ou  les  bâcimens  auxquels  la  paffe  des  Fonds-Blancs  Se 
celle  même  de  Caracol,  qui  eft  dans  les  refTifs  &  en  face  de  la  pointe  de  Caracol , 
aurait  donné  accès  ;  ce  qui  fuppoferait  le  fecours  d'excellens  pratiques  pour  fe 
diriger  dans  la  paffe  &  pour  éviter  les  hauts-fonds  de  la  pointe  de  Caracol,  &  une 
audace  que  pourrait  punir  l'impofTibilité  de  le  retirer  ,  Ci  l'on  était  défemparé. 
Au  mois  de  Juin  1762,  la  frégate  anglaile  le  Huffard  ,  fondant  la  paffe  de 
Caracol ,  s'y  échoua  &  fut  prife.  Les  habitans  de  Limonade  ,  de  Sainte-Rofe 
&  du  Dondon  fourniffent  ,  comme  ceux  du  Trou  ,  à  la  garde  de  Caracol. 

Le  paffage  de  Jacquezy  &  celui  du  Trou  (  il  n'y  avait  point  alors  de  paroifîè 
■du  Terrier-rouge)  ,  furent  affermés  au  mois  de  Janvier  17 17  ,  par  le  capitaine  de 
port  du  Cap  ,  d'après  les  ordres  du  Gouverneur-Général  à  un  M.  Fouquet , 
avec  privilège  exclufif.  Le  paffage  de  Jacquezy  fut  affermé  pour  trois  ans  à  M. 
François  Surger  ,  en  1728,  à  raifon  de  690  liv.  par  an  j  il  produifait  en  1744 
6,650  liv.  Cependant  il  ne  fut  porté  qu'à  3,600  liv.  le  18  Juillet  1763,  que 
M.  Ruotte  ,  fubftitut  du  procureur-général  du  Cap,  &  fubdélégué  de  l'inten- 
tendantj  l'adjuga  à  M.  Chardavoine.  J'ai  déjà  dit  que  ces  fermes  difparurent 
en  1765. 

J'obferverai  cependant  que  quoique  le  métier  de  paffager  foit  très- 
libre  ,  il  n'eft  cependant  pas  permis  à  ceux  qui  le  font  ,  de  refiafer  de  fe 
charger  des  marchandifes  qu'on  leur  préfente  à  tranfporter  fur  le  pied  ordinaire 
4u  fret ,  dont  le  taux  eft  fixé  par  l'ufage.  La  queftion  s'étant  préfentée  au  Confeil 
du  Cap  entre  M.  Troplong,  capitaine  d'un  navire  de  Bordeaux,  &  M.  Duhalty, 
propriétaire  du  paffage  de   Jacquezy,  celui-ci  fijt   condamné  par  arrêt  de  ce 


Ui^. — i.ract . 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE-       163 

tribunal ,  du  13  Mai  1777  ,  à  recevoir  &  à  tranfporter  des  feuillards  que  l'autre 
lui  avait  offerts.  Il  n'y  a  donc  que  la  ceffation  du  paffage  qui  puiffe  exempter 
le  maître  du  paffager  de  fervir  le  public. 

Les   trois   embarcadères  de  la  paroiffe  du  Terrier-rouge  font  d'autant  plus 
précieux  pour  elle  &  pour  la  paroiffe  du  Trou,  à  laquelle  les  deux  embarcadères 
de  Caracol  fervent  de  débouché  ,  que   les  barques  paffagéres  qui  y  font  les 
tranfports,  naviguent  en  dedans  des  reffifs  ,  &  font  ainfi  moralement  à  l'abri  de 
tout  danger.    Des  chemins  commodes   conduifent  jufqu'aux  magafins  d'entre- 
pôt, conftruits  aux   embarcadères,  les  denrées  qu'on  doit  vendre  ou  livrer  au 
Cap,  &  fervent  à  tranfporter  les  approvifionnemens  &  les  autres  objets  qu'on  tire 
de  cette  ville.  Quelquefois  auffi ,  les  chaloupes  des  navires  d'Europe  mouillés  au 
Cap,  viennent,  à  jour  nommé,  chercher  des  denrées  que  les  capitaines  ont  acheté 
ou  qu'ils  doivent  recevoir  à  fret  ,  &   ils  évitent  ainfi  les   frais  du  magafinage   & 
les  inconvéniens  d'un  déchargement  au  Cap.  D'autrefois  encore,  les  acons  font 
expédiés  de  la  rade  du  Cap  pour  effe£luer  ces  tranfports ,  qui  dans   les   années 
heureufes  pour  le  cultivateur   &   pour  le   commerçant ,   rendent  très-fréquentes 
différentes  routes  qui  coupent  en  divers  lens  la  furface  de  la  paroiffe  du  Terrier- 
rouge.     On   y   éprouve    cependant  ,    mais   trop    rarement  pour  l'utilité   des  ^ 
habitans ,  i'obftacle  du  paffage  des   rivières  que  des  orages  changent  en  torrens 
&  qui  font  affcz  encaiffées ,  furtout  celle  de  Jacquezy  ou  du  Trou  de  Jacquezia 
pour  être  dangereufes  à   traverfer  lorfque   leurs   eaux   excèdent   une   certaine 
hauteur. 

Il  eft  tems  de  dire  que  le  canton  de  Caracol,  qui  porte  le  nom  efpao-nol  du 
limaçon  ,  peut-être  à  caufe  de  l'enfoncement  de  la  baie  de  Békly  ou  des 
tournoyemens  des  parties  de  l'efter  ,  était  le  fite  de  la  ville  de  Port-Royal 
(  Puerto-Real  )  ,  que  Rodrigue  Mexia  fonda  en  1503,  &  qui  dépendait  du 
gouvernement  de  Saint-Yague.  Mais  ce  qui  efb  encore  plus  glorieux  pour 
Caracol ,  c'ell  que  fon  port  eft  celui  de  la  Nativité,  ainfi  nommé  par  Chriftophe 
Colomb,  qui  y  entra  le  jour  de  Noël  1492.  En  rapprochant  tout  ce  qu'il  y  a 
de  defcriptif  dans  le?  premiers  hiftoriens  du  Nouveau-Monde  ,  il  n'eil  o-uères 
poffible  de  douter  de  ce  fait  ;  furtout  quand  on  remarque  que  le  chef-lieu  dir 
royaume  de  Guacanaric  était  fur  une  pointe ,  à  l'extrémité  de  la  Véga-Réal , 
&  conféquemment  vers  le  point  où  eft  maintenant  l'embarcadère  de  la  Petite- 
Anfe,  au  Quartier-Merin  ,  &  (ju'il  eft  dit  que  Colomb  partant  de  la  Nativité, 


a 


\'C 


amr. 


164       DESCRIPTION     DELA     PARTIE 

fît  de  l'eau  au  Nord-Ouefr  ,  puis  fortit  en  remarquant  bien  l'entrée  pour  lâ 
reconnaître  ,  que  Ton  lit  était  noyé  &  qu'on  n'y  trouvait  point  de  pierres  po.ur 
bâdr;  eirconftances  qui  femblent  bien  défigner  la  rivière  de  Caracol  ou  de 
Jacquezy  ,  une  entrée  aufTi  difRcile  que  celle  de  Caracol  dans  un  paffage  que 
iaiffent  des  reflifs ,  &  la  nature  des  environs  de  l'efter.  Ce  fut  près  du  port  de  la 
Nativité  que  fut  conftruite  la  tour  que  l'on  appella  la  fortereffe  de  la  Nativité , 
&  où  Colomb  laiffa  quelques  Efpagnols  ,  qu'il  trouva  maiTacrés  à  fou  fécond 
voyage  ;  ce  qui  le  porta  à  abandonner  le  port  de  la  Nativité  au  mois  de 
Décembre  1493.  Je  montrerai  dans  la  defcription  de  la  paroiffe  de  Limonade  , 
fur  le  territoire  de  laquelle  il  paraît  qu'était  la  fortereffe  ,  combien  ces  preuves 
fe  fortifient  encore.  Tout  fe  réunit  donc  pour  offrir  dans  Caracol,  le  premier 
établiiTement  européen  du  Nouveau-Monde  ,  &  en  même-tems  le  premier  de 
l'île  Saint-Domingue.  Quel  état  pour  une  aufîl  illuftre  origine  ?  On  y  chercherait 
cnvain  le  fouvenir  de  fa  gloire  primitive  ,  les  traces  de  la  ville  qui  em.bellilTait 
un  lieu  que  fon  aridité  &  celles  des  environs  a  prefque  livré  à  l'abandon ,  du 
moins  dans  une  grande  parde  ;  on  n'y  peut  recueillir  que  cette  utile  leçon , 
que  tout  ce  qui  eil  l'ouvrage  de  l'homme,  eft  périfTable  comme  lui. 

La  ville  du  Port-Royal  était  du  nombre  des  villes  efpagnoles  de  la  Colonie  , 
qui  obtinrent  des  armoiries  en  1508.  Elle  avait  un  écu  d'azur,  onde,  chargé 
d'un  navire  d'or.  Dès  1606,  elle  était  déjà  abandonnée. 

Le  Terrier-rouge  a  des  droits  à  la  reconnaiflance  publique  ,  parce  que  c'eft 
fur  l'habitation  des  Jéfuites  ,  appartenant  à  préfent  à  M.  de  Rouvray ,  qu'ont 
été  naturalifés  les  premiers  cafiers  que  les  Jéfuites  de  la  Martinique  envoyèrent 
à  leurs  confrères.  On  en  prit  les  graines  pour  les  planter  au  Dondon,  où  l'on 
a  commencé  ,  à  Saint-Domingue  ,  la  culture  de  cet  arbufte ,  qui  doit  être  mis  au 
fécond  rang  parmi  les  produftions  qui  font  la  richeffe  de  la  Colonie. 

Il  y  a  au  Terrier-rouge  ,  lur  l'habitation  Auvray ,  de  la  luzerne  provenue  de 
graines  que  cet  induftrieux  habitant  a  fait'venir  de  France,  &  y  a  planté  en  1776. 
Il  peut  en  faire  une  coupe  tous  les  mois ,  &  les  mulets  &  les  chevaux  la  mangent 
avec  grand  plaifir. 

La  température  du  Terrier-rouge  ,  eft  généralement  fèche.  Cette  paroiiîè 
fouffrit  cxtrêmem.cnt  de  la  fécherefîè  qui  y  régna  depuis  la  fin  du  mois  d'Août 
1785  ,jufqu'à  celui  d'Avril  1786;  &  qui  fut  telle ,  qu'on  croit  que  le  feu  a 
pris   fpontanément  au  mois  de  Mars   1786  ,  à  plufieurs  pièces  de  cannes  de 


II, 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       i6r 
l'habitation  Verron ,   fi  tuée  dans  le  canton  du   Terner-rouge  proprement   dit 
C'eft  fur  cette  habitation  qu'ell  né,  le  24  Oftobre  1771  ,  un  petit  muleton 
produit  par  une  mule,  &  qui  a  vécu  jufqu'au  17  Juin  1776. 

Les  recherches  publiées  par  la  Société  des  Sciences  &  des  Arts  du  Cap  fur 
les  épizooties ,  prouvent  que  la  maladie  charbonneufeaparu  au  Terrier-Rouge  en 
1787  ,  &ron  y  lit,  pages  149  &/uwa^tes ,  les  détails  des  accidens  qu'éprouva  M- 
Auvray ,  pour  s'être  bleffé  en  ouvrant  une  mule  qui  en  était  morte. 

Suivant  le  rapport  d'Herréra,  il  y  avait  dans  les  environs  de  Port-Royal  une 
mine  de  cuivre.  Tout  porte  à  croire  qu'elle   était  fur  l'habitation  le  Roux  des 
Mes,  ci-devant  Champaing  ,  dépendante  à  préfent  de  la  paroiffe  de  Limonade  , 
où    l'on    a   vu    des   débris    de   quartz,    que   la   tradition   défignait    comme 
ceux  d'une   exploitation.   Il   eft  réellement  fingulier  que  dès  cette  époque  qui 
remonte  jufqu'à  la  découverte  de  l'île,  on  fût  déjà  réduit  à  travailler  des  mines  de 
cuivre.  L'orn'était  donc  pas  auffi  commun  qu'on  l'a  dit!  Le  travail  de  cette  mine 
ne  devait  pas   être  dans   la   favane  de  Caracol  ,   où  le  bois  pouvait  lui  manquer- 
puifqu'il  n'en  a  jamais  exifté  que  peu  dans  cette  partie,   &  encore  y  avait  il 
dans  ce  bois  même  de  grands  intervalles  falineux,  incapables  d'en  produire    Ce 
local  n'aurait  donc  pas  pu  entretenir  des  ufines,  ou  du  moins  elles  ont  dû  n'avoir 
qu'une  courte  exiftence  fi  elles  étaient  réduites  à  cette  faible  reflburce  ,  &  tout 
autre  moyen  aurait  augmenté  les  frais  d'exploitation.  ' 

On  compte  dans  la  paroifi^e  du  Terrier-Rouge,  240  blancs,   160  afFranchis   ' 
&  5,500  efclaves  -,  elle  a  une  compagnie  de  dragons  &  une  de  fufiliers,  compofées 
de  90  blancs,  &  une  troifièmc  formée  de  70  dragons-mulâtres  &  nègres  libres. 
Il  y  a  du  bourg  du  Terrier- Rouge , 

Au   Cap        . 

Au  Fort-Dauphin  •  •  .  . 

Au  Trou      . 


9    lieues. 

4 

2 


V. 

Paroisse     du     Trou. 


Cette  paroifiè  qui  eft  fort  étendue ,  diffère  de  la  précédente  ,  en  ce  qu'dl^ 
.  une  très-grande  partie  de  fon  territoire  en  montagnes.   Sa  forme  eft  trèlirré^ 


H 


CRIPTION     DE     LA     PARTIE 

G-ulière   &   tient  à  celle    des   gorges    &  des   points    de    communication  de   Tes 
diiférens  cantons.  Quatre  paroiiTes  l'enferrent ,  de  manière  qu'elle  ne  touche  par 
fon  territoire  ,  ni  à  la  mer ,  ni  à  la  ligne  des  frontières  efpagnoles.  Dans  l'Eft  , 
c'eft  la  paroifTe  du  Terrier-P.ouge  par  la  cime  de  la  montagne  des  Épineux ,  des 
Baîingans    &  à  Bouché  ,    &   la   ravine  à  Bouché ,  jufqu'au  confluent  de   cette 
dernière   avec  la  rivière  Marion  ;  !à ,   c'eft  la  paroiffe   du  Fort-Dauphin  par  la 
ir.êmc  rivière  Marion  jufqu'à  fon  confluent  avec  la  rivière  de  l'acul  de  Samedi  , 
puis  par  celle-ci  jufqu'à  la  rencontre  de  la  crête  à  Battre  du  Feu.    De  ce  point 
la   ligne  qui  borde  la   paroiffe   du    Trou ,  devient   extrêmement   finueufe  ,  de 
manière  qu'elle  a  des  direftions  qu'on  ne  peut  pas  défigner  toutes  du  même  mot. 
C'eft  ainfi  qu'elle  fuit  la  crête  à  Battre  du  Feu  ,  jufqu'à  la  cime  de  la  montagne 
de  l'acul  de  Samedi  oij  elle   celTe  d'être  contigue  à  la  paroiffe  du  Fort-Dauphin  ; 
puis  de  cette  cime,  el;e  vajufqu'au  piton  des   Flambeaux  ,  ayant  pour  limite  , 
la  usroiffe  de  Vallière  ,  qu'elle  continue  à  fuivre  ,  en  allant  au  piton  des  Nègres 
jufqu'à  la  fource   de  la  rivière  des    Racadeaux  ^  enfuite    cherchant   k   Grande- 
rivière  &  fuivan:  fon   cours   pendant  quelque   tems  ,   elle  va  à  la  montagne  des 
palmiftes  rencontrer  le  piton  des   Roches ,  terminer  ainfi  le   bord    Sud    de   la 
paroiffe  &  commencer  fon  côté  Oueft. 

Celui-ci  ell  formé  par  la  montagne  des  Écreviffes,  qui  fépa-e  le  Trou,  du 
canton  du  Moka,  appartenant  à  la  Paroiffe  de  Limonade;  enfuite  c'eft  la  monta- 
gne des  Côtelettes  &  celle  de  Sainte-Suzanne  qui  féparent  le  Trou ,  des  cantons 
du  Moka,  des  Côtelettes  &  de  Sainte-Suzanne  ,  dépendant  auffi  de  la  paroiffe 
de  Limonade.  Enfin  c'eft  le  canton  de  Roucou  que  la  ravine  à  Gdmaud  divife 
entre  la  paroiffe  du  Trou  à  l'Eft  &  celle  de  Limonade  à  l'Oueft. 

Au  Nord ,  fe  trouve  toujours  la  paroiffe  du  Terrier-Rouge  ,  entre  laquelle  & 
celle  du  Trou,  eft  le  chemin  du  Cap  au  bourg  du  Terrier-Rouge,  jufqu'à 
l'habitation  Pardieu  ,   qui  termine  le  Trou  dans  cette  partie. 

En  parlant  de  la  paroiffe  du  Terrier-Rouge  ,  j'ai  eu  occafion  de  dire  ,  qu'une 
wrande  pordon  du  territoire  plane  de  celle-ci ,  &  de  la  paroiffe  du  Trou,  étaient 
originairement  déflgnés  fous  les  noms  communs  de  Caracol  &  de  Jacquezy ,  & 
que  le  Trou  lui-même  s'appellait  le  Trou  de  Jacquezy,  apparemment  à  caufe 
que  plufieurs  gorges  des  montagnes  ont  leur  ouverture  dans  ce  point.  Dès  qu'il 
parut  des  Flibuftiers  &  des  Boucaniers  dans  la  plaine  du  Cap  ,  Jacquezy  & 
Caracol  eurent  quelques  ctabliffemens   français  épars_,  &  j'ai  déjà  répété  qu'en 


«ï 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       167 

1685  ,  il  y  avait  des  hattes  à  Limonade  ,  vers  la  lifiére  de  Caracol  de  &  Jacquezy  . 
et  qu'au  commencement  du  fiècle ,  d'anciens  défenfeurs  de  la  Patrie  congédiés 
&  des  colons  du  voifmage  du  Cap  ,  gagnèrent  vers  l'Eft  pour  s'oppofer  aux 
attaques  des  Efpagnols  qui  avaient  tout  dévafté  ,  en  1691  &  en  1695:  époques 
oij  ils  avaient  cru  anéantir,  pour  jamais  /ceux  qu'ils  avaient  vus  établis ,  plus  de 
vingt  ans  auparavant ,  jufqu'au  bord  de  la  rivière  du  Rebouc. 

Mais  encore,  en  1705  ,  Limonade  était  le  dernier  lieu  formé  en  paroiffe ,  & 
ileftaiféde  concevoir  que  le  pafteur  veillait  mai  au  bonheur  des  ouailles  qui 
habitaient  la  rive  Occidentale  du  Maffacre.  La  première  paroiffe  qui  fe  forma 
au-delà  de  Limonade  ,  fut  celle  du  Trou  ,  où  l'on   conçut ,  en    1705  ,  le  projet 
d'avoir  une  Églife  ,  dont  la  dédicace  fut  faite  à  Saint- Jean  Baptifte  ,   le  24  Juin 
1707  ,  &  qui  eut  l'abbé  de  Mont-Tours  pour   premier  curé  ;  le  même  qui 
célébra  ,  trois  mois  auparavant,  la  première   meffe  à  la  iuccurfale  de  Bayaha. 
Elle  comptait  déjà  un  affez  bon  nombre  de  paroifîiens  dont  le  premier  ,  établi 
en   1700  ,  était  M.  Blanchet  ,  alors   propriétaire   de   l'habitation  que  pofbède 
aujourd'hui  ,  M.   le  Maître  ,  commandant  les  milices  de  cette   paroiffe  ,  & 
plufieurs  autres  (*)  habitans  prefque  tous  venus  de  Limonade.  Ce  fut  au  père  Le 
Fers  ,  Jéfuite  très-zélé  &  curé  de  Limonade ,  que  ces  colons  furent  redevables 
de  l'acquifition  du  terrain  que  lui  vendit  M.  Mercier,  à  qui  M.  Auger ,  gouver- 
neur, l'avait  concédé,  en  1703.   Ce  fut  même  un  fentiment  de  reconnaiffance 
qui  fit  choifir  le  patron  du  père  Le  Pers ,  pour  celui  de  la  paroiffe. 

Un  arpentage  de  Mondion  de  Beaupré,  fait  en  1708  ,  dit  que  ce  terrain  avait 
quarante-huit  carreaux,  &  en  1712  ,  le  curé  en  vendit  trente-quatre  à  M.  Prot , 
que  repréfente  maintenant  la  famille  de  Brucourt,  pour  un  négrillon  eftimé  cent 
reçus  ;  on  peut  juger  ,  par  ce  trait  ,  de  ce  qu'on  eftimait  alors  le  terrain  d'un 
canton  de  plaine  ,  couvert  de  bois  &  entrecoupé  de  lagons.  En  17 16  ,  les  habi- 
tans demandèrent ,  au  nom  de  la  fabrique  ,  la  permiffion  d'habituer  les  quatorze 
carreaux  reliant  &  d'y  conftruire  une  nouvelle  Églife  plus  confidérable  ,  la 
première  n'ayant  que  trente-deux  pieds  de  long  fur  trente  de  large.  En  1727, 


(*)  MM.  le  Fée,  le  Coyteux ,  Cramoify  ,  Chicoteau  ,  Charpentier,  de  la  Haye,  Miehel, 
le  Verrier.  la  Porte,  le  Mercier,  Boulardière  ,  Frémont ,  Hervée ,  Laguiel ,  Loppe  ,  Forton  ,' 
Brunet,  Bivet,  Ridel,  Flochet  ,  Roquin  ,  Godet,  Guiard ,  le  Picard  ,  Bourie' ,  Lefcauadiens  , 
Roberd  ,  Limoufm ,  François ,  la  Fichon  ,  Lallemand  ,  Pineault ,  le  Bas ,  le  Meuaier ,  Jolicœur  , 
Cuibert ,  Auger  ,  Richard   &  de  Bonri'e^. 


i68       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

l'abbé  Boyer  j  curé,  confentit  à  l'abandon  pour  un  cioietière,  d'une  portion 
de  ce  terrain  5  délégué  par  le  père  Le  Pers  à  Tes  fucceffeurs  ;  mais  le  12 
Novembre  1764,  une  partie  du  terrain  compris  dans  cet  abandon  ,  fut  convertie 
en  emplacemens  du  bourg,  par  une  délibération  de  paroiffe.  On  prit,  fans 
doute,  ce  parti  en  fe  reffouvenant  qu'en  1739,  la  fabrique  avait  obtenu  la 
conceffion  du  terrain  de  l'Égiife  où  était  alors  un  bourg  &  même  celle  d'une 
partie  de  ce  qui  avait  été  vendu  aux  auteurs  de  M'^^  de  Brucourt. 

Ce  qui  ferait  croire  que  la  population  de  la  paroiffe  du  Trou  s'eft  accrue  rapi- 
dement, c'eftque  le  père  Laval  qui  en  a  été  le  curé  ,  depuis  17  14  jufqu'en  171 8, 
y  avait  fait  bâcir  un  hôpital  pour  les  malades  &;  où  les  paffans  trouvaient  auffi  un 
hofpice  et  des  foins  qui  honorent  la  miémoire  de  ce  pafteur^  c'eil:  qu'en  1721 ,  au 
moment  même  où  l'on  démembrait  de  la  paroiffe  du  Trou  ,  de  quoi  former  celle 
du  Terrier-Rouge ,  on  trouva  à  arrenter  plufieurs  terrains  dans  le  bourg,  au 
profit  de  la  paroiffe  ;  ufage  qui  s'eft  renouvelle  plufieurs  fois  depuis  ,  notamment 
en  1764,  comme  ie  viens  de  le  dire  ,  et  qui  donne  un  certain  revenu  à  la  fabrique. 
Les  anciens  actes  ftipulent  vingt  fous  de  redevance  annuelle  ,  par  pied  ,  compté 
îur  la  plus  grande  dimenfion  du  terrain  ,  et  d'autres  cent  francs  par  emplacement. 

Le  bourg  du  Trou  n'a  qu'une  feule  rue  ,  dirigée  à-peu-près  Nord-Oueft  & 
Sud-Eft  lorfque  l'on  vient  du  Cap;  à  l'extrémité  de  cette  rue,  on  tourne  vers 
le  Sud ,  &  l'on  trouve  encore  des  maifons  ,  mais  fur  la  gauche  feulement.  Le 
bouro-  dans  fa  totalité  en  contient  quarante  ,  où  logent  environ  cent  famille?. 
Il  eft  ouvert  à  la  brife  du  large  ,  &  fe  trouve  dans  fon  bout  Sud-Eft  au  bord 
de  la  rivière  du  Trou  de  Jacquezy  ,  qui  y  coule  fur  un  fable  fin ,  à  la  chute 
des  mornes  des  Perches,  des  Écreviffes  ,  du  Moka,  des  Côtelettes  &  de 
Sainte-Suzanne,  ce  qui  lui  donne  une  fituation  très-avantageufe  pour  fon  marché. 
L'éo-life  actuelle  eft  fur  une  place  de  quatre  cent  pieds  de  l'Eft  à  l'Oueft ,  & 
elle  a  foixante- quinze  pieds  de  long,  fur  quarante  de  lai-ge.  La  charpente  qui  eft 
fort  belle  ,  fait  regretter  que  les  murs  fur  lefquels  elle  repofe  ,  ne  foient  pas  plus 
élevés.  La  façade  a  quarante  pieds  de  hauteur.  Le  clocher  eft  derrière  l'égiife , 
&  fa  partie  baffe  fert  de  facriftie.  Les  fondemens  de  cette  églife  ont  été  bénis 
k  iS  Octobre  178 1  ,  et  l'on  a  placé  des  jetons  d'argent  dans  la  pierre  prin- 
cipale de  la  façade  répondante  au  côté  de  l'Épître.  On  y  lit  : 

pofuerunt  henoratiiumus  D.  Ludovicus  le  Maître,  parochias  prœfedus  ;  honoratiiîimus  B. 
Qainiinus  Charpentier  ,  ordinis  regii  ac  militaris  Sanûi  Ludovki  Efi^ues, 

Et 


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,!i  AlM-*' 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.        165 
Et  fur  une  plaque  d'argent  : 

Eenedicente  reverendillîmo    pâtre    Suipicîo    Parocho  ;    prsfentlbus  ,    pr^nobili    D.    G.    Buor 
-     ordini  regii  ac  militaris  Sandi  Ludovic!  Equité  ;   prœnobili  D.  J.  G.  Equité  de  la  Groule  •  prœnobiJi 
D.  W.  Pardieu  de  Berteville  ;   honoratiiTimo   D.  J.  Monjai  ;  Régnante    Ludovico  XVI      anno 
Domini    1781.  ■* 

L'églife  elle-même  a  écé  bénie  îe  23  Décembre   1783  ,  par  le  préfet  apofto- 
Jique,   &  l'on  voit- dans  la  falle   du   presbytère,  un  tableau  qui  rappelle  que 
Ja  cérémonie  de  cette  confécration  du  lieu  où  l'homme  va  fe  proflerner  devant 
fon  créateur ,  a  été  troublée  par  la  mort  d'un  citoyen ,  tué  par  la  ctiiller  d'un 
canon  qu'on  tirait  en  figne  d'allégreffe. 
■Il  y  a  auffi  un  presbytère  nouvellement  conllruit,  ainfi  que  Tes  appartenances 
Un  colon  eftimable  du  Port-au-Prince  ,  propofa ,  au  mois  d'Août  1787,  une 
foufcnption  pour  ériger  une  Hatue  à  De  Clieux  ;  foufcription  qui,  j'ai  honte  de 
ie   dire,   n'eut  que   dix-fept  approbateurs,   votant  pour  4,032  liv     Un  autre 
colon  de  la  paroiffe  du  Trou  ,  M.  Larrat,  propola  au  mois  de  Mars   1788     de 
convertir  le  projet  de  la  ftatue  en  une  maifon  d'éducation  ,  où  en  l'honneur  de 
De  Cheux,  on  recevrait  cinquante  orphelins  de  la  Colonie,  &  préférablement  les 
enfans  des  habitans  cafiers  dans  l'indigence,  depuis  l'âge  de  fept  jufqu'à  treize 
ans  ;  mais  pour  cette  fois ,  il  n'y  eut  pas  un   feul  foufcripteur.   Enfin  le  frère 
Sulpice ,  capucin  ,  curé  du  Trou  ,  avait  penfé  qu'une  maifon  d'éducation  devrait 
être  un  nouvel  ornement   pour  la  place  du  bourg ,   &  i]  alliait  à  l'idée  de  cette 
^fpece     de    dette     de    h    paroiffe  ,     (   à  laquelle   il    a  été    légué  des  fonds 
pour  cet  objet,  notamment  par  M.  Jacques  Tirion ,  une  fomme  de    8  2.Uiv 
en  1722  ,  placée  à  dix  pour  cent  fur  M.  Defportes,  &  une  fomme  de  /roo  ]iv° 
placeepar  le  père  Ramet,  jéfuite,  curéen  X738.  entre  les  mains  de  M.  Montmip^ 

qui  leur  a  donne .1  utile  cafier,  par  une  privation  courageufe,  en  17.1.  H  de/irait 
donc ,  qu  un  rnonument  placé  au-devant  de  cette  maifon  enfeignât ,  avant  même 
dypenetrer,  la  reconnaiffance ,  cette  vertu  fi  rare  &  qui  ne  naît  que  dansTe 
lieux  ou  l'on  a  l'habitude  d'en  cultiver  d'autres.  Le  curé  a  fait  des  vœux  &  d 
démarches  pour  réalifer  ce  plan.  Il  a  demandé  qu'on  vendît  neuf  carreaux  de 
t.rre  places  fur  l'autre  rive  de  la  rivière  du  Trou  &  faifant  partie  des  treize 
auac  es  au  presbytère,  6.  q.i  lui  rapportaient  .,650  liv.,  pour'acheter  prt  d 

'tr/  '""^  ''^^^^^   ^"'^"^^^^  ''^^'  les  cens  &Jrentes 

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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


annuelles  perçues  par  la  fabrique,  montant  à  2jOOO  liv.  j  ceux  payés  au  curé, 
faifant  700  liv.,  &  ceux  conteftés  entr'eux  ,  s'élevant  à  î,ooo  ilv.  ;  il  demandait 
qu'on  rendît  compte  des  perceptions  depuis  leur  origine.  Il  affurait ,  en  outre  , 
que  des  aumônes  lui  avaient  été  offertes  pour  cette  œuvre  pie.  Ce  projet  > 
adopté  par  quelques  paroiiTiens,  fut  combattu  par  d'autres  qui  l'emportèrent^ 
&  comme  tout  ce  qui  n'eft  qu'utile  doit  être  long-tems  à  fe  réalifer  ,  la  maifon 
d'éducation  n'exifte  pas  plus  que  l'hommage  à  rendre  à  Gabriel  De  dieux  > 
mort  en  1786  ,  âgé  de  quatre-vingt-fept  ans. 

Il  eft  affez  remarquable  qu'au  nombre  des  donateurs  de  cette  paroifTe  ,  on 
compte  un  homme  dont  la  mort  caUfée  par  un  crime  ,  a  mis  fin  à  une  vie 
fouillée  de  toutes  les  horreurs  quei'abus  de  l'autorité  peut  infpirer  à.  \m  tyran. 
Le  fang  de  fes  affafTias  a  coulé  avec  un  éclat  malheureufement  néceffaire  ;  mais 
qu'on  fe  hâte  de  réalifer  le  don  qu'il  a  fait  ,  &  que  fur  les  chandeliers 
dont  il  a  voulu  embellir  l'autel  du  Dieu  de  paix,  coule  affez  de  cire  expiatoire 
pour  défarmer  le  Dieu  des  vengeances  éternelles. 

Le  terrain  du  bourg  eft  expofé  ,  depuis  long-tems ,  aux  débordemcns  de  la 
rivière  ,  qui  fait  à  l'Oueft  un  angle  pour  le  jetrer  de  fon  côté ,  &  qui  menace  le 
cimetière  qui  a  été  autour  de  l'églife  jufqu'en  1727,  &  qu'on  aurait  dû  tranf- 
férer  ailleurs  qu'au  vent  du  bourg.  11  ferait  tems  qu'on  réalisât  enfin  le  redreffe- 
ment  de  la  rivière,  ordonné  depuis  le  22  May  1764,  &:  qu'on  mît  le  cimetière 
à  rOueft.  Peut-être  auITi  la  décence  voudrait-elle  qu'on  éloignât  le  marché  de 
l'églife  qu'il  entoure,  parce  que  le  bruit  qu'on  y  fait,  trouble  la  pièce  des 
fi.delles  dans  le  tem^ple. 

Le  bourg  du  Trou  n'eft  pas  ancien,  puifquc  l'édit  du  mois  d'Août  1724 
y  ayant  créé  une  Sé^iéchauffée  ,  inftallée  le  11  O^obre  1725  ,  par  M.  de 
Beauval-Barbé  ,  confeiller&  doyen  du  ConfeilduCap  ,  accompagné  du  procu- 
reur-o'énéral ,  du  greffier  &  de  l'audiencier  de  cette  cour  ,  l'audience  s'eft  tenue 
lon<>-tems  ou  dans  le  presbytère  ,  ou  dans  l'habitation  du  fénéchal ,  M.  Croifeuil. 
Le  Trou  perdit  fon  tribunalle  9  Janvier  1727  ,  en  vertu  de  lettres-patentes  du  7 
Août  17  26,  qui  le  transféra  à  Bayaha,  d'où  il  a  paffé  au  Fort-Dauphin,  ayant  toujours 
la  paroifle  du  Trou  dans  fon  reffort.  C'eft  le  bourg  du  Trou  qui  fut  donné  pour 
réfidence  aux  premiers  officiers  de  la  marine  anglaife,  pris  éan5^1a._guerre  de 
1778.  M.  Stott,  capitaine  de  vaiffeau  ,  comimandant  la  frégate  la  Minerve, 
prife  par  M.  le  Gardeur  de  Tilly  ,  quitta  ce  bourg ,  &  mourut  fur  une  habitation 
du  Terrier-rpuge  oij  l'hofpicalité  lui  avait  été  offerte. 


I     fm 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       171 

n  y   a  dans  la  paroiffe  du  Trou  ,   un   fubftitut   du    procureur  du  roi  de  !a 

Sénéchauffée  du  Fort- Dauphin ,  chargé  de  la  police  judiciaire,    &   au  bourg, 

un  exempt  &  c^uatre  archers  de  la  maréchaulTée ,  dépendans  de  la  prévôté  du 

Fort-Dauphin. 

Ce  bourg  a  auffi  un  bureau  des  pofles.  Le   courier  du  Cap  au  Fort-Daunnûi  7 
porte  ,  deux  fois  par  femaine  ,  les  lettres  de  toute  la  Colonie. 

Une   obfervation   qu'infpire  Jacquezy  &  Caracol  qui  font   devenus  les  de-^x 
paroiffes  du   Terner-Rouge  &  du  Trou,  c'eft  que  le  gouvernement  qui  avait 
trouvé  très-important  de  les  faire  établir  &  qui  avait  réuai,  le  20  Juin  17x1,  tous 
les  terrains  qui  avaient  pu  y  être  accordés  originairement  ,  afin  de  concéder     de 
nouveau  ,  la  totalité  de  ces  deux  cantons  par  petites  portions  &  d'y  faire  former 
des  haïtes  ,  ait  imaginé  de  taxer  les  nouvelles   conceffions  par  deux  ordonnances 
du  23  Mars  &  du  26  Avril  171.,   fur  le  pied  de  cinquante  livres  par  cent  pas  de 
terre  fur  fix  cens  pas.    J'ai  un  état  du  montant  de  cette  taxe  pour  les  conreffions 
faites  depuis  Janvier  lyiojufqu'en  Janvier  17133  i]  s'élève  à  6,395  liv    &  jV 
lis  que -cette  fomme  eft  deftinée  à  l'établiffement  d'un  couvent  de  reliaieufes     ce 
qui  a  dû  s'effectuer  lorfque  cet  établiffement  a  eu  lieu  au  Cap.  Ainfi  îes  concef- 
fions des  parties  planes  des  deux  paroiffes  du  Terrier-Rouge  &  du  Trou     qu'on 
ne  connaiffait  alors  que  fous  le  nom  de  raques  de  Jacquezy  &  de  Caracol ,  n'ont 
point  ete  concédées   gratuitement,  mais  à  titre  onéreux.  Auffi  voit-on  que  dans 
les  deux  ordonnances  de  réunion  du  3   Décembre    1715   &    du  14  Septemb-e 
1717  >   les   Adminiftrateurs  parlent  de  faire  rembourfer  ou  de  dédommac^er   les 
mineurs  de  ce  que  leurs  auteurs  ont  pu   payer,   rembourfement  oui  n'a  pu  êt-^e 
refufé  à  tous  les  autres  conccffionnaires  fans  une  véritable  injuftice.  Les  ordon 
nances  de  17 12  excitèrent  même  de  la  fermentation ,  &  comme  l'on  crut  qu'elle 
elait  l'ouvrage  de  M.  d'Arquian  ,  gouverneur  du  Cap  ,  celui-ci  fut  interdit  par  le 
Gouverneur-Général. 

La  paroiffe  du  Trou  eft  appellée  paroiffe  de  plaine.  Son  territoire  plane  eft 
Gompofee  de  partie  des  cantons  de  Caracol  &  de  Roucou  ,  &  des  cantons  de  h 
plaine  du  Trou  &  de  Roche-plate.  Dans  les  montagnes,  font  ceux  des  Perches; 
de  la  Mahotiere  ,  de  l'acul  Saint-Denis  ,  de  l'acul  à  Comt  &  des  Écreviffes  • 

La  portion  de  Caracol  dépendante  du  Trou  ,  eft  le  côté  Sud  de  la  favane  du 
ineme  nom  &  du  chemin  du  Cap  au  Terrier-Rouge.  Elle  confifte  dans  le  feul 
^ng  d  habitation  qui  eft  fur  ce  chemin  &  dont  le  fol  fe  reffent  de  la  qualité  de  fe, 

Y  s 


'^ 


172        DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

favane.  Au-deffus  de  ce  canton,  la  paroifie  s'élargir  &  l'on  a^,  à  l'Eft  ,  la  plaine 
du  Trou ,  &  à  i'Oueft  ,  celle  de  Roucou  dont  on  a  vu  qu'une  partie  dépend 
de  Limonade.  Roucou  a  plufieurs  fucreries  qui ,  comme  celles  de  la  plaine  du 
Trou  ,  n'auraient  befoin  que  de  pluies  fréquentes  pour  étonner  par  leur  fertilité. 
Des  fucreries  de  la  plaine  du  Trou  font  contigues  à  celles  de  Jacquezy  &  partagent 
les  avantages  de  fon  fol  comme  fa  dénomination  don.t  les  propriétaires  font  aflèz 
jaloux.  En  allant  de  la  mer  vers  le  bourg  &  à  i'Oueft  de  la  rivière  du  Trou ,  on 
trouve  une  très-vafte  favane  qui  n'eft  pas  la  partie  fertile  de  la  plaine  du  Trou  & 
avec   laquelle  les  parties  avoilinantes  ont  quelquefois  de  l'analogie. 

C'eftdans  cette  favane,  confidérée  par  M.  de  Belzunce  comme  un  des  points  de 
la  défenfe  intérieure  de  la  Colonie,  que  cet  officier,  alors  commandant-général  des 
troupes  et  milices  ,  fit  former  un  camp  barraqué,  en  i762,deftiné  à  affurer  par  les 
montaç-nes ,  la  com.munication  entre  le  Fort-Dauphin  et  le  Cap.  Ce  camp,  fitué 
à  environ  trois  lieues  et  demie  de  la  mer  ,  à  fept  lieues  du  Cap  et  à  fix  du  Fort- 
Dauphin  ,  au-devant  de  l'habitation  Narp  et  dans  la  partie  de  la  favane  appellée 
favane  à  Pdtdcr  ,  était  compofe  d'un  front  de  onze  cafés  ayant  chacune  60  pieds 
■  de  iono-  fur  18  de  large  ,  flanqué  de  deux  ailes  d'autres  cafés  perpendiculaires  à 
ce  front  de  bandière  ,  le  débordant  des  deux  côtés  et  deftinées  au  logement  des 
officiers.  Sa  gauche  était  appuyée  à  un  petit  ruiflèau  qui  le  féparait  de  l'habitation 
Poirier  ;  fa  droite  a  un  bois  et  le  ruiffeau  formait  fur  fes -derrières ,  une  efpëce  de 
cul  de  lamue  oia  était  l'hôpital  fitué  fur  une  petite  éminence  et  à  une  diftance 
convenable  du  camp.  Au  ruiiTcau  commence  la  naiffance  des  montagnes.  Ce  fut 
là  que  d'après  une  ordonnance  des  Adm^inifirateurs  du  5  Mai  1762  ,  les  habitans 
de  Limonade  ,  du  Trou,  du  Terrier-Rouge  et  du  Fort-Dauphin  ,  furent  obligés 
de  confiruire  ce  camp  par  corvées  et  de  faire  tous  les  travaux  néceffaires  pour 
couper  les  bois  dans  la  montagne  ,  les  tranfporter ,  difpofer  le  terrain  deftiné  aux 
mao-afins,  aux  fours,  &c.  On  y  plaça  cinq  compagnies  du  fécond  bataillon  da 
réo-iment  de  Quercy  &  le  corps  de  gens  de  couleur,  appelle  les  Chafîeurs  volon- 
taires de  l'Amérique  ,  au  nombre  de  550  ;  le  tout  fous  les  ordres  de  M. 
Blondeau  ,  lieutenant-colonel  du  régiment  de  Querci. 

Aux  premiers  frais  et  aux  premiers  détourncmens  que  ce  camp  caufaaux  habitans, 
fe  joignirent  ceux  relatifs  à  fon  entretien,  &  les  abus  allèrent  fi  loin,  que  les  clameurs 
s'élevèrent.  Elles  furent  nulles  tant  que  M.  de  Belzunce  vécut  &  furtout  depuis 
que  reçu  gouverneur-général  j  au  mois  de  Mars   1763  ,  on  ne  pouvait  plus  fe 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       173 

plaindre  de  lui  qu'à  lui-même.  A  fa  mort ,  arrivée  dans  cette  paroiiTe  ,  le 
4  Août  de  ]a  même  année  1763,  M.  le  chevalier  de  Montreuil  ,  fon  fuccefftur; 
par  intérim,  n'ofa  pas  écouter  les  plaintes,  tant  était  grande  la  réputation  militaire 
de  M.  de  Belzunce  &  le  crédit  qui  l'avait  conduit  à  Saint-Domingue  ;  quoique 
le  procès-verbal  de  i'affemblée  coloniale  du  mois  de  Mars  1764,  prouve  qu'on 
en  faifair  d'amères  contre  le  camp  du  Trou  ,  auquel  on  reprochait  d'avoir  occa- 
fîonné  la  ruine  de  huit  fucreries  &  de  menacer  plufieurs  autres  manufadures  du 
même  fort. 

Enfin  arriva  M.  le  comte  d'Ellaing  qui  ,  reçu  gouverneur  le  23  Avril  1764  , 
alla  ,  dès  le  ler  Mai,  vifiter  ce  camp  qu'on  lui  préfentait  comm,e  une  calamité  & 
comme  une  calamité  devenue  encore  fans  objet,  depuis  la  paix  dont  on  jouhTait 
depuis  un  an.  M.  d'Eftaing  qui  a  dit  quelque  part ,  ''  qu'une  choje  établie  par 
„  M.  le  Vicomte  de  Belzunce ,  lui  paraît  rejpecîable  ,  ^  doit  l'être  aux  yeux  de 
„  tous  les  militaires ,  parce  que  la  réputation  ;  les  talens  c^  le  zèle  ont  caralférijé  la 
„  vie  &  les  avions  de  cet  officier -général  „  ,  ne  pouvant  néanmoins  s'empêcher 
de  trouver  des  défauts  au  camp  ,  forma ,  le  3  mai ,  un  comité  où  il  était  avec 
l'Intendant,  M.  de  Montreuil,  M.  Duportal  ,  M.  de  Thoran,  commandant 
au  Cap,  &  M.  de  Reynaud  major-général  des  troupes,  &  l'on  y  arrêta  la  levée  du 
camp.  Elle  fut  effeéluée  le  5  Mai  1763  ,  même  jour  que  celui  où  il  avait  été 
prelcrit,  deux  ans  auparavant  ;  M.  d'Eftaing  marcha  à  pied  à  la  tête  des  troupeS' 
jufqu'à  l'embarcadère  de  Limonade  où  elles  s'embarquèrent  pour  le  Cao. 

On  fongea  bien  à  quelques  foins  pour  conferver  les  bâtimens  qui  avaient  été 
conftruits  ;  mais  ayant  été  faits  à  la  hâte ,  fans  choix  pour  le  bois ,  &.dans  un  pays 
où  l'on  entend  peu  de  chofe  à  ce  qui  s'appelle  confervation  ,  furtout  quand  il  s'ac^ic 
de  propriété  publique  ,  ils  font  devenus  la  proie  de  ceux  qui  ont  ofé  les  détrufre 
pour  leur  utilité  particulière. 

En  terminant  fur  l'article  du  camp  ,  je  dirai  que  des  relevés  prouvèrent  qu'il! 
y  avait  eu  au  Trou  proportionnellement  un  cinquième  de  malades  de  plus  qu'au' 
Cap ,  tandis  qu'au  contraire  k  mortalité  était  plus  grande  d'un  cinquième  au 
Cap  ;  bien  entendu  que  c'eft  par  comparaifon  de  foldats  blancs  à  foldats  blancs  ; 
car  dans  les  550  hommes  de  couleur,  on  ne  vit  jamais  au  Trou  plus  d'un 
malade  par  vingt  ,  &  il  n'en  mourut  que  trois  dans  deux  ans ,  perte  qui  ne  fut 
que  le  douzième  de  celle  proportionnelle  des  foldats  de  Querci. 

Dans  la  partie  fupérieure  ,  la  plaine  ^^u  Trou  fe  rétrécit  ^c  s'infinue  â  travers 


-^w 


174 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


des  gorges  &  entre  difFérens  petits  cpatemens  des  extrémités  des  div-erfes  chaînes 
-de  montagnes  i  de  manière  que  plufieurs  fucreries  ont  leurs  bâtimens  en  plaine 
&■  des  portions  de  plantations   fur  des  pentes  douces. 

C'eft  dans  une  pareille  fituation  qu'ell  l'habitation  Dubuiffon  que  j'ai  déjà  citée 
avec  éloge,  parce  qu'elle  oirre  le  modèle  d'une  adminillration  fage  &d'une  exploi- 
tation facile  ,  attendu  que  dans  tous  les  genres  les  moyens  excèdent  un  peu  le 
réceflaire.  C'eft  là  qu'on  trouve  rélblu  le  problême  de  la  conciabilité  du  bonheur 
avec  la  iervitude.  Les  nègres  y  font  gais  ,  aftifs  ,  la  reprodu6lion  y  couvre  les 
mortalités  &c  des  enfans  nombreux  y  font  une  preuve  pariante  de  la  bonté  du 
fyftème  qui  dirige  cette  manufacture.  Elle  a  encore  un  caraftère  remarquable  , 
c'efl;  qu'elle  efl:  proportionnellement  celle  de  toute  la  Colonie  qui  donne  le  plus 
de  fucre  ,  parce  qu'elle  le  trouve  placée  au  bout  d'une  petite  chaîne  de  montao-nes 
queTuivent  les  nuées,  qui  s'y  arrêtent  &  qui  vont  répandre  leurs  eaux  fur  un. 
terrain  oij  leur  bénigne  influence  eft  confervée  par  la  fraîcheur  des  ihauteurs 
environnantes.  L'habitation  Dubuiffon  efc ,  par  ce  dernier  avantao-e  ,  un  obiet 
d'e.nvie,  parce  qu'elle  a  de  la  pluie ,  tandis  que  le  refce  de  la  plaine  en  manque 
quelquefois  depuis  long-tems  .,  8z  qu'elle  jouit  d'une  température  à-peu-près 
égale  ;  fon  revenu  calculé  fur  dix  années  eit  prefque  toujours  égal  aulH. 

Roche-plate  eft  dans  un  enfoncement  qui  fe  dirige  vers  le  Sud-Efc ,  &  qui 
précède  la  coupe  des  Perches.  Roche-plate  a  plufieurs  fucreries  qui  ont  des 
moulins  à  eau  établis  fur  la  rivière  du  Trou,  dont  la  fource  efl  au  piton  des 
Flambeaux ,  &  qui  a  affez  de  chute  dans  cette  partie ,  pour  que  certaines 
habitations  puilTent  en  prendre  l'eau  &  la  remettre  à  la  rivière  far  leur  propre 
terrain.  Telle  eft  l'habitation  Foache  ,  coUoquée  à  la  rivière  par  jugement  du 
tribunal  terrier  du  11   Décembre  1777. 

Nous  voici  parvenus  aux  montagnes.  Le  canton  des  Perches  qui  termine  I3 
petite  chaîne  des  Épineux  &  des  Balingans,  eft  au  fond  de  Roclie-plate.  Il  a  une 
gorge  dont  j'ai  déjà  parlé  plufieurs  fois,  &  qui  par  celles  de  l'acul  de  Samedi 
&  de  l'acul  des  Pins  ,  pourrait  donner  une  communication  Eft  et  Oueft ,  en- 
voiture  ,  avec  le  haut  d'Ouanaminthe.  Le  canton  de  la  Mahotière  eft-  au  Sud  de 
la  gorge  des  Perches,  &  à-peu-près  Nord  &  Sud  avec  le  piton  des  Flambeaux} 
l'acul  Saint-Denis  qui  paraît  avoir  reçu  fon  nom  de  l'habitation  Juchereau  de 
Saint-Denis  ,  eft  au  Sud  du  point  où  commence  la  gorge  des  Perches  ;  l'acul 
àConit,  où  la  rivière  de  Caracol  a  fa  fource  ,  eft  Nord  &  Sud  avec  l'embar- 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  175 
cadère  de  Jacquezy,  &  a  derrière  lui  dans  le  Sud,  l'acul  de  Marie-Rofe, 
&  dans  fonvoifinage,. l'acul  de  Thomas  Hervé,  auquel  un  fameux  chafTeur 
de  cochons  marons  ,  grand  propriétaire ,  a  donné  fon  nom.  Enfin  les  Écreviffes 
font  dans  le  Sud-Ouefl',  &  fe  prolongent  vers  le  Nord  ,  pour  terminer  la  partie 
montagneufe  de  la  paroifîe. 

La  première  culture  de  la  dépendance  du  Trou  ,  fut  celle  de  l'indigo  j  il  y  a 
trente  ans  qu'on  y  voyait  encore  quelques  faibles  indigoteries ,  mais  il  n'en  exifte 
plus  auiourd'hui.  La  plaine  n'a  que  des  fucreries  ,  au  nombre  de  trente-trois 
qui  font  annuellement  plus  de  cinq  millions  de  fucre  blanc.  Si  la  féchereffe 
n'affligeait  pas  le  Trou  ,  il  ferait  d'une  étonnante  fécondité.  îl  y  a  de  plus  à  la 
plaine ,  une  briqueterie  &  quatre  guildiveries.  En  voyant  combien  une  tempé- 
rature fèche  eft  défavantageufe  à  cette  plaine  ,  on  regrette  que  l'on  ne  fe  foit  pas 
occupé  de  tirer  plus  de  parti  de  l'eau  de  la  rivière  du  Trou  &  de  plufieurs 
ravines  ,  qui  répareraient  du  moins  par  l'arrofement,  une  partie  des  maux  qu'on 
y  fouffre.  îl  faudrait  aller  faigner  afîèz  haut  la  rivière  du  Trou ,  parce  qu'elle 
a  huit  pieds  d'écore  ;  elle  eft  guéable  par-tout. 

La  culture  du  cafier  &  celle  des  vivi^s  ,  occupent  les  montagnes  dont  le  fol 
eft  très-varié  ,  parce  que  le  fite  l'eft  fmgulièrement  auffi.  On  y  compte  150 
cafeteries  &  plufieurs  places  à  vivres.  La  conformation  de  ces  montagnes  & 
de  celles  des  autres  paroifilrs  contigues  ,  leurs  pitons  ardus,  des  rivières  &  des 
ravines  fubdivifées  en  plufieurs  branches  ,  &  fe  multipliant  en  quelque  forte  par 
leurs  finuofités ,  des  falaifes  ,  des  parties  excavées  &  le  voifinage  '  de  la  Partie 
efpagnole,  qui  devient  une  retraite  de  plus  au  befoin  -,  tout  difpofe  ces  lieux  pouf 
être  l'afyle  préféré  des  nègres  fugitifs ,  qui  peuvent  choifir  ou  d'une  vie  fainéante, 
difficile  à  troubler,  ou  d'un  plan  de  défolaîion  pour  les  différentes  parties 
expofées  à  leurs  irruptions ,  fauf  à  payer  de  leur  vie,  les  crimes  qu'ils  entaffent 

C'eft  à  une  réfolution  du  dernier  genre,  que  la  dépendance  du  Trou  a  dû 
les  longues  vexations  que  lui  fit  fouffrir  le  nègre  Polydor  à  la  tête  d'une  bande 
de  nègres  armés,  qui  fut  enfin  détruite  par  la  réunion  des  habitans  du  lieu  & 
des  environs.  L'effroi  qu'avait  répandu  Polydor  par  fes  atrocités  était  fi  grand  , 
que  fa  deftrudion  fut  confidérée  comme  un  fervice  rendu  à  toute  ia  Colonie  • 
et  le  nègre  Laurent,  dit  Cézar,  qui  concourut  avec  M.  Nautel  fon  maître' 
à  arrêter  ce  fcélérat  dans  la  favane  qui  a  gardé  fon  nom ,  où  il  fut  tué ,  obtint 
des  Adminiftrateurs   le   28  Juin    1734  ,   la   liberté   qu'ils   avaient  promife   à 


176        DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

l'efclave  qui  prendrait  Polydor,  mort  ou  vif.  Des  fonds  de  la  Colonie  ,  on  donna 
à  M.  Nautel  lui-même ,  une  faible  indemnité  fans  doute  de  quelques  dépenfes  , 
car  1^500  liv.  ne  pourraient  ni  payer  le  fervice  qu'il  avait  rendu ^  ni  le  confoler 
d'avoir  été  eftropié  en  le  rendant  (*). 

Depuis  &  en  1777  ,  le  nègre  Canga,  autre  chef  de  bande  &  défolateur  du 
canton  des  ÉcreviiTes ,  a  expié  fous  le  glaive  de  la  loi,  de  nouveaux  ravages; 
&  au  mois  de  Septembre  1787  ,  Gillot ,  furnommé  Taya  ,  a  été  condamné  au 
dernier  ilipplice ,  pour  avoir  renouvelé  dans  les  paroiffes  du  Trou  &  du  Terrier- 
rouge  ,  les  fcènes  qui  caraftérifent  un  brigand  languinaire, 

La  température  de  la  plaine  du  Trou  p:ut-étre  connue  d'après  les  obfervationg 
faites  par  M.  Warlock  en  1783,  1784,  1785  &  1786  ,  fur  l'habitation  Craon, 
fituée  vers  le  milieu  de  l'étendue  Eft  &  Oueft  de  la  plaine ,  &  à  la  naiiTance 
des  montagnes;  en  obfervant  cependant  que  ,  comme  celle  DubuifTon  dont  elle 
eft  voiEne,  elle  reçoit  des  grains  de  pluie  auxquels  le  refte  de  la  plaine  ne 
participe  pas  ,-  mais  on  pourrait  en  faire  un  terme  général  d'obfervation ,  ea 
retranchant  quelques  pouces  d'eau  à  l'égard  des  autres  parties  de  cette  plaine. 

Il  réf'jlte  de  ces  obfervations ,  qu'il  y  a  eu  : 


En  1783  76  jours  pluvieux. 

1784  109 

1785  81 

1786  85 


49  pouces. 

73 
40 

55 


5  lignes    d'eau, 

z 

I 

7 


Que  les  mois  pluvieux  font  Juin  ,  Juillet,  Août,  Septembre,  Odobre 
:&  Novembre  ,  &  qu'ils  ont  donné  en  jours  pluvieux  &  en  pluie  : 


En  1783 

1784 


.1786 


38  jours. 

71 

61 


23  pouces. 
46      ^ 

38 


L'obfervateur  remarque  que  dans  ces  quatre  années ,  la  plus  favorable  à  la 
-culture  a  été  1785  ,  parce  qu'elle  avait  été  précédée  d'une  année  très-pluvieufe 
&  où  les  pluies  avaient  furtout  été  également  diflribuées  ;  circonflance  qui  en 
augmente  infiniment  l'effet.   Par  la  raifon  contraire  ,  l'année  1786  fut  une  année 


(*)  V.  Loix  de  Saint-Domingue ,  Tom.  4,  pag.  399 ,  402  &  418. 


4e 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       177 

de  fécherefîe ,  où  l'on  vit  tarir  les  puits ,  les  mares ,  les  ravines  &  même  des 
rivières,  quoiqu'elle  ait  eu  plus  de  pluie  que  1783  &  1785.  Mais  la  fécherefle 
avait  régné  depuis  le  mois  de  Novembre  1785  ,  jufqu'à  celui  çle  Juillet  1786  , 
de  forte  que  l'évaporation  fut  extrême  aux  premières  pluies  qui  fuccédèrent  à 
cette  longue    attente. 

La  plus  grande  élévation  du  Baromètre  a  été,  pendant  ces  quatre  années,  de  28 
pouces  4  lignes  ,  &  fa  moindre  élévation  de  27  pouces  6  lignes. 

Le  Thermomètre  de  Réaumur  a  marqué  pour  la  plus  grande  chaleur  32^  ,  & 
pour  la  moindre  15''. 

Les  vents  dominans  font  ceux  d'Eft-Nord-Eft  le  jour  &  ceux  oppofés  de 
rOucft-Sud-Oueft  la  nuit.  Les  plus  rares  font  ceux  du  Nord-Oueft  &  du  Sud-Eft. 

On  a  refîènti  quinze  tremblemens  de  terre  dans  ces  quatre  ans ,  dont  deux 
feulement  ont  été  très-fenfibles ,  le  18  Juin  1784  &  le  11  Juillet  1785.  Ils  ondu- 
laient de  rOueft  à  l'Eft  ,  &  fans  mouvement  de  trépidation. 

Le  5  Mai  1786,  il  fit  au  Trou  une  chaleur  infupportable.  Le  Thermomètre 
de  Réaumur  expofé  au  Nord  &  à  l'ombre  qui  ,  avant  le  foleil  levé,  était  à  19 
degrés,  alla  à  deux  heures  ,  jufqu'à  31  degrés  &  demi.  Il  faifait  un  vent  de  Sud 
variable  de  l'Eft  à  l'Oueft.  Plus  de  deux  cens  armoires  &  tables  de  bois  d'acajou 
Éclatèrent  &  furent  fendues  de  bas  en  haut. 

La  température  des  montagnes  cû  bien  plus  fraîche  que  celle  de  la  plaine 
&  elles  îe  leffentent  moins  de  la  féchereffe  ,  furtout  dans  l'Eft.  Le  canton  des 
pcreviffes ,  par  exemple  ,  d'environ  trois  lieues  de  circonférence ,  a  un  fol  un  peu 
moins  médiocre  que  celui  du  Moka  dont  il  eft  borné.  Il  recevait  autrefois  depuis 
90  jufqu'à  cent  pouces  d'eau  par  an,  &  Touragan  &  les  pluies  du  4  au  5  Août 
?772,qui  le  défolèrent ,  augmentèrent  mê^ie  cette  proportion  j  iriais  depuis 
1773  ,  il  eft  fujet  aux  fécherelTes  comme  le  refte.  Il  faut  cependant  excepter 
l'année  1777  ,  où  il  a  reçu  à-peu-près  cette  quantité.  La  féchereffe  de  1776  avait 
décidé  M.  Chevalier  ,  habitant  de  la  montagne  des  Écrevifîès ,  à  y  planter  des 
cotonniers  qui  avaient  parfaitement  rcuffi  ;  encouragé  par  cet  eflai ,  il  en  planta 
une  jmmenfe  quantité  que  les  pluies  de  1777  firent  tous  périr.  Dans  l'Été  de 
1781 ,  le  canton  des  ÉereviiTes  a  été  favorablement  traité.  Les  Nords  fournifîent 
communément  le  tiers  des  pluies  de  l'année. 

Du  piton  des  Flambeaux  ,  fort  la  rivière  de  Nœud-court  qui  fe  réunit  à  celle 


Bl 


PART 


I  E 


173       D  E  S  C  R  I  P  T  I   :.   :>r     D  E     L  A 

des  Goyaves  pour  aller  groTir  la  riv^è/s  d:s  Érrevi'e;  dont  le  tribut  va  enfuite 
aug.nenter  la  Grande  rivière. 

^  La  température  des  Écrevlffes  eft  très-analogue  à  celle  de  la  Marmelade.  Le 
pommier  eft  le  feui  des  arbres  à  fruits  de  France  qui  7  \~roduic ,  mais  d'une 
manière  qui  annonce  bien  la  dégéaération.  On  ne  peut  pas  faire  le  même  reproche 
à  des  friiies  dont  le  parfum  fiatte  &  le  goût  &  l'odorat,  tandis  que  la  douce  & 
timide  violette  charmiC  encore  ce  dernier  par  les  ém.anations  qui  échappent  de 
fes  corolles  fimples  ou  doubles.  Tous  les  vivres  du  pays  réufilfîcni  bien  aux 
ÉcrevifTes.  -  . 

La  paroi iTe  du  Trou  compte  environ  36c  blancs ,  240  affranchis  Se  ic^cco 
efclaves.  Ses  milices  font  en  trois  com.pagnies  dont  deux  de  blanco  &  une  de  gens 
de  couleur.  Les  premières  ont  136  individus  &  la  dernière  70. 

Le  débouché  des  denrées  du  Trou  ,  a  lieu  par  le  Cap  au  moyen  des  embar- 
cadères de  Caracol  oià  des  pafîagers  les  reçoivent  &  rapportent  ce  que  le  Cap 
fournit  ,  à  fon  tour  ,   en  fubfiftances  d'Europe  ,  en  uftenfiles ,  &c.  &cc. 

L'éioignem.ent  oià  certains  cantons  fe  trouvent  de  l'Églife  avait  déterminé  l  s 
habitans  des  ÉcrevilTes ,  réunis  à  l'occafion  d'une  revue  le  19  Juillet  1778,  à 
propofer  la  conflraiction  d'une  chapelle.  Il  y  eut  une  foufcription  de  3,300  liv, 
&  M.  Dem.onet  fut  nomm.é  fyndic  ;  ce  projet  n'a  pas  eu  plus  de  fuite  que  celui 
du  même  genre  fait  par  les  habitans  des  Perches.  Mais  par  un  abus  qui  efc  répré- 
henfible  à  plus  d'un  égard  ,  en  a  établi  un  cimetière  dans  ce  dernier  canton  & 
Jà  fans  qu'il  en  foit  fait  aucun  acte  public  ,  on  inhume  et  blanc  et  hom.mie  de 
couleur,  et  libre  et  efclave.    Cet  abus  remonte  jufques  vers  1777. 

La  paroifle  du  Trou  a  donné  le  jour  à  M.  Defmé  Dubuiflbn  ,  procureur- 
général  du  Confeil  du  Cap,  mort  ccnfcilier  au  Parlement  de  Paris  ,  charo-e  dans 
laquelle  il  fut  reçu,  lorfque  renvoyé  en  France  par  M.  le  comte  d'Ellaing,  en  1764, 
pour  avoir  eu  une  grande  part  aux  arrêtés  de  l'aiTemiblée  coloniale  du  mois  de 
Mai  de  la  même  année,  on  trouva  que  le  Créol  qui  avait  jette  le  premier  des 
lumières  réelles  fur  l'impôt  colonial,  ne  déparerait  pas  la  cour  conUdérée  commie  la 
première  du  royaume.  Il  fufnt  de  lire  le-procès-verbal  de  cette  aiTemblée  et 
les  remontrances  du  Confeil  du  Cap  au  roi  ,  fur  l'érat  de  la  Colonie ,  datées  du 
15  Mars  1764,  pour  être  convaincu  que  les  homimes  tels  que  M.  DubuiiTon 
font  rares  partout;  et  pour  que  les  circonfiances  de  fon  renvoi  dont  les  dérails 


t^\ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE-       17^ 
apparciennent  à  l'hiftoire  ,  prouvenc  elles-mêmes  qu'il  avait  été  apperçu  fous  le 
rapport  d'un  homme  plus  facile  à  embarquer  qu'à  réduire  à  la  nullité. 

Le  bourg  du  Trou  eit  à 


7  lieues  du  Cap  , 

6  du  Fort-Dauphin  ,- 

2  du  Terrier-Rouge , 

3  de  l'embarcadère  de  Caracol  , 
2     -         de  Rccàe-plate  , 


5  lieues  des  Écreviiîes  , 
9  de  Vallière , 

3  de  l'acul  à  Conit , 

4  ^  des  Perches. 


Le  8  Janvier  1774,  mourut  fur  fon  habitation,  au  Trou  ,  M.  Benjamin 
Faneuil ,  commandant  des  milices  de  cette  paroiffe ,  né  à  la  Rochelle  et  âo-é  de 
80  ans.  Il  habitait  la  Colonie  depuis  17  15.  "  ^ 

C'efl  encore  au  Trou  qu'on   a  vu   mourir,  en   178  i  ,  Etienne  Auba     né  au 
Quartier-Morln  en    1683.   Efclave    de    M.  le  Long  qui  le  mena  au  fiéc^e  de 
Carthagène,  .1  fut  affranchi  au  retour  de  cette  campagne  ,  comme  tous  les  nègres 
qui  y  avaient  marché.  La  conduite  exemplaire  d'Auba ,   le  fit  nommer  en   172. 
capitame  des  nègres  libres  de  la  dépendance  du  quartier  du  Fort-Dauphin     où 
M.  de  Sorel,  Gouverneur-Général,  le  fit  recevoir  en  celte   qualité.  Prefqu'au 
même  mftant ,  Auba  s'embarqua  avec   fa  compagnie  fur  la  frégate  l'Expédition 
commandée  par  M.  de  Sirac ,    pour  aller  dégager  une  flotte  francaife   que   des 
forbans  avaient  forcée  à  s'échouer  à  Samana.  Auba  eut  de  fon  mariage  avec  une 
négrefle  ,  un  grand  nombre  d'enfans  &  de  petits-enfans.  Peu  fortuné  &  accablé  ^ 
par  l'âge,  il  follicica  &  obtint  des  Adminillrateurs ,  le  11   Août  1779    époque 
où  il  ne  lui  reliait  plus  que   neufenfans   &  deux  pedts-enfans  ,  une'penfion 
viagère  de  600  liv.  fur  la  caiffe  des  libertés ,  plutôt  encore  comme   une  récom- 
penfe  de  les  fervices ,  que  comme  un  fecours  pécuniaire. 

Auba  était  d'une  petite  ftature  ,  d'une  figure  qui  annonçait  la  bonté  II  ' 
paraiffait  toujours  en  public  en  habit  &  en  épée.  Il  parlait  avec  bon  fens  &  avec 
intérêt  de  ce  qu'il  avait  vu.  J'eus  avec  lui  une  longue  converfation  au  mois  de 
Jum  1779,  &  je  le  trouvai  encore  plein  d'énergie.  Auba  mourut  prefque 
centenaire  ,  fur  un  petit  terrain  qu'il  avait  acheté  au  canton  de  Roucou  entre  les 
habitations  Gervaife  &  Coulomb ,  fur  la  rive  Eft  de  la  ravine  à  Grimaud  & 
par  con.ré.iuent  dans  la  paroifîè  du  Trou.  On  lui  prodiguait  à  i'envi  des  marque. 
d  eftime  &  de  bienveillance,  que  fes  cheveux  blancs  avaient  converties  en  marques 
de  vénération.  _  ^    ^ 

Z   2 


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HBI 


iSo       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


•i 


Q^U  ARTIER     DE     LIMONADE^ 

VI. 

Paroisse    de    Limonade. 

Cette  paroiffe  fituée  à  trois  lieues  à  l'Orient  de  la  ville  du  Cap  ,  eft  Tune 
des  plus  ci-lèbres  de  la  Colonie  par  fes   riches  produits. 

Elle  cft  Dordée  au  Nord  par  la  mer ,  depuis  l'embouchure  de  la  ravine  à 
Grimaud  ,  jufqu'à  celle  de  la  Grande  rivière. 

A  l'Eft,  1°.  par  la  paroiffe  du  Terrier-rouge ,  depuis  l'embouchure  de  h 
ravine  à  Grimaud,  jufqu'au  point  oij  cette  ravine  eft  traverfée  par  le  grand 
chemin  qui  va  du  Cap  au  Trou.  i°.  par  la  paroiffe  du  Trou  ,  à  partir  de 
ce  point  du  grand  chemin  ,  &  allant  dans  le  Sud  (  toujours  en  fuivant  la  ravine 
à  Grimaud  )  ,  gagner  la  montagne  de  Sainte-Suzanne ,  &  fuivre  celle  des 
Côtelettes  &  celle  du  Moka.  3°.  par  la  paroiffe  de  Vallière  dans  le  canton- 
appelle  les  Fons-Bleus  ,  jufqu'à  la  rencontre  de  la  pyramide  des  limites 
efpagnoles  N''.  43  ,  pofée  au  confluent  de  la  Grande  rivière  &  de  la  ravine 
des  Chandeliers,  &  4°.  par  la  paroiffe  Sainte-Rofe  ,  au  moyen  du  cours  de 
la  Grande  rivière  ,  jufqu'à  la  ravine  des  Mulets  bâtards» 

Au  Sud  ,  en  totalité  par  la  paroiffe  Sainte-Rofe ,  au  moyen  de  la  fuite  des 
Fonds- Bleus  ,  depuis  la  ravine  des  Mulets  bâtards,  jufqu'à  la  rivière  du  Moka 
ou  à  Picaut ,   &  encore  par  la  continuité  des  Fonds-Blancs. 

A  rOueft,  Limonade  eft  terminé  d'abord  par  la  paroiffe  Sainte-Rofe,  aa 
moyen  d'une  limite  formée  1°.  par  la  rivière  du  Moka  ou  à  Picaut,  jufqu'à 
celle  des  Giraumons.  2°.  par  la  faite  des  Fonds-Bleus  ,  en  allant  à  la  rencontre 
de  la  ravine  des  Giraumons  ,■  jufqu'à  la  crête.  3°.  par  une  rentrée  dans  le  Moka 
jufqu'à  la  crête  du  morne  des  Giraum.ons.  4°.  par  la  fuite  du  Moka.  5°,  par 
une  rentrée  dans  les  Côtelettes.  6^.  par  le  canton  du  Bois-Blanc,  en  fuivant  la 
crête  ,  &  7*^.  par  le  Bois  de  Lance  jufqu'en  face  du  bourg  de  la  Tannerie  ,  point 
où  Limonade  trouve  la  paroiffe  du  Quartier- Morin  ,  &  2  pour  limite  Occidentale 
commune  avec  celk-ci,  le  cours  de  la  Grande  rivière  jufqu'à  la  mer. 

Limonade   cft  une  paroiffe  de  plaine.  Son  territoire  plane  renommé  par  fa 
fertilité ,  a  dans  fa  plus  grande  profondeur  Nord  &  Sud ,  trois  lieues  &  demie 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       i8ï 

&  dans  fa  plus  grande  largeur  Eft  &  Oueft,  environ  deux  lieues.  Il  fe  compofc 
des  cantons  de  l'Embarcadère,  de  l'Iflet  de  Limonade,  de  la  favane  de  Limo» 
nade  ,  de  partie  de  Roucou  &  de  partie  du  Bois  de  Lance  ;  tandis  que  la  partie 
montagneufe  comprend  Sainte-Suzanne  ,  partie  des  Côtelettes  ,  le  Moka  neuf  j, 
les  Fonds-Bleus  ,  les  Bois  blancs  &  partie  du  Bois  de  Lance. 

Limonade  a  été  l'un  des  premiers  établiffemens  de  la  plaine  du  Cap.  Ce  fut 
vers  l'an  1676  qu'il  reçut  les  premiers  habitans  ;  il  dépendait  alors  du  Quartier- 
Morin,  &  fes  défrichemens  commencèrent,  comme  tous  ceux  de  la  Colonie, 
dans  le  voifinage  du  bord  de  la  mer.  Le  terrain  en  était  encore  vierge  ,  ou  du 
moins  il  fallait  qu'il  eût  joui  d'un  bien  long  repos  ,  puifqu'on  voit  encore  en  ce 
moment  fur  l'habitation  Fournier  de  Bellevue ,  un  cotonnier-mapou  dont  le 
branchage  a  également  foixante-treize  pitds  de  chaque  côté  du  tronc ,  ce  qui 
prouve  qu'il  a  acquis  cette  dimenfion  remarquable  étant  au  milieu  d'autres 
arbres,  qui  l'abritaient  du  vent  ;  puifque  partout  où  les  arbres  reçoivent  immé- 
diatement la  brifed'Eft ,  ils  ont  dans  leur  feuillage  &  furtout  dans  leurs  racines, 
plus  d'étendue  à  l'Oueft  qu'à  l'Eft  ,  comme  pour  contrebalancer  l'adion  du  vent. 

Il  fe  forma  dès  lors  un  embarcadère,  à  un  quart  de  lieue  duquel  on 
conftruifit  en  1679,  «"^  Petite  chapelle  que  defîervait  le  père  Rodolphe, 
bé  é  idtin.  Elle  était  fur  le  terrain  appartenant  aujourd'hui  à  M.  Fournier  de 
la  Chapelle  ,  à  la  gauche  du  chemin  en  allant  à  l'embarcadère  ,  &  plus  de  trente 
ans  encore  après,  une  croix  indiquait  cette  première  chapelle.  Le  tabac  &  un 
peu  de  coton  étaient  tout  ce  qu'on  récoltait  alors  ,  &  le  nombre  des  habitans 
s'étant  accru  &  la  commodité  commune  indiquant  un  autre  choix  ^  la  chapelle 
fut  mife  en  1680,  fur  un  terrain  où  a  été  depiis  la  fucrerie  de  M.  de  la 
Chenaye ,  environ  joo  pas  plus  haut  que  la  première  ;  &  les  Capucins  étant 
devenus  les  miffionnaires  de  la  Partie  du  Nord  ,  le  père  Hyacinthe  de  cet  ordre  , 
îut  attaché  en  1681  à  cette  chapelle, 

L'établiffement  de  Limonade  eut  des  progrès  fenfibles.  En  1685  ?  on  corn-» 
mença  à  y  cultiver  Tindigo  &  à  défricher  les  mornets  qui  terminent  Sainte-Suzanne 
au  Nord,  On  trouve  même  encore  des  veftiges  d'indigoteries  dans  cette  paroiiTc. 
On  comptait  alors  près  de  cinq  cens  engagés  fous  les  armes  aux  revues ,  ce  qui 
ne  doit  pas  étonner,  quand  on  fait  qu'un  fcul  navire  tranfportait  quelquefois 
dans  la  Colonie  cent  de  ces  hommes,  que  la  flibufte ,  la  débauche  &  les 
travaux   de  la  culture  ont   prefquç  tous  détruits.  Eux  feuh  faifaient  produire 


i82       D  E  s  C  Pv  I  ?  T  I  O  N      DE     LA     PARTIE 

à  la  terre  &  les  vivres  &  les  denrées  ,  car  à  cette  époque  de   1685 ,  il  n'y  avait 
point  encore  de  nègres  à  Limonade. 

La  population  même  de  ce  Heu,  infpira  à  plufieurs  Colons  l'idée  d'aller,  en 
1690  ,  s'établir  au  canton  du  Bois  de  Lance  ,  dont  le  nom  eft  vifiblement  venu 
de  ce  qu'il  produirait  beaucoup  de  ces  arbres  ,  efpèces  de  Cornouiliiers  ,  dont  les 
tiges  droites  &  flexibles  fervent  à  monter  le  fer  des  lances ,  arme  commune 
alors ,  et  prefque  la  feule  qu'eulTent  les  Efpagnols ,  qui  la  manient  avec  une 
grande  fupériorité.  Le  premier  de  ces  Colons  fut  M.  Ducatel ,  auteur  des 
héritiers  Gravé  ,  et  dont  la  famille  exifte  à  Saint-Malo  ,  d'où  il  était  originaire. 
Le  Bois  de  Lance  n'avait  cependant  aucune  connexité  paroiffiale  avec  Limonade  j 
et  il  continua  à  dépendre  du  Quartier-Morin. 

Plufieurs  événemens  vinrent  non-feulem.ent  rallentir,  mais  prefque  anéantir 
toutes  les  entreprifes  des  Colons  de  Limonade.  M.  de  Cuffy ,  gouverneur  ,  y 
ayant  indiqué  le  raflemblement  des  Français  qu'il  voulait  mener  à  l'attaque  de 
la  ville  de  Saint-Yague  ,  de  la  Colonie  efpagnolej  les  habitans  de  Limonade 
formant  une  compagnie  de  milices  ,  y  marchèrent  avec  le  refte  de  la  petite 
armée,  compofée  d'environ  900  hommes,  le  27  Juin  1690.  L'arrière-o-arde 
oij  était  la  compagnie  de  Limonade  ,  ayant  donné  dans  une  embufcade  ,  elle  fut 
très-maltraitée  par  les  lanciers  efpagnols.  Privée  de  M.  Gelin ,  fon  capitaine , 
qui  fut  tué ,  elle  chancelait  et  commençait  même  à  fe  débander ,  lorfque  M. 
Garnier  fon  lieutenant,  animant  les  Français  par  fon  exemple ,  fit  faire  volte-face 
à  là  compagnie  ,  et  par  cette  manœuvre  qu'imita  le  refte  de  l'arrière-o-arde 
il  fauva  l'armée  et  caufa  la  défaite  des  Efpagnols  j  le  même  jour  Saint- Yasue 
fut  pris  et  brûlé. 

Ce  fuccès  coûta  des  cultivateurs  à  Limonade  ,  mais  ce  ne  fut  rien  en  compa- 
raifon  de  l'année  fui  vante.  C'eft  dans  la  favane  de  Limonade  que  fut  donnée  la 
bataille  de  ce  nom  ,  le  ai  Janvier  1691  ,  entre  les  Français  &  les 
Efpagnols.  Ces  derniers  étaient  plus  de  trois  mille  ,  tandis  que  les  forces  françaifes 
n'arrivaient  pas  au  tiers  de  ce  nombre.  L'avis  de  M.  de  Cufly  était  de  marcher 
vers  Jacquezy  &  de  difputer  le  terrain  à  l'ennemi  débarqué  à  Bayaha  &  à  Caracol 
&  venant  auffi  par  terre  de  la  Partie  efpagnole  ,  &  de  le  harceler  à  travers  les 
bois.  Mais  M.  de  Franquefnay,  lieutenant  de  roi  au  Cap,  ouvrit ,  au  contraire, 
celui  de  l'attaquer  dans  la  favane  de  Limonade.  Ce  dernier  parti  ,  évi- 
demment le  moins  fage  ,  prévalut  &  l'on  fe  rendit   à  la   favane  ,  le  20.  La 


I  >m 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       .sj 
droite  de  r.rn,é-  franç^ife    était   app„y«  au  petit  „,or„et  de  Limonade  &  U 
gauche  fut  ies  bo,s  q.,  av  ..finaient  la  .er.   La  ravine  peu  profonde  du  cTpile 
Fr  nto.s  ,  (epata.t  les  deux  atn-.ée.  L'attaque  fut  faue  le  .,  ,  au  tnat^     & 
^algte  des  prodiges  de  valeur .  les  Français  furent  fa  vifti^es  de  le     i„T     d'itf 
Cuffy  to,.ba  ntort  auprè,  de  Franfquenay  ,  &  r„it  a,r  u  chaunp  de  batail  e    ft t 
fur  les  hab,tat,ons  voiûnes  ,    300   Français  perdirent   k  vi-     Le     F 
employèrent  o„.e  jours*  rav^.er  ^.détrun'e    totue  U  .^  ^dt^e  ^rSp  ' 
après  ce  terme  ,  ,1s  quittèrent  le  territoire  français.    M.  de  la  Boulaie  ,  maior  du' 
Port-de-Pa,x  ,  vmt  de  ce  lieu  au  Cap,  le  3  Février   i6q,  &  il  ,„,,'?    7 
terrain  à  Limonade.  Parm,  les  cadavres  à  d  mi  putr  fi     '  on     col  t'        . 
MM.  de  Cufly  &  de  Franquefnay  -,  de  M.  MarcLnd  .      ife    er  rcapiW  f 
n,.l,ces,  de  M.  Coquière  ,  habitant;  de  M.  Rémouffin,  cap  ii„^  d      'a 
au  P„rt-de-Paix.  de  MM,  Beuzeval,  Camuzet  &  Leftor    '      "ht. 
reur  du  roi  &  greffier  du  Cap  .  de  M.  Piotard.  procureur  des    i'ecl'  .n' 
de   Butterval    nevet,  de  M.  Franfquenay  &  enfin  des  plus  braves  habitas    L^ 
lendemain  j  ,  M.  de  la  Boulaye  fit  inhumer  dans  la  chaoelle  de  ,       """f-  ^ 
corps  de  MM.  Cufiy  &  Franquefnay.   Une  partie  de  la  co'm     .„ l  dT"^  'T 
périt  dans  cette  fatale  journée  .  i,  lui  refta  cependant  encore  ^^il^:;::^ 

Les  habltans  du  Qaartier-Morin  ayant  été  dé-ruits  anm      5  ^^  k 

1694,  pour  a  tro,Ceme  fois,  u.n=  églife,  qui  fut  mife  dans  un  au  re  poi„Vo 
la  féconde.   Ma,s  en  ,655  ,  les  Efpagnols  unis  aux  Anglais  étant  ^ 

dévaaer  toute  la  partie  du  Cap  Jufq'u'au  Port-de-Paï'  L  Tnad":"; ,""" 
de  nouveau  entièrement  ruiné.   Tant  de  malheurs  n'abat  rirent  "ô      .  ' 

ries  colons  &  dans  la  même  année  ,6or  on  fe  „.',  ,*?'"""'  P°'"'  '<=  «"rage 
Limonade  .  au  point  où  avait  été  la  tro  fiè'ne  LT  p' rt  A„  ''""''™'  ^«''^'  ^= 
ae  fespropres  deniers,  pour  le  ,r.<,.,:  !  ^:^^22::' Tl 
propriétaire  terrien  de  cette  paroilTe  ,  et  de  r-^li..  .-  -r  '°"S  '  g''3"ci 

le  voyage  de  la  n.er  du  Sud  'et  qui  fu    ^ ^'^^:^ :'''''  \  ^"^  ^^  ^- 

Tortue  s'établir  dans  la  plaine  du  Cap    où  i!  il  "^"^  ^'"'^"^  ^'  ^' 

V  <^inc  au  L,ap ,  ou  il  laiffa  une  grande  fortune. 


irl 


184      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Ce  fut  à  la  même  époque  de  1695  ,  que  les  habitans  du  Bois  de  Lance  qui  fe 
trouvaient  entre  la  Grande  rivière  et  le  FofTé ,  demandèrent  à  être  unis  à  la 
paroiffe  de  Limonade  et  féparés  de   celle  du  Quartier-Morin  ;  ce  qm  leur  fut 

accordé.  ,         .-    ,      ,    ,,.„ 

Quatre  ans  après ,  on  vit  commencer  à  Limonade  les  préparatifs  des  etabliffe- 
mens  en  fucrerie.  La  première  manufafture  de  ce  genre  ,  mile  en  action,  fut 
celle  de  M  Dureau  ,  commandant  des  milices  de  ce  quartier  ;  c'eft  celle  qu'oa 
trouve  la  première  à  droite  du  chemin ,  après  avoir  traverfé  la  Grande  rivière  , 

lorfqu'on  vient  du  Cap. 

Les  habitans  du  Bois  de  Lance  qui  fe  multipliaient  aufiî  ,  défirèrent  une  petite 
chapelle  pour  la  commodité  de  leur  canton  ,  et  la  permiffion  qu'ils  en  obtinrent, 
en  1700,  devint  pendant  plufieurs  années,  une  fource  de  divifions  continuelles 
entr'eux  et  les  habitans  de  Limonade.  En  1701  ,  on  commença  à  y  former  des 
fucreries  dont  la  première  fut  celle  de  M.  le  Febvre  ,  et  qui  eft  aujourd'hui  a  M, 

le  Roux  des  IQes.  _  _  •   .  v  ,    ^    j 

Cependant  ,  à  caufe  d'un  débordement  de  la  Grande  rivière  ,  arrive  a  la  fin  de 
170/  et  qui  rendit  la  communication  très-difficile  et  prefque  impoffible  entre 
Limonade  et  le  Bois  de  Lance  ,  les  Adcniniilrateurs  ordonnèrent  que  le  cure  de 
Limonade  irait  quelques  dimanches  et  quelques  fêtes  de  l'année ,  dire    la  mefTe 

au  Bois  de  Lance.  ^  11.' 

Ce  canton  qui  s'était  confidérablement   augmente  en  nègres  ,  durant  1  année 
1706     reprit ,  au  commencement  de  1707  ,  fon  projet  de  devenir  une  paroiffe 
particulière  ,  d'autant  que  les  habitans  de  Sainte-Rofe  demandaient  à  être  fépares 
de  la  paroiffe  du  Quartier-Morin  et  de  faire  partie  de  celle  du  Bois  de  Lance, 
On    parvint    même   à   faire   décider    que  le    curé  de  Limonade  dirait  regu- 
lièrernent  la  meffe   au  Bois  de  Lance  le  premier  et  le  troifième  dimanche  de 
chaque   mois ,  et   à  certaines  fêtes   défignées  ,  jufqu'à  ce   qu'il   vint   affez  de 
miffionnaires  de  France  pour  que  la  paroiffe  du  Bois  de  Lance  put  avoir  un  cure 
Fiers  de  ce  nouveau  fuccès,  les  habitans  du  Bois  de  Lance  pour  empêcher 
•     au'il  ne  leur  fût  ravi,   réfolurent   à  l'unanimité  ,  l'édification   dune   egh>e  de 
^    ^a  onnerie,  fuivant  un  deffin  fait  par  TlMn^or  Joanni  BaplfiaA.nato     Sicilien 
r  11.  A  l'envi ,  chacun  fit  des  promeffes  ,  U  M.  Ducate  donna  le  terrain. 
Les  habitans  de   Limonade  ne   voulurent  pas   paraître   moins  religieux   que 
^^  de  Lance.  Le  .6  Jumiet  1706  ,  ils  firent  célébrer  folennellemen^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       185 

parles  Jéfuites  de  la  mifîîon,  pour  la  première  fois,  la  fête  de  Sainte -Anne 
devenue  leur  patrone ,  &:  le  26  Novembre  fuivant ,  ils  adoptèrent  auffi  le  plan 
d'une  nouvelle  églife  ,  propofé  par  le  même  fignor  Amato  ;  mais  ils  réalifèrent 
leur  plan  ,  à  la  différence  des  habitans  du  Bois  de  Lance  ,  qui  biffèrent  écouler 
1707  &  1708,  fe  contentant  de  la  chapelle  ,  &  ne  bâtiffant  point  l'églife 
paroiffiale  pour  laquelle  M.  Champaing  avait  fait  venir  un  tableau  de  la  Nativité 
de  la  Vierge  ,  qui  montrait  fous  quelle  invocation  la  paroifTe  devait  être.  Les 
Adminiftrateurs  leur  donnèrent  cependant  un  curé  au  mois  d'Oéiobre  1708  ,  dans 
la  perfonne  de  M.  l'abbé  de  Mont-Tours  ,  qui  n'eut  que-  trois  mois  d'exercice  , 
parce  qu'au  mois  de  Janvier  1709  ,  les  habitans  follicitèrent  eux-mêmes  leur 
xéunion  à  la  paroiffe  de  Limonade. 

Cette  réunion  qui ,  pour  cette  fois,  fut  confommée  fans  retour,  eut  pour  motifs 
principaux  :  un  pont  fait  en  1708  fur  le  Foifé  de  Limonade  à  la  paffe 
aftuelle  d'Adlienet ,  &  un  chemin  ouvert  en  droite  ligne  depuis  ce  pont  jufqu'à 
la  chapelle  du  Bois  de  Lance  ,  ce  qui  avait  abrégé  de  plus  d'une  demi-lieue 
l'efpace  qu'on  avait  à  parcourir  pour  aller  d'une  églife  à  l'autre. 

J'ai  dit  qu'au  mois  de  Novembre  1706,  Limonade  avait  décidé  la  conftruaion 
d'une  cinquième  églife,  l'autre  menaçant  ruine.  Il  fignor  Jm/ito  que  la  délibé- 
ration de  la  paroiffe  appelle  un  habile  architeûe  ,  la  fit  conftruire  en  bois.  Les 
ouvriers  étaient  fi  rares  ,  qu'il  n'y  avait  pas  un  maçon  en  état  de  faire  une  voûte 
de  briques.  Ce  nouveau  temple  fut  confacré  à  Sainte-Anne  ,  le  jour  même  de  la 
fête  de  cette  Sainte  ,  en  1707.  On  confacra  en  même-tems  les  deux  chaoelles 
latérales  ,  l'une  à  la  Vierge  &  l'autre  à  Saint-Jean-Baptiile  ,  patron  du  père 
le  Pers,  curé.  La  célébration  de  Sainte-Anne  eût  m.ême  en  1708  un  éclat  rare 
■parce  que  M.  de  Charrite  ,  gouverneur  du  Cap  ,  conduifit  à  Limonade  Don 
Guillermo  Morfil ,  Préfident  de  la  Colonie  efpagnole  ,  ce  qui  attira  Un  »rand 
concours  de  perfonncs  au  panégyrique  delà  Sainte,  fait  par  le  père  René^ 
Jéfuite. 

Cette  églife  fut  mife  à  l'endroit  oij  eft  celle  qu'a  la  paroiffe  de  Limonade  en 
ce  moment.  Cette  dernière  ,  la  fixiéme  depuis  1679  ,  a  été  édifiée  en  1777  par 
les  foins  de  M.  Caulet ,  l'un  des  paroifficns ,  qui  ayant  une  habitation  attenante 
au  terrain  de  l'églife,  a  fait  en  1776  l'offre  de  conftruire  une  églife  de  maçonnerie 
de  96  pieds  de  long  fur  48  de  large  (  qui  a  coûté  environ  150,000  liv.  ),  H 
on  lui  donnait  dix  des  dix-fept  carreaux  appartenant  à  la  fabrique.  Cette  églife 
Tome    I.  A  a 


I 


-  Wl 


t; 


DESCRIPTION     DE     LA      PARTI 


XL 


îl# 


eft  une  des  plus  jolies  de   h  Colonie  ,  étant  bâtie  en  petit  fur  le  modèie  de  celle 
du  Cip.  Elle   eft  fituée    à    environ  deux  lieues   de   l'embarcadère.    Feue   Mde. 


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rO  -. 


■ri;c.  u 


ionr.e   a  cette  eglue  ie  maitre-autei 


Fournier  de  Bellevue  ,  mort 

ceux  des  deux  bas-côcés ,  le  chœur  &  la  balullrade  de  marbre.  Cette  bienfaitrice' 

a  été  entenée  dans  ce  teiiiple. 

La  Grande  rivière  qui  borne  la  plaine  dans  toute  fa  longueur ,  a ,  comme  on 
l'a  vu  dans  la  defcripticn  de  la  paroifîe  de  Vallière  ,  fes  fources  au  piron  de 
Bayaha  &  à  la  crête  de  la  miontagne  à  Ténèbres.  Il  n'y  a  donc  guères  plus  de 
14  lieues  de  Tes  fources  à  fon  embouchure  ,  taiidis  que  fon  cours  en  a  environ  40, 
Elle  n'a  pas  toujours  eu  dans  la  plaine,  le  lit  qu'elle  y  occLipe  à  préfent.  Elle  fe 
promenait  originairement  d:in3  cette  pbine  qui  lui  doit  évidemment  fa  formation, 
&  lorfque  les  premiers  Français  vinrent  s'établir  dans  cette  partie  ,  elle  avait  fon 
cours  principal  dans  la  petite  rivière  de  ce  quartier,  qu'on  nom.mait  alors  rivière 
Salée  ,  qui  fe  rend  à  la  mer  par  l'habitation  Duplaa  &  qui  eft  aujourd'hui  la 
petite  rivière  du  Quartier-Morin. 

Ce  fut  en  1684,  que  la  rivière  de  Limonade  (  car  on  T'appelait,  ainfi  ),  fe 
forma  piuueurs  lits  entre  la.  rivière  Salée  &  le  FoîTé.  On  lui  en  a  compté  quatre  ; 
le  plus  à  i'Eft  fe  nommait  ia  ravine  à  la  Chenaye  ,  le  fécond  la  Marre  cà.  Cayman  , 
le  troifième,  la  petite  rivière  de  Limonade  ,  &  le  quatrième,  le  plus  Occidental 
d'abord  la  Ville  à  Canot  &  enfuite  la  rivière  de  Limonade..  Elle  a  même  pendant 
long-tems  coulé  tout  à  la  fois  &  par  la  petire  rivière  de  Limonade  &  par  la 
Ville  à  Canot  qui  avoifmait  cette  première,  dans  l'Oueft.  Toutes  ces  irruptions 
furent  caufe  que  dans  les  premières  années  du  fiècle  afluel ,  il  y  avait  à  chaque 
rive  de  la  Ville  à  Canot,  devenue  la  rivière  de  Limonade  &  qui  eft  fon  lit  aduel 
un  quart  de  lieue  de  terrain  impraticable  &  plus  ou  m.oins  noyé  dans  une  lono-ueur 
de  près  de  deux  lieues,  à  partir  de  3'embouchure.  C'eft  encore  par  l'eftet  de  ces 
irruptions  ,  qix'en  1726  &  1727  ,.  de  nouveaux  conceffionnaires  obtinrent  le 
terrain  fitué  enti-e  ce  qui  avait  été  le  lit  de  la  petite  rivière  de  Limonade  devenu' 
fec,  &  le  lit  aftueî  ;  parce  que  les  anciens  concefîîonnaires  de  Limonade  parurent 
n'avoir  aucun  droit  au  terrain  à  l'Oueft  de  la  petite  rivière,  ni  ceux  du  Quartier- 
Morin  à  celui  qui  était  trouvé  au-delà  de  k  Ville  à  Canot. 

Des  perfonnes  qui  firent,  en  1697  ,  des  travaux  pour  forcer  la  rivière  à  revenir 
dans  la  rivière  Salée ,  occafionnèrent  une  telle  inondation ,  que  M.  Danzé  ,  major 
commandant  au  Cap  &  M.  Robineau,  alors  fenéchaî  de  la  même  ville,  fur  la. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE 


^! 


187 


plainte  d'un  grand  nombre  de  familles  dont  ces  travaux  avaient  amené  la  ruine , 
vinrent  les  faire  détruire.  Plufieurs  habitans  abandonnèrent  leurs  polTeffions  & 
ceux  qui  étaient  refiés ,  donnèrent  même  une  requête  à  M.  de  GallifFet,  en  1700 , 
pour  que  les  premiers  contribuaffcnt  à  débarrafîer  le  lit  de  la  rivière  'des  arbres 
qui  l'obilruaient ,  fans  quoi  leurs  terrains  appartiendraient  à  ceux  qui  feraient  ce 
travail. 

Un  débordement  du  13  Décembre  1705  ,  jetta  entièrement  la  rivière  de 
Limonade  dans  le  FofTé ,  jufqu'au  30  Novembre  1707  ,  qu'un  autre  débordement 
qui,  comme  le  précédent,  porta  fcs  eauxjufques  dans  la  chapelle  du  Bois  de 
Lance  ,  la  ramena  à  fon  premier  lit  ,  où  elle  efl  reftée  -,  fauf  fes  épanchemens 
pardels  qui  ont  lieu  dans  le  Foffé ,  lors  de  crues  extraordinaires. 

Cette  rivière  qui  éprouve  quelquefois  un  dtffechement  prefque  total  ,  eft 
connue  par  la  violence  de  fes  débordemens.  Indépendamment  de  ceux  que  je  viens 
de  citer  ,  on  compte  celui  du  mois  d'Oftobre  1722  ,  qui  fit  d'horribles  ravaaes 
noya  beaucoup  de  perfonnes  &  répandit  les  eaux  dans  la  paroiffe  du  Quartier' 
Morin  &  dans  celle  de  la  Petite-Anfe  ;  celui  du  6  Janvier  175 1  ,  qui  caufa  de 
grandes  inondations ,  celui  de  1754 ,  où  l'eau  s'éleva  à  34  pieds  au-deffus  de  fon 
niveau  ordmaire  ;  celui  du  mois  d'Août  1772  &  celui  du  17  Odobre  i-rSo 
dont  l'élévation  fut  encore  plus  grande  qu'en  1754,  de  quatre  pouces.  '       ' 

L'efpace  que  parcourt  la   Grande   rivière ,  depuis  le   bourg  de  la  Tannerie 
jufqu'à  la  mer  ,   où  eUe  compte  quinze  habitations  à  l'Eft  ,  &  dix  à  l'Oueft      eft 
de  7,583  toifesen  ligne  direfte  &  de  9,216  coifes  ,  en  y  comprenant  les  finuofirés 
ÎI  y  a  dans   cette  longueur  ,  une  pente  de  1 12  pieds ,  ce  qui  donne  précifément 
trois  lignes  &  demie  pour  deux  toifes.   La  Grande  rivière  peut  contenir  à  fa 
moindre  élévation  ,  pendant  dix  mois  de  l'année,  environ  36  pieds  carrés  d'eau 
mefure  de  Fontainierj  c'eft-à-dire,  une  tranche  d'eau  de  36  pieds  de  bafe     fur  un 
pied  de  hauteur,  coulant  librement  &  fans  preffion  ,   ce  qui  le  réduit  hydrauli- 
quement  à  1 2,960  livres  d'eau  par  féconde.  Les  deux  autres  mois  de  l'année     qui 
font  ordinairement  de  la  mi-Février  à  la  mi- Avril,  le  volume   peut  fe  réduira  à 
environ  12  pieds  carrés  ou  4,320  livres  par  féconde  ;  à  moins  que  cette  quantité 
ne  foit  encore  diminuée  par  une  fécherefîè  extraordinaire  ,  comme  celle  de  1776 
La  plaine  eft  traverfée ,  v^rs  fon  milieu ,  par  la  petite  rivière,  mieux  connue 
fous  le  nom  du  Foffé ,  &  qu'il  faut  fe  garder  de  confondre  avec  ce  qu'on  appellaic 
autrefois  la  petite  rivière  de  Limonade,  qui  n'était  qu'un  bras  de  la  Grande  rivière 

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i88 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


défleché  depuis    long-tems,  parce  qu'elle  a  cefîe  d'y  pafier.   Le  Fofle  prend  fa 
iource  dans  la  montagne  de  Sainte-Suzanne  &  tombe  en  cafcade  de  cette  mon- 
tagne ,   ce  qui  forme  ,    au  Bois  de  Lance,  d'oîi  l'on   peut  la  voir,  un  coup-d'œii 
pittorefque.   Le  Fofle  ,    qui  ne  charie  point  d'arbres  ,  mais  feulement  des  fables 
dans  Tes  débordemens  ,  a  un  cours  finueux.   Il   contient ,  dans  le  teras  moyen, 
environ  un  pied   carré   d'eau.    Il  a  reçu   quelquefois  ,  comme  je  l'ai  dit ,  les  eaux 
de   la  Grande  rivière  ,   quoique  fon  lit  foit  devenu  plus   élevé  que   celui  de  cette 
dernière.  C'eft  même  par  le  moyen  de  cet  excédant  d'eau  étrangère  ,  qu'il  forme 
de   grands  débordemens  ,  puifque  dans   fon   cours   de   quatre  ou   cinq   lieues, 
compté  en  ligne  droite,  il  ne  peut   êcre  confidérabiement  grofîi.  Cependant  en 
1782  ,  agiflant  feul ,  il  furmonta  fes  écores.   Depuis  la  paffe  Walfh  &  Adhenet ,. 
le  cours  du  FoiTé  prend  une  tendance  fenfible  vers  TEft ,  &  décrivant  prefque  un 
quart  de   cercle  ,  il   va    dans    fa   partie   inférieure    parcourir   des    terrains    bas  >• 
marécageux  tz  falineux  ,  avant   d'arriver  à  la  baie  de  Caraeol ,  où  eft  fon  em- 
bouchure. 

Je  répète  que  la  Grande  rivière  paraît  avoir  formé  par  fes  alluvions  ,  la  plaine 

qu'elle  fépare  entre  ks  deux  paroiffes  de  Limonade  &  du  Quartier- Morin.  Tout 

fait  préfumer  qu-'elle  a  conduit  fes  eaux,  far  cette  furface  ,  en  difiérens  fens depuis^ 

les   Mornets  ,   placés   fur  l'habitation    Deftouches  ,  à  i'-ntrée   de  la   favane   de 

Limonade  jufqu'à  la  ravine  du  Mapou  ,  près  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe 

dans  la  paroifle  du   Quartier-Morin ,  fur  une  largeur  d'environ   trois  lieues.  Le 

fol  eft  compofé ,  dans  cet  efpace  ,  de  graviers  &  de  couches  terreufes  horizontales- 

qui  annoncent  l'ouvrage   des   eaux.  On  trouve  des  cailloux  roulés  ou  des  galets , 

dans  toute  la  partie  fupérieure  de  la  plaine  &  ils  diminuent  de  volume  en  s'appro- 

chant  de  la  mer  ,  parce  que  l'eau  perdant  de  fa  vîtefTe  ,  à  proportion- que  la  pente 

du  terrain  diminue  ,   le   courant  n'a   pas  eu  affez  de  force   pour  chalTcr  les  gros 

cailloux  au  loin.   A  l'embouchure  ,  on  ne   trouve   que  du  gravier  &  du  fable. 

Cette   embouchure  était  affez  profonde  autrefois  pour  permettre  aux  canots  de 

ia  remonter  environ  l'efpace  d'une  demi-lieue.  La  marée  y   était  fenfible  & 

c'eft,  fans  doute ,  cette  circonftance  qui  avait  fait  appeler  rivière  Salée,  la  petite 

rivière  du  Quartier-Morin  ,  lorfque  la  Grande  rivière  y  avait  fon  cours  principal  : 

car   ce  nom  eft  aux  Mes ,  celui  de  prefque  toutes  les-  rivières  ,  à  l'embouchure 

defquclies  la  marée  remonte.  La  favane  de  l'habitation  Fournier  la  Chapelle  eft 

fiUonnée  par  les  traces  d'un  lit  de  rivière  ;  traces  qu'on  peu:  fuivre  fort  loin  ea 

remontant  au  Siid.. 


T"^*" 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 


189 


D'ailleurs  tout  favorife  ces  conjeftures.  On  a  trouvé  fur  l'habitation  de  M"^^- 
Fournier  de  Bellevue  ,  à  900  toiles  de  la  mer  &  à  quatre  pieds  de  profondeur 
dans  une  terre  de  rapport  5  une  ancre  dont  la  tige  ou  verge  que  j'ai  rnefiirée, 
a  neuf  pieds  deux  pouces  de  long. 

Je  me  fens  très-enclin  à  penfer  que  cette  ancre  pourrait  être  l'une  de  celles 
de  la  caravelle  la  Marie ,  que  commandait  Chriftophe  Colomb  lorfqu'il  découvrit 
l'Amérique,  &  qui  périt  dans  la  nuit  du  0.^  au  25  Décembre  1492  ,  tems  des 
Nords.  Ce  naufrage  arriva  dans  un  mouillage  qui  femble  bien  être  celui  de 
Limonade.  Selon  Herréra ,  la  caravelle  fut  entraînée  par  les  courans  ,  &  Colomb 
fit  dire  à  Guacanaric  qu'elle  avait  péri  à  une  lieue  &  demie  de  la  réfidence  de 
ce  cacique.  Les  dimenfions  de  celte  ancre  (  reconnue  pour  être  de  fabrique 
cfpagnole  ) ,  qui  eft  longue  proportionnellement  à  fa  grcffeur  que  la  rouille  a 
fans  doute  encore  diminuée  comme  on  en  peut  juger  par  fon  aftion  fur 
l'organeau  qu'elle  avait  foudé  à  fa  tige  ;  fon  enfouifTement  &  le  fait  hiflorique  , 
tout  me  femble   concourir  , à  appuyer  mon  opinion. 

En  fuppofant  qu'on  l'adopte  ,  ce  qui  recule  l'époque  de  la  perte  de  l'ancre 
auffi  loin  qu'il  eft  pofîlble,  on  doit  encore  être  furpris  de  l'immenfe  quantité  de 
limon  que  cette  rivière  a  tranfporté  ,  pour  convertir  en  terre  cultivable  la  rade 
où  le  bâtiment  a  été  mouillé  ,  ou  du  riioins  le  rivage  où  cette  ancre  aura  pu 
être  tranfportée  ,  car  l'hiftoire  dit  encore  que  Colomb  fit  fauver  tout  ce  qu'il  put. 
L'étonnem°nt  ferait  moindre  cependant,  fi  l'on  faifait  attention  à  la  fréquence  des 
débordemens  de  cette  rivière  &  à  l'immenfe  quantité  de  terre  &  de  fable 
qu'elle  entraîne  des  montagnes  à  la  mer. 

Il  y  a  cinquante  ans  que  le  Foffé  était  navigable  jufqu'à  la  paiTe  ou  gué  des 
habitations  Walfh  &  Adhenet,  diftantes  de  plus  d'une  lieue  de  la  mer.  On 
attribue  les  remblais  aux  défrichemens  que  l'on  a  faits  depuis  ce  tems  dans  les 


montagnes. 


Vers  1715  ,  les  canots  venaient  dans  la  Grande  rivière  jufqu'à  environ  1,500 
toifcs  de  l'embouchure  a6luelle  ,  charger  les  fucres  de  M.  Fournier,  vis-à-vis 
fa  maifon  ,  placée  alors  où  eft  aujourd'hui  l'habitation  Miniac-Trefiin. 

MM.  Duplaa  &  Fournier  dont  les  habitations  bordent  l'embouchure  de  la 
Grande  rivière  fur  les  deux  rives  parallèles ,  ont  mis  à  profit  depuis  environ 
quinze  ans ,  fa  propriété  de  remblayer.  Des  levées  placées  fur  le  bord  de  la 
mer  ont  garanti  le  terrain  dçs  invafions  de  l'Océan  ,  &;  ont  retenu  les  rapports; 


!•] 


190 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


que  les  eaux  de  la  rivière  dépofenr ,  après  avoir  été  introduites  avec  beaucoup 
d'intelligence  fur  îes  terrains  des  falines  ,  pendant  la  durée  des  crues. 
L'iiabitation  Fournier  a  ainfi  acquis  vingt  ou  vingt-cinq  carreaux  (  environ 
80^000  toiles  fuperficiellcs  ).  On  voit  un  loi  où  les  canots  &  les  chaloupes 
naviguaient  huit  ou  dix  ans  auparavant ,  donner  des  récoltes  abondantes ,  & 
l'homn-ie  devenu  par  fon  indullrie  le  dominateur  de  la  nature  &  une  forte  de 
créateur.  Cet  exemple  d'induftrie  &  de  courage  peut  être  propofé  à  tous  les 
habitans  qui  font  placés  fur  les  embouchures  des  rivières. 

La  Grande  rivière ,  (  ainfi  que  toutes  les  rivières  ou  ruiffeaux  un  peu  confidé- 
rables  de  l'xA  mérique  )  ,  efc  accompagnée  de  droite  &  de  gauche  de  petites 
ravines  ou  de  ruiffeaux  parallèles,  qui  prennent  naiffance  à  une  lieue  &  demiie 
à-peu-prés  du  bord  de  la  mer.  Ces  petites  rivières  doivent  leur  origine  aux 
infiltrations  de  la  Grande  rivière  &  aux  égoûts  des  terrains.  Elles  fe  forment  dès 
que  le  niveau  du  fond  de  la  rivière  ne  permet  plus  aux  ruiffeaux  &  aux  foffés 
latéraux  de  fe  jetter  dans  fon  lit.  Cet  état  de  chofcs  prouve  l'élévation  du  fol 
de  la  rivière.  Ses  bords  &  les  terrains  adjacens  font  élevés  ,  parce  que  dans  les 
crues  d'eau  ,  les  rapports  s'y  font  fucceffivement  dépofés ,  mais  à  1 50  ou  200 
toifes  de  diftance  des  rives ,  le  terrain  fe  trouve  de  niveau  avec  le  fond  de  la 
rivière.  _ 

C'eft  faute  d'avoir  connu  cette  fituation  relative  ,  que  le  Tribunal-Terrier 
a  rendu  quelques  jugemiens  inexécutables.  11  eft  de  règle  générale  ,  que  l'habitant 
doit  jetter  les  eaux  pluviales  qui  l'incommodent  dans  la  rivière  voifme ,  mais 
loffque  celle-ci  a  un  lit  auffi  élevé  que  le  terrain  qu'on  veut  égoûter ,  la  règle 
ne  faurait  avoir  d'appucation. 

Cette  élévation  du  fol  des  rivières  eft  avantageufe  aux  terres  adjacentes.  Une 
rivière  encaiffée  profondément ,  attire  toutes  les  eaux  fourerraines  &  deffèche 
les  alentours.  Une  rivière  qui  coule  fur  un  fol  plus  élevé  que  le  terrain  voifm , 
n'a  pas  cet  inconvénient  fi  nuifible  dans  un  pays  brûlant  &  où  malheureufement 
les  pluies  font  rares.  Mais,  dira-t-on  ,  les  débordemens  feront  plus  fréquens  ; 
or  il  eft  alfé  de  le  garantir  de  ceux  -  ci  par  des  levées ,  &  c'eft  le  parti  qu'ont 
pris  les  habitans  du  bas   de  Limonade   &  du  Quartier-Morin. 

Les  débordemens  de  la  Grande  rivière  &  du  Foffé  étant  une  caufe  fré- 
quente de  ravages  &  un  fujet  continuel  d'allarmes ,  il  eft  naturel  que  quelques 
habitans  aient  cherché  à  s'en  préferver.  Vers  17 15  ,  on  en  vit  même  travailler 


FRANÇAISE  DE  S  A  I  N  T  -  D  O  M"l  N  G  U  E.  19^ 
à  changer  le  cours  de  la  Grande  rivière  ,  mais  les  cris  des  autres  firent  prC-crire 
cette  entrepnfe.  On  fe  contentait  donc  de  gémir  ou  de  fe  plaindre  les  uns  des 
autres ,  &  il  fallut  toute  l'incitation  de  M.  Chaftcnoye ,  gouverneur  au  Cap 
pour  donner  naiflànce  en  1740  aux  premières  levées  qu'on  vit  commencer  f.r 
les  bords  de  la  Grande  rivière ,  afin  d^  préferver  divers  terrains  d'inonda^on 
Ces  travaux  partiels,  comme  ceux  entrepris  depuis  fur  le  Fofle,  étaient  impuiFars 
contre  la  force  qui  les  avait  rendus  néceffaires  ,  &  les  ravages  des  débordement 
ne  changèrent  que   de  direction. 

On  paffa  plus  de  vingt  ans  dans  cet  état  ,  mais  les  dégâts  furent  tels  que  cnir 
du  Fofle,  notamment  dans  une  crue  d'eau,  du  20  Novembre  1763  firent 
craindre  l'interruption  de  la  communication  de  la  paroiffe  de  Limonade  avec  forv 
embarcadère  &_ celle  du  Cap  avec  le  Fort-Dauphin.  Ces  objets  portèrent  la 
Chambre  d  Agriculture  ,  à  faire  ,  le  .6  du  même  mois  ,  un  mémoire  rédigé  par 
M  Fourmer  de  la  Chapelle  ,  l'un  de  Tes  membres  ,  &  habitant  de  Limonade 
ou  l'on  expofait  aux  Adminillrateurs ,  l'urgence  d'oppofer  des  levées  à  l'eyh^ufT»' 
ment  des  eaux  de  la  Grande  rivière  &  du  Foffé ,    &  à  leurs  dano-ereux  effets   ' 

D'après  une   vifite  faite   par   l'arpenteur   Deville  ,   le  28   Janvier  1764    une 
ordonnance  du  3  Avril,  prefcrivit  une  levée  de  cinq  cens  pas  de  lono- ,  fa,  l'Lbi 
tation  Walfli ,  pour  empêcher  l'épanchement  des  eaux  du  canal,  L  fon  moulin 
dans  le  Foffe .  lors  des  crues,  avec  une  pelle  à  bafcule  An  ce  canal,  un  travail 
pour  donner  au  FolTé,  à  la  pafîe  V^allh ,  un  lit  droit  de  vingt  pieds  de  lar^e 
fur  autant  de  profondeur  avec   des  levées  ,  un   autre   travail   pour   ouvrir  une 
portion  de  Ht  redrcffé  au  Foffé  avec  des  levées  ;  on  enjoignit  de  nettoyer  ie  lit  du 
Foffe  de  tout  ce  qui  pouvait  gê.er  le  cours  des  eaux  &  de  le  débaraffer  auffitôc 
après  clique  crue.  L'ordonnance  voulut  encore  que  fur  les  levées  de  la  Grande 
nviere  &  duFoffé,  l'on  plantât  du  gros  chiendent  afin  de  lier  le  a  terres  cV 
d  entretenir  amfx  ces  levées  ,  fur  lefquelles  on  défendit  tout  paccage  d'animaux 
•  de  même  que  la  pèche  dans  ces  rivières,  à  moins  que  ce  ne  fut  a'vec  des  fen": 
ou  des  filets  6.  non  pas  à  l'aide  de  barages  &  autres  moyens  permanens.  Outre 
ces  rriefures  _,  on  dirigea  mieux  le  grand  chemin  du  Cap  au  Fort-Dauohin  ,  au- 
d  la  de  la  nvc  Orientale  du  Foffé  ,   on  le  rendit  plus  folide  ,  &  on  don  a  un 

:  i:;:;;^:r"^  '  '^''^'  ^-^  '--  ^--^  ^^  -  - — 

M-  De%uches&  d'autres  habitans  ,   fe  phigni^nt.  De  là  une  autre  vifite 


II 


192       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

faite  par  un  fécond  arpenteur ,  en  préfence  de  M.  de  Thoren  ,  commandant  au 
Cap,  &  de  tousles  habitans  intéreffés ,  le  2  Novembre  1764^  puis  une  inonda- 
tion produite  par  le  Foffé ,  dans  la  nuit  du  27  au  28  Février  1765  ,  donna  lieu 
le  i^^-  Mars  ,  à  une  autre  vifite  par  M.  Polchet ,  ir,.  érieur  &  à  un  avis  de  M. 
Duoortal,  directeur  des  fortifications,  aux  lumières  deCquels  on  ne  poivait  refufer 
une' grande  confiance.  Les  motifs  d'intérêt  public,  que  ces  précautions  multi- 
pliéet  ne  firent  que  fortifier  ,  déterminèrent  les  Adminirbrateurs  à  repouffer 
l'oppoution  de  M^-  Deftouch.es  &  des  autres. 

Il  ell  affligeant ,  mais  nécefîaire  de  répéter  ,  fans  ceffe  ,  qu'à  Saint-Domingue, 
les  chofes  iitiles  n'obtiennent  aucun  foin.  Une  nouvelle  preuve  de  cette  vérité  , 
c'eftque  la  levée  faite  fur  l'habitation  Deftouches ,   ne  fut  jamais  ni  entretenue, 
ni   réparée;  auiïi  en  1772  ,   les  riverains  de  la  Grande   rivière  revinrent-ils  à. 
parler  de  fon  redreffement ,  parce  que  cette  année  fut  une  des  plus   célèbres  par 
les  débordemens.   En  conféquence  ,,  M.  Desforges  ,  ingénieur  ,  termina    le  4 
Novembre  ,  des  opérations  qui  off"raient  le  plan  de  ce  redreffement,  depuis  un 
point   parallèle  au  bourg   de   la  Tannerie  ,  jufqu'à  fon  embouchure,  &    qui 
réiulfait  fon  cours  aux  7,583  toifes  ,  que  j'ai  dit  qu'il  a  ,  compté  en  ligne  droite. 
Le  mois  fuivan: ,  les  riverains  l'adoptèrent  &  au  mois  de  Janvier  1773  ,  il  reçut 
des   Adminiilrateurs  la  fanc^ion    qui    lui    était    néceffaire.    Suivant  la  pradque 
ordinaire  ,  on  crut  encore  que  tout  était  confommé  ,  par  ces  feuls  préparatifs , 
&  la  Grande  rivière  ,  fit  éprouver  ,  le   17   &  le  18  Oélobre  1780,  des    défafxres 
irréparables.  Elle  fit  craindre  dans  le  bas  de  la  paroiff- ,  lajonaion  de  fes  eaux 
avec  le  Foffé,  &  par  conféquent  ,  la  deftruftion  de  l'embarcadère  ;  la  communl- 
cadon  du   Cap  avec  le  Fort-Dauphin   fut  interrompue.   Tant  de  maux  réunirent 
encore  les  habitans  qui  drefsèrent  une  requêce  où  l'on  trouve  l'expreffion  fidèle 
de  leurs  douleurs ,    &   qui  demandait  aux   Adminiftrateurs     que    les    riverains 
fuffent  tenus  de  faire  couper  les  rofeaux,  les  bamboux  &  les  arbres  plantés  entre 
le  lit  de  la  rivière  &  les  levées,  avec  défenfes  d'y  mettre  autre  chofe  que  du  petit- 
mil  ,  de  l'herbe  de  guinée  ou  d'autres  plantes  analogues ,  incapables  de  gêner  le 
cours  des  eaux  ;  que  les  brèches  des  levées  fuffent  réparées  ,    &  que  ces  levées 
fuffent  affujetties  à  un  fyftème   général  de  préfervation  contre  les  dégâts  de  la 
rivière  &  que  des  prépofés  publics  les  vifitaffent  au  moins  une  fois  par  an.   Une 
ordonnance  du  2  Novembre  1780  ,  convertit  ces  propofitions  en  devoirs.   Une 
gutre  du  17  ,  d'après  la  délibération  des  intérefles ,  rendit  la  précédente  commune 

aux 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       153 

aux  riverains  de  la  Grande  rivière  ,  depuis  la  Tannerie- jufqu'à  la  paiTe  à  Viard. 

La  ferveur  du  moment  fut  même  telle  qu'une  troifiême   ordonnance  du  24, 

adopta  le  vœu  des  douze   riverains  ,  dont  les  habitations  fe  trouvent  au-deiTcus 

de  la  pafîe  à  Viard  jufqu'à   la   lifière    fupérieure    de    celle    le    Febvre  ,   pour  le 

redreffement  de  la  Grande  rivière  ,   dans   la  longueur  d'environ   2,400  toifes  qui 

était  entr'eux ,  conformément  au  plan  de  M.  Desforges  ,  du  4  Novembre  1772. 

Qui  n'aurait  cru  qu'enfin  les  grandes  &  utiles    opérations  du  redreffement  & 

des  levées  allaient  être  terminées  !  Cependant  plus  de  trois  ans  s'étaient  écoulés  , 

lorfque  de  nouveaux  ravages   firent  affembler  des  riverains  pour  demander  quL> 

M.  Verret  ingénieur-hydraulicien,  &  M.  Naudet,  arpenteur-général  de  la  Partie 

du  Nord  ,    fuirent    chargés   de  faire  des  nivellemens  &   d'indiquer  les   moyens 

propres  à  garantir  l'îlet  de  Limonade,  &  la  paroiffe  du  Quartier-Morin,  des  effets 

dont  les  débordemens  de  la  Grande  rivière  les  menaçaient.  Les  Adrainiftrateurs 

autorisèrent  cette  mefare  ,  le  22  Décembre    1783.   Tandis  qu'on  la  rempliffait , 

un    débordement  en  portant  les  eaux  de  la  Grande   rivière  dans  le  Foffé  ,  par 

l'habitation    Deflouches  ,    ravagea    cette    habitation  ,    &   fucceffivement   celles 

Duménil ,  Fontenille,  Walih  &  Montholon  -,  de   manière  même  que  dans   cette 

dernière  ,   les  terrains  donnés  aux  nègres  pour  leurs  cultures  pe: Tonnelles  furent 

fous  l'eau  ,  durant  plufieurs  jours. 

Alors  M.  Walfh  implora  le  fecours  du  gouvernement  qui  ordonna,  le  3  Avril 
1784,  à  M.  Verret  d'examiner  inceifamment  ce  qu'il  fallait  faire  au  Fofîe  Ce 
précieux  artifte  indiqua,  le  8  ,  les  moyens  de  s'y  préferver  à  l'avenir.  Ils  confif 
talent  à  nettoyer  le  lit  du  Foffé ,  à  recharger  les  levées  des  deux  rivières  ,  fur  les 
habitations  expofées  ,  à  les  rendre  exactement  contigues  les  unes  aux  autres  & 
même  à  les  prolonger  jufqu'à  la  lifière  de  l'habitation  Freze.  Les  intéreffés 
approuvèrent  ce  qu'avait  confeiilé  M.  Verret ,  &  les  Adminiftrateurs  ratifièrent 
leur  confentement ,  le  15  Mai  1784. 

Mais  le  redreffement  partiel  de  la  Grande  rivière  ,  depuis  la  paffe  â  Viard 
jufques  fur  l'habitation  Fontenille ,  foumis  à  MM.  Verret  &  Naudet  &  fur 
lequel  ils  avaient  fini  leurs  opérations,  le  9  Mars  ,  refiait  toujours  à  faire'  Divers 
habuans  de  Limonade  &  du  Quartier  -  Morin  fe  réunirent ,  le  15  Juin  chez  le 
notau-e-général,  mais  cette  affemblée  ne  produifit  aucune  détermination  Les 
commiffa,res  recoururent  donc  ,  de  nouveau ,  aux  Adminiftrateurs  ,  &  'e  a-  dirent 
cette  grande  venté,  que  l'autonté  feule  pouvait  amener  les  hibitans  à  fiure  ce 


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194      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

que  leur  feul  intérêt  aurait  dû  leur  commander.  Le  gouvernement  montra  de  la 
faiblefîè ,  &  cette  ûiblefle  coûta  encore  trois  ans.  Enfin,  le  i"-  Juin  1787  ,  les 
riverains   nommèrent   deux    commiflaires  qui,  le    19    Octobre  ,    pafsèrent    un 
marché  avec  MM.  Fage  dit  le  Brun ,   la   FofTe  &  Duvielh  de  Lardgue ,  entre- 
preneurs,  pour  ce  redreflement  partiel  ,  moyennant  une  fomme  de  65,000  & 
quelques  cens  livres.  Au  moyen  d'une  nouvelle  affemblée  du  21  Décembre  1787  , 
l'on  convint  que  l'habitation  Ménoire  n'entrerait  pas  pour  i-l,  comme  on  l'avait 
d'abord  réglé  ,  dans  le  payement  des  entrepreneurs,  mais  feulement  dans  les  autres 
frais  &  dans  ceux  de   la   totalité  de  l'entretien.    On  déchargea  auffi  l'habitation 
Caftellane  de  -^  ,  Sz  celle  Tauzin  de  -J-^ ,  parce  que  les  entrepreneurs  confendrent 
à  prendre  les  travaux  déjà  faits  par  ces  deux  habitations.  Il  n'y  eut  donc  à  payer 
que  ^^^^^3   livres  ,   montant  des  1±  dont,  d'après  la  répartition  du  i"-  Juin  , 
l'habitation    Fontenille  devait  14  ;  celle   Dedouches  ,  -J.~  ;  celle  Dumefnil ,  ^^4- î 
celle  l'Efcarmotier ,  ^  5  &  celle  la  Molère  ,  i-?--  H  eft  réfulté  de  ce  dernier  arran- 
gement, confirmé  par  une  ordonnance  du  9  Mai  1788  ,  qu'enfin  la  Grande  rivière 
a  été  redrefîee  &  qu'elle  n'a  plus  que   1,300  toifes  entre  deux  points  où -elle  en 
avait  environ  deux  mille  auparavant  ;   de  forte  qu'elle    ne  parcourt  plus  de  la 
Tannerie  à  la  mer ,  que  8,500  toifes. 

Ces  détails  feraient  peut-être  longs  s'ils  n'offraient  pas  encore  un  trait  du 
caraftcre  des  Colons  de  Saint-Domingue.  En  ne  comptant  que  depuis  1764 
les  premières  idées  fur  le  redreflement  de  la  Grande  rivière  ôc  fur  ks 
précautions  à  prendre  contre  les  inondations  du  FoiTé  i  en  comparant  avec  la 
dépenfe  que  ces  objets  auraient  exigé  ,  les  pertes  éprouvées  dans  cet  intc:rvalle  & 
les  frais  même  de  plufieurs  travaux  infufîîfans  ,  faits  ou  renouvelles  à  chaque 
débordement;  que  de  millions  perdus!  Quelle  leçon  pour  le  gouvernement 
qui  partage  une  aulTi  funefie  indifférence  ! 

Ce  n'ell  pas  précisément  pour  n'avoir  point  redreffé  la  Grande  rivière  dans 
toute  fa  longueur  en  plaine,  qu'on  mériterait  le  reproche  d'une  infouciance  ou 
d'une  légèreté  nuifible  ;  car  c'tfi:  une  véritable  queftion  ,  de  favoir  fi  ce  plan 
n'a  pas  suffi  fes  inconvéniens.  Cette  rivière  ne  creufera  -  t  -  elle  pas  fon  lit 
devenu  droit  &  dans  lequel  les  fables  ne  feraient  plus  retenus  par  les  finuofités 
que  forment  encore  fes  rives  aéluelles  ?  En  1759  '  ^-  Fournier  de  la  Chapelle 
&  M.  Fournier  de  Bellevue  donnèrent  une  diieftion  droite  à  la  Grande  rivière , 
k  long  de  leurs  habitations  ,  fituées  à  fon  embouchure  5  il  en  eft  réfulté  que  h 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       195 

rivière  a  creufé  fon  lit,  &  l'on  s'tn  eft  apperçu  par  le  deflechement  des  habi- 
tations fupérieures.  Des  terres  fableufes  &  légères  qui  donnaient  d'abondantes 
récoites  parce  qu'elles  étaient  toujours  humides  ,  font  devenues  tout-à-fait  flérilcs 
par  ce  deflechement. 

On  croit  pouvoir  annoncer  cependant,  qu'à  moins  que  le  travail  des  hommes 
ne  contrarie  le  cours  naturel  des  chofes  ,  le  fond  du  lit  des  rivières  de  Saint- 
Domingue  doit  s'élever.  Prefque  toutes  font  barrées  par  des  batardeaux ,  fouvent 
repétés  i  prefque  toutes  ont  des  prifes  d'eau  pour  le  fervice  des  moulins  ou 
pour  l'arrofement  des  terres.  Dans  les  tems  ordinaires  ,  les  lits  des  rivières 
reftentà  fec;  Les  herbes  y  croiffent ,  &  ajoutent  à  h  confiftance  du  fable' qui 
s'y  affermit,  &  le  fond  s'élève  parce  que  les  eaux  diminuées  par  les  différentes 
dérivations ,  n'ont  même  plus  la  force  de  chaffer  les  fables  jufqu'à  la  mer. 

Et  l'on  en  a  une  preuve  à  Limonade  dans  la  rivière  du  Foffé  ,  dont 
le  lit  eft  plus  élevé  que  celui  de  la  Grande  rivière.  Cette  différence'  qu'on 
évalue  à  huit  pieds  ,  n'a  cependant  pas  toujours  exifté  -,  d'anciennes  obfervations 
difent  même  que  le  Foffé  était  plus  bas.  Ce  changement  s'expliquerait  par  la 
nature  du  fond  du  lit  du  Foffé,  placé  entre  les  monietsAe  Limonade ,  &  à  leur 
•pied.  lia  moins  d'eau ,,. moins  de  vîteffe  &  par  conféquent  moins  de  pente  que 
la  Grande  rivière.  Son  lit  eft  coupé  par  trois  batardeaux  élevés  ,  favoir  ■ 
celui  commun  aux  trois  habitations  Butler  ,  de  Berghes  &  l'Efcarmotier  ,  celui 
de  l'habitation  WalJh  &  celui  de  l'habitation  Montholon ,  que  l'habitation  Wallli 
entretient  pour  empêcher  que  le  fond  du  lit  ne  fe  creufe.  Dans  des  débordemens 
de  la  Grande  rivière  ,  le  Foffé  a  reçu  d'elle  des  graviers  &  des  fables ,  qu'il 
n'aura  pu  chaffer  &  même  des  arbres  qui  auront  arrêté  des  fédimens  ;  enfin 
&  la  Chambre  d'agriculture  le  difait  en  1763,  il  avait  une  embouchure  affez 
poiffonneufe  pour  attirer  des  nègres  formant  des  eftacades  ,  afin  d'obliger  les 
poiffons  à  donner  dans  leurs  paniers.  Tant  d'obftacles  formés  dans  diverfes 
parties  de  fon  cours,  feront  devenus  des  points  d'appui  pour  les  terres  &  les 
fables  qu'il  recevait.  Les  plantes  marécageufes  ont  amoindri  fon  embouchure 
&*leve  fon  fo]  de  proche  en  proche,  au  point  qu'en  1763,  on  le  regardait 
ckja  comme  prefque  au  niveau  des  terres  à  la  paffe  à  Viard. 

La  paroiffe  de  Limonade  réunit  toutes  les  cultures.  Elle  contient  trente  fept 
facrenes  qu'on  peut  divifer  en  trois  claffes ,  favoir  :  quatorze  dans  la  première  , 
qm  donnent  quatre  millions  de   fucre  blanc ,  quatorze  dans  la  féconde,  qui 

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196       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

en  produifent  trois  millions ,  &  neuf  dans  la  troifièmc ,  qui  en  rendent  un 
million  ;  trois  indigoteries ,  quatre  tuileries  ,  poteries  &  briqueteries,  fept  guildi- 
veries  ou  manufaftures  à  tafia,  &  160  cafeteries  &  54  places  à  vivres. 

On  eft  étonné  de  voir  les  deux  extrêmes  réunis  dans  un  lieu  auffi  recom- 
mandable  pour  fes  produflions.  A  l'extrémité  Sud-Eft  de  la  plaine,  fe  trouve 
une  favane  qui  porte  le  nom  de  favane  de  Limonade.  Elle  a  une  lieue  carrée 
de  furface  ;  formée  en  dos  d'âne,  elle  ne  reçoit  aucune  des  dégradations  des  rr. ornes. 
Tout  annonce  que  ce  terrain  a  été  couvert  par  les  eaux  de  la  mer,  et  formait 
la  plate-forme  d'un  reffif  ou  plutôt  d'une  caye.  La  couche  de  terre  crétacée  qui 
couvre  ce  terrain  ,  peut  avoir  dans  fa  plus  grande  épaiffeur  vingt  ou  vingt-cinq 
pieds.  Au-deffous ,  fe  trouve  un  lit  de  fable  ou  de  gravier.  Lorfqu'on 
y  eft  parvenu  par  la  fouille  ,  l'eau  comprimée  s'élève  par  les  ouvertures  qu'on 
avait  creufées  fans  rencontrer  d'humidité ,  &  vient  jufqu'à  la  hauteur  du  fol. 
Dans  les  tems  de  pluie  ,  ces  ouvertures  vcrfent  l'eau  par-defTus  leurs  bords  & 
fourniffent  des  ruiffeaux  ,  qui  coulent  tant  que  durent  les  pluies.  Ces  elpèces 
de  molières  ont  mis  quelquefois  en  grand  danger  le  voyageur  &  le  cheval  qui 
le  portait ,  parce  que  la  couche  fupérieure  en  s'afFailTant  &  donnant  paflage  à 
l'eau,  s'y  délaye  &  fait  croître  quelques  herbes  qui  dérobent  la  vue  du  précipice. 

Cette  favane  a  été  une  propriété  de  M.  Franquefnay  ,  qui  y  trouva  la  mort 
en  1691  ,  &  qui  y  avait  établi  une  hatte  en  1685.  Ce  fut  en  confidération  de 
cette  polTeffion  primitive,  que  M.  de  Butterval,  l'un  de  fes  neveux,  y  obtint 
une  conceffion  ,  lorfqu'au  mois  de  Juin  171 1  on  réunit  la  favane  de  Limonade 
ainfi  que  les  raques  de  Caracol  &  de  Jacquezy ,  réunion  par  laquelle  M.  de 
Charrite  fe  trouva  privé,  avec  juftice  ,  de  la  conceffion  qu'il  s'était  fait  faire  de 
toute  la  favane.  Les  Adminiftrateurs  y  léfervèrent  une  commune  aux  habitans 
du.Cap  pour  y  faire  paître  des  animaux.  Il  y  a  dans  les  extrémités  fupérieures  de 
la  favane  plufieurs  petits  établiffemens  de  gens  de  couleur  ,  où  l'on  peut  dire 
qu'ils  végètent. 

A  î'Eft  de  la  favane ,  eft  la  raque  qui ,  félon  le  cours  de  la  ravine  à  Grimaud  , 
a  des  parties  dans  la  paroiffe  de  Limonade  ou  dans  celle  du  Terrier-Rouge. 
Cette  raque  d'une  demi-lieue  carrée  ,  n'offre  qu'un  coup-d'œil  trifte  ,  auquel 
la  favane  a  préparé  ,  &  qui ,  à  l'on  tour  ,  annonce  la  favane  de  Caracol ,  que  le 
voyageur  qui  parcourt  le  grand  chemin  du  Cap  au  Terrier-Rouge  ,  trouve  un 
peu  moins  aride  que  la  première. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 

Au  Nord-Eft  de  la  raque ,  qu'on  connaît  auffi  fous  le  nom  de  raque  à  Budan 
parce  qu'elle  a.  au  Nord ,  une  petite  fucrerie  de  ce  nom,  eft  une  autre  fucrerie^ 
qui   fans  être  dans  un   terrain   fertile  ,    offre  dans  fa   végétation    un   contrafte 

■  ^"'T\r'.'  '''"'  ''  "^"^  l'environne  ;  c'eft  l'habitation   Conégut,  la  dernière 
dans  le  Nord-Eft  de  Limonade.  cierniere 

,         Entre  la  favane  &  la  rivière  du  Foffé ,  en  venant  conféquemment  à  l'Oueft 
eft  une  portion  de  terram  cultivé  où  font  notamment  les  deux  fucreries  Montholon' 
&  la  Chevalerie.  Cette  portion  s'élargit  en  gagnant  dans  le  Sud.  Elle  s'aopelle  la 
plasne  vafeu/e  dans  fon  point  le  plus  Nord  ,  ce  qui  indique  affcz  bien  la  n;ture  de 
Ion  fol  que    a  mer  avoifme.    La  favane  ,  la  raque ,   &    cette  portion   cultivée^ 
forment  enfemble  une   efpèce  de  carré   long,   borné  à  l'Eft  par  la  ravine  à 
Grimaud,  au  Nord  par  la  mer,  à  l'Oueft  par  le  FofTé  depuis  fon  embouchure 
.^ufqu^a  la  paffeàViard,  &  au  Sud  par  le  chemin  qui  va'du  Cap  a:  T^^- 

Supérieurement  à  ce  carré  ,  en  eft  un  autre  plus   étroit   qui  a  ce  chem" 
Nord  ,  la  ravine  à  Grimaud  à  l'Eft,  le  chemin  du  Cap  au  bou  .  du  T        " 
Sud     &   la  Hviére  du  Foffé  ,  l'Oueft.  Toute  fon  étendue    ft       Lé      Z:: 
a  TEftou  cft  un  peu  de  bois.  "uive^  ,  excepte 

Encore  au-dcITus  de  ce  fécond  carré  ,  eft  une  troifîème  portion  de  ni.' 
termtnee  au  Nord  ,  par  le  chauvin  du  Cap  au  Trou .  à  PEft  p'ar  a  av    e1  G  ■' 
maud  jufqu'aux  montagnes ,  au  Sud  par   ces   mo„ta»„es    &  S  l'olT 
petite  chaîne  élevée  qui  gagne  du  Sud  vers  le  Nord  &  dont  les  pefe    uf  T" 
,u,  vont,  avec  des  intervalles ,  fe  prolongerjufques  U.i-uZZy^lZZ 
ce  qu'on  appelé  les  Mornets  ou  les  Platons.  '  ^"""^ 

Cette  portion  plane  eft  d'une  forme  irrégulière  dans  fa  partie   Méridion.] 
parce  que  les  montagnes  y  forment  des  avancées  &  des  culs  de  lamne   ^  ' 

trouve  auffi  des  plans  plus  ou  moins  inclinés  &  qui  partie  o^nV  7  ^"  °"  ^' 

H  plaine  a.  de  la  montagne.  La  partie  Eft  ^^^::iZ^ ^1^^ ''  , 
étendue  à  caufe  d'un  enfoncement  au  Sud    eft  1-=  canton  A    d  P^"' 

dépend  de  Li.onade^  On  ne  peut  douter  '^';::'::Z^;::t!^'' 

Erpagnol.  ,  car  les  Fran  Jis  1    "  „è    f  ^co^l  1'"°™"'=  '^  '""^  P-  '« 
Colonie  o.  Ln  „.  quelques  roucot^eT   uT^^  u     " IL""  ''"'''  ''^  " 


Î98       DESCRIPTION      DE     LA     PARTIE 

La  portion  de  Roucou  ,  appelée  la  grande  Raque  ,  parce  qu'elle  était  comprife 
autrefois  dans  l'étendue  qu'on  nommait  les  Raques  de  Caraco! ,  offre  des  terres 
d'une  couleur  fort  noire.  Elles  font  le  produit  de  la  putréfaftion  des  végétaux  & 
delà  précipitation  du  fer  qu'elles  contiennent  ,  parles  matières  végétales  aftnn- 
gentes  -,  ce  qui  forme  une  elpèce  d'encre  ,  d'où  réiulte  la  nuance  de  cette  terre.  Si 
Ton  y  ouvre   une   tranchée  ,  la  fouille  met  alternativement  à   l'air  ,  des  terres 
rougcâtres  &  noirâtres.  Il  v  a  apparence  que  les  parties  de  ce  terrain  où  la  terre 
iioire  fe  trouve  à  une  plus  grande  profondeur,  font  celles  où  des  arbres  ont  végète 
&  pourri  fur  le  fol  qu'ils  on:  coloré  &  enrichi.   Avec  des  pluies  bien  réglées-ces 
terres   noires    font  très-productives  ,  furtout  en   grains  ,   &  la  végécaticn  y  eft 
prodigieufe  -,  mais  elles   font  très-fufceptibles  de  l'aftion  de  la  iechereffe  &  les 
plantes  y  foufFrent  dès  (Qu'elle  sV  fait  fentir.  Ces  terres  noires  qui  font  les  meilleures 
en  Europe  &  dans  les  pays  froids  ,  s'échauffent  beaucoup  trop   fous   la  Zone 
Torride^  parce  qu'elles  font  intimement  pénétrées  par  les  rayons  folaires.   Les 
fouliers  ne  fuffifent  pas    quelquefois  pour  préferver  les  pieds  de  la  chaleur  que  le 
Soleil  communique  à  cet're  terre  &  l'eau  qu'elle  reçoit  d'abord  y  devient  tiède. 
Étant  cuite  ,  en  briques ,  cette  terre  eft  rouge ,  ce  qui  décèle  &  fa  nature  argileufe 
&  lapréfence  du  fer.  Elle  eft  cependant  affez  légère  ,  affez  perméable  pour  fervir 

au  terrage  du  fticre. 

Roucou  a  pour  l'arrofer,  la  ravine  à  Grimaad  ,  limite  Orientale  de  toute  la 
T:artie  plane  de  îa  pareille  de  Limonade,  &  la  ravine  à  François  qui  eft  dans^ 
i'Oueft  de  cette  première. 

La  ravine  à  Grimaud  qui  nak  fur  l'habitation  Coulomb,  traverfe  celles  Fildié  & 
Budan  ,  &  va  fe  jetter  à  la  mer  à  l'Eft  de  l'habitation  Conégut.  Elle  a  donné- 
dans  plufieurs  mefurages  treize  livres  d'eau  par  féconde.  Elle  tarit  très-fouvent. 
Ceft  fur  fes  bords  que  font  nés  MM.  de  Chabanon ,  &  Chabanon  de  Maugris  , 
frères,  dont  je  parle  plus  loin.  ,^ 

La  ravine  du  capitaine  Françoticis ,  ainfi  nommée  d'un  Colon  qui  commandaiiî 
l'artilleiie  &  qui  fut  tué  fur  fes  rives  à  la  bataille  de  Limonade  en  1691  ,  nak 
fur  l'habitation  Pufterîe  à  Roucou  ,&  parcourt  celles  Fournier  de  Varenne  & 
le  Memonnois  pour  aller  gagner  la  mer  à  travers  la  favane  de  Limonade.  Dans 
les  temps  moyens ,  cette  ravine  donne  38  livres  4  onces  d'eau  par  féconde  i  eEe 
coule  les  deux  tiers  de  l'année. 


FRANÇAISE    DE    S  A  ï  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E,       155 

^    Un  habitant  de  Roucou  a  confacré  à  la  nymphe  de  cette  eau  un  petk  bofquec 
avec  un  bain  &  cette  infcription  : 

Nayade  de  Roucou  ,  que  ton  onde  docile 

Coule  pour  l'agrément  &  pour  l'utilité  ; 

En  embellilTant  mon  afile  ,  • 

A  mes  champs  altérés ,  rend  la  fertilité. 

En  allant  de  la  grande  raque  de  Roucou  vers  l'Occident,  on  trouve  prefqu'au 
miheu  de  la  furface  plane  que  je  décris  en  ce  moment ,  une  avancée  de  mon 
tagne  dirigée  du  Sud  au  Nord  ,  &  dont  la  dernière  fommité  eft  app-^IIée  le 
morne  de  Bellevue  -,  fon  extrémité  n'eft  qu'à  environ  400  toiles  du  chemin  du 
Trou.  Ce  morne  forme  une  efpèce  de  point  de  partage  entre  les  mornes  de 
pierres  calcaires  &  ceux  de  pierres  vitrifiables.  A  l'Eft  &  au  Sud  les  mornes 
n'offrent  point  des  premières,  tandis  que  ceux  du  Nord  &  de  l'Oueft  en  font 
remplis.  Les  pierres  du  morne  de  Bellevue  &  celles  de  Roucou  font  fchifteufes 
&  unies  dans  leurs  fciflures  ,  par  un  ciment  calcaire. 

Après  avoir  gagné  la  chaîne  qui  finit  par  les   mornets  &  traverfl  la   ravine  ^ 
-l'Anguille  ,-  on   trouve    un    enfoncement    pkne    qui   s'appuie   au    Nord    fur  h 
chemin  du  Cap  au  Trou  ,  à  l'Oueft  fur  la  Grande  rivière  ,  au  Sud  fur  une  petite 
pointe  de  la  furface  de  la  paroifîe  Sainte-Rofe  &  An  les  montagnes  du   Bois  de 
Lance  ,  &  à  l'Eft  iur  la  chaîne  qui  va   former  les  Mornets.   Cette  fuperficie     '  " 
eft  moins  large  à   fa  bafe  Nord ,  a  fur  fon  bord  Sud-Eft  l'églife  &   le  presbvtè"' 
de  Limonade,  environnés  d'un  terrain  appartenant  à  la  paroifîe,   &  qui  ffa'^ 
partie  autrefois  de  l'habitation  Dumefnil,  provenue  du  Sicihan  Amat,  architecC^ 
direfteurde  l'églife  faite  à  Limonade  en  1707.  L'églife   &  le  presbytère  fo,n 
ifolés  dans  une  favane ,  où  l'on  entre  par  une   barrière   pratiquée  fur  le  chemin  de 
Limonade  au  Bois  de  Lance  ,  ouvert  en    1708  ,  &  qui   a  é.é  ,  ainfi   que  le  pont 
fait  alors  lur  le  folié,   &   dont  l'égHfe  de   Lim.onade   n'était  qu'à  200  toifes     la 
caufe^de  la  renonciation  des  habitans  du  Bois  de  Lance  à  former  une  paroilTe 
féparée. 

Les  fêtes  &  les  dimanches  il  y  a  un  marché  dans  la  favane  du  presbytère' 
dont  la  fituation  ^eft  propice  pour  les  tranfports  que  les  nègres  des  montagnes  v 
font  des  vivres  qu'ils  ont  à  vendre  On  a  depuis  plufieurs  années  le  projet  de 
mettre  ce  marché  au  milieu  d'une  rue  de  170  toifes  de  long  fur  90  pieds  de 
large,  dont  les  emplacemens  de  chaque  côté  auraient  60  pieds  de  face  '&  66 


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D  E  S-C^  IPTION     DE     LA     PARTIE 


de  profondeur  fur  fon  côté  Nord  ,  &  75  fur  fon  côté  Sud.  Ces  emplacemens 
feraent  donnés  à  la  charge  d'une  redevance  ,  au  proEt  de  la  paroifle.  Ce  plan 
qu'on  pourrait  blâmer  en  ce  qu'il  ne  laifîè  point  dans  cette  rue  une  ouverture 
pour  aller  gagner  l'églife  ,  qui  lui  eft  parallèle  au  Sud  ,  fera  d'une  très- 
difficile  exécution  -,  parce  que  le  bourg  de  l'embarcadère  de  Limonade  déjà 
a^^randi ,  eft  un  rival  oui  a  trop  d'avantage  pour  que  beaucoup  de  perfonnes 
veuillent  réfider  habituellement  dans  ce  fécond  entrepôt  ,  &  le  marche  de 
Sainte-Suzanne  eft  devenu  encore  un  nouvel  obftacle. 

Après  avoir  dépaffé  l'Églife  ,  on  va  ,  au  Sud  ,  chercher  ie  canton  du  Bois 
de  Lance  qui  fe  fabdivife  en  d'autres  petits  cantons  dont  l'un  placé  fur  fon  côté 
Eft  ,  vers  l'habitation  Lefcarmotier  ,  s' appelé  la  plaine  d'E/prit  ;  le  Bois  de  Lance 
■a  douze  fucrcries  qui  fabriquent  trois  millions  de  fucre  blanc.  C'eft  vers  le  haut 
de  ce  canton  ,  qu'était  la  paroiiïe  du  Bois  de  Lance  ,  dont  j'ai  affez  parlé.  On  va 
du  Bois  de  Lance  au  Quartier- Morin  en  traverfant  la  Grande  rivière  à  la  paffe  à 
Viard  ,  première  communication  des  habitans  ,  lorfqu'ils  dépendaient  de  Iz 
parorffe  du  Qiiarder-Morin. 

Dans  le  Bois  de  Lance  ,   près  de  la  Grande  rivière  &  à   une   demi-lieue  au- 
defîbus  du  bourg  de  la  Tannerie  ,  eft  le   morne   à  Mantègre  ,   gros    monticule 
détaché  de  la  chaîne  des  montagnes  du  Bois  de  Lance.    Il  eft  préfumable  que  la 
Grande   rivière  a  eu  autrefois  fon  cours  dans   cet  intervalle  ,  parce  que  dans  fes 
débordemens  ,   elle  s'y  eft  jettée  &  qu'on  a  été  obligé  d'y  placer  des  levées  pour 
en  être  garanti.    Le  morne  à  Mantègre  qui  eft  affez  roide  dans  fes  pentes ,  a  fervt 
quelquefois  d'afik  au^x  nègres    marons.   Colas  furnommé  Jambes  coupées  ,   nègre 
eiclave  de  M.  Doze  ,  qui  fut  exécuté  au  Bois  de  Lance  >  au  mois  de  Juin  1724  , 
ne  l'a  rendu  que  trop  fameux  ,  pendant  quatre  ou  cinq  ans  ,  par  les  ravages  de  fa. 
bande.  Le  furnom  de  Mantègre  lui  a  été  donné  ,  dans  l'origine  ,  par  l'abondance 
des  cochons  marons  qu'on  y  trouvait  &  dont  on  tirait  le  faindoux  appelé  mantègre- 
par  les  Efpagnols. 

Enfin  il  n'y  a  plus  à  connaître  dans  la  plaine  que  ee  qu'on  y  nomme  l'îlet  de 
Limonade.  C'eft  tout  l'efpace  compris  entre  le  Foffé  etla  Grande  rivière  ,  et  que 
le  canal  du  moulin  de  l'habitation  Carbon  ou  Bullet  borne  au  Sud  ,  en  faiianr 
paffer  une  portion  d'eau  de  la  Grande  rivière  dans  le  Foftë  ;  et  que  la  mer  achève 
«l'entourer  au  Nord.  L'îlet  de  Limonade ,  dans  lequel  fe  trouve  conféquemment 
une  partie  du  terrain  de  quelques  habitations  du  caston  du  Bois  de  Lance  ,  que 

le 


-•^ 


■5^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE-       aoi 

le  Foffé  partage ,  a  peut-être  le  terrain'le  plus  fertile  de  la  Colonie  ;  c'eft  cepen- 
dant celui  qu'on  a  lailTé  fi  long-tems  en  proie  aux  débordemens  &  du  Foffé 
&  de  la  Grande  rivière. 

A  ce  fujec  d'étonneoient  ,  s'en  joint  un  fécond,  c'eft  que  tandis  eue  la 
Grande  rivière  pourrait  procurer  des  moulins  à  prefque  toutes  les  fucreries  de 
la  paroiffe  ,  &  que  les  eaux  du  Foffé  groffies  de  k  vid-  de  l'habitation  Buliet 
entont  mouvoir  fept,  il  n'y  en  ait  qu'un  à  la  rive  Occidentale  de  la  Grande 
rivière  ,  fur  l'habitation  Fournier  de  Bellevue. 

Le  premier  moulin  à  eau  de  la  paroiffe  ,  a  été  celui  de  l'habitation  BuUet    M 
Carbon  alors  fon  propriétaire ,  étant  fur  les  deux  rives  de  k  Grande  rivière  &  du 
Foffé,   fit  une   prife   d'eau   fur    k  première  &  jeta  i^  vide   dans   le   fécond 
L'habitation  Butler  en  fit  une  fur  le   Foffé  ,  au-deffus   de  cette  vide.  En  vain 
l'habitation  Brémond  ,  riveraine  de  la  Grande  rivière  ,  voulut-elle  lui  difputer 
cette  poffeffion  ,   elle  conferva  la  préférence  due   à  l'antériorité  de   fon  moulin 
L'habitation   Caftellane  ou  de  Berghes   traita   avec  celle  Butler  pour  l'eau  de  fa 
vide,  8c  l'habitation  l'Efcarmotier ,  à  fon  tour  ,  avec  celle  Caftelkne,  &  toutes  les 
trois  concoururent  à  l'entretien  d'une  prife  d'eau  &  d'un  batardeau.  L'habitition 
d'Offemont ,  devenue  l'habitation  Wallh  ,  fit  auffx  un  batardeau  fur  le  Foffé  &  un 
moulin  ,  &  l'habitation  k  Chapelle,  aujourd'hui  Montholon  ,  en  fit  un  au-deffous 
Comme  cette  dernière  avait  peu  de  chute,  l'habitation  Wallh  a,  par  arrangement* 
confenti  à  en  perdre  deux  pieds  ,  qu'elle  lui  a  tranfmis ,  &  k  première  a  renoncé 
à  une  fervitude  qu'elle  avait  achetée  fur  l'habitation  Wallh  pour  fes  canaux  M 
Fournier  de  la  Chapelle,  propriétaire  alors  de  l'habitation  Montholon,  avait 
obtenu  k  conceffion  de  l'eau  de  fa  vide  pour  k  porter  fur  fon  autre  habitation 
de  Limonade  ,  près  de  k  Grande  rivière  ,  mais  l'habitation  k  Chevalerie    pkcéc 
au-deffous  de  celle  Montholon ,  a  contellé  cette  conceffion  Se  l'a  fait  anéantir 
&  par  des  conventions  affez  récentes,  l'eau  de  k  vide  Montholon  eft  deftinée 
m  moulin  de  k  Chevalerie  ;  voik  les  fept  moulins  du  Foffé. 

Les  paroiffes  de  la  rive  Oueft  de  k  Grande  rivière,  n'ont  pas  négligé  le 
précieux  avantage  de  fon  eau  ,  comme  le  fera  voir  k  defcription  de  k  paroiffe 
du  Quartier-Morin  &  de  la  paroiffe  de  k  Petite-Anfe.  Les  premiers  moulins 
a  eau  de  Limonade  ont  été  faits  par  M.  Fauconier. 

Je  fuis  encore  obligé  de  dire  qu'il  y  a  plus  de  dix  ans  que  divers  habîtans 
de  1  ilet  de  Lmionade  fongèrent  à  un  çtabliffemçnE  de.  moulins  à  eau ,  au  moyen 


:i 


Tom.     I. 


Ce 


VI 


202 


DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


d'une  éclufe  cominune  fur  la  Grande  rivière  ,  mais  que  cette  utile  entreprife  a 
rencontré  des  cpporicions  &  de  ia  part  de  ceux  qui  ont  craint  qu'on  ne  les  obligeât 
à  un  partage  plus  rigoureux  de  l'eau  de  cette  rivière ,  &  de  celle  d'autres 
habitans  qui  fe  font  criis  autant  de  droits  que  ceux  qui  voulaient  avoir  des 
machines  hydrauliques.  De  ces  contrariétés  ,  eft  réfulté  la  perte  de  l'eau 
d'autant  plus  précieufe ,  que  les  fécherefles  deviennent  plus  fréquentes.  Ce  fut 
en  réfiéchiiTant  iur  ces  circonftances  qui  appellaient  l'induftrie  ,  que  M.  Verret 
engageait  le  gouvernement,  au  mois  de  Mai  178.^  ,  à  faire  vérifier  fi  l'eau  de 
quelque  rivière,  par  exem.ple  de  celle  du  Dondon,  ne  pouvait  pas  fervir  à 
augmenter  les  eaux  de  la  Grande  rivière ,  &  fi  par  une  répartition  éclairée  de 
l'eau  &  furtout  de  la  chute  ,  trop  peu  calculée  jufqu'ici  ,  on  lis  pourrait  pas 
donner  ou  des  moulins  à  eau  ou  des  moyens  d'arrofement  aux  trois  pàroilTes  de 
Limonade,  du  Quartier-Morin  &  de  la  Petite-Anfc.  Ce  favant  hydraulicien  n'a  pas 
été  écouté ,  &  les  chofes  font  encore  ce  qu'elles  étaient  alors. 

Eu  commençant  par  l'Eft  la  defcription  des  montagnes  dépendantes  de  la 

paroiffe  de  Limonade ,   on   trouve  d'abord  le  canton  de   Sainte-Suzanne,   quia 

pour  principaux  habitans  des  gens  de  couleur.   On  y  fait  un  peu  de   café  ,  mais 

beaucoup   de  vivres.  Plufieurs  habitations   ilicreries   viennent  fe   terminer   à  la 

pente  de  ces  montagnes,  La  difficulté   de   participer  aux  fervices  fpirituels  de 

i'églife   parouTiale ,   a  porté  les    habitans   de  la   partie   montagneufe  à  foUiciter 

l'établifîèment  d'une  fuccurfale  à  Sainte-Suzanne.  Elle  a  eu  lieu  fous  l'invocation 

de  cette  Sainte,  fc  lapremière  mieiFey  a  été  folemnellement  célébrée  le  23  Juillet 

1780.  Elle  eft  dans  une  favane  où  l'on  dreiïait  un  autel  ambulant,  fur  lequel  le  curé 

de  Limonade  venait  offrir  le  facrifice  tous  les  fix  mois,  &  baptifer  les  enfans. 

M.  Fournier  de  Varenne ,  commandant  de  la  paroiffe,  envoyé  en  1779  P^^'' 

exciter  les   hommes    de    douleur   à    s'enrôler  pour  l'expédition  de   Savannah  , 

projettée  par  M,  d'Eftaing ,   qui   était  encore  aux  Mes  du  Vent,  après  avoir 

prêché   pour  la  guerre  fur  le  fol  où  fe   plaçait  l'autel   du   Dieu  des   armées , 

propofa  une  foufcription  pour  la  luccurfale,   &  elle   fe   monta  fur  le  champ  à 

7,500  liv.  L'un  offrit  les  bois,  l'autre  la  main-d'œuvre,  l'autre  le  tableau  de  la 

patrone  ,  à  condition  qu'on  ia  ferait  reffemblante  à  M^^-  Viviez,  l'une  des  jolies 

femmes  de  la  ville  du  Cap;  tous  fe  chargèrent  de  contribuer  aux  charrois;  M. 

Bouchaud  donna  d'anciens  ornemens  d'une  loge  de  franc-maçons.    L'églife  a 

été  faite ,  un  vicaire  à  demeure  placé  3  un  marché  très-confidérable  ,  utile  aux 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       203 

montagnes  &  à  la  plaine,   établi.  Par  fon   moyen,  les  nègres  des   mornes  ont 
connu  l'aifance  &  il  a  multiplié  leurs  cultures. 

En  1769,  M.  Doré  ,  alors  doyen  des  notaires  du  Cap,  fit  lâcher  dans  les  cafiers 
de  fon  habitation  de  Ste-Suzanne  ,  entourée  de  bois ,  trente  cailles  huppées  des  Illes 
efpagnoles  qui  y  peuplèrent  confidérablement.  Il  avait  pris  la  précaution  de  faire 
femer  du  millet,  du  farrazin  ou  blé  noir,  de  l'avoine  &  des  grains  de  la 
Colonie  ,  pour  retenir  ces  oifeaux  qu'on  trouve  auffi  dans  la  partie  Sud  de  l'île. 
Mais  il  y  a  plus  de  cinq  ans ,  que  les  chats  marons  &  plus  encore  les  nègres  ,  les 
avaient  prefqu'entièrement  détruits ,  &  cet  effai  utile  ne  fervira  peut-être  qu'à 
prouver  encore  la  difficulté  de  faire  le  bien  à  Saint-Domingue. 

Le  canton  des  Côtelettes  eft  aride  &  comme  épuifé.  C'eft  un  des  premiers 
qu'on  a  établis  dans  cette  partie  ,  &  il  ferait  défirable  qu'on  le  confacrât  à  l'édu- 
cation des  animaux  que  chaque  jour  rend  &  plus  rares  &  plus  chers^ 

Le  Moka  neuf,  canton  auquel  ce  nom  pompeux  fut  donné  ,  parce  que  fa 
culture  première  était  celle  du  cafier  ,  eft  loin  de  le  mériter  à  préfent.  Le  fol ,  à 
en  juger  par  la  fupcrficie  ,  ferait  une  vraie  terre  ptomife  ,  mais  à  un  pied  de  pro- 
fondeur ,  un  tuf  d'une  argile  foîidc  arrête  le  pivot  du  cafier,  de  manière  que  cet 
arbufte  qui  excite  les  efpérances  pendant  la  première  &  la  féconde  année  ,  décline 
enfuite  &  les  trompe.  Au  centre  de  ce  canton  ,  eft  une  rivière  qui  prend  fa 
fource  au  bas  de  la  montagne  connue  ibus  le  nom  de  Xd.  Friandij'e,  &  qui  le  fépare 
d'avec  celui  des  Côtelettes.  Son  cours  eft  dirigé  au  Sud-Oueft  ;  après  avoir  reçu 
la  ravine  à  Commiffàire  qui  coule  dans  le  Moka  Se  le  Fond-Bleu ,  elle  s'appele 
fimplement  la  ravine  à  Picaut  ;  elle  fert  de  ligne  de  démarcation  ,  depuis  fon 
point  de  jonction  avec  la  ravine  à  ComraifTaire  jufqu'à  fon  embouchure  dans  la 
Grande  rivière,  entre  la  paroiffe  de  Limonade  &  celle  de  Sainte-Rofe.  Sous  ce  titre 
humble  de  ravine  ,  elle  tranfporte  un  grand  volume  d'eau  ,  &  acquiert  une 
étonnante  rapidité  dans  les  débordemens.  C'eft  au  Moka  que  les  habitans  de  la 
partie  montagneufe  de  la  paroiffe  de  Limonade  ,  paffent  la  revue  ,  pour  éviter 
leur  déplacement. 

Le  canton  du  Fond-Bleu ,  moins  favorifé  que  le  précédent  par  les  pluies  des 
Nords  j  fans  doute  ,  à  caufe  de  la  difpofition  de  fes  montagnes  ,  en  eft  bien 
dédommagé  par  la  nature  de  fon  fol  qui ,  en  général ,  eft  une  terre  franche  &  un 
foij  pourri  3  où  k  cafier  réuffit  parfaitement  &  dure  vingt-cinq  &  trente  ans  j  dans 


W 


C  c  2 


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204 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


l'expofition  Nord.  Celle  ,  au  Sud  ;  plus  frappée  du  fokil  h  où  la  terre  eft  légère 
convient  mieux  aux  vivres  du  pays. 

Les  cantons  des  Bois-Blancs  &  du  Bois  de  Lance  en  montagnes ,  ne  font  qu'une 
petite  bande  qui  n'offre  aucun  détail  particulier,  fi  ce  n'eO"  qu'en  1711,  on 
voyait  au  Bois  de  Lance  ,  Pierre  d'Imba  ,  nègre  libre  .  âgé  de  103  ans,  qui 
jrvait  commandé  à  Carthagène ,  en  1697  ,  la  compagnie  des  nègres  libres  de  la 
dépendance  dujCap.  èc  Jean  Euftache  Lamondière ,  autre  nègre  libre,  qui  avait 
été  enfeigne  de  cette  compagnie. 

Ce  que  j'ai  dit  du  Fond-Bleu  ,  donne  lieu  d'obferver ,  en  parlant  des  mornes  j 
qu'en  général  ia  face  qu'ils  préfentent  vers  la  mer,  efi:  peu  propre  à  la  culture  du 
cafier.  Au  furplus ,  dans  les  montagnes  de  Limonade  ,  cet  arbufte  comm.cnce 
à  rapporter  plutôt  qu'à  la  Marmielade  &  au  Dondon.  mais  fa  durée  moyenne 
n'excède  guères  dix  ans  ,  parce  que  le  fol  dépouillé  de  fa  terre  végétale  fc  refufc 
à  en  produire. 

On  peut  évaluer  à  3C0  milliers  ,  le  café  de  Sainte-Suzanne;  à  500  m.illiers 
celui  des  Côtelettes ^  à  700  milliers ,  celui  du  Moka;  &  à  700  milliers,  celui  du 
Fond-Bleu.    Total  deux  millions ,  deux  cens  mille  livres  pefant. 

Mais ,  je  le  redis  ,  c'erb  un  réfultat  que  chaque  année  verra  décroître.  Dans 
quelques  endroits ,  le  cafier  eft  envahi  par  l'herbe  à  panache  (*)  ,  plante  dont 
on  fait ,  lorfqu'elle  a  pris  tout  fon  accroiflement  ,  des  couvertures  qui  durent 
trois  fois  autant  que  celles  de  têtes  ou  tiges  de  cannes  à  fucre.  Les  habitans 
inettent  le  feu  tous  les  ans  dans  ces  herbes  à  panache  ,  dont  les  beftiaux  broutent 
les  jeunes  pouffes  ,  mais  cette  méthode  elle-même  ,  amène  la  ftérilité  ;  car  les 
plantes  dont  les  vents  &  les  pluies  difperfent  &:  entraînent  les  cendres  ,  ne  rendent 
rien  au  fol.  Dans  d'autres  endroits  ,  ce  fol  abfolument  abandonné  ,  fe  couvre  de 
hallicrs  &  enfin  de  bois.  Au  bout  de  vingt-cinq  &  trente  ans  ,  il  devient  fufceptible 
de  rapporter  du  manioc  pour  retomber  dans  un  état  de  ftérilité  beaucoup  plus 
.long. 

On  trouve  plufieurs  mines  dans  l'étendue  de  Limonade.  La  plus  connue  ,  eft 
celle  d'aiman  du  petit  morne,  dit  de  Limonade  ,  ou  morne  à  Békly,  ou  morne 
d'aiman.  Le  nom  de  Békly  ,  lui  eft  venu  d'un  Anglais,  fort  riche,  auquel  il  a 


(*)  C'eft  un  Andropogon.  Bomare  appelé  cette  plante.  Barbon.  On  s'en  fen    aufli  en.Guinée.» 

Dcur  couvrir  les  cafçs=. 


^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       .05 
appartenu,  ainfi  que  tout  le  terrain  placé  au-deiTous  jufqu'à  la  baie  de  Békly     & 
au-deffus  jufques  vers  le  morne  à  Bellevue  ;   &  le  nom  de  morne  ^Camcn    L  h 
nature    Ce  morne  a  environ  cinq  carreaux  de  fuperficie  -,  ce  n'efc  que  dans  fes 
faces  Nord  &  Sud  ,  qu'on  trouve  la  mine  qui  a ,  dans  fa  caflure ,  tout  le  brillant 
métallique  ,  il  n  y  en  a  point  dans  celles  de  l'Eft  ou  de  l'Oueft.  Il  eft  fitué  furie 
bord  Nord  du  chemin  du  Cap  au  bourg  du  Trou  ,  à  un  point  qui  irait  dans  le 
Nord  trouver,  a  environ  trois  mille  toifes  fur  l'habitation  Conégut ,  l'intervalL 
qui  eft  entre  le  côté  Nord-Oueftde  la  baie  de  Békly  &  le  côté  Sud-Eft  de  la  baie" 
de  Limonade.  Cet  aiman  eft  une  mine  de  fer  noirâtre  très-riche   qui  fe  montre 
en  maffes  alTcz  .confidérables  &  ifolées  fous  fa  forme  métallique  &  qui  a  probable 
ment  fubi  l'aftion  du  feu ,  parce  que  fes  parties  pulvénfées   font   attirables  à 
l'aiman.  Le  minerai  produit,  à  l'eftai,  j.ufqu'à  deux  tiers  de  fon  poids  en  fer  On  a 
remarqué  que  le  fommet  de  ce  morne  qui  offre  des  pointes,  eft  fouvent  frappé  de 
la   foudre.    La   maifon    qu'on  y   a  bâtie  ,  à  plufieurs   reprifes  ,  a  toujours    été 
incendiée  par  le  feu  du  Ciel ,  tandis  que  le  voifinage  eft  épargné.  1\  eft  vraifem 
blable  que  la  mine  de  fer  fert  de  coadufteur  à  la  matière  éleélrique  de  i'atmofphèrë 
&  aux  émanations  de  celle  du  Globe  Terreftre. 

Ceft  même  un  bruit  populaire  qu'une  grande  quantité  de  pierre  de  cette  mine 
embarquée  par  M.  Texier ,  arpentetir  de  la  paroiffe,  il  y  a  quarante  ans ,  a  caufé 
ia  perte  du  va.ffcau  dont  on  n'a  jamais  eu  de  nouvelles.  Les  arpenteurs  affurent 
que  le  morne  a  Bekly  agit  fur  leurs  bouftbles  &  ce  motif  a  empêché  plufieurs 
conteftations  de  terrain.  Les  environs  de  ce  morne ,  au  pied  duquel  coule  dans 
l'Eft,  la  ravine  du  capitaine  François,  font  cultivables,  ce  qui  eft  fufceotib'e 
d€  fervir  à  la  culture  de  la  canne  ne  s'étend  pas  loin.  La  fuperficie  eft  un  terre-u 
noir  &  l'mténeur  une  marne  argileufe  où  l'on  trouve  des  parties  calcaires 
réparées;  cette  marne  fe  difîbut  très-vite  dans  l'eau.  Plus  l'on  creufe  plus  U 
partie  calcaire  domine.  ^  ^ 

MM.  Fournier  de  Varenne  &  Dubourg  qui  ont  acheté  en  fociété  le  morne  à 
Békly  &  une  portion  de  fes  alentours  ,  en  ont  tiré  de  la  pierre.  M  de  Varenne 
.n  a  fait  prendre  80  ou  100  toifes  cubes.  Son  fommet  qui  était  ftérile,  offrais 
autrefois  un  jafmm  d'une  étonnante  groffeur.  Sa  partie  Orientale  eft  compofée 
d'une  pierre  feuilletée  ,  point  minérale ,  point  pefante  &  qu'on  nomme  à  Sain^ 
Dommgue  ,  pierre  pourrie  ou  roc  pourri  ou  roche  pourrie 
.     Ou  trouve  dans  le  canton  du  Bois  de  Lance  ,  des  traces  des  travaux  entreprfe  , 


^usâ 


206 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


■■] 


du  temps  des  Efpagnols  ,  pour  l'exploitation  d'une  mine  d'or.  J'ai  dit  que  fur 
l'habitation  le  Roux  des  Ifles  ,  fituée  dans  ce  canton  ,  on  voyait  des  débris  de 
quartz  qu'on  prétend  avoir  été  tirés  dans  une  ancienne  exploitation  d'une  mine  de 
cuivre.  Ce  canton  annonce  par  fon  aridité  Ton  état  de  mine. 

Les  fables  du  Foffé  ont  montré  du  cuivre  natif,  &  l'on  en  a  trouvé  un  morceau 
aulTi  dans  la  Grande  rivière ,  vis-à-vis  la  Tannerie  ,  uni  à  un  morceau  de  gangue 
quartzeufe  ,  qui  conftatait  l'origine  de  ce  cui^^re  natif.  Enfin  les  cantons  de  Sainte- 
Suzanne  &  des  Côtelettes  contiennent  des  mines  de  cuivre  qu'on  avait  commencé 
à  travailler.  C'eft  vraifemblablement  de  toutes  ces  mines  que  parle  Hcrréra  & 
qui  dépendaient  de  Porto-Réal. 

Limonade  paraît  avoir  été  très-peuplé  avant  la  découverte  de  l'Ifle.  On  trouve 
à  chaque  pas  ,  des  débris  des  uftenfiles  des  indigènes  qui  l'habitaient. 

La   côte  qui  borde  la  paroifîe  de  Limonade  au  Nord  ,   cil  digne  auffi  de  nos 

obfervations.   Dans    la  defcription   de   la  paroifTe  du  Terrier-Rouge  ,  l'on  a  vu 

qu'un  efter  appelé  de   Caracol  ,  forme  le  côté  Occidental  de  la  baie  du  même 

nom.  Comme  cet  efler  femble  compofer  un  tout  folide  ,   à  caufe  des  mangliers  , 

dont  il  eft  garni,  on  l'a  confidéré  comme  tel.  L'intervalle  qui  le  fépare  du  rivage 

de  l'extrémité  Eft  de  la  paroifie  de  Limonade  ,  eft  ce  qu'on  a  décoré   du  nom 

ce  baie  de  Limonade  dont  le  fond  va  fe  tourner  vers  le  fond  de  la  baie  de  Békiy. 

Sa  pointe  Eft  qui  eft  le  bout  Nord-Oueft  de  l'efter  de  Caracol ,  fe  trouve  à  une 

lieue  de  la  pointe  de  Caracol  ,  autre  bout  de  cet  efter.   La  longueur  du  goulet  de 

cette   baie  eft  de  280  toifes  ,    fur  environ  60  de  large;  la  longueur  de  la  baie  , 

dirigée  Nord  &  Sud  eft  de  600  toifes  fur  une  longueur  moyenne  de  400  toifes  ; 

fa  profondeur  eft  de  cinq  à  fix  pieds.  C'eft  dans  l'angle   Sud-Oueft  de  cette  baie 

qui  borde  la  plaine  vafeufe  où  eft  la  fucrerie  la  Chevalerie  ,    que  fe  jette  la  rivière 

du  Fofîe  de  Lim.onade  ,  allant  prefque  du  Sud-Oueft  au  Nord-Eft  dans  la  partie 

inférieure  de-  fon  cours. 

Sur  la  rive  Orientale  du  FofTé  ,  à  environ  une  lieue  de  fon  embouchure  actuelle 
&  dans  la  partie  la  plus  élevée  de  la  favane  de  Limonade  ,  on  a  trouvé  fur  un 
^  terrain,  dépendant  à  préfent  de  l'habitation  Montholon^  à  deux  ou  trois  cens  toifes 
des  bâtimens  de  cette  habitation  ,  les  fondemens  d'un  fort,  confidéré  comme 
celui  de  îa  Nativité ,  conftruit  au  mois  de  Janvier  1493  ,  par  Colomb.  Ces 
fondemens  étaient  de  la  pierre  aimanîaire  du  morne  à  Békly.  Ils  ont  été  démolis 
pour  conftruire  les  bâtimens  de  l'habitation  Deftouches  à^qui  ce  local  appartenait 
alors. 


"^"•^"W 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  207 
En  fuivant  Herréra ,  on  voit  que  Colomb  venant  avec  Tes  deux  caravelles 
pour  voir  Guacanaric,  il  mouille  à  quatre  ou  cinq  lieues  (  marines  )  du  port 
Saint-Thomas  ,  (qui  eft  celui  de  lAcul  à  l'Oueft  du  Cap)  ,  dans  un  endroit  où 
eft  un  paffage  qu'il  remarqua  &  qui  eft  Caracol ,  comme  je  l'ai  établi  ailleurs. 
Retourné  à  fou  bord  le  foir  pour  prendre  du  repos  ,  après  avoir  traité  avec  le 
Cacique,  fa  caravelle  eft  entraînée  par  les  courans  durant  la  nuit,  à  une  demi- 
lieue  (  marine  )  fous  le  vent  (  dans  l'Oueft  )  de  l'autre  caravelle,  c'eft-à-dire 
de  Caracol  vers  Limonade.  Il  fait  avertir  le  Cacique  de  fon  naufrage,  en  lui 
faifant  dire  que  ce  malheur  eft  arrivé  à  une  lieue  &  demie  (  marine  )  de  fa 
demeure,  ce  qui  conduit  bien  vers  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe,  &  marque 
encore.  Limonade  pour  le  lieu  de  ce  naufrage.  Les  Efpagnols  regardent  cette 
perte  comme  un  ordre  d'en-haut  pour  fe  fixer  dans  ce  lieu  ,  &  CoTomb  voulant 
laiffer  quelques  Caftiilans  dans  l'î[e,  fe  détermine  à  faire  un  fort  des  débris  de 
la  caravelle.  Ayant  nommé  Caracol  Port  de  la  Nativité ,  du  jour  où  il  y  eft 
entré  ,  il  veut  que  le  fort  foit  le  fort  de  la  Nativité ,  &  il  eft  confié  à  trente-neuf 
Caftilkns  ,  dont  le  chef  eft  le  capitaine  Diego  de  Arena. 

Maintenant  il  s'agit  de  voir  comment  le   Château  de   Colomb  (  c'eft  le  nom  des 
ruines  trouvées  fur  l'habitation  Montholon  ),  peut  être  le  fort  de  la  Nativité. 

Je  lis  encore  dans  Herréra  ,  qu'au  fécond  voyage  de  Colomb  &  le  27 
Novembre  1493  ,  la  fiotte  aborda  à  l'entrée  du  Port  de  la  Nativité  (Caracol), 
où  l'Amiral  apprend  par  des  Indiens  venus  à  fon  bord  en  canots ,  de  fâcheufes 
nouvelles  de  ce  fort.  Que  le  jeudi  28  toute  la  flotte  entra  dans  le  port  &  qu'on 
vit  aufTitôt  que  la  fortercffe  était  brûlée  ;  ce  qui  pouvait  bien  être  découvert  de 
cepoint,  puiCquede  l'embarcadère  de  Limonade  on  apperçoit  un  pavillon  bâti 
fur  l'habitation  Fournier  de  Varenne  ,  à  Roucou.  Que  Colomb  defcend  à  terre  & 
ne  trouvant  perfonne  qui  pût  lui  rendre  compte  de  ce  qui  s'était  paiïe  ,  il  entra 
avec  des  barques  dans  une  rivière  &  commanda  qu'on  nettoyât  un  puits  qu'il 
avait  fait  faire  à  la  fortereffe ,  l'on  n'y  trouve  rien  ,  mais  feulement,  aux  environs, 
des  habits  de  Chrétiens ,  &  proche  de  la  fortereffe  fept  ou  huit  perfonnes 
enterrées ,  que  leurs  vêtemens  firent  reconnaître  pour  des  Efpagnols. 

Ainfi ,  le  fort  de  la  Nativité  n'était  pas  fur  le  rivage  de  Caracol  :  on  remon- 
tait une  rivière  pour  y  aller  -,  &  quand  on  rapproche  ces  localités  des  ruines 
trouvées  fur  les  rives  du  Fofîe ,  dont  l'embou^chure  a  dû  s'avancer  vers  la  mer, 
comme  le  refte  de  cette  cote  ,&  éloigner  par  conféquent  le  fort  du  rivage  j  il 
eft  impoffible  de  ne  pas   reconnaître  l'identité  de  ces  ruines  avec  le  fort  de  la 


1 


V: 


ao8 


DESCRIPTION     DE     LAPARTIE 


Nativité.  Une  feule  chofe  peut  embaralTer,  c'eft  que  l'hiilorien  dit  un  fort 
bâti  de  bois  &  qu'ici  les  fondcmens  font  de  pierres  d'aiman  &,  de  briques  ,  même 
d'une  grande  dimenfion  (  car  j'en  poffède  une  que  j'ai  prile  fur  le  lieu  &  qui 
a  quelques  marques  )  ;  mais  le  fort  de  bois  pouvait  être  fur  une  affife  de  briquea 
dans  un  lieu  qu'Herérra  dit  que  Colomb  abandonna  ,  le  7  Décembre  1493  ,  Se 
à  caufe  du  mafîacre  &  parce  que  c'était  une  terre  fort  baffe  où  il  n'y  avait  ni 
pierres  ni  matériaux  p3ur  bâtir. 

Un  fait  confiant ,  c'eft  que  les  Indiens  avaient  des  vafes  6c  des  fétiches  de 
terre  cuite,  &  en  fuppofant  tju'ils  ne  filTent  pas  de  briques,  les  Efpagnols  ont 
bien  pu  avec  de  l'argile  &  la  manière  dont  les  Indiens  cuifiient  leurs  vafes , 
faire  des  briques  pour  en  compofer  la  bafe  de  leur  forterefîe.  Il  ne  leur  aura  pas 
été  difficile  non  plus  d'aller  prendre  des  pierres  au  morne  à  Békly.  Une 
tradition  confiante  appuie  le  fait,  &  l'on  a  encore  trouvé  en  1784,  lors  d'une 
fouille  pour  le  canal  du  moulin  de  l'habitation  Montholon,  non  loin  du  château  , 
une  efpèce  de  tombeau  où  il  y  avait  vingt-cinq  cadavres  qui  n'appartenaient  point 
à  des  Indiens ,  puifque  leurs  têtes  n'étaient  point  applatics.  Ces  corps  dont  on 
diftinouait  la  charpente  olTeufe  étaient  dans  la  même  direélion  &  parallèle- 
ment difpofés  ,  ufage  que  l'on  fait  qu'avaient  les  Indiens  pour  leurs  morts  : 
c'étaient  donc  des  Efpagnols  enterrés  par  des  Indiens.  Enfin  l'on  a  trouvé  dans 
le  même  lieu  des  fourchettes  de  fer  bien  rouillées  &  des  pièces  de  cuivre. 

J'ai  pris  deux  de  ces  pièces  le  26  Mai  1787.  Les  voici  : 


L'une 


FRANÇAISE    DE    S  A  ï  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E„       209 

L'une  eft  de  la  grandeur  d'une  pièce  de  fix  liards  ,  maïs  plus  épaiffe;  c'eft  celle 
dont  on  voit  les  deux  faces.  L'autre  eft  \m  peu  plus  petite  &  un  peu  plus 
épaiffe  ;  c'eft  la  moins  confervée.  Si  ces  pièces  ont  réellement  appartenu 
aux  Caftillans  maffacrés  dans  cet  endroit  en  1493  ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'oR 
ne  puiffe  en  faifir  que  quelques  traits  &  encore  avec  la  loupe,  après  un  féjour  de  près 
de  trois  cens  ans  dans  un  fol  encore  falineux  &  prefque  aquatique  -,  car  d'environ 
80  carreaux  vendus  par  M'^=-  Deftouches  à  M.  Fournier  de  la  Chapelle  &  dans 
i'étendue  defquels  étaient  le  fort  &  le  tombeau  ,  à  peine  un  quart  eft  -  ii 
cultivable  en  cannes.  Six  ou  huit  carreaux  fourniffent  quelques  vivres  du  pays 
pendant  la  faifon  des  pluies  ;  mais  le  tuf  argileux  de  la  favane  de  Limonade  fe 
rencontre  à  quelques  pouces.  Au-delà  ,  ce  terrain  ne  peut  produire  que  des 
acacias  &  des  grategalles. 

Ccrîomb  aura  été  obligé  de  chercher  pour  placer  fon  fort ,  un  lieu  un  peu 
élevé  ,  découvert  ,  voifm  de  l'eau  douce  &  il  n'aurait  pas  pu  le  bâtir  plus  près 
de  la  mer,  car  dans  la  plaine  vafeufe  vers  le  rivage  ,  le  fol  eft  une  tourbe  fali- 
neufe  qui  fe  réduit  en  terreau  à  l'air  &  qui  s'affaifTe.  Le  feu  y  a  pris  plus  d'une 
fois  fpontanément.  Ces  tourbes  exiftent  ailleurs  fur  les  bords  de  la  mer ,  & 
notamment  fur  l'habitation  Chaftenoye  ,  du  Quartier-Morin. 

On  compte  trois  quarts  de  lieue  depuis  la  pointe  Occidentale  de  la  baie  de 
Limonade  jufqu'au  bourg  de  l'embarcadère  du  même  nom  ,  qui  fe  trouve  placé 
prefque  Nord  Se  Sud  avec  l'églife  ;  il  en  eft  à  deux  lieues  &  à  1,400  toifes  de 
la  Grande  rivière.  Le  terrain  confàcré  à  cet  embarcadère  court  à-peu-près  de 
l'Eft  à  rOueft,  en  décrivant  une  portion  d'arc.  Il  a  environ  500  toifes  de 
longueur  &  contient  les  magafins  iervant  de  dépôt  aux  denrées  de  la  paroifîe  ,  & 
les  maifons  de  plufieurs  ouvriers  &  pêcheurs  ,  ce  qui  compofe  32  empîacemens 
dont  trois  font  de  maçonnerie,  avec  un  premier  étage  ,  &  22  ont  des  maifons 
à  rez  de  chauffée.  Ce  lieu  diftant  du  Cap  d'environ  deux  lieues  &c  demie 
par  mer  3  eft  fufceptible  de  toute  l'attention  du  gouvernement ,  par  fa  pofition 
militaire  au  vent  du  Cap  8c  par  fon  mouillage. 

Lorfque  M.  de  Belzunce  paffa  à  Saint-Domingue  en  1762  avec  huit  bataillons 

de  troupes ,  toutes  les  idées  avaient  pris  la  teinte  militaire  ,  &  l'on  ne  s'occupa 

que   des   moyens   de  conferver   la  Colonie.    Ce  fut  à  ce  zèle  ,  qu'on  dut   la 

,prote6lion   donnée  aux  embarcadères  de   Jacquezy   &  de  Caracol,  &   M,   de 

Tome     L  D  d 


^^JOP 


1 


IMI 


1 

:-^r. 

210        DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

Villemonces,  ingénieur,  qui  fut  chargé  de  cette  partie  de  fortifications,  en  montra 
auffi    un  grand  pour  celles  de  la  côte  de  Limonade. 

Dès  le  30  Mai  1762  ,  une  ordonnance  des  Adminillrateurs  prefcrivit  une 
corvée  publique  des  nègres  des  deux  paroiffes  de  Limonade  &  du  Quartier- 
Morin  ,  p3ur  faire  des  retranchemens  fur  la  côte  de  la  première.  Cette  mefure 
fut  la  fuite  d'une  vifne  faite  par  M.  le  Chevalier  d'Oify  ,  capitaine  de  va i fléau  , 
&  M.  Am^elot ,  ingénieur  delà  Colonie,  le  28  Mai,  Ayant  fondé  la  paffe  de 
Limonade  ,  ils  dirent  que  les  vaiiTeaux  de  guerre  pouvaient  y  pénétrer.  Le  doute 
ayant  attaqué  ce  résultat,  ks  mêmes  perfonnes  fondèrent  de  nouveau  &  afTurèrent 
qu'elles  avaient  même  trouvé  une  féconde  paffe  ,  encore  plus  fpacieufe  &  plus 
com.mode  que  la  précédente.  Cette  affurance  ,  celle  de  la  bonté  du  mouillage , 
firent  créer  trois  redoutes,  deftinées  à  protéger  des  batteries  dont  la  conftru6lion 
eut  lieu  en  mê.i-ie-tems  ,  de  manière  que  Limonade  devint  un  pofte  refpeclable. 
■  Au  mois  d'Avril  1778  ,  la  corvée  publique  a  -établi  ks  batteries  qui  font  aux 
deux  extrémités  du  bourg,  ainfi  que  les  redouces,  ce  qui  a  coûté  32,050 
iournées  de  nègres  ,  fans  compter  les  frais  de  îa  conftruélion  des  batimcns 
fervant  de  corps-de-garde. 

Quoique  depuis  1764  le  travail  des  ingénieurs-géographes  ,  qui  avaient  été 
fpécialement  deftinés  à  kver  le  plan  topographique  &  hydrographique  de  la 
Colonie,  ait  démontré  ,  ainfi  que  celui  de  M.  de  Moulceau ,  direfteur-général 
des  fortifications ,  fait  en  1773,  que  ks  deux  pafiages  du  reflàf  de  Limonade 
font  bien  loin  de  pouvoir  admettre  un  vaifTeau  de  guerre  ,  indépendamment  de 
la  diinculté  d'y  m.anceuvrer ,  l'on  a  toujours  rendu  l'embarcadère  de  Limonade 
affez  fur  pourqu'il  foit  très-imprudent  à  l'ennemi  de  s'y  hafarder.  Les  bâtim.ens 
<}iii  peuvent  y  paffer  ne  pouvant  pas  avoir  alTez  d'eau  pour  aller  jufqu'âu  Cap 
entre  ks  reffifs  ,  ils  auraient  le  double  danger  de  l'entrée  &  de  la  fortie ,  s'ils 
manquaient  une  defcente  très  périlkufe,  unique  objet  qu'ils  pourraient  fe  propofer" 
&  auquel  on  peut  encore  oppofer  en  quelques  heures ,  l'inondation  des  terrains 
voifins ,  de  manière  que  l'ennemi  ne  pourrait  pas  pénétrer  à  travers  ks  marais 
couverts  de  mangles  qui  environnent  l'embarcadère  j  au  furplus,  une  prame 
entraverfée  dans  la  pafTe  ,  fera  toujours  ceffer  quand  pn  voudra,  tous  ks  doutes  & 
toutes  ks  craintes  fur  cette  partie. 

Il  y  a  en  tems  de  guerre  deux  poftes  à  l'embarcadère  de  Limonade ,  où  ih 


^ 


•"•^ 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E. 


au 


font  fournis  par  cette  paroiffe  ,  &   par   celles  de  Sainte-Roi:^;   &  du  Dondon  ■ 
d'ailleurs  la  population  du  lieu  même  ajoute  à  fa  fureté. 

.  Cet  établiflement  eft  fufceptible  d'agrandiffemens.  Ils  n'ont  été  arrêtés  que 
parladlfette  d'eau  potable  que  les  habitans  de  ce  bourg  font  obligés  d'aller 
chercher  avec  des  canots  à  la  Grande  rivière,  MM.  Reynaud  de  Villeverd  , 
lieutenant  au  gouvernement-général  ,  &  le  Brafleur  ,  commiffaire  -  général  ' 
ordonnateur  faifant  fonftion  d'Intendant ,  s'étaient  occupés,  en  1781,  des  moyens 
de  leur  procurer  de  l'eau ,  en  y  conduifant  celle  de  la  vide  d'un  moulin.  Une 
modique  fomme  de  30,000  livres  eût  alTuré  cet  avantage  ;  le  gouvernement  en 
fourniffait  la  moitié  &  les  habitans  du  bourg  faifaient  le  furplus  par  des  taxes 
volontaires  &  par  une  impofition  d'un  dixième  fur  les  loyers  des  maifons.  Mais 
la  fin  de  leur  adminiO-racion  ,  injuftement  "calomniée,  &  réellement  trop  courte 
pour  le  bien  de  la  Colonie  ,  a  fait  évanouir  ce  projet  dont  l'utilité  a  furtout  été 
fende  lorfqu'une  partie  de  l'armée  efpagnole  ,  aux  ordres  de  Don  Bernard  de 
Galvez,  a  été  cantonnée  pendant  un  an  dans  ce  bourg ,  où  étaient  établis  les  hôpi- 
taux. On  a  été  obligé  de  tirer  du  Cap  ,  à  grands  frais,  par  des  embarcations 
l'eau  deftinée  aux  malades  qui  en  auraient  cependant  manqué  ,  fi  l'iiumanité  des 
habitans  n'avait  pas  fuppléé  à  l'inexaditude  des  tranfports.  En  donnant  de  l'eau 
à  ce  local,  on  verrait  un  grand  nombre  d'ouvriers  répandus  dans  la  plaine,  s'y 
réunir  &  dans  quelques  années  la  Colonie  compterait  une  ville  de  plus. 

Il  part  tous  les  matins  du  Cap  ,  pour  cet  embarcadère  ,  à  quatre  heures 
pendant  les  fix  mois  des  grands  jours,  &  à  cinq  pendant  les  fix  autres,  trois 
grandes  barques  ou  pajagers  qui  fervent  au  tranfport  des  perfonnes  ,  des  denrées 
&  des  approvifionnemens  &  qui  retournent  au  Cap  dans  la  matinée.  On  profite 
en  allant ,  de  la  brifc  de  terre  &  l'on  eft  ramené  par  celle  du  large  ;  fi  le  vent 
manque  ,  les  avirons  font  employés.  L'arrière  de  ces  paflàgers  ,  matés  en  chalou- 
pes ,  eft  couvert  par  une  teugue  ,  ou  petit  pont  de  madriers  qui  eft  couver 
lui-même  d'une  toile  goudronée  qu'on  rabat  des  quatre  côtés  ,  quand  on  veut  être 
garanti  de  la  pluie  ,  du  foleil  ou  du  vent.  Le  prix  du  pafîage  eft  de  30  fous  pour 
les  libres  &  de  la  moitié  pour  les  cfclaves.  On  peut  apprécier  ,  par  le  prix  de  la 
barlque  de  fucre  de  1,500  livres  &  au-delà,  qui  eft  de  fix  francs  ,  le  tarif  des  autres 
objets.  On  trouve  auffi  au  Cap ,  de  petits  canots  particuliers  qui  font  ce  palTage 
pour  deux  gourdes. 

Le  fifc  s'était  étendu  autrefois  fur  cette  partie.  Dès  le  commencement  de  17 17  ^ 

Dd  2 


I 


»  . 


212 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


ce  pafiage  fut  affermé  avec  ceux  de  Caracol  &  de  Jacquezy.  Celui  de  Limonade 
donna  lieu  a  un  tarif  des  Adminiftrateurs  ,  le  lo  Juin  1738  ,  &  au  mois  de 
Décembre  174.6,  un  premier  commis  des  bureaux  des  Colonies,  quinedéJai- 
gnait  pas  les  chofes  lointaines  ,  fît  f:gner  à  Ton  profit  ,  un  brevet  de  don  ,  pour 
vingt  ans  ,  du  produit  de  ce  palTage  ,  comme  une  annexe  de  celui  du  bac  du 
Cap,  objet  principal  du  brevet.  Cet  abus  de  pouvoir  excita  vainement  des 
mécontentemens  &  des  plaintes ,  p'jifque  celles-ci  arrivaient  précifément  au  pre- 
mier commis  qui  les  excitait.  Les  vingt  années  étant  près  d'expirer ,  on  crut 
qu'un  nom  plus  relevé  que  celui  du  premier  commis ,  ne  ferait  qu'embelli  par  la 
tnême  conceffion.  En  conféquence ,  le  8  Mai  1765  ,  M^^-  la  Duchefle  de  Brancas 
«btîD-t ,  mais  pour  n-ente  ans ,  le  brevet  de  don  du  péage  du  Cap  ,  dont  on  déclara 
cependant  que  les  autres  paflages  ne  dépendaient  point.  Une  feule  barque  était 
deflinée  au  (èrvice  du  beau  quartier  de  Limonade  ,  durant  le  privilèo-e  exclufif 
que  l'on  fit  cefîèr  en  1765  ,  &  le  public  était  mai-fervi. 

Lorfque  la  Grande  rivière  elt  débordée  ,  ce  qui  ell  fon  état  habituel  dans  la 
faifon  des  pluies  ,  les  piiTagers  acquièrent  encore  plus  d'utilité  ,  parce  qu'ils 
fervent  alors  à  entretenir  la  communication  avec  le  Cap, 

Dans  la  guerre  de  1756  ,  lorfque  les  croiieurs  infeftaient  nos  côtes  ,  les 
denrées  des  paroiffes  fîtuées  à  l'Eft  de  Limonade  ,  n'avaient  point  d'autre  débou- 
ché ,  Se  c'était  par  cette  voie  que  leurs  hab'itans  tiraient  leur  fubfiftance  du  Cap, 
Cette  préférence  était  due  à  la  pofition  de  cet  embarcadère  ,  dont  la  navio-ation 
fe  faifant  en  dedans  des  reffifs  ,  eft  à  l'abri  d'être  infulîée  par  les  corfaires:. 

L'étabiiÏÏemenrde  Pembarcadère  de  Limonade  ferait  encore  plus  fréquenté,  û 
l'on  réalifait  le  projet  du  canal  du  Fort-Dauphin  à  la  baie  de  Jacquezy.  Il  fert 
d'afile  à  trente-quatre  pêcheurs  qui  fourniiïent  à  l'approvifionnement  du  Cap.  On 
y  voit  deux  grandes  manufaébirts  de  tafia.  Le  gouvernement  l'a  jugé  allez  impor- 
tant pour  i'afîuicttir  à  la  police  des  villes  qui  défend  d'y  couvrir  les  maifons  en 
paille.  Ce  bourg  eft  plus  fain  qu'an  pourrait  le  penfer.  Il  doit  cette  falubrité  à 
l'avantage  d'être  placé  au  vent  des  marais.  Les  hôpitaux  militaires  qui  y  on:  été 
établis ,  ont,  infiniment  moins  perdu  d'hommes  que  les-  atitres. ,  quoique  leur 
établLflfement  n'offrît  pas  les  mêmes  commodités. 

L'embarcadère  de  Limonade  eft  prefque  auffi  ancien  que  rétablifîèment  de 
cette  paroilïè.  Avant  17  13  ,  il  avait  un  corps-de-garde  ,  chargé  de  tirer  l'allarme 
q.ue  répétait  un  canon  ,  placé  chez  M,  Fournier ,  lieutenant-colonel  de  milices. 


■5^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       se". 

La  différence  entre  h  hauteur  de  la  plus  grande  marée  qui  arrive  au  mois  de 
Juillet  ,  lors  de  la  pleine  lune  qui  fuit  le  folftice  d'Été  ,  &  la  plus  baffe  marée  cit 
d'environ  deux  pieds. 

Le  thermomètre  de  Réaumur  ,  obPervé  pendant  vingt-cinq  ans  ,  dans  la  plaine 
de  Limcnadc ,  dans  le  voidnage  de  la  mer  ,  ne  s'eft  point  élevé  au-deffus  de  28 
degrés  &  n'a  pas  baiffé  au-delToiis  de  18  degrés.  La  température  des  montagnes 
varie  fuivant  l'éiévation  &  la  pofition  des-  lieux.  Elle  va  communément  l'Hiver 
de  9  degrés  à  l'aurore ,  jufqu'à  16  dans  la 'plus  grande  chaleur  du  jour  & 
l'Été  de  18  à  22  degrés ,  à  moins  que  des  jours  abfolument  privés  de  brife  ,  ne  le 
portent  jufqu'à  27  degrés  ,  ce  qui  efl:  très-rare. 

On  croit  pouvoir  évaluer  à  80  ou  à  90  pouces  la  quantité  d'eau  qui  tombe 
annullement  dans  la  plaine.  Quelquefois  ,  dans  la  faifon  appelée  hivernage 
aux  Ifles  du  Vent,  c'eft-à-dire,  depuis  le  mois  de  Juillet  jufqu'à  celui  d'Oftobre,  il 
furvient  de  petits  coups  de  vent  qui  découvrent  &  renverfent  des  cafés  à  nêo-res,- 
èc  même  des  cafés  à  bagaifes ,  endommagent  les  autres  couvertures  de  tuiles  &u 
d'ardoifes  &  détruifent  les  bananiers. 

Dans  le  coup  de  vent  de  1772  ,  un  cachalot  fut  jette  en  dedans  du  reffif  de 
Limonade  oij  il  périt.  11  infeéla  même  jufqu'au  Cap  &  l'effet  ne  ceffa  que  quand 
les  requins  l'eurent  dépecé. 

Ces  coups  de  vent  font  accompagnés  de  pluies  exceffives.  C'ell  ce  qui  arriva 
le  17  Oftobre  1780,  époque  d'un  débordcmenr  que  j'ai  déjà  indiqué  parmi  ceux 
qui  ont  défolé  cette  paroiffe.  La  Grande  rivière  furmonta  les  levées  de  l'habitation 
BuUet  &  vint  fe  jetler  dans  le  Foffé.  Elle  fit  îa  même  chofe  fur  les  habitations 
Dumefnil,  Deftouches  &  Fontenille.  Malgré  cette  dérivation  ,  la  Grande 
rivière  rompit  les  digues  de  l'habitation  la  Molère  au  Quartier-Morin^  au  deffous 
du  côté  de  Limonade,  les  levées  de  celle  le  Fevrc  eurent  une  brèche  de  150  pieds 
&  une  de  50  ;  il  s'en  fit  une  autre  fur  l'habitation  Miniac  Treffin  &  trois  fur  l'ha- 
bitation Fournier  de  Belkvue  qui ,  placée  au  bas  de  la  plaîne  ,  n'était  encore 
qu'un  étang  à  cinq  heures  du  foir,  quoique  l'inondation  eut  commencé  à  cinq 
du  matin.  Le  vent  arracha  les  bananiers  &  le  manioc  dans  les  montagnes. 

Mais  ces  ravages  inftantanés ,  quoique  grands,  ne  font  pas  comparables  à  ceux 
<3€  la  féchereffe  qui ,  depuis  vingt  ans ,  deviennent  toujours  plus  fréquens. 

La  paroiffe  de  Limonade  a  beaucoup  de  chemins  de  communication   &  de 
traverfe.  Les  deux  principaux  font  ceux  qui  vont  du  Cap  au  Fort-Dauphin  eh 


» 


114 


D 


C  R  I  P  T  I  Q  Î-T     DE     LA 


P  A  P.  T  I  E 


r   ' 


pauant  l'un  par  le  bourg  du  Terrier-Rouge  &  l'autre  .  par  le  bourg  du  Trou. 
En  1720,  on  allait  encore  du  Cap  à  Bayaha  par  des  fentiers  dont  1-es  circuits 
mettaient  une  grande  ditlance  entre  ces  deux  points  Se  d'où  l'on  venait  gagner  un 
chemin  qui  aboutiffait  au  Haut  du  Cap.  Plufieurs  fois  on  avait  prefcrit  l'ouver- 
ture d'une  nouvelle  route  ,  mais  enfin  le  10  Décembie  1720  >  les  Adminiilrateurs 
ordonnèrent  qu'on  en  pratiquerait  une  de  40  pieds  de  large ,  à  partir  du  pont  du 
FoiTé  &  qui ,  allant  au  Quartier-Morin ,  paiierait  au  Sud  de  rÉglife  de  cette 
paroiiTe  &  de  l'habitation  Beaunay  ,  jufqu'à  rencontrer  le  grand  '  chemin  du 
Quartier-Morin,  allant  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  au  Morne-Peléj  &  qui 
remontant  ce  chemin  irait  chercher  celui  de  la  paroiiTe  de  la  Petite  -  Anfe  ,  au 
Haut  du  Cap.  Mais  comme  on  prévoyait  que  cette  route  ne  ferait  pas  praticable 
dans  toutes  les  faifons ,  la  miême  ordonnance  décida  qu'un  chemiin  déjà  ouvert 
entre  l'habitation  Charrite  (  aujourd'hui  Duplaa  )  &  le  Fevre ,  ferait  prolongé , 
d'abord  à  l'Eft  jufqu'à  rencontrer  dans  Limonade  le  chemin  qui  allait  du  pont 
du  Foffé  à  l'embarcadère  ,'&  qu'à  l'Oueft  ,  il  irait  traverfer  le  chemin  du  Quar- 
tier-Morin pour  aller  ,  coupant  encore  celui  de  la  Petite-Anfe  j  gagner  la  pafle 
à  Any  &  le  Grand  chemin  du  Cap. 

Ces  travaux  furent  ordonnés  aux  trois  paroifles  de  Limonade,  du  Quartier- 
Morin  &  de  la  Petite-Anfe  ,  comme  leur  étant  d'une  utilité  commune  &  l'on  y 
joignit  ceux  du  chemin  du  pont  de  Limonade  à  l'embarcadère  qui  devenait  grand 
chemin  ,  puifquc  le  fécond  de  ceux  ordonnés  ,  allait  y  aboutir. 

Il  réfulte  de  ces  détails  que  la  communication  primitive  de  Limonade  avec  le 
Cap  ,  quant  à  la  Grande  rivière  ,  avait  lieu  par  le  point  oij  le  chemin  du  Cap 
au  Trou ,  coupe  maintenant  cette  rivière  ;  que  le  chemin  de  l'embarcadère  au 
Foffé  fut  le  premier  pratiqué  ;  que  ce  Foffé  ayant  trente-deux  pieds  d'écore  en 
écore,  avait  un  pont  que  les  débordemens  forcèrent  de  reconftruire  ,  en  17 13  , 
parce  qu'ils  détruifirent  le  premier,  fait  en  1708  ;  que  le  chemin  du  Bois  de 
Lance  qui  communiquait  avec  le  Quartier-Morin  par  la  paffe  à  Viard ,  a  été  k 
fécond  ,  &  qu'enfin  le  dernier  de  tous  les  chemins  de  Limonade  eft  précifément 
le  plus  utile  aujourd'hui  -,  c'eft  celui  qui  venant  du  Cap,  traverfe  la  Grande  rivière  à 
î,8oo  toifes  de  fon  embouchure  &  dans  un  point  oiJ  fon  lit  a  104  pieds  de  large. 

On  eft  fort  étonné  qu'une  route  auffi  fréquentée  &  auffi  importante  foit  auffi 
incertaine  à  caufe  du  paffage  de  cette  rivière  ,  où  durant  les  Nords  &  les  orages 
il  y  a  quelquefois  plufieurs  jours  de  fuite  ,  depuis  fix  jufqu'à  douze  pieds  d'eau  & 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE      o.. 

même  davantage  ;  &  qu'on  ne  l'ait  pas  garantie  de  cet  inconvénient  &  des 
malheurs  qui  en  font  trop  fréquemment  la  fuite. 

M.   Barrère,  lieutenant  de  roi  au  Cap,  propofa  au  miniftre  le   ,o    Tuillet 

1708,  kconflruaion  d'un   poM  fur  ce  paflage  ;  &  cette  propofition  agréée  le 

8  Oélobre  fu,vant,  n'eût  aucun  effet.  Le  .8  Septembre  ,735 ,  MM.  £arnage 

8tMa,llart  ecnvrent  au  m,n,ftre  pour  demander  ce  pont,   &  on  ne  l'exécuta 

pomt.  On  parut  s'occuper  férieufement  de   ce  plan  ,ors  de  l'arrivée  de  M.  de 

".•n    /rf"^  '^'""'"  ^"^•"''  >-^^^^"'.  contrariée  parte 

c"  i nte    °slf  D°""         '  "t  '''  ''  "''"'  '"  ^"'^  '  *""-  "-ive 
craintes  a  oaint-Dominffue     nrpr  f4mf.ru-  o,,  ^ 

uiuiguc  ,  preciiement  au  moment  ou  les  orages  avaient  affer 
augmente  les  eaux  de  la  Grande  rivière  nnnr  ^,  -i    -       '^  ,        «^viient  aiiez 

,  .  „  ^^^'^  P^^'^q^jlny  eutpasde  communiGation 

V  c  les  pâmes  qu'elle  a  dans  l'Eft.   M.  de  Behunce  prit  alors  le  parti  d'y", 
tabl,r  un  bac.   Ma,s   comme  il  était  fouvent  à  fec  .  l'ardeur  du  foleil   fai,^ 
fondre  le  bra,     &  chaque  jour  il  fallait  le  réparer.  Qjand  la  rivière  étai   f„t 

^  IMM.  de  Valhere  &  de  Montarcher  arrêtèrent  le  marché  du  pont  avec  M 
Renau       entrepreneur  du  Cap.  en  ,yj, ,  fauf  l'autonfation  du  Mmift^t 

nir:  :  rc:;  :  ré^t  r^  '-  '-"'■  ■^^  "^°  ■  ^''-  -  ^^^-^ 

.e  .0.  fur  des  piles  de  L^^tc^-'^rj^f J^f  ^i'  ^Z 
au-defl-us  du  fond  de  l'eau  ,  &  «  pieds  de  large.  D'après  le^ devi,  M  Irt au 
entrepreneur  ,  fe  chargeait  de  fa  conftruêlion  pour  „^  1,0  1-v       l   ^  '       T 
27,..o  ^,.  pour  le  faire  avec  la  voûte  de  LJJXI^  '.^.^.t  ^  Bat  • 
1      ant^Venant.  lub.tant  du  <^ar.ier-Morin,  en  propofa  un  av'ec  des  JZs 
de  fer .  &  1  o„  ne  fa.t  déjà  plus  depuis  long-tems  qu'on  aurait  dû  ce  nouveau 
b,enfa,t  atuç  deux  chefs  que  j'ai  nommés  .  f.  leur  aftive  adminiftration  avait  duré 
On   paire   la   Grande  rivière    prefqu'à  fec  lorfqu'il  n'a  pas  plu  depuis  lonJ: 

Lefebvre  atnver  a  la  paffe  aux  momdres  ^rues,  environner  la  voiture  &  les 
chevaux  pour  rompre  le  fil  de  l'eau  &  efcorter  ainf.  d'un  bord  à  l'autre  fc 
voyageur  plus  ou  moms  craintif,  plus  ou  moins  audacieux  .  fi  le  couranr  faU 
cra,ndre  pour  des  voitures  pleines,   on   les  fait  paffer  à   «de,  &  des  nè.re 

les  entourent  pourks  foutemr  &  s'oppofer  au  courant.  Il  n'eft  perfcnne  qui 


/ 


'^jié 


L  * 


DESCRIPXrON     DE    LA     PARTIE 

dans  ces  inftans  ,  &  plus  encore  dans  ceux  où  le  paffage  eft  abfolument  interdit  & 
où  auelque  téméraire  paie  de  fa  vie  fon  imprudente  impatience  ,  qui  ne  demande 
un  pont  ;  mais  la  rivière  rentre  dans  Tes  bornes  8^  l'on  reprend  l'ordre  machinal  qui 
dirio-e  tout  à  Saint-Domingue. 

J'aurais  dû  expoler  plutôt  mon   impuiffance  de  trouverTorigmc  du  nom  oe 
Limonade ,  qui  me  paraît  auffi  ancien   que  l'établiffement  de  ce  lieu.  Peut-être 
eft-il  venu  de  ce  que  ce  fut   un  des  premiers   de   la  Colonie   françaife  où   l'on 
fit  du  fucre.  J'aimerais  cependant  mieux  croire  ,  comme  plus  vraifemblable  ,  que 
Limonade  fera  venu   de  Limon,   nom  efpagnol  de  l'oranger,  parce  que  dans 
la  plaine  de   Limonade   &   du   Quartler-Morin  ,    portion  la  plus   riche   de   la 
Partie   du  Nord  ,    cet   arbre  précieux  devait   être   commun.  Mais  ,   &  on   le 
croira  à  peine  ,   on  donne    fi  peu  de  foin ,   furtout   dans  les  cantons  riches  de  la 
Colonie  ,  à  ce  cui  eft  d'agrément ,  c'eft-à-dir» ,  à  ce  qui  ne  fe  convertit  pas  en 
argent ,  qu'on  trouve  difficilement  quelques  orangers  dans  la  plaine  de  Limonade 
&°que'pluneurs  habitans  font  acheter  au  Cap  les   citrons  néceffaires   à   l'ufage 
domcftique  de  leurs  maifons.   Il  eft  vrai  que  depuis  environ  trente  ans,  on  a 
remplacé  dans  la  plaine  du  Cap  les  haies  qui  étaient  toutes  de  citroniers ,  par 

des  haies   de  campêche.  _ 

La  population  de  Limonade  eft  une  des  plus  confidcrables  de  la  Colonie.  On 
compte  dans  la  plaine  environ  200  blancs  ,  200  affranchis  ,  (  dont  la  plupart  font 
réunis  dans  un  point  de  la  favane  de  Limonade  ,  près  le  chemin  du  Cap  au 
Terrier-Rou-e  ,  où  ils  forment  une  bourgade  )  ,  &  8,000  nègres.  Les  mornes 
peuvent  avoir" 260  blancs  ,  300  afnanchis  &  5,000  nègres  -,  ce  qui  offre  un  total 
d'environ  14,000  individus  ,  dont  290  portant  armes.  Les  affranchis  étaient  bien 
plus  nombreux  qu'à  préfent ,  avant  l'expédition  de  Savannah,  puifque  la  paroifTe 
de  Limonade  avait  alors  une  compagnie  de  quarterons  de  60  hommes,  une  de 
mulâtres  de  plus  de  100,  &  35  nègres  libres  ;  &  il  y  avait  fure ment  beaucoup 
d'individus  qui  échappaient  aux  revues. 

La  première  compagnie  de  cavalerie-milice  de  Limonade  était  commune 
aux  deux  autres  paroiffes  du  Quartier-Morin  &  de  la  Petite-Anfe  ,  on  la  forma  au 
iBois  de  Novembre  1700,  &  M.  Garnier  en  fut  nommé  capitaine  le  15  du 
même  mois.  Sa  commiffion  porte  que  c'eft  en  confidération  des  fervices  qu'il  a 
rendus  &  à  l'expédition  de   Carthagène  &  au  combat  de  Limonade  ou  il  a  etc 

également  bkffc.  -r  •  j 

^  Limonade 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E. 


217 


Limonade  fi  peuplé  de  blancs  lors  de  fon  établiiTementj  n'en  avait  que  80 
portant  armes  en  17 13. 

Cette  paroiffe  donne  fon  nom  à  i'un  des  cinq  quartiers  de  la  Partie  du  Nord , 
qui  comprend  en  outre  les  paroiiïcs  du  Quartier  -  Morin  ,  de  Sainte-Rofe  ,  du 
Dondon  &  de  la  Marmelade  -,  elle  dépend  du  commandement  &  de  la 
fénéchauflëe  du  Cap. 


On  compte  de  l'églife  de  Limonade 


Au  Cap , 

A  Roucou , 

Au  Bois  de  Lance  , 

A  Samte-Suzanne  , 

Aax  Côtelettes  , 

Ali  Moka  Neuf, 


lieues. 

6 

I 

2 

4 
5 
7 


Au  Fond-Bîeu , 

Au  bourg  du  Trou  , 

■ — ■  du  Quîirtier-Morin  ,     , 

— '  de  Sainte-Roie, 

A  l'églife  du  Quartier-Morin , 


lieues. 

9 

3 

31/2 
3 
3 


^Limonade  a  fourni  des  littérateurs  &  des  hommes  dignes  d'éloge,  ou  a  été 
habité  par  eux.  On  peut  citer  parmi  les  premiers,  M.  de  Chabanon,  de  l'Académie 
Françaife  &  de  celle  des  Belles-Lettres.  '     ■ 

M.  Chabanon  de  Maugris  ,  fon  frère  ,  connu  par  un  Efîai  de  traduélion  en  vers 
d'un  livre  des  Odes  d'Horace  ;  par  la  Paftorale  de  Philémon  &  Baucis  ,  opéra  , 
oc  qui  donna  à  vingt  &  un  ans  des  mémoires  admis  parmi  ceux  des  Savans 
étrangers ,  publiés  par  l'Académie  des  Sciences  i  il  a  été  enlevé  trop  tôt  aux 
lettres. 

Parmi  les  féconds ,  on  doit  nommer  M.  le  Gentil  de  la  Barbinais ,  habitant  de 
ce  quartier,  né  à  Saint-Malo.  Il  s'embarqua  le  30  Août  17 14  fur  le  vaiiTeau  le 
Vengeur,  du  même  port.  Arrivé  au  Pérou,  il  fe  mit  fur  un  autre  vaiffeau  qui 
allait  à  la  Chine.  Après  y  avoir  féjourné  près  d'un  an  ,  il  vint  débarquer  au  port 
de  Gênes  ,  en  1718.  M.  le  Gentil  eft  le  premier  français  qui  ait  fait  le  tour  du 
Monde,  ou  du  moins  qui  ait  écrit  fes  voyages;  &  on  lui  doit  des  notions 
exaéles  fur  la  Chine.  Ses  ouvrages  imprimés  à  Paris  en  1727  ,  en 
trois  volumes  in-12. ,  font  cités  avec  éloge  par  BufFon  &  Voltaire,  &  ont 
obtenu  les  fuffrages  de  Fonteneîle  ,  qui  dit  dans  fon  approbation  pour  la  cenfurc 
en  1724:  „  Je  crois  que  cet  ouvrage  fera  inflruftif  pour  le  fond  des  chofes, 
&  agréable  par  la  manière  dont  il  eft  écrit,,. 

Au  retour  de  fon  voyage  ,  M.  le  Gentil  s'attacha  m  cardinal  de  Rohan,  &  le 
Tome     I,  E  e 


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•218 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


fuivit  à  Rome  en  qualité  de  fecrétaire  d'Ambaflàde.  Il  a  aufli  publié  une- hiftoire 
du  Conclave. 

M.  le  Gendl ,  devenu  commiffaire-ordonnatcur  au  Cap ,  y  époufa  une  D-"^ 
Fo'jrnier.  Ce  lictérateur  eftimable  eft  more  à  Nantes  ,  vers  1740. 

On  doit  à  M.  Dureau  de  la  Malle,  autre  habitant  de  ce  quartier,  une 
traduction  eftimée  du  Traité  des  Bienfaits  de  Seneque. 

M.  Mofnereau ,  auffi  habitant  de  Limonade ,  a  donné  une  Defcription  de 
l'Indigo  &  de  fa  culture,  en  un  volume  in- 12. 

Limonade  a  eu  pour  curé  le  père  le  Pers ,  Jéfuite,  auteur  des  mémoires  fur 
lefquels  le  père  Charlcvoix,   fon  confrère  ,  a  écrit  l'Hiftoire  ce  Saint-Dom.ingue. 

Le  père  Archange  ,  mort  curé  à  Limonade ,  a  publié  un  grand  ouvrage  fur 
l'Aftronomie. 

Au  nombre  des  autres   hommes   qui  ont   honoré   ce   lieu  ,  on  doit  compter  : 

I*.  M.  Garnier,  auteur  de  la  famille  Tabary-Garnler  ,  dont  j'ai  déjà  parlé  plu- 
fieurs  fois.  Il  marcha  au  fiëge  de  Carthagène  à  la  tète  d'une  compagnie  de 
Limonade ,  oia  il  avait  M.  Louvet  pour  lieutenant  &  M,  Maurice  pour  enfeio-ne. 
Ses  heureufes  qualités  &  Ion  rare  courage  le  firent  choifir  pour  doyen  du  confel-1 
fupérieur  du  Cap  à  la  création  de  cette  cour,  lorfque  la  Colonie  avait  encore 
befoin  de  guerriers  jufques  dans  fes  magiftrats,  ^  que  les  traits  de  valeur  étaient 
un  titre  à  toutes  les  récompenfes. 

2°.  M.  Fournier  qui  marcha  auffi  au  fiège  de  Carthagène  &  qui  fut  choifi  pour 
confeiller  du  Confeil  du  Cap,  en  178 1.  Cet  habitant,  le  même  que  j'ai  nommé 
pages  1S9  &  212,  eft  peut-être  de  tous  les  colons  de  Saint-Domingue,  celui 
dont  la  fortune  a  été  la  plus  remarquable  ,  puifqu'il  laifla ,  à  Limonade  ,  une 
fucrerie  à  chacun  de  fes  trois  fils  &  à  chacune  de  fes  trois  filles. 

3°.  M.  Fournier  de  la  Chapelle,  fils  du  précédent ,  Créol  ,  mort  ancien  procu- 
reur-général du  Confeil  du  Cap  ,  avait  fait  réuffir  parfaitement  le  mûrier  blanc 
venu  d'Europe ,  fur  fon  habitation  de  Limonade  ,  (  oij  une  allée  de  palmiers  de 
près  de  mille  toifes  de  long  offre  un  fpeftacle  majeflueux  ).  Il  y  fema  auffi 
beaucoup  de  lilas  des  Indes  ou  Azedecock  dont  on  fait  des  chevrons  &  des  cercles 
paffables.  M.  de  la  Chapelle  avait  fait  ,  en  outre  ,  pour  amiéliorer  différens  fruits 
du  pays  ,  des  tentatives   très-heureufes  que  l'on  a  pas  été  jaloux  de  fuivre 


m 


d'imiter. 


M.  de  la  Chapelle  eft  le  premier  qui  ait  mis  en  pratique  rLnoculatlon  à  Saint- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       219 

Domingue,  d'une  manière  étendue  ;  il  inocula  fes  nègres  en  1767  &  eut  le  plus 
heureux  fuccès. 

4°.  L'eftime  générale  nomme  encore  M.  Fournier  de  Varennc  ,  petit-fils  de 
M.  Fournier,  auteur  de  plufieurs  mémoires  utiles  ,  de  la  Chambre  d'Agriculture 
du  Cap  dont  il  a  été  membre..  Citoyen  précieux  pour  un  pays  devenu  fa  patrie  à  l'âge 
de  dix-neuf  ans ,  il  avait  conçu  l'idée  d'une  Encyclopédie  coloniale,  mais  des 
devoirs  de  famille  l'ont  empêché  de  fuivre  ce  projet.  L'armée  elpagnole  can- 
tonnée à  Limonade  en  1782,  a  aiïèz  éprouvé  en  lui,  &  a  afTez  répété,  combien 
un  commandant  de  quartier  éclairé  &  chéri  peut  être  utile.  L'amour  filial  l'a 
ramené  après  ving£-fix  ans  dans  Saint  -  Malo ,  fa  ville  natale  ;  mais  Saint- 
Domingue  n'oubliera  jamais  fes  vertus  privées  &  publiques,  &  le  fervice  qu'il 
lui  a  rendu  en  l'enrichifTant  avec  M.  Duvernet,  habitant  du  Limbe,  du  bambou, 
dont  mille  ufages  font  l'éloge. 

Le  bambou  apporté  à  Saint-Domingue  avait  été  pris  fur  l'habitation  Roche- 
chouart  à  la  Martinique  où  il  était  connu  depuis  quelques  années.  On  l'embarqua 
fur  le  vailTeau  du  roi  l'Heftor  en  1759 ,  &  il  fut  planté  fur  l'habitation  Portelance 
près  l'embarcadère  de  la  Peiite-Anfe.  La  première  bouture  fut  remife  à  M.  de 
Varenne  ,  qui  la  mit  fur  l'habitation  Fournier  de  Bellevue  à  Limonade.  Les 
premiers  bambous  qu'elle  produifit ,  fournirent  les  chevrons  d'un  bac  à  vefou 
qui  a  duré  dix-fept  ans  ;  on  les  avait  employés  avant  leur  parfaite  maturité.  Com- 
bien il  cft  regrettable  que  l'infeéle  qui  détruit  le  bambou  à  Saint-Domingue  _, 
devienne  chaque  jour  plus  commun  ! 

M.  de  Varenne  a  auffi  tenté  de  naturalifer  le  peuplier  d'Italie  que  lui  avait 
envoyé  M.  le  Fer  de  Beauvais  de  Saint-Malo.  Cet  arbre  pouflTait  des  branches 
avec  force  ,  les  feuilles  étaient  plus  larges  &  d'un  vert  plus  foncé  qu'en  Europe  , 
mais  dès  que  les  tiges  avaient  atteint  dix  ou  douze  pieds  ,  elles  périflaient.  On  en 
planta,  fans  fuccès  ,  au  bas  de  Limonade  ,  à  Roucou  &  fur  l'habitation  Duplaa^ 
au  bas  du  Quartier-Morin. 

Le  fauleaauffi  affez  bien  réuffî  à  Limonade,  mais  les  branches  étaient  calTantes. 
Il  eft  vrai  qu'il  n'était  pas  près  de  l'eau ,  voifinage  qui  le  rendrait  peut-être  plus 
fo-uple  ;  au  reile  ,  on  peut  s'en  confoler ,  lorfqu'on  fait  que  l'ofier  ne  vaut  pas 
ks  lianes  dont  la  nature  eft  fi  prodigue  à  Saint-Domingue. 

M.  Fournier  de  Varenne  a  eu  auffi  l'avantage  de  pratiquer  l'inoculation  fur  fon 
habitation  à  Roucou ,  en  1772 ,  fgr  quatre-vingt  dix-huit  fujets  de  tout  âge.  Il  fie 

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DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


même  un  petit  catéchifme  d'inoculation  que  la  contagion  de  la  petite  vérole  rendit 
très-utile  j  dans  la  mê.Tie  année,  &  qui,  quoique  refté  manufcrit ,  devint  le  guide 
de  beaucoup  d'habitans. 

VIL 

Pa5.oisse     Saintje-Rose. 


I  i^^^^Br 


Lnp'Gpre-ment  appelée 
Paroisse     de     la     Grande-Rivière. 

Rien  n'eft  aufn  commun  à  Saint-Domingue  que  de  trouver  des  rivièrer 
défignées  fous  la  dénomination  de  Grande  rivière  ,  qui  ferait  déjà  vicieufe  ,  n'ex- 
prima-t-elle  qu'une  idée  de  comparaifon  ,  parce  qu'on  ne  fait  quel  en  eft  le  terme 
pofitif ,  mais  qui  l'eft  doublement  par  fa  multiplrciré.  A  combien  plus  forte  raifon 
doit-On  blâmer  l'ufage  qui  a  fait  adopter  le  nom  de  Grande-Rivière  pour  celui 
d'une  paroiffe  ,  furtout  en  abandonnant  le  nom  de  Sainte-Rofe  qu'elle  a  reçu  dès 
fon  origine.  Je  crois  donc  faire  une  chofe  conforme  à  la  rai'on  &  m'élever 
contre  un  abus  réel  des  mots ,  que  de  rétablir  l'appelation  primidve  de  cette 
paroiffe  ,  &  je  ne  dirai  jamais  que  la  paroiffe  Sainte-Rofe. 

Cette  paroiffe  eft,  pour  ainfi  dire,  formée  par  une  gorge  de  montao-nes  qui 
a  environ  fîx  lieues  de  profondeur  fur  à-peu-près  trois  lieues  dans  fa  plus  grande 
largeur.  Il  faut  donc  compter  Sainte-Rcfe  pour  une  paroiffe  de  plaine. 

Cette  paroiffe  a  au  Nord ,  d'abord  un  petit  point  de  la  paroiffe  du  Quartier- 
Morin  5  c'eft  celui  qui  eft  au  Nord  du  bourg  de  la  Tannerie  ;  puis  la  paroiffe 
de  Limonade ,  en  fuivant  la  Grande  rivière  &  allant  aux  mornes  du  Bois  de 
Lance ,  des  Bois-Blancs,  des  Côtelettes  &  à  la  crête  des  Giraumons  jufqu'au  N". 
43  des  limites  efpagnoles.  Là  ,  Sainte-Rofe  trouve  pour  limite  à  l'Eft  ,  le  terri- 
toire efpagnol  ,  en  fuivant  encore  le  cours  de  la  Grande  rivière  jufqu'au  corps- 
de-garde  efpagnol  du  Bahon  à  l'embouchure  de  ruiffeau  de  ce  nom ,  oij  eft  la 
pyramide  N°.  443  les  montagnes  de  Bahon  jufqu'au  corps-de-garde  de  la  Vallée 
ou  d«  Biail  (  qui  comme  celui  de  Bahon  a  un  fergent  &  quatre  hommes  ),  ce  qui 
ccmprend  les  pyramides  N°^-  45  ,  46  ,  47  ,  48  ,  49  &  50  des  Hmites.  •   - 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       221 

La  paroiiTe  Sainte-Rofe  eft  terminée  ,  au  Sud,  par  la  chaîne  de  la  Montagne- 
Noire  qui  h  répare  auffi  de  la  colonie  efpagnole  ;   &  par  la  prolongation  de  la  lîgne 
des  frontières  jufqu'à  la  pyramide  N^   97  ,  qui    eft  aux  fources   de  la  raWne 
Mathurin.    Enfin  la  paroiffe   Sainte-Rofe  a  pour  terme   à  l'Oueft  ,  d'abord  la 
paroifîe  du  Dondon  dont  elle  eft  féparée  par  le  prolongement  de  la  première 
chaîne  de  montagnes  partant  du  Cibao,  &  dont  un  embranchement  latéral  qui  vient 
former  la  crête  du  grand  Gilles  ,   fépare  la  paroiffe  Sainte-Rofe  de  la  paroifil:  de 
la  Petite-Anfe  jufqu'au  point  où  cette  crcte  prête  à  fe  terminer  proche  le  bourg 
_  de  la  Tannerie  ,  a  Sainte-Rofe  d'un  côté  ,    &  de  l'autre  une  petite  portion  de  la 
paroiffe  du  Quartier-Morin. 

^C'eft  au  milieu  du  fond  de  la  gorge  Sainte-Rofe  que  coule  la  Grande  rivière 
déjà  connue  du  Lefteur  par  la  defcription  de  la  paroiffe  de  Vallière  &  de  celle  de 
Limonade  ,&  que  les  Naturels  appelaient  Guaraot^ai.  Elle  traverfe  Sainte-Rofe 
qui  eft  fort  expofée  à  fes   débordemens  dans  toute  fa  partie  plane. 

C'eft  dans  cette  partie,  à  environ  2,000  toifes  du  bourg  delà  Tannerie, 
qu'eft  l'églife  de  Sainte-Rofe.  Elle  eft  de  bois  &  mal  bâtie.  Le  preftjitère  eft  de 
maçonnerie  &  commode.  Quelques  cafés  réunies  autour  de  cette  églile  forment 
une  erptce  de  bourg  ,  habité  par  une  quarantaine  d'individus.  C'eft  le  lieu  du 
marché  &  du  raffemblement  des  milices  de  la  paroiffe  pour  paffer  Its  revues. 
Sainte-Rofe  a  fait  partie  de  la  paroiffe  du  Quartier-Morin  jufqu'en  171a ,  qu'eile- 
ir.ême  fut  érigée  en  paroiffe,  &  jufqu'au  mois^de  Décembre  1749  ,  leurs  milices 
ne  formaient  qu'une  feule  compagnie. 

Ce  lieu  était  originairement  célèbre  par  l'indigo  &  furtout  par  le  tabac  qu'il 
produifaitj,  &  le  fuccès  de  la  culture  de  ces  deux  plantes  avait  beaucoup  accru  h 
nombre  des  habitans  ,  lorfqu'un  affreux  débordement  vint  prefque  l'anéantir^ 
le  18  Oftobre  1722.  Les  eaux  parvinrentà  une  fi  prodigieufe  hauteur,  eue  tour 
4'intervalie  de  l'un  des  côtés  de  la  gorge  jufqu'à  l'autre,  devint  le  lit  de  la  rivière- 
demeures  ,  hommes  ,  animaux ,  uftenfiles  ,  meubles  ,  tout  fut  emporté  ;  ce  défaftrc 
ayant  duré  pendant  vingt-quatre  heures  ,  il  y  eut  près  de  deux  cens  perfonnes 
noyées.  Arrivée  dans  la  plaine  ,  la  rivière  y  continua  fes  ravages,  &  Limonade  , 
le  Quartier-Morin  &  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  eurent  leur  part  du  malheur.' 
Ceux  des  habitans  de  Sainte-Rofe  qui  échappèrent  aux  eaux  ,  reftêrent  fans 
vêtemens,  fans  fubfiftance ,  fans  abri.  Des  aumônes  confidérables  ,  des 
quêtes  multipliées  ,  morvtrèrent  bien  l'intérêt  des  laabitans  de  la  dépendance  du 


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222      DESCRIPTION     DE     L  A     P  A  R  T  I  E 

Xap  pour  ces  Infortunés  ,  mais  elles  n'égalèrent  pas  les  pertes.  Plufieurs  Colons 
furent  obligés  d'abandonner  leurs  terres  où  la  rivière  avait  laifle  du  galet  au  lieu 
d'un  fol  cultivable  ;  d'autres  parce  qu'ils  avaient  perdu  ,  avec  leurs  nègres  ,  tous 
leurs  moyen*  de  culture. 

Ce  changement  fubit  dans  la  fortune  d'une  foule  de  citoyens ,  offrait  un  con- 
trafte  d'autant  plus  frappant  que  les  colons  de  Sainte-Rofe  étaient  renommés  par 
leur  amour  pour  une  vie  pleine  de  jouiffances.  Des  confciences  d'autant  plus 
émues  que  la  déiolation  était  encore  récente  ,  fe  rappelèrent  que  le  père  Méric  , 
Jéfuite  ,  curé  de  cette  paroiffe  ,  le  même  qui ,  faintement  indigné  de  la  conduite 
de  fes  paroiffiens ,  s'était  écrié  lors  d'un  panégirique  de  la  patrone  ,  "  Sainte-Rofe 
j,  de  Lima  ,  morte  vierge  ,  quoique  créole  !  „  avait  encore  tonné  contre  les  plaifirs 
mondains  ,  huit  jours  avant  le  débordement  &  avait  fini  par  dire  que  dans  peu 
le  Seigneur  ferait  fcntir  qu'on  ne  l'outrageait  pas  impunément. 

Beaucoup  de  ravines  fe  déchargent  dans  la  Grande  rivière  ,  fur  le  territoire 
de  Sainte-Rofe.  Les  principales  font  celles  à  Picaut  ,  qui  defcend  du  Fond-Bleu; 
cû\t  àMarion,  qui  vient  de  l'efpagnol ;  celle  de  Gambade,  qui  fort  de  la 
Montagne  -  Noire ,  &  celles  du  Joli  -  Trou  &  du  Fond  -  Chevalier  ,  qui 
prennent  leur  fource  l'une  à  la  Montagne-Noire ,  &.  l'autre  aux  Bois-Rouges. 
Une  autre  ravine  apporte  un  tribut  confidérable  ;  elle  s'appelle  Caracol,  defcend 
du  canton  des  Écreviffes  qui  eft  de  la  paroiffe  du  Trou  ,  &  forme  un  faut  affez 
curieux.  Quatre  cafcades  d'environ  vingt-cinq  pieds  de  largeur,  &  dont  la  hauteur 
varie  depuis  huit  jufqu'à  quinze  pieds  ,  tombent  fucceffivement  dans  des  baffins  de 
vino-t  pieds  de  large  ,  très-profonds  &  très-poiffonneux ,  dont  le  dernier  eft 
terminé  par  une  vafte  plate-forme  de  pierres.  Quatre  autres  cafcades  furmontent 
les  autres  ,  mais  tombant  verticalement  &  étant  bordées  de  rochers  inacceffibles, 
elks  ne  peuvent  être  mefurées  que  de  l'œil,  qui  juge  qu'elles  font  moins  larges 
que  les  autres  ,  &  qui  fait  paffer  dans  l'ame  l'impreffion  majeftueufe  produite  par 
ce  fite  environné  d'arbres  épais. 

On  ne  doit  donc  pas  s'étonner  que  les  inondations  foient  fréquentes  â  Sainte- 
Rofe,  où  l'on  parle  furtoutde  celles  de  1722  &  de  1754,  de  celle  de  1772  qui 
emporta  des  maifons  placées  à  deux  cens  toifes  de  fes  rives,  &  enfin  de  celle  du 
18   Oélobre    1780,  qu'on  croit  avoir  furpaffé  de  toutes  celles   qui   l'ont   pré- 


cédée. 


La  paroiffe  Sainte-Rofe  compte  trois  fucrerics ,  dont  une  ne  fait  que  du  fucre 


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FRANÇAISE    DE    SAINT  =  D0  MI  NGUE.       223 
brut,  329  cafeteries,  2  hattes ,  un  entrepôt,  3   indigoteries ,  une  cotonnerie 
une  cacaotiêre  &  67  places  à  vivres.  Le  terrain  ne  jouit  pas  en  général  d'une' 
haute  réputation  ;  dans  quelques  lieux  c'eft  une  terre  fort  légère  j  dans  d'autres 
lafurface  touche  prefque  à  une  efpèce  de  tuf  argileux,  furtout  lorfqu'on  approche 
du   fommet  des   montagnes.    Il   faut   cependant   excepter   ies   hauteurs    de   la 
Montagne-Noire  &  du  Joli-Trou /où  il   fe  trouve  des  parties  très-fertiles. 
Cependant  la   culture  des  vivres  donne  ,  dans  cette  paroilTe ,  des  produits  fi 
.  abondans ,  que  plufieurs  fucreries  de  la  plaine  y   ont  ce  qu'on  nomme  de  petites 
f  laces  ,  d'où  elles  tirent  tous  ceux  qui  leur  font  néceffaires  ,  &  que  ,  dans  des  tems 
de  difette  ,  le  Fort-Dauphin  lui-même  y  trouve  de  quoi  faire  fubfifter  fes  ateliers 
par  le  fecours  des  bananes  &  de  la  caflave. 

Comme  tous  les  autres  lieux  de  la  Colonie  ,  Sainte-Rofe  eft  fubdivifée  en 
cantons,  qui  ont  chacun  leur  dénomination  particulière.  En  fuivant  le  cours  de 
la  Grande  rivière  ,  lorfqu'on  entre  dans  cette  paroifle  par  le  bourg  de  la 
Tannerie  ,  on  les  trouve  dans  l'ordre  où  je  vais  les  nommer. 

Ri'oe  gauche. 

La  Tannerie , 
La  Petite  Guinée. 
Le  Grand  Gilles. 

Les  Crêtes  du  Dondon. 

Le  Camp  (  de  Eiros  ). 

Le  Gj-and  Cormier. 

Le  Petit  Cormier. 

Le  Bourg. 

lia  Grande  Guinée. 

Le  vieux  Canton  des  Allemands. 

Le  Fond  Chevalier. 

Le  Bois  Rouge. 

Le  Piton  de  Roche. 

Le  Joli-Trou. 

La  Belle  Crête. 

La  Ravine  à  Gambade. 

La  Crête  à  Gauthier. 

La  Montagne  Noire. 

Bellevue. 

La  Ravine  à  Trianon  ou  à  Pariften. 

La  Ravine  des  Bananiers. 

La  Ravine  de  h  Banque. 

Bahon. 

Le  Canton  des  Allemands. 

Le  Bay. 

Il  n'eft  prefque  aucun  de  ces  noms  dont  on  ne  trouve  T'étymologie  dans 
celui  d'un  habitant ,  dans  la  nature  du  fol  ou  des  produdions ,  ou  dans  la  fonr.e 
du  lieu.  , 


Ri've  droite, 

L'Acul  de  Deux. 

Le  Gros  nez. 

Partie  de  la  ravine  à  Fourmy  ou  à  Goyard, 

Les  Epineux. 

Caracol. 

Le  Fourq  de  Caracol. 

Les  Perroquets. 

La  Ravine  des  Roches. 

Les  Giraumons. 

Le  Bois  àf.  Pins. 

Lts  Genypayers. 

Les  Petites  Mares. 

Les  Crêtes  à  Marcan, 

Les  Crêtes  Plates, 

Le  Picaut. 


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a.24       D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N     D  E    L  A     P  A  R  T  I  E 

Les  chemins  de  Sainte-Rofe  font  afîez  beaux  pour  toutes  fortes  de  voitures. 
&  l'on  peut  s'enfoncer  en  chaiies  jufqu'à  quacre  lieu.s  dans  la- gorge  ,  mais  c'e. 
avec  rinconvénient  d'y  palier  fept  fois  la  Grande  nviére.  On  peut  cependant 
aller  d'un  bout  à  l'autre  de  la  paroiffe  fan.  traverfer  cette  rivière,  mais  ce 
cloemin  n'eO-  praticable  qu'à  cheval  Se  pour  des  animaux  de  charge. 

La  temp^ature  eft  douce  à  Sainte-Rofe  &  a,ê:ue  fur  le  haut  de  la  Montagne- 
Noire  on  a  vu  le  thermomètre  à  9  degrés  au-dcffus  de  glace  pendant  la  nuit.  Les 
plus  beaux  légumes  ,  de  fuperbes  fleurs  &  de  larges  artichaux  croiiTe.nt  fur  cette 
montagne  ,  où  plus  d'un  habitant  de  la  ville  du  Cap  &  même  de  la  plaine ,  a 
recouvré  la  lanté  qu'il  était  ailé  chercher  dans  ce  climat  dont  le  troid  femble 
piquant  par  fon  contrafte  avec  les  chaleurs  des  tropiques. 

On  évaluait  à  quatre-vingt-dix  pouces  ,  Teau  que  ka  pluies  donnaient  annuel- 
lement à  S-nte-Ro!e.  Mais  Saint-Domingue  devient  chaque  jour  plus  fec  ,  & 
même  depuis  quelques  années  ,  on  ne  p.uc  guères  compter  que  les  deux  tiers  de 
cette  q^iantité.  Les  Nords  &  les  orages  font  pleuvoir,  mais  ces  derniers  y  exercent 
une  plus  grande  libéraUté ,  puifque  les  fix  mois  pluvieux  font  comptés 
d'ordinaire  de  Juin  à  Novembre,  &  qu'ils  donnent  les  A  des  jours  de  pluie  &  les 
±  de  la  quantité  d'eau  de  l'année.  Le  chmat  de  Sainte-Rofe  eft  affez  favorable 
à  fes  habitans ,  pour  qu'on  y  vcye  beaucoup  de  fexagénaires.  C'eft  de  tous  les 
endroits  de  la  Colonie  ,  celui  qui  a  montré  le  plus  de  centenaires. 

Parmi  eux,   l'on  doit  citer  le  Capitaine  Vincent  OlUvier,  nègre  hbre,  quia 
été  inhumé  dans  cette  paroiffe  ,  le  14  Mars  1780  ,  âgé  d'environ  cent  vingt  ans. 
Vincent ,  qui  était  efclave  ,  fmvit  M.  Olhvier  fon  maître  ,  en  1697  ,  au  fiège  de 
Carthagène.   Comme  il  en  revenait  fur   un   bâtiment   de   tranfport  ,  il  fut   fait 
prifcinnîer  &  mené  en  Europe  où  les  Hollandais  le  rachetèrent  avec  feize  autres  , 
qui  furent  tous  envoyés  en  France.  Vincent   qui  frappait  par  fa  haute  ftature , 
fut  préfenté  à  Louis  XIV.   Ayant  pris  de  la  paffion  pour  la  vie  militaire,  Vincent 
alla  faire  les  guerres  d'Allemagne  fous  Villars,  &  à  fon  retour  à  Saint-Domingue, 
M.  le  marquis  de  Chateau-Morand  ,   alors  gouverneur-général ,  le  nomma,  en 
1716  ,  capitaine-général  de  toutes  les  milices  de  couleur  de  la  dépendance  du 
Cap ,  d'où  lui  était  venu  le  nom  de   Capitaine   Vincent  fous  lequel  feul  ,  il  était 
connu  &  qu'on  lui  donnait  lors  même  qu'on  lui  adreiïait  la  parole.   La  conduite 
de  Vincent  &  les  vertus  qui  étaient  parvenues  à  rendre  le  préjugé  muet,  lui  obtin- 
rent l'épée  du  roi  avec  laquelle  il  fe  montrait  toujours  ,  ainfi  qu'avec  un  plumet, 

Vincent 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMÏNGUE.       225 

Vincent  était  admis  partout  ;  on  le  vit  à  la  table  de  M.  le  Comte  d'Argout , 
gouverneur-général ,  affis  à  fes  côtés  &  moins  enorgueilli  de  cette  marque  d'une, 
infigne  prédiledion ,  que  celui  qui  la  lui  avait  accordée.  Il  donnait  à  tous  les 
hommes  de  fa  clafle  un  exemple  précieux,  &  Ton  âge  Se  une  mémoire  extrême- 
ment fidelle  le  rendaient  toujours  intéreiïant. 

Je  l'ai  vu  dans  l'année  qui  précéda  fa  mort,  rappelant  fes  antiques  prouefîes 
aux  hommes  de  couleur  qu'on  enrôlait  pour  l'expédition  de  Savannah,  & 
montrant ,  dans  fes  defcendans  qui  s'étaient  offerts  des  premiers ,  qu'il  avait 
tranfmis  fa  vaillance.  Vincent,  le  bon  capitaine  Vincent,  avait  une  figure 
heureufe ,  &  dans  le  contrafte  de  fa  peau  noire  Se  de  fes  cheveux  blancs ,  fc 
trouvait  un  effet  qui  commandait  le  refpeft.  Aimé  de  tous  tant  qu'il  vécut , 
content  de  fon  humble  fortune  dans  la  polfelfion  d'une  habitation  au  canton  des 
Bois-Blancs ,  &  dans  la  jouiffance  d'une  penfion  de  600  liv.  que  MM.  d'Ennery 
&  de  Vaivrc  lui  avaient  accordée,  le  8  Juillet  1776,  fur  le  tréfor  public  j  ce 
vénérable  viellard  a  emporté  à  fa   mort  des  regrets   univerfels. 

Le  16  Janvier  1780  ,  on  a  vu  mourir,  à  Sainte-Rofe,  Nanette  ,  négrelTe  libre  , 
âgée  de  quatre-vingt-dix  ans. 

Le  14  Mai,  Hélène  Defle  ,  veuve  en  premières  noces  de  Richard  Boutinot, 
en  fécondes  de  Mathurin  Lamare  ,  &  en  troifièmes  de  Pierre  le  Grand , 
demeurant  au  canton  du  Joli-Trou  ,  âgée  de  cent  ans. 

Le  29  Décembre ,  Catherine ,  négrcffe  libre ,  de  nation  Timbou ,  à  quatre- 
vingt-dix  ans* 

Le  28  Mars  178 1 ,  Marie- Jeanne  ,  négreife  libre  ,  du  canton  du  Joli-Trou  j 
'kgi^  àt  qnatre-vingt-dix  diTiS. 

Le  3 1  Mai ,  Jeanne ,  négreife  libre ,  à  cent  ans. 

Le  5  Septembre,  Pierre  Télémaque  ,  affranchi  par  M.  Legendre  ,  l  quatre- 
vingt-dix  ans. 

Le  18  Novembre  ,  Marie  Magdelaine  ,  négreflè  libre  ,  Arada,  à  cent  ans. 

Le  14  Février  1782,  Catherine  Rouffeau ,  négrcffe  libre,  veuve  de  Julien 
Vital ,  à  quatre-vingt-quinze  ans. 

Sainte-Rofe  a  encore  perdu  depuis  une  blanche  de  cent  trais  ans  ,  &  il  y  a  peu 
de,  tems  qu'une  autre,  plus  que •«■«/,?««îV^  ,  exiftait  encore. 

Enfin  le  premier  Septembre  1786,  eft  mort  René  Agion,  nègre  libre,  à 
■cent  dix  ans.. 

Tojne     I.  'P  £ 


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226      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE. 

On  remarque  aufiî  dans  cette  paroiffe ,  que  les  terrains  de  la  partie  Occidentale 
font  prefque  les  feuls  qui  ayent  des  pierres  calcaires  ,  &  que  prefque  tous  ceux 
de  l'Orient  font  garnis  de  pierres  vitrifîables.  On  avait  prétendu  qu'il  exiftait 
une  ardoifière  dans  la  paroiflcj   mais  ce  fait  ne  s'eft  point  vérifié. 

La  population  de  Sainte-Rofe  eft  de  650  blancs,  950  affranchis  &  9,500 
efclaves.  Des  1,600  libres ,  500  font  portant  armes.  Les  milices  de  cette  paroifTe 
fourniiTent ,  durant  îa  guerre  ,  leur  contingent  au  fervice  des  corps-de-garde  de 
Caracol,  de  Limonade  &  du  grand  carénage  du  Quartier-Morin. 

En  général  ,  les  habitans  de  Sainte-Rofe  ,  fans  être  tous  riches ,  font  très- 
occu  es  de  fe  procurer  toutes  les  jouiffances  d'une  vie  que  des  moraliftes 
févèrés  pourraient  trouver  un  peu  épicurienne ,  &  la  fête  de  la  paroiffe  eft 
célèbre  par  les  amufemens  dont  elle  eft  l'occafion.  On  y  aime  la  bonne  chère 
&  le  jeu.  11  eft  fâcheux  que  ce  goût  de  diffipation  n'ait  pas  banni  un  efprit  de 
fufceptibihté  ,  qui  rend  les  combats  finguliers  fort  communs  ,  dans  un  lieu  où 
tout  le  monde  devrait  fcntir  que  la  concorde  eft  le  premier  affaifonnement  du 
plaifir.  Cette  humeur  irritable  &  le  foin  de  contenir  un  grand  nombre  de  gens 
de  couleur ,  ont  rendu  difficiles  les  fondions  du  commandant  des  milices  de 
cette  paroiffe ,  auquel  l'heureux  talent  de  conciliateur  eft  néceuaire  ,  talent  qui 
n'exclut  pas  le  befoin  de  fermeté. 

La  réputation  de  falubrité  dont  jouit  la  paroiffe  Sainte-Rofe  ,  avait  déterminé 
à  y  faire  cantonner ,  en  17 19,  deux  compagnies  des  troupes  détachées  de  la 
marine ,  &  ce  territoire  a  eu  d'autres  cantonnemens  ,  mais  par  d'autres  motifs^ 

Toutes  les  perfonnes  qui  ont  examiné  Saint-Domingue  militairement ,  fe  font 
accordées  à  regarder  Sainte-Rofe  comme  le  premier  point  d'une  retraite  intérieure 
éans  la  Partie  du  Nord ,  &  comme  importante  à  caufe  de  la  nature  de  fes 
communications  avec  le  Dondon  y  par  des  gorges  qui  s'ouvrent  dans  le  territoire 
de  Sainte-Rofe.  M.  de  Belzunce  3  arrivé  à  Saint-Domingue  dans  des  circonf- 
tances  où  l'on  devait  regarder  cette  Colonie  comme  très-menacée  ,.  &  avec  la 
miffion  difficile  de  la  conferver  au  pouvoir  de  la  France ,  ne  laiffa  pas  Sainte- 
Rofe  &  le  Dondon  fans  fonger  à  leur  utilité.  Sachant  que  fous  le  miniftère  de 
M.  de  Maurepas ,  M,  le  Maréchal  de  Noailies  avait  été  fort  occupé  de  l'idée 
d'établir  une  place  forte  au  Dondon ,  &  croyant  que  la  confervation  des  troupes 
•venues  avec  lui  exigeait  une  mefure  avec  laquelle  s'alliait  fon  fyftême  défenfif 
et  la  Colonie ,  il  fit  former  des  camps  à  Sainte-Rofe   &  au  Dondon.   Des 


— ^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 

baraques  furent  placées ,  notamment  au  bas  de  la  gorge  du  Grand-Gilles     à 
demi-lieue  du  bourg  de  la  Tannerie,  près  de  l'habitation  Fontenelle •  ce  cam^ 
qui  avait  devant  lui  un  ancien  lit  de  la  Grande  rivière,  fe  nommait  le  camp  Birof 
De  ce  camp,  la  communication  avec  le  Dondon  fe  divife  en  deux  branches" 
Celle  de  la  droite,  pafTe  par  la  gorge  du  Grand-Gilles  qui  a  une  lieue  de  lono-  ' 
fur  cinq  cens  toifes  dans  fa  plus  grande  largeur,  mais  qui  fe  rétrécit  dans  plu- 
fieurs  points  &  tellement  dans  un  ,  que  les  deux  cotés  des  montagnes  ne  laifTent 
entr'cux  que  l'intervalle  du  chemin.  Il  n'y  a  que  deux  lieues  du  camp  Biros 
au  bourg  du  Dondon. 

La  communication  de  la  gauche  efl  par  la  gorge  de  Sainte-Rofe  même  On  y 
traverfe  un  ancien  lit  de  la  Grande  rivière  dans  quatre  points.  D'abord  deux  fois 
fur  le  terrain  Fontenelle  ,  puis  à  cent  cinquante  toifes  de  l'églife  de  Sainte-Rofe 
&  plus  loin  encore.  Le  chemin  continue  enfuite  près  de  l'habitation  Grand- Jean 
&  va  fe  joindre  à  la  gorge  du  Joli-Trou  qui  eft  à  une  demi-licue  au-deflus  de 
l'églife. 

Cette  gorge  du  Joli-Trou  a  une  lieue  de  long  fur  un  quart  de  lieue  de  large 
dans  fa  plus  grande  largeur  ,    comptée  du  pied  d'une  montagne  à  l'autre    A 
environ  un  tiers  de  fon  étendue  ,  elle  fe  divifc  en  deux  branches.  La  première 
traverfe  plufieurs  fois  la  ravine  du  Joli -Trou  &  la  féconde  eft  ce  qu'on  appelé  le 
Fond  Chevalier.  Ces  deux  branches  fe  réunilTent  dans  leur  plus  grande  profondeur   • 
où  eft  la  jonaion  des  chemins  des  deux  petites  gorges.    Mais  de  là  ce  chemin  fe 
partage  encore  en  deux.  L'un  monte  la  Belle-Crête  &  la  traverfe  pour  arriver  an 
bois  de  la  Porte  jufqu'à  la  limite  efpagnole  qui  eft  à  environ  quatre  lienes  de 
l'églife  Sainte  -  Rofe  ;  l'autre  après  avoir  pafle  les  Bois-Rouges  ,  parvient  au 
Dondon  ,  proche  l'églife  de  ce  lieu  qui ,  foit  par  la  communication  de  la  droite , 
foit  par  celle  de  la  gauche ,   fe  trouve  à  environ  trois  lieues  de  celle  de  Sainte- 
Rofe. 

Entre  l'églife  de  Sainte-Rofe  &  l'habitation  Grand- Jean,  il  y  a  encore  une 
communication  avec  le  Dondon.  A  une  palTe  de  la  ravine  des  Cormiers ,  le 
chemin  fe  divife  en  deux ,  la  fourche  de  la  gauche  va  joindre  le  chemin  du  Dondon 
à  l'habitation  la  Bretonnière ,  fituée  à  une  petite  lieue  du  bourg  du  Dondon ,  & 
celle  de  la  droite  va  trouver  le  même  chemin  à  l'habitation  Dupuy ,  au  fommec 
de  la  gorge  du  Grand-Gilles  &  à  environ  mille  toifes  au-deiTous  de  i'habitatioa 
la  Bretonnière, 

Ff  2 


-2«         ï)  E 


SCRÏPTION    DE    LA    PARTIE 


-    Ce  flit  encore  à  la  même  époque  du  mois  de  Mai  1762  ,  que  le  chemin  de  la 

gorcrc  du  Grand-Gilles  fot  rendu  praticable  aux  voitures  pour  le  tranfporc  des 
approvifionnemens ,  des  munitions ,   &c  ,  depuis  la  Tannerie  jufqu'au  haut  de 
cette  gorge.  On  fentit  bien  dès-lors  que  dans  des  montagnes  où  il  fallait  couper 
&  remuer  des  terres  pour  combler  des  points  bas  ,  on  obtiendrait  diiEcllement 
un  chemin  fohde  &  durable  ,  on  était  même  très-enclin  à  lui  en  préférer  un  par 
le  Bonnet  qui  ,   quoique  plus  long  ,  à  la  vérité  ,  était  plus  utile  à  la  plame  du 
Cap  &  à  la  partie  montagneufe  même;   mais  il  fallait  pour  cette   route   90,000 
iournées  d'ouvriers  lorfque  l'autre  n'en  exigeait  que  27,000 ,  &  cette  dernière 
confidération  l'emporta.    La  paix  arrivée    en  1763  ,  &  le  défaut  d'entretien  ont 
ramené  k  chemin  du  Grand-Gilles  à  ce  qu'il  était  auparavant,  &  ils  n'ont  laiffé  du 
camp  Biros ,   conftruit  pour  recevoir   trois  bataillons  ,  avec   magafms ,  hôpi- 
taux   &  autres  établiffemens ,   que  le  fouvenir  de  ce  que  des  corvées  énormes 

ont  coûté  aux  habitans. 

Cependant  ces  conftruftions  fervirent ,  au  mois  de  Novembre  &  de  Décembre 
1764,  à  recevoir  environ  huit  cents  Allemands  &  Acadiens.  Le  tréfor  public 
acheti  du  terrain  pour  leur  procurer  les  moyens  de  fubfifter.  Chaque  famille 
avait,  au  mois  de  Janvier  1765  .  Ta  cabane  ,  &  quatre  carreaux  de  terre  avec  un 
petit  jardin  enfemencé.  Le  21  Décembre  fuivant,  on  fit  partir  pour  le  Mole  le^ 
•  cent  foixante  &  onze  individus  qui  reliaient ,  tout  le  refte  était  mort.  Ces  mal- 
heureux Allemands  faifaient  partie  de  ceux  immolés  par  milliers  dans  l'entrepnfe 
mal  combinée  de  Cayenne.  Et  on  a  déjà  befoin,  vingt-quatre  ans  après,  d'expli- 
quer comment  des  cantons  de  Sainte-Rofe  ont  reçu  leur  nomde  latranfplantation 
de  colons  très-exotiques  pour  le  climat  de  Saint-Domingue. 

A  la  guerre  de  1778  ,  Sainte-Rofe  avait  repris  un  peu  de  l'exiftence  qui  tient 
i  fa  pofition  militaire.  On  y  fit  conftruire  une  batterie  &  un  retranchement  dans 
le  plus  étroit  du  chemin  au  Sud  du  bourg  de  la  Tannerie  &  plus  loin  des  magafms, 
des  feurs  &  une  poudrière  pour  recevoir  les  munitions  de  tout  genre  ,  d'abord 
entr-epofées  dans  les  bâtimens  de  la  fucrerie  Fontenelle. 

La  pofition  géographique  de  la  paroiffe  Sainte-Rofe,  les  difficultés  que  la 
Grande  rivière  oppofent  quelquefois  a  la  communication  de  certaines  parties  aveo 
d'autres ,  &  ,  par  exemple  ,  celle  du  canton  de  Bahon  avec  l'églifc  dont  elle  eft 
éloignée  de  quatre  lieues,  ont  été  caufe"  qu'on  a  formé  à  Bahon  ,  un  cimetière 
pour  faire  les  inhumations  ,  lorfqu'on  ne  pourrait  pas  aller  à  la  paroiflè.   Ce  parti 


"*■■••■ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ii^ 

en  quelque  forte  ,  forcé  dans  un  pays  où  la  putréfadion  des  corps  eft  très- rapide  , 
aurait  dû  être  accompagné  de  la  précaution  de  faire  attefter  ces  inhumations  fur 
les  regiftres  paroiffiaux,  mais  elle  a  été  négligée  &  ce  n'a  été  qu'après  en  avoir 
été  averti  par  des  circonftances  particulières  que  le  Confeil  du  Cap,  par  arrêt  du 
aô  Oftobre  17SS  ,  a  prefcrit  la  recherche  de  toutes  les  fépultures  antérieures  & 
a  commis  un  habitant  notable  pour  exercer ,  à  l'avenir,  une  efpèce  de  vicariat 
dont  la  principale  fondion  eft  de  conftater  ,  dans  une  forme  probante  ,  quels 
font  les  individus  qu'on  enterre  à  Bahon  ,  afin  de  conferver  des  preuves  utiles  à 
l'état  civil  des  citoyens. 

La  paroiffe  Sainte-Rofe  a  été  la  première  de  la  Partie  du  Nord  ,  où  l'on  a  vu 
Se  naturalifer  des  abeilles  tirées  de  la  Partie  Efpagnole  quijes  tenait  de  la  Havane. 
M.  Brûlé  ,  habitant  au  Joli-Trou ,  s'étant  occupé  de  l'éducation  de  ce  laborieux 
infeae  ,  il  y  a  trouvé  une  utilité  réelle  ,  puifqu'avant  1783  ,  il  vendait  la  pinte 
de  miel  une  gourde.   Cette  valeur   avait  déjà  décru  de  moitié  en  1788, 


Le  bourg  de  Sainte-Rofe  eft  à 

6  lieues  du  Cap. 

3  i/z    de  l'Églife  de  la  Petite-Anfe. 

.  __ du  Quartier-Morin. 


3   lieues  de  l'Églife  de  Limonade, 
3  — du  Dondon. 


Une  lif^ne  tirée  Nord  &  Sud  de  l'Églife  de  Sainte-Rofe ,  irait  aboutir  à  la 
mer  ,  dan°  l'Eft  de  l'embouchure  de  la  Petite  rivière  du  Quartier-Morin  &  à 
environ  cinq  lieues  de  cette  églife. 

Sainte-Rofe  eft  du  quartier  de  Limonade  &  du  commandement  Se  de  la  Séné- 

chauffée  du  Cap; 

Il  y  avait ,  en  17 17  ,  un  chemin  du  Cap  à  Léogane  qui  paflait  par  la  gorge  de 
Sainte-Rofe ,  le  Joli-Trou  &  le  territoire  efpagnol   qu'on  parcourait  jufqU'au 

Mirebalais. 

On  trouve  dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences 
&  Arts  du  Cap  ,  une  analyfe  qui  annonce  que  la  paroifîe  Sainte-Rofe  renferme 
au  canton  de  là  Montagne-Noire , Jf^r  l'habitation  Cameron,  une  eau  minérale 

ferruginéufe» 

C'eft  encore  dans  cette  paroiffe,  fur  l'habitation  Gouvion ,  qu'une  mule  a  donné 
k  30  Mars  1788  ,  un  fœtus  qui  a  été  envoyé  à  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du 
C|ap  ,.  âinfique  le  procès-verbal  qui  conftatait  ce  fait. 


>i 


230        DESCRIPTION     DE     LAPARTIE 

La  paroifîc  Sainte-Rofe  a  pour  fa  police  ,  un  fubftitut  du  procureur  du  roi  de 
la  SénéchaufTée  du  Cap,  &  en  outre  un  exempt  &  quatre  archers  de  Maré- 
chauffée. 


«>"<I»-<ll'-<ll'  *>  *i'<lP  <>  *i.<lP  4!i  4li^ii 


VIII. 


Paroisse   Saint -Louis  du  Morin, 
Du  ^artier-Morin  ou  du  Trou  ds  Charles  Marin. 

Cette  paroiffe  eft  une  de  celles  qui  donnent  encore  lieu  de  critiquer  la 
nomenclature  coloniale  ,  non  pas  cette  fois  pour  avoir  multiplié  certaines  déno- 
minations,  mais  pour  en  avoir  donné  plufieurs  au  même  lieu,  ce  qui  eft 
également  propre  à  égarer.  Il  eft  très-facile  en  effet ,  que  celui  qui  entend  parler 
du  Quartier-Morin  ou  qui  lit  ce  mot  dans  un  ade,  n'en  foupçonne  pas  l'indentité 
avec  ceux  de  Saint-Louis  &  de  Trou  de  Charles-Morin ,  &  qu'il  croye  aufli 
qu'il  exprime  ce  qu'on  entend  ordinairement  à  Saint-Domingue  par  panier, 
&  non  pas  une  feule  paroifîe. 

La  paroiffe  du  Quartier-Morin,  pour  me  fervir  du  premier  nom  français 
qu'elle  ait  eu  &  qui  a  tellement  prévalu ,  qu'il  n'eft  pas  permis  d'efpérer  qu'on 
veuille  l'abandonner ,  faifait  originairement  partie  de  celle  de  la  Petite-Anfe 
&  en  fut  féparée  peu  d'années  après ,  quoiqu'elle  ne  foit  devenue  que  le  2  Février 
1700  la  paroiffe  Saint- Louis ,  du  nom  de  fon  patron  aéluel.  Elle  renfermait 
encore  à  cette  dernière  époque  tout  ce  qui  était  entr'elle  &  la  limite  efpagnole 
à  l'Eft,  en  y  comprenant  même  la  gorge  où  eft  la  paroiffe  Sainte-Rofe.  Tout 
le  monde  fait  que  la  formation  d'une  paroiffe  eft  toujours  poftérieure  à  celle 
des  établiffemens  qui  lui  donnent  naiffance  ;  parmi  ceux-ci,  s'en  trouvait  un 
ou  plus  confidérable  ou  plus  ancien  que  les  autres ,  qui  appelé  du  nom  de  fon 
propriétaire ,  fervait  à  défigner  un  canton  dépendant  alors  de  la  paroiffe  da  la 
Petite-Anfe.  On  difait  donc  le  Morin  ,  le  ^.artier  de  Morin,  le  Trou  de  Charles 
Morm,  parce  que  ce  Colon  était  dans  un  endroit  où  la  Grande  rivière  qui 
vaguait  encore  dans  la  plaine ,  avait  laiffé  des  flaques  d'eau.  L'églife  placée  dans 
fon  voifinage  était  bien  l'églife  Saint-Louis ,  mais  cette  dénomination  nouvelle 
ayant  à  combattre  l'habitude  de  l'ancienne  ,  on  continuait  à  dire  le  Morin  en 


FR  A  NÇ  AISE  DE  SAINT-DOMINGUE.       ^ji 

parlant,  quoique  dans  les  ades  on  écrivîc  Saint-Louis ,  &  enfin  aujourd'hui  & 
depuis  long-tems,  on  ne  dit  &  l'on  n'écrit  prefque  plus  que  S^u.artïer-Morïn  f*) 
C'eft  à  cette  paroifle  que  le  nom  de  paroifTe  de   plaine   convient  parfaite 
mentî  car  on  peut  dire  que  tout  Ton  territoire  efl  plane.    Elle  a  pour  limites  au 
Nord  la  mer;  à  l'Eft  la  paroifTe  de  Limonade  ,  dont  elle  eft  féparée  par  la  Grande 
rivière,  depuis  Ton  embouchure  jufqu'à  environ  400  toifes  au-deffous  du  boure 
delà  Tannerie  j  au  Sud  par  une  bande  extrêment  étroite  de  la  paroiffe  Sainte 
Rore,enfuivantlafommité  du  Grand-Gilles  ;  &àI'Oueft,  par  la  paroifTe  de 
k  Petite- Anfe  ,  favoir  :  depuis  un  point  du  fommet  de  la  montagne  du  Grand 
Gilles ,  qui  correfpond  à-peu-près  au  bout  du  Morne  Pelé  ,  jufqu'au  point  où 
fc  chemiade  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  commence  fur  l'habitation  Millot  • 
puis  ce   chemin  lui-même  ,  jufqu'au  point  où  il  fe  trouve  entre  deux  mamelons 
qui  font  dans  le  Sud-Oueft  du  Morne  Pelé  -,  de-là ,  la  limite  faifant  le  Nord- 
Eft,  va  paflèr  fur  le  fommet  du  Morne  Pelé  ,  du  milieu  duquel  elle  va    par  une 
direaion.  Nord-Oueft  ,   gagner  la   ravine  des  Sables,  qui  fert  enfuite  de  borne 
jufqua  ce  que  devenue  elle-même  rivière  Any,   elle  fe  décharge  dans  la  rivière 
du  Haut  du  Cap.  A  ce  point,  c'eft  le  cours  de  cette  dernière  jufqu'à  fon  embou 
chure  dans  la  mer ,  qui  fépare  la  paroifTe  du  Quartier-Morin  de  celle  du  Cap 
On  peut  évaluer  la  paroifTe  du  Quartier-Morin  à  environ  quatre  lieues  de 
longueur  Nord  &  Sud ,  &  à  une  lieue  &  demie  de  largeur  moyenne ,  ce  qui 
équivaut  à  une  furface  d'environ  fix  lieues  carrées. 

Si,  pour  juger  de  l'importance  des  p^roifTes  de  Saint-Domingue ,  on  h^  corn 
parait  èntr'elles ,  à  raifon  de  leur  étendue  ,  on  commettrait  une  immenfe  erreur 
relativement  à  celle  du  Quartier-Morin,  puifqu'elle  eft  une  de  celles  qui  pofsèdent 
le  meilleur  fol,  &  dont  les  produits  font  proportionnellement  les  plus  confidérablcs 
h.  les  produftions  les  plus, belles  (t).  Elle  ferait  vraiment  une  terre  promife    s'il 


(*)  Pour  tout  dire  jç  crois  devoir  obfmer  qu'ui^e  bourgade  de  la  province  &|du  Corré.lmem  de 
Truxillo  au  Pérou ,  à  POuefl  du  cerre.  ou  monticule  de  Pélagatos ,  s'appele  MoL         ^^""^  ^^ 

(t)  L'habitation  le  Febvre  quia  .  35- carreaux  de  cannes ,  donne  800  milliers  de  focre  ,  encore 
^  ne  roulant  pas  tout  ;  celle  Charrite  ,550  milliers  avec  97  carreaux  de  cannes  qui  font  p  efoue 
^hted.  l'habuat^on    puifqu'elle  n'a  que    ,0.  carreaux.   La  fucrerie  Saint-Michel  donne  loo 
«ulhers  de  fucre  que  fabriquent  .56  nègres  ,  en  90  journées  ,  non-fucceffives  ;  l'habitation  M.Z 


RIPTION     DE     LA     PARTIE 

n'y  avait  pas  des  inégalités  dans  ce  fol  fi  fécond  &:  fi  de  petites  portions  ne  fem- 
blaient  pas  difpofées  par  la  nature  comme  pour  faire  mieux  éclater  fa  prodigalité 
fur  les  autres.  . 

La  paroiffe  du  Quartier-Morin  ne  connaît  d'autre  culture  que  celle  du  fucre 
qui  occupe  32  fucreries  ,  donnant  par  année,  neuf  millions  pefant  de  cette 
fubftance  fi  utile  ,  fi  agréable.  Le  fucre  du  Quartier-Morin  eft  réputé  le  plus  beau 
de  celui  qu'on  fabrique  dans  la  Partie  du  Nord  &  c'eft  le  maxiôium  d'une  échelle 
à  laquelle  on  fait  rapporter  l'eilimation  de  celui  produit  dans  les  autres  paroiflbs. 
Les  terrains  des  habitations  Charrite  ,  Portelance  &  Saint-Michel,  font  les  plus 
réputés  pour  le  beau  fucre  ,  mais  la  meilleure  terre  avec  des  productions  aufll 
belles  ,  c'eft  celle  de  l'habitation  Chaftenoye,  qui  pourrait  encore  être  arrofée  en 
totalité ,  en  prenant  de  l'eau  dans  la  Grande  rivière ,  au-deffous  de  la  prife  d'eau 
de  l'habitation  Fournier  de  Bellevue. 

A-peu-près  vers  les  trois -cinquièmes  de  la  longueur  de  la  paroiffe  du  Quartier- 
Morin  ,  à  compter   du  rivage  ,  on  trouve  l'extrémité  d'une   petite   chaîne  de 
montagnes  divifée  en  mamelons  &  qui  eft  le  prolongement  de  la  chaîne  du  Bonnet 
dépendant  de  la  paroiffe  de  la  Petite -Anfe.  Sa  direftion  eft  à-peu-près  du  Sud- 
Oueft  au  Nord-Eft   &  le   mamelon  qui  le  termine  eft  d'environ  800  toifes  de 
long  fur  400  de  large  ;  c'eft  ce  qu'on  appelé  le  Morne  Pelé ,  dénomination  qui 
en   le  peignant  avec    une   grande   vérité  ,  annonce   affez   que   l'aridité  eft  fon 
partage-  Ce  monticule  oij  eft  une  mine  de  fer  très-riche  ,  mais  point  magnétique, 
avance  de  manière  à  rétrécir  de  moitié  la  largeur  de  la  plaine  dans  cette  partie  , 
mais    au-deffus  de  la   plaine    s'étend  encore,    quoique  bien  moins  que  dans  la 
partie  Nord  de  la  paroiffe.   Supérieurement  au  Morne    Pelé  ,  c'eft-à-dire   entre 
lui  &  les  montagnes ,  efpace  oià  fe  trouvent  huit  fucreries ,  le  terrain  du  Quartier- 
Morin  eft  moins  fertile  ,  fi  ce  n'eft  dans  la  partie  qui  borde  la  Grande  rivière , 
dont  les  dépôts  font  d'autant  plus  féconds ,  qu'ils  font  plus  voifins  de  fon  lit , 
&  en  même-tems  plus  éloignés  des  mornes ,  parce  qu'avec  une  moindre  vîreffe  , 
l'eau  tranfporte  moins  de  galets  &  abandonne  davantage  de  limon. 

Mais  auffi  tout  ce  que  j'ai  dit  à  l'article  de  Limonade  des  changemens  de  lit 
&  des  irruptions  de  la  Grande  rivière  &  de  la  nature  du  fol  qu'elle  a  formé  dans 
la  plaine  ,  eft  commun  au  Quartier-Morin.  On  a  même  vu  ,  qu'autrefois  cette 
rivière  coulait  abfolument  dans  la  rivière  Salée ,  qui  eft  maintenant  la  petite 
rivière  du  Quartier-Morin  ,  que  fon  extrême  rapprochement  de  l'autre  &  un 

cour^ 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       233 

cours  qui  a,  à  peine  j,ooo  toifes  ,  ne  permet  pas  de  confidérer  autrement  que 
comme  une  infiltration  de  la  Grande  rivière ,  furtout  lorfqu'on  voit ,  comme  moi , 
d'anciens  plans  où  cette  dépendance  efl  fenfiblement  miarquée. 

Les  débordemens  de  la  Grande  rivière  ont  caufé  des  pertes  confidérabks  au 
Quartier-Morin  ,  8c  dans  celui  du  mois  d'Oftobre  1780  ,  les  dégâts  foufferts  par 
les  habitations  Cadufli  &  Rocheblave  étaient  bien  propres  à  donner  une  idée  de 
fon  impétuofité. 

LafTés  de  tant  de  pertes ,  effrayés  de  l'avenir  ,  excités  par  l'exemple  tardif  mais 
heureux  des  riverains  des  deux  bords  qui  ont  efFeclué  le  redreffcment  partiel  de 
la  Grande  rivière  dont  j'ai  parlé  à  l'article  de  Limonade  ,  les  riverains  du 
Quartier-Morin  depuis  la  Tannerie  jufqu'à  l'habitation  Gradis  inclufivement , 
s'occupèrent  auiïi  de  fon  redreflement  dans  cette  partie.  Ils  avaient  même  été 
jufqu'à  s'affembler  le  30  Juin  1787  ,  &  les  Adminiftrateurs  avaient  ordonné 
qu'on  ferait  préalablement  un  plan  des  lieux ,  mais  c'eft  encore  un  projet  de 
Saint-Domingue. 

Il  n'eft  pas  une  feule  des  dix  habitations  de  la  paroilTe  du  Quartier-Moria 
rivenaines  de  la  Grande  rivière  ,  depuis  la  Tannerie  ,  qui  ne  pût  avoir  un  moulia 
à  eau,  &  peut-être  même  une  diilribution  faite  avec  intelligence,  auraic- 
t-elle  pu  en  procurer  un  à  chacune  des  trente-deux  fucreries  de  la  paroifTe ,  par  la 
facilité  de  faire  fcrvir  fucceffivement  la  même  eau  à  plufieurs  moulins  Mais  les 
habitans  du  Quartier-Morin  fe  font  lailTés  enlever  cet  avantage  dont  de  longues 
féchereffes  &  le  renchériiïèm.ent  progreffif  des  mulets  leur  fait  fentir  chaque  jour 
la  perte ,  de  plus  en  plus.  D'autres  habitans  qui  le  méritaient  mieux  qu'eux  ,  puif- 
qu'ils  étaient  plus  indufîrieux  ,  l'ont  employé  à  l'utilité  de  leurs  habitations 
depuis  1741,  &  quatre  feules  habitations  du  Quartier-Morin,  dont  deux  non-rive- 
raines ,  ont  fu  s'afTocier  à  ce  détournement  d'eau.  Les  dcwx  premières  font  les 
habitations  l'Héritier  &  Duplaa ,  &  les  deux  autres  font  celles  Lacombe  8t 
Stapleton  ,  aujourd'hui  Fcurnier  de  Beîlcvue  &  Macnemara. 

On  a  cependant  calculé  alors  qu'il  était  jufte  de  laiffer  dans  le  lit  de  la  Grande- 

,  rivière  ,  l'eau  néceffaire  aux  riverains  placés  inférieurement  à  la  prife  d'eau  des 

heureux  ufurpateurs  ;   mais  foit  que  l'évaluation  faite  alors  du  volume  d'eau  de  la 

rivière  fût  fautive  ,  foit  que  ce  volume   ait  fingulièrement  décru  par  l'effet  à\\ 

"tems  qui  a  réellement  amené  de  fiéquentes  féchereilts  ,  foit  que  la  quantité  qu'on 

'efil  autorifé  à  en  détourner  ait  été  excédée  ,  foit  enfin  que  ces  trois  caufes  aient 


Tome 


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[1 


aj4      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

a»!  fimultanément ,  il  eft  arrivé  ,  a:-  exemple  ,  au  mois  de  Mars  1786,  que  le 
lii  de  la  rivière  a  été  abfolument  à  fec.  Ainfi  l'on  peut  regarder  les  riverains  du 
Quartier-Morln,  comme  dépouillés  par  le  fait  j  d'un  avantage  dont  le  droit  a 
été  folemnellement  reconnu  par  ceux-mêmes  qui  les  en  ont  privés  ,  &  avec  lef- 
queh  ils  plaident  j  depuis  1777  ,  pour  le  recouvrer.  Au  lurplus  ,  j'entre  dans  la 
defcripcion  de  la  paroiffe  de  la  Petite- Anfe  ,  dans  de  plus  grands  détails  fur  cet 
objet ,  parce  que  les  ufagers  de  l'eau  détournée  de  la  Grande  rivière  j  font  connus 
fous  le  nom  d'Intéreffés  au  canal  de  la  Petite-Anfe. 

Les  riverains  du  Quartier-Morin  ont  pratiqué  des  levées  pour  fe  garantir  des 
débordemens  ,  eux  qui,  pour  ainfi  dir-e  ,  n'ont  plus  que  les  dangers  de  leur 
pofition.  Il  y  en  a  une  fur  l'habitation  Duplaa  ^  la  dernière  de  la  rive  gauche ,  dont 
les  dimenfions  font ,  dans  certains  points,  60  pieds  de  bafe  fur  15  pieds  de 
hauteur ,  au-deffus  des  érores  de  la  rivière  &  de  20  pieds  de  plate-forme.  Je  m'y 
ibis  promené  plufieurs  fois  en  voiture. 

L'églife  du  Quartier-Morin  eft  fituée  à  environ  2,500  toifes  dans  le  Sud  du 
rivao-e  ,  èc  à  1,000  toifes  dans  l'Ou^ft  de  la  Grande  rivière,  de  manière  qu'elle 
eft  prefque  à  l'une  des  extrémités  de  la  paroiffe.  Cette  fituation  étonnera  moins 
£\  l'on  refléchit  que  dans  l'origine  des  étabhffemens  français ,  le  voifinage  de  la 
mer  était  feul  fréquenté.  Cette  églife  fut  mife  fous  l'invocation  de  Saint-François 
d'Affife  lors  de  fon  établiflement ,  comme  le  prouve  la  pièce  fuivante  ,  qui  montre 
en  même-tems  ce  qu'était  alors  le  Quartier-Morin. 

L'an  i63S  ,  Is  cinquième  jour  du  mois  de  Mai  >  par  l'ordre  de  M.  de  Cufly  ,  gouverneur  pour  le 
loi  eh  Pile  de  !a  Tortue  &  Côte  Saint-Domingue  ,  nous  frère  Jean  Jacques ,.  capucin  miffioimaire 
&  pafteur  de  l'églife  du  Quartier-Morin,  Jean  Dumolard  &  Jean  Mandeviile  marguillisrs ,  ea 
conféquence  du  dit  ordre  ,  nous  nous  fommes  tranfportés  dans  l'églife  de  Saint-François  d'Ailife 
du  Quartier-Morin ,  où  étant ,  nous  a^-ons  vu  &  examiné  la  dite  églife  tant  dedans  que  dehors  i 
pous  avons  trouvé  uns  églife  fouten.ue  par  des  fourches ,  couverte  de  cannes,  à  fucre  &  entourée 
d'une  paliffade,le  tout  deaii-pouri  ;  enfuite  nous  avons  vu  un  feul  autels  fur  lequel  nous  avons 
trouvé  un  vieux  &  petit  tabernacle ,  fans  dorure ,  huit  petites  images  de  papier ,  deux  vieilles 
flatues  qui  repréfentent  deux  Anges  &  quatre  chandeliers  de  bois ,  demi-rompus.  De-là  ,  nous 
ayons  paiïe  dans  la  facrillie  ,  tendant  à  la  mêine  ruine  que  la  fufdite  églife  ;  nous  y  avons 
trouvé  deux  coiFres^  un  grand  a  un  médiocre  ;  dans  l'un  il  7  a  douze  vafes  de  terre  de  fiience: 
dans  l'autre  il  y  a  deux  chafubles ,  une  verte  ,  &  l'autre  noire  qui  ne  vaut  pas  grand  chofe ,  ceux 
aubes,  une  fine  &  l'autre  un  peu  groSère ,  un  calice  d'argent  demi-rompa  par  le  pied  ,  deux  corporaiix 
gercés ,  fix  purificatoires ,  trois  nappes  d'auîe! ,  deux  nappes  pour  la  communion  &  trois  ferviettes  ,, 
gne  pedte  clochette  pour  l'élévation  de  l'hoftie ,  deux  milTels  vieux  ^   dan;  le  fufdiî  tabernacle,  il 


lJI 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  235; 
y  a  une  petite  caûods  pour  conferver  le  trjs-Saint-Sacrement.  Hors  de  l'églife,  il  y  a  une  cloche 
de  700  livres  pefant  ou  environ ,  ne  fotuaant  point,  à  caisfe  qu'elle  eft  appuyée  fur  terre,  n'y  ayant 
point  de  clocher;  de  toutes  le£  f^ùiHites  chofes ,  nous  avons  fait  &  dreiTe'  le  préfent  procès-verbal , 
pour  pre'fenter  à  Sa  Majefté  ,  afin  que  par  fa  charité  ordinaire  ,  il  lui  plaife  donner  fecours' 
%«':  F.  Jean  Jacques  Davilk,  cap-ocin;  Bernardin  Brunelot,  affocié  du  fieur  Dumolard  ,  comme' 
abfent  ;^  Jean  Mandeville  ;  de  BeiizevrJ  ,  féne'chal  ;  Camufet ,  procureur  du  Roi  j  &  Leftorel  ',  greffier 
de  la  Sénéchauftee  du  Cap, 

Mes  recherches  n'ont  pu  m'apprendre  pourquoi  cette  paroiffe  a  été  mlfe  en 
1700  ,  fous  l'invocation  de  St- Louis.  Elle  avait  été  bâtie  en  bois  à  cette  époque , 
mais  elle  a  été  cor/ftruite  en  maçonnerie  en  17 17.  C'efl  une  des  jolies  &  des 
mieux  entretenues  de  h  Colonie.  Elle  a  un  autel  à  la  romaine  &  doit  une 
grande  parde  de  i^es  ornemens  à  la  libéralité  de  M.  de  Charritc  ,  gouverneur  du 
Cap ,  &  qui  avait  accepté  volontairement  la  charge  de  marguiUier  de  cette 
églife  en  1709  &  17 10.  Il  y  avait  fait  conftruire,  à  fes  frais ,  une  chapelle  latérale 
du  côté  du  Nord  ,  fous  l'invocation  de  Saint-Jean-Baptifte ,  fon  patron.  Les 
paroiffiens  pour  reconnaître  tant  de  bienfaits ,  ont  donné  à  perpétuité  cette  cha- 
pelle I  M.  de  Charrite  ,  par  me  délibération  du  23  Janvier  1718  ,  approuvée 
parles  Adminiftrateurs  de  la  partie  du  Nord  le  12  Août  1746,  &  enfuite  par 
les  Adminiftrateurs  en  chef  le  10  Mai  175 1  ,  en  faveur  de  la  famille  de  M. 
de  Charrite.  Elle  en  jouit  encore  fans  autre  obligation  que  celle  foufcrite  par 
fon  auteur,  d'entretenir  cette  chapelle  &  de  faire  les  frais  de  l'office  divin  qui 
y  eft  célébré  le  jour  de  la  fête  patronale  de  Saint-Jean.  Les  regiftres  paroif- 
fiaux  du  Quarder-Morin  ,  qui  font  confervés  ,  remontent  jufqu'en  l'année  1705, 

Le  terrain  de  l'églife  eft  une  ancienne  dépendance  de  l'habitation  Guillaudeu , 
autrefois  connue  fous  le  nom  de  Beauval ,  qui  était  celui  de  l'un  de  ,fes  coproprié- 
taires. C'eft  fur  cette  habitation  que  M.  Guillaudeu  a  fait  conllruire  une  colonne 
de  foixante  &dix  pieds  de  hauteur,  qui  porte  une  barre  éleélrique.  L'on  n'a  pas 
obfervé  qu'elle  ait  Influé  fur  les  nuages  chargés  de  la  matière  de  la  foudre  ,  fi 
ce  n'eft  que  depuis  i'établiffement  de  cette  barre  ,  le  tonnerre  eft  tombé  fouvent 
fur  le  moulin  de  l'habitation  Carré  ,  qu'elle  a  immédiatement  dans  l'Oueft ,  & 
qu'il  y  a  tué  &  des  nègres  &  des  mulets.  Le  condufteur  de  chez  M.  GuilIaJdeu 
s'étant  rompu  à  la  hauteur  d'environ  vingt  pieds,  on  l'a  laififé  dans  cet  état, 
fans  penfer  qu'il  peut  occafionner  des  acccidens ,  cette  tour  étant  placée  au 
milieu  de  cafés  à  nègres  bâties  en  caferncs. 

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236        DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Ce  fut  fur  l'habitation  Carré  que  la  déraflreufe  épizootie  de  1772  commença 
à  fe  manifefter.  Il  y  eut  dans  deux  jours  plus  de  60  animaux  attaqués  &:  enlevés. 
Depuis,  elle  a  continué  fes  ravages  d'une  manière  plus  ou  moins  funefte ,  & 
en  1788,  la  morve  &  le  charbon  faifaient  encore  périr  beaucoup  d'animaux  au 

Quartier-Morin. 

On  croit  que  les  premières  cannes  à  fucre  de  la  plaine  du  Cap  ont  été 
plantées  dans  un  terrain  faifant,  à  préfent,  partie  de  l'habitation  Duplaa,  qui  eft 
un  démembrement  des  poffeffions  de  M.  de  Charrite  ,  &  fur  laquelle  eft  même 
refté  la  maifon  de  cet  ancien  gouverneur.  Ces  cannes  plantées  en  1699  &  roulées 
en  1700,  fe  trouvent  dans  l'Eft  des  bâcimens  de  la  manufadure ,  &  il  faut 
avouer  que  jamais  lieu  ne  fut  plus  propice  pour  recevoir  ce  précieux  dépôt  ^ 
puifqu'encore  en  ce  moment ,  cet  utile  rofeau  y  croît  avec  un  fuccès  qui  femble 
tenir  à  l'orgueil  de  cette  poffeffion  primitive. 

Avant  la  canne  à  fucre  ,  on  a  cultivé  l'indigo  pendant  quelques  tems  au 
Quartier-Morin  ;  mais  qu'on  juge  de  ce  que  c'était  alors ,  puifque  le  11  Oftobre 
1688  ,  M.  Garnier  &  fa  femme  vendaient  à  M.  de  Franquefnay  r3  carreaux  de 
terre  avec  une  indigoterie  ,  fitués  vers  l'habitation  Carré  ,  pour  un  négrillon  de 
huit  ou  dix  ans.  A  la  fin  du  dernier  fiècle  ,  un  terrain  de  600  pas  en  carré  de 
l'habitation  aujourd'hui  Charrite,  placé  prè.  des  bâtimens,  fut  acheté  des  capucins 
cent  fteces  de  huit ,  environ  4C0  liv.  tournois,  &  la  jolie  &  fi  fertile  habitation 
Deftreilles,  ne  coûta  depuis  à  M.  Stapleton  que  3,000  liv.  En  1737  ,  il  y  avait 
encore  du  bois  debout  fur  l'habitation  la  Molère  ,  an  bord  de  la  Grande  rivnère. 
■  J'omettais  de  dire  que  l'églife  du  Quartier-Morin  ,  a  eu  long-tems  pour  pafteur 
le  père  Olivier  ,  jéfuite  ,  né  dans  la  province  de  Guyenne.  Jamais  on  n'eut 
plus  de  qualités  propres  à  l'apoPtolat.  Devenu  fupérieur  de  la  miffion  ,  en  17  16  , 
il  défira  ,  en  1720  ,  d'aller  furveiller  l'adminirtration  de  l'habitation  de  fon  ordre 
Su  Terrier-Rouge  ,  parce  que  fa  fanté  ne  lui  permettait  plus  de  remplir  les  devoirs 
de  fon  état.  Il  y  mourut ,  le  28  Mars  1731 ,  dans  la  58^-  année  de  fon  âge  &  la 
iS'-  de  fa  miffion  ,  cél  très-vieux  par  les  auftérités  qu'il  pratiquait ,  &  laiflant 
un  fouvenir  digne  de  fes  vertus. 

La  paroiffe  du  Quartier-Morin  eft  une  de  celles  où  il  y  a  le  plus  de  chemins  de 
eommunications.  Tous  ces  chemins  font  beaux  &  prefque  toujours  droits.  Ils 
bordent  des  habitations  dont  l'afpea  annonce  de  riches  mamifadures,  mais  non 
pas  d'agréâbks  habitations  ]   car  on  en  voir  où  il  n'y  a  point   d'arbres  ;  où:  k 


LU  'I  .•• 


Ï-RANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.       2^7 

demeure  principale  eft  comme  jettée  au  hafard ,  au  milieu  d'une  favane  ,  dans 
laquelle  les  animaux  cherchent  le  long  des  bâtimens ,  un  abri  dont  on  les  éloif^ne 
ou  que  leurs  excrémens  rendent  déiagréable.  C'eft  donc  avec  une  fenfation  mêlée 
de  douceur  &  de  furprife  ,  qu'on  apperçoit  fur  l'habitation  Duplaa  ,  une  allée  de 
400  toifes  de  long,  garnie  d'un  double  rang  de  chênes  très-élevés  &  dans  lefquels 
on  remarque  le  long  &  confiant  effet  de  la  brife  d'Efl ,  qui  a  donné  aux  arbres 
une  inclinaifon  vers  le  Couchant. 

Une  autre  furprife  naît  de  ce  que  le  bâtiment  le  plus  frappant  ne  fe  trouve  pas 
en  face  mais  fur  le  côté  gauche  de  cette  avenue  ,  &  elle  augmente  ,  mais  pour 
faire  place  à  un  fentiment  bien  doux  ,  lorfqu'on  apprend  que  cette  conftruélion 
eft  l'hôpital  de  l'habitation,  Se  que  là  l'humanité  &  des  foins  multipliés  accueillent 
les  cultivateurs  de  cette  immenfe  fu^rerie  ,  pour  ainfi  dire  ,  créée  en  dix  ans 
par  le  zèle  &  les  talens  multipliés  de  M.  Barré  de  Saint- Venant  ;  il  a  aufTi 
embelli  les  lifières  de  cette  habitation  ,  en  y  plantant  de  jeunes  acajoux-meubles  , 
qui  feront  un  jour  d'une  grande  utilité  aux  conftruftions  de  la  manufafture  fans 
avoir  rien  coûté. 

La  côte  qui  termine  ,  au  Nord  ,  la  paroilTe  du  Quartier-Morin  ,  eft  propre  à 
fournir  plufieurs  obfervations.  Elle  commence  au  bord  Oueft  de  l'embouchure 
de  la  Grande  rivière.  A  430  toifes  plus  Oueft  encore,  eft  l'err.bouchure  delà 
petite  rivière  du  Quartier-Morin.  Celle-ci ,  dans  le  point  du  grand  chemin  du 
Cap  à  Limonade  qu'elle  travcrfe  >  a  quelquefois  beaucoup  d'eau ,  dans  les  tems 
pluvieux  j  fans  cependant  qu'elle  interrompe  jamais  la  communication. 

C'eft  à  quelque  diftance ,  au  Couchant  de  cette  embouchure  de  la  petite 
rivière,  qu'on  peut  obfervcr  combien  la  mer  remblaye  dans  cette  partie,  puifque 
chaque  jour  ,  des  efpèces  de  dunes  fabloneufes  ,  où  l'on  reconnaît  aulîî  le  limon 
de  la  Grande  rivière  ,  s'élèvent  du  fond  des  eaux  &  étendent  le  domaine  terreftre 
en  s'unîfTant  au  rivage,  par  de  nouveaux  attérriffemens.  M.  Barré  &  moi,  nous 
nous  fommes  hafardés  à  aller  les  premiers  >  en  1779  ,  dans  une  voiture  à  tra- 
vers un  étroit  pafTage  de  quelques  toifes  de  mer ,  fur  une  de  ces  dunes  qui  avait 
plus  de  20  toifes  du  Nord  au  Sud  &  qui  ne  tarda  pas  à  être  ajoutée  au  fol  de 
^habitation.  Avec  une  pareille  rapidité,  il  ne  faudrait  pas  des  fièdes  pour  que  la 
chaîne  des  refïïfs  qui  eft  au-devant  de  cette  plage  en  fît  partie  ,  d'autant  qu'entre 
elle  &  la  terre  ,  font  déjà  des  haut-fonds  plus  ou  moins  larges  &  plus  ou  moiaa 
élevé?  que  les  dcborderaens  doivent  étendre  chaque  jour. 


238      DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

Ilyaôio  toifes  depuis  l'embouchure  de  la  rivière  du  Quarder-Morin  ou  petite 
rivière  Morin  ,  (  que  je  perfifie  d'autant  plus  à  regarder  comme  une  infiltration  de 
îa  Grande  rivière  ,  qu'elle  naît ,  très-près  de  celle-ci ,  fur  l'habitation  la  Molère, 
au  Quartier  Morin  même  )  ,  jufqu'à  l'embarcadère  de  l'habitation  Chafte- 
noyé.  Dès  le  commencement  du  fiècle ,  il  y  a  eu  un  corps-de-gardc  à  cc^ 
embarcadère  ,  tout  environné  de  terrains  marécageux  &  noyés  à  la  haute  mer, 
où  l'on  pourrait  cependant  trouver  quelques  iffues  à  mer  bafle.  Ce  pofte  avait  i 
en  1713  j  une  pièce  de  canon,  pour  tirer  l'allarme  que  répétait  l'habitation 
Chaftenoye  &  enfuite  des  fufils  ,  de  manière  à  avertir  d'abord  les  deux  paroifîes 
du  Quartier-Morin  &i  de  la  Petlte-i\.nfe  &  enfuite  les  plus  éloignées.  Aujour- 
d'hui ce  pofte  nommé  le  grand  Carénage  ,  a  une  batterie  très-capable  de  le  faire 
refpeder  &c  d'interdire  tout  pafTage  entre  les  reffifs  &  lui  ,  aux  embarcations  qui 
oferaient  y  pénétrer.  Les  habitans  du  Quartier-Morin  &c  ceux  des  paroiffes  Sainte- 
Rofe  &  du  Dondon  ,  y  font  concurremment  le  fervice ,  en  tems  de  guerre. 

On  compte  une  demi-lieue  de  l'embarcadère  Chaftenoye  à  l'embouchure  dç 
la  ravine  du  Mapou  ,  qu'on  a  appelé  auffi  autrefois  ravine  du  ^icrtier-Mcrin , 
ravine  du  Mapou  &t  rivière  du  hourg  de  rer/ibarcadère  de  la  Petite-A/ife.  Cette 
rivière  n'efb  encore  autre  chofe  qu'une  infiltration  de  la  Grande  rivière,  d'où 
on  la  voit  prefque  partir  à  environ  trois  lieues  de  fon  embouchure ,  fur  l'habita- 
fion  Gradis  où  elle  s'appele  la  ravine  des  Sept-Frères.  Elle  eft  groffie  près  du 
Morne  Pelé  par  la  ravine  de  la  BelJe-HôtefTe ,  qui  a  la  même  caufe  qu'elle.  On 
voit  dans  la  defcription  de  la  paroifîe  de  la  Petite-Anfe  ,  quel  a  été  le  fort  d'une 
portion  d'eau  de  la  Grande-rivière  qui  devait  être  jetée  dans  la  ravine  du  Mapou 
pour  l'utilité  des  riverains  de  cette  efpèce  de  ruiffeau  ,  qu'on  traverfe  fur  un 
pont  de  maçonnerie  dans  la  route  du  Cap  à  Limonade  ,  quand  on  a  tourné  au 
Nord  après  avoir  pafîe  l'habitation  Portelance. 

A  190  toifes  après  l'embouchure  de  la  rivière  Mapou,  eft  un  efter   qui  n'eft 
lui-même  qu'à  200  toifes  du  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe. 

Comme  dans  l'ufage  on  s'eft  accoutumé  à  appeler  ce  lieu  hourg  de  îa  Petite- 
Anfe  ou  même  fimplement  la  Petite-Anfe  ,  il  y  a  confufion  pour  beaucoup  de 
perfonnes  entre  lui  &  la  paroifîe  de  la  Pedte-Anfe  ,  &  comme  la  paroiffe  du 
Quartier-Morin  eft  contigue  à  celle  de  la  Petite-Anfe ,  &  que  même  cette 
dernière  n'a  point  de  bourg ,  il  arrive  au  moins ,  qu'on  croit  que  celui  de 
l'embarcadère  dépend  de  la  paroifîe  du  même  nom.  Pour  favoir  ce  qui  a  pu 


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Sty 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE,      ^j^ 

donner  Keu  a  cette  communauté  de  nom,  il  fauÉ  fe  reflbuvenir  de  ce  que  j'ai  (dit 
que  la  paroiflè  du  Quartier-Morin  avait  fait  partie  de  celle  de  la  Petite-Anfe 
originairement.  Or  à  cette  époque  l'embarcadère  fubfiftait  ;  il  était  réellement 
celui  de  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe ,  &  comme  beaucoup  d'habitations  de  la 
paroifîe  dont  il  a  pris  fa  dénomination  n'ont  pas  ceffé  de  s'en  fervir  ,  il  eft  refté 
avec  le  titre  d'embarcadère  de  la  Petite-Anfe ,  le  feul  qu'il  porte  dans  les  aftes 
publics. 

Le  bourg  de  l'cmbarcadèrp  de  la  Petite-Anfe  ,  bâti  31516  toifes  du  bac  du 
Cap,  eft  l'entrepôt  des  denrées  des  paroifTes  du  Quartier-Morin,  de  la  Petite-Anfe 
de  partie  de  celle  de  la  Plaine  du  Nord,  de  Sainte-Rofe  &  du  Dondon.  Situé 
au,  fond  de  la  baie  du  Cap ,  il  eft  avantageufement  placé  pour  recevoir  les 
denrées  &  les  approvifionnemens.  Il  économife  des  frais  de  magafinac^e  au  Cap 
ceux  du  paffage  des  effets ,  des  perfonnes  &  des  voitures  par  le  ''bac  de  la 
ville,  &  prefque  une  lieue  de  chemin  ,  indépendamment  de  l'efpace  qu'il  fau- 
drait parcourir  dans  la  ville  même. 

Soixante  &  dix  emplacemens  compofent  ce  bourg  ,  où  fe  trouvent  plufieurâ 
ouvriers  tous  utiles  aux  manufadures.  11  n'eft  formé  que  d'une  feule  rue     qui 
eft  la  continuité  du  chemin  du  Cap,  &  qui  forme  un  tour  d'équerre,  allant 
d'abord  parallèlement  au  rivage  &  tournant  enfuite  à-peu-prés  du  Nord  au  Sud 
Cette  dernière  partie  de  rue  a  environ  quatre-vingt-dix  pieds  de  large  convertis 
en  un  bourbier  de  la  même  largeur  dans  les  tems  pluvieux,  parce  que  ce  point 
eft  un  des  plus  fréquentés  de  la  Colonie  de  Saint-Domingue,  &  qu'on  ne  lui 
donne  pas  des  foins  proportionnés  à  fon  importance.  Il  y  a  dans  ce  bourg  deux 
guildiveries  très-lucratives,  attendu  qu'il  fert  de  point  de  réunion  à  un  nombre 
confidérable  de   nègres ,  &  que  les  dimanches   &  les   fêtes  leur  afHucnce  eft 
même  un  objet  qui  intéreiîe  la  police.   On  y  trouve   auffî  trois  uoteries  & 
briqueteries.  ^ 

Le  bourg  avair  toujours  été  fous  la  garde  particulière  des  bàtimens  mouillés 
dans  la  rade  du  Cap  qu'il  termine  au  Sud,  lorfqu'après  avoir  fortifié  l'entrée 
de  cette  rade  on  craignit  fi  elle  était  forcée,  que  la  Petite-Anfe  n'offrît  un 
point  de  defcente.  En  conféquence  ,  M.  Frezier  tant  pour  parer  à  cet  inconvé- 
ment  que  pour  donner  une  protedion  de  plus  au  mouillage ,  propofait,  au  moi. 
d  Avnl  1720 ,  de  conftruire  un  fort  à  une  pttite  pointe  dans  l'Oueft  de  l'embou^ 
*bure  duMapou,  de  manière  que  le  carénage  &  le  bourg  fuifent  défendus,  ft 


rfTf  m  iwtfr  iiimiJr  ~  «_. 


240      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

défirait  aulTi  une  calle  au  bourg,  parce  que  les  canots  &  les  chaloupes  ne  pouvaient 
pas  aborder  le  rivage  faute  d'eau.  Plufieurs  motifs  &  le  peu  d'utilité  d'une 
dépenfe  dont  le  devis  s'élevait  à  296,100  liv.  ,  détournèrent  de  ce  projet, 
auquelM.de  Vaudreuil ,  gouverneur ,  fubftitua  en  1747  une  batterie  circulaire 
prefqu'en  face  de  la  rue  ,  &  qui  fulîit  pour  tout  ce  qu'on  peut  efpérer  ou  craindre 
de  ce  pofue. 

Le  bourg  de  la  Petite-Anfe  n'eft  rien  moins  que  fain  à  caufe  des  marais 
dont  il  eft  environné ,  car  depuis  l'embouchure  de  la  Grande  rivière  jufqu'à  la 
rive  droite  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap,  e>:cepté  dans  l'efpace  même  du  bourg  ^ 
il  y  a  une  largeur  de  300  toifes  ,  au  moins  ,  en  palétuviers  ,  qu'abreuvent  les  eaux 
de  la  mer  ,  &  où  fe  fait  tout  le  jeu  des  marées. 

Qui   reconnaîtrait  dans  un  pareil  terrain ,  le  fiége  principal  du  royaume  de 

Marien,  le  féjour  de  Guacanaric  ,  ce  Cacique  bienfaifant  &  hofpitalier  qui  engagea 

Colomb  à  fe  fixer  dans  fes  états  !  Le  grand  village  qu'il  habitait ,  car  les  premiers 

auteurs  efpagnols ,  n'ont  appelé  que  village  cette  réfidence  d'un  louverain  ,  était 

en  face  du  lieu  où  eft  fituée  à  préfent  la  ville  du  Cap  ,  à  l'Oueft  de  Port-Royal 

ou   Caracol  &  de  Limonade  ,   à  l'extrémité  d'une  grande  campagne  qui  prit 

depuis  ,  difent  ces  auteurs  ,  le  nom  de  Véga-Réal  ;  H  à  tant  d'indices ,  il  efl 

impoffible  de  méconnaître  le  fite  du  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe. 

Dans  le   long  marais  qui  borde  la  côte  depuis  Limonade  jufqu'au  Cap,  ce 

point  était  le  feul  où  l'on  pût  avoir  conftruit  une  habitation  quelconque,  Ainfi  k 

demeure   d'un  chef  qui  commandait  à  deux  cens   mille   hommes  ;  qui  fe  faifait 

obéir  dans  toute  l'étendue  qui  fe  trouve  depuis  Monte-Chrift  jufqu'au  Môle  ,  eft 

remplacé  par  une  bourgade  qui   compte  elle-même    à  peine    un    fiècle   &  où 

habitent  quelques  magafmiers  &  quelques  ouvriers  dont  la  plupart  ne  fe  doutent 

cas  qu'il  ait  jamais  exlfté  ni  royaume  de  Marien  ,  ni  Cacique  Guacanaric. 

Au  furplus ,  tout  prouve  que  ce  lieu ,  fes  environs  &  les  différentes  parties  du 
Quartier- Morin  ,  ont  été  habités  par  les  Indiens  ;  paitouton  retrouve  leurs  olTe- 
mens  ,  leur  groiïicrs  mais  ingénieux  uftenfiles  ,  leurs  fétiches  hideux  maii 
quelquefois  très-artiftement  travaillés ,  quoiqu'on  ne  leur  ait  pas  trouvé  d'outils. 
Sur  l'habitation  Duplaa  particulièrement',  on  rencontre  à  chaque  pas  ,  en  fouillant 
les  trous  de  cannes  ,  quelques  nouveaux  vefliges  de  l'eiàftence  de  cette  race 
déformiais  effacée  de  la  lifte  des  humains. 

Le  bourg  de  la  Petite-Anfe  n'a  d'autre  eau  que  celle  qu'on  va  chercher  à  la 

rivière 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  241 
rivière  Mapou  qu'il  a  même  fallu  qu'une  ordonnance  du  17  Septembre  1757  , 
J«i  eonfervât  le  droit  d'aller  prendre.  Les  emplacemcns  y  font  fort  chers ,  à  caufc 
de  l'utilité  des  magauns  d'entrepôt  qu'on  y  conftrult  &  qui  ont  toujours  été  très- 
enviés  ;  car  dès  le  14  mai  1718  ,  une  ordonnance  prononçait  la  réunion  des 
emplacemcns  du  Cap  &  du  bourg  de  la  Petite-Anfe  qui  ne  feraient  pas  établis 
dans  fix  mois ,  &  cette  affîmilation  du  bourg  à  la  ville  principale  annonce  affez 
l'importance  qu'il  avait  déjà. 

En  1765  ,  l'État  y  avait  acheté  une  maifon  où  a  été  logée  la  Légion  créée  par 
M.  d'Eftaing  le  15  Janvier  de  la  même  année. 

On  a  rais  aufu  des  hôpitaux  au  bourg  de  la  Petite-Anfe  ,  durant  la  guerre  de 
1778,  &  depuis  la  paix  de  1783  ,  on  y  en  a  vu  pour  le  traitement  des  Africains 
arrivans.  On  a  prétendu  que  l'air  de  ce  lieu  ne  leur  avait  pas  été  favorable  &  l'on 
a  compté  que  du  mois  d'Août  1782  à  celui  de  Janvier  1783  ,  il  y  avait  eu  14© 
morts  fur  ^33  nègres  malades. 

Prefqu'auffi  anciennement  que  fon  origine ,  le  bourg  de  la  Petite-Anfe  a  eu  un 
/faateau-paffager  de  fon  nom  pour  fa  communicarion  avec  le  Cap.  En  confidérant 
que  le  chemin  qui  exifle  entr'eux  aujourd'hui  n'a  été  fait  qu'en  1742 ,  l'on  fendra 
que  ce  paffager  devait  être  fort  utile  à  ceux  qui  ne  voulaient  pas  aller  gagner  le 
Haut  du  Cap  pour  arriver  à  la  ville.  Ce  paffage  que  l'on  payait  4  fous  6  deniers, 
en  .1713,  fut  affermé  au  profitdu  fifc,  le  21  Juin  1727  ,  à  raifon  de  2,095  liv.  par 
an  5  à  M''^-  V^-    la  Boiffière  ,  réuni  le  10  Juin  1738  à  celui  de  Limonade  ,  puis 
compris  enfuite  dang  le  don  fait  à  M.  de  la  Porte.  Mais  le  privilège  exclufif  de  ce 
paffage  fut  fupprimé  en    1765.  Ce  bateau  partait  trois  fois  par  jour  du  Cap ,  à 
l'aurore  ,  à  dix  heures  du  matin  ,  &  à   quatre  heures  du  foir.    Cette  dernière 
traverfée  était  quelquefois  dangereufe.  il  n'exifte  plus  de  paffager  de  la  Petite- 
Anfe  ,  mais  de  petits  canots  du  Cap  peuvent  être  loués  à  ceux  qui  défirent  faire 
ce  court  trajet  par  mer  ,  &  les  tranfports  ont  lieu  de  la  Petite-Anfe  au  CEp  ou  a 
bord  des  vauTeaux  ou  de  ceux-ci  à  la  Petite-Anfe  ,  au   moyen  des  chaloupes  8c 
des  acons, 

--  Ily  eut,  en  1766  ,  un  très-grand  projet  dans  lequel  la  Petite-Anfe  jouait  un 
rôle  confidérable.  M/ le  comte  d'Eftaing  fentafit  l'importance  à'm  arfenal  &  de 
magafins  pour  la  marine,  &  de  les  environner  d'une  fortification  qui  les  protégerait 
€M  ajoutant  à  la  défenfé  du  Cap  ,  chargea  M.  Duporral  ,  direéleur-général  des 
fortifications  ,  de  ce  projet.  On  arriva  à  cinq  propoations. 

Tome     J,  H  h 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

-  La  première  mettait  l'arfenal  au  Cap  même,  à-peu-près  où  eft  le  hangard  à  la 
mâture  ;  mais  on  trouva  que  re  local  était  peu  expofé  à  l'effet  de  la  brife  néceffaire 
•à  la  confervation  des  bois ,  que  la  proximité  du  morne  y  augmenterait  l'humidité 
êc  que  ce  point  était  trop  éloigné  du  grand  carénage. 

La  leconde  propofition  indiquait  un  point  en  avant  de  la  rivière  Mapou ,  mais 
5oO;000  livres  de  dtpenfe  la  firent  rejetter. 

La  troifième  propofition  offrait  l'intervalle  entre  l'habitation  de  la  Foffette  gc 
ia  rivière  du  Haut  du  Cap,  ce  qui  mafquait  le  front  du  polygone  ,  placé  au  bout 
Oueft  du  front  de  fortification  du  Sud  de  la  ville ,  &  la  fit  croire  nuifible. 

La  quatrième  voulait  qu'on  prît  le  grand  carénage  lui-même,  d'autant  qu'on 
aurait  pu  y  abattre  les  plus  gros  vaiffeaux ,  bord  à  quai,  &  y  établir  une  machine  à 
mater  ,  mais  on  fut  rebuté  par  l'éloignement  oij  l'on  ferait  du  Cap  ,  par  l'infalu- 
brité  de  l'air  &  par  une  dépenfe  de  400,000  livres. 

On  fe  décida  donc  à  préférer  le  cinquième  parti ,  qui  était  de  mettre  fur  le 
chemin  du  Cap  au  bourg  de  laPetite-Anfe ,  l'établiffement  défiré,  à  environ  600 
toifes  du  bac.  Tel  était  du  moins  le  fentiment  qu'adoptait  M.  d'Eftaing ,  &  qu'il 
appuyait  auprès  du  Miniftre.  La  fortification  dans  ce  point  devait  être  en  état  de 
recevoir  300  hommes,  coûter  300,000  liv. ,  les  magafms  190,000;  mais  ce 
plan  n'a  jamais  eu  d'exécution. 

Avant  de  ceffer  de  parler  du  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  ,  je 
crois  devoir  dire  que  c'eft  le  lieu  que  l'cftimable  Verret  habita  avec  fa  famille 
îorfqu'il  quitta  la  Louifiane  pour  venir  éclairer  Saint-Domingue  de  fes  lumières  , 
&  l'enrichir  par  l'application  heureufe  de  fes  principes  hydrauliques  ;  mais 
comme  il  femble  avoir  appartenu  encore  plus  particulièrement  à  la  plaine  des 
Cayes ,  je  me  réferve  de  lui  rendre  là  les  derniers  honneurs  dûs  à  fes  talens. 

Il  y  a,  je  l'ai  dit,  environ  1,500  toifes  du  bourg  de  la  Petite-Anfe  au  côté 
Eft  de  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  ,  qu'on  traverfe ,  à  ce  point  , 
dans  un  bac  pour  entrer  dans  la  ville  qui  commence  à  l'autre  rive.  Cet  efpace 
eft  celui  du  chemin  qu'on  doit  à  Larnage  &  Maillart ,  qui  le  prefcrivirent  le 
premier  Oélobre  1742,  pour  la  communication  du  Cap  avec  la  plaine  ,  par  le 
bourg  de  la  Petite-Anfe.  C'eft  à  proprement  parler,  un  terrain  fabloneux  ,  garni 
'  de  mangliers  dans  une  partie  de  fa  longueur ,  &  où  l'on  fe  trouve  entre  la  mer 
d'un  côté  &  les  marais  qu'elle  noyé  ,  de  l'autre.  Dans  les  hautes  marées  &  dans 
ks  tems  des  Nords  où  la  mer  bat  fortement  cette  plage  ,  elle  eft  attaquée  dans 


^J^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       243 
plofieurs  points ,  &  quelquefois  la  vague  brife  affez  près  des  chevaux  pour  que 
fon  bruit  &  fon  développement  les  effraye.  Quand  cette  caufe  ceffe ,  les  marais 
fe  dégorgent  à  leur  tour,  &  le  chemin  cil  coupé  par  les  ruiffeaux  auxquels  cet 
écoulement  donne  naifîance.  La  réflexion  de  la  mer,  la  chaleur  &  la  mobilité  du 
fable  &  les  exhalaifons  de  ces  marais  ,  rendent  ce  trajet  pénible  &  long ,  &  le 
voyageur  y  ferait  accablé  fi  dans  des  intervalles  &  à  travers  les  patéluvfers  qui 
aiment  ce  féjour  aquatique  ,  il  n'était  pas  frappé  de  l'afpea  d'une  rade  chargée  de 
vaiffeaux  ,  fi  celui  d'une  grande  ville  ne  lui  infpiraitpas  des  idées  philofophiques 
qu'entretient    encore   la   ffiaifon    principale  de  l'hôpital    des    Religieux    de  k 
Charité  ,  qui  fait  perfpeclive  fur  l'autre  côté  de  la  rivière.  Qui  voudrait  croire 
que  les  défagrémens  de  ce  chemin  utile  aux  plus  riches  paroiffes  ,  font  quelque- 
fois augmentés  par  la  négligence  ,  qui   met   fon  empreinte   fur  tout  à  Saint- 
Domingue  1         . 

A  environ  5ootùifeâ  de  la  fortie  du  bourg  de  la  Petite- Anfe  ,   en  venant  au 

Cap,  ce  chemin  a  un  pont  connu  fous  le  nom  de  P  ont -Rouge ,  parce  qu'il  eft  de 

bois  &  peint  de   cette  couleur.   M.   Jacques  Grandin  ,  chirurgien   du  bour^ 

^'occupant  de  la  conftruftion  d'un  four  à   briques  ,  à  carreaux  &  à  tuiles  ,  fit^'à 

travers  le  chemin ,  pour   égouter  fon   terrain   qui   était  noyé ,   un   foffé  'qu'ii 

demanda  â  couvrir  d'un  pont  de  20  pieds  de  long  fur  3  pieds  de  lafge  de  l'Eft  à 

rOueft ,  ce  qui  lui  fut  permis  par  l'ordonnateur  du  Cap,  le  ï8  Avril  1750.  Les 

dégradations    fucceffives ,  l'aftion  alternarive   du   flux  &  du   reflux,   ont  miné 

plufieurs  fois  les  bafes  de  ce  pont,  qui  eft  maintenant  à  la  charge  de 'la  paroiffe 

du  Quarder-Morin,  &  qu'on  a  vu  aflez  délabré  en  1778  pour  qu'il  fut  dangereux 

-  d'y  paffer.  Des  plaintes  aiguës  le  firent  enfin  raccommoder ,  &  l'on  fait  que  des 

plaintes  font  dé^à  anciennes  lorfqu'elles  font  entendues. 

Du  pont  jufqu'au  Cap,  c'eft  à  l'habitation  Saint-Michel,  qui  a  la  jouifîance 
cies  cinquante  pas  du  roi ,  à  entretenir  le  chemin,  comme  le  prouve  une  ordon- 
nance du  6  Oélobre  1780.  Cet  entretien  eft  coûteux  j  le  gouvernement  a 
contribué  aufn  fous'1'adminiftration  de  MM.  de  Reynaud  &  le  BralTeur  à  faire 
une  chauffée  bordée  de  pierres  fèches  le  long  de  la  mer,  dans  la  langue  de  terre 
qui  termine-  la  rive  Eft  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap. 

C'eft  dans  la  diftance  du  pont  Rouge  au  Cap,  &  à  environ  une  demi-lieue 
avant  le  bac  ,  qu'on  voit  fur  la  gauche  &  à  200  toifes  du  chemin  ,  un  morneç 
appelé  le   nwne  à  jarian  ,  &  qui  eft  préfentement  le  morne  Saint-Michel, 

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C44       DESCRIPTION     DELA     PARTIE 

quoiqu'on  ait  penfé  par  erreur  qu'il  dépendait  de  l'iiabitation  Bau.iin ,  &  qu'on 
l'ait  auiïi  appelé  de  cette  dernière  manière.  Ce  petit  monticule  ifolé  ,  pofé  à 
l'extrémité  de  la  plaine  dans  le  point  où  le  terrain  lagoneux  commence  à  devenir 
confifcant ,  eft  en  forme  de  pain  de  fucre  &  domine  fes  environs. par  le  moyen 
a'un  plateau  d'environ  lo  toifts  de  circonférence.  Des  ordonnances  des  Admi- 
miniilrateurs,  de  1739  &  de  1766  ,  prefcrivirent  de  prendix  dans  ce  Petit  mornet 
de  la  pierre  pour  raccommoder  la  paffe  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  &  le  chemin 
de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  au  Cap  ,  en  rendant  ce  mornet  plus  à  pic. 
On  évaluait  alors  fes  dimenfions  à  33  toifes  de  diamètre,  80  pieds  de  haut  Se 
8  toifes  de  furface  au  fommet. 

L'habitation  Baudin  était  autrefois  celle  de  M.  de  Boifmorant ,  commlffaire 
de  la  marine ,  ordonnateur  du  Cap  ,  dont  le  vrai  nom  était  BianconelU ,  &  qui 
était  frère  d'un  fcapin  de  la  comédie  Italienne  ,  très- célèbre  fous  ce  nom.  Lors 
de  la  révolte  de  la  Colonie  contre  la  Compagnie  des  Indes  ,  les  habicans  vinrent 
brûler  fon  habitation  le  18  Décembre  1722,  comme  une  preuve  de  la  haine 
que  leur  avait  infpiré  la  protection  qu'on  reprochait  à  ce  confeiller  du  Confeil 
du  Cap  ,  (  car  il  l'était  auffi  )  ,  d'accorder  à  la  Compagnie.  On  brûla  également 
un  magifm  que  la  Compagnie  avait  à  la  Petite-Anfe  ,  vers  la  pafle  du  Haut  du 

Cap.  . 

Les  premiers  habirans  qui  quittèrent  l'île  de  la  Tortue  pour  vemr  former 
des  établiffemens  permanens  dans  la  plaine  du  Cap,  étaient  au  nombre  de  douze, 
&  avaient  pour  chef,  Pierre  le  Long,  premier  mari  de  M^-  de  Graffe,  &  que  j'ai 
déjà  nommé.  H  commença  fa  première  culture  dans  la  paroiiTe  de  la  Petite-Anfe, 
que  j'ai  affez  dit  avoir  précédé  celles  qui  l'avoiunent  aujourd'hui ,  &  qui  la 
compofaient  en  partie.  La  defcendance  de  M.  le  Long  qui  exifte  à  préfent  dans 
ia  perfonne  de  M^=-  Faubeau  de  Mallet,  habite  la  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord, 
à  la  limite  de  celle  de  la  Petite-Anfe. 

Depuis  le  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  jufqu'à  la  rivière  du 
Haut  du  Cap ,  le  Sud  du  chemin  forme  un  marais  qui  a  environ  300  toifes  de 
profondeur.  Ce  marais  s'étend  auffi  fur  la  majeure  partie  de  la  langue  de  terre  qui 
termine  le  chemin  vers  l'embouchure  de  la  rivière.  Cependant  depuis  1787  3  les 
baraques  conftruites  fur  cette  langue  pour  loger  du  bois  &  enfuite  quelques  petites 
tnaifons  bâties  fur  l'extrémité  de  la  rive  droite  ,  ont  élevé  &  defféché  cette 
portion.  Au-defîus ,  toute  cette  rive  Eft  eft  bordée  du  même  marais  dans  uae 


F  R  A  NÇAISE  DE   SAINT-DOMINGUE.       245 

largeur  de  500  toifes  iufqu'à  l'embouchure  de  la  rivière  Any,  qui  fe  jette  dans  celle 
du  Haut  du  Cap  à  environ  1,500  toifes  du  point  où  eft  le  bac ,  mefuré  en  li-ne 
droite.  A  l'Eft  &  au  Sud  de  ces  portions  lagoneufes  ,  font  des  habitations  dont 
le  fol  plus  élevé  donne  du  fucre  de  la  plus  grande  beauté.  L'une  de  ces  habita- 
tions (  celle  Baudin  )  ,  préfente  dans  certains  points  ,  à  ceux  qui  remontent  la 
rivière  en  canot,  la  perfpedive  d'une  belle  avenue  de  chênes,  dont  le  double 
rang  fe  préfente  du  Nord  au  Sud,  dans  une  longueur  de  200  toifes.  L'œil 
s'attache  avec  plaifir  à  ces  arbres  ,  qui  lui  annoncent  que  tout  ce  qui  l'environne 
n'ell  pas  le  domaine  des  palétuviers, 

La  paroiffe  du  Quartier-Morin  eft  une  de  celles  qui  ont  une  température 
Chaude ,  &  elle  tient  le  milieu  entre  celles  qu'on  peut  regarder  comme  féches 
&  celles  qui  font  pluvieufes.  Le  bas  de  la  plaine  peut  recevoir  annuellement  ço 
pouœs  d'eau ,  quantité  qui  augmente  un  peu  dans  le  voifinage  des  mornes  où 
d'ailleurs  l'humidité  eft  plus  long-tems  confervée.  Les  mois  pluvieux  font  depuis 
Mai  jufqu'en  Décembre  ,  &  le  plus  fec  celui  d'Avril.  Quant  à  la  chaleur  elle 
y  eft  extrême  dans  les  jours  longs  &  où  la  brife  n'eft  pas  très-forte.  Le  thermo 
mètre  de  Réaumur  à  l'efprit  de  vin  étant  au  bourg  de  la  Petite-Anfe  à  24 
degrés  le  7  Septembre  1775  >  à  midi ,  on  l'expofa  à  l'aftion  du  foleil,  &  en  20 
minutes  il  s'éleva  jufqu'à  49  dégrés.  En  Oélobre  1779  ,  un  thermomètre 
femblable,  tenu  dans  une  chambre  très-aèVée  ,  du  même  lieu,  s'éJeva  à  74 
dégrés  à  4  heures  de  l'après-midi. 

La  population  de  la  paroiffe  du  Quartier-Morin  eft  extrêmement  faible  en 
blancs.  Tous  les  propriétaires  de  fes  riches  habitations  réfident  en  France  &  l'on 
a  vu  un  moment  où  il  ne  s'en  trouvait  qtie  trois  à  Saint-Domingue.  On  y  compte 
204  blancs  &  95  affranchis.  De  ces  299  individus  ,  ily  a  près  de  100  blancs 
dans  le  bourg  de  l'embarcadère  &  25  hommes  de  couleur.  La  paroiffe  ne  fournit 
que  II 8  hommes  portant  armes  ,  mais  l'on  y  trouve  plus  de  7,000  nègres  dont 
environ   400  font  au  bourg  de  la  Petite-Anfe.  ^ 


De  l'Églife  du  Quartier-Morin  à  celk  du  Cap 

'  '-■ au  bourg  de  la  Tannerie  , 

' au  bourg  de  l'embarcadère  , 

'  à  l'égJife  de  Limonade  , 

'""  "  de  la  Petite-Anfe, 


3  lieuesî 

3 

z 
2 

I    1/2 


1'^ 


Il  eft  impoffibîe  de  ne  pa«  parler  de  M.  de  Charrite,  lorfqu'on  décrit  U  paroiffe' 


H 


% 


^^ 


246       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

du  Quàrtler-Morin  où  il  a  laiffé  une  immenfe  fortune.  Entré  ,  en  1683  ,  au  fervlce 
en  qualité  de  garie  de  la  Marine  ,  é:ant  alors  âgé  de  25  ans ,  il  fut  fait  Enfeigne 
en  1689  &  lieutenant  en  169J.  Il  efcortait  un  convoi  de  150  voiles  pour  la 
rivière  de  Bordeaux ,  lorfqu'il  y  fut  attaqué  par  une  flefTinguoife  de  11  canons^ 
êc  deux  corvettes  efpagnoles  de  10  ou  12  canons  chacune.  A  la  troifième  tentative 
qu'on  fit  pour  l'aborder  ,  il  eut  le  cou  percé  d'une  balle  de  x^aucont^eau ,  l'épaule 
&  la  mâchoire  fracalTées,,  Malgré  cela  il  ne  fut  pas  pris  &  il  fauva  fon  convoi. 
Depuis  cet  inftant,  M.  de  Charrite  ne  vécut  plus  que  d'alimens  liquides.  Il  obtinl; 
une  pennon  de  500  livres  en  1697,  la  croix  de  Saint- Louis  l'année  fuivante  ^ 
ainfi  que  la  place  de  lieutenant  de  roi  du  Cap ,  dont  il  devine  gouverneur ,  en 
1706.  Nommé  gouverneur-général  des  Ifles  du  Vent,  en  1711 ,  il  refufa  cette 
place.  On  lui  donna  ,  en  17  16  ,  celle  de  lieutenant  an  gouvernement-général  de 
Saint-Domingue  ,  dans  l'exercice  de  laquelle  il  eft  mort  le  17  Octobre  1723. 

M.  de  Charrite  était  doux,  populaire,  ennemi  du  defpotifme  ,  m.ais  on  lui  a 
reproché  ,  avec  juftice ,  d'avoir  terni  ces  belles  qualités  par  une  infatia'ole  cupidité. 
Il  pofledait  encore  en  1 7 1 6  ,  le  tiers  du  Quartier-Morin  ,  mille  toifes  en  carré  dan^ 
la  paroiffe  de  la  Petite  Anfe ,  la  favane  de  Limonade  ,  &c  il  n'était  pas  fatlsfait> 
Mais  on  ne  lui  a  pas  moins  des  obligations  très-réelles. 

M.  de  Charrite  fit  venir  de  France  un  rafineur  inftruit ,  &  ce  fut  fur  fon  habi- 
tation ,  au  Quartier-Morin ,  que  fut  établie  la  première  purgerie  de  la  Colonie 
Françaife.  Il  envoya  les  premiers  effais  de  fon  fucre  re.finé ,  comme  on  dilait 
alors ,  au  Miniftre  ,  par  le  vaiffeau  le  Profond  ,  en  171 1.  Pour  engager  les  autres 
habitans  à  l'imiter  ,  il  établit  une  poterie  où  l'on  faifait  des  formes  pour  le  fucre  ^ 
%c  ce  ï-<}X  encore  à  lui  qu'on  dût  une  manufaélurç  de  tuiles  &  une  autre  de 
briques.   Ces  exemples  furent  heureux  &  la  reconnaiffance  doit  les  publier. 

M.  <k  Charrite  avait  auffi  fait  venir  de  la  Havane  des  ouvriers  pour  établir 
une  manufadlure  de  tabac  en  poudre  ,  mais  les  Colons  à  qui  cette  fabrique 
n'offrait  point  de  débouché  8i  pour  qui  les  gains  d'une  fucrerie  avaient  plus  d'at- 
trait ,   ne  goûtèrent  pas  cette  nouvelle  tentative  qui  n'eut  aucun  fuccès. 

M.  de  Portelance  ,  né  à  Paris  ,  propriétaire  d'une  des  belles  habitations  de 
cette  paroiffe  ,  eft  auteur  du  Temple  de  Mémoire  ^  de  la  tragédie  d'Antipatcr  5g 
des  Adieux  du  Goût ,  com.édie, 

îv5'.  Dazille  ,  chirurgien  -  médecin  ,  penfionnaire  du  roi ,  élève  du  célèbre 
Antoine   Petit,  a  rçfidé   depuis  1777  jufqu'en    1783,  furies  deux  habitation^ 


■^T""*^ 


7^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       247 

Duplaa  Se  Chaftenoye  au  Quartier-Morin  &  y  a  produit  ainfi  que  dans  les  paroiffes 
voifines ,  une  révolution  favorable  dans  i'adminiftration  des  nèo-res  ,  tant  en 
fanté ,  qu'en  maladie.  C'cft  d'après  fes  indications  que  l'établiffement  des  hôpi- 
taux efpagnols  de  rembarcadère  de  Limonade  fut  fait.  Ce  cantonnement  qui  a 
duré  dix-huit  mois  ,  quoique  compofc  de  régimens  venant  du  camp  de  St-Roch, 
a  été  le  moins  deftrufteur. 

On  doit  à  M.  Dazille  ,  qui  a  été  employé  fucceffivement  dans  les  ports  de 
France,  fur  les  vaiffeaux  du  roi ,  en  Canada  ,  à  Cayenne  ,  à  l'Ifle  de  Fiance  ; 
les  Obfervations fur  les  Maladies  des  Nègres ,  ouYv^e^t  très-eftimé  ,  imprimé  chez 
Didot  jeune  ,  en  1776 ,  b:  dont  il  prépare  une  nouvelle  édition  ,  &  des  Obfervations 
Générales  fur  les  maladies  des  Climats  chauds ,  publiées  chez  le  même  ,  en  178  c. 

C'eft  auffi  le  Quarùer-Morin  qui  a  été  le  lieu  de  la  première  réfidence  de  M, 
Sirafon  Worlock  ,  créol  de  l'île  anglaife  d'Antigue ,  beau-frère  de  M.  Daniel 
Sutton  ,  auteur  d'une  méthode  d'inoculer  qui  porte  fon  nom.  M.  Worlock 
inftruit  de  cette  méthode  par  fon  beau-frère  ,  avec  la  condition  de  ne  s'en  fervir 
qu'en  Amérique,  arriva  au  Cap,  en  1774,  venant  de  Nantes,  recommandé 
au  gouverneur-général  par  le  miniftre  de  la  Marine.  Il  a  inoculé  par  milliers  , 
des  nègres  de  la  Colonie ,  pour  un  prix  extrêmement  modique  ,  &  s'eft  attaché  par 
fon  caraélère  tous  ceux  qui  le  connaiffent.  M.  Worlock  a  obtenu-,  en  1779  ,  des 
lettres  de  naturalifation. 

Ayant  cultivé  toutes  les  branches  de  l'art  de  guérir ,  M.  Worlock  a  fait  un 
mémoire  fur  la  maladie  épizootique  peftilentielle  de  Saint-Domingue  ,  qui  lui  a 
obtenu  un  prix  d'encouragement  de  la  Société  royale  de  Médecine  de  Paris  & 
le  titre  de  correfpondant.  On  en  trouve  l'extrait  dans  les  Recherches  fur  les  Épi- 
zooties  publiées  par  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap ,  qui  s'eft  attaché 
^.  Worlock. 

I  X. 

Paroisse     DU     DoNDON-. 

L  E  voifmage  immédiat  des  Efpagnols  réunis  dans  des  établiffemens  confidé- 
rables  ,  a  rendu  très-lent  celui  du  Dondon.  Son  origine  ne  remonte  qu'au  1 1 
Septembre  1698,  époque  où  André  Minguet ,  flibuftier-chirurgien ,  qui  avait 


DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

inarché  au  fiège  de  Carthagène  ,  obtint  de  M.  DucafTe  ,  alors  gouverneur  ,  h 
,concenîon  ,,  du  lieu  appelé  vulgairement  le  Trou  du  Dov.àcn  ,  borné  des  monta- 
gnes qui  forment  le  Cap  ,  &  de  l'autre  côté  des  montagnes  des  favanes  du 
•  j  Grand  Fond  &  du  Limbe  ,  &  de  la  rivière  du  Pimentier  ,  pour  y  ék'Cer  des 
beftiaux  jj.  Cette  donation  d'une  immenfe  étendue  de  terrain  ,  était,  comme 
le  dit  la  conceffion  elle-même  (*) ,  un  témoignage  des  fentlmens  qu'infpirait  la 
conduite  de  Minguet ,  qui  ,  prifonnier  à  Carthagène,  avait  fu  s'attirer  les  égards 
du  cheferpagnol&  la  confiance  de  fes  compatriotes. 

On  fent  néanmoins  qu'alors  on  était  loin  d'attacher  aux  terres  la  valeur 
qu'elles  «nt  fucceffivement  acquife  depuis.  Minguet  forma  fur  fa  conceffion  une 
hatte  &  un  corail.  Agé  de  près  de  foixante  ans,  placé  far  un  fol  très-élevé  & 
.où  des  arbres  peut-être  auffi  anciens  que  i'ile,  attiraient  des  pluies  fréquentes, 
il  n'était  d'abord  connu  que  des  efpagnols  de  Gohave  qui  fupportaient  im,pa- 
tiemment  le  voifinage  d'un  Français ,  &  qui  mirent  inutilement  tout  en  ufage 
pour  l'expulfer.  Deux  autres  Français  obtinrent  en  1701  une  conceffion  en  deçà 
de  celle  de  Minguet ,  qui  acheta  d'eux  leur  terrain ,  comme  s'il  avait  gagné  dç 
fes  voifms  la  maladie  des  grands  domaines. 

En  effet,  elle  agitait  Minguet,  puifque  fans  aucune  utilité  réelle,  il  fit  ratifier 
fa  conceffion  par  M.  Auger  le  25  Mars  1704,  par  M.  de  Choifeul  le  22  Février 
1709,  par  M.  Mithon  ,  Intendant,  le  20  Juillet  171 1 ,  le  même  qui,  conjoine 
tement  avec  M.  du  Paty,  ajouta  ,  cinq  jours  après,  une  nouvelle  conceffion  de 
ïoo  carreaux  à  celle  de  1698  ;  &  enfin  par  M.  de  Blenac ,  le  25  Mars  1715. 
B  eft  même  très-remarquable  que  Minguet,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de 
regarder  comme  très-jaloux  de  fa  conceffion,  ait  agréé  l'approbation  donnée  par 
•M.  de  Blenac  ,  qui  eft  conçue  en  ces  termes  :  „  Vu  la  conceffion  de  l'autre 
part  accordée  par  M.  Ducaffe  &  les  approbations  &  ratifications  fuivantes  ^ 
nous  donnons  la  nôtre  au  fuppliant ,  K  ce  pciirfa  "j-ie.  „ 

Vouloir  réduire  à  une  jouiffance  ufufruitière  un  don  fait  en  propriété ,  & 
effayer  ce  changemnet  par  rapport  à  un  vieillard  prefqu'oélogénaire ,  c'était 
cacher  un  dépouillement  réel  fous  une  forme  bienveillante  ,  &  il  n'efl:  pas  facile 
dejuftifi^er  le  gouverneur-général  à  cet  égard,  même  en  difant  qu"une  ordon- 
nance   du    roi  de  1713,    réunifiait    toutes  les  hattes    &     corails ,    où   il    nç 


{*)  Voyez  Lok  de  Saint-Domiag-je  ,  tome  ler,  ,  page  6o3, 


ie 


tmâ 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.       249 
fe  trouvait  pas  des  animaux  en  nombre  fuffifanr.    Elle  ne  pouvait  pas  concerner 
Minguet  qui ,  au  fein  des  bois,  exerçait  l'une  des  plus  touchantes  vertus,  l'hofpi- 
talité  ,  &  l'hofpitalité  la  plus  digne  de  ce  nom.   Aux  fecours  de  la  chirurgie  ,   ii 
avait  rc'uni  ceux  d'une  foule  de  plantes ,  &  la  nature  fécondait  fouvent  une  heure'ufe 
application  des  moyens   qu'elle  prodiguait  autour  de  Minguet.    Le  pauvre  allait 
trouver  un  père  -,  le  riche  (  s'il  en  était    alors  à  Saint-Domingue  )  ,   recourrait  à 
un  être  qui   fe  croyait  déjà  payé   par  le   fuccès.   Son  faible  hofpice  était  devenu 
fucceffivement  un  immenfe  hôpital  &  ces  Efpagnols  ,  auparavant  fi  irrités  contre 
Mi^nguet,  venaient  s'y  mêler  aux  Français,  &  partager  des  foins  que  ce  vénérable 
Coîon  donnait  à  l'homme  ,  quelle  que  fut  fa  patrie. 
_       Je  me  hâte   cependant  de  dire  qu'en  accueillant  ,  à  la  même  époque  de  1715  , 
des  demandes  de  conceffions  pour  établir  des  indigoteries  au  Dondon  ,   M.  dJ 
Blénac,  &  fon  fucceffeur  M.  de  Chateaumorant,  alnfi  que  leur  collègue  M.  Mithon,' 
mirent  pour   condition  ,  que    les    concefTionnaires   s'ascommoder^.,fit  avec  André 
Minguet  ,  en  cas  que  les  nouvelles  concevons  fe  trcuvajfent  dans  lafienne. 

■piufieurs  d'entr'eux  remplirent  la  condition ,  &  Minguet  fe  contenta  de  dix 
livres  par  caryeau  ;  les  autres  prétendirent  qu'ils  étaient  hors  des  limites  de  la 
concelTion  de  1698  ;  Minguet  était  vieux  ,  fa  mort  devait  le  dépouiller  :  &  il  eft 
des  êtres  dontl'efprit  &  le  cœur  ne  répugnent  à  aucun  calcul. 

On  ne  fe  borna  pas  à  de  fimples  prétextes  ,  à  des  empiétations  colorées ,  il  fe 
trouva  des  hommes  plus  hardis  qui  demandèreTit  des  terrains  évidemment  fitués 
dins  la  conceffionde  Minguet,  celui-ci  s'en  plaignit,  &  les  chefs  décidèrent,  le 
4  Juillet  1721  ,  que  les  conceffions  de  1698  &  de  171 1  feraient  refpeélées  ,  & 
qu'un  arpenteur  en  ferait  connaître  les  \éritab!cs  dimenfions. 

Comme  cet  utile  citoyen  devait  être  l'oojet  de  chofes  ,  au  moins  .fingulières, 
Varpe-nteur  Dateur  imagina  de  décider ,  en  fon  abfence  ,  par  un  procès-verbal 
du  a6  Mars  1722  ,  à  quoi  Ton  devait  les  réduire,  &  les  Adminiftrateurs  en  fécond 
du  Cap,  ufurpant  un  droit  qui  n'a  jamais  appartenu  qu'aux  Adminiftrateurs  en 
chef,  fe  firent  juges  de  la  conteftation  &  prononcèrent  le  18  juin  1722  ,  que  la 
veuve  de  Minguet  (  car  le  premier  Colon  français  du  Dondôn  venli^t  de  oayer 
3e  tribut  àla  nature)  aurait  feulement  425  carreaux,  qui  feraient  réoarti^s  iur 
trois  étabhffemens  de  fon  mari ,  auquel  on  avait  la  hardieffe  de' reprocher  de  n'en 
avoir  formé  aucun.  Le  n,ême  jugement  régla  les  conteilations  de  pluf  eurs  concet^ 
Terne     /.  _  .  1\ 


/ 


250       DESCRIPTION     DE 


A     PARTIE 


^ 


j 

i 


I 


fionaires  &  ie  Dondon  devint  ainfi  un  établiffement  réel  qui  ne  date  d^ns  le  fait 

que  de  17 21.  ,   ■ 

'  Cet  éubliffement  étaii:  utile  à  cauie  des  inquiétations  fréquentes  des  Eipagno.3. 
C'eft  un  des  motifs  du  règlement  de  1722,  qui  enjoint  à  tout  habitant  d'avoir 
au  Dondon  ,   le  nombre  de  blancs  prefcrit  par  les  loix. 

O':  eil  parvenu  à  ravir   au   fils  de  Minguet  de  nouvelles  portions   de   terrain, 
de    manière    que    tous   les  droits  de    cet  ancien    Colon    fe  font   réduits  à    148" 
carrcaux,   qui  fe  trouvent  aujourd'hui  dans    le   territoire   de  la  paroiffe  de   la 
Marmelade;   encore  a-t-on   effayé   de   les   enlever  à  celui  auquel  ce   fils   les  a 
vendus   en    1770.    Ainfi  l'on   ne    trouve    plus   dans    la  paroiiTc    du  Dondon   la 
defcendance  de  ce  Minguet ,  dont  tous  les  Colons   de  Saint-Domingue  pronon- - 
cent  ie  nom  avec  reconnaiiIr.nce  ,   ne  fut-ce  que  pour  défigner  quelques  plantes 
que  ce   nom   fai:  connaître  ,   notamment  une  liane   dont  le   fuc   eft  un  p  uITant 
vulnéraire.  Je  trouve  trop  de  iouiiTances  à  retracer  le  fouvenir  de   tous  les  êcres 
bienfaifans  qui  ont  exifcé  à  Sair.t-Domingue ,  pour  n'avoir  pas   faiîl  une  occaficn 
de  rappeler  le  fien  ;   d'autant  que  je  remplis  en  m.ême-tems  mon  défir  d'éclairer 
fur  l'origine  de  la  paroiiTc  du  Dondon. 

Cette  paroiffe  écait  fi  peu  avancée  en  1724.  que  MM.  de  Chaftenoye  &  Duclos, 
gouverneur  &  ordonnateur  du  Cap  ,  qui  venaient  d'y  faire  un  voyage  à  caufe  de., 
quelques  démêlés  avec  les  Efpagnois  ,  crurent  pouvoir  imiter  leurs   devanciers 
&  faire  ,  le  20  Novembre  1724  .  '^n  règlement  pour  y  augmrenter  la  population, 
confnlante  alors  en  une  douzaine    de    blancs   feulement.   Pofant  d'abord  comme 
chofe  certaine  ,  que   l'on  ne  pourra  pas  établir  de   fucreries  dans  ce  heu  ,  mais 
bien  y  faire  de  Vmdigo  ,   du  tabac   ou  du   cacao ,    ils   ne    voulaient  pas  qu'un 
ha'ûitant  pût  y  poiTéder   plus   de  36  carreaux  ,  excepté  trois  personnes  que   leur 
règlement  nomme,  &  parmi  lefquellcs  on   trouve  avec  fatisfacftion  la  veuve  de. 
Minguet,  à  caufe  des  femces  de  fon  mari  &  de  l'obligation  qu'on  lui  a  d'avoir 
confervé    &  maintenu   ce  quartier   aux   Français.   Ils    exigent   la  réfidence  du 
propriétaire  ou  celle  de  blancs  qui  le   repréfentent  ,   &  que  chaque  habitant  foit 
armé  &  équipé  avec  un  cheval. 

En  1725,  le  Dondon  fe  trouvait  féparé  du  refte  de  la  Colonie  françaife.  Il 
communiquait  feulement  avec  la  paroiffe  de  Sainte-Rofe,  par  la  gorge  du  Joli- 
Trou  ,  où  l'on  était  alors  obligé  de  faire  près  d'une  lieue  à^  pied.  C'eft  même  ce 
rentier  qui  était  depuis   1717  ,  une  des  routes  du  Cap  à  Léogane. 


^p\ 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  I  N  G  Û  É.       151 

Er.fin  le  Dondon  fortit  de  cet  état  d'enfance,  &  en  1727  on  en  forma  une 
paroifle  qui  fut  retranchée  de  celle  de  la  Petite-Anfe,  On  y  bâtit  une  chapelle 
que  delTervaient  des  prêtres ,  chargés  par  les  Jéfuites  du  foin  de  plufieurs  arnes 
par  le  défaut  de  fujets  de  la  compagnie  de  Jéfus.  En  1742,  les  habitans  ache- 
tèrent de  M.  Garfeau  une  portion  de  terrain  où  l'on  conilruifit  une  églife  &  un 
presbytère  en  1743.  On  avait  eu  auffi  le  projet  d'y  former  un  bourg",  qui  fut 
même  commencé  dès  lors  ,  mais  le  terrain  étant  infuffifant ,  les  habitans  fe  firent 
autorifer  parles  Adminiftrateurs  ,  le  9  Avril  1749,  à  acquérir  un  fupplément 
de  M.  Baconnais  ,  ce  qui  a  effectivement  eu  lieu.  L'arpenteur  Rault  le  divifa 
par  emplacemens&en  fit  un  plan  direfteur,  où  les  alignemens  étaient  réglés 
fur  la  pofition  de  i'églife  ,  &  une  ordonnance  des  chefs  approuva  ce  plan  le  3 
Décembre  1751. 

Ce  n'a  été  qu'à  l'époque  des  arrangemens  paroiffiaux  de  1742  que  les  limites 
du  Dondon  furent  défignées  d'une  manière  certaine  ;  jufque  -  là  le  zèle  du 
deflervant  en  était  la  vraie  mefure  ,  &  le  curé  de  Sainte-Rofe  &  lui ,  étaient 
fouvent  les  vicaires  l'un  de  l'autre.  Les  Colons  eux-mêmes  n'étaient  paJ  encore 
auffi  nombreux  qu'on  le  défirait  ,  puifqu'une  ordonnance  du  21  Mai  1751 
menaça  de  la  réunion  de  leurs  terres ,  ceux  qui  n'auraient  pas  formé  d'établiiïe- 
mens  dans  fix  mois.  Le  25  Novembre  1773,  h  paroifle  de  la  Marmelade  a 
été  diftraite  de  celle  du  Dondon ,   dont  voici  les  bornes  aéluellcs  : 

Au  Nord,  i^  La  Paroiffe  de  la  Petiie-Anfe  ,  dont  elle  eft  féparée  par  la 
montagne  du  Bonnet ,  &  2".  la  paroifle  de  la  Plaine  du  Nord  ,  'dont.elle  eft 
féparée  par  les  montagnes  du  Grand-Boucan  &  des  Mornets. 

A  l'Eft ,  la  paroifle  Sainte-Rofe ,  au  moyen  de  la  première  chaîne  de  mon- 
tagnes  qui  vient  du  Cibao  &  qui  ceflTe  de  dépendre  du  Dondon  à  la  Crête  du 
Grand-Gilles. 

Au  Sud,  le  territoire  efpagnol,  depuis  la  pyramide  N-,  79,  qui  forme  à  la 
ravine  Mathurin  le  point  de  réparation  entre  la  paroifl:^  Sainte-Rofe  &  celle  du 
Dondon  ,  jufqu'à  la  pyramide  N°.  97  qui  eft  fur  la  rive  droite  de  la  rivière  du 
Canot ,  &  à  la  pointe  de  l'embranchement  oppofé  ,  defcendant  de  Marigallegue, 
&  qui  eft  commune  à  la  paroifl^e  de  la  Marmelade. 

C'eft  dans  un  point  de  cette  étendue ,  que  MM.  de  Chaftenoye  &  Duclos 
virent  en  1724  deux  arbres,  fur  l'un  defquels  était  écrit  Capitan  Bertol  , 
&   fur  l'autre   Ane>ré   Minguet  :  limites   convenues  entre   ces   deux  voifins 


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D  E  S  C  R  I  P 


ION     DE     LA 


A  R  T  I  E 


français  &  efpagnol ,  pour   mettre  fin  à  des  plaintes  réciproques  d'empiètementr. 

Dans  toutes  les  montagnes  qui  féparent  le  Dondon  d'avec  la  Colonie  efpa- 
gnole ,  &  dont  la  plus  confidérable  eft  la  chaîne  nomn:ée  morne  à  Chapelets  , 
à  caufe  du  nombre  prodigieux  de  palraiftes  à  chapelets  qu'elle  nourrit,  il  n'y  a 
que  deux  ouvertures  qui  puiiïènt  faire  communiq'jer  les  deux  Colonies.  Celle 
de  la  Porte,  qui  eit  dans  le  bout  Sud-Eit  de  la  paroiffe ,  &  dont  j'ai  entretenu  le 
Lefteur  en  parlant  de  Saint-Raphaël  ,  paroliTe  de  la  Partie  Efpagnole  ,  &  où  les 
Français  avaient  un  poue  qu'ils  appelaient  vigie  ,  8c  qu'on  y  voyait  encore  en 
J702  ;  &  le  Saut  du  Canot ,  qui  eft  vers  le  Sud-Oueft. 

Au  Couchant,  la  paroilTe  du  Dondon  efl  bornée  par  celle  de  la  Marmelade  t 
1°.  a'j  moyen  des  montagnes  de  la  Soufrière  de  la  Marmelade  ,  entre  lefquelles 
eft  un  intervalle  qui  fert  à  la  communication  des  deux  paroiffes  ;  &  2.°.  par  la^ 
montagne  de  la  ravine  à  Fourmi. 

Le  Dondon  eft  abfolum.ent  ertclavé  dans  les  montagnes  &  le  fol  du  lieu  où  efl 
rÉo-life  &  le  bourg,  eft  élevé  d'environ  deux  cent  cinquante  toifes  au-deiTus  du 
niveau  de  la  mer.  (  *  )  Il  n'y  a  peut-êcre  dans  nul  lieu  de  la  Colonie  un  fite  plus. 
pittorefque  que  celui  de  cette  paroiiTe.  D'énormes  montagnes  dont  les  fomm.ets 
font  quelquefois  efcarpés  ,  préfentent  des  rochers  inclinés  ,  fouvent  mêr.e 
renverfé:.  les  uns  fur  les  autres,  &  le  défordre  de  ces  miaffes  offrent  prefque  par-tout 
des  témoignages  de  grandes  agitations  terreftres.  Les  montagnes  font  entre- 
coupées ou  féparées  par  des  Vallées  riantes  ,  par  des  coteaux  frais  dont  la  verdure 
nuance  agréablement  celle  des  bois  touffus  dont  les  élévations  font  couvertes  ,  & 
confole  de  quelques  afpecls  oii  le  roc  décharné  attrifte  l'homme  &  lui  parle  de 
deftruélion.  L'induftrie  de  cet  être  inexplicable  fe  remarque  dans  tous  les  points  ,^ 
&  la  nature  5  tantôt  défigurée  ,  tantôt  emibeliie  par  fes  travaux,  femble  avoir 
conienti  à  partager  fon  empire  avec  lui. 

L'inégale  furface  du  Dondon  ,  autant  qu'elle  peut  être  évaluée  ,  a  trois  lieues. 
du  Septentrion  au  Midi  &  cinq  lieues  du  Levant  au  Couchant ,  &  comme  ces 
diraenftons  font  plus  ou  moins  rétrécies  dans  certains  points  ,  en  ne  peut  en  éva- 
luer le  circuit  qu'à  environ  quinze  licues.  Cette  étendue  eft  divifée  en  neuf 
cantons.. 


(»)  C'êft  par  erreur  quej''ai  mis  chj  cens  ioifis  dans  la  Defcrlpticn  delà  Partie  Efpsgiioie ,  tome- 
jer. ,  pages  256  à  272  &  que  j'y  ai  dit  que  la  plaine  de  Gohave  eft  aaffi  élevée  que  le  bourg  da> 
Doadon= 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       a'sf 
Le  premier  eft  celui  nommé  le  Brochetage.   Des    montagnes  efcarpées  ceignent 
cette  agréable  vallée  qui ,  contigue  à  la  paroiiîe  de  la  Petite-Anfe  au  Nord  ,  &  à 
celle  Sainte-Rofe  dans  l'Eft  ,  a  pour  borne  au  Sud,   la  rivière  du  Dondon  &  à 
l'Oueft,  le  canton  des  Vafeux.  Dix-huit  habitations  font  pkcées  au  Brochetage  qui, 
dirigé  à  Ton  commencement  de  l'Eft  à  l'Oueft  ,   tourne  enfuite  du  Nord  au  Sud. 
II  a  environ  une  lieue  &  demie  de  longueur  fur  mille  toifes  de  largeur  moyenne. 
Le  fécond  canton  efr  celui  du  Bois-Rouge.  C'eft  l'enfoncement  qu'on  a  devant 
foi  dès  qu'on  eft  parvenu  au  haut  de  la  ciête  du  Grand-Gilles  ,  il  va  vers  le  Sud 
en  formant  un  amphithéâtre  -,  puis  il  s'étend  le  long  des  montagnes  qui  féparenn 
Sainte-Rofe  d'avec  le  Dondon.   Sept  habitations  peu  confidérables  ne  font  pas 
i'éloge  de  fa  fertilité. 

C'eft  vers  le  milieu  du  canton  du  Brochetage  que  k  montagne  qui  le  divîfe  à 
l'Occident  du  canton  des  Vafeux  qui  eft  le  troifième  ,  laifîè  un  paffage  à  la  petite 
rivière  qui  donne  fon  nom  à  ce  dernier  canton.  La  vallée  des  Vafeux  eft  étroite  & 
profonde  ;  &  les  montagnes  de  la  GuiUe  au  Sud  ,  celles  des  Galeries  à  l'Oueft  ,  du 
Grand  Boucan  &  du  Bonnet  au  Nord  ,  &  celles  du  Brochetage  à  l'Eft  ,  qui  la 
réduifent  à  une  iieue  de  longueur  ,  la  rendent  en  même-tems  trifte  &  mal-faine. 
On  y  compte  cependant  vingt-huit  habitations  dans  un  efpace  d'envL-on  mille 
carreaux  dont,  au  moins  ,  un  quart  eft  encore  en  bois. 

Le  quatrième  canton  c'eft  la  Guille  ,  placé  au  Sud  des  Vafeux.  Il  a  celui  du 
Matador  ^  l'Eft,  les  Galeries  &  les  mornes  du  Haut  du  Trou  à  l'Oueft  &  au 
Nord  le  Callebaffier.  Deux  lieues  de  l'Eft  à  l'Oueft  &  une  largeur  d'une  lieue,  en 
compofent  l'étendue  qui,  fans  être  plus  agréable  pour  l'œil  que  celle  des  Vafeux^ 
a  cependant  des  avantages  fur  celle-ci  ,  puifque  par-tout, où  les  montagnes  envi- 
ronnantes vont  en  amphithéâtre  ,  on  voit  des  cultures  ,  tandis  que  les  autres  font 
arides  &  impofantes  par  leurs  affreux  efcarpemens.  Trente  habitations  garniffent 
ce  féjour  dont  la  température  eft  fraîche  &  le  fol  bien  arrofé. 

Les  G^/^r^V^,  cinquième  csjiton  ,  font  compofées  d'une  fuite  de  montagnes 
rapprochées ,  efcarpées  &  difpofées  fans  ordre.  Des  valons  rétrécis  y  forment 
cependant  de  petits  intervalles  où  cinq  habitations  ont  trouvé  à  fe  placer  dans  une 
lieue  d'étendue  de  l'Eft  à  l'Oueft.  Ce  canton  qui  ne  répond  point  à  l'idée 
agréable  que  fon  nom  fait  concevoir  ,  eft.  appuyé  au  Septentrion  fur  la  paroiiîe  de 
k  Plaine  du  Nord  dont  il  eft  féparé  par  k  montagne  des  Mornets  ,  le  Haut  da 
Trou  k  touche  au  Sud  ,  le  chemin  des  Mornets  à  l'Oueft  ,  &  k  ravine  de 
Monfieur  ou  de  la  Guille  à  l'Eft. 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


^54 

De  tOus  les  cantons  du  Dondon  ,  le  uxième  appelle  le  Hâut  du  Trou  efi  le  plus 
beau,  le  plus  étendu  ,  le  plus  fertile  &  conféquemment  le  plus-riche.  L'ordonnance 
d'éreftion  de  la  Marmelade  en  paroiffe  ,  lui  avait  donné  le  canton  du  Haut  du 
Trou  ,  mais   d'après  une   oppofition  judiciaire   des  habicans  du  Dondon  ,   une 
autre  ordonnance  du  ii  Juillet   1776  ,  rectifiant  la  première  ,  a  remis  le  Haut  du 
Trou  dans  la  dépendance  du  Dondon.  On  peut  confidércr  ce  canton  comme  une 
petite  plaine  de  deux  lieues  &  demie  de  longueur  fur  une  largeur  égale  ,  à  quel- 
ques irréa-uiarités  près.  Elle  renferme  quarante  habitations,  &  la  rivière  Efpagnole 
l'arrofe  en  la  traveriant.  Circonfcrite  au  Nord   par   les   Moxnets  &  les  Galeries, 
elle  a  au  Sud  le  morne  à  Chapelet  ,  à  l'Eft  la  montagne   Colorade  &  le  C.-ilIe- 
baffier  j  &  à  l'Oueft  la  Soufrière  &  les  montagnes  de  la  paroiffe  de  la  Marmelade, 
La  Marre  à  la  Roche ,  feptième    canton ,   eft  une  autre  vallée  dont  le  fol  fertile 
eil  le  plus  élevé  du  Dondon  ,  quoique  la  vallée  foit  profonde  ,  à  caufe  des  hauteurs 
cui  l'environnent  &  qui  font  auffi   très-propres  à  la  culture.    Elle  a  deux  lieues 
d'étendue  du  Levant  au  Couchant ,  fur  une  largeur  petite  &  inégale  ,  &  renferme 
vino-t-ciaq  habitations.    Ce  local  a  les  montagnes  du  Haut  du  Trou  au  Septen- 
trion 5  au  Midi  le  morne  à  Chapelet  ,   qui  vers  le  milieu  de  la  Marre  à  la  Roche , 
offre  le  paiiage   du  Saut  du  Canot,  à  l'Orient  le   Callebaffier,  &:  à  l'Ouefr  les 
montagnes  de  la  ravine  à  Fourmi ,  qui  font  dans  ce  point ,  la  limite  du  Dondon 
&  de  la  Marmelade. 

Le  huitième  canton ,  le  Matador  eft  également  une  vallée  agréable  &  fertile  , 
que  coupe  &  arrofe  la  rivière  du  Pimentier.  S'étendant  d'abord  du  Nord  au  Sud  , 
cette  vallée  fe  trouve  enfuite  dirigée  de  l'Eft  à  l'Oueft  &  a  aind  une  longueur 
d'une  lieue  &  demie  fur  une  demi-lieue  dans  fa  plus  grande  largeur ,  étendue 
garnie  d'une  trentaine  d'habitations.  Le  morne  à  Chapelet  eft  encore  fon  terme 
dans  le  Sud  ;  une  petite  montagne  ifolée  ,  nomm.ée  morne  à  Jacques  &  plufieurs 
monticules  qui  femblent  partir  du  Morne  à  Chapelet ,  féparent  le  Matador  du 
Baffm-Cayman  qu'il  a  dans  l'Eft.  Au  Nord  eft  le  morne  du  Dondon  qui  eft  la 
fuite  de  la  première  chaîne  ,  &  au  pied  duquel  coule  la  rivière  k  Porte,  &  à 
l'Oueft  un  embranchement  du  morne  à  Chapelet ,  qui  porte  le  nom  de  Calle- 
baffier. 

Enfin  le  Bajfin  -  Cayman  complète  la  nomenclature  de  la  divifion  intérieure 
de  la  paroiffe  du  Dondon.  Ce  canton  analogue  à  fa  dénomination  eft  un  vrai 
baffm  d'environ  une  lieue  &  demie  de  l'Eft  à  l'Oueft  fur  une  demi-lieue  de  large 


T^^m 


FRANÇAISE  DE.  SAINT-DOMINGUE-  25^ 
I  a  au  Nord  les  montagnes  ftériles  qui  font  communes  à  une  partie  de  la  paroiffe 
Sainte-Rofe,  puis  celles  du  Brochetage ,  à  l'Eft  les  montagnes  Scie  bois  de  h 
Porte ,  au  Sud  le  Morne  à  Chapelet  &  à  TOu^fl  le  Matador.  Dans  le  nombre 
des  quinze  habitations  qu'il  renferme  ,  quelques-unes  font  fur  la  face  Septen- 
trionale du  morne  à  Chapelet  &  vont  jufqu'à  fon  fommet  toucher  la  ligne  de 
démarcation  des  deux  Colonies.  Ce  local  frais ,  ferait  encore  utile  par  fa  féc'ondité 
n  la  rivière  duDondon  ne  faifait  pas ,  de  la  partie  baiïe  ,  le  théâtre  de  fes  dcbor- 
démens  &  û  elle  n'augmentait  pas  fes  ravages  par  le  nombre  même  de  fes 
finuofîtés-. 

On  voit  d'après  ces  détails,  que  les  quatre  cantons  du  Brochctage,  des  Vafeux 
des  Galeries  &  du  Haut  du  Trou  ,  font  dans  la  limite  Septentrionale  du  Dondon  ' 
Se  par  conféquent  qu'ils  touchent  aux  paroiffes  de  la  Petite-Anfe  ,  de  la  Plaine 
du  Nord  &:  de  l'Acul.  Que  les  trois  cantons  du  Brochetage  ,  du  Bois-Rouge  & 
.du  Bamn  -  Cayman  en  font  la  limite  Occidentale  ,  &  conféquemment  qu'ils 
font  contigus  ,  d'abord  à  la  paroiffe  Sainte -Rofe,  Se  de  plus,  au  moyen  d\;ne 
inclinaifon  de  cette  limite  Orientale  ,  vers  le  Sud  ,  à  une  petite  partie  du 
territoire  efpagnol  ;  que  la  limite  Méridionale  commune  à  l'autre  Colonie ,  efr 
bordée  par  les  cantons  du  Bamn-Cayman  ,  du  Matador  &  de  la  Marre  à  h 
Roche;  que  la  limdte  Occidentale  qui  eft  entre  le  Dondon  &  la  Marmelade, 
fuit  les  deux  cantons  de  la  Marre  à  la  Roche  8e  du  Haut  du  Trou;  &  qu'enHn 
je  canton  de  la  Guille  eft  vers  le  centre  de  la  paroiffe. 

Le  canton  le  premier  établi  au  Dondon  par   les  Français ,   a  été  le  Matador 
C'eit  celai  où  Minguet  fit  ion  premier  défriché.  La  maifon  qu'il  habitait  était  à 
environ  deux  cent  toifes  dans  le  Nord  de  la  chaîne   des  Chapelets  ,   &   à   quinze 
ou  vingt  toifes  dans  le  Sud   d'un  coude  que  fait  la  rivière  du  Pimentier  ,  qu'on 
n'appelait  alors  que  ravine.  La  Guille  a  été  le  fécond  établi.  Minguet  y  Ivlit  au 
Sud  de  la  rivière    du    nom   de  ce   canton,  une    habitation   qui  ne  fe  trouvait 
à  compter  d'extrémité  en  extrémité  &  en  ligne  droite  ,  qu'à  environ  700  toifes^ 
de  celle  qu'il  avait  au   Matador.  Le  troifième  quartier  établi ,  a  été  celui  du 
Brochetage.  C'eft  là  que  Minguet  commença  à  éprouver  des  ufurpations ,  &  par 
conféquent  ce    fut   là   auffî  que    les   plus    anciens   habitans  du   Dondon,  après 
Minguet,   s'établirent.    Ce   âirent  MM.  Berger,  S  tapie  ton  ,   Linch,  Martin, 
Silvecane,   la  Caze ,   Bor^don,  le    Sieux,   Fleury  ,   Parent  &   Marie  Marthe 
r?>rent. 


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£56      DESCRIPTION     DE    L  A     P  A  R  T  I  E 

Le  Baffin  Cayman  fuivit  les  trois  cantons  que  j'ai  nommés.  Ses  premiers 
habitans  furent  MM.  Fortier  ,  Martin  Fortler  ,  Fleury  ,  P,  Garreau  ,  L, 
Garreaa  ,  Pirly ,  la  Salle  &  Paquet ,  Péré  ,  Spigeot  &  Plex  ,  dont  les  pofîefTions 
allaient  joindre  celles  de  Minguet  au  Matador.  Il  n'y  avait  pas  en  1723  ,  d'autres 
habitans  au  Dondon  que  ceux  que  je  viens  de  nommer.  Ses  autres  cantons  crâ 
reçu  des  cultivateurs  prefque  tous  en  même-tems. 

Le  boura;  du  Dondon  eil  à  l'extrémité  Sud  du  Bi-ochetao;e  ,  &  fur  la  rive 
droite  de  la  rivière  de  fon.  nom,  où  l'on  a  vu  long-tems  les  pilaftres  d'un  pont 
de  pierre  .  élevés  en  1763  par  les  ordres  de  M.  de  Belzunce,  &  qui  n'ont  pas  été 
achevés.  Le  chemin  qui  mène  à  l'Elpagnol  par  le  paffage  de  la  Porte  ,  les 
traverfe ,  ainfi  que  la  rivière.  Il  n'eil  compofé  que  de  80  r::aifons  ,  mais  il 
s'accroît  tous  les  jours.  Il  eft  défendu  d'y  couvrir  les  mailons  en  paille.  Des 
marchands,  des  artifans  &  des  cabaretiers  en  formicnt  la  population  ,  qu'augmen-^ 
tent  encore  des  oififs ,  efpèce  d'hommes  dangereufe  par-tout ,  mais  furtout  dans 
une  Colonie.  Le  voifinage  de  la  Partie  Efpagnole  a  rendu  encore  plus  néceflaire 
le  détachement  de  maréchauffee  qui  y  réfide.  Il  eil;  compofé  de  fix  cavaliers  & 
un  brigadier  de  couleur ,  fous  les  ordres   d'un  exempt  blanc. 

C'eft  dans  li  partie  Orienrale  du  bourg,  qu'eil  l'églife.  Lors  de  l'érection  de 
la  paroiiTe  en  172,7  .  on  en  conflruifit  une  de  bois  en  vingt  jours  dans  un  autre 
point.  Sa  confécration  à  l'éternel  fous  l'invocation  de  Saint-Martin  ,  archevêque 
de  Toy.rs,  fut  faite  le  1 1  Novembre  de  la  même  année,  jour  de  la  fête  da 
patron.  Celle  atbielle  efc  de  chai-pente  fur  un  fokge  ce  maçonnerie  ,  de  plus  de 
quatre  pieds  en  dehors  ;  fa  longueur  eil  de  100  pieds  ;  fa  longueur  de  ^5  y  fa 
hauteur  de  dix-huit  ;  trois  cloches  d'accord  entr'elles  forment  ce  que  les  amateurs 
anpellent  une  belle  fonnerie.  La  fête  du  patron  a  été  transférée  au  4  Juillet,  jour 
de  la  tranflation  du  Saint ,  par  mandement  du  Préfet  apoftolique  de  la  Partie  du 
.Nord,  en  date  du  12  Mai  1784  ,  à  caufe  des  pluies  trop  ordinaires  au  mois  de 
Novembre,  &  encore  parce  que  la  récolte  du  café  exige  alors  un  travail  aflldu  de 
la  part  des  culdvateurs  &  de  Iturs  nègres. 

Les  rivières  du  Dondon  qui  ne  font  que  des  ruiiTeaux  dans  les  t?ms  ordinaires 
ê^  des  torrens  durant  les  pluies,  ont  en  général,  dcseaux  vives,  faines  &  légères  ; 
farrout  celles  dont  les  eaux  coulent  fur  des  lits  pierreux  ,  graveleux  eu  iabloneux. 
Ces  rivières  ncurrillent  le  mulet  bâtArd  ;  le  haut-dos  ,  efpèce  de  carpe  ;  le 
dormeur:   le  déiicat  têtard  ou  cabot;  les  petits  mulets  appelés  grcs-ventres  Se 

de 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE,  257 
de  grafies  anguilles.  Mais  ces  habitans  des  eaux  fi  propres  à  ajouter  à  la 
fenfualité  des  tables  ,  ainfi  que  des  écrevifles  femblables  aux  chevrettes  ou 
falicoques  ,  &  des  crabes  d'un  goût  qui  flatte  les  créoles  ,  ont  trop  de  perfécuteurs 
dans  les  nègres  ,  qui  ne  croyent  pas  qu'attendre  c'eft  quelquefois  gagner. 

Les   montagnes   de  la  Marmelade  récèlent  la   fource  de   la  rivrère  la   plus 

confidérable  du  Dondon.  Quoique  fucceffivement  groffie  par  les  eaux  de  plufieurs 

ravines,  les  terrains  poreux  fur  lefquels   elle  coule  en  abforbent  une  partie  &  en 

rendent  le  volume  variable  &  incertain.   Sa  direftion  principale  efl  du  Couchant 

au  Levant,  mais  elle  eft  extrêmement  finueufe.   D'abord  nommée  la   rivière 

Dorée,  parce  qu'elle  pafle  fur  un  fond  de  marcaffites  fophiftiquées  de  foufre  & 

d'arfemc  qui  ont  la  couleur  &  l'éclat  de  l'or,  elle  devient  la  rivière  Efpagnole 

en  traverfant  le  canton  de  la  Guille  ,   &  prend  le  nom  de  rivière  du  Dondon 

.  lorfqu'elle  paffe  au  Sud  du  bourg.   Non  loin  de  là  ,  on  la  connaît  fous  celui  de 

nviere  la  Porte  ,  avec   lequel  elle  fait  environ   quinze  lieues  ,    ^  va  fe  mêler  fur 

le  territoire  efpagnol  à  d'autres,  pour  arriver  dans  l'Artibonite   &  fervir  ainfi  à 

l'utihté  d'une  autre  portion  de  la  Colonie  françaife. 

,Pes  montagnes  qui  féparent  la  Guille  &  les  Galeries  du  canton  des  Vafeux 
fort  la  rivière  ou  plutôt  la  ravine  de  ce  dernier  nom.   Elle  ferpente  fur  un  fond 
de  fable  &  de  gravier,  allant  de  l'Oueft  vers  l'Eft;  arrivée  au  pied  d'un  morne 
appelé  le  Grand  Gouffre ,   &  qui  a  environ  cent  pieds  d'une  hauteur  efcarpée 
elle  ie  précipite  dans   un   trou  &   difparaît  abfolument  aux   yeux  du  fpeftateur 
furpris.  Un  roc  bruni,   chargé  de  lianes,  de  moufTes   &  de  quelques  points  de 
verdure ,  forme  une  mafTe  qui  s'élève  au  milieu  du  vallon   &  où  efl  placé  le  trou 
dévorateur  -,  mais  à  aoo  toifes  de  là  ,  l'eau  reparaît.   Si  dans  des  pluies  abon- 
dantes le  ruuTcau  gonflé  roule  à  l'entrée  du  goufFre  les  arbres  qu'il  a  arrachés    les 
eaux  reHuent  dans  le  vallon  ,  leur  fureur  s'accroît ,  jufqu'à  ce  que  devenues  plus 
puiirantes  que  i'obflacle  ,  elles  le  détruifent  &  vont  avec  un  épouvantable  fracas 
inonder  les  parties  inférieures  au  point  de  leur  fortle.  Au-delà  du  goufFre     la 
nvicTe  garde  ia  direction  première ,  mais  parvenue  vers  le  milieu  du  Brochetage  , 
ellefemWe  regretter  le  fejour  dont  elle  s'éloigne,   &  qu'elle  abandonne  enfin 
pour  aller  vers  le  Sud ,  en  fuivant  le  même  canton  ,   à  l'extrémité  duquel  elle 
porte  a  la  rmére  du  Dondon  fon  tribut,   augmenté  de  celui  de  la  ravine  du 
Bonnet  &  de  la  ravine  du  Bois-Rouge. 
H  y  a  dans  plufieurs  endroits  du  Dondon ,&  principalement  au  Brochetage, 

K  k, 


253       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

des  eaux   minérales  qu'on  dit  ferrugineufes  ,  vitrioliques   &z   alumineufei ,  car 
aucune  analyfe  ne  les  a  encore  fait  connaître   d'une  manière  certaine. 

Le  fol  du  Dondon  eft  varié ,  comme  celui  de  tout  le  refte  de  l'île.  En  général , 
le  fond  des  vallées  eft  argileux  ,  les  coteaux  fabloneux  ou  tufeux  ,  mais  avec  des 
proportions  différentes  d'argile  &  de  tuf.  On  y  voit  auITi  des  coquilles  &  des 
concrétions  pierreufes  ou  criftallines.  D'énormes  bancs  de  granit  compofent  la 
bafe  des  montagnes  i  ces  bancs  en  portent  d'autres  de  pierres  calcaires  ou 
vitrifiaoles ,  de  nature  différente,  ou  de  roches  à  ravets,  qui ,  dans  plufieun 
endroits ,  font  abfolument  à  la  furface. 

Une  couche  végétale  couvre  ou  a  couvert ,  avec  plus  ou  moins  d'épaiffeur ,  le 
fol  du  Dondon,  Expofé  par  l'avidité  de  l'homme  ,  ou  feulement  par  fon  induftrie  , 
à  l'acTion  des  pluies  étonnantes  de  la  Torride  ,  cette  couche  eft  plus  ou  moins 
promptement  entraînée  &  fur  les  parties  élevées  ou  dans  celles  dont  la  pente  eft 
rapide  ,  l'eau  a  déjà  détruit  ce  que  le  tems  avait  lentement  formé  en  accumulant 
les  dépouilles  des  végétaux.  Les  crevaffes  des  fommités  des  montagnes  ont  une 
terre  rougeâtre  &  ochreufe  ,  une  terre  appelée  adamique  ou  primidve  par  les 
naturaliftes.  On  trouve  aulïi  au  Dondon  quelques  terres  rocailleufes ,  celles  fablo- 
ïieufes  y  font  très-rares. 

En  confidérant  les  bords  des  rivières  ^  il  eft  facile  de  fe  convaincre  de  h 
richeffe  de  la  minéralogie  du  Dondon.  L'or ,  l'argent ,  le  fer  ,  le  cuivre ,  l'anti- 
tnoine  ,  le  marbre  ,  le  porphyre  ,  l'albâtre  ,  le  jafpe  ,  i'agathe  ,  le  filex,  le  grès  , 
ies  granits  ,  le  talc  ,  le  fpath  ,  la  terre  glaife  ,  des  pétrifications  S;  des  criftalli- 
fations  de  tous  les  gerjres  &  une  muldtude  de  foffiles  dont  on  appcrçoit  des 
frao-mens  ,  appelent  &.  attendent  le  curieux  de  la  nature. 

Il  eft  un  phénomène  dont  le  fol  du  Dondon  fournit  des  exemples  particuliers  ; 
c'eft  celui  des  affidages  ou  avalanches.  Une  portion  de  terrain  ,  plus  ou  moins 
étendue  ,  fe  détache  du  point  où  elle  était,  gli-ffe  fur  la  furface  environnante  & 
va  fe  placer  plus  loin  ,  tandis  que  fes  différentes,  parties  confervent  entr'elles  les 
diftances  qu'elles  avaient  auparavant.  La  face  Septentrionale  du  morne  qui  porte 
le  nom  de  morne  du  Dondon  &  qui  eft  au  bout  Sud  du  Brochetage  ,  en  offre 
des  exemples  vers  fa  bafe  ,  &  l'on  peut  en  remarquer  encore  au  canton  de  la 
■Giiille  où  de  pareils  terrains  ,  qui  ont  com,mencé  à  gliffer  en  17  80,.  ne  fe  fone 
pas  encore  entièrement  arrêtés. 

M.  l'abbé  de  la  Haye  3  curé  du  Dondon  ,  que  j'avais  prié  de  fuivre  ce  phéna- 


T—^m' 


-% 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       159 

mène  ,  &  à  qui  je  fuis  redevable  de  beaucoup  de  détails  de  la  defcrlption  de  k 
paroiffc ,  penfe  que  durant  les  grandes  pluies ,  l'eau  forme  des  courans  & 
pénètre  dans  l'intérieur  de  la  terre  ;  que  là  elle  détrempe  ,  divife  ,  entraîne 
les  terres  qui  fervaient  de  bafe  aux  couches  fupérieures  ,  produit  des  cavités  ,  des 
écroulemens  ,  des  affaiflemens ,  des  affalages  &  creufe  même  des  abymes.  De 
là  ,  la  chute  des  rochers  ,  le  renverfement  de  ces  mafîès  énormes  dont  le  choc 
femble  ébranler  le  Globe. 

Dans  les  affalages  de  la  Guille  qui  ont  lieu  fur  le  penchant  d'un  coteau  dont 
la  face  efl  vers  le  Midi ,  le  terrain  a  gliffé  &  efl  defcendu.  D'anciennes  fources 
fe  font  taries  ,  de  nouvelles  les  ont  remplacées  ;  les  haies  vives  d'un  chemin  ont 
été  portées  à  15  ou  ao  pieds  de  leur  première  fituation  ;  mais  fur  la  fuperficie  de 
ce  fol  mobile  ,  rien  ne  s'eft  dérangé  :  plantations ,  maifons  ,  arbres ,  tout  a  été 
tranfporté  dans  fon  entier  &  fans  aucune  trace  de  dommage. 

Le  terrain  de  la  montagne  eft  aquatique  ,  coupé  de  fources  &  de  ravines  &  fa 
bafe  laiffe  encore  voir  des  traces  d'affalages  plus  anciens  ;  c'eft  un  banc  de  rochers 
inclinés  &  brifés  ,  recouvert  d'une  légère  couche  végétale  &  dont  les  fommités 
décharnées  forment  des  crêtes  ardues  &  hideufes.  Il  eft  donc  naturel  que  les  eaux, 
furtout  celles  d'orage ,  qui  font  tout  à  la  tois  &  plus  chaudes  &  plus  abondantes  , 
pénétrant  facilement  un  fol  déjà  mouillé  ,  &  ne  pouvant  pas  trouver  d'iffue  à 
travers  les  rochers ,  nappent  à.  fa  furface  &  acquérant  de  la  force  par  leur  poids  , 
flniffent  par  'entraîner  des  portions  de  la  couche  fuperfîcielle.  Il  l'eft  autant ,  que 
celles-ci  fuivent  la  pente  des  rochers  que  le  féjour  même  des  eaux  a  couvert  d'une 
cfpèce  de  limon  gliffant ,  &  que  ces  portions  entraînées  ne  s'arrêtent  qu'au 
moment  où  elles  fe  trouvent  portées  fur  un  autre  fol  capable  de  les  retenir.  Si  les 
eaux  tombent  dans  une  cavité,  leur  chute  produit  l'affaiffement  de  la  furface,  & 
un  écroulement  ;  fi  elles  minent  plus  la  bafe  dans  un  point  que  dans  un  autre ,  la 
perte  de  l'à-plomb  amène  un  renverfement ,  une  véritable  culbute. 
■  Mais  il  eft  desaffalagcs  du  Dondon  où  l'on  obferve  une  autre  particularité,  parce 
qu'au  mouvement  progrefTif  qui  eft  plus  lent  que  dans  les  autres  &  qui  n'eft  même 
lènfible  que  dans  les  tems  pluvieux  ,  fe  trouve  uni  celui  de  rotation  ;  de  forte 
qu'un  bâton  enfoncé  dans  une  direftion  contraire  à  celle  du  mouvement  de 
progreffion ,  finit  par  prendre  celle  de  la  pente  du  terrain,  après  avoir  décric 
yn  arc  de  cercle. 

Lorfque  les  eaux  fouterraines  agiflènt,  la  marche  progreffivc  a  lieu  ;  èc  elle  cefTe 

K  k  a 


^DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

au  contraire  ,  lorfque  les  eaux  font  taries  ,  voilà  pour  l'intermittence.  Quant  au 
tcurnoyement ,  fur  lequel  je  n'adopte  pas  une  explication  que  M.  l'abbé  de  la  Haye 
m'a  communiquée  &  qu'il  a  fait  palTer  depuis  à  la  Société  royale  des  Sciences  & 
Arts  du  Cap  ,  il  me  lem.bk  que  fi ,  par  l'inégalité  du  plan  fur  lequel  l'afFalage  fc 
faitj  le  terrain  qui  glifle  rencontre  un  obftacle  qui  l'arrête  dans  un  point,  l'im-pulfioa 
reçue  par  la  maffe,  fait  qu'alors  tou:es  1rs  parties  de  celle-ci  tendent  à  tourner  vers 
l'un  des  côtés  de  ce  point  fur  lequel  la  maffe  ne  repofe  pas  en  totalité  ;  &  le  tour- 
noyement  eft  plus  ou  moins  marqué  à  raifon  du  volume  &:  de  la  vîtcffe  du  terrain 
qui  gliffe  &_de  la  pofitioa  &  de  l'étendue  du  point  qu'il  a  rencontré  comme  obftacle. 
Avec  de  nouvelles  pluies  les  deux  phénomènes  recommencent;  peut-être  même 
qu'une  obfervation  confiante  ferait  voir,  8c  je  le  crois,  que  l'impulfion  direéle  &  la 
circulaire  prennent  l'une  &  l'autre  des  directions  différentes  de  celles  qu'elles  ont 
eu  originairement  &  qu'il  fe  trouvée  des  tournoyemens  excentriques  ,  d'abord  les 
uns  par  rapport  aux  autres  &  encore  relativement  à  la  maffe  elle-miême. 

En  général  ,  l'air  du  Dondon  eft  fain  ,  tempéré  ,  frais  &  même  humide ,  à  en 
juger  par  la  déliquefcence  du  fel  ordinaire.  On  y  trouve  des  vallées  très-chaudes, 
des  collines  tempérées  oij  le  printems  femble  avoir  fon  féjour  habituel  ;  le  froid 
eft  le  partage  des  montagnes  que  des  brouillards  couvrent  lorfque  le  foleil  a  franchi 
le  Méridien.    Quelquefois  ,  le  foir  ,  on  invoque  le  fecours  du  feu. 

Durant  les  Nords  qui  régnent  dans  les  fix  mois  d'Oftobre  à  Avril ,  on  eft ,  en 
quelque  forte  tranfi  ;  i'afpeft  du  foleil  eft  un  bien  ardemment  défiré  ,  &  une 
forte  de  renaiffance  en  eft  le  produit.  Dans  la  faifon  des  orages ,  qui  prend  les  fix 
autres  mois  ,  à  de  brillantes  matinées  fuccèdent  des  déluges  d'eau  &  des 
tonnerres  dont  la  configuration  du  lieu  accroît  l'horreur  &  le  fracas.  Au  coucher 
du  foleil  le  calme  renaît  &  la  nature  repofe  toute  entière. 

Au  lever  de  l'aftre  qui  féconde  la  terre,  une  brife  délicieufe  vient  du  Sud  & 
parcourant  les  différentes  gorges  ,  elle  produit  une  douce  fenfation ,  jufaues  vers 
dix  ou  onze  heures  du  matin  que  la  brife  du  large,  toujours  tardive  dans  les 
montagnes  ,  commence  à  régner.  Avec  elle  la  chaleur  qu'elle  tempère  s'eft 
cependant  augmentée.  Depuis  le  foirjufqu'avant  l'aube  du  jour,  l'air  fe  rafraîchit, 
&  enfuite  les  vapeurs  qui  s'exhalent  de  la  terrp ,  fe  condenfent  &  forment  un 
brouillard  épais  &  froid  ,  fi  le  tems  eft  calme  ,  oij  un  froid  dont  l'impreffion  eft 
prefque  douloureufe  fi  le  vent  qui  fouffle  de  l'intérieur  augmente  fon  aétion 
pénétrante.    C'eft  principalement  dans  ks  trois  premiers  mois  de  l'année  que  cet 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  a^ï 
effet  eO:  fenfible  &  après  les  pluies  des  Nords.  On  a  vu  (  rarement  à  la  vérité  >  le 
thermomètre  de  Réiumur  ,  à  l'efprit  de  vin  ,  defcendre  alors  jufqu'à  quatre 
degrés  au-deffus  de  la  congélation  ,  terme  prodigieux  pour  la  Zone  Torride  & 
dont  le  contrafte  avec  la  température  ordinaire,  eft  vivement  fenti.  Le  fommec 
des  montagnes  offre  dans  de  femblables  inftans  une  efpèce  de  rofée  gélatineufe. 

Le  Dondon  a  donc  ,  par  rapport  à  lui-même  ,  les  quatre  faifon^'s  annuelles  8c 
quelquefois  dans  un  feul  intervalle  de  vingt-quatre  heures.  La  plus  grande  diffé^ 
rence  obfervée  au  thermomètre  dans  les  années  communes  ,  eft  de  20°  •  car  il 
parcourt  l'intervalle  du  5-  degré  au-deffus  de  glace  ,  jufqu'au  25e.  dans  les  vallées 
découvertes.  Le  thermomètre  va  en  Été  de  12  à  24°  3  l'Hiver  de  7  à  15.  Dans 
la  moyenne  région  des  montagnes  &  dans  les  lieux  arrofés  ,  en  Été  de  10  à  2-  ■ 
l'Hiver  de4  0U5  à  12.  Enfin  fur  le  fommet  des  montagnes,  la  température 
encore  plus  douce,  varie  cependant,  prefqu'à  chaque  point ,  par  les  difFérens 
alpeéts  &  les  caufes  accidentelles. 

Le  Dondon  eft  expofé  aux  coups  de  vent  de  Sud,  efpèce  de  précurfeurs  de 
vioîens  orages  &  qui  dans  leur  courte  durée,  déployent  une  fureur  qui  c^ufe  la 
deftrudion  des  plantations.  Quelquefois  auffi  ce  vent  dure  pendant  un  certain 
intervalle,  &  on  l'a  douloureufement  éprouvé  dans  l'ouragan  du  4  au  c  Août 
1772. 

La  première  culture  du  Dondon  a  été  celle  de  l'indigo  ,  auquel  on  a  préféré  le 
cafier,  parce  que  le  premier  ne  produifait  que  peu  &  feulement  dans  les   années 
ieches  qui  ne  font  pas  les  plus  communes  au  Dondon.   Le  cotonnier  donc  on  a 
fait  l'effai,   a  affez  mal  réuffi  pour  qu'on  l'ait  abandonné.   C'eft  au  Dondon  que 
les  premiers  cafiers  portés  des  Mes  du  Vent  à  Saint-Domingue  ,  ont  été  plantés 
&  il  y  a  eu  de  grandes  fortunes  créées  dans  cette  paroiffe  par  le  fuccès  de  ces  pre 
m.ères  manufactures,  dont  on  fixe  l'époque  à  1738.   On  compte  dans  la paroifTe 
une  .ndigoterie,  6  places   à  vivres  &   219  cafeteries.  On  pourrait  divifer  c^s 
dernières  en  trois  claffes.  La  première  de  20  habitations  qui  donnent  depuis  30 
jufqu  a  100  milliers  de  café  &  dont  le  produit  total  peut  être  évalué  à  un  million 
de  livres  ;  la  féconde  de  150  habitadons  qui  donnent  depuis  10  jufqu'à  30  milliers 
&  un  refultat  de  deux  millions ,   deux  cens  mille  livres  ,   &  la  croifiéme  de  ,0 
Habitations  produifant  de  2  à  xo  milliers  &  en  tout,   X50  milliers:  ce  qui   (l 
environ  trois  millions  &  demi  de  livres  de  café  par  année 

Quand  on  contemple  k  Dondon  ,  les  montagnes  qui  le  coupent  dans  tous  les 


;'.] 


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î6i 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


fens  ;  quand  on  voit  les  rochers,  les  parties  incultivables  qui  s'y  trouvent,  on  ed 
étonné  que  l'induftrie  aie  pu  y  créer  autant  de  rlcheffes  ,  mais  l'on  ne  peut 
s'empêcher  de  fonger  que  chaque  jour  le  fol  s'appauvrit  par  les  dégradations  caufées 
par  les. pluies.  Tant  qu'il  exiftera  des  bols ,  leur  coupe  procurera  de  nouveaux 
défrichés  ,  mais  qu'on  juge  par  les  dégâts  de  la  hache  en  foixante  ans  ,  de  ce  qui 
relie  à  efpérer  ! 

Prefque  tout  ce  qu'on  confie  au  fol  du  Dondon  en  grains ,  en  légumes ,  en 
fruits  &  en  fleurs ,  y  réufTit  on  ne  peut  pas  plus  heureufement.  On  y  a  fait  venir 
d'excellent  tabac.  Le  maïs  ,  le  riz  y  font  abondans.  Les  pois  de  toutes  les 
efpèces  ,  les  navets ,  les  choux  ,  la  betterave  ,  le  céleri  y  font  fort  beaux  ; 
l'igname  ,  la  patate  ,  le  tayo  ,  le  bananier ,  très-produ6lifs  j  tous  les  fruits  du 
pays  y  font  d'une  bonne  qualité.  La  dehcate  rofe  ,  l'aimable  giroflée  ,  l'œillet 
fuave,  l'humble  violette  &  la  douce  paflerofe  y  récompenfent  le  foin  du  culti- 
vateur. La  botanique  y  trouverait  des  tréfors  ;  les  forêts  fournlflent  avec 
abondance  à  tous  les  befoins  pour  les  conftruftions  &  l'ameublement,  &  l'on  y 
rencontre  des  plantes  aromatiques,  que  le  préjugé  fcul ,  peut-être,  place  au- 
defîbus  de  celles  qui  font  fi  chèrem.ent  obtenues  de  l'Afie. 

Ces  forêts  ont  aufll  des  cochons  marons  ,  &  les  rochers  procurent  quelquefois 
des  piloris  ,  le  feul  des  quadrupèdes  naturels  au  pays ,  qu'on  trouve  encore  dans 
la  Partie  Francaife  &  qui  a  prefque  difparu  ,  tandis  que  le  rat  venu  d'Europe  y 
multiplie  avec  une  défolante  rapidité.  Les  anim.aux  domeftiques  femblables  à 
ceux  d'Europe,  ont  du  fuccès  ,  ainfi  que  les  beftiaux;  cependant  le  cHmat  trop 
froid  &  trop  humide  en  écarte  les  moutons  &  les  chèvres.  Il  efl:  fâcheux  que  le 
pian  ,  cette  maladie  contagieufe  de  la  volaille ,  détruife  une  grande  partie  de  celle 
qu'on  y  élève  avec  facilité  jufqu'à  un  certain  terme. 

La  pintade  fauvage,  le  ramier,  les  tourterelles ,  car  les  efpèces  en  font  variées, 
fournifl^ent  ainfi  que  les  farcelles ,  les  bécafTmes  ,  &c  ,  dans  certaines  faifons  ,  un 
cribler  délicat.  L'œil  fe  fatisfait  aufll,  en  contemplant  le  crabier,  les  diverfes 
poules  d'eau,  l'aigrette,  le  collier,  &  en  fuivant  dans  l'air  le  perroquet,  la 
perruche ,  où  en  appercevant  près  des  montagnes  le  petit  perroquet  de  terre.  Le 
voyageur  au  fond  d'une  gorge  foHtaire  &c  profonde  ,  efl:  tiré  de  fa  rêverie  par 
l'organiflie  méthodique  ,  ou  égayé  par  les  modulations  enchanterefi!es  du  rofîlgnol. 
Le  colibri ,  l'oifeau-mouche  viennent  tout-à-coup  lui  montrer  fur  leur  robe ,  le 
plus  brillant  écrin.  Quelquefois  un  fon  lugubre  &  lamentable  le  frappe  tout-à- 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       163 
coup,  c'eil  le  m-al-fini,  le  grigri,  la  chouette,  la  fiefaye  qui  a  fondu  à  Hmpro 
vifte  fur   ce  petit   miracle  de  la  nature,  ou   qui  d'une   ferre  algue,  preiîè  les 
entrailles  d'une  proye  plus  utile  parce  qu'elle  eft  plus  volumineufe. 

Le  Dondon  nourrit  beaucoup  d'infeftes  &  de  reptiles.  Les  lézards  &  les 
couleuvres  y  formeraient  une  colledion  très-curieufe.  Des  fcorpions ,  des  bêtes 
à  mille  pieds  ou  millepedes  &  des  araignées  crabes  ou  à  cul-rouge  ,  y  caufenc 
quelquefois  des  morfures  douloureufes  &  capables  d'allumer  la  fièvre  ,  mais  elles 
ne  caufent  point  la  mort.  Dans  la  faifon  pluvieufe  ,  on  entend  jufques  dans  les 
lieux  qu'on  habite  ,  croafîèr  la  grenouille  &  le  crapeau.  On  eft  également  affailli 
alors  par  des  nuées  de  mouftiques  &  de  mouches.  On  rencontre  auffi  des  effaims 
de  guêpes  qu'on  ferait  bientôt  puni  d'attaquer.  Enfin  l'on  trouverait  une 
jouilTance  réelle  à  admirer  une  grande  variété  de  papillons ,  fi  l'idée  que  leur 
nombreufe  &  dévorante|  profpérité  eft  un  fléau  pour  l'agriculture  ,  ne  rendait  pas 
moins  agréables  les  nuances  &  les  deffins  qui  les  erabelliflent. 

Les  abeilles  élevées  dans  la  paroifte  Sainte-Rofe  ont  fourni  des  efl"aims  à  celle 
du  Dondon,  où  l'on  recueille  de  la  cire  &  du  miel. 

Tout  prouve  que  le  Dondon  était  fort  peuplé  par  les  Indiens.  On  y  trouve 
continuellement  des  débris  de  leurs  vafes ,  &  des  figures  qui  rappelent  leurs 
idées  fuperftitieufes.  Des  cavernes  dont  ils  avaient  fait  des  fépulchres ,  renferment 
encore  des  reftes  de  la  dépouille  périffable  de  ces  êtres  faibles  &  bons  ;  &  l'oa 
trouve  des  antres  oij  leurs  bifarres  divinités  recevaient  un  culte  plus  bifarre 
encore.' 

C'eft  dans  le  territoire  du  Dondon  qu'eft  la  voÛte  célèbre ,  connue  fous  le 
nom  de  Voûte  à  Minguet ,  parce  qu'on  dit  qu'elle  a  été  fa  première  habitation. 
Elle  eft  fituée  à  environ  une  demi-lieue  dans  l'Oueft-Sud-Oueft  du  bouro- ,  fur 
la  rive  Méridionale  de  la  rivière  ,  dans  une  vallée  étroite  ,  profonde  &  folkaire. 
Son  entrée  eft  un  vafte  portique  où  deux  mafles  informes  font  placées  comme 
deux  gardiens  ou  deux  génies  tutélaires.  On  diftingue  encore  quelques  veftiges 
des  Zemes  &  des  fculptures  groffières  ,  dont  l'intérieur  était  orné ,  &  que  des 
concrétions  pierreufes  ont  recouvert.  Le  veftibule  d'abord  fpacieux ,  fe  rétrécit 
à  quatre  ou  cinq  toifes  de  l'entrée,  &  forme  un  paffage  qui  conduit  à  une  efpècede 
fanftuaire  éclairé  par  un  trou  de  la  voûte ,  dont  les  débris  ont  couvert  le  foJ. 
Sur  les  bords  du  paffage  ,  font  deux  ouvertures  étroites ,  &  quelques  tombeaux 
crtufés  dans  le  roc.  Les  côtéa  du  temple  oat    auffi  dans  leur  épaiffeur  des^ 


i-'i 


DESCRIPTION     D 


LA  T  A  R  T  I  E 


retraites  fpacieufes   peut-être   deftinées  aux   minlfcres  du  temple  ,   qui   a   cent 
cinquante  pieds  de  long  fur  une  hauteur  prefqu'égale. 

Chaque  année  les  Caciques  des  divers  lieux  de  l'île  venaient  dans  at  endroit,  a 
la  tête  de  leur  lujets,  renouveller  leurs  hommages  aux  Dieux  de  la  patrie.  L'opi- 
nion des  Infulaires  était  que  le  foleil  &  la  lune  avaient  percé  la  voûte  pour  aller 
éclairer  le  monde  &  que  les  premiers  hommes  ayant  ofé  imiter  leur  exemple,  ils 
avaient  été  métamorphofés  par  le  foleil ,  en  grenouilles  ,  en  lézards  ,  en  oifeaux  , 
&c  ,  &  les  gardiens  de  la  caverne  en  pierres.  Ainfi  ,  à  travers  leur  fimplicité ,.. 
ces  hommes  nus  Se  ignorans  afFeclaient  les  idées  les  plus  orgueilleufes.  Saint- 
Domingue  avait  été  ,  félon  eux ,  le  berceau  de  la  nature  ,  les  deux  aftres  qui  nous 
éclairent  avaient  répandu  leurs  premiers  rayons  fur  les  Haytiens  ;  ils  étaient  donc 
eux  des  defcendans  des  premiers  hommes  ;  en  un  mot,  tout  ce  qui  pouvait 
tenir  à  l'opinion  de  leur  fupériorité  fur  le  refte  des  humains  était  entré  dans  ces 
tètes  privées  d'inftruftion  ,  comme  fi  la  vanité  était  le  patrimoine  naturel  de 
l'homme.  Et  ce  million  de  fils  aînés  de  la  nature ,  de  defcendans  d'une  foule  de 
Prométhées ,  une  poignée  d'Efpagnols  l'a  anéanti  pour  janjais  &  à  peine  quel- 
ques-unes de  les  erreurs  &  le  fouvenir  de  fa  cruelle  deftinée  ,  furnagent-t-ils  fur 
l'océan  des  fiècles  ! 

La  population  aftuelk  du  Dondon  eft  d'environ  600  blancs  ,  200  affranchis  & 
9,000  efclaves.  Le  bourg  eft  compté  ,  dans  ce  calcul,  pour  120  blancs,  50  affran- 
chis &  250  efclaves.  Les  homimes  libres  portant  armes  ^  font  au  nombre  de  3-00 
En  tems  de  guerre  ,  cette  paroifTc  fournit  fon  contingent  pour  la  garde  de 
i'embarcadère  de  Caracol ,  &  de  celui  de  Limonade  &.  pour  le  pofte  du  Grand- 
Carénage  duQuartier-Morln, 

On  a  déjà  vu  à  l'article  de  Sainte-Rofe ,  que  le  Dondofi  avait  toujours  ét^ 
regardé  comme  un  lieu  important  pour  la  défenfc  intérieure  de  Saint-Domingue^ 
Son  bourg  eft,  peut-être  ,  l'un  des  points  de  l'île  qui  ont  fait  enfanter  le  plus  de 
projets,  La  difficulté  des  accès ,  la  falubrité  de  l'air  j  tout  avait  fait  penfcr  à  M^ 
de  Belzunce  qu'on  y  réunirait  le  double  avantage  de  la  confervation  de  la  Colonie 
&  de  celle  des  hommes  qui  devaient  affurer  la  première.  Il  fut  donc  queftion  des 
l'arrivée  de  cet  officier-général  d'y  avoir  un  camp  compofé  de  baraques  comme 
ceux  du  Trou  &:  de  Sainte-Rofe.  Pour  faciliter  ce  plan ,  on  fentit  la  néceffiré 
d'un  chemin  propre  aux  tranfports- ,  &  j'ai  dit  aufTi  qu'on  fit  ouvrir  celui  de  la. 
crête  du  Grand-Gilles  ,  de  manière  à  lui  faire  remplir  cette  deftination.  On  pofa 

des 


"5^ 


265 


FR'A  NÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 

fur  les  deux  habitations  Fleury  &  le  Febvre  ,  l'une  &  l'autre  fur  le  chemin  qui 
va  du  Grand-Gilles  au  pafîage  de  la  Porte.  Le  premier  était  à  environ  1,000  toifes 
dans  le  Nord  du  bo^rg,  &  celui  le  Febvre  à  500  taifes  dans  fa  partie  Méridio- 
nale. On  conftruifit  des  magafins  &  l'on  projeta  encore  deux  camps,  l'un  à 
l'entrée  du  Brochetage  ,  &  le  quatrième  près  du  chemin  du  bois  de  la  Porte. 
Le  Dondon  était  défigné  pour  recevoir  cinq  bataillons  des  troupes  qui  étaient 
arrivées  en  partie  ,  &  dont  le  refte  était  annoncé  par  le  Miniftre.  Et  comm.e  ces 
préparatifs  intérefîaient  alors  également  la  Colonie  efpagnole  ,  parce  que  les  deux- 
nations  craignaient  un  ennemi  commun  ,  on  s'occupa,  de  part  &  d'autre,  de  faire 
du  paflfage  de  la  Porte  ou  Saint-Raphaël,  une  com.munication  de  voitures  avec  la 
Partie  Efpagnole,  afin  d'évacuer  par  ce  territoire,  dans  le  cas  d'une  retraite  forcée 
]cs  magauns  d'ardllerie  &  de  vivres  ,  &  de  les  conduire  jufques  aux  rnontagnes 
du  Mirebalais  ,  d'où  l'on  ouvrait  auffi  une  communication  avec  le  Port-au-Prince^ 

Ces  différentes  entreprlfes  coûtèrent  beaucoup,  indépendamment  des  corvées 
qui  furent  un  véritable  impôt  pour  l'habitant,  &  lorfque  la  paix  de  1763  arri\^a  , 
tout  fut  abandonné.  Les  Efpagnols  en  donnèrent  l'exemple  les  premiers,  par 
rapport  au  chemin  de  la  Porte  ,  qu'ils  ne  regardèrent  plus  que  comme  un  moyen 
de  fraude  Se  de  rapprochement ,  chofes  qu'ils  ont  toujours  beaucoup  plus  craintes 
que  défirées. 

Cependant  les  baraques  du  Dondon  fervirent  à  loger  242  Allemands  ou 
Acadiens  ,  qui  y  furent  envoyés  aux  mois  de  Novembre  &  de  Décembre  1764  , 
&  de  Janvier  1765  ,  &  dont  il  ne  reftalt  plus  de  vivans  que  89  lorfqu'on  les  fit 
partir  pour  le  Môle,  le  21  Décembre  1765.  Ce  ferait  un  argument  contre  la 
falubrité  du  lieu ,  fi  cette  perte  de  près  de  deux  tiers  dans  un  an  avait  frappé  fur 
d'autres  que  fur  des  Allemands ,  déjà  accablés  par  des  maux  foufferts  dans  une 
autre  Colonie  ,  ou  fur  des  Acadiens  qui  avaient  été  expofés  long-tems  à  des 
privations  &  à  des  regrets ,  que  leurs  fentimens  pour  leur  patrie  femblaient  pref- 
crire  qu'on  leur  épargnât. 

Le  Dondon  a  plufieurs  ifllies  vers  la  plaine.  J'ai  cité  celles  qui  le  font 
communiquer  avec  Sainte-Rofe ,  dans  la  defcription  de  cette  dernière  paroiiTe , 
par  le  Joli-Trou ,  le  Fond-Chevalier  ,  les  Cormiers  &  le  Grand-Gilles,  &  en 
décrivant  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe ,  je  parlerai  de  celle  par  le  Bonnet  à 
l'Évêque.  En  voilà  déjà  cinq. 

La  fixième  ell  dans  le  revers  Oueft  de  la  montagne  du  Bonnet ,  dans  la  gorge 
Torae     T.  j   ^ 


i  ' , 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

du  Grand  Boucan  ,  paroifle  de  la  plaine  du  Nord.  Cette  gorge  qui  commence 
aux  habitations  Longue  malle  &  Beflbn ,  a  400  toifes  d'ouverture  fur  1^800  de 
longueur.  A  ce  point  eft  la  crête  qui  fépare  le  grand  Boucan  des  Vafeux  ,  &  par 
conféquent  la  paroiffe  du  Dondon  de  celle  de  la  Plaine  du  Nord,  mais  qui  lie 
les  mornes  du  Bonnet  avec  ceux  du  Dondon.  En  avançant  de  200  toifes  dans  les 
Vafeux  ,  le  cherrin  fe  partage  8c  la  branche  de  la  droite  va  au  canton  de  la  Guille 
Dans  ces  200  toifes  &  dans  8co  autres  placées  fupérieurement,  la  route  eft  finueufe 
&  aboutit  à  un  point  où  une  efpèce  de  rideau  tranfverfal  ,  d'environ  dix  toifes 
d'élévadon  ,  unit  la  chaîne  des  montagnes  du  Bonnet  avec  celle  qui  fe  dirige 
vers  l'Acul  en  formant  une  forte  de  fer  à  cheval.  Là  eft  le  gouffre  de  la  rivière 
des  Vafeux,  &  1,200  toifes  plus  loin,  le  chemin  joint  le  grand  chemin  du 
Dondon  au-delTus  du  camp  Fleury  &  à  500  toifes  au-deflbus  du  bourg.  Cette 
fixième  communication  eft   appelée  la  Porte  Saint-Jacques. 

Plus  à  rOueft  du  Grand-Bcucan  &  à-peu-près  Nord  $c  Sud  du  centre  du 
Gros  miornc  du  Cap  ,  on  trouve  à  l'extrémité  de  la  plaine  ,  une  autre  communi- 
cation qui  appartient  à  la  paroiiTe  de  l'Acul ,  c'eft  celle  de  la  gorge  des  Mornets  -, 
elle  aboudt  au  canton  du  Trou  ou  du  Haut  du  Trou  du  Dondon. 

Les  fept  communications  du  Dondon  avec  la  plaine  font  autant  de  moyens  de 
tranfport  pour  fes  denrées  au  Cap  ,  &  pour  fidre  venir  de  cette  ville  les 
approvihonnemiens  qui  lui  font  néceffaires.  Chaque  habitant  choiiit  le  chemin  le 
plus  à  fa  portée  ;  c'eft  par  cette  raifon  que  plufieurs  d'entr'eux  envovent  leurs 
ca^és  à  l'entrepôt  de  l'embarcadère  de  la  Petite -Anfe ,  tandis  que  d'autres  les  fQn~- 
aller  au  Cap  directement.  Il  fe  trouve  des  perfonnes  dont  l'état  confifte  à  faire 
faire  ces  charrois.  Les  mulets  portent  la  denrée  jufqu'à  l'entrée  de  la  plaine  ,  où 
les  cabrouets  les  reçoivent  enfuite  pour  un  prix  convenu  ,  à  tant  le  millier  ou  la 

livre. 

Le  chem/in  le  plus  ordinaire  du  Cap  au  Dondon  ,  eft  celui  qui  mène  auffi  à 
Sainte-Rofe.  Après  avoir  paffé  le  bac  ,  on  contourne  ,  en  gagnant  vers  le  Nord- 
Eft ,  le  fond  de  l'Anfe  qui  va  du  bac  à  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  ,  ce  qui. 
comprend  trois-quarts  de  lieue.  De  là,  fe  dirigeant  fur  le  morne  Pelé,  au 
Sud-Sud-Oueft  ,  on  fait  deux  lieues.  Après  avoir  un  peu  tourné  à  l'Eft ,  pour 
éviter  le  morne  Pelé  ,  on  reprend  au  Sud-Sud-Oueft  &  au  Sud ,  jufqu'au  bourg 
de  la  Tannerie  ,  ce  qui  fait  environ  une  lieue  &  demie.  Un  peu  plus  loin  ,  on 
entre  ,  fur  la  droite  ,  dans  une  gorge  profonde  où  l'on  parcourt  une  lieue  dans  un 


—^ 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  :,(,^ 
chemin  dont  la  diredion  principale  eft  ie  Sud-Oueft  ,  mais  qui  va  tantôt  à 
J'Oucft  ,  tantôt  au  Sud.  Arrivé  au  pied  de  la  gorge  du  Grand-Gilles  ,  on  fuit 
plufieurs  rampes  pour  la  monter  &  en  atteindre  le  fommet ,  qu'on  trouve  à  une 
lieue  &  demie  ,  vers  le  Sud-Sud-Oueft.  L5  commence  le  Dondon ,  &  l'on  va 
gagner  le  bourg,  enfaifant  encore  environ  une  lieue  &  demie  ,  d'abord  à  l'Oiieft 
puis  au  Sud.  ^ 

Le  bourg  du  Dondon  fe  trouve  donc  ,  par  le  chemin  ,   à  huit  lieues  du  Cap 
L'éghfe  du  Dondon  ,  celle  de  la  Petite-Anfe  &  la  batterie  circulaire  eu  quai  dû 
Cap  ,  font  prefque  fur  la  même  ligne. 

Le  projet  d'un  chemin  de  communication  avec  la  plaine,  en  voitrre  par  la 
gorge  du  Bonnet ,  aurait  fait  gagner  une  lieue  fur  la  difcancc  aftuelle.  D'u'n  autre 
côté  ,  étant  meilleur  &  parcouru  en  chaifes  ,  il  aurait  exigé  moins  de  tems  & 
procuré  une  grande  commodité.  Ce  ferait  d'ailleurs  la  route  la  plus  droite  Ce 
projet  a  été  renouvelle,  en  1783;  M.  Courejolles  ,  ingénieur  ,  avait  même 
commence  le  trace  qui  porte  fon  nom. 

Il  y  a ,  à  préfent ,  du  bourg  du  Dondon  : 


APÉglife  du  Cap, 

■  ■  Sainte- Rofe  , 
•  de  la  Petite-Anfe  , 

—7: de  la  Plaine  du  Nord  , 

de  l'Acul , 

■■  de  la  Marmelade , 


8  lieues.     A  l'Églife  de  Saint-Raphaël ,  dans  la         lieues. 
3  ■    Partie  Efpagnole,  3 

4  1/2  _  de  St-Michel  de  l'Atalaye ,    5 

5  ' de  Hinche  , 

6  A  San-Domingo , 
6 


14 
78 


Onaé_tabh,en  1782,  un  bureau  de  pofte  aux  lettres  au  bourg  du  Dondon 
Le  courner  y  arrive  &  en  part  une  fois  par  femaine.  Il  y  avait  eu  un  pareil  établi/ 
fementau  commencement  de   1763,  mais  qui  avait  celTé  prefqu'auffirôt  aprè"s 
fa  création.  ^  tpies 

Le  DondonaofFcrtk  fait  dW  fuperfétation  bien  certame.  En  ,,„  u„e 
negreffe  créole,  nommée  Dédé ,  efclave  de  M'-  veuve  Hyver  acccuch»  H 
deux  enfans  jumeaux,  l'un  garçon  &  mulâtre .  l'autre  fille  &„é»;effe  p''// 
e  même  jour  &  dans  l'intervalle  d'une  heure  .  par  un  blanc  &  f  ^g^  J 
aveu  de  la  mère.  1.  mulâtre  a  vécu  environ  deux  ans .  ,a  mère  rfan^tite 
negreffe  v.va,e„t  encore ,  en  ,  767 ,  lorfque  d'après  des  doutes  manifeftés  dan  L 
femlk  per,od,que  du  Cap  ,  fur  ia  fuperfé.ation  .  ce  fait  fut  conftaté. 

L.  1  2 


{ 


É 


^ 


268       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

C'eft  au  Dondon  que  mourût,  en  1743  ,  le  père  Le  Pers  ,  jéfulte  Valon  :  le 

premier  des  muTionnaires  qui  eût  été  chargé  du  foin  de  cette  paroifîe  ,  oij  il  alla 

en  1735.  Le  père  Le  Pers  avait  pour  goût  dominant  de  coopérer  à  i'établiffement 

de  nouvelles  paroiffes.  Arrivé  au  Cap,  le  24  Août  1704,  il  fut  d'abord   chargé 

de  la  cure  de  Lim.onade  qui  lui  fut  redevable  de  Ion  accroifîem.ent.  Il  provoqua 

cnlulte  fon  cérnembrement  pour  former  celle  du  Trou  qu'il  deffervit,  &  il  influa 

faccefîivem.ent  fur  l'érection  de  celles  du  Fort-Dauphin  &  du   Terrier-Rouge. 

Simple  dans  fon  extérieur  ,   retiré ,  d'une    extrême   fobriété  ,    animé  d'un   zèle 

apoftolique  dont  les    nègres  étaient  le  principal  objet,  le  père  Le  Pers  n'avait  de 

mondain  que  l'amour  de  la  botanique  &  celui  de  connaître  l'hiftoire  du  pays  qu'il 

était  venu  habiter.  Trouvant  encore  d'anciens  colons  qui  avaient  été  eux-m.êmes 

ou  qui  avaient,  du  moins  ,  connu  les  fondateurs  de  la  Colonie  Françaife  ,  il  dreffa 

ces  mémoires  qu'il  envoya  à  fon  confrère  le  père  Charlevoix  avec  lequel  il  avait 

étudié     en  théologie.     C'cii    à     l'aide   de   ces    matériaux ,    auxquels  l'Éditeur 

ajouta    le     fruit  de   les  recherches   dans    le  dépôt  encore     bien    précieux    des 

archives     Coloniales   formé   à  Verfailles  ,   que   le   père    Charlevoix    publia    en 

17^0  les   deux  volumes  in-4°.  de  l'Hiftoire  de  Saint-Domingue  ,  fijuftement 

eftim.ée. 

Ce  fut  rnêmie  en  voyant  cet  ouvrage  que  le  père  Le  Pers ,  qui  n'y  trou- 
vait pas  la  partie  de  i'hilloire  naturelle  affez  étendue  ,  prit  la  réfolution  de 
fe  livrer  à  l'élude  de  la  botanique.  Un  exemplaire  de  l'ouvrage  de  Tourne- 
fort  tombé  entre  fes  mains ,  acheva  de  l'y  déterminer  ,  &  dès-lors  tout  le  tems 
qu'il  ne  confacrait  pas  aux  devoirs  de  fon  état ,  il  l'employait  à  l'herborifa- 
tion.  On  le  voyait  m.ême  oublier  pour  cette  palTion  ,  le  befoin  de  nourriture 
que  fon  nègre  domeftique  était  obligé  de  lui  rappelkr  plufieurs  fois  pendant 
fes   incurfions. 

La  nature  du  fol  du  Dondon  ,  la  configuration  de  ce  lieu,  fa  température, 
tout  perfuada  au  père  Le  Pers  que  fes  recherches  feraient  fruflueufes  j  it  de- 
manda donc  &  obdnc  la  cure  du  Dondon.  Mais  les  avantages  même  du 
local  pour  cet  objet ,  devinrent  funeites  au  père  Le  Pers  :  accoutumé  depuis 
trente  ans  aux  chaleurs- qu'il  ne  trouvait  plus  au  Dondon,  il  mourut  en  174J 
dans  fa  59"^  année  ,  laiiTant  une  foule  de  mémoires  fur  les  plantes  de  St.- 
Domingue  que  le  médecin  du  roi ,  Poupée  Defportes  ,  qui  fe  trouva  au- 
Drès  de  lui  à  fa  mort,  recueillit  avec  l'agrément  du  fupérieur  de  la  mifîion. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGl/E.       a6^ 

&  fous  la  promeflè  d'en  faire  ufage  dans  ce  qu'il  publierai;;  fur  la  botanlauc 
Coloniale.  Il  ne  faut  donc  pas  douter  que  ces  mémoires  n'ayent  beaucouî» 
fervi  à  l'ouvrage  de  ce  médecin  imprimé  en  1770  fous  le  titre  de  Mdadïes 
de  Saint-Domingue  ,  dans  les   parties   où  il  traite   de  l'hiftoire   naturelle. 

Il  femble  que  ce  foit  un  apanage  des  Curés  du  Dondon  que  l'étude  d& 
la  botanique,  puifque  celui  aftuel  y  eft  entièremen  livré.  M.  l'abbé  de  la 
Haye  a  publié,  en  1788,1e  profpeftus  d'un  ouvrage  fous  le  titre  de  Florin  die 
(  Flore  Indienne  ),  ou  Hifioire  ■j.hifxo-ecommiaue  des  végétaux  de  la  Torride , 
fruit  de  fes   longs  &  utiles   travaux. 

Ce  laborieux  éccléfiaftique  a  auffi  donné  au  public  ,en  1781  ,  un  traité  fur 
U  panification  de  plufieurs  racines  ,  fous  le  titre  de  Pykt  de  convertir  les  Vivres, 
en  ■pain  fans  mélange  de  farine  ,  de  l'imprimerie  du  Cap  Français.  Ainfi  nous 
ferons  redevables  à  des  pafteurs  du  Dondon  de  nous  avoir  fait  connaître  ,  l'un 
i'hiftoire  de  la  plus  importante  Colonie,  &  l'autre  celle  des  richeffes  dont  Ja 
nature  y  a  rempli  le  règne  végétal ,  &  s'affociant  tous  les  deux  à  k  plus 
jufte  reconnaiffnace ,  leur  réputation  attachera  une  idée  d'intéiêt  au  lieu  qui 
a  été  leur   féjour. 

M.  l'abbé  de  la  Haye,  efc  en  outre,  (  ainfi  que  M.  Prieur,  l'un  des  plus 
eilimables  habitans  du  Dondon  ) ,  au  nombre  des  cultivateurs  de  la  Partie  du 
Nord  auxquels  on  a  remis  des  plantes  &  des  graines  des  Indes  Orientales 
envoyées  par  ordre  du  miniilre  ,  de  l'Ifle  de  France  à  Cayenne,  à  la  Mar- 
tinique &  à  Saint-Domingue  ,  fur  le  navire  l'Alexandre ,  commandé  par  M. 
Mothais  de  la  Châtaigneraie,  arrivé  au  Cap  le  14  Juillet  1788.  PuuTent 
ieurs  foins  &  ceux  des  autres  Colons  qui  ont  eu  part  à  ce  dépôt ,  natura- 
lifer  ces  végétaux  précieux  &  afîocier  ia  plus  belle  des  Antilles  aux 'bienfaits- 
que  le   Créateur  avait  répandus  auffi  loin  d'elle  1 


Paroisse  de  la  Marmelade. 
Le  nom  de  Marmelade  que  porte  cette  paroifTe  ,  eft  celui  de  Fun  de  fes 
cantons  qui  dépendait  autrefois  de  la  paroiflè  du  Dondon.  Il  lui  avaic  été 
donné  par  les  habitans  des  autres  parties  du  Dondon  en  figne  de  dédain , 
â  caufe  des  pluies  exceffives  qui  faifaienc  de  fon  fol  une  efpèce  de  bouiilii 
ou  de  marmelade. 


L^ 


270       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

C'eft  feulement  à  l'époque  du  25  Novembre  1773  que  rem.onte"  l'érec- 
tion de  la  Marmelade  en  paroiffe  ;  elle  a  été  faite  par  une  ordonnance  des 
Adminiftrateurs  qui  ,  comme  on  l'a  vu  à  l'article  du  Dondon  ,  avait  donné 
le  canton  du  Haut-du-Trou  de  cette  dernière  ,  à  la  nouvelle  paroiffe  ;  mais 
les  réclamations  des  habitans  du  Dondon  &  plus  encore  le  traité  des  limi- 
tes entre  la  France  &  l'Efpagne ,  am.enèrent  deux  autres  ordo-nnances  du 
II  &  du  14  Juillet  1776  i  par  l'une  le  Haut  du  Trou  a  été  refiitué  au  Dondon 
&  par  l'autre  la  Marmelade  a  acquis  le  nouveau  canton  d'Ennery ,  qui 
était  confidéré  auparavant  comme  une    partie  des   poffeffions    Efpagnoles. 

Telle  qu'eft  aujourd'hui  la  paroiffe  de  la  Marmelade,  elle  eii:  bornée  au 
Nord  par  les  paroiffes  de  l'Acul  &  du  Limbe  ;  à  l'Eft  par  le  Dondon  ;  au 
Sud  par  la  frontière  Efpagnole ,  depuis  la  pyramide  N*.  97  qui  lui  eft  com- 
mune avec  la  paroiffe  du  Dondon  jufqu'à  la  pyramide  No.  125  qui  lui  appar- 
tient ainfi  qu'à  la  paroiffe  des  Gonaïves  ;  &  à  i'Oueil  par  les  paroiffes  des 
Gonaïves  ,  de    Plaifance   &  du  Limbe. 

La  Marmelade  eft  compofée  de  trois  cantons  principaux  ,  dont  l'un ,  qui 
eft  la  Marmelade  proprement  dite  ,  a  celui  de  la  Soufrière  au  Septentrion  & 
celui  d'Ennery  au  Midi.  Enfuite  le  canton  de  la  Marmelade  fe  fubdivife 
lui-même  en  canton  de  la  Marmelade  ,  en  Plateau-la- Vallée ,  en  Corail  & 
Tête-à-Bceuf.  Celui  de  la  Soufrière  a  auffi  une  portion  qu'on  appelé  la  Rivière- 
Dorée. 

En  général  le  fol  de  cette'  paroiffe  eft  très-élevé  &  montueux ,  particulière- 
ment dans  le  canton  de  la  Soufrière.  La  nature  de  ce  fol  n'eft  pas  la  même  par- 
tout ;  néanmoins  les  terres  calcaires  y  font  les  plus  communes  ,  à  l'exception 
toutefois  du  canton  de  la  Soufrière  où  les  terres  argileufes  dominent  confi- 
dérablement. 

Il  règne  dans  les  différentes  parties  de  la  paroiffe  une  variété  de  climat 
qui  n'eft  pas  auffi  fenfible  dans  d'autres  paroiffes.  La  température  de  l'air, 
dans  la  partie  appelée  Marmelade  ,  répond  à  celle  dont  on  jouit  dans 
les  provi-ces  intérieures  de  la  France  vers  la  fin  d'un  beau  mois  de 
Mai.  Dans  les  fix  mois  qui  comprennent  l'intervalle  d'Oftobre  à  Avril ,  le 
thermomètre  de  Réaumur  defcend  jufqu'au  9°^'  degré  au-deffus  de  la  gla- 
ce au  lever  du  foleil  Se  ne  monte  que  jufqu'au  lô'"^  degré  vers  midi.  Dans  les 
fix  autres  mois  il  s'clcve    jufqu'au  24^?  degré  le  jour  &  defcend  la  nuit  à  ao. 


FRANÇAISE    D  E    S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      271 

Il  eft  rare  que  dans  les  jours  caniculaires  des  années  les  plus  chaudes  il 
atteigne  27  degrés.  Aufli  n'y  connait-on  pas  ces  chaleurs  exceffives  qui  ren 
dent  les  nuits  d'Eté  fi  fatigantes ,  même  dans  des  provinces  Septentrionales 
de  la  France  ,  &  l'on  ne  peut  guères  s'y  paffer  d'une  couverture  de  coton 
Les  pluies  font  abondantes  dans  ce  canton  où  l'on  peut  même  en  évaluer 
la  quantité  moyenne  à  100  pouces.  Il  y  tonne  beaucoup  durant  l'Été  &  h 
foudre  y  caufe  de  fréquens  &  de  fâcheux  accidens  qui  devraient  porter  à 
imiter  l'exemple  qu'y  avait  adopté  M,  Kerdiflen  de  Tremais  ,  commiffaire 
gênerai  de  la  marine  &  ancien  ordonnateur  du  Cap  ,  d'établir  des  paraton- 
neres   fur    les    bâtimens  de   fon    habitation. 

Mais  ces  orages  ne  régnent  que  durant  l'Été  ;  comme  ils  ne  fe  déclarent 
fouvent  que  le  foir  &  qu'ils  ne  durent  que  peu  d'heures,  ils  ne  nuifent  pas  à 
la  jouiflance  d'un  fort  beau  ciel,  avantage  dont  on  n'eft  pas  même  privé  pendant 
les  Ncrds.  En  effet ,  ceux-ci  laiffent  des  intervalles  de  plufieurs  jours  ,  où  l'on 
ne  voit  que  peu  de  nuages  &  prefque  jamais  de  brouillards  ,  &  qui  procurent  un 
air  extrêmement  falubre. 

Les  terres  du  canton  de  la  Marmelade  font  en  général  aflez  fertiles. 
Dans  le  canton  de  la  Soufrière,  elles  le  font  moins.  Les  pluies  &  les' brouillards 
y  font  fi  fréquens ,  &  l'inclinaifon  des  montagnes  à  l'horifon  fi  grande  ,  que  fon 
fol  argileux  prefque  par-tout  &  qui  ne  peut  pas  être  fuffifamment  réchauffé  par 
les  rayons  du  foleil  ,  eft  ftérile  dans  plufieurs  endroits ,  &  généralement  peu 
produftif. 

La  température  de  la  Soufrière  eft  quelquefois  affez  froide ,  même  au  mois 
d'Août ,  pour  que  dans  la  belle  &  agréable  maifon  de  M.  Efteve ,  ancien 
Sénéchal  du  Cap  ,  fur  fon  habitation  de  la  rivière  Dorée,  envoyé  avec'plaifir , 
briller  le  feu  dans  les  cheminées  qu'il  y  a  fait  conftruire. 

Au  canton  d'Ennery  ,  ainfi  nommé  en  honneur  du  gouverneur-général  qui  a 
conclu  le  traité  des  linaites  de  1776  par  lequel  ce  canton  eft  devenu  français , 
il  pleut  beaucoup  moins  qu'à  la  Marmelade  ,  Se  l'on  y  éprouve  des  chaleur's 
brûlantes  qu'on  attribue  au  voifinage  des  favanes  efpagnoles.  Ces  chaleurs 
nuifibles  à  la  végétation ,  femblent  s'accroître  encore  à  raifon  des  défrichemens. 

En  général,  les  terres  de  la  paroiffe  de  la  Marmelade  font  propres  à  la  culture 
du  cafier ,  la  feule  qui  y  foit  fuivie  ;  car  l'effai  de  celle  de  l'indigo  dans  quelques 
indigoteries  au  canton  d'Ennery  ,  n'aura  fervî  qu'à  apprendre  qu'il  faut  y  renon- 


m 


C  R  I  P  T  I  O  N     DE     LA     PARTIE 

cer ,  Se  Ton  y  a  pris  le  parti  d'y  planter  auiïi  des  cafiers.  Peut-être  la  nature 
féche  de  fa  température  aurait-eile  dû  inviter  à  y  tenter  celle  du  cotonnier. 

Les  légumes  de  toute  efpèce  réuffiffenc  affez  bien  dans  tous  les  terrains  de  la 
paroiffe ,  pourvu  qu'on  en  renouvelle  fouvent  les  graines.  Les  fruits  propres  au 
pavs  &  en  général  ceux  des  climats  chauds,  y  font  très-bons,  &  particulièrement 
l'orange.  Il'n'en  eft  pas  de  même  de  ceux  des  climats  tempérés  ;  ils  y  dégénèrent 
promptement ,  ainfi  que  les  fleurs  ,  quelque  foin  qu'on  puiflb  leur  donner  ,  fi  ce 
n'eft  fur  l'habitation   de  M.  Chevalier  Puilboreau  ,  dont  je  parle  à  l'article  de 

Plaifance. 

L'on  y  efi  privé  des  refîburccs  de  la  chaffe  &  de  la  pêchb  ,  fans  en  être 
dédommage  par  les  volailles ,  qui  ne  peuvent  s'accoutumer  à  un  climat  pluvieux , 
non  plus  que  les  moutons. 

Une  infinité  de  ravines  ,  dont  les  eaux  font  très-bonnes ,  coupent  l'étendue  de 
la  paroifîè  dans  divers  fens.  Trois  principales  qui  ne  font  que  des  torrens  mais 
qui  font  appelées  rivières ,  font  connues  fous  les  noms  de  rivière  du  Dondon , 
de  rivière'de  la  Marmelade  &  de  rivière  Dorée.  La  première  naît  fur  l'habitation 
le  Maîrre  ,  dans  le  canton  de  la  Marmelade ,  la  féconde  fur  l'habitation  Faparel 
'&  la  troifième  fur  l'habitation  des  héritiers  Dupuy  ,  à  la  Soufrière.  Ces  deux 
dernières  vont  l'une  &  l'autre  fe  jetter  dans  la  Grande  ravine  du  Limbe  ,  au 
point  où  eft  un  petit  îlet  que  cette  direction  des  deux  rivières  a  fait  nommer 

J'Iflet  à  corne. 

Aucune  obfervation  n'a  fait  connaître  avec  préclfion  la  minéralogie  de  la 
pirciffe  de  la  Marmelade  ,  qui  eft  cependant  riche  en  cuivre  &  en  fubftances 
fulfureufes.  La  nomenclature  même  de  certains  lieux  de  la  paroiffe  le  prouve  ; 
car  la  Soufrière  eft  ainfi  appelée  ,  parce  que  l'on  voit  quelquefois  des  vapeurs 
fulfureufes  s'élever  du  fol  même  ;  &  le  nom  de  rivière  Dorée  a  été  infpiré  par  la 
vue  des  pierres  de  fon  lit ,  qui  contiennent  des  pyrites  brillantes  d'un  jaune 
doré.  Il  eft  d'ailleurs  notoire  que  M.  Paparel  a  porte  une  paire  de  boucles  de 
fouliers ,  faite  du  cuivre  recueilli  fur  fes  poffeffions  à  la  Soufrière. 

La  pcpuhtion  totale  de  la  Marmelade  eft  de  500  blancs ,  150  affranchis  & 
environ  7,000  nègres  diftrlbués  fur  165  cafeteries  ,  30  places  à  vivres ,  un  four 
à  chaux  &  une  hatte. 

La  milice  y  compte  220  hommes  portant  armes. 

Leglife  de  la  Marmelade  qui  eft  ds  bois  h  jolie  ,  a  environ  quatre-vingt 
^  pieds 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      273 

pieds  de  long.    Sainte-Marthe   eft  fa  patrone:    c'était  celle  de   M^e.  Paparel 
bienfaitrice  de  ce  temple.  On  l'a  élevé  dans  un  point  du  canton  de  la  Marmelade  [ 
fur  un  terrain  dépendant  autrefois  de  l'habitation  Favereau,  &  aflèz  central,' 
La  polie  du  Cap  y  arrive  une  fois  par  femaine. 

Il  y  a  un  fubftitut  du  procureur  du  roi  de  la  SénéchauITée  du  Cap  à  là 
Marmelade,  où  il  eft  chargé  de  la  police,  qu'y  font  un  exempt,  un  brigadier 
&  quatre  archers  de  maréchauflee. 

La  paroifie  de  la  Marmelade  a  plufieurs  communications.  La  principale  eft 
celle  du  chemin  qui  la  traverfe  en  venant  du  Dondon  ,  &  qui  va  joindre  dans  lé 
baffin  de  Plaifance ,  les  routes  de  voiture  que  la  réunion  des  deux  Confeils  du 
Cap  &  du  Port-au-Prince  a  enfin  obligé  d'effedluer.  Ce  chemin  de  la  Marmelade 
avait  été  commencé  en  1762,  à  la  demande  de  M.  le  Vicomte  de  Belzunce 
fous  l'adminiftration  de  MM.  de  Bory  &  de  Clugny.  L'objet  principal  qu'on  fj 
propofait ,  était  d'établir  entre  la  Partie  du  Nord  &  celle  de  l'Oueft,  une  com- 
munication exempte  de  l'inconvénient  de  devenir  impraticable  par  les  déborde- 
mens  des  rivières.  Ce  travail  était  refté  abandonné  depuis   1763  ,  époque  de  la 
mort  de  M.  Belzunce,  jufqu'en   1787.  Il  eft  inutile  d'obferver  que  dans  la 
Marmelade  comme  au  Dondon ,  ce  chemin  n'eft  praticable  qu'à  cheval. 

Ce  chemin  a  une  iflue  vers  le  Cap ,  en  parcourant  depuis  la  Soufrière  près  de 
fix  lieues  de  long  à^  caufe  de  fes  finuofités ,  pour  gagner  le  Haut  du  Trou  du 
Dondon  ,  d'où  il  s'étend  dans  la  plaine  par  la  gorge  des  Mornets. 

La  gorge  des  Périgourdins  qui  fe   termine   à  l'habitation  Paparel,  formant  la 
féparation  du  canton  de  la  Marmelade  proprement  dite ,  de  celui  de  la  Soufrière 
du  Dondon ,  &  qui  communique  par  une  crête  de  mornes  peu  interrompue 
jufqu'à  la  coupe  du  Limbe ,  fournit  encore  une  route  vers  l'Acul  &  vers  le 
Cap.   Cette  route  a  cinq  lieues  de  long  à  caufe  de  fes  contours  ,  &  va  rencontrer 
le  grand  chemin  Belzunce  à  une  lieue  de  l'habitation  Paparel.  Il  y  a  de  plus , 
une  communication  entre  le  canton  d'Ennery  &  les  Gonaïves ,  vers  lefquelles 
plufieurs   habitations  de   ce  premier  lieu ,  très-éloigné  de  tout  embarcadère  , 
trouvent  préférable  de  faire  tranfpor ter  leurs  denrées.  Enfin  M.  Ollier,  habitant 
du  canton  de  la  rivière  Dorée ,  ayant  obtenu  la  permiffion  de  fe  faire  un  chemin 
qui  va  aboutir  à  l'Iflet  à   corne  du  Limbe  ,  ce  chemin  eft  devenu  public  par 
radoption  que  plufieurs  perfon.ies  en  ont  tait. 

'^''^'    ^'  Mm 


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274       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Il  y  a  de  l'églife  de  la  Marmelade 

A  celle  de  Plalfar.ce ,         .         ,  8  lieues.     A  celle  du  Dondon ,  .         .  3  lieue;» 
du  Cap ,                  .         .           12 

C'eft  au  canton  d'Ennery  &  conféquemment  dans  la  paroiffe  de  la  Marmelade  , 
que  M.  Brulley,  auparavant  fubftitut  du  procureur-général  au  Confeil  fupérieur 
du  Cap  ,  travaille  depuis  1785  ,  à  établir  une  nopalerle  &  à  créer  une 
manufafture  où  ferait  recueillie  la  matière  propre  à  fournir  la  nuance  éclatante 
que  produit  l'inTecte  mexicain.  On  ne  peut  proférer  le  mot  de  cochenille ,  relati- 
vement à  Saint-Domingue  ,  fans  qu'il  ne  réveille  le  fouvenir  de  M.  Thiery  da 
MenonvlUe ,  qui  n'avait  été  ravir  au  Mexique  la  cochenille  meftèque  ,  avec  tant 
de  périls  ,  que  pour  qu'elle  mourût ,  après  lui ,  au  Port-au-Prince.  Ce  n'eft 
donc  que  fur  la  cochenille  fylveftre  que  M.  BruUey  &  quelques  autres  perfonncs 
ont  tenté  des  effais  &  elle  eft  l'objet  de  fon  éLabliffement  de  nopalerie, 

M.  Brulley  ayant  envoyé  en  1787  ,  au  miniftre  de  la  Marine  ,  des.  effais  de 
cochenille  recueillis  par  lui  fur  fon  habitadon ,  ils  ont  été  ibumis  à  l'examen  de 
l'Académie  des  Sciences  de  Paris.  Il  eft  réfulté  du  rapport  fait  par  elle  ,  que 
les  préparations  de  M.  Brulley  avaient  akéré  la  qualité  de  la  cochenille  :  que  la 
teinture  de  celle  aon-préparée  avait  beaucoup  approché  de  celle  de  la  cochenille, 
du  Mexique.  Cependant  ce  réfultat  d'un  premier  effai ,  a  été  trouvé  fi  intéreffant, 
que  le  roi  a  accordé  à  M.  Brulley  ,  trois  mille  livres ,  à  titre  de  gratification  Air 
la  caiffe  municipale  ,  avec  reccommandation  aux  Adminiftrateurs  de  faire  publier 
cette  faveur  par  la  voie  de  la  gazette  ,  afin  qu'elle  pût  exciter  le  zèle  des  habitans. 
C'eft  donc  un  puiffant  motif  pour  M.  Brulley  lui-même  ,  de  continuer  des- 
travaux dont  le  fuecès  procurerait  à  Saint-Domingue  un  nouveau  genre  d'utilité  y 
en  méritant  à  celui  qui  l'aurait  obtenu  ,  une  place  diftinguée  parmi  les  hommes, 
que  la  reconnaiffance  publique  nomme  dans  cette  brillante  Colonie. 

On  ne  s'attend  farement  pasl  apprendre  que  la  Marmelade  a  été  le  lieu,  qu'on; 
avait  choifi  pour  y. faire  fruftifier  les  idées  du  magnédfme  ^afforties  comme  ea- 
Europe ,  aux  vues  de  ceux  qui  les  propageaient.  Elles  ont  paru  à  la  Marmelade^ 
accompagnées  des  farces  des  Illuminés  ,  des  fcènes  dégoûtantes  des  Convul— 
Sonnaires  &  des  abus  de  la  profanation  ,  parce  qu'on  voulait  arriver  aux  profits  de. 
Vefcroquerie.  Le  Confeil  fupérieur  du  Cap  avait  vainement  menacé  les  feclateurs- 
4e. cette  doctrine  dangereufe  ,  par  un  arrêt  du  i6  Mai  17S6 ,  un  nommé  Jérôme. 


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^ 


FRANÇAISE    DE    SAÏNT-DOMÏNGUE.      275 

ou  Poteau ,  mulâtre  ,  aidé  de  Télémaque  j  nègre ,  ne  continua  pas  moins  à 
rançonner  les  efclaves  ,  en  les  initiant  à  des  myftères  chimériques  dans  des 
afîèmblées  no6lurnes  ,  tenues  dans  des  lieux  écartés  &  qui  attiraient  un  immenfe 
concours  de  ces  hommes  faibles  &  fuperftitieux. 

Supérieur  à  eux ,  de  toute  la  mefure  de  leur  crédulité  3  Jérôme  leur  vendait 
des  maman-bila  (petttes  pierres  calcaires  )  contenues  dans  des  facs  appelés/o«^<î  ; 
des  graines  rouges  &  noires  d'une  efjoèce  d'acacia  ,  qu'il  nommait  poto  ;  mais 
furtout  des  bâtons  [appelés  mayombo  ,  où  l'on  introduirait  de  la  poudre  des 
maman-bila ,  au  moyen  d'une  vrille,  ce  qui  leur  donnait  la  vertu  de  battre,  fans 
danger  pour  foi ,  un  autre  nègre  dont  le  bâton  n'avait  pas  de  mayombo.  Jérôme 
fe  contentait  d'une  gourde  pour  un  poto ,  mais  il  en  fallait  quatre  pour  un  mayombo. 
Il  avait  des  féconds  qui  inftruifaient  de  leur  côté ,  en  lui  donnant  la  moitié  de  leur 
gain  ,  &  tous  prêchaient  l'indépendance.  Jérôme  a  été  envoyé  aux  galères  â. 
perpétuité,  par  arrêt  du  Confeil  de  Saint-Domingue  du  13  Novembre  1787  ,  & 
l'on  a  cru  que  fon  difciple  Télémaque  ferait  affez  puni  en  demeurant  auprès  de 
lui  ,  tandis  qu'expofé  au  carcan  ,  dans  le  marché  de  Clugny  au  Cap  ,  il  donnerait 
un  exemple  éclatant  de  l'impuifTance  de  fes  pratiques  ,  pour  échaper  aux  peines 
dont  la  juftice  devrait  toujours  payer  le  charlatanifme  effronté. 


Q^U  A  R  T  I  E  R     D  U     C  A  P.  ^ 

.■  .XI... 

Paroîsse     de     la     Petite-Anse. 

On  fait  que  cette  paroiffe  ,  établie  en  1670,  était  déjà  confidérable  avant 
l'irruption  faite  par  les  Anglais  réunis  aux  Efpagnols  ,  en  1695  ,  lors  de  laquelle 
fon  églife  fut  détruite  comme  le  refte  de  fes  établiflemens.  En  1697  ,  on  en 
conftruifît  une  petite  de  bois ,  couverte  de  paille.  C'efl  dans  cette  chaumière  que 
ie  malheur  conduifait  l'homme  qu'il  ramène  toujours  vers  la  puiffance  infinie  qui 
régit  l'Univers.  Les  plus  anciens  regiftres  de  cette  paroiffe  font  de  la  même  année 
1697. 

La  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  a  pour  borne,  i^.  au  Nord  ,  la  paroiffe  du  Quar- 
tier-Morin  ,  en  fuivant  le  cours  de  la  ravine  des  Sables  qui  devient  la  rivière  Any 

M  m  2 


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\^ 


276       ;DE  s  C  R  ï  P  T  I  O  N     DE     LA     PARTIE 

&  qui  va  fe  jetter  dans  la  rivière  à  Galifet  ou  du  Haut  du  Cap  ,  à   1^500  toiles 
de  l'embouchure  de  cette  dernière  ,  en  ligne  droite  ,    ce  qui  fait  que  cette  limite 
Nord  eft  formée  par  une  ligne  qui  va  réellement  du  Sud-Eil  au  Nord-Eft.   ip.  A 
l'Ell:  j  encore  par  la  paroiffe  du  Quartier- Morin  ,  au  moyen  du  grand  chemin  qui 
fert  aux  habitations  du  haut  de  la  paroiffe  pour  faire  tranfporter  leurs  denrées  à 
l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  ,  depuis  le  point  oij   ce  chemin   rencontre   la 
ravine  des  Sables ,  jufqu'à  celui  où ,  cenfé  prolongé  dans  le  Sud,  il  irait  trouver 
la  fommité  de  la  chaîne  du  Grand-Gilles  ,   fauf  toutefois  la  portion  où  cette  limite 
entre  la  Petite-Anfe  &  le  Quartier-Morin  quitte  le  chemin  pour  paffer  fur  le 
inorne  Pelé.  3"^.  Au  Sud-Eil  ,  par  la  chaîne  du  Grand-Gilles  jufqu'à  la  rencontre 
de  celle  des  m.ontagnes  du  Bonnet  qui  fépare   la  paroiffe  de  la   Petite-Anfe  de. 
celle  du  Dondon  au  Sud.    4°.  A  l'Oueft  ,  par  la  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  , 
d'abord  au  moyen  d'un  contrefort  de  la  montagne   du  Bonnet ,  dirigé  vers  k 
Nord  &  que  les  deux   paroiffes   fe   partagent  ,   l'une  à  l'Eft  ,   l'autre  à  l'Oueft  , 
cafuite   par  la   ravine  des  Matteux  jufqu'à  fon  embouchure  dans  la  rivière  du 
Haut  du  Cap  ,  puis  par  la  rive  Orientale  de  cette  dernière  jufqu'au  point  où  la 
rivière  Any  s'y  jette  &  où  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  trouve  la  paroiffe  du  Quar-. 
tier-Morin  ;  tandis  qu'à  la  rive  de  l'Oueft ,  c'eft  la  paroiffe  du  Cap  qui  la  fuit 
parallèlement  depuis  le  Haut  du  Cap  jufqu'au  point  qui  correfpond  fur  la  rive 
gauche  ,   à  l'embouchure  de  la  rivière  Any. 

Les  limites  même  de  cette  paroiffe  prouvent  que  fon  nom  ne  lui  convient  pas  , 
puifqu'elle  n'a  plus  ,  comme  autrefois ,  l' Anfe  qui  forme  le  fond  de  la  rade  du, 
Cap  &  qu'elle  ne  touche  plus  à  la  mer  par  aucun  de  fes  points. 

La  plus  grande  partie  du  territoire  de  la  Petite-Anfe  eft  en  plaine  ,  où  elle  fe 
fubdivife  en  cantons  du  Haut  du  Cap  ,  des  Perches  &  du  Bonnet ,  tandis  que 
la  partie  montagneufe  n'en  compofe  qu'un  feul ,  appelé  le  Bonnet  à  l'Évêque.. 

Ce  qui  eft  confidéré  dans  cette  paroiffe  comme  canton  du  Flaut  du  Cap  ,  n'eft 
réellement  que  la  portion  de  ce  dernier  qui  eft  fur  la  rive  droite  de  la  rivière  de 
Galifet.  Cette  portion  confifte  en  deux  ou  trois  fucreries  ,  &  en  deux  tuileries  & 
briqueteries.  &c  une  guildiverie,  placées  entre  le  chemin  qui  vient  gagner  lapaffe 
du  Haut  du  Cap  ,  la  rivière  du  Haut  du  Cap  &  l'embouchure  de  la  rivière  Any. 
Le  canton  des  Perches  eft  celui  qui ,  ayant  la  rivière  de  fon  nom  dans  le  milieu, 
de  fa  longueur  ,  a  la  rivière  du  Haut  du  Cap  à  l'Oueft  &  au  Nord  où  elle  fait  un 
QC\*fie  i  ôc  une  ravine  dans  l'Eft.   Le  furplus    de  la  plaine  cft.défigné    fots 


'"■*.  ,■,.  '«r 


FRANÇAISE    DE   SAINT-DOMINGUE.         o.. 

le  nom  de  Petite- Anfe  ,  excepté  la  partie  fupérieure  qui  eft  connue  fous  le  nom 

de  Bonnet,  ou  Bonnet  à  l'Évêque. 

La  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  jouiffait  autrefois  d'une  grande  réputation  de 
fertilité  qu'elle  ne  foutient  pas  aujourd'hui  au  même  degré.  La  terre  y  eft  com- 
munément forte  &  d'une  nature  prefqu'argileufe  ;  l'ea«  y  nappe  fans  y  pénétrer. 
On  y  compte  32  fucreries ,  dont  fept  de  la  première  claÛTe  donnent  annuellement 
deux  millions  de  fucre  blanc ,  fept  de  la  féconde  claffe  ,  en  produifent  un  million  & 
demi,  feize  en  donnent  un  million  &  demi,  &  une  en  fabrique  deux  cent  milliers 
de  brut. 

C'eft  dans  la  première  claffe  que  font  les  trois  fucreries  contigues  du  Marquis 
de  Galiffet,  appelées  des  P/««to,   h  Graf^de-Place  &,  h  Gofelte.  Il  n'eft  aucune 
poffeffion  de  la  Colonie  françaife  auffi  connue  que  celles  de  la  famille  Galifet  qxil 
les  doit  à  fon  auteur ,  gouverneur  du  Cap  ,  dès  la  fin  du  fiècle  dernier,  &  à  quj 
cette  qualité  n'a  pas  nui  pour  l'étendue  &  l'établiffement  de  fes   domaines  -non 
plus  que  l'influence  qu'il  eut  fur  la  diftribution  des  fonds  revenant  aux  colons,  de 
Saint-Domingue  qui  avaient  marché,  comme  lui ,  au  fiëge  de  Carthagéne.  M. 
de  Galifet  poffédait  encore  en  17 16  plus  de  douze  cens  carreaux  de  terre  dans  la: 
Petite-Anfe  feulement.   Ces  habitations ,  dis^je  ,  font  très-connues  parce  qu'elles 
ont  donné  naiffance  à  deux  expreffions  populaires  :   l'une  pour  marquer  qu'une 
chofeeft  très-douce,  dit:  ^.^^  comme  fucre  à   Galifet-,    &  l'autre  pour  peindre 
le  hon\ytm  ,^xt:  heureux  comme  un  nègre  à  GaUfef;  mot  où  fe  trouve  l'éloo-e  le 
plus  fatisfaifantpoijr  le  colon  qui  fait  faire  fortir  de  l'efclavage  même  un  éta? que 
bien  des  hommes  libres  pourraient  envier,  &  pour  les  repréfentans  de  ce  proprié- 
taire dont  ils  fécondent  fi  bien  les  vues  bienfaifantes ,  quoique  manifedées  de  près  • 
de  deux  mille  lieues ,  puifque  ce  propriétaire  réfidc  en  France, , 
,    On  doit  un  autreélogeàde^  habitans  de  cette  paroiffe  pour  avoir  conçu  & 
réalifé  le  projet  de  tirer  de  la  Grande  Rivière  une  portion  d'eau  qui  y  coulait  en. 
pure  perte,  &  de  l'employer  à  faire  mouvoir  des  moulins  fur  leurs  fucreries.  Cette 
entreprife  eft  bien  faite  pour  qu'on  en  trouve  ici  les  détails  les  plus  intéreffans. 

Elle  eut  pour  principal  moteur  M.  le  marquis  de  Choifeul  Praflin ,  proprié- 
taire à  la  Petite-Anfe ,  qui  y  réfidait  alors  &  qui,  réuni  à  plufieurs  autres,  adreffa 
aux  Adminiftrateurs  le  22  Février  1742 ,  un  mémoire  où  il  expofait  que  l'eau  de 
la  Grande  Rivière  excédait  les  befoins  de  fes  riverains  dans  les  paroiffes  de  Limo- 
nade  &  du  Quartier-Morin  i  qu'une  partie  de  ceux  de  Limonade ,  en  même-tems , 


'^- 


ZB 


278       DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

riverains  du  Fofîe  ,  trouvaient  dans  ce  dernier  de  quoi  Te  procurer  des  moulins  à 
eau  ,  puifque  l'eau  du  moulin  du  premier   riverain   de  Limonade ,  prife  dans  la 
Grande  Rivière  &  vidée  dans  le  Fofle  ,  l'avait  affez  confidérablement  augmenté 
pour  leur  en  faire  craindre  les  débordemens  :  que  les  autres  riverains  de  la  droite 
au  nombre  de  fepr,  n'avaient  befoin  que  de  l'eau  néceffaire  à  deux  moulins ,  parce 
que  la  chute  permettait  à  plufieurs   de  fe  fervir  fucceffivement  delà  même  eau^en 
alternant  du  premier  au  troifième  ,  du  deuxième  au  quatrième  ,  &c.  :  que  la  rive 
gauche  n'oiTrait  que  fix  habitations  qui  ne  puflent  pas  profiter  de  l'entreprife   pro- 
jettée  &  qu'ils  auraient  affez  de  l'eau  de  deux  mioulins.  M.  Fauconier  ,  ajoute  le 
mémoire /jaugeant  la  Grande   Rivière  le   24  Janvier   1742,  après  de  longues 
féchereffes  ,   /a  trouvé  une  telle    quantité  d'eau  ,  qu'en  déduifant  celle  qui  ferait 
néceffaire  aux  riverains ,  lorfqu'ils  voudront  avoir  tous  des  moulins  ,  il  y  a  réel- 
lement plus  des  ^  de  l'eau  qui  ne  font  pas  employés,  &  les  auteurs  de  l'entreprife 
ne  demandent  que  le   7^'^  de  ce  fuperflu  pour  faire  aller  ci  moulins  au  Quartier 
Morin  &  à  la  Petite  Anfe  ,  fur  des  habitadons  toutes  non-riveraines. 

Voici  maintenant  qu'elle  devait  êire  la  diftribution  de  l'eau.  D'abord  celle  d'un 
moulin  devait  être  mife  dansia  ravine  du  Mapou  (  que  j'ai  indiquée  page  238  , 
comme    fe  jcttantà  la  mer  dans  l'Eft  de  l'embarcadère  de  la   Petite  Anfe  >& 
ïuffire  à  tous  fes  riverains,  Enfuite  un  canal  portant  l'eau  de  4  moulins  devait  en 
donner  un  quart  à  l'habitation   aujourd'hui   Fournier  de  Bellevue  (  du  Quartier- 
Morln  )  ,  un  quart  à  l'habitation  Broffard  ,  lefquelles  deux   habitations  devaient 
jetter  l'eau  après  s'en  être   fervi  ,  dans  la   ravine   des  Sables   pour  l'utilité    de« 
riverains    de    celle  -  ci  j  un  troifième   quart  devait  fervir  fucceffivement  à  trois 
habitadons  ;  enfin  le  quatrième  quart  devait  être  employé  par  fix  habitations ,  & 
conduit  enfuite  dans  la  rivière  du  Haut  du  Cap  ,  de  manière  que    cette  rivière 
aurait  réellement  reçu  toute  l'eau  du  canal ,  puifque  la  ravine  des  Sables  devient , 
dans  fa  partie  inférieure ,  la  rivière  Any  &  que,  comme  on  l'a  vu  ,  celle-ci  tombe 
dans  la  rivière  du  Haut  du  Cap.  ■  ' 

Pour  donner  plubde  crédit  à  leur  demande  ,  pour  aller  au-devant  de  toutes  les 
obieftions  &  lever  tous  les  obftacles  ,  les  provocateurs  de  la  demande  fe 
foumettaient ,  dans  les  cas  de  féchereffe  ,  à  baiffer  leurs  éclufes  &  à  rendre  aux 
riverains  l'eau  qu'ils  auraient  obtenue  pour  leurs  moulins, 

Larnage  &  MaiUart  connalffaient  trop  bien  l'utile  emploi  des  eaux  -,  ils 
avalent  trop  cherché  à  en  infplrer  l'idée,  pour  n'en  pas  favorifer  l'exécution, 


■I     m' 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       279 

auî5  l'adoptèrent-ils  par  une  ordonnance  du  9  du  même  mois  de  Février  1742. 
Cette  ordonnance  étend  même  à  tout  autre  habitant  qu'à  ceux  réunis  pour  le  pro- 
jet ,  la  permiffion  de  faire  des  ouvertures  &  des  faignées  dans  la  Grande  Rivière 
aux  conditions  du  mémoire,  &  elle  enjomtde  fouffrir  le  pafîage  des  canaux. 

Dans  le  nombre  de  ces  demandeurs  de  21  moulins  ,  les  intéreffés  à  17  firent 
un  règlement  (  *  )  pour  fixer  les  travaux  communs  ,  les  fouilles,  les  ponts,  le^ 
aqueducs  ,  la  contribution  de  chacun  ,  &  l'on  y  répéta  l'obligation  de  baifîer  les 
éclufes  lorfqu'il  n'y  aurait  pas  affez  d'eau  dans  la  Grande  Rivière  pour  fubvenir 
aux  befoins  des  riverains  ,  qui  doivent  être  privilégiés  à  cet  égard  -,  '  &  même 
pour  prévenir  les  inconveniens  d'une  difcuffion  ,  les  éclufes  doivent  être  baiffées 
à  la  première  fommation  faite  par  les  riverains  augardien  de  réclufe.  Ce  règle- 
ment fut  approuvé  par  les  Adminiflrateurs  le  22  Avril  1742. 

Les  travaux  commencèrent  bientôt  après  ,  &  l'on  fit  une  prife  d'eau  à  la  rive 
gauche  de  la  Grande  Rivière  au-deffus  du  bourg  de  la  Tannerie  &  fur  un  terrain 
que  les  intéreffés  ont  acheté- récemment, 

,  Mi-  de  Grandpré  &  d'autres  habitans  s'étant  oppofés  au  paffage  des  canaux  ,  un 
jugement  des  Adminiflrateurs  du  9  Juillet  1745  ,  les  obligea  à  cette  fervitude  en 
quelque  forte  publique  ,  à  la  charge  d'une  jufte  indemnité  ,  comme  l'offrait  le 
règlement  même  des  intéreffés  ,  &  encore  de  ne  pas  diminuer  les  eaux  d'un  lagon 
placé  fur  l'habitation  Grandpré. 

La  prife  d'eau  de  la  Tannerie  fe  trouvant  fupérieure-â  celle  de  l'habitation 
Carbon  ,  maintenant  Bullet ,  la  première  de  toutes  celles  qui  ont  été  pratiquées 
fur  la  Grande  Rivière  ,  M.  de  Carbon  fe  plaignit  que  les  intéreffés  de  la  Petite 
Anfe  ,  ne  laiffaient  pas  dans  la  rivière  l'eau  néceffaire  à  fon  moulin  ,  &  fit  Jétruire 
ie  bâtarde  au  oonftruit  furia  rivière  par  les  intéreffés.  Cet  afte  confidéré  comme 
une  voye  de  fait,  amena  ,  le  3  Février  1749,  deux  jugeraensdes  Adminiftrateurs. 
Le  premier  conferva  M.  de  Carbon  dans  la  jouiffance  de  l'eau  néceffaire  à  fon 
moulin,  avec  une  éclufe  conftruite  de  manière  qu'il  ne  pourra  paffer  fous  la  roue  de 
fon  moulin  que  3 1 2  pouces  &  i-  carrés  d'eau,  par  minute,  àmoins  q^elesintéref- 
fés- n'aiment  mieux  faire  réformer  à  leurs  dépens  ,  le  moulin  Carbon,  de  manière 
qu'une  moindre  quantité  d'eau  lui  fuffife.  Le  deuxième  jugement  condamne 
M,  &  M**^    de  Carbon  à  payer  la  valeur  du  batardeau. 


(.*  )  Voyez   Loix  de   Saint-Domingue  ,    Tome  3  ,   page    685- 


I  O  N 

Tels  font  les  premiers  faits  relatifs  à  l'entreprife  des  moulins  de  la  Petite  Anle  , 
dont  MM.  de  Choifeul  &  Galifet  follicitèrent  vivement  la  ratification  de  la  part 
du  roi.  Mais  le  miniftre  ayant  confulté  MM.  de  Larnage  &.  Maillart ,  ceux-ci- 
furent  d'avis,  fuivant  leur  lettre  du  i6  Mars  1746  ,  d'attendre  que  l'entreprife 
fût  entièrement  réalifée.  Ce  terme  n'eft  point  encore  arrivé  ,  &  de  plus  les  inté- 
relTés  de  la  Petite  Anfe  ont ,  au  moment  a6luel ,  des  contradicteurs  &  des  procès. 

Les  riverains  du  Quartier-Morin  ,  à  la  Grande  Rivière ,  fortis  enfin  de  leur  lé- 
thargie ,  s'étant  réunis  &  fyndiqués  pour  avoir  la  jouiffance  à  l'eau ,  qu'ils  confî- 
dèrent  comme  un  droit  naturel  de  la  Htuation  de  leurs  terres  ,  les  intéreffés  de  la 
Petite-Anfe  ont  arrêté,  le  22  Décembre  1777,  que  leur  fyndic  les  défendrait  contre 
la  demande  de  M.  Barré  de  Saint-Venant ,  fyndic  pour  le  Quartier-Morin.  Voilà 
une  première  conteftation  qui  fubfifle. 

Les  Religieux  de  la  Charité  du  Cap  ,  MM.  Lefebvre  ,  Decourt  de  k  Tonnelle 
êc  Brofîard  ont  demandé  que  l'eau  du  Mapou  ,  achetée  par  MM.  de  Gabriac  dfe 
M^''.  Defglaireaux  le  13  Avril  1751  ,  ne  puifTe  pas  être  employée  àl'arrofage  par 
ceux-ci ,  mais  qu'au  contraire  elle  foit  mife  dans  un  canal,  où  ,  après  avoir  fervi 
à  un  moulin  ,  fi  MM.  de  Gabriac  jugent  à  propos  d'en  faire  un  ,  elle  puifîè  par- 
venir lucceflivement  aux  habitations  des  réclamans ,  qui  offrent  d'entrer  dans  les 
frais  occafionnés  par  l'entreprife.  Cette  demande  a  été  accueillie  par  un  jugement 
des  Adminiftrateurs  du  26  Mars  1779  ,  qui  a  donné  lieu  à  un  appel  fubfîfbant  en-r 
corc  au  Confeil  des  Dépêches  en  ce  moment ,  &  où  les  intérelîes  de  la  Petite-Anfe 
figurent  contre  M"^^  de  Gabriac  &  attaquent  un  jugement  du  24  Avril  1754  > 
qui  a  permis  à  MM.  de  Gabriac  d'employer  l'eau  en  arrofement ,  parce  qu'il  leur 
eft  réellement  utile  que  le  nombre  des  contribuables  aux  dépenfes ,  s'augmente. 

Examinons  maintenant  la  difficulté  en  foi.  Suivant  le  mémoire  du  9  Février 
1742  ,  le  Fofîë  grofiî  de  la  vide  du  moulin  de  M.  de  Carbon,  pouvait  donner  des 
moulins  aux  riverains  du  fofic  ;  ce  fait  eft  confiant  &  7  habitations  doivent  réelle- 
ment leurs  moulins  à  cette  réunion. 

Le  mémoire  avançait  que  21  moulins  feraient  le  réfultat  de  l'afTodation  3 
outre  quatre  que  pourraient  fe  procurer,  par  le  même  canal,  les  riverains  de  l'Oueft 
depuis  la  Tannerie  jufqu'à  l'habitation  Nugent,  ce  qui  ferait  25  moulins  :  que 
l'eau  d'un  moulin  mife  dans  le  Mapou  fuffirait  à  les  riverains  (  qui  étaient  an 
nombre  de  15  )  j  c'était  donc  40  moulins:  que  l'eau  laifîee  dans  la  Grande 
Rivière  fuffirait  encore  avec  un  immenfe  excédant  à  6  riverains  de  Limonade 

qui 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ^^x. 

qui  ne  l'étaient  pas  du  Fofle  ,  &  à  cinq  autres  placés  au-deffous  de  l'habitation 
Nugent,  ce  qui  portait  le  nombre  des  moulins  poffibles  à  51. 

De  ces  51  ,  il  y  en  a  9  feulement  qui  font  le  produit  du  canal  des  intéreffés. 
On  en  voit  en  outre  un  feul  à  Limonade  &  un  feul  au  Quartier-Morin,  fur  les  deux 
habitations  riveraines  de  l'embouchure  de  la  Grande  rivière  ;  il  y  a  donc  un 
déficit  de  40  moulins.  Si  l'on  compte  pour  le  remplacement  des  15  des  rives  du 
Mapou,  l'arrofement  de  l'habitation  Gabriac,  il  manque  toujours  réellement 
25  mouHns  ,  dont  12  appartiendraient  aux  riverains  de  Limonade  &  du 
Quartier-Morin. 

D'après  le  mémoire  ,  la  portion  d'eau  revenant  à  ces  riverains  ,  attend  dans 
la  rivière  qu'ils  veuillent  en  faire  ufage,  mais  cette  affertion  eft  fortement  démen- 
tie j  car  le  29  Mars  1786,  M.  de  la  Valtière ,  commandant  en  fécond,  par 
intérim ,  de  la  Partie  du  Nord  ,  s'étant  tranfporté  fur  les  lieux ,  d'après  les 
vives  plaintes  des  riverains  ,  il  trouva  qu'il  ne  pafîait  point  dans  le  lit  de  la 
rivière,  même  de  quoi  abreuver  les  animaux.  Il  ordonna  en  conféquence,  que 
la  fommation  faite  par  les  riverains  le  même  jour,  ferait  exécutée,  &  que  l'éclufe 
ne  ferait  ouverte  que  d'un  pouce. 

Les  intéreifés  croyant  fans  doute  que  l'affèchement  de  la  rivière  était  produit 
par  d'autres  caufes  que  leur  prife  d'eau  ,  en  demandèrent  la  vifite ,  ainfi  que  des 
prifes  d'eau  des  habitations  Duplaa  &  Fournier  de  Bellevue.  Le  juge  du  Cap 
comme  commiflaire  du  tribunal  Terrier  ,  s'y  tranfporta  i  l'hydraulicien  Verret 
opéra,  ^&  il  eft  réfnlté  de  fa  vérification,  que  la  Grande  rivière  contenait  en 
1786,  en  totalité  ,  1,519  pouces  d'eau  par  minute  j  que  de  cette  quantité-,  les 
intéreffés  de  la  Petite-Anfe  en  prenaient  972  &  le  moulin  Carbon  317  -,  d'oùU 
eft  clair  que  les  riverains  n'avaient  plus  que   230  pouces  d'eau. 

D'après  ce  rapport,  on  voit  que  les  intéreffés  prennent  dans  un  tems  où  les 
eaux  font  faibles,  prés  des  4.  de  celles  contenues  dans  la  rivière,  au  lieu 
d'environ -i,  comme  le  voulait  leur  mémoire  de  1742  ,  &  que  les  riverains 
n'en  ont  pas  un  cinquième ,  au  lieu  des  2_  du  mémoire.  Et  il  faut  avouer 
que  les  intérefîes  n'ont  pas  l'efpoir  de  faire  préférer  les  réfultats  de  Fauconnier  à 
ceux  de  Verret. 

C'eft  d'après  ces  derniers  ,  que  les  riverains  ont  expofé  que  cet  état  de  chofes 
"ne  pouvait  pas  être  toléré  ,  puifque  ceux  qui  n'avaient  voulu  qu'un  excédant 
dépouillaient  les  autres  ,  .&  qu'ils  ont  obtenu  provifoirement  de  M.  de  la  Valtière 
■Tome    L  js^  ^ 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


le  22  Avril  1786  ,  que  déformais  le  droit  de  faire  baiffer  les  pelles  des  éclufes 
s'exercerait ,  non  à  la  prife  d'eau  de  la  Tannerie  ,  mais  à  celle  du  canal  de 
diftribution  fur  l'habitation  Cadufh  &  Barré  ;  parce  que  de  cette  manière , 
l'habitation  l'Héritier,  riveraine,  ne  fera  pas  privée  de  l'eau  j  que  la  reftitution 
de  l'eau  étant  faite  au-defTous  de  la  prife  Carbon  ,  celle-ci  ne  pourra  pas  abforber 
ce  que  l'éclufe  de  la  Tannerie  lui  renverrait  étant  fermée ,  &,  que  l'é- 
clufe  d'en  bas  étant  chez  un,  riverain  du  Quartier-Morin  ,  elle  fera  furveillée 
tandis  qu'à  la  Tannerie ,  le  gardien  peut  être  enclin  à  la  complaiiance  envers  les 
intérefîés  de  la  Petite- Anfe  ,  parce  qu'il  efb  payé  par  eux. 

Ainfi  fans  entrer  dans  l'examen  de  la  préférence  qu'un  riverain  &  un  premier 
établifîant  peuvent  mériter  l'un  fur  l'autre ,  fans  pefer  pour  tout  ce  qu'elle  vaut ,, 
la  foumilTion  des  foufcripreurs  de  1742  ,  de  rendre  l'eau  de  leurs  moulins 
aux  riverains  fi  elle  leur  devient  néceflaire ,  il  eft  toujours  confiant  que  leur 
entreprife  n'eft  pas  ,  à  beaucoup  près  ,  fufceptible  de  tous  les  avantages  qu'offrait 
fon  profpetftus. 

Il  efb  impolTible  que  tant  d'intérêts  oppofés  n'amènent  pas  une  opératioîi 
générale ,  pour  fixer  ce  que  chacun  doit  &  peut  efpérer.  Mais  fi  l'événement 
de  cette  opération  détruifait  quelques-uns  des  huit  moulins  qui  font  dans  la 
paroilTe  même ,  &  qui  font  dûs  à  l'afTociation  de  1742,  on  ne  pourrait  refufer 
dejuftes  regrets  à  ceux  qui  ne  jouiraient  plus  d'un  fruit  que  leur  zèle  &c  leur 
induftrie  fembleraient  mériter  pour  toujours. 

La  ParoifTe  de  la  Petite-Anfe  a  un  moulin  de  plus  que  ceux  qu'on  doit  à 
là  Grande  rivière.  Il  eft  fur  l'habitation  Clairfont  autrefois  AlTclin.  Son  eau 
venue  de  la  rivière  des  Matteux  ,  eft  jetée  dans  la  ravine  des  Perches  ,  & 
va  conféquemment  encore  dans  la  rivière  du  Haut  du  Cap. 

C'eft  dans  la  partie  plane  de  la  Petite -Anfe  que  le  trouvent  4  indigoteries  j 
il  y  a  une  hatte  à  fon  extrémité. 

L'églile  de  la  Petite-Anfe  eft  placée  au  Nord  de  la  plus  grande  fucrerîe  de 
Galifet ,  Se  comme  toutes  les  autres  cglifes ,  plus  près  de  ce  qui  eft  plane  que  de 
la  montagne»  -  Une  ligne  drée  Nofd  &  Sud  de  cette  églife  vers  le  Cap,  irait 
rencontrer  le  bout  Sud  de  la  batterie  circulaire  qui  eft  fur  le  quai  de  cette  ville. 
Cette  paroiffe  a  toujours  été  fous  l'invocation  de  l'immaculée  Conception  de  la- 
Vierge.  J'ai  aufTi  le  procès-verbal  qui  fut  fait  de  fon  églife  le  3  Mai  1688  ,  par 
les  ordres  de  M.  de  CufTy.  Il  prouve  qu'elle  était  aufTi  pauvre  &  aulTi  dépourvue 


28'3 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 

que  celle  du  Quartier-Morin,  quoiqu'à  cette  époque  elle  fut  bâtie  de  neu/^ 
entourée  de  palijfades  ,  mais  le  cimetière  rempli  d'herbes  &  non  renfer,ré  &'  le 
presbytère  îout-à-fait  ruiné  :  c'eft  ce  qu^atteftent  Michel  de  Calais  ,  prêtre  Capucin 
/«%«.,  deiTervant  ladite  églife  3  Macé,  tréforier  ,  &  le  procureur  du  roi  &  le 
greffier  de  la  Sénéchauflee  du  Cap. 

L'églife  aftuelle  de  la  Petite-Anfe  a  été  îong-terns  l'une  des  plus  belles  de 
la  dépendance  du  Cap.  Elle  eft  de  maçonnerie  -,  la  première  pierre  en  fut  pofée 
le  .o  Mai  1720  par  M.  le  Marquis  de  Sorel,  gouverneur-général  de  la  Colonie, 
&  elle  n  a  ete  achevée  qu'après  1730.  Elle  a  eu  pour  pafteur  ,  pendant  près  de 
vingt  ans,  le  pereMargat ,  dont  je  parle  dans  la  defcription  du  Cap 

La  partie  montagneufe  de  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  a  pris  fon  nom  de 
Bonnet  à  l'Eveque ,  de  la  configuration  d'une  des  fommités  de  la  chaîne  de 
montagnes  qui  la  borne  au  Sud  ,  chaîne  qui  dépend  de  la  première  du  Cibao. 
Cette  fommite  a  en  efFet  deux  pointes  comme  celles  d'une  mitre ,  &  c'efl  un  des 
pomts  mdicateurs  pour  les  marins  qui  entrent  dans  la  rade  du  Cap ,  à  laquelle 
elle  fait  face  au  Sud.  Le  haut  de  la  fedion  de  cette  montagne  eft  calcaire,  quoi- 
qu'on y  rencontre  quelques  granits  épars ,  puis  le  bas  ell  de  la  roche  vive 
d'une  nature  un  peu  graniteufe.  L'on  y  trouve  par-tout  des  preuves  de  l'adion  de 
l'air,  des  eaux  &  des  t.emblemens  de  terre  dans  des  excavations  &  dans  des 
iciluires. 

Les  épatemens  de  cette  montagne  forment  une  gorge  qui  communique  avec  k 
plaine,  &  qui  commence  à  l'extrémité  de  celle-ci  à  l'habitation  Benac  •  l'on  y 
fait  environ  800  toifes  fur  une  pente  douce ,  terminée  à  la  droite  par  un  efcar- 
pement  très-à-pic ,  &  à  gauche  par  divers  mornets.  C'efl  dans  cet  efpace  t^  vers 
le  Nord-Eft,  qu'on  trouve,  au  bas  d'un  monceau  de  roches,  une  fource  limpide 
dont  l'eau  s'échappe  en  cafcades  au  fortir  d'un  baffin  d'environ  trois  pieds  cubes  ' 
&  va  fe  mêler  à  la  ravine  des  Sables.  M.  Henry  travaillant  en  1786  au  tracé  d'un 
chemin  dans  la  montagne  du  Bonnet ,  obferva  qu'à  quinze  toifes  à-peu-près  de 
la  fource  ,  tout  ce  qui  était  plongé  dans  fon  eau  était  chargé  d'incruftarions  Les 
végétaux  confervent  leurs  formes  &  même  leurs  couleurs  ,  malgré  cette  efcèce 
d'enduit ,  qui  eft  affez  adhérent  au  fond  du  ruiffeau  pour  qu'on  ne"  puifTe  en  retirer 
es  corps  que  par  fragmens  brifés.  Cette  obfervation  a  été  confignée  dans 
le  tome  premier  des  Mémoires  de  la   Scîciëté   Royale  du   Cap^Francais ,   in= 


8*»,  page  212, 


N  n  3 


394      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

A  la  fin  de  la  gorge ,  on  pafTe  fur  un  terrain  cultivé ,  dont  la  pente  eft  encore 
douce  &  de  300  toifes  de  long.  Il  confine  dans  l'Oueft  à  une  vallée  formée  par 
la  montagrie  du  Bonnet  &  par  la  ravine  des  Sables.  Elle  a,  à-peu-près,  200  toifes 
d'un  plan  incliné.  De  ce  point ,  on  monte  environ  300  toifes  de  mauvais 
chemin  en  longeant  la  montagne  du  Bonnet ,  compofée  de  quatre  mornes  & 
ayant  une  lieue  de  long ,  en  paffant  par  le  travers  des  pointes  de  la  mitre  , 
qu'on  apperçoiî  de  la  plaine.  A  environ  400  toifes  plus  haut  &  à  200  des 
écabliffemerjs  Renot ,  Foucher ,  Choifeul,  fitués  dans  un  valon,  on  trouve  la 
naiffance  de  la  gorge  du  Dondon ,  par  laquelle  on  peut  aller  fur  le  territoire  de 
cette  dernière  paroi  fie  ,  joindre  le  chem.in  du  bourg,  près  l'habitation  Junca. 
Dans  les  cavités  qui  fe  trouvent  dans  differens  points  de  cette  gorge  du  Bonnet 
à  l'Évêque,  &  qu'on  appelé  le  chemin  des  Caraïbes ,  on  trouve  des  fétiches  & 
des  haches  Indiennes. 

La  montagne  dans  la  paroiiTe  de  la  Petite- Anfe  contient  12  cafeteries  &  25. 
places  à  vivres. 

On  voit  dans  la  defcription  de  la  paroilTe  du  Quartier-Morin  que  celle  de  la 
Petite-Anfe  a  depuis  très-long-tems  ,  deux  chemins  qui  la  font  commiuniquer 
d'un  côté  avec  le  Cap  &  de  l'autre  avec  les  paroiiTes  de  l'Eft  qui ,  originairement^, 
ne  venaient  au  Cap  qu'en  traverfant  ces  deux  chemins.  On  va  auffi  de  la  Petite 
Anfe  à  la  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  ,  par  la  pafîe  de  l'habitation  Pafquier ,  où 
l'on  trouvait  autrefois  un  pont  du  même  nom  ,  conftruit  fur  la  rivière  du  Haut 
du  Cap  ,  à  environ  une  lieue  dans  le  Sud  du  bourg  du  Haut  du  Cap  ,  &  fur  la 
ligne  qui  fépare  les  deux  paroiffes  de  la  Pente-Anfe  &  de  la  Plaine  du  Nord.  Il  y 
a,  plus  de  vingt  ans  que  ce  pont  a  été  emporté  dans  un  débordement. 

Deux  autres  chemins  dirigés  Nord  &  Sud ,  &  fe  réuniffant  au  haut  de  la 
plaine  3  conduifent  au  Bonnet  &  fervent  à  tranfporter  les  denrées  à  l'embarcadère 
de  la  Petite-Anfe. 

Ce  que  j'ai  dit  de  la  nature  du  fol  gras  de  la  Petite-Anfe  ,  doit  bien  faire,  penfer 
que  dans  les  tems  pluvieux  ,  ces  chemins  doivent  être  difficiles.  Les  roues  y. 
enfoncent ,  ôc  ce  n'eft  qu'avec  une  peine  extrêm.e  que  les  animaux  peuvérit  y 
traîner  les  voitures  &,  à  plus  forte  raifon,  les  cabrouets  &  les -charrettes..  Depuis 
que  les  canaux  des  intéreffés  de  la  Petite-Anfe  avaient  fait  palier  une  portion  • 
d'eau  dans  le  lit  de  la  ravine  des  Sables  ;  celle-ci ,  lors  de  fes  débordemens 
f'épanchait  dans    les  terrains  qui.  lui    font  inférieurs,    au    déverfement    des 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       285 

canaux  &  de  là  dans  le  grand  chemin  qui  les  traverfe.  On  y  forma  des  levées 
que  leur  infuffifance  rendit  inutile  &  que  M.  de  Vaudreuil  ordonna,  en  1750.- 
de  prolonger  depuis  la  tète  de  l'habitation  Maifoncelle,  aujourd'hui  Bongars.  En 
1752,  on  n'avait  réalifé  qu'une  partie  de  cette  précaution ,  de  forte  qu'une 
ordonnance  du  10  Juin  ,  enjoignit  de  la  perfeaionner  &  d'employer  la  corvée 
publique  à  l'entretien  de  cette  partie  du  chemin. 

Les  débordemens  de  la  ravine  des  Sables ,  qui  a  fa  fource  au  haut  de  la  monta- 
gne du  Bonnet ,  étant  auffi  un  obftacle  afîèz  fréquent ,  on  a  enfin  fongé  à  y 
conftruire  un  pont ,  au  point  où  cette  ravine  devient  la  rivière  Any  &  traverfe  le 
chemin  qui  conduit  du  haut  de  la  plaine  de  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  ,  au  bouro- 
de  l'embarcadère  du  même  nom.  Ce  pont  de  maçonnerie  a  été  fait,  en  1786  ,  & 
il  a  reçu  le  nom  de  pont  Mailiart ,  deftiné  à  réveiller  l'idée  de  l'intendant  qui  a 
le  mieux  mérité  de  la  Colonie.  Ce  pont  affure  ,  par  fa  fituation,  la  communication 
entre  les  deux  paroiffes  du  Quartier-Morin  &  de  la  Petite-Anfe.  Il  a  coûté  70,000 
livres,  dont  les  habitans- ont  payé  la  moitié  par  une  contribution  volontaire  & 
la  caifîe  municipale  l'autre  moitié. 

Des  obfervations  météorologiques  faites  pendant  les  quatre  derniers  mois  de 
1784  &  les  années  1785  &  1786,  par  M'.  Odeluc  fur  l'habitation  Galifet,  proche  de 
l'Eghfe,  peuvent  fervir  à  faire  connaître  la  température  de  cette  paroiffe,  d'autant 
que  l'exaftitude.  &  les  talens  de  l'obfervateur  leur  affurent  une  grande   confiance^ 

Obfervations  des  quatre  derràers  mois  de  1"]%^.- 

Thermomètre  à  l'eiprit  de  vin,    expofé  à  l'ombre ,  dans   une  chambre  prefque  toujours  ouverte. 

n'ayant  que  des  jaloufies  ,&  tournée  au  Nord. 


Plus  grande  chaleur  à  l'ombre  (  ce  <jui  arriva  le  1 1  Septembfe  ,  à  midi  ). 
Moindre  clialeur  (  le  23  Désembre ,  avant  le  lever  du  foleil  ). 
Différence        .  ,  ,  ■ 

Chaleur  moyenne  .  . 


27° 

14° 


13^ 

2  2°    1/2 


Pluie  reçue  dans  une  caifle  de  fer  blanc  ,  d'un  pied  cube  ,  graduée  & 
portée  par  un  piédeilal,  à  hauteur  d'appui,    ifolé      . 

Évaporation  évaluée  dans  une  calffede  fer  blanc  de  huit  pouces  en  carré 
fur  cinq  de  profondeur ,  graduée  &  mifç  dans  une  caifiè  de  bois  ,  ■ 


13  pouces.  !i  lignes. 


remplie  de  terre 
Ainfi  l'évaporation  a  excédé  la  pluie  ,  de 


25  pouces.    5  lignes.  ï/2. 
•  li  pouces.    6  lignes,  i/fe 


m 

'  ii^^^^^^^^^^^^^H  * 

H]  i 

286      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Température. 


Septembre  17S4.  Chaude  &  humide 

Oilobrs  Plus  chsude  &  moins  humide 

Novembre  Moins  humide 

Décembre  Agréable  &  sèche  depuis  le  10 


Jours  pluvieux 
.  10 
.    6 
.  10 

.     6 


Le  31  Décembre,  à  fix  heures  du  matin,  le  thermomètre  defcendit  au  dehors  à  i  i^   ift,  ce  que 

l'on  n'avait  jamais  vu. 

Vents  domînans^ 

Eft ,  Nord  &  Sud-Oueft, 
Trembleynens  de  Terre. 

Un  le  25  Juillet ,  à  6  heures  if\  du  foir.  Un  le  2g  Septembre ,  à  1 1  1/2  du  fofr. 

Unie  25  Août,  à  i  h.  15  m.  du  matin,  avec     Unie  27  Novembre,  à  1  h.  20  m.  après-midi, 
trois  fecouiTes ,  dont  les  deux  premières  faibles. 

Un  coup  de  vent  avec  forte  pluie  qui  a  donné  20  lignes  d'eau  ,  en  deux  heures. 

Objervations  ^i?  1785, 
Thermomètre. 


Plus  grande  chaleur 

Moindre 

Différence 


25®  i/z 
11°  i/z 


Le  lo  Mai,  le  thermomètre  a  monté  ,  au  foleil  ,  à  deux  heures  1/2  du  foir,  à  30°  i/z. 

Baromètre. 


Plus  grande  élévation , 
Moindre , 
Différence  , 

Pluie  ,  . 
Evaporation  , 
Excédant  de  pluie. 


28  pouces.    3  lignes. 

3  1/4 

75  pouces.  0  lignes.  i& 
70  5 

4  7  1/4 


'■B' 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       ,87 

Température, 

Mars ,  Avril  &   Oaob. .  les  plus  pluvieux.         Mai ,  Juin .  Juillet ,  Décen^bre  .  les  moins 

Les  matinées  belles  en  général ,  furtout  le  lendemain  des  orages 

En  Mars  &  Avril  ,  Pair  enfanté ,  parce  que  les  Efpagnols  brûlent  leurs  favanes 

Mai,  Jum,  Juillet  ;  éclairs  &  tonnerre,  prefque  tous  les  foirs.  En  Septembre  &  en  Oftohre  aufli. 

Tremhlemens  de  Terre, 

Thermomètre  intérieur  ,  alors  à  . 

Celui  au  foleil         .  .  _'  *  '  '  '  i8° 

Beau  ciel  ,  fans  nuages    tcms  calme  ,  beaucoup  d'élearicitéfNouvelle  iune  à  8  h.'  .5  m   du'foir 
19  Février  a  6  h.  5  m.  deux  petites  fecouffes ,  tems  nébuleux  ,  pluie  aux  environs. 
Thermomètre  extérieur ,  .  r  "  imib. 

intérieur,'  ]  [_  [  •  ■      •        .         i6°v2 

Baromètre,         .  .  , 

28    p.     1     lig.    l/j;^ 

Méiéore, 

Le  7  Mars  un  météore  lumineux  vers  le  morne  du  Cap,  dirigé  de  l'Eft  à  i'On^ft    n 
lire  à  fa  clarté.  ^  ^"^^-  °"  pouvait 

Débordement  confidérable  des  rivières. 
Premier  Quartier  ,  i  h.  7  m.  après-midi. 

En  1786. 
Seulement  29  p.    2  iig.  d'eau  ,  dont  la  moitié  en  Oftobre  &  en  Décembre 

Une  extrême  féchere.Te  a  caraftérifé  les  quatre  premiers  mois  de  cette  année  Des  vent,  A. 
Sud-Ouea  «  chauds  pendant  les  mois  de  Février,  Mars  .  Avril,  ,ue  les  bo  s  d!  me  bt  Î 
fendirent  &  qu'on  vit  éclater  des  vai.Teanx de  verre.  meunies  le 

JefaiGs  «tteoccanon  d'annoncer  q,,'o„  doit  regarder  comme  une  obfcrv»^^ 
générale ,  celle  de  M.  Odeluc  fur  le  baromètre  .  que  je  vais  rapporter 

L.  baromètre  éprouve ,  à  Saint-  Domingue ,  une  variation  diurne  périodique  qui 
t  n  »  le  ra,re  -°;."_depu,s  neuf  heures  du  matin,  ou  même  auparavant  fil  brife 
fc  kve  plutôt,  jufqu  a  onze  heures.  Dans  l'intervalle  de  onze  heures  à  trois  ,  i! 
defcend  ,  pu.  ,1  remonte  un  peu  ,  pour  defcendre  vers  le  foleil  couchant.  EnM.e 
monte  a  la  br.fe  de  terre  ,  ma,s  moins  que  le  matin  ,  jufqu'à  dix  heures  du  foir.  . 
11  eft  toujours ,  relativement ,   plus  élevé  le  jour  oue  la  n„i,    t  r 

/v„r-  „.,     fr  ,     ,  ,,.  1^  .iuur  que  la  nuit.  Le  mercure  fec 

loutienc  auffi  «n  peu  plus  haut  en  Hiver  qu'en  Été 


288       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Suivant  M.  Lefebvre  Deshayes ,  le  baromètre  monte  le  matin,  parce  que  le 
foleil  &  la  brife  du  large  chaflent  les  vapeurs  qui,  s'amonceknt  fur  les  montagnes , 
preflent  l'air  &  forcent  le  baromètre  à  defcendre  après  onze  heures.  La  bnfe 
acquérant  toute  fa  force  enfuite  ,  robfracle  eft  détruit  &  l'inftrument  remonte. 
Mais  la  condenfation  des  vapeurs  au  foleil  couchant  vient  le  rabaiffer,  puis  lorfque 
le  ferein  eft  tombé  &  que  la  brife  de  terre  dégage  l'air ,  il  remonte.  Dans  la  nuit 
les  vapeurs  s'élèvent,  les  rofées  y  mêlent  de  l'humidité  &  c'eft  la  caufe  d'une 
nouvelle  defcenfion.  M.  Deshayes  dit  encore  que  les  vents  de  Sud  &  de  Sud-Eft 
ac.i{rentplusfennblement  fur  le  baromètre  que  ceux  du  Nord,  parce  que  les 
premiers  tranfportent  plus  d'humidité  ,  &  des  nuages  plus  pefans. 

J'ajoute  que  la  chaleur  de  la  Zone  Torride  caufant  une  très-grande  dilatation 
dans  les  molécules  de  l'air  &  y  tranfportant  une  portion  d'humidité.,  l'air  doit 
perdre  de  fon   reffort ,  &  agir   moins    fur  un  inftrument  deftine  à  mefurcr   ce 

reflbrt.  ^.       s  r.  •      t^      •  e 

Les  années  pluvleufes   font  d'ordinaire  les  moins  faines  a  Samt-Domingue  & 

la  paroine  de  la  Petite  Anfe  eft  foumife  à  cet  effet.  On  l'a  vérifié  par  rapport 
au  premier  bataillon  du  régiment  Irlandais  de  Dillon,  qui  y  fut  tenu  plufieurs 
mois  en  garnifon  ,  à  partir  de  celui  d'Avril  1782  =  ^"^  les  habitations  Galiret. 
La  moitié  des  foldats  de  ce  bataillon  y  furent  malade  &  de  dix-huit  officiers  il  en 
courut  cinq.  Le  terrain  des  habitations  Galifet  eft ,  à  la  vérité  ,  bas  &  aquatique, 
?tant  le  long  de  la  rivière  &  ,  proportionnellement ,  ce  font  celles  de  la  paroiflè 
qui  perdent  le  plus  de  nègres.  Celle  furaommée  Defplantes  éprouve  cependant 
moins  cet   inconvénient   que  les  deux  autres. 

Ce  fut  encore  fur  l'habitation  Galifet  que  fe  fit,  le  10  Avril  1784,  une 
expérience  aéroftatique  ,  (  la  deuxième  qui  a  eu  lieu  à  Saint-Domingue  ). 
Neuf  foufcripteurs  avaient  fait  la  dépenfe  d'un  aéroftat  de  204  aunes  de  tafetas; 
fa  hauteur  était  de  30  pieds,  fon  moyen  diamètre  de  18  &  fa  circonférence 
de  près  de  57.  Sa  force  d'afcenfion  était  de  64  livres  a  onces  :  de  la  paille  leche 
&  de  la  laine  brûlées  ,  mifes  dans  un  fourneau  à  briques  ,  fournirent  en  quatre 
minutes  &  demie  le  gaz  néceffaire.  A  7  heures  40  minutes  du  madn  _,  le  tems 
étant  calme,  la  machine  abandonnée  à  elle-même,  s'éleva  en  décrivant  i^e 
fnirale  ,  &  en  biffant  le  tems  de  confidérer  les  ornemens  qui  l'embelhfîaient  &  des 
Jlégories  repréfentant  l'air  ,  le  feu  ,  la  chimie  &  laphyfique.  On  y  voyait  auffi  les 
Srlesdesdeux  Chefs  delà  Colonie,  le  chiffre  deM.de  Gahfet  &  celui  de 


•mm^^mw 


FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE.       289 

M.  Beccard  ,  greffier  du  Fort-Dauphin  ,  qui  avait  communiqué  à  l'efprit  des 
Colons ,  l'enthoufiarme  que  venaient  de  lui  infpirer  en  France  ,  les  expériences  des 
Montgol_fier  &  des  Pilatre  de  Rc/ter.  L'afcenfion  dura  cinq  minutes  ,  l'état  ftaticn- 
naire  trois,  &  après  cinq  minutes  de  defcenfion  ,  le  ballon,  qu'on  eftima  s'être 
élevé  à  300  toifes,  vint  tomber  à  environ  200  toifes  du  point  de  Ton  départ. 

Ce  phénomène,  nouveau  pour  la  terre  américaine,  avait  réuni  un  ^rand 
concours  de  perfonnes ,  &  quoique  l'aréoftat  ne  contînt  point  de  navicrateurs 
l'impreffion  feule  de  ce  majeftueux  efFet  de  la  péfanteur  fpécifiaue  qui'montre 
une  grande  furface  portée  par  l'air,  excita  la  plus  vive  admiration.  La  llm- 
plicité  du  moyen  ajoutait  à  la  furprife  ,  &  les  fpeélateurs  nègres  ne  fe  lalTaien.- 
pas  de  fe  récrier  fur  l'infatiable  paffion  de  l'homme  ,  pmir  foumettre  la  nature 
a  fa  puiflance.  Un  procès  verbal  authentique  conftata  la  naturalifation  des  Mont 
golfières,    &les   Affiches   Américaines,  du  21  Avril   1784,    la  publièrent 

La  population  de  iaparoiffe  de  la  Petite-Anfe  eft  de  117  blancs,  S3  affranchis 
donnant  en   tout   75    hommes    portant   armes,  &  4,652  efclaves. 

On  peut  juger  combien  la  population  aftuelle  diffère  de  celle  qui  exiftait 
Il  y  a  un  fiècle  ,  puifqa'au  mois  de  Février  1691  ,  &  par  conféquent  après  k 
bataille  de  Limonade  ,  M.  de  la  Boulaye ,  major  du  Port-de-Paix ,  vint  faire 
la  revue  des  habitans  du  quartier  du  Cap  ,  &  trouva  dans  la  paroiffe  de  Ja 
Petite-Anfe  deux  compagnies  de  milices  ,  qui  formaient  150  hommes,  &  dont 
il  fit  trois   compagnies   de   50  hommes    chacune. 

De  l'églife  de  la  Petite- Anfe  :  ■  ' 


A  celle  du  Cap  , 

du    Quartier-Morin  , 


3  lieues. 
I        1/2 


A  l'égliie  de  Limonade 
Ste-Rofe  , 


2  lieues   i/z, 

3  1/2. 


La  Petite-Anfe  eft  du  quartier ,  du  commandement,  &  de  la  fénéchauffée  du  Cap 
C'eft  fur  l'habitation  de  Nord  ,  dépendant  de  cette  paroiffe  ,  qu'arriva  un 
fait  regardé  comme  très-rare  ,  &  qui  a  été  configné  dans  un  aéle  de  notoriété 
fait  par  les  officiers  de  la  fénéchauffée  du  Cap  ,  le  15  Décembre  1769,  fur 
la  depofit.on  affermentée  de  M.  de  Nord  ,  propriétaire  de  l'habitation ,  de  MM 
Cazavan ,  Martin  &  Darrecbieilh  ,  qui  en  étaient  le  chirurgien  ,  îe  gérant  & 
le  rafineur  &  encore  de  M.  Deshayes  de  Sainte-Marie  ,  avocat  au  Confeil 
du  Cap,   qui  s'était  trouvé  préfent. 

"  Le  14  Mai  1769  ,  on  amena  à   M.  de  Nord  une  mule  nommée  Souffrir 
3,  comme   malade,   ayant  le   ventre  très-gros   &  quelque  chofe  q.i  paraiffak 
^'''^^  ^'  O  o 


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1 

jÉ 


290      DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

„  lui  fortir  de  la  vulve.  li  envoya  chercher  le  nommé  Francifque,  nègre» 
„  foi-diiant:  maréchal  de  l'habitation  voifme  Walsh  ;  celui-ci  fie  abattre  la  mule 
„  &  lui  donna  un  breuvage  ,  &  quelques  minutes  après  ,  appercevant  des  pieds 
.,,  fortant  del'uceras,  il  tira  rudement  un  petit  animal  noir ,  vivant ,  qu'à  Ton 
„  poil  ,  à  la  tète  &  à  les  oreilles  ,  M.  Cazavan  croit  tenir  plus  de  l'âne  que 
„  du  mulet.  La  violence  employée  par  le  nègre  ayant  occafionné  le  renver- 
„  fement,  Se  la  gangrène  de  la  matrice  ,  Se  tiraillé  le  muleton  ,  celui-ci  a  péri 
„  prefque  auiTitôt,    Se  a  été    fuivi   de    fa  mère  deux    heures   après  ". 

Ce  fut  à  rétonnement  que  caufa  ce  phénomène  &:  au  défir  de  le  faire  conf- 
-tater,  qu'eut  M.  Defmé  Dubuifîbn  ,  ancien  procureur  général  du  Confeil 
du  Cap  ,  confeillcr  du  Parlement  de  Paris ,  alors  au  Cap  ,  qu'on  dût  l'au- 
thenticité qu'il  a  acquis.  Buffon  l'a  configné  dans  fon  fiippiéraent,  tome 
5  ,  pao-e  25  ,  où  l'on  voit  que  la  peau  du  muleton  fut  envoyée  à  Londres 
au  dofteur  Matty  ,  qui  la  plaça  dans  le  cabinet  de  la  Société  Royale  ,  ce  qui 
femble   aîTez  fmgulicr  ,  d'un  fait  arrivé  dans    une    Colonie  françaife. 

Malheureufement  les  faits  deftrutfeurs  des  plus  utiles  animaux  n'ont  pas  été 
auiïi  rares  dans  cette  paroiiTe ,  où  l'épizootie  a  caufé  des  ravages  qui  n'ont  pas 
encore  ceiTé. 

En    1777,  la  feule  habitation    Millot   perdit  en  fix  mois  quarante  mulets, 
dont   l'eftomac  paraiffait  corrodé  &  quelquefois  même   pourri  ,   comme   chez 
les  hommes    qui  meurent   d'une  maladie   inflammatoire   putride.   MM.   Millot 
frères  ayant  adopté  depuis   un  régime  approuvé  par  M.    Chabert ,  direfteur  de 
l'école  vétérinaire  d'Alfort ,  ils  font  parvenus  à  diminuer  la  contagion.   Ce  régime 
confifte  à  bien  humecter  les    herbes  ,  qu'on  fait  hacher  dans  un  bac ,  avec  une 
quantité  de  fel   mêlée  à  une  limonade  de  gros  firop ,   de  jus  de  citron  &  d'eau. 
Les  animaux   font  très-avides  de  cette  nourriture  ;  mais  il  faut  en  outre  féparer 
les  animaux  malades  de   ceux  qui  ne  le  font  pas  ,    Se  veiller  exaélement  à  ce 
qu'aucune  partie  des  harnois  des  premiers  ,  ne  ferve  jamais.  On  a  attribué  l'ori- 
gine de  cette   maladie  des   mulets ,  à  des   rargaifons  de  chevaux  exportés  du 
Conneflicut. 

La  morve,  inconnue    avant   1770,  eft  devenue  un  autre  fléau.    Elle  a  fait 
périr  fur  la  principale  habitation  GaUfet  ^  dix-fept  mulets  ,  dans  les  trois  derniers 
mois  de    1785. 
Le  charbon   a  fait  fur  les  boeufs   un    dégât    auffi  terrible,' &  les  gardien^ 


I, 


MAi 


^ 


,      FRANC  AISE    DE    SAINT -DO  MINGUE.       25, 

xl'anin.aux  ont  fouvent  partagé  ia  contagion  en  It  s  foignant ,  2s:  en  les  pan  Pan  t 
Il  faut  avouer  auffi  qu'une  circonftance  particulière  a  long-tems  concouru  ay^c 
lescaufes  générales,  pour  rendre  les  faits  d'épizootie  plus  communs  d.ns  k 
paroiffe  de  la  Petite-Anfe  ^  c'eft  que  les  fermiers  des  boucheries  du  Cap  y  avaient 
leurs  entrepôts  jufqu'en  1787.  Ces  entrepôts  mal  entourés,  où  il  mourait  beaucoup 
d'animaux,  qu'on  laiflàit  pourir  fur  le  fol ,  dont  on  enlevait  des  cuirs  infefts , 
&  dont  les  chiens  tranfportaient  les  chairs,  étaient  autant  de  foyers  d'une' 
contagion  propagée  par  les  animaux  eux-mêmes.  Se  par  les  nègres,  qui  man- 
geaient de   cette  viande   charbonneufe   fraîche   ou   fale'e. 

Le  mal  des  eaux  ou  de  lagon  ,  qui  eft  une  efpèce  de  farcin  ,  attaque  auffi 
les  mulets  &  les  chevaux,  &  il  eft  même  beaucoup  d'habitans  qui  la  confia 
dèrent  comme   contagieufe. 

Il  fuffic  de  lire  les  Recherches  de  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap 
furies  épizooties  ,  pour  être  convaincu  de  ce  qu'une  Colonie  ,  qui  a  un  befoia 
aufll  abfolu  d'animaux  pour  fes  manufiftures,  éprouve  de  pertes,  &  combien 
le  Colon  devrait  être  attentif  &  furveillant ,  même  pour  faire  arracher  &  dé- 
truire l'herbe  à  blé  &  lafenfitive  ,  qui  lont  pour  les  animaux  un  aliment  funefte. 
Je  ne  fais  quels  fuccès  auront  eu  huit  moutons  du  Cap  de  Bonne-Erpérance' 
placés  fur  l'habitation  Bongars  ,  de  cette  paroiffe  ,  où  l'on  voulait  les  natu- 
ralifer.  Je  crois  que  le  choix  du  local  était  fort  mauvais ,  &  que  la  circonftance 
qui  l'avait  déterminé,  tirée  de  ce  que  ces  animaux,  payés  par  la  Coloni- 
avaient  été  ad reiTés  à  cet  intendant  ,  par  ie  confui  français,  aura  rendu  inutile 
un  effai ,  où  l'on  n'aurait  pas  dû  facrifier  une  vue  d'utilité  réelle  ,  à  une  infi-' 
pide  adulation. 

La  paroiiTe  de  la  Petite-Anfe  m'offre  à  citer  : 

i\  Jofephde  Galifet,  auquel  la  Colonie  eft  redevable  de  vues  &  d'exemples 
utiles,  qu'il  n'a  pas-  toujours  dépendu  de  lui  d'y  faire  réuffir.  Mais  iM  de 
Galifet  a  été  ,  durant  huit  années  ,  gouverneur  du  Cap,  &  commandant  en  chef 
de  la  Colonie,  depuis  le  mois  de  Juillet  5700,  jufqu'au  mois  de  Novembre 
1703  ;  c'eft  donc  à  l'hiftoire  que  fon  portrait  appartient.  Il  mourut  à  Paris  le  26 
Mai  1706, 

a''.  M.  le  chevalier  de  Gabriac  ,  de  la  maifon  de  Saint-Patrlet ,  du  Lan- 
guedoc ,  fils  de  M.  de  Saint-Paulet ,  colonel  du  régiment  de  cavaleric-miii- 
C€sde  la  Partie  du  Nord,  Il  était  capitaine  aide-major  au  régiment  du   roi  inf^^ 

Oo  2 


* 


29^1 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


erie  ,  lorfqu'il  s'éleva  une  querelle  entre  les  ofEciers  de  ce  corps  &  le  duc 
depuis  maréchal  de  Blron.  M.  de  Gabriac  fut  chargé  de  porter  la  parole  8c 
ce  choix ,  ainfi  que  le  délabrement  de  fa  fortune  ,  le  mirent  dans  la  néceffité 
de  fe  retirer  du  fervice.  Il  était  intimement  lié  avec  M.  de  Choifeul,  devenu 
miniftre  depuis ,  &  dont  il  avait  fouvent  préfagé  les  fuccès.  M.  de  Gabriac 
arrivant  à  Saint-Domingue  ,  fe  préfenta  au  procureur  de  fon  habitation  ,  comme 
un  recommandé  du  propriétaire  ;  il  fut  aifez  mal  accueilli ,  mais  les  lettres  étaient 
fi  preffantes  ,  que  le  procureur  ne  put  fe  difpenfer  de  le  recevoir.  Le  foir, 
a  négrefle  nourrice  de  M.  de  Gabriac  le  reconnut,  &  il  fe  paffa  entr'eux 
une  fcène  touchante.  La  négreffe  garda  le  fecret  pendant  quinze  jours.  Au 
bout  de  ce  teras  M.  de  Gabriac  va  dans  le  cabinet  de  fon  procureur,  l'oblige 
à  lui  communiquer  ks  livres  &  fes  comptes  ,  &  l'on  affure  que  cette  expédition 
lui  fut   très- profitable. 

Le  hafard  ayant  fait  que  M.  le  duc  de  Choifeul  ,  entendit  prononcer  le 
nom  d'un  chevalier  de  Gabriac,  réfidant  à  Saint-Domingue,  il  s'informe 
fi  c'eft  fon  ancien  camarade ,  fon  mentor  ,  &  lorfqu'il  en  eft  fur ,  il  lui  écrit  , 
Se  lui  envoyé  un  brevet  de  colonel.  Il  lui  marque  que  les  événemens  l'ont 
mis  dans  le  cas  d'influer  fur  le  fort  des  Colonies  ,  mais  qu'il  a  belbin  des 
lumières  &  de  la  fageffe  de  fon  ancien  ami  ,  &  qu'il  le  fomme  de  venir  le 
joindre ,   promettant  de  fe  charger  de  fa  fortune  ,  s'il  eft  dans  le  cas  d'en  avoir 

befoin. 

MM.  de  Gabriac  ,  de  Clugny ,  Fournier  de  la  Chapelle  &  Defmé  Dubuiffon» 
firent  des  plans  pour  procurer  à  Saint-Domingue  la  liberté  politique  &  de  bonnes 
loix    &  M.   Fournier  de  Varenne  ,    malgré  fa  jeunefle,   fut  admis  à  les  féconder. 

On  y  prépara  l'établiffement  des  Chambres  d'Agriculture  &  de  Commerce, 
&  l'on  y  avait  projette  celui  d'un  député  de  la  Colonie,  place  importante, 
ridiculement,  ou  plutôt  defpotiquement  remplacée  ,  par  un  député  de  la  Cham- 
bre d'Agriculture  ,  titre  qui  n'a  de  réel ,  que  les  appointemens  qu'il  procure. 
M.  de  Gabriac  s'embarqua  le  4  Mai  1763  ,  fur  le  navire  le  Bourbon  de 
Bordeaux ,  efpérant  qu'il  ferait  le  député  de  la  Colonie.  Il  eut  un  rhume  dans 
la  traverfée  ,  on  le  faigna ,  &  le  fcorbut  fe  manifefta  ;  il  mourut  à  Bordeaux 
chez  M.  Simon  Jauge  ,  une  heure  après  être  débarqué.  Sa  mort  amena  des 
chano-emens  ,  qu'il  faut  auflî  renvoyer  à  l'hiftoire. 

M.  de  Gabriac  qui ,  comme  on  l'a  vu ,  avait  acheté  de  M*^'  Defglaireaus 


t) 


FRANÇAîSEDE  SAINT-DOMINGUE.      29J 

l'eau  de  la  Grande-Rivière ,  5ellinée  à  la  ravine  du  Mapou ,  la  fit  fervir  à  arrofer» 
Ce  fut  lui  qui  donna  le  premier  exemple  de  cet  emploi  de  l'eau ,  dans  la  Partie 
du  Nord  de  Saint-Domingue.. 

M.  de  Gabriac  était  férieux  &  même  ftc ,  mais  perfonne  n'eut  un  cara<5lère 
plus  ferme  ;  fon  raifonnement  était  la  hache  de  Phocion.  Il  avait  plus  de  ca- 
raélère  &  de  mérite  ,  que  d'efprit  &  de  connaiffances ,  quoiqu'il  eut  pouffé 
affez  loin  l'ét-ude  des  mathématiques.  Il  jouiffait  de  l'eftime  générale  ,  &  la  trempe 
forte  de  fon  ame,  lui  donnait  toujours  le  premier  rôle.  M.  de  Gabriac  était 
un  homme  rare  ,  que  la  Colonie  doit  fe  glorifier  d'avoir  vu  naître  -,  un  citoyen  , 
animé  du  défir  du  bien  ,  &  un  ennemi  déclaré  de  cette  autorité ,  qui  croit 
s'aiFermir  par  les  abus. 

.TOi(>.«^.il|^.,l0..il0.4|^,^.,l(^,ij^.,ll^,^^.^„c« 

X  I  L 

Paroisse    du    Cap-Français. 

La  'paroiiTe  du  Cap-Français  eft,  pour  ainfi  dire,  uniquement  compofée  de  la 
ville  du  même  nom,  puifque  tout  le  furplus  n'en  eft  que  l'acceffoire  &  les 
dépendances.  Occupons-nous  de  cet  établiffement ,  le  plus  confidérable  de  la 
Colonie  françaife ,  fa  capitale  de  fait ,  le  fiège  principal  de  fes  richeffes ,  de  fon 
luxe  ;  le  lieu  le  pluscommerçant ,  celui  enfin  que  fa  fituation  géographique  rendra 
toujours  le  plusimportant  pour  elle. 

Lorfqu'on  vient  d'Europe  au  Cap,  on  attérit  au  Cap  Samana  ou  du  moins 
vers  le  vieux  Cap-Français  ,  &  c'eft  de  là  qu'on  dirige  fa  route  vers  le  Cap 
la  Grange  en  longeant  la  côte.  Après  avoir  paffé  ce  Cap ,  on  fe  trouve  bientôt 
par  le  travers  des  îlets  appelés  les  Sept  Frères  (*)  &:  de  la  baie  de  Mance- 
nille  (t)  ,  fur  le  côté  Septentrional  de  laquelle  on  a  vu  que  commence  la 
Colonie  françaife. 

C'eft  auffi  vers  ce  point  que  fe  trouve  la  naiffance  du  banc  de  reffifs  dont  j'ai 
déjà  parlé  plufieurs   fois     en  décrivant  les  côtes    de     fix    paroiffes    &    qui 


(*)  Voyez  Partie  Efpagnole  ,  volume  premier  ,  page  202. 
(t)  Voyez  Partie  Efpagnole ,  volume  premier  ,  page  203 > 


4i 


«94      DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

reo-nant  depuis  l'entrée  du  goulet  de  la  baie  du  Fort-Dauphin  jufqu'aux  pafTes 
ordinaires  du  Cap,  oblige  les  bâtimens  à  fe  tenir  à  une  certaine  diftance  de  h 
terre  dans  toute  cette  longueur,  d'environ  neuf  lieues  un  tiers  par  mer. 

En  paffant  le  long  de  la  côte  efpagnole  ,  on  efl  frappé  de  l'élévation  des  terres 
de  cette  p?,rtie  ,  où  eft  le  groupe  du  Cibao;  mais  on  n'a  fous  les  yeux  qu'un  pays 
inhabité  ,   excepté  lorfqu'on  eft  parvenu  vers  la  petite  peuplade  de  Monte-Chrift. 

En  découvrant  la  Partie  Françaife  ,  l'afpeifl  change.  Les  montagnes  qui 
jufques  là  avaient  femblé  border  le  rivage  ,  paraiffent  s'en  éloigner  un  peu  ,  & 
dans  la  diftance  qu'on  trouve  entr'elles  &  foi ,  on  juge  qu'un  terrain  plane 
s'étend  jufqu'à  la  mer  -,  &  dans  quelques  points  où  le  reffif  eft  plus  à  fleur 
d'eau  ou  le  fol  de  la  plaine  un  peu  plus  élevé  ,  on  diftingue  des  conftruc- 
tions  &  des  lieux  cultivés.  Sur  les  montagnes  l'œil  difcerne  les  habitations  ,  les 
plantations,  les  bois,  &  l'on  y  reccnnaicle  léjour  de  l'homme  &  de  l'homme  induf- 
trieux.  De  ces  mades  montueufes  fe  détachent  fucceflîvement,  pour  l'obfervateur  , 
des  points  remarquables  ;  la  perfpeftive  vai-ie  à  chaque  inftant  j  des  chaînes  diffé- 
rentes fe  féparentles  unes  des  autres  &  fe  préfentent  dans  différentes  direélions- 
fuivant  celle  qu'on  a  foi-même,  &  la  diftance  où  l'on  fe  trouve. 

La  Grange  qu'on  a  toujours  derrière  foi  ,  forme  l'une  des  extrémités  du 
tableau;  à  la  gauche  ,  eft  la  terre  &  tous  les  objets  qu'elle  étale  à  la  vue.  On  y 
faifit,  à  mefure  qu'on  avance,  l'embouchure  de  la  rivière  du  MaiTicre  &  le 
trifte  réduit  où  les  Efpagnols  tiennent  une  garde  de  quelques  hommes  ;  la  batterie 
qui  eft  fur  la  rive  françaife ,  puis  le  fort  la  Bouque  ,  qui  fert  à  faire  remarquer 
l'entrée  de  la  baie  du  Fort-Dauphin  ;  les  Mamelles  fe  préfentent  far  le  devant 
du  tableau,  plus  au  fond  eft  la  petite  coupe  de  Bayaha ,  &  dans  le  lointain  les 
montagnes  font  dominées  par  le  piton  de  Bayaha  ,  que  fuivent  le  piton  des 
Ténèbres  &  celui  des  Flambeaux  ,  le  plus  élevé  de  tous,  Lorfqu'on  les  a. 
paffés,  l'on  a  franchi  les  paroiiïes  qui  font  à  l'Eft  de  celle  du  Trou,  Le  rideau; 
montagneux  de  celle-ci  préfente  à  fon  tour  le  petit  piton  Sarrafin ,  la  crête  de 
Sasnte-Suzanne  ,  limite  Orientale  de  Limonade;  un  peu  plus  à  l'Oueft,  font 
ks  montagnes  à&  Sainte-Rofe ,  puis  les  crêces  du  Dondon,  &  enfin  un  morne  qui 
paraît  d'autant  plus  élevé  qu'il  termine  le  rivage ,  c'eft  le  morne  du  Cap. 

Si  cette  route  ,  parallèle  à  la  côte,  eft  faite  durant  le  jour,  des  bateaux-paflagcrs 
fortant  du  Fort-Dauphin  ,  de  Caracol ,  de  Jacquezy  ,  indiquent  le  fite  de  cea 
(Uvers  ports  ou  embarcadères ,  &  tandis  que  la  mer  brife  fur  le  banc  de  refilfs  ^  ca 


^ 


FRANÇAISE   DE   SAINT-DOMINGUE.         295 

le  blanchiiïànt ,  de  petits  mâts  qui  le  lurmontent ,  tracent  le  canal  qui  eft  entre 
lui  &  la  terre ,  &  indiquent  des  barques  ou  des  acons  qui  y  font  une  courte  mais 
utile  navigation.  Si  l'on  fe  trouve  le  long  de  cette  côte  ,  durant  la  nuit ,  des  feux 
qui  brillent  dans  chaque  point,  annoncent  les  habitations  -,  tandis  qu'une  flamme 
aftive  qui  s'échappe  avec  impétuofité  ,  défigne  les  lieux  où  l'on  prépare  ces 
criftaux  fucrés  qui  font  la  richeflè  principale  de  la  Colonie  ,  &  qui  fatisfont  tant 
de  jouilfances  agréables.  La  brlfe  de  terre  porte  une  odeur  fuave  jufqu'au  vaiffeau 
où  i'arae  eft  livrée  aux  plus  douces  fcnfations.  La  fatigue  de  la  traverfée  ,  l'ennui 
d'un  iéjour  monotone  ,  le  fouvenir  des  dangers  ,  tout  eft  effacé  -,  chacun  ne 
çonfidère  plus  que  le  terme  &  le  but  de  fon  voyage. 

L'Européen  qui  voit ,  pour  la  première  fois ,  la  terre  américaine  ,  ne  peut 
fuffire  à  tout  ce  qu'il  éprouve.  Un  mélange  confus  des  idées  les  plus  variées  , 
l'agitent.  A  la  joie  de  l'arrivée  ,  s'uniffent  les  regrets  des  objets  qu'il  a  abandonnés  . 
fon  imagination  lui  exagère  ou  les  avantages  qu'il  fe  promet  ,  ou  les  inconvéniens' 
qu'il  redoute  ,  &  dans  ce  tumulte ,  il  eft  encore  frappé  des  mouvemens  de  tous 
cea-K  qui  l'entourent.  Chaque  figure  exprime  la  joie  ,  l'impatience  de  mettre  le 
pied  à  terre  ;  aux  vêtemens  groffiers  &  toujours  un  peu  mal-propres  qu'on  a  eus 
dans  le  voyage  ,  fuccédent  ceux  que  l'amour-propre  &  l'élégance  font  chercher  & 
il  n'eft  perfonne  qui  n'ait  déjà  fongé  à  fa  toilette  de  débarquement. 

Quand  on  a  fait  tous  les  préparatifs  &  qu'à  chaque  inftant  on  attend  le  pilote 
pour  entrer ,  on  demande  cependant  :  où  eft  donc  le  Cap  ?  Pour  toute  réoonfe 
quelqu'un  montre  un  gros  morne  qui  femble  s'avancer  du  milieu  de  tous  les 
autres  j  &  en  effet ,  c'eft  fur  ce  point  qu'eft  dirigée  la  route  du  vaiffeau.  On  con- 
tinue à  avancer ,  en  découvrant  les  terres  qui  font  au-delà  du  Cap  &  même  fi  le 
tems  eft  fcrein,  la  petite  île  de  la" Tortue  ,  dans  l'Oueft.  Bientôt  le  fort  Picolet 
eft  vifible  à  la  vue  firaple  ;  fon  pavillon  fert  à  le  mieux  montrer  &  à  rompre  la 
trifte  monotonie  de  la  hauteur  qui  le  furmonte.  Enfin  iorfqu'on  eft  prêt  d'entrer 
dans  le  port  &  qu'on  fixe  de  près  le  morne  de  Picolet ,  fon  afpeél  ftérile  a  quel- 
que chofe  de  hideux  qui  contrifte.  On  a  peine  à  concevoir  qu'on  foit  à  la  porte 
d'une  ville  confidérable  où  le  luxe  fait ,  chaque  jour  ,  de  rapides  progrès.  Cette 
perfpedive  eft  faite  pour  produire  fur  i'efprit  de  l'Européen  qui  a  cru  ne  trouver 
que  des  lieux  rians  où  la  fortune  a  tout  embelli,  une  imprefTion  chacrrine. 
Heureux  celui  pour  qui  elle  n'eft  pas  un  finiftre  préfage  ! 

Mais  déjà  le  vaiffeau  que  le  pilote  ,  venu  du  port ,  fait  maneuvrer,  a  Picolet 


;   : 


296       DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

à  fa  droite  &  court  vers  le  Sud  j  déjà  l'on  remarque  quelques  maifons  qui  bordent 
le  rivage,  on  commence  à  foupçonner  que  le  Cap  exifte  i  puis  les  maifons  fe 
multiplient  ;  il  s'en  préfente  de  nouvelles  ;  enfin  une  longue  bande  ofFre  une  ville 
que  du  mouillage  ,  on  trouve  peu  étendue  ;  on  a  fauté  dans  un  canot ,  on  y  vogue, 
on  débarque  ,  &.  d'un  pied  ,  encore  mal-affuré  ,  l'on  foule  la  terre  d'Amérique. 
Quel  fpedacle  !  Comme  il  diffère  des  lieux  qu'on  a  quittés  !  On  voit  quatre  ou 
cinq  figures  noires  ou  obfcurcies  pour  une  blanche.  Les  vêtemens ,  les  maifons, 
&  prefque  tous  les  objets  phyfiques  dont  ont  eft  environné  ,  ont  un  caraftére 
nouveau.  Dans  l'étonnement ,  dans  la  confufion  qu'ils  jettent  dans  l'efprit ,  on 
avance  &  la  ville  femble  s'étendre.  Décrivons-la  ,  cette  ville,  à  laquelle  ce  noni 
ne  pourrait  être  refufé  dans  aucun  lieu  du  Monde. 

Pour  mettre  plus  d'ordre  &  de  clarté  dans  les  détails  multipliés  dont  le  Cap  efb 
naturellement  l'objet,  j'ai  cru  indifpenfable  de  le  divifer  en  plufieurs  parties, 
mais  après  avoir  expofé  ,  toutefois  ,  ce  qui  appartient  à  fon  enfemble. 

La  ville  du  Cap  fituée,  d'après  les  obfervations  de  M.  Chaftenet  de  Puyfégur,  par 
les  19°  46  ra.  24  f.  de  latitude  Nord  (  obfcrvée  à  l'églife  paroiffiale  ) ,  &  par  74** 
38  m.  25  f.  de  longitude  Occidentale  du  méridien  de  Paris,  eft  bâtie  au  pied 
d'une  montagne  qui  la  couvre  au  Nord  &:  à  l'Oueft  ,  &  dans  un  enfoncement 
formé  par  deux  branches  ou  prolongemens  de  cette  montagne  ,  tandis  qu'elle  a 
xinc  rade  à  l'Efl  S^  dans  le  Sud  une  langue  de  terre  qui  va  fe  réunir  à  la  plaine  qui 
porte  le  nom  de  plaine  du  Cap. 

On  lit  dans  les  premiers  auteurs  qui  ont  écrit  fur  l'Amiérique  ,  que  le  Cap  ou 
le  promontoire  auquel  fa  ville  eft  adolTée  ,  reçut  la  dénomination  de  Cap-Saint  ou. 
Pûinte-Sainte ,  au  premier  voyage  de  Colomb,  dans  le  mois  de  Décem/bre  14925 
tandis  que  d'autres  affurent  qu'il  le  nomma  Cep-Français.  Ce  dernier  nom  a 
prévalu  ,  fans  qu'on  fâche  davantage  ,  ce  qui  aurait  pu  l'infpirer  à  Colomb  ,  que 
celui  de  Cap-Saint.  D'autres  perfonnes ,  encore  plus  curieufes  d'étymologie , 
ont  prétendu  que  le  nom  de  Cap-Français  a  une  origine  toute  françaife  &  conie- 
quemment  plus  moderne  ,  &  elles  tirent  leur  preuve  de  ce  que  les  Efpagnob 
appelent  encore  le  Cap-Français  Guari^e  ,  &  non  Cap-Français.  Puis  pour 
ajouter  de  l'intérêt  à  cette  explication  ,  on  fait  de  Guarico  ou  Guaric ,  la  contrac- 
tion de  Guacanaric  ,  Cacique  &  roi  du  Marien  ,  de  manière  que  le  Cap  ferait 
bâti  oij  fut  la  capitale  de  ce  royaume. 

En  adoptant  cette   dernière  opinion   fur  le  mot   Guarico  ,  il  feraic  abfclumenc 

impoffible 


FRANÇAISE    DE    SAlNT-DOMîNGUE, 


297 


kîipolTible  de  conferver  les  faits  hiiloriques  tels  qu'ils  font  rapportés  par  Oviédo  » 
Herréra  &  par  Fernand  ,  fils  de  Colomb.  Si  Guacanaric  avait  habité  le  fite  de  la 
ville  aftuelle   du  Cap  j  Colomb  défirant  conférer   avec  lui  ne  ferait  pas  venu 
mouiller  à  Caracol,  mais  dans  la  baie  du  Cap^  il  n'aurait  pas  confiruit  fon  fort  de  la 
Nativité  fur  les  confins  de  Limonade  à  quatre  lieues  de  ce  Cacique;  il  n'aurait  pas, 
après  fon  naufrage  à  une  lieue  de  l'autre  caravelle  ^  mouillée  ,  comme  la  fienne  ,   à 
Caracol ,  envoyé  à  une  lieue  &  demie  avertir  le  Cacique  de  ce  malheur,  puif- 
qu'en  fe  perdant  vers  la  baie  de  Limonade ,  une  lieue  &  demie  ,  même  marine , 
n'atteindrait  pas  le  Cap ,  ficué  à  plus  de  fix  mille  toifes  de  ce  point.  Le  Cacique 
réfidait  donc  plus   à  l'Eft  ;  &  il  ell  même  impoffible  de  fuppofer  que  ce  fût 
plus  près  du  Cap  que  le  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe,  comme  je  crois 
l'avoir  démontré  précédemment.   D'ailleurs  ,  l'argument  tiré  du  mot  Guarico  lui- 
même  ,  qui  cil  réellement  Indien  &  qui  pouvait  s'appliquer  au  canton  tout  entier 
&  non  pas   au  fite  aftuel  de  la  ville  ou  du  promontoire  qu'il  touche ,  perd  tout 
fon  poids  lorfqu'on  fait  qu'une  grande  rivière  de  la  province  de  Venezuèle  porte 
le  miême  nom  ,  &  que  c'eft  encore  celui  d'un  bourg  de  la  province  de  Maracdib§ 
près  de  la  ville  de  Tucuyo  ;  à  coup  fur  Guacanaric  n'était  pas  le  chef  de  ces 
lieux  du  Continent  de  l'Amérique  Méridionale. 

Mais  la  ville  qui  nous  occupe  en  ce  moment ,  ne  s'eft  pas  toujours  appelée  le 
Cap-Français  ou  Amplement  ic  Cap.  Lorfque  des  Flibuftiers  &  des  Boucaniers 
qui  voulaient  étendre  dans  l'Eft  leurs  conquêtes  fur  les  Efpagnols  ,  jettèrent  les 
fondemens  d'un  premier  établiffement  dans  la  Plaine  du  Cap,  ce  ne  fut  pas  au 
lieu  où  eft  la  ville  ;  car  fon  local ,  fuivant  Charlevoix  ,  &  d'après  ce  qu'on  lira 
ci-après  ,  eut  pour  premier  poiTefTeur  un  calvinifte  nommé  Gobin  ,  qui  y  fit  une 
habitation.  En  effet,  les  douze  premiers  français  qui  vinrent  de  la  Tortue  pour 
cultiver  la  partie  du  Cap  en  1670,  avaient  pour  guide  Pierre  le  Long,  &  l'on 
fait  déjà  que  celui-ci  plaça  fon  habitation  dans  un  point  qui  dépend  m.aintenant 
de  la  paroilTe  du  Quartier-Morin ,  h.  fitué  près  du  lieu  où  le  grand  chemin 
traverfe  la  rivière  du  Haut  du  Cap. 

Ces  premiers  Français  appelèrent  h  rade  du  Cap  ,  par  laquelle  ils  avaient 
remonté  la  rivière  jufqu'à  la  hauteur  où  Pierre  le  Long  s'était  établi ,  la  Petite- 
Jnfe,  &  ce  qui  eft  très-remarquabJc ,  le  morne  du  Cap  reçut  alors  d'eux  îc 
nom  de  Gros  Cap  de  la  Petite- Anfe.  Tout  ce  qu'ils  établirent  fuccefllvement,  eus 
ou  leurs  nouveaux  compagnons ,  fur  la  rivç  droite  de  la  rivière ,  fe  nomma  • 
Tome     /.  p  p 


=93 


D 


R  I  P  T  I  O  N     D  E'    L  A     PAR 


ï  E 


toujours  la  Péliie-Afiïc ,  tandis  que  les  étabîiffeinenG  de  la  rive  gauche  qu! 
bordaient  la  chaîne  du  morne  du  Cap  s'appelèrent  le  Haut  ou  le  Bas  du  Cap  , 
félon  qu'ils  écaient  plus  ou  moins  rapprochés  ou  plus  ou  moins  éloignés  du 
rivage.  Ce  fut  où  eft  maintenant  le  bourg  du  Haut  du  Cap  ,  que  l'on  fonda  la 
première  paroiiTe  dé  la  dépendance  du  Cap,  h.  le  Cap  d'aujourd'hui  qu'on  appelait 
auffi  la  Bafeierre ,  rxt  fervait  alors  que  d'afile  à  quelques  pêcheurs ,  &  n'était 
qu'une  dépendance  du  Haut  du  Csp. 

Concevoir  d'après  cela-comment  le  Gros  Cap  de  la  Petite- Anfe  ,   le   Gros  Cap  y. 
le  G?p,fera  devenu  le  Cap-Français  lorfque  des  Français  auront  réellement  habité 
fo.n  voifmage,  me  parai:  une  chofe  fifimple  ,  fi  conform.e  aux  pièces  que  j'ai  vues 
qu'il  m'eft  rigoureufement  démontré  que  je  donne  la   véritable   origine  du  nom 
de  Cap-Français, 

Lorfqu'en  1676  la  petite  Colonie  de  Saniana  fut  obligée  d'abandonner  ce 
lieu ,  ce  fut  dans  le  voifinage  du  Cap  qu'elle  s'établit  ;  le  Bas  du  Cap  ou  la 
Bafîèterre  en  reçut  un  accroifîèment  fenfible  ,  &  l'on  y  vit  une  paroifle  -,  mais  les 
Efpagnois  dans  leur  incurfion  du  mois  de  Janvier  1691,  brûlèrent  les  bourc^s 
du  Haut  &  du  Bas  du  Cap.  Dans  la  nécefTité  oîi  l'on  fe  trouva  de  les  reconf- 
truire  ,  l'inconvénient  des  tranfports  par  la  rivière  du  Haut  du  Cap  pour  aller 
jufqu'au  bourg  du  même  nom  j  le  befoln  de  protéger  le  port  &  la  difficulté  de  le 
faire  efficacement  fi  l'on  ne  réfidait  pas  à  fa  portée,  déterminèrent  plufieurs 
perfonnes  à  donner  la  préférence  au  Bas  du  Cap.  Un  nouveau  malheur  la  lui 
alTura ,  ce  fut  une  nouvelle  deO-ruftion  des  deux  endroits  par  les  Efpao-nols  & 
les  Anglais  réunis,  qui  y  mirent  le  feu  le  30  Mai  1695, 

Decemom.ent,  il  ne  fut  plus  queftion  de  rétablir  les  deux  paroriîes  mais 
feukment  de  faire  tous  les  efforts  dont  on  était  capable  pour  former  au  Bas  du 
Cap  un  établiffement  folide  &  durable]  &  voilà  comment  le  Cap  acbuel  a  été 
fondé. 

Il  faut 'avouer  cependant  que  cette  opinion  ne  fut  pas  la  feule  qu'on  e5t 
alors  j  &  que  le  Cap  a  éprouvé  plus  d'une  contradiction  avant  que  fa  pofition 
fôt  regardée  comme  certaine ,  puifqu'elle  n'a  été  définitivement  arrcÊée  par  le 
roi  qu'en  17 II.  Jufques-Ià  on  foutenait,  &  avec  raifon,  que  fa  fituation  ferait 
plus  avantageufe  o\\  eft  le  bourg  de  l'em^barcadère  de  la  Petite -Anfe,  M.  de 
Charrite  ,  gouverneur  du  Cap ,  qui  a  fingulièrement  favorifé  la  formation  de  cet 
embarcadère ,  tenait  pour  cet  avis ,  qui  rapprochait  la  ville  de  fes  immenfes. 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  299 
po/Tcffions  du  Quartier-Morin ,  &  M.  Ducafîe  penfait  comme  lui ,  par  le  feuî 
motif  de  l'utilité  réelle.  M.  de  Breda,  major  du  Cap,  opinait  au  contraire  , 
pour  que  la  ville  fut  rapprochée  du  Haut  du  Cap  ,  où  il  avait  fcs  habitations! 
M.  de  Mithon,  Intendant,  fut  feul  du  fentiment  de  laiffer  le  Cap  où  il  eft}  il 
invoqua  l'exiftence  de  quelques  baraques  qu'on  y  avait  faites  depuis  l'incendie 
de  1695  j  il  répandit  un  foupçon  d'intérêt  perfonnel  fur  ce  que  confeillaient  fes 
contradiaeurs  &  il  l'emporta ,  lui  qui  n'était  guidé  que  par  le  défir  de  marquer 
de  la  prépondérance  fur  eux.  Mais  il  faut  rejetter  entièrement  l'idée  erronnée  que 
quelques  bâtimens  confervés  après  l'attaque  ds  i6gs ,  déterminèrent  ce  choix, 
car  il  n'y  était  pas  refté  de  veftiges  de  ce  qu'on  nommait  alors  le  bourg  du  Bas  du. 
Cap. 

Le  Cap  a  la  figure  d'un  carré  long ,  auquel  il  faut  ajouter  une  bande  qui ,  de  la 
partie  inférieure  du  côté  Nord,  va  s'étendre  vers  le  fort  Picolet.  Le  côté  SUd  du 
carré  eft  cependant  plus  court  que  celui  Nord  ,  parce  que  la  branche  de  montagne 
qui  le  borde  en  partie ,  s'étend  dans  l'Eft  &  parce  que  le  quai  fe  trouve  dirigé 
de  manière  à  fe  rapprocher  de  cette  branche,  à  mcfure  qu'il  va  dans  le  Sud.  Dans  la 
léalité,  la  ville  fait  face  à  l'Eft-quart-Sud-Eft  &  fe  trouve  adofîeeaaix  mornes 
dans  la  direftion  de  l'Oueft-quart-Nord-Oueft.  Mais  comme  cette  pofition  difFère 
peu  de  celle  qui  la  placerait  dans  le  fens  des  quatre  points  cardinaux ,  je  fuppoferai 
toujours  qu'elle  s'y  trouve. 

Me furé  dans  fa  plus  grande  longueur  ,  qui  eft  depuis  le  Gri-Gri ,  au  Nord, 
jufqu'à  la  boucherie  ,  au  Sud  ,  le  Cap  a  1,200  toifes  de  longueur ,  fur  600  toifes 
de  largeur  ,  comptées  depuis  h  batterie  royale  à  l'Eft ,  jufqu'à  l'ancien  cimetière 
des.  nègres  dans  le  haut  de  la  ravine,  à  l'Oueft  ;  mais  on  peut  évaluer  fa  furface 
réduite ,  à  600  toifes  en  carré. 

Les  rues  du  Cap  font  tirées  au  cordeau  &  fe  coupe nr  à  angles  droits  du  Septen- 
trion au  Midi  &  du  Levant  au  Couchant.  A  deux  ou  trois  exceptions  près ,  ces 
rues  ont  toutes  vingt-quatre  pieds  de  large  &  féparent  260  îJetg  ou  carrés  qui  ont 
Ï20  pieds  fur  chaque  face.  Prefque  tous  ces  îlets  font  divifés  en  quatre  empkce- 
mens ,  ce  qui  fait  même  qu'ea  parlant  d'un  em.placement ,  fans  autre  explication  , 
on  défigne  le  quart  d'un  îlet.  Il  s'y  trouve  donc  environ  1,000  empîacemens  ,' 
fans  parler  des  îlets  entiers  ou  des  emplacemcns  qui  ont  une  deftination  publique 
qw.konque.  Les  rues  qui  vont  de  l'Eft  à  l'Oueft ,  font  au  nombre  de  37  &  celles 
qwî.  ks  GFoifcnt  au  nombre  de  19.  Elks  font  bordées  de  maifons,  dont  150 

Pp  2 


2& 


300       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

feulement  font  de  bois  &  les  autres  de  maçonnerie.  On  n'en  peut  guères  trouver 
qu'environ  300  qui  ayent  un  étage  ^  3  ou  4  en  ont  deux  j  les  autres  n'ont  qu'un 
rez  de  chauffée.  Ces  maifons  font  bâties  avec  de  la  pierre  tirée  des  mornes,  ou 
avec  de  la  roche  à  ravet  &  quelques-unes  ,  avec  de  la  pierre  de  taille  apportée 
de  France  par  des  bâtimcns  de  Nantes  ,  venus  prefqu'à  vide  pour  chercher  du 
fret.  Nantes  procure  aulïï  ries  ardoifes  d'Anjou  ,  qui  font  la  plupart  des  couver- 
tures des  maifons  du  Cap.  Les  autres  font  couvertes  de  tuiles  de  Normandie  ou  du 
pays  ,  &un  très-petit  nombre  en  bardeaux  ou  effentes ,  dont  les  plus  eftimées  ,  à 
caufe  de  leur  durée ,  font  de  bois  du  pays  ;  les  autres  viennent  du  MiffilTipi  ou  de 
l'Amérique  Septentrionale,  on  préfère  celles  du  premier  lieu  &  parmi 'les 
unes  ou  les  autres  ,  celles  qui  font  de  bois  de  Cipre. 

Avant  1776  ,  il  n'y  avait  prefque  point  de  rues-  du  Cap  qui  fuffcnt  pavées  ,  Se 
encore  aujourd'hui ,  excepté  celle  qui  femblent  plus  particulièrement  confacrécs 
au  commerce,  elles  ne  le  font  communément  que  dans  leur  milieu,  de  manière 
à  former  un  ruiffcau  ,  dont  chaque  bord  pavé  a  environ  fix  pieds ,  pour  l'écoule- 
ment des  eaux  ,  le  refie  eft  d'un  fable  graveleux.  Affez  fouvent  le  bord  des 
maifons  a  ua  petit  trottoir  de  carresux ,  de  briques  ou  de  pierres  un  peu  plus 
larges  que  celles  du  ruiffeau  ,  qui  ne  font ,  à  proprement  parier ,  que  des  cailloux. 
Comme  le  niveau  des  rues  a  été  ,  affez  fouvent ,  mal  pris ,  les  pavés  font 
inégaux  ,  &  il  s'eft  trouvé  des  endroits  où  des  remblais  fucceffifs  ,  auquels  l'ip-no- 
rance  apréfidé  ,    ont  enfoui  le  rez  de  chaulîee  de  plufieurs  pieds. 

Une  chofe  qui  choque  dans  les  maiions  ,  c'eft  l'ufage  de  blanchir  l'extérieur 
avec  un  lait  de  chaux.  Dans  un  [pays  où  le  foleil  eft  ardent,  la  réflexion  de  ces 
façades  blanches  eft  infupportable  pour  la  vue.  On  y  avait  mal-adroitement  fubf- 
îitué ,  un  enduit  noir ,  form.é  de  charbon  pilé  &  mêlé  à  de  l'eau  de  chaux  ;  ce 
qui  augmentait  la  réfraélion  6c  pénétrait  les  murs  d'une  chaleur  que  la  nuit  pouvait 
à  peine  diffiper.  Mais  on  a  adopté  une  idée,  tout -à-la-fois  ,  plus  raifonnable  & 
plus  agréable  ,  en  employant  pour  les  façades ,  le  lait  de  chaux ,  la  peinture 
jaune-tendre  &  la  couche  charbonnée.  Cette  dernière  fait  un  linteau  dans  le  bas  , 
la  partie  fupérieure  eft  en  jaune ,  &  le  ceintre  des  portes  &  des  fenêtres  cti 
blanc. 

Les  maifons  ont  prefque  toutes  la  même  diftribution.  Ce  font  des  chambres 
de  quinze  ou  dix-huit  pieds ,  en  carré ,  dont  le  plafond  eft  très-élevé  ,  &  qui  ont 
fur  la  rue  une  porte  entre  deux  fenêtres ,  ou  une  porte  &  une  fenêtre  ;  ces  cuver- 


FRANÇAISE  DE  S  A  î  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.  301 
tares  font  répétées  du  côté  de  la  cour  ,  où  règne  d'ordinaire  une  galerie  plus 
ou  moins  large.  Il  y  a  des  appentis  le  long  des  murs  de  cette  cour  &  leur  divi- 
fion  en  petites  pièces,  fournit  des  cuifines  ,  des  offices  &  des  logemens  pour  les 
nègres.  Un  puits  au  milieu  de  cette  cour  ou  à  l'un  de  fes  angles  :  telle  e^  la 
diftribution  commune.  Le  peu  d'étendue  des  îiets  rend  les  cfpaces  vides  très- 
bornés  dans  l'intérieur  des  emplacemens.  Il  en  refte  à  peine  ,  lorfque  les  quatre 
faces  font  bâties  ,  &  les  conftruélions  fe  touchent  prefque  de  toute  part. 

Depuis  1776,  legoûtdesjaloufies  aux  fenêtres  &  même  aux  portes  s'eH: 
finguhèrement  étendu.  On  en  voit  prefque  par-tout  de  mobiles  &  d'immobiles 
de  celles  qu'on  élève,  de  celles  à  chaffis.  Les  galeries  en  font  garnies  ,  &  ils 
faut  avouer  que  c'efl  une  des  idées  les  plus  heureufes  qu'on  ait  pu  avoir  dans  ce 
climat,  où  les  jaîoufies  diminuent  l'éclat  du  jour  ,  le  modèrent  à  volonté  & 
augmentent  l'action  du  vent ,  en  l'obligeant  de  fc  comprimer  pour  paffer  entre'  les 
pa.ettes.  On  leur  a  de  plus  l'obligation  bien  douce  (mais  quelquefois  danaereufe) 
de  pouvoir  lailTer  les  fenêtres  ouvertes  la  nuit  &  de  jouir  d'u^  fommeil  qui  n'eft 
qu'une  fatigue  nouvelle  ,  lorfqu'il  efl  pris  dans  un  lieu  étouffé. 

A-peu-prés  depuis  1783  ,  on  a  vu  s'introduire  au  Cap.  un  goût  que  j'ai  déià 
loue,    c'efl  celui  d'avoir  de  charmantes  volières,  où  des  oifeaux  fournis  par  le 
Sénégal ,  la  Guyane  le  Miffiffipi  &  même  par  la   Partie  Efpa^nole  de  rWe 
charment  l'œil  &  l'oreille.    On  efl  frappé   furtout  de  la  mutation  qu'éprouvent 
les  fenegalais  qui  changent  totalement  de  nuances  ,  fans  changer  de  plumes     &  ^ 
l'homme  fenfible  aime  à  penfer  que  la  vue  &  le  foin  de  ces  timides  créatures 
doivent  infpirer  des  penfées  auffi  douces  qu'elles.  ' 

Je  paffe  maintenant  à  la  defcription  particulière. 

Une  ordonnance  des  Adminiflrateurs  ,  datée  du  31  Décembre  1786  ,  aréole 
cshmites^de  la  ville  du  Cap,   &  du  faubourg  du  petit  Carénage.  Ces  limites 
iont  formées  ; 

Au  Nord,  par  une  ligne  droite  de  300  toîfes  de  long,  dirigée  Efl  &  Oueft 
depuis  le  rivage  ,  à  partir  de  l'embouchure  d'une  petite  ravine  fituée  au  Sud  de 
I  habitation  BaiJli ,  au  Gri-Gri. 

A  l'Efl  ,  par  le  quai  aftuel. 

Au  Sud ,  par  une  ligne  droite  parallèle  à  celle  de  la  limite  du  côté  Nord  •  elle 
parcourt70o  toifes,  depuis  le  milieu  des  deux  focles  du  pont  projette  près  du;ac, 
en  luivant  1  alignement  de-  U  rue  du  Pont  qui  fait  face  à  ces  focles. 


ï 


302       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

A  rOueft ,  la  montagne  vers  laquelle  il  eft  permis  d'étendre  la  ville  indéfi* 
nimcnt. 

La  même  ordonnance  défend  de  bâtir  dans  un  efpace  fitué  fur  la  rive  droite  de 
la  rivière  du  Haut  du  Cap  &  que  renferment  entr'elles  ,  deux  lignes;  l'une 
cenfée  tirée  du  milieu  de  l'avenue  de  l'hôpital  de  la  Charité  &  allant ,  en  paffant 
à  200  toifes  dans  le  Sud  du  morne  Saint-Michel  ou  à  Baudin  ,  fe  terminer  à  aco 
toifes  au-delà  de  ce  morne  ;  l'autre  menée  perpendiculairement  depuis  le  point 
où  finit  la  précédente  ^  jufqu'à  la  mer.  Cette  détermination  paraît  tenir  au  fyftème 
de  défenfe  militaire. 

La  ville  acluelle  eft  bien  loin  y  comme  le  montre  le  plan  (V.  l'Atlas  )  ,  d'attein- 
dre les  dimenfions  que  lui  permet  l'ordonnance  que  je  cite.  J'ai  dit  qu'elle  é^alt 
Ton  étendue  réelle  ,  c'eft  cette  étendue  que  je  fubdivife  en  huit  fedions. 


Première 


SECTION. 


Elle  eft  bornée  ,  à  l'Eft ,  dans  toute  fa  longueur  par  le  quai ,  depuis  l'embou- 
chure de  la  ravine  du  Cap,  qui  pafîe  fous  la  batterie  Circulaire  ,  jufqu'au 
point  du  quai  qui  répond  au  bout  Sud  du  corps  -  de  -  garde  de  la  place  Le 
BraiTeur.  Au  Nord  ,  elle  a  pour  limite  la  ravine,  depuis  fon  embouchure  jufqu'au 
point  Nord-Oueft  de  la  rue  du  Gouvernement,  &  à  l'Oueft ,  cette  même 
me  jufqu'à  la  rencontre  de  la  rue  de  la  Vieille  Joaillerie.  Au  Sud,  fa  borne 
eft  la  rue  de  la  Vieille  Joaillerie ,  jufqu'au  quai. 

Le   quai ,   appelé  quai  Saint-Louis  ,  eft  garni   de  cinq  calles  ,  dont  la  plus 
Occidentale  ,  placée  en  face  de   la  rue  du  Ccnfeil ,  eft  la  calle  Royale  ;  elle 
a  été  établie  vers    1740,  &  refaite,  en   1763,    pour  l'utilité  de  la  marine  de 
l'État.   Celle   de  la  gauche,  en  face  de  la  rue  Saint-Laurent,  eft  la  calle  Mar- 
chande. Une  troifième  fait  face   à  la  rue  Notre-Dame,    on  k   connaît  fous 
le  nom    de  calle  Le  Febvre,   parce    qu'elle    eft  au  bout  de  la  maifon   oc- 
cupée  par  un  négociant  de  ce  nom.  Elle  a  été  conftruiteen  1780 ,   avec  des 
matériaux  fournis  par  le  roi ,   &  aux  dépens  de   M,   Le  Febvre ,  quant  à   la 
main-d'œuvre.    La  quatrième   eft  tout  près  de  la  troifième  &   au  bout  de  la 
rue    Chaftenoye  ,    c'eft  la  calle     des    Pajfagers  ,     parce   que   ces  barques   y 
abordent.    La   cinquième  ,  la  plus  Orientale  de   toufès  ,   eft  vis-à-vis  la  rue  du 


~y 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  303 
Canard  &  à  l'extrémité  Septentrionale  de  la  place  Le  Bnffiur  Ces  c-H-, 
conftru-tes  fur  piJotis.avec  de  forts  madriers,  ont  80  pieds  de  lopg  l^^^' 
de  large,  celle  de  la  Marine  c.cède  un  pet,  ces  dimenfions.  Elles  It  J 
n,n,e„r  co„™odes  par  la  facilité  qu'elles  donnent  de  charger  fe  de  décha;^; 
a  baffc  ,  comme  a  haute  men  -^ia^t-'^i 

C^^  T  'V'.^"-"  '  "'"   '"""  '"  '''^^  "^"y*  ^  >»  batterie  Circulaire 
C  eft  (eus  cette  derntere  que  paffe  le  conduit ,  qui  vient  de  la   fontaine  du  It' 
de  la  rue  du   Con.e.l .   &  qu'augmente   au  befoin  l'eau  n,ené=   du  ,ra.  .„T 
ro,    8t  qu,   fe  rend  à  la  fontaine  d'Eftaing ,  pour  l'aiguade  des   vai^   S 
^  Ce  te  fon.a,„e  ,  détachée  â  environ  50  pieds  du  revêtement  de  la  ba uerie 
Crculatre,  donne,  par  cette  difpofi.ion  ,    une  plus  grande    facilité  aux   e 
barcattons       q„,    ,    font  leur  eau  fans   fortir  les  pièces  des  canot    ou  c.-o 
pes^    Elle   forme  une   pyramide  carrée  de  maçonnerie,   qui  porte  „„    chap  te    ' 
quadrangulaue.&quefurmonte  uae  grenade  emBammée,    la  crenafe   eft  ^l^ 
er    Cette   fontaine      deftinée  à  épargner  beaucoup  de  pei ùe  au.  ™t    ors     data 
u,.  pays  ou  ,1  en  peut  un  grand   nombre,  eft  un  des  bienfrits  de  l'admiriftr 
,on  commune  de  MM,  de  Reynaud  &  Le  Braffeur;  elle  a  été  achevée  en  , -S,  " 
c  confacree  fmvant  le  vœu   de  ces  deux  Adminiftrateurs     par  un-  1„,'   ■        ' 
mire  fur  la   face    Sud  ,  au-delTous  du  chapiteau.    Au    ^^^Z^TZ 

ca-L'"";  d-,  'r'''   "'""^  '■'""  '""™--   En   ferrant   de  ce  te 

catle.  ou  le  débarquement  des  perfonnes  fe  fait  préférablement ,  parce  qu'elle 
eft  la  plus  avancée  dans  le  fens  du   commencement  de  la  rade     o„  , 
,ie  l'ai  dit,  la  batterie  Circulaire  à  la  droite  .  fo„   bout  Sud    borde    e'  X^' 
&  gagnant  dans  le  Nord-Oueft ,  à  caufe   de  fa  forme  ,    elle  a  e«érie„  ' 

un  petit  remuai  de  fable  charrié  par  la  ravine  qui ,  a;  moy  „"  'T  ^^ 
paffe  fous  la  batterte.  &  arrive  à  la  mer.  La  batterie  fort  doL  delapremï; 
«a,on  ,   &  va  fur  le  remtoire  de  la  huitième  ,  où  du  faubourg    du   P 

D    s  1  Oueft  de  la   batterre   Circulaire  ,  eft  le  pare  d'Artillerie ,  qui  s'étend 
jofqua  la  rue  de  P.cokt ,   &  qui  la  borde,  allant  du  Sud  au  Nord      ill, 
petite  rue  del'Arftnal,    qui  eft  de  la  huitième  feffion    Le  or  c  d'ar^r- 
,0  toifes  du  Nord  au  Sud,  fur  environ  5c.  de  l'Eft  , t'orS^  t^^^l^^ 
la  guerre  de   ,778    quo„  l'a  formé   &  qu'on  l'a  clos  d'un  mur  à  haut™ 


h 


304      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

d'appui  ,  (  avec  des  pllaftres  de  diftance  en  diftance  )  ,  qui  porte  une  claire- 
voye  en  fer.  Auparavant,  ce  terrain  faifait  partie  de  la  place  iSaint-Louis , 
formée  en  1745  ,  nom  que  porte  encore  la  portion  étroite  qui  eft  entre  le 
parc  &. le  côté  Sud  du  prolongement  delà  rue  du  Confeil.  Un  commandant 
d'artillerie  avait  fait  fermer  cette  place  ,  en  1768  ,  mais  une  ordonnance  des 
Adminiftrateurs  ,  du    12  Août  de  la  mêm«  année  ,  en  rendit  la  jouilTance   au 

public. 

On  a  conftruit ,  dans  la  partie  du  parc  d'ArtiUrie ,  qui  cil  au  Nord  delà 
ravine,  &  intérieurement,  trois  grands  magafins  ,  &  de  petites  dépendances , 
{m  la  rue  de  l'Arfenal ,  pour  les  ateliers  des  ouvriers  de  l'Artillerie.  MM. 
de  Raynaud  &  Le  BralTeur  avalent  le  defîein  de  mettre  une  mâture  &  au- 
deffus  un  magafin  de  garniture,  dans  le  parc ,  parce  que  le  confeil  de  guerre, 
de  1730,  avait  jugé  que  les  établiffemcns  d'Artillerie  feraient  mieux  à  la  Fof- 
fette  ;  8o,ooo   livres  devaient  procurer  cet  avantage  à  la  Marine  ,    qui  n'en  jouiç 

cependant   point   encore. 

Au  Sud  de  la  batterie  Circulaire  eft  la  batterie  Royale  ,  qui  borde  le  quai 
depnîs  la  calle  delà  Marine,  jufque^  vers  le  milieu  de  l'Iflet ,  qui  eft  entre 
les  rues  Saint- Jean  &  Saint-Laurent.  A  cette  extrémité  Sud  ,  eft  la  deuxième 
calle,  à  quelques  toifes  de  laquelle  ,  dans  le  Sud,  commence  ce  qu'on^  nomme 
îe  premier  Baftion ,  qui  avance  dans  la  mer.  Je  renvoyé  auiïi  à.  parler  de  ces 
fordfications  ,  à  l'article   de  la   défenfe.  _     ^ 

Tout  le  quai  de  la  première  feclion  ,  qui  va  de  la  batterie  Circulaire  a 
la  place  Le  Braffeur  ,  eft  une  conquête  faite  fur  la  mer.  En  1 721  ,  le  Cap 
était  terminé  ,  à  l'Eft,  par  le  côté  Oueft  de  la  rue  Neuve  ,  &  au  Sud  il 
ne  s'étendait  pas  au-delà  de  la  rue  Saint-Simon  ,  ft  ce  n'était  dans  la  rue 
Efpagnole  Se  la  rue  Saint-Louis.  Le  bord  de  la  mer  était  inégal  ,  &  tel , 
que  ks  immondices  de  la  vUle  le  couvraient,  &  que  l'adion  de  la  mer  l'en- 
tamait. 

-  M.  de  Galifet  avait  fait  établir  ,  en  1699 ,  une  efpéce  de  calle  ,  ou  d'avancée, 
(  la  première  qui  ait  eu  lieu  )  ,  au  moyen  de  deux  chaloupées  de  pierres  par 
chaque  navire  marchand  de  la  rade  &  d'une  contribution  des  habitans  de. 
la  ville  pour  les  pieux  &  la  mab-d'œuvre ,  mais  elle  n'avait  eu  qu'une  courte 
durée.  D'anciens  retranchemens ,  étalent  devenus  eux-mêmes  des  caufes  d'inéga- 
lité 


I 


I     i^ 


FRANÇAISE  DE  S  A  î  N  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E.  ^oç 
iité.  Il  fallait  que  les  matelots  eufîent  la  moitié  du  corps  dans  Feaa,  pour 
porter,  de  la  chaloupe  au  rivage,  les  marchandifes  tirées  des  vaiffeaux  ,  &  les 
chargemens   multipliaient   &  la  fatigue  ,   &  les  dangers  pour  la  fanté 

On  avait  cependant  le  projet  d'une  chauffée  royale  ,  &  pour  refFeduer  , 
1  amirauté  du  Cap  avait  défendu  aux  capitaines,  fous  peine  de  punition  corporelle 
de  jetter  leur  lefl  ailleurs  cjue  dans  le  lieu  que  leur  indiquerait  le  capitaine  Z 
port;  mais  ce  left,  que  rien  ne  retenait ,  était  entraîné  par  les  vagues  •  deux 
pentes  avancées  nouvelles,  faites  par  des  propriétaires  de  la  ville,  'avaient 
ete  Getruites,  &  la  chauffée  ne  fe   formait  point. 

Ce  fut  dans  cette  fituation,  que  trente-trois  capitaines  de  navires  &  négocîans 
du  Cap  reunis,   s'adrefTerent  aux  Adminiilrateurs .   qui    ordonnèrent ,  le    .6 
Mars   17.1  ,    que  tous  les  habitans  de  la  plaine  du  Cap  fourniraient,   par 
dix  nègres   payant  droits,  un  pieu  de  dix  à  onze  pouces  de  diamètre  ,  des  bois 
les  moins   fujets   aux  vers,   que  les   chaloupes  iraient  les  prendre  aux  emba" 
caderes,   pour  les   conduire  au  Cap,   où   les  habitans  de  la  ville  devaient  les^ 
feire  placer  fur  deux  rangs  ,  à  deux  pieds  l'un  de  l'autre.  Ce  travail,   foumis  à 
I  infpeélion  de  M.  Pinfon  ,  aide-major  du  Cap  ,  &  du  capitaine  de  port  (  en 
faveur    defquels  même    l'ordonnance  intéreffait  ia  générofité  des   habitans  de 
ia  ville  ,  dans   le  cas  où  ils  feraient  contens  des  deux  infpcdeurs  ) ,   eut  lieu 
mais  avtc   une  extrême  lentetir ,    quoiqu'une    deuxième   ordonnance ,  du    10 
Novembre    172.,  eût  taxé   chaque   emplacement   ou  quart  d'ifîet  à  25  livres 
&  les  negocians  à  une  contribution  proportionnée  à  leur  négoce  ,   &  d'après  un 
état  dreffé   par  les  Adminiftrateurs   eux-mêmes.    Malgré  tous  ces  moyens     il 
exiftait  a   peine  un  commencement   de  chauffée  royale  en   1725. 

M-  Proft,  négociant,  qui  avait  obtenu,  le  lendemain  de  l'ordonnance  de  1721 
îa  pcrmiSon  de  faire  la  chauffée  du  devant  de  fa  maifon  placée  au  bout  de  la* 
rue  Ciiaftenoye ,  &  même  un  petit  môle  pour  favorifer  encore  les  opérations  du 
commerce  y  mit  peu  d'exaftitudc.  Cette  calle  était  placée  précifément  dans  la 
même  àutiïion ,  mais  un  îlet  plus  haut  que  celle  de  M.  le  Febvre  II  y  en  eut 
une  cnfmte  en  face  de  la  rue  de  Conflans ,  puis  on  fit  une  avancée  d'environ  .0 
.toifes  qm  corrci'pondait  à  l'ÎIet  placé  entre  les  rues  Saint-Jean  &  Saint-Pierre 

Tel  .était  l'état  des  chofes  ^n  1739,  en  obfervant  que  les  deux  calles  qu'on 
non.rr..^^embarcadères  ainfi  que  l'avancée,  étaient  formées  par  une  coupure  dans' 
la  chau.ee  même,  de  lorte  que  les  chaloupes  y  pénétraient  comme  dans  une 


"M 


If- 


.1 


306        D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E     LA    PARTIE 

rue  &  décKargediént  fur  les  côtés  de  ia  chauffée  lorfqu'eiles  ne  trouvaient  pas 
affez  d'eau  pour  arriver  jufqu'au  rivage  par  la  coupure. 

Ce  fat  alors  que  M.  Béhotte  y  négociant ,  fit  aux  Adrainiftrateurs ,  au  nom 
d'une  compagnie,  à  la  tête  de  laquelle  était  M.  Perrier ,  fermier  du  paffage  de  la 
Petite -Anle  ,  la  propofirion  de  pouffer  les  remblais  dans  la  mer  jufqu'à  50  toifes 
des  maifons  ,  à  condition  que  cette  compagnie  aurait  la  propriété  des  fept  îlets  , 
dont  ce  prolongement  augmenterait  la  ville,  &  qu'elle  pourrait  prendre ,  pour 
remblayer ,  des  terres  dans  le  m.orne  des  Capucins.  Elle  demandait  auffi  la 
propriété  des  terrains  que  fes  travaux  rendraient  propres  à  être  édifiés  dans  ce 
îTiorne.  MM.  de  Larnage  &  Maillart  adoptèrent  un  plan  auffi  favorable  à 
l'utilité  publique  S",  à  l'embelliffement  du  Cap,  par  leur  ordonnance  du  22  Juillet 
Ï739.  Ilsy  mirent  pour  condition ,  à  leur  tour ,  que  le  remblai  qui  devait  être 
zerminé  au  premier  Janvier  1743  ,  commencerait  à  pardr  du  Sud  de  la  rue  du 
Confeil  jufqu'à  la  rue  de  Chaftenoye;  que  l'on  y  laifferait  la  place  des  trois 
enfoncemens  pour  débarquer ,  de  45  pieds  de  large  &  36  de  largeur  chacun;  que 
le  quai  ferait  bordé  de  roches  fèches  dans  une  épaiffeur  de  3  pieds  &  affez 
élevé  pour  n'avoir  rien  à  craindre  de  la  mer ,  &  qu'il  ferait  appuyé  en  avanC 
iur  des  pieux  frappés  à  refus  de  m.outon.  Comme  les  navires  devaient  trouver  un 
avantage  réel  dans  cette  entreprife  ,  chacun  de  ceux  qui  arriveraient  durant  les 
trois  ans.  fut  obliaié  de  fournir  fix  tonneaux  de  left  en  roches  ou  cailloutages. 
On  fixa  les  fept  îlets  àform.er,  à  120  pieds  de  l'Eft  à  l'Ouell ,  &  l'on  déter- 
mina qu'ils  auraient,  du  Nord  au  Sud,  la  même  façade  que  les  maifons 
au-devant  defquelles  ils  formeraient  une  rue  de  ;^^  pieds  de  large.  On  accorda 
en  outre  à  la  Compagnie  quatre  îlets  dans  le  m.orne  des  Capucins ,  fnr  la  place 
d'arm.es.  Ce  fui  par  la  mêm.e  ordonnance  que  l'achèvement  du  remblai ,  au- 
devant  du  magafin  du  roi  (  à  préfent  le  parc  d'artillerie  ) ,  &  la  conflrutlion- 
d'une  calle  au  bout  de  la  rue  du  Confeil  (  la  calle  de  la  marine  )  furent  prefcrites 
aux  dépens  du  roi ,  pour  fervir  d'alignement  aux  travaux  de  M.  Béhotte ,  qui 
furent  finis  en  1746,  après  avoir  obtenu  le  12  Juillet  1743,  la  permiffion  de 
prolonger  les  fept  îlets  de  dix  pieds  de  plus  dans  l'Eft. 

Voilà  comme  la  ville  dii  Cap  fut  agrandie  de  fept  îlets ,  h  quelle  a  été 
l'origine  de  la  rue  Neuve ,  bien  mieux  connue  fous  le  nom  vulgaire  de  rue  du 
Marché  des  Blancs ,  ou  feulement  de  Marché  des  Blancs. 

Pour  placer  en   1748  des  retranche  mens  en  terre  au  Sud  du  quai  Saint- Loui&j 


.    \ 


FRANÇAISE    DE    SAÏNT-DOMINGUE.       507 

on  le  fie  prolonger,  par  la  corvée  des  nègres,  &  il  fe  trouva  alors  ce  qu'on 
nomma  le  quai  du  Marais.  On  fit  la  même,  chofe  près  du  bac ,  &  il  y  eut 
pareillement  un  quai  du  Bac  j  noms  qui  ont  été  confervés  jufqu'à  ce  qu'on  ait 
comblé  le  marécage. 

Plufieurs  particuliers  prolongèrent  fucceffivcment  le  quai  Saint- Louis  ,  &  vers 

1760,  on  comptait  fepî  autres  ilets  dans  le  Sud  de  ceux  de  la  compagnie  Eéhotte. 

On  avait  placé  plufieurs  grues  fur  ce  quai ,  &  une  ordonnance  du  4  Décembre 

Ï761  ,  autorifa  M.   Pofchet  fils  à  en"  miCttre  une  nouvelle  âu-defTous  de  la  rue 

de  la  Fontaine.  Ce  fut  vers  îe  même-tems  qu'on  travailla  à  combler  ce  qui 

fe. nommait  le  marécage ,   c'eft-à-dire  l'elpace  compris  entre  la  m^er  &  la  rue 

Saint-Louis  j  la  rue  Saint-Jofeph  &  le  bout  Sud  de  la  ville  ,  ce  qui  continua  le 

quai.    Celui  -  ci  ,  excepté  dans  la  longueur  de   la  batterie  royale  ,  était  bien 

lom   d'avoir  confervé  les»    140  pieds  de  large  qu'il  avait  dans  l'origine  ,  tant  le 

défaut  d'entretien  l'avait  livré  aux  dégradations  de  la  mer^   malgré  les  travaux 

&  les  retranchemens  de  1748. 

Le  quai   du  Cap  fut  le   premier   objet    dent   s'occupa  le    bureau  de  poli- 
ce  municipale    créé    le    20     Juin     1764   ,     &    afîembîé    le   .-^o.    MM.     de 
Montreuil  &;  de  Clugny  ayant  accordé  le    9  Août    1762  à  M.  Courejolles  la 
conceffion  j  en  jouiflance  j  d'une  étendue  de  190  pas  de  large  ^  à  prendre  dans 
la  mer,  MM.  d'Eftaing  Se  Magon  (  car  le  général  &  l'intendant  s'étaient  faits 
membres  de  la  police  municipale  )  ,   exigèrent  de  M.  Courrejolles   le  remblai 
de  fa  concelTion  ,  qu'ils    convertirent  le   i;=''-  Juillet    en  un   dure  à  perpétuité  i 
l'on    autorifa    même    M.    Courrejolles  ,     à  employer  à  fon    profit    ce    qui 
refiait  de   terre  des    retranchemens.   La   conceffion   de   M.    Courrejolles  devait 
s'étendre  depuis  la  rue  Saint-Laurent  jufqu'à  celle  des   Religieufes  ^   c'ell-à-dirc 
depuis  l'extrémité  de  la  batterie  royale  au  Nord  en  courant  190  pas  dans  le  Sud. 
Le  8  du  m.ême  mois  de  Juillet,  le  bureau  municipal  oubliant  ce  qu'il  avait  fait 
relativem.cnt  à  M.  Courrejolles  ,  fit  foufcrire.  aux  propriétaires  des   emplacemens 
ntués   depuis  la  batterie  royale  jufqu'au  de  -  là  du  bac ,  l'obligation;  déformer 
au-devant  de  leurs  maifons  un  quai  qui  aiuait  90  pieds  de  large  dans  l'intervalle 
de  la  batterie  Royale  à  la  rue  du  Cimetière ,   &  60  pieds  feulement  depuis  cette 
rue  jufqu'au  bac.  Les  propriétaires  fe  fournirent  à  y  travailler  de  m.anière  que  les 
remblais  feraient  achevés  de  la  batterie  à  b  rue  delà  vieille  Joaillerie  dans  un  an. 
Mai:  ili  fe  firent  promettre  que  dans   le  cas  où  de  nouveaux  rem.blais  feraient 

Q  q  2 


b 


30S 


DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 


former  encore  une  rue  vers  la  mer  ,  ils  auraient  la  préférence  des  terrains  dont 
les  leurs  fe  trouveraient  mafqués. 

M.  Courrejolles  fut  prefque  le  feul  qui  s'occupa  d'accomplir  ce  qui  lui  était 
prefcrit.  Les  anciens  retranchemens  s'applanirent  pour  étendre  la  ville,  &  k 
fuperP.u  du  remblai  ht  procuré  par  le  Table  de  la  ravine.  Il  fit  fortir  du 
fein  des  eaux  une  nouvelle  propriété  ,  &  en  1765  la  vafte  étendue  de  fa  concef- 
fion  dominait  la  mer.  Il  y  fit  conftruire  une  raaifon  de  planches  j  un  ré.fervoir, 
une  petite  fontaine  ,  une  grue  &  une  jetée. 

Les  capitaines  de  navù-e»  qui  auraient  dû  applaudir  à  ces  créations  de  l'induflrie 
dont  ils  pouvaient  jouir ,  pour  une  faible  rétribution  de  30  liv.  par  navire  ,  durant 
tout  le  voyage  :  rétribution  qu'ils  étaient  toujours  maîtres  d'éviter  en  faifant 
comme  avant  que  ces  moyens  exiftaffent ,  fe  plaignirent  d'être  rançonnés.  Quel- 
ques hommes,  envieux  de  la  propriété  que  l'aclivité  de  M.  Courrejolles  lui 
avait  procurée  .  fe  firent  l'écho  de  ces  miférablçs  clameurs  j  &  elles  parvinrent 
jufqu'aux  Adminiftrateurs.  Sans  fe  livrer  à  l'opinion  'que  ceux-ci  firent  tout  ce 
qu'ils  purent  pour  retirer  à  ce  citoyen  ,  la  conccfiîon  qu'il  avait  fi  heurcufement 
remplie,  il  eft  certain  qu'ils  parvinrent  à  fe  faire  céder  ,  à  la  fin  de  1765  ,  par 
un  mandataire  de  M.  Courrejolles ,  60  pieds  en  carré ,  du  terrain  de  la  concelTion 
pour  41,313  liv.  &  c'était  juilement  la  partie  oii  était  la  grue,  la  fontaine  &  la 
jetée.  On  prétendit  m.ême  que  cette  femme  n'était  qu'une  indemnité  des  travaux; 
car  on  prononça  la  réunion  de  la  conceffîon  :  réunion  tellement  privée  de  formes 
légales  ,  qu'on  n'a  jamais  ofé  la  montrer. 

Cette  acquifitlon  faite,  on  s'occupa  d«  délivrer  le  quai  de  toute  gêne.  On  fit 
mettre  à  exécution  une  ordonnance  du  juge  de  l'amirauté  du  18  Août  1764,  qut 
défendait  de  l'em-barrafTer  par  des  marchandifes  &  des  immondices.  On  prof- 
crivit  les  rétributions  de  tout  genre  &  l'on  rendit  gratuites  ,  la  calîe  ,  la  fontaine  ,. 
la  grue  de  M.  Courrejolles  ;  les  autres  grues  qui  ne  rapportaient  plus  rien  â  leurs 
inaitres ,  difparurent.  M.  d'Eftaing  s'applaudit  du  parti  qu'on  avait  pris  ,  &  le 
22  Mars  1766  ,  il  reçut  les  remercîmens  publics  des  capitaines  de  navire  de  cet 
affranchiffement.  Cependant  les  fuccefiêurs  de  MM.  d'Eftaing  &  Magon  crurent 
devoir  afièrmer ,  poux  le  compte  du  roi ,  ce  qui  avoit  été  acheté  de  M.  Courre- 
jolles ,  &  j'ai  la  preuve  que  cette  ferm.e  exiftait ,  le  a3  Août  1767.  Mais  bientôt 
après  ii  n'y  eut  plus  de  vefriges  des  utiles  établiiTemens  créés  par  M.  CourrejoUcSjj 
çc  que  fes  envieux  ou  fes  critiques  regrettèrent  plus  d'une  fois. 


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I 


FRANÇAISE   DE   S  A  I  N  T-D  O  M  î  N  G  U  E.        509 

'  Le  quai  refla  dans  cet  état ,  mais  comme  tout  le  monde  fentait  de  quel  prix 
étaient  les  maifons  dont  il  était  bordé  ,  il  n'y  eut  point  de  tentatives  qu'on  ne  fît 
pour  déterminer  le  gouvernement  à  former  une  nouvelle  rue  vers  la  m.er.  On  était 
même  parvenu  à  obtenir  quelques  conceffions  qu'une  ordonnance  des  Adminif- 
trateurs  du  12  Novembre  1773  ,    qui  défend  de  bâtir  fur  le  quai,  annulla. 

Lorfqu'en  1780  ,  dans  le  confcil  de  guerre ,  formé  au  Cap ,  pour  l'examen  de 
la  défenfe  de  la  Partie  du  Nord ,  il  fut  reconnu  que  le  plan  de  faire  du  quai 
un  retranchement  baftionné ,  devait  être  abandonné  ,  MM.  de  Reynaud  &  Le 
BrafTeur  décidèrent  alors  qu'il  y  aurait  entre  les  maifons  Se  la  mer ,  depuis  la 
batterie  royale  jufqu'au  bac  ,  une  diflance  de  90  pieds  dont  60  feraient  confidérés 
comme  la  rue  Se  le  furplus  comme  le  quai.  Ce  dernier  intervalle  feul  pouvait  fervir 
.d'entrepôt  aux  objets  débarqués  pendant  un  court  délai  &  dès  le  commencement 
de  178 1  ,  tous  les  propriétaires  des  maifons  du  quai  avaient  prefque  achevé  ce 
travail. 

MM.  de  Bellecombe  &  Bongars  prirent  radminiftration,  en  1782.  Comme  on 
a  ,  à  Saint-Domingue ,  plus  d'un  exemple  de  la  mobilité  des  principes  qui  la 
dirigent,  on  chercha  à  infmuer  qu'il  ferait  utile  d'avoir  une  rue  de  plus  au  bas 
de  la  ville,  depuis  la  rue  Chaftenoye  jufqu'au  bac,  M.  de  Bellecombe  o-oûta  cette 
idée  qu'on  appuyait-de  l'obfervation  de  la  cherté  des  loyers  durant  la  guerre , 
cherté  qui  avait  caufé  jufqu'à  800,000  livres  de  dépcnfe  par  an ,  au  roi ,  pour  des 
cazernes,  des  magafins,  &  des  hôpitaux.  Il  fit  dreiTer  un  plan  ,  où  le  nouveau- 
projet  fe  trouvait  porté. 

Dans  ces  entrefaites ,  arriva,  en  1784,  M.  Maugendre  ,  appuyé,  dit-on  ,.  dw 
crédit  accordé  aux  foins  domeftiques  d'un  de  fes  frères  par  M"*^-  de  Brionne,- 
Ce  protégé  follicita  auprès  des  Adminiftrateurs  la  permiffion  de  faire  une  baraque 
fur  le  quai  pour  fe  loger  &  y  avoir  un  cabaret..  D'un  autre  côté  M.  Mafîbt ,  capi- 
taine de  port ,  demandait  celle  de  conftruire  une  maifon  de  bois  fur  tout  le  terrain 
acheté  du  repréfentant  de  M.  Courrejollcs  en  1765 ,  &  que  l'on  avait  deftiiîé 
pollérieurement  à  recevoir  une  maifon  pour  le  logement  du  capitaine  de  port» 
L'un  &  l'aatre  s'obligeaient  à  évacuer  ks  lieux  „  au  premier  ordre  ,  &  l'un  &■ 
l'autre  obtinrent  ce  qu'ils  défiraient. 

Mais  M.  Jean  Lalande  ayant  eu  tme  conceffion  (  en  propriété  ,  ileft  vrai  )  le 
27  Novembre  1784,  d'un  emplacement  qui  devait  former  une  nouvelle  rue  fu$ 
le  qu^  &  prolonger  celle  Saint-Jofeph.  à  l'Eft  i:  elle  excita  des  plaintes  &.]e  ^■ 


V 


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^ 


3IO      DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

Mars  1785,  les  i^dminiflrateurs  l'annullèrent  j  M.  de  Eellecombe  écrivit  au 
commandant  du  Cap  ,  le  même  jour  ,  qu'il  lui  défendait  de  permettre  de  bâtir  fur 
le  qua.\,  feus  quelque  fret  sxt  s  que  ce  fût ,  jufqu'à  ce  que  le  nouveau  plan-direfteur 
du  Cap  ,  qu'il  devait  envoyer  au  Miniftre  ,  fiit  approuvé. 

Cependant  M.  Maugendre  autorifé  à  confrruire  une  baraque  de  30  ^.  40 
pieds  en  carré  dans  le  lieu  que  lui  indiquerait  le  commandant  de  la  Partie  du 
Nord  &  le  capitaine  de  port,  fut  dirigé  fur  le  terrain  de  la  concefTion  de  M. 
Courrejolies,  Celui-ci  voyant  un  arpenteur,  s'oppcfa  à  fes  opérations,  M. 
Clément,  propriétaire  d'une  maifon  furie  quai,  invoqua  aufîî  la  promeflè  du 
bareau  municipal  de  1764;  de-là  des  conteftations  même  judiciaires  ,  pendant 
lefquelles  M.  Ma'.igendre  qui  continuait  fa  conflruftion ,  reçut  du  gouvernement 
l'ordre  de  la  fufpendre.  11  prit  alors  le  parti  de  s'engager  par  écrit  envers  M. 
Courrejolies ,  à  lui  remettre  le  terrain  dés  qu'il  lui  figaifierait  qu'il  voulait  y 
bâtir,  &  à  titre  d'aveu  de  fa  propriété,  il  promit  de  lui  compter  une  gourde 
par  an  ;  cet  accord  vifé  par  le  commandant  du  Cap,  fit  lever  le  11  Décembre  la 
fufpenfion  ordonnée  à  M.  Maugendre. 

Telles  font  les  circonfrances  qui  ont  créé  les  deux  maifons  de  bois  qu'on  voit 
fur  le  quai ,  &  les  feules  qui  y  exifrent  &  qui  font  alignées  l'une  fur  la  rue 
Notre-Dame  &  l'autre  fur  la  rue  Chaftenoye.  Celle  qui  efl  plus  au  Sud  &  à 
étage  ,  eft  celle  de  M.  Maflot.  M.  Courrejolies  a  vainement  tout  tenté  pour  faire 
valoir  fes  droits  ou  pour  obtenir  du  moins  de  partager  des  marques  d'une  faveur 
dont  fes  travaux  primitifs  le  rendaient  plus  digne  qu'aucun  autre;  &  l'ordonnance 
du  31  Décembre  1786  que  j'ai  citée ,  &  qui  fixe  les  limites  de  la  ville  du  Cap  , 
défendant  expreffément  à  toutes  perfonnes  de  conftruire  aucun  bâtiment  fur  le 
quai,  quelques  foient  leurs  titres  de  propriété  ,  M.  Courrejolies  fe  trouve 
enveloppé  dans  cette  prohibition  qui  montre  à  quelles  viciffitudes  continuelles 
font  livrés  les  hommics  fournis  à  l'adminiflration  coloniale,  qui  alternativement 
veut  &  ne  veut  pas. 

"  M.  Maugendre  a  ajouté  un  nouveau  lucre  à  fa  poiTcffion ,  c'eft  celui  d'une 
fource  qu'il  a  creufée  dans  la  cour  de  fa  maifon ,  &  donc  une  ordonnance  du 
commandant  en  fécond  &  de  l'ordonnateur  du  Cap,  du  18  Mars  1785,  lui 
permit  de  vendre  l'eau  à  raifon  de  dix  fous  de  France  la  barrique.  L'analyfe  de 
cette  eau,  faite  huit  jours  auparavant  par  le  médecin  ,  le  chi.-urgicn  &  l'apothi- 
Câire  du  roi ,  y  a  fait  découvrir  du  fjlfate  calcaire  &  du  muriate  à  bafe  terreufe 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T -î)  O  M  I  N  G  U  E.      315^ 
comme  dans  l'eau  des  puits  du  Cap  ,  toujours  moins  légère  que  celle  de  fontaine 
Dans  fon  état  aftuel  le  quai  a,  vis-à-vis  de  la  batterie  Royale,  environ  2I 
eoifes ,  prefque  le  double  vis-à-vis  le  baftion  ,  &  enfuite  près  de  20  toifes  dans 
l'endroit  où  font  les  baraques  de  bois.  Mais  depuis  làjufqu'à  la  place  Le  BralTeur 
fa  largeur  varie  depuis  84  pieds  jufqu'à  60. 

Dès  l'année   1746,  on  avait  planté   une   double   allée   d'arbres  en   avant  de 

la  batterie  Royale  ;  c'était  alors  l'unique  promenade  du  Cap.  Ces  arbres  devenus 

très-hauts ,  ont  fini  par  décliner  ,   fans  doute  parce  que  leurs   racines  étaient 

parvenues  au  point  d'être  abreuvées  par  l'eau  de  mer.  On  a  donc  abattu  ces 

allées  en  1777.  Leur  entretien  avait  été  fucceffivement  confié  à  MM.  Bouvier  la 

Rivière  ,  Métayer  &  Sacalay ,   qu'il  exemptait  de  tout  fervicc  perfoiinel ,    de 

logement  de  gens  de  guerre ,  même  de  tutelle  &  curatelle ,  &  de  corvées  pour 

50  nègres.  On  a  planté  peu-à-près  deux  nouvelles  allées ,  mais  qui  vont  depuis 

l'alignement  du  côté  Sud   de  la   rue  du   Confeil  ou  de   la  place  Saint-Louis 

jufqu'à  l'alignement   Nord  de  la  rue  de  la  Fontaine  ,   avec  une    interruption 

allez  grande  à  la  rue  Saint-Laurent ,  pour  qu'on  puifie   aller  gagner  la  calle 

qui  lui  fait  face. 

On  regrette  que  ces  arbres  ne  croiffent  pas  plui  rapidement;  mais  l'air  faîin 
du  voifiriage  &  le  défaut  d'abri  font  deux  grands  obftacles,  indépendamment 
du  peu  d'épaiffeur  du  fol  au-deflus  de  l'eau  falée.  C'efl  toujours  une  chofe 
précieufe  que  l'ombre  dans  un  pays  chaud  y  mais  elle  l'eft  d'avantage  quand  elle 
peut  garantir  du  foleil  celui  qui  épie  l'arrivée  d'un  canot  pour  retourner  à  fon 
vaiffeau.  Ce  petit  plantage  ports  le  nom  de  Cours  Le  BrafTeur.  On  a  fait  récem- 
ment une  efpèce  de  hangard  au  bord  de  la  calle  Royale,  pour  luppléer  a^ 
couvert  que  les  arbres  ne  fournifîent  point  encore  aux  marins. 

C'eft  à  l'extrémité  Sud  du  Cours  Le  Braflèur  &  en  face  de  la  rue  de  la 
Fontaine ,  qu'on  vient  d'élever  en  1789  une  fontaine  compofée  d'un  foc  Se  d'un 
piédefcal  quadrangulaire  ,  faifant  face  aux  quatre  points  cardinaux.  Du  piédeftal 
part  une  pyramide  également  quadrangulaire  ,  fur  le  côté  Sud  de  laquelle  on  a 
tracé  une  méridienne  ,  dont  le  ftyle  eft  une  verge  de  fer  traverfant  un  globe 
ayant  à  fon  extrémité  ,  qui  défigne  le  Nord  ,  une  fleur  de  lys  dorée  comme  la 
plaque  folaire.  Les  quatres  côtés  du  piédeftal  ont  des  infcriptions ,  &  ceux  dii 
focie  contiennent  chacun  un  raafque  dont  la  bouche  eft  un  robinet. 


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3T2      DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

Voici  l'infcription  du  côté  qui  fait  face  à  la  ville  ; 

Puram  fumis  aquam ,  fimul  afpicis 
Horam  :  utraque  fpontè  fugit  | 
Sed  fiflere  eoge,  fruendo. 

Dans  le  morne  &  à  un  point  qui  efl  parfaitement  au  Nord  de  la  méridienne  j 
î'on  a  élevé  une  colonne  de  douze  ou  quinze  pieds  de  haut  qui  fervirait  à  rectifier  la 
méridienne  elle-même  ^  5^  fur  laquelle  on  peut  vérifier  la  variation  de  l'aiguille 
simiantée  des  bouiToles. 

Le  quai  Saint-Louis  ,  c'ed  fon  nom  jufqu'à  la  place  Le  Braïïcur ,  efl  bordé 
de  quatorze  îlets ,  contenant  27  emplacemens  numérotés  depuis  i  jufqu'à  27. 
Prefque  tous  font  des  magafins  de  négocians ,  des  entrepôts  de  paiTagers ,  des 
auberges ,  des  cafés ,  des  billards.  Les  maifons  y  font  toutes  de  maçonnerie  , 
quelques-unes  font  à  étage.  Telle  eft  celle  qui  donne  fur  ce  quai  &  fur  la  place 
Saint-Louis ,  qu'on  a  vu  fervir  de  cazernes  à  un  détachement  du  corps  royal 
d'artillerie ,  depuis  1776  jufqu'à  1783.  Pour  s'y  garantir  de  l'action  du  foleil 
qui  frappe  les  m>aifons  dès  fon  lever ,  on  y  a  des  tentes  fpacieufes  ,  fous  lefquelles 
la  brifc  eft  refpirée  avec  délices ,  atitTitôt  que  la  chaleur  eft  diiTipée  &  que  le 
foleil  a  dépaiTé  fon  m.éridien. 

C 'eft  fur  ce  quai  &  au  bout  delà  rue  Saint-Pierre,  qu'on  trouve  des  bains 
publics  fort  commodes.  Ils  ont  été  établis  au  commencement  de  1788.  Sur  le 
côté  Nord  de  la  rue  il  y  en  a  douze  ,  dont  quaere  en  marbre  &  huit  en 
baignoires  de  bois.  Sur  le  côté  Sud ,  il  y  en  a  aufll  qui  ont  été  conftruits  en 
fociété  par  M.  Lartigau  de  Louftouneau,  &  Marie-Rofe  le  Doux,  mulâtreffe  de 
la  Martinique.  Ils  font  au  nombre  de  quinze ,  dont  quatre  font  dans  deux  cabinets. 
Le  local  de  ces  derniers  eft  encore  plus  agréable  Se  mieux  difpofé.  Chaque 
baignoire  eft  en  ciment  avec  un  double  tuyau  peur  l'eau  chaude  &  l'eau  froide. 
Un  fcul  bain  y  coûte  une  demi-gourde,  mais  on  peut,  par  abon.nement ,  en 
avoir  fix  pour  deux  gourdes.  Ceux  du  côté  Nord  de  cette  rue  ont  même  été 
mis  à  la  moitié  de  cette  fomme.  La  proximité  de  ces  bains  par  rapport  à  la  rade 
les  rend  très- fréquentés ,  &  les  dimanches  &  les  fêtes  il  n'eft  pas  toujours  facile 
d'y  avoir  fon  tour.  On  n'y  a  pas  la  police  févère  de  ceux  de  Paris ,  où  les  fexes 
font  partagés  ;  le  mari  Se  la  femme  ,  ou  ceux  qui  fë  conudèrent  comm.e  tels , 
peuvent  aller  au  m.ême  bain  &t  à  la  même  baignoire. 


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■    1 


FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE.      31^ 

A  l'angle  du  quai  avec  la  rue  Conflans ,  éft  un  corpî-de-garde.  Son  objet 
principal  eft  d'empêcher  les  rixes ,  dont  la  réunion  de  beaucoup  de  perfonnes  aux 
calles  eft  afîèz  fouvent  l'occafion. 

La  place  Le  Braflèur  eft  formée  par  le  quai  &  par  un  petit  efpace  que  laiflènt 
dans  cette  partie  ,  l'extrémité  de  la  rue  Neuve  &  celle  de  îa  rue  du  Gouver- 
nement ,  qui  n'étant  point  parallèles  au  quai,  viennent  y  aboutir  dans  le 
Nord  à    angle  aigu. 

Cette  petite  place  a  été  faite  en  1780,  lorfque  MM.  de  Reynaud  & 
Le  BralTeur  obligèrent  à  réparer  le  quai.  Ce  point  était  précifément  une  efpèce 
de  flaque  d'eau  ,  qui  venait  jufqu'au  bord  des  maifons.  Le  gouvernement  le 
fit  remblayer ,  &  M.  de  Reynaud  lui  donna  le  nom  de  fon  collègue  ,  nom 
que  les  habitans  du  Cap  doivent  aim.er  ,  s'ils  croient  que  le  défir  d'affainir 
&  d'embellir  leur  féjour  ,  foit  fait  pour  infpirer  la  reconnaiffance.  La  place 
Le  BrafTeur  a  coûté  73,391  livres,    18  fols ,  payés  par  la  caifle  des  libertés. 

On  avait  auffi  élevé   un  petit  bâtiment  de   maçonnerie  ,  en  tour  d'équerre  , 
fur  le  quai  &  le  bout  Nord  de  la  rue  de  la  Vieille  Joaillerie  ,   pour  fervir  d'afilc 
aux  Gardes- quais ,  créés  le  6  Oélobrc  1780,  par  une  ordonnance  des  mêmes 
Adminiftrateurs  ,   pour  veiller  à  la  confervation  ,    &  à  la  propreté  des  quais.  Ce 
corps-de~ garde ,    qui   a  coûté   12,052   livres,   4  fous  ,    logeait   cinq   hommes 
en  uniforme  bleu  ,   doublure  ,  vcfte  &  culotte  blarrches  ,  paremens  bleus  de  ciel , 
boutons  blancs,  timbrés  d'une  ancre,  &  armés  d'un  moufqueton.  Ils  rempliffaient 
un   fervice  plus    utile  qu'il  ne   le    paraît ,  puifqu'ils  empêchaient   les  embarras, 
les   encombremens  du   quai  ,  qui  nuifent  aux  mouvemens  du   commerce  ,  Se 
s'oppofaient-  en  même-tcms,  à  ce   que   toute   la   longueur  du  quai  d'un  grande 
ville  ,  ne   fût  une   latrine  continue,  &  le  point  de  réunion  d'immondices,  dont 
la.  vue  &   l'odorat  bleffent  cruellement  deux  fens  ,  indépendamment  de  l'effet 
de  ces  exakifons  fur  la  fanté.   On  a  cru   qu'une  dépenfe   de   deux   mille  écus 
par  an,   était  difproportionnée  avec  cette  utilité,    &  une    autre   ordonnance, 
du  16  Novembre   1782,   a  remplacé  les.  Gardes-quais ,   par  un   feul  infpefteur 
de  quai  ,   avec  les  mêmes  fonaions    &   le  même   uniforme  ,  &   on  l'a   placé 
fous  les  ordres  du  capitaine  de  port. 

Il  y  a  eu   une   économie   des   deux   tiers  ,   mais   on   n'a  pas    vu  ,  qu'il  était 
phyfiquement  impoffible ,   que   l'infpedeur   de  quai  du  Cap  ,  occupé  à   em- 
pêcher un  amas  d'ordures  près  du  bac,  pût  s'oppofer   à   une    tentative  du 
Tome    L  R  r 


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DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


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mêaie  genre  ,  faite  au  même  inftant  à  un  autre  point  du  quai  ,  éloigné  de  4 
ou  500  toifcâ.  Auffi ,  dès  le  13  Décembre  1783  ,  les  Adminiflrateurs  étaient^ 
ils  déjà  réduits  à  renouveller  les  défenfes  ,  fi  fouvent  répétées  ,  &  par  conféquent 
fi  fouvcnî  inutiles,  d'encombrer  le  quai.  Une  autre,  du  13  Décembre  1786, 
a  prononcé  la  confifcation  de  ce  qu'on  y  laifferait  plus  de  deux  jours ,  &  a  défigné 
la  grève  qui  borde  le  chemin  du  Cap  à  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfc  » 
au-delà  du  bac  ,  pour  fervir  à  placer  les  bois  &  les  pierres ,  avec  l'offre  ef- 
fectuée depuis  ,  d'y  accorder  des  conccffions  en  jouijfance  ,  aux  commerçans 
qui  en  défireraient.  C'eft ,  fans  doute  ,  avoir  donné  une  extenfion  au  quai 
du  Cap,  mais  la  garde  de  ces  bois  eft  très  -  difficile ,  dans  un  endroit 
ifolé  3  &  qui  fe  trouve  cependant  fur  le  bord  d'un  chemin.  C'eft  encore  un 
îranfport  de  plus  pour  les  ramener  au  Cap,  &  tous  les  tranfports  font  chers 
à  Saint-Domingue.  Peut-être  qu'une  police  très-aclive  fur  le  quai ,  qui  n'y  fouf- 
frirait  l'entrepôt  des  objets  que  pendant  de  courts  délais ,  ferait  plus  utile  à 
tous.     _ 

C'eft  par  le  quai  qu'on  peut  juger  du  mouvement  commercial  de  la  ville 
du  Cap,  &  quand  on  réfléchit  à  tout  ce  qui  arrive  dans  fa  rade,  ou  qui 
en  eft  tiré  par  les  barques  paffagères  ,  on  eft  bientôt  convaincu  que  le  Cap  donne 
une  grande  impulfion  au  commierce  de  la  Colonie ,  &  que  l'exiftence  de 
cette  ville  a  une  grande  adion  fur  le  commerce  des  places  maritimes  de  la 
métropole. 

La  rue  qui  eft  au-deffus  du  quai,  &  qui  va  du  Nord  au  Sud,  porte  le 
nom  de  rue  de  Picolet ,  depuis  le  pont  qui  traverfe  la  ravine,  jufqu'à  la 
rencontre  de  la  rue  du  Confeil ,  qui  la  coupe  de  l'Eft  à  l'Oueft  ;  depuis  cette 
rue  ,  jufqu'à  la  place  Le  Brafîeur  ,  elle  s'appele  la  rue   Neuve. 

Ce  bout  de  la  rue  de  Picolet ,  qui  fc  trouve  dans  mia  première  feclion , 
a  le  parc  d'Artillerie  à  l'Eft  ;  à  l'Oueft ,  il  eft  bordé  en  entier  par  un  grand 
corps  de  bâtimens ,  qui  eft  le  magafm  du  roi  pour  les  vivres ,  &  pour  les 
objets  de  marine.  En  17 19,  l'îlet ,  dont  le  magafm  fait  partie,  contenait  à 
fon  angle  avec  les  rues  du  Confeil  &  du  Renard  ,  une  maifon  à  M.  Béhotte , 
l'un  des  entrepreneurs  du  remblai  du  quai.  Au  Nord  de  cette  maifon ,  était 
celle  de  M™^  Veuve  Millot,  entre  laquelle  &  ^a  ravine  ,  était  une  allée  d'arbres , 
donnant  aufli  fur  la  rue  du  Renard.  Le  refte  de  l'iflet ,  c'eft-à-dire  plus  de 
fa  moitié  vers  la  mer  ,  était  abandonne  ,  &   on  voyait  vers  fon  bord  Oueft , 


"^^^^p     ^      tf 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE,    315 

.    à  environ  huit  toifes  de  la  rue  du  Confeil ,  les  ruines  des  mars  d'une  maifon 

On  avait  dès-lors,  le   deffein  d'y  conftruire  un   magafin  ,    parce  que  ceux  de 

l'Etat     au  nombre  de  trois,  fituês,l'un  fur  la  place  d'armes,  dans  une  mai. 

fan  achetée  le  27   Février    ,698  ,    pour   cette    deftination^   le  fécond      rue 

Samte-Croix,  devenue  rue  Penthièvre  ,  &  le  troifiéme,  vers  le  point  où  eft 

la  boulangerie  du  roi  (  huitième  feftion  )  ,  étaient  vieux  &  infuffifans.  Cependant 

on  fe  borna  à  faire  ,  fur  ce  terrain  vide  ,  dans  la  même  année  17 19,  une  prilbn 

&  un  corps-dc-garde.   Jufques-là  le   corps-de-garde  avait  été  dans  nilct  qu'on 

voit  au  Nord  de  celui  de  la  boulangerie   aftuelle   du  roi  (  huidè^ne  feélion  ) 

&dont  on  avait  employé  une  portion    à  fcrvir  de  prifon.  Ce  nouveau  bâti' 

ment  prit  douze  toifes  fur  la  rue   Picolet ,   &  toute  la  profondeur ,  jufqu'au 

terrain  de   M™-   Veuve  Millot;   le  refte  attendit  la   bâtiffe  du  magafin. 

L'incendie  du  ai    Décembre  1734,   en   confumant  les   deux  premiers  ma- 
gafins  que  j'ai  cités,  décida  cette  conftruaion  ,   qui  fut  achevée  en  1737,  & 
qui   fit  difparaître  la  prifon  de  17 19.  On  n'avait  d'abord  projette  qu'un 'rez 
de  chauffée,  mais   on  fit  un  étage,   &  c'était  du  luxe  en  1735.    Ce  magafm 
conftruit  en  maçonnerie,  a  208  pieds   de  façade,     20  de   large   dans  œuvre 
&  24  de  hauteur,  jufqu'à  la  naiffancc  du  comble.  On  y  compte  trois  portes, 
&   quatorze   fenêtres,  au  rez  de  chauffée.    Le  premier  étage  eft  garni  de  dix- 
huit  croifées ,  de  près  de   fept  pieds   de  haut ,  ayant  un  petit  balcon  de   fer 
à  hauteur  d'appui ,  &  au   milieu  eft  une  porte  qui   ouvre  fur  un  beau  balcon 
de  ao  pieds  de  longeur.  Ce  bâtiment ,  dont  le   centre  &  les  deux  extrémités 
portent  trois  frontons  triangulaires   aux  armes  de  France ,   avec  des  attributs 
de   marine ,  fc  fait  remarquer  encore  par  fon  toit  élevé  ,    qui  y  ajoute  de  k 
grâce  ;  fon  enfemble  frappe  ceux  qui  débarquent ,  &  fon  fcjour  eft  agréable 
par  fon  expofition  ,  relativement  à  la  brife ,  par  la  facilité  de  s'y  garantir  de 
la  grande  chaleur  du  foleil ,   au  moyen   d'une  galerie  haute  &  baffe  de  9  pieds 
de   large  ,  qui   règne   dans  toute  la  longueur  intérieure  du  bâtiment. 

On  avait  regretté  bien  ibuvent  qu'en  dedans ,  l'intervalle  vide  n'eût  pas  plus 
de  dix  pieds  de  largeur;  mais  le  terrain  manquait.  L'occafion  s'étant  préfentée 
fous  l'adminiftration  de  MM.  de  Reynaud  &  Le  Braffeur  d'acquérir  le  refte  de 
î'illet ,  jufqu'à  la  rue  du  Renard ,  ils  l'ont  faifie  avec  empreffement.  Cette 
dépenfc,de  104,000  livres,  économifa ,  fur  le  champ ,  40,000  livres  de  loyers 
à  l'État ,  qui  en  avait  alors  pour  près  du  double  de  cette  fomme.  En  exhauffan  ; 

R  r  2 


3i6       DESCRIPTION      DE     LA     PARTIE 

îes  bâtimens  achetés  Se  déjà  conftruks  ,  on  aurait  un  carré  de  bâtim-ens  parallèles  ,' 
difficiles  à  trouver  dans  les  Colonies  ,  &  en  abattant  le  mur  de  féparation  , 
on  aura  une  vafte  cour  ,  qui  donnera  une  grande  facilité  pour  tous  les  mou- 
vemens  du  magafin.  C'eft  cette  facilité  ,  &  celle  du  parc  d'Artillerie  ,  dont 
l'entrée  en:  en  face  du  magafin  ,  qu'on  a  eu  en  vue  ,  lorfqu'on  a  laiffé  entr'eux 
une   rue  d'environ  cinquante  pieds   de  largeur. 

Le  premier  étage  efr  en  grande  partie  deftiné  au  logement  du  garde-magafin. 
On  a  vu,  pendant  24  ans,  le  Confeil  Supérieur  du  Capy  tenir  fes  féances, 
tandis  que  la  SénéchaufTée  était  en  bas.  Un  fyftéme  d'économie  avait  fait  adopter 
cette  bifarre  réunion,  qui  faifait  délibérer  des  tribunaux ,  au  milieu  du  fracas 
des  ouvriers  du  m.agafm.  M.  de  Ciugny ,  intendant ,  choqué  de  ce  rappro- 
chement ,  &  trouvant  que  le  local  n'était  pas  affez  grand  ,  même  pour  n'être 
qu'un  magafm  ,  loua  une  m.aifon     pour  les  affemblées  du  Confeil. 

A  l'époque  où  l'on  a  bâti  le  m.agafin  du  roi,  il  fe  trouvait  à  peine  10  tcifea 
entre  lui  &  la  mer ,  dans  certains  points.  Aux  deux  tiers  de  cet  intervalle  ,  coupé 
de  fofféi  &  où  l'eau  féjournait ,  était  un  retranchement  de  terre  qui  exiftait  depuis 
le  commencement  du  fiècle.  Encore  en  1719  ,  lorfqu'on  voulait  traverfer  la 
ravine  pour  aller  hors  de  la  ville  (car  elle  la  bornait  alors  au  Nord),  on  paffaic  dans 
fon  lit ,  ou  bien  il  fallait  a41er  chercher  un  p^tit  pont  étroit  qui  était  au  bout  de  la 
rue  du  Gouvernement.  On  fit ,  en  17 19  ,  pour  les  gens  de  pied  ,  un  autre  petit 
pont  de  bois  devant  la  prifon  qu'on  élevait  alors  ,  &  les  voitures  palTaient  dans  la 
ravine  même.  Ce  ne  fut  qu'au  mois  de  Décembre  1732,  qu'on  remplaça  ce  petit 
pont  par  un  autre  pont  de  bois  auffi  ,  mais  porté  fur  deux  culées  de  brique.  On 
lui  donna  40  pieds  de  long,  7  de  haut  dans  fon  milieu,  au-deiTus  du  fond  delà 
ravine  &  10  de  voye. 

On  aurait  peine  à  croire  toutes  les  calomnies  &  toutes  les  inepties  que  l'exif- 
tence  de  ce  pont,  qu'on  a  voûté  depuis  &  fur  lequel  on  pafîe  en  ce  moment,  a 
fait  débiter.  On  trouverait  plus  d'une  perfonne  à  Saint-Domingue,  qui  dirait 
qu'on  lui  a  affuré  ,  d'une  manière  qui  ne  permet  pas  le  doute  ,  que  le  plan  de  ce 
pont  fut  envoyé  au  miniftre  ,  avec  un  état  de  dépenfe  ,  montant  à  1,800,000  liv. 
&  que  pour  rendre  cette  dépenfe  vraifemblable ,  on  voyait,  dans  le  plan ,  un  vaif- 
feau  de  guerre  paffant  à  la  voile  fous  ce  pont.  Eh  bien  !  en  écrivant  ceci  ,  je 
tiens  le  plan  original;  il  eft  figné  de  M.  de  la  Lance  ingénieur  ;  j'y  prends  les 
dimenfions  que  je  rapporte  :   cet  ingénieur   dit   que  fon  ouvrage  a  été- exécuté 


y^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      317 

dans  le  courant  du  mois  de  Décembre,  &  c'efl  le  22  qu'il  lîgne  le  plan^  parce  que 
ctt  ouvrage  eft  fini,  &  il  ajoute  feulement  que  la  conilruftion  qu'il  a  employée 
pourrait  fervirà  des  ponts  de  cent  pieds  de  portée.  Que  devient  donc  la  fable  des 
dix-huit  cens  mille  livres  y  &  le  vaifTeau  qui  cingle  à  pleines  voiles  ! 

On  fait  déjà  quelle  a  été  l'origine  de  la  rue  Neuve ,  &  qu'elle  fe  nomme  auffi 
la  rue  du  marché  des  Blancs.  Prefque  auffi  anciennement  que  le  Cap  .  les  mate- 
lots ont  été  dans  l'ufage  de  venir  étaler  ,  les  dimanches  &  les  fêtes ,  leurs  petites 
pacotilles  fur  le  bord  de  la  mer  ou  de  la  chauffée.  Quelquefois  on  a  voulu  les 
troubler  dans  cette  poflëffion  ,  mais  ils  ont  toujours  fini  par  la  reprendre.  Comme 
il  y  avait  auffi  un  marché  de  comeftibks  &  d'autres  marchandifes  fur  la  place- 
d'armes  ,  le  marché  de  la  chauffée  ,  diftingué  fous  le  nom  de  marché  aux  Blancs , 
s'étendait  depuis  le  bord  de  la  mer  jufques  vers  cette  place  ,  &  un  arrêt  du  confeil 
du  Cap  ,  du  8  Juin  1735  ,  autorife  les  marins  àconferver  leur  ufage.  Mais  comme 
il  avait  fini  par  devenir  abufif  ^  une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  1 1  Mars 
1773  ,  renferma  le  marché  des  Blancs  dans  la  rue  de  ce  nom.. 

C'eft  là  que  chaque  dimanche  (  &  non  pas  les  fêtes  ordinaires  ni  les  grandes 
fêtes  folemnelies  )  on  voit  étaler  ,  depuis  le  commencement  de  cette  rue ,  à  partir 
de  celle  du  Confeil,  jufuu'à  la  rue  Chaftenoye,  toutes  fortes  de  marchan- 
dlfe  sèches  &  de  comefiibles  apportés  de  France  -,  ferrailles  ,  poteries 
fayancerie,  merceries,  &c.  On  y  trouve  des  bijoux,  des  foulicrs  ,  des  cha- 
peaux ,  des  perroquets  ,  des  finges  ,  &  prefque  tout  ce  qu'on  peut  acheter  au 
Cap.  Dans  cette  étendue  d'environ  200  toifes ,  les  deux  côtés  de  cette  rue  de 
35  pieds ,  font  garnis  de  marchandifes ,  même  de  boutiques  à  tréteaux  portatifs  , 
&  dans  la  partie  oij  la  rue  de  la  Pointe  ouvre  dans  la  rue  Neuve  ,  &  où  celle-ci 
eft  le  plus  large  ,  il  y  a  un  double  rang  de  marchands.  / 

C'eft  vers  fcpt  heures  du  madn  queie  marché  commence  &  il  dure  jufqu'à  midi. 
Il  eft  du  bon  ton  d'aller  faire  un  tour  de  marché  aux  Blancs  ,  quoique  l'on  n'ait 
rien  à  y  acheter.  La  chaleur  ,  quelquefois  exceffive  ,  n'en  bannit  point ,  &  h 
mode  l'emporte  fur  cette  crainte.  Les  femmes  de  couleur,  furtout,  ne  peuvent  pas 
fe  paffer  de  s'y  aller  montrer  &  d'y  étaler  un  luxe  qui  devient  quelquefois  un  appât 
qu'elles  favent  employer  avec  fuccès.  Dans  le  fait ,  le  marché  des  Blancs  eft 
rédlement utile  &  à  ceux  qui  veulent  fe  procurer,  dans  un  inftant,  divers  objets 
qu'il  ne  ferait  poffible  de  réunir  qu'en  allant  dans  plufieurs  boutiques  ou  magafins^ 
U  aux  marins  qui  fe  trouvent  rendus  avec  leurs  marchandifes,  dès  qu'ils  font 


'^- 


3i8      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

arrivés  à  terre.  Le  concours  que  la  curlofité  attire ,  fert  les  vendeurs ,  &  les 
curieux  de  nouvelles  y  trouvent,  dans  certaines  maifons,  des  coteries  où  l'on  peut 
en  apprendre  &  en  entendre  faire  de  toutes  les  efpèces. 

La  maifon  qui  fait  l'angle  Sud-Eft  de  la  rue  Neuve  ,  a  un  pren:iicr  étage ,  dont 
la  vafte  pièce  du  coin  ,  appelée  la  Bourfe ,  ferc  aux  aiïemblées  de  la  Chambre  de 
Commerce.  Cette  maifon  eft  parfaitement  fituée  pour  apercevoir  ,  même  au- 
delà  de  l'entrée  du  port ,  les  bâcimens  qui  paiTent  devant  le  Cap  ,  oij  qui  y 
viennent.  C'eft  de  ce  point  qu'on  reconnaît  les  fignaux  particuliers  que  font  ceux 
qui  ont  intérêt  à  s'annoncer  à  quelques  perfonnes  à  qui  les  bâtimens  ôc  les  fignaux 
font  déjà  défigaés, 

La  chambre  de  Commerce  du  Cap  eft  le  réfukat  d'une  ordonnance  de  MM. 
Burt  &  Clugny  ,  en  date  du  13  Mai  1761  ,  qui  a  permis  aux  négocians  de  cette 
ville  ,  d'avoir  un  lieu  d'affemblée  à  l'inftar  des  bourfes  des  villes  du  royaume.  Il 
eft  à  remarquer  que  cette  demande  eut  lieu  à  l'époque  oij  l'on  avait  établi  une 
Chambre  d'Agriculture  &  de  Commerce  dont  on  parlait  de  ne  faire  qu'une 
Chambre  d'Agriculture.  Les  commerçans  voulaieat  oppofcr  un  contrepoids  à  fon 
influence  ,  mais  comme  il  leur  fut  aifé  de  voir  qu'elle  n'en  aurait  aucune  ,  il 
renoncèrent  prefque  auffi-tôt,  parle  fait,  au  bénéfice  de  l'ordonnance  qu'ils 
avaient  obtenue.  Ils  y  attachaient  fi  peu  de  prix  ,  qu'en  1765,  M.  Birot  l'un 
d'eux  ,  fit  inférer  dans  les  Affiches  Américaines  ,  qu'il  remettrait  au  propriétaire 
le  lieu  des  affemblécs ,  fi  on  ne  lui  donnait  pas  de  quoi  en  payer  les  loyers. 

M.  Bourgeois  avocat ,  ayant  été  fecrétaire  de  la  Chambre  d'Agriculture  &  de 
Commerce  ,  on  le  choifit  encore  pour  être  fecrétaire  de  la  Chambre  d'Ao-riculture 
&  fecrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce.  Cette  dernière  lui  donnait  fi  peu 
d'occupation  &  l'on  attachait  fi  peu  de  prix  à  ce  qui  pouvait  en  émaner ,  que  M. 
Bourgeois  en  tenait  de  fimples  notes  fur  des  feuilles  volantes ,  qui  ne  fc  font  même 
pas  retrouvées  ,  lorfqu'on  a  euja  fantaifie  de  s'en  reffouvenir  ,  long-tcms  après 
que  M.  Bourgeois  eût  repaffé  en  France.    Elle  n'a  rien  d'antérieur  à  1778. 

La  Chambre  de  Commerce  fe  raffemblait  cependant ,  une  fois  par  an  ,  pour 
élire  deux  des  quatre  membres  qui  portaient  le  nom  de  fes  Commijaires  :  c'était 
alors  qu'on  faifait  une  cotifation  volontaire  pour  le  loyer  de  la  falle  de  la  bourfe 
qui  retombait  toujours  en  grande  partie  fur  ces  Commifiaires. 

En  1784,  les  négocians  du  Cap,  fortis  enfin  de  leur  infouciance ,  crurent 
devoir  folliciter ,  auprès  du  Miniftre ,  par  l'entrcmife  des  Adminiftrateurs ,  une 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      315 

antorifation  formelle  &  une  organifation  de  leur  établiffeinent.  Le  Minift.c 
répondit ,  le  24  Décembre  1785  ,  aux  Adminiitrateurs  que  l'intention  du  roi  était 
feulement  qu'elle  continuât  à  jouir  provifoiremcnt  de  l'effet  de  la  p.»rm^ffion 
obtenue  de  MM.  Bart  &  Clugny  ,  &  que  les  Adminiftrateurs  lui  fiffent  éprouver 
la  protection  dontfes  opérations  la  rendaient  fufceptible. 

La  Chambre  de  Commerce  a  fait  encore  plufieurs  tentatives  pour  obtenir  des 
lettres-patentes,  mais  elle  n'a  jamais  trouvé  les  Adminiftrateurs  diipofcs  à  lui 
accorder  leur  attache.  Elle  a  même  effayé  de  réuffir  par  des  démarches  direftes 
auprès  du  miniftère  ,  mais  toujours  fans  fuccès.  Elle  n'a  obtenu  que  Paarémen-- 
du  général  &  de  l'intendant ,  le  30  Oftobre  1786,  de  fe  fervir  d'un  cachet  qui 
lui  eft  propre  &  dont  elle  fcelle  ce  qui  émane  d'elle  (*).  Je  reparlerai  de  cette 
Chambre  ,  lorfque  je  rendrai  compte  de  celle  d'Agriculture. 

La  rue  Neuve  fe  termine  à  la  place  Le  Braffeur.  Vers  fon  milHeu  ,  fon  cô^é 
Eft  fait  une  avancée  à  laquelle  correfpond  une  rentrée  dans  le  côté  oppofé  Cette 
inégalité  provient  de  ce  que  cette  partie  inférieure  de  la  ville  a  été  acquifê  fur  la 
mer ,  par  des  remblais  fucceffifs  qui  ont  eu  des  direélions  différentes. 

C'eft  dans  la  rue  neuve  ,  fur  fon  côté  Occidental ,  entre  la  rue  Saint-Laurent 
8ila  rue  Confians,  qu'eft  un  puits  où  une  fource  très-abondante  fournit  de 
l'eau  (t).  Ce  puits  qui  fe  trouvait  alors  fur  le  rivage  ,  fut  un  de  ceux  où  les  cha- 
loupes vinrent  prendre  de  l'eau  en  1740  ,  lors  de  l'incendie  du  navire  la  Ville  de 
Rouen,  Se  il  eft  fait  pour  offrir  du  fecours  dans  une  pareille  occurence ,  puif= 
que  par  le  moyen  d'une  pompe  de  deux  pouces  &  demi  de  diamètre,  il  fournit 
vingt  barriques  d'eau  par  heure  &  ne  diminue  ,  dans  ce  tcms  ,  que  de  trois  lio-nes 


{*)  Ce  cachet  ofFre  un  ecufTon  de  gueules  ,  aux  deux  mains  de  juflice  d'or  ,  en  fautoir  ,  avant 
par-oeffus  une  epee  d'argent ,  pour  marquer  le  gouvernement  mixte  ;  le  tout  accoftc  à  dextre 
d;une  corne  d'aoondance ,  &  à  feneftre  ,  d'une  ancre  auffi  d'argent,  pour  marquer  que  le'ca.  eft  une' 
vule  marmme  &  la  plus  floriffante  du  Nouveau-Monde;  en  chef  de  France^  chargé  d'une  tête 
emblème  du  Cap-François,  Pe'cu  timbré  d'un  cafque .  également  d'argent ,  bordé  &  damafquiné 
d  or,  tare  de  front  i.  rerme  de  onze  grilles  pour  marquer  que  tout  le  monde  y  elt  foldat.  Pour 
fupports  ,  aeux  nègres  ,   avec  cette  infcription  :  Cia^ére  de  Commerce  du  Cap. 

(t)  L'analyfe  de  cette  eau  ,  faite  par  l'apothicaire  du  roi,  le  8  Août   ,786,  apprend   qu'elle 

entrent   beaucoup  de  fu  fate  calca.re,  une  portion  de  terre  calcaire  &  de  terre  magnknne     avec 

re.peu  de  mur.ate  ,   a  demt-aecompofé  :    c'efl-à-dh-e  où  l'acide  ell  furabondant  ;  iLonvénie  s  que 

Ja  même  analyfe  propofe  de  corriger ,  avec  huit  onces  d'alkali  fixe    ou  une  fn-^.  l./r       ,  , 

j„„.  ^i,,„     ,      •        j,  ,    j        ,  .  " ''"^lu  nxe ,  ou  une  îorie  lelJive  de  cendres 

«ans  chaque  barrique  d'eau  ,  afin  de  précipiter  toute  la  terre. 


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323       D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N     D  E     L  A     P  A  R  T  I  E 

Cette  fource  ,  car  ce  doit  en  être  une  ,  ne  tarit  jan:iais  &  n'a  jamais  eu  plus  de 
deux  pieds  &  demi  d'eau ,  en  hauteur. 

Du  même  cô:é  de  la  rue ,  mais  entre  celles  du  Cimetière  &  Saint-Simon , 
fe  trouvent  des  halles  qui  appartenaient  aux  ci-devant  Jéiuites ,  des  créanciers 
desquels  le  gouvernement  les  a  achetées  ;  on  les  nomme  halles  dnglaijes  ,  parce 
qu'elles  ont  été  long-tems  occupées  par  des  négocians  anglais  de  l'Amérique 
Septentrionale;  à  préient  elles  fervent  de  magafins  à  l'Etat. 

Au-deffas  du  grand  magafin  de  la  rue  Picolet ,  &  dans  le  fens  d'une  ligne 
dirigée  vers  le  Nord-Oueft  ,  eft  une  petite  rue  de  30  toifes  de  long  &  d'environ 
20  pieds  de  la-ge  ,  terminée  par  la  ravine ,  &  appelée  la  rue  du  Renard.  EKe 
eft  fort  ancienne  &  elle  conduirait  il  y  a  80  ans,  de  la  rue  du  Confeil  au-devant 
de  l'emplacement  de  M"^^-  Millot  &  derrière  la  maifon  de  M.  de  Chaftenoye , 
don:  le  bout  Nord  était  fur  la  ravine.  J'ignore  ce  qui  a  pu  lui  faire  donner  ce 
nom  dans  un  pays  où  l'on  ne  connaît  point  de  renard ,  du  moins  au   phyfique. 

La  rue  de  la  Pointe  eft  un  peu  plus  dans  l'Oueft  que  celle  du  Renard.  Elle 
part  de  la  rue  du  Confeil  &  va  fe  terminer  dans  la  rue  Neuve ,  à  cent  toifes. 
Elle  tire  fon  nom  de  l'angle  qu'elle  fait  avec  la  rue  Neuve.  Cette  rue  eft  vers 
ia  m.er  la  prem.ière  qui  foit  parallèle  à  toutes  les  rues  fupérieures ,  &  qui  ait 
comme  elles  la  direélion  du  Nord  au  Sud. 

Je  finirai  les  détails  de  la  première  fection ,  terminée  par  la  rue  du  Gouverne- 
ment dont  je  parlerai  dans  la  féconde  ,  en  obfervant  qu'elle  a  été  augmentée 
depuis  173.4,  des  quatorze  îlets  du  quai  &  des  quatre  derniers  îlets  qui  forment 
au  Sud  le  côté  Oueft  de  la  rue  du  Gouvernement.  L'incendie  de  1734  avait 
brûlé  tout  ce  qui  exiftait  alors  de  cette  feélion ,  jufqu'à  la  rencontre  de  la  rue 
Chaftenoye,  &  dès  1736,  tout  était  rebâd  à  douze  emplacemens  près.  C'eft 
cet  événement  malheureux  qui  fit  fubftituer  les  maifons  de  maçonnerie ,  qu'oa 
V  voit,  à  celles  de  paliffadesou  palmiftes,  que  la  flamme  avait  dévorées. 


Seconde  Section. 


Cette  feaion  eft  bornée  au  Nord  par  la  Ravine  ,  à  i'Eft  par  la  rue  du 
Gouvernement ,  au  Sud  par  la  rue  du  Cimetière  ,  h  à  l'Oueft  par  la  rue 
d'Anjou ,  le  côté  Oueft  de  la  place-d'armes  &  la  rue  du  morne  des    Capucins. 

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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       321 

Cette  étendue  eft  une  des  plus  anciennement  bâties  ;  elle  forme  un  carré  lono'. 

La  rue  du  Gouvernement  la  plus  Orientale  de  cette  fedion ,  eft  très  droite  & 
parfaitement  alignée  dans  toute  fa  longueur.  M.  de  Chaftenoye  avait  fa  maifon 
à  l'angle  Nord-Eil  de  cette  rue,  fur  la  ravine;  M.  Chaftenoye  fut  reçu  en 
qualité  de  Gouverneur  du  Cap  en  1724,  &  la  rue  devint  alors  la  rue  du  Gou- 
vernement, dénomination  qui  lui  eft  reftée.  C'eft  à  l'extrémité  de  la  rue  du 
Gouvernement  que  fut  mis  le  premier  petit  pont  de  bois  fur  la  ravine ,  pour  la 
faire  traverfer  aux  perfonnes  de  pied ,  &  l'on  voyait  encore  des  veftiges  de  ce 
pont  lorfqu'il  a  été  remplacé  par  celui  de  pierres  ,  conftruit  cette  année. 

La  maifon  en  face  de  celle  de  M.  de  Chaftenoye  ;  &  qui  eft  auffi  fur  la 
ravine  ,  a  fervi  de  prlfon  pendant  environ  vingt-cinq  ans.  Cette  deftination  lui 
avait  été  donnée  en  1746  par  M.  de  Larnage  ,  lorCqu'on  retira  les  prifons  du 
magafm  du.  roi  de  la  rue  de  Picolet ,  oij  elles  étaient  depuis  1740,  Elles  n'ont 
été  transférées  où  elles  font  maintenant  qu'au  mois  de  Juillet  1773.  Beaucoup 
de  perfonnes  appelent  encore  le  bout  de  la  rue  du  Confeil ,  jufqu'à  la  ravine  , 
la  rue  des  Vieilles  Prifons.  La  même  maifon  a  auffi  fervi  de  cazernes  au  corps 
des  Grenadiers-volontaires-biancs  ,  formé  fur  la  demande  de  M.  d'Eftaing,& 
que  ce  vice-amiral  conduifit  au  fiège  de  Savannah  en  1779. 

C'eft  dans  la  maifon  qui  fait  l'angle  Sud-Oueft  des  rues  du  Gouvernement  & 
du  Confeil,  que  la  Cour  fupérieure  du  Cap  s'eft  affemblée  depuis  1764, 
qu'elle  quitta  le  magafin  du  roi,jufqu'en  1772  qu'elle  eft  allée  dans  la  maifon 
des  ci-devant  Jéfuites  ,  qu'on  nomme  aujourd'hui  le  Gouvernement.  Ce  n'eft 
cependant  pas  à  cette  époque  feulement  que  la  rue  s'eft  appelée  rue  du  Coiofeil, 
comme  je  le  dirai  tout-à-l'heure. 

La  rue  du  Gouvernement  eft  toute  occupée  par  des  commerçans,  &  kg 
capitaines  de  navire  y  ont  des  magafins  depuis  la  rue  Saint-Jean  jufqu'à  la  place 
Le  Braffeur.  La  rue  fupérieure  qui  avait  pris  en  1699  le  nom  de  rue  Sainte- 
Croix,  parce  que  plufieurs  haoitans  de  la  Colonie  de  ce  nom  ,  qu'on  tranfporta 
alors  à  Saint-Domingue  ,  y  demeuraient ,  h  qu'à  préfent  l'on  nomme  rue 
Penthièvre  ,  a  ]a  même  deftination.  Placées  l'une  &  l'autre  dans  le  voifmage  du 
quai  &  des  points  les  plus  peuplés  de  la  ville ,  elles  font  propres  au  commerce. 
Une  grande  partie  des  maifons  y  font  à  étage  ,  ce  qui  les  rend  encore  plus 
peuplées.  C'eft  un  coup-d'œil  vraiment  intéreffant  de  voir  dans  ces  deux  rues 
cette  longue  fuite  de  magafms  où  les  vaiffeaux  de  chaque  port  étalent  kà  mar- 


4 


Toffie  L 


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322      DESCRIPTION    DE     LA    PARTIE 

Ghandifes  fabriquées  dans  ces  ports ,  dans  leur  voiunage  ou  dans  les  lieux  de 
rinîérieur  du  royaume  auxquels  ils  fervent  de  débouché.  On  y  expofe  auffi  ce  qui 
cfl;  tiré  des  pays  étrangers,  &  dans  un  court  efpace  de  terrain  on  trouve  tout  ce 
que  les  befoins  de  la  vie  &  les  fantaifies  du  luxe  ont  confeillé  de  tranfporter  à 
plufieurs  mille  lieues.  ,* 

Au  -  devant  de  chaque  magafin  efl:  un  tableau  d'environ  trois  pieds  de 
long,  qui  contient  Técat  détaillé  de  la  cargaifon  qu'on  y  vend,  le  nom  da 
capitaine  &  celui  du  navire  dont  le  deffin  eit  fouvent  la  vignette  du  tableau. 
On  croie  parcourir  en  peu  d'inftans  la  France  entière  ,  quand  à  l'accent  gafcon 
on  entend  fuccéder  le  normand  &  le  provençal ,  au  dunkerquois.  Les  cabrouet& 
ne  ceflent  de  tranfporter  du  rivage  au  magafm  &  du  magafm  au  rivage  ;  des 
nègres  vigoureux  ,  armés  de  morceaux  de  bois  ronds  &  pefans ,  frappent ,  en 
cadence  >  les  douves  des  boucauds  où  le  café  s'entaffe  ;  le  tonnelier  du  navire  les 
fonce  Se  les  rabat>  Les  négocians  de  la  ville  qui  font  dans  cette  étendue  ^ 
ajoutent  auffi  par  leurs  charrois  ,  leurs  encaiffemens  Se  l'enfutaillement  ,  au 
vacarme  aiTourdilTant  de  ce  canton  ,  où  tout  annonce  la  richelTe  de  Saint-Do- 
mingue Se  celle  particulière  de  la  Partie  du  Nord. 

Lii  rue  Penthièvre  qui  va  fe  terminer  fur  le  quai,  près  du  bac,  a  plus  de 
500  toifes  de  long.  La  hauteur  des  maifons ,  les  tentes  qui  font  au-devant  des 
magafms  des  navires  &  qui  en  font  une  efpèce  d'enfeigne ,  la  rendent  une  des 
plus  fraîches  de  la  ville.  C'eft  far  fon  côté  Efl ,  entre  les  rues  Saint-Laurent 
&  de  Conflans,  qu'eft  le  bureau  des  ventes  des  objets  maritimes,  que  l'audiencier 
de  l'Amirauté  a  feul  le  droit  de  faire.  Communément  l'encan  fe  fait  dans  la 
rue  ,  &;:  ce  concours  d'acheteurs  &  le  tambour  qui  les  appelle  fans^  ccfle  ,  efl:  un 
nouveau  tintamare  réuni  à  celui  dont  je  vieus  de  parler. 

Parallèlement  &  au-deffus  de  la  rue  Penthièvre ,  en  eft  une  qui  s'appele  ht 
rue  Saint-Doming^ae  depuis  la  ravine  jufqu'au  point  où  elle  rencontre  la  place- 
d'armcs  j  au-delà  on.  la  nomme  rue  Dauphine  ,  &  plus  ordinairement  rue  dir 
Bac.  La  rue  Saint-Domingue  n'a  que  150  toifes  du  Nord  au  Sud.  Elle  eft  fort  bien 
bâtie ,  contient  plufieurs  maifons  à  étage  j  &  lorfqu'y  étant  on  'ytxx.t  Its  yeux  au 
Nord  ,  on  voit  la  croupe  du  morne  dont  le  Cap  cft  borné  dajis  cette  partie , 
chargé  d'une  verdure  qui  égayé.  Elle  eft  due  à  quelques  points  où  l'on  cultive 
rherbe  de  Guinée ,  donnée  en  fourage  aux  chevaux  de  la  ville.  Le  vert  tendre 
«îe   cette  plante   fiexiblc   qui  yark  encore  avec  les  ondulations  caufées  par  la. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      3-^ 

brife,  femble  adoucir  la  chaleur,  parce  qu'elle  plaît  à  l'œii  &  porte  à  l'ame 
une  fenfation  de  fraîcheur. 

C'eft  dans  la  rue  Saint-Domingue ,  Se  prcfque  au  coin  Nord-Oueft  de  k 
place-d'armes j  qu'on  a  vu  le  premier  cabinet  littéraire,  formé  dans  la  Colonie. 
Cet  écabliffcment,  qu'imagina  l'activité  de  M.  Defpafiler,  Genevois,  contribuait 
déjà  à  l'amufement  &  à  l'inllruftion  du  Cap,  lorfquej'y  arrivai  au  mois  de 
Mai  1775.  Il  en  coûtait  deux  gourdes  d'abonnement  par  mois ,  &  cette  refîburce, 
réunie  à  la  vente  des  livres ,  a  fuffi.  pour  procurer  une  fortune  très-honnête  à 
fon  inventeur. 

M.  Dufour  de  Rians  ,  imprimeur-libraire,  ne  vit  pas ,  fans  chagrin  ,  l'en^ 
treprife  de  M.  Defpaffier,  qu'il  repréfenta  à  l'ordonnateur  du  Cap  ,' comme  une 
violation  de  fon  privilège  exclufif.  M.  Caignet  rendit  donc  fur  fa  requête  ,  le 
31  Juillet  1777  5  une  ordonnance  qui  défendait  toute  vente  de  livres,  tout 
cabinet  littéraire.  M.  Defpaffier  &  le  public  s'entendirent ,  pour  agir  comme  Ci 
l'ordonnance  n'exiftait  pas ,  &  cet  exemple  ne  tarda  pas  à  être  fuivi  par  M. 
Herbeau  ,  qui  ouvrit  un  magafin  de  livres  &  de  papeterie ,  &  un  cabinet 
littéraire,  dans  la  rue  Dauphine  ou  du  Bac  ,  fur- fon  côté  Oueft,  entre  la  rue 
Saint-Simon  &   celle  Saint-Jofeph. 

C'eil  encore  dans  cette  fe£tion  ,  &  fur  la  place-d'armes  ,  que  l'on  a  vu 
un  établifîement  femblable  ,  fait  par  MM.  Batillot  frères,  de  Paris,  qui  ont 
même  acquis  le  fond  de  M.  Herbeau  ,  depuis  fa  mort  ;  &  enfin  ,  au  mois 
de  Juillet  1788,  M.  Decombaz ,  Suifîe ,  a  propofé  ,  avec  M.  Bénard, 
français  ,  fon  afîbcié ,  un  abonnement  pour  la  leélure  de  tous  les  journaux , 
qui  a  été  l'origine  de  la  formation  de  leur  librairie  ,  &  de  la  formation  de 
leur  magafin,  où  fe  trouve  tout  ce  que  peut  offrir  le  marchand  papetier. 
C'eft  ainfi  que  l'heureux  cffai  d'un  feul  homme  ,  a  multiplié  des  reffources 
utiles  ,  &  le  moyen  d'avoir  plufieurs  jouilTances  qu'un  odieux  privilège 
voulait  empêcher  d'arriver  jufqu'aux  Colons,  ou  qu'il  voulait  leur  vendre  à 
un  prix    toujours  exhorbitant ,  dès  qu'il  cft  arbitraire.  . 

Au-deflus  de  la  rue  Saint-Domingue  ,  dont  le  nom  n'a  pas  befoin  de  com- 
mentaire ,  eft  celle  du  Palais,  qui  tire  le  fiendece  que  le  Confeil  Supérieur 
a  été  pendant  fix  ans  dans  l'iflet  qui  fait  l'angle  Nord-Eft  de  cette  rue  avec 
celle  du  Confeil.  Ce  tribunal ,  errant  depuis  fon  inftallation  ,  faite  au  mois  de 
liîovcinbre    1701;    obligé  détenir  fes  aflèmblées,  tantôt  chez  le  gouverneur., 

S  s  2 


^ 


324      DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

tantôt  chez   fes   membres,  eut  enfin,  en   1712,    un   local    dans   une   maifoa 

achetée   du   produit  des   amendes  judiciaires ,    &   qui  était  fur  la  place-d'armesi 

mais  ayant  été   brûlée  en   1734,    on  loua  la  maifon  de  la  rue  Qu'ConfeiL   Elle 

avait  un  rez  de    chauiTée   compofé    alors    de  deux  pièces.    On  en  donna   un-e 

au    Confeil  ,    &  l'autre  à  la  SénéchaiilTée.    Thémis    n'y   était  pas  fomptueufe- 

ment  placée,  quoiqu'on  payât  ce  temple  2,400  livres  par  an  (ibmme  confidérable 

pour  cette   époque),    car  les  parties   &  les   procureurs  attendaient  dans  la  rue ,. 

expofés  au   fokil   &:  à  la   pluie,   leur   tour   pour   être   jugés.     Ce    fut   à    cette 

époque     de    1734,     qu'on    nomma  nie  du   Confeil  ,  celle  où   cette  Cour  s'aK 

femblait,  de  qui  était  appelée  auparavant  la   rue  Verdery,  du  notn  d'un  négociant. 

On  appela  en    raême-tems  rue  du  Palais  ,   celle  qui   donnait  fur   l'un  des  côtés 

du   lieu   d'affembîée   eu    Confeil,  qu'on   transféra,  ainfi  que   la   SéréchauiTée 

en    ijj-O ,   au    magaim    du  roi. 

La  rue  du  Palais  a  la  même  longueur  que  celle  Saint-Domingue,  &  va, 
comme  elle  ,  de  la  ravine  à  la  place-d'armes ,  où  elle  ne  pénètre  cependant  qu'en 
contournant  la  baraque  qui  fert  de  corps  -  de  -  garde ,  &  qui  s'oppofè  à  ce 
que  de  cette  rue  ,  on  découvre  le  portail  de  l'églife.  Tout  fan  côré  Oueft 
&  miême  une  petite  portion  de  celui  de  l'Eft,  e'I  fur  un  roc  qui  faifait  au- 
trefois partie  du  morne  des  Capucins.  AufTi  la  rue  qui  eft  aiTez  inégale  ,  va- 
t-elle  en  s'élevant ,  à  mefure  qu'elle  approche  de  la  place.  Il  a  fallu  faire  jouer 
k  mine  pour  y  conftruire  les  belles  maifons  qu'en  y  voit,  8;:  furtout  pour  y 
creufer  des   puits    qui    ont  jufqu'à    90  pieds  de  profondeur. 

Au-delTus  de  la  rue  du  Palais ,  eft  celle  du  morne  des  Capucins  j  elle  va 
également  de  la  ravine  à  la  phce-d'armes  ,  où  elle  aboutit  à  l'angle  Nord-Oueft 
de  celle-ci.    Cherchons  maintenant  l'origine  de  fon  nom. 

Il  fe  trouvait  à  l'extrémité  Nord-Oueft  de  la  place-d'armes  ,  un  monticule 
ifolé,  dirigé  d'abord,  du  Nord  au  Sud ,  enfulte  du  Nord-Oueft  au  Sud-Eft,, 
ayant  80  toifes  de  long  ,  fur  40  de  large.  Cette  petite  hauteur,  formée  d'ua 
roc  vif&  quartzeux  ,  qu'on  ne  pouvait  confidérer  que  comme  une  ramifica 
tion  de  la  bafe  des  montagnes  qui  entourent  la  ville  à  l'Oueft  h  au  Nord 
iâifait  partie  de  l'habitation  de  M.  Gobin  ,  le  calvinifte  que  j'ai  déjà  nomtlté 
comme  le  premiier  propriétaire  français  du  terrain  où  la  ville  du  Cap  eft 
cqnftruite.  En  1680,  M.  Marquant,  capitaine  des  milices  Se  commandant  dy 
Cap,  chargé  des   pouvoirs  de   la  Yeuve   Gobin,  fit  vendre  judiciairement  et 


FRAN-ÇAISE   DE   SAINT-DOMINGUE.        325 

morne.    Se  ks   terrains   circonvoifms ,    &  M.    de   Pouançay ,    gouverneur   de 

Saint-Domingue,    les  acheta   h^ù'  tniUiers  de  tahac.     A   la   mort  de    M.   de 

Pouançay,  arrivée  en    i68j,  M.Galichon   hérita  de    cette   acquifition,   &  m' 

de   Launays-Pays  ,  frère  de  la   Veuve    Galiclion  (  depuis  M^^-  Hardouineau  )  , 

donna  aux    Capucins  du  Cap,    dans  la  perfonne  du  père  Chriroftome  ,  curé   du 

lieu,  le  morne  qui  fallait   alors   l.i   borne  du  Bourg,   àl'Oueft,    &   un  terrain 

pour  jardin,   fitué   plus   Oueft   encore   dans  la  favane ,  à  condition  qu'ils  diraient 

des   méfies  pour  le  repos  de   l'ame  de   fon  beau-frère  ,  jufqu'à  la  concurrence 

àt  cinquante  éciis  ,  évaluation  faite  des  objets  donnés.  Ces  religieux  firent  conf- 

truire  fur  le   morne   une  maifon  de   planches  de  palmiftes  ,   couverte  d'effentes, 

&  où  était  une  chapelle  confacrée  à  Saint-François,  ils  l'habitèrent,   &   voila 

le   morne   devenu  le    morne  des  Capucins. 

Le   25   Septembre    1699,    M.   EoaneFoi ,  fyndic  des  Capucins,  échangea  en 

leur   nom  ,.  &  du    conientement  du  R.  P.  Tranquille  ,    capucin  de  Roue^,  vi- 

ficeur   général   de    l'Amérique  ,   oette   propriété  avec  un  magafin  fitué  à  l'entrée 

du    Cap  ,    &  300    livres  de   retour.    Peu   après  l'on  y  forma  une   batterie ,    & 

le   5    Janvier   1704,    M.  de  Charrite,qui   avait  un   prête-nom  dans  l'échange 

de   1699,  fe   fit  concéder  deux  terrains   au    Nord  &  au   Sud  du  morne  par  M. 

-Auger,   qui  défendit  le  même  jour  de  bâtir  ,  tant  fur  le  morne    qu'autour.    M.' 

Fréfier   voulait  qu'on  y  plaçât  les   cazernes,   mais  M.    de    Charrice ,  qui  y  était 

logé  ,    s'y   oppofa. 

Le  25  Juin    1728,1a  Veuve  de   M.   de  Charrite  vendit  plufieurs   terrains, 
faifant   partie   du  Cap ,    &    le  morne   des    Capucins  ,  à  M.   Dujarriay  ,   qui  eft 
mort   Lieutenant  de   roi  au  Port-de-Paix  ,  pour  7,300  livres.    Ce   nouvel  ac- 
quéreur obtint,  le   20  Oélobre    1731,  des  Adminiftrateurs  ,  la  permiffion  de 
céder  dans  la  favane  qui  terminait  le    Cap  à  l'Ouefi  ,    &  dans  les  terrains  voi- 
fins   du   m.orne   des    Capucins,   des  emplacemens  ,   à   condition  qu'ils  feraient 
alignés  fur  les  rues  de  la  ville,   &  bâtis   dans  un  an,  fous  peine  de  rémion  ; 
mais  quant   au   morne  lui-même  ,  la   batterie  continua  à  y  exifter ,  ainfi  qu'un 
pavillon,  qui   fervait  à  répéter  les    fignaux  de  la   vigie,   &  ils  y  étaient  encore, 
lorfqu'en    1738  ,  M.    Gautier,  fyndic  des   créanciers   Dujarriay,  demanda   aux 
chefs  à  être  autorifé  à  difpofer   du  morne.  Ceux-ci  coniultèrent  l'ingénieur  en 
chef  &  le   commandant  du   Cap  ,   qui  fm-ent  d'avis  que  le  morne  était  dans 
le   cas  d'être  réuni  au  domaine.    Le  procureur   du  roi  requit   cette   réunion^ 
que  MM.  de  Larnage  &  Maillard  prononcèrent  le  9  Mai  1739, 


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316      D  E  S  C  R  i  P  T  I  ON    ,D  E    L  A:  e  A  B.:  T  t  fi 

On  n'a  fans  doute  pas  oublié  ,  que  ce  Tut  à  cette  e'poque  que  la  Comp»- 
gais  Béhotc;  ,    offrit    de    remblayer    fur    h     chauffée,     &.    ç'eft  .  le.    morne 
des  Capucins  qui  fournit  une  partie  des  remblais.  Une  ordonnance  du  8   Odobre 
1746,  permit  à  tout  particulier  d'excaver  ce   qui  en   reftait  encore,    &  de 
faire  fon  profit   des  matériaux.   Il  a  fini   par  être   applani  dans  fa  totalité ,  & 
il  n'efr  refi:é    que  fon  nom  ,   donné  à  la  rue  dont  je  parle   en   ce    moment-. 
On  y  a  élevé  de  jolies  maifons ,  dont   trois  à  étage.  Les  deux  maifons  qui  font 
les   angles   Nord-Eft  &  Nord-Oueft   de  cette  rue  avec   celle  du  Confeil,ont 
été  la  réfidence   de  plufieurs   intendans  de  la  Colonie.    M.  de  Clugny  a  occupé 
celle  Nord-Eft  ,   &    MM.  de  Vaivre  &   Bongars  ,  ainfi   que    M.   Le  Brafîeur, 
qui  a  rempli   un   intérim  entr'eux  deux ,    celle  de   l'autre    côté.    Elles   font  d 
bois   l'une  Se  l'autre  ,   mais  commodes,  &  ayant   ce  qu'on   trouve  agréable  par 
tout,   une  g  ande  cour  &  un  jardin  ,  Se  qui  l'eft  bien  davantage  dans  un  pays 
chaud,  &    fur- tout  au   Cap,   où  les  emplacemens  font   bornés.  C'eft  à  leur  fi- 
tuadon  près  de  la  ravine  ,  qu'elles   en  font  redevables. 

La  place-d'armes  qui  a  porté  auffi   le   nom  de  place  Notre-Dame,  eft   un 

carré  de  45  toiles  auquel  le  joint  extérieurement  la  largeur  des  quatre  mes  qui  la 

bordent.  Cette  place  a  exifté  depuis  les  premiers  fondemens  de  la  ville  ,  mais  elle 

n'a  pas  toujours  é:é  auffi  confidérable  ,  ni  avec  fa  forme   carrée.  C'était  d'abord 

un  efpace  irrégulier ,  laifïe  libre  autour  de  l'Églife  dont  la  pofition  n'a  pas  changé  ; 

la    véritable   place ,    celle    qui  fervai;  de  marché  ,  n'était  autre  chofe   que   le 

bord  du  grand  chemin  ,   dont  l'extrémité  eft  devenue  la  rue  Efpagnole  ,   dans 

laquelle  M.  de  Galifet  fit  réferver  un  grand  efpace  vers  la  rue  de  la  Boucherie  ,  à 

la  fin  de  1699  ,.lorfque  cette  rue  commençait  à  fe  bâtir,  La   place-d'armes  d'à- 

préfent  était  ,  à  cette  époque  ,  la  petite  place  ,  la  place  de  l'Églife.  On  ne 

commença  à  ladifpofer  d'une  manière  utile  ,  qu'en  1706  ,  encore  ce  ne  fut  que 

dans  la  partie  contigue  à  l'Églife.   On  laiffa  toujours  de  quoi  paffer  autour  de 

celle-ci  ,   mais  on  bâdt  à  fes  deux  angles  Nord-Eft  &  Nord-Oueft  avec  les  rues 

.  d'Anjou  &c  du  Bac, 

Le  7  Février  1707,  un  arrêt  du  Confeil  du  Cap,  mit,  fur  la  place  de 
réglife,le  marché  des  comeftibles  ,  qu'une  ordonnance  du  juge  de  police, 
du^30  Juin  1736,  en  fit  fortir  pour  le  renvoyer  dans  la  rue  Efpagnole, 
ou  dans  celle  de  la  Fontaine,  alternative  qu'on  changea  en  difpofition  cu- 
mulative, puifqu'en  effet,  on  fie  deux  marchés  au  lieu  d'un.  Une  autre  ordonnance 


FRANÇAISE    DE    S  A  ï  N  T  -  D  G  M  î  N  G  U  E.      327 

<%  même  juge,  du  26  Juin  1741,  ramena  le  marché  fur  ia  place-d'armes , 
fondée  fur  ce  que  le  marché  de  la  rue  Efpagnole ,  n'ayant  d'autre  place  qui 
la  rue  elle-même  ,  le  pafifage  continiiel  des  voitures  &  des  perfonnes  ,  dans  cet 
unique  abord  de  la  ville,  faifait  courir  des  rifques  aux  voyageurs,  &  à  ceux 
qui  vendaient  &  achetaient.  On  le  plaça  alors  dans  fon  bout  Nord  -  Oueft , 
le  long  du  morne  des  Capucins,  depuis  le  lieu  où  eft  maintenant  le  corps- 
de-garde  ,  jufques  vers  le  milieu  de  la  place.  Le  concours  que  ce  marché 
attirait,  engagea  les  vendeurs  de  marchandifes-  féches  a  y  étaler  auffi,  mais 
une  autre  ordonnance  de  police,  du  23  Avril  1742,  les  en  expulfa/ 
En  1744  ,  on   fit  une  égiife   de    bois-  près  du  morne,  &  à  toucher  le  mar- 


ui . 


ciie 


&  prévoyant  que  le  voifinage  de  celui-ci  nuirait  à  la  tranquillité  de  l'office 
divin,  la  police  fit  encore  transférer  le  marché  des  denrées,  le  2^  Mai  174X 
fur   la  rue  qui  borde  le   côté  Eft   de  la   place. 

Les    pacotilleurs    qui  favaient   que    l'obftination    a  quelquefois  des  fuccès 
revinrent  fur  la  place,   &  fe  la  partagèrent.  La  police  plus  complaifante,  peut- 
être  depuis  qu'elle  avait  un  infpe6teur,  les  y  fouffrit.  On  y  vit  le  petit  marchand 
à  inventaire  ,  le   porte-balle  ,  puis  les  boutiques  mobiles-,  &  enfin  ks  boutiques 
à    roulettes,     qui,   dans  leurs  grandes   dimenfions ,  n'avaient    d'ambulatoire 
que   la  forme.  La  place  avait  été  embellie  par  une  plantation   d'arbres      faite 
vers  1740,  qui  en  miarquaiî   le  carré,   &  même   un  double  rang  fur  les  côtés 
Eft  &  Oueft  ,    ajoutait  à  la  décoration    h  à  l'ombrage  frais  qu'elle   produifait. 
Tout   appelait  donc  les   marchands ,  à  qui  ce  local  n'était  pas  deftiné  ,  &  ceux 
du  marché  des  Blancs  s'avançant  fucceffivement  vers  la  place  ,   les  deux  marchés- 
s'étaient  enfin  réunis  ,  &   k&  dimanches  l'on  avait  une  foire ,  depuis  la  place- 
d'armes    jufqu'à  la  rue  Neuve ,  en  defcendant  le  long  de  la  rue  de  ia  Fontaine 
Enfin ,  l'excès  même  de  l'abus  ,  le  corrigea  en  partie ,  &  une  ordonnance  de 
police,  du   II   Mars  1763  ,  renvoya  au  marché  aux  Blancs,  ceux  qui  devaient 
j  être  ,  &  ne   laiffa ,  en  marchands  ordinaires  ,  fur  la  place-d'armes  ,  que  ceux 
qui  y  avaient  une  poflicffion  d'habitude  Se  des  places  fixes. 

En  1764,  arriva  le  bureau  de  police  municipale,  auquel  l'exiftence  des  bou- 
tiques de  la  place-d'armes  donna  une  petite  velléité  fifcale  ,  ce  fut  d'y  placer  cinq 
rangs  de  baraques  dont  on  tirerait ;une  rétribution.  Il  trouva  même  que  les  arbres 
des  bords  Nord  &  Sud  gênaient  fon  plan ,  &  arrêta  ,  le  16  Août  1764 ,  de  ks 
ûtxuviç  ,  fauf  à  iaiffer  fubfiftcr  ks'deux  allées  de  i'Eft  $c  de  l'Oueft ,  jufqu'à  ce 


DESCRIPTION     DE      I.A     PARTIE 

que  toutes  les  baraques  fuffenc  conftruites.   On   commença,  avec  fagacité  ,  par 
le  tarif  des  places. 

Au  mois  d'Août  1765  ,  plufieurs  marchands  fe  plaignirent  de  cette  perception 
dont  ils  allèrent  même  jufqu'à  mettre  la  légitimité  en  doute  ,  &  ils  dénoncèrent 
rinfpedeur  de  police  qui  la  triplait;  mais  le  juge  de  police  ,  appuyé  fur  les  déci- 
fions  du  bureau  ,  créateur  de  l'impôt ,  la  feule  chofe  qui  eût  eu  lieu  du  plan  de 
baraques  ,  décida  que  ces  marchands  n'avaient  rien  de  mieux  à  faire  que  de 
payer  &  de  croire  à  la  probité  de  l'infpecteur. 

Les  Adminiftrateurs  ayant  été  changés ,  la  rétribution  s'abolit  d'elle-même  & 
les  principes  devinrent  fi  dilFérens ,  que  la  police  enjoignit,  le  31  Mars  1769  ,  à 
tous  ceux  qui  avaient  des  boutiques  quelconques  fur  la  place-d'armes  de  les 
retirer.  Elle  permit  feulement  aux  pacotilleurs  qui  n'avaient  aucune  boutique 
en  ville  ,  d'étaler  fur  des  ferpillieres  ,  dans  des  points  de  la  place  qu'on  leur  indi- 
querait ,  pourvu  que  ce  ne  fut  ni  fê:e  ,  ni  dimanche  ;  puis  tout-à-coup  une  ordon- 
nance de  police  du  4  Juillet  1769,  rouvrit  l'accès  de  cette  place  aux  marchands  de 
marchandises  féches ,  pourvu  qu'ils  n'eufîent  que  des  tables  portacives  &  point  de 
baraques.  Cette  dernière  tolérance  dura  elle-même  très-peu  ,  &  il  y  a  près  de  vingt 
ans  que  la  place  eft  entièrement  libre.  Cependant  le  dimanche  ,  quelques  nègres 
viennent  encore  vendre  des  denrées  ,  le  long  de  la  rue ,  à  l'Eft  de  la  placci 
c'efl  le  refle  d'une  ancienne  habitude. 

Les  arbres  échappés  au  fyftème  deftrufleur  du  bureau  de  police  municipale, 
exiilent  encore  ,  du  moins  les  deux  allées  de  l'Eft  &  de  l'Oueft  ,  form^ées  de 
poiriers  (  efpèce  de  hignones  )  ,  arbres  qui  jouiffaient  autrefois  d'une  telle  réputa- 
tion ,  qu'en  1684,  le  roi  ordonnait  à  M.  de  Cabaret,  chef-d'efcadre ,  d'envoyer 
de  ces  poiriers  de  la  Martinique  en  France  ,  afin  de  les  employer  en  bordages 
pour  les  valffeaux  ;  attendu  ,  difait-on  alors,  qu'il  font  préfervés  des  vers.  On 
a  remplacé  les  arbres  qui  en  avaient  befoin  ,  lorfqu'en  1779  ,  on  a 
nivelé  la  place  &  fermé  fon  enceinte  par  des  traverfes  de  bois  équarri , 
fur  lefquelles  on  peut  s'affeoir  &  qui  font  portées  par  des  poteaux,  de 
diftance  en  diftance.  On  a  mis  des  tourniquets  neufs  aux  quatre  angles  &  au 
milieu  de  chaque  côté  ,  on  a  lailTé  l'intervalle  pour  une  voiture  ,  fi  fon  pafïàge 
devenait  néceffaire  ,  car  des 'barrières  ferment  habituellement  cette  ouverture. 
Toute  cette  clôture  efr  peinte  en  vert,  ce  qui  ajout?  à  l'agrément  du  coup-d'œil 
Il  y  a  aufîl  quatre  arbres  au-devant  du  corps-de-garde  pour  donner  de  l'ombre  aux 

foldais 


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■      .       ■!    ••« 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  329 
foldats.  L'entretien  des  allées  eft  à  la  charge  de  MM.  BouiUary  &  Biais  qui  l'ont 
obtenu  des  Adminifcrateurs  ,  le  8  Février  1781  ,  pour  leur  exemption  de  tout 
fervice  perfonnel. 

La  place  eft  décorée  par  le  portail  de  l'Églife  qui  répond  au  milieu  de  fon  côté 
Sud  ;  plufieurs  belles  maifons  à  étage  l'embcllifTent  de  toute  part. 

C'eft  au  milieu  de  la  place  qu'eft  une  fontaine  nommée  la  fontaine  de  la  place- 
d'armes.    Les  habitans  de  la  ville  étaient  obligés  d'aller  chercher  l'eau  à  une 
fource  dans  le  morne  ,  au  Nord-Oueft  de  la  ville ,  à  moins  qu'ils  ne  vouluffent 
boire  celle  de  quelques  petits  ruiffeaux  qui  tarifaient  dans  les  grandes  chaleurs  & 
dont  l'ufage  caufait  d'aSigeantes  maladies.  Ces  inconvéniens  déterminèrent  les 
Adminiftrateurs  à  les  convoquer  le  xo  Mars   1710,  pour  délibérer  fur  la  conf- 
trudion  d'une  fontaine.    Ce  ne  fut  cependant  que  le  18  Mars  1712  ,  qu'on  décida 
de  faire  venir  fur  la  place-d'armes  ,  l'eau  de   la  fource   Bidau  ,  qu'on  mènerait 
enfuite  au  bord  de  la  mer  pour  l'aiguade  des  vaiffeaux.   La  dépcnfe,  d'après  une 
idée  de  M.  de  Charrite ,  devait  être   payée  par  un  droit  de  dix  fous  fur  chaque 
bannette  ou  côté  de  cuir  de  bœuf  qui  ferait  embarqué  au  Cap.  Le  droit  fe  percevait 
fans  qu'il  y  eût  de  fontaine,  lorfqu'au  mois   de  ^Janvier  17 15  ,  l'afTemblée  colo- 
niale  formée  pour  l'oftroi ,  trouva  le  projet  de  17 12  trop  difpendieux  ,  puifqu'il 
y  avait  une  fource  plus   près  du  Cap ,  &  en  conféquence ,  le  droit  fur  le  cuir 
devint  une  partie  de  l'oftroi. 

Le  befoin  d'eau  fubfifta  encore  près  de  vingt  ans  ;  enfin  on  fit  une  contribution 
&  la  fontaine  parut  en  1735.  C'était  un  baiïln  depierre,  furmonté  d'une  énorme 
cage  de  bois,  aux  quatre  côtés  de  laquelle,  était  un  robinet  ;  mais  l'eau  ne  fut 
pas  conduite  vers  le  quai ,  quoique  M.  de  Vienne  ,  M.  de  Larnage  &  M,  de 
Vaudreuilen  euffcnt  iucceffivement  eu  le  projet  &  que  le  Miniftre  eût  écrit ,  en 
1736  &  en  1741  de  le  réalifer  ,  comme  très-important. 

C'eft  le  gouvernement  quia  fait  élever  la  belle  fontaine  de  pierre  qu'on  y 
voit  à  préfen:.  Elle  ePc  comporée  (  V.  l'Adas  )  ,  d'un  focle  de  fix  pieds  en  carré, 
au-deffus  duquel  eft  un  piédeftal  coupé  fur  les  angles  ,  dont  les  quatre  faces 
font  creufées  circulairement ,  de  façon  que  la  corniche  eft  taillée  en  forme  d'aba- 
que. Au-defîbus  eft  un  autre  petit  focle  ,  fur  lequel  eft  pofé  un  vafe  antique  , 
couronné  de  deux  dauphins.  Sur  la  face  Nord  du  piédeftal,  font  fculptées  les 
armes  du  roi,   avec  cette  infcription  au-deffous  :  .......         ;, ,  .    .,-      ,.  . 


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Tome    J. 


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J39       D  E  S  C  P.  I  P  T  I  O  N     DE     LA     PARTIE 

Régnante    L  u  d  o  v  i  c  o   XV  ,   amatiffimo 

Impenfis  Régis 

Fons   exurgit    Civibus. 

Les  armes  du  Cap  font  au  Sud.  Ce  font  celles  que  cette  ville  demanda  aux 
Adminiilrateurs  la  psrmiflion  de  prendre  au  mois  de  Mai  1769,  par  l'entremife 
de  MM.  de  la  Ferronays  &  Malouet  ,  commandant  en  fécond  &  commiffairc 
de  la  marine  faifant  les  fondions  d'ordonnateur  ,  comme  une  récompcnfe 
de  fa  conduite  au  rétablilTem.ent  des  milices.  C'efl  un  écufîbn  oij  eft  une  ville 
d'argent  adoiTée  à  une  montagne  de  même,  de  l'extrémité  de  laquelle  s'élance- 
im  gros  jet  d'or  dans  la  mer.  La  ville  &  la  montagne  occupent  la  moitié  dextre 
<ie  l'étendue  d'une  mer  d'or,  furmontée  d'un  ciel  d'azur  ,  au  milieu  duquel 
paraît  une  fleur  de  lys  auffi  d'or.  Pour  fupport ,  une  gerbe  de  cannes  à  fucre 
d'un  côté  3  de  l'autre  une  branche  de  chêne  ;  une  guirlande  de  fleurs  les  lie  à 
deux  cornes  d'abondance,  d'où  fortent  des  branches  de  différens  arbres  coloniaux 
chargés  de  leurs  fruits.  L'écuffon  appuyé  fur  la  charnière  d'une  large  coquille 
dont  on  voit  l'intérieur ,  a  une  couronne  de  chêne  furmontée  de  la  légende 
FiDELiTATis  P.RŒMIUM.,  au-dcffous  de  l'écuffon  oalit  : 

Aurea  fons  inde  fluit  : 
Et  ÎEter  Oceanos  flucflus , 
Ad  Patriam  ufqae  fugit. 

A  l'Eft  ce  font  les  armes  de  M.  le  Prince  de  Rohan ,  alors  gouverneur- 
général  ,  Se 

Guberaàtore  Generali 
Ilkftriflimo  Principe  de  RohaB. 

Et  à  rOueft  celles  de  M.  de  Bongars,  Intendant ,  avec  cette  infcription  v. 

Provinciali  Prsefefto 
DigniîEmo  Prefidente  de  Bongars.. 

Le  premier  focle  efl:  orné  de  figures  qui  repréfentent  des  tritons  &  des  goutes", 
renferrnés  dans  des  cadres  formant  arrière-corps.  Cette  fontaine  qui  a  10  pieds 
de  hauteur,  eft  placée  dans  le  milieu  d'un  baffm  circulaire  de  10  pieds- de 
.  diamètre  ,  oià  quatre  raafques  de  bronze  placés,  fur  le  bord  fupérieur  du  premier 
focle,  vomiffent  continuellement  l'eau.  Elle  a  écé  conftruite  en  1769  furies 
plans  &  fous  la  condirite  de  M,  Rabié,  ingénieur^,  juftement  30  ajis  après  que: 


'•     -      ■!  «•« 


*i 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      .^31 

M.  de  Fayet  avait  décidé  que  cette  place  devait  avoir  une  fontaine  de  pierres 
au  lieu  de  la  baraque  qui  la  défigurait.  C'eft  de  cette  fontaine  que  la  rue  qui  lu^ 
répond  dans  l'Eft  &  par  laquelle  l'excédant  de  fon  eau  coule  à  la  mer,  a  pris 
le  nom  de  rue  de  la  Fontaine.  Ce  monument  ne  ferait  pas  déplacé  dans  la 
plupart  des  villes  de  France  ,  Se  il  honore  le  goût  de  la  ville  où  il  a  été  conftruit. 
Je  regrette  feulement  de  ne  favoir  pas  quel  eft  l'artifte  qui  l'a  exécuté. 

Je  reviens  au  corps-de -garde  qui  déparc  la  place.  On  a  vu  ailleurs  que 
l'ancien  corps -de-garde  du  Cap  était  dans  la  huitième  feélion  ,  &  que  de  là  on 
le  tranfporta  en  17 19  au  point  oîi  eft  le  magafin  du  roi,  près  de  la  mer.  Lors 
de  la  conftruélion  de  celui-ci ,  on  le  mit  en  face  de  l'arfenal ,  puis  fur  le  morne- 
des  Capucins  ,  au  point  où  eft  la  maifon  qui  fait  l'angle  Nord-Oueft  des  rues 
Saint-Laurent  &  du  Palais ,  d'où  il  a  paffé  dans  fon  local  a6luel  lors  de  l'apla- 
niffement  du  morne  des  Capucins.  C'eft  une  baraque  de  bois  qui  a  le  lit  de 
camp  des  foldats  au  milieu  ,  la  chambre  de  l'officier  au  bout  Oueft ,  &  à  celui 
Eft  le  lieu  de  détention  ,  que  l'on  appelé  ironiquement  le  violon.  Sur  tout  le 
devant  régne  une  galerie  en  appentis ,  fans  laquelle  &  fans  les  arbres  qui  font 
au  bord  de  la  place,  il  ne  ferait  pas  habitable  -,  car  le  foleii  y  donne  depuis  fon  lever 
jufqu'à  ce  qu'il  fe  cache  derrière  le  morne  du  Cap  au  Couchant. 

Il  y  a  cependant  eu  dès  l'excavation  du  morne  des  Capucins ,  un  emplacement 
réfervé  de  chaque  côté  de  la  rue  du  Palais ,  parce  que  MM.  de  Larnage  & 
Maijlart  voulaient  y  élever,  en  face  de  l'églife ,  un  palais  de  juftice,  qui  aurait 
eu  ,  en  prenant  la  largeur  de  cette  rué  ,  150  pieds  de  long.  La  diftribution  devait 
être  faite  de  m^mière  que  le  corps -de -garde  fe  ferait  trouvé  placé  dans  l'un  des 
bouts,  A  ce  plan  ,  l'on  avait  fubftitué  celui  de  mettre  le  corps-de-garde  de 
manière  qu'il  formât ,  fur  la  place,  l'angle  Sud  -  Oueil  de  la  rue  du  Palais, 
tandis  que  l'angle  Sud  -  Eft  ferait  formé  par  un  autre  bâtiment  où  logerait 
le  commiandant  de  la  place. 

En  1780,  M.  Artaud,  entrepreneur  du  roi,  oftnc  aux  Adminiftrateurs  de  lui 
céder  les  deux  emplacemens  ;  il  s'obligeait  à  faire  fur  celui  del'Oueftjàfeç 
frais  ,  un  corps-de-garde  de  pierres  de  tailles ,  voûté ,  où  feraient  une  chambre 
d'officier  ,  un  corps-de-gardc  proprement  dit  &  deux  violons  ,  &  que  précéderait 
une  galerie  ornée  de  pilaftres,  entre  lefquels  feraient  des  garde-fous  de  fer. 
Sur  l'autre  ,  il  aurait  élevé  une  maifon  avec  une  façade  de  pierres  de  taille  ,  dont  il 
aurait  fait  communiquer  l'étage  avec  celui  qu'il  aurait  confcruit  à  fon  profit,au-dcfru$ 

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33- 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


du  corps -de-garde  j  par  une  voûte,  fous  laquelle  aurait  psiTé  la  rue  da  Palais. 
Ces  propoUcions  fijrent  trouvées  avantageufes  ,  elles  embcliilTaient  la  place  par 
un  nouveau  bâtiment  dont  le  couronnement  devait  être  en  baluftres  ,  &  une 
ordonnance  du  S  Juin  1780  ,  les  agréa  &  fixa  les  plans  que  M.  Artaud  devait 
fuivre  dans  Tes  confîruclions.  Je  ne  fais  à  quoi  il  faut  attribuer  la  non-exécution 
de  ce  projet  ;  elle  laiJTe  fubfifier  la  baraque  qui  contrafte  encore  d'avan- 
tage avec  le  refte  de  k  place  depuis  qu'une  magnifique  maifon  a  rempli  i'efpace 
qu'on  difait  réfervé  à  un  nouveau  corps-de-garde. 

La  piace-d'armes  eft  celle  -où  l'on  paîTe  les  milices  en  revue  depuis  très-long- 
tems.  Les  troupes  s'y  affemblaient  auiïî  lorfque  la  garnifon  du  Cap  n'était 
compofée  que  de  quelques  compagnies  détachées  de  la  marine  ,  toujours  très- 
incomplettcs.  C'efc  miême  ce  qui  lui  a  donné  le  nom  de  place-d'armes.  On  h 
voyait  encore  entourée  d'une  haie  vive  en   1724. 

La  place-d'armes  a  prefque  toujours  été  auffi  le  lieu  des  exécutions,  quoiqu'on 
n'y  fàfTe  plus  que  celles  des  Blancs  depuis  qu*on  a  formé  la  place  Clugny.  On 
n'en  a  retiré  les  fourches  patibulaires ,  qui  y  étaient  à  demeure  ,  qu'au  moment 
où  l'on  a  Gonfcruit  le  cotps-de-garde  fur  le  point  qu'elles  occupaient.  Cette 
place  a  été  le  théâtre  de  circonftances  extraordinaires ,  relatives  à  deux  exécutions, 

La  première  était  celle  d'un  jeune  homme  ,  officier  d'un  navire  de  Bordeaux, 
condamné  à  la  potence  pour  un  vol  avec  effrafcion.  Elle  fe  faifait  le  14  Mars 
Ï777.  La  corde  fe  rompit  au  moment  où  il  fut  jette  par  le  bourreau;  ce 
malheureux  fe  releva  promptement ,  fe  mit  à  genoux  &  cria  grâce  ;  quelques 
voix  répétèrent  ^r^ff.  Néanmoins  le  bourreau  defcend-t ,  le  ramera  à  l'échelle  où 
k  patient  lui  dit  d'alkr  raccommoder  la  corde  ,  ce  qu'il  fit.  Lorfqu'il  revint  oour 
k  faire  monter,  ce  jeune  homme  p-afîant  fes  deux  pieds  dans  ceux  et  1  échelk  ,  fit 
réfiftance  &  rendit  vains  les  efforts  de  l'exécuteur  pour  le  faire  monter-.  Ce  tableau 
produifit  une  impreffion  foudaine  fur  les  fpedateurs  ;  l'un  d'eux  porte  au  boi^rreau- 
un  coup  de  bâton  qui  devient  le  fignal  de  pluficurs  autres.  La  maréchauiTée  à 
€licval  fait  un  mouvement  pour  envelopper  le  p::tienL  &  le  bourreau  ,  on  l'accable 
de  pierres  y  elle  prend  la  faite  ;  le  bourreau  fe  bat:  avec  le  panent  qui  le  mord 
&  lui  lance  des  coi^s  de  pied  i  il  l'avait  cependant,  déjà  entraîné  jufques  vcn- 
le  corps-de-garde  depuis  le  bout  Nord-Eli  de  la  place,  iorfq^  e  deux  m.atelots 
vigoureux  faiffiffent  le  bourreau ,  le  frappent  &  lui  enlèvent  fa  proye  qu'ib 
Emportent  par  la  rue  du  Palais.Xe  bourreau  veut  alois  regagner  la  pri.bn  où  eit- 


M       ■    Il     I  I  ^      _^      »Fi»^ 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ^33 
fa  demeure  habituelle  ,  mais  les  nègres  le  pourfuivent ,  le  lapident  &  le  font 
tomber  mort  fur  l'autre  côté  de  la  place,  en  face  du  point  où  il  avait  planté  la 
potence.  J'ai  vu  le  corps  de  ce  malheureux  fous  un  amas  de  pierres  j  fa  tête 
était  abfolument  applatie.  Un  fait  fingulier  ,.c'eft  qu'une  petite  fouris  qu'il  avait 
eu  la  patience  d'apprivoifer  &  qui  était  dans  fa  poche  ,  y  fut  trouvée  vivante  & 
intafte. 

La  féconde  exécution  qui  eut  lieu  le  8  Mai  1778  ,  était  celle  d'un  grenadier 
&  d'un  caporal  du  régiment  de  Gatinois ,  condamnés  au  dernier  fupplice  en 
expiation  d'un  affaffinat.  Le  bruit  répandu  que  les  grenadiers  voulaient  fauver 
leur  camarade,  fit  mettre  300  hommes  ,  formés  de  piquets  des  divers  corps  de 
la  garnifon ,  en  bataillon  carré  autour  de  l'échafaud.  Au  premier  coup  de  barre 
donné  au  grenadier  fur  une  jambe,  il  pouffe  un  cri  aigu.  Des  femmes,  fpeéla- 
trices  fi  déplacées  à  ces  exécutions  dont  elles  font  toujours  avides  ,  en  font 
émues,  elles  s'agitent  pour  s'éloigner.  Ce  m.ouvement  eft  pris  pour  celui  de  la 
révolte  qui  doit  fauver  les  criminels;  la  troupe  fait  feu ,  fe  débande,  pourfuit 
les  fpeftateurs  &  les  paffans.  Vingt-huit  perfonnes  furent  tuées  dans  ce  moment 
ou  moururent  de  leurs  bleffures  ;  l'exécution  eut  lieu  ,  après  toutefois  que  le 
bourreau  ,  qui ,  fe  rappelant  le  fort  de  fon  camarade  l'année  précédente  ,  avait  fui 
à  la  pnfon,  en  eût  été  ramené  au  bout  de  trois  quarts  d'heure.  - 

Comme  la  place-d'armes  eft  une  interrupdon  pour  les  rues  qui  y  aboutliTenf, 
elles  y  changent  de  nom  ,  excepté  celle  Notre  Dame,   qui  paffe  devant  ré<.Iife 
&  qui  conferve  le  fien  jufqu'à   la  mer.  J'ai  dit  que    la    rue   Saint  -  Domin- 
gue  devenait  au   Sud  la  rue  Dauphine   ou   du  Bac  ,   &   celle  du  morne   des^ 
Capucins  la  rue  d'Anjou.  Dans  l'Eft  de  la  place  ,  la  rue  la  plus  au  Nord  eft 
celle  de  Conflans  ,  du  nom  d'un  gouverneur-général ,  celle  après  eft  la  rue  de 
ja  Fontaine  ,  puis   la  rue   Notre  Dame.   Ces  coupures  régulières   &  parallèles 
dans  la  place  la  rendent  encore  plus  agréable.  On  regrette  cependant  qu'on  n'ait 
pas  imaginé  de  couvrir  fa   furface   de   chiendent  en  y    laiffant    des  intervalles 
dans  lefqueis  les  gens   de    pied    la    parcoureraient.    Le   voifinage  de    la    rue 
de  la  Fontaine  entretiendrait  la  fraîcheur  nécelTaire  dans  le  terrain  ,  &  ce  tapis 
ferait  plus  doux  pour  l'œil  qu'un  fol  fabloneux  qui  réfrade  encore  les  rayons 
du    foleil.  C'eft  fur  cette  place  qu'était   le  premier  magafm  du    roi  ,   que  fit 
acheter  en  1698  M.  de  Galifl^et,  gouverneur  du  Cap,  pour  400  écus  payés  par 
les  hardes  des  foldats  &  d'autres  rever»int-bons.. 


i 


1^1 


334.      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Ce  fut  dans  ce  magafin  que  l'on  plaça  l'hôpital  des  religieux  de  la  Charité 
avant  racquifition  du  terrain  où  ils  font  maintenant;  &  il  devint  enfuite  la 
logement  de  M.  Auger,  gouverneur  ,  de  M.    Deûandes  Intendant,  puis  de" 

M.  de  Charrire. 

L'églife  qui  embclHi  la  place-d'armes ,  &  dont  celle-ci  tire  aufîl  le  nom  de 
place  Notre  Dame  ,  eft  un  monument  moderne  ,  quoique  le  terrain  oij  elle  eft 
ait  toujours  porré  le  temple  du  Seigneur.  La  première  églife  &  par  conféquent 
la  paroifle  du  Bas  du  Cap,  ne  fut  établie  qu'un  peu  auparavant  1680,  &  pour 
qu'on  juge  bien  de  ce  qu'elle  était  huit  ans  après ,  je  crois  devoir  rapporter  la 
pièce  fuivante  ,  que  je  copie  fur  l'original  : 

„  L'an  1688  ,  le  7  Mai ,  f/,lvant  les  ordres  de  M.  de  CulTy  ,  gouverneur  pour  le  roi  en  l'île  de  la 
„  Tortue  Se  côte  de  Saint-Domingue,  nous  Franfcis  Camuzet,  procureur  du  roi  au  fiége  royal  du 
Cap  &  dépendances ,  nous  fommes  tranfportés  au  quartier  du  Bas  du  Cap  pour  faire  la  vifite  ds 
l'églife  paroiffiale  dédiée  à  l'Affomption  de  Notre  Dame  de  Bon  Secours ,  maifon  presbytérale 
&  cimetière  du  dit  lieu  ;  au  fujet  de  quoi  nous  avons  fait  affembler  les  marguilliers  &  principaux 
habitans  où  nous  avons  vu  l'églife  conftruite  de  méchant  bois  de  palmifte  &  toute  prête  à 
tomber  ,  couverte  de  feuilles  fans  être  lambrifTée ,  le  tout  félon  la  faculté  des  habitans ,    laquelle 

„  églife  nous  avons  trouvée  dépourvue  de  toutes  les  chofes  nécefiaires 

„  Nous  avons  pareillement  fait  la  vifite  du  cimetière  de  ladite  églife ,  qui  n'eil  nullement  clos 
„  mais  expofé  à  toutes  fortes  d'animaux.  De  là  nous  nous  fommes  tranfportés  au  presbytère ,  que 
„  nous  avons  trouvé  en  pareil  état  que  l'églife  ,  prefque  tout  découvert ,  y  pleuvant  partout. 
„  Déclarons  que  la  pauvreté  des  habitans  elt  fi  grande  ,  qu'J  leur  eft  impofFible  de  remédier  aux 
,,  fufdites  néceffités.  C'eft  pourquoi  nous  avons  fait  le  prélent  procès-verbal  pour  être  préfenté  à 
„  SaMajefté,  afm  que  par  fa  charité  royale  qui  lui  eft  fi  ordinaire,  il  lui  plaife  y  dorjier  dq 
-„  fecours.  Fait  en  préfence  du  révérend  Père  Jean  Chrifoftcme  de  Libourne  ,  miiîiorinaire  de  l'ordre 
des  Capucins  ,  fervant  ladite  églife,  &  des  fouiCgnés  les  jour  &  an  que  deflus.  Si£>!é:  F.  Jear^ 
Chrifoftôme  ,  capucin  m.iflionnaire  indigne  ;  de  Franquefnay  ,  (  lieutenant  de  roi  )  ;  Rouauh  ^ 
„   marguiilier;  Bcdué  ,  J.  Lambert,  Leftcrel,  greffier. 

Les  Efpao;nols  brûlèrent  en  1691  cette  églife,  à  moitié  détruite  d'elle-même. 
On  lui  en  fubftitua  une  à  laquelle  les  ennemis  forcèrent  de  m.ettre  le  feu  en 
i6q5.  Eni6c6,  une  troinèrne  églife  de  bois,  couverte  de  pailles,  occupa  la 
place  de  la  féconde  &  y  refta  jufqu'in  1710  ,  qu'on  en  bâtit  une  auffi  de  bois, 
mais  plus  grande  ,  m.ieux  fermée  &  couverte  d'effcntes.  Ce  fut  à  celle  là  que 
M.  de  Galifïet,  gouverneur,  fit  mettre  une  baluftrade  autour  du  chœur,  en 
dedans  duquel  on  plaça  un  banc  pour  lui. 

En    1708.  les   habitans   voulurent  avoir  un   temple  de  maçonnerie,  dont  M, 


■F"^ 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     ^3^ 

le  comte  dArquian  ,  gouverneur  du  Cap  ,  ne  pofa  la  première  pierre  que  le  a8 
Mars  17 15.  Le  père  Boutin  ,  alors  curé  ,  déploya  tout  fon  zèle  ,  âhn  d'accélérer 
cette  conltruftion  ,  pour  laquelle  on  fit  des  errprunts  à  6  &  même  à  12  pour 
cent,  &  enfin,  le  22  Décembre  1718  ,  elle  fut  bénite  &  confacrée ,  fous  le 
titre  de  rAfîbmption  de  la  Sainte-Vierge.  Elle  avait  deux  chapelles  en  croix , 
l'une  dédiée  à  Saint-Pierre  ,  &  l'autre  à  Saint- Jofeph  ;  c'eft  dans  cette  églife 
qu'on  mit  les  bancs  honorifiques  ,  dans  les  places  que  défignait  l'ordonnance 
des  Adminiftrateurs  du   19  Mars  17  12. 

Vers  1725  ,  les  Jéluites  imaginèrent  de  former  un  Sanctuaire ,  qu'ils  fermèrent 
d'un  beau  grillage  ,  avec  un  portail  auffi  de  fer,  &  de  chaque  côté^  duquel 
étaient  dix  ftalle s.  Ils  n'y  laiffèrent  que  le  banc  du  gouverneur  (  car  ,  avant  1743 
l'ordonnateur  n'avait  point  de  banc  dans  l'églife  ,  à  Saint-Domingue  )  ,  &  quand' 
les  deux  Adminiftrateurs  principaux  venaient  au  Cao,  ils  fe  mettaient  dans 
ce  Sanauaire.  MM.  de  Larnage  &  Maillart ,  confentirent  à  avoir  leurs  fauteuils 
dans  le  Chœur,  au-deffous  du  Sanétuaire,  où  le  banc  feul  du  gouverneur 
du  Cap  fut  confervé.  Ces  innovations  des  Jéfuites  ,  mirent  les  bancs  du  Confeil, 
du  major  8cc.  ,  derrière  leurs  fralles  ,&  non  comme  l'ordonnance  le  prefcrivait; 
il  paraît  que  l'orgueilleufe  humilité  de  ces  religieux  ,  n'avait  pas  trouvé  ce 
calcul   indigne   d'elle.. 

Ce  qu'on  aura  peine  à  croire  ,  c'eft  que  dès  1739,  l'églife,  achevée  feu- 
lement vingt  ans  auparavant ,  faifait  craindre  qu'elle  ne  s'écroulât.  Le  comble 
ne  fubfîftait  plus  qu'au  moyen  de  cinq  mâts ,  qui  foutenaient  les  principaux 
arrefticrs  de  la  noue  des  chapelles  avec  la  nef,  &  que  le  moindre  tremblement 
de  terre  pouvait  renverfer.  Enfin  les  frayeurs  que  donnait  l'état  chancellant 
de  l'églife  ,  étant  juftement  augmentées  par  un  délai  de  trois  ans ,  elles  décidèrent 
à  demander  aux  chefs ,  en  1742  ,  la  permifîion  de  mettre  une  halle  fur  la 
■place-d'armes  ,  où  l'on  célébrerait  l'office  divin  pendant  la  réparation  de  l'églife. 
Cette  halle  fut  conftrulce  fur  l'alignement  de  la  rue  du  morne  des  Capucins  , 
ffedc  celle  d'Anjou,  dans  la  partie  Nord-Oueft  de  cette  place,  &  bénie  le 
301  Mai    1744. 

On  defcendit  le  comble  de  l'églife,  &  pendant  quatre  ans ,  on  ne  fit  rien 
j^our  la  réparer.  On  parla  alors  d'en  conftruire  une  autre  de  pierre  ,  &  la 
paroiffe  le  décida  ainfi  en  1748..  Il  fe  fit  fort  peu  de  travail,  &  on  le  cefTa  en 
*ÎS%-  Oi^  fe  fervait  toujours  du  hangard  de  la  place ,  lorfque  le  4  Oftobr£- 


«, 
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DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

1764,  le  bureau  de  police  municipale  arrêta  qu'on  s'occuperait  de  continuer 
cet  édifice ,  &  au  mois  de  Mai  1765  ,  oh  porta  folemnellementle  Saint- Sacrement 
dans  un  de  Tes  bas-côtés,  où  l'on  fit  l'office  pendant  quatre  ans.  L'envoyait 
enfin  le  bâtiment  s'avancer  ,  lorfqu'en  1771  ,  on  s'apperçut  que  les  piliers  étaient 
prêts  à  crouler.  On  abandonna  promptement  l'églife  ,  &  comme  la  baraque  de 
la  place  avait  écé  démolie ,  on  choifit  h  chapelle  des  reiigieùfcs  de  Notre- 
Dame  ,   pour  y  faire  le   fervice   paroiffial. 

Le  preffentiment  n'était  pas  faux,  piiifque  le  4  Oclobre  fuivant ,  à  quatre 
heures  trois  quarts  du  matin,  les  bas-côtés  &  la  petite  nef  de  la  partie  Occidentale, 
furent  renverfés  ,  ainfi  que  les  piliers  de  la  grande  nef.  Comme  ceux-ci  fou- 
tenaient  en  partie  le  ceintre  qui  avait  été  élevé  pour  former  la  voûte  de  cette 
éo-lifc  ,  la  charpente  fuivit  la  c'nute  du  refte.  Il  avait  fait  la  veille  ,  à  la  même 
heure,  un  tremblement  de  terre,  court,  mais  affez  vif;  on  a  penfé  qu'il 
avait  contribué  à  l'événement  du  lendemain ,  dont  la  caufe  première  élevait 
un   reproche   qui   n'épargna  pas  les  talens  des    conftrudeurs. 

Il  fallut,  pour  bien  dire,  réédifier  l'églife  entière.  La  paroifîè  s'aflembla  ,  le 
10  Novembre  177 1  ,  reconnut  l'infuffifance  des  taxes  antérieures  ,  les  annuUa, 
&  en  fit  de  nouvelles.  Enfin  l'églife  a  été  achevée  ,  &  la  première  cérémonie 
qui  y  a  été  faite  ,  Rit  le  fervice  de  Louis  XV  ,  le  26  Juillet  1774.  Le  14 
Août  fuivant,  on  y  porta  proceffionnellement  le  Saint-Sacrement ,  tiré  de  la 
chapelle  des  rciigieufes  ,  &  le  lendemain ,  fête  de  la  paroiffe  ,  il  y  eut  une 
meiTe  en  mufique ,  de  la  compofition  de  M.  Gervaife  ,  maître  de  mufiquc 
du  fpeftacle  du  Cap  ,  pour  célébrer  cette  dédicace.  La  conftruftion  de  cet 
édifice,  dura  16  ans  ,  car  la  première  pierre  en  avait  été  pofée  le  28  Mars 
748 ,  par  M.  de  Vaudreuil  ,  commandant  général ,  &  M.  Samfon ,  corn- 
îTiiffaire   ordonnateur. 

Le  frontlfpice  ,  ou  portail  de  ce  temple  (  voyez  l'Ad^s  )  ,  eil  compofé  de 
deux  ordres  ,  le  premier  Dorique  ,  &  le  fécond  Ionique.  La  porte  prinfi- 
pale  eft  décorée  de  quatre  colonnes  accouplées  ,  deux  de  chaque  côté,  encadrées 
dans  le  mur/iufqu'au  quart  de  leur  diamètre,  couronnées  d'un  fronton  triangulaire  , 
dans  lequel  font  fculptées  les  armes  de  France.  Les  deux  petites  portes  de 
ce  frontifpice  ,  font  décorées  de  quatre  pUaftres  ,  encaflré;,  dans  le  mur , 
des  trois  quarts  de  leur  épaiffeur.  Au-deffus  de  ces  deux  portes  font  deux  fiches , 
où  font  placées  deux  ftatues  de  pierre  ,  repréfentant  les  deux  premiers  apôtres, 
de  grandeur   un  peu  plus  que  naturelle.     ^  •       L'ordre 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       337 

L'ordre  fupérieur  eft  compofé  de  quatre  colonnes  &  de  deux  pilaflres ,  qui 
«orrefpondent  à  ceux  de  l'ordre  inférieur  ,  &  dont  les  faillies  font  dans  la  même 
proportion.  Le  tout  eft  terminé  &  couronné  par  un  fronton  demi-circulaire , 
dan^s  lequel  eft  fculptée  une  gloire;  ce  fronton  eft  furmonté  par  une  croix  de  pierre, 
qui  a  même  été  refaite  depuis,  dans  des  dimenfions  plus  petites  ,  parce  qu'elle 
avait  été  frappée  du  tonnerre. 

Ce  portail,  élevé  fur  les  plans  &  la  direftion  de  M.  Rabié  ,  mort  ingénieur  en 
chef  de  la  Partie  du  Nord  ,  eft  un  ornement  pour  la  place,  &  l'on  en  eft  frappé, 
iorfqu'on  y  arrive.  On  l'a  regratté  en  1788,  ce  qui  lui  rend  tout  l'éclat  de  la 
pierre  ftir  laquelle  on  a  paffé  une  couche  de  chaux  rendue  légèrement  bife  ;  c'eft 
de  Nantes  que  la  pierre  de  taille  a  été  apportée. 

Mais  l'intérieur  ne  répond  pas  à  ce  frontifpice. 

L'églife  a  ao6  pieds  de  long  fur  84  de  large  ,  dans  œuvre  ,  ce  qui  fait  qu'elle 
traverfe  une  rue  ,  parce  qu'elle  parcourt  prefque  la  longueur  de  deux  îlets  ;  tandis 
^ue  l'ancienne  avait  jufte  l'îlet  pour  mefure.  On  monte  deux  petites  marches 
pour  y  arriver.  La  première  chofe  qui  frappe  en  entrant  dans  ce  vaiffeau ,  c'eft 
qu'il  eft  terminé  par  une  charpente,  tandis  qu'il  avait  été  conftruit  pour  être 
voûté.  Cette  fauffe  proportion  écrafe  tout  l'intérieur  qui  eft  d'ordre  Ionique.  Il 
eft  compofé  de  trois  nefs  :  la  grande ,  dont  chaque  côté  eft  décoré  de  fix  porti- 
ques ,3.  36  pieds  de  largeur  fur  40  de  hauteur  y  compris  la  corniche.  Tout  l'ordre 
eft  furmonté  d'un  attique  pour  recevoir  la  voûte  &  fervir  d'appui  aux  vitreaux. 
Les  bas  côtes  vont  fe  terminer  à  la  croi^-  dont  les  extrémités ,  formant  le  chœur 
&  deux  chapelles  ,  font  circulaires. 

Le  chœur  eft  fermé  par  une  belle  grille  de  fer  dont  les  ornemens  font  dorés. 
L'autel  eft  à  la  romaine  ;  du  côté  de  l'épître  ,  font  les  fiéges  du  prêtre  officiant 
&  de  fes  affiftans ,  &  un  peu  plus  haut ,  ceux  deftinés  au  général  &  à  l'intendant  j 
du  côté  de  l'évangile  ,  eft  celui  du  commandant  en  fécond  &  de  l'ordonnateur. 
Derrière  le  maître-autel  &  abfolument  contre  le  mur  du  fond  du  chœur ,  eft  un 
autre  autel  de  plâtre  ,  au-deffus  duquel  eft  un  fépulcre  ouvert.  Au  milieu  de 
celui-ci  fur  le  derrière,  &  à  chacun  de  fes  deux  bouts,  eft  un  perfonnage  mafculin. 
Deux  d'entr'eux  regardent  dans  le  fépulcre  &  le  troifième  contemple  une  aiïbmp- 
îion  qui  eft  auffi  de  plâtre,  &  qui  furmonté  tout  le  fujet;  la  vierge  s'élève  dans  une 
nuée  chargée  de  têtes  d'anges  &  deux  anges  entiers  la  couronnent.  L'autel 
&  fes  acceiloires  occupent  un  efpace  de  15  pieds  de  haut  fur  12  de  large 
Tome    I,  Y  V 


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J3 


*:•! 


338       DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

De  chaque  côté  du  chœur  cft  une  porte  qui  conduit  à  une  facriftie.  Celle  de 
la  droite  en  entrant,  eft  deftinée  à  la  préparation  des  prêtres  &  de  ce  qui  eft 
nécelîaire  à  Toffice  divin  ;  l'autre  à  recevoir  les  perfonnes  ,  pendant  la  réda6tion 
des  aftes  de  baptême ,  de  mariage  &  de  fépukure  i  toutes  les  deux  font  trop 
pentes. 

Au-defTus  de  îa  porte  de  h  facrifrie  de  l'Oucft ,  cft  un  tableau  d'environ  fis 
pieds  de  haut,  repréfentant  St-Bonnaventure  qui  écrit;  il  fait  le  pendant  d'un  Saint- 
Saintin  à  genoux  ,  placé  fur  la  porte  oppofée.  Ces  deux  tableaux  ont  été  offerts 
par  deux  capucins  du  nom  des  deux  Saints.  Ils  peuvent  donner  une  idée  favorable 
du  motif  des  donateurs,  mais  ils  ne  produiront  pas  le  même  effet ,  quant  au 
talentderartirre. 

C'eft  aufn  du  côté  Occidental  du  chœur,  fur  le  mur  &  au-deiTus  du  fiège  du 
gouverneur-général  ,  qu'on  voit  l'épitaphe  de  M.  de  Belzunce  ,  morf  dans  la 
parolffe  du  Trou,  le  4  Août  1763  ,  &  enterré  dans  cette  partie  de  l'églife  le 
lendemain.  Elle  eft  gravée  fur  un  marbre  blanc  encaftré  dans  une  bordure  de 
marbre  noir.  Le  haut  de  ce  monument,  qui  forme  un  carré  de  quatre  pieds  de 
long  fur  deux  pieds  &  demi  de  large,  eft  furmonté  par  une  urne  cinéraire,  & 
terminé  inférieurement  par  un  écuffon   armoirié  ;  le  tout  eft  doré  d'or  moulu.. 

L'épitaphe  eft  en  ces  termes  : 

HIC    JACET 

Armandus  Vicecomes  de  BELSUNCE  3 

In  quo  claritas   antiqui  generis  , 

Minimum  ad  gloriam  monamentum  fuit. 

Civis  placidus  ,   Arnicus  certus  &  fuavis"; 

Strenuus  Bellator  Se  pericalorum  appetens  ; 

Anims  prodigus  ut  miiiti  parceret  ; 

.     •  S0I2  fortiterfadlorum-ÂvulHerumcommendationS:, 

Admagna  eveflus , 

Re<ïioram   exarcituum    Leo;atus. 

Tandem  parta  per  iabores  mercede  , 

Santi-Dominic-i  Ihfulse  prefefturâdonatus 

Novis  pkna  la'noribus  : 

Bûin  demendatœ  fibi  Provinciœ  faluti  acriter  invigilatt 

r.îofbo  prsreptus  obiit , 

Die  4a.  Augufti,  Ann.  D.   1763  ,  .^tatis,  43. 

Subîato  ex  ocuHs  amico ,  amicus  confecravit  De  Castera - 

Régis  excrçituam  Brigaderias,  MDCCLXIUI. 


FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE,      339 

Les  autels  des  deux  chapelles  font  de  marbre  blanc.  Celle  de  la  gauche  eft 
confacrée  à  la  Vierge.  On  y  a  placé  un  grand  tableau  ,  donné  à  l'éghfe  au  mois  de 
Mai  1788  ,  repréfentant  l'adoration  des  mages  5  c'eft  une  croûte  qui  défigure  l'égli- 
fe.  La  chapelle  de  la  droite  était  autrefois  fous  l'invocation  de  St-Jean  Baptiile  , 
dont  on  apperçoit  encore  la  petite  flatue  placée  en  1774,  en  même-tems  que 
celle  de  larierge  l'avait  été  dans  l'autre  chapelle.  On  7  a  mis  un  tableau  de  Saint- 
François  ,  peint  debout,  une  croix  à  la  main,  C'eft  un  préfent  du  R.  P.  Saintin  , 
préfet  de  la  miffion  ;  ce  tableau  quoique  bien  fupérieur  à  l'autre  ,  eft  lui-même 
très-médiocre  &  n'eft  pas  une  excufe  pour  avoir  préféré  le  férsphique  inftituteur 
des  Capucins,  au  précurfcur  de  l'Homme-Dieu. 

Une  chaire  de  bois  d'acajou  fculptée  ,  eft  placée  furie  coté  gauche  de  la  grande 
nef.  Elle  a  coûté  deux  mille  écus  ,  mais  elle  eft  ridicule  par  fa  petiteffe  ,  relati- 
vement au  vaiiïèau.  L'églife  eft  pavée  de  carreaux  de  marbre  noir  &  blanc. 
Depuis  quelques  années,  un  jeu  d'orgues  eft  placé  en  jubé  >  à  l'extrémité  de 
l'églife  &  en  face  du  miaître-autel.  Il  eft  bien  faible  pour  l'étendue  où  il  doit  fe 
faiî-e  entendre  ,  mais  il  eft  peut-être  encore  trop  fonore  pour  les  mains  novices 
qu'il  trahit. 

C'eft  dans  l'enceinte  de  cette  églife  ,  parce  qu'elle  comprend  celle  de  l'éc^life 
qu'elle  a  rem.placée  ,  qu'a  été  inhumé,  le  5  Mars  1739,  M.  d'Orgeville  , 
tmaître  des  requêtes  &  intendant  des  Mes  du  vent,  qui  venait  d'être  nommé 
à  l'intendance  générale  de  la  marine.  Le  miniftre  lui  avait  écrit,  le  20  Janvier 
1738  ,  pour  l'engager  à  pafTer  à  Saint-Domingue ,  en  revenant  de  la  Martinique 
en  France ,  &  à  y  prendre  des  renfeignemens  exafts  fur  tout  ce  qui  concernaic 
cette  Colonie.  M.  d'Orge  ville  avait  d'autant  plus  volontiers  accepté  cette 
miffion ,  qu'elle  lui  donnait  l'occafion  de  revoir  M.  de  Larnage  ,  fon  ancien 
ami.  Il  mourut  au  Cap,  le  4  Mars  1739,  au  foir.  La  paroiffe  accepta  même' 
le  15  ,  les  tentures  qui  avaient  été  mifes  à  l'églife  &  au  gouvernement ,  où 
-M.  d'Orgeville  était  mort,  pour  .lui  tenir  lieu  des  cinq  cem  livres  dues  à  la 
fabrique  pour  fon  inhumation. 

Le  héros  de  BeMe-Ifle  ,  dans  la  guerre  de  1756,  aauffi  msêié  fes  cendres 
à  la  pouiïiére  de  ce  temple.  M.  le  chevalier  de  Sainte-Croix  ,  embarqué 
fur  l'efcadrede  M.  Dubois  de  la  Motte,  qui  portait  des  fecours  trop  tardifs 
■à  la  Martinique ,  devait  avoir  le  commandement  des  troupes  dans  cette  Ifle. 
A  dîes  y   aj/aient  débarquées.    Obligé  de  fu-ivre  l'efcadre  à  Saint-Domingue ,' 

V  V  2 


Tiâ 


J40      DESCRIPTION      D  E     L  A     P  A  R  T  I  E 

où  il  arriva  le  17  Mars  1762,  il  demanda  l'agrément  de  retourner  en  France 
pour  y  continuer  Tes  fervices ,  inutiles  dans  une  Colonie  dont  la  partie  militaire 
était  confiée  à  M.  de  Belzunce.  Un  ordre  du  roi ,  du  mois  de  Juillet,  l'y  autorifait, 
piais  lorfqu'il  parvint ,  M.  de  Sainte-  Croix  n'était  plus.  Sa  mort  eft  arrivée 
le  18  Août  1762. 

Il  n'y  a  point ,  dans  l'égllfe  du  Cap  ,  d'autres  bancs  que  ceux  accordés 
par  l'ordonnance  du  roi,  du  15  Novembre  1728.  J'ai  déjà  dit  où  font  les 
fauteuils  &  les  prie-dieu  des  deux  Adminiftrateurs  ,  &  le  banc  du  Comman- 
dant en  fécond  ,  &  de  l'ordonnateur  dans  le  chœur.  Il  y  en  a  un  à  double  rang  , 
à  droite  ,  pour  le  Confeil  fupérieur  (  car  on  le  conferve  encore  ) ,  enfuite 
duquel  eft  celui  de  la  Sénéchaffée.  En  face  ce  celui  eu  Confeil,  eft  celui  du 
lieutenant-de-roi;  au-defious  eft  celui  du  major,  auquel  tient  celui  du  commif- 
faire  de  la  marine  ,  qui  n'en  eft  féparé  que  par  une  çloifon.  Le  commandant 
des  milices  de  la  paroiffe  en  a  un  aufli ,  au  bas  de  celui  de  h  Sénechauffée  , 
&  celui  des  marguilliers  fait  face  à  la  chaire. 

Tous  ces  bancs  font  contre  les  piliers  &  fe  regardent  les  uns  les  autres, 
excepté  celui  du  commandant  des  milices,  qui  fait 'face  à  l'autel.  Le  refte 
de  l'églife  eft  abiolument  libre,  &  les  perfonnes  qui  veulent  s'y  afîèoir ,  font 
obligées  d'y  faire  porter  des  chaifes  chaque  fois  qu'elles  y  vont.  Dans  l'origine 
c'était  abfolument  la  miêmc  chofe  ;  du  moins  je  puis  affurer  que  depuis  17 18, 
il   n'y  a  point  eu   de  banc  dans   cette   églife   pour   les   fidelles. 

Comme  cette  églife  eft  l'unique  paroifie  du  Csp  ,  elle  ferait  trop  petite 
fi  la  dévotion  des  paroiiTiens  n'était  pas  un  peu  tiède.  Il  n'y  a  guère  s  que  durant 
la  Semaine-Sainte  ,  &  aux  fêtes  très-folemnelles,  qu'elle  eft  abfolument  remplie. 
Le  fervice  y  eft  célébré  avec  pompe  ;  il  y  a  un  fuiffc  en  habit  bleu  ,  qu'à 
établi  une  délibération  de  la  paroiiTe  du  17  Février  1743.  Chaque  jour  ouvrier- 
on  dit  une  mefîè ,  au  point  du  jour ,  pour  les  ouvriers  ,  &  une  autre  à  fept 
heures;  celle-ci  a  été  fondée.  Le  dimanche,  immédiatement  après  la  raeffe 
paroiffiale,  les  nègres  fe  réunififent  dans  l'églife,  y  font  la  prière  &  chantent 
des  cantiques  ;  quelques  vieillards  des  deux  fexes  fe  font  les  chefs  de  ces 
exercices ,  à   la  fuite    defquels  fe   dit  une   mefîe   baffe  ,    appelée  la  meffe  des. 

nègres 

La  fabrique    eft  alTez  riche  pour  frayer  aux  dépenfes  ordinaires ,  &  lorfqu'il 

y  en  ade  confidérables,   elles  font   faites  d'après  des  contributions  pardculières. 


TCH 


£?R  ANC  AISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      341 

L'égiire  du  Cap  a  reçu  plufieurs  bienfaits  en  dons  &  en  legs.  M,  Gabriel 
Barau,  marchand  rue  Efpagnole,  natif  de  Clérac  ,  en  Saintonge,  qui  avait 
déjà  mérité  d'elle  par  des  aftes  généreux,  le  titre  &  les  honneurs  de  mar- 
guiilier,  le  i  Janvier  1757,  lui  légua  le  30  Majs  1758  :  1=".  6,000  livres 
pour  être  diftribuées  aux  pauvres  honteux  -,  1^.  20,000  livres  pour  fonder  à 
perpétuité  une  mefle  de  requiem,  les  jours  ouvriers  à  onze  heures,  &  les  fêtes 
&  dimanches  après  la  meffe  des  nègres  ';  3^.  &  le  refre  de  fa  fucceffion  , 
valant  plus  de  100,000  livres,  pour  être  employé  en  maifons  ,  dont  le  produit 
doit  être  diftribué  annuellement  aux  pauvres  honteux  de   la  paroilTe. 

Celle-ci  a  deux  marguilliers  dont  un  eft  remplacé  chaque  année 5  ils  font^ 
avec  le  curé  ,  les  Adminiflrateurs  de  la  paroifîè.  Les  affemblées  de  paroiffiens 
fe  tiennent  au  milieu  de  la  grande  nef,  en  face  de  la  chaire.  Elles  font  ou 
défertes  ou  tumultueufes  ,  fuivant  leur  objet ,  Se  l'on  y  a  vu  dans  des  no-< 
minations ,  plus  de  fcrutins  que  de  votans.  Il  y  a  24  notables ,  ce  font  des 
gerfonnes  que  les  paroiffiens  choififfent  à  la  pluralité  des  voix  ,  &  parmi  lefquelies 
on  prend  enfuite  les  marguilliers,  &  les  commiffaircs.  que  la  paroiffe  nomme 
pour  veiller  à  des  objets  qui  peuvent  l'intéreffer  ,  comme  des  marchés^  &c, 
La  paroiffe  du  Cap  eft:  la  feule  de  l'Ifle  qui  ait  un  greffier,  gardien  de  Tes 
archives,  chargé  du  recouvrement  des  fommes  dues  à  la  fabrique  j  il  a  été 
établi  par  une  ordonnance  du  22  Décembre-  1757,  qui  l'affimile  aux  mar- 
guilliers ,  pour  les  droits  honorifiques  ,  qui  font   toute    fa   rétribution. 

Les  paroiffiens  du  Cap  avaient  imaginé  ,  depuis  un  certain  nombre  d'années 
un  expédient  plus  utile  que  délicat  ,  p3ur  procurer  des  fonds  à  l'éo-Jife.  Il 
confiftai^  à  nommer  pour  marguillier- des  perfonnes  que  l'on  favait  craindre 
cette  nomination  ,  &  fur- tout  celles  que  l'on  connaiffait  pour  n'être  pas  de 
la  religion  catholique  romaine,  &  de  qui  l'on  recevait  ordinairement  mille 
écus,  pour  obtenir  d'en  être  difpenfé.  Cette  conduite  fimoniaque  m'avait  infpiré 
trop  d'indignation,  pour  ne  m'en  pas  reffouvenir  ,  lorfque  le  miniftre  de  la 
marine  me  chargea  en  1788  ,  d'une  rédaélion  appropriée  aux  Colonies,  de 
h  loi  fur  les  NonXatholiques ,  &  l'article  10  eft  fpéeialement  deftiné  à  fauver 
à  l'avenir  un  pareil  fcandale. 

Il  eft  bien  difficile  de  favoir  au  jufte  ce  qu'a  coûté  i'égîife  du  Cap.  Sî 
j'en  crois  le  plus  grand  nombre  des  rapports,  la  dépcnfe  a  été  à  1,200,000 
livres I  d'autres    l'ont  portée  jufqu'à   1,800,000.    Elle    ofFre  cependant,  dansi 


342       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

plus  d'une  partie  ,  des  preuves  d'ignorance  ;   fa   lente   édification  n'a  pas  tou.- 
iours  été  accompagnée  de  la  plus  auuère  probité. 

Le  2  Novembre   1782  ,  à   cinq  heures   du   foir,  les    chevaliers   de  l'ordre 

de  -Saint-Jacques  ,    en   Efpagne ,   officiers   dans   les   divers    corps  de   troupes 

efpacnoles,   réunies  alors  au  Cap  fous  le  commandement  de  Don  Bernard  de 

Galvez  ,   y  ont  reçu   un   chevalier  de    l'ordre  de  Calatraya.,   en    vertu  d'ua' 

pouoir   exprès  du   roi  d'Efpagne. 

Le  tour  immédiat  de  1  eglife  n'eft  point  encore  débarralTé  depuis  vingt  ans , 
de  quelques  portions  de  conftruftions  voifmes  ,  qui  y  exiftaient  lors  de  la 
première  églife ,  dont  elles  fe  trouvaient  afftz  éloignées.  Des  deux  portes 
latérales ,  qui  donnent  dans  les  pedtes  nefs  ,  en  face  des  rues  Saint-François 
&  Ctiaftenoye  ,  celle  de  l'Oueft  feule  peut  fervir  ,  quoique  l'accès  en  foit  mal- 
propre &  embarraffée.  On  avait  auffi  le  projet  de  démolir  le  clocher ,  petite 
tour  de  maçonnerie  ,  de  forme  carrée  &  de  60  pieds  de  hauteur,  conftruitc 
en  1718  ,  lorfqu'on  trouvait  un  paffage  entr'elle  &  l'églife.  Maintenant  elle 
y  eft  contigue  Se  fe  trouvant  alignée  fur  le  portail,  elle  lui  ôte  une  partie 
de  fa  grâce.  Le  clocher  renferme  une  horloge  qui  mefurc  fort  inégalement 
le  tems,  &  le  bas  eft  le  logement  du  fuiffe.  On  a  auffi  au  Cap  Tamour-propTc 
des  grofles  cloches  ,  mais  ce  goût  It-rait  ruineux  ,  s'il  était  toujours  fatisfaitj 
car  les  nègres  aiment ,  eux  ,  à  les  caffer,  en  les  fonnant  avec  violence  ,  &  en 
les  faifant  fervir  à  des  carillons  afîburdilTans,  Il  y  a  long-teras  qu'il  en  exifte 
une  fêlée  ,  dont  le  fon  fépulcral  eft  très-analogue  aux  enterremens  qu'elle 
annonce.  Les  nègres  prétendent  que  dans  fon  finiftre  accord  avec  une  autre, 
pDur  qui  elle  fait  la  bafle  ,  elles  difent  ;  Bon  blanc  moiiri:  m.zuvs  rtts.  U,i 
Ion  blanc    eftmort  :    les  mêchans  refient. 

Derrière  l'églife  paffe  la  roe  des  Religieufes.  Lorfqu'cn  y  eft ,  on  trouve 
une  petite  ruelle  d'environ  50  pieds  de  long,  qui  conduit  exaftement  à  la 
porte  d'un  petit  caveau,  pratiqué  dans  le  derrière  de  l'églife,  où  l'on  dépofe 
les  perfonnes  qui  ont  cette  fépulture  à  titre  d'honneur ,  ou  celles  pour  qui  on 
l'achète  3,000  livres.  La  précédente  égliîe  avait  auffi  un  caveau ,  mais  dans 
l'enceinte  de  la  facriftie  ,  &  les  Jéfuites  y  avaient  même  fait  enterrer  le  père 
Laval ,  curé  du  Trou.  On  a  fubftitué  le  caveau  aduel  à  l'ufage  fi  funcfte , 
dans  les  pays  chauds  ,  d'enterrer  dans  les  églifes.  L'orgueil  eft  fatisfait  &  la 
fiyit  le  corps  eft  transféré  au  cimetière  de   îa  FoiTette.    C'eft  dans  ce  caveau 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       343 

qu'on  tranfporta  avec  les  cérémonies  funèbres ,  le  23  Août  1773  >  ^^^  ofîè- 
mensdes  religieux  Jéfuiccs  enterrés  dans  la  chapelle  de  leur  tnaifon  conventuelle  , 
devenue  la  mailbn  du  gouvernement.  J'ai  vu  dans  ce  caveau ,  en  1777,  des 
parties  de  cadavre  parfaitement  entières  &  defîechées.  Elles  fe  trouvaient  dans 
un  point  à  gauche  de  l'entrée  ,  oh  le  fol  eft  fabloneux.  Quelques  dévotes 
crièrent  au  miracle,  &  affurèrent  que  ces  dépouilles  périfîables,  étaient  celles 
de  ces  anciens  Jéfuites ,  ce  que  contredit  leur   tranfport  de    1773. 

C'eft  auffi  dans  ce  caveau  ,  qu'on  mit,  le  9  Avril  1777  >  l^s  entrailles  de  M. 
|c  comte  d'Ennery  ,  gouverneur-général,  &  que  fut  enterré  ,.  le  8  Mars  17S0  , 
M.  le  comte  d'Argout ,   fon  fucceffeur  ,  mort  la  veille. 

En  face  de  ce  caveau  &  au  Sud  de  la  rue  des  Religleufes  ,  commence  la  rue 
Fermée.  Elle  méritait  autrefois  doublement  ce  nom ,  d'abord  parce  qu'elle  n'a 
jamais  été  percée  jufqu'au  bout  de  la  ville  ,  puifqu'elle  fe  termine  à  la  rue  du 
.Hafard  ,  oij  elle  va  par  une  ligne  dirigée  au  Sud-Sud-Oueft  ,  qui  s'écarte  confé- 
qucmment  du  parallélifme  des  autres  rues  ;  cnfuite  parce  qu'elle  était  terminée  à 
fon  bout  Nord  ,  par  un  ancien- cimetière  qui  avait  150  pieds  de  l'Eft  à  l'Oueft  fur 
60  du  Nord  au  Sud,,  depuis  la  rue  des  Religieufes  jufqu'à  la. rue  du  Cimetière 
qui  lui  doit  fon  nom. 

Ce  cimetière  laiffait  à  l'Eft,  environ  60  pieds  entre  lui  &  la  rue  du  Bac  ou 
Dauphine,  &  autant  à  l'Oueft  entre  lui  &  la  rue  d'Anjou.  Dans  une  épidémie 
qu'il  y  eut  au  Cap ,  vers  le  mois  de  Mars  1736  ,  ce  cimetière  étant  trop  petit  & 
fa  fîtuadon  faifant  redouter  la  contagion,  les  Adminiftrateurs  en  fécond  du  Cap 
firent  former  pour  les  matelots  &  les  nègres ,  le  cimetière  de  la  Foffette  qui ,  après 
avoir  été  négligé  très-long-tems  ,  efl:  enfin  devenu  celui  de  la  paroifTe  en   1761, 
Le  vieux  cimetière  eft  deftiné  à  recevoir  un  très-beau  prelbytère  ,  depuis  qu'une 
ordonnance  de  MM.  de  R'eynaud  &  Le  Braffeur  du  23  Avril  178 1 ,  a  fait  ouvrir 
la  rue  Fermée,  jufqu'à  la  rue  des  Religieufes.    On  y  conftruit  une  belle  maifon 
de   maçonnerie  ,  fur  le  côté  Oueft  de  la  rue  Fermée.   L'ordonnance  des  Admi- 
niftrateurs,  du  22  Septembre    1787,  a  homologué  le  marché  de  95,000  livres 
paffé  entre  la  paroiffe  &  M.  Renaud  ,  entrepreneur  ,  celui  qui  a  terminé  l'Églife, 
La  rue  Fermée  avait  été  clofe  auffi  dans  fa  partie  Sud,  mais  par  un  juo-ement 
des  Adminiftrateurs  du  12  Mars  1765  ,  fur  la  demande  de  M.  Yvon,  M.  Ducaffe 
fut  obligé  de  faire  ceiTer  l'interception  qui  était  fon  ouvrage, 


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J44      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

L'incendie  qui  fe  manifefta  dans  h  rue  de  Penthièvre  ,  pendant  la  nuit  du  20 
au  21  Décembre  1734,  ccnfuma  la  majeure  partie  de  la  féconde  feftion  &  pref- 
que  tout  ce  qui  exiftait  alors  de  la  première.  Ses  ravages  &  ceux  dont  il  fut  la  caufc 
parce  qu'on  abatit  plufieurs  maifons  afin  de  fauver  le  refte  de  la  ville,  s'étendit 
depuis  h  ravine  jufqu'à  la  rue  Chaftenoye  ,  dans  le  fens  du  Nord  au  Sud  &  depuis 
la  rue  du  Palais  &  le  côté  Eft  de  la  place-d'arfnes  ,  jufqu'au  bord  de  la  mer, 
c'eft-à-dire,  jufqu'au  côté  Oueft  de  la  rue  Neuve  ;  ce  qui  comprenait  35  îlets.  A 
cette  époque  le  Cap  n'avait  pas  20  maifons  qui  ne  fuffent  pas  de  palmifles. 

Le  24  Janvier  1735  ,  une  ordonnance  de  M.  de  Chaftenoye  engagea  à  rebâtir 
en  maçonnerie  ,  ou  au  moins  en  briques  entre  poteaux.  Quant  aux  maifons  qu'on 
devait  rebâdr  en  bois  ,  il  prefcrivit  d'en  faire  rentrer  la  façade  de  dix-huit  pouces, 
de  manière  qu'on  pût  les  réédifier  en  maçonnerie  à  une  autre  époque  &  trouver 
l'épaifîeur  du  mur.  Il  y  a  encore  quelques  maifons  de  bois  où  l'on  remarque  cette- 
rentrée  de  18  pouces.  Le  15  Juillet  1735,  il  y  avait  déjà  25  maifons  reconf- 
truites,  &  au  mois  de  Septembre  1736,  la  valeur  de  27  îlets  rebâtis j  Ton 
ne  voyait  dans  cette  nouvelle  ville  ,  qu'une  douzaine  de  maifoos  qui  ne  fuflènt 
pas  de  miaçonnerie  ;  S^  le  Cap  s'était  augmenté  du  magaûn  du  roi  construit  vers 
la  mer. 

Dans  les  rues  qui  coupent  la  féconde  feélion  de  l'Eft  à  l'Ouefl ,  on  compte 
fucceffivement ,  après  celle  du  Confeil  qui  eft  la  plus  Septentrionale,  les  rues 
Saint-Pierre  &:  Saint  -  Jean ,  (les  deux  noms  de  baptême  de  M.  de  Char- 
rite  ),  la  rue  Saint- Laurent ,  patron  de  M.  de  Valernod ,  gouverneur  de  la 
Colonie  en  171 1;  celles  de  Conflans  ,  de  la  Fontaine  &  de  Notre-Dame. 
Celle  de  Chaftenoye  qui  les  fuit  &  que  l'églife  ferme  dans  l'Oueft ,  allait, 
autrefois ,  de  la  mer  au  morne  du  Cap.  Je  ne  fais  quel  nom  elle  portait  ori- 
ginairement, mais  lorfque  M.  de  Chaftenoye  gouverneur,  vint  fe  loger  dans 
la  maifon  qui  faifait  le  coin  Sud-Oueft  de  cette  rue  avec  le  marché  aux 
Blancs  &  qui  fe  trouvait  alors  au  bord  de  la  mer  ,  on  l'appela  rue  Saint- 
Étienne  ,  à  caufe  du  patron  de  M.  de  Chaftenoye.  Puis  le  logement  du  gou- 
verneur étant  appelé  le  gouvernement ,  on  dit  la  rue  du  Gouvernement ,  au  lieu 
de  la  rue  Saint-Étienne  ,  &  la  rue  aftuelle  du  Gouvernem.ent,  dont  j'ai  parlé  au 
com.mencement  de  cette  féconde  feclion  ,  fut  appelée  la  rue  du  Vieux  Gouver- 
nement. Lorfque  les  j  éfuites  bâdrent  leur  chapelle  ,  dans  leur  enclos ,  le  long 
de  h  rue  Saint-Etienne  ,  on  appela  îa  portion  qui  fe  trouvait  au  Couchant  de 

l'églife , 


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FRANÇAISE  DE  S  A  I  N  T  ^  D  O  M  I  N..G  U  E.  345 
i'églife  ,  la  rue  Saint-François-Xavier ,  patron  de  la  chapelle  des  Jéfuites  nom 
qu'elle  a  confervé  ,  tandis  que  la  partie  inférieure  de  la  rue  Saint-Étienne^ou  du 
Gouvernement  a  fini  par  fe  nommer  la  rue  Chaflenoye.  Quant  à  la  rue  des 
Rehgieufes  ,  placée  au  Sud  de  celle  Chaflenoye ,  j'en  parle  ailleurs  &  l'on  vient 
d  apprendre  l'origine  du  nom  de  la  rue  du  Cimetière  qui  eft  la  plus  Méridionale  de 
la  leconde  feftion* 


TROISIEME    Section. 

Placé,  au-d.flus  de  la  féconde  feftion,  h  troilième  va,  comme  elle     de  la 
Tav,„e  a  la  rue  du  Cimetière  d.  Nord  au  S.d ,  &  des  r„es  du^orne  dc3  Capucins 

dans  ro  ^r  '^"T'^"'*  '*  ™  ''-  ^l™™ft'^  &  4  la  n,e  Espagnole 
dan  1  Oueft  Comme  la  ravme  rentre  un  peu  dans  le  Sud,  le  long  de  cette 
trouième  fcdion  ,  fa  furface  eft  moindre  que  celle  de  la  féconde 

Cette  rentrée  de  la  ravine  eft  caufe  que  la  rue  du  Confcil  tro'uve   fon  extré 
nute  Occdemale  fur  cette  feftion  ,  dans  la  rue  Royale.   Sur  le  côté  Oueft  de" 
cette  dermere    &  en  face  de  la  rt,e  du  Confcil ,  eft  une  fontaine  qui  en  porte 
Je  nom.  Elle  eft  compofée  d'un  fimple  portique  dont  les  deux  colonnes  cané.s 
6c  Dortques  ont  un  très-petit  focle ,  fervant  de  piédeftal  &  ne  débordent  que  de 
quelqt,es  pouces  le  mur  auquel  tout  le  travail  eft  adoffé.  Au-deflus  de  l'entable 
.uentqt^eftcontmu,  eft  un  fronton  triangulaire  fans   ornemens.   Le  portique" 
eft  creufe  en  n.che    demi-circulaire;  un  robinet  fournit  l'eau.   Cette  fontai 
eft  a  peme  apperçue;  on  ne  connaît  guères  d'elle  que  fon  utilité,  &  l'on  peut 
.dire  qu'elle  fau  le  bien  modeftement.  ^ 

La   prernière  rue  parallèle    &  fupérietrre   à  celle  de.   Capucins,  eft   h  rue 
Vaudreud.  Le  Cap  devatt  ce  témoignage  de  reconnauTance  â  un  comman  la 
«eneral     qut  a  ete  fort  occupé  de  fon  embell.flèment  &  qui  en  aimai    le 
iejour.  Cette  rue  qu,  traverfe  maintenant  tout  le  Cap  du  Nord  au  Sud  .  à  part 
de   la  ravme,  avatt  un  autre    nom  dans  fa  partie   exiftante  avant   r^lg    Efc 
■commençatt  encore  en  ,73.  à  U  rue  de  Bourbon  &  finiftàit  à  ceUe  du  Hafari 
A  la  veme  ,1  en  ex.ftait  environ   .00  pieds,  à  compter  de  la  ravine  iutt 
vers  les  deux  ners  du  premier  îlet  au  Sud  de  la  rue  du  Confeil,  Jjf^^ 

'z:  ï  ™'  '""'"'  '"^  ""'  '"'^'™-p-  •  '-'^'^  -  Nord';:: 


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346       DESCRIPTION    DE     LA    PARTIE 

l'extrémité  du  morne  des  Capucins,  &  enfuite  par  l'immenfe  jardin  potager  de 
M.  de  Charrite,qui  s'étendait,  du  Nord  -  Oueft  au  Sud-Ell  ,  jufqu'au  point 
où  eft  aujourd'hui  l'angle  Nord-Queft  des  rues  de  Bourbon  h  du  morne  des- 
Capucins,  fur  la  place-d'arraes, 

La  rue  Royale  qui  eft  au-deffus  de  la  rue  Vaudreuil  ,  &  qui'  était  alors  la 
rue  Saint-Félix,  était  précifément  dan^  le  même  cas  ,  &  ne  parvenait  même 
qu'à  la  rue  Sainte-Marie  dans  le  Nord,  parce  que  le  jardin  de  M.  de  Charrite  qui 
fuivait  la  direcliion  du  côté  Oueft  du  morne  des  Capucins  ,  entre  lequel  &  lui 
était  un  paffage ,  avait  70  toiles  de  long  ftjr  30  de  large.  Il  allait  obliquem.ent 
depuis  la  rue  Bourbon  jufqu'à  la  rue  Traverfine  ,  dont  une  prononciation 
corrompue  a  fait  la  rue  Traver/ière ,  qui  était  fa  borne  au  Nord  ,  êc  qui  doit 
fon  défaut  de  parrallèlilme  av6c  les  autres  rues  ,  à  la  nécefiué  de  ftiivre  la 
direclion  de  ce  bout  du  jardin. 

C'eft  ce  terrain  ,  aujourd'hui  fi  précieux  ,  que  M^^-  de  Verdelin ,  veuve  de 
M.  de  Charrke  ,  vendit,  avec  d'autres  qui  font  entrés  depuis  dans  l'enceinte  âz 
la  ville,  à  M.  Dujarriay  en  1728  ,  &  que  celui-ci  revendit  enftùte  par  empla- 
cemens,  à  commencer  de  1732.  Il  y  avait  donc  fept  ilets  de  h  troifième  feftioH 
qui  n'exiftaient  point  quand  cette,  vente  ^cuî  Heu,  mais  en  1736  elle  n'avait 
de  non-bâti  que  ce  que  le  morne  des  Capucins  en  occupait  encore.  On  peut 
donc  compter  que  ce  n'a  été  que  vers  1750  que  tout  cet  efpace  a  eu  des 
maliens. 

A  l'angle  Nord-Eft  des  rues  Vaudreuil  8;  Saint-Pierre  ,  eft  une  grande  Ss 
belle  maiTon  à  étage,  qu'on  connaît  encore  fous  le  nom  d'ancienne  comédie.  Ua 
peu  avant  1740,  quelques  pexfonnes  eurent  l'idée  de  fe  réunir  pour  jouer  la 
comédie.  On  fit  difpofer  en  conféquence  une  maifon  qui  était  à  l'angle  Sud-Eft 
des  rues  Notre  Dame  &  Royale  ,  &  là  des  afteurs  plutôt  tolérés^  qu'avoués  par 
Thalie  ,  trouvaient  du  moins  l'amufement  s'ils  n'y  faifaient  pas  briller  le  talent.. 
Quelquefois  dans  leur  zèle  ik  prétendaient  auffi  charmer  Melpomène.  On  jouait 
rarement,  &  quand  on  avait  befoin  de  fonds  pour  le  loyer  ,  le  luminaire,  &;c  , 
on  donnait  des  repréfentanons  extraordinaires ,  où  les  billets  étaient  payés  6  liv.-. 
aux  premières  places.  En  1743  les  dépenfes  avaient  abforbé  la  recette,  &  le 
théâtre  chancelait ,..  lorfque  foixante  perfonnes  firent  un  accord  le  23  Février 
1744 ,  pour  le  foutenir  pendant  deux  ans. 

Au  moyeji.de  cetarrangement,  le  fpeclacle  devint  gratuit  &  chaque-/oufcrlp- 


'k 


FRANÇAISE    DE    SAINT  =  DOMINGUE.      347 

teur  avait  quatre  billets  par  repréfentation ,  le  fien  compris.  On  difpofa  alors 
le  parterre  en  amphithéâtre  avec  des  bancs ,  de  manière  que  tous  les  fpeclateurs 
•étaient  affis.  Le  fpeftacle  fut  mis  fous  la  protecl:ion  du  gouverneur  &  de  lordon- 
nateur,  auxquels  on  déféra  le  choix  d'un  tréforier  &  d'un  direclieur  parmi  les 
foufcripteurs. 

Cette  première  foufcription  fut  renouve'ilée  ,  &  le  fpeftacle  vint  dans  la  maifon 
de  la  rue  Vaudreuil  (*)  que  je  cite  ,  où  il  a  été  jufqu'en  1764  qu'il  a  été  mis  dans  le 
local  où  il  fe  trouve  maintenant ,  &  dont  je  parle  dans  cette  fedion. 

Il  femble  qu'il  foit  de  la  deftinée  de  cette  maifon  de  fervir  à  plaire  aux 
-habitans  du  Cap,  en  les  inftruifant.  Depuis  la  fin  de  1788  ,  on  a  établi  dans  fou 
premier  étage  un  cabinet  littéraire  ,  au  moyen  d'une  cotifation  faite  par  80 
perfonnes  ,  qui  ont  donné  quarante-deux  piaflres  gourdes  chacune.  Ce  local 
très-élégamment  meublé  ,  renferme  outre  une  bibliothèque  utile  &  tous  les 
journaux  intéreffans,  trois  pièces  deftinées  au  jeu  de  billard  ,  à  celui  du  triftrac 
&  à  des  jeux  de  fociété  ,  (  car  on  en  a  profcrit  ceux  de  hafard  )  ,  dont  la 
rétribution  couvre  les  dépenfes  d'entretien. 

C'efl  là  qu'on  peut  trouver ,  dans  plufieurs  genres,  un  préfervatif  afîuré  contre 
l'ennui,  &  qu'un  étranger  qui  a  un  foufcripteur  pour  répondant,  rencontre  une 
compagnie  choifie  &  s'efforce  d'ajouter  lui  -  même  aux  agrémens  de  ce  lieu 
de  réunion  dont  l'idée  cil  heureufe. 

On  reconnaît  aifément  dans  le  terrain  de  l'ancienne  comédie ,  une  partie  du 
morne  des  Capucins.  Ce  bout  de  la  rue  Vaudreuil  &  celui  même  de  la  rue 
B-oyale  ,  laiffent  encore  voir  un  roc  vif  feuilleté. 

C'eft  dans  la  rue  Vaudreuil  qu'on  trouve  la  Société  royale  des  Sciences  & 
Arts  du  Cap- Français  ,  cet  établifTement  qui ,  encore  à  fon  berceau  ,  a  déjà 
jépondu  aux  efpérances  qu'il  avait  fait  concevoir. 

Le  8  du  mois  de  Juin  1784,  un  ofîicier  de  la  marine  ,  avantageufement  connu 

par   fes  talens    dans  ce    métier   difficile   &   par  des  obfervations    nautiques  , 

•  vint  au  Cap,   l'efprit  enflammé  par  l'une  de  ces  idées  brillantes  que  l'imagination 

embellit  encore.  Une  époufe  féduifante  ,  partageant  la  même  opinion  ,  femblait 

(*)  M.  de  Bory  ,  gouverneur-général  ,  trouvant  RouiTeau  au  café  de  la  Régence  à  Paris  ,  crut  iûî 
faire  un  compliment  en  lai  difant:  J'^.  ^^u  jouer  ^otre  De-vin  du  village  au  Cap-Français.-Tant 
pu  pour  ^ous'Wi  répondit  le  févère  Jean- Jacques,  qui  n'avait  fans  doute  pas  mis  aa  rang  des  béatitudes 
^îiéâtrales ,. celle  d'être  joué  par  des  amateuxs. 


V 


F 


J4&       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

s'être  affociée  à  l'apoflolat  maritime  de  fon  époux  ,  8c  à  leur  voix  le  magnétirme 
eut  des  feftateurs.  On  vit  ,  dès  le  26  du  même  mois  ,  à  la  Providence  des 
hommes  ,  un  baquet  qu'aiTiégèrent  des  obftrués ,  des  goûteux,  des  afthmatiques. 
Mais  là  auffi  ,  le  mefmérifme  trouva  des  incrédules.  Le  premier  qui  douta  fut  un 
médecin ,  auquel  on  femblait  déjà  reprocher  fon  inutilité  &  que  l'on  crut  trop 
encroûté  des  préjugés  d'Hypocrate  ,  pour  être  digne  de  la  nouvelle  théorie. 
Devenu  contradicteur  ,  par  le  fait  m.ême  des  mefmériens  ,  il  fe  réunit  à  un 
botanifte  qui  partagea  fcs  foupçons  ;  une  troifième  perfonne  s'approcha  d'eux ,  & 
voiià  des  expériences  anti-magnédques  commencées.  Soit  que  le  climat  fe  prê- 
tât moins  aux  illufions  ,  foi:  que  la  marche  rapide  des  maladies  qu'on  y  éprouve 
fût  plus  propre  à  montrer  l'infufhfance  du  moyen ,  les  faits  vinrent  à  l'appui  de  la 
conrradiftion  ,  le  bacquet  fut  déferlé  &  il  fallut  rapporter  le  paralytique  qu'on  y 

avait  amené. 

Les  trois  perfonne  s  que  le  défir  d^arrêter  les  progrès  d'une  doftrine  fuperilitieufe: 
avait  raffemblées  ,  non-fadsfaites  d'avoir  combattu  la  chimère ,  voulurent  une 
gloire  plus  réelle.  Ils  fe  rappellèrent  qu'on  avait  parlé  mille  fois  de  l'utilité  dont 
pourrait  être  pour  la  Colonie  une  réunion  de  colons ,  ayant  un  véritable  amour- 
peur  elle  ,  &  s'entretenant  de  ce  qui  pouvait  être  capable  de  hâter  fes  progrès  8c 
de  la  porter  à  fon   plus  haut   degré  de  fplendeur.   Sans  trop   avoir   calculé , 
la  poflîbilité  du  plan  ,  on  en  fit  un ,  on  appela,  fix  autres  perfonnes  ,  on  s'éleftrifâ: 
réciproquement  ,  &  dans  ce  petit. comité  ,  l'on  créa  le   Cercle  des  Pbiladelphes  ,. 
nom   qui  rappelle  à  des   hommes  confacrés  au   bonheur  commun,  que  l'amouE 
fraternel  doit  être  leur  premier  fentiment. 

Ce  fut  le  15  Août  i7S4,queles  fondateurs  du  Cercle  arrêtèrent  leur  plan; 
qu'ils  foumirent  aux  chefs  de  la  Colonie.  Ceux-ci  fentirent  que  des  obfervations; 
fur  l'hifloire  natarellc  ,  fur  l'agriculture  8c  fur  les  objets  qui  intérefTent  l'humanité 
fouftrante  au  moral  ou  au  phyfique ,  devaient  être  précieufes  dans  une  Colonie 
comme  celle  de  Saint-Domingue  i  le  Cercle  fut  donc  avoué  le  30  Septembre- 
fuivant.  Auffitôt  parût  un  profpcftus  où  l'on  fît  fartout  fcntir  l'avantage  indicible: 
du  travail  de  perfonnes  qui  s'occuperaient  de  matières  coloniales  dans  les  Colonies 
mêmes  ;  on  y  appelait  tous  ceux  que  leurs  talens  ou  leur  zèle  rendaient  propres 
à  féconder  un  a^ifTi  eftimable  deffein.  Quelques-uns  de  ces  hommes  qui  croyent 
que  toutefl  apathique  ou  égoïfle  comme  eux ,  regardèrent  l'heureufe  infpiration- 
de  cette  Société  comme  un  rêve  ;  mais  d'autres  êtres  qui  n'attendaient  que   ce. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      345 

/jgnal ,  vinrent  unir  leurs  vœux  &  leurs  réfolutions  à  celles  de  Tes  fondateurs.  Les 
ftatuts  furent  imprimés  ,  &  le  n  Mai  1785,  une  féance  publique ,  en  donnant 
un  fpcdacle  nouveau  pour  Saint-Domingue ,  montra  aux  colons  que  l'entreprife 
n'était  pas  vaine. 

.     M,  Arthaud,  préfident  du  Cercle,  y  expofa  la  fimplicité  de  fon  origine  ,  & 
prenant  une  noble  confiance  dans  ce  qu'elle  avait  de  pur  &  d'eftimable  ,  il  fit 
concevoir  que  cette  humble  fource  pourrait  être  un  jour  un  fleuve  majeftueux.  Il 
répondit   à   cette  miférable    maxime    inventée  par    l'intérêt  perfonnel   &    qui 
fait  croire  à  tant  de  colons  que  le  goût  de  ce  qui  n'eft  pas  lucratif,  ne  peut  être 
folidement  établi  far  ce  fol  brûlant.  Parlant  enfuite  de  ce  qui  lui  eft  le  plus  familier, 
M.  Arthaud  fit  voir  combien  la  communication  entre  les  hommes   confacrés  aux 
différentes  pardes  de  l'art  de  guérir  eft  importante  ,  &  il  montra  combien  leur  * 
aflbciation  au  Cercle  était  commandée  par  l'humanité.  Le  public   applaudit  aux 
efix>rts  déjà  faits  &  il  encouragea  ,  par  cela  même  ,  tous  ceux  dont  il  doit  être  & 
l'objet  &  le  juge  dans  l'avenir  ;  les  habitans  du  Cap  ,  furtout ,  entendirent  avec 
plaifirdans  la  même  féance  ,  une  defcription  médico-topographique  de  leur  ville 
où  M.  Arthaud  la  confidère  fous  le  point  de  vue  des  maladies  qu'on  y  obferve. 
Mais  ce  qui  fut  bien  fenti  &  qui  honora  les  premier?  effais  du  Cercle  ,  ce  fut 
l'éloge   de  Larnage  &  de  Maillart  ,  fait  par  M.   Baudry   Deflozières.  En  effet , 
il  était  bien  glorieux  pour  cette  Société ,  d'acquiter  dès  fes  premiers  inftans ,  une 
dette  de  toute  la  Colonie  &  de  donner  ce  bel  exemple  de  k  reconnaiffance 
.publique. 

Le  Cercle  voulant  encore  le  donner  des  coopérateurs ,  par-tout  où  l'amour  dft 
bien  eft  capable  d'exciter  ,  publia  un  programme  ,  le  miême  jour  1 1  Mai  178  4 
offrit  .des  prix  pour  obtenir  des  mémoires  fbr  des  objets  intéreffans  &  annonça 
.celui  de  1650  livres  dont  la  bienfaifance  de  M.  François  de  Neufchateau,  alors 
procureur-général  du  Confeil  du  Cap  ,  l'avait  rendu  dépofitaire  ,  pour  être 
donné  au  meilleur  ouvrage  fur  la  manière  de  fabriquer  un  papier  à  l'abri  des 
îavages  des  infeftes  qui ,  dans  les  Colonies ,  font  difparaître  rapidement  &  les 
livres  &  les  manufcrits.  Le  programme  propofa,  en  outre  ,  pour  fujet  d'un  prix 
l'éloge  des  fondateurs  des  deux  maifons  de  Providence  du  Cap. 

Ce  qu'on  ne  pouvait  affez  louer ,  c'était  le  zèle  infatigable  des  premiers 
membres  du  Cercle ,  zèle  qui  exigeait  d'eux  des  facrifices  pécuniaires.  lis 
Firent  un  local  pour  des  effais  de  culture  de  cochenille.  Bientôt ,  les  AdminUlri^ 


Ll 


350      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

teurs  oui  fuccefiivement ,  &  à  l'envi ,  avalent  montré  une  affection  bienfaifantc 
pour  le  Cercle,  lui  accordèrent  la  conceffion  d'un  terrain  pour  un  jardin  de 
botanique  j  mais  ce  terrain  ,  établi  à  grand  frais ,  fut  réclamé  par  un  propriétaire 
ignoré  jufques-là,  &  dont  k  Cercle 'fut  réduit  à  n'être  que  le  fermier. 

Enfin  le  29  Décembre  1786  ,  le  Miniftre  écrivit  aux  Adminiftrateurs  que  le 
roi  accordait  au  Cercle  une  autorifation  provifoire ,  &  les  termes  feuls  de  cette 
lettre  font  un  éloge.  La  Société  eft  redevable  de  ce  premier  afte  de  la  puiffance 
publique  qui  confolida  fon  établifferaent ,  à  M.  de  Vaivre  ,  ancien  intendant  de 
la  Colonie  &  chargé  de'  l'intendance  des  Colonies  ,  à  Verfailles ,  qui  partageant 
l'intérêt  qu'un  des  membres  les  plus  attachés  au  Cercle  ,  mettait  à  de  preffantes 
foUicitations ,  les  fit  accueillir  du  Miniftre  avec  une  véritable  bienfaifance.  Ce 
préfage  heureux  d'une  proteftion  encore  plus  utile  à  l'avenir ,  eut  fon  premier 
accompUiïcment  ,  lorfqu'au  mois  dAvril  1788,  M.  de  Marbois ,  intendant, 
décida  que  déformais  le  Cercle  recevrait  annuellement  3,000  livres,  pour  aider  à 
fes  dépenfes  qui ,  à  la  fin  de  17 87  ,  s'élevaient  déjà  ,  en  totalité  ,  à  40,000  livres. 
M.  de  la  Luzerne  qui  avait  paiTé  du  généralat  de  Saint-Domingue  au  miniilère 
de  la  Marine  &  des  Colonies ,  &  qui  avait  été  témoin  oculaire  du  défir  permanent 
du  Cercle  ,  d'ê:re  utile  ,  approuva  ce  lage  emploi  d'une  petite  partie  des  fonds 

publics. 

Mais  Tannée  aéluelle  (  1789  )  ,  devait  être  à  jamais  mémorable  pour  le  Cercle, 
Il  a  obtenu  ,  le  1 7  Mai ,  les  lettres-patentes  i]ui  le  confirment  fous  le  titre  de 
Sodéié  royale  des  Sciences  iâ  Arts  du  Cap-Françats.  Jamais  auflî  circonftances 
ne  furent  plus  favorables  M.  Barré  de  Saint  -  Venant  qui  avait  pré- 
fidé  le  Cercle ,  fe  trouvait  à  Paris ,  &  à  fes  inftances  s'unifiaient  celles  de  deux 
autres  membres,  M.  du  Pujet,  inftituteur  de  M.  le  Dauphin ,  &  l'auteur  ;  nous 
avions  à  folliciter  un  Miniftre,  convaincu  de  l'utilité  de  ce  que  nous  lui  recomman- 
dions ;  M.  de  Vaivre  était  un  nouvel  organe  qui  répétait  la  prière  ,  les  Adminif- 
trateurs de  la  Colonie  avaient  appuyé  le  vœu  du  Cercle  ,  le  fuccès  fut  donc 
complet.  Au  même  inftant ,  l'Académie  des  Sciences  de  Paris  a  ajouté  un  fieuroa 
à  la  couronne  du  Cercle ,  en  arrêtant  qu'elle  enverrait  à  la  Société  un  exemplaire 
de  fes  Mémoires ,  des  volumes  des  Savans  étrangers  &  de  la  Connaiffance  des 
îems,  &  que  chacun  des  quarante  membres  réfidans  de  la  Société ,  venant  à  Pans 
aura  la  liberté  d'affifter  aux  féances  particulières  de  l'Académie ,  pendant  une 
anaée.  M-  Barré  de  Saint-Venant  eft  celui  à  qui  la  Société  eft  redevable  de  cette 


L< 


~S^^ 


rRANÇAISE    DE    S  A  ÎN  T  -  D  O  M  I  N  G  UE.      351 

glorieufe  marque  d'eflimc.  Quant  à  moi  j'ai  été  afTez  heureux  pour  faire  adopter 
au  Mufée  de  Paris  &  à  ceux  de  Bordeaux  &  de  Touloufe  &  à  la  Société  d'Ao-ri- 
culture  de  Paris,  une  correfpondance  avec  la  Société. 

Elle  eil  compofée  de  douze  honoraires  &  de  quarante  affociés  réfidans  , 
c'efl-à-dire  5  à  portée  de  fe  rendre  aux  afîèmbléesj  ceux-là  feuls  dirio-ent  les 
travaux  de  la  fociété.  îl  y  a  en  outre  un  nombre  illimité  d'affociés  3  pris  dans 
rifle  j  ou  dans  les  autres  Colonies  i  d'aflTociés  nationaux  ou  autres  ,  choi- 
fis  dans  le  royaume  &  dans  les  pays  étrangers,  &  enfin  de  correfpondans 
régnicoles  &  non-régnicoles.  Il  suffit  de  jetter  les  yeux  fur  le  tableau  de  la  So- 
ciété ,  imprimé  chaque  année  dans  l'aimanach  du  Cap,^  pour  être  convaincu  que 
des  favans  diftingués  ont  défiré  de  lui  appartenir. 

La  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap  ar  un  Préfidcnt,  un  Vice-Préfi- 
dent,  un  Secrétaire  perpétuel,  un  Tréforier,  un  Bibliothécaire  ,  un  Garde" 
du  cabinet  de  phyfique  &  d'hlftoire  naturelle  &  un  Direéteur  du  jardin  des 
plantes.  Le  roi  lui- a  accordé ,  par  fes  lettres-patentes,  une  fomme  annuelle 
de  10,000  Hvres  ,  pour  fes  de'penfes,  dont  ï,ooo^  livres  font  affeélées  à  un  prix- 
deftiné  au  meilleur  mémoire  ,  fur  une  queftion  d'utilité  publique  >  que  la 
Société  aura  indiquée.  Elle  s'aflembîe  une  fois  par  femaine.  Elle  eft  exaéle  à 
donner  fa  féance  publique  obligatoire  du  15  Août ,  jour  de  fon  anniverfaire , 
&  le  public  voit  chaque  année  de  nouvCAUx  progrès.  Li  Société  a  Tur  fes  jettons 
Se  fur  fon  cachet ,  une  ruche  d'abeilles  placée  fur  un  tertre ,  furmontée  d'un^ 
foleil  rayonnant  avec  cette  légende,  Sub  foie  lahor ,  &  pour  exergue  :  iS'^Jf^/^/^ 
Royale  des  Sciences   àf  Arts  du  Cap  Français    1784, 

Parmi  les  ouvrages  publiés  par  le  Cercle  jufqu'à  préfent ,  on  diftingue  kg; 
Recherches  fur  les  Épizoodes  de  la  Colonie  ,  un  mémoire  fur  k  Tétanos  ,  & 
fe  premier  volume  de  fes  Mémoires ,  oij  il  y  a  entr' autres  chofes  ,  des  ob- 
fervations  précieufes  fur  les  eaux  minérales.  Une  réflexion  bien  fimpîe  fe 
préfente  à  l'efprit,  lorfqu'on  penfe  a  la  formation  prefque  fortuite  de  cette  Société, 
c'efl:  que  fans  elle,  les  ouvrages  qu'elle  amis  au  jour,  &  parmi  lefquels  j'oubliais 
celui  de  M.  Thierry  de  Menonville  ,  fur  la  culture  de  la  Cochenille,  dont- 
la  Société  a  été  l'éditeur ,  n'auraient  vraifembîablement  jamais  exiflié  ;  c'eft  que 
fans  elle  des  matériaux  intérefl"ans  &  nombreux  ne  feraient  pas  réunis  dans 
un  dépôt,  oij  i'udhté  publique  faura  puifer,  &  que  de  coûteufts  &  pénibles^ 
expériences  n'auraient  point  été- faites  j  c'cft  que  fans  elle  beaucoup  de  Golonsi 


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35a      DESCRIPTION    DE      LA     PARTIE 

auraient  à  peiae  foupçonné  en  eux  des  talens  .  que  l'éraulation  y  excite  & 
que  refpoir  de  feryir  le  bonheur  commun  encourage  ;  c'eft  que  fans  elle  on 
ne  verrait  ni  les  commencemens  d'une  nombreufe  bibliothèque,  qui  eft  dû  , 
furtout  aux  dons  de  MM.  Arthaud  &  Baudry  Deflozicres,  aux  legs  de  M. 
le  Gras  &  le  Febvre  Deshayes ,  &  enfin  aux  acquifitions  faites  aux  dépens  des 
membres  ,  ni  les  commenreniens  d'un  cabinet  où  l'on  remarque  entre  plufieurs 
chofes  curieufes,  mais  avec  attendriflem.ent ,  la  tête  d'un  ancien  habitant  de 
l'Ifle  ,  d'un  de  ces  malheureux  ,  dont  la  race  exiflerait  encore  ,  fi  les  premiers 
conquérans  avaient  eu  le  goût  paifible  de  l'étude  &  l'ame  des  Philadelphesi 
c'efi:  que  fans  elle  enfin  ,  des  hommes  laborieux  ,  découragés  par  leur  ifoie- 
ment ,  par  l'infouciance  qui  les  environnait  autrefois  ,  feraient  morts  prefquc 
inutiles  pour  un  pays  que  leurs  recherches  éclairent,  que  leurs  travaux  font 
mieux  connaître  &  que  leur  exemple  apprend  à  aimer,  comm.e  une  patrie 
réelle.  Heureufe  affociation,  puifîes-tu  durer  autant  que  le  Nouveau  Monde, 
&  ma  faible  plume  fervir  à  conferver  à  tes  courageux  &  généreux  fondateurs , 
le  tribut   de  reconnaiffance  qui  leur   eft  dû  !    (  *  ) 

A  l'angle  Sud-Oueft  des  rues  Royale  &  Sainte-Marie  j  eft  la  malfon  qui, 
depuis  que  celle  des  Jéfuites  n'eft  plus  la  réfidence  des  miffionnaires ,  ferc 
de  logement  au  Préfet  apoftolique  de  la  miflion  de  la  Partie  du  Nord,  en 
même-tems  curé  de  la  ville  du  Cap  ,  &  aux  autres  religieux  par  lefquels  il 
eft  aidé  dans  la  deflerte  de  la  paroifîè.  C'eft  encore  la  maifon  oij  s'arrêtent 
les  religieux  envoyés  de  France  ,  jufqu'à  ce  que  le  Préfet  leur  donne  des 
cures  ;  &  tous  les  curés  qui  viennent  au  Cap  ,  fe  rendent  à  la  maifon  de  U 
préfefture  ,  comme  la   feule  qu'il   foit  décent  pour  eux  d'habiter. 

Jufqu'en  1704,  ft  l'on  en  excepte  cependant  quelques  momens  de  difette  où 
l'on  prenait  les  religieux  qui  fe  préfentaienc ,  comme  en  1687  que  les  cures  du 
Haut  &  du  Bas  du  Cap  étaient  confiées  au  foin  de  deux  carmes  ,  les  cures  de  la 
Partie  du  Nord  ont  été  deffervies  par  les  capucins  de  la  province  de  Norman- 
die ,  province  que  les  premiers  habitans  français  des  Antilles  devaient  naturel- 
lement préférer,  puifqu'elle  était  la  patrie  du  plus  grand  nom.bre  d'entr'eux.  Sur 


% 


(*)  Ces  fondateurs  font,  MM.  Artliaud,  médecin;  Dabourg  botanifte;  Baudry  Deflozières, 
avocat;  Aavray  ,  habitant;  Cofme  d'Angerville,  chirurgien  du  roi }  Poulet,  négociant;  Peyré  j 
médecin;   Roulin  &  Coure  ,  chirurgiens, 


4. 


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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     353 

feur  refus  de  continuer  à  fournir  des  fujets  ,  les  Jéfuites  ont  eu  cette  miffion 
dont  ils  ont  été  chargés  par  lettres-patentes  du  mois  d'Oftobre  de  la  même 
année  ,  jufqu'à  l'expulfion  de  leur  ordre  de  la  Colonie.  En  1764,  on  vit  arriver 
l'abbé  de  la  Roque ,  en  qualité  de  préfet  apoftolique ,  &  les  cures  furent 
deflervies  par  quelques  eccléfiaftiques  &  par  des  religieux  de  différens  ordres , 
jufqu'au  9  Odobre  1768  ,  que  le  père  Colomban  ,  capucin  préfet,  arriva  avec 
plufieurs  de   fes  confrères  &  prit  poffeffion  de  la  miffion  du  Nord. 

En  allant  plus  au  Sud  dans  la  rue  Royale  ,  après  le  logement  des  capucins 
&  à  l'angle  Nord-Eft  de  cette  rue  &  de  celle  Notre  Dame ,  eft  l'imprimerie  , 
logée  dans  cette  maifon  depuis  1779.  L'un  des  premiers  befoins  qui  fe  faffe 
fentir  lorfqu'une  fociété  devient  un  peu  confidérable  ,  c'efb  celui  d'un 
établilTement  deftiné  à  faciliter  la  connaiflance  de  ce  qui  peut  intéreffer  chacun  de 
fes  membres  &  qui  afîure  la  confervation  de  certains  aéles  de  l'autorité  publique 
en  les  multipliant;  ce  befoin  ,  la  Colonie  françaife  de  Saint-Domingue  l'avait 
éprouvé  dès  le  commencement  du  fiècle.  Un  pays  d'une  vaftc  étendue  ayant 
deux  Cours  fouveraines  &  plufieurs  tribunaux  inférieurs  ,  devait  défirer  une 
imprimerie;  le  gouvernement  en  fut  convaincu,  Se  le  10  Avril  1723,  M 
Jofeph  Payen  ,  ci-devant  libraire  à  Metz  ,  obtint  des  lettres-patentes  qui  le 
nommèrent  imprimeur  &  libraire  du  roi  dans  la  Colonie ,  avec  un  privilège 
exclufif,  Payen  débarqua  au  mois  de  Juin  1724  au  Cap;  M.  de  la  Rochalard, 
gouverneur-général ,  induit  de  fa  nomination  ,  en  parut  allarmé.  On  accufa 
le  libraire  d'avoir  vendu  des  livres  obfcènes ,  &  le  gouverneur  le  fit  cmprifonner 
au  Petit-Goave. 

Malgré  les  frayeurs  que  lui  infpiraient  fans  doute  les  mouvemens  féditieux 
dont  la  Colonie  était  à  peine  remife,  &  qu'il  craignait  de  voir  reproduire  par  une 
imprimerie ,  il  permit  à  Payen  d'établir  la  fienne.  Celui-ci  préfenta  fes  lettres- 
patentes  au  Confeil  du  Petit-Goave  au  mois  de  Décembre  1725,  pour  y  être 
reçu  ,  comme  elles  le  prefcrivaient.  Mais  M.  de  la  Rochalard  les  lui  jeta  en 
difant  qu'elles  ne  pouvaient  pas  y  être  cnrégiftrées  puifqu'elles  ne  lui  avaient  pas 
été  adreffées.  Payen  s'établit  à  Léogane  &  fit  paraître  ,  au  commencement  de 
Î725 ,  un  cahier  contenant  l'édit  du  mois  de  Mars  1685  ,  connu  fous  le  nom  de 
Code  Noir;  celui  du  mois  d'Août  1685  qui  a  établi  le  Confeil  du  Petit-Goave, 
(  devenu  celui  du  Port-au-Prince  ),  &  les  quatre  Sénéchauflëes  du  Petit-Goave 
de  Léogane,  du  Cap  &  du  Port-dc-Paix;  l'édic  du  mois  d'Oclobre  17 16  fur 


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Tome  I, 


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354       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

les  nègres  amenés  en  France,  &  il  termina  ce  cahier  par  les  lettres-patentes  qui 
Je  nommaient  imprimeur-libraire.  Cette  pièce  ,  la  première  qui  foit  Ibrtie  d'une 
preffe  françaife  à  Saint-Domingue  ,  avait  un  titre  où  on  lifait ,  au-defîbus  de 
de  rindication  des  édits  :  Nouvelle  édition ,  corrigée  iâ  augmentée  d'addition  ,  par 
M.  Gabet ,  ccnfeiller  du  roi  -,  &  au  bas  de  la  page  ,  Par  ordre  ^de  Monjeigneiir  le 
Chevalier  de  la  Kochalard.  Celui-ci  ,  toujours  ombrageux  ,  trouva  mauvais  & 
l'impreflîon  des  lettres-patentes  d'imprimeur  £c  celle  d'une  approbation  qu'if 
n'avait  point  donnée  ;  de  là  un  fécond  emprilonnement ,  au  fortir  duquel  Payen 
crut  qu'il  ferait  plus  fagemenr  de  repalTer  en  France  que  de  lutter  contre  ce 
defpote ,  qui  voulut  bien  donner  pour  excufe  au  Miniftre  ,  que  le  privilège 
exclùfif  de  l'imprimeur  pouvait  caufer  du  trouble,  &  que  plufieurs  perfonnes 
vivaient  du  métier  de  copiftes.  Cependant  un  ouvrier  de  Payen  imprima  quelques 
fatums  pendant  que  celui-ci  était  en  France.  L'ouvrier  mourut ,  &  lorfque 
Payen  revint,  ii  trouva  les  matériaux  de  fon  imprimerie  entre  les  mains  du 
curateur  aux  fucceffions  vacantes,  de  q\n  il  les  reçut,  fans  que  j'aie  trouvé  la 
moindr-e  trace  de  ce  qu'il  en  a  fait  depuis. 

Larnage  &  Maillart  qui  favaient  bien  comment  on  ôte  aux  hommes  jufqu'à 
l'idée  de  la  révolte,  follicitèrent ,  le  14  Mai  1742,  deux  imprimeries,  l'une  pour 
Léogane  ,  l'autre  pour  le  Cap."  Sans  imprimerie ,  difaient-ils ,  les  loix  ne  peuvent 
„  être  connues  &  les  Adminiftrateurs  ignorent  eux-mêmes  leur  devoir.  La 
„  perception  des  impôts  exige  des  états ,  des  quittances ,  &  la  multiplicité  dea 
j,  écritures  eft  longue  ,  coûteufe  &  faudve  ;  enfin  les  plaideurs  n'ont  pas  la 
„  faculté  d'éclairer  leurs  juges,  &  les  Adminiftrateurs  avec  un  grand  nombre 
„  de  fecrétaires  ,  font  toujours  furchargés  de  travail,  parce  qu'une  foule  de 
,,  pièces  de  pur  ftyle  ne  peuvent  être  imprimées  d'avance  pour  être  remplies  à 
„  Foccafion  „.  Le  Miniftre  répondit,  le  17  Septembre  1742,  de  choifir  des 
imprimeurs ,  auxquels  il  enverrait  des  brevets.  On  n^avait  pas  réfléchi  à  Verfaillea- 
que  les  matériaux  d'imprimerie  ne  pouvaient  venir  que  de  France  -,  le  tems  fe 
paftà  en  explications,  la  guerre  furvint  en  1744,  la  mort  de  M.  de  Larnao-e 
en  1746,  &  la  Colonie  n'eut  pas  d'imprimerie. 

En  176 1,  la  chambre  d'Agriculture  du  Cap,  qui  ignorair  ce  qui  s'était 
palïe  avant  fon  exiftence ,  follicka  vivement  pour  avoir  une  imprimerie  au 
Cap.  Les  Adminiftrateurs  appuyèrent  fon  vœu,  &  le  31  Décembre  1762, 
M.  Antoine  Marie  ,  imprimeur  à   Nantes  3   obtint  du  roi  le   brevet  d'iœpri- 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      .-j^i 

meur-Iibraire,   mais  exclufif  pour  toute  la  Colonie,  brevet  qui  le  foumettaic 
à  là  cenfure    &  à  la  furveillance  de  l'intendant,  dans   ces  deux  fondions. 

M  Marie ,  à  qui  le  miniftre  avait  laiffé  le  choix  du  lieu  de  fa  réfidencc  » 
arriva  au  Cap ,  au  mois  de  Décembre  1763,  &  s'y  fixa.  La  joie  des  Colons 
de  cette  Partie  fut  très  -  vive ,  &  à  l'inftant  même  fut  créée  la  première 
gazette  de  Saint-Domingue  ,   dont  je  renvoie  les  détails  à  un  autre  endroit. 

MM.  d'Eftaing  &  Magon  jugeant  à  propos  d'avoir  une  imprimerie  au  Port- 
au-Prince,  ils  en  donnèrent  le  privilège,  au  commencement  de  1765,  à  M. 
Duchefne.  M.  Marie  s'en  plaignit,  &  le  17  Mai  1765,  il  fut  maintenu  dans 
fon  privilège  exclufif,  par  le  miniftre  ,  à  condition  d'avoir  une  imprimerie 
au  Port-au-Prince,  comme  au  Cap.  Voilà  donc  deux  imprimeries  dans  h 
Colonie. 

Après  la  mort  de  M.  Marie  ,  fa  fille  eut  fon  intérim  ;  elle  dirigea  l'éta- 
bliiTement  du  Cap  ,  &  MM.  Thomin  &  le  Blanc  celui  du  Port-au-Prince, 
jufqu'à  l'arrivée  de  M.  Guillot ,  pourvu  le  28  Septembre  1768,  comme  fon 
prédécefleur,  d'un  brevet  exclufif,  mais  pour  dix  ans  feulement.  Lors  du 
défaftre  du  Port-au-Prince,  arrivé  le  3  Juin  1770,  tous  les  uftenfiles  de 
l'imprimerie  ayant  été  détruits,  l'imprimeur  eut  ordre  d'y  faire  pafTer  ceux 
du  Cap  ,  ce  qui  cK:cafionna  pendant  quelque  tems  une  fufpenfion  de  travaux 
typographiques  dans  cette  dernière   ville. 

M.  Bourdon  fuccéda  à  M.  Guillot,  par  un  brevet  du  14  Avril  1774,  mais 
non  exclufif  II  eut  auffi  une  imprimerie  dans  chacune  des  deux  villes.  Le 
29  Mai  1775  ,  M.  Dufour  de  Rians  obtint  un  brevet  avec  le  privilè.cre  ex- 
clufif, pour  le  reffort  du  Confeil  du  Cap  ,  pendant  huit  ans  ,  &  l'on  greva 
la  place  d'une  penfion  de  3,000  livres,  en  faveur  de  M.  Donnet ,  pour  la 
aon-jouiffance   de  M.   Guillot ,  fon  beau   frère. 

Une  ordonnance  provifoire  des  Adminiftrateurs  ,  du  26  Juin  1783,  pro- 
rogea pour  quinze  ans  le  privilège  de  M.  Dufour  de  Rians  ,  d'apre's  une 
autorifation  du  miniftre ,  ce  que  confirma  un  bervet  du  roi  du  premier  Juillet 
fuivant.  La  penfion  fut  fupprimée  ,  mais  on  lui  en  fubftitua  une  de  la  même 
fomm.e  ,  en  faveur  des  D'^".  Cafamajor,  dont  avait  été  chargée  pendant  long- 
tems  la  place  de  fénéchal  du  Fort-Dauphin,  comme  fi  le  jufte  dédommagement 
des  travaux  d'un  juge  ,  par  des  honoraires  éventuels  ,  était  conciliable  avec 
l'idée  d'une  penfion,  pour  les  filles  d'un  médecin  ,  entre  lequel  &  la  Colonie  j 
il  n'a  jamais  exifté   de  rapport.  Y  y  2 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

En  1785,  M.  François  de  Neuf-Château,  procureur- général  du  Conferl 
du  Cap  j  foUicitait  le  minifire ,  pour  que  le  Cap  eût  deux  imprimeries ,  en 
appliquant  les  bériéfices  de  la  féconde  aux  maifons  de  Providence.  Les  Ad- 
miniftrateurs  eurent  ordre  d'examiner  ce  plan ,  dont  ils  ne  rendirent  aucun 
compte.  On  fe  plaignait,  &  avec  raifon  ,  de  la  lenteur  des  travaux  de  celle  de 
M.  Dufoiir  qui,  au  moyen  de  fon  privilège  exclufif,  n'avait  point  l'émulation 
que  produit  la  concurrence.  On  fe  plaignait ,  &  plus  amèrement  encore , 
que  .les  ouvrages  d'imprimerie  ne  fuffent  pas  taxés  ,  quoique  le  miniftre  ,  qui 
avait  fenti  que  le  privilège  exclufif  produirait  le  monopole ,  eût  prefcrit ,  dès 
le    19   Janvier  1763   à  l'intendant ,  de  foumettre   l'imprimeur  à  un  tarif. 

J'avoue  que  perfonnellement  frappé  de  l'abus  en  ce  genre  ,  je  déterminai 
le  miniftre  à  adopter  ce  que  les  Admiiniftrateurs  lui  écrivaient  le  27  Août 
1786  ,  de  prendre  de  la  Chambre  fyndicale  de  Paris  des  renfeignemens ,  qui 
puffent  fervir  d'approximation  dans  la  Colonie.  On  a  d'ailleurs  confuké  fut  le 
lieu  même,  des  perfonnes  inftruites  ,  mais  étrangères  aux  imprimeries  exilantes, 
&  d'autres  que  ces  imprimeries  intérefîaient  ;  avec  ces  matériaux  &  des  états 
donnés  par  les  imprimeurs  de  la  Guadeloupe  &  de  la  Martinique  ,  on  a  inféré 
dans  le  tarif  du  10  Novembre  1787  ,  très  -  reprochable  à  plufieurs  égards, 
le  chapitre   des  imprimeurs. 

A  cet  hiftorique  des  imprimeurs  de  Saint-Domingue  ,  je  n'ai  plus  à  ajou- 
ter que  l'établifTement  d'une  troif.ème  imprimerie,  qui  eft  la  féconde  du 
Port-au-Prince,  fait  par  les  Adminiftrateurs  au  mois  de  Février  1788.. 
Elle  appartient  à  M.  Mozard  ,  à  qui  je  rends  cette  juftice  ,  que  ce  qui  en 
fort  eft  exempt  des  fautes  typographiques,  dont  fourmillent  les  deux  autres, 
comme  j'ai  eu,  plus  qu'aucun  autre,  occafion  de  le  vérifier  dans  ce  que  j'ai 
recueilli  d'imprimés    coloniaux  depuis  quatorze  ans. 

Mais  je  voudrais  ,  pour  que  cet  art  rendît  des  fervices  encore  plus  im- 
portans  ,  q^ae  chaque  imprimieur  fût  tenu  de  remettre  à  l'officier  d'adminiftration 
du  lieu  de  fa  réfidence  ,  trois  exemplaires  de  ce  qu'il  imprime  à  titre  d'ouvrage  , 
&  qui  feraient  envoyés  au  m.iniftre  de  la  m.arine  ;  un  ferait  mis  au  dé^ôt 
des  archives  des  Colonies  ,  un  autre  à  la  bibliothèque  du  roi,  &  le  troifième 
confervé  dans  les  bureaux  des  Colonies  pour  y  recourir  habituellement,  ilvec 
cette  précaution  que  j'ai  fait  adopter  pour  les  gazettes  feulement,  en  1786, 
le   miniftre  ne   ferait  pas  privé  d'utiles  reafeignemens,  confignés  principaîemem 


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FRANÇAISE   DE   SAINT-DOMINGUE.        ^57 
dans  les  ouvrages  périodiques,  &  l'on  ne  ferait  pas  expofé  à  regarder  toujons 
comme  nouvelles ,  des   demandes  reproduites  à  plufieurs    époques  fucceffives 
ainfi  que  le  prouve,    entre  mille  autres  exemples,   ce   que  j'ai  rapporté  fur 
i  imprimerie    elle-même. 

Au-deffus  de  la  rue  Royale  eft  celle  Saint  -  Louis.  Elle  eft  fer  née  à  fon 
bout  Nord  ,  près  de  la  ravine  ,  parce  que  dans  c'e  point  le  coté  Nord  de 
la  rue  Traverfière,  va  s'unir  au  côté  Oueft  de  la  rue  Saint-Louis.  Elle  eft 
une  de   celle   qui  confervent   le    même   nom  dans    toute   leur  longueur 

La  rue  des  Marmoufets  qui  lui  eft  parallèle  ,  n'a  ce  nom  que  depuis  la 
ravine  au  Nord,  jufqu'à  la  rue  Sainte-Marie.  Cette  rue  des  Marmoufets  n'a 
que  24  pieds  de  large,  au  lieu  que  celle  Efpagnole  où  elle  ouvre,  en  a  48 
Leur  coté  Eft  n'eft  même  pas  parfaitement  aligné  l'un  fur  l'autre  ,  car  le  côté 
de  la  rue  Eipagnole  avance  de  plus  de  16  pieds  dans  l'Oueft,  par  rapporta 
celle  des   Marmoufets,  f        ^t      '>- 

C'eft  entre  les  rues  Saint-Louis  &  Efpagnole,  &  celles  de  Notre-Dame 
&  Saint-  François- Xavier,  qu'eft  l'îlet  formant  la  place  Montarcher  qui 
aconféquemment  120  pieds  en  carré.  Mais  avant  de  la  décrire  ,  il  faut  confi- 
dérer  l'état  antérieur  de  cette  partie  de  la  ville. 

En  1739,  lesjéfuites  avaient  dans  leur  enclos  l'îlet  de  la  place  Montarcher 
celui  qui  eft  au  Nord  ,  &  où  eft  la  comédie  aftuelle  ,  &  en  outre  les  deux 
îlets  qui  correfpondent  à  ceux-là  dans  l'Eft.  Cet  enclos  defccndaic  donc  juf- 
qu'à la  rue  Royale,  qui  était  alors  la  rue  Saint-Félix.  La  rue  Saint-Louis 
qui  s'appelait  la  rue  du  Cimetière  ,  était  interrompue  par  cet  enclos  ,  ainfi  que 
la  rue  Eipagnole  qui,  dans  la  Partie  Nord  de  l'enclos,  s'appelait  la  rue 
Traverfe. 

Les   quatre  îlets  pris  par  les    Jéfuites ,  avaient  été    concédés,    favoir  •    les 
deux  plus  à  l'Oueft,  le  8  Mars   1710,  au  fupérieur   général  des  miffions'de  la 
con.pagnie  ce  Jéfus,  pour  fervir  à  y  édifier  la  maifon  principale  deftinée  aux 
miffionnaires,  &  les  deux  inférieurement  placés,  le   10  du  même   mois     à  h 
paroiiTe  du  Cap,  qui  les  deftinait  à  devenir  le  presbytère  des  prêtres  attachés 
a  fa  defferte.     Quoique  les  conceffions    parlent    des  rues,  elles    n'étaient    en 
quelque  forte  qu'indiquées,  &  il  eft  bien  certain  que  les  deux  îlets  les   plus 
Occidentaux,  fe  trouvaient    alors  au-delà  de  toutes   les  maifons    bâties   dans 
cette  partie  de  la  ville.  On  n'y  conftruifit  ni  chef-lieu  de  miffion  ,  ni  oresby^ère  , 


35S  DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

les  Jéfuites  j  comme  je  l'ai  dit,  les  englobèrent  dans  leur  enceinte,  au  moyen 
d'une  haie  vive.  Le  public  réclama  vainement,  en  1713,  Touverture  des  rues, 
comme  l'exigeaient  expreflement  les  conceiïions ,  le  crédit  jéfuitique  l'emporta 
pendant  vingt  ans ,  &  la  paroiffe  réclama  aufTi  infru6lueufemcnt  pour  ravoir 
fon  terrain. 

Enfin  le  miniftre  recommanda  aux  Adminiflrateurs  de  faire  ;  avec  ces  moines 
orgueilleux ,  un  arrangement  qui  mît  fin  aux  réclamations.  On  en  fit  un  en  effet , 
mais  qui  marque  bien  leur  caraftère  &  leur  crédit.  Dans  cet  acle  ,  reçu  par  un 
notaire  le  3  Juillet  1746  ,  on  ftipula  entre  la  paroiffe  &  eux  ,  qu'ils  lui  cédaient 
deux  îlets  ,  concédés  à  la  miffion  ,  à  condition  qu'elle  leur  en  donnerait  deux  à 
perpétuité ,  dans  le  haut  &  à  l'Oueft  de  leur  terrain  &  qu'ils  jouiraient  des  deux 
donnés  à  la  fabrique  pour  un  prelbytère ,  tant  qu'ils  defferviraient  la  paroiffe  j  de 
cette  manière,  on  eut  l'ufage  des  rues.  Lors  de  l'expulfion  des  Jéfuites  ,  la 
paroiffe  a  prit  les  deux  îlets  dont  ils  s'étaient  réfervés  lajouiffance,  &  qui  étaient 
non  pas  précifément  ceux  donnés  à  la  paroiffe  ,  mais  à  la  miffion  ,  parce  qu'ils 
étaient  les  p!u3  voifins  de  leur  enclos.  La  paroiffe  a  difpofé  de  tous  les  quatre 
à  fon  profit. 

La  conceffion  du  10  Mars  1710  ,  obligeait  la  paroiffe  à  payer  ou  à  faire 
tranfporter  dans  un  autre  lieu  ,  deux  magafins  qui  fe  trouvaient  fur  le  terrain 
qu'on  lui  donnait.  Ils  étaient  l'un  &  l'autre  à  l'extrémité  de  la  ville  ,  bornée 
dans  ce  point,  à  la  date  de  la  conceffion,  par  ces  magafins  eux-m,êmes,  l'un 
appartenant  à  M.  Bertaud ,  l'autre  à  M.  Dupavier.  Leur  face  était  fur  la  rue  du 
Canal ,  aujourd'hui  la  rue  Sainte -Marie ,  en  face  de  M.  Fildier  &  de  M'^^-  veuve 
Broffart  ,  c'eft  l'îlet  que  renferment  à  préfent  les  rues  Sainte-Marie  ,  Saint- 
Louis  ,  Notre-Dame  &  Royale.  Quant  au  fécond  îlet,  formant  le  Sud  de 
celui-là ,  il  avait  été  le  premier  cimetière  de  la  ville ,  &  il  était  devenu  vacant 
depuis  qu'on  en  avait  ouvert  un  autre  derrière  l'églife  &  que  j'ai  déjà  décrit.  On 
avait  même  toujours  refufé  d'y  donner  des  conceffions  Se  ce  ne  fut  que  parce  qu'il 
s'agiffait  d'un  prelbytère  que  l'opinion  qui  fe  trouvait  bleffée  ,  par  l'idée  de 
l'occupation  de  ce  terrain  ,  fut  appaifée.  C'était  à  caufe  de  la  fituation  de  ce 
cimetière  que  la  rue  Saint-Louis  portait  le  nom  de  rue  du  Cimetière. 

C'eft  donc  en  face  &  au-deffus  de  cet  ancien  cimetière,  qu'eft  la  place  Mon- 
tarcher.  On  ne  devine  pas  trop  quel  motif  on  a  eu  de  former  cette  place.  Si 
c'était  à  caufe  de  la  comédie ,  on  devait  donc  acquérir  l'emplacement  de  celle-ci, 


I  ■■< 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  355 
ptMfque  le  propriétaire  de  cet  emplacement  peut  lui  donner  une  autre  deftinatloa  - 
fi  c'était  feulement  pour  y  mettre  une  fontaine  ,  on  aurait  pu  la  placer  à  Tua  de.=' 
angles  du  bas  de  l'enclos  du  gouvernement. 

^  Cette  place  qui  porte  le  nom  de  l'intendant  fous  l'adminiftration  duquel  eHe  a 
ete  faite,  eft  fermée  de  traverfes  comme  la  place-d'armes.  Elle  a  quarr- tourni-: 
quets  à  fes  angles  ,  un  rang  d'arbres  fur  les  quatre  faces  &  une  fontaine  au  mvkn 
qui  a  le  même  nom  que  la  place. 

La  fontaine  (  V.  l'Atlas  )  eft  compofée  d'un  piédeftal  en  forme  d'abaque     fa^ 
lequel  s'élèvent  quatre  colonnes  Ioniques  ,  liées  entr'elies  au  tiers  de  leur  fût    p^r 

r  ^u'^".  Zll'  T'^'^^PP'-  ^"'"  ''"'  ^''"^'  ^°"^  ^^"•P^^"  1^^  ^^-^^  de  France", 
&  celles  de  MM.  le  chevalier  de  Vallière  &  de  Montarcher  qui  étaient  Adminif- 
rrateurs  en   .77^ ,  lorlque  la  place  &   la  fontaine  furent  faites.    On  lit  fur  la 
.   face  Nord  &  fur  celle  du  Sud  ,  cette    infcription  répétée  ; 

Anno  Domini  MDCCLXXII. 

Régnante  Lu  dovico  Decimo  Quinto  /  optimè  diledo  , 

Lud.  Floren.  de  Vallière  &  Joan.   Fran.   de  Montarcher. 

Fr^fedis    Régis. 

Cette  fontaine  a  peu  de  grâce  &  une  forte  de  prétention  que  la  petitefle  de  h 
place  rend  très  fenfible. 

MM.  de  Reynaud  &  Le  Brafîeur  avaient  l'intention  de  faire  conftruire  fur 
cette  place,  un  palais  de  juftice,  ce  qui  aurait  laifle  la  maifon  du  gouvernement 
aux  Adminiftrateurs. 

C'eft  fur  l'îlet  qui  borde  la  rue  au  Nord  de  la  place  Montarcher ,  qu'eft  la  falîs 
de  fpeftacle.  Elle  règne  dans  toute  la  longueur  Nord  &  Sud  de  cet  îlet  &  Z 
fon  grand  côté  fur  la  rue  Efpagnole ,  avec  laquelle  elle  finit  à  la  rue  Sainte-Marie 
L'entrée  eft  vers  la  place  Montarcher;  c'eft  celle  d'une  maifon  ordinaire  &  il 
faut  favoir  qu'elle  conduit  à  un  fpedacle  pour  le  foupçonner ,  à  moin*  que  ce  ne 
■ht  à  caufe  des  grands  balcons  extérieurs  qu'on  y  a  mis  en    1784. 

Le  fpeftacle  du  Cap ,  le  plus  ancien  de  la  Colonie  ,  était  encore  dans  la  rue 
Vaudreuil,  en  1764,  Jorfqu'il  devint  un  théâtre  public.  Il  s'ouvrit,  en  payant 
le  13  Oélobre  1764 ,  par  une  repréfentation  du  Mifanthrope  &  des  Trois  Gafcons' 
Peu  après  M.  Chinon  en  prit  la  diredion  &  les  Adminiftrateurs  lui  en  accordèrent 
ie  privilège  excluftf  pour  vingt  ans,  à  condition  qu'il  coippterait  un.  fomme  de      " 
ao>ooo  livres  au  gouyernemcnt.  M.  Chinon  loua  alors  la  maifon  où  fe  trouve 


r'n 


»■> 


i: 


3êo       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

le  rpeftacle  en'  ce  moment.  On  y  joua  pour  la  première  fois ,  le  20  Avril  1766. 
Ta  direction  ruinait  le  diredleur  &  le  rpeftacle  allait  dlfparaîcre,  lorfque  cinquante 
colons  ,  parmi  lefquels  on  remarquait  même  des  habitar.i  dont  la  réfidence  était 
trop  éloignée  du  Cap  ,  pour  qu'ils  euffent  d'autre  motif  que  le  défir  de  conferver 
une  récréation  néceffalre  à  nne  grande  ville  ,  fe  réunirent  &  formèrent  une  afîb- 
ciation  dont  les  claufes  furent  rédigées  par  M.  Grimperel  ,  notaire  ,  le  25  Mars 
1771,  Ils  reçurent  la  renonciation  de  M.  Chinon  à  fon  privilège  &  s'affocièrent 
pour  les  quatorze  ans  qu'ils  devait  durer  encore  ,  &  on  fit  50  actions  de  3,000 
livres  chacune.  Cette  affociation  a  duréjufqu'au  9  Mars  1783  ,  que  M.  Fontaine 
s'eiT:  chargé  du  fpeftacle  qu'il  dirige  encore  aujourd'hui  pour  fon  propre 
compte  (*). 

La  falle  a  120  pieds  de  long  fur  40  de  large.  Elle  eft  divifée  en  trois  parties 
égales  i  la  première  comprend  le  théâtre  &  l'orcheftre  ;  la  féconde  le  parterre  ; 
la  troifième  l'amphithéâtre  &  fes  dégagemens.  On  a  tâché  de  rendre  la  falle  ovale 


(*)  On  ne  fera  peut  être  pas  fàchs  de  troiiver  ici  le  réfuhat  des  comptes  des  douze  années  gérées 
par  les  •eétionnaires. 

La  recette  totale  du  fpeaacle  fut  de             ....  2,494,993  liv.  ,  4  foi.    10  ders^ 

La  dépenfe  totale  de         .         .         t         .         •         •         •  2,829,024           12 


Déficit,       '    .         ,         .         .         .         .         .         .         •  334-.031  12  2 

Surquoi  déduifant  le  montant  des  dons  faits  par   le  gouverne- 
ment,   162,300 

Ce  déficit  n'eft  plus  "que  de         .         .         .         •         •         •  I7i'73i  12  2 

Mais  cette  perte  qui  donne  poui  celle  de  chacune  des  50  aftions  3,434  liv.  12  fol.  2  ders.  13/25 
n'était  pas  abfolae  pour  tous  les  aaionnaires ,  car  ceux  qui, à  ce  titre,  étaient  entrés  gratuitement 
au  fpeftacle  pendant  douze  ans ,  avaient  réellement  gagné  ,  puifque  chaque  ahonnement  annuel 
pour  un  homme  eft  de  360  liv. 

Il  reftait  encore  aux  actionnaires  le  fond  du  magafin  du  fpeftacle ,  qui  fut  abandonné  à  M, 
Fontaine  pour  qu'il  fe  chargeât  de  l'entreprife. 

En  prenant  un  terme  moyen ,  on  voit  que  le  fpeaacle  donnait    alors ,  par   an  ,  207,916  1.  2    f.  d. 

Et  qu'il  dépenfait  .  •  ■  ■  •  235'7S2     i         S- 

Tobferverai  encore  fur  ces  comptes,  que  j'ai  bien  conuns  étant  devenu  aftionnaire ,  que  la 
recette  des  cinq  dernières  années  a  été  iniiniment  plus  confidérable  que  dans  les  fept  autres ,  à 
caufe  des  efcadres  &  des  troupes  nombreufes  françaifes  &  efpagnoles  qui  fe  trouvèrent  au  Cap  i 
diiFérentes  époques ,  &  l'on  ne  hafarderait  rien  de  dire  que],  fans  ces  circonflances  ,  particulières  le 
déficit  aurait  plus  que  doublé. 

fur 


Il  ^-u. 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G-U  E.      361 

fur  fes  derrières  ,  en  les  arrondiflant  par  des  cloifons ,  mais  dans  l'intérieur  elle 
n'eft  qu'un  carré  long.  Au  moyen  d'une  avant-fcène ,  î'aifleur  fe  trouve  plus  près 
des  auditeurs  &  fa  voix  ne  fe  perd  pas  dans  les  coulifTes.  Au  mois  d'Avrit 
1784,  on  a  ajouté  un  troifième  rang  de  loges  aux  deux  formées  en  1766.  Il  y  a 
vingt  loges  au  premier  rang  Se  vingt  &  une  aux  autres ,  à  caufe  de  celle  qui 
répond  à  l'entrée  de  l'amphithéâtre.  Ces  loges  contiennent,  à  l'aife;,  nx  perfonnes  » 
trois  fur  le  devant  &  trois  fur  le  derrière  ,  mais  on  en  entaffe  huit. 

Les  deux  premières  loges  du  premier  rang  vers  le  théâtre  ,  n'en  forment 
qu'une  de  chaque  côté  ;  celle  de  la  droite  eft  pour  le  gouverneur-général ,  ceux 
qu'il  y  invite ,  ou  les  officiers  de  la  garnifon  ;  celle  de  la  gauche  appartient  à 
l'intendant  ,  &  les  officiers  d'adminifcration  s'y  placent,  Un  factionnaire  .o;arde 
l'une  y  &  quelquefois  un  hoqueton  de  l'intendance  l'autre. 

En  avant  de  ces  deux  loges  honorifiques ,  font  deux  balcons  qui  fc  trouvent 
fur  l'avant-fcène  &  qui  ont  fix  places  fur  le  devant.  Après  ces  balcons  ,  fe 
trouve  une  demi-loge  de  chaque  côté  -,  elles   font  fuivies  des  couliffes. 

Des  10  loges  qui  font  le  plus  au  fond  du  troifième  rang,  fept  reçoivent 
les  mulâtrcfTes  Se  trois  les  négreffes.  Il  y  a  le  long  du  parterre  trois  loges 
grillées  de  chaque  côté.  En  arrière  de  l'orcheftre  ,  on  a  pris  fur  le  parterre  de 
quoi  former  un  banc  de  toute  la  largeur;  c'eft  là  que  fe  met  l'état-major  de 
la  place  &;  des  corps  militaires.  Le  fpeélacîe  peut  contenir  1,500  perfonnes.  La 
falle  qui  était  peinte  en  mofaïque  jaune  de  Naples  fur  un  fond  bleu  de  roi 
9.  été  mis  en  1784  en  blanc  cendré  avec  des  panaux  Se  des  filets  bleus  ,  &  l'on 
a  ôté  de  deux  en  deux  loges  les  piliers  de  bois  Se  de  forme  carrée  qui  menaient 
U  vue. 

Peux  fatyres  gigantefques  en  bufte  ,  placés  à  l'avant-fcène  ,  fcmblent  foutenir 
î'édifice.  Au  frontifpice  font  les  armes  de  France.  Le  rideau  peint  en  bleu  a 
quatre  génies  ,  dont  deux  font  les  i)'mboIes  de  la  tragédie  &  de  la  comédie , 
h  les  deux  autres  planant  dans  les  airs,  fouticnnent  la  légende  avec  ces  mots 
«n  lettres  d'or  :  castigat  ridendo  mores.  La  faJle  efl  éclairée  par  les  lam< 
pions  du  théâtre  ,  mais  comme  le  fbnd  était  dans  l'obfcurité  ,  on  a  placé ,  entre 
chaque  rang,  des  bras  portant  des  bougies  ,  donc  la  nuince  blanchâtre  delà 
falle  augmente  l'efïet.  Les  deux  loges  des  Adminiftrateurs  ont  fur  le  devant  un 
tapis  peint  avec  des  attributs  militaires  ou  de  marine. 

pn  entrant  dans  le  fpcaacle ,  où  l'on  arrive  par  quatre  marches  ,  on  a  devant 


:       I 


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^ 


■S^! 


362       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

foi  un  intervalle  au  fond  duquel  eft  le  corps-de-garde  ,  c'eft  le  deflbus  de 
l'amphithéâtre.  Des  deux  côtés  eft  un  efcalier  qui  mène  aux  loges.  A  côté 
de  celui  de  la  gauche  ,  eft  un  paftage  qui  conduit  au  parterre  ,  &  en  face  de  ce 
paftage  un  efcalier  féparé ,  par  lequel  les  gens  de  couleur  fe  rendent  à  leurs 
loges. 

Jufqu'au  15  du  mois  d'Août  1775,  on  n'avait  donné  de  fpeftacle  que  le 
dimanche  &  le  jeudi ,  mais  depuis  lors  on  y  a  ajouté  le  rriardi.  Quand  il  y  a  des 
pièces  au  bénéuce  des  acteurs ,  c'eft  d'ordinaire  le  famedi.  On  joue  les  trois 
jours  gras.  Il  n'y  a  d'autre   vacance  que  celle  de  la  quinzaine  de  Pâques. 

Les  places  des  premières  loges  coûtent  deux  gourdes  ,  celles  des  fécondes 
une  gourde  &:  demie ,  celles  des  troifièmes  &c  du  parterre  une  gourde.  L'abon- 
nement d'un  homarie  pour  l'année  eft  de  360  liv.  ;  celui  d'une  femme  240  liv.  ; 
du  mari  &  de  fa  femme  ,  550.  Un  abonnement  par  mois  depuis  la  rentrée  de 
Pâques  jufqu'au  mois  de  Décembre  vaut  45  liv. ,  &  du  premier  Janvier  à  la 
fin  du  carnaval ,  66.  Si  l'on  ne  veut  s'abonner  qu'aux  fix  derniers  mois  théâ- 
trals  ,  c'eft  200  liv.  pour  un  homme  &  150  pour  une  femme.  Quant  aux  troupes  , 
■ch^aque  bataillon  paye  600  liv.  par  mois.  Il  n'y  a  d'entrée  gratuite  que  celle  de  l'é- 
tat-major  ,  des  fergens  majors  des  régimens  ,  des  officiers  de  police  &  des  ouvriers 
de  l'imprimerie  qu'emiploye  la  comédie. 

Il  y  a  auffi  des  loges  louées  à  l'année  aux  premières  &  aux  fécondes.  Pour 
cela ,  il  faut  que  quatre  dames  fe  réuniffent  &  la  demandent  fi  c'eft  aux  pre- 
mières loges,  &c  ces  quatre  dames  donnent  chacune  100  liv.  outre  leur  abonne- 
ment annuel.  Trois  dames  fuffifent  pour  en  avoir  une  aux  fécondes,  &  elles: 
donnent  100.  liv.  chacune.  Ces  loges  reftent  ferm.ées  &  ne  peuvent  être  données 
qu'à  celles  qui  les  ont  louées,  excepté  au  m.oment  oia  le  rideau  eft  levé.  Les 
locataires  ont  la  préférence  pour  leurs  loges  les  jours  d'abonnement  fiifoendu, 
jufqu'à  deux  heures  de  l'après-midi.  Les  loges  grillées  &  les  loges  appelées 
baignoires  ,  qui  aux  fécondes  &  aux  troifièmes-  répondent  aux  balcons  des 
premières  ,  font  louées  auffi  à  l'année  d'après  des  conventions  particulières  avec 
•le  direfleur. 

Parmi  les  loges  louées  à  l'année  ,  eft  le  balcon  du  côté  droit  ,  qui  était 
toujours  occupé  par  les  memibres  du  Confeil  du  Cap  ,  lorfque  cette  >our  j 
exiftaitj  &  dont  ils  prétendaient  jouir  très  -  exckfivement  ;  on  la  nommait 
même  loge  du  Con,^eil.  L'origine   de  Tufage  particulier  de  cette  loge ,  venait 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       36;^ 

de  ce  que  M..  Fournier  de  la  Chapelle  ,  procureur-général,  fe  tenait  dans  une 
joge  voifine  du  théâtre  où  des  amateurs  chantaient  Se  jouaient  gratuitement» 
De  là  le  procureur-général  fe  mêlait  aux  chœurs,  que  fa  forte  vois  foutenait. 
Par  un  fentiment  qui  prenait  fa  fource  dans  l'eilime  &  la  reconnaiffance  qu'il 
infpirait ,  il  conferva  cette  loge  lorfque  le  Tpeftacle  devint  public  5  des  confeillers 
s'y  placèrent  fucceffivement  jufqu'à  ce  qu'on  ait  imaginé  de  changer  en  titre 
une  limple  tolérance. 

La  police  du  fpedacle  appartient  à  l'état  -  major  ;  c'ell  ce  qu'une  ordonnance 
du  roi ,  du  1 1  Mars  1785 ,  a  encore  confirmé.  Il  y  a  15  grenadiers  ou  chaffeurs 
avec  un  ofRcii^r ,  de  garde.  Cette  garde  eft  payée  quatre  gourdes  par  repréfen- 
tation.  Si  l'on  prend  des  figurans ,  &  ce  font  encore  les  régimens  qui  les 
fourniffent,  on  les  paye  4liv.  10  loi.  par  homme. 

La  comédie  du  Cap  a  ordinairement  ao  aéleurs  ,  8  femmes  &  douze  hommes» 
Il  y  en  a  un  ou  deux  (  &  le  plus  communément  ce  font  des  femmes  )  ,  qui  font 
payés  12,000  liv. ,  les  autres  ont  depuis  trois  jufqu'à  8,000  liv,   d'appointemens. 

Le  fpeétacle  cft  très  -  couru  ,  malgré  l'extrême  chaleur  qu'on  y  reffent  ;,  &  qui 
eft  produite  ,  d'abord  par  le  climat ,  &  encore  parce  que  la  falle  eft  entourée  de 
bâtimens  qui  la  couvrent  ,  excepté  dans  l'Oueft  qui  n'eft  pas  le  côté  de  la  brifè. 
Dans  les  repréfentations  oîj  il  y  a  affluence  ,  les  étroits  corridors  qui  tournent 
-autour  des  loges  ,  font  pleins  &  on  affiègent  les  portes  de  celles-ci.  On  pourrait 
bien  laifTer  ouvertes  les  croifées  qui  donnent  dans  ces  corridors ,  mais  le  vent  j 
s'il  en  fait,  peut  enrhumer  j  il  éteint  ou  fait  vaciller  les  lumières  ,&  empêche 
d'entendre  l'acteur.  On  a  cependant  compté  jufqu'à  cent  trente  Dames,  un  jour 
de   carnaval,  dans  cette   falle. 

Ainfi  que  dans  les  villes  de  province  ,  la  tragédie  Se  la  comédie  ont  au  Cap 
un  temple  Se  des  difciples  communs  ,  &  il  n'eft  que  trop  ordinaire 
de  voir  Melpomène  prendre  le  ton  de  la  mufe  comâque.  Ce  qui  eft  plus 
Tmgulier,  c'eft  l'empreiTement,  j'ai  prefque  dit  la  fureur  des  créois ,  pour  aller 
voir  ces  tragédies  ,  dont  le  caraclère  grotefque  rebute  les  perfonnes  de  goût. 
Une  chofe  qui  ne  choque  pas  m.oins  celles-ci,  c'eft  la  violation  du  coftume, 
l'une  des  plus  féduifantes  illufions  du  théâtre.  On  déplore  encore  l'affectation 
que  certains  afteurs  mettent  à  gliffer  dans  leurs  rôles  des  lazzis  qui  offenfenÊ 
même  la  décence  5  mais  les  bruyans  applaudiffemens  du  parterre  leur  femblenÊ 
•préférajaks  à  la  délicatefle  qui  profcrit  ces  reflburces  de  la  médiocrité, 

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364      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

On  a  cependant  vu,  à  ce  théâtre,  des  afteurs  auxquels  il  n'a  manqué  que  des 
mojèles  &  de  l'éinula^ion  pour  être  remarqués  par  leurs  talens.  On  fe  rappelé 
encore  de  la  voix  rr.élodieufe  ,  des  grâces  &  de  la  vérité  de  M=-  Mentel ,  dans 
les  rôles  d'amoureufes  ^  du  ton  vrai  &  naturel  de  DubuiGbn',  dans  les  pères 
nobles  -,  du  jeu  ccmique ,  de  l'étonnante  méaioire  &  de  la  pureté  de  langage 
de  Dubourg  ;  en  eft  frappé  du  port  majeflueux  &  de  l'entente  de  M™^-  Marfan 
qui  charme  dans  la  belle  Arfenne,  attache  dans  la  Gouvernante  &  féduir  dnns 
j^/Irae-  ^e  Clainville  -,  on  applaudit  avec  tranfport  au  gofier  flexible  ,  aux  gazouille- 
mens  de  M^''-    Cierville. 

Mais  jamais ,  peut-être,  ce  théâtre ,  ni  aucun  autre  de  la  Colonie,  ne  pof- 
fédera  un  talent  aufli  marqué  que  celui  de  Chevalier,  que  la  mort  a  enlevé 
au  public  en  1780.  Jamais  la  nature  ne  fut  plus  prodigue  des  qualités  qu'exige 
la  fcène  comique.  E'ie  lui  avait  donné  le  mafque ,  l'affurance  ,  l'intelligence  >. 
ce  je  ne  fais  quoi  qui  fait  que  i'afteur  difparaic,  pour  n'offrir  que  le  per- 
fonna'3^e  qu'il  repréfente.  Il  était  excellent  dans  le  rôle  du  médecin  T'wé' ,  de 
l-'opéra:  On  ne  s' cvi/e  jamais  de  tout -,  dans  celui  du  cocher  la  Briffe  ,  du  Ma- 
réchal ferrant  :  de  Guiliot ,  des  Chaffeurs  &  la  Laitière  j  mais  fan  triomphé 
c'était  le  rôle  de  Figaro ,  du  Barbier  de  Séville.  Ce  n'était  pas  un  rôle  qu'il 
eut  appris,  c'était  lui  que  Beaumarchais  avait  étudié  ;&  j'ofe  prononcer  har- 
diment que  Prévillc  eut  voulu  le  jouer  comme  lui.  I!  avait  d'ailleurs  ks  mcears 
très-comédiennes;  un  ai  m.able  enjouement ,  de  nombreux  créanciers  ,  lesgoûts^ 
d'un  homme  riche,  celui  des  femmes,  pourvu  que  ce  ne  fut  pas  la  fien  ne  ^ 
&une  p?reffe  qui  avait  quelque    chofe  d'original. 

Lorfque  le  fpecîacle  était  aux  actionnaires  ,  les  directeurs  le  firent  venir 
un  jour  pour  lui  reprocher  de  ne  pas  étudier  fes  rôles  &  d'avoir  très- fouvent 
befoin  du  fouffleur.  Eh  l  Mejjïeurs  ,  vous  ne  feriez  pas  e'n  état  de  me  fayer  ,  fi 
-??  [ai)ais  mes  rôles.  Chevalier  mourut  lorfqu'on  ne  le  croyait  qu'incom.modé 
Ferme  le  rideau  ^  dit-il,  à  une  mulâtreffe  pour  laquelle  fon  penchant  n'était 
pas  l'ouvrage  de  la  beauté,  la  farce  eji  jouée ^  il  expira  en  achevant  ce  cos- 
mique  adieu. 

Le  fpeftacle  attire  encore,  parce  qu'il  efb  un  rendez-vous,  où  l'on  va  parler 
d'affaires  ;  auffi  les  corridors  y  font-ils  bruyans.  L'amphithéâtre  l'efl  prefque 
autant ,  mais  par  un  autre  motif  Afile  des  jeunes  gens  de  la  ville  &  de  la 
garnifon,  à   caufe   des  filles    dé    couleur,   dont  les   loges   font  au-deflus,  is 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  :i6s 
tônverfation  cft  quelquefois  établie  de  bas  en  haut  &  de  haut  en  bas  ,  & 
clk  eft  d'un  genre  qui  pourrait  ofFenfer  des  oreilles ,  même  difficiles  à  bleÏÏcr. 
.A  chaque  cntr'aftc  il  y  a  grande  rumeur,  &  elle  augmente  entre  les  deux  pièces, 
parce  que  les  filles  de  couleur  en  profitent  pour  aller  dans  les  rues  adjacentes, 
ou  dans  la  promenade  du  gouvernement ,  prendre  l'air  j  c'ell  du  moins  le  pîé:exte 
qu'on  avoue. 

Ccn'eft  que  depuis  le  mois  de  Juin  1775,  que  les  négrefiês  libres  ont 
obtenu  l'entrée  du  fpeftacle  ,  où  l'on  avait  admis,  depuis  1766,  !f  s  nuances 
fupérieures  des  deux  fexes  ,  au  fond  du  paffage  de  l'amphithéâtre.  Elles  me 
choifîrent  pour  rédiger  leur  demande  ,  &  je  ne  dis  qu'un  mot  j  ce  fut  pour 
demander ,  qu'elles  fujeni  aller  s'ajfeoir  auprès  de  leurs  fdles.  Mais  ces  filles 
menacèrent  de  leur  céder  toute  la  place,  fi  cette  eonfufion  avait  lieu,  &  il 
fallut  les  mettre  d:ins  des  loges  féparées.  Ainfi  ,  quand  une  négrefî^e  &  fa 
fille  mulâtrefîe  viennent  à  la  comédie  ,  elles  fe  féparent  j  l'ébène  eft  pour  la 
gauche  ,   le  cuivre  pour  la  droite. 

On  aura  peine  à  croire  qu'il  n'y  a  pas   fix   ans   que   les  femmes  fe  font  af- 
franchies de   l'étiquette  gênante  d'aller ,  avec  une  grande  toilette ,  à  la  comédie. 
L'élégant  defhabillé  embellit  donc  nos  féduifantes  créoles,  &  le  luxe,  devenu 
plus  commode ,  n'a   rien  perdu  de  fon   empire.    Elles  vont  au  fpedacle  faire 
parade  de  leurs   attraits    &   de  leurs  adorateurs  ;  elles  s'y  épient ,   &  la  médi- 
fance  y   prend  quelquefois  de   l'alimcnr.    Il   efl  même  des  obfervations  qu'on 
peut  faire  à  l'entrée.   On   y  remarque  ,   par  exemple  ,  que  prefque  toutes   les 
femmes  font  mifes  avec  la  même  élégance ,  ce  qui  apprend  que  dans  la  Colonie 
ce  fexe  charmant  n'eft  diftingué  qu'en  deux  clafTcs,  les  jolies  &  celles  qui  ne 
le  font  pas.  Comme  chaque  femme  y  va  toujours  avec  un  cavalier  (  autre  que  le 
mari,  qui  en  eft-  difpenfé  par  l'ufage  )  ,  des  yeux,  peut-être  prévenus,    croient 
avoir  remarqué  que  le  hafard  permet  bien  fouvent  que  ce  foient  les  deux  mêmes 
perfonnes.  Qu'on  fe  garde  cependant  d'adopter  comme  d'infaillibles  jugemens , 
les  farcafmes  malins  qu'on  lâche  d'ordinaire  au  paiïage  des  belles,  mais'^on  doit 
croire  fans  héfiter,  que  celles  qu'ils  épargnent,  font  par  cela  même  bien  dignes 
de  la  plus  avantageufe  opinion.  , 

Le  théâtre  du  Cap  a  auffi  fcs  anecdotes.  J'en  dois  dire  une  qui  fera  juger  qu'il 
ne  s'y  trouve  pas  toujours  des  fpedateurs  famiharifés  avec  la  littérature  comique. 
Le  13  Janvier  1781  ,  on  ^ovinmXt  Mauvais  ménage-,  on  interrompit  la  pièce 


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3^6       DESCRIPTION    DE     LA    PARTIE 

pour  demander  l'auteur  :  Dubourg  ,  qui  jouait  un  rôle  ,  vint  dire  que  la  pièce 
ecait  de  Dominique  en  fociété  avec  Legrand.  ^ue  V auteur  paraiffe ,  s'écria-t-on 
encore  :  c^eft,  dit  Dubourg  ,  le  célèbre  Dominique ,  mort  depuis  près  de  cinquante 
ans.  On  applaudit  beaucoup,  en  bafouant  les  chronologifles.  Comme  cette  pièce 
enriuyait,  dans  un  moment  où  yi^'-  Dubuiff^n  était  feule  fur  la  _fcène ,  une  voix 

cria  ,  Jhiiljez. Je  le  veux  bien  ,  dit  l'aftrice ,  elle  fit  me  profonde  révéreace, 

&  la  toile  fut  baifiee. 

~  Ce  théâtre  s'honore  d'avoir  reçu,  entr'autres  perfonnes  dignes  d'être  citées  : 
i".  En  1776  ,  Don  Jofeph  Solano  ,  alors  préfident  de  la  Partie  Efpagnoie ,  qui 
y  a  reparu  en  lySalorfqu'il  commandait  l'armée  navale  d'Efpagne  au  Cap;  2^.  Le 
vainqueur  de  la  Grenade,  le  31  Juillet  1779,  lui  qui  y  était  venu  fi  fouvent  15 
ans  auparavant  durant  fon  généralat  ;  3°.  Don  Bernard  de  Galvez,  commandant 
général  des  armées  combinées  de  France  &  d'Efpagne  en  1782;  4^.  Et  enfin,  le 
prince   Guillaume-Henri ,  fils  du  roi  d'Angleterre  ,   le  5  Avril  1783. 

Un  acteur  de  ce  fpeclacle  ,  &  qui  eft  le  doyen  de  tous  ceux  de  la  Colonie  ,  eft 
en  poiTeffion  depuis  trente  ans  ,  de  faire  les  complimens  dans  ces  cas  extraordinai- 
res ,  &  dans  tous  les  autres.  Clôture  ;  rentrée ,  pièces  à  bénéfices  ,  tout  eil 
de  fon  dom.aine  ,  &  fon  inépuifable  verve  conferve  toujours  un  caradère  d'origi- 
nalité ,  que  ne  féconde  pas  mal  une  petite  ftature  &  une  groffeur  peu  commune. 
C'eft  à  fa  mufe  féconde  qu'on  doit  l'heureux  à  propos  de  la  chanfon:  ^atid  Biron 
voidut  danjer  ,  à  d'Eftaing  vint  s'adrejer  ,    chantée  en  préfence  de  ce  Vice-amiral, 

Voici  le  compliment  qu'il  débita  une  fois ,  en  annonçant  une  pièce  à  fon 
bénéfice  : 

Hier  au  foir ,   Meffieurs  ,  tout  prêt  à  me  coucher  , 
Par  conféquent,  ma  porte  étant  fermée  , 

Oh  frappe.  —  Eh  bien  !  qui  frappe  f  Et  que  vient-on  chercher  ? 
Ouvrez  ;   répond  quelqu'un  d'une  voix  enrouée. 
J'ouvre  &  je  vois  une  vieille  enfumée. 
Béquille  en  main  ,   haute  de  quatre  pieds , 
Le  dos  voûté ,  méchans  atours ,  &  telle 
Qu'on  nous  dipeint ,   la  fée  Urgèle  j 
Digne  d'être  ,  en  un  mot ,   la  reine  des  forciers. 
Surpris  en  cette  circonftance , 
Je'' lui  dis ,  d'un  air  agité  , 
Eh'  !  Qui  donc ,  êtes-vous  ?  —  Moi  ?  Je  fuis  l'Efpérance. 
Eh  quoi  !  cette  divinité 


I 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      367 

A  tous  les  malheureux  propice  , 
Et  qui  leur  rend  tant  de  fervice 
En  ne  s'ofFrant  qu'en  beau ,  les  mains  pleines  de  bien  ? 
Non  ,  e'eft  ma  fœur  aînée  &  je  fuis  fa  cadette , 
L'Efpérance  des  comédiens.  — 
Ah  !  je  le  vois  fur  l'étiquette. 
Pour  moi ,  votre  vifite  eft  un  coup  de  poignard. 

Que  voulez-vous  ?  —  Comme  il  eft  tard  , 
Je  viens  vous  demander  rétraite  ; 
A  votre  tour  ,  vous  me  devez  cela  : 
Ce  doit  être  pour  vous ,  une  grande  allégreiTe  , 
Que  de  loger  votre  DéefTe.  — 
Déeffe  ,  tant  qu'il  vous  plaira  , 
Je  ne  puis  vous  loger ,  la  veille  de  ma  pièce  j 
C'eft  m'impofer  une  trop  dure  loi  ; 
Je  ne  fuis  pas  en  affez  bonnes  chances  , 
Pour  retirer  encor  chez  moi  , 
La  plus  pauvre  des  Efpérances. 
Vaines  raifons  ;  j'eus  beau  la  fupplier  , 

D'aller  ailleurs  s'initier  ; 
Dans  mon  manoir ,  elle  a  pris  fon  étape 
Et  la  cruelle  en  rit  fous  cape. 
Mais  je  ferai  fi  bien  ,   qu'elle  délogera  ; 

Voici  ,  MeŒeurs  ,  le  plan  de  mon  affaire  : 
Ici  mardi ,  fe  trouvera 
Ma  fatale  penfionnaire  : 
Venez  en  foule  alors  ;  dès  qu'elle  fe  verra 

Vis-à-vis  d'un  nombreux  parterre, 
Amphitiiéâtre  &  cœtera  ,  ' 

La  honte  s'en  emparera , 
Car  on  aime  toujours  à  cacher  fa  misère  j 
Et  pour  jamais ,  elle  difparaî'.ra. 

On  doit  encore  à  M.  Clément ,  quelques  petites  pièces  à  qui  les  circonflances  • 
&  les  fingularités  ont  donné  le  fuccès  du  moment  ^  le  feul  qu'il  eût  en  vue.  If 
en  a  fait  une  qui  eft  une  pièce  à  caractère  ,  mais  qui  ne  peut  "produire  d'effet  que 
dans  la  Colonie,  parce  qu'elle  repréfente  les  localités  ;  c'eft  le  Lundi  du  Cap , 
ou  les  Recouvremens.  Comme  c'eft  le  jour  de  la  femaine  où  capitaines  de  navire^' 
marchands,  négocians  ,  tout  le  monde  paye  &  envoyé  recevoir,  il  a  imaginé 
jls  mettre  cette  fcène  hebdomadaire  furie  théâtre.  Un  capitaine  provençal  eft  le 


li 


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36S       DirSCRiPTION     DE     LA     PARTIE 

principal  perfonnage  de  la  pièce  ;  Ton  adreffe  à  faire  pafler  chez  un  confrère  de 
Bordeaux  ,  des  barriques  de  vin  ,  à  q\ii  celui-ci  donne  des  lettres  de  naturalité 
d'un  crû  gafcon  ;  fes  vues  fur  une  jeune  ma-rchande  de  modes  qui  en  fait  fa  dupe  ; 
le  patois  &  les  tours  origlnauK  du  langage  des  anciens  troubadours  ,  tout  fait 
de  ce  canevas  une  gaieté  locale  qui  ne  manque  pas  de  fel  comique. 

Quelquefois  des  auteurs  ont  fait  effayer  des  pièces  fur  ce  théâtre  -,  comme  elles  ne 
font  pas  nombreufes  ,  l'aréopage  comique  ne  fait  pas  foupirer  long-tems  le  génie  ^ 
la  troupe  s'affemble,  fi  la  pièce  a  la  pluralité  des  fufîrages  ,  l'auteur  la  fait  cen- 
furer  par  le  juge  de  police  &  elle  ell  jouée.  Un  auteur  qui  a  fait  applaudir  depuis 
la  tra=-édie  de  Mirza,  fur  le  théâtre  français,  à  Paris,  n'a  pas  pu  fauver  de 
répreuve  coloniale  un  drame  qui  échoua  k  21  Mars  1778.  Il  cria  à  la  cabale  ^ 
fie  une  fable  pour  fe  venger  des  fàffiets  &  manifefla,  en  un  mot,  tous  les  effets  de 
la  prévention  d'auteur. 

Il  eft  fâcheux  d'avoir  à  citer  aufli  des  traits  qui  prouvent  que  Ton  a  trouvé 
Quelquefois  de  la  jouiffance  à  marquer  de  l'autorité  jufques  dans  ce  lieu  confacré 
au  pldiQr.  Le  parterre  ayant  crié  bï^^  le  28  Octobre  1781 ,  à  la  tirade  de  Gros- 
René  contre  le  sexe  ,  dans  le  Dépit  Amoureux  de  Molière ,  le  lieutenant  de 
roi  défendit  à  l'afteur  d'accéder  à  cette  demande.  Une  autre  fois  ,  au  mois  de 
Juin  17S4,  on  avait  jette  fur  le  théâtre,  des  couplets  flatteurs  pour  une  adrice 
que  le  public  affeftionnait  &  il  mit  la  même  violence  à  en  empêcher  la  lecture. 

Le  6  Février  1785  ,  (  Dimanche  gras  )  le  direfteur  annonçant  un  bal  de  nuit 
dans  la  falle  de  'la  com.édie  pour  le  lendemiain  ,  quelqu'un  demanda  une  redoute 
au  lieu  d'un  bal.  Le  parterre  s'éleva  ,  par  fes  cris ,  contre  ce  changement  -,  le 
lendemain  il  y  eut  redoute.  A  la  comédie  fulvante  ,  on  exigea  des  excufes  du 
direfteur.  Il  en  fit  ;  une  aélrice  les  lui  ayant  reprochées ,  l'on  voulait  qu'elle  en  fil 
à  fon  tour.  Des  militaires  prirent  fon  parti,  des  duels  hardis  fuccédèrent.  On 
crut  qu'en  emprifonnant  quelques  jeunes  gens,  le  calme  renaîtrait  i  mais  ce  part^ 
alluma  encore  plus  la  querelle.  Le  gouverneur-général  fit  embarquer  pour  France 
un  de  ces  jeunes  gens  qui  ne  fe  trouva  plus  à  bqrd  j,  quand  le  vaiffeau  mit  à 
la  voile. 

Ces  démêlés  échauffèrent  les  efprits  ,  &  le  26  Mai  fuivant ,  un  grenadier  du 
réziment  du  Cap  ,  quiétaii  de  fervice  ,  ayant  voulu  faire  taire  un  jeune  homme, 
il  y  eut  entr'cux  une  vive  dlfpute.  On  veut  faire  fortir  le  bourgeois  ,  un  fécond 
s'y  cppofe  i  le  lici;tenant  de  foi  veut  qu'ils  fortent  l'un  &  l'autre  j  fait  prendre  le 

prermicr 


% 


F  R  A  N  Ç  A  I  s  E  [D  E    S  A  î  N  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E.      36^ 

premier  par  quatre  foidats  &  le  fécond  par  trois.  Le  jour  était  mal-choifi ,  c'était 
la  Fête-Dieu  oij  tout  le  monde  prend  les  armes  le  matin  ,  où  des  déjeuners 
copieux  montent  encore  les  têtes  que  le  bruit  des  tambours  &  des  canons  a  agitées. 
Il  ne  reftait  plus  que  huit  hommes  de  garde  ;  on  s'ameute  contre  eux ,  on 
défarme  les  trois  qui  menaient  l'un  des  jeunes  gens  &  on  le  délivre.  La  fermen- 
tation devient  générale.  On  donne  une  requête  au  gouverneur,  pour  que  la  police 
du  Tpetlacle  foit  ôtée  aux  troupes  ;  on  veut  que  le  direfteur  rende  les  abonnemensj 
les  jeunes  gens  arrêtés  font  pourfuivis  comme  perturbateurs ,  par  le  procureur  du 
roi  ;  on  lance  des  décrets  que  le  Confeil  annulle  fur  leur  appel.  A  leur  tour  ,  ils 
attaquent  en  juftice  le  fils  du  lieutenant  du  roi  qui  faifait  les  fonélions  d'aide- 
major  de  place  ;  enfin  l'on  arrête  que  perfonnc'n'ira  au  fpcélacle.  Cette  réfolution 
cefîa  le  16  Juillet,  parce  que  le  général  par  intérim  venait  de  faire  des  change- 
mens  à  la  configne  de  la  comédie  ,  auffitôt  après  le  départ  du  titulaire  pour  la 
Fraace  ;  &  encore  les  femmes  ne  confcntirent-elks  à  y  retourner  que  quinze 
jours  après. 

On  devait  imaginer  que  tout  était  terminé  à  cet  égard;  mais  on  crut  que 
Tautorité  devait  tirer  une  éclatante  vengeance  de  la  témérité  de  ceu^r  qui 
avaient  penfe  qu'un  aide-major  de  place  était  attaquable  dans  les  tribunaux.  M,  ' 
de  Bcllecombe ,  en  arrivant  à  Verfailles  ,  fit  de  cette  circonftance  un  délit  monf- 
trueux,  &  par  un  ordre  miniftériel  du  lo  Décembre  1785,  timbré  arrêt  du 
Conjeil  d'État ,  le  procureur  qui  avait  figné  la  plainte  Se  le  Sénéchal  qui  le  lui 
avait  enjoint ,  furent  interdits ,  le  premier  jufqu'à  nouvel  ordre,  le  fécond  pour 
un  an.  On  les  a  relevés  l'un  &  l'autre  au  mois  de  Novembre  1786  ,  &  le  regret 
tardif  de  cet  aéle  artibitraire  ,  a  fait  accorder  une  gratification  au  juge.  L'hiftoire 
révêlera  le  refte. 

Quelquefois  la  falle  du  fpeflacle  a  fervi  à  des  amateurs  ,  à  des  afteurs  forains, 
à'des  danfeurs  de  corde.  On  y  a  vu  Ribier,  aéleur  des  Variétés ,  donnant  des 
pièces  de  théâtre  que  leur  gaieté  faifait  rechercher.  Le  direéleur  exige  dans  ces 
cas  un  quart  du  produit  net  des  repréfentationF  ;  c'eft- à-dire,  après  avoir  déduit 
les  frais  qui  vont  à  environ  200  liv.  chaque  fois. 

Volange  ,  des  Variétés,  a  joué  au  Cap  en  1773  ,  fous  le  nom  de  Pkinville. 
Julîlen  &  Suin  ,  afteurs  de  la  corné  iie  Italienne  ,  ont  été  attachés  à,  ce  fpeftacle^ 
le  premier  en  177J  ,  l'autre  en  1786, 

T-^,G'^-e    L  A  a  a  , 


ij 


V 


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370      DESCRIPTION      DE    LA    PARTIE 

On  avait  tenté  auflj  les  concerts  ,  mais  ce  genre  n'a  jamais  eu  de  fuccès 
dans  la  Colonie. 

Il  eft  des  circonîlances  où  l'on  donne  un  fpeflacle  gratuit.  C'eft  quand  k 
j-oie  publique  fe  manifcftc  à  caufe  de  quelque  événement.  Dans  les  jours  de 
confternation  générale  ,  il  eft  fermé  &  il  a  été  décidé  que  c'éiait  au  gouver- 
nement aie  prefcrire.  Ju'qu'cn  1772  ,  les  affiches  du  fpedacle  portaient}  Pcr 
fermijfion  de  M.  le  Ghûrcl.  M.  de  Vallière  à  qui  M.  de  Vaivre  fit  remarquer- 
cette  attribution  au  chef  militaire  ;,  fit  mettre  par  permiffion  de  M.  les  Général 
&  Intendant  ,  ce  qu'on  a  continué  depuis. 

Une  ordonnance  des  chefs  ,  du  29  Janvier  1766  ,  pour  empêcher  les  incon- 
véniens  qui  pouvaient  réfulter  des  calculs  des  divers  théâtres  de  la  Colonie  1. 
a  défendu  de  recevoir  un  acteur  engagé  dans  un  autre.  Il  n'y  a  qu'un  feuj 
exemple  ,  que  je  citerai  ailleurs  ,  d'un  re':uf  de  fépulture  à  une  comédienne». 
Quelquefois  cependant ,  le  pié.et  ColoniDan  en  a  refufé  au  Cap  pour  parains 
ou  moraine:-. 

C'eft  un  grand  vice  qu;e  de  n^avcir  point  un  feroainier  qui  dirigerait  plus 
immédiatement  la  police  intérieure  des  afteurs  &  préviendrait  le  changement 
continuel  des  pièces  mifes  au  répertoire. 

En  diminution  des  dépenfes  du  dlreéteur,  qu'on  ne  peut  évaluer  à  moins  de- 
qSOjÇOO  liv.  par  an ,  il  faut  com.pter  les  bals  &  les  redoutes.  Depuis  l'établifîe- 
ment  d'un  théâtre,  on  avait  été  conftamment  dans  l'ufage  d'y  donner,  depuis 
les  Rois  jufqu'aux  jours  gras ,  un  bal  de  nuit  chaque  Dimanche.  Il  commençait- 
à  dix  heurea  &  allait  auffi  loin  que  les  danfeurs  voulaient  le  conduire..  Ces  bals 
étaient  fatigans  dans  un  pays  où  la  veille  d'une  feule  nuit  eft  un  vrai  dommage 
pour  la  fanté.  Les  pères  &  les  mères  ne  manquaient  pas  d'invoquer  cette 
excufe  pour  n'y  aller  que  rarement,  &  les  jeunes  perfonnes  la  go-ûtaien:  peu.  M,, 
de  Reynaud ,  alors  gouverneur-général  par  intérim ,  donna  l'idée  de  fubftituer- 
des  redoutes  ou  bals  parés  à.  ces  bals  de  nuit ,  où  le  mafque  autorifait  fouvent: 
des  propos  déplacés..  La  première  redoute  eut  lieu  le  6  Décembre  1780.  Depuis 
elles  commencent  toujours^  au  premier  mercredi  de  ce  miois  &.  vont  jufqu'au; 
vendredi  gras  ,  parce  qu'il  y  en  a  deux  par  femaine..  A  cinq  heures  pré- 
cifes,  le  bal  s'ouvre  ,  &  à  neuf  heures  on  le  fait  ceiTer.  Ce  choix  des  heures  eft: 
heureux,  quand  la  redoute  commence  les  affaires  font  finies;  quand  on  en  fort- 
c'cft  i'inftant  du  fouper  3  on  a  toute  la  nuit  pour  fe  repofer ,  &  les  vieux  parena 


'  # 


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_         .-Al 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.       371 

ont  d'autant  moins  d'excufe  que  la  redoute  ne  coûte  qu'une  demi-gourde  ,  tandis 
que  les  bals  de  nuit  font  payés  le  double.  On  va  à  la  redoute  pour  danfer ,  pour 
roir  danfer  ,  pour  y  caufer  ,  pour  y  parler  d'affaires  ,  ou  pour  y  faire  une  partie 
de  cartes  dans  un  retranchement  qu'on  forme  dans  le  fond  du  théâtre.  Aufll 
n'y  a-t-il  plus  de  bals  de  nuit  que  les  trois  jours  gras ,  &  il  faut  convenir  que 
les  amateurs  de  mafcarade  s'en  dédommagent  bien  alors. 

■  J'ai  affez  parlé  de  la  paîTion  des  Créols  pour  ce  voluptueux  exercice  ;  c'eft 
avoir  dit  que  les  redoutes  forment  le  plus  délicieux  fpeftacle.  La  falle  y  eft 
confacrée  toute  entière ,  en  uniffant,  comme  au  bal  de  l'opéra,  le  parterre  au 
théâtre  &  à  l'amphithéâtre.  Les  plus  jolies  figures,  les  grâces  les  plus  féduifantcf, 
les  ajuftemens  les  plus  élégans  ,  tout  y  ravit.  Se  au  fortir  de  ces  fêtes  charmantes^ 
l'ame  eftdans  une  efpèce  de  délire.  Aux  bals  de  nuit  &  aux  redoutes ,  les  gens  de 
couleur  peuvent  aller  dans  leurs  loges  pour  voir  danfer. 

Il  ferait  impoffibie  de  fe  paîTer  d'un  fpeftacle  au  Cap  ,  furtoUt  depuis  qu'on 
en  a  contra6lé  l'habitude.  On  a  peu  de  fociété  dans  cette  ville  ,  &:  l'on  eft  du 
moins  raffemblé  fi  l'on  n'eft  pas  réuni.  Le  défir  de  plaire  ,  celui  de  montrer  fa 
parure  ,  contraignent  plufieurs  femmes  à  faire  diverfion  à  leur  vie  fédentaire.  Les 
étrangers  ,  les  marins  furtout  j  trouvent  à  la  com.édie  un  délaffem.ent  qui  les 
garantit  de  l'ennui  &  de  fantaifies  plus  coûteufes.  On  peut  auffi  y  prendre  des 
leçons  de  langue  ,  &  dans  une  ville  où  les  promenades  font  peu  fréquentées  ,  où 
l'on  craint  le  foleil  &  après  lui  le  ferein ,  le  fpedacle  doit  paraître  agréable.  Il 
afîure  d'ailleurs  la  jouiffance  des  redoutes  ,  qui  ne  peuvent  fe  paffer  de  fon  local. 

En  face  de  la  comédie ,  &  fur  l'autre  coté  de  la  place  Montarcher,  eft  un  îlet 
qui  a  eu  autrefois  une  deftination  très-pieufc.  Lorfque  les  malheureux  Colons  de 
Sâint-Chriftophe  furent  tranfportés  à  Saint-Domingue  par  les  anglais  après  la 
îcrife  de  leur  île,  en  1690,  ils  éprouvèrent  tous  les  befoins  ,  &  ils  en  feraient 
péris  vidimes  fi  les  Colons  du  pays  où  ils  avaient  été  comme  jetés ,  ne  les 
avaient  accueillis  avec  cette  fcniibilité  touchante  &  cet  ernprcffement  qui  les 
honorera  pour  jamais.  On  croira  aifément  qu'à  la  fuite  de  tant  de  malheurs ,  il 
dut  y  avoir  beaucoup  de  malades ,  &  pour  les  foulager  il  fe  forma  au  Cap  une 
confrérie  fous  le  titre  de  Miféricorde  ,  à  laquelle  les  dames  les  plus  diftinguées 
voulurent  être  affociées,  M.  Auger,  gouverneur-général,  permit  à  cette  con- 
frérie,  le  27  Décembre  1703  ,  de  prendre  l'îiet  dont  je  parle  pour  y  bâtir  uns 


I 


A  a  a  3 


372      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

infirmerie  àejmée  aux  femmes  malades  de  la  Colonie  de  Saint-Chrijicpbe ,  &  entrer- 
pauvres  familles ,  qui  dans  la  fuite  pourront  tc-mber  dans  la  mêtne  difgrace.  Cet 
île:  était  encore  alors  à  l'extrémité  du  bourg ,  &  ce  canton  avait  pris  déjà,  le 
nom  de  quartier  des  Gens  de  Saint-Chriftophe. 

Le  père  Girard  ,.  premier  iupérieur  des  Jéfuites  ,  qui  arriva  au  Cap  en  1704  ^ 
s'attacha  particulièrement  à  la  confrérie  de  la  Miféricorde,  qui  eut  alors  une 
fupérieure  8^  une  tréforière  annuelle  ,  &  dont  chaque  affocié^vifitait  ks  malades 
à  fon  tour  pendant  un  mois.  Ce  fut  à  la  charité  de  cette  même  confrérie  qu'on 
dut  l'achat  de  deux  maifons  vers  la  place-d'armes  ,  dont  on  fit  un  hôpital  pous 
tous  ceux  qui  étaient  malades  ou  pauvres;  mais  ce  dernier  étabUffem.ent  fc 
trouva  détruit,  lorfqu'en  1707  M.  de  Charrite  ,  gouverneur  par  intérim  ,  fît  com- 
prendre ce  terrain  d^ns  l'alignement  de  la  place.  Touché  de  l'abandoa  où  fe 
trouvaient  ces  m.alheureux ,  le  père  Boutin  ,  curé  du  Cap  ,  imagina ,  quelques 
années  après  ,  de  fe  fervir  de  l'afile  de  la  Miféricorde  ,  qui  était  devenu 
moins  utile,  pour  en  faire  un  hôpital.  Les  aumônes  qu'il  recueillait  fecoadaienD 
ce  pieux  deiïbin  qui  fut  encore  traverfé. 

M.  Cabot,,  entrepreneur  de  la  confljuftion  de  la  nouvelle  égUTe  ,  étant  mort 
dans  cet  hôpital  le  8  Juillet  1717  ,  le  père  Boutin  crut  pouvoir  faivre  relative- 
à  lui ,  l'ufage  où  il  était  de  diftribuer  les  effets  laiffés  par  les  morts  dans  l'hôpital , 
aux  perfonnes  les  plus  néceffiteufes  qui  y  reliaient  j.  mais  le  curateur  aux  fuccef- 
fions  vacantes  réclama  ceux  de  M.  Cabot,  &  le  juge  du  Cap,  décida  le  1.3  Août  , 
que  pour  cette  fois  la  probité  connue  du  père  Boutin  le  difpenferait  du  compte 
des  effets  qu'il  avait  difiribués,  mais  que  ce  ne  ferait  plus  la  même  chofe  à 
l'avenir,  l'hôpital  Boutin  (  car  il  portait  ce  nom  )  ,  n'ayant  aucun  privilège.  Ce 
fait  &  la  promefîc  foufcrite  peu  après  par  les  religieux  de  la  Charité,  devenus 
un  peu  jaloux  du  père  Boutin  ,  de  recevoir  les  pauvres  malades  dans  leur  hôpital, 
furent  caufe  que  le  curé  abandonna  fon  projet.. 

La  Miféricorde  n'étant  pour  ainfi.  dire  plus  utile ,  le-  père  Boutin  prit ,  vers 
17 19,  la  réfolution  de  convertir  fon  local  en  un  refuge  pour  les  orphelines.  Il  le 
difpofa  en  conféquence  ;  il  fit  des  acquifîtions  pour  le  foutenir.  Les  deux 
demoifelles  de  Guimont ,  nouvelles  converties  que  le  père  Boutin  avait  fait  venir 
du  Poitou,  fe  confacrèrent  à  fa.direélion  ,  &  l'on  y  vit  bientôt. quiiize  petites- 
orphelines.  Les  direétrices  forjuèrent  auffi  une  école  où  l'^n  enfeignait  gratuite- 
ment à  lire  &  à  écrire  aux  petites  filles  de  la  ville.   Les  orphelines  apprenaienr 


t: 


*mn 


FRAN-ÇA.ISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       373 
en  outre  ceux  des  travaux  de  leur  Texe  qui  pouvaient  leur  affurer  des  refîburces  «^ 
l'on  vit  fortir  de  cet  intéreflant  afile  des  mères  de  Emilie  laborieufes ,  qui  donnèrent 
lexemple  des  vertus.  Les  religieux  de  la  Charité  cenfurèrent  cet  établiffement , 
&^  e  fupeneur  des  Jéfuites  fit  fignifier,  par  un  afte  judiciaire ,  au  père  Boucia 
qu  II   de%prouvait  l'emploi    qee   faifait   ce   religieux   de   fon   pécule  ,   ou'on 
regaraait  comnie  une  propriété  de  l'ordre.  Alors  k  père  Boutin  eut  le  âéûr  de 
former  un  établ.ffement  de  religieufes  qui  remplirait  le  même   but  que  le  refuge 
des  orphelines.  Il  s'occupa  abfolument  de  ce  plan  ,&  pour  l'appuyer  il  fit  une 
vente  à  M"^-  de  Guimon   l'ainée,   de  tout  ce  qui  appartenait''  L  maift  Z 
orphelines    avec  la  condition   fecrète  qu'elle  en  ferait  la  remife  aux  reli^^ieufes 
Lorfque  celles-ci  arrivèrent  en  173^,  il  y  avait  fur  lUet  une  mailon  de  cha^ente*  ' 
OnZT'^^Tr'  d'ardoifes,  vitrée,  &  tous  les  appa.emens  convenables. 
On  acq  ut  auffi  1  ,let  qui  était  dans   le   Sud   de  celui-ci ,   &  on  les  réunit  en 
murant  la  rue..  C'eft  là  que  les  religieufes  font  demeurées  jufqu'en  X7r  q " 
leur  local  acuel  étant  affe.  avancé  pour  les  recevoir ,  elles  y  paiTèient    Je  Te 
y  retrouverai.  ^   ^  ^^t;icaL.  je  les 

s  a,pe„,e„rs  d.  tems  prir.nc  du  bord  de  ia  mer  u„=°di,.ai„n  ,01^1'^'  3' 
iMlTement  du  morne ,  fe  trouva  aboutir  fur  la  droite  d..  j  r       ^^ 

Tom  U  caufe  du  défaut  de  p.raU.ir.e  Z'ol  '^L^e     "  "'"  "^*™""- 


Q^U    A    T    R    î    È    M    E  Se 


C    T    I    O    N, 


C  ÏST  celle  de  tout  le  Cap  qui  oflîe  le  plus  d'é.abliflèmens  publics    &  coufé 
quemment  le  plus  de  chofe  à  examiner  &  à  décrire.  Commençons  par  dirt^et 
nex,fta,t  po,„t.  même  en  ,7,0.  époque  où  fon  territoire  fe  .  ouvL  em  érlen 
hors  du  Ihurg ,  car  ce  n'était  pas  encore  !a  ville  du  Cap  ""«'■■înicnt 

Cette  feaion  ell  bornée  au  Nord  oir  la  ra„{n,     ,  1 

m  pariaruedesM.rmoufets  :i''t:tr;^:c:  :^r;u?E:^^^  ^^ 

^0  sud,  par  la  rue  du  Cimet.re,  jurqu.u.  Cernes  du  manje^ft^rt; 


|hgi'  ^J_^^.j  ■^■■"^^ 


i»- 


574      DESCRIPTION    DE     LA    PARTIE 

rue ,  puis  au-delTas  de  ces  Cazernes ,  par  des  épatemens  du  morne  du  Cap,  h  à 
rOueft  par  ce  morne.  Cette  feftion  a  une  forme  irrégulière  à  caufe  d'une  gorge  où 
elle  entre  au  ilord-Ouell. 

Parmi  ks  chofes  remarquables  qu'elle  contient,  celle  qui  frappe  le  plus  l'œil 
de  l'obfervateur ,  c'eft  la  maifon  appelée  le  Gcîtvernement ,  que  l'on  diftingue  par- 
faitement dans  la  féconde  des  Vues  du  Cap  de  mon  Atlas.  Au  fiècle  dernier, 
lorfque  les  Capucins  étaient  les  miiTionnaires  de  la  Partie  du  Nord  ,  mais  après  la 
deflruftion  du  Port-  de  -  Paix  en  1695  ,  leur  maifon  principale ,  où  devait  réfider 
leur  fupérieur ,  fut  d'abord  au  Bas  du  Cap  ,  fur  le  morne  des  Capucins  ,  &  enfin 
on  leur  en  conftruifit  une  dans  l'enclos  aftuel  du  Gouvernement. 

Lorfque  les  Jéfuites  arrivèrent  en  1704,  ils  prirent  le  logement  des  Capucins, 
qui  était  hors  de  la  ville  ,  dans  ce  qu'on  nommait  alors  la  favane  du  bourg  du  Cap. 
Onfe  reffouvient  qu'en  17 10,  les  Jéfuites  avaient  obtenu  h  conceffion  du  terrain 
qui  porta  en  flûte  leur  nom.  Ils  y  formèrent  leur  établiffëment ,  qui  prenait  depuis 
la  rue  Royale  jufqu'au  point  où  eft  à  préfent  la  rue  des  Vierges  ;  il  était  au  Nord 
&  au  Sud  comme  il  eft  refté.  II5  y  firent  élever  une  maifon  alignée  du  Septentrion 
2u  Midi ,  fur  la  rue  Saint-Sauveur.  Une  belle  avenue  de  poiriers  allait  depuis  cette 
maifon  jufqu'au  bas  de  la  place  Montarcher.  Le  long  de  la  rue  Saint  -  François 
Xavier  était  leur  chapelle  conftruite  toute  de  pierres  de  taille ,  &  formant  avec  la 
maifon  un  tour  d'équerre.  Vers  1738,  ces  rehgieux  projettèrent  leur  maifon 
aduelle,  qu'ils  firent  exécuter  en  1748,  &  dont  la  terrafîè  était  déjà  formée  en 

1739. 

Au  moyen  des  deux  îlets ,  donnés  en  toute  propriété  aux  Jéfuites  par  la  paroifTe 
du  Cap  au  -  deffus  de  leur  enclos,  parla  tranfadion  du  3  Juillet  1746  ,  cet  enclos 
s'étendit  de  120  pieds  dans  l'Oueft.  Ils  prirent,  le 3  Juillet  1747  ,  une  conceffion 
de  tout  leur  terrain,  à  partir  de  la  rue  Efpagnole,  fans  renoncer  ,  comme  l'on 
fait,  à  titre  de  deflervant  de  la  paroilTe  ,  à  la  jouiflance  des  deux  îlets  qui  ne  leur 
avaient  jamais  appartenus,   &  qui  font  ceux  de  la  place  Montarcher  &  de  la 

Comédie. 

Le  terrain  qui  leur  a  été  concédé  en  1747  ,  fe  trouve  donc  avoir  la  longeur  de 
cinq  îlets  &  des  quatre  rues  qui  les  auraient  partagés  ,  ce  qui  fait  696  pieds  ,  fur 
une  largeur  de  264  ,  formée  par  celle  de  deux  îlets  &  de  la  rue  qui  aurait^  été 
^nrr'eux.  Le  choix  de  ce  local  eft  tr^s  -  propre  à  faire  juger  de  la  perfpicacité  dç 

-rs  religieux, 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      375 
Le  bâtiment  qu'ils  y  ont  conftruit  cil  de  maçonnerie  ,  avec   un  étage  ;  il  a  216 
pieds  de  long  ,  fur  :i6  de  large  j  fon  toit  eft  couvert  d'ardoife.   Dans  Forigine  ,  fa 
diftribution  était  monaftique  &  offrait  de  grandes  galeries  ou  dortoirs ,  pris  fur  la 
largeur  du  côté  de  l'Oueft  ,  èc  les  chambres  donnaient  fur  la  ville.    Deux  pavil- 
lons parallèles ,  de  60  pieds  de  long  fur  15  de  large  en  tour  d'équerre  fur  le 
derrière ,  fervaient  aux  diftributions  communes.  Celui  du  bout  Sud ,  qui  a  auffi  un 
étage,  avait  au  rez  de  chauffée  un  réfeétoire ,  des  offices,   &cj   l'autre,  qui  n'a 
qu'un  rez  de  chauffée ,  était  deftiné  à  être  la  chapelle.   Les  Jéfuites  ont  joui  de 
cette  maifon  depuis  1748  ,  qu'elle  fut  achevée,  jufqu'au mois  de  Décembre  i-ô- 
qu'ils  furent  renvoyés.  /   >> 

Comme  le  fort  de  la  fociété  en  France  ,  était  connu  dans  la  Colonie  avant 
même  qu'on  y  procédât  contre  elle,  MM.  Bory  &  de  Clugny  avaient  écrit  au  mi- 
niftre,  le  5  Septembre  1762,  qu'il  ferait  convenable  que  cette  maifon  fut  deflinée 
aux  Adminiftrateurs,  qui  réfidaient  alors  au  Cap.  De  fon  côté,  le  Confcil  fupérieur, 
qui  s'affemblait  encore  au  magafin  du  roi,  demanda,  par  un  arrêté  du  15  Décembre 
fuivant,  qu'on  la  fit  ferviraloger  les  tribunaux  &  leurs  greffes  ^  qu'on  mk  les 
prifons  dans  l'étendue  de  fon  enclos;  qu'on  prit  le  jardin  pour  former  une  place 
au-devant  des  Cazernes ,.  &  une  parde  du  local  pour  faire  un  logement  aux- 
miffionnaires.. 

M.  de  Bory  s'y  logea  le  premier  ,  puis  M.  de  Bekunce  ,  lorfqu'ii  devint  Gou- 
verneur général;  après   lui  M.   de  Montreuil,  qui  eut   l'intérim   &  enfuite^^M 
d'Eftaing  qui  y  fit  faire  beaucoup  de  dépenfes  en  embelliffemen  s,  lorfqu'il  arriva 
au  mois  d'Avril  1764.   La  maifon  a.  confervé  cette   deftination  jufqu'au  départ  de 
ce  dernier ,  au  mois  de  Juillet  1766  ;  mais  la  réfidence  des  Adminiftrateurs  devant 
être  le  Port-au-Prince  ,  elle  demeura  inoccupée.    Ce  fut  alors  que  la  paroiffe  dl^ 
Cap  éleva  laqueftion  de  favoir,  ft  elle  n'avait  pas  le  droit  de  réclamer  les  biens 
poffédespar  les  Jéfuites  au  Cap,  au  Terrier-Rouge,  &  au  Petit-Saint-Louis, 
comme  étant  affedés  àd'entretien  &  à  la  conftruftion  des  églifes  de  la  Colonie    & 
•â  la  lubfîftance  des  prêtres  deffervans;  mais  cette  revendication  ,  à  qui  l'on 'ne 
pouvait  refufer  un  caraélcre  frappant  de  juftice ,  n'eut  aucune  fuite. 

Le  6  Mars  î768,.le  roi.acheta,4es  fyndics  des  créanciers  des  Jéfuites-,  la  maifon 
dont  je  parle,  &des  halles  de  la  rue  Neuve  ,  pour  200,000  livres  tournois,  &  le 
5  Avnl,  le  miniftre  décida  qu'on  y  placerait  le  Confeil ,  la  Sénéchauffée ,  l'Ami- 
t^tc^k,  différens  Greffes  &  les  bureaux  d'Adminiftration,  Cette  détermination. 


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376      DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

n'ayant  point  été  exécutée  (je  ne  fais  pourquoi),  Le  12  Décembre  1771  le  miniftrc 
cr  Jonna  de  placer  dans  cette  mairon  le  Confeil ,  la  SénéchauITée  ,  l'ordonnateur  & 
les  bureaux,  &  les  greffes  des  deux  tribunaux.  On  s'occupa  depuis  le  mois  de 
Juin  1772,  jufqu'à  celui  de  Janvier  1773,  des  difpofitions  locales  nécefîaires 
pour  exécuter  cet  ordre.  Il  ferait  aufîi  long  qu'ennu)'eux  de  rendre  compte  de 
toutes  les  difficultés  que  cette  exécution  fit  naître  ,  des  volumes  qu'elle  fit  écrire 
par  le  Confei! ,  parle  commifiTaire  qui  faifait  fondions  d'ordonnateur,  &  par 
l'Intendant.  Enfin  le  7  Janvier  1773  ,  le  Confeil  miarchant  en  Corps ,  vint  du  lieu 
de  fes  féances  rue  du  Confeil  ,  prendre  p-^fTefTiOn  de  fon  nouveau  local,  La  Séné- 
cliaufiëe  &  l'Amirauté  fe  rendirent  aufTi   chacune  dans  k  leur. 

Lorfque  M.  d'Ennery  arriva  au  Cap  ,  le  16  Août  1775  ,  il  prit  le  logement 
de  l'ordonnateur  ,  qu'à  fon  dcpart  pour  le  Port-au-Prince  ,  on  divifa  en  trois 
-parties.  Celle  du  bas  fut  confervée  pour  le  gouverneur-général ,  lorfqu'il  viendrait 
au  Cap  ,  dans  fes  voyages  pafîagers  ,  une  portion  de  celle  d'en  haut  pour  l'inten- 
dant &:  le  refte  de  l'ctage  fut  donné  à  un  commifiaire  de  la  marine  qui  y  avait  fes 
bureaux.  La  guerre  fur  vint  &  M.  d'Argout  prit  tout  ce  qui  avait  été  defliné  , 
.  dans  l'origine  ,  à  l'ordonnareur.  M.  de  Reynaud ,  de  Lilancour  Se  de  Bellecombe 
s'y  placèrent  également,  &  lorfque  ce  dernier  alla  ,  en  17S4,  ré fider  au  Port- 
au-Prince  ,  l'ordonnateur  &  fes  bureaux  reprirent  le  pof!:e  que  M.  du  Chilleau 
leur  a  fait  quitter ,  cette  année ,  pour  y  mettre  le  com.mandant  de  la  partie 
du  Nord  i    ce  que  le  mnniftre  a  approuvé. 

Cette  habitation  fuccefiîve  ou  alternative  des  gouverneurs  a  fait  donner  le  nom 
de  gcuvernemer.t  à  tout  le  terrain  des  Jéfuires  ;  l'on  ne  le  défigne  pas  autrement 
Le  bâtiment  quoique  fort  fimple  ,  a  de  l'apparence  &c  fon  étendue  eft  remarquable- 
pour  le  Cap.  Le  rez  de  chauflëe  dans  lequel  on  entre  par  la  façade  Orientale  j 
r/a  qu'une  porte  an  milieu  du  bâtiment ,  à  laquelle  on  arrive  par  neuf  marches  de 
pierres  de  taille  ,  &  de  chaque  cox.i  ,  l'on  compte  onze  croifées.  Il  y  a  auffi  vingt- 
deux  croifées  au  premier  étage  ,  &  au-dcflus  de  h  porte  ,  en  eil  une  autre  qui 
donne  fur  un  grand  balcon  de  fer.  A  ce  balcon  ,  répond  fupérieurement  une 
efpèce  de  lucarne  détachée  du  toit  &  où  fe  trouve  placé  le  cadran  de  l'horloge  du 
gouvernement,  qu'avec  raifcn  l'en  fuit  comme  un  guide  plus  sûr  que  celle  de  k 

paroifîe. 

La  diftribution  intérieure  confiée  d'abord  dans  un  veftibule  de  trente-fix  pieds 
sn  carré,  qui  fert  de  corps-de-gardc  ,  lorfque  le  gouverneur  eft  dans  le  bâtiment. 


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FRANÇAISE    DE    S  A  J  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E,      377 

A  fa  gauche  ,  on  entre  par  deux  portes  parallèles  dans  le  falon  d'audience  du 
gouverneur  qui  a  trente  pieds  en  carré  ,  &  qui  eft  fu-ivi  de  trois  autres  pièces.  Le 
long  du  falon  &  de  ces  pièces ,  à  l'Oueft ,  eft  un  corridor  de  fix  pieds  de  large 
qui  aboutit  à  une  porte  ,  donnant  fur  le  côté  Sud  de  la  maifon,  C'eft  à  ce  bout 
Méridional ,  &  près  de  la  porte  de  fortie  ,  qu'eft,  à  droite  ,  un  bel  efcaîier  qui 
conduit  à  l'étage  fupérieur.  On  trouve  auffi  quatre  pièces  dans  celui-ci. 
Une  galerie  y  correfpond  au  corridor  d'en  bas.  L'aile  Sud  forme  dans  foa 
extrémité  Oueft,  au  rez  de  chauffée  ,  une  falle  à  manger  où  l'on  arrive  par  vn 
paflàgc  de  fix  pieds  ,  que' bordent  des  offices.  Au-deffiis  de  la  falle  à  manger, 
font  plufieurs  pièces  commodes. 

A  droite  du  veflibule  d'entrée  ,  en  face  du  corridor  qui  va  à  la  porte  du  bout 
Sud,  en  règne  un  autre,  mais  de  neuf  pieds  de  large,  qui  conduit  à  une 
porte,  au  bout  Nord.  Trois  des  pièces  qui  bordent  ce  corridor  ,  vers  la  ville , 
font  partie  du  logement  du  gouven;eur ,  &  la  quatrième  ,  qui  eH  la  plus  Septen- 
trionale ,  eft  la  falle  d'audience  de  l'Amirauté  qui  eft  tapiffée  d'un  papier 
fleurdelifé  &  où  l'on  a  mis  un  Chrift  ,  &  une  table  &  des  fièges  pour  les  juges. 
Près  la  porte  du  bout  Nord ,  eft  un  efcaîier  abfolument  femblable  à  celui  de 
l'autre  côté. 

Un  corridor  correfpondant  à  celui  qui  mène  â  la  falle  à  manger  ,  dans  l'aile 
gauche ,  conduit  ici  à  l'aile  droite  qui  forme  ,  dans  fa  totalité  ,  la  falle  de  la 
Sénéchauffée.  Elle  eft  belle,  bien  éclairée,  fpacieufe.  Une  enceinte  en  acajou 
contient  des  fauteuils  pour  fes  membres  ;  une  table  eft  devant  eux.  En  dehors 
de  l'enceinte  eft  un  grand  banc  pour  les  procureurs,  qui  n'ont  cependant  pas 
d'autre  falle  des  pas  perdus  ,  que  le  corridor  de  neuf  pieds  par  lequel  on  commu- 
nique au  veftibule.  La  falle  eft  tapiffée  comme  celle  de  l'Amirauté.  Au-deffus  des 
fièges  eft  un  tableau  repréfentant  un  Chrift  (  produit  d'une  amende  ).  On  a  mis  en 
face  un  autre  grand  tableau  de  fix  pieds  de  haut,  fur  quatre  de  large  ,  repréfentant 
Louis  XVi  en  pied  &  donné  par  M.  Suarez  d'Alméïda  ,  procureur  du  roi  de 
cette  Sénéchauffée,  le  11  Août  1783  j  deftination  approuy|,e  le  16  par  les 
Adminiftrateurs. 

Le  tournant  de  l'efcalier  laiffe  un  intervalle  entre  lui  &  le  mur  Nord  du  corridor 
de  la  Sénéchauffée  ,  on  y  voyait  autrefois  un  brigadier  &  quatre  archers  de  maré- 
chiunee  qui  .prenaient  leurs  moufquetons  &  bordaient  la  haie  ,  lorfqu'un  membre 
duCo.-:liupéncur,  dontils  étaient  la  garde  ,  montait  oyi  dei^endait  l'ef^aliei^ 


Mt-: 


DESCP-IPTION     DE     LA     PARTIE 

Cet  efcalier  conduit  à  un  palier  où  eft  un  petit  retranchement  de  lo  pieds  en 
carre  ,  à  2:a'jclie  ,  forn^-é  par  uns  cloifon  de  planches  peintes  en  rouge  ,  qui  n'ont 
.que  huit  ou  neuf  pieds  de  hauteur  Sz  dont  la  partie  fupérieure  eft  en  chire-voye. 
C'était  la  chapelle  du  Confeil  que,  par  une  indécente  affecTration,  l'on  avait  placée 
dans  ce  lieu ,  malgré  les  réchîTiations   continuelles  de  ce  tribunal. 

Trois  portes  donnent  fur  ce  palier.  Ceiie  qui  eft  en  face  de  l'efcalier,  conduifaic 
au  parquet  du  procureur  général.  On  y  remarquait  une  ancienne  armoire  d'acajou, 
qui  renfermait  les  reftes  de  quelques  volumes  achetés  pour  l'ufage  du  Confeil, 
-d'après  un-  ariêt  du  mois  de  Septembre  1725.  On  jugeait,  d'après  ce  corps  de  bi- 
bliothèque, que  les  ouvrages  ne  devaient  être  ni  nouveaux  ni  nombreux;  c'étaient 
les  ordonnances  ,  la  coutume  de  Paris,  &c  quelques  diftionnaires  de  droite  de  pra- 
tiaue.  J'avais  eu  le  bonheur  d'y  faire  ajouter  un  exemplaire  des  Lcix  &  Conjîtîutions 
des  Tjles/ous  le  vent,  auquel  on  recourt  affez  fouvent ,  pour  que  je  croie  à  l'utilité  de 
cet  ouvrage.  Je  l'ai  entrepris  avec  le  défir  qu'il  répande  des  lumières  fur  un  pays 
auquel  j'ai,  pour  ainfidire,  confacré    ma  vie  toute  entîère. 

Des  deux  autres  pertes  du  palier  ,  l'une  ouvre  dans  un  petit  corridor  qui  con- 
duifait  à  h  porte  par  cia  les  membres  du  Confeil  fe  rendaient  dans  la  faile 
d'audience  ,  ou  dans  celle  des  délibérations.  A  la  droite  de  ce  corridor  était  un 
.-  petit  endroit  pratiqué  ious  le  com.ble  de  cette  aile  fans  étage  ,  c'était  la  buvette 
du  ConfeiL  Enfin  la  dernière  porte  du  palier  était  celle  de  la  falle  des  Avocats  y 
où  une  grande  porte  faifait  entrer  dans  la  falle  d'audience. 

Il  ne  manquait  à  cette  falle  ,  pour  être  véritablement  belle  ,  que  d'être  plus  éle- 
vée. Mais  un  plafond  blanchi  au  lait  de  chaux  &  placé  à  environ  14  ou  15  pieds,  l'é- 
crafait.  Elle  était  divifée,  dans  fa  longueur,  en  deux  parties  égales,  qui  fe  trouvaient 
carrées  chacune.  La  barre  qui  féparait  les  Juges,  des  avocats  &  d,u  pubUc,  mar- 
quait cette  divifion.  Un  banc  régnait  de  chaque  côté  pour  l'auditoire.  Il  y  en  avait 
■  deux  pour  les  avocats,  &  au  bout  de  chacun  d'eux,  dans  l'efpace  qui  répondait  à 
la  porte  pratiquée  dans  la  barre  ,  était  un  huiffier  fur  un  tabouret.  La  barre  était 
une  baîuftrade  tournée,  à  deux  points  correfpondans  de  laquelle  deux  crochets 
fixaient  deux  pupitres,  prefque  plats  ,  oià  l'avocat  qui  plaidait  pofait  fes  pièces. 

L'enceinte,  occupée  par  les  Juges,  avait  une  forme  demi-circulaire.  Elle  é'ait 
garnie  d'un  banc  à  dofller,  avec  des  couffins  rem.bourés  &  couverts  de  cuir  de 
rouffi  noir,  bordés  de  petits  doux  dorés.  Au  fond  était  le  fauteuil  du  gouverneur 
général ,  avec  un  Chrift  au-deffusi  au-devant  de  la  place  du  préiident  était  un  pe- 


L^    -:^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      ^79 

ût  pupitre  portatif.   Les  magiftrats  fe  plaçaient  à  droite  &  à  gauche  ,  en  alternant 
fuivant  l'ordre  de  leur  réception. 

Une  autre  portion- demi  -circulaire  intérieure  &  laiffant,  entr'elîe  &  la  première, 
un  efpace  de  quatre  pieds,  contenait  un  autre  banc  à  doffier  &  des  couffins,  où  le 
Confeil  fe  mettait  aux  petites  audiences  j  enfin  un  troifième  çfp^çe  demi-circulaire 
en  dedans  de  ce  fécond,  &  conféquemment  bieq  plus  petit,  était  la  place  du 
procureur  général  &  de  fesfubftituts.  Il  avait  devant  lui  une  table,  vers  l'autre 
côtéde  laquelle  fe  mett.it  le  greffier ,  faifant  face  aux  juges.  Aux  grandes  audien- 
ces, les  membres  du  minifière  public  montaient  fur  les  petites  formes  du  fécond 
rang,  parce  que  les  juges  allaient  fur  les  grandes  ,  &  k  greffier  fe  plaçait  comme 
était  le  procureur  général  aux  petites  audiences. 

^    A  droite  en  entrant,  à  toucher  la  barre,  mais  dans  l'angle  intérieur  de  l'enceinte, 
etait^l'audiencier,  aîTis  aa-ievant  d'une  petite  table  &  faifant  face  à  l'Eft. 
.   Six  grandes  croifées  de  chaque  côté  éclairaient  cette  falle.   Elles  avaient  des  ja- 
loufies  à  battans  ,   comme  toutes  celles  de  cette  maifon  ,  mais  de  plus  des  chaffis 
à  battans  auffi  ,  garnis  d'un  canevas  extrêmement  fin.    Toute  h  falle  avait  des 
bordures  qui  étaient  d'acajou  comme  les  fièges  ,  les  bancs,  S.  tous  les  autrcs^neu- 
bles  qu'on  y  voyait.  Entre  les  croifées  ,   chaque  panneau  offrait  des  attributs  de 
juftice  peints  en  jaune,  &  avec  intelligence,  &  l'on  en  voyait  auffi  dans  le  cordoa 
qui  fe  trouvait  au-deffus  de  ces  croifées.   Le  fond  de  la  falle  était  lambriffé.  Le  ton 
rembruni  que  le  tems  donne  au  bois  d'acajou  ;  la  peinture  ,  de  la  même  nuance, 
^u'on  avait  mife  dans  les  embrafures  des  fenêtres  ;  h  cuir  de  rpuffi  noir  qui  cou- 
vrait les  formes;  la  décoration  des  panneaux  ;  l'habit  noir  des  juges,  des  avocats  & 
des  huiffiers  :  l'étendue  de  cttee  falle;  le  jour  ménagé  qui  s'y  répandait,  tput  y 
entretenait  ce  fentiment  profond  qui  accompagne  l'idée  de  la  loi;  tout  y  parlait  aux 
bonsde^fapuiffance  proteftrice  &  du  befoin  de  l'aimer,  &  aux  méchans  de  la 
néceffité  de  la  craindre. 

Entre  l'arrondilîcment  du  banc  des  juges  &.Ies  murs  latéraux  du  bâtiment ,  l'on 
avait  laifîe  un  efpace  qui  menait  de. chaque  côté  à  deux  portes  qu'on  appercevalt 
de  la  falle  d'audience.  Elles  faifeient  parvenir  à  la  dernière  pièce  du  local  du- 
Confeil  ;  c'était  fa  chambre  de  délibération  &  fa  chambre  criminelle.  Elle  était 
carrée  auffi;  on  s'y  affemblait  autour  d'une  très-grande  table  avec  des  fauteuils 
C'eft  dans  cette  pièce  qu'eftla  porte  qui  ouvre  fur  le  balcon  dont  j'ai  parlé,  & 
qui  marque  le  milieu  du  premier  étage, 

B  b  b  2 


TT^ 


380      DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

Perfu  adé  que  la  plupart  de  mes  lefleurs  ne  feraient  pas  fadsfaits  fi  je  me  bornais 

à  leur  dire  que  trois  tribunaux  s'afîemblaient  dans  ce  lieu,  oij  deux   fe  trouvent 

encore  5   fans  les  leur  faire  connaître  ,  je  vais  leur  en  donner  une  idée  fuccincle  , 

parce  que  les  autres  détails  appartiennent  plus  particulièrement  à  l'Hiftoire  ou  au 

rableau  raifonné  de  l'Adminifliration  delà  Colonie,  qui  forme  une  autre  partie  de 

mon  trava;!. 

Dans  l'origine  de  l'établiflement  de  la  Colonie  françaife  de  Saint-Domingue,  les 
chefs  des  av  anturiers  &  des  flibuftiers  étaient  les  feuls  juges  des  différends,  &ces 
chefs  réuniffaient  tous  les  pouvoirs,  Lorfque  ces  hommes  entreprenans  eurent  un' 
chef  nommé  par  le  gouverneur  général  des  Ifles  ,  ou  par  le  roi ,  celui-ci  fuccéda 
à  cette  puilTance  illimitée  &  defpodque  ,  &  conféquemment  méconnue  quelque- 
fois. 

Le  II  Oclobre  1664,  le  roi  établit  trois  Confeils  fupérieurs  à  Saint-Chriftophe , 
à  la  Martinique  &  à  la  Guadeloupe,  pour  juger  les  appels  des  juges  que  la  Compa- 
gnie des  Iflcs  de  l'Amérique  y  avaient  j  mais  il  ne  fut  point  queftion  de  Saint- 
Domingue,  qui  refta  fans  juges  &  fans  Confeil ,  comme  par  le  paffé.  Enfin  vers 
1680  on  imagina  d'y  former  une  efpèce  de  corps  judiciaire.  Il  fe  compofait  des 
officiers  majors  nom.més  par  le  roi ,  &  de  ceux  des  milices  ,  à  défaut  dcfquels  on 
appelait  les  notables  habitans.  Ce  tribunal ,  qui  jugeait  en  première  &  dernière 
inftance  ,  &  qui  appelait  fes  décifions  des  arrêts  ,  s'aCembkit  dans  les  lieux  princi- 
paux des  différens  quarners,  où  il  y  avait  des  affaires  civiles  ou  criminelles  à  juger, 
&  s'intitulait  tantôt  du  mot  générique  de  Confeil  Souverain  de  Saint  -Domingue  , 
tantôt  de  celui  de  Confeil  Souverain  du  lieu  oij  il  s'était  afîêmblé,  de  forte  qu'on 
voit  des  arrêts  du  Conjeil  du  Petit-Goave  ,  du  Corjeil  de  Lêogane  ,  du  Confeil  de 
Nippes. 

Cet  ordre  de  chofes  fubfiftait,  lorfque  MM.  de  Saint  Laurent  &  Bégon  ,  Admi- 
ttiftrateurs  généraux  des  Ifles  du  vent ,  vinrent  à  Saint-Domingue  en  1684 ,  &  ils 
préfidèrent  plufieurs  de  ces  confeils ,  dans  les  divers  lieux  où  ils  pafsèrent.  Sentant 
toute  l'imperfeélion  d'un  femblable  régime,  ils  prcposèrent  de  conftituer  réellement 
un  ordre  judiciaire,  &  c'eft  en  conformité  de  leur  demande  ,  que  l'édic  du  mois 
d'Août  créa  un  Confeil  Souverain  au  Petit-Goave  ,  avec  quatre  Sièges  royaux, 
pour  juger  en  première  inftance. 

L'un  de  ces  fiéges  fut  mis  au  Cap,  &  c'eft  celui  qui  y  fubfifte  à  préfent.  L'édit 
de  fa  création  lui  donne  un  fénéchal,ua  lieutenant,un  procureurdu  roi&  un  greffier. 


m>ll 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     381 

Se  pour  reflfort ,  tout  ce  qui  s'étend  depuis  le  Fort-Français,  jufqu'aux  limites  de 
lu  Partie  Septentrionale  de  la  Colonie  dans  l'EIt.  Sa  compofition  eft  reftée  la 
même,  mais  Ton  reffort  s'eft  étendu  dans  i'Oueflj  Se  comprend  aujourd'hui  les  treize 
paroiffesde  Limonade,  de  Sainte-Rofe  ,  du  Quartier-Morin,  du  Dondon,  de  la 
Marmelade  ,  de  la  Petite-Anfe  ,  du  Cap  ,  de  la  Plaine-du-Nord  ,  de  l'Acul ,  du 
Limbe  ,  de  Plaifance  ,  du  Port-Margot  &  du  Borgne.  Il  eft  à  remarquer  cepen- 
dant que  la  nomenclature  de  ce  territoire  n'a  été  fixée  par  aucune  loi ,  mais  par 
la  convenance  &  par  une  efpèce  d'induftion.  Par  exemple,  lorfqu'il  s'eft  formé  des 
paroiffes  à  l'Oueft  du  Cap,  on  les  a  confidérées  comme  des  démembremens  de 
celles  qui  exiftaient  déjà,  &  elles  ont  dépendu  de  la  Sénéchauflee  du  Cap,  quoi- 
qu'elles duffent  appartenir  à  relie  du  Port  -  de  -  Paix ,  qui  venait  jufqu'au 
Port-Français.  .Celles  qui  l'ont  été  encore  plus  tard ,  &  qui  ont  eu  une  ordonnance 
,  d'éreftion  ,  ont  été  attachées ,  par  cette  ordonnance  m.ême  à  la  Sénéchauflee; 
on  peut  d'ailleurs  conclure  avec  raifon  de  la  loi  du  prince,  qui  diftrait  en  1774  s 
la  paroifle  du  Borgne  ,  de  la  SénéchaulTée  du  Port-de-Paix  ,  pour  la  réunir  à  celle 
du  Cap,  que  toutes  celles  qui  font  en  deçà,  font  néceffairemeni  du  reffort  de  cette 
dernière. 

Ce  fut  au  mois  de  Juin  î686  ,  que  la  Sénéchauffée  fut  inftallée.  Ses  rcgiftres 
&  fes  minutes  furent  brûlées  en  Janvier  1691  &  en  Juin  1695  ,  parles  ennemis, 
dans  les  incendies  du  Cap.  L'on  a  vu  que  fes  premiers  officiers  furent  tués  a  la 
bataille  de  Limonade,  le  21  Janvier  1691.  Son  pins  ancien  regiftre  d'audience. j 
exiftant  en  ce  moment,  commence  le  20  Août  1695  ,  l'audience  étant  tenue  par 
Zéphirin  Faiaife  ,  procureur  du  roi ,  faifant  fonctions  de  juge  ;  Antoine  Dafpir  , 
huiffier  ,  faifant fondions  de  procureur  du  roi.  Il  y  a  une  audience  du  20  Avril, 
1696  ,  tenue  par  un  M.  Regondy  ,  dont  rien  n'indique  les  qualités.  On  trouve  à 
la  date  du  18  Juin  fuivant ,  une  audience  ainfi  intitulée.  „  Vu  l'abfence  de  M.^ 
"  k  juge  &  la  déclaradon  de  M.  le  procureur  du  roi,  &  vu  la  nécelTité  publique 
"  qu'il  y  a  de  tenir  l'audience  ,  avons  fait  approcher  un  tel,  un  tel  ,  &c.  ".  Les 
jugemens  font  rendus  par  M.  de  GaiifFet ,  gouverneur  de  Sainte-Croix,  &  du 
Cap  Saint-Domingue.  Il  prononce  ,  dans  une  première  caufe  ,  la  main  levée  d'une: 
faifie-arrêt  en  donnant  caution,  &  reçoit  le  ferment  de  cette  caution.  C'eft  encore 
M.  de  Galiffet  qui  tient  l'audience  du  14  Juillet.  Le  16  Février  1697  ,  c'eft  M. 
Efcofîier.  Le  21  Août  1697,  le  juge  fe  trouvant  inréreffédans  une  cauie,  M.  Fizetj 
curateur  aux  vacances,  monte  au  tribunal,  &  y  fiége  à  fa  place.  A  la  même  époq^ue 


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33a       DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

de  1697  ,  M.  Danzé ,  major  du  Cap  ,  y  nomme  plufieurs  huiffiers.  Le  15  Juillet 
1702,  c'eft  le  greffier  qui  continue  l'audience  ,  que  quitte  M.  Robineau,  féné- 
chal ,  pour  aller  trouver  M'^^-fon  êpoujâ ,  qui  était  tres-raal ,  fuivant  l'avis  qu'ont  lui 
en  d^jtne.  On  voit,  par  ces  exemples ,  ce  qu'était  la  Sénéchauffée  du  Cap  dans  fes 
com.  menée  mens. 

Son  plus  ancien  regiilre  d'infinuation  remonte  au  17  Août  1697  &  commence 
par  celle  d'un  contrat  de  mariage.  Le  plus  ancien,  quant  aux  enregiflreraens  , 
va  au  14  Septembre  1699.  Celui  qui  offre  la  plus  ancienne  déclaration  d'un 
maronnage  d'efclaves,  eft  du  31  Juillet  1703  ,  &:  co;!imence  par  celle  qu'y  fait 
M.  de  Galiffet  que  quatre  de  fes  nègres  font  fugitifs. 

C'eft  dans  le  greffe  de  cette  Sénéchauffée  qui  a  encore  perdu  plufieurs  pièces  dans 
l'incendie  de  k  nuit  du  ao  au  21  Décembre  1734,  qu'on  peut  juger  des  ravages 
des  infedles  qui  dévorent  les  papiers  dans  h  Colonie.  Il  y  a  d'anciens  regiftrea 
&  d'anciens  aéles  qu'ils  ont  rendu  abfolument  iilifibles.  Convertlffant  le  papier 
qu'ils  mangent  en  une  efpèce  de  gluten  terreux  ,  ce  gluten  fe  durcit  &  rend  les 
différentes.'euiiles  de  papier  adhérentes  les  unes  aux  autres,  de  manière  qu'on  ne  peut 
les  défunir  qu'en  les  déchirant.  Il  arrive  quelquefois  que  ces  feuilles  font  criblées 
par  des  milliers  de  petits  trous  qui  les  changent  en  découpures  ou  dentelles  , 
ou  bien  un  regiftre  ou  une  liafTe  d'aftes  qui  ont  été  attachés  ,  femblent  avoir  été 
maçonnés  prr  une  couche  d'un  mortier  léger.  Ce  n'efr  m.ême  pas  toujours  à  raifon 
de  l'ancienneté  des  pièces  qu'on  peut  en  calculer  le  ravage  ;  la  nature  du  papier, 
l'humidité  plus  ou  moins  grande  du  lieu ,  concourt  à  accélérer  leur  deftruftion  ,  & 
j'ai  vu  au  greffe  de  la  Sénéchauffée  du  Cap,  en  1783  ,  des  regiflres  de  baptême, 
5cc ,  de  la  parciffe  de  cette  ville  en  1774  ,  déjà  iilifibles  dans  quelque^ 
parties. 

Qu'on  juge,  d'après  ce  fcul  fait ,  de  l'utilité  du  dépôt  des  Colonies  établi  a 
Vtrfailles  en  1776  ,  &  de  ce  qu'a  de  coupable  la  négligence  que  les  officiers 
publics,  n'ont  ceffé  de  mettre  dans  la  remife  des  pièces  ,  aux  prépofés  de  l'inten- 
dant pour  les  envoyer  à  leur  deftination.  Je  ne  puis  m'empêcher  auffi  d'accufer 
hautement  les  Adminidrateurs  qui ,  préférant  quelques  commodités  domeftiques 
à  un  grand  intérêt  public ,  n'ont  pas  exécuté  l'ordre  réitéré  de  meîïtre  les  diffé- 
rens  greffes  du  Cap  dans  la  miai  on  du  gouvernement  ,  &  qui  ne  font  pas 
effrayés,  malgré  l'exemple  de  1734,  de  les  voir  placés  indifféremment  dans 
divers  points  de  la  ville  ,  expofés  à  chaque  inftant  à  des  incendies-. 


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FRANÇAISE  DE  S  A  I  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.  383 
Lajurididion  n'eut,  pendant  long-terns ,  d'autre  lieu  d'affemhlée  que  la  maifon 
d:u  féaéchal ,  ou  celle  du  gouverneur  du  Cap  ,  lorfqu'il  le  fuppléait.  Avant  1 690  , 
le  fénéchal  tenait  même  l'audience  lur  fon  habitation,  &  ce  fut  M.  de  GalifFec 
qui  l'obligea  à  remplir  ce  devoir  au  bourg  ;  alors  on  prit  le  grelFe.  Enfuite  oa 
donna  une  falle  d'audience  ,  dont  l'état  était  tel ,  vers  17 13  ,  que  les  juaes  n'y 
étaient  à  l'abri,  ni  du  folcil,  ni  de  la  pluie.  On  réunit  alors  la  Sénéchaufîee  au 
Confeil  ,  placé  dans  un  magafm  fur  la  place-d'armes  &  on  y  difpofa  auffi  un  petit 
auditoire  pour  elle.  Depuis  elle  n'a  pas  ceffé  d'être  dans  le  même  local  que  la  cour 
fupeneure  ,  jufqu'à  la  réunion  de  celle-ci  à  la  cour  du  Port-au-Prince. 

Quoique  l'édit  ait  donné  un  lieutenant  à  ce  tribunal ,  il  n'en  a  cependant  eu  un 
qu'en  1708.  Au  mois  de  Juillet  &  d'Août  1739,  ks  Admlniftrateurs  y  nom- 
mèrent deux  confeillcrs  ,  MM.  Cothereau  &  Hirel  ,  mais  cette  création  fut 
defapprouvée  &  révoquée  par  le  Miniftre  ,  le  26  Mai  1741.  Le  tribunal  n'eut 
plus  de  confeillers  jufqu'aux  trois ,  qu'à  créés  l'édit  du  mois  de  Janvier  1787. 

La  multiplicité  des  fondions  du  procureur  du  roi,  lui  firent  donner  parles 
Adminiilrateurs,  un  premier  fubftitut ,  le  13  Odlobre  1737,  dans  M.  Barbey, 
garde-magafin  du  roi,  &  depuis  on  a  fucceffivement  établi  un  fécond  fubftitut  \ 
un  troifième  ,  puis  un  quatrième  ,  dans  la  perfonne  de  M.  de  Saint- Martin  fils  \ 
nommé  par  commiffion  du  2  Décembre  1777  .  &  qui  eft  mort,  en  1785  ,  confeil' 
îer  da  Confeil  du  Cap  ,  où  je  l'ai  remplacé.  Il  y  a  auffi  un  fubftitut  à  réfidenee  dans 
chaque  paronTe  dépendante  de  la  Sénéchaufîee.  Il  y  eft  une  cfpèce  de  commifîaire 
délégué  de  cette  Sénéchaufîee  ,  pour  la  juftice  &  les  aftes  provlfoires  qui 
requièrent  célérité,  ou  pour  ceux  où  le  tranfport  des  officiers  de  la  Sénéchauffée 
deviendrait  trop  coûteux. 

Le   greffier   a  auffi    choifi    trois  greffier  -  commis   pour   l'aider.     Il    y   a   un' 
dudiencier  établi    depuis  le  commencement  du    fiècie.    Il  porte    une    bac^uet^e 
noire  garnie  d'ivoire  ,   &  marche  à  la  tête  du  tribunal  aux  cérémonies  pubiaiues 

La  Sénéchaufîee  ne  prononçait  qu'en  première  inftance,  au  civil  &  au  criminel  • 
mais  depuis  1787,  elle  a  quelques  cas  préfidiaux.  Dans  l'origine  les  par- 
ties s'y  dépendaient  en  perfonne  ,  &  là  ,  comme  ailleurs,  desdéfenfeurs  officieux 
remplacèrent  les  parties  ,  &  c'étaient  furtout  les  huiffiers  qui  remplifîaient  ce 
rôle.  A  leur  fuite  vinrent  Ls  folliciteurs  de  procès.  Plufieurs  fois  on  les  profcrivit 
&  toujours  ils  fe  reproJuifirent  fous  difi^érentes  formes.  Enfin  le  14  Juillet  17^8 
on  cré.i  des  procureurs  qui ,  au  Cap,  étaient  communs  au  ConfeU  &  à  la  ât^ù 


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J84 


DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


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chauffée  ,  &  y  faifaient  les  doubles  fondions  d'avocats  &  de  procureurs ,  mais 
depuis  1764,  les  procureurs  font  exciufivement  attachés  au  fiéges  de  première 
inftance.  Leur  nombre  a  varié  avec  l'accroifiement  des  affaires  :  aftueilement 
ils  font  vingt. 

Les  notaires  ont  exifcé  même  avant  la  Sénéchauffée,  &c  il  y  en  avait  de  nommés 
par  l'intendant  des  liles  ,  rendant  à  la  Martinique.  Leur  nombre  a  varié  auffi  ,  il 
y  en  a  douze  dans  la  ville  du  Cap  ,  &  dix-huit  répandus  dans  les  autres  paroiffes 
de  la  juridiiflion. 

Il  y  a  vingt  huiiTiers  pour  le  fervice  de  tous  les  tribunaux  du  Cap.  On  fait 
qu'il  en  exifcait  da.ns  la  Colonie ,  lors  même  qu'elle  n'avait  que  fon  confeil  des 
milices.  On  les  a  augmentés  fuivant  le  befoin.  Depuis  le  26  Février  1761 ,  un 
arrêt  du  confeil  du  Cap  les  a  mis  en  bourfe  commune  &  leur  bureau  a  toujours 
été  au  même  point;  c'efb  la  maifon  qui  fait  l'angle  Sud-Eft  des  rues  de  la  Provi- 
dence &  Royale.  Le  bon  ordre  eft  maintenu  aux  audiences  de  la  Sénéchauffée , 
par  des  archers  de  police  dont  elle  eil  auffi  accompagnée  dans  les  fonctions  &  les 
cérémonies  publiques. 

La  Sénéchauffée  a  réuni  toute  la  compétence  maritime  aux  autres  ,  depuis  fon 
établiffement 5  jufqu'en  1718  ,  qu'en  vertu  du  règlement  du  roi,  du  12  Janvier 
1717  ,  qui  met  des  fiéges  d'Amirauté  dans  les  ports  coloniaux  ,  oij  il  y  avait  des 
Sénéchaufféesj  il  y  en  eut  une  au  Cap.  L'Amirauté  eil:  compofée  d'un  lieutenant, 
d'un  procureur  du  roi,  d'un  greffier  &  d'huiiTiers.  Dès  le  6  Septembre  17x7, 
il  y  eut  des  officiers  nommés  pour  celle  du  Cap  ,  mais  depuis  lors ,  le  fénéchal , 
foit  comme  brév^eté,  foit  comme  juge  le  plus  prochain  (  ainfi  que  le  veut  la 
création  des  Amirautés  coloniales  ),  a  toujours  réuni,  jufqu'au  10  0(5lobre  178 1  , 
les  fondions  de  fénéchal  &  de  lieutenant  de  l'amirauté  ,  excepté  depuis  le  10 
Août  1719  jufqu'au  mois  de  Mai  1721  ,  que  la  dernière  pince  a  été  remplie  par 
M.  le  Roy  qui  n'avait  que  celle-là.  Un  arrêt  du  confeil  d'État  ayant  prononcé 
l'incompatibilité  de  ces  fonélions  ,  le  7  Juillet  1781  ,  elles  font  divifées  depuis 
ce  tcnis. 

Quant  au  procureur  du  roi,  il  Ta  été  conftamment  de  la  Sénéchauffée  &  de 
l'Amirauté  jufqu'au  24  Août  1778.  Ces  places  ont  écé  déclarées  incompatibles 
auffi  par  l'arrêt  de  17S1.  Le  greffe  a  été  donné  tantôt  au  titulaire  de  celui  de  la 
Sénéchauffée,  tantôt  à  un  "autre.  Le  lieutenant  de  l'Amirauté  nomme  à  l'intérim  ce 
ce  greffier  qui  a  deux  greffiers-commis.  Il  a  nommé  auffi  deshuiffiers,  lorfqir'il 

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FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  385 
ne  s'en  eft  pas  trouvé  de  brevetés.  Le  premier  de  ce  dernier  genre  ne  l'a  été  que 
le  premier  Août  1741.  Il  y  a  aétuellement  quatre  huiffiers  brevetés  pour  l'Ami- 
rauté ,  mais  ils  font  réunis  à  la  bourfe  commune  &  n'ont  de  particulier  que  le 
fervice  de  leur  fiége ,  qui  a  un  audlencier  breveté  depuis  17 19.  Celui  de  la 
Sénéchauffée  le  fuppléait  auparavant. 

Il  a  exifté  autrefois  des  procureurs  ,  fpécialement  défignés  pour  l'Amirauté, 
quoique  choifis  parmi  ceux  de  la  Sénéchauffée  ,  &  eux  feuls  y  plaidaient  &  y 
inftruifaient  les  affaires.  Le  lieutenant  de  l'Amirauté  les  commiffionnait,  mais  cette 
nomination  amena  des  difficultés  dont  le  réfultat  a  été  que  les  procureurs  de  la 
Sénéchauffée  font,  à  ce  titre,  ceux  de  l'Amirauté.  Ce  tribunal  a  de  plus  un  rece- 
veur-général des  droits  de  M.  l'Amiral,  un  chirurgien- major,  un  apothicaire, 
un  jaugeur  &  plufieurs  interprêtes. 

Le  Confeil  fupérieur  du  Cap  avait  été  créé  fous  cette  dénomination  par  un  édic 
du  mo's  de  Juin  1701 ,  qui  le  compofait  du  gouverneur-général,  de  l'intendant 
du   gouverneur  de  la  Partie  du  Nord,  du  commandant  du  Cap,  de  deux  lieu- 
tenans  de   roi  ,   de  deux   maiors ,  de  fept   confeiilers  ,   d'un  procureur-général 
&   d'un   greffier.   On   retrancha   du  reffort  du   Confeil  du   Fetit-Goave,  qui 
comprenait  toute  la  Colonie  ,  les  quartiers  du  Cap  &  du  Port-de-Paix    (  celu' 
du  Fort-Dauphin  n'exiflait  point  encore  &  fon  territoire  faifait  partie  du  quartier 
du  Cap  )  ,  &  tous  ceux  qui  pourraient  fe  former  dans  la  bande  du  Nord.  Le 
Confeil  était  tenu  de  s'affembler  au  moins  une  fois  par  mois.  Le  gouverneur- 
général  y  avait  la  préféance ,   &  fucceffivement  l'intendant ,  le  gouverneur  du 
Nord  &  le  commandant  du  Cap ,  mais  la  préfidcnce  était  attribuée  à  l'intendant 
&  paffait  de  lui  au  plus  ancien  Confeiller.  Ce  tribunal  fupérieur  fut  inllallé  au 
•Cap  par  M.  de  GalifFet ,  gouverneur-général  de  Sainte-Croix  &  du  Cap ,  le  1 1 
Novembre  1701.  J'ai  dit  qu'avant   1712  il  n'avait  eu  aucun  local  fixe,  &  par 
quels  logemens  intermédiaires  il  était  arrivé  à  celui  qu'il   a  aduellement  dans 
la  raaifon  du  gouvernement. 

Le  Confeil  du  Cap  s'allembla  d'abord  le  premier  lundi  de  chaque  mois  ScjuP-eaiÉ 
tant  qu'il  y  avait  des  procès  en  état.  En  Août  1713  ,  il  n'eut  plus  de  féance°que 
tous  les  deux  mois. ,  iriais  en  Février  1716  U  reprit  l'ufage  du  premier  lu.idi  du 
•mois.  Depuis  long-tems  il  fiégait  environ  100  jours  de  l'année. 

Comme  l'intendant  à  qui  l'édit  de  création   attribuait  la  préfidence  réfidaic 
alors  à  la  Martinique  ,  le  doyen  des    Confeiilers  le  repréfenta  ,   à  cet  égard 
Tm,  I.  ,  Ccc 


SU       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

jufqu'au  commencement  de  l'année  1705  ,  époque  de  l'arrivée  de  M.  Deflandes, 
qui  nommé  ordonnateur ,  avait  l'exercice  des  droits  de  préfident.  M.  Mithon 
les  eut  après  lui ,  en  vertu  de  provifions  de  premier-confeiller  du  9  Septembre 
1708.  Devenu  intendant  en  1718,  il  fut  préfident  en  cette  qualité,  &  dès 
1719  il  y  eut  un  fecond-confeiller  qui  eut  encore  le  droit  de  préfider  après 
l'intendant.  Depuis  lors  jufqu'en  1769,  le  Confeil  du  Cap  a  toujours  eu  un 
premier  ou  un  fecond-confeiller  ;  de  manière  qu'il  avait  toujours  deux  ou  trois 
préfidens  étrangers  à  fon  corps ,  lî  l'on  excepte  depuis  1766  ,  que  le  fecond- 
confeiller  était  M.  Collet,  pris  dans  le  Confeil,  d'après  une  ordonnance  du 
mois  de  Février  1766. 

Le  Confeil  qui ,  dans  fon  origine  ,  n'avait  que  fept  Confeillers  Se  huit  autres 
membres  ,  dont  fept  é:aient  militaires  ,  avait  foufFert  différens  changemens. 
D'abord  le  nombre  des  Confeillers  avait  été  fucceffivement  augmenté  à  caufe 
des  progrès  de  la  Colonie.  Le  12  Février  1726  ,  l'entrée  en  avait  été  ouverte 
aux  commiiTaires  8z  aux  contrôleurs  de  la  marine,  &  le  9  Mars  1734,  à  tous 
les  officiers  majors  de  fon  reffort.  En  1738  &  dans  les  années  fuivantes  ,  les 
Adminiftrateurs  avaient  nommé  des  affefîèurs  à  ce  Confeil,  où  ils  n'avaient  point 
de  voix ,  que  dans  les  affaires  où  ils  étaient  rapporteurs  ,  ou  quand  le  nombre 
de  juges  nécelTaires  n'était  pas  complet  ;  cette  mefure  provifoire  était  devenue 
définitive  par  les  lettres-patentes  du  mois  d'Août  1742  >  qui  ont  établi  quatre 
afîeffeurs  ,  qui  font  des  fuppléan^  dont  le  titre  s'éteint  après  trois  années ,  s'il  n'eft 

pas  renouvelle. 

Le  24  Mars  1763  ,  une  ordonnance  du  roi  ne  donna  de  féance  au  Confeil 
qu'au  gouverneur-général  &  à  l'intendant  j  de  manière  qu'on  n'y  vie  plus  les 
états-majors,  ni  les  commifîaires  &  les  contrôleurs  de  la  marine.  En  17661e 
nombre  des  confeillers  fut  porté  à  douze  ;  on  en  envoya  plufieurs  qui  étaient  des 
avocats  du  parlement  de  Paris,  &  ils  eurent  tous  12,000  liv.  d'appointemcns 
&  1,500  liv.  de  loyer.  Mais  le  tribunal  reçut  une  autre  compofition  au  mois  de 
Septembre  1769.  Il  eut  pour  membres  le  gouverneur-général  ,  l'intendant , 
le  commandant  en  fécond  du  Cap ,  un  préfident  choifî  parmi  les  confeillers ,  le 
commiiTaire  général  de  la  marine ,  le  lieutenant  de  roi  du  Cap ,  le  plus  ancien 
des  commiffaires  de  la  marine,  douze  confeillers  en  comptant  le  préfident,  quatre 
aCTefTeurs ,  un  procureur-général ,  trois  fubftituts  &  un  greffier. 

Le  rang  de  toutes  les  perfonncs  qui  entraient  au  Confeil  du  Cap  lors  de  h. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      387 

réunion  de  1787,  était  dans  l'ordre  oij  je  viens  de  les  nommer^  c'eft-à-dirc  , 
que  le  gouverneur-général  était  dans  le  fauteuil,  l'intendant  à  fa  droite,  le 
commandant  en  fécond  à  fa  gauche  ,  le  préfident  après  l'intendant ,  Se  en  alter- 
nant ainfi  des  deux  côtés  du  fauteuil.  Cependant  lorfque  l'intendant  était  hors 
du  reffort  du  Confeil  &  qu'il  y  avait  un  commiffaire  général  ou  même  un 
commiffaire  ordinaire  avec  l'ordre  de  faire  les  fonélions  de  commiffaire  général , 
il  préfidait  privativement  au  préfident-confeiller  &  prenait  le  pas  fur  lui.  Mais 
excepté  l'intendant  &  ce  commiffaire  général ,  c'était  le  préfident  ou  un  confeiller 
par  ordre  d'ancienneté  ,  qui  préfidait.  Le  Confeil  avait  auffi  plufieurs  confeillers 
honoraires  qui  avaient  été  fes  membres  ou  ceux  du  Confeil  du  Port-au-Prince, 
car  il  y  avait  de  ces  honoraires  qui  l'étaient  des  deux  Cours.  Ils  prenaient  leur 
rang  d'ancienneté  parmi  les  confeillers ,  excepté  avant  le  doyen  des  titulaires  , 
qui  les  précédait  toujours  ,  parce  qu'un  confeiller  honoraire  ne  peut  jamais  avoir 
droit  ni  à  la  préfidence  ni  au  décanat. 

Le  procureur-général  a  rempli  feul  fes   fondions  jufqu'au   i^"--  Août   1739 
que   les  Adminiftrateurs    lui  donnèrent   un   fubftitut   qui   fut   M.    Dumouriez 
Dupcrrier;   le   nombre  des  fubftituts   fut  enfuite  fucceffivement  porté  à  trois. 

Le  greffier  de  cette  cour  confidéré  à  bien  des  égards  comme  un  confeiller , 
puifqu'il  obtenait  l'honoraire  comme  eux ,  était  autrefois  appelé  dans  fa  com- 
miffion  Confeiller  Secrétaire  du  rot  &  du  Confeil  du  Cap.  Il  avait  deux  greffiers- 
commis. 

Le  Confeil  du  Cap  a  eu  fon  premier  audiencier  le  4  Septembre  1706.  Il 
portait  une   verge  noire  avec  laquelle  il  précédait  le  Confeil  aux  cérémonies. 

Ce  tribunal  était  dans  l'ufage  d'accorder  une  féance  honorifique  Se  la  voix 
confultative  aux  membres  des  autres  cours  fouveraines  qui  s'y  préfentaient.  On  les 
plaçait  alors  immédiatement  après  le  doyen.  On  a  vu  fiéger  ainfi  au  Confeil  du 
Cap ,  notamment  M.  Le  Maire ,  confeiller  du  Confeil  de  Léogane ,  le  5  Mars 
1745  ,  Se  M.  de  Saint-Mihiel ,  médecin  du  roi  &  confeiller  du  Confeil  fupé- 
rieur  de  rifle  de  France ,  le  28  Mars  1782;  ce  dernier  fut  même  placé  entre 
le  préfident  &  le  doyen. 

C'était  encore  un  ufagc  d'y  faire  affeoir  les  membres  des  Sénéchauffées  aux 
audiences  à  la  gauche  du  procureur-général  &  des  fubilituts.  On  avait  les  mêmes 
,  égards  pour  des  officiers  militaires  fupérieurs ,  à  partir  du  rang  de  major 
incliifivemcnt. 

C  c  c  2 


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388      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

J'ai  dit  que  jufqu'en  1764  les  procureurs  de  la  Sénéchaunée  l'étaient  auîTi  du 
Confeil  &  rempliffaient  partout  les  fonctions  d'avocat ,  mais  depuis  cette  épo- 
que 3  ce  tribunal  s'était  attaché  des  avocats  poftulans  qui  j  par  ce  moyen  , 
ctaienc  fes  feuis  officiers  miniltériels.  Ceux-ci  admettaient  dans  leurs  bancs  les 
notaires  &c  les  procureurs  ,  £-c  avaient  pour  clief  leur  doyen ,  fous  le  nom  de 
bâtonnier.  Leur  nombre  était  limicé ,  &  ils  ne  pouvaient  être  reçus  qu'avec  un 
vifa  de  l'intendant.  On  les  avait  fixés  à  douze  ,  mais  ce  nombre  avait  été  un 
peu  excédé  depuis  quelques  années.  J'ai  eu  l'honneur  d'appartenir  à  ce  barreaa 
depuis  1775  jufqu'en  17S5  ,  &  même  lors  de  ma  réception  au  Confeil  du  Cap 
en  qualité  de  confeiller  ,  cetce  cour  me  difpenfa^  par  un  arrêt,  de  l'information 
de  vie  &  mœurs  ,  attendu  celle  qui  avait  eu  lieu  lors  de  ma  réception  en 
qualité  d'avocat  près  d'elle. 

Les  huiffiers  étaient  auffi  ceux  des  deux  fiéges  inférieurs  ;  il  y  en  avait  tou- 
icurs  quatre  de  fervice  au  Confeil. 

Je  me  livrerais  à  des  particularités  qui  groiïiraient  extrêmement  cette  defcrip- 
tion  fi  je  voulais  donner  une  idée  plus  étendue  des  tribunaux  du  Cap.  J'ajou- 
terai cependant  que  le  Confeil  prononçait  en  dernier  refîbrt  fur  les  appels  des 
îugemens  des  Sénéchauffées  h.  des  Amirautés  du  Cap ,  du  Fort-Dauphin  &  du 
Port-de-Paix  ;  qu'il  ftatuait  en  premier  &  en  dernier  reflbjt  fur  les  appels  comme 
d'abus ,  far  ce  qui  concernait  les  fabriques  des  paroifîcs  &:  fur  ce  qui  intérciïàit 
la  police  intérieure  de  fes  membres  ou  des  perfonnes  qui  lui  étaient  immédia- 
tement attachées. 

Mais  puis-je ,  malgré  ma  réfolution ,  ne  pas  dire  quelque  chofe  d'une 
localité  dont  tous  les  étrangers  font  frappés  ?  le  coftume  des  magifVrats 
coloniaux  >  qui  fiégent  en  épée.  Cette  furprife  doit  cefler  fi  l'on  réfléchit 
à  ce  que  j'ai  rapporté  de  l'exiftence  du  confeil  des  milices ,  qui  prenait  fon 
nom  de  ce  que  le  chef  de  la  Colonie  ou  le  lieutenant  de  roi  le  formait  en 
en  rafîemblant  des  officiers.  Le  commandant  des  milices  de  la  paroiffe 
en  était  le  premier  confeiller ,  le  major  des  milices  y  faifait  les  fonélions  de- 
procureur-général  ,  &  il  ferait  vrai  de  dire  que  ce  fut  au  courage  qu'on  décerna 
l'honneur  de  rendre  la  juftice.  On  fe  foumettait  au  jugement  de  ceux  à  qui  l'on 
obéifîait  dans  les  combats  ,  Se  le  tribunal  était  une  cour  martiale  ambulante^ 
En  1685  j  lorfqu'on  créa  le  Confeil  du  Petit-Goave  pour  toute  la  Colonie^ 
des  douze  confeilkrs  choifis ,  onze  &  le  procureur-général  étaient  officiers  des. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      389 

iftiiices  &  ne  ceflerent  pas  de  l'être;  ils  confervérent  leur  coftume  &  l'arme 
dont  ils  rayaient  bien  fe  fervir.  Les  mêmes  circonftances  ayant  accompagné,  en 
1701  ,  le  choix  des  confeillers  du  Confeil  du  Cap,  on  y  vit  aulH  les  magiftrats 
qui  étaient  officiers  de  milice  garder  leur  épée  en  exerçant  la  juftice. 

Les  affaires  judiciaires  augmentant  fucceffivement  &  confommant  tout  le 
temsdes  magiftrats,  ils  finirent  par  renoncer  aux  emplois  de  là  milice,  &  ils 
avaient  même  éprouvé  des  vexations  afiez  renouvcllées  pour  qu'ils  cruffent  utile 
de  demander  l'exemption  du  fervice  pcrfonnel.  Mais  dès  que  la  patrie  était 
menacée ,  on  les  voyait  s'armer  &  ie  rendre  des  premiers  pour  partager  les 
dangers  avec  leurs  concitoyens. 

Deux  fois  (  en  1761  &  en  1780  ),  on  s'occupa  dans   le  Confeil  du  Cap  de 
favoir  fi  l'on  changerait  ce  coftume,  mais  à  la  dernière  époque  on  convint  qu'il  ne 
fallait   pas  s'occuper   d'un  pareil  objet.  Ainfi  dOnc ,  la   magilbature  de   Saint- 
Domingue  ,  (  car  dans  l'origine  les  membres  des  tribunaux  inférieurs  étaient  aufïï 
employés  dans  les  milices  &  foldats  en  préfence  de  l'ennemi  ),  en  confervant 
Tefprit  de  fon  inftution  primitive,  fe  glorifié  encore  de  repréfcnter  les  premiers 
défenfeurs ,  les  premiers  conquérans   de  la  Colonie.  Ils  fiégent  dans  les  lieux 
que   leurs   devanciers  ont  foumis    à  la    France.    Un   habit  qui  laifîè   voir  une 
épée   qu'on  fait   manier   &   qu'on   tient  de  fes   prédéceffeurs ,  vaut  bien  une 
longue  robe,    &  l'amour  de   la  juftice   n'exclut  pas  le  courage.  Les   Confeik 
de  Saint-Domingue  ont  vu  des  magiftrats  de  cours  fouveraines   de  la  métropole 
adopter    leur    coftume  &  accepter   dans  leur  fein  une  place  honorifique  -M 
Defmé  DubuifTon  ,  confeiller  au  Parlement  de  Paris  qui  s'afleyait  en  robe 'dans 
la  cour  des  Pairs ,  reprit  l'épée  lorfque  dans  un  voyage  qu'il  fit  dans  la  Colonie 
il  fiégea  en   qualité  de  confeiller  honoraire  a  ;  Confeil  du  Cap. 

Ce  n'a  été  que  vers  1766  que  lé  Confeil  s'eft  habillé  de  noir,  ce  qui  a  été 
imité  par  tout  ce  qui  tient  à  l'ordre  judiciaire.  Auparavant ,  chaque  confeiller 
portait  un  habit  de  la  couleur  qui  lui  plaifait ,  l'intendant  imitait  cet  exemple 
&  quand  la  cour  fe  ihettait ,  fuivant  fon  ufage  d'alors,  autour  d'une  table  le' 
tribunal  ne  refîemblait  pas  mal  à  un  comité  de  fermiers  généraux,  parce  que 
c'était  furtout  aux  habits  galonnés  qu'on  donnait  ia  préférence.  On  avait  la 
fâuflè  idée  de  vouloir  rendre  moins  tranchante  la  chamarure  dorée  des  états 
majors  &  des  officiers  d'adminiftration  de  la  marine.  Revenu  à  des  principes 
plus  fains,  on  a  pris  iliabit  noir,  &  l'on  a  vu  M.  d'Eftaing  fiégcr  à  fon  tour 


390       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

vêtu  de  cette  manière.  Tout  le  terns  que  M.  Caignet ,  commiCTâire  général  de 
la  marine  &  ordonnateur  au  Cap  y  a  préfidé  le  Confeil  ,  c'a  été  auffi  en  habit  noir. 

Il  eft  tems  que  je  reprenne  la  defcription  de  la  maifon  du  Gouvernement. 

Le  féjour  en  eft  tiès-agréable  ,  parce  qu'il  fe  trouve  dans  un  point  très-élevé 
de  la  ville  &  que  les  brifes  le  rafraîchifîent.  La  vue  en  eft  belle  ,  &  dans  un  tems 
ferein  on  appercoit  diftinftement  le  Cap  la  Grange  ,  qui  eft  à  14  lieues.  L'œil 
fe  promène  fur  la  mer  &  fur  la  plaine ,  depuis  la  paroiffe  de  la  Petite- Anfc 
jufqu'à  Limonade  ;  il  coritemple  les  montagnes  qui  s'étendent  de  Sainte-Suzanne 
au  Dondon  ,  on  voie  les  mâts  qui  indiquent  la  rade  ,  on  faifit  une  grande  étendue 
de  la  ville  ,  &.  ramenant  fes  regards  autour  de  foi ,  on  trouve  eacore  des  objets 
qui  les  égaient  ,  ibit  au-devant,  foit  en  arrière  du  bâtiment. 

Cinq  portes  du  rez  de  chauiïee  s'ouvrent  dans  difFérens  points,  du  côté  Oueft, 
fur  une  cour  qui  eft  entourée  par  la  maifon,  par  fes  deux  ailes  &  en  avant  par  un 
mur  qui  porte  une  claire-voye  de  bois.  Cette  cour  forme  une  efpéce  de  verger  où 
font  des  orangers  dont  les  fruits  font  excellens.  Huit  marches  conduifent  à  une 
porte  placée  au  milieu  de  la  claire-voye  &  qui  ouvre  fur  un  potager  de  toute  la 
largeur  du  terrain  fur  20  toifes  de  long.  Au  milieu  eft  un  baffm  que  renouvelle 
un  conduit  d'eau  tirée  du  morne  de  l'Oueft  ;  cette  eau  fert  auffi  aux  cuifines 
placées  le  long  de  la  rue  Saint-François  Xavier ,  un  peu  fur  le  derrière  de  l'aile 
gauche  &  donnant  fur  le  potager.  Enfin  le  local  eft  terminé  à  l'Oueft  par  un 
efpace  laiffé  contre  le  mur  de  clôture  ,  pour  former  des  couverts  &  des  bof- 
quets,  La  loge  du  jardinier  en  occupe  le  milieu. 

Cette  difpofition  élevée  du  terrain  derrière  la  maifon  ,  fait  perdre  à  celle-ci 
beaucoup  de  fon  agrément  dans  les  tems  pluvieux  ,  &  furtout  durant  les  Nords, 
L'inclinaifon  rapide  du  fol ,  qui  fe  trouve  d'ailleurs  affez  près  du  morne ,  fait 
qu'en  peu  d'inftans  l'eau  traverfe  le  potager ,  tombe  dans  la  cour  ,  &  le  bord  infé- 
rieur de  cette  dernière  étant  de  niveau  avec  les  appartemens  du  rez  de  chaufîce  , 
l'eau  s'y  répand  fi  la  pluie  eft  confidérable  ,'ou  y  entretient  une  humidité  fenfible. 
Si  le  vent  eft  Nord,  les  ailes  font  très-froides  &  furtout  l'étage  de  celle  du  Sud. 
J'ai  vu  qu'on  était  fouvent  obligé  d'en  laiffer  fermées  toutes  les  ouvertures  don- 
nant au  Nord  &  qu'on  y  éprouvait  encoreune  fcnfation  piquante.  Je  crois  en  total 
que  cette  habitation  ne  fera  jamais  faine  dans  le  bas,  tant  que  le  pavé  n'en  fera  pas 
cxhauiïe,  ou  que  la  cour  ne  fera  pas  abaifféej  &  que  quant  à  l'aile,  où  l'on  éprouve 
une  efpèce  d'hiver  pour  Saint-Domingue ,  il  n'y  a  que  l'élévation  de  l'étape  dç 
l'autre  côté,  qui  puifTe  la  garantir. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      391 

Tout  l'efpace  compris  entre  la  façade  de  la  maifon  &  la  rue  Efpagnole  ^  aabfo- 
lument  changé  depuis  1781 ,  que  les  foins  de  MM.  Reynaud  &  Le  Braffeur  i'ont 
fait  fortir  de  l'état  d'abandon  oij  on  le  laiffait.  Auparavant,  la  terraffe  de  vingt- 
quatre  pieds  de  large  faite  parles  Jéfuites  en  1739,  régnait  tout  le  long  du  bâtiment. 
On  parvenait  à  cette  terraflè  par  une  rampe  de  dix-huit  pieds  de  large  ,  pratiquée 
à  chaque  extrémité ,  &  encore  à  fon  milieu  ,  au  moyen  d'une  petite  terraffe  lon- 
gitudinale de  15  pieds  de  large  &  de  100  pieds  de  long,  au  bout  de  laquelle  étaient 
huit  marches.  Entre  ce  petit  terre-plein  &  les  deux  rampes,  était,  de  chaque  côté, 
un  carré  long  de  mur,  placé  au  bas  &  au  bord  de  la  terraffe  ,  ayant  100  pieds  de 
long  fur  60  de  large  ,  oij  de  fuperbes  rofiers  exhalaient  leur  parfum.  Les  murs 
portaient  fupérieurement  une  baluftrade  de  bois ,  dont  deux  côtés  fe  trouvaient 
conféquemment  border  le  terre-plein.  A  60  pieds  de  celui-ci  commençait  l'allée 
de  poiriers  ,  qui  fe  terminait  à  50  pieds  avant  d'arriver  à  la  porte  d'entrée  fur  la 
rue  Efpagnole  ,  &  qui  était  au  milieu  d'une  favane  qui  allait  depuis  cette  porte  , 
jufqu'à  la  maifon.  Les  arbres  fe  détruifaient  faute  de  foins  ;  la  favane  ,  fillonnée 
par  les  eaux  pluviales,  avait  des  creux  ,  des  inégalités ,  en  un  mot ,  tout  cet  afpeét 
était  trifte. 

M.  de  Reynaud ,  logé  au  gouvernement  dans  l'intérim  de  gouverneur-général 
qu'il  eut  au  mois  d'Avril  1780  ,  voulut  rendre  ce  féjour  agréable  au  public  ,  &  y 
mit  le  zèle  qu'il  a  montré  dans  tout  ce  qu'il  a  entrepris.  De  ce  moment  la  terraffe 
de  24  pieds  a  été  prolongée  de  m.anière  qu'elle  en  a  80 ,  &  qu'elle  comprend  toute 
la  largeur  &  prefque  toute  la  longueur  des  deux  grands  carrés  où  l'on  avait  vu 
des  rofiers  ;  des  baluflres  de  pierres  de  taille  bordent  cette  nouvelle  terraffe  :  les 
deux  rampes  des  bouts  ont  été  élargies  &  pavées.  Au  bout  Sud  du  terrain  &  en 
face  de  la  rue  Saint- Jacques ,  l'on  a  placé  une  fuperbe  porte  grillée  ,  de  fer, 
aux  deux  côtés  de  laquelle  font  de  petites  loges.  Cette  porte  devait  correfpondre 
à  une  autre,  qui  aurait  fait  face  dans  la  rue  du  Chat  ;  ces  deux  entrées  latérales 
auraient  remplacé  celles  qui ,  pofées  au  m.ur  d'enclos  au  Nord  &  au  Sud  ,  ré-, 
pondent  aux  deux  portes  qui  terminent  les  deux  corridors  du  rez  de  chaulîee. 

En  prolongeant  des  appentis  appuyés  fur  le  mur  de  la  rue  Saint  -  François- 
Xavier  ,  l'on  y  a  ajouté  une  buanderie  ,  qui  fe  trouve  en  face  du  puits  ,  que  de 
grands  lavoirs  de  maçonnerie  entourent.  Au  côté  oppofé  ,  on  a  fair  un  logement 
pour  le  concierge ,  &  des  écuries.  Au  point  où  commençait  la  favane ,  & 
où  finiffcnt  la  buanderie  d'un  côté  &  le  logement  du  concierge   de  l'autre  , 


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392       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

fe  trouve  une  magnifique  grille  de  fer  ,  qu'embelliflènt  les  ornemens  de  la  porte, 
qui  marque  fon  milieu  ,  &  à  laquelle  on  arrive  en  montant  trois  marches.  Cette 
grille  répare,  en  quelque  forte,  la  maifon  du  gouvernement  &  fes  dépendances,  de 
ee  qu'on  nomme  le  jardin  du  gouvernement ,  &  qui  eft  le  partage  du  public. 
.  L'allée  de  poiriers  a  entièrement  difparu  du  jardin.  L'efpace  ,  qui  a  50  toifes-de 
long  fur  les  44  toifes  de  largeur  du  terrain ,  eft  divifé  en  quatre  grands  carrés 
ou  tapis  verts  de  gafon ,  que  bordent  de  jolis  arbres.  Une  large  plate-bande 
auffi  en  gafon  ,  règne  fur  les  quatre  côtés  de  la  promenade  &  cette  plate-bande 
a  elle-même  intérieurement  un  rang  d'arbres.  L'ailée  principale  qui  mène  vers 
la  maifon  a  30  pieds  de  large ,  &  les  autres  24.  Toutes  ont  des  bancs 
de  pierre  de  diftance  en  diftance  ,  avec  l'attention  qu'il  n'y  en  ait  pas  deux  l'un 
vis-à-vis  de  l'autre,  afin  de  rendre  chaque  compagnie  plus  indépendante  ,  &pour 
punir  un  peu  auffi  la  curiofité. 

Les  pignons  des  deux  petits  bâtimens  qui  donnent  fur  les  bouts  du  jardin , 
dans  l'Oueft,  ont  été  peints  de  manière  à  olFrir,  dans  leurs  perfpedives ,  de  petits 
enjolivemens.  A  l'un  de  ces  bouts  eft  une  porte  étroite ,  avec  un  tourniquet , 
qui  donne  fur  la  rue  Sainte-Marie ,  prefque  vis-à-vis  celle  du  Lion.  Quelque 
commode  quelle  foit ,  il  n'eft  perfonne  qui  ne  défirât  la  voir  interdite,  puif- 
que  pour  gagner  quelques  pas ,  on  veut  arriver  de  ce  point  à  la  grande  porte  de 
la  rue  Efpagaole  ,  par  une  diagonale  qui  traverfe  &  gâte  le  gafon  de  deux  carrés. 
Il  faut  dire  ,  quoique  cette  vérité  foit  affligeante ,  que  les  gênes  font  quelque- 
fois néceffaires  ,  pour  que  le  public  n'abufe  pas  lui-même ,  de  ce  qui  a  fes 
jouiffances  pour  objet. 

Il  y  a  encore  fix  toifes  entre  la  plate-bande  de  l'Eft  du  jardin  &  le  mur  de 
clôture  de  cette  partie.  Ce  mur  qui  ne  va  qu'à  hauteur  d'appui ,  porte  une 
claire -voie  de  bois  avec  des  pilaftres  carrés  de  maçonnerie.  Au  milieu  eft  la 
orande  porte  d'entrée  placée  dans  un  évidement  demi-circulaire.  A  la  droite 
de  cette  porte  ,  qui  eft  de  fer  &  élevée  de  quatre  marches  au-defîus  de  la  rue, 
eft  un  petit  bâtiment  oïj  loge  une  garde  ,  &  aux  deux  angles  des  rues  Sainte- 
Marie  &  Saint- François-Xavier ,  mais  en  dedans  ,  font  deux  petits  bâtimens, 
fermés  prefque  en  entier  de  jaloufies  ,  &  deftinés  d'abord  à  être  ,  l'un  ,  falon  de 
conversation  &.  l'autre,  falle  de  concert;  on  en  a  fait  des  logemens.  Depuis 
ces  petits  corps-de-logis  jufqu'à  la  porte  d'entrée,  M.  de  Reynaud  avait  fait 
pratiquer  des  treillages  ea  portique ,  qu'on  devait  couvrir  de  fleurs ,  mais  il 

était 


I 


rat 


FRANÇAISE    DE    SAîNT-DOMINGtJE.       ^gs 

était  à  peine  parti  pour  la  France  ,  qu'un  fentiment  défapprobateur  &  peut- 
être  jaloux  ,  les  a  fait  ôter.  On  voulut  punir  le  public  de  la  reconnaifîance 
qu'il  avait  montrée  pour  des  embellifTemens  dont  il  était  l'objet ,  &  l'on  vit 
même  un  inftant  des  chevaux  mis  à  paître  dans  cette  jolie  promenade  ;  un 
mouvement  d'indignation   fit  juftice  de  cette  infultante  idée. 

La  promenade  du  gouvernement  eft  celle  que  l'on  préfère  ,  parce  que  c'eft 
la  plus  rapprochée  de  tout  le  monde ,  parce  qu'on  y  eft  à  l'abri  des  grandes 
brifes ,  parce  qu'elle  eft  féparée  de  toute  autre  agitation  que  de  celle  de  la  pro.- 
menade  même  ;  &  le  voifmage  de  la  comédie  lui  affure  cette  prédileftion. 
On  ne  faurait  être  trop  fenfible  à  ce  préfent  de  deux  Adminiftrateurs  à  qui 
le  Cap  doit  cette  jouifîance  ,  entre  beaucoup  d'autres.  Il  eft  bien  plus  utile  qu'on 
ne  penfe  d'avoir ,  dans  un  pays  chaud  ,  un  lieu  de  délaffement  oij  l'on  puilTe 
prendre  de  l'exercice.  Les  femmes  furtout  y  font  appelées  par  le  plaifir,  par  le 
défir  de  plaire ,  &  les  confeils  de  l'amour-propre ,  tournent  au  profit  de  la 
ianté. 

C 'eft  au  -devant  du  gouvernem.ent  &  entre  lui  &  ia  comédie  j  qu'on  fait 
chaque   matin  la  parade  des  troupes  deftinées  à  la  garde  du  jour. 

L'édifice  du  gouvernement  eft  le  premier  fur  lequel  on  ait  vu  des  barres 
cledriques  au  Cap.  Elles  y  ont  été  pofées  en  1783.  Dès  le  23  Juin  de  la  même 
année,  le  tonnerre  tomba  fur  celle  du  centre,  &  fuivit  le  condufteur,  mais 
arrivée  à  l'extrémité  Sud  de  la  maifon  ,  où  ce  conduéleur  formait  un  angle  aigu, 
la  matière  éicélrique  s'échappa  &  vint  frapper  le  mur  près  du  pilaftre 
Oriental  de  la  porte  qui  donne  dans  la  rue  Saint-François-Xavier.  On  a  remédie 
à  ce  défaut ,  mais  ce  que  je  n'ai  pas  ceffé  de  blâmer  ,  c'eft  qu'on  laifTe  le  conduc- 
teur fur  le  pafTage  de  ceux  qui  viennent  dans  le  bout  Sud  du  bâtiment ,  où  il 
plonge  dans  la  terre  ;  de  manière  qu'un  imprudent^  un  ignorant  ,  un  enfant , 
quelqu'un  même  qui  ne  le  fait  pas  ,  peut  dans  un  inftant  où  l'atmofphère  ferait 
très-chargée  d'éleclricité  ,  fe  faire  foudroyer  ,  en  déterminant  le  fluide  à  quitter  f» 
.direftiqn  &  en  fc  plaçant  dans  fa  fphère  d'adivité. 

Le  concierge  du  gouvernement  nommé  par  l'intendant,  a  1,200  liv.  Le  foin  par- 

rticUlier  du  local  des  tribunaux  était  confié  à  un  concierge-buvetier  nommé  par  le 

Confeil  &  qui  avait  fon  logement  dans  un  petit  bâtiment  parallèle  aux  cuifîneSo 

Enfin  il  y  a  un  horloger  commiiTionné  par  l'intendant  ou  l'ordonnateur  &  payé 

i,aoo  livres  fur  la  caiffe  des  amendes  ,  pour  foigner  &  entretenir  l'horloge. 

Tome    L  •  ■       D  d  d 


r 


394      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

Mais  c'eft  affez  parler  du  Gouvernement  qui  a  fa  grande  entrée  fur  la  rue  des 
Marmoufets.  Je  pafle  à  la  rue  de  l'Ours  qui  eft  parallèle  à  celle  -  ci  dans 
rOuefl.  Il  y  a  plus  de  trente  ans  que  la  rue  de  l'Ours  eft  fermée  dans  le  Sud  par 
une  maifon  j  au  moyen  de  laquelle  deux  îlecs  fe  trouvent  joints.  Cette  maifon  où 
l'on  a  vu  le  greffe  de  la  Sénéchaufîee  ,  était  occupée  par  M.  de  Bory  &  il  la 
quitta  pour  aller  habiter  le  gouvernement  actuel ,  &  depuis  ce  tems  ,  elle  a  écé 
louée  par  les  commandans  en  fécond.  Elle  eft  bâtie  en  manfardes  ,  avec  un 
corps-de-logis  entre  cour  &  jardin.  La  cour  a  ,  au-devant ,  une  claire- voye  qui  va 
fc  terminer  à  Textrémité  de  deux  ailes.  Cette  fituation  eft  gaie  &  la  maifon  a  de 
la  grâce  ,   parce  qu'elle  eft  exhaufîee  &  qu'on  y  arrive  par  plufieurs  marches. 

La  rue  du  Lion  eft  au-defilis  de  celle  de  l'Ours.  Leurs  deux  noms  font  rout 
aufîî  bifarres  l'un  que  l'autre  pour  Saint-Domingue.  C'eft  dans  cette  rue  &  à  fon 
angle  Sud-Eft  avec  laruedela  Providence,  qu'habitait  la  veuve  Cottin,  cette 
femme  vénérable  ,  ctttt  mulâtrefîe  qui  fît  toujours  taire  le  préjugé  de  la  couleur 
&  de  la  naiflance  par  fes  vertus.  Charitable  ,  hofpitalière ,  elle  prodigua  aux 
malheureux  tout  ce  qu'elle  devait  à  la  fortune  ,  &  fon  ame  généreufe  la  rendait  la 
mère  des  pauvres.  J'aurais  crû  n'avoir  décrit  qu'imparfaitement  cette  fedion,  fi 
je  n'avais  pas  indiqué  l'endroit  oij  dem.eurait  ce  modèle  de  bonté  ,  à  qui  le  Confeil 
du  Cap  avait  donné  un  grand  &  jufte  éloge  ,  lorfqu'il  l'excepta  ,  le  22  Mai  1760, 
de  la  defenfe  faite  à  d'autres  qu'à  des  blanches ,  de  remplir  l'état  de  fage-femme. 
La  veuve  Cottin  vient  de  payer  le  tribut  à  la  nature. 

La  trcifième  rue  au-dciTus  de  celle  des  Marmoufets ,  porte  aulîî  un  nom  ridi- 
cule, elle  fe  nomme  la  rue  du  Chat.  C'eft  dans  l'îlet  qui  eft  entre  la  rue  du  Lion 
&  celle  du  Chat ,  &  fur  la  rue  Sainte-Marie ,  qu'eft  l'un  de  ces  afiles  touchans 
fondés  par  la  piété  généreufe  pour  le  foulagement  des  malheureux  i  il  eft  connu 
fous  le  nom  de  Providence  des  femmes. 

Un  maître  maçon,  appelé  François  Doliouîes  ,  né  en  France,  mais  habitante 
ville  du  Cap  ,  avait  conçu  le  defiein  de  donner  une  maifon  qu'il  y  poffédait ,  aux 
religicufes  de  la  même  ville  ,  comme  le  prouve  fon  contrat  de  mariage  qui  con- 
tient cette  donation ,  fubordonnée  toutefois  à  la  jouilTance  de  fa  femme.  Mais 
témoin  de  ce  qu'avait  fait  un  autre  citoyen  en  fondant  un  hofpice  pour  les  hommes , 
il  fit,  le  8  Mai  1739  ,  un  teftament  par  lequel  il  lègue  cette  maifon  &  fes  dépen- 
dances ,  pour  former  un  hôpital  aux  pauvres  femmes  hontcufes  de  la  paroifle. 
Le  curé  du  Cap  était  chargé  de  diriger  rétabliftement ,  dont  l'éxecution  était 


I 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ^9^ 
toujours  renvoyée  après  la  mort  de  M^-  Dolioules.  Dolioules  mourut  deux  jours 
après ,  âgé  de  45  ans  &  fut  fuivi,  peu  après,  de  fon  époufe.  En  17^1  ,  corn- 
mença  un  procès  entre  les  religicufes  qui  invoquaient  le  contrat  de  mariage  les 
marguilhers  réclamant  pour  les  pauvres  ,  le  curateur  aux  vacances  ,  repréfentant 
ies  héritiers  Dolioules ,  &  les  adminiftrateurs  de  la  Providence  des  hommes  qui 
foutenaient  que  le  nouvel  hofpice  devait  être  régi  comme  l'autre.  Le  8  Mars  174, 
un  arrêt  du  Confeil  du  Cap  repouflà  la  prétention  des  religicufes  Se  renvoya  les 
adminiftrateurs  de  la  Providence  des  hommes  à  folliciter  provifoirement  de  ceux 
de  la  Colonie  ,  l'autorifation  légale  du  don  de  Dolioules  ,  ceux-ci  l'accordèrent 
le  29  du  même  mois. 

Telle  a  été  l'origine  delà  Providence  des  femmes.   Pour  y  fuppléer  ,  durant 
e  procès     le  curé   &  les   adminiftrateurs  de  celle   des  hommes  achetèrent,  â 

'"f  ^;i"  °"'^  ^''  '"^^  ^^^"^  -  J^^^P^  ^  Vaudreuil ,  une  maifon  qu'on 
appela  Ihop^al  Saint  -  Jofeph  &  où  l'on  reçut  en  1745  les  pauvres  femmes 
malades.  On  confacra  à  Saintc-Eiizabethle  bienfaitde  Dolioules,  &  vers  1747  on 
transféra  les  femmes  malades  de  l'hôpital  Saint- Jofïph  dans  la  maifon  qu'il 
avait  léguée,  circonftance  qui  eft  caufe  que  la  maifon  Sainte  -  Élizabeth  e^ 
fouvent  defignée  fous  le  nom  d'hôpital  Saint-Jofeph.  L'adminiftration  de  cethofpi^ 
ce  a  ete  confiée  aux  foins  du  curé  du  Cap  jufqu'au  mois  d'Avril  1751 ,  que  le  père 
Defmaretsjéfuite,  demanda  à  en  être  déchargé.  Cette  adminiftration  a  été  réunie 
a  celle  de  la  Providence  des  hommes  ,  ce  qui  me  porte  à  en  renvoyer  les  détails 
au  rnoment  où  je  parlerai  de  l'autre.  C'eft  cette  réunion  qui  eft  caufe  que  l'on  a 
cru  long-tems  &  que  plufieurs  pcrfonnes  croyent  encore,  que  la  Providence  des 
femmes  a  eu  le  même  fondateur  que  celle  des  hommes  ;  de  manière  que  le  nom 
de  Dolioules  eft ,  en  quelque  foi  te,  ignoré.  Qu'on  en  juge  par  ce  feul  trait  c'eft 
que  les  Adminiftrateurs  des  deux  maifons  le  croyent  Jum  &  l'ont  impr  ^  dep  ^ 
Î779  jufqu'a  prefent.  ^  ^ 

aut,cs  dans  des  cabmcts.  La  grande  falle  a  60  pieds  de  long  fur  .4  Se  lar<,e    1 
on  e«re»,té  Sud   eft  une    perire  chapelle  .   for.  f.n^ple  =  ainfi  tes   inf  le^ 

ho^n^es  ne  remplacent  jama.s  pour  le  cœur  du  malheureux.   Tout  refpire  l'ordre 
&  la  propreté  dans  cette  maifon  qui  a  reçu  :queIquefois  des  femmes  livrées  à  I.  " 

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1^6      I>  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N     DE      LA     PARTIE 

J)lus  affligeante  maladie,   pulfqu'elles  étaient  privées  de  Tufage  de  leur  raifon,". 
Elles  y  payent  une  penfion  ,  lorfque  leur-  fortune  le  pernaet.  On  a  depuis  long- 
tems    le  projet  de  transférer    cet  hofpice   près    de    celui    des    hommes ,    Se 
fans  doute  qu'alors  on  placera  quelque  part ,  ua  mot  qui  rappelé  Dolioules  &  h 
touchante  piété. 

Il  y  avait  dans  cette  malfon ,  en  Î788 ,  vingt  femmes  &  dix  enfans.  Les  femmes  ■ 
ne  font  pas  toujours  des  malades ,  mais  des  infortunées ,  fans   aucune  reflburce  , 
&  qui  affurées  d'être  logées  &  nourries,  travaillent  pour  avoir  de  quoi  fe  procurer- 
de  petites  jouiiîancts. 

Parallèlement  à  la  rue  du   Chat,  eft  la  rue  du  Pet-au-Diable  ,  dont  le  nom 
burlefoue  a  une  origine  qui  m'cft  inconnue.  Entr'elles  deux  &  à  toucher  la  ravine, 
eft  un  'ilet  que  les  prlfons  civiles  occupenftout  entier.   J'ai  annoncé  ailleurs  par 
quelles  tranûatlons  fucceffives"  les-  prifons  onrenfin  été  mifes  dans  k  local  aftuel , . 
en  vertu  d'un  arrêt  du -Gonfeil du  Cap  du  20  Juillet  1773.  ■ 

Le  terrain  a  été  acheté  des  héritiers  de  Beaunay.  Il  y  avait  long-téms  qu'on 
deftinait  des   fonds  à  cette  conftruftion ,  &  dès  le  23   Juillet  1733  ,  MM.  de 
Eavet  &  Duclos  avaient  imaginé,  en  s'érigeant  en  juges  d'une  imputation  de  com- 
merce étranger,  de-  faire  payer   à    MM.  Charette  ,   Bonnegens ,    Boulard   & 
Lanty  négocians  à  Léogane  ,  &  Jauvain  ,  curateur  aux  vacances  du  même  lieu  ,. 
55,000  livres  d'amende  ,- dont -25,000  furent  deftinées  à  bâtir  une  prifon  au  Cap,.  • 
La  prifon:  aauelle.eft.compofée  de  plufieurs  corps  de  bâtimens.  Son  enceinte 
eft  formée  par  des  murs  très-élevés.  La  diftribution  y.  eft  combinée  pour  que 
les   perfonnes  libres   foienrféparées  des  efclaves  ,  &  pour  que  les   fenTraes  ne - 
foient  pas. mêlées  aux  hommes.  Il  y  a  qirelques  chambres  particulières  avec  des 
lits  au  premier étageidansles- autres  endroits  ce  font  des  lits  de  camp.  Des  cours  > 
affez  grandes  &  bieir  pavées, .  fervent  à:  faire  prendre  l'air  aux  prifonniers  le 
matin  &  le  foir.  Un  conduit  diftribue  l'eau  par-tout,  &  ce  précieux  élément  combas 
&  la  mal-propreté  &  les  effets  d'un  climat  chaud.  Cependant  on  n'a  pas  fait  des 
baffins  à  laver,  que  tout  exige.   En  général  ce  féjour  de  peine  eft  rendu  auffi 
doux  qu'il  puiiTe  l'être  par  les  détails ,  quoiqu'on  ^doive  regretter  qu'on  n'ait  pas 
pris  affez  de  précautions  pour  k  nett-oyement  dés  latrines,   qui  répandent  une 
mauvaife  odeur.  Les  cachets  n'offrent  que  l'idée  d'une  grande  fureté ,  fans  qu'un 
rafinement  barbare  fe  foit  plû  à  en  accroître  l'horreur.   Tout  dépend  néanmoins 
deJ'homme  à  qui  k  foin  de  ce  lieu  redoutable,  mais  néceffaire,  eft  conEéV 


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Ë  R  A  N  Ç  A  î  S  E    DE    SAINT-DOMINGUE.       397 

B  perfonne  n'ignore  que  la  févérité  qui  dégénère  en  dureté  ,  &  l'économie  qu! 
fè  tourne  en  cupidité,  peuvent  faire  d'un  geôlier  un  affreux  cerbère,  un  être 
auffi  coupable  que  les  criminels  qu'il  doit  garder ,  mais  que  tout  lui  défend  de 
vexer  &  d'affamer. 

Quel  moment  plus  propre  à  placer  l'éloge  d'un  concierge  des  priions  du  Cap  » 
qui ,  quoique  nommé  à  cet  emploi  par  l'elFer  d'une  protedlion  qui  pouvait 
n'offrir  qu'un  fujet  rapace,  montra,  même  en  l'acceptant,  une  forte  de  délicateffe, 
puifqu'il  exigea  que  fa  commifTion  le  dé figneâc  fous  le  titre  de  concierge-infjKfteur. 
M.  Fleury  a  prouvé,  depuis  178  ijufqu'en  1784 ,  qu'il  n'eft  point  d'état  qu'un- 
homme  ne  puiffe  honorer.  Ses  foins  conftans  pour  donner  aux  prifonniers  tous 
les  adouciffemens  conciliabks  avec  la  fureté  de  "leur  détention  j  fa  vigilante 
attention  pour  que  les  châdmens  que  les  maîtres  y  font  infliger  à  leurs  elclaves 
n'y  dégéné raflent  jamais  en  cruautés  ;  la  générofité  qui  l'a  porté  à  payer  plu^ 
fleurs  fois  les  dertes  de-  ceux  qu'il  était  chargé  de  garder,  tout  lui  a  mérité  le 
tribut  que  je  trouve  doux- de  payer  en  ce  mom.entà  fa  ^  mémoire.  Puiflent  fes 
iliccefTeurs  s'occuper  de  le  mériter  à-  leur  tour  ! 

Il  y  a  un  faélionnaire  de  la  garnifon  à  l'entrée  de  la  geôle  ,  qui  donne  fur  la' 
rue  de  la  Providence,  Pendant  la  guerre  de  1778,  lorfqu'on  y  avait  mis  beau- 
coup de  prifonniers  anglais,  un  fécond  faélionnaire  était  fur  le  morne  de  l'autre 
côté^de  la  ravine.  Il  ferai-t  facile  d'empêcher  les  évafions  en  faifant  une  petite 
vigie  dans,  la  plus  grande  cour,  &  qui  les  dominerait  toutes.  Un  fignal  de 
l'homme  qui  y  ferait  en  fentineile -préviendrait  de  tous  les  projets  de  fuite ,  & 
le?  déconcerterait,  - 

La  police  intérieure  de  la  prifon  efl  extrêmement  douce  ,  fi  même  elle  ne  l'eil 
pas  trop  quelquefois.  Le  fecret  y  efl -une  chofê  fur  laquelle  il  ne  faut  pas  compter. 

Je    ne    puis    m'empêcher    de  m'élevcr  '  ici    contre-   un    des    plus     grands 
défordres  dont  la  Colonie  puiffe  offrir  le.  ipeftacle,  &  dont  les  prjfons  font  le- 
principal  théâtre.  ■ 

Depuis  1741  que  le  légiflateur,  écoutant  un  fentiment  d'humanité,  a  commué  • 
la  peine  des  galères  8c  celle  de  mort  au  troifième   cas  de  fuite   des  efclaves  en 
celle  de  la  chaîne  perpétuelle-;  il  a  été- établi  une  chaîne  où   ces  condamnés  font 
tenus  deux  à -deux  comme   les:  forçats    des.  ports    de    France,    en    mettant 
toujours  enfemble- deux  individus -du  mêm^e.fexe.   Leur  nombre  s'efl  accru,  &- 
par  h  laps  de  tems  &  encore  parce  que    cette  peine  a  été  étendue  par  ks> 


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398       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

tribunaux  coloniaux  à  plufieurs  autres  cas.  L'établiffcment  de  la  chaîne  avait  le 
double  objet  de  tempérer  une  loi  févère,  &c  de  mettre  fans  ceffe  fous  les  yeux  des 
efclaves  des  hommes  rigoureufement  tenus  Se  fournis  à  un  travail  continuel  •  mais 
qu'il  s'en  faut  que  ce  fécond  but  foit  atteint  au  Cap  1  D'abord  on  a  fouftrait  les 
nègres  de  chaîne  à  l'infpeclion  des  juges  de  police  pour  les  mettre  fous  celle 
des  officiers  d'adminillration  ,  qui ,  prefque  toujours  étrangers  à  la  Colonie  8c 
deftinés  à  n'y  palier  que  quelques  années  ,  calculent  moins  les  fuites  du  mauvais 
régime  à  cet  égard.  AufTi  prefque  tous  ces  nègres  jouiffent-ils  d'une  liberté 
digne  d'être  enviée  par  l'efclave.  C'cft  furtout  à  des  travaux  domefliques  chez 
des  Adminiftrateurs  principaux  ou  en  fous-ordre  ,  qu'on  les  emplove.  Ils  vont 
fans  chef,  fans  furveillans  .  &  ce  qu'on  aura  peine  à  croire  ,  il  en  ell  dont  on  a 
abfolument  rompu  les  chaînes  pour  s'en  fervir  plus  utilement.  C'ell  dans  cet 
état  que  j'ai  vu  chez  M.  de  Bellecombe  le  nègre  Lindor,  valet  de  M.  Sainte-Marie 
lieutenant  particulier  de  la  Sénéchauffée  ,  &  qui  avait  été  condamné  à  la  chaîne 
à  perpétuité  pour  des  vols  confidérables.  Je  l'ai  vu  encore  mieux  vêtu  que 
lorfqu'il  fervait  fon  maître  ,  &  je  fais  cette  comparaifon  parce  qu'elle  n'eft  par 
infignifiante. 

On  croit  avoir  tranquiliifé  en  difant  que  ces  nègres  font  obligés  d'aller  coucher 
à  la  prifon,  comme  fi  un  homme  perverti  ne  pouvait  être  un  fcélérat  que 
pendant  la  nuit  !  Un  roman  entrepris  par  un  heureux  génie  pour  corrio-er  les 
mœurs  chevakrefques  de  l'Efpagne  ,  préfente  un  fou  délivrant  des  hommes 
qu'on  mène  aux  galères,  parce  que  ,  de  bonne  foi,  il  les  croit  innocens ;  mais 
on  ne  trouve  nulle  part ,  qu'aux  colonies  de  l'Amérique  ,  des  perfonnes  chargées 
de  faire  refpeéter  les  décrets  de  lajuftice,  occupés  de  rendre  la  liberté  à  ceux 
qu'elle  a  enchaînés  comme  dangereux.  Quelle  doit  être  la  fenfation  du  juge  qui 
rencontre  dans  un  état  de  liberté  celui  qu'il  avait  envoyé  aux  galères  ?  celle 
du  maître  qui  trouve  de  même  l'efclave  qu'il  avait  été  forcé  d'accufer  pour  un 
délit  grave  ?  Quelle  doit  être  celle  d'un  efclave  qui ,  après  avoir  vu  fon  fem- 
blable  entre  les  mains  du  bourreau,  l'apperçoit  plus  heureux,  plus  libre  & 
mieux  traité  qu'il  ne  l'a  jamais  été  ! 

C'eft  dans  la  prifon  que  les  nègres  galériens  habitent,  &  là  ils  font  cou- 
chés indifféremment  avec  les  autres  prifonniers,  pour  lefquels  ils  font  une 
dangereufe  compagnie  ,  une  funefte  école.  Enfin  ,  pour  que  rien  d'allarmant  ne 
majiq.uâc  à  ce  genre  de  défordre,  on  a  confié  la  direction  de  ces  galériens ,  hors 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ^99 
de  la  geole  ,  à  l'un  d'entr'eux ,  qu'on  a  même  vu  les  dimanches  avec  deux  chaînes 
démontre  d'or.  Il  y  a  un  cabaret  rue  du  Chat,  oùil  fe  débite,  au  moins,  une 
barrique  de  tafia  par  mois  à  ces  hommes  coupables.  On  frémirait  d'entendre 
leurs  converfations  ,  &  de  voir  ,  en  les  fuivant  un  peu ,  de  quelles  compkifances 
ils  font  l'objet  de  la  part  d'autres  efclaves,  à  qui  des  maîtres  trop  crédules 
croient  que  leur  vue  doit  faire  horreur.  Cet  état  de  chofes  ne  faurait  fub- 
filler;  Il  révolte  tous  les  principes,  il  perpétue  les  crimes,  il  les  favorife ,  il 
les  encourage  peut-être  j  je  paye  ma  dette  à  la  chofe  publique  en  le  dénonçant. 

Il  y  a  dans  l'enceinte  même  de  cette  prifon ,  une  chambre  criminelle,  où  fe 
font  les  aétes  d'inftruaion  du  premier  juge ,  ce  qui  difpenfe  de  transférer  les 
pnfonniers.  Elle  fervait  autrefois  a  cette  afFreufe  épreuve ,  dont  la  leule  pcnfée 
■aurait  dû  révolter  -,  c'était  là  que  dans  les  horreurs  de  la  torture ,  &  après  le 
ferment  de  dire  la  vérité,  il  fallait  racheter  quelquefois  par  un  aveu,  &  trop 
fouvent  par  un  menfonge  ,  la  ceffation  d'une  atroce  douleur,  &  fe  condamner 
foi-même ,  où  en   conduire  d'autres  au  fupplice. 

A  l'angle  de  la  prifon,  rues  du  Chat  &  de  la  Providence,  eft  une  fontaine 
publique  rrès-utile  à  tout  ce  canton.  Lors  de  la  grande  fécherelTe  de  1786,  les 
nègres  de  la  chaîne  en  vendaient  l'eau,  fous  prétexte  de  la  prendre  pour  le 
gouvernement,  &  les  efclaves  ne  pouvaient  pas  aborder  la  fontaine  ,  fans  payer 
quinze  fous ,  pour  avoir  le   droit  d'y  prendre  de  l'eau. 

Il  y  a  immédiatement  au-delTus  de  l'îlet  de  la  prifon  ,  dans  l'Ouefl,  la  va- 
leur d'un  autre  îlet  inoccupée ,  &  au  devant  duquel  vient  fe  terminer  la  rue 
Sainte-Avoye,  percée  du  Nord  au  Sud.  Cet  efpace,  qui  fait  partie  du  terrain- 
de  la  Providence  des  hommes ,  eft  celui  où  l'on  projette  la  conftrudion  de  la 
Providence  des  femmes,  qui  fe  trouverait  ainfi  entre  la  rue  du  Pet-au-Diable 
&  celle  Sainte-Avoye  ,  avec  la  rue  de  la  Providence  fur  le  devant  &  la  ravine 
par  derrière. 

Nous  voici  arrivés  à  cette  Providence  des  hommes  ,  à  celle  qui  a  eu  ce  nom 
la  première,  qui  l'a  communiqué  à  l'autre ,.&  qui  l'a.  donné  à  la  rue,jufqu'au 
point  où  elle  rencontre  ,  à  l'Eft,  la  rue  du  morne  des-  Capucins.  Qu'on  me  per- 
mette de  préfenter  les  détails  qui  la  concernent,  &  de  publier  les  louanges  de 
fon  fondateur,  Louis  Turc  de  Caftelveyre. 

Cet  homme  précieux,  né  à  Martigues ,-  petite  ville  de  Provence  à  7  lieues 
4e  MarfeiUe,  le  25  Août  1687,  d'un  père  noble ,  partit  en  1719  pour  le  Canada, 


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400       D  Ë  s  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E    L  A    P  A  R  T  I  E 

avec  M.  Charron ,  pour  l'aider  dans  les  foins  d'un  hofpice ,  que  ce  dernier 
avait  é'abli  à  Ville -Marie,  dans  l'île  de  Montréal ,  pour  les  orphelins,  les  vieillards 
&  les  infirmes.  M.  Charron  étant  mort  dans  la  traverfée  ,  les  Adminiftrateurs 
&  l'évêque  choifirent  Cafteîveyre,  pour  ê:re  fupérieur  des  Hofpitaliers  de  la 
Croix-de-Saint-Jofeph  ,  vulgairement  connus  fous  le  nom.  de  Frères  Charrevs , 
&;  il  prit  alors  celui   de  frère  Chrétien. 

Dei3x  ans  après ,  il  paffa  en  France  pour  les  affaires  de  cette   raaifon ,  &y 
revint  l'année  fuivante.   Dans  un  fécond  voyage,   fait  en    1723,  il  fe  livra  à 
des  fpéculafions   où   fa  bonne  foi  fut  trompée ,   &  croyant  en  faire  une  plus  heu- 
reufe  à  Saint-Domingue  ,  il  y  paffa  en  1725  ,   voulant  y  affurer  le  débouché  des 
pêcheries  &  d'une  brafferie  de  fon  hofpice.  Arrivé  à  Léogane  ,  le  frère  Chrétien 
iè  laiffa  tenter  par  l'idée  d'y  former  un  hofpice  ;  il  en  établit  miême  un  ,  comme 
je  le  dis  à  la  defcription  de   ce   Heu  ,    &  il  s'en  occupait  avec  le  zèle  qui  l'ani- 
mait ,  lorfquc  fes  créanciers  de  France  ,  ou  plutôt  ceux  de  la  maifon  du  Canada , 
fe  plaignirent  au  miniftre ,  qui  prefcrivit  au   gouverneur  de  Saint-Domingue    de 
k  faire  repaffer  au  Canada,  même  par  la  force.  Le  frère  Chrétien,  prévenu  de 
cet  ordre ,  redoutant  M.  de  la  Rochalar  qui  avnit  vu  avec  déplaifir  fon  plan  pour 
Léogane  ,  alla  fe  réfugier  dans  la  Partie  Efpagnole  ,  où  il  végéta  pendant   trois 
années.     Apprenant  enfin  qu'on  l'accufait  de  dilapidation  en  Canada,   il  revint 
dans  la  Colonie  ,  où  il  fut  arrêté  fur  le  champ  ,  &  embarqué  pour  la  France,  Il 
mouilla  dans  la  rade  de  l'île  d'Aix,  où  fe  trouvait  une  flûte  qui  allait  en  Canada, 
&  fur  laquelle  on  le  transféra  au  mois  de  Juillet   1728. 

arrivé  à  Québec ,  il  ne  put  y  faire  juger  les  procès  qu'on  lui  avait  fufcités , 
qu'eau  mois  d'Avril  1735.  H  fatisfit  à  tous  fes  engagemens ,  mais  auffi  il  n'avait 
plus  de  relTcurce.  Dans  cette  douloureufe  fituation  ,  Cafteîveyre  rendu  à  lui- 
même  ,  déformais  étranger  à  l'habit  &  aux  fondions  de  frère  hofpitalier  ,  réfolut 
de  retourner  à  Saint-Domingue ,  mais  ce  fut  au  Cap  qu'il  vint. 

Dès  qu'il  y  fut  débarqué  ,  il  enfeigna  à  hre  &  à  écrire  aux  enfans.  Au  milieu 
de  cette  utile  occupadon  ,  il  confidérait  l'état  déplorable  de  plufieurs  individus 
qui  en  débarquant  d'Europe ,  étaient  fans  reffources  &  fans  appui ,  &  auffitôt 
h  maifon  de  Cafteîveyre  eft  changée  en  hofpice.  Les  Jéfuites  l'encouragèrent, 
furtout  k  père  Boudn  ,  avec  lequel  il  avait  l'analogie  de  l'amour  du  bien  &  k 
défir  de  foulager  l'mfortune.  MM.  Proft  &  Defmé  Dubuiffon , .  négocians  du 
Cap,  concoururent  à  cetre  œuvre  pie,  8.  l'on  vit  Cafteîveyre  fe  former  une  fa. 
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FRANÇAISE  DE  S  A  I  N  T  -  D  O  M  i  N  G  U  E.  401 
mille  d'infortunés.  Il  était  même  parvenu  à  acquérir  deux  terrains  dans  le  quartier 
de  la  ville  appelé  alors  le  Marécage,  le  23  Février  &  le  23  Novembre  1739, 
Se  MM.  de  Larnage  &  Maillart  lui  en  concédèrent  un  troifième.  Ces  fuccès 
enflammèrent  Caftelveyre,  qui  fe  détermina  à  fe  rendre  adjudicataire  d'une 
petite  habitation  dépendante  de  la  fucceffion  de  M.  Affelin  ,  &  qui  touchait  à 
la  ville. 

C'eft  celle  dont  je  parle  en  ce  moment.  Cette  habitation ,  de  350  toifes , 
de  l'Eft  à  l'Oueft  ,  fur  175  de  largeur ,  &  qui  prend  les  deux  bords  de  la  ravine,' 
avait  trois  bâti  mens,  beaucoup  de  vivres  du  pays,  &  neuf  nègres.  M.  Le  Normand 
de  Mézy,  alors  ordonnateur  au  Cap ,  (  adjoint  au  miniftère  de  la  marine  en  1758, 
&  encore  exiftant  a  Paris ,  )  l'un  des  grands  partifans  des  vues  de  Caftelveyre  ,  lui 
avait  confeiUé  cette  acquifition,  ainfi  que  M.  Juchcreau  de  Saint-  Denis ,  faifant 
les  fonaions  de  procureur  général.  La  générofitc  de  divers  particuliers  procura 
les  14,840  livres,  prix  de  la  vente ,  dont  les  membres  du  Confeil  Supérieur 
payèrent  7,000  livres. 

Convaincu  que  son  plan  pouvait  fe  réalifer ,  Caftelveyre,  qui  fe  rappelait  les 
chagrins  qu'une  adminiftration  de  biens  lui  avait  caufés  en  Canada ,  voulut  en 
êtrepréfervé  à  l'avenir.  Dans  cet  efprit  il  fit  au  Confeil  Supérieur  du  Cap, 
le  12  Novembre  1740,  la  déclaration  qu'il  abondonnait  tout  ce  qu'il  poflcdaiti 
pour  qu'on  en  formât  un  établiffement ,  où  les  enfans,  les  vieillards ,  les  infirmes,' 
les  incurables  &  les  hommes  arrivant  de  France  &  fe  trouvant  fans  afile  &  fansfe- 
cours ,  feraient  reçus.  Non  content  de  ce  dépouillement  folemnel  (  cfFedlué  le 
15,  par  un  aéle  reçu  par  M.  Auriol  notaire,  &  accepté  par  le  procurcui  général  ), 
Caftelveyre  ajouta  qu'il  voulait  confacrer  le  refte  de  fa  vie  à  cet  établiïTement' 
En  effet,  de  ce  moment  il  prend  l'habit  d'hofpitalier,  &  trouve  fon  bonheur 
dans  les  devoirs  que  ce  titre  lui  impofe. 

Le  7  Janvier  1741  ,  le  Confeil  du  Cap  fit  un  règlement  pour  ladiredion  de 
cet  afile  ,  ouvert  à  l'infortune  ,  &  on  lui  donna  le  nom  facré  de  Providence ,  qui 
rappelé  fi  bien  aux  malheureux,  qu'un  Être  Supérieur  prend  foin  de  toute  la 
nature. 

Le  règlement  dit,  qu'on  y  recevra  les  enfans  pauvres  de  la  ville  du  Cap& 

de  fes  dépendances ,  qu'on  leur  enfeignera  un  métier ,  &  qu'on  les  gardera juf- 

qu'à  vingt  ans.  Les  vieillards,  les  infirmes  y  font  appelés ,  &  les  mendians  doivent 

y  être  conduits.  Ceux  que  l'efpoir  de  la  fortune  amène  de  France  ,  &  qui  n'ont 

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402      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

trouvé  que  la  misère  ,  font  fecourus  jufqu'à  ce  qu'on  puifîe  ies  placer  ;  ce  doit 
être  auiïl  Tafile  des  incurables  ,  avec  la  précaution  de  les  féparer  de  ceux  pour 
qui  ils  peuvent  être  dangereux.  D'autres  articles  fixent  la  nourriture  ,  les  vête- 
mens ,  les  exercices  de  piété.  Quant  à  radn:iiniftration ,  elle  était  confiée  à  deux 
perfonnes  que  le  Confeil  devait  choifir  tous  les  trois  ans  ,  &  dont  le  curé  du  Cap 
était  l'afTocié  honoraire  ;  &  peur  l'intérieur,  c'était  à  un  hofpitalier  Se  à  un  fous- 
horpitalier  à  le  régir. 

D'après  le  règlement ,  le  Confeil  nomma ,  le  9  Février,  MM.  Defmé  Dubuif- 
ihii  &  Proft,  adminiftrateurs  ,  l'un,  pour  trois  ans,  ôc  le  fécond  pour  deux 
feulement ,  afin  qu'ils  ne  fuffent  pas  changés  en  même  -  tems ,  &  Caftelveyre 
devint  hofpitalier  ,  com.me  il  l'avait  ambitionné  ;  de  forte  que  la  Providence  fe 
trouva  dirigée  par  fes  bienfaiteurs.  Le  même  jour,  ce  tribunal  choifit  auffi  dans 
fon  fein,  les  commifTaires  qui  devaient  être  préfens  à  l'inventaire  prefcrit  par  le 
règlement. 

Larnage  &  Maillart  trouvèrent  de  l'aliment  pour  leur  ame  ,  dans  le  foin  de 
foUiciter  l'approbation  du  prince  en  faveur  de  cet  établifîèment,  &  M.  Le  Nor-  . 
mand  de  Mézy  y  attacha  auffi  la  plus  haute  importance.  Une  lettre  du  roi,  du  12 
Septembre  1742  ,  n'accorda  cependant  qu'une  approbation  provifoire,  parce  que 
l'hofpice  ne  paraifiait  pas  fuffifammenî  doté.  Elle  blâma  en  même-tems  le  pou- 
voir que  le  Confeil  s'était  arrogé  de  lui  donner  un  règlement,  règlement  que  la 
pureté  du  motif  fauva  cependant  de  la  caffation. 

Le  miniftre,  qui  ne  trouvait  pas  la  Providence  aiTez  folidement  fondée,  crut 
néamr.oins  qu'elle  pouvait  êcre  ,  dès  lors,  un  débouché  utile  pour  la  maifon  des 
ênfans  trouvés  de  Bordeaux  ,&  il  voulait,  auffi  provifoirement,  qu'on  envoyât, 
des  enfans  de  l'un  dans  l'autre.  Il  arriva  même  au  Cap,  à  la  fin  du  mois  de 
Février  1743  ,  quatre  jeunes  garçons  qu'on  plaça  chez  des  particuliers,  mais 
Larnao-e  &  Maillart  firent  fentir  auffitôt  au  miniftre  ,  que  ce  fyilèmc  ferait  def- 
trufteur  de  Tétablifiement  colonial. 

Au  mois  de  Mars  fuivant ,  le  procès  de  la  Providence  des  femmes  ayant  été 
terminé ,  les  Adminiftrateurs  de  la  Colonie  la  réunirent  à  celle  des  hommes  le 
24  du  même  mois ,  &  déclarèrent  l'une  &  l'autre ,  capables  de  recevoir  des  do- 
nations &  des  legs.  De  ce  moment  les  deux  maifons  ont  eu  une  adminiftration 
commune  ,  quoique  par  une  déférence  ,  fondée  fur  l'utilité  de  fes  fecours  ,  la 
maifon  de  Providence  des  femmes  ait  eu  long-tems  pour  direfteur  particulier. 


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FRANÇAISE    DE    SAÎNT-DOMINGUE. 


403 


le  curé  du  Cap,  comme  je  l'ai  prouvé  ci-devant.  De  ce  moment  auffi,  il  a  tou- 
jours été  queftion  de  trouver  les  moyens  de  foutenir  &  de  favorifer  de  toutes  les 
manières  ,  ces  deux  hofpices. 

Dès  le  premier  Mars  1748  ,  Larnage  &  Maillart  avaient  concédé  à  celle  des 
hommes  le  privilège  exclufif  de  fournir  tous  les  cercueils  de  la  paroifîe  du  Cap, 
Le  20  Avril ,  ils  nommèrent  M.  Pougct  pour  chirurgiens  des  deux  Providences 
fur  la  demande  &  la  préfentation  de  leurs  adminiftrateurs  ,  avec  exemption  de 
tutelle  &c  de  corvées  à  l'inftar  du  chirurgien-major  du  roi ,  &  ce  ,  tant  qu'il 
ne  ferait  pas  révoqué  par  les  adminiftrateurs  de  ces  maifons  qui  ,  quoique  naif- 
fàntes  j  méritaient  le  plus  vif  intérêt.  "•  Voilà ,  "  écrivaient  les  deux  chefs  de  la 
Colonie  au  Miniftre  ,  le 'premier  Août  1745  ,  "  plus  de  mille  pgrfonnes  aux- 
„  quelles  la  Providence  des  hommes ,  depuis  environ  trois  ans  ,  a  donné  i'afile  , 
„  &  par  ce  moyen  ,  confervé  la  vie  à  plus  de  la  moitié  qui  l'aurait  infailliblement 

perdue  fans  un  tel  fecours.  Elle  fe  reflent  des  malheurs  de  la  guerre  qu^ 
„  diminue  les  dons  Se  les  libéralités  &c  „.  A  la  fin  du  mois  de  Septembre  1746 
Caftelveyre  obtint  encore  des  Adminiftrateurs  que  les  enterreraens  des  non- 
catholiques  feraient  faits  dans  un  cimetière  ,  dont  je  parlerai  bientôt ,  par  la 
Providence.  Le  8  Février  1749  ,  fur  fes  repréfentations ,  MM.  de  Confîans  & 
Maillart  accordèrent  à  ces  maifons  l'exemption  générale  des  corvées  &  des  tra- 
vaux publics  pour  leurs  nègres,  &  au  direéleur,  mot  fubftitué à  celui  d'hofpitalier, 
l'exemption  du  guet ,  de  gardes  &  de  corvées  publiques.  Toujours  excités  par 
Caftelveyre,  ils  décidèrent,  le  10  Juin  1749  ,  que  les  Providences  auraient 
quarante  livres  de  viande  à  la  boucherie  ,  au  taux  des  privilégiés  ,  au  lieu  de  vingt 
livres  feulement  qu'elles  avaient  eues  jufques-là  ,  Se  elles  furent  comprifes  pour 
cette  quandté  dans  l'adjudication  des  boucheries  du  12  Décembre  1761. 

Les  mêmes  perfonnes  avaient  été  continuées  dans  l'adminiftration  des  Provi- 
dences, jufqu'en  1750  ,  que  le  Confeil  en  nomma  deux  autres  j  mais  il  conferva 
au  mois  de  Juin ,  à  MM.  Dubuifîbn  &  Proft  l'honoraire  ,  &  charga  deux  de  fes 
membres  d'inftaller  les  nouveaux  adminiftrateurs  en  exercice.  Les  Providences 
curent  donc  réellement  alors  cinq  adminiftrateurs  ,  en  y  comprenant  le  curé',  & 
plus  que  tout  cela  encore  ,  le  vertueux  Caftelveyre. 

.  C'était  lui ,  en  effet ,  qui  était  l'ame  de  cet  établifTemcnt  ;  c'était  lui  qui  y 
comme  il  l'avait  toujours  fait,  foignait  &  panfait  les  malades  ;  &  confolait  par  fesf 
proies ,  les  douleurs  phyfiques  &  morales  de  ceux  dont  il  s'était  environné.  Il 

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DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


vivait  au  milieu  d'eux  ;  Se  ce  qui  les  touchait  davantage,  de  la  même  manière 
qu'eux.  Il  était  même  parvenu  à  donner  a  des  hommes  que  le  préjugé  de  leur 
nallfance  dominait ,  le  courage  d'entrer  dans  la  Providence  &  d'en  accepter  les' 
iècours.  Enfin  c'était  un  ange  tutélaire  pour  les  malheureux  ,  un  père  tendre 
qui  avait  adopté  tous  les  infortunés  pour  fes  enfans. 

Quel  jour  de  deuil  que  le  21  Mars  1755  ,  où  la  ™ort  le  leur  enleva  ,  dans  la 
67^-  année  de  fon  âge  !  Il  n'en  fut  pàs  un  feul  qui  ne  regardât  ce  jour  comme 
celui  de  la  perte  la  plus  cruelle  qu'il  pût  éprouver.  On  les  vit  tous  éplorés  , 
fuivrc  le  cercueil  qui  ne  confervait  plus  que  les  relies  inanimés  de  l'un  de  ces 
hommes  que  le  ciel  montre  trop  rarement  à  la  terre.  Le  peuple  entier  les  fuivaic 
en  foule  &  jamais  plus  de  larmes  n'honorèrent  la  vertu. 

Son  fouvenir  protégea  fon  ouvrage  que  les  chefs  de  la  Colonie  crurent  de  leur 
gloire  de  féconder.  Le  75  Février  1761  ,  l'intendant  donna  à  l'hofpitalier  des 
Providences  ,  la  commifTion  cxclufive  de  tambour  public  pour  toutes  les  publi- 
cations civiles.  Il  fe  réunit  au  gouverneur-général  pour  leur  concéder  le  terrain 
qui  était  immédiatement  au-devant  de  la  Providence  des  hommes.  M.  de  Clugnjr 
les  chargea  encore  le  13  Mars  1764,  du  nettoyement  des  rues  du  Cap  ,  ce  qui 
leur  donnait  une  rétribution.  Cependant  les  dépenfes  croiffaient ,  elles  étaient 
fupérieures  aux  moyens,  les  conftruftions  dépériffaient ,  &  il  faut  le  dire  pour 
ê:re  vrai ,  les  deux  Providences  s'étaient  trouvées  malheureufes  depuis  l'expul- 
fion  des  Jéfuites.  Lorfque  les  pharifiens  font  profcrits  ,  difaient  ks  adminiflra- 
teurs  aux  chefs  de  la  Colonie  ,  faut  il  rappeler  aux  vrais  fidelles  le  précepte  de 
l'apôtre,  que  la  fubfîftance  &  les  vêtemens  doivent  être  donnés  aux  pauvres! 
Cette  apoftrcphe  touchante  produifit  une  ordonnance  qui  accorda  aux  Providences- 
le  privilège  exclufif  de  faire  porter  les  morts  aux  enterremens  &  d'exiger  ce  qu'on 
accordait  auparavant  aux  foldats  fuiffes  du  régiment  d'Halwil ,  qui  étaient  dans 
l'ufage  de  faire  ce  tranfport  &  qui  venaient  d'être  réformés. 

A  cette  marque  de  protedlion  donnée  par  MM.  d'Eftaing  &  Magon ,  MM. 
de  Rohan  &  Bongars  crurent  devoir  faire  fuccéder  celle  de  demander  que  les 
Providences  fuffent  définitivement  autorifées  par  lettres  du  prince.  Selon  leur 
lettre  du  15  Octobre  1766,  il  était  impoiTible  d'efpérer  qu'on  y  vit  élever  des 
bâtimens  durables ,  au  lieu  que  cette  preuve  de  l'intérêt  du  gouvernement 
ferait  un  germe  fécond  de  luccès ,  dont  l'imitation  par  d'autres  lieux  de  la  Colonie 
&  liotamment  par  la  ville  du  Port-au-Prince ,  ne  ferait  pas  perdu.   Cependant  «1$ 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      405 

aveuglement  inexcufable  faifait  croire  à  Verfailles  que  l'écabliffement  devait  être 
rkhe,  avant  qu'on  le   confolidâti   tandis  que  l'indifférence  du  miniftère  était 
un  des  plus  grands  obftacles  à  fa  folidité.   Enfin  MM.  de  Rohan  &  de  Eongars 
firent  fentir  cette  vérité  par  une  nouvelle  lettre  du  20  Août  1768  ,  &  les  lettres- 
patentes  furent  accordées  le   i^^-  Juillet   1769.    On  y  lit  qu'à   cette  époque   les 
biens  des  Providences  étaient  évalués  à  400,000  livres  tournois  ^  &  que  l'établif- 
fement  portera  le  titre  de  Maifon  de  Providence ,   fans  diftinguer  celle  des  femmes 
d'avec  celle  des  hommes ,  diftinftion  que  les  rédacteurs   des   lettres  -  patentes 
ignoraient  fans  doute  &  que  leurs  provocateurs  ne  connaiffaient  peut-être  pas  , 
car  fans  cela  le  préambule  aurait  nommé  Dolioules  comme  il  nomme  Caftelveyre', 
Les  bienfaits  déjà  reçus ,  ont  été  approuvés  ainfi  que  ceux  à  venir  jufqu'à  ce  qu'ils 
aillent  à  1,200,000  livres  tournois.    On  a  eu  foin  d'inférer  un  article  qui  déclare 
que   cette  fondation  eft  civile  &  entièrement  à  la  charge  de  la  Colonie.  Quant  à 
l'aiminiftration  ,  les  lettre  s -patentes  la  confient  à  un  bureau  compofé  du  gouver- 
neur-général &  de  l'intendant  ou  de  ceux  qui  les  repréfentent ,  de  deux  confeillers 
&  du  procureur-général  du  Confeil  du  Cap  ,  de  deux  membres  de  la  Chambre 
d'Agriculture  de  la  même  ville,  de  quatre  notables  choifis  par  ks  paroifliens  du 
Cap  &  du  préfet  apoflolique  de  la  Partie  du  Nord,  lequel  bureau  e(l  chargé  de 
faire  un  règlement. 

Les  quatre  premiers  notables  furent,  choifis  dans  une  affemblée  de  paroifîê 
du  22  Avril  1770.  La  même  affemblée  choifitauffi  M.  la  Café ,  notaire,  pour 
le  fyndic  ,  qu'une  ordonnance  de  MM.  de  Nolivos  &  de  Bongars,  du  7' Mars 
1770,  avait  créé,  &  dont  les  fablimcs  fondions  confinaient  1  fo'lliciter  d'eux 
l'approbation  du  choix  de  la  paroilfc ,  quoique  les  lettres  patentes  ne  rendiffent 
pas  cette  approbation  néceffaire.  L'inftallation  du  bureau  eut  lieu  le  1 1  Juin 
1770  chez  M.  de  Choifeuî,  commandant  en  fécond  ,  &  ce  bureau  remplaça  la 
iimple  alfemblée  des  adrainiftrateurs  &  du  curé  ,  qui  avait  lieu  tous  les  lundis, 
à  la  Providence  des  hommes. 

Le  règlement  rédigé  par  MM.  Sainte-Marie  &  Eaujouan  que  îe  bureau  en 
avait  chargés,  eft  du  9  Septembre  1771  &  va  faire  connaître  le  régime  de  la 
Providence.  Il  eft  divifé  en  ftatuts  généraux  &  en  ftatuts  particuliers. 

Les  ftatuts  généraux  règlent  que  le  bureau  s'afiemblera  le  premier  jeudi  de 
chaque  mois  après-midi,  dans  une  falle  de  la  Providence  des  hommes  & 
îîiême  plus  fouvent  s'U  eft  néceifaire.  Il  doit  s'y   trouver  fept  délibérans  •  h 


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4q6       description     DE     LA     PARTIE 

pluralité  y  détermine ,  k  dans  les  cas  de  partage  ,  la  voix  de  celui  qui  préfidc 
devient  prépondérante.  Les  délibérations  font  rédigées  par  le  fecrétaire  du  bureau 
fur  un  régiftre  paraphé  par  le  général  &  l'intendant  ,  &  figné  des  mem- 
bres préfeno.  Tous  les  trois  ans  le  bureau  prend  deux  adminiftrateurs  parmi 
quatre  notables  ;  ceux-ci  doivent  vifiter  l'hôpital  au  moins  trois 'fois  par  femainc 
&  en  rendre  compte  chaque  mois  au  bureau.  L'un  des  deux  Adminiflrateurs 
cft  tréforier  &  agent  de  la  Providence.  Il  rend  un  compte  particulier  au  bureau 
chaque  trimeftre  ,  &  un  compte  général  dans  les  trois  mois  qui  fuivent  fon 
exercice.  Les  deux  adminiftrateurs  peuvent  être  réélus,  mais  à  chaque  époque 
triennale  on  vérifie  l'inventaire  général  des  titres  &  papiers.  Le  bureau  feul 
peut  affermer  les  biens ,  ordonner  les  réparations  non  urgentes  &  au-deffus  de 
.1,200  liv.j  recevoir  les  dons  avec  des  conditions  onéreufei,  édifier,  (outenir 
des  procès ,  changer  aux  règlemens  &  décider  fur  la  police  &  l'économie  de 
l'établiffement. 

Les  ftatuts  particuliers  foumettent  au  bureau  le  choix  &  le  nombre  des  hofpi- 

taliers  des  deux  maifons ,  lefquels  doivent  être  indépendans  les  uns  des  autres. 

Dans  chaque  maifon  ,  le  chef  eft  obligé  de  tenir  un  régiftre  paraphé  par  les 

adminiftrateurs ,  où  s'infcrivcnt  les  noms  de  baptême  &  de  famille ,  l'âge ,  les 

qualités ,  le  lieu  de  la  naiffancc  ,  la  profeflion  &  la  religion  de  ceux  qui  y  entrent, 

leur  état  de  marié  ou  non  marié  &  l'époque  de  l'arrivée  dans  la  Colonie  ,  & 

de  porter  en  marge   la   date  de  l'entrée  &  de   la  fortie  &  la  note  des  effets 

apportés  &  emportés  par  les   pauvres.   Nul  ne   peut   être  admis  à  l'hôpital  que 

fur  le  bilkt  de  l'un  des  deux  adminiftrateurs.  Le  bureau  a  la  nomination   d'un 

médecin  &  des  chirurgiens ,  &  la  fixation  de  leurs  honoraires.  Le  préfet  charge 

des  prêtres  de  dire  la  meffe  les  fêtes  &  les  dimanches  dans  les  chapelles  des  deux 

maifons ,    &   d'y   donner  les  fecours   fpirituels.    Les   morts   font  mis   dans  un 

cimetière  dépendant  de  celle  des  hommes  ,   8c  inhumés  par  un  prêtre  qui  y  eft 

prépofé.  La  preuve  de  ces  inhumations  eft  portée  fur  un  régiftre  triple  ,  paraphé 

du  procureur-général  ;  l'un  refte  à  l'hôpital,  l'autre  eft   dépofé  au  greffe  de  la 

Sénéchauffée ,  le  troifième  eft  envoyé  au  dépôt  de  Verfailles.  Plufieurs  articles 

règlent  la  nourriture  ,  le  vêtement  &  les  heures  où  les  pauvres  doivent  diriger 

leurs  vœux  vers  le  difpenfateur  de  tous  les  biens.  Des  troncs  doivent  fe  trouver 

dans  la  chapelle  des   religieufes  du   Cap ,  dans  chaque  paroilTe  du  reffort  du 

Confeil  du  Cap  ôe  dans  les  cloapelles  des  deux  Providences,  où  doit  être  auiS 


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*tikx  °      VJi'l'^  W  ; 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       407 

le  tableau  de  leurs   fondateurs  &  de  leurs  bienfaiteurs.  Je  dirai  en  quoi   ces 
règlemens  ont  été  inexécutés ,  changés  ou  modifiés. 

Lorfque  le  Tpeftacle  du  Cap  devint  public ,  les  adminiftratcurs  de  la  Provi- 
dence expofèrent  à  MM.  d'Eilaing  &  Magon  ,  qu'en  France  les  fpeftacles 
des  villes  donnaient  aux  pauvres  une  partie  de  leurs  bénéfices  ,  &  ils  foîlicitèrenc 
ou  une  rétribution  fixe ,  ou  des  repréfentations  au  bénéfice  des  pauvres.  Les 
aftionnaires  de  celui-ci  arrêtèrent  ,•  le  12,  Février  1775,  qu'il  ferait  donné  un 
mardi  du  carême ,  une  repréfentation  au  profit  des  Providences.  Cet  ufage  s'eflr 
confervé  jufqu'à  préfent,  &  c'eft  avec  un  fentiment  religieux  que  les  perfonnes 
mêmes  qui  ne  vont  pas  à  cette  repréfentation  envoyent  leur  aumône,  JLorfqu'au 
mois  de  Mai  1785  le  fpeélacle  fut  déferté ,  on  fentit  que  cette  circonftance  ne 
devait  pas  être  préjudiciable  aux  pauvres  ;  il  fe  fit  une  quête  qui  produifiE 
7,000  livres. 

Le  bureau  qui  jufqu'au  mois  de  Juin  1773  avait  été  très-peu  exaft ,  convint 
alors  de  fc  former  chaque  mois ,  comme  il  le  devait  j  c'était  touïours  chez  le 
gouverneur-général  ou  chez  fon  repréfentant ,  mais  le  bureau  décida,  le  6  Juin 
1775  >  q"'^"  conformité  des  règlemens  ,  il  fe  réunirait  dans  une  des  l'allés  de 
la  maifon  de  Providence ,  ce  qui  eut  lieu  la  première  fois  le  12.  du  même  mois, 

M.  d'Ennery  débarqua  au  Cap  deux  mois  après ,  &  dès  le  furlendemain  il 
fit  aflembler  le  bureau.  On  obferva  avec  raifon  que  plufieurs  abus  avaient; 
attaqué  i'adminiftration  de  la  Providence.  On  décida  donc,  le  8  Août  177^ 
que  dorénavant  le  bureau  fe  renfermerait  exaétement  dans  les  termes  de  l'infti- 
tution  ;  qu'on  ne  recevrait  que  les  perfonnes  à  qui  l'hofpice  était  deftiné  ;  on 
plaça  les  fous  au  rang  des  incurables,  auxquels  l'accès  en  eft  ouvert,  &  l'on 
décida  que  les  vagabonds  &  les  pauvres  de  la  Colonie  n'y  feraient  plus  reçus 
Touchés  des  befoins  de  ces  deux  maifons ,  MM.  d'Ennery  &  de  Vaivre  leur 
accordèrent  30,000  livres  à  prendre  annuellement  fur  la  caiflTe  des  libertés  1  une 
rétribution  de  10,000  par  an  payée  par  le  geôlier  du  Cap  ,  &  que  les  chefs  de 
la  Colonie  avaient  donnée  jufques  là  à  leurs  fecrétaires  ,  leur  fut  attribuée.  Cette 
décifion  qui  honore  fes  auteurs  fous  plus  d'un  rapport ,  triplait ,  prefque  tout-à- 
coup  ,  le  revenu  de  la  Providence ,  qu'on  n'évaluait  qu'à   20  ou  30,000  livres. 

Enfin  en  1777  on  entreprit  de  bâtir  réellement  la  Providence  des  hommes , 
qui  était  fi  peu  de  chofe  à  cette  époque  ,  que  voulant  y  mettre  des  foldats  '  con- 
vakfcens  au  mois  de  Mars ,  on  calcula  qu'on  ne  pouvait  en  placer  que    140 


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4o8       D»E  SCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

ou  i6o  Cl  l'on  prenait  la  chapelle.  L'édifice  doit  avoir  60  toifes  de  façade  fur 
la  rue  de  la  Providence  ,  à  partir  de  la  rue  Saint- Avoie  &  s'étendant  à  l'Ouefl". 
Il  n'y  en  a  cependant  que  les  deux  tiers  de  conftruits.  Un  corps  avancé  formant 
un  grand  veftibule  de  toute  la  largeur  du  bâtiment ,  qui  eft  de  36  pieds  ,  marque 
fon  milieu.  A  l'extrémité  Orientale  ,  eft  la  chapelle  qui  a  été  fculptée  par  M. 
Adde,artiu:e  intelligent,  avantageufement  connu  par  l'exécution  heureufc  de 
plufieurs  moulins  à  fucre ,  &  qui  a  cru  devoir  laiffcr  à  la  Providence  une  preuve 
de  fa  reconnaiiïànce  pour  l'afile  qu'elle  avait  donné  autrefois  à  fes  talens ,  que 
n'avait  pas  refpeclié  la  mifere. 

Comment  ce  trait  n'a-t-il  pas  rappelé  aux  adminiftrateurs  que  tout, 
jufqu'aux  règlemens  ,  leur  impofe  le  devoir  de  placer  dans  cette  chapelle 
k  nom  du  fondateur  de  la  Providence  !  Nulle  part  on  n'apperçoit  le  nom  de 
Ca^elveyre,  de  ce  mortel  dont  la  bienfaifance  fut  l'unique  objet,  la  feule 
penfée  ,  la  feule  jouiffance.  Il  a  fallu  que  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du 
Cap  ait  propoféen  1785  l'éloge  de  Caftelveyre  &  de  Dolioules  ;  il  a  fallu  que 
les  hommes  efllmables  qui  la  compofent  aient  fongé  à  ce  que  l'oubli  allait 
enfevelir  fans  eux.  Il  y  aurait  trop  à  rougir  pour  le  bureau  de  la  Providence  fi 
l'on  favait  jufqu'à  quel  point  il  pouffait  l'ignorance  fur  tout  ce  qui  concerne  les 
deux  Providences.  Je  reprochais  à  l'un  de  /es  membres  l'infouciance  qu'on 
avait  à  parler  de  ces  deux  précieux  établiffemens ,  &  c^  fut  en  cédant  à  mes 
importunités  qu'il  fit  inférer  dans  l'almanach  de  1779  une  notice  où  l'on  dit 
que  Caftelveyre  a  fondé  les  deux  maifons.  Ce  fait  inexaft ,  les  almanachs 
fuivans  l'ont  fervilement  copié.  J'ai  eu  autrefois  des  renfeignemens  encore  plus 
fautifs,  &  qui  m'auraient  égaré  parla  confiance  dont  je  les  crovais  digne,  fi  je 
n'avais  conçu  l'idée  de  répondre  aux  vues  de  la  Société  des  Sciences  Ôc'^Arts  (*) 


r)  Elle  a  daigne  couronner  mon  faxble  ouvrage   au  mois  de   Juillet   1790.  Les  Adn,iniflrateur, 
qu.  1  ont    onnu  ont  avoue  leur  faute  en  cherchant  à  la  réparer.  Ils   ont  demandé  une  infcription  qui 
rappela,  .e  nom   fi  touchant  de   Caftelveyre.  Qu'ils    ôtent  du  frontifpice  du  veftibule  celle^i  : 
Hic    DIVITUM    DONIS,   Pauperes    curantur 

Qu'on  abdique  cette  ridicule  manie  de  célébrer  en  latin  des  vertus  franfaifes.  Écrîve^dans  votre 
langue ,  dans  celle  qui  fera  entendue  de  tous  :  '^ez^aans  votre 

p,  CASTEI.VEVRE    OirVRIT    CET    ASILE    AU    MALHEUR    E  r.     I74O. 

.u^r^::;:;"s:'^^'  ''''  ^"^  '\'-  '-  ^^  ^^^^^  c.tour„..ies  ver. 


k.m.  Vv  "i 


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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.    409 

A  l'immenfe  corps-de-logis  de  la  Providence  ,  ont  été  ajoutés  de  nouveaux 
bâtimens  ,  l'un  de  261  pieds  de  long  fur  17  de  large,  &  l'autre  de  94  fur 
18,  qui  ont  été  conftruits  par  M.  Artau ,  entrepreneur,  d'après  des  marchés 
paffés  le  10  Mai  &  le  15  Juillet  1782;  le  premier  pour  81,000  liv^.  ,  &  le 
fécond  pour  42,000  liv.  C'eft  dans  la  totalité  de  ces  conftruclions  ,  qui  peuvent 
contenir  environ  800  perfonnes  &  qui  étaient  achevées  en  1782,  qu'on  a  vu 
jufqu'à  900  malades  ou  bîefTés  dans  la  dernière  guerre ,  car  durant  deux  ans  la 
Providence  a  été  changée  en  un  hôpital  militaire,  devenu  indirpenfable.  Aufli 
le  bureau  ne  s'eft-il  pas  affemblé  depuis  le  5  Juillet  1781  jufqu'au  7  Août 
1783.  Au  mois  d'Août  1779  on  avait  été  forcé  auffi  d'y  mettre  400  malades  de 
l'efcadre  de  M.  d'Eftaing.  La  Providence  a  été  intéreffée  pendant  dix-neuf 
mois,  pour  moitié,  à  l'entreprife  des  malades  qu'on  traitait  aux  frais  de  i'ÉtaC 
dans  fon  local. 

La  plume  éloquente  de  Raynal  a  loué  l'auteur  de  la  Providence,  &  fans  doute 
qu'il  l'aurait  nommé  s'il  l'avait  connu  j  mais  je  crois  devoir  réclamer  contre 
les  imprécations  qu'il  knce  à  caufe  des  infidélités  qu'il  reproche  à  des  adminif- 
trateurs  de  ce  refuge  des  pauvres,  &  j'ofe  dire  qu'il  a  été  trompé  &  que  ce  forfait 
efi:  imaginaire.  M.  Hilliard  d'Auberteuil  a  auffi  parlé  ,  mais  d'une  manière 
affligeante ,  d'une  fondation  qui  attend  des  infortunés  à  deux  mille  lieues  de  leur 
pays  ,  pour  les  fauver  de  la  mort  &  peut-être  de  la  honte  ,  &  M.  Dubuiffon  ,  fon 
critique  a  eu  tort  de  lui  reprocher  cette  trifte  peinture  ,  pulfqu'il  voyait  la  Provi- 
dence conftruite  à  neuf,   tandis  que  M.  Hilliard  l'avait  laiiïee   menaçant  ruine. 

Mais  qu'on  cft  douloureufement  frappé  en  obfervant  que  l'éloge  fait  par  M. 
Dubuiffon  n'eft  pas  compkttem.ent  mérité  !  Qui  ne  ferait  affligé  de  n'appercevoir 
qu'à  peine  le  vafte  bâdmentde  la  Providence  ,  dans  un  point  dont  les  alentours  fe 
trouvent  efcarpés  de  huit  à  dix  pieds,  de  manière  qu'il  efl  enfoncé  &  qu'on  ne  le 
dirtingue  que  lorfqu'on  en  eft  près.  On  regrette  que  cet  édifice  n'ait  pas  été  mis 
dans  une  fituation  plus  élevée  &  plus  faine ,  où  fa  perfpcdive  aurait  embelli 
h  ville. 

On  remarque  que  ce  bâtim.ent  faifant  face  au  Sud  ,  manque  lui-même  d'éléva- 
tion dans  fes  proportions  ;  que  les  ouvertures  en  font  trop  baffes  &  que  les 
malades  y  éprouvent  une  chaleur  extrême.  La  ravine  n'ayant  qu'un  filet  d'eau 
qui  nefert  qu'à  détremper  les  immondices  qu'on  y  jette  ,  &  que  groffit  l'égoûc 
des  latrines  des  ca-crncs ,  elles  y  font  une  fource  d'infecTiion  qui  corrompt  vZ  de 
Tome  I.  .    '  F  ff  - 


4Î0 


DE  SCRIPT*  ION     DE     LA     PARTIE 


czttc  mailbn  5c  qui  nuit  âu:c  m.\l-iacs.  Uiis  digue  &  une  éclufe  auraient  pu  fcrvir 
à  lâcher,  à  volonté  ,  l'eau  qu'on  auraii:  accumulée.  Comment  n'a-t-on  pas  fenti 
Ja  néceffité  d'une  galerie  tournante  dans  l'intérieur  des  cours  pour  que  les  malades 
ne  fufient  pas  expofés  aux  injures  de  l'air ,  furtout  dans  la  failo-n  des  pluies  ? 
Pourquoi  n'avoir  pas  éloigné  davantage  leurs  latrines,  au  lieu  de  les  mettre  au 
centre-  &  de  les  adotler  aux  bâtimcrs-  ?  I^vl.  Artaud,  médecin  du  roi ,  a  propofé 
de  pratiquer  d^s  lucarnes  dans  la  toiture  des  fal'es  ;  mais  l'inconvénienc  ferait 
mieu:-:  corrigé  par  l'élévation  des  croifees.  Au  total ,  il  eft  indirpenfabie  de  s'occu- 
per de  reétifier  to-Jt  cet  enfemble  ,  &  pour  ks  quatre-vingt-dix  ou  cent  perfonnes 
qu'on  voit  conltamment  à  la  Providence  depuis  la  guerre  ,  aii  lieu  de  vingt  qui 
s'y  trouvaient  a':p:iravant ,  &  pour  les  cas  où  il  faudrait  encore  y  loger  des 
bleiTéj.  C'efl:  alTez  que  des  entrepreneurs  d'hôpitaux  trouvent  dans  des  calculs 
dont  le  rélulcat  eft  une  fortune  qu'  éclaboufle  ,  les  moyerts  de  n'accorder  à  celui 
q;ul  dorme  Ton  fang  à  la  p^atrie  ,  que  ce  qu'il  ne  peut  lui  refufer  ,  fans  que  des  vices 
de  local  moiff^nnent  encore  cet  homme  utile.  Il  ne  faut  pas  que  l'on  foit  arrêté  par 
les  dépenfcs  qvt'on  a  faites  ,  parce  qu'il  ne  s'agit  pas  de  facrifier  des  hommes  à  de 
L'argent  ,  raiiis  de  l'argent  à  des  hommes.  Qu'on  fe  fouvienne  de  l'exemple  d<t^ 
Calciveyre  ;  il  a  tout  fcum.is  à  ia  feule  penfée  d'êt-re  vraiment  utile. 

La  Pi-Gvidence  n'eft  pas ,  je  le  fais ,  dans  une  fituation  qui  lui  permette  de 
grandes  déper«e-s  ,  mais  cette  fituation- doit  s'améliorer  &  l'on  peut  ne  faire  que 
fuccefilvemcnt  ks  changcmens  néceiT-iires. 

En  1779  ,  les  Providences  devaient'  io;,cco  livres,   quoiqu'elles  euflent  reçu 
eu  1776,  1777  &  177S  ,  9G;CCo  livres-de  la  caifTe  des  libertés,  &  en  1776,  1777  , 
1778  &  1779  j  40,000  livres  du  geôlier  ,  paye-m.ent  qui  ceffa  en  1780,  parce 
que  M.  Fieury  s'en  fit  décharger  ;  mais   auffi  la  Providence  avait  dépenfé-,  eh. 
1777  ,   300,000  livres  pour  un  édifice.  En  1782  elle  a  fait  faire  des  conftruélions - 
par  Mi  Artau  pour  i  2j,QCO  livres  ,  elle   avait  acheté  pour  63,000  livres  d'appro- 
vifionneniens   defiinés    aux   malades  ,    parce   qu'on    annonçait  l'arrivée    de  M.. 
d'Eftaing  &  de  forces  fupérieures  pour  une   expédition  ,   à   quoi  il  faut  ajouter 
44,000  livres  de  rem.placemens  de- nègres  ,  ce   qui   faifaitun  total  de  332,000 
livres  de  dettes   en    17S2.   D'sprès  un-e  ordonnance  du  général  &  de  l'intendant 
datée  du  29  Novembre  1785,  la  Providence  a  reçu  123,025  livres  pour  ce  qui 
lui   appartenait  dans  la  moitié  du   traitem.ent  des  malades,  dont  M.  Brée  de  là 
Touche  3  entrepreneur,  avàç  l'autre  moitié.  Elle,,  a  reçu,  au  xêine  titre  encore >, 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      41T 

56,000  livres,  c'eft  au  total,   179,000  livresj  elle  en  redevait  donc    153,000 
à  la  paix  en  1783. 

A  l'époque  de  1785  ,  11  faut  déduire  trois  années  d'un  cafuel  qu'on  pouvait 
évaluer  alors  à  35,000  livres  par  an  ,  &  environ  10,000  de  loyers  &  de  rentes 
annuelles  ,  c'eft  au  moins  1 15,000  livres  par  an,  &,  par  conféquent,  li  dette  était 
réduite  à  environ  40,000  livres. 

Calculons  maintenant  pour  cette  année  1789.  Le  droit  fur  la  geôle  a  é:é  renou- 
velle en  1785,  mais  fur  le  pied  de  6,000  livres  feulement;  c'eft  c 4,000  livres 
pour  quatre  ans.  Les  revenus  fixes  étaient  montés  à  20,000  livres  ;  le  cafuel  à 
50,  000,  le  tout  par  an  ,  c'était  280,000  liv.  ,  &  au  total ,  au  moins  300,000  liv> 
Voilà  donc  la  dette  éteinte ,  &  260,000  livres  de  refte.  Je  fens  bien  qu'il  a  fallu 
faire  la  dépenfe  de  la  maifon  ,  pendant  ces  quatre  ans ,  &  je  fais  même  qu'au 
commencement  de  1789,  loin  d'avoir  des  fonds  difponibles ,  les  Providences 
devaient  150,000  livres.  Or  elles  avaient  alors  aulTi ,  un  aélif  de  450,000  liv. 
compofé  de  dons,  de  legs  &  d'amendes  prononcées  à  leur  profit.  Défalquant 
un  tiers  pour  le  pju  de  refîburce  de  certains  recouvremens ,  on  trouve  encore 
300,000  livres  qui  payeront  la  dette,  &  fourniront  un  capital  de  150,000  liv. 
qui ,  bien  placées ,  donneront  1 5,000  liv.  de  revenu.  Il  faudra  y  ajouter  15,000  liv. 
annuels  ,  que  donnera  la  maifon  de  l'emplacement  de  l'ancien  hôpital  Saint- Jofeph, 
au  coin  des  rues  Vaudreuil  &  Saint- Jofeph,  que  MM.  Reynaud  &  Robar  ,  entre- 
preneurs, ont  bâtie  en  1788,  à  condition  qu'ils  en  jouiraient  dix  ans.  Tout 
cela  réuni  au  re^^enu  d'une  autre  maifon,  qui  fait  l'un  des  angles  de  la  rue 
Penthièvre  &  de  la  Vieille  Joaillerie,  fituée  par  conféquent  dans  un  point  très- 
commerçant ,  &  reçue  de  M.  Châtier,  en  échange  de  225  quarrcaux  déterre 
dans  la  piroiiTe  de  Plaifance  ,  qui  venaient  de  Caftelveyre  ;  on  peut  confidérer 
les  Providences  comme  incefifamment  libérées  de  tout  engagement',  devant  jouir 
d'un  revenu  annuel  de  100,000  liv.  ,  d'autant  que  depuis  1787  ,  il  s'eft  augmente 
de  1,014  liv. ,  P^''  ^'^^  tiaux  emphithéotiques ,  dont  l'ordre  de  la  defcription  me 
fera  parler  tout  à  l'heus^e.  •*  . 

On  ne  peut  pas,  fans  courir  le  rifque  de  fe  tromper,  compter  ia  dépenfê 
annuelle  des  deux  Provilences,  pour  moins  de  100,000  livres,  à  ca'ife  des 
appointemens  du  direéleur ,  des  hofpitaliers ,  les  frais  d'entreden  des  bâtimcns  , 
le  remplacement  des  nègres,  &  la  dépenfe  de  cent  maladts  eu  autres  perfonnes 
accueillies  dins  ces  hofpices;   voilà  donc  ces  établifiemens  au  pjT.   Maintenant 

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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


les  nouvelles  libéralicés  j  les  nouvelles  amendes,  &  q.ucl<iues  économies,  peuvent 
8c  doivent  è:œ  employées  aux  changemens  qui  pourront  leur  donner  une  fitua- 
V.on  lalubre,  aërée ,  commode  &  propre  à  remplir  le  but  de  leur  inftituEiôn. 

Que  le  bureau  fe  dé:ermine  enfin  ,  à  faire  placer  la  longue  lifte  des  fondateurs 
&  des  bienfaiteurs  dans  un  tableau,  &  j'ofe  afîlirer  que  ces  an  éliorations  devien- 
dront bientôt  poffibles  j  car  il  doit  erre  plus  aiië  de  les  réalifer ,  qu'il  ne  l'a 
été  de  procurer  loo^oco  livres  par  an  ^  ces  miaifons.  Sans  doute  il  eft  trifte, 
qu'il  faille  parier  à  l'amiOur-propre  des  hom.mes  ,  pour  les  porter  à  une  aftion 
utile  ,  mais  n'ayons  pas  la  prétention  de  changer  le  cœur  humain ,  &  publions  fes 
vertus  ,  n'iême  pour  les  exciter. 

Cette  lifte  que  je  pofiede  ,  offre  un  total  de  624,909  livres  2  fous  4  deniers  de 
bienfaits  ,    fans  compter  les  dons  de  Caftelveyre   &  de   Dolioules  ,  &  il  eft  à  ma 
connaiflance  perfonnelle ,  qu'elle  contient  des  omiffions.  Ne  ferait-ce  pas  une  rai- 
fon  (  entre  beaucoup  d'autres  )  ,  pour  que  radminiftration   de  la   Providence 
rendît  des  comptes  publics  ? 

Je  voudrais  auffi  ,  qu'au  rang  des  bienfaiteurs ,  on  plaçât  les  admiiniftrateurs 
des  maifons  de  Providence  ;  car  c'eft  un  bienfait  que  de  donner,  dans  une  Colonie, 
fon  tems  aux  foins  de  ces  hofpices  èz  de  s'attacher  à  leurs  intérêis. 

La  même  juftice  devrait  être  la  récompenfe  des  micdecins  &  des  chirurc^iens , 
qui  leur  ont  confacré  &  qui  leur  confacrent  journellement  des  foins  gratuits. 

Cemm.f  nt  le  bureau  des  Providences  néglige-t-il  tant  de  moyens  de  procurer 
des  fecours  de  tous  les  genres  ,  aux  malheureux  qui  leur  font  confiés  .? 

J'allais  ê:re  coupable  moi-rrêmie  ,  en  oubliant  de  compter  M.  Adde  parmi  les 
bienfaiteurs,  lui  qui  a  fculp:é  fa  jolie  chapelle  avec  un  cizeau  que  conduifait  la 
gratitude. 

J'ai  peu  de  chofe  à  ajouter  ftir  ces  établifiTemens  ,  dont  on  ne  fe  laffe  point  de 
parler.  Depuis  le  2  Avril  1778  ,  le  bureau  y  a  mis  un  contrôleur  qui,  commiC  le 
le  dit  fon  titre  m.ême  ,  infptcte  tous  les  achats  ,  toutes  les  dépenfes ,  &  dont  le 
directeur  eft  tenu  de  prendre  le  vi/a  pour  tout  ce  qu'il  fait.  Et  comme  le  bureau  a 
fenti  que  les  fcncftions  qui  lui  font  attribué'=-s  ,  relativement  aux  regiftres  qui 
doivent  faire  preuve  de  la  mort  de  ceux  qui  y  périaènt,  font  civiles,  il  prit  un 
arrêté  le  7  Novembre  177 1  ,  portant  que  ce  diretSteiu"  (  alors  appelé  hofpitalier  ) 
dépoferait  au  greffe  de  la  Sénéchauftee  fa  nomination  bc  fa  fignature ,  pour  que 
fes  acles   miortuaires'pufTcnt  être  légalifés.  Le  tribunal  a  juftement  exigé  de  pliis 


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FRANÇAISE  DE  S  A  î  N  T,^©^M  I  N  G  U  E.  41^ 
le  ferment  de  ce  diredcur,  entre  ies  mains  du  juge  ,  c'efr  donc  à  cet  égard  un  of- 
ficier public.  Les  regiftres  mortuaires  des  Providences,  depuis  1746,  fc  trouvent 
au  greffe  de  la  Sénécliauffée. 

Leur  retenu  cafuel  eft  produit  par  le  tranfport  des  morts,  où  chaque  r.è-re 
reçoit  3  livres,  &  même  1 1  Hv. ,  dans  les  inhumations  folemnelles  ;  par  les  enter- 
remens  des  non-catholiques,  où  celui  d'un  juif  coûte  180  hv. ,  celui  d'unproteftant 
avec  cercueil  couvert  199  liv.  10  fous  &  fans  ce  cercueil  67  liv.  10  fous  • 
par  le  droit  des  exécutions  ,  où  elles  font  préparer  les  échafauds  ,  les  aibets  &c  • 
par  le  produit  de  la  repréfentation  annuelle  de  la  comédie;  par  ceîui  (  prefquê 
nu  )  des  troncs  mis  dans  les  églifes  ;  par  les  quêtes  que  font  des  Dames  de  la 
ville,  dans  les  deux  journées  du  Jeudi  &  du  Vendredi-Saint ,  lorfqu'on  va  faire 
des  ftations  aux  chapelles  des  deux  Providences;  par  le  produit  de  quelques 
tombereaux  qui  font  des  tranfports  &  des  charrois  dans  la  ville,  &  enfin  par  le 
traitement  des  matelots  malades  ,  qui  eft  payé  par  les  capitaines  des  navires 
marchands ,  dont  ces  matelots  dépendent. 

Je  m'arrête  enfin  ici ,  relativement  à  ces  établiffemens  oui  montrent  que  les 
vertus  les  plus  touchantes  ne  font  pas  étrangères  aux  colons,  &  en  répétant  qu'ils 
fon^t  dus  à  la  générofité ,  au  rare  dévouement  &  à  la  perfévérante  charité  de 
Cauelveyre  ,  dont  l'exemple  a  donné  naifîance  à  la  Providence  des  femmes  & 
a  la  Providence  qui  fubfifte  maintenant  dans  la  ville  du  Port-au-Prince 

En-  fortant  de  la  maifon  de  Providence  des  hommes ,  la  lailTant  à  droite  & 
montant  dans  l'Oueft  la  rue  de  fon  nom,  on  trouve  ,  à  environ  100  toifes  de  h 
rue  du  Pet-au-Diable ,  un  pont  de  bois  qui  traverfe  la  ravine  à  Douet  ou  des 
Cazernes,  près  du  pont  où  elle  va  fe  rendre  dans  celle  du  Cap  En  1770  il 
n'y  avait  point  de  maiibns  au-defîus  de  la  Providence  &  en  178 1  on  en  voyait  une 
feule,  en  deçà  ce  la  ravine  des  Cazernes,  &  elle  était  confidérée  avec  fe. 
petits^embelhiTemens  comme  une  maifon  de  campagne  ;  mais  depuis  X786,  k 
Cap  s  eft  encore  etenau  de  100  toifes  au  de-là  de  la  ravine  des  Cazernes  C'eft 
«ne  petite  gorge  qui  a  à  peine  40  toifes  dans  fon  plus  large  ,  &  qui  eft  e^caiffée 
par_  deux  coupes  du  morne  du  Cap.  Elle  a  fa  direftion  au  Nord-Oueft  &  h 
ravmc  du  Cap  la  borne  au  Nord. 

Le  6_AvrU.  1786 ,  le  bureau  de  la  Providence  confidérant  la  cherté  des  loyer. 
&  fo  hcite  par  plufieurs  particuHers  ,  décida   que  ce  terrain   ferait  donné  à  bail 
emphytheotique.  Il  fallait  partie  de  la  conceffion  accordée  à  l'hofpice  le  .3  Avril' 


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414      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

176 1 ,  par  MM.  Bart  &  Clugny  ,  de  300  pas,  depuis  la  rue  du  Pet-au-Diable  , 
allant  dansl'Oueft,&  le  long  de  la  ravine  du  Cap.  Les  Adminiftrateurs  delà, 
Colonie,  à  qui  cette  deftination  fut  foumlfe,  l'approuvèrent  le  7  Juin  1786,  ainfi 
que  le  plan  qui  avait  été  dreffé  pour  partager  cet  efpace  en  neuf  emplacemens  , 
i  conferver  le  pafiTage  du  chemin  qui  conduit  de  la  ville  du  Cap  à  la  Bande 
du  Nord  &  au  Port-Français.  Ce  plan  fut  n-.ême  reftifié  par  les  opérations  du 
Voyer,  qu'une  autre  ordonnance  des  Adminiftrateurs  de  la  Colonie  fandionna 
le  i4  0aobre  1786.  Enfuite  y  comprenant  le  terrain  de  l'ancien  cimetière  de 
la  Providence,  on  n  formé  neuf  emplacemens,  qu'on  peut  compter  fur  le  plan  ~ 
topographique  du    Cap,   dans   mon  Atlas. 

On  les  a  tous  affermés  au  mois  de  Juin  1787  ,  au  profit  de  la  Providence,  pour 
dix  ans  ;  chaque  fermier  eft  tenu  de  faire  pendant  les  dix  ans,  qui  comptent  du 
premier  Juillet  1787  ,  pour  3,000  livres  de  bâtimens  ,  &  l'un  deux  pour  7,000 
livres.  Si  les  conftruftions  font  au-deiTus  de  cette  valeur  ,  les  fermiers  auront 
dix  autres  années  de  puiffiince  ,  moyennant  une  rétribution  fixée  5  &  à  l'expira- 
tion des  vingt  ans,  tout  le  terrain  &  les  bâtimens  doivent  être  remis  en  bon  état 
à  la  Providence ,  fans  nulle  indemnité  de  fa  part. 

C'eft  ainfi  que  fc  font  formées  plufieurs  jolies  petites  maifons  de  plaifance  , 
offrant  un  afped  varié  par  l'inégalité  du  terrain  ,  &  les  differens  enjolivemens 
qu'on  a  cherché  à  naturalifer  dans  ce  fol  ingrat,  où  l'on  ne  peut  tenter  que  la 
culture  de  quelques  fruits  &  de  quelques  légumes ,  au  moyen  de  l'eau  que 
procure  des  fources  &  des  ravines. 

Je  viens  de  dire  que  c'était  à  l'extrémité  de  cette  efpèce  de  petit  faubourg, 
qu'était  le  cimetière  de  la  Providence,  placé  dans  ce  point  en  1746,  aune 
époque  où  l'on  était  loin  de  fuppofer  que  les  vivans  ,  guidés  par  le  plaifir  , 
viendraient  y  chercher  des  afiles.  Ce  cimetière,  qui  avait  loo  pieds  de  long 
du  Nord  au  Sud,  &  60  de  large  de  l'Eft  à  l'Oueft  ,  avait  été  étabH  par 
Caflelveyre  ,  indigné  de  ce  qu'on  plaçait  au  ha'^rd  les  corps  des  nègres  non- 
baptifés,  &  des  non-cathohques  j  de  ce  qu'on  en  avait  jette  dans  des  puits  fecs 
&  d'autres  dans  la  mer,  de  forte  que  ramenés  au  rivage,  ils  y  devenaient 
la  proie  des  animaux.  Les  officiers  de  police  du  Cap  &  les  adminiftrateurs 
avaient  trouvé  ce  lieu  convenable,  &c  déjà  il  était  entouré  d'une  large  haie 
vive,  en  attendant  la  clôture  de  maçonnerie  qu'on  y  avait  fait  pofténeurement  , 
âorfque  les  chefs  de  la  Colonie  approuvèrent  cette  nouvelle  œuvre  du  picuji 


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FRANÇAISE    D  E.  S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      415 

Caftelveyre.  Au  mois  de  Septembre  1746  ,  on  a  mis  plus  à  l'Oueft,  &  fur  la 
rive  cppofée  de  la  ravine  du  Cap,  ce  dernier  refuge  de  l'homme,  8c  on  l'a 
diftribué  de  man'.ère  à  fervir  de  fépukure  pour  les  malades  de  la  Providence, 
pour  les  Tupplicits,  pour  les  non- catholiques ,   &  pour  les  nègres  non-baptifés. 

A  toucher  la  limite  Oueft  du  terrain  affermé  par  la  Providence,  ePc  im 
établiffemcnt  auquel  tous  les  hommes  fenfibles  doivent  un  tribut  de  reconnaifîance. 

Depuis  que  l'Afrique  donne  des  cultivateurs  aux  colonies  américaines ,  lea 
cœurs ,  où  l'on  n'avait  pas  écoufie  les  fentimens  de  la  nature ,  étaient  foulcvés 
de  voir  l'état  d'abandon  oij  étaient  laiffés  les  Africains  malades ,  apportés  par 
les  navires,  Entaffés  dans  des  magafins  très- refferrés ,  gardés  au  fein  de  la  ville, 
dont  l'air  n'était  pas  propre  à  les  rétablir,  &  qu'ils  n'ont  rendue  que  trop  fouvenîr 
le  théâtre  d'épidémies  cruelles,  ils  y  o  Seraient  le  fpetîlacle  déchirant  de  l'humanité 
méconnue  par  la  cupidité.  Un  jeune  chirurgien,  calculant  que  l'avidité  fe  trompait 
elle-même,  conçut  le  projet  d'un  hofpice ,  oij  des  foins  affidus  pourraient' 
conferver  des  êtres  précieux,,  &  il  entreprit  de  s'enrichii- en  faifant  k  bien. 

L'occafion  venait  de  lui  en  être  fournie  par  un  ordre  du  procureur  du  roly 
du  25  Novembre  1782,  qui  obligeait  de  tranfporter  tous  les  nègres  de  car- 
gaifons  malades  hors  de  la  ville.  Il  en  recueillit  d'abord  un  grand  nombre 
dans  un  endi-oit  pris  &  difpoféà  la  hâte;  puis  méditant  fur  fon  entreprife,  il  acquit 
une  petite  habitation^,,  au  lieu  dont  j'entretiens  le  LecT:eur  en  ce  momen! ,  &  dès 
Je  mois  de- Février  1783,11  fut  en  état  de  remplir  fa- deftination.  MM.  de 
Bellecombe  Scdt  Bongars  protégèrent  ce  deffcin  ,  &  le  médecin  &  le  chiruro-iea 
du  roi  approuvèrent  les  vues  &-  les  diipofitiors  de  M.  Durand ,,  chirurcrien- 
major  de  l'amirauté.  Le  16  Mars  1786  ,  une  ordonnance  de  MM.  de  Couftard  &} 
de  Marbois  ,.  a  confolidé  l'établiirement  peur  fervir  au  traitement  des  nèc^res 
malades  provenant  des  cargaifons  ,.avec  faculté  néanmoins  aux  particuliers  do 
les  faire  traiter  ailleurs,  s'ils  le  jugent  à  propos.. 

L'expofition  de.  cet  hôpital,  appelé  Maijcn  de.  Jcnlé;  ed  heureufe  par  fon 
élévation  ,  fon  ifoiement  &  par  fa  fituation  dans  une  gorge  oij  l'air  eft  plus 
aaif  par  cela  même  que  fcn  paffage  y-  eft  plus  prefié.  Le  l  âtiment  principal  a 
100  pieds  de  long ,  fa  divif.cn  en-plufieurs  falles  donne  la  facilité  de  féphrer  les 
fexes  &,les  malades  de  différentes  maladies.  D'autres. conflruclions  font  deftinécs 
au  logement  du  chirurgien  ,  qui  réfide  dans  l'hofpice  &  le  dirige,  &  aux  détails 
du  fervice.  Chaque  journée  coûte,  cinquante  fous  ou  moitié  feulement  lorfqyc  • 


)  ' 


4i6       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

les  makr.es  ne  font  pas  nourris  aux  dépens  de  la  rnalfon.  Des  particuliers  de 
la  ville,  approbateurs  de  l'établifTemeit  &  qui  trouveraient  difficilement  les 
mêmes  lecours  pour  leurs  _  nègres ,  les  envoyent  dans  cette  mai;on  ,  où  ils 
payent  4  livres  par  jour;  ils  font  trairés  féparerrient  des  premiers.  On  peut 
attendre  les  plus  faluraires  elfets  ce  cet  établiiTement,  puifque  dans  les  com- 
mencemcns  ,  lorfque  beaucoup  de  commodités  devaient  manquer  encore ,  du 
mois  d'Août  1782  à  celui  de  J2nvier  17S3  ,  fur  672  malades  ,  il  n'en  efl  mort 
que    iio,  ce  qui  n'en  fait  pas  le  fixième. 

Quand  on  réflécliit  que  fans  cette  maifon  de  fanté,  il  aurait  péri  pluûeurs 
milliers  d'êtres  ,  qui  pour  être  fauves  du  fccrbut  de  mer  dent  ils  font  attaoï-és, 
n'ont  eu  befoin  que  d'un  air  pur  &  d'un  nourriture  faine,  on  bénit  l'idée  de 
M.  Durand  ,  on  applaudit  à  fon  zèle  ,  à  fa  fenfibilité  ,  &  en  contemplant  fon 
hofpice  Se  le  joli  jardin  qui  en  fait  partie,  le  cceur  s'attendrit  &  prononce  fon 
éloge. 

Il  me  refre  encore  à  parler,  pour  terminer  fur  ce  canton,  que  j'appelerais 
volontiers  le  canton  de  la  bienveillance,  d'une  autre  entreprife  couronnée  d'un 
moindre   i'uccès  ,   m.tis  plus  glorieufe    encore    pour   fon  auteur. 

En  17563  le  nombre  des  gens  de  couleur  libres  commençait  à  augmenter 
fans  que  leurs  relfoures  iuiviflent  la  m.ême  progreiTion  ;  on  voyait  de  ces  nialheu- 
reux  errantb  dans  la  ville  du  Cap,  fans  pain,  fans  afile ,  Se  quelquefois  accablés 
encore  par  la  maladie  S;  par  les  infirmités.  Le  père  Daupley  ,  jéfuite ,  alors 
curé  des  nègres,  touché  de  ce  fpeclacle ,  chercha  à  intéreiTer  MM.  Brévignon 
&  Grandjean ,  négocians ,  adminiftrateurs  des  maifcns  de  Providence  ,  &  les 
cng?gea  à  donner  ,  fur  le  vafte  terrain  de  colle  des  hommes  ,  un  emplacement  oii 
l'on  poarrait  oâtir  une  café  pour  recueillir  ces  infortunés.  Cette  première  marque 
d'humanité  obtenue ,  il  en  fallait  une  féconde  plus  grande  encore;  c'était  que 
quelqu'un  le  chargeât  de  la  conftruélion  de  la  café,  &  de  diriger  l'eipèce  d'hofpice 
que  demandait  la  pit.é.  Le  choix  du  père  Daupley  fe  fixa  fur  l'être  que  je  vais 
faire  connaître. 

Aloou  Kinson,  né  à  la  Cote  d'Or  ,  en  Afrique ,  tn  17 14,  y  fut  ache^te 
par  le  capitaine  Bertrand  &  vendu  au  Cap.  M- Thoumafeau ,  maçon,  l'acheta 
&  lui  enfeigna  fon  m.étier.  Il  fut  baptifé  dans  la  m-êoi^  ville  le  31  Mars  1736, 
fe  reçut  Je  nom  de  Jean  Jafaùri.  M.  Thoumafeau  à  fa  mort ,  arrivée  en  1738  , 
îaiffa  Jaûiiin  à  un  M.  Louis,  entrepreneur  des  travaux  du  roi,  avec  prière  de 

lui 


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FRA.NÇAÎSE  DE  SAINT-DOMINGUE.  4,7 
for  procurer  les  moyens  d'acquérir  fa  liberté.  Jafmin,  chargé,  par  M.  Louis,  de 
la  conftruftion  des  prifons  &  de  la  poudrière  de  Saint-Marc,  mérita  par  Ton 
intelligence  &  fa  conduite  ,  que  celui-ci  l'afFranchîï  dès  le  10  Novembre  1741  , 
&  MM.  Larnage  &  Maillart  ratifièrent  fa  liberté  le  "12  Mars  1749, 'en 
âftraignant  Jafmin  à  payer  150  livres  à  la  communauté  des  religieufes  du  Cap. 
Le  loMâi  fuiv-ant,  Jafmin  époufa  Catherine,  régreffe  de  Foëda,  à  la  Côte 
d'Or,  alors  âgée  de  28  ans,   &  alFranchie  du  Sieur  Nanat. 

Jafmin  conftruifit ,  en  trois  mois,  à  fes  frais  ,  dans  l'Oueil  de  la  Providence 
des  hommes  ,  à  15  toifes  de  la  rive  gauclie  de  la  ravine  du  Cap  &  à  30  toifes  du 
point  où  elle  reçoit  maintenant  la  ravine  des  cazernes ,  une  maifon  de  maçonnerie 
de  36  pieds  de  long  fur  28  de  large  ,  avec  un  fimple  rez  de  chauffée  ,  couverte 
d'effentes  &  difpofée  de  manière  à  recevoir  des  malades  dans  quatre  chambres 
avec  un  grand  corridor  au  milieu. 

C'eft  là  que  depuis  près  de  quarante  ans ,  Jafmin,  connu  fous  le  n9m  de  Jafmin 
Thoumazeau  ,  qui  offrei'union  du  fien  avec  celui  de  fon  ancien  maître  ,  exerce  la 
plus  généreufe  hofpitalité  ,  prodiguant  fes  foins,  ceux  de  fa  femme  ,  de  douze 
de  fes  nègres  &  fa  propre  fortune  pour  le  foulagcment  des  êtres  de  fa  claffe.  Ce 
lieu  qui  peut  recevoir,  à  l'aife  ,  douze  malades,  en  a  quelquefois  dix-huit, 
parce  que  Jafmin  ne  peut  fe  réfcudre  à  les  repouffer  lorfqu'il  peut  les  accueillir, 
même  en  les  gênant  tous. 

Cet  hofpice  charitable  fut  toujours  fecsuru  par  le  J éfalte  qui  fe  trouvait  curé 
des  nègres  ,  mais  depuis  l'expulfion  de  cet  ordre  ,  la  même  reffource  ne  fubfifte 
plus.  Jafmin  n'a  donc.pUis  d'aide  que  le  produit  d'une  qucte  qui  a  lieu  ]e  Jeudi- 
Saint  lors  de  l'adoration  d'une  croix  qu'il  place  dans  un  des  cabinets  de  l'hôpi- 
tal. C'eft  là  que  les  gens  de  couleur  r.pportent  environ  5  ou  600  liv.  ,  qui  font 
ioin  de  pouvoir  être  comparées  aux  dcpenfes  de  Jafmin. 

Dans  les  commencemens.,  les  chirurgiens  charges  du  foin  des  Providences 
allaient  vlfiter  quelquefois  l'hofpice  de  Jafaiin ,  mais  ce  zèle  s'eft  éteint.  Il  y 
en  a  mê.-e  eu  qui  ont  été  capables  de  demander  une  rétribudon  ,  &  leur 
démarche  a  décidé  Jafnin  à  appeler  un  chirurgien  à  fon  choix  dans  les  cas 
particuliers  où  il  ne  peut  s'en  paffer  ;  car  Jafmin  efc  le  fondateur,  l'hofpitalier 
8r  le  médecin  de  cet  hoipice  ,  auquel  il  a  pu  donner  encore  plus  de  fcin  depuis 
ie  22  Décembre  176S  ,  que  M.  de  la  Perronays ,  commandant  en  fécond  du 
Cap  ,  le  difpenfa  dv  fervice   des  milices  ,  c^u'il  rempliffait  comme,  ferggnc  àt-h 


V^ 


4:iS       DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

compagnie  des  nègres  libres.  Cette  exemption  a  même  été  renouveliée  le  ^ 
Juin  1770,  par  M,  de  Choifeul ,  fon  fucceffeur ,  qui  l'a  motivée  fur  les  charicéa 
que  Jafmin  exerce  journellement. 

En  1778  ,  ce  nègre  précieux  conçut  le  projet  d'augmenter  fa  maifon  ,  devenue 
inrufE:ante.  Le  père  Colomban  ,  préfet  apoftolique  ,  préfenta  fa  requête  au 
bureau  des  Providences.  Il  demandait  la  permiffion  d'ajouter,  à  fes  dépens  ,  trois 
ou  quatre  autres  chambres  de  maçonnerie,  dans  l'Oueft  de  celles  exiftant.s  ,  de 
faire  quelques  fouilles  &  de  ramaffer  des  pierres  dans  la  ravine  &  fur  le  terrain  , 
offrant  d'entretenir  le  tout  à  fes  frais  &  de  fournir  gratuitement  toute  fa  vie,  la  fub- 
fiftance ,  les  panfemens  &  les  médicamens  néccffaires  à  fon  kofpice.  Un  arrête 
du  bureau,  du  12  Février   1778  ,  accorda  ces  demandes. 

Jafmin  avait  déjà  fait  faire  un  m.ur  de  80  pieds  de  long  pour  foutenir  les  terres 
le  long  de  la  ravine  &  pour  former  un  plateau  capable  de  recevoir  les  nouvelles 
bâtiffcs  ,  lorfqu'un  projet  de  redrcffement  de  cette  ravine  l'a  engagé  à  fufpendre. 
Les  choses  étaient  dans  cet  état  à  l'époque  oij  l'adminiftration  des  Providences 
a  fait  en  1786  les  beaux  emphythéodques  dont  j'ai  parlé.  Le  croira-t-on  ?  on 
a  renverfé  le  mur  de  80  pieds ,  &  avec  lui  a  difparu  la  pofîibilité  d'exécuter  le 
plan  d'une  augmentation  de  logement.  Les  voifins ,  produits  par  les  baux  emphy- 
théotiques  ,  ont  fait  des  conftrudtions  ,  des  remblais  ,  des  déblais  ,  &  la  chute 
des  terres  a  mâme  diminué  l'ancien  local  occupé  par  l'hofpice  de  Jafmin.. 
Cet  établiffement ,  ignoré  de  prefque  tous  ceux  qui  habitent  la  ville  du  Cap , 
eft  donc  expofé  aux  caprices  &  même  aux  injuftices  ,  malgré  fon  utilité  qui  offre 
vn  des  plus  beaux  exemples  donnés  par  la  vertu  de  ce  qu'elle  fait  infpirer  de 
-courage  pour  les  chofes  utiles.  Les  travaux  de  Jafmin  ,  fi  dignes  d'éloge,  font 
ignorés  ou  mémfés..  T'ai  vu  ,  &  mon  cœur  s'en  indigne  encore  ,  j'ai  vu  s'élève? 
tout  autour  de  cet  hofpice ,  des  maifons  bâties  par  le  luxe  ou  par  des  motifs  qui 
ne  font  pas  l'apologie  des  mœurs ,  &  l'afile  des  pauvres  ,  diminué ,  prefque 
enfeveli. 

Rempli  d'une  vénération  profonde  pour  Jafm.in  ,  j'ofai  lui  promettre,  en 
1788  ,  que  j'obtiendrais  du  miniftère  une  autorifation  expreffe  pour  fon  hofpice. 
Je  ne  puis  me  rappeler ,  fans  que  des  larmes  d'attendriffement  ne  loient  encore 
près  de  s'échapper  de  mes^-  yeux  ,  de  la  joie  qu'il  en  eut.  Je  queftiennai  les 
perfonnes  les  plus  efiimables  du  Cap,  toutes  furent  unanimes  fur  le  compter 
jdubon  Jafmin,  prefque  odogénaire ,  &  qui  était  réfolu  d'affurer  après  lui  ur^ 


>!L"J[i,'.!AEiiii.^tap'g'ilL'.nij'- 


FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE.      419 

partie  de  fa  fortune  à  l'hofpice.  Je  partis  admirant  cet  autre  Caftelveyre,  qui 
voulait  même  que  j'acceptafTe  une  fomme  pour  les  dcpenfes  qu'il  croyait  que 
les  foUicitations  me  feraient  faire.  Ses  bénédidions  ,  fes  vœux ,  fes  préfens 
mêmes,  car  il  fallut,  pour  ne  le  pas  affliger ,  accepter  deux  chèvres  laitières  Se 
quelques  fruits  de  fa  petite  habitation  du  Morne-Rouge  ,  tout  me  fuivit  jufqu'au 
vaiffeau  ,  &  l'efpoir  de  le  ftrvir  accompagna  tout  mon  voyage. 

Je  donnai  un  mémoire  au  miniftre  ,  M.  de  la  Luzerne  ,  qui  me  chargea  de  faire 
un  projet  de  lettres-patentes,  que  j'ai  dreffé.  J'y  affimiiais  l'hofpice  de  Jafmin 
aux  autres  Providences  ,  &  je  lui  donnais  le  nom  de  Providence  des  gens  ds 
couleur  libres.  Deux  hommes  de  couleur  devaient  en  être  les  adminiftrateurs  & 
être  nommés  par  les  paroiffiens  du  Cap  pour  deux  ans ,  de  manière  qu'il  y 
en  eût  un  de  remplacé  tous  les  ans ,  fauf  les  rééleftlons  tant  qu'on  les  jugerak 
utiles.  Ces  adminiftrateurs  devaient  rendre  leurs  comptes  au  bureau  des 
Providences,  formé  par  les  lettres-patentes  de  1769,  lequel  devait  régir  la 
nouvelle  Providence  comme  les  autres  ,  mais  cependant  fes  arrêtés  ,  quant  à 
elle  ,  ne  devaient  être  valides  qu'avec  l'approbation  des  deux  chefs  de  la  Colonie. 
L'hofpice  était  autorifé  à  recevoir  des  dons  jufqu'à  600,000  liv.  ;  les  tribunaux 
pouvaient  lui  appliquer  les  amendes  encourues  par  les  gens  de  couleur  libres  j 
Jafmin  &  fa  femme  étaient  nommés  premier  hofpitalier  &  première  hofpitalière , 
&  'fur  le  tableau  des  bienfaiteurs  qui  devait  être  mis  dans  un  lieu  apparent  de 
l'hofpice  ,  on  aurait  nommé  d'abord  la  Providence  des  blancs  ,  &  enfuite 
Jafmin  &  Catherine  fa  femme. 

Au  moment  où  je  croyais  que  tout  allait  fe  terminer ,  le  Miniilre  penfa  que 
cet  objet  était  de  nature  à  être  préalablement  communiqué  aux  Adminiftrateurs 
de  la  Colonie.  En  conféquence  ,  il  leur  adreffa  une  copie  de  mon  mémoire  & 
du  projet  des  lettres-patentes.  Le  miniftre  leur  écrivit,  le  12  Mars  1789,  que 
l'établlfîèment  paraiffait  très-utile  ;  qu'il  croyait  même  qu'il  fallait  que  Jafmin 
fût  établi  premier  adminiftrateur  pour  toute  fa  vie.  Il  adoptait  également  trois 
proportions  de  moi  ;  l'une  d'envoyer  à  Jafmin  une  médaille  d'or  avec  cette 
infcription  :  Jean  Jajmin  fondateur  de  la  Providence  des  gens  de  couleur  libres 
au  Cap,  en  ly ^6  j  la  féconde  de  lui  donner  une  penfion  honorifique  j  la  troi- 
nème  d'accorder  pîufieurs  affranchiiTem.ens  à  des  efclaves  qui  ferviraient  dans  - 
l'hofpice  pendant  cinq  ou  fix  ans. 

Membre  de  la  Société  royale  d'Agriculture  de  Paris ,  je  l'entretins  des  vertKS 

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420       DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

de  JaUnin  ;,  &  elle  a  ar:ê;é  dans  h  féance  du  a6  Mars  1709  ,  qu'elle  lui  accor- 
dera une  ir.édaille  d'or  comme  prix  de  verta  rurale ,  attendu  qu'il  emploie  les- 
produclions  de  b.  petite   habitation  à  l'utilité  de  fon  hofpice. 

Afîbcié   aufïï    à   la  Société  des  Sciences  &   Arts  du  Cap ,  j'avais  eu  l'cccafiorj 
d'écrire  à  mes    confrères   ce    que  j'avais  fait  relativement  à  rétabliflement  de 
Jafmin.  Auffitôt  MM.   Arthaid  &  Rculin  ,  aufTi  membres  de  h  Société  ,   & 
médecin  &.  chirurgien  du  rci  ,  allèrent  vifiter  fon  hofpice  où  ils  trouvèienc ,  au 
mois  de  Juillet  (1789)  ,  treize  infortunés  exiftant  par  fes  bienfaits.  Sur  le  compte 
qu'ils  rendirent  de  cettj   viîîte  à  la  Société ,  elle   trouva  jufte  &  délicieux  pour 
elle    d'arrêter  le  20  Juillet  ,   qu'elle   donnerait,  dans  fa  féance  publique  du    i^- 
Août  j  une  rr.éJaille  d'or  à  Jafmin,  avec   l'emblème  du  Cercle  d'un  côté  ,  Se  de 
l'autre  ,    ces  mots  :  Pcir  le  Cercle  des  Philadeïpbes  à  J.  Jafmin ,   A~.  L.  ,  fondateur 
d'un  kûfital  ati  Co.p ,  pcnr   les  pauvres  gens  de  couleur  libres.   Apprenant  alors 
que     les    Admini-ftrateurs    venaient     de    recevoir  h  lettre  où   le    Pvîiniftre    les 
confultait,  la  Société  ciut  devoir  leur  écrire  le  30  Juillet,  pour  leur  communiquer 
l'arrêté   fur    la    médaille.    Ils  l'engagèrent    à     en    conférer    avec  M.    Couftard 
qui  venait  de  prendre  au  Cap  les  fonctions  de  commandant  en  fécond,  &  M. 
Jàuvain   qui   y   rempliiïait,  depuis  trois  ans,   celles  d'ordonnateur ,  qu'ils  char- 
geaient   de     prendre    des    renleignemens    d'après   la   lettre  du    Minifire.     Le- 
Cercle  reçut  le    11   Août,  une  lettre  lignée  de  ces   deux   derniers  qui  engageait: 
la  Société  à  fafpendre  le  don  de  la  médaille  ,  ce  qui ,  en  ftyle  colonial ,  équivaut 
à  une  défenfe. 

C^eft  ainli  que  des  idées  étroites  deviennent  un  obftacîe  aux  meilleures  vues^ 
C'efu  ainfi  qu'un  lieu  où  des  malheureux  pourraient  aller  chercher  la  fanté  ,  &r 
expirer,  du  moins,  fans  éprouver  les  horreurs  du  défefpcir  ,  ne  peut-  être  ouvert 
à  tous  ceux  qui  en  ont  befoin.  Eh  !  foulîrez  qu'ils  y  entrent ,  froids  Égoïftes  !  ne 
fut-ce  que  pour  vous  épargner  la  peine  de  détourner  ks  yeux  à  i'a'pecl  du 
malheur  1 

Cependant  îorfque  des  gens  de  couleur  font  quelques  legs  pieux ,  les  provi- 
dences des  Bbncs  ,  où  l'on  ne  les  admet  pas  ,  ne  dédaignent  pas  de  les  recueillir.. 
Lorfque  des  gens  de  couleur  donnent  lieu  à  la  prononciation  de  quelque  amende 
applicable  aux  Providences  ,  celles  des  blancs  ne  rougilTent  pas  de  les  recevoir. 
Quand  les  perfonnes  de  couleur  miCurent  chez  jafmin,  c'eft  de  la  part  des 
Providences  des  Blancs   qu'on  vient  réclamer  leuis   miférables   effets.    Si  les 


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M      ■.  ly  I'       "     »*     ,     ifi 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE. 


42» 


foflbyeurs  &;  les  porteurs  de  la  Providence  enûerren!:  ces  ir,ê;nçs  perfonnes ,  on 
n'a  pas  honte  de  demander  à  Jafmin  ,  les  frais  de  fépulture.  Et  lorfqu'il  ne 
faudrait  qu'un  regard  de  bonté  pour  leur  procurer  de  nouveaux  fecours  ,  cela  ne 
concerne  plus  qui  que  ce  foit ,  ou  plutôt  il  y  a  des  êtres  qui  croyent  devoir 
l'empêcher  !  La  Providence  des  hommes  avait  un  blanc  fou  qui  gênait  dans 
la  maifon  ,  on  l'a  envoyé  chez  Jafmin  qui  a  été  forcé  de  veiller  à  la  garde  de  ce 
flirieux  qui  occupait  la  place  de  plufieurs  malades.  En  1788  ,  un  homme  dont 
l'efprit  était  aliéné ,  vint  encore  le  trouver  volontairement  ,  &;  quitta  la 
Providence. 

Eh  quoi  !  dans  une  grande  ville  où  rien  ne  devrait  échapper  aux  regards  de  ceux 
dont  le  premier  devoir  efc  de  protéger  tout  ce  qui  mérite  de  l'être  ,  une  foule  de 
pauvres  n'ont  qu'un  nègre  pour  appui  !  Cet  homme  eftimable  ,  dont  la  PuiiTance 
Suprême  qui  veille  fur  la  vertu  pour  rendre  la  terre  habitable  ^  bénit  les  travaux  , 
pofïede  un  petit  terrain  de  onze  carreaux  ,  au  Morne  Rouge  ,  dans  la  paroifle  de 
ïa  Plaine  du  Nord  ,  où  il  cultive  quelques  vivres  pour  fa  confommation  Se  celle 
de  fon  hofpice  ;  cinq  emplacemcns  dans  la  ville  du  Cap  ,  dont  deux  rue  Saint- 
Jofeph  :  deux  rue  du  Cimetière  ,  &  un  rue  du  Flaha ,  &  vingt-cinq  nëores  , 
dont  douze  le  fervent ,  ainfi  que  l'hôpital ,  dans  le  voifinage  duquel  il  a  fa  maifon. 
Arrivé  à  fa  ']  Ç-  année  ^  fa  vieilleffe  eft  celle  d'un  être  qu'une  main  invifible 
foutient ,  Sz  fon  unique  chagrin  ,  c'eû  de  fonger  à  l'abandon  de  fon  hofpice 
après  fa  mort  >  c'eft  de  remarquer  l'infouciance ,  je  dirais  m.êmiC  la  perfécution 
qu'il  éprouve.  Sa  femme  âgée  de  71  ans,  partage  fes  craintes  &  fes  foins  chari- 
tables. Le  ciel  qui  leur  a  donné  tant  de  pauvres  pour  enfans  ,  n'a  pas  voulu  fans; 
doute  ,  que  leur  mai-iage  en  produisit  ;  cependant  ils  en  ont  d'adoption.  Ce  font 
deux  enfans  de  couleur  qu'on  a  expofés  à  leur  porte  en  naiiTant,  &  qui  reçoivent 
des  foins  qui  prouvent  combien  la  confiance  des  auteurs,  de  leur  exiftence  étaif 
méritée. 

Vertueux  Jafmin  !  Que  Tefpérance  ne  périfîe  pas  au  fond' dé  ton  cœur  !  Si  les. 
témoins  de  tes  efforts  y  font  infcnfibles  pour  la  plupart  3  fi  un  préjugé,  avec  lequel' 
tes  œuvres  n'ont  rien  de  commun  ,  ne  penr.et  pas  qu'ils  t'eftiment  tout  ce  que 
tu  vaux  ,  çonioie-toi  ;  une  voix  confacrée  à  la  vérité,  au  panégyrique  des  bons  & 
au  blâne  des  méchans ,  aura-  publié  tes  vertus.  Elle  fera  entendue  cette  voix 
Se  mille  autres  en  deviendront  les  échos;  h  Ci  tu  payais  à,  la  m.ort  un  tribut  inévi-^ 
table,,  avant  qu'une  puiiTance  protcdrice  couvrît l'afile  que  tu  élevas  ài'infortune., 


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4^2       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

ton  nom  confervé  à  l'admiration  de  nos  neveux,  le  ferait  renaître  du  fein  même 
de  Tes  décombres;  les  cœurs  fenfibles  y  placeront  un  jour  ce  nom  vénéré,  & 
la  cenfure  publique  fera  alors  le  partage  de  tous  ceux  qui ,  incapables  de  t'im.iter 
auront  dit,  que  récompenfer  ta  bienveillance,  c'était  micnacer  l'état  politique 
de  la  Colonie  ,  &  qui  le  jugeaient  importans,  parce  qu'ils  le  croyaient  le  pou- 
voir de  t'avilir  ! 

En  face  de  la  Providence  des  hommes  &  dans  tout  refpace  qui  eft  entre  la  rue 
de  la  Providence  &  celle  Sainte-Marie  ,  eft  une  place  appelée  le  Champ  de  Mars, 
La  ravine  des  Cazernes  fuivant  autrefois  le  bord  Sud  d'un  épatementdu  morne  qui 
venait  couvrir  prefque  toute  la  furface  de  cette  place ,  palTait  dans  une  direftion 
prcfque  Eft  &  Ouefl,  à  cent  pieds  dans  le  Nord  des  Cazernes.  Arrivée  vers  le 
milieu  de  la  place  aftuelle  ,  elle  tournait  au  Nord-Eft,  allait  traverfer  en  diago- 
nale le  terrain  qui  eft  entre  la  Providence  des  hommes  &  les  prifons  ,  &  n'arrivait 
dans  la  ravine  du  Cap,  qu'un  peu  au-deflus  de  ces  dernières.  Toute  cette  étendue 
n'était  donc  qu'un  terrain  montueux ,  où  l'école  du  canon  pour  les  bombardiers  a 
refté  jufqu'à  l'arrivée  des  foldats  du  corps-royal ,  am.enés  par  M.  de  Btizunce  , 
époque  où  cette  école  fut  réunie  à  celle  du  mortier,  qui  était  à  la  Foffette.  Depuis, 
ce  local ,  en  quelque  forte  abandonné,  s'était  transformé  en  cloaque,  par  la 
décharge  des  latrines  des  Cazernes  dans  la  ravine  de  leur  nom  ,  &  par  les  im- 
mondices qu'on  y  apportait.  On  y  voyait  cepenant ,  en  178 1  ,  une  jolie  maifon, 
dans  l'angle  Nord-Oueft  des  rues  Sainte-Marie  &z  Sainte-Avoye,  &  une  autre  vers 
les  deux  tiers  de  la  place  dans  l'Oueft.  Les  Cazernes  étalent  infectées  ;  tout  le 
■  quartier  partageait  ce  défagrément  ;  on  venait  de  transformer  la  maifon  de  Pro- 
vidence en  hôpital;  tout  exigeait  donc  un  changement.  Il  fut  décidé  par  MM. 
Lilancour  &  Le  Braffeur  ,  le  premier  Occobre  1781  ,  &  l'on  y  travailla  auffitôt. 
■  La  ravine  des  Cazernes  ,  ou  à  Doueî ,  comme  le  preicrivait  une  ordonnance 
des  Adminiftrateurs  du  19  Février  1766  ,  follicitée  dès  -  lors  par  ceux  de  la  Pro- 
vidence a  été  détournée  bien  au-deffus  des  Cazernes  &  menée  dans  celle  'du  Cap 
au-defîus  de  la  Providence  ;  c'eft  fur  elle  ,  comme  je  l'ai  dit ,  que  paiTe  le  pont 
par  lequel  on  arrive  aux  emplacemens  donnés  à  bail  emphythéotique.  Le  terrain 
montueux  a  été  applani ,  il  eft  devenu  une  belle  place  de  60  toifcs  de  long  &  de 
44  toifes  de  large  ,  fur  les  quatre  faces  de  laquelle  règne  une  allée  d'arbres,  alignés 
fur  la  rue  Sainte-Avoye  ,  la  rue  de  la  Providence  ,  la  rue  Sainte-Marie  &  une  rue 
anonyme  dans  l'Oueft.    On  a  fait  du  côté  des  Cazernes  &  de  la  Providence  ,  des 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       423 

murs  en  terraffe ,  pour  foutenir  les  terres,  attendu  qu'il  y  a  33  lignes  de  pente 
par  toife  de  rOueftàl'Eftj  &  24  lignes  par  toifes  du  Sud  au  Nord.  On  a 
donné  au  propriétaire  de  la  maifon  qui  était  au  Sud-Oueft,  le  devant  de  la  place 
dans  rOueft  &  une  jufte  indemnité;  &le  plan  fait  voir  le  bâtiment  qu'il  y  a  conf- 
.  truit  j  &  après  lequel  ell  le  morne  du  Cap. 

On  doit  élever  une  fontaine  au  milieu  de  cette  place,  qui  tire  fon  nom  de  Champ- 
de  -  Mars ,  du  voifmage  des  Cazernes ,  dont  les  troupes  viennent  y  manœuvrer. 
Sous  la  rue  qui  eft  entre  la  place  &  la  maifon  qui  la  borde  à  l'Oueft,  on  a  pratiqué 
un  canal  fouterrain  qui  porte  les  matières  des  latrines  dans  la  ravine  du  Cap.  Il 
a  coûté  ,  avec  le  détournemeut  de  la  ravine  à  Dauet,  40,000  livres;  l'aplaniffe- 
ment  de  la  place  &  fes  terraflcs  75,000  ,  à  quoi  l'on  peut  ajouter  plus  de  25,000 
pour  la  plantation  des  arbres,  l'indem^nicé  donnée  à  M.  Ruotte  pour  le  déplacement 
de  fa  maifon  ,  &c.  On  ne  peut  qu'applaudir  néanmoins  à  la  formation  du  Champ- 
de-Mars;  on  eft  feulement  fâché  qu'il  enterre  encore  la  maifon  de  Providence  /. 
qu'il  eft  indifpenfable  de  mettre  au  moins  de  niveau  avec  lui. 

Les  Cazernes  ont  abfolument  à  l'Eft  &  à  l'Oueft  ,  le  même  alignement  que  le' 
Champ-de-Mars,  au  Sud  duquel  elles  font  placées;   la  rue  Sainte-Marie  eft 
cntr'eux   au  Nord.   Les  Cazernes  &  le  Champ-de-Mars  font  fur  l'extrémité  de 
Tancienne  favane  du  Cap,  de  l'habitation  Gobin  ,  poffédée  auffi  après  par  M.  de-, 
Charrite  ,  qui  avait  même  établi  une  boucherie  qu'on  a  vu  très-pofîérieurement  à 
cette  époque  ,   au  haut  de  la  rue  Sainte-Marie  ,  qui  était  alors   la   rue  du  Canal. 
•Le  roi  fitJ'acquifition  de  cette  favane  avant  1750,  tems  où  elle  appartenait  à  M.- 
Lamanoye.   Le  miniftre  ayant  annoncé  à  M.   de  Conflans,  gouverneur  général , 
par  une  lettre  du  26  Novembre  1749,  un  renfort  de  mille  hommes",  il  ordonna 
de  les  baraquer  fur  ce   terrain,  s'ils  arrivaient.  De  là  le  projet  des  Cazernes- 
afluelles. 

Dans  l'origine  les  troupes  avaient:été  mifes  chez  les  particuliers ,  puis  dans  des 
maifons  louées  à  cet  effet.  Enfuite  on  les  plaça  dans  l'ancienne  boulangerie,  qui 
était  un  vieux  bâtiment  de  bois  pourri  &.  ouvert  à  tous  les  vents.  Quand  il  arrivait 
des  recrues,,  on  les  baraquait ,,  ce  qui,,  en  les.  expofant  à  l'effet  alternatif  de 
L'exceffive  chaleur  des  jours  ,  &  de. l'air  humide  des  nuits,  leur  caufaitdes  mala- 
dies, dont  la  plupart  périffaient..  On  fe  détermina. donc  à  bâtir  les  anciennes 
cazernes  devenues  l'arfenal^  &.où  Ton  put  placer  d'abord  160  hommes. 

L'édifice  des  cazernes,  comme  le  prouve  la  vue  que  j'en  ai  fait  graver^  ferait 


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4*4      DESCP.  IPTION     DE    LA     PARTIE 

trouvé  beau  dans  les  villes  les  plus  renommées  du  royaume.  Bâti  de  maçonnerie 
êc  de  pierres  ce  taille  ,  il  cft  vrair.-cnt  impolânt  êcTon  eil  fâché  de  le  trouver  à 
î'alignem.ent  d'une  rue  qui  en  dérobe  l'aipecc  .  par  fon  peu  de  largeur.  La  première 
pierre  des  Cazerncs  a  été  pofée  au  mois  de  Septem.bre  1752,  fous  le  commande- 
ment général  de  M.  Dubois  de  la  Motte  ,  &  l'intendance  de  M.  Laporte  Lalannc 
&  fous  la  conduite  de  M.  Rabié  qui  en  a  donné  le  phn.  Ce  corps  de  cazernes  >  qui 
a  462  pieds  de  long  fur  392  de  large,  eft  compofé  de  dix  corps  de  bâîimens.  Dans 
l'origine  on  pouvait  y  loger ,  comme  aujo-ard'hui ,  20  capitaines  ,  50  lieutenans  , 
niais  feulement  1^220  faldats,  dans  de? chambres  petites  &écoufrces.  Au  moyen  de 
changemens  propoies  &  effectués  par  M.  Heflè,  ingénieur ,  au  mois  de  Novembre 
1781,  on  y  loge  le  m,ême  nombre  d'cfF.ciei-s  &  1,624  hommes.  Des  arcades 
pratiquées  dans  les  murs  de  refends  ,  ont  tait  de  deux  petites  chambres  une  grande  , 
qui  reçoit  la  brife  dans  quelqiae  fens  qu'elle  vienne.  Il  y  a  80  chambres  die  foldats,  7  c 
d'oSicierSj  12  cuiflnes ,  uns  chapelle ,  deux  prifons  &  àtwx.  cachots.  Tous  ces 
bâcim.ens  renferment  une  cour  de  282  pi-eds  de  Ic^ngfur  252  de  large. 

La  porte  placée  en  face  de  la  rue  Saint-Francois-Xavier ,  connue  suffi  fous  le 
nom  de  rue  des  Cazernes,  avait  autrefois  un  attique  &  un  entablement  de  pierres 
de  taille,  que  les  tremblemens  de  terre  ont  conkili^^  de  défnolir.  La  porte,  non 
cintrée  eft  donc  ouverte  par  le  haut  ;  elle  cft  décorée  de  quatre  colonnes  Doriques 
accouplées  &  ifo'ées.  A  l'autre  bout  de  la  cour  ,  &  en  fâce  ce  l'entrée  ,  eft  la 
■fontaine  qui  fert  ce  frontifpice  à  la  chaprile.  Cette  fontaine  eft  ornée  de  deux 
colonnes  &  de  deux  piiaftres  Ioniques,  accouplés  &  ifoiés.  Tout  l'ordre, 
qui  a  40  pieds  de  har^teur  ,  eft  furmonté  Ciwn  attique  au  milieu  duquel  font 
Sculptées  les  armes  de  France;  de  chaque  coté  font  deux  accroivrcs  ou  piédeftau::, 
pour  recevoir  deux  figures  repréfentant  des  fieuves.  La  niche  de  la  fontaine  eft 
demi-circulaire  ,  fa  partie  fupérieure  eft  rocailleule  ;  interméuiairemicnt  font  trois 
comipartimens  garnis  de  gouttes  &  dans  la  partie  inférieure  ,  qui  cft  unie ,  fe  trouve 
iJîi  maique  ,  dont  la  bouche  lent  de  paiïage  à  l'eau.  Celle-ci  tom'oe  dans  un  baflln 
•demi- circulaire  ,  comme  la  niche  qu'il  termine,  &  où  l'on  vient  .prendre  l'eau  en 
«iiontant  plufieurs  marches  au-deiTiis  du  niveau  du  pavé  de  la  coun  L'intérieur  de 
W  chapelle  eft  drécoré  de  fix  portiques  d'ordre  îonique.  Toiit  l'ordre  a  20  pieds 
de  hauteur.  Les  piiaftres  ,  qin  font  accouplés  ,  failient  du  quart  de  leur  épaificur , 
^  l'exception  des  quatre  coionncs  du  fond  ,  qui  iont  ifolécs. 
"  5^e  côté  Nord  des  Caecmes  nt  fe  trca-vc  .pas  précifeinent  aligné   fur  la  rue 

Sainte, 


«BUgiftau^iitf  yi  feft^iu  '!  t.^v.. 


«/ïbb^w^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       425 

Sainte-Marie,  il  fe  trouve  même  un  intervalle  de  fix  toifes  de  large.  C'eft  au  bord 
de  cet  efpace ,  à  l'Oueft,  que  font  les  latrines  ,  dont  il  faudra  abfolument  qu'on 
s'occupe  encore  ,  pour  délivrer  la  Providence  des  hommes  de  leur  écoulement.  Il 
yaenarrièredesCazernesunpeude  terrain  plat,  que  l'on  vient  de  deftiner  à 
un  ufage  précieux  pour  Ja  ville  ,  en  y  conftruifant  des  lavoirs  ,  auxquels  la  ravine 
à  Douet  donne  de  l'eau.  Ce  point  termine  auffi  la  ville  ,  à  l'Oueft. 

Immédiatement  au- Sud  des  Cazernes  ,  &  feulement  avec  un  efpace  de  24  pieds, 
efl  ce  qu'on  appelé  les  nouvelles  Cazernes  ou  Cazernes  du  manège ,  dont  l'hiC 
toire  a  quelque  chofed'afîezbifarre.  Le  miniftre  ayant  ordonné  d'attacher  trois 
compagnies  de  dragons  à  cheval  à  la  légion  de  Saint-Domingue,  &  de  les 
répartir  dans  les  trois  chef-lieux  de  la  Colonie  ,  on  en  envoya  une  au  Cap  au 
commencement  de  1772,  après  avoir  prévenu  d'y  préparer  des  logemens  pour 
les  trente  chevaux  qui  lui  étaient  deftinés  &  qui  furent  achetés  à  l'Artibonite. 
Les  grandes  Cazernes  n'offrant  de  la  place  que  pour  les  hommes,  on  acheta  lé 
local  qui  les  avoifinait  au  Sud,  &  comme  il  était  vafte,  l'ingénieur  donna  car- 
rière à  fon  imagination  ,  &  fit  un  plan  du  manège ,  avec  des  écuries ,  des 
magafins  à  fourage ,  un  corps-de-garde  ,  un  logement  de  gardien  &'pour 
répondre  à  la  célérité  demandée,  on  travailla  fur  le  champ  au  déblai  &  l'on 
prépara  une  dépenfe  de  80,000  livres.  Les  Adminiflrateurs  purent  cependant 
arrêter  ce  zèle  &  en  modérer  les  effets  à  32,000  livres. 

En  1 776  ,  on  reprit  encore  le  travail  des  nouvelles  Cazernes  ,  mais  toujours  fur 
un  pian  vicieux.  On  n'avait  pas  encore  efcarpé  le  terrain  que  ces  nouvelles 
Cazernes  devaient  occuper  &  qui  n'eft  qu'en  partie  fur  la  Seécion  que  je  décris  en 
ce  moment;  on  n'avait  commencé  à  travailler  qu'à  la  façade,  lorfque  M.  d'Argout 
venant  prendre  le  gouvernement  général  en  1777,  défendit  de  les  continue/. 
Il  aurait  fallu  un  déblai  de  plus  de  400,000  livres  pour  une  médiocre  utilité 

Les  Cazernes  ne  peuvent  fuffire  que  durant  la  paix  au  logement  des  feules"trou- 
pes  d'infantene  de  la  garnifon,  &  l'on  en  a  fait  l'épreuve  dans  la  guerre  de  1-78 
où  il  en  a  coûté  aux  habitans  de  la  ville,  en  défalquant  mêrfie  ce  que  le  roi 'leur 
accordait  pour  le  logement  des  officiers ,  170,000  livres  par  an ,  fomme  à  laquelle 
il  faudrait  jomdre  la  location  des  maifons  prifes  par  l'Étatpour  loger  les  foldats 

Une  ordonnance  des  Adminiflrateurs  du  6  Février  17  84,  ayant  promis  aux  cita- 
dins du  Cap  qu'ils  feraient  déformais  exempts  du  logement  de.  troupes,  excepté  dans 
le  cas  de  foule  indifpenfable,  ces  chefs  préférèrent,  lorfque  l'événement  défaflreux 


.1  I      «EF 


426       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

de  M.  de  G  rafle  y  eût  amené  une  grande  quantité  de  troupes ,  d'écrire  ,  le 
19  Avril  1782^  aux  habitans  de  la  plaine  du  Cap  pour  les  engager  à  recevoir 
l'embarras  de  fix  mille  hommes ,  ce  qu'ils  acceptèrent  avec  un  zèle  recomman- 
dable.  On  envoya  même  le  régiment  Efpagnol  de   Zamora  à  Limonade. 

J'arrive  enfin  à  l'établiflement  des  Dames  religieufes ,  par  lequel  je  dois  term.incr 
la  quatrièm.e  Seftion.  On  fait  déjà  qae  le  père  Boutin  en  fut  le  promoteur  &  qu'if- 
le  fubftitua  à  l'hôpital  de  laMiféricorde  &  à  la  maifcn  dts  Orphelines.  Dès  1710,- 
M.  de  Charrice  avait  eu  l'idée  d'avoir  des  religieufes  pour  l'éducation  des  jeunes 
créoles ,  &  dans  une  de  Tes  lettres  au  miniftre  ,  il  difait  que  rien  ne  ferait  plus- 
propre  à  rendre  le  féjour  de  la  Colonie  agréable,  que  de  faire  des  femmes  inftruiteâ- 
&  aimables  des  créoles ,  qui  ne  manquaient  pas  de  difpofitions  heureufes  pour  le- 
devenir. 

Le  père  Boutin  s'occupa  de  réaliièr  ce  projet  &  d'échapper  par  là  aux  petites" 
tracalTeries  de  quelques  religieux  de  fon  ordre.  Il  s'adrefîa  d'abord  aux  hofpitalières 
de  la  Rochelle  qui  font  des  religieufes   de   la  Congrégation  de  Notre-Dame , 
fondées  originairement  à  Bordeaux  ,  &  qui  ont  plufieurs  maifons  dans  la  Guyenne  ^ 
la  Saintonge  ,  le  Périgord  &  ailleurs.  Ces  religieufes  ayant  goûté  le  plan ,  le  père 
Boutin  drefla  une  lifte  des  biens  de  la  maifon  des  Orphelines  qui  confinaient  dans:- 
les  eraplacemens  &:  les  bâtiraens  que  j'ai:  décrits- dans  la  troifième  Seélion  i  dans  la 
petite  habitation  du  rr.crne  du  Cap ,  au  Nord  ,  connue  aujourd'hui  fous  le  nom 
d'habitation   des   religieufes,  compofée  de    21    carreaux,  fur  laquelle  il  y  avait' 
un  four  à  chaux  qui  produifait  3,000  livres  de  rente  ,  &  dans  23  nègres  j   il  ajouta 
la  promiClTe  de  2,000  livres  ,  à  quoi  il  évaluait  fon  cafuel  ,  comm.e  curé.   Au  bas. 
de  ce  petit  inventaire  ,  la  D^'^-  Guimon  ,.  direéfcrice  de  la  maifon  des  Orphelines  y 
à  qui  le  père  Boutin  avait  feint  de  donner  tous  ces  objets,   figna  le  i^''-  Février 
1721 ,  l'abandon  qu'elle  fallait  des  biens  de  cet  hofpice  aux  religieufes  hofpita- 
lières de  la  Rochelle,  à  condition  que  fa  fœur  co-direclrice  &  elle  feraient  gardées^ 
nourries  &  vêtues  par  la  nouvelle  communauté  qui  leur  donnerait  150  livres  par 
an,  &  que  fi  elles  voulaient  en  fortir ,  on  leur  compterait ,  à  chacune  ,  4,000' 
'livres  &  qu'elles  prendraient  leurs  meubles ,  deux  négrefîes  &  un  négrillon. 

La  prieure  des  hofpitalières  ayant  agréé  ces  propofitions  ,  le  père  Boutin^ 
donna,  en  fon  nom,  le  28  Août  fuivant ,  une  requête  aux  chefs  de  la  Colonie^ 
pour  obtenir  leur  approbation ,  quant  à  l'établifl'emcnt  projeté  ,  afin  que  la 
prieure  pût  s'en  autorifer  pour  obtenir  du  miniftre  les  ordres  néce flaires  pour- 


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FRANÇAISE    Ï)E    SAINT-DOMINGU  E.      427 

l'embarquement  des  religîeiifes.  L'intendant  renvoya  la  requête  au  Confeil 
fiipérieur  du  Cap  ,  pour  délibérer  avec  les  notables  habitans  &  juger  fi  l'établie 
fement  ferait  utile  &  fuiEfamment  fondé.  Le  2  Septembre  ,  le  Confeil  ordonna 
que  le  fénéchal  ferait  l'inventaire  des  biens  offerts  &  dont  les  marguillicrs  du  Cap 
relieraient  chargés  ;  il  expulfa  les  D""^-  Guimon  (  ce  qui  blelTaitla  reconnaiflance 
Se  manifeftait  Tufiirpation  d'un  pouvoir  qu'il  n'avait  pas  ) ,  &  annullatoutes  les 
donations  qu'on  avait  pu  leur  faire  perfonnellemenî  ;  puis  il  convoqua  les  notables 
habitans  pour  délibérer  fur  la  requête  de  la  prieure  de  la  Rochelle.  L'intendant 
fixa  la  convocation  au  22  Septembre  ,  y  appela  les  commandans  de  quartier  Ôc 
autorifa  le  gouverneur  du  Cap  à  y  faire  venir  les  autres  notables  dont  il  jugerait 
le. concours  néceffaire,  A  cette  affemblée  ,  où  fc  trouvèrent  le  gouverneur  &  le 
rnajor  du  Cap,  flx  confeillers ,  le  procureur-général,  le  fupérieur  de  la  miffion 
des  Jéfuites ,  le  père  Boutin  fondateur,  le  curé  du  Cap  &  dix  notables ,  tous 
officiers  de  milice  ,  les  Jéfuites  déclarèrent  que  le  père  Boutin  avait  eu  le  droit 
de  difpofer  en  faveur  de  la  maifon  des  Orphelines  ,  du  produit  de  fon  cafuel  &  de 
le  deftiner  à  un  écabliffement  de  religieufes  ,  &  le  fupérieur  répéta  ainfi  ce  qu'il 
avait  déclaré,  par  écrit ,  le  i"-  Septembre.  L'on  arrêta  enfuite  ,  à  l'unanimité  j 
fous  le  bon  plaifir  du  roi  &  des  Adminiftrateurs ,  que  les  hofpitalières  pouvaient 
envoyer  trois  religieufes  ,  qui ,  avec  les  D"^»-  de  Guimon  ,  axi  zèle  defquelles  on 
donna  des  éloges ,  commenceraient  l'établifiement ,  que  ces  D''"- conduiraient 
iufques-îà,  fous  la  diredtion  du  marguillier  ;  que  ces  religieufes  fe  contenteraient 
de  ce  qui  leur  était  offert;  qu'elles  feraient  tenues  de  prendre  des  lettres-patentes 
&  de  fe  rendre  au  Cap  ,  dans  le  délai  d'un  an  ,  à  leurs  frais  ;  que  l'établifTement 
ferait  fujet  à  la  police  générale  &  particulière  de  la  Colonie  ,  dirigé  pour  le  fpiri- 
tuel ,  par  le  curé  du  Cap ,  &  pour  le  temporel ,  par  un  fyndic  choifi  par  le  Confeil 
fupérieur.  Enfin  l'on  termina  par  recevoir  la  déclaration  du  père  Boutin  ,  qu'à 
l'avenir  ,  il  confacrait  fon  cafuel  à  cet  établiflement ,  qu'on  croyait  très-prochairjt 
mais  qui  fut  encore  long-tems  attendu. 

Les  religieufes  de  la  Rochelle  firent  des  objcâions  ,  lorfqu'il  fallut  envoyer 
des  fujets  ,  &  le  père  Boutin  s'adrefTa  alors  à  celles  de  Périgueux  de  la  même 
congrégation  &  qui  étaient  de  la  même  province  que  lui.  Celles-ci  fe  détermi-r 
nèrent  èc  foUicitèrent  elles-m.êmes  les  lettres-patentes  qui  furent  expédiées  au 
mois  de  Novembre  1731.  En  voici  les  difpofitions  : 

Les  religieufes  vivent  en  communauté  ,  fuivant  les  règles  &  les  inftitutions  de 

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428       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

leur  ordre.  Pour  le  fpirituel ,  elles  font  gouvernées  par  le  curé  du  Cap  ;  pourfe" 
temporel  ,  par  un  Syndic  nommé  par  le  Confeil  du  Cap  ,  tous  les  trois  ans.  Ce 
fyndic  doit  rendre  fon  compte  au  gouverneur  du  Cap ,  au  commiiTaire  de  la 
marine  ,  au  procureur-général ,  au  curé ,  ik  à  la  flipéricure.  La  communauté , 
fixée  à  fix  religieufes  &  deux  con/erfes ,  au  plus  ,  eft  foumife  à  la  police  générale 
&  particulière  de  la  Colonie. Elle  ne  peut  avoir  de  novice  priie  dans  la  Colonie  , 
ni  rien  demander  ,  foit  au  gouvernement ,  foir  à  la  Coloaie.  Les  religieufes  font 
autorifées  à  avoir  des  penfionnaires  &  des  externes. 

Ea^-«;les  religieufes  embarquées  à  Rochefort  far  un  vaiffèau  du  roi  ,  arrivèrent 
au  Cap  en  1733.  C'étaient  Mefdames  de  Beauchefne  ,  de  la  BrouiTe ,  de 
Fontenilles  ,  du  Bourbec  &  du  Grezcau  ,  du  couvent  de  Périgi'eux  ;  M"*^-  de  la 
Motte  ,  du  couvent  de  Saintes  &  deux  fœurs  converfes  de  celui  de  Périoneux  ; 
je  trouve  par-tout  l'éloge  de  ce  choix.  Le  père  Bautin  redoubla  d'ardeur  en  voyant 
le  fuccès  de  fcs  travaux  &  ne  cciTa  de  travailler  à  l'augmentation  de  cet  établifle- 
ment.  Il  fallut  refufer  piufieurs  penfionnaires,  dans  les  premiers  momens  ,  faute 
de  logement.  Le  10  Septembre  1733  ,  le  Confeil  nomma  M.  Laty  pour  premier 
fyndic  de  cette  communauté  ,  à  laquelle  le  père  Boutin  en  avait  toujours 
tenu  lieu. 

Trop  refferrées  dans  leur  local ,  à  l'Eft  de  la  rue  Efpagnole ,  quoique  M.  de 
Vienne  leur  eût  permis  de  clorre  le  bout  de  la  rue  qui  porte  ,  à  préfent ,  leur 
nom  5  les  religieufes  repréfentèrent  qu'elles  avaient  cinquante  penfionnaires  , 
qu'elles  en  refufaient  chaque  jour,  8c  demandèrent  la  permiffion  d'acheter  du 
terrain  de  l'autre  côcé  de  cette  rue  oij  elles  pourraient  avoir  un  Dâtiment  pour 
leurs  penfionnaires  ,  un  petit  jardin  &  de  l'eau.  Le  minift.e  écrivit  aux  Admi- 
niftrateurs ,  le  16  Juin  1737,  d'autorifer  cette  acquifition  fi  elle  était  fans 
inconvénient.  Mais  les  religieufes  voulaient  imiter  l'exemple  des  Jéfuites ,  & 
unir  leur  maifon  au  terrain  qu'elles  achèteraient ,  en  interceptant  la  rue  Efpagnole  , 
&  ce  plan  éprouva  des  difficultés. 

Enfin  une  ordonnance  de  MM.  de  Larnage  &  Maillart  du  16  Août  1739,  arrêta 
que  les  religieufes  ne  bâciraient  plus  fur  leur  ancien  établiflement ,  mais  feulement 
à  rOueft  de  la  rue  Efpagnole  ;  qu'elles  comprendraient  dans  leur  enclos  la  rue 
des  Religieufes  ,  qui  y  paflait ,  de  l'Eft  à  l'Ouefl:  -,  que  pendant  trois  ans ,  elles 
fermeraient  la  rue  Efpagnole  ,  entre  l'ancien  &  le  nouveau  couvent ,  pour  k 
r'ouvrir  enfuite  >  ainfi  que  la  rue  des  Religieufes ,  jufqu'à  l'Eil  de  la  rue  Efpa- 


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FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  429 
gnoIe.  Deux  autres  ordonnances  des  mêmes  Adminiftrateurs  ,  datées  du  24 
Juillet  1739,  &  du  premier  Avril  1740,  leur  permirent  de  tirer  leur  bois  de 
conftruaion  de  la  Nouvelle-Angleterre.  Le  22  Juin  1740,  de  nouvelles  lettres 
patentes  leur  permirent  d'être  douze  religieufes&  trois  converfes.  En  1745,  elles 
étaient  devenues  propriétaires  des  huit  îlets  compris  dans  leur  enclos  ,  dJnt  le 
mur  était  déjà  fait  &  où  elles  allèrent,  avant  la  fin  du  mois  de  Juin  1746, 
parce  que  leur  grand  corps-de-logis  était  terminé. 

Les  religieufes  de  Notre-Dame  ont  encore  obtenu,  le  27  Décembre  1779 
une  déclaration  du  roi,  portant  qu'elles  feront  à  l'avenir  dix-huit,  donr  f,' 
pourront  être  créoles ,  &  qu'elles  n'auront  plus  de  converfes.  Elles  n'ont  jamais 
ete  à  ce  nombre,  furtout  quant  à  la  proportion  des  créoles.  Le  Confeil  du  Cap  oui 
a  penfé  que  la  manière  dont  cette  communauté  fe  recrutait  était  fujette  à  des 
mconveniens,  a  même  arrêté  provifoirement,  &  jufqu'à  une  décifion  du  roi, 
que  les  vceux  ne  pourront  y  être  émis  avant  dix-huit  ans  accomplis. 

Les   troupes   envoyées  à  Saint-Domingue  en   1776   &  1777  ,&  qui  étaient 
prefque  toutes  au  Cap  ,  y  étaient  difficilement  logées ,  &  M.  d'4rgout    gouver 
neur-général,  fe  trouva  au  moment  de  prendre  le   couvent  des  religieufes  pour 
y  fuppléer.  Il  écrivit  au  miniftre  qu'il  n'avait  été  retenu  que  par  la  crainte  d'être 
accufé  d'un  abus  d'autorité,  &  lui  demandait   une  autorifation  pour  le  c^s  où 
cette  m.efure  deviendrait  indifpenfable.  I]   reçut,  en  conféquence  ,  un  ordre  du 
17  Avril    1778,     qui    lui  prefcrivait  ce  qu'il  aurait  à  faire   alors.    L'annonce 
d'un     corps    de    deux  mille    hommes     aux  ordres    de    M.     le    Marquis     de 
Saint-Simon  ,   donna  lieu  à  fon  application.    MM.  de  Reynaud  &  le   BralTeur 
aflemblèrent  donc ,  comme  l'ordre  le  prefcrivait,  le  préfident,  le  doyen   &  le 
procureur-général  du  Confeil  du  Cap  ,   &  délibérèrent  avec  eux  le  20  Juillet 
1780.  On  décida  à  l'unanimité  que   le   couvent  ferait  pris  pour  les  troupes    & 
que  les  religieufes  feraient  placées  dans  h  maifon  de  l'habitadon  de  M.  Charrier 
i'aîné  ,  au  Haut  du  Cap. 

En  1781  MM.  de  Reynaud  &  le  Braffcur  jugèrent  qu'il  ferait  utile  de 
conftruire  des  cazernes  à  l'extrémité  Occidentale  du  jardin  des  reli^^ieufes  En 
conféquence  ,  retranchant  de  ce  jardin  tout  ce  qui  était  depuis  la^ue  Saint 
Jacques  jufqu'à  la  rue  des  Vierges,  ils  firent  ouvrir  cette  rue  Saint-Jacques 
comme  elle  l'eft  encore  fur  le  plan  de  l'Atlas  ,  &  l'on  éleva  alors  fur  ce  terrain 
des  cazernes  qui  ont-coûté  80,000  liv.  Enfin  ia  paix  ayant  laifîé  la  ville- du  Cap 


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430        DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

avec  la  garnison  ordinaire  du  régiment  de  fon  nom ,  on  reftitua  le  local  des 
religieufes,  qi:i  y  entrèrent  le  29  Juin  1783  ,  après  l'avoir  fait  rebénir  par  le 
préfet.  On  excepta  cependant  ce  qui  éuit  déformais  m-'anché  &  féparé  par  la 
rue  Saint-Jacques ,  qu'on  leur  a  rendu  à  certaines  conditions  le  11  Août  1785. 
Cette  difcraftion  très-défapprouvée  par  Ir  œiniftre  dar.s  l'origine  ,  du  moins 
quant  à  fa  précipitation  ,  a  été  vue  d'un  autre  œil  quand  MM.  de  la  Luzerne 
&de  Marbois  l'ont  juîlifiée  au  mois  d'Avril  1787.  Cependant  le  miniftre  écrivit 
à  ces  derniers,  que  "n  les  religieufes  perfiftaient  à  réclam.er  le  terrain  néccffaire 
à  l'cxtenfion  de  leur  promenade  &  propre  à  leur  procurer  des  légumes  & 
d'autres  douceurs,  &  à  refufer  150,000  liv.  d'indem.nité ,  il  fallait  le  leur  rendre, 
en  leur  obftrvant  que  des  circonftances  de  guerre  pourraient  le  leur  faire 
reprendre.  Enfin  le  refus  obftiné  des  religieufes  les  a  fait  rentrer  dans  la  poffeffion 
de  la  totalité  au  commencem.ent  de  1789,  avec  la  défenfe  expreffe  de  toucher 
aux  condruftions  qui  y  ont  été  faites   &  qui  ont  monté  à  405,309   l^^'f^s. 

Le  terrain  total  des  religieufes  a  donc  pour  bornes  ,  au  Nord  .  la  rue  Saint- 
Françcis-Xavier  ou  des  Cazernes  ;  à  l'Eft  la  rue  Efpagnole  ;  au  Sud ,  la  rue 
du  Cimetière  ,  &  à  l'Oueft,  celle  des  Vierges  qui  leur  doit  furement  fon  nom. 
Il  a  92  toi-es  de  long  fur  44.  de  large.  Il  renferme  pluficurs  corps  de  bâtimens 
tous  de  maçonnerie.  A  fon  angle  Nord-ER:  ,  dans  la  rue  Efpagnole  ,  eft  la 
chapelle  qui  a  60  pieds  de  long  fur  la  rue  Saint-François-Xavier,  &  36  de 
large.  La  première  pierre  en  a  é:é  pofée  par  M.  de  Larnage  au  m.ois  de  Juin 
1746.  Son  entrée  eft  dans  la  rue  Efpagnole  ;  un  petit  clocher  la  termine  derrière 
le  chœur.  On  a  vu  que  cette  chapelle  avait  fervi  long-tems  de  paroiiTe  au  Cap. 
Sur  la  rue  Efpagnole  ,  eft  encore  l'entrée  du  parloir.  Un  bâtimennt  parallèle 
à  la  chapelle  ,  mais  fans  ouverture  fur  la  rue  &  ayant  un  étage  ,  fert  de  loger 
ment  aux  grandes  penfionnaires ,  telles  que  les  femmes  qui  plaident  en  féparation 
ou  que  d'autres  motifs  ,  toujours  relatifs  au  refpeft  pour  les  mœurs ,  portent 
à  fe'recirer  au  couvent.  Le  Confeil  du  Cap  oblige  même  les  religieufes,  dans 
Ja   perfonne    de   leur   fyndic    temporel  ,    à   recevoir  les   époufes  qui   plaiden 

contre  leurs  maris. 

Le  bâtiment  principal  eft  aligné  fur  l'Eft  de  la  rue  Sainte-Sophie,  &  fon 
milieu  répond  à  celle  des  Religieufes.  Il  a  35  toifes  de  long  Nord  &  Sud  fur 
40  pieds  de  large;  fon  aile  Septentrionale  a  20  toifes  de  longueur,  ma=s  celle 
du  Midi  n'a  encore  été  pouffée  qu'à   25  pieds.  Un  étage  règne  par-tout  avec 


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FRANÇAISE    B  Ë    SAINT-DOMINGUE.      43.T 

'  des  greniers  au-dsfîus.  On  voit  encore  ,  au  bout  de  l'aile  Sud  ,  une  allée  dont 
Taile  du  Nord  n'a  permis  de  conferver  que  le  rang  le  plus  intérieur  ;  une  autre 
allée  mène  de  la  chapelle  au  bâtiment  qui  eft  fur  l'autre  angle  de  la  rue  Efpa- 
gnole.  On  monte  fix  marches  pour  entrer  dans  le  grand  corps-de-locris ,  du  côté 
de  TEft  ;  du  côté  de  la  cour ,  eft  un  verger  où  les  arbres  font  fymétriauemenC 
placés  ;  plus  loin  eft  le  potager  &  le  furplus  du  jardin  que  le  retranchement 
de  1781  a  beaucoup  diminué.  Dans  difFérens  points,  font  les  appartenances  rela- 
tives au  fervice  de  la  maifon  ou  deftinées  à  lui  procurer  des  jouiffances  toujours' 
fotr  chères  dans  une  grande  ville. 

Le  16  Décembre  1746  ,  les  religieufes  avaient  obtenu  de  M.  de  Chaftenoye,.. 
l'agrément  de  prendre  de  l'eau  fur  l'habitation  Lamanoye,  à  l'Oueft  de  leur  local ^ 
pour  la  conduire  dans  leur  couvent  i  puis  les  jéfuites  ayant  réuni  toutes  ces  eaux 
chez  eux  ,  ils  fe  déterminèrent  à  en  accorder  la  moitié  aux  religieufes ,  moyennant 
5,120  livres  17  fols  9  deniers  ^  pour  leur  contribution  dans  la  dépenfe  ,  &  celles- 
ci  en  jouirent  en  1759.  Mais  clans  les  bâcifles  de  178  r,  on  garda  leur 
portion  d'eau  pour  les  cazernes  ,  &  depuis  la  reraife  de  leur  mailbn  ,  elles  fe  trou- 
vaient privées  de  ce  bien  précieux.  On  a  fend  la  juftice  de  leur  réclamation,  Se 
par  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  7  Juin  r7?5,  dans  la  diftribution  nou- 
velle que  l'on  a  faite  de  l'eau  de  la  ville  ,.  elles  en  ont  obtenu  une  cuantité' 
fu^fante  pour  leurs  bcfoins  ,  à  la  cLirge  de  faire  les  frais  de  conduite.. 

L'établiiTcment  des  religieufes  à  de  grands  défapprobateurs  ,,  &.  l'on  en  a  une 
preuve  évidente  dans  le  petit  nombre  de  leurs  penfionnaires ,  qui  ne  va  o-uèrcs  à 
préfent  que  de  quarante  à  cinquante ,  tandis  qu'elles  en  avaient  davantage  il  y  a 
foixante  ans.  Cette  défapprobation  ,  il  faut  le  dire  ,  a  eu  pour  caufe  quelques 
exemples  de  relâchement  dans  la  furvcillance  de  ces  penfionnaires  ,  &  plus  encore 
de  ce  qu'elles  en  ont  qui  ne  font  pas  des  blanches.  D'ailleurs  l'éducation  qu'elles 
procurent  eft  toujours  incomplette  du  côté  des  talens  agréables  >  &  quant  à  moi 
j'inclinerai  toujours,  pour  que  nos  jeunes  créoles  foient  élevées  en  France,  parce 
qu'elles  y  font  à  l'abri  du  defpotifme  dont  le  fervice  des  efclaves  leur  donne  l'habi- 
tude &  le  goût.  Mais  il  faut  cependant  que  ce  ne  foit  qu'autant  qu'on  pourra 
s'affurer  qu'elles  y  auront  des  foins  capables  de  les  fauve  r  des  dangers  d'un  pays 
6ù  les  mœurs  exigent  la' plus  grande  vigilance,  &  de  celui  de  s'entendre  exagérer 
fans  ceffe  leur  fortune.  Le  couvent  du  Cap  peut  encore  être  utile  dans  beaucoup 
éf^tres.  cas  3  dans  ceux  trop  communs ,  par  exemple  y  où  de  féconds  mariages^ 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


donnent  des  marâtres  à  déjeunes  perfonnes  qu'il  faut  affranchir  de  cette  odieufe 
domination. 

Les  religieufes  ont  fept  clauas  ;  quatre  pour  leurs  penfionnaires  ,  trois  autres  où 
cent  petites  filles  de  la  ville  apprennent  gratuitement  à  lire  ,  à  écrire  &  l'arithmé- 
tique,  Trois  fois  par  femaine  ,  il  y  a  des  infiru6lions  publiques  pour  les  devoirs 
religieux.    Chaque  année  les  penfionnaires  donnent  un  exercice  public. 

Je  ne  connais  pas  exaélement  le  revenu  de  cette  communauté  ,  mais  je  fais 
qu'il  fuiîît  à  fa  dépenfe.  Elle  a  reçu  plufieurs  dons.  Le  Confeil  du  Cap  lui  a 
accordé  le  1 1  Décembre  1 734 ,  30^000  livres  fur  un  leg  de  M.  Colleno  ;  le  même 
tribunal  a  hom.ologué  ,  le  6  Juillet  1743,  une  donation  de  10,000  livres,  faite  par 
M""^"  le  Tellier,  le  27  Juin  1742,  pour  en  aider  les  bâtiffesjà  la  charge  de  loger, 
nourrir,  vêtir  &  élever  à  perpétuité  une  jeune  fille  orpheline  &  néceffiteufe,au  choix 
de  la  donatrice  &  de  fes  fuccefiTeurs.  M.  le  comte  d'Héricourt  a  aufll  fondé  à 
perpétuité  une  mefl"e  de  requiem,  tous  les  mercredis,  dans  la  chapelle  des  religieu- 
fes,  pour  le  repos  de  l'ame  de  fon  époufe.  M.  Barraut  leur  a  légué  ,  en  1758, 
2,000  livres  ,  pDur  procurer  des  ornemens  à  leur  chapelle.  Quoique  le  fyndic  doive 
être  renouvelle  tous  les  trois  ans,  celui  aftuel  a  bien  prolongé  fon  exercice  ,  car 
il  l'était  déjà  en  1772.  Pour  faire  une  'fignifîcation  à  la  fupérieure  des  religieufes  , 
rhulffier  prend  une  permiiïion  par  écrit  du  procureur-général.  Ce  magiftrat  &  les 
Adminillrrateurs  de  la  Colonie  fe  font  arrogés  'le  droit  d'entrer  quelquefois  dans 
l'intérieur  du  couvent  &  toujours  avec  une  fuite  nombreufe  :  je  doute  que  cela 
foit  ni  utile  ni  décent. 

Les  religieufes  de  Notre -Dame,  qu'on  appelé  auiîi  les  F/'/Z^i  SûAnte -  Marie , 
portent  un  habit  noir,  une  guimpe  blanche  &  un  voile  noir.  Elles  ont  un  direéleur 
particulier  ,  c'eft  un  capucin  ;  elles  lui  ont  même  fait  conftruire  un  petit  logement 
au  bout  Nord-Ouefb  de  leur  terrain  ,  près  la  hauteur  de  la  rue  Saint  -  Jacques.  Il 
en  eft  peu  de  plus  défagréable ,  parce  que  n'ayant  d'ouverture  que  fur  l'exté- 
rieur, on  y  efi:  comme  en  prifon  ,  &exporéàune  chaleur  étouffante.  On  ne 
reconnaît  pas ,  à  ce  trait ,  l'ame  compatififante  des  nones  pour  leur  direéleur. 

C'ed  l'extrémité  Occidentale  delà  rue  des  Religieufes-,  depuis  leur  enclos 
jufqu'aux  Cazernes,  extrémité  qui  n'a  par  conféquent  que  la  longueur  d'un  îier, 
qu'on  nomme  rue  du  Haha ,  parce  que  mafquée  à  fes  deux  bouts,  on  femble 
étonné  de  cette  difpofition  dans  une  ville  où  les  rues  fe  coupent  à  angles  droits  : 
l'on  fait  donc  naturellement  l'exclamation  ha  !  ha  !       - 

C'efl 


i 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     433 

-C'eft  dans  cette  portion  de  rue  qu'habite  l'humain  ,  le  compatiflTant  Jafmin  &  fon 
•cpoufe. 


\4 


M3.^  •4|ii-<n-4n-^.<|ii..^i.^ii.^ii.^  '4ii"4ii«n« 


I    N    Q^U    I    È    M    E 


S    E 


C    T    I    O    N, 


C'est  la  moins  riche  en  détails  &  la  plus  irrégulière  dans  fa  figure.  Elle  efl: 
bornée  au  Nord  par  la  rue  du  Cimetière,  à  l'Eft  par  la  rue  Efpagnole,  au  Sud 
par  une  portion  de  la  ligne  qui ,  partant  du  milieu  des  deux  focles  du  pont ,  court 
dans  rOueft ,  &  enfuite  par  une  ligne  dentelée  produite  par  les  prolongemens 
plus  ou  moins  avancés  ou  plus  ou  moins  excavés  de  divers  mamelons  du  morne 
du  Cap ,  jufqu'au  point  oià  la  rue  du  Cimetière  finit  dans  l'Oucft. 

Cette  feélion  ,  fi  l'on  en  excepte  quelques  boutiques  qui  étùent  dans  la  rue 
Efpagnole ,  d'abord  nommée  la  Grande  rue  &  qu'on  a  laifîéc  auffi  large ,  parce 
qu'elle  était  réellement  le  grand  chemin  par  où  l'on  arrivait  au  Cap ,  &  où 
l'on  tournait  à  la  rue  Saint  -  François  -  Xavier  pour  delcendre  vers  la  mer 
n'exillaic  point  en  1700.  La  paix  produite  par  l'avènement  de  Philippe  V  au 
trône  d'Efpagne ,  ayant  rétabli  le  commerce  au  Cap ,  les  habitans  de  la  Partie 
Efpagnole  y  venaient  trafiquer,  ils  fe  logeaient  dans  le  voifinage  du  marché,  aux 
premières  cafés  qu'ils  trouvaient,  tout  cela  était  dans  la  Grande  rue  &  elle  devin 
k  rue  Efpagnole.  L'extrémité  de  cette  rue  au  Nord  avait  fourni  des  afiles  aux 
malheureux  habitans  de  Saint-Chriftophe  &  on  la  nommait  Quartier  des  aens  de 
Saint- Chriftophe.  La  plupart  d'entr'eux  ayant  retourné  à  la  Martinique  ou  dans 
leur  me ,  leurs  logemens  flircnt  occupés  par  des  nègres  libres,  qui  s'y  multiplièrent 
beaucoup  enfuite  i  de  là  eft  venue  la  dénomination  de  Petite  Guinée,  que  porte 
toute  la  cinquième  Seftion  ,  &  qu'on  a  commencé  à  lui  donner  en  1740.  Jyfqu'à 
cette  <lernière  époque  l'extrémité  du  Cap,  dans  cette  partie,  fuivait  l'Oucft 
de  la  rue  Saint-Sauveur,  remontait  le  bout  de  la  rue  Saint- Jofeph  &  venait  aboutir 
à  la  rue  des  Vierges. 

La  cinquième  Se<5lion  a  cinq  rues  parallèles  à  la  rue  Efpagnole.  Elles  font,  en 
allant  de  l'Eft  à  l'Oueft ,  la  rue  Saint-Sauveur ,  la  rue  Sainte-Sophie ,  la  rue  Sant- 
Jacques ,  la  rue  des  Vierges  &  celle  Sainte-Avoye.  Les  rues  percées  à  l'Oueft 
gardent  leurs  noms  jufqu'à  la  mer. 

^  La  rue  Efpagnole ,  l'une  des  plus  grandes  du  Cap ,  a  42  pieds  de  large.  C'eft 
Tome  L  lii 


434      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

une  de  celles  dont  le  pavé  a  donné  lieu  à  plus  de  difficultés ,  entre  les  ingénieurs 
Sclesvoycrsj  entre  les  Adminiilrateurs  &  le  Confeil.  C'eftmême  àfon  occafion 
qu'il  a  été  enfin  reconnu  ,  que  h  ville  du  Cap  devait  avoir  un  plan-direfteuri  que 
c'était  à  l'autorité  militaire  à  le  furveillcr ,  èc  que  l'autorité  civile  était  tenue  de 
-s'y  conformer. 

La  largeur  de  la  rue  Efpagnolc  prouve  cette  vérité ,  que  dans  les  climats  chauds, 
iès  rues  les  plus  fpacieufes  ne  font  pas  les  plus  fraîches.  Comme  les  maifons  ne 
peuvent  pas  y  répandre  une  ombre  capable  d'y  tempérer  l'ardeur  du  foleil ,  elle 
eft  aufli  chaude  qu'un  grand  chemin  &  même  elle  eft  plus  chaude ,  parce 
xjue  les  murs  y  réfraftent  la  chaleur ,  &  parce  que  les  maifons  y  interceptent  la  brife 
du  large. 

C'efi  dans  cette  rue  &  au  coin  Sud-Eft  de  celle  de  la  Vieille  Joaillerie  que  , 
dans  une  maifon  fervant  d'auberge ,  à  l'enfeigne  des  Bons  Chafleurs ,  on  a  établi 
depuis  1788  ,  des  bains  publics. 

Il  n'y  a  rien  de  remarquable  dans  cette  Setlion  ,  dont  le  terrain  eft  très-inégal  ; 
-on  y  trouve  plufieurs  belles  maifons  ;  ce  quartier  eft  tranquille  ,  &  il  femble  qu'on 
y  foit  à  la  campagne,  C'eft  un  des  motifs  qui  y  ont  fait  établir,  depuis  une 
vingtaine  d'années ,  une  loge  de  Fran-maçons ,  fous  le  titre  de  l'Amitié  ,  dans 
l'angle  Nord-Oueft  de  la  rue  Sainte  Sophie  &  de  la  rue  Taranne.  On  y  a  l'agré- 
îTient  de  pouvoir  tenir  la  loge  en  la  laiffant  ouverte  ,  fans  craindre  l'œil  curieux  des 
profanes  ,&  c'eft  un  avantage  inappréciable  dans  un  pays  chaud.  J'y  ai  partagé 
plufieurs  fois  des  plaiftrs  bien  doux  &  j'y  ai  vu  exercer,  furtout  pendant  la  guerre 
de  1778,  des  traits  de  bienfaifance  qui  répondent  aux  reproches  d'inutilité  qu'on 
■fait  à  une  fociété  qui  procure  du  moins  l'occafion  de  fe  réunir  ,  qu'on  a  fi  peu  à 
Saint-Domingue. 

C'eft  dans  la  rue  des  Vierges ,  entre  celle  du  Cimetière  &  Saint  -  Simon,  côté' 
Eft,  qu'eft  la  maifon  où  eft  mort  M.  de  Sainte-Croix,  ancien  gouverneur  de 
Belle-Ifle  ;  &  au  coin  plus  au  Sud  du  même  côté ,  fe  trouve  pareillement  celle 
qu'habitait  M.  de  Reynaud  de  Villeverd ,  dont  l'éloge  fe  trouve  fi  fouvent  dans  ma 
defcription    du    Cap, 

Encore  en  178 1,  aucune  des  maifons  qui  viennent  du  quai,  ne  pénétraient 
fur  le  côté  Oucft  de  la  rue  Efpagnole  ,  pafîe  celle  de  la  Vieille  Joaillerie ,  en 
allant  vers  la  Foflette.  On  a  même  vu  pendant  plufieurs  années,  un  hôpital  pour  les 
Ibldats  attaqués  de  maladies  eutances  &  de  celk  qu'on  ne  nomme  pas ,  dans  un 


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FRANÇAISE   D  E   S  A  I  N  T-D  0  M  I  N  G  U  E.        43^; 

corps  de  bâtiment  qui  bordait  le  côté  Oueft  de  la  rue  Efpagnolc  ,  depuis  la  hau- 
teur de  la  rue  de  la  Vieille  Joaillerie ,  jufqu'à  celle  de  la  Boucherie.  Cet  hôpital 
a  eu  jufqu'à  près  de  250  malades.  Mais  fucceffivement  on  a  fait  ouvrir  un  paffagc 
aux  rues  intermédiaires  ,  notamment  aux  deux  rues  du  Chantier  &  du  Hafard, 
par  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  2  Mars  1785  ,  &  il  n'y  a  plus  que  celles 
de  la  Boucherie  &  Saint- Nicolas ,  qui  s'arrêtent  à  la  rue  Efpagnole.  Il  cft  vrai 
que  dans  ce  point ,  la  cinquième  fedion  a  à  peine  la  valeur  d'un  demi-îlet ,  de 
l'Eftà  l'Oueft,  tant  le  morne  la  rétrécit.  On  y  projeté  cependant  des  excavations 
qui  doivent  mener  la  rue  du  Hafard  jufques  dans  celle  Sainte- Avoyc ,  qui  fe 
trouvera  auffi  prolongée  par  le  même  moyen. 

C'efl  au  bout  Sud  de  la  cinquième  Sedion  ,  dans  la  rue  Efpagnole  8c  â  toucher 
la  limite  Méridionale  donnée  à  la  ville  par  l'ordonnance  des  Adminiftrateurs  du 
3 1  De'cembre  1786 ,  que  fe  trouve  le  cimetière  de  laparoiffe  du  Cap ,  qui  s'appele 
la  Foffette  ,  parce  qu'il  faifait  autrefois  partie  du  terrain  ainfi  nommé.  Parlant 
dans  la  féconde  Seélion  de  l'ancien  cimetière  placé  derrière  l'églife  paroifliale , 
rue  Fermécjj'aiditque  le  29  Août  1736,  les  adminiftrateurs  de  la  Partie  du 
Nord  avaient  pris  fur  eux  d'en  indiquer  un  autre  comme  fupplément  du  premier, 
pour  y  inhumer  les  matelots  &  les  nègres ,  dont  il  périffait  un  grand  nombre. 
L'ufage  de  celui  -  ci  cefta  avec  la  maladie  contagieufe  ,  &  l'on  fe  conten- 
tait du  premier  cimetière ,  lorfque  le  7  Odlobre  1759  >  >!  ^^^  unanimement  décidé 
dans  une  affemblée  de  la  paroiflè ,  que  le  cimetière  devait  être  changé.  Les 
Adminiftrateurs  adoptèrent  ce  projet ,  &  l'on  acheta  de  M.  Brethous ,  agent  de 
Ja  Compagnie  des  Indes ,  de  quoi  former  le  nouveau. 

Le  préfet  des  Jéfuites  avait  protefté  contre  cette  délibération ,  &  les  Adminiftra- 
teurs avaient  profcrit  fa  démarche  -,  mais  lorfqu'en  1761 ,  le  cimetière  étant  clos, 
on  y  commença  les  inhumations  ,  le  curé  refufa  abfolument  d'y  accompagner  les 
morts,  prétextant  l'éloignement  du  cimetière.  A  un  enterrement  il  fallut  faire  une 
fommation  juridique  au  cré,  pour  le  réfoudre  à  marcher  ;  chaque  inhumation  était 
h  caufe  d'un  fcandale  que  les  Adminiftrateurs  firent  eeffer  par  une  ordonnance  du 
J9  Juillet  1761 ,  qui  menaça  de  peines  temporelles,  des  hommes  à  qui  leur  de- 
voir ne  parlait  point  afîez  haut. 

Le  cimetière  de  la  Fofîètte  ,  qui  fe  trouve  un  peu  rentré  par  rapport  à 
l'alignement  Oueft  de  la  rue  Efpagnole,  a  60  toifes  dans  fa  plus  grande  longueur, 
.&  20  dans  fa  plus  grande  largeur, .de  manière  que  dans,  fa  forme  irréguiière,  fa 

I  i   i    2 


43^      DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

forface  ne  peut  être  comptée  que  pour  environ  1,000  toifes  carrées,  où  36,000 
pieds  de  fuperfirie.  De  chaque  côté  de  la  porte  d'entrée  ,  qui  donne  dans  la  rue 
Efpagnole  &  intérieurement,  font  deux  petits  bâtimens  de  maçonnerie  j  celui 
de  la  gauche  eft  une  petite  chapelle  »  &  celui  de  la  droite  un  petit  rédmit  pouc 
placer  les  outils  du  fofToyeur ,.  Sec. ,  ce  qui  diminue  encore  l'efpace.  En  réduifant  à 
600  perfonnes  le  nombre  de  ceUcs.  qu'on  enterre  dans  ce  cimetière  chaque  année 
(.  &  ce  taux  eft  bas  ) ,  &  comptant  pour  chaque  corps  une  fofle  de  6  pieds 
de  long  fur  3  de  la.rge  ,  ce  qui  fait  1 8  pieds  de  furface ,  on  voit ,.  que  fans 
défalquer  le  terrain  qu'il  fa'jl  aux  deux  petits  bâtimens  &  à  l'ouverture  de  la 
grande  porte,  parce  que  cela  fe  trouve  compenfé  par  les  corps  auxquels  il  ne 
faut  pas  18  pieds  ,  il  y  a  lOjSoo  pieds  foffoyés  chaque  année  ,  &  qu'en 
trois  ans  &  demi,  à- peu -près  ,.  tout  le  cimetière  eft  remuée  Mais fi  l'on  veut 
confidérer  d'une  part  que  dans  le  tems  de  guerre  ,  par  exem.ple  ,  il  y  a  beaucoup 
de  troupes  au  Cap  Se  qu'on  y  a  des  hôpitaux.  Se  d'une  autre  part  que  dans  le  calcul 
on  fuppofe  qu'il  n'y  a  pour  ainfi  dire  pas  d'intervalle  entre  les  corps ,  ce  qui  n'eft 
pas  ainfi  dans  la  réalité,  on  fera  convaincu  que  moins  de  trois  années  fuffifent  à  la 
révolution  du  cimetière. 

Commuent  n'eft-on  pas  allarmé  de  îanéceffité  de  remuer  aufil  fouvent  unererre, 
où  les.  corps  n'ont  pas  pu  éprouver  une  décompofition  parfaite  ,  &  où  les  nnafmes 
putrides  peuvent  produire  les  plus  affreux  ravages  ?  Les  inhumations  étaient  très- 
fréquentes  au  Cap ,  lorfqu'en  17S1  ,. je  reçus  un  exemplaire  du  mémoire  de  h 
Société  de  Médecine  de  Paris  ,  confukée  par  l'ambafladeur  de  Makhe  de  la  part 
de  la  Religion  ,  fur  les  dangers  des  fouilles  dans  les  caveaux  de  l'églife  Saint- 
.  Dominique  de  Malthe  ,  qu'on  voulait  rebâtir.  Je  crus  devoir  le  communiquer  au 
rédadleur  de  la  gazette  du  Cap ,  qui  en  imprima  le  réfultat  dans  la  feuille  du  4 
Décembre  178 1.  J'efpérais  ,  &  il  le  croyait  avec  moi ,  que  quelques  oreilles 
feraient  frappées  de  cette  décifion  qu'on  doit  laiffer  écouler  au  moins  vingt-cinq 
ans  avant  d'ouvrir  les  caveaux,  &  au  moins  cinq  ans  avant  de  creufer  les  cimetières 
où  l'on  adépofédes  corps.  Mais,  comme  fi  le  cimetière  du  Cap  avait  eu  l'étendue 
~  néceflaire ,  ou  comme  fi  L'objet  n'eût  concerné  perfonne  ,  l'avis  ne  fut  pas  lu  ou  le 
fut  comme  l'aurait  été  un  logogriphe  ou  une  charade  ,,&  en  1782,  lorfque  la 
réunion  des  foldats  Français  &  Efpagiaols ,  &  des  hôpitaux  de  blefles  &  de  mala- 
des de  toute  efpèce  rendirent  les  mortalités  extrêmement  multipliées ,  on  fe  con- 
tenta »  comme  je  l'ai  vu  ,  de  déplacer  des  corps  entiers ,  pour  en  placer  d'autresv 


i 


9L 


,F  R  A  N  Ç  A  I  S  E    D  E    S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      43-7 

,  Depuis,  &  en  1785  ,  M.  François  de  Nenfchâteau,  alors  procureur-général  du 
Confeil  du  Cap,  avait  annoncé  dans  un  réquifitoire ,  qu'il  s'occuperait  incefram-' 
■ment  des  cimetières  du  Cap  ,  mais  il  paraît  qu'il  ne  l'a  pas  fait. 

Le  !''••  Janvier  1767  ,  la  paroiffe  nomma  un  chapelain  de  la  FofTette  ,  où  il 
.n'y  avait  eu  jufques-ià  qu'un  chantre  de  la  paroiffe,  fous  le  titre  de  foffoyeun 
Il  était  tenu  d'y  avoir  un  journal ,  où  il  infcrivait  les  inhumations ,  qu'on  rappor- 
tait, jour  par  jour,  fur  le  regiftre  de  la  paroiffe,  attendu  qu'on  n'enterrait  ainfi 
que  les  efclaves.  Mais  depuis  il  eft  tenu  d'avoir  des  regiftres  en  forme ,  parce 
qu'on  y  porte  auffi  immédiatement  des  libres  &  des  blancs  ;  quant  aux  perfonnes 
auxquelles  on  fait  des  cérémonies  funèbres  dans  l'églife  paroiffiale ,  c'ell  dans 
<;ette  églife  que  leur  adte  mortuaire  eft  fait  &  figné. 

•  Le  chapelain  de  la  Foffette  dit  la  meffe  ,  chaque  jour,  dans  la  chapelle  dxi 
cimetière  ,  &  y  fait  les  enterremens  de  ceux:  qu'on  y  expofe.  Dans  l'origine  ,  le 
chapelain  logeait  dans  l'autre  petit  bâtiment  du  cimetière  ,  mais  on  a  fini  par 
reconnaître  que  ce  féjour  était  dangereux  pour  les  vivans.  Le  chapelain  eft  à  la 
nomination  des  marguilliers  en  charge ,  qui  lui  délivrent  une  commiffion.  Un 
arrêt  du  Confeil  du  Cap,  du  21  Janvier  1777  ,  a  tarifé  fes  honoraires  pour  les 
enterremens  ,  &  a  févérement  défendu  de  laiffer  à  la  porte  du  cimetière  &  d'y 
tranfporter,  furtout  la  nuit,  des  cadavres,  fans  avertir  le  chapelain  qui  fe 
trouvait  ainfi  dans  l'impuiffance  de  conftater  quelle  était  la  perfonne  qu'il  enterrait. 

Ils'eft  élevé  ,  en  1780  ,  une  querelle  affez  fingulrère  entre  le  chapelain  de  la 
Foffette  &  l'aiirnônier  de  l'hôpital  militaire  de  la  rue  Efpagnole  ,  dontj'ai  parlé 
&  qui  s'appelait  l'hôpital  Bouvier ,  du  nom  de  fon  entrepreneur.  Le  premier 
foutenait  que  l'autre  n'avait  pas  un  caradlère  public ,  pour  faire  le?  aéles  mor- 
tuaires de  ceux  qu'il  lui  envoyait  à  inhumer  au  cimetière  de  la  Foffette. 
L'intendant  décida  en  faveur  de  Taumônier  &  l'aftraignit  feulement  à  envoyer 
au  chapelain  une  note  indicative  des  noms,  &c.  ,  avec  chaque  corps  &  à  lui 
remettre  fes  regiftres  mortmaires,  lors  de  l'évacuation  de  l'hôpital. 

Un  chapelain  de  la  Foffette  y  avait  fait  planter  du  petit  mil.  On  fait  de  quel 
propriété  précieufe  pour  l'homme ,  font  doués  les  végétaux  ,  de  convertir  le  oaz 
azote  en  gaz  oxigène  i  &  la  rapidité  de  la  croiffance  du  petit  mil  était  ici  une 
preuve,  &  du  be foin  de  ce  moyen,  &  de  fon  utilité.  Comme  le  procédé  du 
chapelain  n'était  pas  purement  chimique ,  il  fai fait  couper  &  vendre  le  petit  mil 
à  fon  profit ,  8c  il  en  avait  un  débit  très-avantageux.  Mais  plufieurs  chevaux  ayant 


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438       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

été  malades ,  quelqu'un  imagina  de  les  fevrer  de  petit  mil  du  cimetière ,  &  lea 
accidens  cefsèrenr.  Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  en  faire  abandonner  la  culture 
que  l'humanité  aurait  dû  perpétuer ,  même  aux  dépens  du  public ,  qui ,  au  furplus , 
jurait  pu  en  être  indemnifé  ,  en  vendant  la  récolte  comme  engrais.  Ce  fait, 
arrivé  en  1782,  n'a  pas  été  affez  exaflement  fuivi  pour  démontrer  fi  réellement 
les  fucs  du  petit  mil ,  trop  animalifés ,  ou  trop  peu  élaborés  par  la  fougue  d'une 
végétation  trop  fucculente ,  avaient  produit  les  effets  qu'on  lui  attribue.  Mais 
j'ai  cru  devoir  le  citer  ici  pour  infpirer  l'idée  d'une  expérience  qu'un  autre 
pourra  faire. 

Des  hommes  ,  inftruits  cependant ,  ont  aufîi  crié  contre  la  culture  du  cimetière 
de  la  Foflette  ,  renouvellée  encore  depuis  1782}  mais,  ainfi  qu'ils  me  Tont. 
avoué  ,  c'était  feulement  parce  qu'ils  la  confidéraient  comme  une  forte  de 
profanation.  Pour  moi  qui  n'honore  les  vivans  ,  qu'à  raifon  de  leur  utilité,  je  ne 
prendrai  pas  pour  honorer  les  morts ,  le  fyftèmc  oppofé  ;  &  fi  les  végétaux  créés 
par  la  décompofuion  de  leur  être  animal  peut  fauver  les  premiers  de  quelques 
dangers  ,  il  n'y  a  point  à  balancer.  C'eft  un  faux  refpeél  que  celui  qui  fait 
raifonner  autrement ,  &  certes  ,  on  ne  prétendra  pas  que  les  loix  de  la  police  qui 
forcent  à  inhumer  promptement  un  père  mort  d'une  maladie  putride  ,  foit  un 
attentat  contre  la  tendreffe  du  fils  qui  murmure  de  cette  difpofition  ,  par  laquelle 
il  fera ,  peut-être  ,  le  premier  garanti.  Pourquoi  les  précautions  ne  dureraient- 
elles  pas  autant  que  le  befoin  qu'on  en  a  ?  Ne  profanons  pas  notre  raifon  par 
de  honteux  préjugés  j  remarquons  ce  que  fait  la  nature  :  elle  couvre  avec 
prodigalité  ,  le  fol  de  la  plupart  des  cimetières  des  Colonies  ,  de  ricins  de  la  plus 
haute  llature  8c  de  belles-de-nuit. 

Le  cimetière  cft  placé  de  manière  que  fon  afpeél  frappe  en  entrant  dans  la 
ville.  On  ne  fait  fi  l'on  doit  accufer  le  hafard  ou  l'incurie  ,  d'avoir  préfenté  ce 
fpeétacle  lugubre  à  l'abord  d'une  ville  confidérable  ,  dans  un  pays  où  la  deftruc-- 
tion  eft  prompte  &  fréquente.  On  avait  même  imaginé  de  peindre  en  noir  ,  la 
porte  du  cimetière  ,  de  la  parfemer  de  larmes  blanches  Se  de  décorer  le  haut  de 
l'impofte  avec  une  mort ,  une  faulx ,  une  ckpfidre  &  cette  infcription  : 

Hue     Tendimus    Omnes. 

Mais  M.  de  Reynaud  ,  gouverneur-général ,  par  intérim ,  trouvant  tout  cet 
appareil  trop  philofophique  ,  le  fit  difparaûre  en  17S0  ,  &  la  porte  fut  peinte 
en  gris. 


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FRANÇAISE    ÛE    SAINT-DOMINGUE.      439 

"Le  cimetière  fe  trouve  ,  par  fa  fituation  ,  à  la  tête  de  la  ville ,  relativement  à 
ia  brife  de  terre  ;  il  répand  donc  fur  elle  des  vapeurs  qui  ne  peuvent  être  que 
nuifibles.  II  faudrait  un  cimetière  ,  fix  fois  auffi  fpacieux  ,  qu'on  pourrait  placer 
au  fond  de  la  gorge  de  la  Foflètte  ,  où  il  ne  nuirait  à  rien.  Celui  aftuel  ou 
plutôt  fa  chapelle  feulement,  ferait  le  dépôt  jufqu'auquel  les  cérémonies  de 
l'églife  accompagneraient  les  corps,  &lefoir,  on  les  porterait  à  leur  véritable 
fejour,  comme  l'on  porte,  depuis  long-tems,  ceux  mis  par  oftentacion  dans  le 
caveau^  derrière  l'églife ,  au  cimetière  de  la  FoiTette.  La  population  du  Cap 
s'accroît  contmuellement ,  &  tout  augmente  le  befoin  du  changement  que  ie 
defire.  Alors  les  nègres  foflbyeurs  pourront,  avec  bien  moins  d'inconvénient 
oublier,  pour  leur  profit,  de  mettre  de  la  chaux  dans^les  fofles,  ou  d'en  mettre 
affez  ,  &  leur  propre  exiftence  fera  moins  expofée. 

Au  Sud  de  ce  cimitière  &à  toucher  fa  clôture  ,  eftle  relie  d'un  ancien  retr.n 
chementde  terre  8c  il  a,àl'Oueft,  l'école  d'artillerie,   mais  ces  deux  0^'": 
appartiennent  à  la  défenfe  du  Cap ,  dont  je  traite  féparément  ^ 


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SixièmeSection. 

CiTTï  Seftion  ell  placée  entre  la  cinquième  &  U  reptième  qui  lui  font 
parallèles.  Au  Nord  ,  elle  commence  à  la  rue  du  Cimetière  à  l'Eft  -  T 
d-Anjou  ,  au  Sud.  elle  touche  ia  limite  de  la  ville  ,  &  trouve  à  l'Oulft  il  ™ 
Efpagnole  En  ,740 ,  ,1  n'en  exiftait  guères  que  ia  moitié  ,  &  cette  moit  é  éta"t 
compo,ee  de  ce  qui  eft  entre  la  rue  du  Cimetière  &  ia  rue  Taranne .  &  entre  la 
rue  Royale  &Ia  rue  Efpagnole  ,  jufqu-au  bord  Septentrional  de  la  pi  ce  Ro  a,e 
tout  le  refte  eft  fort,  depu,s  du  fcin  des  eaux ,  ou  d'un  marécage  qui  allait  de  il 
rue  Royale  a  la  mer.  La  fixième  Seftion  forme  .m  carré  Ion» 

On  connaît  déjl  les  rues  qui  coupent  la  Exième  Seftion  du  Nord  au  Sud 

putfqu  elles  font  communes  à  la  troifième  qui  borne  toute  la  ftxième ,  au  Nord' 

Ces  rues  font  celles  Satnt-Louis  .  Royale,  Vaudreuil  &  d'Anjou.  C'eftd; 

ettedermere.  au  co.n  Nord-Oueft  de  la  rue  Saint-Simon,  qu'cft    depuis  ,7,-, 

le  bureau  de  la  pofte  aux  lettres,  dont  le  Cap  jouit  três-andennement  "' ' 

Dans  la  d.reftion  de  l'Eft  à  l'Oueft .  on  trouve  d'abord  ,  ap.ès  la  rue  du  Cim.- 
t«e,  larue  Samt-Stmon,  quieiHaplu.  Septentrionale,  celle  Saint-Jofeph, 


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440 


DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 


la  rue  Taranne  ,  la  rue  des  Trois  Chandeliers ,  celle  du  Canard ,  celles  de  la 
Vieille  Joailleiie,  du  Chantier,  des  Trois  Vifages  ,  de  la  Boucherie  ,  de 
Saint-Nicolas ,  la  rue  de  Rohan  (  gouverneur-général  )  ,  &  la  rue  du  Pont  qui 
vont  toutes  de  la  mer  au  morne. 

Je  ne  fais  par  quelle  étrange  fingularité,  il  eft  tant  de  rues  du  Cap,  dont  les  noms 
font  bifaires  ou  infignifians  ,  lorfqu'il  y  avait ,  dans  leurs  dénominations,  des 
moyens  d'exprimer  des  fentimens  qui  auraient  honoré  les  habitans  de  cette  ville. 
Pourquoi  des  rues  du  Lion  ,  de  l'Oors  ,  du  Chat ,  du  Pet-au  Diable  j  au  lieu  des 
rues  de  Caftelveyre ,  de  Dolioules  ?  Pourquoi  des  rues  des  Trois  Chandeliers  , 
des  Trois  Vifages  ,  &  autres  non-moins  ridicules  ;  Se  pas  ui^e  rue  Larnage  , 
pas  une  rue  Maillart  ?  Hommes  ingrats ,  rougiriez-vous  des  bienfaits  dont  vous 
êtes  l'objet  ?  vous  ne  les  mériteriez  pas.  Je  dois  dire,  cependant ,  que  la  rue  Saint- 
Simon  ,  porte  ce  nom  en  l'honneur  du  patron  de  M.  Maillart  -,  mais  pourquoi 
n'avoir  pas  préféré  fon  nom  de  famille  ?  La  rue  Saint-Jofeph  doit  le  fien  au  nom 
de  baptême  de  M.  de  Vaudreuil,  commandant-général  de  la  Colonie.  Pour  la 
rue  Taranne  Se  celle  des  Trois  Chandeliers ,  leur  origine  m'eft  inconnue  8c  je  ne 
la  crois  pas  regrettable. 

La  rue  des  trois  Chandeliers  forme  le  côté  Nord  &  extérieur  de  la  place 
Clugny ,  qui  a  la  rue  de  la  Vieille  Joaillerie  au  Sud ,  celle  Vaudreuil  à  l'Eft , 
&  celle  Saint-Louis  à  l'Oueft.  Cette  place  forme  un  carré  de  44  toifes  ,  compris 
entre  quatre  allées  d'arbres  Se  a  52  toiles  en  carré  ,  fi  l'on  compte  les  rues  qui 
y  palTent.  Tout  ce  quartier  s'appelait  autrefois  le  Marécage.  Il  était  cependant 
tout  concédé  en  175 1,  quoiqu'il  ne  formât  qu'un  marais.  M.  Larnage  Se 
Maillart  s'étonnaient  eux-mêmes  alors  de  ce  qu'on  n'avait  pas  faifi  plufieurs 
circonfl-ances  favorables  pour  faire  combler  ce  local ,  qui  était  pour  la  ville  une 
caufe  permanente  d'infedion.  Le  miniftre  leur  prefcrivait  ^  le  14  Mars  1741  ,  de 
réunir  les  terrains  qu'on  ne  deffécherait  pas  dans  un  an.  Les  Adminiftrateurs 
temporiierent  encore  j  mais  le  19  Oftobre  1743,  ils  donnèrent  fix  mois  pour 
combler,  Se  un  an  pour  bâtir.  Cette  ordonnance  produifit  foa  effet,  non  pas 
dans  le  délai  fixé,  mais  ,  peu-à-peu  ,  l'on  vit  des  progrès  fenfibles  dans  le  deffé- 
chement ,  &  ce  marais  fétide  fit  place  à  des  maifons. 

En  1752  on  forma  le  projet  d'avoir  un  marché  dans  l'ancien  marécage.  Le 
lieu  en  fut  défigné  ,  Se  l'on  défendit  même  d'y  faire  de  nouvelles  conftruc- 
çions.  Les  habitans  vpifins  du  Ueu  choifi  ,  propofèrent  de  contribuer  aux  dépenfcs 

qu'il 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      441 

qu'il  occafioiinçrait  &  à  l'indemnité  des  propriétaires  du  terrain.  Ce  ne  fut 
cependant  qu'en  1764,  que  les  Adminiftrateurs  ,  déterminés  par  l'embarras  que 
l'on  éprouvait  fur  la  place-d'armes ,  qui  était  le  point  d'aflemblée  des  troupes  * 
arrêtèrent  l'établiiTcment  du  marché.  Leur  ordonnance  du  12  Janvier  1764, 
créa  la  place  Clugny ,  du  nom  de  l'un  d'eux,  pour  réunir  les  fubfiftances  de 
toutes  les  efpèces.  Elle  a  coûté  82,400  liv.  pour  indemnifer  les  propriétaires  des 
leize  emplacemens  qu'elle  occupe  ,  &  94,198  livres  pour  le  remblai  &  les 
travaux  qu'elle  a  exigés  ,  ce  qui  fait  176,398  liv.  Cette  fomme  a  été  payée 
par  ks  propriétaires  voifins  de  cette  place. 

Le  26  Janvier  1766,  le  marché  des  nègres  y  fut  inftallé  pour  la  première 
fois,  &  pour  les  fêtes  &  les  dimanches  feulement;  mais  le  13  Juillet  1768^,  on 
l'y  a  rendu  journalier ,  malgré  la  réclamation  des  habitans  qui  voulaient  en 
conferver  un  fur  la  place-d'armes. 

Le  marché  n'était  point  pavé ,  8c  dans  les  tems  pluvieux ,  il  était  deveuTi 
prefque  impoffible  de  s'y  mouvoir  à  caufe  des  boucs  dont  il  était  couverti  ce  qu'on 
conçoit  facilement  quand  on  connaît  les  pluies  de  Saint-Domingue  &  quand 
on  réfléchit  qu'il  y  a  tel  dimanche  où  15,000  nègres  viennent  au  marché 
Clugny,  foit  pour  y  vendre  foit  pour  y  acheter.  MM.  de  Reynaud  &  Le 
Brafleur  afîèmblèrent,  le  7  Janvier  178 1,  tous  les  contribuables  de  1764.  Les 
particuliers  donnèrent  55,000  liv. ,  &  les  Adminiftrateurs  prenant  l'excédant  dans 
la  caiffe  des  libertés  ,  la  place  Clugny  a  été  pavée  en  entier  Se  entourée  de 
barrières  comme  la  place-d'armes. 

Une  ordonnance  de  police  du  3  Avril  1782  ,  qui  règle  celle  de  cette  place, 
la  deHine  exclufivemeat  au  marché  des  comeftibles  ;  elle  défend  d'en  vendre 
ailleurs  ,  en  interdit  l'entrée  &  les  contours  aux  vendeurs  de  raarchandifes 
féches  ;  mais  les  marchands  placés  dans  les  maifons  environnantes  qui  veillent  à 
ce  que  ceux  qui  font  étrangers  fe  conforment  à  cette  difpofition  ,  font  quelquefois 
moins  religieux  dans  robfcrvation  de  la  défenfe  qui  leur  eft  faite  ,  d'étaler  hors 
de  leurs  maifons  fur  des  tables  pu  fur  des  établis.  Un  infpedeur  de  police  qui 
^  le  marché  dans  fon  détail ,  conferve  les  clefs  des  barrières  qu'on  ouvre  lorfque 
çelgefl  néceffaire,  &  c'eft  lui  qui  diftribue  les  places  aux  marchands ,  quoique 
chaque  infpeéleur  de  ferviee  fojt  chargé  dç  veiller  à  fa  propreté. 

Du  côté  Eft  de  la  place ,  font  les  marchands  d'herbages  &  de  légumes  ,  qui 
«talent  la  carrotte,  le  navet,  le  choux,  le  concombre  rafraîchifîant ,  le  melon^ 
Tome     L  K  k  k 


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442        DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

gène  à  la  robe  purperine  ;  le  melon  à  chair  vcrdâcre  ou  celui  à  chair  rouo-e ,  & 
d  )nt  le  parfuni  éveille  tout-à-la  fois  l'appétit  &  l'odorat  -,  une  foule  d'autres  plantes 
co.nme  l'épinard,  la  laitue  ,  la  romaine,  &c,  charment  la  vue  &  attirent  l'acheteur. 
Quelquefois  la  marchande  plaîc  aufii  fous  fa  baraque  couverte  ^  mais  portative -, 
£^  le  rire  invitateur  efl  placé  fur   fa  bouche  emmiellée. 

Dans  le  même  ordre  ,  mais  au  Sud ,  font  des  marchands  de  viande  de 
mou:o;i ,  de  porc,  de  fauciffes ,  &c.  Une  grande  propreté  règne  dans  toute- 
cette  partie  ,  parce  que  le  climat  l'exige  au  moins  autant  que  l'intéiêt  du 
marchand  ,  a!în  d'en  écarter  les  mo;:ches  ,  dont  les  nombreux  eflaims  couvri- 
raient tout.  . 

A  rOueft,  font  les  volailles  vivantes  ,  car  on  n'en  voudrait  pas  acheter 
d'autres.  Quelquefois  m.algré  les  liens  qui  unifient  leurs  pieds  ,  de  leurs  becs  aigus 
deux  coqs  fc  font  la  guerre  ,  î:^;  l'un  d'eux  entonne  le  chant  de  la  viftoire  peu 
d'inftans  avant  fo9  trépas.  Les  marchands  de  chair  de  cabrit  ou  de  chèvres  font 
à  la  faite ,  afin  qu'ils  ne  puilTent  pas ,  en  fe  confondant  avec  ceux  de  mouton  > 
faire  prendre  une  viande  pour  l'autre ,  quoique  la  première  foit  moins  eftiméc 
Se  que  d'ailleurs  la  queue  de  la  chèvre  doive  être  confervée  pour  avertir  encore 
ceux  qui  ne  feraient  pas   capables  de  les  diftinguer. 

Derrière  les  marchands  de  volaille,  font  les  nègres  qui  vendent  le  petit 
mil,  l'herbe  d'Ecoffe  &  l'herbe  de  Guinée  ;  ces  fourages  précieux  dont 
on  fubfbante  les  chevaux  &;  les  vaches  nourricières.,  &  dont  le  produit  cft  Ci 
lucratif. 

,  La  région  Nord  eft  le  partage  de  ceux  qui  expofent  en  vente  les  coquillao-es 
vivans  ,  comme  le  vigneau,  le  foudon ,  la  palourde,  le  burgot ,  le  i3mbi,les^ 
huîtres  attachées  par  bouquets  fur  le  manglier  qui  leur  tient  lieu  de  fol ,  &  les 
poiffons  de  toute  elpéce.  C'eft  là  qu'un  énorme  mulet  ou  qu'un  vorace  brochet 
attire  le  pourvoyeur  de  celui  qui  prépare  un  régal  ;  i'immenfe  vieille  eft  débitée- 
par  "  morceaux  à  ceux  qui  favent  ce  qu'elle  vaut  sîans-  une  étuvée  au  vin  ;  le 
balaou  à  la  marche  rapide ,  le  tazard  k  la  bonite  à  la  chair  ferm.e  &  compafle 
comme  celle  du  thon  ,  la  carangue  graffe ,  le  cayeux  à  Técaille  légère ,  mais 
dangereux  dans  certaines  faifons  de  l'année,  le  barbarin  ou  rouget,  dont  I3 
chair  eft  colorée  par  fa  longue  &  mobile  écaille  ,  le  perroquet ,  le  chirurgien  , 
k  haut-dos ,  la  farde  rouge  fi  eftimée  ,  mais  moins  encore  que  la  farde  grife 
qu'on  voit  près   d'elle ,  l'orfit   à  la  verte   arrête  ,   la   banane   aux   milliers   de 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       44^ 

piquans  ;  tout ,  jufqu'au  quIa-quia  dédaigné  par  le  riche  ,  préfentent  une  nourri- 
ture plus  ou  moins  agréable ,  plus  ou  moins  coûteufe. 

.  Après  eux  viennent  encore  d'autres  habitans  des  plaines  liquides  ;  mais 
imprégnés  d'un  fel  confervateur ,  ils  annoncent  affez  qu'ils  font  étrangers  au 
lieu  où  on  les  voit  :  c'efc  k  morue  verte  ou  falée ,  les  harangs ,  les  maque- 
reaux ;  enfin  l'on  trouve  Là  les  perfonnes  qui  vendent  le  lard  ,  le  faindoux  ,  la 
graiflè  ,  l'huile,  le  Tavon  &  ils  terminent  cette  enceinte  extérieure.  La  place'  en 
renferme  encore    une  autre. 

Les  rues  qui  fc  coupent  réciproquement  au  milieu  de  la  place  ,  font  abfoiu- 
ment  libres  de  tout  étalage  ;  feulement  fur  l'alignement  des  bords  de  ces  rues , 
des  deux  côtés  de  chaque  carré  que  leur  croifcment  forment ,  l'on  trouve  les 
difFérens  grains  ,  comme  les  pois  (  de  vingt  efpéces  )  ,  les  lentilles,  le  maïs 
ïe  pain  de  froment ,  &  cette  foule  d'autres  fubftances  qui  tiennent  lieu  de  pain 
aux  nègres  &  même  à  ^beaucoup  de  créols  ;  c'eft  la  large  &  fragile  calTave , 
provenu  du  vénéneux  manioc,  la  douce  patate  ,  la  farineufe  igname,  le  tayo 
ou  choux  caraïbe,  qu'on  pourrait  prendre  pour  une  efpêce  de  pomme' de  terre 
plus  féche  ,  &  la  banane  ,  cette  muinne  qui  ne  raflafie  jamais.  Là  fe  trouve  aufli 
du  charbon  de  bois. 

-    Enfin  l'intérieur  des  carrés  occupés  par  les  nègres  cultivateurs  des  campagnes 
les  fêtes  &  les  dimanches ,  ou  par  des  rcvendeufes   ou  des  externes  aux  jour^  de 
la   femaine ,  ofirent  le  tableau  confus  &  mobile  d'une  multitude  de  vendeurs  de 
tout   ce  que  la  rerre    coloniale  peut  produire  en  fruits  ,  en  légumes  &  en  une 
infinité' de   choses   dont  la  nomenclature   deviendrait  fatigante.     Ici  la  douce  & 
riche  orange  &   le  citron  plein  d'une  acide  très-developpé  ,  font  mis  en  tas  -, 
là  ,  c'eft  l'ananas  fi  fier  de  fa  couronne  qui  femble  en  faire  le  roi  des  fruits  ;  plus 
loin   on   apperçoit  la   goyave,  la   pomme   canelle  ,  le   coroffol ,  la  papaye     le 
monftrueux    abricot,  l'infiplde  icaque ,  le  petit  azi ,   le  coco,   la  caymite    On 
voit   la   belle   clrouelle  ,    la  prune-  monbin   plus   belle  encore,     l'aouarat   ou 
avocat  à  la  chair  couleur  d'émeraude ,  la  fondante  fapotille  , .  le  petit  raifm  du 
-bord  de  la  mer,  s'offrir  aux  palais  des   créols ,  fuivant  la   faifon.    On   y  trouve 
aufîi  les  cordes,   dont  la  pite  a  fait  tous  les  frais ,  &  le  fruit  du  callebaffi^r  fou- 
différentes  formes  ,  &  quelquefois  travaillé  au  dehors  d'une  manière  ingénieufe 
bu  bifarre. 

A  cette  armée  de  vendeurs  fymétriqùement  difpofée  ,  fe    mêle    la    cohue 

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444      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

te3  achetturs  &  même  des  ûivplcs  troqueurs  ;  car  le  nègre  de  la  campagne 
qu'on  connak  fous  le  nom  de  nègre  de  place ,  échange  les  petits  produits  de  fa 
culture  ou  de  fon  induftrie  ,  contre  ce  que  le  nègre  de  ville  lui  apporte  &:  qu'il 
a  confervé  de  fa  nourriture  citadine  pour  avoir  des  fruits.  On  troque  suffi  dé 
même  des  cannes  à  fucre  dont  les  Créols  font  fi  friands  >  &  dont  ils  ûicent  le 
jus  en  comprimant  de  leurs  dents  cette  canne  qu'ils  ont  d'abord  coupée  de 
manière   que  chaque  nœud  fe  trouve  au  milieu  d'un  petit  cilindre  fucré. 

L'amateur  de  fleurs  peut  aufli  fe  fatisfaire  &  parer  de  leurs  vives  couleurs  la 
belle  qu'il  chérit  &  qui ,  après  avoir  été  fraîche  comme  elles ,  fera  auffi  flétrie 
par  le  tems.  On  y  a  du  raifin  dont  le  grain  d'un  noir  foncé ,  tranche  avec  le 
verd  du  pair.pre  qui  l'accompagne,  ou  bien  c'efl:  du  mufcat,  auffi  délicieux  par 
fa  faveur  que  remarquable  par  fa  groflTcur ,  qui  étale  fa  longue  grappe.  Le  parfum 
delà  truffe  va  frapper  au  loin  le  gourmand,  dont  l'œil  impatient  la  dévore  à 
l'avance.  Enfin  ,  tout  ce  que  l'île  peut  produire  pour  nourrir  fes  habitans  ou 
pour  embaumer  l'air  qu'ils  refpirent ,  eft  fur  le  marché  Clugny ,  excepté  les 
denrées  des  manufaflures  coloniales. 

Nulle  barraque  couverte  n'y  efl  à  demeure ,  &  les  feules  tables  qui  y  relient, 
font  celles  des  bouchers;  le  refi:e  difparaît  chaque  jour,  lorfcu'à  trois  heures 
de  l'après-midi  tout  ell  lavé  8c  nettoyé.  Rien  ne  gêne  les  rues  qui  bordent  la 
place.  La  plupart  font  traverfées  par  des  tentes  qui  fervent  d'abri  aux  m.aifons 
&  qui  doivent  être  à  dix  pieds  de  haut  &  attachées  du  côté  de  la  place  â  des 
poteaux  peints  en  vert  -,  toute  la  police  eft  accompagnée  d'amendes  contre  ceujs 
qui  la  violent ,  &  pour  l'aflurer  ,  outre  l'infpefteur  de  police  &  fa  brigade  ,  il  y 
a  un  fergent  &  quelques  foldats  de  troupes  dans  un  corps- de- garde  placé  au 
Sud-Oueft  de  la  rue  du  Canard,  donnant  fur  la- place. 

Les  arbres  de  cette  place  font  des  figuiers  blancs;  ieur  plantation  a  été 
réparée  en  178  i  par  des  arbres  qu'on  a  pris  chez  divers  habitans,  &  que  des 
nègres  de  la  chaîne  publique  ont  replantés  ;  mais  leur  entretien  ordinaire  a 
toujours  été  à  la  charge  d'une  perfonne  qu'il  difpenfe  du  logement  de  gens  de 
guerre,  de  toutes  corvées  perfonnelles  8s,  du  fervice  des  milices j  c'"efl  maintenant 
M.  Aujar,  charpentier. 

La  place  Clugny  a,  dans:  fon  milieu  ,  une  fontame  compoféc  d'un  pilaftre  en 
forme   de   tombeau ,  &c  d'une   feule   colonne  d'ordre   Ionique   furmontée  d'un 


^  ». 

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■  iM-.nij'  i.minjiyi        ij    im 


■  .1 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      44^5 
Elle  ports  cette  infcription  :  (*) 

Utili'.ati  &  faluti  Civium  , 

Hujus   Colonie  Prsefeftus 

In  fuprema  Burgundi^  cura  Senatof  # 

Hanc  (f  )  fontem 

In  fore  nomino  fuo  infignito , 

Amoris  erga  Colonos 

Pignns  fimul  &  monumentum 

Pofuit.  Anno  Domino  i  -jS^. 

Lorfque  rinfcription  fut  pofée ,  cc-lui  qu'elle  célèbre  n'était  déjà  plus  intendantr 
La  fontaine  porte  fes  armoiries. 

En   fortant  de  la  place  Clugny   &  allant  au   Sud  par  les  trois  rues   qui  j? 
conduifent,  on  trouve  une  autre  place  après  avoir  parcouru  cinq  îlets.  Elle  a 
auffi  la  rue  Royale  vers  Ton  milieu  &  porte^  le  nom  de  place  Royale.  Le  projet 
de  cette  place  exiftait  dés   1746,  mais  on  ne  lui  deftinait  alors  qu'une  partie  de 
fa   furface   afluelle,  qui  était   montueufe  par   le   prolongement  des  pattes  à^x- 
morne ,   qui  de   cette  place   allaient   encore  vers  l'embouchure  de  la  rivière. 
Dans  cette  année  même  ,  on  éleva  un  front  de  fortifications  pour   couvrir  la 
partie  Méridionale  de  la  ville ,  &  il  formait  dans  la  place  une  courtine  qui  venait 
prefqxie  jufqu'à  l'alignement  Sud  de  la  rue  de  Rohan  ;  au  milieu  de  cette  courtine 
était  l'entrée  de  la  ville  en  face  de  la  rue  Royale.    On  avait  détruit  cette  partie 
du  retranchement,  mais  M.  d'Ennery  le  fit  rétablir   en  1775,  en  le  reculant 
cependant  d'environ  10  toifes  dans  le  Sud.  Ce  fut  alors  qu'on  conftruifit  le  petit 
corps-de-garde  qu'on  voit  encore  fur  cette  place  &  qui  bordait  le  côté  Eft  de 
l'entrée  de  la  ville  ,  pratiquée  dans  ce  retranchement,,  auquel  le  corps-de-garde 
touchait  intérieurement. 

En  1780,  MM.  de  Reynaud  &  le  Brafleur ,  d'après  une  décifion  d^tîn  cônfeiF 
de   guerre,   firent  abattre  ce  retranchement  de   nouveau,  &  alors   on  fixa  les' 


(*)  On  avait  propofé  la  fuivante  : 

Incertos  hue  ufque  aditus  ignota  fubivît 

Fceçundo,  quse  nunc  exilit  unda  ,  finu. 

¥os  haurite ,  Cives  !  haec  divi  munera  Civis  % 

Tanti  fit  dignum  pignus  amoris-,  Amûr. 


\% 


11 


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kJ^6      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

dircenfions  delà  place,  qui  font  exa6lcment  les  mêmes  que  celles  de  la  place 
Clugny,  c'efl-à-dire  ,  52  toifes  en  carré  en  y  comprenant  les  rues  qui  y  paffent  ; 
le  corps-de  garde  fe  trouve  prefqu'au  milieu. 

A  la  même  époque  on  s'occupa  de  Tembellifiement  de  la  place,  &  l'on  propofa 
des  portes  triom.phales  pour  décorer  fon  côté  Sud  &  la  façade  tournée  vers  la  cam- 
pagne. M.  Rabié  en  fit  les  projets  ;"  il  devait. y  avoir  deux  portes  femblables  , 
l'une  en  face  de  la  rue  Vaudreuil ,  l'autre  en  face  de  la  rue  Saint- Louis.  Chacune 
aurait  eu  50  pieds  de  face  &  autant  de  haut.  Quatre  colonnes  d'ordre  Dorique 
foutenant  l'édifice  Se  ayant  c6  pouces  de  faillie  ,  laiffaient  pafîage  entr'elles  aune 
porte  de  treize  pieds  de  largeur  8c  vingt-fept  de  hauteur,  pratiquée  au  mdlieu  avec 
impofte,  archivolte  &  clef,  &  à  deux  portes  latérales ,  non-ceintrées ,  de  fix  pieds 
4e  large  fur  treize  de  haut.  Au-deffus  delà  corniche  de  l'entablement  était  un 
attlque  droit ,  où  quatre  pilaftres  correipondans  aux  quatre  colonnes  ,  portaient 
des  attributs  militaires.  Une  troifièmie  porte  devait  être  en  face  de  la  rue  Rovale. 
Elle  différait  des  deux  autres  en  ce  que  le  deiTus  de  fes  deux  portes  latérales, 
portât  un  méiaiilon  elliptique  couronné  par  une  guirlande  de  feuilles  de  chêne; 
l'entablement  était  alternativement  canelé  &  décoré  d'attributs  militaires  fculptés  ; 
fa  corniche  était  terminée  par  un  fronton  triangulaire,  offrant  dans  fon  tympan  les 
armes  de  France  fculptées  ,  &  les  deux  acrotères  placés  aux  extrémités. du  fronton, 
portaient  aufTi  des  trophées  guerriers.  Des  ordre?  étaient  déjà  donnés  pour  que 
les  nègres  ouvriers  du  roi  au  Môle  ,  y  préparaffent  les  pierres  de  taille  nécefTaires 
à  la  conftruction  de  ces  portes. 

Indépendamment  de  ce  genre  de  décoradon,  les  Adminiflrateurs  en  adoptèrent 
un  autre  ,  h  8  Novem.bre  17S0,  qui  confiftait  à  conftruire  des  maifons  régulières 
fur  les  quatre  laces  de  la  place  &  dans  toute  la  partie  du  terrain  qui  s'étendait 
depuis  rOuefl  de  la  rue  Efpagnole  ,  jufqu'au  bord  de  la  rivière. 

Pour  aiTurer  l'exécution  de  ce  delTein  ,  ils  concédèrent  à  M.  Artau,  entrepre- 
neur, tout  le  terrain  non  bâti  qui  fe  trouvait  dans  la  place,  avec  l'oblioadon 
comme  il  l'offrait  lui  -  même ,  d'y  faire  ces  embellilTemens.  Toutes  les  façades 
devaient  être  à  double  étage  &  régner  fur  les  quatre  côtés  des  îlets.  Un  avant- 
corps  avec  des  pilaftres  en  aurait  occupé  le  tiers  ,  &  leurs  extrémités  auraient  eu 
auîTi  des  pilaftres.  Onze  ouvertures  garniffaient  chaque  étage  des  îlets  du  côté  de 
la  plaine- .  Deux  corps-de-logis  fymétriques  ,  dccoraiehfen  outre  la  rue  du  Pont 
l'un  entre  la  rue  Dauphine  &  la  rue  d'Anjou  ,  &  l'autre  allant  de  la  rue  Efpagncle 


i 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       447 

dans  l'Oueft  j  ils  avaient  230  pieds  de  long  &  dix-neyf  ouvertures  à  chaque  étage. 
Ces  deux  bâtimens  &  les  deux  qui  étaient  entre  la  rue  Vaudreuil  &  la  rue  Saint- 
Louis,  avaient  de  plus  des   frontDns    triangulaires  au-defîlis  de  l'avant-corps. 

Il  faut  avouer  que  fi  ce  plan  s'était  réalifé,  cet  abord  de  la  ville  eût  été  mao-ni- 
fique,  &  que  le  voyageur  qui,  après  en  avoir  été  frappé  au-dehors  ,  ferait  entré 
par  la  porte  de  la  rue  Royale  &  qui  aurait  trouvé  cette  place  avec  la  même  arclii- 
tedure,(parce  qu'aux  différentes  époques  des  reconftruftions  des  maifons  aduelles, 
les  propriétaires  y  auraient  été  affujettis  ) ,  n'aurait  pu  fe  défendre  d'un  mouvement 
d'admiration.  Mais  la  concefTion  faite  à  M.  Àrtau  a  été  attaquée  par  les  proprié- 
taires anciens  du  local ,  &  au  lieu  d'édifices  il  n'y  a  que  des  murs  d'enceinte  qui  in- 
diquent les  nouveaux  îlets  ,  en  attendant  que  le  jugement  du  procès  montre  leurs 
véritables  maîtres.  OnalaifTé  aux  trois  bouts  des  rues  qui  conduifent  de  la  campa- 
gne dans  la  place  Royale ,  40  pieds  de  large  ,  au  lieu  de  24  qu'ont  ces  rues  aprè* 
la  place  ,  en  allant  au  Nord. 

La  maifon  qui  donne  fur  le  côté  Septentrional  de  la  place,  entre  les  rues 
Royale  &  Saint-Louis,  a  été,  en  1779,  la  cazerne  des  Chaffcurs-volontaires  de 
,  couleur,  &  tout  l'îlet  qui  eft  entre  la  place  ,1a  rue  Efpaghole  ,  les  rues  Saint- 
Nicolas  &  de  Rohan  ,  a  fervi  de  logement  pendant  la  guerre  de  1778  ,  aux  efca- 
drons  de  Dragons  des  régimens  de  Condé  &  de  Belzunce.  Ils  étaient  même 
chargés  du  corps-de-garde  de  la  rue  Royale  ,  qui  était  dans  leur  voifmage.. 

Au  commencement  de  1789,  l'on  a  élevé  au  milieu  de  la  place  Royale ,, 
une  fontaine  à  quatre  faces,  avec  des  piiafttres  Ioniques  aux  angles.  L'entablement 
qui  unit  deux  colonnes  à  chaque  face  ,  porte  une  urne  fcuîptée  &  décorée  ,  pofée 
fur  un  petit  dez  ;  une  ouverture  circulaire,  ornée  d'un  nœud  &;  placée  dans  le 
focle  de  la  fontaine  ,  laifle  paflfer  l'eau  à.  chaque  face.  Au-deffus  de  l'ouverture  & 
au-deflbus  de  l'entablement,  font  les  armes  de  la  France  ;  à  l'Ell,  celles  de  la  ville 
qui,  cette  fois,  repréfentent l'extrémité  d'une  terre  d'où  un  vaifleau  paraît  partir j, 
au  Sud,  les  armes  de  M,,  du  Chillau ,  alors  gouverneur -général]  à  l'Oueft 
l'écufîbn  de  M.  de  Marbois ,  intendant. 

Telle  eft  l'exiftence  d'une  portion  de  la  ville  du  Cap,  qui  a  été  créée  prefque  en 
entier  depuis  cinquante  ans.  Le  voifmage  de  la  place  Clugny  &  de  la  Petite- Guinée, 
le  rend  extrêmement  peuplé  ,&  à  cet  égard  il  l'emporte  beaucoup  fur  la  qua- 
trième fedion  ,  fi  celle-ci  a  l'avantage  quant  aux  établifîemens  publics.  Les  loyers^ 
font  extrêmement  chers  fur  la  place  Clugny  &  dans   les  environs,  &  dvwant  la 


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448       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

guerre  de  1778  ,  il  y  a  eu  des  maifons  dont  le  revenu  a  égalé  la  valeur,  en  trois 
ou  quatre  ans. 


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SEPTiÈiME    Section. 


1' 

EN  17405  il  n'en  exiflait  qu'un  fixième  à-peu-près  ,  vers  îe  Septentrion,  Se  îe 
refte  était  alors  l'afile  des  crabes  &  des  infeftes  qui  fe  décompofant  dans  l'eau  crcu- 
piffante  d'un  marais  ,  rendait  le  Cap  un  féjour  mal-fain.  Cette  Section  eft  devenue 
propre  aux  hommes ,  de  la  même  manière  que  la  fixième ,  &  c'eft  une  des 
éternelles  acVions  de  grâces  qu'on  doit  à  Larnage  &  à  Maillart. 

Cette  Seflion  a ,  dans  l'Eft  ,  la  mer  depuis  la  rue  du  Pont  jufqu'en  face  de  la 
place  Le  Braffeur ,  &  enfuite  la  rue  du  Gouvernement  jufqu'à  la  rencontre  de  celle 
du  Cimetière  ;  au  Nord  ,  elle  a  cette  rue  du  Cimetière  dans  toute  la  largeur  de  la 
iêconde  Sedion  ;  à  l'Oueft  ,  la  rue  d'Anjou  &  la  fixième  Seftion  ;  &  au  Sud  ,  la 
rue  du  Pont,  limite  de  la  ville  dans  cette  partie.  A  l'Orient  fa  figure  eft  un  peu 
irrégulière  ,   parce  que  le  Cap  fe  rétrécit  en  allant  du  Nord  au  Sud. 

Cette  Scftion  a  une  autre  irrégularité  par  rapport  à  fes  rues  ,  en  ce  que  la  rue 
Fermée  ,  au  lieu  de  fe  diriger  parallèlement  aux  autres ,  qui  vont  du  Nord  au  Sud, 
gagne  le  Sud-Oueft,  comme  je  l'ai  dit,  &fe  termine  à  la  rue  du  Hafardj  de  fort-e 
qu'à  partir  de  celle-ci  jufqu'au  bout  Sud  de  la  ville,les  îlets  ont  une  double  étendue 
de  l'Eft  à  l'Oueft  &  vont  de  la  rue  Dauphine  à  la  rue  d'Anjou.  J'ai  fait  connaître  , 
en  décrivant  les  autres  Seclions ,  les  rues  de  celle-ci  j  elle  n'a  de  particulier  q*ue  la 
rue  Dauphine  ,  beaucoup  plus  connue  fous  le  nom  vulgaire  de  rue  du  Bac. 

L'îlet  qui  donne  dans  l'Oueft  de  la  rue  Dauphine  &  qui  eft  entre  les  rues  du 
Chantier  &  des  Trois  Vifages,  eft  le  logement  ou  la  cazerne  de  la  Maréchaufîee  , 
compofée  d'un  prévôt  particulier  ,  un  exempt ,  trois  brigadiers  &  quinze  archers. 
Difons  un  mot  de  ce  qui  concerne  cette  Maréchaufîee. 

Ce  fut  le  16  Mars  1705,  que  le  Confeil  de  Léogane ,  après  avoir  pris 
l'avis  des  principaux  habitans ,  ordonna  l'entretien  de  36  hommes  dans  chaque 
quarder  de  Léogane  ,  du  Petit  -  Goave  &  du  Cul  -  de  -  Sac  ,  qui  auraient 
300  livres  par  an  ,  pour  rechercher  les  nègres  fugitifs ,  indépendamment  de 
la  rétribudon  qui  leur  ferait  payée  pour  chaque  capture;  &:  impofa  chaque  tête 
d'efçkve  ,  depuis  quatorzs  ans  jufqu'à  foixante ,  pour  acquitter  cette  dépenfe. 

Le 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      449 

Le  Confeil  du  Cap  fit,  le  4  Juillet   1707,  les  m^mes   dirpofitlons   pour  fon 

On  eut  beaucoup  de  peine  à  trouver  des  hommes  pour  former  ce  corps  ,  &  l'on 

recourut  aux  afFranchis  qui  le  composèrent  prefqu'en  entier  ,   on  y  vit  même  des 

efdaves  affida    Le  13  Avril  1 7 1 8  ,  le  gouverneur-général  appela  prévôt  &  grand 

prevot  le  chef  de  cette  troupe  ,  archers  ceux  qui  la  compofaient  ,  &  fit  pour  les 

captures  un  nouveau   tarif,  auquel  le  Confeil  du  Cap  ajouta  le  5    Décembre 

fuivant.  Enfin  le  27  Mars  z72r ,  une  ordonnance  des  A  iminidrateurs  créa,  pour 

la  Partie  du  Nord ,   une  compagnie  de  maréchauéffe  ,   cornp.,^e  d'un  prévôt- 

cap.tame      un  lieutenant ,  un  enfeigne  ou  exempt ,  fix  brigadiers  &  ^ïLtc-6:, 

archers.  Les   officiers  formaient  une  juftice  pré.ôtale  que  iuivaic  un  exécuteur. 

Cette  marechauffee  ,  chargée  d'arrêter  les  nègres  fugitifs  &  l.s  foidats  dé.ertcurs  , 

faifait  fon   fervice  ,  à  pied   &  à  cheval.   Elle  fut  confirmée  au  mois  de    Tuillet 

fmvant;  les  brigadiers   furent  cependant  réduits   à   quatre  ,   &    ks   .rcaers   à 

quarante-trois. 

Mais  cette  inftkuùon  avait  difparu  fucceffivement  &  les  défordres  des  i-ê^res 
marons  étant  devenus  allarmans  ,  les  Adminiftrateurs  créèrent  une  nouvdle 
maréchaulfee  ,  le  20  Janvier  1733  ,  pour  toute  la  Colonie.  Cette  fois  là  on  établit 
dans  le  reffort  de  chaque  Confeil,  un  grand  prévôt  &  deux  lieutenans  de  prévôt  - 
on  mit  quatre  exempts  &  cinquante-deux  archers  pour  celui  du  Petit-Goave  trois' 
exempts  &  trente-trois  archers  pour  celui  du  Cap.  Tous  ces  archers  étaient  pris 
parmi  les  gens  de  couleur  libres  ;  mais  dès  1734,  on  permit  de  recevoir  des 
efclaves ,  à  qui  ce  fervice  faifait  acquérir  la  liberté.  Au  mois  de  Janvier  17,0 
le  Confeil  de  Léogane  organifa  plus  particulièrement  la  maréchauffée  de  fon 
reffort.  Celui  du  Cap  adopta  le  même  régime  ,  &  l'on  voit  dans  fon  règlement  du 
6  Août  1739,  que  la  Sénéchauffée  du  Cap  avait  un  prévôt,  deux  exempts, 
quatre  brigadiers  &  vingt-quatre  archers. 

La  maréchauffée  a  eu  une  exillence  certaine  ,  par  un  règlement  du  roi  du  ,j 
Jmllet  1743  ,  &  ce  font  fes  difpofitions  qui  la  dirigent.  Le  prévôt-général  n'a 
point  d  appointemens,  &  quoique  le  règlement  ne  s'explique  pas  fur  fes  droits 
honorifiques  ,  mais  réferve  feulement  de  les  fixer  ,  on  l'a  affimilé,  dans  l'ufage 
a  un  major  de  milices  &  l'on  ne  pouvait  guères  fkire  moins.  Il  eft  l'infpedeur  de 
toute  la  maréchauffée  du  Confeil  pour  le  reffort  duquel  il  eft  nommé  -,  il  fait  des 
tournées,  vérifie  comment  k  fervice  eft  rempli  &  envoyé  fes  comptes  aux  deuK 

Tome    I,  r    j  1 

JL  1  1 


VI 


i 


450      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Adminiftraceurs  ,  mais  il  ne  donne  pas  d'ordre  immédiat  à  la  troupe.  Il  eft  reçu 
au  Conleii  fur  une  commiîTion  des  Adminiftrateurs  ou  un  brevet  du  roi,  &^y 
prête  ferment.  Les  prévôts  &  exempts  font  reçus  de  même.  Les  premiers  ont 
le  rang  de  lieutenans  de  milice  &  ,  dans  le  refîbrt  du  Confeil  du  Cap,  2,000  livres 
d'appointemens  par  an  ,  &  les  exempts  y  le  rang  d'enfeigne  avec  1,200  livres. 
Les  brigadiers  &  les  archers  prêtent  leur  ferment  entre  les  mains  du  juge  de  la 
Sénéchaullée  de  leur  réfidence  ;  les  uns  ont  900  liv.  ,  les  autres  600  liv.  annuel- 
lement ,  Se  tous  l'exemption  de  droits  pour  quatre  efclaves  &  celle  de  tutelle  & 
curatelle.  Il  eft  perm.is  de  prendre  des  furnuméraires  non-payés  ,  mais  dans  la 
Partie  du  Nord  on  n'en  trouve  pas.  Les  captures  font  payées  ,  à  part ,  à  la 
maréchaufîee  ,  ainîî  que  la  conduite  des  criminels. 

Le  commandant  du  chef- lieu  de  l'endroit  où  eft  la  maj-échaufîee  ,  doit  la  palier 
en  revue  tous  les  fix  mois  ,  &  le  prévôt  particulier,  tous  les  mois.  C'eft  fur  les 
certificats  de  ces  revues ,  qu'elle  reçoit  fes  appointemens  du  receveur  des  droits  de 
maréchauiïee  ,  en  vertu  d'une  ordonnance  d'un  confciller-commiffaire  du  Confeil 
nommé  par  ce  tribunal.  Les  appointemens  ne  peuvent  être  faifis  que  par  ceux  qui 
ont  fourni  la  nourriture  ou  l'équipage. 

Il  y  a  eu  de  longs  &  vifs  démêlés  entre  les  officiers  de  juftice  &  les  officiers 
militaires  fur  l'emploi  de  la  maréchaufîce  ;  une  déclaration  du  roi  ,  du  6  Décem- 
bre 1 753  ,  a  ftatué  que  hors  le  fervice  des  villes  &  de  leur  banlieue  ,  les  magiftrats 
ne  difpoferaient  pas  de  la  maréchauffée  ,  qu'en  prévenant  les  commandans 
militaires  ;  mais  au  lieu  d'avoir  fait  celïèr  les  difficultés  ,  cela  n'a  fait  que  les 
accroître.  La  maréchauffée  devenue  militaire,  dès  1743,  l'a  toujours  été  de 
plus  en  plus  ,  par  le  fait ,  attendu  que  cette  exiftence  flatte  plus  fes  officiers.  M. 
de  Beizunce  l'avait  rendue  complettement  militaire  ,  &  lui  avait  défendu  d'obéir  à 
d'autres  ordres  qu'aux  fiens.  M.  d'Eftaing  l'avait  fupprimée  &,  remplacée  par  des 
hommes  de  fa  légion  qui  devenait  maréchauffée  dans  i'occafion  ;  mais  le  règle- 
ment de  1743   &  la  déclaration  de   1753  ont  repris  leur  empire. 

Le  fervice  dont  la  maréchauffée  eft  tenue ,  confifte  à  arrêter  les  foldats 
déferteurs  ,  les  efclaves  fugitifs  &  les  criminels  -,  à  conduire  ces  derniers  aux 
exécutions  à  mort  &  à  faire  la  garde  du  Confeil  fupérieur  ,  lorfqu'il  eft  affemblé 
où  lorfqu'il  marche  en  corps  ^  on  l'employé  auffi  pour  la  main-forte  ,  lorfqu'elle 
eft  néceffaire  aux  décifions  des  tribunaux  ,  &  à  ce  qu'on  appelle  établiffemene 
de  garnifon  ,  pour  faire  payer  les  contributions  publiques  ou  les  dettes  de 
cargaifon. 


I 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       451 

Cette  troupe  eft  ,  dans  la  Partie  du  Nord ,  exaétement  habillée ,  armée  & 
équipée  comme  la  maréchaufîee  de  France.  Depuis  le  mois  d'Octobre  1721  ,  les 
archers  portent  une  bandoulière  qui  était ,  dans  l'origine  ,  bleue  parfemée  de 
fleurs-de-lys  jaunes,  mais  que  dans  la  Partie  du  Nord,  on  a  changé  depuis 
îong-tems  pour  la  bandoulière  de  la  maréchaufîee  de  la  métropole.  Dans  toute 
cette  partie,  la  maréchauffée  eft  cafernée  dans  des  logemens  qui  ont  été  achetés 
ou  bâtis  des  fonds  de  la  caifie  municipale ,  où  l'on  verfe  ,  chaque  année ,  le  mon- 
tant d'une  impcficion  par  tête  de  nègre. 

La  maréchaufîee  eft  ,  en  général ,  très-bien  montée  &  équipée  dans  toute  h 
Colonie  ,  &  l'on  n'en  doit  pas  être  furpris  quand  on  fait  qu'elle  eft  compofée  de 
gens  de  couleur.  II  eft  fâcheux  de  ne  pouvoir  pas  louer  de  même  fon  amour 
pour  fes  devoirs.  Comns  elle  a  un  droit  par  capture  de  nègres  fugicifs  , 
&  qu'on  ne  peut  regarder  comme  tels  ,  que  ceux  qu'on  trouve  hors  de  l'habita- 
tion de  leurs  maîtres ,  fans  billet  figné  de  lui ,  qui  les  nomme  &  qui  défigne  le 
lieu  où  ils  vont ,  les  archers  de  maréchaufîee  fe  mettent  à  la  pifte  ,  furtout  les 
dimanches  &  les  fêtes ,  aux  abords  de  la  ville  ,  &  fe  cachent  même  ,  s'ils  le 
peuvent ,  pour  fc  montrer  tout-à-coup.  On  en  a  vu  qui ,  fous  le  prétexte 
d'examiner  ces  billets  ,  les  déchiraient  &  cette  infidélité  cupide  leur  vaut  fix  liv. 
par  nègre  arrêté.  Si  la  date  exprime  le  jour  &  le  quantième  ,  &  que  ces  deux 
chofesne  cadrent  pas  enfemble,  ils  tournent  contre  le  maître  une  loi  qui  n'ell 
qu'en  la  faveur.  Ils  exigent  toujours  à  vil  prix,  &  prennent  fouvent  de  force  ce 
qui  leur  convient  des  modiques  objets  de  la  vente  defquels  le  nègre  attend  fa 
fiibfiftance.  Il  n'exifte  de  moyen  de  remédier  à  ce  défordre ,  que  le  choix  des 
archers  de  police  ,  dont  l'on  s'occupe  peu ,  &  le  châtiment  févère  de  leurs  préva- 
rications. Mais  ils  fcmblent  trouver  de  la  proteétion  ,  parce  que  ce  font  les 
tribunaux  qui  puniflcnt  &  que  leurs  chefs  fe  croycnt  militaires. 

La  moitié  Orientale  des  trois  îlets  qui  fuivent  celui  de  la  Maréchaufîee  en  allant 
dans  le  Sud  ,  &  les  trois  îlets  entiers  en  face  de  cette  moitié  &  qui  bordent 
l'autre  côté  de  la  rue  Dauphine,  ont  été,  depuis  le  commencement  de  1776  juf- 
qu'en  1782,  réunis  par  une  clôture  de  maçonnerie  fermant  les  rues  qui  les 
réparent  &  fervant  de  cazernes  d'abord,  au  quatrième  bataillon  du  régiment 
de  Béarn  ,  puis  à  ce  bataillon  &  à  celui  qui  vint  le  trouver  en  1777  »  pour  former 
avec  lui ,  le  régiment  d'Agénois.  Ces  cazernes  ont  été  occupées  cnfuite  par  les 
deuxrégimcns  efpagnols  de  Zamora  &  la  Couronne ,  depuis  le  commencemene 

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452      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

de  1782  ,  jufqu'à  leur  embarquement  pour  la  Havane,  au  mois  d'Avril  1783.  On 
a  rétabli  alors  la  communication  de  toutes  les  rues. 

Dans  la  face  Sud  de  la  rue  de  Rohan  ,  qui  eft  à  l'extrémité  de  cette  ancienne 
cazerne  ,  &  dans  l'îlet  entre  la  rue  Dauphine  &  la  rue  d'Anjou  ,  ont  été  long-teriîs 
les  boucheries  du  Cap ,  qui  avaient  fini  par  être  dans  l'enceinte  de  la  ville  ,  quoi- 
qu'elles s'en  trouvafîent  originairement  éloignées.  L'épizootie  de  1772  fit  reffortir 
les  inconveniens  d'avoir  une  tuerie  dans  ce  local  Se  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à 
l'établiffement  de  la  boucherie  aéluelle  en  1777. 

La  boucherie  du  Cap,  d'abord  placée  dans  la  rue  Efpagnole  ,  au  coin  de  celle 
qui  porte  encore  fon  nom ,  fiit  mile  enfuite  dans  la  rue  Sainte-Marie  ,  à  la  hauteur 
de  la  rue  des  Vierges ,  d'où  elle  fi.it  transférée  au  bout  Nord-Oueft  de  la  rue 
Dauphine  &  de  celle  Taranne  ,  où  la  ville  fe  terminait  encore  en  1735.  Enfin  la 
boucherie  alla  dans  la  rue  de  Rohan,  comme  je  viens  de  l'indiquer. 

Le  local  de  l'ancienne  boucherie  a  fervi ,  en  1779 ,  de  cazernes  aux  Chaffeurs- 
Royaux,  &  dans  le  moment  de  prefîe  ,  produit  en  1782,  par  l'armée  de  M.  de 
Graffe,  qui  augmentait  de  beaucoup  les  malades  d'une  nombreufe  garnifon , 
on  en  fit  un  hôpital,  où  il  s'eft  trouvé  jufqu'à  500  perfonnes. 

Cet  îiet  de  la  boucherie  en  a  un  autre  plus  à  l'Eft ,  &  qui  eft  le  dernier  au  bord 
de  la  mer.  C'eft  prefque  à  l'extrémité  Nord  de  ce  dernier  îlet ,  qu'eft  l'embou- 
chure de  la  rivière  du  Haut  -  du  -  Cap  &  à  cette  embouchure  eft  placé  le 
bac. 

On  fait  que  jufqu'en  1742  ,  il  n'y  avait  d'autre  chemin  pour  arriver  à  la  ville  , 
que  celui  du  Haut-du-Cap.  On  avait  fouvent  penfé  à  établir  une  communication 
avec  le  bourg  de  l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  ,  telle  qu'elle  fubfifte  à  préfent, 
&  dès  le  10  Juillet  1708  ,  M.  Barrère  propofait  au  Miniftre  ,  qui  l'approuva  le  8 
Odobre  ,  d'avoir  un  pont  fur  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut-du-Cap  j  cepen- 
dant Larnage  &  Maillait  étaient  encore  réduits  à  le    folliciter  le   28  Septembre 

1739- 

Ces  Adminiftrateurs  prirent  alors  une  autre  mefure  ,  ce  fut  d'y  placer  un  bac. 
Ils  en  ordonnèrent  l'établiffement  le  10  Septembre  1742.  L'homme  qui  à  cette 
époque  marquait  le  plus  de  zèle  &  d'intelligence  pour  les  chofes  de  ce  genre  ,  & 
qui  avait  déjà  la  ferme  du  paffage  de  l'embarcadère  de  la  Petie-Anfe  &  de  celui 
de  Limonade  ,  ayant  offert  de  s'en  charger ,  on  réunit  le  bac  à  la  ferme  pour  cinq 
ans  i  sur  le  pied  de  10,500  livres  par  année  y  dont  la  dernière  lui  fut  donnée  gratis. 


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FRANÇAISE   DE    SAÎNt-DOMINGUE.      455 

pourksfraisdel'établîffement,  qu'il  s'obligea  d'efFeftuer  en  1743.  Le  péage  fut 
fixé  par  les  Adminiftrateurs,  d'après  un  tarif  que  M,  le  Normand  de  Mézy ,  or- 
donnateur au  Cap  j  propofa ,  &  qui  fert  encore  aujourd'hui.  (  *  ) 

Les  mêmes  Adminiftrateurs  ordonnèrent  la  confeaion  du  chemin  le  i"-  Oftobre. 
On  commanda  en  conféquence  la  corvée  des  nègres  des  paroiffes  qui  devaient  fe 
fervir  de  ce  chemin,  &  il  fut  fait.  Qu'on  fe  rappelé  encore  ce  fervice  de  Larna-^e 
&  Maillart  !  "" 

Au  moment  où  le  public  commençait  à  en  jouir ,  un  premier-commis  des  bu- 
reaux de  Verfailles,  qui  vit  cet  établiiïèment  dans  les  comptes  que  les  Adminifcra- 
teurs  en  rendaient,  imagina   qu'il  lui  ferait  fort  doux  de  fe  faire  un   pécule  d'un 
péage ,  que  MM.  Larnage  &  Maillart  deftinaient  à  la  conftruélion  d'un  pont.    Ce 
premier-commis,  qui  ne  promenait  fur  Saint-Domingue  que  des  yeux  de  convoi- 
tife  ,  y  avait  déjà  apperçu  une  proye  dans  la  fucceffion  de  M.   Amat,  ce   Sicilien 
architefte  de  l'églife  de  Limonade  ,  &  dans  celle  de  fa  femme ,  qu'il  s'était  fait 
adjuger  le  15  Février  1744;  mais  il  avait  été  trompé  dans  fon  attente.  Pour  l'en 
dédommager  il  eut ,  le  1 6  Décembre  1 746  ,  un  brevet  de  don  de  ce  péage ,  &  du 
paffage  de  la  Petite- Anfe  ,  pour  vingt  ans  ,  à  compter  du  i^^^-  Juin  1747,  afin  de 
lui  faire  repntir  les  effets  de  lafatisfaclionfinguliere  de  Sa  Majejié,pur  lesfervicesim- 
prtmsquHl  avait  rendus  àf  qu'il  continuaii  de  rendre, pariiculièrement  à  la  Colonie  de 
St-Bomingue.    Cet  abus  de  la  confiance  que  lui  donnait  fa  place  ,  fit  pouffer  un  cri 
d'indignation  lorfque  le  brevet  fut  connu  par  fon  enrégifl rement  au  Confeil  du  Cap, 
le  \"-  Mai  fuivant.    Cette  Cour  envoya  des  repréfentations  ;   on  ne  les  lut  pas.  Les 
habitans  du  Quartier-Morin  &  de  Limonade  ,  qu'on  contraignait  à  entretenir  la 
chauffée  ,  depuis   l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  jufqu'au  bac  ,  demandèrent , 
qu'au  moins  celui  qui  avait  les  bénéfices  eût  les  charges  ;   pour   toute  réponfe  ,  le 
premier  -  commis  fit  fon  frère  intendant  de  la  Colonie  en  1752. 


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(  *  )  II  exige  quinze  fous  d'un  blanc  à  pied  ,  le  double  s'il  eft  à  cheval.  Sept  fous  a  demi  d'un 
nègre  à  pied  .  &  trois  fois  autant  s'il  eft  à  cheval.  Par  voiture  trente  fous  ,  non  compris  les  chevaux 
&  les  perfonnes  ;  un  cheval  quinze  fous  ;  un  bœuf  le  double  ;  un  autre  animal  fept  fous  &  demi.  Un 
cabrouet  à  chevaux  trente  fous  :  un  à  bœuf  le  double  ,  nonjcompris  la  charge  ni  les  animaux;  pour  la 
charge  d'un  cheval  fept  fous  &  demi.  Une  barrique  de  fucre  trente  fous  ;  une  de  vin  vingt- deux  fous 
&  demi  ;  un  quart  ou  tierçon  quinze  fous.  Le  fermier  eft  tenu  de  faire  le  paffage  la  nuit  comme  le 
jour,  excepté  pour  les  cabrouets  à  bœufs,  &  de  décharger  les  eftets  mis  dans  le  bac ,  lorfqu'il  ei£ 
parvenu  à  l'autre  bord. 


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454 


DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 


La  chambre  d'Agriculture  prefque  nalffante,  partagea  les  fentimens  de  la 
Colonie  pour  le  don  du  péage  du  bac,  &  réclamant  pour  elle ,  elle  fit  un  mémoire 
en  1763,  pour  en  demander  la  révocation,  quant  aux  quatre  ans  qu'il  avait 
encore  à  courir ,  ou  du  moins  qu'à  l'expiration  du  don ,  ce  péage  fût  réuni  à  la 
caiffe  de  la  Colonie  ,-  cette  demande  eut  le  fort  dès  autres.  Enfin  au  m.ois  de 
Mars  1764,  l'Affemblée  coloniale  fupprima  toutes  les  fermes  de  paffage ,  & 
condamna  M.  de  Laporteàreftituer  les  droits  de  la  ferme  du  paffage  de  Limonade, 
qu'il  avait  perçus  fur  une  firaple  lettre  du  Miniftre  aux  Adminiftrateurs  ,  du  i"- 
Août  1747,  &  qui  difait  que  ce  paffage  était  auffi  compris  dans  le  don.  Cette 
démarche  a  été  infruftueufe  comme  le  refte.  Le  brevet  de  don  a  eu  tout  fon  effet, 
&  l'on  va  juger  s'il  était  digne  des  fervices  de  Mr.  de  Laporte, 

Il  afferma  en  1747,  les  paffages  compris  dans  le  don,  90,300  livres  pour  trois  ans; 
en  1750,  190,000  liv.  pour  cinq  ans,  &  en  1755  ,  à  rai  l'on  de  40,200  livres  par 
an,  ce  qui  a  duré  douze  ans ,  puifqu'en  1765,  MM.  d'Eftaing  &  Magon  décidè- 
rent que  cette  feule  ferme  ferait  rétablie.  Ainfî  le  premier-commis  récolta  762,000 
livres  qu'ont  payé,  en  majeure  partie  ,  de  malheureux  efclaves,  obligés  de  prendre 
quinze  fous  fur  le  produit  des  chédfs  objets  qu'ils  portent  au  marché,  en  allant  & 
en  revenant  par  le  bac. 

Comme  je  l'ai  dit  ailleurs  ,  on  avait  fenti  que  le  produit  du  bac  était  dic^ne  d'une 
plus  haute  deftinéc  ,  puifque  le  7  Mai  1765  ,  lorfque  le  brevet  de  M.  de  Laporte 
svait  encore  deux  ans  à  courir ,  Sa  Majefté  ,  mettant  en  confidération  les  fervices 
de  feu  M.  le  marquis  de  Clermont-Gallerayide  iâ  les  dépofes  qu'il  avait  été  obligé  de 
faire  four fe  foutenir  avec  décence  dans  les  cctnmandeniens  dont  il  avait  été  chargé ,  ^ 
voulant  le  récor.tpenjer  dans  laperfonne  de  Mme,  la  ducheffe  de  Brancas  ,  fa  fille  ,  Dame 
d'honneur  de  IvL'-^e-  la  Dauphine ,  ê?  l'aider  à  fe  foutenir  dans  cette  place ,  lui  fit 
don  ,  pour  30  ans  ,  du  péage  du  bac  du  Cap ,  à  compter  du  i"-  Janvier  1767. 
Ce  brevet  contenait  la  condidon  qu'il  ne  ferait  rien  exigé  pour  le  paffage  des  trou- 
pes &  de  leurs  bagages ,  &  que  l'on  n'unirait  aucun  autre  paffage  à  celui-là. 

Le  confeil  du  Cap  furfit  deux  fois  à  l'enrégiftremient  de  ce  brevet  en  1766  & 
en  1771.  Le  20  Septem.bre  1769,  une  ordonnance  du  roi,  fur  l'impofidon , 
déclara  que  le  produit  des  bacs  ne  faifait  point  partie  de  l'oftroi,  &  le  22  Novem- 
bre 177 1  j  un  nouveau  brevet,  fondé  fur  ce  que  le  bac  produit  plus  de  24,000  liv. 
argent  de  France  ,  que  le  roi  avait  compté  donner  par  an  à  M™^-  de  Brancas  ,  & 
fur  ce  que  l'on  projettait  un  pont  qui  ferait  fupprimer  le  bac,  lui  accorde  24,000  liv.  - 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      451 

argent  de  France  fur  l'oftroi ,  pendant  trente  ans ,  à  compter  du  i^^-  Janvier  1767. 
De  cette  manière  le  produit  du  péage  n'eut  pas  plqs  qu'autrefois  fa  deftination 
primitive  ,  Se  la  Colonie  s'eft  trouvée  grevée  d'une  penfion  pour  laquelle  ,  il  faut 
convenir,  que  les  droits  de  M"^-  de  Brancas  ne  font  pas  faciles  à  appercevoir,  puif- 
que  la  Colonie  n'a  furement  pas  profité  de  la  décence  avec  laquelle  M.  de 
Clermont-Gallerande  s'était  foutenu  dans  fes  commandemens. 

Les  deux  Confeils  de  la  Colonie  ,  forcés  d'enrégiftrer  ce  don,  ont  dreffé  des 
remontrances  qui  n'ont  fervi  qu'à  prouver  qu'ils  ont  fait  leur  devoir ,  en  récla- 
mant contre  la  faveur  cupide  qui,  pour  envahir,  irait  jufqu'aux  extrémités  du 
Monde. 

Des  ordonnances  du  roi  rendues  en  1766  ayant  décidé  que  la  police  des  bacs 
était  de  la  compétence  des  Adminiftrateurs ,  &  celle  de  1769  faifant  de  leur 
produit  un  droit  domanial,  c'eft  l'intendant  ou  l'ordonnateur  du  Cap  qui  afferme 
le  bac  à  une  enchère  publique.  Le  Confeil  fupérieur  qui  l'avait  fait  depuis  1767 
jufqu'en  1771,  avait,  par  un  arrêt  du  8  Décembre  1766,  impofé  les  mêmes 
obligations  au  fermier  que  celles  de  l'ordonnance  de  MM.  Larnage  &  Mailiart 
en  1742,  &  déplus,  de  laifTer  pafler  gratis  tous  les  officiers  &  foîdats  avec 
kurs  bagages ,  les  membres  du  Confeil  &  ceux  de  la  Sénéchauffée ,  leurs  domef- 
tiques  &  leurs  chevaux  ,  les  officiers  miniftériels  de  la  jufttce  en  fondrions  pour 
le  fervice  public  ,  &  enfin  les  nègres  des  travaux  publics.  Dans  cet  intervalle , 
le  produit  du  bac  fut  mis  dans  la  caifle  municipale  ,  d'où  le  roi  ordonna  en  1772 
de  le  verfer  dans  celle  de  la  Colonie.  M.  Proft  de  Lary ,  ordonnateur ,  qui 
fit  la  carte  bannie  en  1774,  y  laiffa  l'exemption  du  Confeil  &  de  la  Sénéchauffée. 
Mais  M.  Caignet  fon  fucceflêur  mit  dans  celle  du  ler.  Novembre  1777, 
qu'elle  n'aurait  lieu  qu'autant  que  les  Confeillers  feraient  préfens  lors  du  paffao-e 
de  leurs  voitures  &  de  leurs  chevaux.  Il  y  eut  des  débats  à  ce  fujet ,  Se  deux 
lettres  du  miniftre ,  du  29  Avril  1779  &  du  1,7  Février  1781 ,  ont  confirmé  ce 
que  M.  Caignet  avait  fait. 

Le  bac  a  toujours  les  50  pieds  de  long  qu'il  eut  d'abord ,  favoir  30  de  femelle 
&  10  d'élancement  à  chaque  bout,  16  pieds  de  large  &  4  pieds  de  hauteur. 
Il  a  4  nègres  pour  en  faire  le  fervice  Se  pour  larguer  le  cable  lorfquc  quel- 
que embarcation  veut  remonter  ou  defcendre  la  rivière  ;  car  le  fermier  du 
bac  payant  pour  avoir  le  privilège  cxclufif ,  perfonne  ne  peut  faire  traverfer  la 
rivière  en  canot  à  moins  que  ce  ne  foit  des  habitans  riverains  ,  Se  encore  pour 


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456      D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E    L  A    P  A  R  T  I  E 

Tufage  feulement  de  leur  habitation.  Le  privilège  n'eft  pas  toujours  três-ref- 
psdlé,  comme  le  prouvent  des  ordonnances  de  1770,  de  1775  &  une  du  30 
Janvier  178 1  ,  qui  donjient  le  fecret  de  leur  inefficacité. 

Le  bac  n'eft  pas  toujours  auffi  bien  entretenu  qu'il  devrait  l'être ,  &  il  y  a 
même  quelques  années  qu'il  coula  bas  au  milieu  du  pafiage  ,  tan.  il  faifait  d'eau, 
C'eft  cependant  mal  entendre  Ton  intérêt  de  la  part  du  fermier,  parce  qu'une 
négligence  amène  une  grande  réparation,  &  par  conféquent  un  long  délai  pendant 
lequel  il  n'y  a  point  de  péage.  On  n'eft  pas  toujours  non  p.us  jufte  avec  le 
fermier.  Par  exemple  ,  on  a  vu  l'état  du  petit  pont  rouge  du  chemin  de  la 
Petite-Anfe  rendu  cette  route  impraticable  fans  qu'on  lui  ait  tenu  compte  de 
cette  non-jouiffance.  En  1783  ,  les  matelots  d'une  chaloupe  du  roi  trouvant  que 
le  cable  du  bac  n'était  pas  largué  affez  vîce ,  le  coupèrent.  Le  fermier  fut  obligé 
d'en  acheter  un  autre  qu'il  payât  2,400  liv. ,  &  on  ne  lui  accorda  aucun  dédom- 
magement. Quelquefois  auffi  il  a  des  difficultés  pour  fon  payement.  Autrefois 
il  y  avait  un  faélionnaire  au  bout  du  bac,  du  côté  de  la  ville,  qui  faifait  la 
police,  mais  on  l'a  retiré  en  1783. 

Comme  la  rivière  n'a  que  vingt  toifes  à  fon  embouchure ,  la  traverfée  du  bac 
eft  peu  longue.  Néanmoins  dans  la  faifon  des  Nords  la  mer  y  eft  agitée  ,  & 
le  mouvement  du  bac  fuffit  pour  éprouver  les  perfonnes  qui  font  malades  fur 
cet  élément.    On   eft  obligé   quelquefois  d'attendre   affez   long-tems  &   d'une 
manière   pénible  ,  lorfque  dans  les  heures  &  dans  les  jours  de  grande  chaleur, 
on  parvient  à  la  rive  droite  de  la   rivière   au   moment  où  le    bac  vient  d'en 
partir  pour  aller  vers  la  ville,  côté  oij  il  s'arrête  toujours  plus   long-tems  ,  parce 
que  c'eft  celui  oij  l'on  paye.  Placé  fur  une  lange  étroite   dont  le  fable  réverbère 
les  rayons  du  foie  il  &  frappé   des  reflets  qu'ils  produifent  fur  la  furface  de   la 
mer  &  de  la  rivière ,  on  eft  dans  un  état  de  fouffrance  réelle.  On  laifîe  cependant 
quelquefois  durant  même  des   journées  entières  ,  des   chevaux   dételés  auprès 
d'une  chaife  qui  attend  le  retour  d'un  habitant ,   la  venue  d'un  convive  ,  ou  d'un 
homme  d'affaires  ,  ou  enfin  celle  d'une  nymphe  qui  va  auffi  féduire  les  campa- 
gnards. Des  habitans  font  mettre  derrière  la  voiture  du  fourrage  pour  les  animaux 
qui  attendent ,  ou  bien  en  font  acheter  au  Cap  -,  mais  ce  dernier  moyen  peut  être 
traverfé  par  les  combinaifons  du  cocher  ,  qui  croit  fouvent ,  comme  Sganarelle  , 
avoir  mangé  pour  tout  le  monde.  On  demandera  peut-être  pourquoi  quelques 
hangards  ne  font  pas  places  pour  abriter  du  moins  les  animaux  ?  Je  réponds 


"  '**"^' 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      457 

à  cette  queflion,  que  ne  fera  pas  quelqu'un  qui  connaît  la  complète  infouclance 
de  Saint-Domingue  ,  que  M.  Sicard  ,  alors  fermier  .  en  avait  fait  conftruire 
en  1764,  ainfi  qu'un  magafin  pour  cntrepofer  des  effets;  mais  il  exigeait  un 
dédommagement  de  fept  fous  &  demi ,  &  cette  prétention  a  fait  périr  ces 
bâtimens.  Et  puis  l'on  parle  d'épizootie  ,  de  perte  d'animaux  ! 

La  ferme  du  bac  qui  était  de  60,300  liv.  en  1786,  a  été  portée  à  90,000  liv. 
à  la  fin  de  la  même  année,  par  anné.^s  de  paix  ou  de  guerre,  c'efl-à-dire ,  que 
celles-ci  ne  donnent  paï  lieu  à  une  diminution.  En  ajoutant  à  cela  le  déptrifîe- 
mentdubac,  fon  entretien  ,  l'emploi  de  cinq  ou  fijf  efclavcs  ,  le  loyer  d'une 
mai  Ton  pour  loger  le  fermier  &.  fon  monde  ,  les  frais   d'adjudication  ,   on  voie 
qu'il  lui  faut  à-peu-près   100,000  liv.   pour   couvrir  fes  frais;  c'eft  environ  300 
livres  par  jour.   Or  cette  ferme  enrichit  le  fermier ,  dont  le  bail  eft  de  quelques 
années  j  on  peut  donc  croire  que  fon  produit  n'eft  pjs  moindre  que  de  400  liv, 
par  jour.  Mais  ce  produit  pendant  fix  jours  de  la  femaine   n'eft  pas  en  tout  de 
400  liv.  ;  il  faut   donc  que  le  feul  dimanche  produife  2,400  liv. ,   &   l'on  peut 
dire    qu'elles    font    acquittées  par    3,200  efclaves ,    qui    viennent     vendre     au 
marché  du  Cap   &  qui  donnent  chacun   15    fols   pour  l'aller  &  le  revenir;  à 
moins  q'ie,  comme  il  s'en  trouve  quelques-uns  ,  ils  n'ayent  un  maî:re  qui  abonne 
tout  fon   atelier  pour  le   paffige  annuel  au  bac,   en  convenant  d'un  prix  avec 
îe  fermier. 

Q'i'on  jug?  ,  d'après  cela  ,  s'il  ferait  avantageux  pour  ces  malheureux  nè^-res 
qu'il  exifiât  un  ]-ont  au  lieu  d'un  bac  !  Et  ce  pont ,  combien  de  fois  aurait-on  eu 
fa  valeur,  avec  les  1,500,000  liv  que  M.  de  la  Porte  &  M""^-  de  Brancas 
font  venus  dcfjurncr  de  cette  bienfaifante  dcftination  !  On  fait  que  ce  pont  avait 
.été  défiré  &  follicicé  ,  en  î70'3  &  en  1739,  &  j'ofe  dire  que  fi  Larnage  avait 
vé:u,  les  brevets  de  don  n'auraient  jamais  été  follicitcs  ;  on  aurait  redouté  là- 
rigide  vertu. 

•  Au  mois  d'Oflobre  1772  ,  il  s'offrit  un  plan  plus  vafte.  Une  fociéîé  d'entre- 
preneurs ,  à  la  tête  defquels  était  M.  Renaui  ,  offrit  de  faire  fept  ponts  ,  fur  les 
fept  rivières  du  Fort-Dauphin  ,  de  la  Matrie  ,  du  Trou  ,  de  la  Grande  rivière ,  du 
lîaMt  du  Cap  ,  de  la  rivière  Saléi  de  l'Acul ,  &  du  Limbe  ;  à  condition  qu'on  y 
établirait  un  péige  à  leur  profit,  ou  bien  qu'on  leur  en  payerait  la  dé-enfe. 
L'ingénieur  en  chef  l'évalua  à  1,200,000  IIvrs.  Comme  parmi  ces  ponts  qui 
auraient  affuré  ,  dans  toutes  les  faisons ,  la  comnr.inieation  de  toute  la  para:  die 
Tmf     I.  i^  ^-^  na 


458       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Nord  ,  celui  de  la  Grande  rivière  &  celui  de  la  rivière  à  Galifet  au  bac ,  étaient 
évidemment  les  plus  importans  ,  MM.  de  ValUère  &  de  Montarcher  foufcrivirent 
un  marché  pour  ces  denx-là.  Le  prix  devait  en  être  payé  par  tous  les  habitant 
des  Sénéchauffées  du  Cap  &  du  Fort-Dauphin  ,  divifés  en  trois  claffes,  avec  une 
contribution  qui  aurait  été  de  300  livres  pour  les  plus  riches  ,  &  de  24  livres 
pour  ceux  de  la  claiTe  oppofée.  Le  roi  en  fupportait  un  dixième  qui  devait  être 
pris  furie  droit  de  deux  pour  cent  des  adjudications  judiciaires.  Quant  aux  autres 
ponîs  ,  on  voulut  attendre  la  décifion  du  miniftre ,  &  même  fa  détermination', 
avant  de  fixer  la  cotcifation  ,  quoiqu'on  dût  toujours  commencer  les  deux  ponts. 
Le  24  Décembre  1772,  MM.  de  la  Feronnays ,  comiriandant  en  fécond  de  la 
Partie  du  Nord  Si  Malouet,  faifant  fondions  d'ordonnateur,  posèrent  la  première 
pierre  du  pont  dont  M.  de  Boisforeft ,  ingénieur  en  chef  avait  fait  k  plan ,  & 
que  M.  Renaud  devait  exécuter  précilement  au  point  où  eft  le  bac. 

Mais  on  n'avait  pas  calculé  l'influence  de  l'efprit  de  Saint-Domingue.  Au  mois 
de  Septembre  1775  ,  il  n'y  avait  plus  de  fouvenir  ,  ni  du  projet  adopté ,  ni  de  la 
première  pierre  pofée.  M.  d'Ennery  venait  d'arriver,  i!  fentit  aufficôt  l'utilité 
de  deux  ponts  fur  la  rivière  à  Galiffet  &  fur  celle  de  l'Artiboaite ,  &  il  promit  , 
avec  M.  de  Vaivre  ,  fon  collègue  ,  600,000  livres  fur  la  caiffe  des  libertés  pour 
en  affurer  l'exécution.  D'après  cette  offre  ,  MM.  d'Argout  &  Proffc  de  Larry  , 
commafidant  en  fécond  &:  ordonnateur  au  Cap,  convoquèrent  les  habitans  de 
Limonade,  du  Quartier-Morin  Se  de  la  Petite-Anfe ,  le  10  Septembre,  au. 
gouvernement ,  où  il  fut  arrêté  que  le  roi  payerait  la  moitié  de  la  dépenfe  du  pont 
du  bac  &  que  ces  habitans  avec  kfquels  devaient  concourir  les  principaux 
négocians  de  la  ville ,  fupporteraient  l'autre  moitié.  Les  habitans  des  trois- 
paroiffes  nommèrent  MM.  Fournier  de  Varenne  &  Barré  de  Saint- Venant  pour 
leurs  com.miffaires. ,  afin  d'infpefter  Texécution  du  marché  qui  ferait  paffé  avec 
i'entreprcneur,  &  de  procéder  à  la  répartidon  de  la  fomme  votée  au  prorata  du- 
rcvenu  de  chaque  habitation  ,  &:  à  l'iaiérêt  de  chacun  des  propriétaires  à  l'établif- 
fement  du  pont ,   &  M.  Haitze  fut  choiu  pour  receveur  des  foufcriptions.. 

Chaque  habitant  figna  un  état  énonciatif  de  fon  rêverai ,  les  commiffaires  firent 
la  répartition  au  gré  du  gouvernement  Se  des  foufcrîpieurs.  Mais  M.  d'Ennery 
mourut ,  M.  d' Argout  alla  gouverner  la  Martinique  ,  M.  Proil  de  Lary  était  mort 
quelques  jours  après  l'aflemblée  du  10  Sepembre  1775  ,  &  le  projet  n'eut  d'autre 
effet  que  de  montrer  le  patriotifme  des  Colons.  On  prétendit  même  ,  en  1777  ^ 


Française  de  saint-domingue,      459 

que  le  pont  du  bac  n'était  bon  qu'à  donner  le   plaifir  de  traverfer  la  rivière  erit 
voiture  &  que  les  nègres  n'avait  qu'à  pafî'er  par  le  Haut  du  Cap. 

MM.  de  Reynaud  &  Le  Braffeur  ne  partagèrent  pas  cette  dernière  opinion  ,  8c 
Teprenant  le  projet  de  1775  ,  ils  drefbèrent  un  profpeftus  de  la  conftru6lion  du 
pont,  mais  fur  d'autres  principes.  Ils  fentirent  qu'il  était  difficile  d'élever  un  pont 
«de  maçonnerie  qui  ferait  extrêmement  coûteux  &  d'une  pénible  exécution.  Des 
Vues  militaires  influèrent  auffi  fur  le  nouveau  plan  &  le  pont  fut  '^projetté  en  bois 
fur  des  piles  de  maçonnerie.  Les  habitans  des  trois  paroifîès  voifmes  adoptèrent 
encore  ce  prorpe(5lus  ,  avec  le  même  zèle  ,  dans  des  afîemblées  paroiiïîales  du  1 1 , 
du  18  &  du  22  Février  1781.  On  fuivit  dans  la  répartition  de  la  contribution 
Volontaire  ,  le  plan  de  répartition  des  commiflaires  de  la  foufcription  de  1775  ^"^ 
'divifait  les  fucreries  en  quatre  clafles  dont  la  première  payait  1,500  livres  par 
chaque  millier  de  fucre  de  produit  ;  la  féconde  ,  1,000  livres  ;  la  troifième , 
660  livres  Se  la  quatrième  ,  500  livres.  Les  habitans  virent  feulement  avec  peine 
que  leur  fonds  devaient  être  verfés  dans  la  caifîe  des  libertés  ,  au  lieu  d'être  remis 
à  un  caiffier  choifl  parmi  eux.  La  foufcription  s'éleva  à  202,455  livres  ,  exî- 
^gibles  ,  un  tiers  en  commençant  l'ouvrage  ,  un  tiers  à  fa  moitié  &  le  refte  à  fon 
achèvement. 

Ainfi  affurés  des  moyens,  MM.  de  Reynaud  &  Le  Brafleur  rendirent,  le  23 
du  même  mois  de  Février  ,  une  ordonnance  pour  l'édification  du  pont,  en  piles 
de  maçonnerie,  couvertes  de  charpente.  Il  devait  avoir  cent  pieds  de  long  ,  fans 
compter  les  culées  &  les  rampes ,  ni  l'épaifleur  des  piles ,.  qu'on  devait  efpacer 
de  20  pieds  en  20  pieds;  de  forte  que  la  longueur  totale  du  pont ,  d'une  culée  à 
l'autre,  aurairété  de  150  pieds.  La  largeur  était  fixée  à  32  pieds  ,  dont  24  pour 
les  voitures  &  4  de  chaque  côté  pour  procurer  un  trottoir  aux  gens  de  pied  :  le 
milieu  avait  un  pont-levis.  Là  foufcription  produirait  l'effet  d'affranchir  ,  à 
perpétuité  ,  du  droit  de  péage  ,  les  habitans  foufcripteurs  &  tous  les  blancs 
attachés  à  leurs  habitations ,  leurs  chevaux,  leurs  voitures  ,  leurs  effets  &  leurs 
denrées.  Le  commandant,  le  major,  l'aide-major ,  &  le  chirurgien-major  des 
bataillons  de  milices  du  Cap  &  de  Limonade  ,  ainfi  que  le  commandant ,  le  curé, 
l'aide-major,'  le  chirurgien-major  &  les  voyers  principaux  Et  particuliers  des 
paroifîès  du  Morin,  de  Limonade  &  de  la  Petite-Anfe,  étaient  également  difpenfés 
du  péage  ,  ainfi  que  leurs  voitures ,  leurs  chevaux  ,  &  leurs  domeftiques.  Enfin, 
l'exemption  comprenait  tout  individu  ,  non-blanc  ,  quel  qu'il  fût ,  pour  fa  per-* 

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400      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

fonne ,  fauf  à  payer  pour  fes  chevaux ,  fes  denrées ,  fes  voitures  &  Tes  animaux  de 
charge.  Le  droit  de  péage  était  maintenu  pour  tout  autre  ,  afin  d'affurer  l'entre^ 
tien  du  pont. 

L'infatigable  M.  de  Reynaud  preflant  fon  projet,  fit  rafîèmbler  des  matériaux  , 
Ec  un  heureux  hafard  fécondant  fes  deffeins ,  fit  trouver  plufieurs  belles  carrières  , 
dont  on  tira  des  pierres  de  taille  pour  le  pont.  Le  28  Juin  178 1  ,  MM.  de  Reynaud 
&  Le  Braffeur  partirent  du  gouvernement  accompagnés  du  Confeil  fupérieur  ,  de 
l'Ètat-major  j  des  officiers  de  tous  les  corps^de  la  garnifon,  de  la  Sénéchauffée, 
des  repréfentans  des  paroiffes  du  Quartier-Morin  ,  de  Limonade  &  de  la  Petite- 
Anfe  j  des  plus  notables  habitans  de  la  ville  &  de  la  plaine  &  d'un  grand  concours 
de  perfonnes  5  &  précédés  d'une  mufique  militaire,  devancée  elle-même  par  le 
clergé  de  l'églife  du  Cap ,  ils  allèrent  fur  le  bord  Oriental  de  l'embouchure  de  la 
rivière  du  Haut  du  Cap,  où  ,  après  la  bénédiiftion  des  deux  premières  pierres  par 
le  père  Colomban  ,  ils  les  pofèrent  au  bruit  du  canon.  &  des  fanfares  au  point  de 
l'entrée  du  pont ,  vis-à-vis  la  rue  qui  en  a  pris  fon  nom  ,  &  à  la  bafc  de  deux 
piédeftaux.  Peu  après  on  vit  s'élever  ces  deux  piédeftaux  d'ordre  Corinthien  ds 
10  pieds  de  hauteur  ,  labafe  &  la  corniche  comprifes  ,  fur  50  pouces  de  largeur^ 
avec  cette  infcription  fur  celle  du  Nord  ;. 


La  Première  pierre   de 
CE  Pont  a   été  Posée 
Le  28   Juin    1781  ,.  Par  MM.  di 
Reynaud,  Commandant- 
général   ET    LE   Brasseur 

ORD.TEUR  faisant  fonction. 

d'Intendant^ 


Et  celk-ci  fur  le  piédeilaldu  Sud.. 


Monument  de  la  bienfaifance 

des  habitans  du  Morin,  de  Limonade 

&  des  parties  adjacentes  de  la  Petite-AnlCj 

ca  faveur  des  Efclaves  &  Affranchis ,, 

élevé  par  ordre  de  MM,  de 

Reynaud  &  Le  Braffeur. 


FRANÇAISE     DE     S  A  ï  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E       461 

Un  cri  d'alégreiïè  &  ceux  de  la  reconnalflance  fe  mêlèrent  aux  falves  qui  célé- 
braient cette  cérémonie,  tout  à  la  fois  religieufe  &  civique  j  mais  au  moment 
aduel  ces  deux  piédeftaiix  &  les  infcriptions  dont  ils  font  chargés  ,  sttcftent  que 
le  zèle  des  Adminiffrateurs  &  le  civifme  des  Citoyens ,  ne  fuffifent  pas  toujours 
pour  faire  le  bien.  La  fin  de  l'adminiftration  de  M.  de  Reynaud,  arrivée  au  mois 
de  Juillet  1781  ,  a  été  celle  des  efpérances  des  habitans  &  furtout  de  celle  des 
infortunés  efclaves.  En  1786  ,  on  fit  un  nouveau  bail  du  bac  ,  pour  trois  ans,  Ôc 
l'année  dernière  (  1788),  j'ai  vu  les  deux  piédeflaux  dégradés  &  près  de  fe 
renverfer. 

Le  cœur  efh  affligé  de  l'inexécution  de  cet  utile  projet,  &  l'on  ne  pafTe  pas  auprès- 
de  ces  infcriptions  fans  lailTer  échapper  un  reproche  contre  les  Admiinillrateurs  qui 
femblent  avoir  cherché  à  les  rendre  inutiles.  Eft-ce  donc  n'avoir  rien  mérité,  que 
de  s'approprier,  par  l'exécution  ,  une  partie  des  vues  utiles  de  fon  prédécefleur  ? 
CommenÊ,  avec  202,455  livres,  n'a.t-on  pas  fait  faire  un  pont  q'uon  n'évakuit  qu'à 
217,790  liv.  ?  Adminiflrateurs  !.  croyez- vous  hériter  de  la  gloire  que  vous  ravif- 
fez  à  d'autres  ?  ce  calcul  égoîfte  eft  indigne  de  dépofitaires  d'une  grande  autorité  , 
ileftune  forfaiture  réelle,  car  vous  jurez  de  la  faire  fervir,  cette  autorité,  au  bonheur 
de  ceux  qui  vous  obéiffent,  &  qui  ne  doivent  pas  dépendre  de  mutations  conti- 
nuelles. Écartez  ces  haines  jaloufes,  &  affociez  votre  nom  à  celui  de  vos  prédécef- 
feurs,en  fécondant  leurs  vues  bienfaifantes.  Je  dois  donc  louer  ici  MM.  Duchilleau 
&  Marbois,  qui  voulaient  faire  achever  cette  année  le  pont  du  bac,  auquel  les 
remblais  du  bord  de  la  rive  EIl ,  exigent  peut-être  des  changemens  -,  mais  ils  ont 
trouvé  d'autres  obftacles. 

Quand  exiftera-il  ce  pont  ?   Qu'on  me  permette  ici  quelques  réflexions  fur   fa. 
conftruélion ,  qui  a  trouvé  des   contradifteurs  quant  à  la  largeur  réduite   de  la, 
rivière  ,  elles  pourront  éclairer  dans  des  circonilances  femblables. 

La  rivière  du  Haut  du  Cap  ou  de  Galifet,  confidérce  au  point  où  efl  le   bac,, 
cft  plutôt  un  bras  de  mer ,  un  efter ,  qui  pénètre  dans  les  terres,  qu'une  rivière.- 
Les  canots  &  les  chaloupes  y  remontent  jufqu'à  la  pafle  du  Haut-du-Cap,  quoi- 
qu'elle foit  très-vafeufe  depuis  l'embouchure  de  la, rivière  Any ,  &  l'on  aurait  pu 
la  rendre  navigable  beaucoup  plusliaut,,  furtout  aux  bâtimens  à  fond  plat,  fi  ,  pour 
faire  un  gué  aux  voitures.,  on  n'avait  pas  ferré  le  fol  d'une  paffe  au  Haut-du-Cap^. 
au  lieu  de  conftruire  dans  cet  endroit ,    comme  on  l'a  fait  depuis ,  un  pont  qui  ne 
pauvait  pas  être  très-coûteux  j. en  rcferrant  le  lit  de  la  rivière.  Les  habitans  fe.-- 


v: 


462       DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

feraient  épargnés  des  charrois  ,  puifque  des  canots  feraient  venus  plus  loin,  &  dans 
l'obligation  oij  l'on  était  autrefois  d'aller  prendre  de  l'eau  dans  cette  rivière  ,  pour 
les  befoins  de  la  rade  ,  on  l'aurait  eue  plus  pure  &  fans  mélange  d'eau  faiée  :  pre- 
mière  faute. 

Dans  tous  les  projets  de  pont  à  la  place  du  bac  ,  on  a  toujours  fait  fonner.haut 
la  néceffité  d'une  grande  dépenfe.  Un  citoyen  obfervateur  qui  croit  que  c'efl  une 
féconde  faute  &  qu'il  eft  très-facile  d'en  élever  un  de  maçonnerie  à  peu  de 
frais  ,  propofe  ce  moyen  facile  ,  qui  eft  de  réduire  la  largeur  de  la  rivière  à  60 
&  même  40  pieds ,  au  lieu  de  200  qu'elle  a  à  préfent.  Cette  propofition  qui  a 
l'air  d'un  paradoxe  ,  eft  cependant  fufceptible  de  démonftration.  En  voyant  une 
nappe  d'eau  immenfe  à  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  ,  on  conclue 
que  c'eft  une  rivière  confidérable ,  &  dans  le  fait  ce  n'eft  qu'un  faible  ruifîeau 
qui  fournit  à  peine  au  fervice  d'une  rangée  de  moulins  &  dont  on  a  jugé  que 
le  volume  d'eau  était  infuffifant  pour  fourr.ir  aux  befoins  de  la  ville  du  Cap. 
Ce  n'çft  pas  dans  l'efpace  occupé  par  la  mer  qu'on  doit  apprécier  la  force 
de  la  rivière,  mais  au  point  où  fon  cours  eft  afïez  élevé  pour  que  le  reflux  de 
la  mer  ne  s'y  faflè  pas  fentir.  Or ,  quoique  les  plus  grandes  marées  n'excèdent 
pas  30  pouces  à  Saint-Domingue  ,  il  faut  cependant  remonter  à  plus  d'une  lieue 
en  ligne  droite  pour  trouver  la  rivière  du  Haut  du  Cap  dans  fon  état  naturel. 
C'eft  là  qu'eft  la  véritable  embouchure ,  &  non  pas  dans  le  bras  de  .ner  qui 
la  fuit. 

Mais  l'expérience  eft  toute  faite  depuis  long-tems ,  car  il  exifte  fur  l'habitatiori 
Breda  un  pont  de  bois  établi  fur  deux  piles  de  maçonnerie,  élevé  de  8  à  10 
pieds  &  ne  laiffant  qu'un  palTage  d'environ  30  pieds  de  large  ,  qui  fuffit  dans  tous 
les  tems  à  l'écoulement  de  la  rivière.  Mais  le  volume  d'eau  qui  pafîe  fous  ce 
pont  n'arrive  point  à  la  mer  ;  car  il  faut  tenir  compte  de  l'effet  de  l'évaporation 
dans  un  climat  auffi  chaud  que  celui  de  Saint-Domingue  ,  &  dans  l'immenfe 
furface  où  la  rivière  fè  répand  depuis  le  point   où  elle  fent  l'effet  de  la  marée. 

A  ces  premiers  raifonnemens  l'on  peut  ajouter  d'autres  preuves.  Lorfqu'on  a 
voulu  établir  le  bac  actuel ,  la  rivière  avait  dans  ce  point  80  toifes  ;  on  l'a 
féduite  à  environ  23  &  l'ouverture  diminuée  de  plus  de  moitié ,  a  fuffi  fans 
que  les  bords  ,  qui  n'ont  que  deux  ou  trois  pieds  au-deffus  des  marées ,  ayent 
jamais  été  furmontés.  Tout  le  fecret  confifte  donc  à  rétrécir  le  lit  de  la  rivière^ 
On  fait  que  la  mer  recule  aifément  devarit  les  travaux  de  l'homme.  On  convient 


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FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  463^ 
que  ce  rétréciflement  fera  un  peu  gonfler  les  eaux,  mais  en  donnant  au  pont 
du  bac  la  même  élévation  qu'à  celui  Breda  ,  on  n'aura  rien  à  craindre  en  lui 
laiffant  une  largeur  double.  Cette  largeur  eft  néceffaire  ,  non  pas  au  befoin  de 
la  rivière  ,  mais  feulement  à  ceux  de  la  navigation  -,  car  tout  le  monde  fait  que 
les  levées  qu'on  fait  le  long  des  rivières  n'ont  pas  autant  d'élévation  lorfqu'elles 
approchent  de  la  mer. 

On  procurerait  le  rétréciflement  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  jufqu'à  la 
réduire  à  50  ou  60  pieds ,  en  pratiquant  des  quais  de  droite  &  de  gauche  fur 
la  rivière.  On  pourrait  même  s'en  pafler  fur  la  rive  du  côté  du  Cap ,  parce  que 
le  terrain  y  a  une  pente  très-confidérable.  Ces  quais,  qu'on  a  commencés  â 
J'Efl:,  offriraient  de  grandes  commodités  à  la  navigation  &  au  commerce.  La 
rivière  refferrée  travaillerait  fur  fon  fond  dans  les  tems  des  crues  &  deviendrait 
navigable  beaucoup  plus  haut.  Les  matériaux  de  ces  remblais  font  fous  la  main. 
Le  morne  du  Cap  ,  d'un  côté  ,  fournira  les  pierres,  &  les  reffifs  donneront  des 
madrépores  plus  convenables  encore  ,  parce  que  ces  roches  de  mer  font 
moins  chères  &  qu'étant  placées  dans  leur  élément,  elles  fervent  à  multiplier 
les  coquillages  &  d'autres  madrépores,  qui  ajoutent  fans  celTe  à  la  folidité  de 
ces  travaux.  Rien  de  fi  facile  enfuite  que  la  confl:ruaion  d'une  feule  arche  fur 
un  canal  de  50  ou  60  pieds.  Voilà  ,  du  moins  je  le  penfe,  le  profit  qu'on- 
pourrait  retirer  des  circonftances  qui  ont  retardé  la  conftruftion  du  pont  fi 
juftement  défiré  &  fi  inutilement  projeté  depuis  80  ans. 

L'ilet  qui  dc^nne  far  le  quai  &  qui  efl:  entre  la  rue  de  la  Boucherie  &  celle 
Saint-Nicolas ,  appartient  à  l'État.  Je  n'ai  rien  à  dire  de  particulier  de  la  portion 
de  quai  qui  fe  trouve  dans  la  feptième  Seélion ,  fi  ce  n'efl:  qu'elle  efl:  la  moins 
fréquentée  &  la  moins  large.  C'était  fur  ce  bout  de  quai  qu'on  déchargeait  les 
planches  avant  l'ordonnance  de  1786.  Il  efl:  maintenant  couvert  d'immodices  j,, 
comme  le  furplus.  M.  Artau  avait  obtenu  des  Adminifl:rateurs  ,  le  5  Novembre 
2785,  une  ordonnance  qui  lui  permettait  de  fermer  fur  le  bord  de  la  mer  les. 
trois  îlets  depuis  la  rue  des  Trois  Vifages  jufqu'à  celle  de  Rohan  ,  pour  y  mettre- 
des  matériaux  tant  qu'il  ferait  entrepreneur  du  roi ,  mais  une  autre  ordonnance 
du  3   Juin  1787  y  ne  luliaiiTa  que  trois  mois  pour  évacuer  tout  ce  terrain.- 


4 


ï 


v: 


464      D  E  s  C  R  I  P  T  I  O  N    DE    LA    PARTIE 


:  Huitième  &:  DERNIÈRE  Section*. 

Bornée  au  Sud  p.ar  la  ravine  du  Cap  h  par  toute  la  largeur  de  la  première 
Seftion,  elle  a  la  mer  à  l'Eft,  la  limiite  Septentrionale  de  la  ville  au  Nord, 
&c  à  rOueft  ,  le  morne  du  Cap  qui  la  refîerre.  La  form.e  de  cette  Seftion  efl 
irrégulière  i  elle  femble  com.pofée  de  deux  parties  par  les  contours  du  morne 
qui,  s'avançant  dans  i'Eft  vers  le  milieu  de  cette  Seftion ,  réduit  fa  partie  Ncrd 
à  n'erre  qu'une  bande  étroite. 

J'ai  dit,  en  parlant  de  la  première  Se6tion  ,  qu'une  partie  de  la  batterie 
circulaire  du  quai  &  la  plus  grande  partie  du  parc  d'artillerie  fe  trouvaient  lur 
la  huitième  Seftion.  Supérieurement  à  cette  portion  du  parc  d'artillerie  &; 
ayant  comme  elle  la  ravine  au  Nord  ,  efï  l'arfenal ,  qui  a  la  rue  de  Picclet  à 
I'Eft,  celle  Marbois  à  l'Oueft  ,  &  la  rue  de  l'Arfenal  au  Nord.  Cet  arfenal  était 
la  feule  choie  qui  cxifiât  de  toute  cette  Seftion  en  1740  ,  de  manière  que  cette 
Section  eft  un  accroiflement  de  la  vilie  depuis  cette  époque.  ComimiC  elle  a  eu 
dés  fon  commencement  le  nom  de  Petit-Carénage  ,  parce  qu'on  y  carénait  les 
bâtimens ,  on  donne  maintenant  le  nom  de  faubourg  du  Petit-Carénage  à  toute 
la  Seftion.  . 

En  1712,  la  ravine  était  la  limjite  extrêmiC  de  la  ville  au  Nord  j  alors 
en  forma  une  boulangerie  du  roi  cij  elle  eft  encore  aujourd'hui  ,  quoique 
ce  ne  foit  plus  le  même  bâtiment.  Puis  à  15  pieds  de  l'angle  Sud-Eft  de  cette 
boulangerie,  fe  trouva,  peu  après,  l'angle  Nord-Oueft  de  la  mai  en  de  maçonnerie 
de  l'aide-major  de  la  ville  du  Cap  qui  ,  prenant  encore  45  pieds  dans  le  Sud  de 
fa  maifon  ,  avait  formée  un  enclos  &  un  jardin  dont  le  m.orne  était  le  terme  dans 
i'Oueft.  A  60  pieds  ,  dans  le  Nord  du  logement  de  l'aide-major  ,  &  prefque.  fir 
k  iTiême  alignement ,  on  fie  un  corps-de-garde,  en  face  duquel  &  dans  une 
baraque  ,  écaient  mis  les  nègres  marons.  Un  puits  d'eau  faumiârre  était  entre  les 
deux  angles  oppofés  de  la  boulangerie  Se  du  covps-de-garde.  Tels  furent  les 
commencemens  de  la  huitième  Section  qui  ,  comme  l'on  voit ,  étaient  toue 
ic.ifermés  dans  Its  cô.éj  Nord  ,  Oueft  &  Sud  de  la  place  la  Luzerne. 

On  avait  aujment;  d'uie  |troifième  compagnie  de  troi  pes ,  les  deux  que  le 
Cap  avait  depuis  1702  ,  &  ces  trois  qui  formaient  fa  garnilon  ,  étant  fans  logem.ent 

fixe 


»W»j"!«P7^"!»w^F^pi»'rr 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.       465 

fixe  ,  cela  fit  fonger  à  leur  conftruire  des  cazernes.  On  choifit  pour  cela  ,  en 
17 19,  le  terrain  aftuellement  appelé  l'arfenal  ,  &  dans  la  tnêa-ie  année  on  les 
commenç'\  ;  elles  furent  deftinées  à  loger  trois  compagnies  de  50  hommes  chacune 
avec  leurs  officiers  ,  &  on  donna  au  bâdment  la  forme  qu'il  conferve  :  un  corps- 
de-logis  avec  deux  ailes  en  avant.  Les  officiers  étaient  aux  quatre  bouts  des  ailes , 
Se  mêxie  le  bout  Nord-Eft  était  le  logement  de  l'ingénieur.  Une  grande  cour 
régnait  en  avant  i  une  clôture  de  paiiffades  la  fermait ,  &  à  la  barrière  ,  formant  la 
porte  d'entrée  ,  étaient  deux  guérites  de  pierres.  Tout  près  de  la  clôture  ,  dans 
l'intérieur  Se  entre  les  ailes  &  la  porte  d'entrée  ,  étaient  deux  puits.  Au  Nord  ? 
à  rOueft  Se  au  Sud,  étaient  des  cuifines  faites  de  bois  rond,  &  les  deux  de 
J'Oueft  étaient  adoilées  au  morne  &  fe  trouvaient  conféquemment  dans  la  rue 
aduelle  de  Marbois  ,  qui  n'exiflait  point  alors.  On  paffait  entre  ces  cazernes 
&  la  ravine  par  une  petite  chauffée  de  12  pieds  de  large  ,  au  moyen  de  laquelle 
on  allait  fiir  la  rive  Nord  depuis  un  petit  pont  de  bois  qu'a  remplacé  celui 
de  pierre  dans  la  rue  Picolet,iufqu'à  un  autre  peut  pont  de  bois  qui  était  fur 
la  ravine  entre  les  deux  rues  du  Gouvernement  &  de  Marbois.  La  paliffade  fut 
condnuée  depuis  les  cazernes  jufqu'à  la  maifon  de  l'aide-major. 

A  cette  époque  de  1719,  la  mer  arrivait  à  environ  45  pieds  dans  l'Eft  du  pont 
de  la  rue  Picolet  ;  le  rivage  fuivaic  enfuite  la  direfticn  du  Nord-Oueft,de  façon 
qu'au  bout  du  pavillon  de  l'aile  Nord  des  cazernes  ,  moins  avancée  alors  de  80 
pieds  dans  l'Eft  qu'aujourd'hui ,  il  n'y  avait  que  45  pieds  d'efpace  jufqu'à  la  mer. 
Bientôt  après  le  corps-de-garde  &  la  prifon  des  nègres  ayant  péri  de  vétufté,  on  les 
avait  établis  fur  l'emplacement  afto.el  du  magafin  du  roi,  &  à  l'incendie  de 
1734,  on  les  mit  l'un  &  l'autre  dans  le  pavillon  du  bout  de  l'aile  Sud  des  cazer- 
nes ;  puis  ces  cazernes  fe  trouvant  trop  pentes,  on  fit  au.Titôt  les  deux  pavillons 
détachés  qu'on  voit  en  avant  des  deux  ailes  &  l'on  difpoia  le  plus  Méridional  pour 
être  le  corps-de-garde  ,  la  prifon  &  une  falle  d'armes. 

En  1742  ,  M.  de  Larnage  fit  fermer  toutes  les  cazernes  ,  comme  elles  le  font 
.aujourd'hui ,  par  un  mur  de  clôture.  On  plaça  aulTi  alors  la  claire-voye  de  bois 
qui  eft  fur  le  devant ,  portée  par  un  mur  d'affue  avec  des  pilaftres  de  diftânee  en 
difrance  ,  &  une  porte  de  bois  garnie  ,  dans  le  haut  ,  de  pointes  de  fer,  &  placée 
au  milieu  de  l'emplacement  fur  la  rue  Picolet  ,  entre  deux  pilaftres  Doriques  , 
•dont  le  (ùt  &  les  deux  corniches ,  au-deffus  de  l'entablement ,  préfentent  des 
■trophées  militaires  fculptés. 

Tome  L  N  n  a 


m 


I 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Cet  établiffcment  militaire  ,  en  y  ajoutant  une  boulangerie  ,  refaite  en  neuf  en 
1734  auprès  de  l'ancienne  ,  &  une  falle  d'armes  ,  était  encore  tout  ce  qui  exiftaiî 
delà  huitième  SecT:ion  ,  lorfque  le  14  Septembre  1743,  MM.  de  Larnage  & 
Maiilart  ,  toujours  occupés  de  l'agrandiffement  &  de  l'embellilTement  du  Cap , 
reçurent  les  propofidons  de  M.  Coudreau ,  ingénieur,  qui  venait  de  diri-^^er 
la  clôture  des  cazernes,  &  qui,  à  la  tête  d'une  Compagnie,  offrait  de  faire  un  nouvel 
empiétement  fur  h  mer.  La  Compagnie  s'obligea  à  former  ,  par  des  remblais  , 
neuf  île  ts  au  Nord  des  cazernes  Se  vers  la  mer.  Ces  neuf  îlets  étaient  ceux  qui 
forment  les  deux  côrés  de  la  rue  Picolet ,  favoir  :  quatre  à  l'Oueft ,  &  cinq  à 
i'Efr  ;  parce  que  le  morne  laiffait  plus  d'efpace  dans  ce  dernier  point.  Les  condi- 
tions impoiees  à  la  Compagnie  furent  de  remblayer  &  d'appknirles  neuf  îlets  &  le 
terrain  adjacent,  déporter  le  remblai  dans  le  Sud  ;  jufqu'à  la  batterie  circulaire, 
de  m.anière  qu'on  pût  faire  une  place  au-devant  des  cazernes ,  &  de  conftruire  un 
aqueduc  à  la  ravine,  depuis  le  pont  ïûz  fur  elle  jufqu'à  fon  embouchure,  à 
l'extrémité  du  remblai  projette  ,  &  enfin  de  laiffer  au  ?oi  l'ilet  où  eft  la  place  la 
Luzerne.  Pour  déJomrpagement  ,  la  Compagnie  eut  les  huit  autres  îlets  que  fon 
travail  formait  ,  le  droit  de  fouiller  dans  le  morne  pour  avoir  du  remblai ,  & 
même  de  s'approprier  les  terrains  que  cette  fouille  ajouterait  au  fol  propre  à  bânr. 
La  Compagnie  remplit  fes  engagemens  &  fit  un  quai  de  90  pieds  au-devant 
du  fécond  rang  d'îlets  ,  &  l'on  appela  place  Dauphine ,  l'efpace  qui  fe  trouva 
au-devant  des  cazernes. 

Cette  entreprife  a  produit  les  rues  de  l'Arfenal ,  du  Comte,  de  la  Poudrière, 
&  du  Fort  aux  Dames,  qui  vont  de  l'Eft  à  l'Oueft,  &  celles  Picolet  &  du 
Morne,  qui  les  coupent  du  Nord  au  Sud;  toutes  ces  rues  ont  30  pieds  de  large, 
au  lieu  de  24  qu'ont  celles  de  la  ville ,  parce  que  MM.  Larnage  &  Maiilart  trou- 
vaient les  premières  trop  étroites, 

C'eft  dans  cette  partie  &  au  bout  de  la  batterie  circulaire  ,  dans  le  Nord  , 
qu'une  Compagnie,  à  la  tête  de  laquelle  était  M.  Pamelart,  ouvrit,  le  26  Janvier 
1776  ,  un  Vaux-hall  ou  Colifée  qu'elle  avait  obtenu  la  permiffion  d'y  faire  bâtir.  Il 
y  avait  une  falle  de  danfe  ,  un  café  &  un  falon  de  compagnie  ;  l'on  y  payait 
comme  aux  bals  de  la  comédie.  Ces  bals  durèrent  pendant  le  carnaval  de  1776, 
&  on  déferta  enfuite  le  Vaux-hall ,  auquel  on  chercha  à  ramener  le  public  par  des 
feux  d'artifices ,  qui  n'eurent  pas  plus  de  fuccès.  Ce  local ,  où  les  Volontaires-mi- 
lices du  Cap  donnèrent  un  repas  de  500  couverts  fous  des  tentes ,  &  un  bal ,  le  14 


ii 
I 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      467^ 

Février  1777  ,  à  l'occafion  de  l'intérim  du  gouvernement  général  que  rempliffait 
M',  de  Lilancour ,  commandant  en  fécond  de  la  Partie  du  Nord  &  ,  en  cette  qua^ 
lité,  capitaine  des  volontaires  était  devenu  ,  dès  le  mois  de  Mai  1776 ,  le  partage 
des  gens  de  couleur  qui  y  danfaient  tous  les  dimanches  k.  qui  s'en  dégoûtèrent  eux- 
mêmes  ,  du  moins  les  femmes  ,  parce  que  ion  avait  fini  par  ne  plus  laiffer  entrer 
de  blancs  dans  leur  bal.  Le  Vaux-hall  dura  donc  à  peine  un  an  &  il  n'en  reliait  plus 
de  veftiges  peu^de  tems  après. 

■  Les  cazcrnes ,  dont  on  avait  retiré  les  prifons  pour  les  mettre  aux  magafms  du 
roi ,  quand  les  tribunaux  y  vinrent,  ceffèrent  de  fervir  â  la  garnifon  ,  qui  alla  ,  en 
'757  >  prendre  pofleffion  des  cazernes  aftuelles.  C'efi:  de  cette  époque  que  les 
cazernes  anciennes  ,  qui  reçurent  la  compagnie  des  bombardiers,  prirent  le  nom 
d'Arfenal,  qu'elles  ont  gardé ,  parce  qu'elles  ont  conftammcnt  logé  une  portion 
quelconque  de  la  troupe  ou  des  ouvriers  de  l'artilierie.  On  a  auiïi  auo-rnencé  Ir  3 
bâtimcns  dans  l'intérieur  ,  &  c'eft  furtout  à  MM.  de  Reynaud  &  Le  Braflèur  qu'on 
doit  les  plus  confidérables ,  dont  l'idée  leur  avait  été  donnée  par  un  plan-diredeur 
qu'arrêtèrent  MM.  d'Eftaing  &  Magon  le  3  Juin  1764. 

Afin  d'établir  une  communication  de  plus  entre  la  ville  &  le  magafin  à  poudre 
&  la  boulangerie  du  roi ,  ils  ordonnèrent,  le  2  Oftobre  1780,  en  rappelant  le  plan 
de  j  764,  que  la  rue  du  Gouvernement  ferait  prolongée   fur  le  côté   Nord  delà 
ravine  ,  &  le  long  du  morne  ,  jufqu'au  bout  du  Petit- Carénage  -,  que  l'on  démo- 
lirait les  baraques  qu'on  y  avait  élevées  fans  titre  ,  &  au  mépris  d'une  ordonnance 
des  Adminiftrateurs  du  20  Avril  1743,  qui  déclarait  tout  cet  efpace  inceffible  • 
qu'on  ferait  un  pont  de  la  largeur  de  la  rue  fur  la  ravine  ,  &  que  le  derrière  de 
l'arfenal  ferviralt  à  agrandir   les  magafins  d'artjllerie.  Ainfi  au  lieu  d'un  cloaque 
rempli  d'immondices ,  on  a  eu  une  belle  rue  appelée  depuis  rue  Marbois  ,  à  caufe 
de  l'intendant  de  ce  nom;  un  beau  bâtiment  utile  au  fervice  de  l'artillerie      com- 
mencé au  mois  de  Mai  1780  8c  fini  trois  mois  après,  l'embellit,  &ron  commence 
déjà  à  excaver  le  morne  ,  pour  donner  à  cette  rue  des  maifons  dans  l'Ouefl. 

Le  quai  formé  parles  entrepreneurs  de  1743  ,  fut  ce  qui  donna  lieu  à  convertir 
en  carénage ,  ce  lieu  trouvé  commode  pour  cette  deftination  ,  étant  abrité  par  le 
voifinage  du  morne  ,  &  par  l'avancée  de  la  batterie  circulaire  ,  &  de  là  le  nom  de 
Tetit -Carénage  donné  à  tout  le  canton,  qui  n'a  pas  cefTé  de  s'étendre  depuis. 

Sa  première  augmentation  a  été  celle  des  maifons  alignées  du  Nord  au  Sud  fur 
la  boulangerie  ,  &  qui  font  caufes  que  la  rue  du  Morne  ne  mérite  plus  ce  nom^ 

N  n  n  2 


4 
^ 


i3 


•  * 


4^*      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

depuis  qu'il  a  été  reculé  dans  l'Oueft  ,  par  des  excavations  qui  ont  produit  aufS 
le  prolongement  delà  rue  Marbois  &  enfuite  la  rue  de  Yarenne  ,  qu'indique  une 
ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  22  Octobre  1750,  où  l'on  règle  d'avance  que 
la  rue  projettée  au  Nord  de  celle-là^s'appelera  la  rue  du  Puits.  Poftérieuremencà 
tout  cela  eft  venu  un  îlct  de  plus  vers  la  mer,  &  qui  forme  le  côté  Nord  te  la  rue 
de  l'Arfenal,  &  enfin  l'extenfion  du  Petit-Carénage  daiis  la  bande  que  j'ai 
indiquée    comme  le  terminant  au  Nord. 

Mais  pour  finir  lur  fa  première  portion  ,  je  dois  dire  que  fous  l'adminiflratioiî 
de  MM.  de  Reynaud  &  Le  BrafTcur  ,  on  a  conftruit  une  boulangerie  fort  belle. 
Quoique  très-rimple.  Ce  bâtiment  ayant  rendu,  abfolument  régulière  la  place  qui 
était  en  avant ,  ces  Adminiurateurs  l'appelèrent  la  place  de  la  Boulangerie.  îl  s'v 
trouvait  cependant  un  emplacement  que  M.  Bongars  acheta  au  mois  de  Septembre 
1782  j  de  M.  le  comte  de  Vaudreuil,  13,^00  livres  ,  au  nom  du  roi.  Cet  efpace 
libre  donna  lieu  aux  habitans  du  Petit-Carénage  ,  qui  fe  plaignaient  depuis  lon=-- 
tems  de  l'éloignement  du  marché  Clugny  ,  de  folliciter  qu'on  ht  un  marché  de 
cette  place.  Les  Adminiftrateurs  autoriièrent  provifoirement  cette  deftination  ,  au 
moio  de  Mai  1787  ,  &  le  3  Mai  178S  ,  ils  ont  décidé  ,  par  une  ordonnance  ,  Que 
la  place  ferait  appelée  Place  /.?  Luzerne ,  du  nom.  de  l'un  d'eux  .  &  qu'elle  ferait 
convertie  en  un  marché  journalier  de  comeftiblesde  toute  efpèce  ,  en  plaçant  en- 
femble  les  marchands  des  mêmes  chofes.  Quant  aux  dépenfes  du  pavé  &  de 
l'enceinte  en  barrières  &  à  leur  recouvrement  j  l'ordonnateur  adopta  les  mêaies 
moyens  que  ceux  dont  j'ai  rendu  compte,  en  parlant  du  marché  Clugny:  ce 
font  les  propriétaires  des  maifons  voifines  qu'on  a  impofés. 

La  place  la  Luzerne  eft  très-petite  ,  puiiqu'eîle  n'a  que  20  toifes  en  carré  &  25 
en  comprenant  les  rues  qui  la  bordent.  C'eit  le  ler-  Janvier  1789  ,  que  le  raarcl-ié 
a  été  ouvert.  Il  attend  une  fontaine  dont  rurale  lui  ferait  très-utile. 

Dans  la  maifon  qui  fait  l'angle  Nord-Eft  de  la  place  la  Luzerne  ,  font  des  bains 
publics,  que  M.  Gatier ,  tapiffier,  a  fait  conftruire  au  m.cis  d'Avril  1778,  er> 
dep&nfant323OO0  livres.  C"eft  le  premier  établiiTement  de  ce  genre  qui  ait  exillé 
a'^Cap.  L'eau  y  eit  fournie  par  un  puits  où  font  plufieurs  fources.  Dans  la  même 
FJê  &  du  même  côté,  entre  la  rue  du  Fort  des-  Dames  Se  celle  de  Varcnne, 
eft  un  autre  puits  qu'on  fait  fervir  à  l'utilité  des  navires.  Les  pièces  à  l'eau  font 
mifes  dans  un  emplacement  qu'abrite  une  épaiffe  tonnelle  ,  &:  l'on  paye  15  livres 
pour  faire  remplir  chacune  d'elles. 


i 


F  R  A  NÇAIS  E    DE     s  AINT-DO  MING  UE.     4% 

On  a  donné  le  nom  de  rue  d'Argout  (  gouverneur  -  général  )  à  celle  qui ,  dans 
i'Ell  efl  parallèle  à  la  rue  Picolet.  C'eft,  à  proprement  parler ,  un  quai  de  90 
pieds  qui  là  ,  eft  au-devant  du  petit  carénage  ,  où  l'on  radoube  des  navires  ,  & 
où  il  y  a  un  ponton.  On  y  conftruit  auffi  quelques  barques.  Ce  quai  n'a  cependant 
pas  toute  la  longueur  de  la  rue  d'Argout  qui  elle  -  même  eft  fermée  au  Sud  de  la 
rue  de  l'Arfenalpar  le  parc  d'Artillerie  ,  &  les  bâtimens  qui  le  bordent  dans  cette 
partie.  A  l'extrémité  Nord  de  la  rue  d'Argout ,  mais  inférieurement  &  dans  une 
direélion  Nord-Eft,  eft  un  grand  hangard  à  mâture,  &  dans  l'Eft  de  ce  hangard  j 
le  remblai  a  été  pouffé  dans  la  m^er  jufqu'à  80  toifes  plus  loin  que  le  bord  du  quai 
d'Argout. 

Maintenant  ce  remblai  fe  continue  dans  le  Sud ,  pour  que  rendu  à  l'alignement 
Nord  de  la  rue  de  Varenne  ,  il  foit  terminé  par  un  quai  de  90  pieds  de  large  > 
encore  plus  Méridional.  En  face  & ,  par  conféquent  ,  du  côté  Sud  de  la  rue  du 
Comte  fera  la  même  chofe  ,  puis  le  remblai  ira  s'aligner  dans  l'Eft  avec  celui  qui 
a  80  toifes  en  avant  du  quai  d'Argout.  Oa  remblayera  auffi  far  la  même  ligne 
Fefpace  qui  eft  entre  la  rue  du  Comte  au  Nord  &  l'embouchure  de  la  ravine  au 
Sud.  Enfin  parallèlement  au  quai  d'Argout  &  de  manière  à  unir  les  deux  remblais 
dont  l'un  fera  en  avant  de  la  rue  de  Varenne  &  l'autre  en  avant  de  la  rue  du 
Comte  j  fera  un  quai  de  90  pieds  interrompu  par  une  ouverture  de  90  pieds 
faifant  face  au  milieu  de  l'îlet  qui  eft  entre  la  rue  de  la  Poudrière  &  la  rue  du 
Fort  aux  Dames,  Lorfque  ce  travail,  déjà  très-avancé,  fera  terminé  ,  il  fe  ti'ouvera 
une  enceinte  formant  un  baffin  de  60  toifes  en  carré,  où  les-  embarcations  feront 
tranquilles  ,  &  qui  procurera  des  commodités  dont  je  parlerai  à  l'article  du  port. 

Le  hangard  de  la  mâture  exifte  depuis  1765.  On  le  fit  d'abord  pour  mettre  à 
couvert  les  canots  &  les  acons  &:  les  autres  embarcations  du  port.  Sa  pefante 
couverture  écrafe  fes  piliecs'.  Lorfqu'on  le  conftruifit  il  était  iminédiatement  au 
bord  de  l!a  mep  &  une  petite  langue  de  terre  unifiait  feulement  h  portion  du  Petid- 
Carénage  dont  j'ai  parié  jufqu'ici,  avec  celle  dont  j'ai  à  entretenir  le  Leébeur. 

En  1766 ,  cette  dernière  formait  encore  le  devant  d'une  habitation  achetée,  à 
cette  époque  ,  par  M.  CourrejoUts-,  ingénieur  du  roi ,  qui ,  en  conftruifant  des 
fours  à  chaux  au  boîsd  de  fon  terrain  &  une  maifon  ,  a  donné  l'idée  d'élever  des 
féiâtimens  dans  ce  nouveau  canton  en  remblayant  dans  la  mer  d'un  côté,  &  en 
excavant'  le  morne  de  Fautre.  Mais  c'eft  ftirtout  depuis  1780  que  cette  extrémité 
du  faubourg  s'eft  étonnamment  accrue,  caralorsla  première  maifon  qu'on  trouyaist 
près  le   hangard  en  était  à  80  toifes. 


4 


470 


DESCRIPTION     DE     LA     P  A  R  T  î  E 


k' 


En  1780  ,  on  s'occupa  beaucoup  de  rerr.-Iayer  le  quai  d'Argout,  &  tcat  foa 
voifinage  prit  une  nouvelle  face.  De  belles  maifons  remplacèrent  de  chétives 
baraques  &  le  refte  du  Petit  -  Carénage  participa  à  cette  faveur.  Ce  fut  fous 
l'adminiflration  de  MM.  de  Bellecombe  &  de  Bongars  qu'on  adopta  le  plan  du 
baffin  dont  j'ai  parlé  &  dont  les  travaux  ont  donné  une  exiftence  nouvelle  à  ce 
local.  Ils  ont  produit  une  rue  Saint-Alexandre  qui  ya  de  l'Eft  à  l'Oueft.  Les 
maifons  qui  bordaient  ce  qu'on  avait  toujours  appelé  le  chemin  de  Picolet,  furent 
alignées ,  augmentées,  8^  ce  chemin  eft  devenu  la  rue  Sainte-Catherine  qui  a  30 
pieds  de  large  ,  &  qui  prend  fa  dénomination  de  celle  d'une  batterie  de  mortiers  à 
laquelle  elle  conduit  en  allant  vers  Picolet.  Le  côté  Oueft  de  cette  rue  acquit  la 
largeur  d'un  îlet,  &  une  ordonnance  des  Adminiftrateurs ,  du  27  Mar.  1784 
prefcrivit  de  faire  au-devant  de  cet  îlet  ,  depuis  le  hangardjufqu'à  h  limite  dç 
la  ville,  un  quai  de  60  pieds  appelé  le  quai  Bellecombe.  Sur  ce  quai,  à  l'angle 
Sud-Eft  &  le  long.de  la  rue  Saint- Alexandre  ,  a  été  placé  un  magafm  de  100 
pieds  de  long  pour  le  fervice  de  la  marine  ,  &  maintenant  l'efpace  de  200  toifes 
qai  eft  entre  la  rue  Saint-Alexandre  &  la  limite  Septentrionale  de  la  ville  du  Cap 
eit  divifé  en  îlets  dont  il  n'eft  pas  un  fcul  qui  n'ait  déjà  quelques  maifons. 

Enfin  le  30  Mai  1789,  MM.  du  Chillau  &  de  Marbois  ont  ordonné  que  la 
rue  d'Argout  &  celle  Saint-Alexandre  feront  réciproquement  prolongées ,  de 
manière  que  l'une  ouvre  dans  l'autre.  Une  rue  de  24  pieds  de  large  ,  à  laquelle 
le  hangard  fert  d'alignement  d'un  côté  ,  unit  encore  tranfverfalement  la  rue 
d'Argout  &  celle  Saint-Alexandre  j  &  en  face  du  point  où  cette  nouvelle  rue 
arrive  dans  celle  Saint-Alexandre  ,  une  rue  de  30  pieds  ,  parallèle  &  fupérieure 
à  celle  Sainte-Catherine ,  eft  projettée  ;  c'eft-à-dire ,  que  cette  bande  du  Petit- 
Carénage  s'élargira  encore. 

Les  rues  qui  coupent  cette  bande  de  l'Eft  à  l'Oueft  &  qui  iront  jufqu'à  la  rue 
projetée  font ,  après  la  rue  Saint-Alexandre  (  ainfi  nommée  à  caufe  du  patron  de 
M.  de  Bongars  ,  intendant  )  ,  la  rue  Saint-Thomas  5  puis  la  rue  Saint- Léonard 
&  enfuite  celle  Saint-Guillaume  ,  les  deux  patrons  de  M.  de  Bellecombe  ,  gou- 
verncur-générab  la  rue  Bongars;  la  rue  du  Ballon,  parce  que  M.  Benquet, 
négociant  au  Cap,  avait  fait  partirde  ce  point  une  petite  Mongolfière  qui,  ayant  fait 
craindre  pour  le  feu,  a  été  caufe  que  la  police  a  manifefté  le  deflein  de  ne  plus 
foufFrir  d'expériences  aëroftatiques  ;  la  rue  Saint-Philippe  ,  en  honneur  de  Don 
Bernard  de  Galvez  qui  avait  conquis  le  fort  de  ce  non  à  Penfacole,  &  enfin  la  rue 
Sainte-Claire, 


mf  M  i   i  II     •^•'._,     ■!  m 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.      471 
Le  feubourg  du  Petit- Carénage  eft  fort  peuplé ,  mais  prefqu'en  totalité ,   de 
perfonnes  qui  tiennent  ou  qui  ont  tenu  au  métier  de  la  mer.    Ce  font  des  ouvriers 
de  vaiffeau  ,  des  pêcheurs  ;  auffi  n'eft-ce  pas  le  lieu  le  plus  avancé  de  la  Colonie 
pour  les  manières  ,  la  pt,reté  du  langage  &  l'élégance.  Les   femmes  du  bel-air 
prétendent  même  qu'une  toilette  faite  au  Carénage  fe  trahit  toujours  par  quelque 
chofe  que  la  mode  régnante  n'adopte  pas,  &  c'eft  prefque  un  proverbe  de  dire 
qu'une  chofe  eft  du  Carénage  pour  exprimer  qu'elle  offenfe  le  bon  août    Un  jour 
viendra  que  le  Petit-Carénage  fera  placé  fous  l'empire  du  luxe"  &  deviendra 
élégant  comme  la  ville  dont  il  eft  le  faubourg  ;  car  les  petites-maîtrefîes  de  ceile 
Cl   favent   birn   qu'elles   ont   éeé   précédées  par   des    belles   dont   l'ajuftement 
apprêterait  furement  beaucoup  à  rire  ,  aujourd'hui ,  znxfemnes  du  Carénage. 

^  Il   femble    qu'après    avoir   terminé   fur  la  huitième    Seélion  ,    tout  invite  à 
s'occuper  du  port. 


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4 


Du  Port  du  Cap. 

Son  entrée  eft  formée  par  un  intervalle  d'environ  500  toifes  ,  que  la  chaîne 
de  reffifs  qui  règne  depuis   l'entrée  du  Fort-Dauphin  jufques  là  laiffe  entr'elle 
&  le  m.ornedu  Cap ,  proprement  dit.  Pour  y  arriver,   les  vaiffeaux  fe  dirigent 
ftir  le   fort  Picolet ,   placé  au  bas  de  ce  morne,    &   dont  ils  approchent  depuis 
300toncsju!qu'à  cent.  Enfuite  tournant  à  gauche,   ils  donnent  dans   la  paffe 
ayant   Picolet  d'un   côté   &  la   pointe   du    reffif  appelée  la  Coque-Vieille  de 
l'autre  ,    mot  qui  indique  affez  le  naufrage  d'un  bâtiment  dont  la   coque   aura 
fans  doute  frappé  iong-tems  les  regards.  Bientôt  cette  entrée  fe  fubdivife  elle 
même  en  deux  paffes,dont  celle  de  la  droite,  la  plus   proche  de  terre  &   qui 
commence  au  fort  Saint-Jofeph,  eft  nommée  la  Petite-Paffe,  parce  qu'elle  eft 
la  plus  étroite,   &  l'autre  eft  appelée  la  Grande-PaiTe  ;    un  haut^fond   connu 
fous  le  nom  de  Grand- Mouton  &  un  haut-fond  beaucoup  plus  petit,  appelé  le 
Corne  du  Mouton  &  placé  à  l'Eft  du  premier,  prefqu'à  le  toucher  &  à  fon  bout 
Sud,  forment  la  feparation.  Il  y  a  encore  entre  le  Grand-Mouton  &   le  prolon 
gement  de  la  Coque-Vieille ,  un  autre  haut-fond ,   c'eft  le  Petit-Mouton     La 
Grande-Paffe  eft  entre  lui   &  le   Grand-Mouton. 

Soit  qu'on  ait  pris  la  grande  ou  la  petite  pafîe ,  on  vient  aboutir  à  un  point 


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-'  -^1 


472       D  E  s  C  R  I  P  T  î  O  N     D  E     L  A     P  A  R  T  I  E 

qui  eft  à  400  toiles  du  Grand-Mouton  &  qui  fait  face  au  hangard  à  la  mâture^ 
Là  commence  le  mouillage.  Pour  y  arriver ,  il  faut  encore  éviter  un  autre  petit 
haut-fond  (  la  Trompeufe  ) ,  qui  cft  en  face  &  à  800  toifes  du  même  hangard  , 
&  qui  défend  d'aller  trop  loin  de  terre.  Mais  enfuire  le  mouillage  s'élargit , 
parce  que  le  haut-foxnd  du  Bélier  qui  eft  dans  le  Sud  de  la  Trompeufe  ,  s'écarte 
dans  l'Eft  relativement  à  la  pofition  de  k  Trompeufe.  C'cft  dans  cette  partie 
plus  éloignée  de  l'entrée  du  port  que  mouillent  les  navires  marchands  qui  tirent 
moins  d'eau  que  ceux  de  la  marine  royale  ,  Bc  qui  ont  befoin  d'être  plus  près 
de  la  ville  pour  tous  leurs  mouvemens  commerciaux  -,  tandis  que  les  autres  fe 
mettent  à  la  tête  de  la  rade ,  &  mouillent  jufques  vis-à-vis  le  hangard  du 
Petit-Carénage. 

Les  petites  em'oarcations  mouillent  entre  les  bàtimens  marchands  &  la  terre , 
parce  qu'ils    n'ont  rien  à  craindre  du  banc  de  fable  qui  règne  avec    peu    de 
largeur  depuis  Picole tjufqu'au  de-là  du  fort  Saint-Jofeph  ,  mais  qui  de-là  s'élar- 
git tout-à-coup  ,   &  va   faire  le  tour  du  port  jufqu'au  bourg  de  l'embarcadère 
de  la  Petite-Anfe  ,   avec  une  largeur  qui  varie  depuis  150  jufqu'à  300  toifes. 
Des   pavillons   rouges  font  placés  de  manière   à  indiquer   les   deux  paffes  de 
l'entrée  i  cependant  il  eft    bien  peu  de  marins   qu'y  s'y  hafardent  fans  pilote  ;  à 
moins  que  ce  ne  foit   des  officiers  de  la  marine  ,    qui   ont   eu  l'occafxon  d'en 
acquérir    une  pratique    fûre  ;    car  ,un    capitaine  marchand    ne    le   tente     pas 
%   caufe  des  alTurances ,  qui  fuppofent  que  le  bâtiment  fera  .entré  par  un  pilote. 
Plufieurs   exemples  ont  prouvé    que   l'entrée   du   Cap  était   dangéreufe.    On 
peut  citer  celui  du  vaiiTcau  le  Dragon,   de  74  canons,   faifant  partie  de  i'efcadre 
de  M.  de  Blénac   &  commandé  par  M.  le   Chevalier  Defroches  ,  qui  fe  perdit  un 
peu  au-deffus  de  Picolet  le  17  Mars  1762,   en  voulant  entrer.  Celui  du  navire 
l'Intelligence  ,    capitaine   Hubert ,    qui  fit   naufrage  fous   Picolet   le  1  Janvier 
1772,  venant  delà  Côte-d'Or,   &  dont  les  422  nègres  furent  hcureufement 
fauves  par  les  ordres  &  les  foins  de   M.   de  Charrite  ,    commandant  la  corvette 
du  roi  f'Hirondelle.  Le  navire  le  Breton,  de  Bordeaux  ,  de  mille  tonneaux,  qui 
avait  appartenu  à  la  Compagnie  des  Indes,  fe  perdit,  en  allant  au  Cap,  le  14 
Septembre  1776,  &  la  plupart  des  marchandifes  qu'on  fauva  étaient  avariées. 
Le  31  Juillet  1779,  l'un  des  vaiffeaux  de  I'efcadre  de  M.  d'Eftaing  toucha  dans 
la  paffe  ,  &  ce  ne  fut  qu'en  l'allégeant  beaucoup   &  après  des  coups  de  talon 
très-vifs  qu'on  parvint  à  le  dégager.  Il  eft  même  étonnant  que  durant  la  guerre , 

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FRANÇAISE  DE  SAlNT-DÔMINGUE.  ^73 
lorfqu'il  entre  des  convois  confldérabks  dans  ce  port ,  les  accidens  foient  auiïi 
peu  nombreux,  puifqu'on  eft  forcé  d'employer  quiconque  s'offre  de  bonne 
volonté  comme  pilote,  à  caufe  de  l'immenfc  difproportion  qui  le  trouve  alors 
entre  le  nombre  des  officiers  de  port  k.  celui  des  bâtimens  à  entrer. 

J'ai  vu  q-jelque  chof);  de  très-hardi  fait  en  1779  par  M.   de  Kerfaint,  com- 
mandant la  frégate   l'Iphigénie.   M.   d'Eftaing  ,  déjà  forti ,  lui  donna  un  ordre' 
pour  le  refte  de  fon  efcadre  qui  était  encore  mouillée  dans  le  port  ;  l'Iphigénie- 
cntra    par  la  petite  paffe  ,   fit  fon  figaal  &  reffortit  à  l'inftant  par  la   grande 
paffe. 

On  peut  donc  dire  avec  ralfon  eue  le  port ,  ou  plutôt  la  rade  du  Cap ,  eft 
femée  d'écueils ,  placés  la  plupart  fous  l'eau  &  dangereux  par  cette  raifon  même  ; 
car  le  rang  de  reffifs  qui  en  forme  le  bord  extérieur  eft  facile  à  voir ,  puifqu'^ 
baflè  mer  [il  découvre ,  &  qu'à  mer  "haute  la  vague  qui  s'y  brifc  l'indique 
toujours.  Ces  reffifs  font  cependjnt  fameux  auffi  par  plus  d'un  naufrage.  Le' 
Maribarou,  de  Bordeaux,  de  250  tonneaux,  forti  du  Cap  avec  fix  autres  bâtimens 
le  1^^-  Mai  1766  ,  (nt  pris  par  le  calme  &  porté  par  les  courans  fur  ces  reffifs  ;  \\ 
échoua  &  perdit  prefque  toute  fa  cargaifon. 

J'ai  déjà  parlé  d'une  paffe  que  laiffent  enîr'eux  le  reffif  de  la  Coquc-VieilIc 
&  le  reffif  ou  haut-fond  du  Billard.  Pour  en  mieux  connaître  la  pofition  ,  il  faut 
favoir  que  la  Coque-Vieille  fe  dirige  à-peu-près  du  Nord-Oueft  au  Sud-Eff 
vers  le  reffif  du  Bélier  ,  qui  court  à  peu-près  Eft  &  Ouelt,  &  dont  le  bord  Sud 
forme  le  côté  Nord  de  la  paffe  des  embarcations  venant  de  Limonade.  Affez  près 
du  point  où  le  Eélier  fe  termine  vers  la  ville  &  entre  lui  &  la  Coque-Vieille  ,  eft  le 
Billard  ,  qui  tire  fon  nom  de  fa  forme.  L'intervalle  qu'il  laiffe  jufqu'à  la  Coque- 
Vieille  forme  la  paffe  des  Normands,  dénomination  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à 
l'ufage  qu'en  faifaient  les  premiers  Flibuftiers  français  ,  Normands  pour  l.i 
plupart,  &  particulièrement  Dieppois.  Durant  la  guerre  de  1778  ,  un  navire  & 
d  -!x  brigantins  vivement  preffés  par  l'ennemi ,  trouvèrent  leur  falut  dans  l'audace^ 
qui  leur  fit  prendre  cette   paffe. 

En  général  le  mo/illage  eft  bon  dans  la  rade  du  Cap  ,  quoique  dans  les 
fortes  brifes ,  &  furtout  dans  les  Nords ,  la  mer  y  foit  très-agirée.  Des  marins 
qui  la  fréquentent  depuis  1733  ,  m'ont  affuré  qu'elle  é-t2i  beaucoup  plus 
tranquille  ,  lorfque  les  rcflifs  étant  plus  élevés  qu'à  préfent  ils  étaient  de  plus 
couverts  de  mangliers  qui   formaient  encore  un  rideau  de  dix  ou  douze  pieds 


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474       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE:] 

ii'élévatioiî.  Les  mangliers  ont  donné  du  bois  à  brûler  ou  du  bois  de  fardaçe  ^ 
&  h  bafe  qui  les  portait  a  fourni  de  la  pierre  à  chaux  ou  des  pierres  pour  bâcir 
le  Cap.  Mais  comme  l'excès  même  des  abus  en  devient  quelquefois  le  remède  , 
une  ordonnance  de  MM.  d'Ennery  &  de  Vaivre ,  du  27  Août  1776  ,  a  défendu 
enfin  l'enlèvement  de  ce  reiïîf  protecteur  ,  avec  une  amende  de  mille  livres 
contre  les  délinquans,  peine  qu'a  fubi ,  le  31  Août  1776  ,  un  particulier  faifant 
le  pafîage  du  Cap  à  la  Petite-Anfe,  dont  le  canot  fut  pris  en  contravention. 
L'on  va ,  depuis  1776,  démolir  les  refTifs  au-delà  de  la  rade,  en  tirant  vers 
le  Fort-Dauphin.  Dans  la  guerre  de  1778,  des  corfaires  ont  même  enlevé  des. 
canots  qui  y  jaijaient  de  la  reche  ,  comme  l'on  dit  dans  le  pays. 

Dans  l'origine,  les  Efpagnols  venaient  jufque  dans  la  rade  du  Cap  s'emparer 
desbâtimens,  &  peu  s'en  fallut  qu'en  1684  ils  ne  s'y  rendiffent  maîtres  d'ua 
navire  de  Honfleur  (*).  Il  n'y  exiftait  point  d'officier  de  port.  Un  ancien  marin 
qui  y  exerçait  volontairement  le  métier  de  pilote,  y  mourut  en  1698,  &  en 
Février  169g  on  en  dem.andait  un  autre  au  miniftrc..  Il  n'en  vint  point,  &  le 
28  Décembre  1703,  M.  Auger ,  gouverneur  de  la  Colonie  ,  nomma  à  cet 
emploi  M.  Bricourt.  Il  eft  vrai  que  le  18  Mars  1704,  il  plaça  ce  capitaine 
comme  fécond  de  M.  Dupré  ,  dit  Duval ,  pratique  qui  avait  les  fondions  avant 
lui.  Alors  chaque  vailTeau  de  guerre  payait  50  liv. ,  une  flûte  ^6  j  un  navire  mar- 
chand au- deiTus  de  100  tonneaux  24,  Se  ceux  au-deffous  18.  Duval  avait  pour  lui 
feul  le  produit  des  bâtimens  du  roi ,  &  il  partageait  celui  des  m.archands.  Ce  fut 
auITi  en  1703  que  fut  nommé  le  premier  capitaine  de  port,  p^  une  commiiTion 
fans  appointen7en&  i  il  fe  nommait  Gombert.  Il  n'y  eut  pas  de  capitaine  de  port 
breveté  avant  M.  Raoult ,.  en  1715. 

Les  Adminiftrateurs  en  fécond  de  la  Partie  du  Nord   permirent  ,   au  mois  de 
Juillet  1724,  a.u  capitaine  de  port  de  placer  un  pilote  fur  le  morne  ,  au  Sud  de 


i 


(*)  Qu'on  juge  de  mafiirprife  lori'qu'allant  me  promener  à  la  chapelle  de  Notre-Dame  dé  Grâce, 
placée  far  le  haut  de  la  cCie  près  de  Kcnfic^r  ,  le  30  Mai  1793  ,  j'y  trouvai  pour  fécond  tableau  ,' 
à  main  droite  en  entrant ,  la  repréfenîation  d'un  navire  attaque  par  un  grand  canot  ,  &  vers  lequel 
Ç'autres  canots   fe  dirigent  ,  avec  ces  mots  au-defibus  : 

„  Ce  tabieau  a  e'té  donné  par  le  capitaine  Louis  Harcij.  Étant  à  Saint-Domingue  le  29  Août 
„  1684,  il  fut  abordé  d'une  pirogue  efpagnole  qui  vint  pour  k  prendre.  Il  fit  vœu  à  la  Sainte 
^  yierge  &  fat  préfervé  „. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DÔMÎNGUE.      475 

■Picolet ,  parce  que  ce  pilote  ayant  un  canot  vers  ce  point  &  pouvant  apperce- 
voir  les  bâdmens^de  plus  loin  ,  irait  plutôt  les  prendre  pour  les  entrer.  Cet  établifle- 
ment  très-augmenté  en  1760  ,  rubfifte  encore  ,  mais  feulement  pour  les  pilotes  & 
leurs  canots ,  car  le  capitaine  de  port  a  pour  logement  défigné ,  le  terrain  qui  était 
autrefois  à  M.  Courrejolles ,  dont  j'ai  parlé  à  h  première  Se6lion  ;  je  dis  défi- 
gné ,  parce  qu'il  loge  réellement  dans  une  autre  maifon  qu'il  loue  ,  &  qu'à  fou 
tour  il  afferme  la  maifon  bâtie  par  lui  fur  le  terrain  du  quai. 

Les  bâtimens  mouillent  devant  toute  la  longueur  de  la  ville  ,  mais  depuis  300 
jufqu'â  500  toifes  d'éloignement  du  rivage  ,  pour  peu  qu'ils  foient  un  peu  gros. 
Cette  diftance  eft  très-fatigante  pour  les  m.atelots ,  furtout  dans  les  fortes  brifes, 
qui  rendent  le  retour  de  terre  à  bord  pénible  ,  &  quelquefois  rr.ême  abfolument 
impoffible  ,  parce  qu'on  ne  peut  aller  qu'à  l'aviron  ,  tandis  qu'on  vient  â  la  voile, 
C'eft  pour  rendre  cet  inconvénient  nul ,  du  moins  quant  aux  bâtimens  de  o-uerre 
mouillés  à  la  tête  de  la  rade  ,  qu'on  prépare  le  baffin  près  du  hangard  de  la  marine  , 
qui  donnera  la  facilité  d'aller  &  de  revenir  toujours  à  la  voile ,  &  qui  épargnera  la 
fanté  des  équipages.  J'ai  fait  en  1782  des  traverfées  de  ce  point,  allant  en  rade  & 
en  revenant  à  la  voile. 

Le  port  du  Cap  peut  contenir  un  nombre  confidérable  de  bâeimens.  On  en  a 
compté  jufqu'à  cinq  ou  fix  cens  de  toute  grandeur ,  depuis  le  vaiiTcau  à  trois  ponts 
jufqu'au  petit  bateau  pafTager ,  pendant  la  guerre  de  1778.  Mais  ce  port  fe  comble 
chaque  jour,  &  depuis  1770  il  y  a  des  points  où  cela  eft  très  -  fenfible.  On 
m'a  même  aiTuré  que  la  différence  était  de  onze  pieds  dans  quelques  endroits 
ce  qui  eft  très-capable  d'aliarmer  fur  la  confervation  de  ce  port. 

Trois  caufes  produifent  ce  malheureux  effet.  La  Grande  rivière  ,  dont  Içs 
débordemens  charient  beaucoup  de  fable  ,  que  les  courana  conduifent  dans  la 
rade  du  Cap  ;  la  rivière  à  Galiffet  qui  s'y  jette  ,  &  dont  ^embouchure  a  toujours 
des  bancs  de  fable  ,  &  enfin  la  ravine  du  Cap ,  qu'on  ferait  tenté  de  compter  pour 
rien  ,  parce  qu'on  la  volt  à  fec  prefque  toute  l'année  -,  mais  qui  dans  les  grandes 
pluies,  tranfporte  des  maffes  énormes  de  terre  que  L"s  eaux  y  font  venir  des  mornes, 
Se  qui  vont  remblayer  le  port,  comme  ne  le  prouve  que  trop  ,  le  banc  qui  eft  dé'à 
en  avant  de  la  batterie  circtilaire.  Il  ferait  peut-être  tems  de  s'occuper  d'empêcher, 
du  moins  ,  que  ce  mal  n'augmente  encore. 

Il  en  eft  un  autre  auquel  on  ne  peut  penfer  qu'avec  chagrin ,  parce  qu'il  crojt 
fans  ceffe  aufTi ,   mai§  fans  qu'on  çonnaiffe  de  moyen  de  Iç  combattre  -,   ce  font,  k,B. 

0  Q  o   ^ 


K. 


476       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

vers  qui  y  percent  les  navires  d'une  manière  vraiment  allarmante.  En  1687,  oa 
ne  connaiffait  pas  aux  Antilles,  ces  infcclts  dcflrucleurs ,  qu'on  avait  feulemen-t 
obfcrvcs  à  la  côte  d'Afrique  ,  mais  trois  ans  après  on  s'apperçut  qu'ils  fe  nat'jrali- 
iaientà  la  Martinique,  comme  le  dit  une  lettre  de  M.  Dumaits  de  Goirapy, intendant 
des  Iflcs  du  vent,  au  Miniftre ,  le  12  Janvier  1692.  Depuis  ils  font  devenus 
communs  aux  ports  des  autres  Ifles.  Les  eaux  chaudes  du  Tropique  n'ont  pas 
même  fuS  à  leur  voracité,  &  les  ports  de  France  l'ont  refîentie.  Ce  fut  vers  17 10, 
félon  M.  de  Pav>',  qu'ils  furent  apportés  d'Amérique  en  Europe,  &  vers  173c  3 
félon  un  mémoire  de  M.  Dupaty  ,  inféré  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  la 
.Rochelle  ,  qu'ils  commencèrent  à  paraître  fur  les  côtes  de  l'Aunis ,  où  l'on  dit 
qu'un  bâdment  échoué  les  tranfporta  au  retour  d'un  voyage  de  long  cours  .  La 
fubftance  de  leur  corps  ,  ajoute  le  même  auteur  ,  eft  molle  ,  glaireufe ,  d'un  gris  un 
peu  fale  ;  leur  tête  eft  ornée  de  deux  pièces  écailleufes ,  qui  ont  précifément  la 
figure  du  fer  d'un  villebrcquin  &  qui  fervent  au  même  ufage.  Cette  efpéce  de  ver 
fe  trouve  toujours  dans  un  tuyau  de  fubltance  fort  blanche,  dure,  mince  Se  pier- 
reufe  ,  d'une  longueur  &;  d'une  grolTeur  qui  varient  fuivant  l'âge  &  les  progiès  du 
ver.  Quelquefois  ces  tuyaux ,  qui  vont  en  diminuant ,  ont  plufieurs  pieds  de  long 
ëç  leur  gros  bout  n'eft  guère  que  commue  le  tuyau  d'une  plume. 

J'ajoute  ,  avec  M.  Dupaty  ,  qu'on  n'a  trouvé  aucun  remèie  à  leurs  dégâts.  Les 
bois  y  réfiilent  feulement  plus  ou  moins  long-tems.  Le  cyprès  qu'on  en  avait  cra 
préfçrvé  a  eu  le  fort  des  autres,  &  Dampler  nous  dit  que  le  cèdre  n'en  efl  pas  plus 
exempt.  M.  Dupaty  défirait  qu'on  pût  fe  procurer  du  manglier  pour  les  bois  dea 
bouchots  à  moules  des  côtes  de  la  Rochelle  que  les  vers  attaquaient ,  parce  qu'il 
le  croyait  à  l'abri  de  l'infede  -,  mais  M.  Adanfon  a  détruit  cette  erreur  par  fon 
mémoire  fur  les  vers  tarrières  ou  tarets  du  Sénégal ,  qui  percent  auffi.  le  manglier. 
Ce  favant  décrit  ce  ver  apode,  à  qui  la  nature  a  donné  vingt-cinq  rangs  de  petites 
dents  taillées  en  lofange  &.  affez  fcmblables  à  celles  d'une  lime  ,  pour  percer  le  bois 
&:  défoler  l'homme  ,  en  détruifant  la  plus  étonnante  machine  qu'ait  enfanté  fon 
génie. 

Une  expérience  faite  par  M.  le  baron  de  Beffaer  à  Cayenne ,  dont  il  était  goi>- 
verneur,  avait  donné  des  efpérances ,  puifque  de  deux  morceaux  de  bois  de  fapin 
mis  dans  la  mer  au  mois  de  Septembre  1769  ,  &  retirés  au  mois  de  Janvier  1770, 
celui  qu'on  avait  goudronné  était  criblé  de  piquûres  de  vers  ,  tandis  que  l'autre  > 
frotté  d'huile  deCarapaoude  Palma-Chrifti  ou  ricin  ,  était  fort-faini  mais  le 
préf-ervatifa  fii.i  par  perdre  fon  empire. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       477 

Dans  les  commencemens  de  la  Colonie  ,  les  navires  mouillaient  le  plus  au  fond 
de  la  rade,  au  Sud  ,  qu'ils  pouvaient ,  pour  être  davantage  à  l'abri  de  tout  acci- 
dent maritime  &  de  furprife  ,  &  en  tems  de  guerre  ils  fe  logeaient  dans  refpace 
qui  eft  entre  la  côte  &  le  reffifdu  Bélier ,  gagr.ant  ainfi  vers  le  carénage.  Ce  caré- 
nage était  au  point  de  l'habitaiion  Chaftenoye  où  eft  le  corps -de-garde  ,  &  qu'on 
nomme  encore  le  grand  carénage  -,  il  était ,  comme  l'on  voit,  affez  loin  dt  la  ville 
du  Cap.  Il  exiftait  encore  dans  ce  lieu  ,  lorfqii'en  1717  M.  de  Chateaumorand 
défendait  aux  capitaines  de  navires  qui  y  allaient ,  de  couper  ni  de  laifîer  couper 
les  bois  qui  s'y  trouvaient  &  qui  formaient  un  rideau  utile  à  la  défenfe  de  la  Colonie, 
défenfes  que  MM.  de  Larnage  &  Maillart  étendirent  à  tout  l'efpace  qui  était  depuis 
le  morne  à  Jarlan  ou  à  Baudin  ,  jurqu'au  fond  de  la  rivière  du  Haut-du-Cap  ,  par 
leur  ordonnance  du  ler.  Mars  1743.  Ils  fe  virent  cependant  obligés,  au  mois 
d'Avril  1745,  de  réitérer  leur  prohibition  ,&  d'y  comprendre  tous  les  bois  & 
mangliers  qui  bordaient  la  côte  dans  la  rade  &  dana  la  baie  du  Cap ,  &;  qu'ils 
confidéraicnt  comme  un  rempart  naturel.  A  cette  dernière  époque  le  carénage 
était  encore  au  même  endroit ,  quoique  les  capitaines  euflèiat  fait  des  tentatives 
pour  fe  caréner  au  bord  de  la  mer  dans  la  ville,  ce  que  leur  défendit  notamment 
une  ordonnance  du  gouverneur  &  de  l'ordonnateur  du  Cap  ,  en  1725.  On  n'aban- 
donna le  grand  carénage,  que  pour  lui  préférer  le  petit  carénage,  dont  j'ai 
déjà   parlé  dans  la   huitième  Seftion. 

Mais  il  manquait  une  chofe  effentielle  au  port  du  Cap;  c^était  un  lieu  de  carène 
pour  les  vaifTcaux  de  ligne  ,  &  l'on  avait  vu  M.  de  Monteil  forcé  d'aller  en 
178 1,  à  la  Havanne,  pour  y  caréner  plufieurs  vaifTeaux  de  fon  efcadre.  M.  Gramont, 
ancien  capitaine  de  navire  ,  privé  du  bras  droit  à  la  courfe  ,  fe  trouvant  capitaine  de 
port  par  intérim  ,  au  Cap ,  s'occupa  de  la  recherche  d'un  lieu  propre  à  fermer 
ce  carénage  ,  &  il  communiqua  fes  obfcrvations  à  MM.  d'Argout  &  de  Vaivre  , 
qui  engagèrent  M.  de  Graffe  à  vifiter  un  point  qu'il  indiquait.  Un  rapport  favora- 
ble, confirmé  par  un  fécond  rapport  de  M.  La  Mothe-Piquet ,  déterminèrent 
MM.  de  Lilancour  &  Le  Braffeur  à  concéder  le  terrain  à  M.  Gramont ,  fi  toute- 
fois le  mot  de  terrain  pouvait  convenir  à  un  haut- fond  ,  couvert  de  trois  ou  quatre 
pieds  d'eau.  Ce  zélé  citoyen  fut  affujettià  y  former  un  carénage  pour  les  vaif- 
feaux  &  les  navires ,  &  à  évacuer  ce  local ,  s'il  devenait  utile  au  bien  de  Xtl. 
Colonie. 

Ce  carénage   eft   le   bout  du  haut-fond  appelle  le  Bélier  ,   placé  vis-à-vie^ 


47S       DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

l'embarcadère  de  la  Petite-Anfe  &  en  face  de  l'extrémité  de  la  ville  du  Cap  vers 
le  bac.   Les  travaux  de  M.  Gramont  furent  fi  rapides  que  ,  dès  le  mois  de  Novem- 
bre 178 1 ,  fon  carénage  pouvait  recevoir  un  vaiffeau  de  rang.  Le  premier  qui  en 
fit  ufage  a  éré  le  vaiffeau  le  Palmier  ,  de  l'armée  de  M.  de  Graffe ,  commandé  par 
M.  de  Marrelly ,  au  mois  de  Juin  1782  ;  le  vaiffeau  le  Scipion  y  vint  immédiate- 
ment après ,  Se  la  frégate  la  Sybille  ,  au  mois  de  Novembre  de  la  même  année. 
Au  mois  de  Juillet  1783  ,  le  carénage  pouvait  recevoir,  à  la  fois,  trois  navires 
marchands,   ou  un  vaiffeau  de  guerre  &  un  navire  marchand,  fi  celui-ci  n'avait 
pas  tiré  plus  de  7  pieds  d'eau.  I!  y  avait  deux  grands   magafins   pour  loger  les 
équipages   &  les   cargalions  ,  &  de  plus  un  pavillon   &  une  galerie  formant  un 
logement  agréable  pour  M.  Gramont  qui  furveillaic  les  travaux.  Ce  local  a  encore 
été  augmenté,  puifqu'en   1786,  la  cargaifon  entière  d'un  bâtiment  marchand 
logée  ,   il  refait  encore  de  l'efpace  pour  plus  de  cent  barriques  de  fucre  (*). 


(*)^  M.  Gramont  a  fait  le  10  Mai  1782  ,  un  marché  avec  l'intendant  pour  la  carène  des  bâtimens 
de  l'Etat ,  a  raifon  de  250  livres ,  par  jour ,  pour  un  vaiffeau  &  ,20  livres  pour  le,  flûtes  ou  autres 
oaumens  armes  ou  frétés  pour  le  compte  du  roi.  Quant  aux  navires  du  commerce,  ceux  à  trois 
mats ,  payent  de  l'mftant  où  ils  fe  placent  au  quai  jufqu'à  celui  où  ils  n'y  ont  dus  d'eiFets  ico 
hvres  ,  par  jour  ,  s'ils  font  chargés  ;  125  livres  ,  s'ils  font  à  demi  charge  ;  100  livres  ,  s'ils  font  fur 
isur  left.  Le  fenault  ,  12;  ,  ,03  &  90  livres-,  faivant  qu'J  eft  chargé  .  &c. .  &c.  Le  brigantin  ,  100 
90  &  80  livres;,  la  goélette,  80,  70  &  60  livres  ;  S.  tout  .«^rj-caboteur ,  33  livres  ,  psrjour 
dans  quelque  état  qu'il  fe  trouve.  r     j        > 

Pour  ks  prix  de  cî  tarif,  M.  Gramont  fournit  quatre  caliornes  ,  deux  funin.  ,  deux  poulies  àt 
ietour,ies  cabelbns  ,  les  canons  pour  corps-morts  ou  points  de  réfiftance  ,  une  chaudière  à  brai , 
avec  les  magailns  neceffaires  pour  loger  les  effets  du  chargement  &  l'équipage. 

On  peut  juger  de  l'économie   que  le  carénage  de  M.  Gramont  procure,   par  le  caxul  fui-^nt 
i.e  Palmier  y  a  été  45  journées.    Il  aurait  fallu  pour  le  même  tems ,    quatre  navires  marchands  pour 
recevoir  fes  eltets  &  fon  équipage  ,  qu'on  aurait  payés    300  livres  .  par  jour  ,  chacun  (  à  la  Martf- 
nique  on  les  a  payés  500  liv.  en    1779  ^  POur  la  carène  du  Saint-Efprit)  :  c'était  donc  54,000  livres 
aeux   ponto,>s  pour  les  appareils  à  50    livres  par  jour  ,  auraient  coûté   4,500;    deux  aconspourlè 
brai  &  la  cambufe  ,  à  60  livres  chaque  ,  5,400  ;  &  enfin  pour  le  tranfporr  des  effets ,  3,600  •  total 
67.500   UvTcs.   Le  carénage  a  reisplacé  toutes  ces  chofes  ,  excepté  le  logement  des  pièces  à  Peau 
des  voiles  &  des   vivres  ,    &  il  n'a  coûté   que   ,  1,250  livres,  pour  les  45   jours  :  ii  y  a   donc   eu 
56,250  livres  de  bénéiice  ,   fans  compter  que   la  carène  fur  les  pontcns  aurait  duré  plus  ]on<.-tems 
que  celle  faite  dans  un  lieu  où  tous  les  mouvemens  font  prompts  ,   où  tout  eft  difpofé  &  fous  la'ma^r 
On  a  calcule  a.ffi  qu'un  navire  de  500  tonneaux  ,  ne  dépenfe  que  ,,000  livres  aa  carénage  ,   tand-;, 
qu'aitîeurs  il  dépenferait  9,545  livres.  " 


k»   •_: 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  47c, 
Je  crois  qu'on  doit  des  éloges  au  citoyen  qui  a  ainfi  concouru  au  bien  public  , 
&  quand  les  Adminiftrateurs  pour  récompenfer  M.  Gramont ,  lui  ont  donné  le 
titre  de  capitaine  de  port  honoraire  ,  avec  la  fuppléance  du  titulaire ,  ils  ont  fak 
une  chofe  jufte  &  à  laquelle  on  doit  applaudir.  M.  le  Ch'^''-  de  Bras-Pujet,  capi- 
taine de  vaifleau  ,  au  retour  du  commandement  d'une  dation  à  Saint-Domino-ue  , 
a  rendu  au  miniftère  des  comptes  trè.i-avantageux  du  carenage-Gramont  &  les 
Adminiftrateurs  avaient  même  été  chargés ,  par  le  miniftre,  de  lui  en  rendre  un 
compte  détaillé  ,  que  je  ne  crois  pas  qu'ils  lui  aient  fait  paiTer. 

Mais  en  même  tems ,  comme  mon  devoir  &  mon  défir  font  d'être  vrai,  je 
crois  devoir  dire  que  ce  carénage  n'eft  pas  auffi  abrité  qu'on  pourrait  le  défirer , 
furtout  pendant  les  Nords  &  les  brifes  violentes  ;  de  manière  que  les  bâtimens 
reçoivent  le  double  effet  de  l'aftion  de  l'eau  &  de  .la  réfiftance  du  corps  immo- 
bile. De  là  les  dangers  pour  la  mâture  &  celui  de  voir  courber  plus  ou  moins  le 
vaifleau.  On  aflîire  que  ces  accidens  ont  été  éprouvés  au  carenage-Gramont 
notamment  par  le  navire  le  Bien-Aimé  du  Havre  dont  le  grand  mât  s'eft  rompu' 
Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  s'il  y  a  des  perfonnes  qui  préfèrent  les  pontons 
flottans. 

Un  abus  très-ancien  &  qui  f.ibfifte  encore  ,  contribue  beaucoup  à  gâter  le  port 
du  Cap  ,  c'eft  l'ufage  d'y  laiflèr  des  carcafîes.  Dans  une  rade  fujette  Tux  remblais 
&  aux  vers  ,  on  ne  peut  rien  faire  de  plu?,  nuifible  ,  parce  que  ces  carcaffes 
deviennent  autant  de  points  qui  fixent  les  fables  tranfportés  par  les  eaux  &  qu'ils 
font  caufe  de  l'exhauflementdu  fond  ;  tandis  que  des  bois  abandonnés  &  pourris 
logent  des  milliards  de  vers  dont  la  reproduftion  croît  en  raifon  compofée  de 
l'abondance  de  k  nourriture  &  de  la  tranquillité  où  ils  font  laiffés. 

Le  port  du  Cap  était  confidéré  depuis  long-tems  comme  ,un  établifîèment  de 
marine,  mais  l'ordonnance  du  24  Mars  1763  ,  l'a  vraiment  conftitué  te!  ,  & 
voulait  même  qu'il  fût  le  feu!  de  cett^  nature  dans  la  Colonie,  C'eft  de  cette 
époque  que  l'intendant  a  ajouté  à  ces  titres  ,  celui  à' Intendant  de  la  Marine  , 
inféré  depuis  lors  auffi  dans  les  commiffions  d'intendant  ;  c'eft  également  de  cette 
époque  que  le  capitaine  de  port  a  été  affimilé  au  capitaine  d'un  port  de  la  marine 
de  France.  Il  y  a  depuis  environ  vingt  ans  un  lieutenant  de  port  au  Cap  ;  on  y  a 
même  vu  un  aide  de  port.  Les  pilotes  font  au  nombre  de  deux  ou  trois.  En  1763  „ 
le  roi  y  a  nommé  un  maître  entretenu  &  un  maître  charpentier,  pour  en  dino-er 
ks  ouvrages.  Quelq^ues  ouvriers  y  font  employés ,  mais  en  très-petit  nombre  ,^&. 


m 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

comme  ils  travallent  dans  un  Ifeu  qui  n'eft  pas  fermé  &.  à  la  journée  ou  au  mois  , 
la  célérité  n'ift  pas  leur  dé.aut.  On  donnait  autrefois  à  ces  ouvriers  h  nourriture 
du  magafin  du  roi  ,  mais  maintenant  on  les  paye  davantage  5c  il  font  tenus  de  fe 
lîourrir.  Ils  avaient  en  lySS  ,  onze  gourdes  par  mois. 

Le  port  du  Cap  eft  aufiî  devenu  un  port  d'entrepôt  ,  par  l'arrêt  du  Confcil 
d'État  du  30  Août  1784  ,  qui  a  admis  les  batimens  neutres  pour  plufieurs  objets 
&  cette  deilination  y  a  fait  paraître  des  direcleurs ,  des  viilteurs  &  des  commis 
d'entrepôt.  Afin  de  prendre  des  précautions  contre  le  com.m.erce  prohibé ,  d'après 
ks  ordres  du  miniftre  ,  M.  de  Barbezan ,  commandant  la  flation ,  le  com- 
mandant particulier  &  le  commiflaire  de  la  marine  ,  fuppléant  l'ordonnateur  du 
Cap,  fe  font  tranfportés  dans  la  rade  ,  le  2  Mars  1787  ,  6t  ont  décidé  qu'une 
ligne  cenfée  tirée  de  la  rue  Saint-Simon  vers  la  partie  la  plus  Nord  du  bourg 
de  la  Petite- Anfe  ,  fervirait  de  limite  au  mouillage  des  bâtimens  étrangers ,  qui 
feraient  tenus  de  m.ouiller  au  Sud  de  cette  ligne  :  qu'on  conftruirait  pour  leur 
commerce  une  calle  particulière,  coûtant  18,500  liv. ,  devant  la  rue  Saint-Sim.on 
&  que  les  caboteurs  auraient  l'efpace  exiftant  tout  le  long  du  quai,  à  partir  de 
la  calle  Le  Febvre  inclurivement  Se  allant  vers  le  Petit-Carenage.  Ce  plan  non 
encore  exécuté  féparera  des  bâtimens  de  France  ,  les  étrangers ,  &  de  ccux-ct 
les  caboteurs. 

La  police  générale  des  ports  appartient  a'ïx  deux  chefs  de  la  Colonie  qui 
ordo;:nent  ce  qui  a  trait  à  leur  fureté  ,  à  kur  confervation  ,  à  leur  entretien.  Quant 
à  la  police  particuhère  ,  elle  fe  fubdivlfe  en  plufieurs  branches.  Les  Adminifrra- 
tcurs  règlent  tout  ce  qui  eft  une  fuite  néceffaire  de  leurs  pouvoirs  fur  la  police 
générale  ,  &  les  officiers  de  port  veillent  à  Texécution  de  leurs  ordres.  Le 
<:ommandant  de  la  ftation  a  la  police  intérieure  de  la  rade  ,  fous  l'infpeélion  des 
Adminiftrateurs,  &  quand  il  ne  fe  trouve  pas  de  bâtimens  de  l'Ecat  dans  la  rade  , 
cette  police  intérieure  pafîe  au  plus  ancien  des  capitaines  marchands  qui  devient 
alors  le  comm^andant  de  la  rade  &:  qui  porte  une  flamme  à  fon  grand  mât.  L'officier 
d'adminiftation  chargé  des  claffes  ,  a  auiu  une  portion  de  police  fur  les  équipages 
des  navires  marchands  ,  &;:  fait  rechercher  tous  les  m.arins  déferteurs.  A  terre  ,  les 
matelots  font  foum/is  à  la  police  terreftre  ,  &  font  remis  à  leurs  chtfs  ,  s'il  s'agit 
de  fimple  correftion  ,  &  à  la  juftice  ordinaire  ,  s'il  s'agit  de  crimes.  Cette  fubdi- 
vifion  de  juridiélrion  eft  faite  par  plufieurs  ordonnances  que  le  manque  de  clarté 
ou  le  caraélère  plus  ou  moins  entreprenant  de  ceux  qui  les  interprêtent ,  rend 
fouvent  infuiEfantes  ;   de  là  des  confiifts  &.  des  abus  de  pouvoir.  La 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      481 

La  police  particulière  du  port  Se  du  carénage  du  Cap  a  été  fixée  par  une 
ordonnance  de  MM.  de  Bellecombe  Se  de  Bongars ,  d^i  22  Mai  1784.  Elle  conferve 
au  capitaine  de  port  la  rétribution  dont  il  jouit  fur  l'entrée  &  la  fortie  des  bâtimens 
,&  l'oblige  à  entretenir,  à  Tes  frais,  des  pilotes  &  un  canot  armé  pour  aller  au- 
devant  des  bâtimens  qui  fe  préfentent  à  la  pafTe.    C'eft  à  lui  feul  qu'appartient  le 
droit  d'avoir  des  pontons  dont  l'état  &  l'entretien  doivent  être  furveiliés  par  le 
commandant  des  forces  navales.  Cependant  M.  Faucher  ,  négociant ,  en  avait 
un  ,  au  mois  de  Juillet  1786  ,  &  ce  n'était  pas  le  feul.  C'eft  auffî  au  capitaine  de 
port  à  faire  relever  les  carcaffes ,  aux  dépens  des  propriétaires  qui  ne  le  font  pas. 
.  Nul  ne  peut  faire  dépecer  un  vieux  bâtiment  qu'à  l'endroit  que  lui  indique  le 
capitaine  de  port  ;  l'on  ne  peut  pas  faire  une  carène  fans  le  prévenir ,  ni  chauffer 
un  navire  hors  de  la  préfence  d'un  officier  ou  du  maître  de  port.  M.  Gramont  eft 
.  conferve  ,  par  cette  ordonnance  ,  dans  tous  fes  droits  ,  relativement  à  fon  caré- 
nage ,  qu'on  foumet  cependant  à  la  police  du  capitaine  de  port. 

D'autres'ordonnances  ont  chargé  le  capitaine  de  port  de  veiller  à  ce  qu'on  ne 
touche  point  aux  refîifs ,  &  d'après  un  ancien  ufage  ,  il  a  aulTi  le  foin  de  faire 
placer  les  navires  négriers  au  fond  de  la  rade  ,  de  manière  que  les  nègres  y  foient 
bien  expofés  à  l'aftion  des  brifes  &  que  l'air  de  ces  navires  ne  puifTe  nuire  ,  ni  à  la 
rade,  ni  à  la  ville.  Enfin  la  police  des  quais  confidérés  comme  une  partie 
des  chofes  qui  conftituent  un  port ,  eft  confiée  au  capitaine  de  port. 
,  Au  mois  de  Mai  1786 ,  M.  l'Amiral  avait  nommé  des  maîtres  de  quai  dans  les 
ports  principaux  de  la  Colonie  &  notamment  un  pour  le  Cap  ,  mais  les  Adminif- 
trateur  s'opposèrent  à  l'exercice  de  fes  fonélions,  8c  au  mois  d'Août  1787^  le  roi 
décida  que  cet  établiffement  n'aurait  pas  lieu. 

Ce  qu'on  ne  faurait  trop  recommander  dans  une  rade  comme   celle  du  Cap , 
dont  la  plus  grande  dimenfion  eft  en  longueur.  Se  où  ,  à  de  certains  intervalles , 
■  il  i-ègne,  durant  trois  jours  de  fuite,   des  brifes  violentes,  appelées  èn/es  cara~. 
iinêes  ,  c'eft  de   veiller  au  feu.  Pluficurs  exemples  ont  prouvé  que  ce  foin  eft 
néceffaire. 

Le  28  Septembre  1728  au  foir,le  navire  ie  Fidèle,  de  Nantes,  capitaine 
.Nanicol ,  y  brûla  par  l'imprudence  d'un  matelot  qui  avait  été  dans  la  ealle  avec 
«ne  chandelle  pour  y  prendre  de  l'eau-de-vie.  En  1749,  le  navire  le  Triton, 
4e  Nantes,  eut  le  n.ême  fort;  &  au  mois  de  Janvier  173 1  ,  le  navire  la  Ville 
•de  Rouen  ,  armé  au  Havre  ,  prit  feu  vers  les  trois  heures  après-midi  :  le  cable 
Tome    I.  I*  P  p 


I 


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4S2       DESCRIPTION     DE      LAPARTIE 

ayant  brûlé  ,  le  vaiffeau  fut  porté  par  le  vent  au  fond  de  la  rade  entre  le  bac 
&  le  petit  pont  rouge  du  chemin  de  la  Petite-Anfe  j  à  onze  heures  du  foîr 
il  fauta. 

Le  dcrniiïr  exemple  ne  remonte  qu'au  lundi  23  Juillet  1781.  Les  cam.bufîers- 
du  vaiffeau  l'Intrépide ,  de  74  canons ,  mirent  imprudemment  le  feu  à  des 
liqueurs  fpiritueufes  ;  le  vaiffeau  fut  embrafé.  Perfuadé  qu'on  ne  pouvait  pas 
le  fauver  j  on  le  troua  &  on  l'échoua  fur  le  banc  de  fable  vis-à-vis  l'embouchure 
"de  la  ravine.  On  jetta  ce  qu'on  put  de  fes  poudres,  on  mouilla  le  refte ,  ce  qui 
n'empêcha  pas  le  vaiffeau  de  fauter  en  l'air  à  onze  heures  du  matin  ,  environ 
dix  minutes  après  qu'on  en  eût  fait  écarter  les  canots  qui  l'environnaient  avec 
trois  ou  quatre  mille  hommes.  La  commotion  fut  terrible  j  la  ville  entière  en 
trembla  ;  des  morceaux  de  bois  enflammés ,  des  ferremens ,  des  boulets  vinrent 
tomber  dans  la  ville  &  furtout  fur  deux  maifons  du  Petit-Carenage.  La  boulan- 
gerie du  roi  fut  prefque  toute  découverte  ;  plufieurs  navires  eurent  des  partie» 
de  leurs  ponts  enfoncés  ,  des  mâts ,  des  vergues  brifées.  Quarante-deux 'marins 
furent  tués  ou  brûlés.  Quand  on  fonge  que  vingt-quatre  heures  plutôt,  à  caufe  d'une 
brife  carabinée  ,  le  vaiffeau  aurait  brûlé  au  milieu  de  l'armiée  navale  de  aS 
vaiffeaux  &  de  300  bâtimens  de  commerce ,  que  rien  n'aurait  pu  fauver  j  quand 
on  confidère  quelles  poiivaient  être  les  fuites  de  cet  événement,  on  efl:  prefque 
conduit  à  trouver  heureux  qu'il  fe  foit  borné  à  la  perte  d'un  74 ,  malgré  le  vif 
chagrin  de  fon  capitaine  ,  M.  Dupleffis-Pafcau  ,  qui  n'obéit  qu'avec  peine  à' 
l'ordre  de  quitter  fon  vaiffeau  ,  avec  lequel  il  aurait  fauté  quelques  inftajis 
plus  tardi 

On  doit  auffi  fe  refïbuvenir  que  d'après  quelques  accidens  ,  une  ordonnance 
du  24  Mai  1768  a  défendu  de  chauffer  à  bord  aucune  m.adère  combuftible.- 
dans  les  ports  &  les  rades  de  la  Colonici 

L'on  peut  évaluer  à  environ  170,  le  nombre  moyen  des  bâtimers  qui  fe 
trouvent- ordinairement  dans  la  rade  du  Cap.  Ce  ncmibre  total  peut  fe  compofsr 
à-peu-près ,  de  80  navires  de  France,  ayant  depuis  200  jufqu'à  600  tonneaux- 
dont  28  de  Bordeaux,  14  de  Nantes,  14  de  Marfeille  ,  4  de  Bayonne  ,  4  du 
Havre  ,  i  de  Honfleur ,  4  de  Dunkerque  ,  6  de  la  Rochelle,  2  de  Saint- Malo, 
I  de  l'Orient ,  i  de  Rochefort ,  fans  diftinétion  de?  négriers.  50  Américains-^ 
10  ou  12  bâtimens  de  la  Louifiane ,  de  la  Havane,  de  la  côte  efpagnole  ou 
des Illes  du  Vent ,  de  Sainte-Croix  ,    de  Saint-Eullache  &  de  Curaçao,  &G-i, 


Tr'^mm^i 


Î^RANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.    48J 

trente  caboteurs  ou  paflagers  ;  ajoutant  à  cela  les  canots  ,  les  acons  &  les 
pirogues  pour  le  tranfport des  perfonnes ,  des  effets,  des  fubfiftances,  &  pour 
la  pêche  ,  &  le  mouvement  des  chaloupes  des  navires  ,  il  eft  facile  de  concevoir 
que  le  port  du  Cap  offre  un  tableau  très-animé,  très- varié  &  qui  donne  l'idée  du 
commerce  dont  cette  ville  eft  le  fiége ,  &  qui  eft  plus  grand  que  dans  aucun 
autre   lieu  de  la  Colonie. 

D'après  un  ufage  très-ancien  &  dont  le  commencement  eft  même  ignoré  , 
lorfqu'un  capitaine  de  navire  débarque  à  la  callé ,  un  foldat  du  corps-de-garde 
voifin  le  conduit  chez  le  commandant  de  la  place ,  chez  l'ordonnateur ,  au  bureau 
des  clafîès  ,  chez  le  lieutenant  de  l'Amirauté  ,  au  greffe  de  ce  tribunal  &  à  la 
pofte.  On  fent  facilement  que  cet  ufage  a  dû  prendre  naiffance  dans  un  tems  de 
guerre  où  l'on  aura  trouvé  important  que  le  chef  de  la  place  fut  le  premier 
inftruit  des  chofes  qu'un  bâtiment  pouvait  apprendre  j  l'ordonnateur  fait  auflî 
ce  que  la  cargaifon  peut  procurer  aux  befoins  des  magafins  ,  des  troupes  &c. 
Tout  le  refte  tend  à  s'affurer  que  le  capitaine  aura  rempli  ceux  de  fes  devoirs 
auxquels  l'intérêt  public  eft  uni.  Une  ordonnance  du  commandant  en  fécond  & 
de  l'ordonnateur  ,  du  premier  Août  _  1776 ,  exigeait  même  que  le  capitaine  i^v 
fit  fuivre  de  lés  paffagers  chez  l'un  &  l'autre,  mais  cette  règle  n'a  eu  qu'une 
courte  exécution. 

Tous  les  détails  du  port  ainfi  terminés ,  je  vais ,  en  quelque  forte  ,  rentrer  dans 
la  ville  pour  obferver  une  foule  de  chofes  qui  la  concernent  toute  entière  &  qui 
auraient  écé  quelquefois  moins  intelligibles  pour  le  Leéleur  ,  fi  je  les  lui  avais 
préfentées  avant  la  Defçription  particulière  des  huit  Seélions, 


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■  »«»  il>-ii(>'i|>'iS>"4!^  a>iil>-i|>.iil^.ii(^  iil>-.,iI>oci» 


Des  Incendies, 


La  ville  du  Cap,  comme  plufieurs  autres  villes,  doit  fon  embelliffement  à 
des  malheurs.  Les  ennemis  en  brûlant  en  1691  &  en  1695  les  chétives  cabanes 
qu'on  y  avait  cootlruites  ,  firent  paraître  des  maifons  plus  étendues  ,  clofes  de  pa- 
liffades  de  bois-paimifte.  Qn  commença  à  ne  plus  couvrir  en  tâches  &  en  têtes  de 
canne,  à  caufe  de  h  défenfe  qui  fut  faite  le  a6  Juin  172 1,  &  dont  l'utilité  fut 
fentip  lorfque  des  pétards  tirés  le  jour  de  la  Fête-Dieu ,-.  en  1723,  firent  brûler 
deux  maifons,  Enfuite  vinrent  des  maiions  de  bois  mcnuiféta  ,  &  déjà  quelques 

P  p  p  a 


m 


484      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

bâtimens  de  maçonnerie  fe  faifaient  remarquer,  lorfque  l'incendie  de  la  nuit 
du  20  aa2i  Septembre  1734,  qui  dura  depuis  minuit  jufqu'au  foleil  levant, 
vint  brûler  la  moitié  dt  la  ville  ,  dans  le  quartier  du  commerce,  &  caufer  une 
perte  de  plufieurs  millions.  Les  officiers ,  les  foldats ,  les  nègres  montrèrent  la 
pÎLis  grande  aélivité  &  h  plus  grand  courage  pour  en  arrêter  les  progrès.  MM. 
d'Héricourt  &  de  Maupoint  fe  diftinguèrent  par  leur  audace,  mais  fans  les  fecouri 
donnés  par  les  charpentiers  du  vaiffeau  la  Charante ,  commandé  par  M.  le 
Comte  de  Vaudreuil ,  prêt  à  faire  route  pour  la  Louifiane  ,  &  ceux  des  bâti- 
mens de  la  rade ,  qui  abattirent  plufieurs  maifons  pour  intercepter  le  cours  du 
feu  j  fans  le  concours  des  matelots  &  des  nègres  des  ateliers  voifms  de  la  ville 
c'en  était  fait  de  tout  ce  qui  exiflait  de  conftruClions.  On  tira  de  cet  événement' 
l.i  leçon  de  ne  plus  bâtir  qu'en  maçonnerie. 

Dans  la  nuit  du  7  au  S  Décem.bre  175a,  une  négreffe  s'étant  endormie  laifTant 
une  lumière  après  d'une  paillafîe  ,  le  feu  fe  manifefla  à  une  heure  du  matin 
&  menaça  d'cmbrafer  toute  la  ville.  Heureufemxnt  que  M.  de  Chaftenoye  ,  Gou- 
verneur du  Cap  ,  fit  abattre  une  maiibn  de  bois  &  en  fit  découvrir  plufieurs 
autres  couvertes  d'efîèntes ,  ce  qui  borna  la  perte  à  quatre  maiibns ,  au  coin  des 
rues  du  Gouvernement  &  de  la  Fontaine.  Perfonne  ne  contribua  plus  à  fauver 
la  ville  alors ,  que  MM.  Blanc  &  Balanqué  ,  par  la  téméricé  avec  laquelle  ih 
allaient,  même  au  milieu  des  flammes  ,  travailler  à  anêrer  leur  dévaftation.  L'on 
a  vu  le  dernier  capitaine  de  port  du  Cap,  en  1767,  place  qu'il  avait  méritée 
parles  brillantes  ,&  peut-ê:re  encore  plus  par  fes  génércufes  adions ,  coinme 
capitaine  de  corfaire. 

Depuis ,  le  Cap  n'a  éprouvé  que  quelques  inquiétudes  par  le  feu ,  dont  la 
plus  vive  fiit  celle  du  mois  de  Mai  1773  ,  ^«rfque  le  feu  prit  dans  le  logement 
de  M.  de  Reynaud  ,  alors  colonel  du  régiment  du  Cap  ,  fur  le  côté  Eft  délia  rue 
des  Vierges  &  entre  celles  Saint-Simon  &  Saint-Jofeph.  M.  Rey  du  Château  , 
officier  du  régiment  du  Cap  ,  eut  le  malheur  d'y  avoir  une  jambe  caflëe,  &  I'oa 
diftingua  parmi  la  foule  de  ceux  que  leur  ardeur  portèrent  à  éteindre  l'incendie  , 
M.  Léon  Laugier  fils,  officier  d'un  navire  de  Marfeille  mouillé  en  rade  ,  à  qui 
M.  de  Vallière  donna  une  épée ,  au  nom  du  roi ,  pour  récompenfer  fon  heureufe 
intrépidité. 

-  Le  peu  d'élévation  des  maifons  rend  les  incendies  moins  dangereux  ,  mais  auffi 
ie  peu  de  profondeur  des  îlets  entaffe  les  eonftruaions  &  le  peu  de  largeur  des 


L»  •-, 


M     y,       «^-^ 


I 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      485 

rues  rend  la  communication  du  feu  très-faclîe.  Il  faudrait  donc  qu'on  eût,  dans 
chaque  maifon  une  furveiUance  que  la  parefîe  des  nègres  rendra  toujours  nécef-^ 
faire.   Il  faudrait  encore  que  chaque  maifon  eût  un  ou  deux  féaux  de  cuir  j   que 
chaque  fedion  eût  des  pompes  dépofées  dans  un  lieu  convenu ,  8c  que  d'avance 
^     il  y  eût  des  perfonnes  chargées  de  les  faire  jouer.   Mais  il  faudrait  furtout  que 
l'entretien  de  celles  achetées paj  le  roi  &  auquel  on  a  prépolé  un  diredeur  ,  depuis 
1777  ,  avec  exemption  de  fervice  de  milices,  &  1,200  livres  par  an  ,  fut  furveillé. 
C'eft  durant  les  longues   féchereffes  auxquelles  Saint-Domingue  devient  de  plus 
en  plus  iujet ,  que  l'incendie  eft  redoutable  ,    &  fi  l'on  réfléchit  qu'alors  les  fon- 
çâmes  &   les   puits  font  prefque  défféchés  -,   on   doit  fentir  la  néceffité    des 
précautions  que  j'indique,   C 'eft  un  objet  fur  lequel  la  police  manque  d'aftivité. 


De  la  Police. 

Puisque  j'ai  proféré  ce  mot  ,  je  vais  parler  de  la  police  du  Cap.  Les  plus 
anciennes  loix  coloniales  &  principalement  le  règlement  du  roi  du  4  Novembre 
1671  ,  a  donné  l'exécution  de  la  police  aux  juges  inférieurs.  La  vérité  eft  néan- 
moins que  dans  le  premier  âge  de  la  Colonie,  les  États-majors  l'exerçaient  prefque 
exclufivement ,  à  moins  qu'il  ne  fût  néceifaire  de  prononcer  quelques  amendes, 
pour  lefquelles  ils  renvoyaient  aux  juges.  MM.  deLarnage  &  Maillart  convaincus 
que  cette  forme  était  vicieufe  ,  créèrent ,  le  13  Août  1739,  un  infpecfleur  de 
police  du  Cap  qui  fut  chargé  de  la  police  fous  le  procureur  du  roi  &  auquel  ils 
donnèrent  un  brigadier  &  quatre  archers  tirés  de  la  maréchaufTée.  Ils  nommèrent 
M.  Ferrary  &  l'aftujettirent  à  prendre  les  ordres  de  i'État-major  &  du  Confeil 
Uipéneur  ,  &  à  remettre  au  miniftèrc  public  ,  les  procès-verbaux  des  contra- 
ventions. La  part  laiflee  à  l'État-major  fut  un  nouveau  titre  d'ufurpation  &  h 
police  lui  fut  prelque  totalement  dévolue  jufl^en  1762,  que  les  plaintes  des 
colons  déterminèrent  MM.  de  Bory  &  Clugny  à  prendre  de  nouvelle,  mefures. 
Elles  furent  reunies  dans  leur  ordonnance  du  14  Juillet  qui  établit  deux  infpec 
teurs  &  dix  fergens  de  police ,  un  voyer  &  un  étalonneur-jaugeur ,  &  qui  leur 
diftnbue  des  fondions ,  en  les  plaçant  fous  les  ordres  du  fénéchal  &  du  procureur 
du  roi.  f 

La  police  a  divers  objets  que  je  vais  parcourir  rapidement,  D'abord  la  propreté 


.^ 


486      D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E    LA 


PARTIE 


delà  ville.  Il  ferait  difficile  de  trouver  fur  aucun  fujet  autant  de  réglcmens  des 
Adminiflrarturs ,  du  Confeil,  du  Juge  de  police,  qu'il  y  en  a  depuis'^lc  9  Mars 
17 10,  pour  que  la  ville  du  Cap  loit  propre.  Le  nettoyement  des  rues  n'a  pas  ceffé 
d'être  afterrrié  ,  à  partir  de  l'époque  de  1735  ,  &  le  dernier  procès  verbal  d'adju- 
dication ,   fait  le  9  Septembre  1785  ,  le  fixe  à  49,000  livres  par  an. 

La  police  a  ordonné  de  balayer  le  devant  des  maifons  &  les  ruifTeaux  des  rues  , 
tous  les  jours  avant  fept  heures  du  matin,  &  dans  beaucoup  d'endroits  on  ne  le  fait 
prefque  jamais.  Elle  a  prefcrit  de  jettcr  de  l'eau  deux  fois  par  jour  au-devant  des 
maifons,  afin  de  rafraîchir  l'air  &  de  renouveller  l'eau  des  ruifTeaux,  &  ce  n'eft 
qu'un  fimple  ufage  que  quelques  perfonnes  employent  dans  les  grandes  chaleurs  & 
feulement  quand  il  leur  plaît.  On  ne  doit  pas  mettre  d'immondices  dans  les  rues  , 
quand  les  tombereaux  ont  pafle ,  ni  les  placer  ailleurs  qu'au  coin  &  le  long  des 
maifons ,  &  il  n'eft  pas  d'inftant  du  jour  qu'on  n'en  voye  au  bord  des  ruifTeaux  & 
furtout  dans  les  carrefours  ;  dans  les  rues  peu  fréquentées  ,  il  y  a  des  amas  d'or- 
dures. Si  l'on  bâtit,  l'on  gêne  les  rues  ,&  la  nuit  rien  n'indique  le  danger  aux 
pafl:ans  ;  en  un  mot ,  nulle  part  la  police  n'eft  plus  mal  faite  à  cet  égard  j  les  rues 
les  calles  ,  les  quais  font  fales  &  infeds  ;  quelquefois  des  cloaques  Répandent  une 
p.deur  infupportable  :  on  trouve  par-tou:  des  voitures  &  des  chevaux  détélés  ,  qui 
gênent  &  falilTent  les  rues. 

La  police  doit  empêcher  le  bruit ,  &  chacun  fait  celui  qu'il  veut.  Elle  doit  em- 
pêcher les  jeux  défendus ,  &  nulle  part  on  ne  joue  avec  plus  d'audace;  les  efclaves 
eux-mêmes  y  font  publiquement  des  parties  très-chères,  &  dont  la  perte  ou  le 
gain  eft  nécefîairementun  vol  faitâ  un  maître.  La  police  doit  veiller  à  la  diftribu- 
tion  de  la  viande  ,  &  cependant  on  excède  à  la  boucherie  le  prix  du  tarif,  ou  bien 
l'on  ne  veut  donner  de  la  viande  qu'aux  domeftiques  des  gens  en  place  ;  il  eft 
même  reçu  qu'on  va  prier  quelqu'un  de  ces  élus ,  de  recom.mander  fon  nègre  à 
i'infpcaeur  de  police  qui  eft  à  la  boucherie.  On  tilérait  autrefois  que  des  archers 
de- police  priffent  de  la  viande  à  la  boucherie  exclufive ,  &  la  revendiffent  à  un  taux 
double  ,  Se  même  plus  fort. 

La  police  doit  veiller  à  ce  que  les  boulangers  ne  vendent  pas  à  faux  poids ,  & 
par  une  fingularité  remarquable  ,  il  eft  des  boulangers  qui  échappent  conftamment 
à  la  furveiUance ,  quoique  ce  ne  foit  pas  ceux  dont  le   public  fe  plaigne  le  moins. 

Depuis  le  2  Août  1780,  une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  a  réglé  qu'il  n'y 
iurait  que  trente  cabarets  au  Cap,  que  quatre  feulement  pourraient  vendre  du 
tafia,  mais  pas  en  moindre  quantité  que  de  dix  bouteilles,  &  néanmoins  tout  le 


1 


JL: 


»»— r — '  '■■  l'^fT'^      IJi'Wt 


Fli'ANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      487 

monde   voit,   excepté   la  police,    qu'il  y  a  plus  de  trente  cabarets,  &  que  le 
tafia  fe  vend  à  la  plus  petite  mefure  ,  pour  lept  fous  &  demi. 

Les  cabarets  doivent  être  fermés  à  des  heures  marquées,  &  cependant  j'ai  eu  le 
voifmage  d'un  cabaret  où  les  nègres  m'empêchaient  de  dormir  iong-tems  après  , 
&  même  lorfqu'un  beau  clair  de  lune  ne  permettait  pas ,  à  tout  autre  qu'à  la 
police  ,  de  ne  les  pas  voir. 

C'eftla  mê;Tie  bienveillance  pour  les  billards ,  qui  étaient,  en  1786  ,  auffî  nom- 
breux que, les  cabarets ,  &  pour  les  cafés  :  &  il  a  fallu  que  des  officiers  de  l'état- 
major  &  même  M.  de  Bellecombe ,  gouverneur  -  général ,  allalTent,  avec  un 
détachement  de  troupes  ,  pour  y  faire  cefTer  un  jeu  défaftreux. 
•  On  ferait  tenté  de  croire  qu'il  n'y  a  au  Cap  ni  gens  fans  aveu  ,  ni  vagabonds  y. 
parce  que  la  police  n'en  trouve  point.  Le  métier  d'aubergiile  &  de  logeur,  eft 
celui  de  quiconque  veut  le  prendre ,  &  les  règles  ne  font  pas  mieux  fuivies  fur  ce 
point  que  fur  les  autres. 

Quant  aux  efclaves ,  il  femble  que  la  police  n'ait  aucune  fondion  qui  les 
regarde.  Les  nègres  vont  armés  de  gros  bâtons;  ils  tiennent  des  chambres  à  loyer, 
ils  jouent,  ils  forment  des  affemblées  ,  ils  violent  enfin  tous  lesréglemens  ,  &  lea 
hommes  de  poUce  font  fpeélateurs  tranquilles  de  leurs  contraventions.  Ils  arrêtent 
cependant  le  dimanche  quelques  nègres  de  la  plaine  ,  qu'ils  accufent  d'être  fans 
billets  i  par  fois  même  ils  conduifent  à  la  geôle  des  nègres  de  la  ville  ,  qu'ils  ont 
arrêtés  dans  quelques  patrouilles  de  nuit ,  mais  ce  font  des  nègres  qui  n'ont  pas  le 
droit  d'impunité ,  par  le  crédit  de  leurs  maîtres  ;  car  il  y  a  tel  efclave  qui  obtient 
les  égards  de  la  police  ,  &  fouvent  tel  archer  de  poUce  a,  parmi  les  efclaves  du 
fexe ,  une  proteélrice  ,  qui  a  aulTi  fes  créatures. 

Quelles  font  donc  les  caufes  de  tant  de  défordres  ?  La  principale  eft  le  trop  petit 
nombre  d'hommes  formant  la  troupe  de  police  ;  la  féconde,  la  médiocrité  de  leur 
traitement  -,  la  troifième  ,  le  peu  -d'énergie  Se  de  furveillance  de  la  part  des  officiers 
de  police  ,  je  veux  dire  des:offiGier.s  de  la  Sénéchauffée.  îl  n'y  a,  à  préfent  que  le 
Cap  eft  doublé  comparativement  à  1764.,  que  le  même  nombre  d'agens  de  police  j 
deux  infpeclèurs,,  deux  fergens  &  huit  archers.,  au  lieu.de  dix  fergens.  Parmi  ces 
dix  derniers,  il  y  en  a:  toujours  un  qui,  eft  toute  la  journée  chez  le  fé,néchal  Se 
l'autre  chez  le  procureur  du  roi ,,  pour  exécuter  leurs  ordres  erïfait  de  police.  Les 
infpeéleurs ,  obligés  de  rendre  des  comptes  journaliers  au  commandant,  à  l'ordon^ 
aateur  j,  au  fénéchal  ^  au  procureur  du  roi ,  perdent  une  grande  partie  de  leur  tem.s. 


fe! 


■I 


r'^ 


488       DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

dans  ces  co  urfcs ,  auxquelles  ils  ajoutent  des  vifites  au  pré&dent  &  au  procureur- 
général  du  Confeil.  Comment  huit  hommes  qui  reftent ,  accompîiraienc-iis  tous 
^es  devoirs  qu'on  leurimpofe  ?  comment  feraient-ils  des  patrouilles  de  nuit ,  dans 
une  ville  qui  a  près  d'une  lieue  d'enceinte  dans  fa  forme  irrégulière  ?  n'eft-on  pas 
pas  certain  ,  au  moment  où  cette  patrouille  vient  de  paffer ,  qu'on  ne  fera  plus  ia- 
quié:é  par  elle? 

.  Le  traitement  eft,  depuis  1762,  fixé  à  2,400  livres  pour  les  infpedeurs  &  à  900 
livres  pour  chacun  des  autres  ;  ce  qui  fait  en  tout  13,800  livres  par  an  ,  qui  font 
payées  par  la  caifTe  des  droits  municipaux  ,  c'eft-à-dire  ,  des  droits  fuppliciés  8c 
de  maréchauffée  ;  on  leur  fournit ,  en  outre  ,  un  fufil  ,  une  bayonnette  ,  un  four- 
niment &  un.e  épée.  Les  infpeéleurs  font  obligés  d'avoir  un  uniforme  compofé 
d'un  habit,  vefxe  &  culote  bleus,  boutons  d'argent , 'une  aiguillette  d'argent  fur 
l'épaule  j  &  de  porter  un  bâton  d'ébène  garni  d'ivoire  en  haut  &  en  bas,  La 
troupe  eft  auiïi  en  bleu  avec  les  boutons  blancs  &  on  lui  fournit  une  bandoulière 
bleue  avec  un  bordé  blanc ,  aux  armes  de  France  &  le  mot  Folke.  Enfin  ce  n'eft 
que  depuis  le  mois  de  Novembre  1785  ,  que  le  Confeil  du  Cap  a  loué  une  maifon 
rue  Efpagnole  pour  y  loger  la  troupe  de  police  ;  chaque  archer  était  tenu  de  fe 
loger,  à  fes  frais  ,    auparavant. 

Eft-iî  un  individu,  connaiiTant  Saint-Domingue,  qui  croye  poffible  qu'un 
archer  de  police  y  fubfifte  &  s'habiile  ,  &c  ,  avec  900  livres  -,  un  infpecleur  avec 
2^400  ?  J-  fais  qu'ils  ont  des  profits  de  capture  &  de  confifcation ,  mais  lorfqu'ils 
font  aufli  prés  du  befoin  ,  il  eft  plus  sûr  encore  pour  eux  de  vendre  leur  indul- 
gence que  d'attendre  des  profits  incertains.  Aufîi  les  exemples  de  prévarication 
font-ils  journaliers.  D'ailleurs  quand  il  y  a  un  fi  petit  nombre  de  complaifans  à 
achetCTi  les  facrifices  font  moins  grands.  Il  faut  donc  augmenter  la  troupe  ,  qu'on  a 
encore  obligé  à  mener  les  criminels  aux  exécutions  qui  ne  font  pas  fuivies  de 
mort  i  il  faut  la  payer  de  manière  à  engager  des  hommes  qui  s'eftiment  à  remplir 
ces  fondions.  Mais  tout  cela  ne  fufBra  pas  £1  les  ofBciers  de  la  SénéchauiTée  ne 
mettent  pas  un  zèle  févère  dans  la  manutention  de  la  police,  s'ils  ne  plient  pas  à  la 
loi  tous  ceux  qui  fe  font  un  jeu  de  l'infulter  par  leur  défobéifîance. 

Le  voyer ,  qui  a  3,000  d'appointemens  depuis  178 1 ,  &  les  revenans  bons  de  fa 
place  ,  n'y  met  pas  non  plus  une  grande  exactitude.  Il  eft  guidé  dans  fa  principale 
fondion ,  qui  efl  l'alignement  des  rues ,  par  le  plan-direfteur  qui  efl  drelTé,  changé 
&  corrigé  par  l'ingénieur  en  chef,  d'après  1^  ordrçs  des  Adminiftraceurs ,  parce 

que 


■!«  •  •nfyaparf^^Tiim'^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      489 

«jae  les  villes  des  Colonies  font  confidérées  comme  des  places  de  guerre.  Une 
copie  de  ce  plan  eil  dépofée  au  greffe  de  la  Sénéchaufîee.  La  voirie  ,  proprement 
dite  ,  ne  le  regarde  pas  mais  l'entrepreneur  du  nêttoycment  de  la  ville.  Il  infpeftc 
les  pavés ,  règle  l'écoulement  des  ruifleaux  ,  empêche  les  ufurpations  fur  le  local 
des  rues  ,    &c. 

Il  faut  favoir  qu'il  exifte  un  étalonneur-jaugeur  juré  ,  pour  s'en  douter.  En  nul 
lieu  du  monde,  peut-être,  on  ne  vend  plus  à  faux  poids  &  à  fauffe  mefure  qu'au 
Cap,  Indolence  de  celui  qui  a  cet  emploi,  défaut  de  proteftion  dans  ceox  qui 
devraient  afîurer  fes  opérations ,  voilà  les  caufes  de  ce  nouveau  vice  de  police. 

Je  dois  pourtant  convenir  qu'il  ferait  très-dlfHcile  que  les  officiers  de  la  Séné- 
chauffée  puffent  remplir  leurs  obligations  en  fait  de  police  avec  l'exadlitude  ,'Ia 
jufte  févérité,  &  la  célérité  qu'elles  exigent.  Le  tribunal  confomme  tout  leur  tems 
pour  les  affaires  civiles  &  criminelles  j  d'ailleurs  la  police  a  encore  d'autres  parties 
pour  eux.  C'eff ,  outre  deux  audiences  de  police  le  mardi  &  le  vendredi  de 
chaque  femaine,  l'après  midi, cette  multitude  de  plaintes,  de  débats, de  colloques, 
qu'il  faut  écouter,  de  la  part d'efclaves  qui  fc  plaignent  de  libres,  de  libres  qui  fc 
plaignent  d'efclaves ,  de  blancs  qui  imputent  des  faits  à  des  affranchis  ou  qui  font 
l'objet  des  reproches  de  ces  derniers.  Il  faut  mander  les  uns  &  les  autres,  tenir  en 
quelque  forte  un  tribunal  domeftique ,  accommoder,  blâmer  ,  menacer  ,  punir  & 
garder  dans  tous  ces  cas  une  ir.efure  qui  tienne  tout  à  la  fois  de  l'équité  natur 
relie  &  de  la  juftice  légale  ;  employer  l'autorité  à  maintenir  la  paix  publique ,  fans 
en  abufer,  &  ne  pas  la  foumettre  au  crédit ,  à  la  faveur ,  à  la  crainte,  peut-être. 
Tant  de  foins  dans  une  ville  coloniale,  où  les  individus  font  placés  les  uns  à  l'égard 
des  autres  dans  des  rapports  politiques  ,  exigent  bien  des  qualités  ,  &  eaufent  une 
grande  perte  de  tems.  Or  le  fénéchal ,  fon  lieutenant  &  le  procureur  du  roi  en  ont 
à  peine  affez  pour  accomplir  toutes  leurs  fondions  de  judicature,  &  pour  prononcer 
vingt  mille  jugemens  ,  au  moins ,  par  année.  La  police  eft  donc  le  patrimoine  des 
infpeiîFteurs,  &  ils  difpofent,  lorfqu'eux-mêmes  auraient  befoin  d'être  conilaniment 
furveillés. 

Dès  174S  ,  on  a  parlé  de  l'établiffcment  d'un  lieutenant  de  police  au  Cap  ,  où  le 
befoin  qu'on  en  avait  a  prodigieufement  augmenté.  Il  fuffirait  de  connaître  toutes 
les  ordonnances  &  les  rég'emens  de  police,  pour  êcre  convaincu  qu'elle  cfl  très- 
impu'ffante  ,  &  qu'elle  manque  de  moyens  répreflîfs.  Que  faire  du  vagabond  qui, 
arrêté  Se  mis  en  prifon  ,  finit  par  en  fortir  pour  reprendre  fa  yie  errante  &  conci- 
Tome  L  Q^^ 


^™»-^ 


490      DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

nuer  à  menacer  la  fociété  des  mêmes  fléaux  ?  Il  faut  une  perfonne  qui  ait  le  foia 
unique  de  la  police  de  cette  grande  ville  ,  &  que  le  gouvernement  manifefte  d'une 
ifianière  éclatante  k  deffcin  de  la  foutenir  contre  tous  les  abus  d'autorité,  &  contre 
la  ligue  des  hommes  qui  croycnt  que  leur  dignité  s'augmente,  par  l'impunité 
qu'ils  accordent  à  leurs  domeftiques  ,  à  leurs  efclaves.  Il  faut  qu'avec  tous  les 
moyens  d'affurer  l'ordre  ,  le  chef  de  la  polic'^  foit  refponfable  du  trouble  qu'on  y 
apportera.  Alors,  mais  alors  feulement,  on  remédiera  aux  divers  monopoks  au'oa 
croit  nuls  ,  parce  qu'on  ne  les  éprouve  pas  perfonnelkment ,  &  l'on  ne  craindra 
plus ,  comme  à  préfcnt ,  de  faire  k  bkn  ,  parce  qu'il  faudrait  braver  une  rumeur 
infenfée  ,  qui  réclame  aveuglément   en  faveur  d'anciens  abus. 

C'eft  encore  le  fénéchal  qui  cenfure  les  pièces  de  théâtre  &  qui  donne  des  per- 
im.Tions  aux  baladins  ,  à  ceux  qui  montrent  des  optiques ,  des  marionnettes  ,  aux 
faife-urs  de  tours,  à  ceux  qui  font  des  courfes  à  cheval ,  &c.  Sans  doute  qu'OxT 
croit  que  cette  permiffion  eft  tacitement  accordée ,  pour  expokr  &  vendre  des 
livres  &  des  eftampes  obfcènesi  car  il  n'eft  pas  de  jour  de  marché  des  Blancs  où  les 
yeux  ne  foient  blefîës  par  ces  dernières ,  &  où  la  jeunefîé  ne  puiiTe  trouver 
auffi  à  échanger  fa  précieufe  innocence,  contre  la  morale  ordurière  de  livres 
dangereux  où  de  dégoutans  tabkaus  fouillent  encore  la  vue. 

Pour  mieux  faire  juger  de  la  néceffi-é  d'une  bonne  police  au  Cap  ,  il  fufnt  d'en 
connaître  l'importance  &  la  population" 


Ncmlre  des  Maifons   ^   Population  du  Cap, 

Cette  viik  qui,  lors  de  l'incendk  de  1734,  n'avait  guères  que  400  maifons", 
en  contenait  587  en  1751  ;  627  en  1753  ^  817  en  1756  ;  857  en  1761  j  869  en 
1764  j  910  en  1766;  1260  en  1783  &  1361  en  1788  ,  dont  1221  dans  la  vilk  & 
140  dans  le  faubourg  du  Petit  Carénage  ,  non  compris  les  édifices  &  les  établiiTe- 
mens  publics ,  qui  font  au  nombre  de  79.  Le  Cap  a  donc  triplé  en  cinquante  ans, 
ce  même  cette  manière  de  confidérer  fon  accrolfîement ,  n'eft  pas  celk  qu'il  faut 
prendre  ,  puifque  de  belles  maifons  &  des  maifons  à  étages  ont  remplacé  des  ba- 
raques &  des  efpèces  de  chaumières ,  telks  qu'on  en  voyait  dans  la  Petite-Guinée 
&  dans  le  canton  du  Marécage. 

En  1764,  on  évaluait  à  1,688,690  livres ,  ce  que  ks  maifons  du  Cap  produifaient 


FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE,      491 

deloyef  )  St€n  1779,  t  trois  millions  ;  &  certainement  en  1788,  ces  loyers  s'éle- 
vaient à  près  de  cinq  millions ,  quoique  le  nombre  des  maifojis  ne  fût  pas  doublé 

depuis  1764. 

Uneordonnancedes  Adminiftrateursdu  aoOaobre  1780,  renouvellée  le  27 

Janvier  1787  ,  a  donné  aux  rues  du  Cap  des  plaques  peintes  qui  en  indiquent  le 
nom  ,  &  chaque  maifon  eft  numérotée. 

Venons  à  la  population.  -La  paroiffe  du  Cap  avait,  d'après  les  recenfemenSî 


Blancs. 


Affranchis.      Efclaves. 


En  1692 
17 10 

1730 

1749 
1771 

177s 
1780 
1788 


.  ii-60  hommes 

•  335 

.-694. 

.  900 

.1020 

.  1105 

.1065 

.1895 


.  63  femmes 

20Ô  .  . 

581  .  . 

515  •  • 

605  .  . 

586  .  . 

599  •  • 

84s  .  . 


•  52 

•  62 

.  143 
.271. 
.  Î95 

139I- 
1264. 


.  34  ,.  . 

.  605  .  .  . 

.174-9  •  •  • 
(  non  marquée  ) 
.  25.68. 

.4257  •  ^  ■ 

.  4665  .  .  . 

.  8147  .  .  . 


TOtaî 


•  257. 
.  1198. 
.  2886- 
.  1658. 

■  4^64- 
.6.143. 

•  7729' 
.13-151. 


Ces  recenfemens  ne  méritent  pas  tous  une  égale  confiance.  Les  plus  anciens 
-peuvent  être  crus  ,  parce  que  dans  une  population  faible  chacun  eft  connu  &  ap- 
perçu  i  mais  à  mefure  qu'elle  s'accroît ,  les  erreurs  ,  les  omiffions  échappent  plus 
aifément,  U  malgré  la  vigilance  que  M.  de  Marbois  a  employée,  le  recenfement 
-de  1738  eft  fur- rent  fautif. 

Diftinguant  la  population  de  la  ville  ,  proprement  dite  ,  de  celle  de  la  paroiffe  , 
j'ai  des  renfeigncmens  qui  m'autorifent  à  compter  la  première  de  la  manière 
Suivante. 

Blancs  f^e  t^ut  fexe  &  de  tout  âge  .     ............     .  3S00, 

Affranchis l4PO. 


M 


'■=3 


Efclaves 


10,000, 


15,000. 


Voilà  la  population  propre  du  Cap  j  mais  il  faut  y  faire  des  additions  pour  l'avoir 

telle-  qu'elle  esifte. 

Qqq  2 


«: 


i».i 


492       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

La  garnilbn  qui  ferait  de  1,300  hommes  tout  compris ,  ne  peut  être  comptée 

dans  l'état  ordinaire  que  pour ,.     .     ,     ^  looo  hom,. 

80  bâtimens  de  France  dans  la  rade,  évalués  à  25  individus  l'en 

dans  l'autre 2000 

50  bâtimens  américains  de  6  hommes  chaque  .     .....  300 

10  autres  bâtimens  neutres  à  10  hommes loo 

30  caboteurs,  paflagers  ,   &c.  ,  à  5   hommes.     .     »    ,     .     .      150 

C'cfl  donc 3,550    hom* 

à  ajouter  aux  15,000  déjà  trouvés  ,  &  l'on  a  environ  18,500  {>erfonnes  pour  lé- 
taux de  la  population  habituelle  de  la  ville  du  Cap,  pour  le  nombre  des  bouches 
qui  s'y  nourrifîènt ,  &  auxquelles  je  n'ajoute  pas  la  maréchauffée  ,  la  troupe  de 
police  ,  ce  que  contient  un  feul  bâtiment  négrier ,  qu'on  peut  fuppofer  en  rade  , 
les  individus  de  la  chaîne  publique,  &  enfin  les  voyageurs  &  les  colons  des  autres 
lieux  qui  s'y  trouvent  accidentellement ,  mais  qui  affurent  encore  mieux  mon. 
évaluation. 

Ce  tableau  montre  lui-même  combien  on  peut  compter  au  Cap  d'individus,  en 
quelque  forte  étrangers  à  la  Colonie i  Se  parmi  les  3,600  Blancs,  il  eneft  au  moins 
un  fixième  fans  nulle  propriété  mobiliaire  où  immobiliaire ,.  &  qui  fpéculent  fur 
des  événemens  qui  fe  réalifent  pour  les  uns  ,  &  dont  l'attente  trompe  beaucoup 
d'autres.  Primitivement  il  a  fallu  envoyer  des  engagés ,  puis  des  fujets  pris  dans 
certains  hôpitaux  pour  maintenir  la  population  de  Saint-Domingue,  &  le  Cap  en  a 
particulièrement  profité  ainfi  que  de  quelques  colons  venus  de  Saint- Chrifiophe  Se 
de  Sainte-Croix.  Ce  fut  au  commencement  du  mois  de  Février  169&,  que  la 
Colonie  de  cette  dernicie  Ifle  arriva  au  Cap.  Elle  était  compofée  de  10  foldats., 
I  fergent ,  50  hommes  portant  armes ,  3  ou  4  familles  &.  60  nègres  -,  ils  ne 
refièrent  pas  tous  dans  cette  ville. 

Une  chofe  dont  on  efl:  très-frappé  en  confidérant  la  population  de  Saint- 
Domingue  ,  c'ell  le  petit  nombre  des  enfans  blancs.  La  plupart  de  ceux  qu'on 
îencontre  font  faibles  ,  débiles  ,  maladifs ,  &  l'ufage  d'en  envoyer  beaucoup  en 
France  efl:  une  caufe  qui  les  rend  encore  plus  rares.  Je  reviendrai  lur  cette 
obfervation. 

On  efl  naturellement  conduit  à  parler  des  confommations  de  la  ville  du  Cap  , 
lorfqu'on  a  entretenu  de  fa  population.   En  1788,  on  y  débitait ,  chaq^uejour> 


FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       493- 

20  ou  11  bœufs  dont  le  poids  variait  depuis  4,800  livres  jufqu'^à  6,000  ,  fuivant 
l'état  de  ces  bœufs.  Les  dimanches  &  les  jeudis  font  les  plus  fortes  boucheries  ,, 
&  les  moindres  ont  lieu  le  vendredi  &  le  famedi.  La  tuerie  de  veaux  n'eft  pas 
régulière  ,  & ,  fouvent  même ,  il  fe  paffe  huit  jours  fans  qu'on  en  faffe  ,-  mais  on 
peut  cependant  calculer  que  le  Cap  confomme  ,  chaque  mois,  15  veaux  pefanÊ 
80  livres  chacun.  Par  jour  ,  dix  moutons  &  25  cabrits  (  chevraux  )  &  30 
cochons.  25  boulangers  employent ,  chaque  jour,  70  barils  de  farine  de  180= 
livres.  Dans  cette  fourniture  de  pain  ,  il  y  en  a  pour  les  bâtimens  de  la  rade  8c- 
pour  quelques  habitations  des  environs  de  la  ville  ;.  en  1783  j.  elle  allait  prefque  au 
double  ,  par  l'augmentation  des  troupes  françaifes  &  par  la  préfence  des  troupes 
efpao-noles  j.  ces  dernières  confommaient ,  à  elles  feules ,  30  barils  de  farine 
par  jour. 

Da  Cap  cortftdêrê  comme.  Capitale. 

Le  Cap  elï  le  lieu  plus  habité  de  toute  la  Colonie  ,  &  il  doit  ctx.  avantage-  i- 
fon  plus  grand  commerce ,  qui  lui-même  eft  relfet  de  la  fituation  géographique 
du  lieu  comme  port  le  plus  au  vent.  Cependant  différentes  circonftances  ont  pref- 
que toujours  été  caufe  que  la  capitale  de  la  Colonie  a  été  placée  ailleurs  qu'am^ 
Cap.  D'abord  le  premier  établifîèmenr  ayant  été  fait  cà-  la  Tortue  ,  le  point  de  la 
o-randc  Ifle  qui  lui  correfpondait  prefque  direûement ,.  devint  le  chef-lieu.  Enfuite 
la  culture  du  Cul-de-fac  fit  préférer  Léogane  au  Port-de-Paix.  Les  inftruftions- 
de  M.  Deûandes  ,  premier  intendant ,  voulaient  que  les  Adminiftratexirs  parta- 
geaffent  leur  réfidence  entre  Léogane  &  le  Cap  ,,  mais  le  premier  lieu  fut  préféré 
5c  un  fait  le  prouve ,  c'eft  que  les  Adminiftrateurs  n'eurent   qu'un  logement: 
paffager  dans  un  magafin  du  roi  fur  la  place-d'armes  ,  jufquen  1734  ,  qu'il  brûla  s 
&  que  depuis  lorsjufqu'à  la  réfidence  de  MM.  Bory  &  Clugny  au  Cap,  en 
1762  ,  les  chefs  logeaient  paffagèrementdans  des  maifoiis  qu'ils  louaient  ou  qu'ils 
empruntaient.  La  beauté  du  mouillage  du  Petit-Goave  fit  balancer  enfuite  pen- 
dant plus  de  50  ans.entreLéogane  &.le  Petit-Goave,  &  on  finit  par  leur  préférer  le-: 
Port-au-Prince. 

Celui-ci  perdit  enfuite  fes  droits ,  pendant  la- guerre  de  1756  j  car  M.  de  Bbry  5 
reçu  gouverneur-général  au  mois  de  Mars  1762,  8s  M.  de  Clugny  fon  collègue, 
îéfidèrentau  Caj),  ainfx  que  M.  de  Belzunce,.  L'ordonnance  du  24  Mars  1763,^-: 


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il 


4^4 


JDESCTlIPTION    DE    LA    PARTIE 


décida  que  les  àtXLx  AdminiPcratÊVTS  réfiieraient  au  àuCap  j  &  M.  d'Eftaing  y 
eut ,  en  efîet ,  i*a  prrncipak  réfidence.  Mars  en  nommant  M.  k  prince  de  Rohaa 
on  rendit  au  Port-au-Prince  Ton  titre  de  capitale  qu'il  conferve  <k  droit ,  quoique 
dans  le  fait ,  ce  titre  n'appartienne  qu'au  Cap,  où  la  guerre  nécefBter^  toujours  le 
réjOUT  des  chefs.  On  les  y  a  vus  depuis  1778  jufqu'en  1785. 

Dans  tous  les  tems  il  a  to-ujoors  été  enjoint  au  général  &  à  l'intendant  de  partager 
leur  réfidence  entre  la  capitale  de  la  Colonie  &  le  Cap,  notan>menE  par  les  inftma- 
tbns  de  MM.  de  Chateaumorand  &  Mithon  ,  du  26  Août  1716  ,  par  celles  de 
MM.  Fayet  &  Ducîos  du  21  juillet  1732,  &  par  celles  de  MM.  de  Larnage  &  la 
Ghàpelie,  du  10  Juin  1737  qui  leur  prefcrit  de  féjourner  ,  chaque  année,  quatre 
mois  au  Cap  j  &  il  eft  même  des  inftruélions  qui  veulent  un  partage  égal.  Lg 
pofition  du  Port-au-Prince  qui  le  place  à-peu-près  au  milieu  des  deux  extrémités 
de  la  Colonie,  lui  ont  obtenu  k  préférence  que  réclame  le  Çap,  lonque  la  crainte 
de  l'ennemi  plus  forte  que  les  inconvéniens  intérieurs  veut  que  les  Adminiftrateurs 
foient  à  portée  de  communiquer  avec  les  chefs  des  armées  &  des  efcadres  &  dç 
combiner  les  préparatifs  &  les  raoBvemens  qui  ont  pour  objet ,  ou  la  conferva- 
tion  de  la  Colonie  ou  des  entrepriiês  hoitiles  fur  d'autres  points. 


■Et ai -major  £f?  Officiers  à"  Aàminiji  ration  du  Cap, 

Le  Cap,  dont  rétabliffement  ne  remonte <que  vers  167 1 ,  n'eut  point  de  chef 
militaire  pardculier  avant  1679,  que  M.  de  Franquefnay  y  fur  plac-é  comme 
lieutenant  de  roi.  Il  commandait  ce  qu'on  nommait  alors  le  Quartier  du  Cap  , 
c'eft-à-dire  ,  ce  qui  eft ,  à  prélent ,  entre  le  Port  Français  &  la  rivière  du  Maffacrç, 
En  1695  ,  on  nomma  un  gouverneur  du  Cap  &  comme  c'était  l'ancien  gouver- 
neur de  l'île  Sainte-Croix  dont  la  Colonie  avait  été  tranfportée  au  Gap,  M.  de 
Boiffyraimé  reçut  le  titre  de  gouverneur  de  Sainte-Croix  &  du  Cap.  Il  eut  fa^-é-fi- 
dence  dans  cette  dernière  ville  &  comprit  alors  la  SénéchaufTée  du  Port-de-Paix 
dans  le  relTort  de  fon  gouvernement.  La  place  de  gouverneur  a  eefféen  1763  , 
dans  la  perfonne  de  M.  de  Chaftenoye  fils.  Trois  de  ces  gouverneurs  du  Cap,  & 
qui  l'écaient  réellement  de  la  Partie  du  Nord  entière,  furent  lieutenans  au 
gouvc-rnement-général.  Ce  font  M.  de  Charritte  ,  &  MM,  de  Chaftenoj'^e  père  & 
fils  "i  ils  curent  k  Cap  pour  réfidence. 


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F  :^  A  N.Ç  A  I  S  E    0  E    S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      49^ 

L'ordannanee  de  Ï763  ,  qui  fuppriinait  les  gouverneurs  particuliers  Se  les  rem- 
plaçait par  des  commandans  en  fécond  ;  fixant  le  gouverneur-général  au  Cap  3 
cette  ville  ne  devait  point  av^ir  de  commandant  en  fécond  ,  cependant  des  vues 
particulières  y  firent  garder  M.  de  Thorenc  &  depuis  il  y  a  toujours  eu  un 
commandant  en  fécond  de  la  Partie  du  Nord ,  réfidant  au  Cap. 

La  lieutcnance  de  roi  commencée  à  M.  de  Franfquefnay ,  en  1679  ,  fupprimée 
en  1763,  rétablie  le  15  Mars  1769  par  une  ordonnance  du  roi  qui  charg-e  le 
major  de  la  légion  de  Saint-Doniingue  d'en  faire  les  fondions  ,  ce  qui  a  duré 
jufqu'à  ce  qu'une  autre  ordonnance  du  17  Mars  1771  ait  réi:abli  un  lieutenant  de 
roi  titulaire  ;  n'a  cefTé  qu'à  M.  le  chevalier  du  Grès  .  par  l'ordonnance  du  20 
Décembre  1783  qui  a  changé  le  titre  de  lieutenant  de  roi  en  celui  de  commandant 
particulier. 

On  crut  utile  d'avoir  Un  major  au  Cap.  Le  premier  fut  le  célèbre  Laurent  de 
GrafF,  en  1690.  Cette  majorité  fupprimée  eu  1763  ,  rétablie  le   15  Mars  1769 
fupprimée  par  l'ordonnance  du  16  Mars  177  i,  rétablie  le  15  Avril  1776,  a  été 
fupprimée  de  nouveau  le  20  Décembre  1783  ,  lorfqu'elle  était  remplie  par  M.  de 
la  Plaigne. 

Le  Cap  eutfon  premier  aide-major  en  1688.  Cette  place  fut  aUlTi  fupprimée  en 
1763  &  r:tablie  en  1769  ;  il  y  amaintenant  deux  aides-majors  ,  parce  qu'il  en  a 
été  créé  un  fécond  le  18  Mai  1787. 

Le  Cap  a  eu  aufli  deux  majors-généraux  des  troupes  &  milices  de  la  Partie  du 
Nord  ;  trois  des  majors-généraux  de  la  Coionie  y  ont  été  fixés  ,  ainfi  que  plufieurs 
des  aides-majors-généraux. 

Lorfque  l'intendant  n'a  pas  eu  fa  réfidence  au  Cap,  cette  ville  a  toujours  eu 
depuis  1721  ,  un  commiflàire  ordonnateur,  &  fucceiïivement  plufieurs  com- 
miffaires ,  Ibus-commifîaires  &  écrivains  de  la  marine  ,  chargés  des  difFérens 
détails  du  fervice  ,  même  de  celui  des  troupes  pour  lefquelles  on  n'a  vu  des  com- 
miffaires  de  guerre  qu'en  1763.  Le  commiffaire  ordonnateur  des  guerres  était 
pareillement  établi  au  Cap. 

Cette  ville  confidérée  comme  une  fubdélégation  de  l'intendance,  a  depuis 
1738  un  greffe  de  la  fubdélégation  ,  qui  eft  le  dépôt  de  tous  les  ades  faits  par 
les  Adminiftrateurs  &  qui  jntérefiTcnt  les  parties  de  l'adminiîlration  qui  ne  font 
ni  militaires  ni  judiciaires.  C'eft  là  que  font  mis  auffi  tous  les  procès- v'erbaux 
Scies  plans  des  arpenteurs  qui  meurent  ou  qui  s'abfentent,  &  les  recenfemens 


4 


y  , 


496       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

fournis  par  les  Colons  pour  chaque  année.  C'eft  encore  un  fervice  rendu  par 
Larnage  &  Maillart ,  qui  ont  voulu  faire  trouver  aux  habitans  de  la  Partie  du 
Nord  plus  près  d'eux  les  titres  de  leurs  propriétés  froncières,  &  divers  aéles  relatifs  à 
l'ufage  de  ces  propriétés  ,  foit  quant  aux  chemins ,  aux  diftributions  d'eau,  aux 
travaux  fur  les  rivières  ,  foit  enfin  à  plufieurs  autres  matières  ,  toutes  également 
importantes  pour  eux  &  même  pour  l'intérêt  public  ,  parce  qu'on  y  trouve  auffi  ce 
qui  concerne  la  formation  des  paroiffes  ,  la  nomination  de  plufieurs  prépofés 
dans  les  différentes  branches  de  l'adminiftration  générale  de  la  Colonie  ;,  Se 
jufqu'aux  preuves  de  l'état  des  affranchis. 

Partie  militaire.   Garni/en  du  Cap. 

Depuis  1763  ,  il  y  a  un  ingénieur  en  chef  de  la  Partie  du  Nord  ,  qui  habite 
la  ville  du  Cap ,  ainfi  que  le  commandant  de  l'artillerie  de  la  Colonie.  On  y 
voitaufTi  un  garde-magafm  de  la  marine.  Pendant  quelque  tems  il  y  avait  un  garde- 
magafm  de  la  marine  diftinft  de  celui  qu'on  nommait  alors  garde-magafm  prin- 
cipal j  &  qui  était  chargé  des  vivres  &  effets ,  mais  ces  deux  places  ont  été 
réunies  depuis  la  paix  de  1783  ,  comme  auparavant.  Il  y  a  auffi  un  garde-magafm 
d'artillerie  ,  établi  par  une  lettre  du  Miniftre ,  du  5  Août  177 1  ,  avec  3,000  liv. 
tournois  d'appointemens. 

Le  Cap  a  toujours  eu  une  garnifon  depuis  la  fin  du  fiècle  dernier.  Elle  ne  fut 
compofée  jufqu'en  1762  que  de  plufieurs  compagnies  des  troupes  détachées  de 
la  marine  ,  d'abord  au  nombre  de  deux  ,  puis  portées  à  trois  &  augmentées  de 
quelques  fuiffcs,  dont  60  étaient  au  Cap.  Ces  trois  compagnies  étaient  fi  réduites 
au  mois  de  Juin  1718  ,  que  les  milices  du  Cap  faifaient  la  garde  la  nuit  pour 
foulager  les  50  foldats  qui  reliaient.  En  i76'2  l'on  envoya  des  régimens  tirés  de 
l'armée  de  ligne  ,  &  où  l'on  incorpora  en  1766  ces  troupes  détachées  de  la 
marine.  En  1766  on  créa  une  légion  de  Saint-Domingue  ,  dont  une  partie  était 
au  Cap.  Enfin  on  établit  deux  régimens  pour  la  Colonie,  dont  un  du  nom  du  Cap 
fut  deftiné  à  la  garnifon  fédentaire  de  celte  ville  ,  oij  il  fut  formé  le  3 1  Janvier 
1773  ,  &  où  il  fit  bénir fes  drapeaux  le  26  Avril  fuivant.  Il  doit  être  ,  au  complet, 
de  1,214  hommes,  tour  compris  fur  le  pied  de  paix.  Son  uniforme  eft  bleu  , 
par.^mens  &   collet  de  drap  verd ,  revers  bleu,  liféré  verd,  boutons   timbrés 

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FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  49^ 
d'une  ancre  &  les  épaulettes  d'argent.  Le  fervice  journalier  de  la  place  du  Cap 
:&  de  l'hôpital  ,  en  tems  de  paix ,  exige  80  hommes  Se  3  officiers ,  non  com- 
pris la  comédie. 

Quant  à  l'artiUetie  ,  il  y  avait ,  avant  1762  ,  deux  compagnies  de  bombardiers  , 
dont  une  était,  au  Cap  où  elle  fut  commandée  par  M.  de  l'ine-Adain  ,  & 
enfulte  par  M.  de  Fontenelle.  Quand  M.  de  Beizunce  arriva ,  amenant  deux  com- 
pagnies du  corps  royal  fous  le  commandement  de  M.  de  Villarfon  ,  lieutenant-, 
colonel,  M.  de  Fontenelle  demeura  commandant  des  bombardiers,  qu'on 
incorpora  cependant  dans  le  corps  royal  ,  lors  de  la  formarion  de  la  légion 
de  Saint-Domingue  en  1766.  Le  roi  créa  de  nouveau,  en  1768,  deux  com- 
pagnies de  îoo  hommes  chacune  ,  fous  le  titre  de  canonniers-bombardiers  ,  qu'on 
augmenta  d'une  troifième  compagnie  en  1771.  C'eft  de  cette  artillerie  coloniale 
que  s'eft  formée  ,  en  1784,  la  majeure  partie  de  la  brigade  aéluelle.  On  vit 
cependant  arriver ,  à  la  fin  de  1775,  cinq  compagnies  du  régiment  de  Metz., 
du  .corps  royal,  &  une  compagnie  d'ouvriers,  le  tout  fous  les  ordres  d'un 
lieutenant-colonel  &  d'un  chef  de  brigade.  Deux  compagnies ,  les  ouvriers  & 
l'état-major  demeurèrent  au  Cap.  Cette  troupe  a  repalîé  en  France  en  1781= 

Des  Milices  du  Cap.  ^ 

EîJ  rendant  compte  de  la  force  armée  qui  exifte  au  Cap ,  il  eft  naturel  de 
citer  les  milices  qui  s'y  trouvent  &  qui  forment  prefque  la  totalité  de  celles 
de  la  paroiffe. 

Les  milices  font  aufTi  anciennes  que  la  Colonie  ,  puifque  les  premiers  français 
qui  y  parurent  avaient  les  armes  à  la  main  &  des  chefs  qu'ils  fe  donnaient  eux- 
mêmes.  Le  plus  brave  était  fur  de  fixer  ce  choix  volontaire  ,  &  ce  ne  fut 
qu'avec  un  commencement  d'organifation  que  les  commandans  militaires  s'empa- 
rèrent de  la  nomination  des  officiers  de  milices.  Nous  avons  vu  que  ces 
premiers  officiers  étaient  les  juges  nés  de  leurs  concitoyens ,  &  que  même 
lorfqu'il  y  eut  des  Senéchauffées  &  des  Confe ils  Supérieurs  ,' la  magifcrature  &  la 
milice  pouvaient  réclamer  les  mêmes  individus. 

La  milice  du  Bas  du  Cap  comptait  134  hommes  en  1688,  220  en  169^ 
En  1705  la  milice  fut  formée  en  régimens,  &  en  1710  la  Partie  du  Nord  en 
avait  trois  d'infanterie  &  un  de  cavalerie. 

Tome    L  R  r  r  _ 


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49S       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

D'abord,  &  durant  très-long-tems  ,  chacun  fe  préfentait  avec  Tes  vêtemens 
ordinaires  &  fes  armes ,  &  les  officiers  eux-mêoies  n'étaient  diftingués  que  par 
le  haufle-col  ,  l'une  des  plus  anciennes  décorations  ,militaires.  La  vue  des  troupes 
réglées  ,  la  fupériorité  à  laquelle  elles  prétendaient ,  l'opinion  que  l'on  attachait 
à  l'uniforme  ,  donnèrent  enfin  l'idée  d'en  avoir  un  dans  la  milice. 

Ce   fut  vers    17 10   que   fes    officiers    prirent   l'uniforme   des   garde- côtes 
J'habit  blanc  ,  collet  ,     paremens    &  doublure  rouges  ;     car  le   fimple   foidat 
n'était  point  en   uniforme. 

■  En  1723  la  ville  du  Cap  montra  374  miliciens.  Au  mois  de  Juin  1725  ,  M. 
de  la  Rochalard ,  gouverneur-général ,  retint  l'ordre  du  roi  qui  permettait  à  la 
milice-cavalerie ,  faute  de  trompette  ,  de  battre  à  la  dragonne.  Les  jaunes  gens 
difait-il,  auraient  cru  que  toutes  les  folies  qu'ils  auraient  faites  étaient  des  attributs 
de  leur  nom ,  ^  cela  doit  être  évité  dans  un  pays  eu  le  foleil  agit  de  plus  près  Jur 
toutes  les  cervelles.  - 

En  1732  ,  les  régimens  furent  fupprimés  &:  les  milices  remifes  en  compagnies 
indépendantes  ;  &  le  Cap  étant  déjà  devenu  la  ville  la  plus  confidérable  &  la 
plus  çivilifée  de  la  Colonie  ,  il  y  eut  une  forte  d'émulation  parmi  les  divers 
capitaines  pour  avoir  de  belles  compagnies. 

Dans  la  même  année  1732  j  M.  Beaujeau  ,  autorifé  par  M.  de  Vienne,  gou- 
verneur-général,  venait  de  former  la  compagnie  des  grenadiers,  avec  habit,, 
yefte  &  culottes  blanches,  paremens,  collet  &  revers  écarlate,  boutons  & 
épaulettes  d'argent.  Quelques  années  après ,  parut  celle  des  carabiniers  avec  un 
habit  écarlate,  galonné  d'un  galon  à  treffe  d'argent,  paremens,  collet  &  rêver» 
bleu  de  roi ,  retrouffis ,  boutons  &  épaulettes  d'argent.  M.  Defmé  Dubuiffon  , 
pour  renchérir  fur  ces  deux  compagnies ,  en  forma  une  de  fufihers  le  1 7  Janvier 
1740.  Elle  portait  habit  bleu,  paremens  ,  collet,  vefte,  culotte  &  bas  rouges, 
l'habit  &  la  vefte  galonnés  en  plein  en  or  ,  boutons  furdorés  ,  chapeau  bordé  en 
or ,  cocarde  bleue  &  rouge.  Cette  compagnie  avait  deux  tambours  &  deux  fifres 
Eègres ,  &  elle  prit  un  drapeau  avec  une  croix  de  fatin  blanc  femée  de  fleurs  de 
lis  d'or ,  &  les  quatre  coins  ,  par  oppofition  ,  bleus  &  rouges.  L'habillement  & 
l'armement  des  52  hommes  de  cette  compagnie,  les  tambours  &  les  fifres, 
coûtèrent  plus  de  50,000  mille  francs.  Dans  ces  commence.mens ,  la  compagnie 
de  dragons  prit  auffi  un  uniforme  bleu  de  roi  galonné  d'or,  paremens  &  collet 
rouges ,  vefte  &  culotte  blanches ,  l'équipage  du  cheval  bleu  galonné  d'or ,  ainS, 
que  le  chapeau  &  l'aiguillette. 


FRANÇAISE     DE    SAINT-DOMINGUE.      499 

Les  milices  fupprimées  en  1764,  époque  oîi  toutes  celles  du  Cap  avaient  un 
uniforme ,  reproduites  un  inftant  par  M.  d'Eftaing  ,  furent  rétablies  par  une 
ordonnance  du  roi  du  i"-  Avril  1768,  qui  fit  un  commandant ,  un  major  6c 
un  aide-major  des  milices  de  chaque  paroifle.  Cet  état-major  prit  au  Cap 
l'habit  bleu  galonné  d'or ,  vefte  ,  culotte  ,  paremens  &  collet  blancs  ,  &  les 
diverfes  compagnies  reparurent  avec  les  uniformes  qu'elles  voulurent  adopter. 
On  vit  renaître  la  compagnie  des  grenadiers  ,  celle  des  carabiniers  &  celle  des 
dragons  à  cheval  avec  leur  ancien  uniforme.  Une  féconde  compagnie  à  cheval 
fe  forma  fous  le  nom  de  gendarmes  avec  habit  écarlate  galonné  d'or ,  ainfi  que 
le  chapeau  &  l'équipage  du  cheval  ;  paremens ,  collet  &  revers  de  velours  noir , 
épaulettes  d'or  &  un  trompette  comme  les  dragons  à  cheval  ;  cette  compagnie 
fe  reproduifait  telle  qu'elle  avait  été  un  moment  fous  les  ordres  de  M.  d'Eftaing. 

Une  nouvelle  ordonnance  ,  du  mois  de  Décembre  1776,  mit  les  milices  en 
bataillon.  Le  Cap  donna  Ton  nom  à  l'un  d'eux  ,  &  l'on  vit  fon  état-major  qui 
garda  l'uniforme  de  1768,  compofé  d'un  commandant,  d'un  commandant  en 
fccond ,  d'un  major ,  de  quatre  aides-majors ,  d'un  chirurgien-major  &  d'un 
tambour-major.  Cet  état  de  chofes  a  duréjufqu'en  1787. 

On  voyait  alors  la  compagnie  des  grenadiers  ,  celle  des  carabiniers ,  quatre 
compagnies  de  fufiliers  blancs,  en  habit  bleu  ,  paremens ,  collet ,  doublure  ,  vefte 
&  culotte  blanches  ,  boutons  Se  épaulettes  d'argent  ;  une  compagnie  de  canon- 
niers  habit  bleu  ,  collet ,  paremens  &  doublure  écarlate  ,  vefte  èc  culotte 
blanches  ,  boutons  &  épaulettes  d'or  ;  une  compagnie  de  volontaires  avec  l'habit 
écarlate  galonné  d'un  galon  à  treffe  d'or,  paremens,  collet  &  revers  de  velours 
vert,  la  doublure  en  croifet  vert,  vefte  &  culotte  blanches  ,  boutons  ,  retrouffis 
&  épaulettes  d'or  ;  une  compagnie  de  dragons  à  pied  ,  habit  vert-dragon ,  dou- 
blure pareille  ,  paremens  &  collet  écarlate  ,  boutons  &c  épaulettes  d'or,  cocarde 
&  plumes  noires,  brodequins  de  veau  noir;  une  compagnie  de  chafîcurs  ,  habit 
ventre  de  biche  ,  doublure  de  même  ,  collet  &  paremens  vert-faxc  ,  vefte  & 
culotte  blanches ,  boutons  ,  épaulettes  &  retrouftis  d'argent ,  brodequins  de  veau 
noir  5  une  compagnie  de  mulâtres  &  autres  fang-mê'és  libres  ,  habit  bleu  ,  pare- 
mens, collet,  revers  &  doublure  jaunes  ,  boutons  &  épaulettes  d'argent ,  vefte 
&  culottes  blanches;  une  compagnie  de  nègres  libres,  habit  bleu,  paremenS; 
&  collet  écarlates  ,  doublure  blanche  ainfi  que  la  vefte  &  la  culotte,  boutons 
&  épaulettes  d'argent  ;  &  enfin  les  deux  compagnies  à  cheval  de  dragons  &  -de 
gendarmes  dont  j'ai  parlé.  R  r  r  a. 


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500      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

Cette  bigan-ure  d'uniformes  qui  était  un  affaut  de  luxe  &  qui  était  peut-être 
]a  choie  qui  attachait  le  plus  à  la  milice  ,  a  difparu  par  l'exécution  de  l'ordon- 
nance du  roi  du  i^'-  Janvier  1787.  Le  commandant  des  milices  de  chaque 
p_araiire  eft  le  capitaine  que  1:  gouverneur-général  choifit.  Il  a  un  aide-major 
fous  les  ordres.  Chaque  compagnie  eit  de  5c  hommes.  Il  n'y  a  plus  de  différence 
qu'entre  l'infanterie  &  les  dragons  à  cheval  blancs  ,  les  dragons  à  cheval  de 
couleur  &  les  blancs  des  compagnies  d'artillerie. 

Da-ns  la  Partie  du  Nord  ,  toute  l'infanterie  a  l'habit  blanc  ,  vefte  &  culotte 
blanches ,  boutons  blancs  ,  poches  en  long ,  doublure  blanche ,  paremens  &  revers 
bleus  j  toute  la  cavalerie  blanche  ,  habit  rouge  ,  vefte  ,  culotte,  doublure,  boutons 
parem.ens  &:  revers  blancs  ^  toute  la  cavalerie  de  gens  de  couleur,  furtout  de 
Nankin,  paremens  &  revers  rouges.  Q'Jant  à  l'artillerie,  elle  porte  l'uniforme 
qu'a  ce  corps  en  France ,  excepté  que  le  botiton  eft  uni  &   fens  numéro. 

Les  milices  du  Cap  fe  font  diftinguées  en  plufieurs  occafions  par  leur  zèle 
&  leur  courage.  Lors  de  l'attaque  de  Léogane  en  1702  ,  elles  marchèrent  à  fon 
fecours.  Elles  allaient  à  celui  de  Saint-Louis  en  1748  ,  &  étaient  déjà  rendues. 
au  Petit-Goave  ,  mais  la  fubite  reddition  de  cette  place  rendit  vain  leur  entier 
dévouement. 

Une  compagnie  de  nègres  libres  du  Cap  marcha  en  1697  au  fiège  de  Carthagène, 
commandée  par  Pierre  d'îmba,  nègre  que  j'ai  cité  dans  la  defcription  de  Umo- 
nade  ,  &  fous  les  ordres  de  M.  Dupaty. 

On  comptait  en  1718  ,  900  hommes  portant  armes  dans  toute  la  dépendance 
du  Cap ,  &  les  milices  de  cette  feule  paroifle  en  comprenaient  450,  en  1750. 
Le  contrôle  de  1788,  fait  monter  la  milice  du  Cap  à  1,600  hommes.  Il  faut 
confidérer  que  c'eft  le  lieu  de  toute  la  Colonie  où  ii  y  a  le  plus  de  perfonnes  que 
leur  état  difpenfe  de  ce  fervice ,  &  où  eft  auffi  le  plus  grand  nombre  de  celles  qui 
échappent  aux  recherches  qu'on  ne  fait  jamais  exadement  en  tems  de  paix,  ou 
qui  trouvent  des  prétextes  pour  en  être  difpenfées. 

En  général,  les  officiers  de  milice  font  très-jaloux  de  l'efpèce  de  fupérioriié 
que  leur  donne  leur  emploi ,  &  plus  encore  de  leur  épaulette  ,  mais  le  fentiment 
contraire  agite  les  miliciens.  Les  chefs  mihtaires  fe  font  habilement  fervis  de 
l'amour  -  propre  des  officiers  de  milices ,  h  ils  en  ont  fait  fouvent  de  fûrs 
condufteurs ,  pour  la  tranfmiffion  des  effets  de  leur  fyftême  un  peu  defpotique. 
Ces  détails  font  dans  l'hiftoire ,  ainfi  que  ceux  des  événemens  dont  le  rétablif- 
fementdes  mvlieesaçté  accompagné -^n  1768,  S;  dans  ks  deux  années  fuivantcs. 


FRANÇAISE     DE     S  A  IN  T  - 1)  O  M  ï  N  G  U  È      s'oï 


Des  Médecins^  Chirurgiens  à?  Apthicaires. 

L'exemption  du  fervice  des  milices,  me  rappelé  les  médecins;  les  chirurgiens 
&  les  apothicaires,  Ce  n'a  été  que  par  l'ordonnance  du  i^r.-  Janvier  1787,  nue 
les  droits  des  chirurgiens ,  à  cette  exemption ,  ont  enfin  été  réglés.  On  ne  la 
faifait  porter  auparavant  que  fur  les  chirurgiens  brevetés  ,  foit  pour  le  fervice  des 
hôpitaux  du  roi,  foit  pour  celui  de  l'Amirauté  ,  foit  enfin  pour  celui  des  milices. 
On  ne  pourra  jamais  s'étonner  affez,  qu-'on  ait  cru  pendant  un  fiècle,  qu'on  devait 
aftreindre  àun  fervice  militaire  pcrfonnel,  des  hommes  confacrés  à  foigner  l'huma- 
nité fouffrance  ,  &  que  l'on  pouvait  ou  faire  attendre  le  malade  ,  ou  le  condamner 
à  la  mort,  pour  avoir  un  homme  de  plus  à  une  revue,  fouvent  inutile,  ou  dsns 
un  carps-de -garde  durant  la  guerre.  Enfin  cette  barbare  ineptie  a  cédé'  aux  cla- 
meurs qui  la  pourfuivaient  depuis  fi  long-tems. 

On  ne  peut  douter  qu'il  n'y  ait  eu  des  chirurgiens  à  Saint  -  Domingue ,  dès 
l'origine  de  la  Colonie  ,  mais  les  médecins  n'ont  dû  7  arriver  qu'après  ;  parce'  que 
ces  derniers  ,  moins  nombreux  par-tout  que  les  chirurgiens,  ne  fe  rencontrent  que 
dans  les  lieux  où  il  y  a  déjà  une  civilifulon  marquée.  Le  r„  médecin  auqud 
on  paraît  avoir  accordé  de  la  confiance  au  Cap,  fût  M.  Dautun  ,  qui  y  exerçait 
en  17 10,  qui  était  employé  dans  les  ades  publics  &  légaux  &  qu'on  appelait  même 
médecin  du  r^i,  quoique  le  i^  qui  ait  eu  ce  titre  foit  M.  Fontaine,  doéleur  de  la 
faculté  de  Montpellier ,  que  le  roi  nomma  par  brevet  du  6  Oftobre  1714,  &  qui 
futreçuauConfeildu  Cap  le  27  Mars  17  15.  Après  lui  vint,  eni7i9/M  Du 
Valain,  médecin  du  Havre-de-Grace  ,  puis  M.  Poupée  Defportes  ;  depuis  il  y 
a  toujours  eu  un  médecin  du  roi  au  Cap.  On  le  confidère  comme  le  chef  des  autres 
médecins  ,  qui  font  plus  ou  moins  nombreux  ;  c'eft  du  moins  lui  qui  examine  les- 
médecins  qui  fe  préfentent  pour  exercer  dans  la  Parde  du  Nord.  Il  y  a  au  Cap, 
depuis  long-tems ,   quatre  ou  cinq  médecins ,  outre  le  médecin  du  roi. 

On  y  a  toujours  vu  un  Chirurgien-major  ou  chirurgien  du  roi,  depuis  M.  Clerin 
Deflauriers  nommé  le  premier  ,  par  brevet  du  i^»^- Novembre  1720.  II  y  a  un 
chirurgien-major  de  l'Amirauté  ,  un  chirurgien-major  du  régiment  du  Cap  ,  un  de 
l'artillerie  ,  un  des  milices  ,  &  deux  ou-  trois  autres  brevetés  fous  diverfes  dénomi- 
aatioQS.   On  compte  dans  ce  moment- vingt  autres  chirurgiens  dans  cette  ville. 


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'502      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Il  eft  douloureux  d'avoir  à  dire  que  cet  effaim  d'Efculapes ,  n'efl  pas  toujours 
armé  contre  la  mort.  A  Dieu  ne  plaife  que  je  veuille  refufer  de  juftes  éloges  à 
quelques  fujetsquiles  méritent  par  leurs  talens  &  leur  conduite  délicatej  mais  je  ne 
les  prodigue  point  affez,  pour  les  étendre  jufqu'à  ces  fraters  qui  ont  rêvé  dans  une 
traverfée  ou  en  faifant  les  recouvremens  du  navire  fur  lequel  ils  étaient  em.barqués» 
qu'ils  font  devenus  médecins  j  chirurgiens,  chimiftes  ,  pharmjaciens ,  dentiftes  & 
accoucheurs  ,  &  qui ,  avec  l'audace  du  charlatan  3  moiffonnentS;  les  hommes  & 
^'argent,  &  indignent  ceux  qui  favent  combien  l'étude  de  l'homme  malade  eft 
difficile  ,  Sccombien  l'ignorance  eft  ,  en  ce  genre  ,  voifine  de  l'aflaffinat. 

Depuis  l'ordonnance  du  mois  de  Mars  1763  ,  il  y  a  un  apothicaire  du  roi  au  Cap, 
&  l'on  y  trouve  en  outre  douze  autres  apothicaires  ou  droguiftes.  Cette  partie  eft 
aufll  livrée  aux  plus  grands  défordres.  L'ordonnance  de  MM.  de  Reynaud  &Le 
BralTeur ,  du  3  Novembre  1780  ,  fur  les  poifons,  eft  inexécutée  ,  malgré  fon  im- 
portance ,  &  les  apothicaires  qui  ignorent,  pour  leur  feul  intérêt,  que  des 
médicamens  décompoles  font  toujours  dangereux,  puifque  leur  moindre  inconvé- 
nient eft  de  ne  pas  produire  d'effet,  lors  m,êa:e  qu'ils  n'en  cauientpas  un  contraire  à 
celui  qu'on  en  attend  ,  vendent  impunément  les  drogues  les  plus  défeétueufes.  On 
fcnt  allumer  fon  indignation ,  quant  on  fait  que  toutes  ces  prévarications  coupables 
trouvent  des  excules  &  m.ême  des  appuis.  Qui  que  vous  foyez  qui  les  tolérez, 
je  vous  dénonce  à  l'humanité  entière  &  je  n'en  excepte  pas  le  gouvernement  qui 
les  connaît  &  qui  ne  prend  pas  un  bras  de  fer  pour  anéantir  de  tels  ennemis  de 
l'efpèce  humaine. 

Le  roi  avait  nommé  un  médecin  accoucheur  le  25  Avril  1775  >  ^  Q^i  s'était 
établi  au  Cap.  Il  devait  former  des  fage-femmes  ,  &  rien  n'était  plus  néceffaire. 
Une  ordonnance  de  MM.  de  Reynaud  &  Le  Brafleur  du  18  Janvier  178 1 ,  a  pris 
desmefures  pour  étendre  cette  inftruclion,  fans  laquelle  on  continuera  à  facrifier 
des  mères  &  des  enfans.  Le  médecin-accoucheur  du  Cap  eft  mort.  L'on  y  trouve 
des  fage-fem.mes.  Deux  dentiftes  font  aulTi  réfidant  au  Cap  &  y  font  occupés,  quoi- 
que les  dents  foient  pafîablement  belles  à  Saint-Domingue.  Mais  les  nègres  fur- tout 
font  trop  imprévoyans  fur  les  courans  d'air,  fur  les  eff^ets  du  ferein ,  lur  les  con- 
traftes  de  l'atmofphère  pour  n'être  pasexpofés  à  les  perdre  &  à  en  foufFrir 
beaucoup. 

Enfin  l'on  trouve  auîTi  au  Cap  un  artifte  vétérinaire.  M.  de  Boynes,  convaincu 
de  l'utilité  dont  ferait:  pour  des  Colonies  ,   des  hommes   occupés  de  conferver  des 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       50J 

animaux  qu'on  y  paye  fi  chers  &  dont  le  remplacement  eft  quelquefois  impoffibles 
chargea  l'école  vétérinaire  d'Alford  de  former  des  fujets,  aux  dépens  des  Colonies^ 
où  ils  s'engageraient  de  refter  pendant  12  ans.  C'eft  ainfi  que  Saint-Domingue  en 
à  eu  deux,  M.  Dutilleul,  qui  y  eft  mort,  &  M.  Gelin.  Il  y  a  long-tems  que 
l'opinion  publique  reclame  en  faveur  de  M.  la  Pôle  un  brevet  de  vétérinaire  ^ 
pour  récompenfer  les  travaux  conftamment  utiles  de  cet  artifte. 


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Dâ  la    Chambre   d' Agriculture. 

Un  établilTement  très-remarquable ,  parmi  ceux  du  Cap  ,  c'eft  la  Chambre 
d'Agriculture.  Depuis  trente  ans ,  le  Confeil  Supérieur  de  la  Martinique  avait 
demandé  que  les  Colonies  euffent  en  France  des  députés  ,  chargés  d'y  expofer 
leurs  befoins ,  d'y  fuivre  leurs  demandes  ,  d'y  foutenir  même  leurs  intérêts  ;  mais 
cette  follicitation ,  trouvée  hardie ,  n'avait  eu  aucun  fuccès  ,  lorfqu'au  mois  de 
Juillet  1759,  des  arrêts  du  Confeil  d'État  établirent  des  Chambres  mi-parties 
d'Agriculture  &  de  Commerce  y  dans  quelques  Colonies.  Saint-Domingue  en  eût 
deux ,  dont  l'une  fut  placée  au  Cap. 

Quatre  habitans  &  quatre  négocians  la  campofaient  ;  elle  avait  pour  attribution' 
tout  ce  qui  avait  rapport  au  commerce  &  à  la  culture ,   Se  le  droit  de  nommer  un 
député  de  la  Colonie  avec  entrée  &    féance  au  bureau  de   commerce  à  Paris  , 
comme  les  autres  députés  des  principales  villes  du  royaume.  Ce  plan  qu.i  prétendait 
à  l'union  des   inconciliables  &  qui  donnait  pour  préfident  à  des  hommes  ,  donc 
l'opinion  devait  être  libre  »   l'intendant  ou  l'ordonnateur  qu'ik   ne   pouvaient 
confidérer  que   comme   un   furveillant ,  ne   produifit  que  des  querelles  &  des 
diflentions  ,  &  il  fallut  le  changer.    C'eft  ce  que  fit  l'ordonnance  du  24  Mars  1763 
qui  créa  deux  Chambres  d'Agriculture  qui  ne  devaient  être  compofées  que,'  de 
fcpt  colons  Créols  ou  ayant  habitations.  Tout  ce  qui  concerne  la  population ,  les- 
défrichemens  ,  l'agriculture,  la  navigation  ,  le  commerce  extérieur  &  intérieur,, 
les  communications  au-dedans  ,  les  canaux  ,.  en  un  mot ,  tout  ce  qui  peut  contri- 
buer à  l'amélioration,  aux  progrès  &  à  la  fureté  delà.  Colonie  ,;  font  du  reftbrî: 
de  la  Chambre  d'Agriculture  qui, doit  remettre,  un; double  de  fes  mémoires  aus- 
Adminiftrateurs ,  &  qui  conferve ,  comme  les  anciennes,,,  une  correfpondanc©: 
avec  le  député  de  la  Colonie». 


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S04      DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

Mais  la  fonftion  la  plus  délicate  confié-e  aux  Chambres  d'Agriculture ,  c'eft 
l'avis  qu'elles  doivent  envoyer  au  miniftre  ,  à  chaque  mutation  de  gouverneur- 
général  ou  d'intendant,  fur  Ton  adminiftration  ,  en  parlant  de  fon  caraélère  ,  de 
fes  talens  ,  de  Tes  fautes ,  de  fa  probité  ,  3c  du  bien  ou  du  mal  qu'il  aura  produit 
pendant  fon  adminiftraticn. 

La  Chambre  d'Agriculture  a -eu  de  faibles  commenceraens  •  compofée  d'une 
manière  qui  a  prefque  toujours  été  contraire  à  l'efprit  de  fon  inftitution ,  -c'eft 
furtout  dans  l'origine  que  la  gêne  dont  on  s'eft  plû  à  l'environner  a  eu  le  plus 
d'influence.  Elle  a  cependant  produit  une  centaine  de  mémoires  fur  divers  fujets 
plus  ou  moins  intéreffans  &  parmi  lefquels  il  fe  trouve  des  vues  très-utiles  &  des 
traits  qui  montre  que  le  courage  ne  lui  a  pas  toujours  été  étranger.  Je  dois  même 
dire  que  fes  membres  ont  eu  quelquefois  befoin  d'en  avoir  de  plus  d'un  genre. 
Pour  peu  qu'on  connaifle  Saint-Domingue  &  le  gouvernement  colonial,  on 
croira  airément  qu'un  établiiTement  qui  avait  pour  un  de  fes  motifs  ,  le  défît  de 
connaître  la  conduite  des  Adrainiftrateurs  ,  par  l'examen  que  la  Chambre  d'A<î-ri- 
cukure  avait  droit  d'en  fair-e  ,  pourvu  qu'il  fût  fecret  pour  tout  autre' que  le 
miniftre  ,  n'a  pas  dû  être  toujours  à  l'abri  de  l'autorité  dont  elles  devait  juger 
l'ufage.  C'était  même  un  calcul  allez  fîmple  de  )a  part  de  ceux  qui  redoutaient  fâ 
cenfurt ,  de  travailler  à  lui  donner  d'avance  un  caradère  de  récrimination. 
L'hiitoire  aura  donc  ,  à  cet  égard  ,  des  traits  à  citer. 

Je  fuis  loin  de  vouloir  que  la  CJiambre  d'Agriculture  puiffe  s'ériger  en  école 
de  calomnie  5  je  fens  qu'il  faut  que  le  mal  comme  le  bien  qu'elle  rapporte  foit 
appuyé  par  des  faits  ;  mais  je  voudrais  ,  en  même-tems  ,  que  quiconque  atten- 
terait à  la  liberté  de  fon  opinion  ,  fût  frappé  par  une  peine  publique,  L'équité 
voudrait  que  fur  les  chofes  qui  compromettent  l'Adminiftrateur  vivant,  le  miniftre 
lui  fournit  k  moyen  de  fe  juftiner  auffi  par  des -faits;  mais  ,  encore  un  coup  ,  le 
devoir  de  la  Chambre  eft  affez  beau  ,  il  importe  afîèz  à  l'intérêt  public  pour  qu'il 
eût  être  îacré.  Et  qu'on  n'oublie  jamais  que  c'eft  à  la  Chambre  d'Ao-ricukure 
du  Cap  qu'en  doit  la  première  imprimerie  qui  aexifté  à  Saint-Domingue. 

Elle  s'aflcmble  d'ordinaire  dans  la  maifon  de  fon  lêcrétaire  qui  a  pour  traite- 
ire-Ht  6,200  livres  dans  lefquelles  eft  comprife  la  dépenfe  d'un  local  pour  ces 
affe.nblées.  C'eft  toujours  p^rmi  les  avocats  du  Confeil  du  Cap  que  le 
fecrétaire  a  été  choifî  ,  &  j'exerçais  cet  honorable  profeffion ,  lorfque  j'ai  été 
fecrécaire -adjoint  de  la  Chambre  d'Agriculture  du  Cap, 

De 


Ji-RAJ^e  AlSf:    D£    SAINT-DOMINGUE. 


I)e  la  Chambre  de  Commerce. 

En   décrivant  la  première   Seaion  ,  j'ai  indiqué  le   lieu  où   s'aflemble  la 
Chambre  de  Commerce  ou  la  Bourfe.   Depuis  quelques  années  fon  zèle  s'eft 
.réveillé ,  &  fans  vouloir  donner  à  cette  réunion  le  caraftère   d'une    corporation 
légale  le  gouvernement  l'a  maintenue  &  même  protégée  dans  certaines  circonf- 
tances.  La  Chambre  de  Commerce  du  Cap  a  un  diredeur  &  quatre   fyndics  en 
jexercice ,  un   fyndic   correfpondant  en  France   &   un  fecrétaire.    Les   anciens 
direéteurs  Scies  anciens  fyndics  qui  doivent  devenir  direéleurs  dans  l'ordre  de  leur 
-exercice,  en  font  membres.   La  Chambre  s'aflemble  à  la  bourfe  ,  tous  les  mardis, 
à  quatre  heures  de  l'après-midi.    Là  on  s'occupe  d'affaires  de  commerce  &  l'on 
répond  les   différens  parères.  S'il  s'agit  d'objets  majeurs  ,  ou  de  quelques  nomi- 
nations ,  tous  les  négocians  font  convoqués.   On  ne  peut  s'empêcher  de  défirer 
que  les  négocians  du  Cap  veuillent  bien  définir  ce  qu'ils  entendent  par  ce  titre  & 
fixer  les  conditions  néceffaires  pour  le  mériter  ;  car  tant  qu'on  fera  de  l'état  de 
néo-ociant  l'état  de  celui  qui  n'en  a  aucun ,  on  fera  autorifé  à  croire  qu'il  n'y  a  au 
Cap  ,  ni  négocians,  ni  Chambre  de  Commerce. 

Les  parères  ,  que  donne  celle  qui  porte  ce  nom  ,  font  extrêmement  fagès  ;  ils 
préviennent  des  procès  &  fervent  fouvent  à  les  faire  décider  dans  les  tribunaux. 
Perfonne  ne  doit  plus  d'éloge  que  moi ,  au  défir  qu'ont  les  divers  membres  d'être 
utiles  à  leurs  concitoyens  ;  la  Chambre  a  bien  voulu ,  dans  ceette  intention  ,  me 
communiquer  fes  archives. 

Elle  avait  même  un  deffein  que  j'ai  vainement  elTayé  de  fervir.  Frappé 
de  la  verfatilité  de  l'opinion  fur  le  droit  de  commiffion  dû  aux  divers  agens 
qu'on  employé  dans  les  Colonies ,  comme  les  mandaitares  ,  les  exécuccurs- 
teftamentaires ,  les  régiflleurs  ,  les  commiffionnaires,  &c.;  fatiguée  par  la  multipli- 
cité des  queftions  fur  le  même  objet  ;  perfuadée  que  l'on  peut  excéder  les  juftea 
bornes  dans  certaines  réclamations  ,  la  Chambre  a  fait  un  relevé  qui  forme  une 
■efpèee  de  tarif ,  fondé  fur  l'ufage  ,  fur  des  décifions  judiciaires  &  fur  fes. propres* 
parères.  L'avantage  de  ce  travail  m'avait  frappé  &  j'avais  offert  dele  faire  imprimer 
à  Paris.  J'en  parlai.au  miniftre  &  je  crus  devoir  le  lui  vanter  ,  je  follicitai  même 
fon  agrément  pour  Timpreffion;  il  me  répondit  que  ce  ferait  approuver  &  la  Cham- 
bre de  Commerce  &  fon  tarifa  mais  que  je  n'avais  qu'à  faire  imprimer  avec  une 
TQme    I.  S  s  s 


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^06       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

permiffion  tacite.  Je  m'adreffai  alors  au  lieutenant-général  de  police  ,  dans  les- 
bureaux  duquel  on  me  dit  qu'on  ne  ^pouvait  fe  difpenfer  de  communiquer  le 
manufcrit  au  miniftre  de  la  marine  ,  parce  qu'il  intéreffait  Ton  département  j. 
grâces  à  ce  cercle  vicieux  ,  le  manufcrit  eft  encore  entre  mes  mains. 

On  pourrait  être  furpris  que  la  Chambre  de  Commerce  n'ait  pas  fait  imprimer 
cet  ouvrage  au  Cap  même  oij  j'ai  annoncé  l'exiftence  d'une  imprimerie.  Mais  elle 
voulait  en  faire  tirer  un  grand  nombre  d'exemplaires  &  ce  projet  aurait  été  coûteux 
par  la  difproportion  que  met  néceffairement  la  cherté  de  la  main-d'œuvre  colo- 
niale entre  le  prix  de  l'impreffion  en  France  &  à  Saint-Domingue,  II  eft  cependant 
des  objets  fur  lefquels  cette  différence  ne  s'apperçoit  pas  ,  puifqu'on  a  maintenant 
pour  44  livres  de  France ,  par  an  ,  un  abonnement  de  la  gazette  de  laColonie  quL 
a  jufqu'à  ijCCO  pages. 


De  la  Gczette^ 

Cette  Gazette  fut  un  des  premiers  bienfaits  produits  par  l'établiffement  d'une 
imprimerie  dans    la   Colonie,  qui  en  donna  l'idée    au   moment    même  ou   elle 
s'infcallait.    M.  de  Clugny,  que  fa  place  d'intend-ant  chargeait  d^  la  furveillance 
de  l'imprimerie,  protégea  le  projet  de  la  Gazette  &  en  accorda  le  privilè.o-e  exclufif 
à  M.  Monceaux,  avocat  du  Confeil  du  Cap,  le  10  Janvier  1764.   Le  profpeflus 
en  fut  publié   auffitôt   &  il  fuffit  de  le  lire  pour  être   convaincu  de   l'utilité  de 
l'entreprife.     Le  défaut    de   communication  entre   les   différentes  parties  de  la 
Colonie  &  même  quelquefob  d'une  paroiffe  à  l'autre,  rétréciffait  tous  les  rapports 
toutes  les  connaiffânces  ,  rien  d'avantageux  ne  pouvait  devenir  général ,  rien  de 
dangereux  ne  pouvait  trouver  des  contradicleurs  au-delà  d'un  efpace  borné  -,  en 
un  mot,  pour  me  fcrv'ir  des  expreffions  du  profpeftus  ,  on  parlait  au  Cao  ,  de 
Jacmel  &  du  Cap-Tiburon  comme  des  montagnes  du  Chily  &  des  terres  Mao-el- 
laniques.  La  Gazette  promit  &  donna  des  notices  de  ehofes  imprimées  en  France 
relativement  au  commerce  ,  à  l'agriculture  ,  à  la  navigation,  à  la  politique  &  à 
la  culture  coloniale  ;  elle  publia  les  ehofes  à  vendre  &  à  affermer  j  le  prix  des 
denrées  85,  celui  du  fret.  Le  premier  numéro  parut  le  Mercredi  i"-  Février  1764., 
fous  le  titre  de  Gazette  de  Saint-Domingue.    Elle  était  hebdomadaire  &  contenait: 
E  pages  d'imprcffion  in-4°»  La.  foufcription  pour  la  première  année  fut  de  120  ILv* 


III    l«jpi',        IJ     n^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       507 

La  nouvelle  de  la  publication  de  cet  ouvrage  périodique  parvint  à  Verfaiiles  bk 
y  fema  l'allarme  dans  les  bureaux  de  la  marine.  On  crue  déjà  voir  la  transformation- 
de  cette  feuille  en  un  ouvrage  polémique  ou  le  gouvernement  ferait  frondé  ,  &  1^ 
miniftre  ea  ordonna  la  fuppreflîon  par  une  lettre  du  13  Mai  1764,  Heiireufement- 
que  M.  d'Eftaing  ne  partagea  pas  ces  terreurs  ;  mais  pour  concilier  FGbéiffance  - 
avec  l'utilité  de  la  feuille  ,  la  Gazette  de  Saint-Domingue  devint  :  Jvis  divers  £i7 
Petites  Affiches  Américaines.  La  métamorphofe  s'opéra  le  29  Août  1764  ,  &  le 
i^'-  Janvier  1766  ,  la  gazette  devint  les  Affiches  Américaines  ,  dénom.ination 
qu'elle  a  encore  aujourd'hui. 

En  1768  ,  MM.  de  Rohan  &  de  Bongars  exigèrent  que  la  Gazette  s'imprîfPât 
fous  leurs  yeux  ,  elle  fe  Ht  donc  au  Port-au-Prince  ,  à  compter  du  23  M.rs  176B  , 
&  on  y  joignit  alors  un  fupplément  foua  le  titre  &Avis  du  Cap  ,  puis  d'Avis  du.- 
Cap  ou  Supplément  aux  Affiches  Américaines   &  enfin  de  Supplément  aux  Affiches 
Américaines. 

La  Gazette  perdit  fon  infticuteur  &  fon  premier  rédaéleur  qui  mourut  le  21 
Août  1768.  L'avocat-littérateur  fut  remplacé  par  M.  Duchemin  Defpaletz  ,  ancien 
officier  du  régiment  de  (^crcy  ,  né  près  d'Agen  &  qui  mourut  au  Port-au- 
Prince  ,  le  9  Janvier  1771.  Lorfqu'il  y  eut  un  fécond  imprimeur  dans  la  Colonie, 
établi  au  Cap  ,  il  voulut  faire  auffi  des  Affiches  Américaines  ,  mais  les  Adminif, 
trateurs  décidèrent,  en  1777  ,  que  c'était  le  privilège  de  l'imprimeur  du  lieu  de- 
leur  réfidence  ,  fauf  à  l'autre  à  imprimer  les  avis  du  reffort  où  il  était,  par  forme 
de  fupp]ément.  Cette  décifion  défavorable  aux  prétentions  de  M.  Dufour  de 
Rians  lui  devint  bientôt  utile  par  la  guerre  de  1778  ,  qui  amena  les  Adminiftra- 
teurs  au  Cap.  La  Gazette  commença  à  y  être  imprimée  le  j  Otlobre  1778, 
&  le  fupplément  au  Port-au-Prince  jufqu'au  3  Juillet  1784  ,  que  l'ordre  inverf^" 
a  repris. 

Vers  1780  ,  M.  Rhodier  fecértaire  du  gouverneur-général  &  depuis  avocat  dû 
Confeildu  Cap,  avait  été  chargé  de  la  rédaélion  qui  a  éprouvé  un  changement 
ainfi  que  le  privilège  de  la  Gazette.  L'imprimeur  du  Cap  obtint  le  i-  Juillet 
1783  ,  avec  le  privilège  exclufif  pour  la  Partie  du  Nord  ,  pendant  quinze  ans  ,  le 
privilège  de  la  Gazette ,  à  condition  qu'elle  aurait  un  rédadeur  choifi  par  les 
Adminiftrateurs.  Ceux-ci,  ont  nommé  le  17  Novembre  fuivant,  M.  Mozard  qui 
en  eft  encore  chargé. 

Le  prix  des  Affiches  Américaines  eft,  depuis  1765  ou  1766,  de  ee  livres  par 

S  s  s  a 


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^08      DESCRIPTION    DE     LÀ     PARTIE 

an  ,  quoique  leur  volume  ait  prefque  triplé ,  &  par  le  plus  grand  nombre  de  pages 
&  par  la  différence  des  caraélères  employés  à  leur  impreffion.  Ce  ferait  même  une 
chofe  inconcevable  ,  fi  l'on  ne  difait  pa?  que  le  volume  fe  trou\''anL  grofll  en  grande 
partie  par  diverfes  annonces  dont  l'on  payé  rimpreffion  ,  ce  qui  donne  un  produit 
indépendant  des  foufcriptions  ,  l'imprimeur  gagne  d'autant  plus ,  qu'il  paraît 
donner  davantage  pour  le  même  prix.  En  17S8  ,  le  nombre  des  abonnés  était  de 
îjfoOj  ce  qui  donnait  99,000  liv. ,  dont  rimprimeur  du  Port-au-Prince  a  les  deux 
tiers  ,  parce  que  c'eft  lui  qui  imprime  lapartis  qui  é£t  vraiment  Gazette.  Cet  im- 
primeur a  de  plus  pour  ijfoco  livres  d'avis ,  fa  part  eft  doue  de  8-1,000  livres  S; 
fa  dépenfe  d'environ  5,6,000  liv.  L'imprimeur  du  Cap  â  pour  au  moins  25,000 
jivres  d'avis,  qui,  avec  3  j.000  livres  de  fon  tiers  de  la  gazette,  font  5^,000  liv.  &  fa 
dépenfe  efl;  de  33,000  liv.j  donc  les  Aiîîches  Amcricaines,  qui  procurent  139,000, 
payent  leur  dépenfe  de  89,000  livres,  &  laiffent  im  bénéfice  de  50,000  livres  , 
qui  fe  trouve  divifé  par  moitié  entre  les  deux  imprimeurs. 

Dans  les  dépenfes  j'ai  compris  celle  dé  12,000  livres  ,  que  les  Admiftrateurs 
ont  allouée  par  an  à  M,  Mo2ard  pour  fa  rédaélion.  Ce  ferait  manquer  à  la  juftice' de 
ne  pas  dire  que  perlonne  n'a  plus  cherché  que  lui  à  répandre  de  l'intérêt  dans  cette 
feuille.  Il  n'eft  point  de  détails  colorriaus  qu'il  n'ait  foUieité  ou  reçu  avec  en^preffe- 
ment,  &  il  a  fu  exciter  fouvent  &  le  zèle  &  l'amour-propre  de  plufieurs  perforines 
inftruites ,  &  s'il  avait  été  mieux  fécondé  en  général,  le  public  aurait  encore  gagné 
plus  d'irrftruftion.  Depuis  que  la  rédaftion  lui  efl:  confiée,  il  a  rendu  cette  1ère. 
feuille  périodique  de  Saint-Domingue  encore  plus  utile  ,  par  des  calculs  ,  par  des 
vues  neuves,  &t  l'imprimeur  qui  a  fu  fe  faire  accorder  le  privilège  exclufif,  ne  doit 
pas  regretter  ce  que  le  rédacteur  prend  fur  un  bénéfice  ,  dont  une  partie  eft  réel- 
lement due  à  fon  talent. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  lorqu'on  juge  cette  feuille,  qu'elle  a  toujours  été 
foumife  à  la  cenfure.  D'abord  à  celle  de  l'intendant  feul  ,  comme  le  veut  l'éta- 
blifTement  des  imprimeries  à  Saint-Domingue.  Les  gouverneurs-généraux  avaient 
bien  tenté ,  mais  infru6lueufement ,  de  s'en  emparer  plufieurs  fois ,  jufqu'à  M.  de 
Bellecombe  qui  parvint  à  fe  fubftituer  à  la  place  du  trop  facile  M.  deBongars. 
Cette  ufurpation  a  été  convertie  en  titre  par  le  privilège  acc-ordé  à  M.  Dufour  de 
Rians  en  1783  ,&  la  cenfure  àt  cette  feuille  eft  devenue  commune  aux  detrx 
Adminiftrateurs.  M.  François  de  Neufchâteau,  procureur- général  du  Confeil 
éitt  C^  ,   prétendit  en  1785,  que  ka  fonâiions  4es  A-dminiftrateurs  Its  empê- 


'•■'•».  .1'-,    .'  I"I*JI,  ^  I  «pi 


FRANÇAISE    DE    S  A  ï  K  T  -  D  O  M  î  N  G  U  É.      509 

chalent  de  l'exercer  comme  elle  devait  l'être,  èc  il  croyait  que  cette  cenfure  devait 
faire  partie  de  Tes  propres  fondions ,  comme  fi  elles  n'étaient  pas  elles  -  mêmes 
afîèz  nombreufes  &  aflez  relevées  ,  pour  écarter  cette  velléité. 
■  Il  eft  abfolumcnt  impofHble'de  fe  procurer  dans  toute  la  Colonie,  un  exemplaire 
complet  des  Affiches  Américaines,  &  M.  Mozard  lui-même,  n'a  pu  les  trouver 
au-delà  de  1782.  J'ai  refufé  beaucoup  d'argent  de  la  mienne  ,  l'unique  ,  je  croîs, 
qui  exiile.  Si  l'on  avait  fait,  ce  quejeconfeille,  c'eft-à-dire  ,  fi  Ton  avait  adrcffé 
des  exemplaires  de  ce  qui  fort  des  preffes  coloniales  à  la  bibliothèque  du  roi, 
àlï  dépô^:  &  au  bureau  des  Colonies ,  l'on  ne  ferait  pas  expofé  à  manquer 
fouvent  de  renfeignemens  que  cette  colleélion  aurait  ofîvrts.  Je  l'ai  aflez  prêtée 
aux  bureaux  du  miniftère  pour  qu'on  en  ait  fenti  l'utilité.  C'eft  fur  mon  obferva- 
tion  que  le  miniftre  a  chargé  les  Adminiitrateurs ,  par  fa  lettre  du  3  Juin  1785  , 
de  lui  en  envoyer  déformais  quatre  exemplaires. 


«••»^>^S><^.:S>^S*^><S>S>-S>®Ji^ioMo 


De  l'Almanach   à?  de  quelques  Ouvrages  imprimés  à  Saint-Dc7ningue. 

C'est  encore  au  Cap  qu'eftnée  Tidée  d'avoir  un  almanachde  Saint-Domingue. 
Le  premier  parut  en  1765.  C'était  un  petit  in-io..  inp.rimé  avec  les  mêmes  carac- 
tères que  les  Affiches  Américaines.  Cet  eflai  ne  pouvait  plaire  ni  par  la  partie 
typographique  ni  par  fon  peu  d'étendue.  On  fie  donc  venir  des  caraélères  exprès, 
eequi  fut  caufe  qu'on  n'eut  pas  d'almanach  de  1766.  En  1767  ,  il  a  paru  format 
in-i6  .  d'une  aflez  jolie  édition.  En  1769,  &  enfuite,  il  fut  fait  au  Port-au-Prince. 
L'imprimeur  du  Cap  en  a  fait  un  de  fon  côté  ,  depuis  1778  ,  comme  celui  du  Port- 
au-Prince  le  faifait  du  flen ,  &  avec  des  caraélères  plus  analogues.  Il  y  a  de 
légères  différences  entre  les  détails  de  l'un  &  de  l'autre  ,  mais  encore  y  en  a-t-il' 
Cet  ouvrage  eft- très-utile,  en  ce  qu'il  fait  connaître  les  divers  fonftionnaires  pu- 
blics de  la  Colonie.  J'ai  quelquefois  concouru  à  donner  à  ce  petit  recueil  des  détails 
particuliers. 

Le  fiiccèi^  de  la  Gazette ,  dès  fon  origine  ,  avait  donné  à  M.  Defpaletz , 
qutf  j-'ai  déjà  nommé  à  ï'ârticle  de  k  Gazette,  l'idée  d'un  autre  ouvrao-f 
périodique ,  fous  le  titre  de  Journal  de  Sainî-DoniingUe ,  dont  le  premier  numéro 
partît  au  mois  de  Novembre  1765.  Ce  Journal ,  dont  il  ferait  très-difficile  de  fe 
|)i-Ocurer  dix  eicemplaires  complets  à  Saint-Domingue  ,  paraifTait  chaque  mois  fous 


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D  Ë  S  C  R  I  P  T  I  O  îs     DE     LA 


PARTIE 

le  format  in-\z.  Des  64  pages  de  chaque  numéro,  la  moitié  était  deftinée à  parler 
des  mémoires  des  Chambres  d'Agriculture  ,  à  donner  des  extraits  d'ouvrages  fur 
les  matières  économiques,  le  co  nmerce  &c  la  culture,  fur  les  machines  propresaux 
Colonies,  &;  à  rapp-orter  des  obTervations  fur  les  maladies  de  leur  climat  j  enfei 
ce  devait  êire  le  dépôt  de  recherches  utiles  en  phyfique ,  en  hiftoire  naturelle  » 
l'autre  mioitié  était  réfervée  aux  belles-lettres.  Rien  de  plus  intéreffant  fous  tous 
lesripporcs,  que  ce  recueil,  qui  mêlait  i'uti'e  à  l'agréable;  une  fo  ik  de  mémoires 
fur  divers  fujets  ,  des  obfervations  toutes  propres  à  faire  bien  connaître  Saint-Do- 
mingue &  fon  importance  ,  des  pièces  de  littérature  qui  excitaient  l'émulation  des 
Gréols,  tout  était  fait  pour  recommander  l'entreprise  de  M.  Defpaletz,  à  qui  l'on 
ne  pouvait  refufer  un  goût  éclairé  ;  mais  au  quinzième  nuT.éro  (  Janvier  1767  ) 
il  ne  fe  trouva  plus  de  foufcripteurs.  En  vain  l'imprimeur  propoia  de  continuer 
l'impreffion,  feulement  pour  les  frai>;  en  vain  quelques  hommes  jaloux  de  la  o-loire 
de  la  Colonie  offrirent  de  faire  toutes  les  dépenfes  ,  fi  les  coopératcurs  du  Journal 
voulaient  continuer  à  l'alimenter,  rien  ne  put  iauver  le  Journal  de  Saint  -  Domingue. 
Son  anéantilTement  eft  un  reproch-  pour  la  Colonie.  On  l'imprimait  au  Cap. 

On  fit  paraître  aulTi ,  vers  le  même  tems ,  une  petite  feuille  intitulée  VIris 
Américaine,  qui  ne  contenait  que  de  lapoëfie.  Ce  genre  léger  n'eut  qu'une  exiftence 
éphémère ,  &:  l'Iris  difparut.  Il  m'a  même  été  impofllble  d'en  découvrir  la  plus 
petite  trace. 

Il  faut  encore  citer  le  Cap  pour  un  autre  ouvrage  périodique.  C'eft  une  gazette 
de  Médecine  Se  d'Hippiatrique  ,  dont  M.  Ducheu.in  de  l'Étang  avait  obtenu  le 
privilège  exclufif,  par  brevet  du  26  Décembre  1777.  Cette  feuille  ,  dont  il  n'a 
paru  que  huit  numéros  les  i".  &  les  15  des  mois  de  Novembre  &  Décembre 
1778  ,  Janvier  &  Février  1779  ,  en  huit  pages  in-^"".  ,  n'a  pas  eu  un  fuccès  qui 
ait  pu  la  Ibuten'.r.    Elle  était  intitulée   Gazette   de  Médecine. 

Heureufcment  que  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap  eft  propre  à  rempla- 
cer, en  granae  partie,  un  ouvrage  tel  que  celui  qu'avait  entrepris  M.  de  l'Étang, 
&  qui  exige  le  concours  de  plufieurs  obfervateurs.  C'eft  une  ample  moilTon  que 
celle  qui  s'offre  àu  médecin,  au  chimifte  ,  au  phyficien  ,  au  botanifte  &  au 
vétérinaire  ,  dans  un  pays  où  prefque  tout  eft  à  faire  dans  ce  genre  &  où  la  nature 
préfente  de  riches  matériaux.  Une  fociété  d'hommes  laborieux,  s'excitant  les  uns 
les  autres  ,  doit  être  naturellement  le  point  où  les  recherches  ,  les  obfervations, 
les  rérukats ,  doivent  être  communiqués  &  examinés ,  avec  le  défir  d'en  faire 
une  utile  application  à  l'humanité  entière. 


4L 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE-    511 

Il  ferait,  par  exemple,  beaucoup  plus  du  reffort  de-cette  Société  que  du  mien, 
de  parler  de  la  température  du  Cap  ,  de  fon  climat,  des  événemens  météorolo- 
-giques  dont  elle  offre  robfervation ,  &  de  l'influence  de  toutes  ces  circonftances 
fur  les  perfonnes  qui  l'habitent.  Mais  ce  qu'elle  fera  fans  doute  un  jour  d'une  ma- 
nière profonde,  je  vais  l'efquifîer, 

•o«oi|[>..,|0..,l^.,|(^,|^,„(^„(^„|^.„|^„^.,|j^.,l|^„,„- 

Du   Climat  &  de  la  Température  du  Cap. 

La  ville  du  Cap  eft  contournée  dans  toute  fon  étendue  au  Nord  ,  à  l'Oueft 
&  en  partie  au  Sud    par  une   montagne  5  ou  pour   parler  plus   exaflement,  la 
ville  occupe  l'intervalle  qui  fe  trouve  entre  deux  cuiffes  de  cette  montagne  ,  in- 
tervalle qu'ont  augmenté  des  applaniffemens  fucceffîfs.  Il  faut  diftinguer  dans  le 
fol  où  elle  eft  bâtie,  deux  portions  qui  diffèrent  eATentiellement  par  leur  nature- 
La  première,  la  plus  voifine  du  morne  à  l'Ouefl ,  efl  un  prolongement  de  la 
bafe  de  celui-ci,  &  on  le  reconnaît  aux  couches  de  roc  dont  elle  eft  formée  j 
l'autre  eft  un  terrain   fabloneux ,  graveleux ,   un  véritable   remblai   formé  par 
les   dégradations  du  morne,  que  les  pluies   ont  tranfportée s ,  par  les  terres  que 
la  rivière  du  Haut-du-Cap  aura  chariées  dans  les  débordemens ,  ou  lorfque  fon 
cours  était  irrégulier,   &  enfin  par  les  divers  defféchemens  &  les  avancées  faites 
dans  la  mer  à  différentes  époques.  La  première  partie  comprend  la  troifième  ,    la 
quatrième  &  la  cinquième  Seftions,  &  l'autre  renferme  la  première  ,  la  féconde, 
la  fixième  ,  la  feptième  &  la  huitième.  Il  y  a  cependant  dans  la  féconde   une 
portion   du  premier   genre ,    c'eft   celle  où  était   autrefois  le  petit    morne  des 
Capucins.   Le  bout  Sud  de  la  fixième  Seftion  eft  auffi  une  prolongation  de   la 
bafe  de  la  branche   du   morne  ,  qui  lui  eft  encore  prefque  contigue. 

Le  fol  du  Cap  a,  depuis  le  morne  jufqu'à  la  mer,  une  forte  inclinailon  (*) , 


Wi 


(*)  De  la  ravine  des  Cazernes ,   depuis  le  point  où  elle  re'pond  dans  l'Oueft  à  la  porte  de  cet  édifice 
iqua  cette  porte  même  ,  il  v  a  .  ,,  „j„     . .  _         i; „  a .. 


jfuquà  cette  porte  même  ,  il  y  a 

De  la  porte  des  cazernes  à  la  rue  des  Vierges^ , 
De  la  rue  des  Vierges  à  la  rue  Saint- Jacques  , 
De  la  rue  Saint- Jacques  à  la  rue  Efpagnole  , 

' Efpagnole  à  la  rue  Royale , 

— Royale  à  la  rue  d'Anjou  , 

'  —  d'Anjou   à  la  rue  Dauphine , 

-    Dauphine  aux  maifons  fur  le  quai , 
De  ces  maifons  à  la  mer , 


22  pds.   1 1  p.  j,  lignes  de  pente. 


14 

14 

16 

8 

6 


2 

9 
3 
9 
9 


10 

II 

J9 

3 

33 

99 

III 

2 

3 

—mm 


^. 


512       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

auffi  la  rapidité  des  eaux  j  lorfque  les  pluies  violentes  de  la  Zone  torride  tomben,. 
fur  le  morne  du -Cap,  y  eft-elle  remarquable.  L'on  conçoit  avec  quelle  facilité  les 
rues  fe  féchent  prefque  auffitôt  que  la  pluie  a  celle ,  furtout  dans  la  partie  qui 
eft  la  plus  voifine  du  morne. 

La  différence  que  j'ai  annoncée  dans  le  fol  de  la  ville  ,  en  produit  une  alTez 
marquée  dans  la  fanté  de  fes  habitans.  On  obferve  qu'en  général  les  maladies 
font  moins  fréquentes  &  moins  rebelles  dans  la  partie  fupérieure  que  dans  celle 
qui  avoifine  la  mer  ,  &  que  les  vifages  font  moins  chargés  de  cette  nuance  d'un 
jaune  terne  qui  femble  être  le  partage  des  Colons  des  Antilles  qui  habitent  le 
loncr  des  côtes  ;  nuance  qui  efi  communément  moins  fenfible  chez  les  femmes. 
Le  Cap  eft  fitué  de  manière  à  recevoir  l'impreffion  du  foleil  dès  fon  lever , 
Se  dans  la  Zone  torride  la  chaleur  commence  avec  l'apparition  de  cet  aftre.  A  la 
vérité,  la  brife  du  large  peut  auffi  y  déployer  toute  fon  aftion ,  mais  le  fite 
produit  une  différence  remarquable  entre  les  effets  du  vent  &  ceux  du  fokil. 
La  brife  trouvant  un  obftacle  invincible  dans  le  morne  auquel  la  ville  eft 
adoffé ,  perd  une  partie  de  fa  \iteÇ[c  &  tournoyé  en  quelque  forte  pour  trouver 
une  iffue  ,  foit  en  rencontrant  la  petite  gorge  qui  termine  la  quatrième  Seftion  > 
au-deflus  de  la  Providence ,  foit  en  fe  repliant  le  long  de  la  branche  qui  va  dans 
la  direftion  du  Sud- Eft  fe  terminer  vers  le  cimetière  de  la  Foffette.  Le  folei^ 
au  contraire  favorifé  par  cette  barrière  même,  darde  avec  force  des  rayons  que 
le  morne  réfrade  &  qui  acquièrent  ainfi  une  chaleur  réverbérée  que  l'abfence 
de  la  brife  rend  infupportable  &  étouffante. 

La  brife  de  terre  ne  peut  pas  toujours  la  tempérer ,  car  la  pofidon  du  morne 
la  force  auffi  à  gliffer  le  long  de  la  branche  dont  je  viens  de  parler  pour 
s'infinuer  par  la  bande  étroite  qui  eft  entre  le  cimetière  &  la  mer.  Ce  n'cft  donc 
qu'en  évoluant  fur  elle-même  qu'elle  peut  parcourir  la  furface  de  la  ville  &  dans 
les  longsjours  d'Été  où  le  foleil  eft  ardent  &  la  brife  de  terre  très-faible  (s'il 
n'y  a  pas  eu  d'orage  )  ,  il  eft  très-exaft  de  dire  que  la  chaleur  de  chaque  jour 
eft  augmentée  par  une  portion  de  la  chaleur  de  la  veilk. 

La  continuité  d'une  caufe  auffi  puiffante  ,  rendrait  néceffairement  le  Cap 
inhabitable  ,  Ci  le  climat  de  Saint-Domingue  n'était  pas  marqué  par  deux  faifons 
qui  fuivent  les  deux  Equinoxes  ,  &  fi  les  météores  n'avaient  pas  i  dans  la  Partie 
du  Nord,  deux  révolutions  qui  y  eorrefpondent. 

Depuis  le  commencement  du  mois  d'Oftobre  jufqu'à  la  fin  de  celui  de  Mars , 

les 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       513- 

îes  vents  d'Oueft  £c  de  Nord  s'emparent  de  ratmofphère.  Les  premiers  ,_Cout-à- 
h  fois  pefansj  chauds  &  humides,  font  éprouver  la  fenfation  la  plus  pénible  de 
ces  climats  brûlans,  par  la  privation  totale  des  brifes  qui  donnent  de  l'elafticité  à 
l'air  &  le  rendent  refpirable.  On  n'cft  pas  ,  il  eft  vrai  ,  tourmenté  par  cette 
tranfpiration  qui  allume  le  fang  après  l'avoir  defféché ,  mais  on  fe  fent  brûler 
d'un  feu  concentré.  Le  corps  eft  abattu  ,  l'efprit  s'éteint,  l'ame  s'affaifTe.  Viélime 
du  tyran  qu'on  alimente  de  fa  propre  fubftance ,  on  a  foif  d'air ,  mais  l'air  eft 
ftagnant,  &  l'on  eft  dans  l'état  d'une  efpèce  de  fièvre  nervale  quia  auffi  fes 
anxiétés.  Enfin  après  un  mois  ou  fix  femaines  d'attente  ,  les  Nords  exercent 
leur  empire  ,  &  à  la  chaleur  qui  anéantiffait  toutes  les  facultés  ,  fuccède  un  fen- 
timent  de  froid  qui  les  réveille.  La  fibre  reprend  de  l'énergie  ,  &  dans  ce 
changement  la  jeuneffe  trouve  un  principe  réparateur ,  tandis  que  les  anciens 
Colons  ont  au-  contraire  à  redouter  plufieurs  maladies  deftruftives. 

Les  Nords ,  s'ils  font  fecs ,  ce  qui  eft  affez  rare  ,  produifent  auffi  un  effet 
cauftique  ;  ils  delTèchent  les  plantes  &  communiquent  à  l'air  un  caraélère  d'âpreté 
.qui  donne  au  fang  une  indifpofition  inflammatoire.  Les  Nords  pluvieux  n'ont  pas 
le  même  inconvénient  ,  &  fi  l'excès  des  pluies  n'amène  pas  à  fon  tour  les 
maux  d'une  extrême  humidité  ,  cette  faifon  eft  la  plus  utile  &  celle  qui  donne  la 
température  annuelle  la  plus  douce.  Il  eft  fingulier  d'entendre  ,  lorfqu'elle  règne  , 
fortir  de  prefque  toutes  les  bouches  qui  n'aguêres  exhalaient  la  plainte  du  chaud  , 
Jar  plainte  contraire  ,  que  les  Africains  poufîènt  toujours   les  premiers. 

Dans  l'autre  femeftre  ,  les  chaleurs  vont  toujours  croiffant.  Il  n'y  a  plus  que 
des  pluies  d'orage,  &  les  vents  de  Sud  qui  les  précèdent,  ou  qui  même  les  accom- 
pagnent ,  font  chauds  &  quelquefois  violens  &  dangereux  pour  l'agriculteur  & 
-pour  le  marin.  Avec  ces  orages  furviennent  des  mouvemens  foudains  dans  l'état  de 
ratmofphère  ;  à  l'exceffive  chaleur  s'allie  une  humidité  produite  par  l'eau  que  le 
ciel  vcrfe  en  torrens  ;  à  l'ouverture  des  pores,  fuccède  une  ftriélion  plus  ou  moins 
fenfible  ;  l'évaporation  foudaine  des  eaux  pluviales  produit  un  refroidiflèment 
d'autant  plus  dangereux  pour  l'imprévoyance,  que  le  mal-aife  phyfique,  caufé  par 
le  chaud ,  porte  à  le  défirer  &  à  fe  livrer  à  fes  douces  mais  trompeuses 
influences. 

Ces  effets  généraux  des  deux  faifons  rapportés  au  Cap ,  y  font  encore  plus 
fenfibles  ,  comme  le  Leéleur  doit  l'avoir  déjà  preffenti  d'après  ce  que  j'ai  dit 
du  fite  de  la  ville.  Ce  fite  augmente  la  chaleur  £c  caufe  auffi  une  augmentation 
Tome  L  T  t  t 


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514       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

dans  rhumi-iité.  Celle-ci  efl  due  ,  d'abord  à  h  nature  de  la  brile  du  large  qui  , 
ayant  parcouru  une  immenfe  étendue  de  mer  ^  arrive  chargée  d'un  principe  falin 
dont  tous  ks  corps  qu'elle  frappe  atteftent  l'exiftence.  Arrêtée  par  le  morne  & 
obligée  de  féjcurner  fur  la  ville  ,  elle  charge  l'atmorphère  de  ce  mêmiC  principe 
&  fait  contracT:er  à  l'air  une  propriété  déliquefcente  ,  qui  agit  &  fur  l'habitud-c 
du  corps  &  iur  les  humeurs  ,  après  avoir  nui  aux  organes.  Une  féconde  caufc 
d'humidité  &  d'humidité  malfaifante  ,  ce  font  les  points  bas  &  marécageux  oui 
environnent  encore  le  Cap  ^  &  dont  l'efFct  était  vifible  fur  les  habitans  de  la 
rue  Efpagnole  &  de  fes  environs  ,  lorfqu'en  1739  dl  fut  un  des  motifs  cui  îit 
ordonner  de  combler  l'efpace  fitué  entre  cette  rue  &:  la  mer.  Les  deux  rives 
de  la  rivière  à  Galiffet  ne  font ,  pour  ainfi  dire  ,  que  deux  m.arais ,  &  l'on  a  vu 
qu'en  1758  ils  occupaient  encore  la  m.oitié  du  territoire  aftuel  de  la  ville.  Le 
foleil  pompe  avec  force  les  exhalaifons  de  cette  furface  m.arécageufe  ,  &  les  deux 
■brifes  ks  am.oncèlent  fur  la  ville. 

L'air  qu'on  refpire  au  Cap  eft  donc  tout-à-la  fois  épais,  humdde  &  chaud 
Se  les  variations  qui  le  trouvent  dans  l'intenfité  de  ces  trois  qualités  ,  ne  font 
jamais  telles  qu'elles  puiffcnt  le  rendre  très-fain.  On  conçoit  néanmoins  que  tous 
les  travaux ,  faits  depuis  50  ans ,  ont  rendu  le  féjour  du  Cap  infiniment  plus 
talérable.  Sans  doute  la  pofidon  de  la  Petite-Anfe  fuppolée  avec  les  remblais 
faits  autour  du  Cap,  ferait  très-préférable  par  la  circulation  de  l'air,  par  la 
facilité  d'étendre  pre,<qu*indé*iniment  la  ville  8-t  de  l'environner  de  tous  ks 
établifTemens  qui  lui  auraient  été  néceffairts  ,  loit  comme  lieu  de  commerce  , 
foit  comm.e  lieu  de  force. 

Après  avoir  parlé  de  l'air,  je  dois  examiner  quel  eft  le  partage  du  Cao 
relativement  à  l'eau  ,  cet  autre  agent  de  l'exillence  ,  fur  iaquene  il  a  un  eifet 
tout-à-la  fois  prochain  &   éloi2;né. 

J'ai  rapporté  comment  cette  ville  avait  acquis  fucceffiverr.tnt  pîufieurs  fon- 
taines 3  dont  quelques-unes  mêmes  font  très-récentes.  C'cft  :.  ce  dernier  travail 
qu'on  fera  redevable  d'être  garanti  de  la  prnurie  d'eau  que  faisaient  éprouver  les 
grandes   féchereffea. 

,   Jufqu'en    1788,   en    ne    comptait   que   ilx   fontaines    publiques ,  celle    de   h. 
prifon  ,  celle  de  la  place  Montarcher   Se  celle  de  la  placê-d'arrnes  ^  qui  recevaient 
leur  eau  de  la  fcurce  de  l'habitation  des  R.eligieufes  ,  celle  de  îa  rue  eu  Confeii 
celle  de   la  phce  Clugny  &  celle   d'Eitaing,  qui  la  recevaicn-:  de   la  fource 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       515 

d'Erpaigne.  Ces  fontaines  tariffaient  avec  une  grande  facilité.  Il  fiilait  même  aider 
celle  d'EPcaing  (  qui  avec  quatre  robir^ets  de  deux  pouces,  n'avait  rtellem.ent  ' 
que  deux  poucesd'eau), par  lejeude  deux  pompesplacées  dans  le  puits  du  magafin 
du  roi.  Elles  exigeaient,  en  outre  ,  tant  d'entretien,  que  de  1771  à  1781,  elles  ont 
coûté  plus  de  50,000  livres  au  roi.  A  la  vérité  ,  l'on  comprenait  la  dépenfe  de  la 
conduite  de  l'eau  de  la  ravine  à  Douet  à  la  fontaine  des  Cazernes  &  au  Gouverne- 
ment. La  qualité  préférable  des  eaux  de  cette  dernière  ravine  &  l'augmentation  que 
leur  recueillement  promettait,  déterminèrent  les  Adminiftrateurs  à  adopter ,  en 
1784,  le  plan  d'un  grand  travail.  M.  de  Boisforefî: ,  direfteur  des  fortifications  , 
l'ayant  amèrement  cenfuré  en  1785  ,  les  Adminifcrateurs  fe  virent  forcés  d'en 
confier  exclufivement  l'exécution  à  M.  de  la  Fire  ,  ingénieur.  Ce  travail  qui 
confifte  principalement  en  un  grand  aqueduc  &  qui  a  coûté  900,000  îiv.  ,  fut 
encore  critiqué  avec  le  défit  fecret  de  le  trouver  condamnable  ,  mais  l'envie  a 
été  forcée  de  l'approuver. 

Aujourd'hui  ,  grâces  au  zèle  &  au  talent  de  M.  de  Rallier  ,  ingénieur  en 
chef  de  la  Partie  du  Nord  ,  la  ravine  à  Douet  donne  de  l'eau  aux  Cazernes  ,  ati 
Gouvernement ,  aux  Religieuf^;s  ,  &  l'excédant  va  fe  réunir  à  l'eau  venue  de  la 
fource  de  l'habitation  des  Religieufes.  Celle-ci  fournit  d'abord  aux  prifons  Se  ^ 
réunie  enfuite  à  l'excédant  de  la  ravine  à  Douet ,  elles  vont  enfemble  alimenter 
la  fontaine  Montarclier  &  la  fontaine  Clugny  ;  tandis  qu'une  portion  va  à  la 
fontaine  de  la  place-d'armes  &  fe  rend  enfuite  à  celle  du  quai  au  bas  de  la  rue  cîe 
la  Fontaine  &  aux  utiles  lavoirs  qui  font  fur  le  quai.  L'eau  de  la  fource 
d'Efpaigne  ,  déformais  groffie  de  celle  qui  allait  autrefois  à  la  place  Cluo-ny ,  fert 
feulement  la  fontaine  de  la  rue  du  Confeil ,  &c  va  de  là  ii  la  fontaine  d'Eftaing. 
Enfin  l'eau  qui  coulait  à  la  Foflette  depuis  quelque  tems  ,  a  fourni  auffi  à  la 
nouvelle  fontaine  de  la  place  Royale.  Il  y  a  donc  ,  en  1789,  outre  l'eau  des 
prifons  ,  du  Gouvernement ,  des  Cazernes  8c  des  Religieufes  ,  neuf  fontaines 
publiques. 

M.  de  Rallier  avait  formé  un  projet  qui  devait  procurer  trois  fontaines  ce  plus,. 
Supprimant  le  robinet  qui  donne  l'eau  à  l'angle  de  la  prifon,  il  vouînlt  le  rem- 
placer par  un  robinet  qui  ,  correfpondant  au  Gcuvernement ,  aurait  été  placé  à 
l'ang'e  Sud-Efl:  du  Champ-de-Mars.  L'eau  qui  va  de  la  fontaine  de  la  olace- 
d'armes  à  celle  qui  eft  fur  le  quai ,  devait  fervir  ,  en  paffant  ,  un  robinet  au  bout 
de  h  rue  de  la  Pointe  ,  dans  le  marché  aux  Blancs  ;   Çc  la  (burce  des  Relio-ieufe-s 

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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


accrue  par  de  nouveaux  travaux  ,   aurait  pu  pi-ocurer  une  fontaine  au  hangard  à 
la  mâture   du  Petit- Carenao-e. 

M.  de  Rallier  envifageait  furtout ,  quant  à  cette  dernière  fontaine,  tin  objet  qui, 
avec  raifon  ,  lui  paraît  majeur  :  celui  de  faire  dans  le  moins  de  tem^  poffible  \ 
l'eau  d'une  efcadre  ou  d'une  armée  navale,  puifque  tout  le  tems  que  ce  foin 
confomme  devient  profitable  à  l'ennemi  &  que  dans  un  climat  chaud,  les  moin- 
dres^retards  peuvent  ecre  funeftes  aux  troupes  &  aux  équipages.  I,a  diftribution 
aurait  même  été  combinée  de  m.anière  que  dans  un  befob  trèi-preiTant,  toute 
l'eau  aurait  pu  être  retenue  pour  l'aiguade  des  vaiifcaux  &  fervir  ainfi  les  vues 
les  plus  imjportantes. 

Autrefois  les  bâtimens  étaient  obligés  de  venir  chercher  Peau  à  la  fontaine  de  U 
piace-d'armes,  au  moyen  d'une  calle  qui  était  à  l'extrémité  de  la  rue  de  Chafte- 
noye  ,  ce  qui  donnait  un  immenfe  éloignement  à  parcourir  aux  chaloupes  obligées 
de  retourner  à  bord  des  vailTeaux  mouillés  à  la  tête  de  la  rade^  &  ce  qui  ne  pouvait 
même  pas  fe  faire  à  toutes  les  heures,  à  caufe  de  la  brife  du  large.  C'efl  ainfi 
qu'on  vit  l'efcadre  de  M.  de  l'Étenduère  &  fon  convoi ,  retenus  fix  jours  de  plus 
au  Cap  ,  en  1745  ,  rien  que  pour  attendre  l'eau  qui  leur  était  néceflaire. 

M.  de  Rallier  obligé  de  fe  fervir  de  travaux  déià  faits  a ,  du  moins  ,  favorifé 
fon  fyftème  par  la  nouvelle  fontaine  du  quai ,   qui  eft  auffi  propre  à  l'aiguade  des 
vailTeaux  &  par  l'augmentation  de  la  fontaine  d'Eftaing ,  &  s'il  ne  l'a  pas°e{fecT:ué 
quant  à  celle  du  hangard  ,  c'eft  aux  difficultés  parcimonieufes  de  l'adminiftration 
qu'il  faut  s'en  prendre. 

Il  s'en  faut  bien  que  toute  l'eau  du  Cap  foit  d'une  bonne  qualité.  Celle  de  la 
ravine  à  Douet  eft  la  plus  légère.  Elle  porte  le  nom  du- propriétaire  d'une  habi- 
tation fituée  dans  le  morne  de  la  ville  &  où  eft  fa  fource.  Celle  de  la  Foffette  qui 
fe  fait  jour  à  n-avers  un  fond  fabloneux  &  qui  vient  de  l'Oueft  de  ce  petit  enfon 
cernent ,  mérite  enfuite  la  préférence  fur  celle  de  la  fource  des  Reliaieufes 
que  l'on  néglige  de  tenir  couverte  quoiqu'on  l'ait  toujours  recommandée  dès 
i'mftant  où  elle  a  fervi  à  la  première  fontaine  qu'ait  eu  le  Cap,  celle  de 
h  place-d'armes. 

Toutes  ces  eaux  font  plus  ou  moins  féléniteufes  ,  mais  c'eft  furtout  dan.  les 
fechereffes  qu'elles  acquièrent  de  la  fadeur  &  de  la  crudité  ,  U  aloi^  elles  font 
encore  infultifantes  pour  les  befoins  des  habitans.  Et  ces  derniers,  comme  fi  cet 
mcomtm,nt  «'était  pas  déjà  allez  grand ,  ont  contrafté  l'habitude  de  boire  Peau 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       517 

de  leurs  puics ,  quoiqu'elle  prouve  par  fon  impuiflfance  à  diffoudre  le  fa  von  fe  à 
cuire  les  légumes,  qu'elle  a  des  qualités  nuifiblea  ,  à  la  longue  du  mains,  pour 
la  fan  té. 

C'eft  furtout  aux  puits  de  la  partie  fupérieure  de  k  ville  qu'on  accorde  uYie 
préférence  qu'on  croit  méritée  par  leur  grande  profondeur,  puifqu'il  en  eft  qtij 
ne  donnent  de  l'eau  qu'à  90  pieds  d'une  fouille  faite  avec  le  fec ours  de  la  mine  , 
tandis  que  dans  la  partie  inférieure  ,  il  fuffit  quelquefois  de  creufer  une  toife  pour 
trouver  l'eau.  Ces  derniers  puits  ont  aflèz  ordinairement  une  eau  dont  le  goût 
faumâtre  &  la  couleur  un  peu  jaunâtre  ,  avertit  de  n'en  pas  faire  ufage  ,  comme 
boifîbn,  mais  quelquefois  aufli ,  leur  limpidité  trompe  &  i!  eft  des  puics  très- 
voifins  de  la  mer  ,  dont  on  boij:  l'eau. 

Sans  doute,  il  en  eft  où  des  fources  abondantes  fourniilènt  un  liquide  qui  diffère 
à  peine  de  celui  qu'on  recueille  aux  fontaines  ,  &  l'apparition  foudaine  de  diverfes 
infiltrations  dans  plufieurs  points  de  la  ville  ,  pendant  les  laifons  pluvieufes , 
annonce  affez  qu'elles  font  nombreufes.  Mais  fans  que  l'analyfe  ait  rien  appris  , 
l'on  juge  que  l'eau  offerte  par  un  puits  eft  pure  ,  dès  qu'elle  ne  bleffe  pas  le  goût. 
Il  ferait  trop  ridicule  de  rapporter  toutes  les  raifons  que  le  radotage  de  l'habitude 
fait  dire  pour  foutenir  la  réputation  de  chaque  puits  ,  &  dans  la  réalité,  on  loue 
pluscherune  maifon  qui  a  un  puits  dont  l'eau  eft  cenfée  bonne  à  boire. 

Les  efcîaves  font  principalement  les  grands  préconifeurs  de  l'eau  cîe  puits  , 
parce  que  le  foin  d'en  procurer  d'autre  ferait  une  peine  pour  eux  ,  &•  lors  miême 
que  le  maître  ne  fe  fie  pas  à  ce  qui  fe  dit  en  faveur  du  puits ,  il  eft  bon  de  les 
furveilier. 

L'infuffifance  de  l'eau,  des  fontaines ,  pour  fatisfaire  aux  befoins  du  Cap,  eft 
caufe  que  cette  ville  ne  peut-être  aufii  propre  qu'elle  aurait  befoin  de  l'être ,  & 
que  dans  les  jours  très-chaud&St  dans  les  teraï»  très-fecs ,  les  rues  ne  font  point 
arrofées  ,  &  qu'elles  exhalent  une  odeur  fétide  ,  qui  altère  encore  l'air. 

MM.  de  Reynaud  &  Le  Braffeur,  qui  s'étaient  fait  une  affaire  capitale  de 
procurer  am  Cap  tout  ce  qui  pouvait  le  rendre  &  pl-us  agréable  Sc^plus  fain,  avaient 
conçu  ridée  d'y  faire  venir  de  l'eau  de  la  Grande  rivière  de  Limonade.  Une  af- 
femblée  de  tous  les  propriétaires  de  maifons  de  la  ville  du  Cap,  fut  convoquée  par 
eux  le  18  Mars  178 1,  pour  délibérer  fur  un  mémoire  de  M.  Verret. 

Cet  habile  hydraulicieay  expifait  d^abord  ,  que  la  rivière  du  Haut  du  Cap  ne 
pouvait  être  d'aucune  litUité  pour  k  but  qu'on  fe  propofait ,    parce  qu'ç]l§  man*. 


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518"     DESCRIPTION     DE      LA      PARTIE 

quait  d'eau  au  moment  où  il  pirliit ,  &  que  c'cft  Ton  état,  même  pendant  les 
iécherefTes  ordinaires.  Il  confidérait  enfuite  qu'une  prife  d'eau  fur  la  Grande 
rivière  8<  une  conduite  de  quatre  ou  cinq  lieues  de  long  feraient  ruineufes  ;  mais 
qu'il  fallait  fe  fervir  du  canal  des  intéreffes  de  la  paroiiTc  de  la  Petite-Anfe,  ce  qui 
pouvait  fc  faire  fans  nuire  aux  moulins  établis.  Il  obfervait  enfuite  ,  que  fi  M.  de 
Gabriac  était  ramené  à  l'obligation  de  n'employer  qu'à  m.ouvoir  un  moulin,  l'eau 
qu'il  conlomme  en  arrofant  fon  habitation,  l'habitation  Bongars  ou  celle  delà 
Chanté  ,  qui  prendrait  la  vide  de  ce  moulin  pour  faire  agir  le  fien ,  ferait  obligée 
de  conduire  l'eau  jufqu'à  l'angle  Nori-Eft  de  l'habitation  Lefcbvre ,  autrefois 
Fontenelle,  où  la  ville  du  Cap  commencerait  fes  travaux  pour  conduire  l'eau  fur 
l'habitation  Breda  ,  au  moyen  d'un  acqueduc  de  2,300  toifes  de  long,  fur  iS 
piedi  de  haut ,  &  de  cette  habitation  à  la  rue  Efpagnole ,  par  un  canal  de  terre  , 
maçonné  &  voûté-  Enfin  M.  Vcrret  évaluait  les  frais  de  l'entreprife  à  i,80O;O0o 
livres. 

Les  Adminiurateurs  propofèrent  aux  propriétaires  de  maifons  de  s'impofer 
pendant  la  guerre  à  raifon  de  deux  &  demi  pour  cent  du  prod-uit  des  maifons  ,  & 
calculèrent  qu'en  y  ajoutant  25,000  francs  ,  que  le  gouvernement  donnerait  chaque 
année,  fur  l.i  cailfe  des  libertés,  il  y  aurait  100,000  livres  à  employer  pendant 
chaque  année  de  guerre  ,  &  qu'à  la  piix  une  cottifation  volontaire  remplacerait 
ces  m.oyens.  L'affem.blée  générale  nomma  des  commifTaires ,  &  formée  une  fé- 
conde fois ,  le  18  Novembre  1781  ,  pour  entendre  leur  rapport,  elle  rejetta  le 
projet. 

Ce  rejet  était  fondé  fur  ce  que  le  Cap  eft  fitué  au  pied  d'une  montagne  élevée 
&,  peut-être  ,  la  plus  abondante  en  fources  de  toute  l'Iilc,  &  fur  ce  que  cette 
v.lle  repofe  ,  dans  toute  fon  étendue,  fur  une  nappe  d'eau  ,  douce  &  très-notable; 
lur  ce  qu'on  y  trouve  même  plufieurs  emplaceraens  que  la  proximité  des  fourccs 
à  la  furi^ice  de  la  terre  rend  inutiles  à  leurs  propriétaires  ,  &  oij  l'eau  repouffe  la 
main  de  l'architeéle  &  app.'le  l'art  hydraulique  ;  fur  ce  que  la  ville  renferme  huit 
ou  neuf  cens  puits,  dont  près  de  fix  cens  donnent  de  l'eau  bonne  à  boire,  fix  fon- 
taines Se  deux  pompes,  &  que  quiconque  veut  ouvrir  la  terre,  trouve  à  fe  défaltérerj 
lur  ce  que  le  puits  du  Gouvernement  a  fuffi  feul ,  dans  de  grandes  fechcrefles  ,  à 
donner  l'eau  aux  Cazernes  &  aux  environs  -,  fur  ce  que  l'eau  de  k  Grande  rivière 
ne  pouvant,  d'après  le  plan,  être  portée  au-delà  du  milieu  de  la  rue  Elpagnole  , 
il  n'y  aurait  que  la  partie  inférieure  de  In  ville  vers  le  Sud  ,  &  qui  a  it  pbs  d'caa. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       519 

-  à  qui  l'on  en  procurerait;  inconvénient  qui  ferait  le  même  pour  les  cas  d'incendies 
dans  les  autres  quartiers  de  la  ville  3  fur  ce  que  le  remblai  des  marais  a  rendu   l'air 

:  afîèz  fklubre  ;  fur  ce  que  l'eau  pour  boire  ne  manque  point ,  de  l'aveu  même  des 
Adminiftrateurs ,  &c.  &c. 

Venant  enfuite  à  l'exécution  ,  on  s'allarme  fur  la  déperdition  de  l'eau  ,  dans  un 
efpace  de  près  de  4,000  toifes  ;  fur  l'incertitude  de  fa  conduite  ;  &  l'on  cite  les 
exemples  des  entreprifes  hydrauliques  de  l'arrofement  de  l'Artibonite  &  de  la 
fontaine  du  Fort-Dauphin.  Enfin  les  commiffaires  offraient  de  prouver  que  l'en- 

-  treprife  exigerait  fix  millions  de  dépenfe  ,   &  qu'ainfi  la  durée  de  l'ouvrage   ferait 
de  foixante  ans. 

Le  projet  produifit  cependant  des  recherches  pour  augmenter  l'eau  des  fontaines 
&  les  Adminiftrateurs ,  avertis  dès  les  affemblées  du  mois  de  Mars  178 1  ,  avaient 
^  etabh  ,  le  28  Avril ,  un  fontainier  qui,  fous  les  ordres  de  l'ingénieur  en  chef,  eft: 
chargé  de  l'entretien  des  fontaines  du  Cap  &  de  leurs  canaux. 

On  ne  peut  difconvenir  que  les  objeélions  étaient  fortes  ,  ^  que  celles  relatives 
à  la  dépenfe  n'étaient  pas  faciles  à  lever  j  mais  prétendre  en  1781  que  le  Cap 
avait  affez  d'eau  ,  c'était  foutenir  une  chofe  démentie  par  l'évidence  &  fe  confoler 
de  la  perte  d'une  eau  faine  ,  par  celle  des  puits  de  cette  ville  ;  c'était  défendre  fa 
bourfe  en  abandonnant  fa  vie.  Répétons  que  les  foins  de  M.  de  Rallier  ont  donné 
quelque  valeur  à  cette  partie   faible   du  rapport  de  1781  ,   &   regrettons  que  îe 

gouvernement  n'ait  pas  laiffé  au  zèle  de  cet  officier  tous  les  moyens  d'augmenter 
les  reffûurces  du  Cap  en  ce  genre. 

La  température  de  la  ville  du  Cap  ,  où  j'oubliais  de  dire  qu^il  n'y  a  point  cfe 
-cave,  à  caufe  de  l'humidité  du  fol,  du  voifinage  de  la  mer,  &  de  la  crainte 
■qu'elles  nefufîent  contraires  à  la  folidité  des  maifons  dans  les  tremblemens  de 
:  terre,  eft  néceffairement  chaude,  d'après  tout  ce  que  j'ai  rapporté  de  fa 
■topographie.    Le  thermomètre  de  Réaumur ,  à  i'efpric  de  vin  ,   placé  au  Nord. 

t^  a  l'ombre  ,  a  pour  termes  extrêmes  16  &  28  degrés  ,  &  il  cil  infiniment  rare 

que  ces  termes  foicnt  excé-'és. 

Pour  particularifer  davantage  les  obfervations  météorologiques ,  il  faut  dire  que 
îe   mois  de  Janvier  eft  communément  très  -  pluvieux  ,   S,  fournis   aux   vents 
depuis  le  Nord-Eft  jufqu'au   Nord-Oue(t.   Les   montagnes  paraiffent  brumeuse: 
4ans  le  lointain  ;   le  thermomètre  marque  alors   16,  17  &  iS  degrés  le  matin 
20  &  21  à  midi  &  19  &  20  le  foir.  " 


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520      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Le  mois  de  Février  eft  très-  refîemblant  à  celui  qui  le  précède  ,  fi  ce  n'eft  que 
le  ciel  eft  plus  nébuleux  &  qve  les  pluies  font  moins  continuelles. 

Mars  refîemble  à  fon  tour  à  Février,  mais  les  vents  d'Oueft  interrompent 
quelquefois  ceux  du  Nord  &  mêlent  ain.l  le  chaud  au  froid  ;  le  thermomètre 
s'élève  en  Mars  à  un  ou  deux  degrés  de  plus  ,  à  chacune  des  trois  époques  du 
jour  que  j'ai  citées  ,   h.  marque  quelquefois  jufqu'à  23  degrés  à  midi. 

Le  m.cis  d'Avril  eft  un  de  ceux  qui  font  les  plus  diffemblables  d'avec  eux 
m.êmes  :  tantôt  il  fert  à  prolonger  l'empire  des  Nords  &  la  faifon  pluvieufe  -, 
tantôt,  &  le  plus  fouvent,  il  eft  kc  ;  les  vents  de  Nord-Eft  s'élèvent  avec 
une  forte  de  violence ,  les  brifes  carabinées  font  fréquentes  ,  &:  il  n'eft  pas 
extraordinaire  que  ces  grands  mouvcmens  de  l'atmofphère  laiftent  une  place 
aux  orages  ;  le  thermomètre  monte  encore  un  peu. 

Au  mois  de  Mai  fe  manifefte  i'efpèce  de  renaiffance  printanière  qu'on  a  pu 
commencer  à  obferver  dès  le  mois  d'Avril ,  &  qui ,  quoique  infenfible  pour 
les  yeux  vulc^aires  ,  frappe  cependant  ceux  de  l'obfervateur  de  la  Zone  torride 
qui  eft  attentif  à  confidérer  le  changement  de  feuilles  dans  quelques  arbres, 
ou  celui  de  la  nuance  du  vert  dans  d'autres.  Ce  mois  eft  en  outre  coupé  en 
parties  égales  par  deux  tem;pératures  affcz  différentes.  Dans  la  première  l'on 
voit  encore  les  grandes  brifes  du  mois  d'Avril,  puis  les  vents  du  Sud  les 
remplacent;  l'air  eft  étouffant,  les  premières  tranfpirations  paroiflent ,  &  avec 
elles  le  fentiment  pénible  qui  les  précède  encore  plus  qu'il  ne  les  accompa- 
gne. Dans  la  féconde  partie  du  mois  naiflent  les  orages ,  les  cataraéles  font 
ouvertes ,  elles  répandent  l'inondation.  Des  matinées  pendant  lefquelles  le  Ciel 
eft  fouvent  du  plus  bel  azur ,  font  remplacées  par  des  après-midi  où  les  nua- 
ges amoncelés  d'abord  vers  le  Sud,  tranfportent  le  tonnerre  qu'on  a  quelque- 
fois entendu  dans  le  lointain  depuis  midi.  Maribarou  fe  charge ,  dit  -  on  ; 
Maribarou  canonne.  Peu-à-peu  l'air  s'épaiffit,  la  brife  cefîe ,  enfin  le  déluge 
arrive,  précédé  des  éclairs,  des  éclats  de  la  foudre  &  d'un  coup  de  vent  du 
Sud  dont  la  courte  impétuofîté  eft  le  fignal  que  la  nue  le  déchire.  On  a  vu 
telle  année,  (  &  je  puis  citer  1775  ),  oij  durant  fix  femaines  de  fuite, 
prefque  à  la  miême  heure  (entre  cinq  &  fix  heures  du  foir  ) ,  un  orage  affreux 
vient  fondre  &  s'épujfer  fur  le  Cap.  Variable  dans  fa  durée ,  il  cefle  quelquefois 
après  une  heure  ou  deux  ,  d'autrefois  il  fe  prolonge  jufques  fort  avant  dans  la 
Tiuit.  Ces  orages  ont  aufli  des  années  deftinées  à_  marquer  leur  abfence  ,  mais  ce 

font 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       521 

font  celles  qui  préfagent  une  extrême  féchereffe ,  ou  durant  lefquelles  on   l'é- 
prouve déjà  depuis  plufieurs  mois. 

Juin  a  fa  première  moitié  afîèz  femblable  à  la  féconde  moitié  du  mois  de 
Mai.  Le  thermomètre  ,  dans  l'une  &  dans  l'autre  ,  arrive  jufqu'au  24'  êe:  au  25= 
degré.  Les  orages  moins  longs  &  moins  périodiques  ,  font  remplacés  par  un  Ciel 
affez  nébuleux.  Des  vents  de  Nord-Eil ,  violens ,  reparoiflent  à  la  fin  du  mois  , 
&  la  température  a  des  alternatives  de  froid  &  de  chaud.  Voilà  le  premier 
femeftre  de  l'année.  . 

Pendant  le  mois  de  Juillet,  il  y  a  encore  des  orages  de  tems  en 
tems ,  &  de  la  pluie  auffi.  Mais  la  chaleur  augmente  beaucoup ,  &  elle  va  à 
25-  &  26  degrés  à  midi.  Les  vents  varient  &  paffent  du  Nord-Oueft  au  Sud- 
Eft;  ils  ne  rafraîchiflent  pas  précifément  l'air,  quoiqu'ils  combattent  l'effet 
accablant  du  chaud  ,  en  donnant  un  jeu  plus  facile  aux  poumons. 

Le  mois  d'Août  eft  fec  ;  s'il  pleut  c'eft  par  orage  feulement  ;  la  chaleur  fe 
foutient  à  25  &  26  degrés. 

C'eft  au  mois  de  Septembre  que  la  température  eft  le  plus  pénible  ,  &  que  le 
thermomètre  arrive  au  plus  haut  terme.  Les  vents  peu  réglés  difparoiffent  même 
des  jours  entiers.  C'eft  dans  ces  jours  que  l'on  éprouve  une  véritable  anxiété, 
&;  que  l'on  fent  tout  le  poid  de  fon  être.  Le  thermomètre  parvenu  à  28  degrés. 
&  allant  même  quelquefois  au-delà  durant  plufieurs  heures  ,  annonce  l'excès 
d'une  fouffrance  que  n'adoucit  même  plus  une  abondante  &  facile  tranfpiration. 
Si  quelque  pluie- fe  répand  dans  la  fournaife,  l'air  en  eft  épaiffi  ,  mais  point 
^obilifé. 

Enfin  arrive  le  mois  d'Oftobre  ,  ce  mois  tant  défiré  &  qui  excite  encore 
les  plaintes  s'il  n'amène  pas  les  Nords.  Il  vient  faire  trêve  à  fix  mois  ,  où  il  a 
fallu  fe  plaindre  fans  ceffe  de  la  chaleur.  Celle-ci  faifait  dire  à  quelqu'un  ,  avec 
affez  de  vérité,  qu'à  Saint-Domingue  on  paffait  la  moitié  de  fon  tems  à  fuer 
&  l'autre  à  s'effuyer.  Si  les  Nords.  paroiffent ,  le  thermomètre  ne  va  plus  qu'à- 
23, &  2:4  degrés,  il  marque  encore  25  fi  ces  Nords  font. tardifs  ou  s'ils  doivent 
,  Itre  vainement  attendus  jufqu'à  leur  époque  dans  l'année  fuivante. 

Le-  thermomètre  qui  defcend  jufqu'à  18  degrés  en  Novembre,  s'élève  auffi 
quelquefois  jufqu'à  24,  à  moins  que  les  Nords  ne  foient  très-prononcés. 

Quant  à  Décembre ,  qui  appartient  auffi  aux  Nords  ,  mais  qui  quelquefois' 
^ft  abfolument  fec  ,  le  thermomètre  y  defcend  jufqu'à  16  dégrés.  Il  n'efi;, 
Tomp  I.  V  V  V 


^^ 


522 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


cependant  pas  très-rare  que   quelques  orages  viennent  mêler  leurs  pluies  eii 
grande  mafTe  ,  aux  pluies  fines  &  pénétrantes  des  Nords. 

Les  nuits  des  mois  chauds  font  en  général  auffi  chaudes  ,  au  Cap ,  que  les 
foirées ,  &  le  fommeil  y  eft  plutôt  un  accablement  qu'un  état  de  repos  &  de 
reproduction  des  forces  vitales-  On  eft  dans  l'ufage  de  laiffer  les  fenêtres  ou- 
vertes au  moyen  des  jaloufies  à  volets  qu'on  y  place  ,  mais  la  néceffité  de  fe 
mettre  fous  une  mouftiquaire  pour  échapper  au  m-arcyre  que  font  éprouver  les 
mouftiques  &  les  maringouins  ,  fait  p;rdre  tout  l'effet  de  l'air  introduit  dans 
la  chambre  ;  &  la  portion  qui  fc  trouve  fous  la  mouftiquaire  eft  bientôt  échauffée 
par  la  refpiration  de  toute  une  nuit  ;  auffi  le  réveil  eft  -  il  prefque  alors 
un  état  de  maladie ,  tant  on  fe  fent  haraffé.  S'il  eft  furvenu  un  orao-e  confidé- 
rable  ,  la  brife  de  terre  qu'il  excite  &  à  laquelle  il  piête  de  l'énergie,  procure 
cependant  une  nuit  agréable.  Mais  le  changement  de  l'atmofphëre  nuit  auiîi 
à  la  fanté  ,  furtout  fi  l'on  s'^eft  trouvé  dans  un  courant  d'air ,  &  fi  l'on  était 
couché  par-defTus  les  draps. 

Dans  les  mois  des  Nords  ,  les  jaloufies  font  clofes  durant  les  nuits  ;  on  prefTe 
contre  fes  épaules  le  drap  fur  lequel  on  s'étendait  auparavant;  on  fent ,  en 
entrant  dans  le  lit,  une  forte  de  petit  froid  qui  plaît  &  qui  préfage  un  fommeil 
doux  &  réparateur,  &:  fi  à  cette  fenfation  le  mêle  le  plaifir  d'entendre  tomber- 
la  pluie  ,  on  s'endort  l'ame  difpofée  à  rêver  à  des  jouiffances  plus  douces  encore. 
Le  baromètre  varie  peu  au  Cap  ,  &  confirmie  l'obfervation  que  j'ai  déjà 
faite  fur  le  jeu  de  cet  inftrument  à  Saint-Domingue.  La  plus  grande  différence 
qu'il  faffe  obferver  dans  cette  ville  ,  eft  de  27  pouces  10  lignes  à  2.S  pouces 
3   lignes. 

Il  eft  un  autre  inftrument  météorologique ,  fur  lequel  il  eft  difficile  aufîî 
d'avoir  une  opinion  fixe  dans  la  Colonie ,  c'eft  la  machine  éleiftrique.  II 
eft  impoffible  de  contefter  que  l'air  ne  foit  chargé  d'une  grande  quantité  d'élec- 
tricité ,  &  dans  les  lieux  où  le  tonnerre  aie  plus  folemncl  empire  ,  il  forcerait* 
bientôt  l'incrédulité  à  conteffer  l'exiftence  du  fluide  qui  le  conftitue.  Mais  il  eft 
difficile  de  faire  des  expériences  qui  en  conftatent  l'intenfité  abfolue  ou  relative. 
L'humidité  dont  l'air  eft  toujours  plus  ou  moins  accompagné ,  s'oppofe  à  l'ex- 
prelTion  de  la  machine ,  &  fi  elle  n'eft  pas  faite  par  une  main  habile ,  fi 
l'expérience  n'eft  pas  dirigée  par  une  perfonne  intelligente  &  bien  pénétrée  de 
la  théorie  éledrique ,  le  réfukat  eft  nul.  J'ai  connu  plufieurs  habitans  inftruits 


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FRANÇAISE     DE    S  A  1  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.       523 

&  zélés  qui  ont  été  contraints  de  renoncer  à  leurs  machines ,  qui  ne  produiialent 
prefque  ritrn.  Le  moindre  changerhent  dans  ratmofphèrej  l'approche  du  fouffle 
de  quelqu'un,  la  tranfpiration  prefqu'inévitable  de  celui  qui  meut  la  machine  , 
fuiiit  pour  qu'on  ne  puiffe  plus  en  obtenir  les  plus  faibles  étincelles. 

Cependant,  M.  Arthaud ,  afluellement  médecin  du  roi,  a  guéri  en  1776 
d'une  hémipléfie  ,  M.  GolUaud  ,  arpenteur  du  Borgne,  avec  fix  femaines  d'ufage 
de  l'électricité.  Malgré  cet  exemple  ,  je  crois  qu'il  y  a  peu  de  fruî's  à  efpérer 
de  l'éledlricité  médicale  à  Saint-Domingue  ,  &  je  fais  que  les  expériences  les 
plus  conïtantes  &  les  plus  laborieufes  ont  confàrmé  ce:te  fâcheufe  vérité  à  la 
Martinique  ,  en    1787. 

.  J'ai  cependant  connu  des  perfojines  qui  avaient  éprouvé  à  Saint-Domingue 
un  foulageiuent  marqué  de  l'éleélricité  dans  des  affc  lions  nerveufcs  ;  mais  il  faut 
dire  que  dans  ce- nombre  étaient  des  hommes  fédentaires ,  a:tacliés  à  la  vie  du 
cabinet,  &c  qui  faifant  mouvoir  eux-mêmes  la  manivelle,  devaient  fans  doute 
plus-à  ce  falutaire  exercice  qu'à  l'ékftricicé. 

Quoiqu'il  en  foit ,  je  vais  rapporter  des  expériences  faites  au  Cap  par  feu  M. 
Dubourg,  l'un  des  fondateurs  de  la  Société  des  Sciences  &  Arts  de  la  m.ême 
ville.  Cet  homme  laborieux  employait  une  machine  éledrique  de  Rhamfden  , 
dont  le  plateau,  fait  par  Vernevent  ,  avait  vingt  pouces  de  diamètre.  Par  fon 
moyen  ,  lorfque  l'élecftricicê  était  forte  ,  M.  Dubourg  chargeait,  en  vingt  tours 
de  manivelle  ,  une  jarre  de  fix  pouces  de  diamètre  &  de  dix  pouces  de  hauteur  y 
garnie  d'une  feuille  métallique  félon  la  méthode  du  docleur  Bevir.  Cette  charge 
fuiEfait  pour  percer  dix  à  douze  feuilles  de  papier  avec  l'excitateur  &  produire 
tme  explofion  qui  fe  faifait  entendre  dans  les  appartemens  voifins. 

M.  Dubourg  avait  un  tableau  magique  de  vingt  pouces  de  long  fur  douze 
pouces  de  large ,  recouvert  de  feuilles  métalliques  qui  venaient  jufqu'à  dix-huit 
lignes  du  bord.  Le  verre  en  était  très-commun  &  d'une  nuance  verdâtre.  Dans 
je  courant  des  mois  de  Juin  &  de  Juillet,  ce  tableau  fe  déchargeait  fouvent 
fpontanément.  M.  Dubourg  tirait  des  ctincelles  du  premiier  &  du  fécond  con- 
dufteur  à  un  pouce  &  den^i  ou  deux  pouces  de  diftance ,  &;  il  n'avait  jamais 
em.ployé  qu'elles  pour  allumer  l'efprit  de  vin. 

A  ces  réfultats,  il  eft  important  de  joindre  deux  obfervations ,  l'une  c'eft  que 
M.  Dubourg  éleélrifait  rarement  fans  avoir  expofé  préalablement  tout  l'appareil 
au  folell  j  l'autre  c'efl  qu'il  s'était  convaincu  que  Iç  tems  le  plus  favorable  à 

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524       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

l'élearicité  à  Saint-Domingue  eft  dans  un  jour  ferein  ,  depuis  neuf  heures  du 
matin  jufqu'à  quatre  heures  du  foir ,  pourvu  que  la  brife  d'Eft  fouffle ,  fans  quoi 
l'on  n"a  prefque  rien  à  efpérer.  J'appuierai  d'autant  plus  far  cette  dernière 
cbfervationj  qu'elle  m'a  été  également  communiquée  par  M.  Thomin ,  notaire 
général  &  fecrétaire  de  la  Chambre  d'Agriculture  de  la  Partie  de  l'Oueft 
réfidant  au  Port-au-Prince ,  qui  fait  depuis  longues  années  des  expériences 
électriques  qu'on  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas  pubhées. 

J'ai  parlé  de  la  température  &  du  climat  du  Cap  dans  leur  état  commun 
mais  il  eft  des  phénomènes  météorologiques  qui  troublent  cet  ordre  ou  du  moins 
le  fyflème  d'ordre  que  l'homme  conçoit ,  &  d'après  lequel  il  ciaffe  ce  que  la 
nature  a  embralTé  dans  le  fyfième  univerfel  que  notre  faible  raifon  ne  peut  faiflr 
tout  entier.  Je  veux  dire  les  orages  violens  ,  les  pluies  exceffives ,  les  fécherefles 
dévaftatrices ,  les  coups  de  vent,  les  ouragans  &  ces  mouvemens  qui  femblent 
ébranler  les  fondemens  de  h  terre.  Je  citerai  des  uns  &  des  autres  ,  ceux 
qui  ont  pu  parvenir  à  ma  connaiffance» 

En  général  les  orages  font  très-confidérables  au  Cap  ;  le  promontoire  qui 
termine  cette  ville  à  l'Oueft  &  au  Nord  &  qui  eft  comme  féparé  des  autre§ 
parties  montagneufcs  de  l'île,  fait  l'office  d'un  piton  qui  arrête  les  nuées.  Les 
orages  formés  au  fein  de  la  chaîne  de  Cibao,  poufTés  le  long  de  cette  énorme 
épine  par  les  vents  de  Sud  &  de  Sud-Eft  ,  viennent  frapper  le  morne  du  Cap 
dont  le  choc  écaitant  les  nues ,  les  force  à  laiiTer  échapper  la  maiTe  d'eau  qu'elles 
avaient  déjà  de  la  peine  â  retenir.  La  difpofition  du  morne  ajoute  enfuite  au 
bruit  du  tonnerre  ,  dont  l'éclat  eft  répercuté  &  vibre  long-tems  fur  la  ville  avant 
que  le  fon  ait  pu  s'élever  jufqu'au-deiTus  de  cette  enceinte.  Le  tonnerre  tombe 
fréquemment  dans  les  environs  de  la  ville ,  furtout  fur  la  pente  de  la  branche 
du  morne  qu'elle  a  au  Nord ,  &  la  direftion  du  vent  du  Sud  peut  en  être  la 
caufe.  Comme  cette  partie  a  très-peu  de  population  ,  les  accidens  y  font  très- 
rares.  Par  la  raifon  contraire ,  lorfque  le  tonnerre  tombe  dans  la  ville  ,  ce  qui  eft 
arrivé  peu  fouvent ,  le  danger  eft  grand. 

On  peut  citer  ,  le  25  Août  1763  ,  qu'il  y  eut  un  homme  foudroyé  furie  bord 
de  la  mer.    Le  20  Mai  1782  ,  à  cinq  heures  &  demie  du  foir  ,  lors  d'un  orage 
peu  grondeur  ,  il  y  eut  tout-à-coup  un  éclat  violent ,  le  tonnerre  tomba  au  marché 
des  Blancs,  fur  une  maifon  à  grand  balcon  de  bois ,  au  bout  &  fur  le  côté  Sud  de 
la  iue.de  Conflans.  Il-frappa,  derrière  le  cou,  un  employé  des  magafins  du  roi 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE       ^i^ 

&  le  tua.  Deux  perfonnes  qui  s'étaient  trouvées  à  deux  ou  trois  pas  du  foudroyé , 
fous  le  balcon  ,  demeurèrent  évanouies  pendant  un  aiïez  long-tems.  Le  même 
coup  de  tonnerre  tua  un  foldat  efpagnol  qui  n'avait  aucune  marque  de  la  percuffion 
éleétrique.  Un  matelot  frappé ,  mourut  peu  de  tems  après.  Le  tonnerre  a  aufli 
brifé  une  fois  la  croix  placée  au-deffus  de  la  corniche  du  portail  de  l'églife. 

La  crainte  du  tonnerre  a  fait  mettre  au  Cap  plufieurs  paratonnerres.  J'aidit  qu'il 
y  en  avait  un  fur  la  maifon  du  Gouvernement.  Au  mois  de  Juin  1783  ,  on  pofa- 
fur  la  poudrière  une  barre  éleélrique  dont  le  conducteur  fe  perd  dans  un  ouits. 
Maisc'cften  1787,  que  l'ufage  de  cette  précaution  s'efl:  réellement  étendu.  M. 
Millon  phyficien,  en  faifant,  au  Cap,  des  cours  de  phyfique  où  il  développait 
la  théorie  de  l'éleélricité  ,  a  convaincu  plufieurs  perfonnes  de  l'utile  effet  des 
paratonnerres ,  &  dès  le  mois  de  Juin  ,  il  en  avait  déjà  pofé  neuf  &  travaillait  à 
quatorze  autres.  Il  prenait  792  livres  pour  ifoler  une  maifon  &  y  mettre  les 
paratonnerres.  Le  tonnerre  en  tombant  fur  l'un  deux  avait  prouvé  l'intelligence 
de  l'opération. 

Vers  la  fin  de  l'année  1722,  il  y  eut  plufieurs  mois  de  pluies  &  de  grands 
débordemens.  En  1732,  les  pluies  furent  tellement  continuelles  qu'on  fit,  au 
Cap  3  des  prières  publiques  au  mois  d'Oélobre  pour  leur  ceffation.  Au  mois  de- 
Mai  1735  ,  on  fut  encore  défolé  par  leur  continuité.  En  1752,  on  eut  plufieurs; 
mois  de  pluies,-  elles  affligèrent  en  Avril  1766,  &  durant  les  quatre  derniers 
mois  de  1787  j  il  plut  tous  les  jours. 

En  17265  au  contraire  3  on  éprouva  une  féchereiïe  cruelle  pendant  onze 
mois.  Au  mois  d'Avril  1743  ,  on  comptait  déjà  plus  de  fix  mois  fecs.  En 
Ï753  ,  on  reffentit  cette  calamité  qui  fe  montra  auffi  en  1754  ,  accompagné  de  la- 
difette.  En  1757,  il  y  eut  plus  de  quatre  mois  de  féchereife.  Le  même  fléau 
reparut  au  commencement  de  1764  &  de  1769  ;  et  depuis  il  a  été  très-fréquent. 
On  l'a  reffenti  au  commencement  de  1774  &  depuis  le  mois  de  Janvier  jufqu'à 
celui  d'Août  1776.  On  le  revit  pendant  la  fin  de  1778  &  le  commencement  de 
2-779  ^'i^"^  manière  effi-ayante.  Il  s'efc  renouvelle  de  la  fin  de  1780  au  mois  de 
Mai  178 1  ;  puis  delà  fin  de  1785  au  mois  de  Septernbre  1786.  La  plus  cruelle 
difette  accompagna  la  féchereife  de  1774  ainfi  que  celle  de  1778. 

Mais  rien  n'égala  jamais  la  féchereife  de  1786  qui  dura  un  an  ,  dans  certains; 
lieux.  Elle  fut  accompagnée  ,  au  Cap  j  de  caraélères  extraordinaires.  Le  20  Mars- 
1786  y  le  thermomètre  monta  a  23  degrés  &;  le  lendemain  à  24.  Des  panneau»: 


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s  16 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


d'armoire  fc  fendirent  ]  ces  glaces  ,  des  vafes  de  faïence  le  rompirent  fpontané- 
raent.  Le  30  ,  le  vent  devint  violent;  dans  la  nuit ,  un  fougueux  raz  de  marée 
endommagea  les  remblais  du  bord  de  la  me.r  ,  &  préiagea  (  fuivant  le  témoignage 
des  anciens  colons  )  que  la  féchereiTe  ferait  encore  opiniâtre,  ce  qui  ne  fc  véii- 
na  que  trop.  Enfin  le  5  Mai  le  thermomètre  qui  était  à  ii°  au  foleiî  levant, 
monta  à  27  à  midi  &  à  28  a  trois  heures.  Le  baromètre  était  depuli ]a  veille  à  27 
p3uces^  onze  lignes  i,.  Le  vent  était  Sud-Oueft  &  les  thermoniètres  expofés  à 
cette  direclion  s'élevèrent  jufqu'à  31°.  L'eau  de  puits  était  à  26  &  27°.  Les 
corps  nitreux  h  réfmeux  placés  à  l'om.bre  brûlaient  la  m,ain  ,  &  les  machines  de 
Nairne  lançaient  des  étincelles  fur  les  corps  environnans  ,  à'  dix  ou  douze  pouces 
de  dift.ince.  Cet  état  extraordinaire  dura  fix  heures.  La  féchereiTe  était  encore 
telle  au  miois  d'Août,  qu'il  fallut  que  l'ordonnateur  fit  un  règlement ,  le  22  , 
pour  régler  que  les  troupes  iraient  à  trois  heures  de  l'après-midi  ,  rem^plir  des 
pièces  à  l'eau,  pour  leur  ufage  ,  au  magafin  du  roi ,  &  aux  puits  de  la  rue  Picolet, 
que  j'ai  cités  dans  la  Defcription  de  la  huitième  Se.^ion  ,  afin  de  laiiTer  au  public 
le  peu  d'eau  que  donnaient  encore  quelques  fontaines  ,  tous  les  puits  ayant  tari. 
La  faiî'on  des  orages  avait  bien  am.eré  des  pluies  ,  mais  pas  afTez  abondam.ment 
pour  com.battre  les  effets  de  la  fécherefle  qui  dura  jufqu'au  mois  de  Septembre. 

Les  vents  déployent  auffi  quelquefois  leur  iureur  su  Cap.  Le  14  Août  16S0  eft 
fameux  par  un  ouragan  épouvantable.  Dans  la  nuit  du  13  au  14  Novembre  1765  , 
il  y  en  eut  un  affreux  qui  dura  depuis  onze  heures  du  foir  jufqu'à  quatre  heures  du 
matin,  &  quantité  de  maifons  de  la  ville  furent  très-endomm.agées.  Tous  les 
bâtiniens  de  la  rade  fouiTiircnt  i  les  uns  chafsèrent ,  d'autres  furent  échoués  & 
quelques  gcëiettes  &  bateaux  furent  fubm.ergés.  Le  15  Octobre  1780,  un  Nord 
fit  encore  des  dommages ,  plufieurs  maifons  furent  découvertes ,  notamment 
celle  que  j'habitais.  Le  27  Septembre  1785  ,  on  fentit  aufTi  un  petit  ourao-an. 
Quelquefois  les  coups  de  vent  du  Sud  qu'éprouve  la  Partie  de  l'île  qui  porte  le 
même  nom  ,  ont  de  l'influence  jufques  dans  celle  du  Nord  ,  &  découvrent  des 
toits  &  couchent  des  arbres  au  Cap. 

Cette  ville  ne  connaît  pas  ces  fecoufTes  qui  anéantiffent  les  cités  &  font 
périr  leurs  habitans  fous  des  mionceaux  de  ruines  ;  mais  elle  n'efl  pas  préfervée 
de  celles  qui  répandent  l'allarme  &  l'elFroi,qui  lézardent  les  maifons  &  qui 
annoncent  aiTez  que  le  fol  où  elle  eft  placée  n'ell  pas  imperturbable.  Elle  3 
reffenti  forterrient,  quoique  fans  dommage  ,   les    cinq  tremblemens  de  terre  ^, 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       527 

-dont  plufîeurs  parties  de  i'Ifle  ont  éprouvé  les  défaftres  en  1701 ,  1713  ,   1734  , 

1751  &  1770. 
La  terre  y  trembla  le  27  Janvier  1766,  à  fix  heures  &  demie  du  foir;  l.i  fecouJîé 

fut  afTcz  vive.   Il  y  eut  une  autre  fecoufle  peu  violente  le  16  Avril  à  neuf  heures  > 

quelqvies   miiutes  du  foir  ,  &  un  troifième  dans  le  nuit  du  1 1  au  12  Juin  fuivanr. 

On  en  a  obfervé  depuis  une  faible,  le  10  Juillet  1 771  ,  à  fix  heures  14  m.  du 
matin  ;  une  plus  forte ,  à  quatre  heures  du  matin  ,  le  3  Oftobre  de  la  mêiTie 
année,  veille  de  la  chute  de  la  voûte  de  régUfe,  &  une  violente  ic  4  Août  1776,  à 
quatre  heures  du  matin. 

L'année  1784  a  fait  éprouver  quatre  tremblemens  de  terre  au  Cap  ;  un  le  25 
Juillet  à  fix  heures  14  m.  du  matin  ,  avec  trois  fecoufîes  ;  la  commotion  fut  affez 
force  &  le  mouvement  était  dans  la  direfîiioa  du  Sud-Oueft  au  Nord  -Ed. 
Le  tems  était  lourd  &  chaud.  Il  avait  fait  un  peu  de  pluie  la  veille  ,  le  ciel  était 
couvert ,  la  lune  s'obfcurcit  &  parut  avec  une  zone  d'un  rouge  pâle.  Le  fécond 
le  24  Août  à  une  heure  treize  minutes  du  m.atin;  le  troifiême  le  27  Septembre  à 
onze  heures  vingt-cinq  minutes  du  foir ,  &  le  quatrième  le  27  Novembre.  On 
en  compta  trois  en  1785  :  un  le  10  Janvier,  le  fécond  le  19  Février  ,  le  troi- 
fième &  le  plus  fort  le  10  Juillet  dans  la  nuit.  On  en  a  fenti  un  auffi  en_i786,  au 
mois  de  Décembre. 

Mais  quelquefois  l'orage ,  la  pluie ,  le  tremblement  de  terre  &  même  la  grêle  , 
s'affocient ,  &  paraiflent  ou  fe  font  feffentir  enfembîe.  C'cft  ainfi  que  dans  la  nuic 
du  24  au  25  Décembre  1775,  il  y  eut  un  orage  épouvantable,  accompagné 
d'une  pluie  fi  abondante  ,  qu'il  y  eut ,  au  Petit-Carenage  ,  des  maifons  prefquc 
comblées  par  la  terre  que  les  eaux  avaient  entraînée.  Le  4  Août  1776  ,  après  une 
fechéreflfe  de  feptmols  ,  il  y  eut  un  violent  tremblement  de  terre  que  j'ai  cité  & 
qui  fit  fortir  de  toutes  les  maifons  où  l'on  n'ofa  rentrer  que  quelques  heures  après. 
Le  foir,  à  4  heures  ,  vint  un  fort  orage  ,  accompagné  d'une  grêle  dont  quelques 
grains  étaient  aaflî  gros  que  le  pouce.  On  ne  fe  rappelait  pas  d'en  avoir  vud'aufîi 
confidérablc  depuis  1769. 


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Des  Maladies. 
J'ai  promis  de  parler  de  la  fanté  des  habitans  du  Cap.  En  général  ceux  qvà 


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528       DESCRIPTION    DE    LA     PARTIE 

ont  traité  cette  matière  ont  femblé  fc  livrer  à  deux  extrêmes  également  reprocha- 
blés.  Les  uns,  &  ce  font  les  plus  nombreux,  ont  préfenté  fon  climat  comme 
très-meurtrier  ;  les  autres  ,  ont  cherché  à  faire  croire  qu'on  l'accufait  à  tort ,  &  à 
offrir  des  réfukats  que  des  villes  de  France  pourraient  envier.  Je  dirai  ce  que 
j'ai  vu,  ce  que  des  pérfonnes  en  qui  j'ai  grande  confiance  ont  obfervé  comme 
moi. 

Il  faudrait  diftinguer  au  Cap  la  population  propre,  d'avec  la  population  acci- 
dentelle, &  fe  rappeler  ce  que  j'ai  dit  fur  la  manière  dont  une  colonie  fe  peuple. 
Il  n'cft  prefque  pas  d'inftant  oij  il  n'arrive  quelqu'un  au  Cap  ,  par  les  vaifTeaux 
qui  y  mouillent,  car  cette  ville  eft  celle  oij  il  aborde  le  plus  de  bâtimens,  &  celle  qui 
offre  le  plus  de  probabilités  aux  combinaifons  qui  font  qu'on  y  vient  de  toute  oart, 
C'efl:  ce  concours  d'arrivans  que  je  nomme  la  population  accidentelle  du  Cap, 
foit  qu'ils  doivent  s'y  fixer  ,   foit  qu'ils  n'y  foient  que  paffagérement. 

Une  chofe  commune  à  tous  les  individus  qui  arrivent  ,  c'efl  la  nécefTité  de 
s'acclimater  qui,  quoiqu'on  en  penfe ,  a  aufTi  fes  effets  chez  les  Créols  ou  chez 
les  Colons  qui  reviennent  de  France.  Mais  cette  nécefTité  efl  éprouvée  de  bien  des 
manières  par  celui  qui  débarque  ;  car  on  fent  qu'elle  doit  dépendre  du  caractère, 
du  tempérament ,  de  l'âge  ,  de  l'état  de  la  fanté  ,  de  l'époque  de  l'année  ,  de  la 
durée  &  de  la  nature  de  la  traverfée ,  du  contraftc  plus  ou  moins  grand  du 
climat  qu'on  quitte  avec  celui  auquel  on  fe  trouve  foumis  ,  de  la  quantité  de  per- 
ibnnes  qui  augmentent  déjà  plus  ou  moins  la  population  accidentelle  du  lieu , 
enfin  de  la  fîtuation  de  l'ame  &  du  penchant  plus  ou  moins  marqué  pour  les 
jouiffances  qui  nuifent  à  la  tempérance  &  à  la  fobriété.  Perfonne  ne  peut  nier  que 
les  arrivans  ne  foient  plus  ou  moins  éprouvés  ,  &  il  eft  très  -  remarquable  que  ceux 
qui  payent  le  tribut  le  plus  coûteux ,  font  également  ceux  qui  croient  pouvoir  tout 
braver  impunément ,  &  ceux  qui ,  effrayés  de  tout ,  fe  regardent  comme  malades 
en  mettant  le  pied  à  terre  ,  &  qui  ne  fongent  qu'à  leur  fanté  qu'ils  imaginent 
avoir  déjà  perdue.  C'efl  que  la  confiance  préfomptueufe  &  la  frayeur  puérile, 
font  deux  excès,  &  que  le  climat  de  Saint-Domingue  les  punit  tous. 

Si  l'on  confond  cette  claffe  d'individus  extrinsèques  à  la  Colonie,  comme  conf- 
tituant  en  partie  fa  population;-  il  les  marins  &  les  foldats  qui  arrivent  font  comptés 
au  nombre  des  Colons  dès  qu'ils  touchent  la  terre  de  Tlfle  ,  St-Domingue  efl  très- 
meurtrier  ,  &  le  Cap  qui  reçoit  la  majeure  partie  de  ces  êtres ,  peut  être 
confidéré  comme  un  lieu  funefle.  Cependant  l'influence  du  nouveau  climat  devient 

chaque 


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Française  DE  SAINT-DOMINGUE.    ^29 

chaque  jour  moins  fenfible  ,  &  par  rapport  au  Cap ,  qui  eft  l'objet  de  nos 
ôbfervations  aftuelles ,  il  eil  facile  de  fentir  que  les  maladies  doivent  y  être  & 
plus  rares  &  moins  actives ,  depuis  que  des  marais  iriimenfes  ont  difparu. 

Je  viens  aux  habitans  réels  de  cette  ville  ,  à  ceux  qui  y  ont  leur  réfidence  & 
qui  y  font  acclimatés  ,  quelqu'ils  puifîent  être.  Je  trahirais  la  vérité,  fi  j'ofais 
dire  que  le  chmat  brûlant  de  la  Zone  Torride  eft  auffi  favorable  à  la  population  , 
que  celui  des  Zones  Fortunées  où  le  froid  Aquilon  femble  fouffler  la  fanté  au 
milieu  des  frimatSi  où  l'hiver  donnant  un  nouveau  refîbrt  à  la  fibre,  reproduit  la 
vie  annuelle ,  &  ajoute  ainfi  les  années  aux  années  ,  en  les  accompagnant  d'une 
force  proportionnée  aux  befoins  &  aux  jouilîances ,  que  la  nature  a  affignés  à 
chacune  des  faifons  de  l'homme:  mais  le  climat  des  Colonies  a  auffi  fes  avantages. 
Il  ne  les  perd  que  pour  ceux  qui,  bourreaux  de  leur  propre  exiftence,  oublient 
que  le  plaifir  peut  devenir  un  poifon  j  il  n'en  eft  privé  que  pour  ces  hommes 
infatiables  que  la  foif  de  l'or  tourmente,  &  qui  ne  fongent  qu'à  l'accumuler  pour 
fuir  un  lieu  qu'ils  redoutent.  Je  fais  bien  que  le  climat  moilTonnc  auffi  des  êtres 
à  qui  leur  modération  promettait  un  meilleur  fort  -,  mais  quel  eft  c^onc  le  champ 
fortuné  où  des  épis  ne  tombent  jamais  avant  leur  maturité  ? 

La  chaleur  qu'on  reiïent  au  Cap  raréfie  les  humeurs ,  tandis  qu'une  tranfpira- 
tion  exceffive  relâche  h  fibre  ;  on  prend  pour  de  la  force  une  fermentation 
inférieure ,  &  pour  befoin  l'appauvriffement  que  produifent  de  grandes  dépcr^ 
ditions.  On  fe  fent  porté  vers  les  divers  genres  d'incontinence  par  une  forte 
d'exaltation  trompeufe ,  par  url  agacement  des  nerfs,  &  à  ce  défordre  phyfique 
qu'il  faudrait  corriger ,  s'unifient  tous  les  écarts  de  l'imagination ,  cette  magi- 
cienne dés  pays  chauds.  On  eft  environné  de  h  féduction  la  plus  dangereufe , 
celle  qui  ne  repoufîe  pas  le  défir ,  lors  même  qu'elle  n'eft  pas  capable  de  le 
faire  naître  ,  &  l'on  a  cédé  fans  avoir  fongé  à  combattre.  Les  digeftions  devien- 
nent lentes  &  pénibles,  la  bile  s'aigrit,  s'exalte  &   les  maladies   arrivent. 

Plus  violentes  à  Saint-Domingue  qu'en  France  ,  elles  y  font  peut-être  moins 
nombreufes.  Elles  ont ,  dans  les  villes  des  Colonies  ,  un  caraélère  communément 
plus  grave  qu'à  la  campagne ,  &  cette  différence  eft  également  obftrvée  en 
Europe.  • 

Au  Cap  les  maladies  fuivent  communément  la  période  des  deux  faifons.  Dans 
ks  mois  chauds ,  les  plus  communes  font  les  fièvres  intermittentes ,  les  conti- 
nues,  les  fièvres  putrides  /  les  fièvres  malignes  &  ks  dyiTenteries.  Dans  les 
Tome     I.  ■     X  X  X 


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530      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

mois  froids  ,  ce  font  les  rhumes ,  les  fluxions  de  poitrine  ,  les  rhumatifmes  ,  les 
diarrhées  :,  les  affedlions  fcorbutiques ,  les  maux  de  gorge.  Les  premières  qui 
régnent  d'une  manière  plus  marquée  depuis  le  mois  de  Juinjufqu'à  la  fin  du 
mois  de  Septembre  ,  font  plus  fpécialement  le  partage  des  nouveaux  arrivés  , 
de  ceux  qui  ont  entrepris  des  voyages  ,  ou  de  ceux  dont  l'ame  a  été  trop 
vivement  émue,  foit  par  le  plaifir,  foit  parle  chagrin.  Les  autres  menacent 
les  anciens  Colons ,  les  perlbnnes  d'une  coaiplexion  foible  ou  celles  qui  fe  jouent 
des  viciffitudes  de  ratmofphère. 

On  ne  peut  s'empêcher  d'être  frappé ,  pendant  que  les  premières  exercent 
leurs  ravages ,  de  la  rapidité  avec  laquelle  on  eft  atteint  &  terrafîe  ;  il  ne  faut 
pas ,  dans  ce  redoutable  intervalle ,  fe  fier  à  l'idée  d'une  fimple  indifpofition  ; 
le  fymptôme  le  moins  apparent  eft  quelquefois ,  par  cela  même  ,  le  plus  fmiftre  j 
à  la  perfuafion  qu'on  peut  fe  livrer  à  fes  occupations  ordinaires  ,  que  dément 
cependant  une  proftration  de  forces ,  on  peut  reconnaître  une  fièvre  maligne 
&  infidieufe ,  &  nulle  part  cette  dernière  épithèce  ne  fut  plus  cruellement 
applicable  qO'à  Saint-Domingue.  On  eft  frappé  à  mort  avant  de  l'avoir  foup- 
çonné  ,  &  fi  une  expérience  heureufe  n'a  pas  accoutumé  le  médecin  à  diftin- 
guer  cette  aiireufe  maladie  à  fa  fimplicité  apparente  ,  tout  efpoir  eft  perdu. 
Ah  !  quel  pays  a  plus  befoin  de  talens  dans  ceux  qui  exercent  l'art  de  o-uérir  ' 
Ils  font  là,  plus  fouvent  que  dans  tout  autre  lieu,  placés  entre  le  double 
écueil  de  pjendrc  pour  une  maladie  oij  il  faudrait  tout  brufquer,  celle  oîj  la 
nature  n'a  befoin  que  d'être  aidée  à  tems  -,  ou  de  fe  livrer  à  une  attente  per- 
fide lorfqu'il  n'y  avait  plus  un  moment  à  perdre  pour  agir. 

Dans  les  maladies  chroniques,  combien  d'obftacles  s'oppofent  au  rétabliffe- 
ment?  un  climat  chaud  fait  fi  peu  pour  le  recouvrement  des  forces  vitales,  le 
fommeil  eft  fi  troublé ,  les  alimens  fi  peu  rcftaurans  ,  le  défordre  de  l'appétit 
fur-tout  eft  une  caufe  fi  propre  à  produire  d'autres  défordres ,  que  les  conva- 
lefcences  font  longues  &  pénibles.  Si  l'on  eft  tourmenté  par  des  obftruflions 
qui  font  fi  fréquentes  après  les  maladies  aiguës  ;  fi  l'on  eft  attaqué  de  ces  diar- 
rhées effroyables  qui  changent  l'homme  en  fpeftre ,  &  qui  font  accompao-nées 
de  la  faim  dévorante ,  il  n'eft  rien  à  efpérer  tant  que  l'on  demeure  dans  la 
Colonie,  à  moins  que  pour  ces  diarrhées,  on  ne  trouve  dans  l'ufagc  de  Ja 
poudre  de  Caftillon  (ainfi  nommée  du  nom  d'un  chirurgien  du  Cap,  fon 
inventeur ,  qui  confçive  l'art  de  la  préparer  ) ,  un  remède  dont  on  publie  avec 


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FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.       5J1 

ralfon  des  effets  qu'on  ferait  tenté  d'appeler  miraculeux.  Mais  en  général  ceux 
à  qui  la  reflburce  d'aller  chercher  une  nouvelle  fanté  dans  un  pays  froid  eft 
poffible,  ne  fe  réfolvent  à  la  prendre  que  lorfqu'elle  eft  devenue  douteufe  à 
force  d'avoir  attendu.  Il  femble  qu'on  craigne  plus  d'abandonner  fes  affaires 
que  fon  exiftence ,  prefque  toujours  compromife  lorfqu'on  s'obfline  à  com- 
battre dans  la  Colonie  une  maladie  quelconque  qui  a   été  long-tems  rebelle. 

Le  genre  de  vie  qu'on  mène  au  Cap ,  n'eft  rien  moins  qu'un  régime  pro- 
pice à  la  fanté.  Toutes  les  paffions  y  font  en  jeu  &  dans  une  continuelle  agita- 
tion. On  n'y  connaît  pas  les  douceurs  de  la  fociété,  de  cette  réunion  d'individus 
qui  fe  conviennent  plus  ou  moins,  &  qui  mettent  en  commun  le  défir  de 
plaire  les  uns  aux  autres  ,  ■&  de  charmer  les  heures  de  leur  loifir.  On  ignore 
le  pkifir  de  fe  livrer  à  cette  efpèce  d'abandon  oij  l'on  s'oublie  ,  pour  ainfi  dire  , 
foi-même  pour  s'occuper  des  autres ,  pour  mieux  goûter  des  délaiTemens  qui 
appe-lent  &  excitent  la  gaieté. 

Si  l'on  joue  c'eft  pour  gagner  ;  fi  l'on  caufe  c'eft  d'affaires  ;  fi  l'on  va  au 
fpeélacle  c'eft  poi  r  faire  affaut  de  vanité,  au  bal  c'eft  pour  s'exténuer;  fi  l'on 
fe  régale ,  c'eft  l'orgueil  qui  le  veut ,  &  c'eft  pour  avoir  une  cohue  qui  fait 
fuir  la  véritable  joie.  Et  le  dirai-je  ?  c'eft  au  caraétère  de  la  plupart  des  ^jmmes 
qu'il  faut  reprocher  la  perte  d'une  des  plus  délicieufes  jouiffances  de  la  vie. 
Avec  peu  d'amabilité  &  de  politeffe  elles  ont  mille  prétentions  &  fe  prodi- 
guent, entre  elles,  les  marques  du  défaut  d'éducation.  Elles  fe  difputent  les 
places  au  fpeftacle  ,  elles  comptent  les  vifites  &  les  invitations  qu'elles  fe  font. 
S'il  y  en  a  plufieurs ,  par  exemple ,  qui  doivent  quêter  le  même  jour  ,  il  y 
en  a  qui  font  coucher  le  coiffeur  chez  elles  afin  d'être  les  premières  prêtes ,  & 
d'aller  s'emparer  des  places  qu'elles  croyent  les  meilleures  ;  en  un  mot,  jamais 
l'orgueil  n'a  rien  imaginé  de  plus  puérile  &  de  plus  capable  d'empêcher  toute 
lialfon.  Il  faut  donc  vivre  pour  foi,  être  égoïftc  par  néceffité  comme  par  calcul, 
&  ne  fonger  qu'à  l'or. 

Tandis  que  ces  difpofitions  morales  nuifent  à  la  fanté,  d'autres  caufes  l'atta- 
quent encore.  La  dépravation  du  goût  produite  par  la  chaleur,  porte  à  faire 
ufage  des  falaifons.  Les  jambons ,  les  cuiffes  d'oyes ,  le  bœuf  à  la  daube ,  h 
morue  falée ,  les  fauciffons ,  font  des  mets  dont  on  ne  fe  laffe  jamais  ,  &  que 
ie  relâchement  de  l'eftomach  fait  rechercher.  On  mange  beaucoup  parce  que 
les  affaifonnemcns  font  piquans  3  &  il  faut  remarquer  deux  chofes;  la  première  ^ 

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53a       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

qu'on  mange  plus  aux  Colonies  qu'en  France,  quoique  la  chaleur  y  foit  plus 
grande;  la  féconde  ,  qu'on  y  boit  moins  qu'oa  ne  fait  en. France  pendant  des 
chaleurs  moins  confidérables ,  dernier  effet  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  l'hu- 
midité de  l'air. 

On  avait  imaginé  ,  pendant  quelques  tems  au  Cap,  d'avoir  des  ventilateurs  , 
ffpèce  d'éventail  de  planches  attaché  au  plafond  avec  des  couplets  ,  & 
qu'un  petit  nègre  agitait  pendant  le  repas.  Mais  l'on  s'efb  apperçu  que  les 
rhum.es  devenaient  fréquens ,  &  la  fenfualité  du  ventilateur  a  été  abandonnée. 
Il  eft  bien  étrange  que  dans  un  lieu  oij  l'on  a  fongé  à  un  pareil  moyen ,  on  con- 
ferve  l'orgueilleufe  habitude  de  fe  faire  environner  à  table  par  un  rang,  quel- 
quefois double ,  d'efclaves  qui ,  appuyés  fur  le  dos  des  chaifes  ,  interceptent 
l'air  à  une  grande  hauteur  &  étouffent  leurs  maîtres  qu'ils  dominent  de  plus  d'un 
pied. 

J'ai  afFez  dit  ailleurs  combien  les  femmes  créoles  faifaient  peu  pour  leur 
fanté ,  &  cela  eft  vrai ,  principalement  pour  celles  du  Cap,  Là  le  luxe  agit 
plus  qu'ailleurs  far  les  moeurs ,  &  les  pafïïons  agitent  &  vexent  encore  plus 
le  phyfique.  Au  màlieu  d'une  vie  monotone  ,  elles  ne  font  pas  exemptes  des 
fecoulTes  violentes  des  paffions  ;  &  elles  éprouvent  toutes ,  plus  ou  moins ,  celles 
des  infirmités  de  leur  fexe  ,  qui  peuvent  réfulter  du  combat  inégal  d'une  conf- 
titution  foible  contre  un  caraélère  dominateur  &  une  imagination  exaltée.  Affez 
renfermées  ,  elles  font  fujettes  aux  impreflions  de  l'air ,  &  l'on  eft  frappé  de 
voir  qu'après  avoir  été  quelquefois  réclufes  tout  le  jour;^  elles  s'affeyent  devant 
leurs  maifons  durant  trois  ou  quatre  heures  avant  &  après  le  fouper ,  lorfqu'un 
ferein  dangereux  charge  l'atmofphère  &  rend  humides  tous  les  corps  qui  y  font 
expofés.  Il  eft  telle  foirée  où  ces  femmes  rentrent  avec  leurs  vêtemens  flafques 
de  l'effet  de  cette  vapeur  humide  &  chaude ,  à  laquelle  on  pourrait  peut-être 
attribuer  une  grande  partie  des  ophtalmies  dont  Saint-Domingue  eft  affligé ,  & 
la  perte  des  dents ,  ce  moyen  de  fanté ,  cet  ornement  fi  précieux  pour  la. 
beauté. 

A  la  vérité  l'on  fe  défend  mal ,  dans  un  climat  chaud  ,  contre  le  défîr  qui 
porte  à  cher-cher  une  fenfation  rafraîchiffante.  Ç'eft  à  cette  difpofition  prefque 
involontaire  que  l'on  doit  les  rhumes,  les  cautères  ,  les  fuppreffions  de  tranfpi- 
ration  qui ,  dans  des  fujets  foibles ,  préparent  des  maladies  mortelles.  Les 
femmes  foat  encore  les  plus  imprudentes  à  cet  égard,  quoiqu'elles  duffent  faveir 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  ^^3 
qu'à  certaines  époques  périodiques ,  leur  fanté  peut  ê:re  facilement  compromife. 
On  ne  fe  rappelle  non  plus  jamais  affez,  combien  il  eft  dangereux  d'être  mouillé 
par  la  pluie  dans  des  lieux  oij  la  tranfpiration  même  infenfible  efl  toujours 
çonfidérablc. 

Je  ne  puis  m'empêcher  de  m'occuper  ici  un  infiant  des  enfans  ,  cette  portion 
fi  intéreffante  de  l'humanité.  Il  eft  extrêmement  difficile  de  les  élever  aux  Antilles, 
8c  cette  obfcrvervation  je  la  trouve  confignée  dans  les  pièces  les  plus  anciennes 
que  ces  établiffemens  puiffent  procurer ,  &  ,  fans  doute  ,  elle  y  a  toujours  été 
frappante  ,  car  elle  eft  faite  par  des  perfonnes  de  tous  les  états.  La  faible  com- 
plexion  des  m.ères  en  eft  la  première  caufe ,  puis  la  manière  dont  on  les  élève  ,  la 
iTianie  dangereufe  de  les  laifier  aller  pieds  nus  ,  celle  de  les  baigner  fouvent  quand 
ils  font  en  fueur  ,  l'énorme  quantité  de  fruits  qu'on  leur  donne,  fans  même 
s'afîurer  de  leur  parfaite  maturité ,  tout  leur  prépare  donc  une  pénible  exiftence. 
La  petite  vérole  ,  les  fièvres  fuivies  d'obftruclion  ,,  &  furtout  les  maladies  vermi^ 
neufes  en  moifTonnent  la  majeure  partie. 

Les  enfans  font  à  peine  fcvrés,  qu'il  faudrait  employer  exaftement  les  vermi- 
fuges pour  les  garantir  des  convuifions  qui  les  enlèvent  tout-à-coup  ou  qui 
caufentdans  l'économie  anim.ale  des  défordres  que  la  mort  fuit  tôt  ou  tard.  Les 
faifons  pluvieufes  font  celles  où  l'on  a  remarqué  que  les  enfans  étaient  plus  fujets 
aux  vers  qui  compliquent  alors  toutes  leurs  maladies.  Les  alimens  muqueux 
qu'on  leur  prodigue  ,,  contribuent  fans  doute  aufTi  à  les  rendre  la  proie  de  ces 
animaux  deflrudeurs  i  on  ne  peut  donc  trop  recomm.ander  d'envoyer  les  enfans 
en  Europe,  dès  leur  bas  âge  ,  afin  de  les  fouftraire  à  des  maux  qui  rendent  la 
population  prefque  nulle  daru  un  pays  immenfe. 

Je  crois  devoir  m'élever  contre  un  abus  tout-à-la-fois  ridicule  &  dangereux  qui 
eft  très-commun  à  Saint-Domingue  ,  c'eft  de  confier  la  garde  des''  enfans  à 
d'autres  enfans.  Rien  de  plus  ordinaire  que  de  voir  un  enfant  de  huit  ou  neuf  ans 
qui  en  garde  un  de  deux  ou  trois  ans.  On  conçoit  combien  le  fardeau  fait  coiirir 
de  rifque  à  l'un  &  à  l'autre  &  furtout  à  celui  qui  eft  porté  ,  d'ailleurs  l'amour  des 
jeux  de  fon  âge  entraînant  le  gardien  ,  le  gardé  ,  lailTé  feul ,  eft  expofé  à  fe  bleffer 
ou  à  être  bleffé,  La  mauvaife  pofition  que  le  poids  fait  prendre  à  celui  qui  porte 
influe  auffifur  celui  qu'il  met  fur  fes  hanches  h  ils  fe  déforment  &  s'eftropi^nt 
l'un  &  l'autre..  Cette  méthode  eft  encore  une  fource  d'injuftices  :  quand  l'enfant 
ecliappe  des  mains  de  celui  qui  n'a  pas  la.  force  de  le  retenir,  quand  fon  poids 


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5J4       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

qui  fait  chanceler  le  porteur,  occafionne  la  chute  des  deux,  on  frappe  celui  qu'on 
a  chargé  d'un  foin  au-defliis  de  fon  âge  ,  l'on  s'irrite  d'autant  plus  que  la  chute 
eft  plus  grave  &  l'on  continue  à  être  injufte  au  rifque  d'expofer  la  vie  de  deux 
enfans.  Mais  la  crainte  du  châtiment  empêche  fouvent  le  gardien  de  parler  d'un 
accident  qui  n'a  pas  eu  de  témoins  ;  quelquefois  même  les  domeftiques  concou- 
rent pour  le  diffimuler  ,  &  de  petits  infortunés  meurent  parce  qu'on  n'a  pas  connu 
des  chûtes  graves. 

On  ferait  peut-être  furpris  de  mon  filence  relativement  aux  efclaves  ,  û  je  ne 
faifais  pas  obferver  que  ce  n'cft  pas  dans  une  ville  qu'ils  peuvent  offrir  des  obfer- 
vacions  particulières.  Occupés  de  foins  domeftiques  ou  de  différens  métiers  , 
leurs  maladies  font  très-reffemblantes  à  celles  des  blancs  ,  comparativement  à 
leurs  occupations.  On  ne  peut  pas  remarquer  là  les  deux  caufes  qui  ont  le  plus 
d'influence  fur  certaines  maladies  des  efclaves,  le  befoin  d'une  nourriture  plus 
abondante  &  celui  de  repos.  J'ofe  m.ême  dire  que  le  plus  grand  ennemi  des 
efclaves  des  villes ,  c'eft  l'excès  du  plaifir ,  ce  font  les  fuites  honteufes  dont  cet 
excès  eft  accompagné  &  qui  attaquent  d'autant  plus  leur  exiftence  qu'ils  font  ufa- 
ge  de  palliatifs  &  de  répercuflifs,  afin  de  pouvoir  courir  plutôt  les  mêmes  dangers. 
Deux  autres  raifons  accélèrent  la  deftruélion  des  efclaves ,  la  conjuration  de  tous 
pour  procurera  ceux  d'entr'eux  qui  font  malades  de  quoi  manger  ,  lorfque  la  diète 
la  plus  auftère  eft  exigée  par  leur  état ,  la  confiance  qu'ils  ont  dans  les  remèdes 
de  leurs  commères  qui  en  ont  au  moins  un  millier  pour  chaque  incommodité.  Cette 
confiance  eft  la  fuite  d'un  ufage  commun  d  plufieurs  parties  de  l'Afrique  où  les 
femmes  pratiquent  ce  qu'on  y  appelle  la  médecine  &  notamment  à  Serre-Lionne. 
Il  faut  donc  une  furveillance  continuelle  pour  écarter  ces  deux  genres  d'affaffinat , 
8c  comment  peut-elle  ê  :re  sûre  ,  quand  il  faut  abfolument  que  les  efclaves  malades 
foient  foignés  par  d'autres  efclaves  ? 

J'ai  dit  que  les  maladies  avaient  perdu  de  leur  intenfité  &  il  en  eft  une  affreufc 
pour  laquelle  cette  obfervation  eft  très-vraie.  Je  veux  parler  de  la  maladie  de 
Siarn  j  dont  j'indique  l'origine  à  l'article  du  Port-de-Paix ,  &  qui  fut  apportée  de 
la  Martinique  à  Saint-Domingue  en  1691.  Une  barque  venant  de  Léogane  au 
Cap  la  propagea  dans  cette  dernière  ville  ,  au  mois  de  Septembre  1696.  Chaque 
année  voyait  de  nouveaux  ravages  ,  &  lorfqu'au  mois  de  Juillet  I7©5  j  les  vaiiTeaux 
TAmbitieux  ,  le  Faucon  &  le  Marin ,  vinrent  de  la  Martinique  au  Cap  ,  cette  ' 
Effroyable  maladie  qui  produit  une  telle  raréfaction  du  fang ,  qu'il  rompt  tous  les 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      535 

yaiffeaux  &  fort  par  tous  les  pores  ,  y  fit  mourir  300  perfonnes ,  en  quelque  forte 

peftiféiées.  Comme  elle  frappait  particulièrement  les  hommes  de  mer  ,  on  l'appela 

2.viSï\d.  matç\' te  àc  h  tavari^ lie. 
En  1733  &  au  mois  de  Juillet  1734,  elle  eau  fa  de  grands  ravages,  qu'on  vit 

fe  renouveller  en  1743  &  au  mois  d'Août  1755.  Mais  depuis  lors  elle  eft  toujours 
devenue  de  plus  en  plus  rare  ,  l'on  cite  même  les  fujets  qu'elle  attaque  ,  mais  que 

l'on  n'arrache  prefque  jamais  à  la  mort. 

Le  Cap  n'a  donc  pas  toujours  été  exempt  d'épidémies,  h  en  1755  il  y  en 
eut  une  de  près  d'une  .année  ,  pendant  laquelle  les  fièvres  gangreneufes  firent 
les  plus  terribles  ravages.  Les  chiens ,  au  bout  de  quatre  mois ,  partaoèrent  ce 
fiéau,  ils  étaient  dévjrés  par  les  vers  ,  même  avant  leur  mort ,  &  l'on  crut  d'une 
fage  police  de  défendre  alors  l'ufage  du  poiffon ,  parce  que  les  cadavres  des 
chiensétaienr  jettes  dans  la  rade. 

C'eft  pour  moi  une  occafion  de  dire  que  quelquefois  le  poiffon  a  une  pro- 
priété malfaifante  au  Cap  ,  furtout  lorfqu'il  efl  très-gros.  On  a  même  pris 
l'ufage  de  le  faire  cuire  lorfqu'il  eft  d'une  grande  dimenfion  ,  avec  une  cuiller 
d'argent,  parce  qu'on  a  obfervé  que  quand  la  cuiller  noirciffait ,  le  poiffon 
était  mal-fain.  L'efpèce  de  fardines  appelée  cayeux ,  eft  fpécialement  profcrite 
au  Cap  depuis  le  mois  de  Mai  jufqu'à  celui  d'Oftobre ,  par  une  ordonnance  de 
police  du  12  Juin  1778,  rendue  37  ans  après  que  le  médecin  Defportes  eût 
vu  des  perfonnes  empoifonnées  par  la  chair  de  ce  poiffon  d'autant  plus  dange- 
reux ,  qu'il  eft  très-délicat.  Plufieurs  perfonnes  penfenî  que  le  poiffon  eft  nuifiblc 
lorfqu'il  s'eft  nourri  fur  des  bancs  cuivreux ,  mais  cette  opinion  a  fait  place  a 
celle  plus  raifonnable,  qui  attribue  cet  effet  au  fruit  du  manceniiler  qui  croît  fur  le 
rivage,  &  dont  on  fait  que  toute  la  fubftance  eft  un  des  poifons  les  plus  aftifs.  Peut- 
être  devrait-on  s'occuper  d'expériences  relarives  au  tems  du  frai  ;  elles  jetteraient 
fans  doute  du  jour  fur  cette  partie  encore  environnée  de  ténèbres.  La  preuve 
que  la  défenfe  de  vendre  du  cayeux  pendant  les  fix  mois  que  j'ai  indiqués  n'eft 
pas  un  préfervatif  fuffifant ,  c'eft  que  pour  en  avoir  mangé  le  14  Février  1779  » 
j'eus  le  lendemain  le  corps  tout  rouge  d'une  éruption  avec  prurit,  des  coliques 
&  des  vertiges. 

Une  épidéniie  toujours  renaiffante ,  c'eft  celle  de  la  petite  vérole.  Jamais  on 
n'oublira  les  effets  défaftreux  qu'elle  eut  en  1772  au  Cap  &  dans  fa  dépen- 
dance. Elle  fut  introduite  dans  cette  ville  par  le  navire  négrier  dont  j'ai  cité  le 


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535       DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

naufrage  d?.ns  le  port  du  Cap.  Les  nègres  allaient  couverts  de  pullules  dans 
les  rues  ,  bz  le  médecin  du  roi  qui  avait  fans  doute  oublié  ou  qui  ne  favaic 
p^s  que  la  petite  vérole  était  contagieufe  ,  quoique  plufieurs  ordonnances  fuc- 
ceflives ,  depuis  le  iS  Janvier  1686  ,  l'euflent  défignée  parmi  les  maladies  dont 
il  était  de  fon  devoir  d'empêcher  la  communication  j  ne  prit  aucune  précau- 
tion pour  s'y  cppofcr.  Il  périt  i,aoo  perfonnes  de  cette  épidémie.  Elle  fervit  du 
moins  à  rappeler  que  vers  1745  on  avait  tenté  quelques  eflais  d'inoculation, 
renouvelles  en  1757,  &  plufieurs  habitans  delà  plaine  du  Cap,  chez  qui 
l'épidémie  était  parvenue  ,  uîerent  de  ce  moyen  préfervateur ,  que  le  médecin 
Joubert  n'avait  ceffé  de  confeiiler  au  Port-au-Prince  en  1769.  Mais  on  a  vu 
(  page  247  )  ,  qu'il  était  réfervé  à  M.  Warlock  d'obtenir  à  l'inoculation ,  par 
de  continuels  fuccès ,  une  grande  partie  de  la  confiance  qu'elle  mérite. 

L'inoculation  n'cit  cependant  pas  encore  aflcz  familière  pour  que  la  petite 
vérole  ne  foit  pas  redoutable.  Qui  croirait  que  c'efi:  au  Cap  qu'on  trouve  le 
plus  d'incrédules  fur  le  fuccès  de  la  méthode  qui  la  combat ,  &  où  l'on  oppofe 
le  plus  d'entêtement  à  la  propagation  de  cette  méthode  !  Au  mois  de  Juin 
1782,  la  petite  vérole  fe  manifcfta  au  Cap  &  y  fit  périr  beaucoup  d'individus 
jufqu'au  mois  de  Décembre  ,  qu'elle  commença  à  perdre  de  fa  force.  Elle 
exiftait  encore ,  mais  très-afFaiblie  au  mois  de  Mars  1783.  Elle  a  reparu  en  17S8 
avec  des  caractères  affligeans.  En  vain  prétend-on  que  cette  maladie  cruelle 
l'eft  beaucoup  moins  dans  les  climats  chauds,  elle  y  eft  toujours  aflfez  funefte 
pour  qu'on  doive  diminuer  le  nombre  de  ceux  qui  ne  l'ont  point  encore  éprou- 
vés ;  &  qu'on  fe  fouvienne ,  comme  l'a  dit  la  Condamine  ,  qu'elle  défigure  &; 
mutile  ceux  qu'elle  ne  peut  détruire.  D'ailleurs  la  vieille  routine  d'un  traitement 
échaufi^ant ,  eft  elle-même  aulTi  redoutable  que  la  m.aladie. 

Je  tiens  de  M.  Warlock ,  que  ce  qu'on  publie  du  prétendu  préfervatif  que 
procure  le  foin  de  laifler  faigner  le  cordon  ombilical  &  de  le  preifer ,  eft  ima- 
ginaire. Il  a  fait  l'expérience  plufieurs  fois ,  notamment  dans  la  psroifle  du 
Dondon  en  178 1,  &  elle  n'a  pss  empêché  la  communication  de  la  petite 
vérole  ,  foit  naturelle  foit  inoculée. 

Il  eft  rare  que  la  petite  vérole  ne  foit  pas  précédée  ,  accompagnée  ou  fuivie 
de  très-près  parla  rougeole,  qu'on  craint  avec  raifon  à  Saint-Domingue.  Au 
mois  de  Décembre  1748  ,  de  Janvier  &  de  Février  1749  ,  elle  caufa  beaucoup 
de  pertes  dans  toute  la  Partie  du  Nord,  &  au  mois  de  Septembre  1782  elle  fit 

périr 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       537 

périr  un  grand  nombre  de  perfonnes  prefque  toutes  adultes,  par  les  dyfîènteries 
dont  elle  fut  fui  vie. 

On  voit  affez  communément  au  Cap ,  depuis  quelques  années ,  des  fujets 
attaqués  de  l'éléphantiafis  ou  mal-rouge  ,  ce  fléau  de  plufieurs  contrées  de 
l'Afrique.  Leur  afpecl  hideux  excite  autant  l'effroi  que  la  pi  clé  ,  &  il  force  ceux 
qui  portent  leurs  vues  plus  loin  à  reprocher  au  gouvernement  une  indifférence 
coupable  &  dangereufe.  Il  devrait  y  avoir  dans  un  lieu  queîconqr,e  de  la  Colonie 
ime  léproferie  où  ceux  de  ces  individus  qui  font  encore  fufcepcibles  de  guérir 
trouveraient  les  fecours  nêceffaîres  ,  où  les  autres  feraient  affujetcis  à  un  régime 
convenable  &  où  l'on  formerait ,  à  l'égard  de  tous ,  une  récîufion  affez  douce 
pour  ne  pas  aggraver  la  douleur  de  leur  é:at  &  affez  fûre  pour  empêcher  la 
communication  de  cette  mala.iie. 

On  parvient  rarement  au  Cap  à  un  tge  avancé  ,  &  la  lifle  des  0(5logénaires 
de  toutes  les  époques  ferait  courte;  &  ce  ferait  encore  plutôt  des  nègres  ou  des 
mulâtres.  On  y  a  remarqué  Thomas  Bernard  ,  homme  de  couleur  âgé  de  plus 
de  80  ans  &  qui  avait  en  1787  douze  enfans  légitimes  vivans.  L'on  cite 
M''^  Marie  Regnard,  époufe  de  M.  Cormeau  de  la  Chapelle,  notai-e  au 
Cap,  morte  à  84  ans  le  29  Mû  1770,  &  M''^  Marguerite  Gigot ,  époufe 
de  M.  de  Safrey ,  marquis  de  Tourncmine  ,  qui  y  était  née  &  qui  y  mourut 
îe  16  Mars  177 1  ,  âgée  de  82  an?. 

Les  perfonnes  des  deux  fcxes  qui  parviennent  à  leur  cinquantième  annnée,  y  ont 
une  exiftence  plus  entière  qu'ailkuis  ,  parce  qu'elles  n'y  éprouvent  pas  les  infîr- 
înités  des.'  payb  froids.  Ce  n'efl  pas  qu'il  faille  croire  ,  comme  l'a  dit  Reynal , 
que  la  goutte  (*X  la  graveile ,  la  pierre  &  l'apoplexie  ne  font  jamais  le  moindre 
mvage  aiax  Mks'.  Les  trois  premières  maladies  y  lont  bien  connues ,  &  elles 
j^autorifent  peut-être  Topinion  dt  ceux  qui  les  confidërent  comme  des  maîadi 


les 


de  la  lymphe.  Quant  à  i'aploplexie  ,  on  en  eft  affez  garanti  par  la  grande  aftivité 
que  la  chaleur  imprime  au  fang  ,  &  qui,  en  brifant  les  molécules ,  les  fait  paffer 
plutôt  à  l'état  inflammatoire  qui  allume  les   fièvres   de  ce  nom  qu'à   celui  de 


(*)  Fiîs  d'an  père  que  m'a  ravi  Ripoplexie  Se  d'une  mère  qui  ét^it  devenu  gouteufe  à  52  am  ,  Je 
fuis  goûteux  moi-même ,  &  nous  (omme?  Crée/i  tous  les  trois.  Ma  feyle  famille  nie  fournirait  d& 
norabreufes  réfutations   de  î'affértion  de  P^a'ynaK 

Tome    L  '      ^  Y  Y 


53â       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

violence  &  d'épauTifTement  qui  caufe  l'apoplexie.  Au  fi.rplus  ,  on  ne  voit  encore 
que  tropd'apopleéliques  aux  Ifles. 

Étrangers  âf  autres  prjonnes   remarquables  venues  au  Cap 

Un  lieu  aufïï  fréquenré  que  le  Cap,  où  il  arrive  chaque  année  autant  de 
bâtimens  &  qui  eft  le  centre  d'un  auffi  grand  mouvement ,  doit  avoir  été  néceffai- 
rement  vifité  par  des  pcrfonnes  remarquables.  J'en  vais  citer  quelques-uns  dans 
Tordre  chronologique. 

Une  flotte  efpagnole  paiïknt  devant  cette  ville,  y  mit  à  terre,  le  27  Juillet  1708^ 
Don  GuiUermo  Mornl ,  meftre  de  camp ,  qui  allait  prendre  poffeffion  de  la  place 
de  préfident  de  la  Partie  Efpagnole  ,  &  qui  s'y  rendit  par  la  Partie  du  Nord  de  la 
Colonie  Francaife  ,  où  il  fit  un  peu  de  féjour ,  puifqu'il  affifta,  comme  je  l'ai 
dit ,    à  la  Sainte -Anne,  fête  patronale  de  la  paroiffe  de  Limonade. 

Le  père  Charkvoix  ,  jéfuite,  venant  de  la  Louifiane  ,  où  l'avait  mené  le  voyage 
qu'il  fit  par  ordre  du  gouvernement  en  Septembre  1720  ,  pour  découvrir  la  m,ec 
de  l'Oueu: ,  arriva  au  Cap  le  i^\  Septembre  1722  ,  &  en  partit  pour  le  Havre  le 
25  du  même  mois.  Il  eft  même  vraifemblable  que  ce  fut  alors  que  le  père  le  Pera 
lui  remit:  fes  mémoires,  qui  ont  formé  l'Hiftoire  de  Saint-Domingue  ,  qui  s'arrête 
en  1723  ,   &  que  je  trouve  vraiment  digne  d'éloge. 

Le  7  Novembre  173 1 ,  Don  Manuel  Lopez  Pintadez  ,  chef  d'efcadre  ,  qui 
montait  le  Saint-Louis  de  6c  canons  ,  relâcha  au  Cap  avec  cinq  autres  vaiffeaux 
efpagnols  ,  faifant  partie  des  gallions  qui  retournaient  du  Mexique  en  Europe  ,  & 
qui  avaient  été  três-maltraités  d'un  coup  de  vent.  Il  y  féjourna  jufqu'à  la  fin  du 
mois  d'Avril.  Ces  vaifîèaux ,  pendant  qu'on  les  réparait,  mirent  à  terre  quatre- 
vingt  millions. 

Au  commencement  de  1741  ,  on  vit  au  Cap  Don  Pierre  Zorrilla  de  Saint- 
Martin  ,  marquis  de  la  Gandara  Real ,  premier-lieutenant  des  gardes  efpignoles, 
qui  fe  rendait  à  la  préfidencc  de  Santo-Domingo.  Ce  fut  lui  qui  eût  l'occafioa 
d'entendre  parler  de  la  ferme  des  boucheries. 

Au    commencement  de  Février  1744,    aVriva  un  prince  de  Mont-Liban^ 


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FHA'NÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     5^3 

vànu  de  Marfeille  à  la  Martînique  &  de  cette  Ifle  à  Saint  -  Domingue ,  pour 
implorer  la  charité  des  fidelles,afîn  d'obtenir  de  quoi  racheter  fon  frère  aîné  retenu 
en  otage  par  le  bâcha  de  Sidon  ,  pour  un  tribut  qu'il  n'avait  pu  payer.  Il  était 
vêtu  à  la  turque  ,  ainfi  qu'un  homme  qui  l'accompagnait  &  lui  fermait  d'interprète. 
Il  fut  reçu  &  logé  par  les  jéfuites ,  qui  le  traitèrent  a^rec  de  grands  égards  -,  mais 
étant  revenu,  au  mois  de  Mars  1751,  les  Adminiitrateurs  crurent'convenable 
d'ciTipêcher  le  renouvellement  de  fes  quêtes. 

Un  illuftre  voyageur  ,  le  commodore  Byron  ,  revenant  du  naufrage  qu'il  avait 
éprouvé  dans  fon  voyage  autour  du  monde  ,  entra  au  Cap  le  8  Juillet  1745, 
fur  la  frégate  particulière  le  Lys  ,  armée  à  Saint-Malo,  &  en  repartit  le  6  Sep- 
tembre ,  fur  le  mê  ne  bâtiment,  dans  un  convoi  efcorté  par  une  efcadre  aux  ordres 
de  M.  de  l'Ëtenduère. 

Ce  fut  dans  cette  ville  qu'un  archevêque  de  Nicofie  vint  mourir,  au  mois  de 
Septembre  1751 ,  au  moment  où  les  Adminiftrateurs  exigeaient  qu'il  reparut  de 
la  Colonie,  qu'il  difait  ê  re  venu  voir  en  voyageur  qui  veut  s'inftruire. 

Don  Manuel  de  Azlor  y  Urriez  ,  colonel,  &  préfident  de  la  Partie  Efpagnoîe  , 
arriva,  le  20  Février  1766  ,  de  fon  gouvernement ,  &  fit  dans  cette  ville  un  affez 
long  féjour ,  que  M.  d'Eftaing  fût  lui  rendre  très-agréable. 

Un  autre  préfident  Efpagnol  y  fut  attiré  par  la  grande  affaire  des  limites. 
C'était  Don  Jofeph  Solano  &  Bote,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint  -  Jacques  & 
capitaine  de  vaiffeaux.  Il  y  vint  le  14  Février  1776;  &  le  8  Avril  1782  il 
mouilla  dans  fon  port  avec  l'efcadre  qu'il  commandait  en  qualité  de  lieutenant- 
général  &  qui  y  féjournajufqu'au  mois  d'Avril  1783. 

Le  21  Février  de  la  même  année,  le  Cap  reçut  Don  Bernard  de  Gaîvez  , 
lieutenant-général  des  armées  efpagnoles ,  qui  venait  y  prendre  ie  commandement 
général  des  armées  combinées  de  France  &d'Efpagne.  lien  repartit  le  8  Mai  1783, 
emportant  les  regrets  de  tous  ceux  qui  l'avaienc  connu  ;  regrets  qui  devinrent 
bien  plus  vifs  en  1786,  |  la  nouvelle  de  fa  mortj  il  était  alors  vice-roi  du 
Mexique. 

Mais  l'étranger  le  plus  célèbre ,  que  la  ville  dont  je  parle  ait  eu  dans  fon  feia 
&  dont  i'ai  déjà  fait  mention  à  l'article  du  fpedlacle  ,  c'eft  le  prince  Guillaume- 
Henri ,  duc  de  Lancaftre ,  fils  du  roi  d'Angleterre,  qui  y  débarqua  le  5  Avril 
de  l'efcadre  de  l'amiral  Hood  où  il  fervalt  en  qualité  de  garde-marine,  &  qu'il 
rejoignit  à  l'expiration  de  fon  congé  de  24  heures ,  ayant  eu  à  peine  le  tems  de 

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540       DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

voir  cette  ville  ,  qu'il  trouva  très-digne  de  la  curiofité  qu'elle  lui  avait  infpîrée. 
Le  Cap  a  été  la  patrie  ,  le  tombeau  ou  le  féjourde  plufieurs  hommes ,  qni  ont 
des  ti.-res  pour  être  cites. 

Le  père  Pierre  Boutin  ,  jéluite.  îl  était  né  à  la  Tour-Blanche ,  en  jPérigord  , 
durant  l'année  1672.  Arrivé  au  Cap  en  1705,  en  qualité  de  miffionnaire  3  il 
occupa  fucctffivement  les  cures  de  l'Acul,  du  Port-de-Paix  &  du  Petit-Saint- 
Louis  ,  jufqu'en  17 14  3  qu'il  paffa  à  ceile  du  Cap,  dont  on  a  vu  qu'il  dirigea 
l'églife  &  comme  pafteur  &  comme  architefte.  Quelques  effets  d'un  zèle  ,  peut- 
être  trop  ardent ,  ayant  fait  défirer  rrefqu'auiTitôt  aux  Adminiftrateurs  de  ne  pas 
voir  le  père  Boutin  à  la  tête  de  cette  paroilTe  ,  il  s'attacha  fpécialement  à  l'inftruc- 
tion  des  nègres.  Il  avait  pour  cette  œuvre  les  deux  grands  talens  qu'elle  exi^^e  : 
une  patience  qui  ne  fe  laffe  de  rien  &  une  fanté  ferme  que  ne  promettait  cepen- 
dant pas  fon  extérieur  faible.  A  cette  partie  de  l'apoftolat  le  père  Boutin  réunie 
le  foin  fpiritiiel  des  marins ,  c'eft-à-dire ,  qu'il  cultivait  la  partie  la  plus  laborieufe 
de  la  vigne  fainte,  puifqu'alors  il  fallait  aller  dans  la  rade,  parce  que  les  matelots 
malades  étaient  gardés  à  bord  des  hâtimens. 

L'étude  des  nombreux  idiomes  de  l'Afrique,  celle  des  moeurs  des  hommics  qui 
habitent  cetce  partie  du  monde  ,  était  la  principale  application  du  père  Boutin  , 
qui  était  parvenu  à  fe  rendre  auffi  fimple  &  auflî  intelligible  pour  tous  les  nèores, 
que  pour  les  blancs  les  plus  inftruits.  Ce  fut  lui  qui  établit  le  premier,  l'ufao-e  de 
faire  le  baptême  des  adultes  ,  aux  deux  époques  annuelles,  des  famcdis  de  Pâques 
&  de  la  Pentecôte;  mais  chaque  foir  il  faifaitune  inflruftion au-devant  du  perron 
que  l'églife  avait  alors.  La  meffe,  appelée  des  nègres,  fut  auflî  inftituée  par  lui. 

On  a  vu  quelle  affection  il  avait  montré  pour  les  malades  ,  en  établiffant  un 
hôpital,  &  quel  attachement  folide  &  religieux  il  avait  pour  la  Colonie,  à  qui  il 
a  fait  un  vrai  préfent  dans  l'établilTement  des  Religieufes  de  Notre-Dame  au  Cap. 
Livré  aux  plus  grandes  auftérités  ,  le  père  Boutin  ne  celfa  pas  de  jouir  d'une  fanté 
eonllante,  &  fa  mort,  arrivée  le  vendredi  21  Décembre  1742  ,  ne  fut  précédée 
que  de  quelques  jours  de  maladie. 

Cette  mort  fut  le  fignal  d'un  deuil  univerfel  ;  ceux  mêmes  ,  qui  croyaient 
que  le  zèle  du  pieux  miffionnaire  avait  été  quelquefois  trop  loin  ,  ne  virent  plus 
que  la  perte  de  fes  vertus ,  &  de  leur  influence  fur  deux  claffes  d'hommes  qui  en 
avaient  éprouvé  l'heureux  afcendant.  Il  n'ell  pas  encore  aujourd'hui  un  feul 
individu  qui  ne  fâche  k  nom  du  père  Boutin ,  fe.  chez  qui  il  ne  réveille  l'idée  dâ 


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FRANÇAISE    DE     SAlNT-DOMINGÛE.      ^41 

k  bienveillance  la  plus  fervente.  Les  habitans  du  Cap,  en  particulier,  lui  confervent 
une  gratitude  ,  qui  eft  le  monument  le  plus  durable ,  qu'un  homme  puilTe  confacrer 
au  fouvenir  d'un  lautre  homme.  Le  père  Boutin  avait  trouvé,  au  milieu  d'une  vie 
pleine  d'exercices  de  piété  &  de  travaux  utiles, le  tems  de  fe  livrer  auxobfervations" 
aftronomiques  ,  &  les  mémoires  de  Trévoux  renferment  plufieurs  des  fiens. 

Le  Cap  a  eu  auflî  pendant  quelques  années  pour  curé  ,  le  père  Margat ,  jéiuite , 
qui  l'avait  été  auparavant  de  la  paroiffe  de  la  Petite-Anfe  ,  pendant  vingt  ans.  Ce 
religieux  eft  l'auteur  d'une  Hiftoire  de  Tamerlan,.  &  de  plufieurs  lettres  curieules 
&  intéreiïantes ,  imprimées  parmi  les  Lettres  Édifiantes. 

C'eft  au  Cap  ,  que  Jean-Baptifte  René  Poupée  Defportes  ,  pratiqua  feize  ans 
la  médecine  ;  il  y  fut  même  médecin  du  roi  chargé  des  hôpitaux,  depuis  1740 
jufqu'à  fa  mort,  arrivée  au  Quartier  -  Morin  le  15  Février  1748,  lorfqu'il  n'avait' 
encore  que  43  ans  Se  5  mois.  M.  Defportes,  né  à  Vitré,  en  Bretagne,  d'une 
famille  qui  a  produit  plufieurs  médecins  ,  s'occupa  de  juilifier  le  choix  qui  lui 
avait  confié  une  place  importante,  quoiqu'il  lût  encore  très -jeune ,  comme 
médecin  ;  le  brevet  de  correfpondant  de  l'Académie  des  Sciences  récompenfa  fes 
cfîais  en  1738,  &  l'encouragèrent  pour  l'avenir. 

On  a  imprimé  en  1771,3  Paris,  3  volumes  w- 12  des  œuvres  de  M.  Defportes, 
fous  le  titre  d'Hiftoire  des  Maladies  de  Saint-Domingue.  On  y  trouve  un  traité 
des  plantes  ufuelles  de  la  Colonie  i  une  pharmacopée  ou  recueil  de  formules  des 
médicamens  fimples  du  pays,  &  quelques  Jiffertations  fur  diverfes  denrées  colonia- 
les, l'analyfe  des  eaux  minérales  du  MirebaUis  ,  &c.  &c.  J'ai  dit  en  parlant  du  père' 
Le  Pers ,  que  fes  travaux  botaniques  avaient  paffés  à  M.  Dei'portes, 

Ce  médecin  a  des  apologiftcs  &  des  détraéleurs.  Les  uns  &  les  autres  ont  trop 
abondé  dans  leur  fens  ,  &  peut-être  que  fi  les  premiers  voulaient  confidérer  que 
les  connaiffances  botaniques  &  chimiques  de  M.  Defportes,  qui  avait  quitté  la 
métropole  vers  1732,  n'étaient  pas  &  ne  pouvaient  pas  être  très-profondes  j 
on  s'étonnerait  moins  de  trouver  dans  fes  recettes  une  profufion  contradiéloire  , 
qu'il  n'eft  pas  permis  de  vouloir  juftifier  de  nos  jours.  Mais  M.  Defportes  a  eu 
le  mérite  d'avoir  le  premier  donné  quelques  idées  fur  la  médecine  coloniale  ;  il  a 
fait  des  obfervations  locales  qu'on  ne  peut  s'empêcher  d'eftimer,  &  Ci  fon  livre 
n'eft  pas  toujours  propre  à  être  un  guide  ,  il  peut  du  moins  fervir  de  notes 
indicatives. 

M,  Bourgeois ,  né  à  la  Rochelle ,  de  la  famille  dwminiflre  M.  Bourgeois  dr 


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542      £>ESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

Boynes ,  habita  pendant  près  de  trente  ans  la  ville  du  Cap ,  ou  il  fut  avocat  &  le 
premier  fecrétaire  de  la  Chambre  d'Agriculture.  M.  Bourgeois  revenu  en  France, 
fit  imprimer  à  Pans  ,  en  1773,  unpoëme,  fous  le  titre  de  Cdomb,^n  deu.  parties 
m-l-.,  dont  chacune  contient  vingt-quatre  chants.  La  vérité  force  à  dire  que 
cette  publication  fut  un  piège  pour  Famour-propre  de  l'auteur ,  &  qu'on  ne 
pourrait  rien  retirer  de  cet  ouvrage  ,  que  des  matériaux  pour  un  diftionnaire 
des  nmes  ,  parce  qu'elles  y  font  d'une  grande  richeffe.  Un  neveu  de  M.  Bourgeois 
a  pubhe  en  1788  ,  &  depuis  fa  mort ,  un  recueil  .•«.8^  ,  fous  le  titre  de  Vcya.es 
zntereJTans  da.s  différentes  Ccknies  Françaifes  ,  E/pagndes  ^  Anglaifes  ,  ^c  Ôc 
détails"''' ''''''''' ^''"''''°'"^^"'^' ''*'"'  anecdotiques  ,  de  defcriptions  &  d'autres' 
Ceft  pendant  fa  réfidence  au  Cap  que  M.  Himard  d'Auberteuii  a  compo^ 
ks  deux  volumes  /^8-  qu'il  a  publiés  ^  Paris  ,  en.  177^.  Ils  fbnt  intittk . 
Cr,tftder.Mons  fur  l'Etat  préfent  de  la  Colonk  d,  Saint-Domin^u,,  Cet  ouvra^^ 
ccritavec  hardieffe.  ne  tormait  qu'une  partie  d'un  grand  travaifque  M.  Milliard 
ie  vit  force  de  réduire,  parce  que  l'Hiftoire  Politique  des  deux  Indes ,  de 
xaboe  Reynal ,  en  avait  rendu  plufieurs  détails  inutiles.  Le  livre  de  M  Milliard 
fit  une  grande  fenfation  à  Saint  -  Domingue  où  fa  diftribution  fut  même  défendue 
La  réputation  de  cntique  qu'avait  Ton  auteur ,  contribua  beaucoup  à  lui  donner  des 

t^œ  M  ^.^:^:,"t'^f 'T"  '^'^  ""'^  -uveront  leurs  places  dans  l'hif. 
to.re  M.  H.lhards'eft  quelquefois  laire  emporter  au  défir  de  cenfurer,  &  Tes 
de.ails  ne  font  pas  toujours  d'une  exaftitude  rigoureufe.  Le  Minière,  a  oui  on 
ndenonçalefprit&desfragmens,fitdeM.  Milliard  un  procureur  du  roi  de 
1  Ifle  la  Grenade.  Mais  l'efprit  inquiet  de  Mr.  Milliard  le  ramena  en  France 
&  Il  vient  de  mourir  à  Saint-Domingue ,  où  il  faifait.  depuis  deux  ans,  le  métier  de 
folhciteur  de  vieux  procès  &  d'écrivain  de  mémoires  de  judicature ,  que  des 
avocats  inoccupés  couvraient  de  leur  fignature, 

C'eft  au  Cap  auffi  que  M-  Dubuiffon  .  né'  à  Paris ,  auteur  de  la  tragédie  de 
Mrza.  fit  la  critique  de  l'ouvrage  de  M.  Milliard,  fous  le  titre  de  Nouvelles 
Conf;derattom  fur  Saint-Domingue,  en  répnje  à  celles  de  M.  H,  D  Elle  a  été 
imprimée  à  Paris  en  17S0,  l'auteur  y  a  fuivi  M.  Milliard  chapitre  par  chapitre 
&    dans  plufieurs  points  ,  il  loue  par  cela  même  qu'il  ne  critique  pas 

M.Rey,  Créol  du  Cap ,  mort  en  1779  procureur-général  du  Confeil  fupé, 
rieur  de  cette  viUe  a  écrit  fur  le  commerce  des  blés  S.  a  concouruàia  ré,.^ 
d  un  ouvrage  périodique  connu  fous  le  nom  de  SpeSîateur  Français. 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       543 

^  M.   Weuves  le  jeune  ,   né   à  Neufchâtel  en  Suiflt   en    1738  ,  après  avoir 

çtudié  le  commerce  quelques  années  à  Paris  &  au  Havre  ,  vint  ie  faire  au  Cap. 

Il  alla,  en  1766  ,  dans  la  Partie  Efpagnole  &  fut  fix  femaines  à  Samana.    Devenu 

fondé  de  procuration  de  M.  le  duc  de  Bouillon  dont  il  a  régi  l'habitation  à  Léo- 

gane  ,  il  repaffa  en  France  en  1776.  C'eft  là  qu'entendant  dire  ,  en  1779  ,  à  un 

homme  d'État  que  les  Colonies  étaient  onéreufes  à  la  Métropole  ,  il  fit  '  pour 

combattre  cette  opinion  ,  un  mémoire  qu'il  remit  au  miniftre  de  la  Marine  ,  des 

mains  duquel  il  le  retira  pour  le  donner  à  M.  de  Vergennes  qui  le  défirait.   Ce 

dernier  fe  détermina  à  le  faire  imprimer  ,  mais    l'ambaffadeur  d'Efpagne  qui  fut 

que  le  cagotifme  efpagnol  y  était  févèrement  blâmé  ,   follicita  pour  qu^  l'ouvrage 

fut  cartonné.  Il  le  fut,   en  effet ,   de  l'agrément  de  M.  Weuves  qui  faifait  alors 

un  voyage  à  Londres  &  qui  tranfigea  ainfi  pour  qu'on  ne  touchât  point  au  fond  des 

chofes  coloniales.  Cet  ouvrage   intitulé  :    Réflexions  Hifloriques  t?  Politiques  fur  le 

mnmei ce  de  France  avec/es  Colonies  d'Amérique  ,  imprimé,  en  1780,  chez  Celioc 

à  Paris ,  un  volume  tn-Z\  efl  fait  pour  attirer  de  juftes  éloges'  à  fon  auteur  qui 

habite  encore  Paris  ,  en  ce  moment. 

M.  Alexatidre  Dubourg ,  né  à  Caen  le  27  Février  1747  ,  eft  mort  au  Cap  le 
9  Décembre  1787.  Son  père  qui  était  tapiffier  ,  ne  pouvant  lui  faire  continuer 
fes  études ,  lui  fit  enfeigner  le  deffin  &  les  mathématiques  &  l'envoya  à  Rouen 
pour  s'inftruire  dans  le  commerce  de  la  droguerie.  Il  y  entendit  le  célèbre  le  Cat 
&  s'enflamma  pour  l'étude  de  la  nature  ;  mais  contrarié  dans  ce  goût ,  il  fe  fît 
fbldat  au  régiment  de  Périgord  ,  avec  lequel  il  paffa  à  la  Martiniqu'e. 

On  éleva  un  fpeftacle  dans  cette  île  &  M.  Dubourg  s'y  fit  remarquer  par 
l'intelligence  avec  laquelle  il  rempliffait  quelques  rôles.  Séduit  par  le^  applau- 
diffemens,  M.  Dubourg  continua  àjêtre  comédien  ,  après  même  qu'il  n'était 
plus  foldat  >  &  il  vint  exercer  cet  art  au  Cap.  Une  conduite  honnête  ,  un  extérieur 
décent  &  des  talens  prefque  naturels  pour  le  théâtre  ,  donnèrent  des  amis  &  des 
admirateurs  à  M.  Dubourg  qui,  nourri  de  la  lecture  des  bons  auteurs,  fe  livra  â  une 
étude  qui  peignait  la  douceur  de  fon  caractère. 

Le  Cercle  des  Philadelphes  en  fe  formant ,  choifît  M.  Dubourg  pour  le  préll-' 
der ,  &  cette  nomination  honora  les  éledeurs  &  celui  qu'ils  avaient  élu.  M, 
Dubourg  qui  trouvait  dans  cette  nouvelle  fociété  des  jouiffances  analogues  à  Çts 
goûts  ,  s'occupa  beaucoup  de  rendre  fes  premiers  travaux  intéreflans?  Il  fît  un 
cours  de  botanique  &  dans  un  pays  où  toutes  les  manufactures  font  alimentées  par  ' 


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544     DESCRIPTION    DE     LA      PARTIE 

le  règne  végétal ,  hf.  Dubaurg  fut  écouté  avec  intéiêt  &  avec  fruit  &  l'on  peut 
<ilre  que  fes  travaux  ont  procuré  au  Cercle  des  iiaifons  flatteufcs  &c  propres  à  en- 
courager. Il  efi  bien  malheureux  que  la  culture  d'Uxie  Science  qui  a  tant  à  recueillir 
à  Saint-Domingue  ,  y  foit  naturellement  pénible  ,  parce  qu'il  faut  braver  un 
climat  ardent  pour  aller  lire  dans  le  grand  livre  de  la  nature.  Ce  ^èle  qui  ne 
manquait  pas  à  M.  Dubourg  ,  Ici  donna  la  mort,  malgré  fa  forte  conftitution  ,  & 
fa  perte  en  a  étéune  réelle  poirla  Colonie. Celle-ci  a  donné  en  lui  cette  preuve  utile 
qu'elle  ne  partage  pas  l'opinion  de  ceux  qui  penfentque  la  proftffion  deftinée  à  offrir 
fur  la  (^cèae  les  vices  &  les  ridicules  pour  le  s  faire  haïr ,  &  les  vertus  pour  les  faire 
aimer ,  eft  dégradante.  On  y  a  bien  fcnti  que  ce  font  les  moeurs  des  afleurs  oui 
les  ont  avilis  ,  &  non  pas  l'emploi  de  leurs  talens. 

Je  ferais  inexcufable  fi  je  ne  rappelais  pas  ici,  un  homme  à  qui  Raynal, 
Hilliard  &  la  Blancherie  ont  payé  un  jufte  tribut  d'éloge. 

M.  Pinfun  ,  de  Bayonne  ,  capitaine  r.égricr ,  garda  un  des  nègres  qu'il  avait 
traités  au  Congo  &  en  fit  Ton  doirefàque.  Louis  (  c'eft  le  nom  de  ce  nègre  )  qui 
fuïvait  fon  maître  dans  fes  voyages  ,  fut  m.is  par  lui  en  apprentiffage  du  métier  de 
çuiiinier  à  Nantes ,  quand  M,  Pinfun  quitta  la  mer.  On  prétend  que  ce  dernier 
trouvant  que  Louis  prenait  en  France  ,  une  manière  G'ê:re  qui  influait  fur  fa 
foumifTion  ,  le  renvoya  à  Saint-Do  DÎngue  en  le  rendant  libre. 

Louis  vint  exercer  fon  induftrie  au  Cap,  d'abord  com.me  cuifinier,  puis  il  y 
leva  une  penficn,  &  commiC  il  avait  delà  réputation,  furtout  dans  la  {.âtilTerie,  il 
fut  iurnomm.é  des  Rouleaux. 

M.  Pinfim  ,  forcé  de  repafTer  ,  îong-tems  après  ,  dans  la  Colonie  ,  à  caufc  du 
dérangement  abfoîu  de  fa  fortune  ,  ne  trouva  plus  d'anciens  amis  ou  n'en  Fencon- 
tra  que  de  froids.  Mais  Louis  des  Rouleaux  les  fuppléa  tous.  Apprenant  l'arriN  ée 
de  fon  ancien  miaître  ;  il  va  le  chercher  ,  le  loge  ,  le  nourrit ,  exige  qu'il  s'éloigne 
d'un  pays  où  la  comparailbn  d'une  lituation  prolpère  ajoute  à  fes  chagrins  ,  &  lui 
afïïire  une  penfion. 

Ju'qu'à  1.^  mort  de  Louis  des  Rouleaux  ,  arrivée  en  1774,  il  a  non-feulement 
acquitté  la  penfion  comme  une  dette  facrée,  mais  fa  reconnaiffance  ne  biffait 
échapper  aucune  occaûon  d'y  ajouter  des  préfens  qui  la  furp^ffaient  tou  ours.  Louis 
des  Rouleaux  qui  avait  acquis  trois  mai  ions  ,  a  joui,  pendant  long-tem^ ,  de 
l'eilime  géi.éfale  ,  fon  éloge  était  dans  toutes  1;  3  bouches.  Nul  homime  lenfioîe 
iiauiuit  voulu  ciuitccr  le  Cap^  lans  avoir  vu  celui  dgnt l'exemple 4tait ,  tout-à-la- 
fois 


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FRANÇAISE   DE    SAINT-DOMINGUE.       545 

fois  Cl  noble  &  fi  touchant ,  Se  U  commandait  l'admiration  ,  même  aux  ingrats. 

De  fon  mariage  avec  une  négreffe,  étaient  nés  deux  fils  qui  n'exiftent  plus, 

&  une  filie  mariée  à  Cape  ,  nègre ,  &  a6luellement  vivante  au  Cap-Français. 


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De  l'Éducation.  . 

C'est  quand  on  vient  de  parler  d'hommes  inftruits ,  d'hommes  qui  ont 
cherché  à  être  utiles  à  la  Colonie  ,  qu'on  déplore  de  la  voir  fans  un  feul  é^abhf- 
fement  propre  à  donner  de  l'éducation  à  ceux  des  enfans  que  la  fortune  de 
leurs  parens  ne  permet  pas  d'envoyer  en  France.  Il  n'exifte  au  Cap  que  des 
écoles  où  l'on  enfeigne  à  lire ,  à  écrire  &  l'arithmétique.  Ces  connaiffances 
fubîimes  en  foijfotjt,  je  le  fais,  indifpenfables  &  très-précieufes  ,  mais  c'eft 
comme  moyens  qui  conduifent  à  toutes  les  autres  connailTances ,  à  celle  des 
Arts  &  des  Sciences  ;  elles  perdent  donc  la  plas  grande  partie  de  leur  utilité  pour 
des  fujets  qui  refient  d'ailleurs  dans  une  piofonde  ignorance. 

Pkifieurs  fois  on  a  projette  &  même  formé  des  penfionnats  où  l'on  enfeignait 
de  plus  les  mathématiques,  l'hidoire  ,  la  géographie  &  quelquefois  le  latin  ,  & 
où  l'on  avait  des  maîtres  d'agrément.  En  ce  moment  même ,  celui  de  M. 
Dorfeuil,qui  s'eft  toujours  accru  depuis  1784,  &  où  l'on  compte  plus  de 
cent  externes  &  trente-cinq  penfîonnaires  ,  mérite  de  juftes  éloges  &  pour  les 
foins  attentifs  que  les  élèves  y  trouvent ,  &  pour  l'ordre  qu'il  a  mis  dans  l'enfei- 
.gnement ,  en  combinant  les  divers  devoirs  &  les  divers  exercices  avec 
l'amour  de  la  variété ,  qui  caraclérife  le  jeune  âge.  Mais  l'extrême  cherté  de 
tout,  nécelTitant  celle  des  penfions,  il  n'en  ell  point  qui  puiffent  ê:re  conftamment 
durables.  D'ailleurs  comment  iuppléer  le  chef  de  l'entreprife  lorfqu'il  meurt  ou 
feulement  lorfqu'il  eft  malade  ,  &  comment  remplacer  un  maître  d'agrément  qui 
/l'a  été  trouvé  que  par  hafard  &  qui  ne  regarde  pas  comme  folide  le  penfionnat 
auquel  il  s'eft  attaché. 

Il  n'y  a  qu'une  infàtution  publique  qui  puifTe  remplir  ce  but  im.portant,  parce 
que  les  fujets  feraient  affez  multipliés  pour  que  les  p^r^es  pufTent  être  réparées 
fur  le  champ  ou  pour  que  le  vide  ne  fût  pas  abiblu  jufqu'à  l'arri'.ée  d'un 
remplaçant  d'EuropL\  Des  infbitutturs  inflruits  &  éprouves  quant  aux  mçeurs  j 
des  artiflies  à  talens  trouvant  d'abord  dans  l'établifTemcnt  u  d.i.s  le^  rcITuurctS 
Tome  L  ^     .     ;  _  ^  Z  z  2 


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546       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

d'une  grande  ville  de  quoi  fe  faire  un  fort,  adopteraient  Saint-Domingue  comme 
une  nouvelle  patrie.  Des  Créols  eux-mêmes ,  formés  en  France  avec  cette 
dcftination  ,  feraient  enfuite  éclore  dans  l'île  les  talens  qu'ils  auraient  été  acquérir 
en  France  3  &  en  prenant  foin  que  le  prix  de  l'éducation  fût  modique,  parce 
qu'on  répartirait  la  dépenfe  de  l'étâblifTement  fur  toute  la  Colonie,  on  ferait 
des  colons ,  des  hommes  inftruics  &  intérefîans.  Une  pareille  inftitution  au  Cap  & 
une  au  Port-au-Prince  fuffiraient  à  tous  les  be  foins.  Quand  je  fonge  que  les  colonies 
cfpagnoles  ont  des  univerfités ,  &  que  nous  qui  nous  croyons  fi  lupérieur.s  aux 
Efpagnols  nous  n'avons  que  des  écoles,  qui  indiquent  les  tcms  d'ignorance  ,  je 
gémis  d'une  vanité  qui  n'cH  fondée  que  fur  les  richefîès.  Mais  au  furplus , 
i'inftruclion  n'eft-elle   donc  rien  pour  l'induftrie  ? 

L'on  croira  peut-ê-.re  que  je  me  contredis  en  défirant  une  éducation  locale, 
après  avoir  dit  ailleurs  qu'il  était  utile  que  les  Créols  allaiïènt  la  chercher  loin 
des  illufions  &  des  influences  de  leur  pays.  Je  fuis  &  je  ferai  toujours  de  ce 
dernier  fentiment  ;  mais  je  ne  veux  pas  que  l'impuiffance  de  fupporter  une 
o-rande  dépenfe  faffe  croupir  dans  une  honteufe  ignorance  des  êtres  qui ,  pour 
devenir  l'ornement  de  leur  pays  ,  n'auraient  befoin  que  d'enfeignement.  Avec 
l'inftruftion  viendrait  la  polictffe ,  l'urbanité  ;  les  mœurs  fe  poliraient ,  l'ému- 
lation du  bien  naîcraic  -,  l'habitant  qui  pourrait  s'inftruire  dans  la  phyfique  ,  les 
mathématiques ,  l'agriculture  ,  la  botanique  èc  même  dans  cette  langue  qui  fait 
connaître  tant  de  chefs-d'œuvres  ,  ferait  plus  utile  ,  confidéré  comme  manufa6lu- 
rier ,  comme  chef  d'un  nombreux  atelier.  Il  y  aurait  encore  affez  de 
Colons  riches  qui  préféreraient,  ne  fut=^e  que  par  orgueil ,  l'éducation  métro- 
politaine. Eh  que  fait-on  ?  peut-être  que  les  Créols  qui  ne  pourraient  plus  fe 
croire  des  coyphées  en  revenant  parmi  ceux  à  qui  toute  lumière  a  manqué ,  fe 
piqueraient  eux-mêmes  d'émulation  S>;  fe  croiraient  obligés  de  rapporter  du  lavoir. 
Un  pareil  établiiTem.ent ,  dont  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap  ierait 
vraiment  le  complément,  aurait  des  effets  que  j'aime  à  concevoir  &  à  prédire. 

Un  autre  gain,  ferait  que  les  femmes  trouveraient  plufieurs  avantages  à  avoir 
des  maris  façonnés ,  Se  que  l'éducation  domeftique  des  erîfans  ferait  améliorée. 
On  trouverait  alors  des  penfionnats  de  jeunes  perfonnes  du  fexe  ,  non  pas  à  un 
prix  exhorbitant,  comme  j'en  ai  vu  un,  notamment  rue  Efpagnole ,  au 
Cap ,  où  la  penfion  &  deux  maîtres  d'agrément  coûtaient  2,800  liv. 
tournois  par  an  j  mais  où  les  maures  auraient  du  bénéfàce  à  n'être  pas  plus 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      547 

coûteux  qu'en  France.  Des  inftitutrices  connaiflant  l'influence  des  vertus 
privées  fur  la  vie  d'une  époufe  &  d'une  mère ,  en  donneraient  l'exemple  , 
&  la  leçon ,  &  nos  Créoles  ne  fe  contenteraient  plus  d'être  jolies ,  elles  vou- 
draient de  plus  être  dignes  de  l'eftime  univerfelle,  qui  les  embellirait  encore. 

Des  Environs  du  Caf. 

Il  eil  tems  que  j'examine  les  environs  de  la  ville  du   Cap  &  le  refte  de  la 
paroiiTe  ,  dont  elle  e(l  le  point  principal. 


De  la  Ravine  du  Cap. 

La  première  chofe  qui  attire  les  regards  dans  ces  environs ,  parce  qu'elle  eft 
tout-à-la   fois  &  dans  la  ville  Se  hors  de  la  ville  ,  c'eft  la  ravine  du  Cap. 

Cette  ravine  a  pour  véritable  nom  ,  celui  de  ravine  de  la  Belle  Hôtefle  ,  qui 
portent  un  très-grand  nombre  d'autres  de  Saint-Domingue.  Elle  a  fon  cours  dans 
la  gorge  qui  eft  au-defllis  de  la  Providence  des  hommes,  &  fe  trouve  placée  de 
manière  à  recevoir  les  eaux  du  revers  des  mornes  qui  la  bordent ,  &  qui  ,  coupés 
eux-mêmes  par  différentes  ravines  ou  ruiflèaux ,  fourniffent  un  grand  volume 
d'eau  dans  la  faifon  des  orages  ,  mais  plus  encore  durant  les  pluies  de  Nord. 

Cette  ravine ,  à  partir  du  fommet  de  la  gorge  ,  fe  dirige  vers  la  ville  ,  en 
faifant ,  avec  les  rues  qui  vont  du  morne  à  la  mer ,  un  angle  d'environ  ;i;^ 
degrés.  Rendue  en  face  de  l'hôpital  de  Jafmin  ,  elle  court  parallèlement  à  ces 
mêmes  ruesjufqu'à  ce  qu'elle  foit  parvenue  à  la  hauteur  de  la  rue  du  Pet  au 
Diable  Se  en  face  de  la  rue  Saint-Michel.  Delà,  elle  s'écarte  vers  le  Nord  ^ 
de  manière  que  parvenue  au  bout  de  la  rue  des  Marmoufets  ,  elle  fait  prefque 
face  à  la  rue  Saint-Pierre  ;  qu'au  bout  de  la  rue  Royale  elle  eft  un  peu  au  Nord 
de  la  rue  du  Conltil ,  &  qu'au  bout  de  la  rue  du  Morne  des  Capucins  elle  eft 
à-peu- pi  es  vis-à-vis  le  point  de  fon  embouchure.  De  cette  extrémité  de  la 
rue  du  Morne  des  Capucins  jufqu'à  la  mer  ,  elle  a  un  cours  aflez  droit ,  fi  ce 
n'eft  que  depuis  la  rue  Saint-Domingue  jufqu'à  celle  du  Gouvernement ,  elle 
rentre  au  Sud,  même  d'environ  15  toifes  vers  cette  dernière  rne.  Elle  parcourt 

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548       DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

dans  h  ville,  à  compter  du  haut  des  emplacemens  au-deffus  de  la  Providence, 
jufqu'à  la  mer  ,  environ  700  toifes.  Un  arceau  en  voûte  aoplatie  ,  trop  baffe 
pour  laiffer  introduire  la  plus  petite  pirogue,  donne  paffage  à' un  canal  de  cinq 
toifes  de  hrge;  c'eil  par  là  que  les  eaux  de  la  ravine  gagnent  la  mer ,  fous  la 
batterie  circulaire. 

A  mefure  que  la  ville  s'eft  étendue ,  la  ravine  eft  devenue  un  plus  grand 
•  inconvénient  pour  elle.  Lorfqu'on  n'avait  bâti  que  fur  le  rivage  &  que  le  Cap 
ne  s'étendait  pas  au  Nord  de  cette  ravine  ;  lorfque  le  morne  du  Cap  n'était  pas 
auffi  à  nu  &  auffi  expofé  aux  dégradations  des  pluies ,  les  eaux  s'écoulaient 
fans  obftacle ,  &  il  paraît  qu'alors  le  lit  de  la  ravine  lui  fuffifait ,  mais  fon  état  a 
changé  avec  l'agrandiffement  du  Cap. 

Des  perfonnes  prétendent  que  vers  171:0,  on  venait,  avec  des  canots  par  la 
ravine  ,  faire  de  l'eau  à  un  puits  placé  à  la  hauteur  de  la  rue  Vaudreuil. 
Mais  des  pièces  de  17 19  me  prouvent  que  la  ravine  était  toujours  à  ftc  dans 
ies-tems  ordinaires.  D'autres  perfonnes  m'ont  aiTuré  avoir  paffé  en  canot  fous 
le  pont  qui  eft  entre  l'Arfenal  &  le  magalin  du  Roi  en  1740  ,  ce  qui  ne  peut 
avoir  eu  lieu  que  dans  des  débordemens ,  puifque  même  lors  de  fa  conftruc1:ion 
on  n'a  laiffé  que  fept  pieds  de  vide  fous  ce  pont.  Mais  il  eft  certain  que  ce  vide 
n'eft  pas  à  préfent  de  deux  pieds  de  hauteur ,  tant  le  fond  s'eft  élevé. 

Cette  différence  encore  plus  fenffble  dans  d'autres  points  ,  eft  due  à  deux 
caufes.  La  première  &  la  plus  puiffante  ,  font  les  terres  &  les  fables  entraînés  par 
cette  ravine  elle-même  &  par  celles  qui  viennent  y  réunir  leurs  eaux.  La  féconde, 
l'habitude  contractée ,  depuis  que  le  voifmage  de  cette  ravine  a  été  bâti ,  d'y 
jetter  la  plus  grande  partie  des  immondices  de  la  ville  ,  fans  que  les  ordonnances 
de  police  ayent  jamais  pu  remédier  efficacement  à  ce  mal,  dont  il  faut  avoir  vu 
les  effets  pour  les  concevoir. 

On  peut  juger  du  volume  du  remblai  par  le  banc  formé  en  dehors  de  la  bat- 
terie circulaire,  à  l'embouchure  de  la  ravine  j  &  lorfqu'on  fait  qu'en  1782  le 
conduit  qui  mène  l'eau  à  la  fontaine  de  la  rue  du  Confeil  &  qui  traverfe  la  rue 
Royale,  était  élevé  de  plus  de  deux  pieds  au-deffus  de  fon  fond,  tandis  qu'en 
1788  il  eft  abfolument  fous  terre  ,  on  ne  peut  qu'être  étonné  de  cet  exhauffe- 
ment  fi  prompt,  qu'on  le  voit  croître  de  pluficurs  pieds  en  un  petit  nombre 
d'années;  il  était  tel  enfin  en  1788  que  le  lit  de  la  ravine  était  plus  élevé  que 
le  niveau  des  rues,  qui  lui  font  parallèles.  Les  nouveaux  établiffemens  faits  depuis 


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FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  0  M  I  N  G  U  Ê.       ^49 

peu  le  long  de  cetce  ravine,  les  déblais  &  les  remblais  formés  fur  les  terrains 
concédés  par  la  Providence ,  l'écoulement  de  la  ravine  fur  un  terrain  en  quelque 
forte  plat  lorfqu'elle  arrive  dans  la  ville  chargée  de  ce  qu'elle  a  pris  dans  le 
morne  ;  enfuite  fes  fmuofités  qui  lui  laiffent  le  tems  de  former  des  dépôts  , 
tout  la  rend  dangereufe  ,  &  les  ravages-  de  fes  débordemens  vont  toujours  en 
croiflant. 

Autrefois  elle  en  avait  eu  où  l'eau  enfilait  les  rues  du  Confeil  ,  St.-Pierre 
St.-Michel,  la  Providence  &  Bourbon,    c'eft-à-dire ,  l'une  de  ces  rues    ou 
plufîeurs  ,  ou  même  toutes  à  la  fois  ;  mais  pendant  long-tems  cette  eau  retour- 
nait à  la  ravine  par  la  rue  St,-Domingue.  Depuis  elle  a  fuivi  ces  différentes  rues 
jufqu'à  la  mer.  ' 

Le  jeudi  8  Novembre  1781  ,  à  8  heures  précifes  du  foir ,  la  pluie  commença 
avec  la  plus  grande  impetuofité  &  avec  une  telle  force,  qu'en  moins  de  vino-t- 
cinq  minutes ,  la  ravine  déborda  dans  les  rues  du  Confeil ,  St.-Pierre  ,  St.-Mi- 
chel &  de  la  Providence,  &   furtout  dans  cette  dernière  oij    l'eau  entra  dans 
la  plupart  des  maifons  jufqu'à  l'extrémiité  de  la  rue  Sc.-Laurent  vers  la  mer. 
Il  y  avait ,  à  huit  heures  &  demie ,  deux  pieds  Se  demi  d'eau  au  coin  de  la  rue 
Royale  &  de  celle  de  la  Providence.  Il  y  eut  des  m.eubles  emportés  à  la  mer  * 
avec    une    rapidité    incroyable  ;  des  fucres ,  des   ca'es    furent  avariés    dans  les 
magafms ,  le  pavé  fjt  creufé  en  plufieurs  endroits  &  notamment  dans  une  lon- 
gueur de  dix  toifes  de  la  rue  St-Laurent  entre  celles  du  Palais  &  St-Domino-ue. 
On  attribua  cet  événement  à  la   conftruftion  nouvelle  de  deux  maifons   fur  le 
bord  Nord  de  la  rue  St.-Michel ,  au-deffus  de  celle   des  Marm-oufets ,  dans 
.une  partie  de  l'ancien  lit  de  la  ravine,  auquel  on  prétendait  qu'il  n'avait  été 
laiffé  qu'un  lit  trop  étroit  que  fes  eaux  avaient  furmonté. 

Comme  la  préfence  d'un  malheur  infpire  prefque  toujours  l'idée  d'une  pré- 
caution,  M.  Desforges,  ingénieur,  propofa,  le  14  Décembre  fuivant ,  un  plan 
de  détournemenc  de  la  ravine,  à  partir  du  point  où  elle  reçoit  la  ravine  à 
Douet.  De  là  même  ,  la  ravine  était  jettée  fur  fa  rive  gauche  ;  arrivée  à  la  rue 
du  Lion  elle  était  menée  prefque  au  Nord  ,  &  parvenue  vis-à-vis  la  rue  du 
Fort-aux-Dames ,  on  la  conduifait  derrière  le  hangard  à  la  mâture ,  &  elle 
arrivait  à  la  mer  vers  l'extrémité  de  la  rue  St-Alexandre. 

Ce  projet  faifait  parvenir  toutes  les  rues  percées  du  Sud  au  Nord,  depuis  celle 
des  Marmoufets  jvifciu'à  la  rue  du  Gouyernement,  prcfqu'aiiflî  loin  dans  le  Nord 


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5P        DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

que  la  rue  Sc-Alexandre ,  &  h  leur  tour  les  rues  du  Petit.Carenage  ,  depuis 
celle  de  l'Arfenal  jufqu'â  celle  Sc-Alexandre,  fc  feraient  étendues  dans  l'Oueft 
jufqu'au  prolongement  de  la  rue  des  Marmoufets.  On  aurait  formé  une  rue  entre 
celle  du  Confeil  &  celle  de  l'Arfenal ,  en  fuivant  la  dire<5tion  du  lit  afluel  de  la 
ravine  pris  à  fon  embouchure.  Enfin  ce  plan  qui  donnait  cinquante  îlets  de  plus 
à  la  ville  en  la  débarraffant  de  la  ravine ,  lui  procurait  encore  un  magnifique 
boulevard  formé  d'un  rang  d'arbres  plantés  le  long  de  la  ravine  qui  aurait  eu 
6^6  toifts  &:  cent  pieds  de  pente. 

Suivant  M.  Desforges  ,  ce  travail  ne  devait  coûter  que  450,000  livres.  SoÎE 
qu'on  ait  trouvé  des  obftacles  à  fon  exécution ,  foit  que  l'on  fe  fût  refroidi ,  fui- 
vant l'habicude  coloniale  ,  les  chofes  relièrent  dans  leur  premier  état. 

Le  28  Février  1782,  la  ravine  déborda  encore  &  paffa,  à  huit  heures  du 
foir ,  par  les  rues  du  Confeil,  St-Michel  &  la  Providence,  mais  fans  caufer  de 
dommages. 

Ce  ne  fut  pas  la  même  chofe  le  7  Novembre  1787.  Après  une  heure  &  demie 
d'orage  ,  la  ravine  déborda  entre  huit  &  neuf  heures  du  foir  -,  les  eaux  abatti- 
rent le  mur  qui  ferme  l'emplacement  du  côté  Nord  de  la  rue  Traverfière.  Elles 
s'élevèrent  à  huit  pieds,  perdirent  tous  les  meubles,  noyèrent  deux  jeunes 
nègres  de  M'\  Beffière  ,  propriétaire  de  la  maifon  conftruite  fur  cet  emplace- 
ment, &  lui  firent  courir  des  rifques  à  elle  même.  Il  y  eut  quatre  pieds  de  iablc 
^c  de  pierres  dans  la  maifon,  une  voiture  fut  emportée  &  brifée,  &  les  che- 
vaux, placés  dans  l'écurie,  ne  fe  fauvèrent  qu'en  en  brifant  les  porces.  Un 
chirurgien  fut  entraîné  jufques  vers  la  mer  j  les  cadavres  du  cimetière  delà 
Providence  furent  exhumés  &  emportés  ;  les  denrées  &  les  approvifionnemens 
furent  avaries  dans  des  magafins  où  l'eau  s'éleva  jufqu'â  4  pieds.  Il  fallut  dès  le 
lendemain  matin  déblayer  la  ravine,  &  l'on  y  employa  150  hommes  du  régi- 
ment du^Cap ,  50  de  l'artillerie  &  tous  les  nègres  de  la  chaîne  publique. 

Les  réparations  n'étant  que  provifoires ,  on  fentit  enfin  qu'il  fallait  s'occuper 
férieufement  de  garantir  le  Cap  de  pareils  événemens  ,  &  M.  de  Rallier  fit,  le 
Il  Juin  1738  ,  un  plan  vifé  le  17  par  le  Direfteur  général  des  fortifications  '  & 
approuve  le  20  par  le  comité  d'adminiftration.  Les  propriétaires  des  maifons 
intereffe-s  au.  travaux  de  la  ravine  ,  s'aOemblèrent  le  19  Avril,  &  nommèrent 
deux  u'entr'eux  pour  commiffaires. 

Enfin  a,r.sLous  les  examens,  &  toutes  les  difcuffions,  les  Adminiftrateurs 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      551 
•nt  rendu  le  20  Mai  1789  ,  une  ordonnance  ,  portant  que  la  ravine  fei-a  redreffé 
de  la  rue  de  l'Ours  à  celle  du  morne  d^^s  Capucins  ,  &  fon  nouveau  lit,  fouillé  aux 
frais  de  l'État,  a  quinze  pieds  de  profondeur.  L'écore  intérieur,  du  côté  de  la 
ville  ,  eft  revêtu  d'un  mur  qui  s'élève  de  fept  pieds  au-deffus  du  bord,  dont  l'État 
paye  un  tiers  &  les  deux  autres  tiers  font  fupportés  par  les  propriétaires  du  local  & 
ceux  des  maifons  &  emplacemens  de  l'ancien  lit.  Entre  ce  mur  &  la  ville  eft  une 
rue  de  dix-huit  pieds  de  large,  qui  va  de  celle  de  l'Ours  à  celle   du  morne  des 
Capucins.   L'entretien  du  mur  de  revêtement  eft  à  la  charge  des  propriétaires 
des  emplacemens  adjacens  ,   chacun  au-devant  de  fon  terrain  ,  ce  qui  doit  avoir 
lieu  pour  le  mur  de  revêtement  que  les   propriétaires  au  Nord  pourraient  vou- 
loir faire  de  ce  côté.   Quant   à  l'entretien  du   lit  de  la  ravine ,   à  la  largeur 
&  à  la  profondeur ,  qu'on  a  trouvé  à  propos  de  lui   donner,  les   riverains  des 
deux  côtés  en  lupportent  les   deux  tiers,    &    l'autre    tiers  eft    aux    frais  des 
propriétaires  des    maifons  fituées   entre  la  ravine   &  les   rues  Saint-Michel   & 
Saint- Jean.  En  foignant  cet   entretien  ,  l'on  n'aura  plus  rien  à  craindre  de  la 
ravine,   &J'on  aura  l'obligation   de  cette  iécurité  à   M.    de  Rallier,  dont  le 
plan   a  un   peu  augmenté  l'étendue  de  la  ville. 

C'eft   encore  à  iui  qu'on   doit  d'autres  déterminations  de  cette  ordonnance 
Jufqu'en    1773  ,    les   rues     abcutiflant  a  la  ravine    y  avaient  un  libre   accès  ] 
mais  au  mois  de  Janvier  1774,    M.   Doré,   doyen  des    notaires,  propriétaire 
de  terrains  au  Nord  de  la  ravine ,  en  face  de  la  rue    Saint  -  Domingue  ,   de- 
manda aux  Adminiftrateurs  &  obtint  d'eux  ,   le  12  du  même  mois  ,   la  permiffion 
de  faire   un  pont  fur  la  ravine,   &   de  ie  fermer  par  une  porte,  fur    la   rue 
Saint-Domingne.   MM.   Abel    &   Leclerc  ,  propriétaires  des  deux   maifons  qui 
faifaient  les  angles   Nord-Oueft  &  Nord-Eft  de  la  rue  Vaudreuil  &  du  Confeil  , 
enchérirent  fur  cet  exemple  ,  &  firent  faire  un  portail  entr'eux  deux,  &  fer- 
mèrent  par   une  grande   porte,  le   bout   de   la  rue    Vaudreuil.    Peu  après   les 
propriétaires  du  haut  de   la   rue  du   Confeil  &  de  la  partie  adjacente  de  la  rue 
Royale ,   demanoèrent  à  placer  un  portail   &  une   perte  à  l'extrémité  de  la  rue 
Royale    &  fur  le  côté    Nord  de  celle  du  Confeil  :  ks  Adminiftrateurs  les  y 
autorisèrent  le  6  Décembre    1774.    Voilà  trois   iffues  de   la   ravine  fermées  , 
quoiqu'en  réalité  cette  dernière  l'ait  toujours  été  fort  mal ,  parce  qu'elle  eft  le 
paffage  pour  aller  à  la  vigie ,   à  l'habitation  des  Religieufes  &  à  la  prife  d'eau 
d'Efpaignc,  &  fous  divers  prétextes ,  on  la  laiirait  prcfque  toujours  ouverte 


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552      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

pendant  le  jour.  En  imitation  de  ces  clôtures ,  on  ferma  d'un  mur  l'extrémité 
de  la  rue  du  Palais  à  toucher  la  ravine ,  & .  l'on  mit  des  ponts  au  bout  des 
rues  Saint-Domingue  &  de  Penthièvre  ,  aufli  fur  la  ravine  ,  &  on  les  ferma 
d'une  porte.  Loriqu'en  1778,  M.  de  Vaivre,  intendant,  vint  habiter  le  Cap, 
on  ferma  auffi  d'un  mur ,  avec  une  porte,  l'extrémité  de  la  rue  du  morne  des 
Capucins ,  au   bout  de  la  rue  du,  Confeil, 

Rien  n'était  fi  lingulier  que  la  colère  de  tous  ceux  qui  n'habitaient  pas  près 
de  la  ravine,  de  ce  qu'on  en  avait  interdit  l'accès  aux  immondices  ,  tandis  que 
ceux  qui  étaient  dans  fon  yoifniage  en  avaient  une  bien  plus  fondée ,  de  ce 
qu'il  reftait  encore  des  iffues  par  lefquelles  on  y  pénétrait.  A  la  vérité,  dans 
certains  jours ,  &  furtout  dans  les  tems  pluvieux ,  il  était  difficile  de  réfifter 
aux  exalaifons  que  les  matières  ftercorales  répandaient  dans  toute  la  longueur 
de  h  ravine  ,  qui  était  réellem.ent  une  des  latrines  publiques  du  Cap.  Quelquefois 
mê.ue  il  y  avait  des  rixes  entre  les  porteurs  d'immondices  &  les  habitans  du 
voifinage  de  la  ravine.  Le  Confeil  Supérieur ,  les  Adminiflrateurs ,  fe  querel- 
laient fur   cette  dégoûtante  compétence. 

Enfin  l'ordonnance  citée,  du  20  Mai  1789,  a  ordonné  la  conftruftion  de 
cinq  ponts  de  maçonnerie  fur  la  ravine  ,  aux  points  où  les  rues  du  Gouver- 
nement ,  du  Palais,  du  morne  des  Capucins,  de  Vaudreuil  &  Royale  y  aboutiffent, 
le  premier  aux  frais  de  l'État,  qui  l'entretiendra,  &  les  quatre  autres  à  ceuj 
de  M.  Abel.  Quant  à  leur  entretien  ,  il  eft  obligatoire  pour  les  propriétaires 
des  maifons  &  des  terrains  contigus ,  avec  cette  différence ,  cependant,  que 
ceux  fitués  au  Nord  de  k  ville,  payeront  les  deux  tiers  de  cet  entretien.  Chaque 
pont  doit  avoir  la  largeur  de  la  rue  &  un  mur  en  garde-fou.  de  fept  pieds, 
pour  em|êcher  que  la  ravine  ne  foit  encore  le  réceptacle  des  ordures.  Ce' 
projet  exécuté,  la  ravine  aura  huit  ponts;  celui  de  l'Arfenàl,  les  cinq  que  je 
viens  de  nommer  ,  celui  de  la  rue  Penthièvre  &  celui  de  la  rue  Saint-Dominc^ue  . 
Le  Cap  aura  une  grande  caufe  d'infeélion  de  moins,  &  l'on  ne  '  fera  plus 
expofé  aux  dommages  que  la  ravine  ne   caufait  que  trop  fouvent. 

C 'eft  à  environ  80  toifes  dans  le  Nord  de  cette  ravine,  &  prefqu'en  face 
de  la  rue  du  Lion  ,  qu'eft  la  prife  d'eau  d'Efpaigne  ,  ainfi  nommée  du  proprié- 
taire du  terrain  ,  qui  a  les  bâtimens  de  fa  petite  habitation  prefqu'en  face  &  à 
25  toifes  de  la  rae  Royale, .  Cette  proximité  avait  n.ême  fait  prétendre  que 
la  maifon  était  celle  d'un  citadin,  mais  le  contraire  fut  jugé,  par  arrêt  du- 
Cojîfeil   du  Cap  du   21   Octobre   1777.  Qu'il 


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FRANÇAISE    DE    SAINT  =  DOMINGUE.      553 

Qu'il  me  foit  permis  de  m'arrêter  un  inftant ,  pour  payer  un  jufte  tribut 
Si  la  mémoire  de  M.  d'Efpaigne  ,  qui ,  borné  dans  fa  fortune  ,  &  chargé  d'une 
nombreufe  famille ,  prefque  toute  compofée  d'enfans  jumeaux ,  a  fu ,  aidé  par 
fon  époufe ,  leur  donner  une  éducation  utile  &  agréable ,  &  offrir  aiiiu  un 
modèle  aux  parens,  qui  voudront  mettre  leur  plaifir  &  leur  bonheur  à  former 
d'eftimables  citoyens  dans  les  deux  fexes. 

Après  avoir  paffé    l'habitation    d'Efpaigne  ,  en  venant  à  l'Eft  ,  il  y  a  un 
grand  terrain  ,  prefque  plat  j  qui  appartient  à  M.  Abel.    Il  en  a  mis  une  portion 
en   potager  &  en  verger ,  &  c'eft  l'objet  d'un  grand  profit ,  auffi  à  portée   de 
la  ville ,  d'autant  que  les   fruits  y  font  excellens.   On  y  cultive  auffi  des  fleurs 
On  y  3  vu  un  fuperbe    datier.   Le  refte  eft  planté  en  petit  mil  pour  fourrage' 
ainfi   que  la  portion  où  le  morne  n'eft  encore  qu'un  côtea-j.    C'eft  fur  le  terrain 
de  M  .  Abel ,   Se  en   face  de  l'extrémité  de  la  rue  du  morne  des  Capucins , 
qu'était  un  petit   lieu  de  plaifance  ,     formé  dés   le  commencement  du  fiècle 
&   qui  a  fubfifté   long-temis  fous  le   nom  de  la    Guinguette.    On  y  volt    même 
encore  un   bout   d'allée  qui  ombrageait  ce  lieu  champêtre.   L'ordonnance   du 
20  Mai  1789,  permet  à  M.    Abel  de  divifer  fon  terrain    en  emplacemens , 
en  y   fuivant  la  direélion  des  rues. 

Entre  les  rues    du  Palais  &    Saint-Domingue,     font  les   établiffemens  de 
M.   Solh,   un   des  fept   particuliers    auxquels    appartiennent  les   foixante  -  dix - 
neuf  cabrouets  qui  font  les  tranfports  dans  la  ville   du  Cap.    C'eft  encore  un 
motif  de  louer  le  père  Boucin  ,    à  qui   les  premiers  cabrouets  font  dûs.   Aiîligé 
de   ce  que   dans  un   climat  auîTi  chaud,     les  matelots  étaient  obligés  de    faire 
eux-mêmes  les    charrois   du  rivage   au  magafin  ,   &    du     magafm    au    rivao-e 
il  imagina  de  faire   faire    des  cabrouets  ,   &  cette   idée  eût  bientôt  des   ia.ita- 
teurs,  parce  qu'elle  eft  lucrative.  Ces  cabrouets  ,   qui  ne  font  que  des  charrettes 
à  deux  roues  ,   aflez  courtes  pour    qu'elles    tournent  facilement  dans  des  rues 
de  vingt-quatre  pieds  ,  font  attelés  d'un   mulet  &  conduits  p.ir  deux    nègres. 
On   les    charge  au  moyen  d'un  rourniquet  ;  ils    portent    deux   milliers.    On 
donne   trente  fous  par  courfç,  de  la  mer  à  la  rue  Royale  ,   &  une   demi-gourde 
û  ç'eft  au-delTus,  Pris  pour  la  journée   ils,  coûtent  quatre  gourdes  ,  du    iokii 
levant   au  foleil  couchant ,  excepté   depuis  midi  jufqu'à  deux  heures  ,  que  les 
nègres  &  les  animaux  prennent  du  repos.  Un  cabrouetà  mulets  coûte  feul  70c  l 
A:piès  M.  Soih  eft  ua  grand  corpsi  de  bâdu.efiç  aligné  à-peu-piès  dans  f<,a 
Toma  I,  "    ■  A  a  a  a 


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554      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

bout  Oueft,  fur  le  côté  Oriental  de  la  rue  Penthièvre.  C'eil  là  que  la  pre- 
îTiière  loge  de  Fianc-Maçons ,  forrr.ée  au  Cap  vers  1748  ,  s'eft  affemblée  pendant 
îrente-ciaq  ans.  C'efi  principalement  aux  Colonies  ^  que  les  motifs  pour  fe 
réunir  font  piécieuxj  &t  quant  ils  font  de  nature  à  ramener  les  hommes  à  des 
fentimens  fraternels,  d'oij  naiiTent  quelquefois  des  ades  de  bienfaifance  ,  ils 
doivent  être  accueillis.  Je  ne  puis  me  rappeler  ,  fans  en  être  touché ,  du  tableau 
-qu'offrait  cette  loge  en  1778  ,  lorfoue  des  officiers  anglais  y  étaient  traités 
en  frères,    tandis   que   la   politique   les  avait   rendus   prifonniers  de   guerre. 

Les  Franc-Maçons  ,  qui  n'auraient  pas  voulu  qu'on  les  crût  infenfibles  aux 
charmes  du  beau  fexe  >  ont  contribué  aux  frais  d'une  brillante  fête,  qui  fut 
donnée  dans   ce   local,    le    i".    Février  1780. 

Cette  loge  ,  qui  porte  le  nom  de  Saint-Jean-de-Jérufalem  Écoflaife ,  &  que 
j'ai  dirigée  pendant  quatre  ans,  a  fufpendu  fes  travaux  depuis  plufieurs  années, 
&  dépofé  fes  archives   parmi   celles  de   la  loge  de  la   Vérité. 

Au  Nord  précifément  de  la  Loge  &  fur  la  ci-me  d'un  coteau,  qui  eft  même 
efcarpé  au  Sud-Eib,  font  plufieurs  petites  maifons  dont  le  fite  eft  agréable, 
parce  que  ce  point  domine  la  ville  &  reçoit  l'impreffion  des  brifes.  C'eftdana 
un  de  CCS  petits  pavillons,  où  l'on  va  par  la  rue  Saint-Domingue,  que 
M.  deFleurieu  &  le  père  Pingre  firent  leurs  obfervations  aftronomiques  en  1769, 
&  où  MM.  de  Verdun  ,  Borda  &  Pingre,  en  firent  encore  en  1772.  A  environ 
50  toifes  dans  le  Nord-Nord-Eft  de  ces  pavillons  ,  &  dans  un  enfoncement,  eft  la 
Poudrière  ,  qui  a  toujours  été  à  cette  place  depuis  qu'il  y  en  a  une  au  Cap;  on 
fe  rappelé  qu'elle  a  donné  fon  nom  ,  en  1750,  à  l'une  des  rues  du  Petit- Carena«ye., 


Chemin   au    Fort    Picclet, 

A  rextrémitê  de  ce  faubourg  eft  une  petite  langue  de  terre  qui  finit  à 
800  toifes  au  Fort  Picolet.  La  maifon  qui  termine  le  Petit  -  Carénage  &  la 
ville  ,  à  marn  gauche  ,  eft  nommée  la  Guinguette,  parce  qu'elle  eft  depuis  long- 
tems  occupée  par  un  traiteur,  chez  lequel  on  va  faire  des  parties  d'amufemenr. 
Cette  maifon,  placée  fur  le  bord  de  la  montagne  &  à  laquelle  on  arrive  par  plu- 
fieurs  terraffes  &  des  efcaliers  qui  font  coupés  dans  le  morne  même,  en  montant 
dans  le  fcns  du  Sud  vers  le  Nord ,  frappe  par  fa  fituation,  Lorfc^u'on  la  quitte  & 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE       555 

que  par  conféquent  on  franchit  la  limite  de  la  viiie ,  on  approche  tout  près  & 
fur  la  gauche  du  chemin  j  de  l'habitation  Bailly  ,  dont  l'afped  cil  fort  gai.  Elle 
eft  placée  fur  un  repos  que  forme  le  morne  dans  cette  partie.  On  y  parvient  par 
des  rampes  &  des  efcaliersde  maçonnerie,  qui  régnent  fymétriquement  de  chaque 
côté  ,  8c  qu'enjolivent  diverfes  plantes  &  de  petites  llatues,  qui  rendent  tout  cet 
enfemWe  vraiment  pittorefque.  Cette  habitation  eft  une  manufadure  à  chaux.  La 
maifon  principale  eft  jolie  ,  commode  8c  agréable,  8c  une  bonne  longue-vue  y 
multiplie  les  jouiffances. 

Cette  habitation  pafîee ,  le  chemin  monte  en  faifant  un  crochet  vers  l'Eft,  & 
revient  auflltôt  dans  l'Oueft.  Il  contourne  ainfi  une  batterie  de  mortiers,  qui  eft. 
à  100  toifes,  en  ligne  droite, de  la  limite  de  la  ville  &  aptes  laquelle  eft  un  arbre 
qui  a  fait  prendre  à  ce  point  Se  à  la  batterie ,  le  nom  de  Gris  -  Gris.  Le  chemin 
reprend  fa  direftion  au  Nord  ,  côtoyant  toujours  le  morne  &  delcendant  un  peu 
dans  cet  endroit.  On  va  laifTant  deux  ou  trois  petites maifons  8c  un  four  à  chaux  à 
main  droite  ,  8c  l'on  fe  trouve  dominer  le  Fort  -  aux  -  Dames  ,  qui  eft  à  60  toifes 
flans  le  Nord  de  la  pointe  du-  Gris  -  Gris  ,  par  laquelle  l'élévation  où  eft  la  bat- 
terie du  même  nom  ,  eft  terminée  vers  la  mer.  A  environ  200  toifes  du  Fort- 
aux-Dames,  on  apperçoit  de  la  même  manière  le  Fort  Saint-^Jofeph.  A- peu-près 
a  égale  diftance  de  l'un  &  de  l'autre  ,  &  du  même  côté  eft  une  autre  maifon  8c 
encore  un  four  à  chaux  ;  &  enfin  à  400  toifes  du  Fort  Saint-Jofeph ,  eft  celui 
de  Picolet,  qui  termine  le  chemin  par  fon  pont-levis. 

,  Le  chemin  de  Picolet  qui  ,  depuis  le  Petit-Carenage  ,  eft  varié,  par  ce  qu'il 
fe  trouve  tantôt  dans  de  petits  points  boiies  &  fur  un  terrain  qui  oft^re  des  inéo-a- 
lités,  &  tantôt  dans  le  fens  d'une  plage',  fur  laquelle  on  voit  briièr  la  mer  prefou'à 
les  pieds ,  formerait  une  promenade  aflez  agiéable  &  propre  à  procurer  des 
fenfations  de  plufieurs  genres,  fi  elle  n'était  pas  fouvent  mal- faine  pour  les  habi- 
tans  de  la  ville.  Placé  fur  le  bord  de  la  côte  S:  le  long  du  morne ,  le  vent  y  frappé 
avec  force  ,  &  îorfque  les  brifes  font  violentes ,  leur  aftion  eft  capable  de  réper- 
cuter la  tranfpiration ,  que  l'air  chaud  de  la  ville  a  rendu  abondante.  On  a  obfervç 
que  des  perfonnes  qui  choififfaient  ce  lieu  pour  venir  s'y  délaffer,  ainfi  que  celles 
qui  venaient  s'aiïeoir  au  Gris-Gris,  étaient  fujettes  aux  rhumes  Se  à  des  incom- 
modités du  même  genre.  C'eft  fans  doute  la  même  caufe  qui  agit  fur  les  habitans 
de  la  Partie  Septentrionale  du  Petit-Carenage  qui ,  prefque  tous  ouvriers ,  ont 
plus  à  redouter  les  fuppreffions,   Leur  tejnt  eft  hvide  j  les  femmes  y  ont  auffi  une 

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555^      DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

carnation  terne  &  les  enfans  y  ont  prefque  tous  des  obftruélions.  D'ailleurs  cette 
partie  eîl  privée  d'eau,  8c  celle  que  des  puics  hii  procurent,  doit  être  un  ncu- 
veau  principe  de  mauvaiie  fanté.  C'eft  â  Picolet  que  fe  termine  ce  qu'of> 
|>eut  appeler  ks  environs  du  Cap ,  du  côté  Nord,   Je  pafle  au  côté  Sud^ 


a^gx@^^^S>^X®-^>^>^^<^x®>,S>!»~ 


LaFoJjette. 

L  E  grand  chemin  qui  fait  fortir  de  la  Partie  Méridionale  de  îa  viîk  ,  eft 
aligné  fur  la  rje  ETpagnole.  Dès  qu'on  quitte  cette  dernière,  on  a,  à  ia  droite, 
l'enfoncement  sppelé  la  Foffette ,  à  caiife  de  fa  configuration ,  &  à  gauche  une 
promenade  appelée  le   Cours   Viileverd. 

La  FolTiiCte  forme  une  petite  habitation  que  la  Compagnie  des  Indes  acheta,  lorf- 
qu'au  mois  de  Septembre  1720,  elle  obtint  le  privilège  exclufif  du  commerce 
de  la  côte  de  Guinée  ,  &  de  la  fourniture  des  nègres  à  Saint-Domingue  ,  en  les 
tirant  de  l'étranger.  Elle  y  avait  fait  conftruire  des  magafins  ,  dont  l'incendie 
fignala  la  révolte  de  la  Colonie  contre  les  privilèges  de  cette  Compagnie  en 
1723.  Ce  fut  même  en  haine  d'elle  ,  qu'on  ne  voulut  plus  appeler  ce  lieu  dit 
nom  de  l'Afrique  ,  que  les  agens  de  cette  Compagnie  lui  avaient  donné,  & 
que  l'on  reprit  celui  de   la  Foffette  qu'il  avait  auparavant. 

En  1759 ,  la  Compagnie  vendit  une  petite  portion  de  ce  terrain  pour  le  cime- 
tière de  la  ville  qui  a  auffi  confervé  ,  comme  on  l'a  vu ,  le   nom  de  la  Foffette. 
En  1763,  la  Compagnie  annonça  la  vente  de  cette  habitation.   M.  de  Clugny, 
alors  intendant  ,   s'empreffa  d'éerire  au  Miniftre  que  ce  terrain  était  indifpenfa- 
blement  néceffaire  au  fervice  public ,  foit  pour  y  former  un  arfenal ,  foit  pour  y 
camper  des  troupes  en  tems  de  guerre ,   ou  pour  y  conftruire  des  hôpitaux ,  foit 
pour  avoir  toujours  à  proximité  de  la  ville  ,  un  lieu  propre  à  nourrir  les  chevaux 
d'une  troupe  de  cavalerie  ou  d'une  compagnie  de  maréchauffée ,  foit  enfin  pour 
y  raflèmbler  un  certain  nombre  de  beftiaux  pour  la  fubfiftance  des  troupes.  Ce 
local  qui  a  un  peu  plus  de  57  carreaux  ,  prefque  tous  en  plaine ,  était  alors  cultivé 
par  34  nègres  que  M.  de  Clugny  annonçait  comrne  devant  être  très-utiles  aux 
travaux  des  magafins  &  des  hôpitaux,  ce   qui   économiferait  la  dépenfe  très- 
coûteufe  des  journaliers.   Soixante-dix  ou  80,000  livres  devaient  fuffire  à  l'acqui- 
fition.  Sa  lettre ,  écrite  le  19  Décembre,  1763  ne  produifit  aucun  eget,  &  la 
Foffete  fut  achetée  par  M.  Ducaffe  en  1766, 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      55^ 

Ce  que  M.  de  Clugny  avait  dit  s'eft  vérifié  en  grande  partie.  Lorfque  des 
efcadrons  des  régimens  de  dragons  de  Condé  Se  de  Belzunce  arrivèrent  au  Cap, 
il  fallut  faire  conftruire  à  la  Foffette  une  écurie  pour  leurs  chevaux.  Lorfqu'on 
concerta,  en  178 1,  des  opérations  militaires  qui  annonçaient  des  entreprifes  fur 
des  îles  ennemies ,  on  crut  devoir  préparer  des  hôpitaux ,  on  les  plaça  dans  la 
favane  de  la  Foffette,  Il  a  fallu  payer  toutes  ces  jouiffances  &  les  dépenfes  qu'on 
a  faites  pour  y  conduire  l'eau  qui  devait  être  néceffaire  aux  hôpitaux  ;  à  coup  sûr , 
l'achat  qu'on  aurait  fait  en  1764  ,  aurait  été  une  économie.  Cet  achat  n'a  cepen- 
dant eu  lieu  qu'en  1788,  pour  une  fomme  de  240,000  livres. 

L'enfoncement  appelé  la  Foffette,  peut  avoir  environ  300  toifes  de  l'Eil  â 
i'Oueft ,  depuis  la  haie  qui  borde  le  chemin  jufqu'au  morne  ,  fur  une  largeur 
inégale  qui  va  en  fe  rétréciffant  &  qui  peut  être  évaluée  à  150  toifes  de  largeur 
moyenne.  On  y  cultive  quelques  vivres  &:  du  petit  mil  pour  fourrage.  Le  morne 
le  borde  furies  trois  faces ,  Nord,  Oueft  &  Sud.  C'eftà  150  toifes  du  chemin, 
que  font  les  bâdmens  de  l'habitation  ,  &  c'eft  entre  eux  &  le  chemin  qu'on  avait 
fait  les  conftruftions  deftinées  à  fervir  d'hôpital. 

Elles  confiftaient  en  huit  corps  de  logis  de  bois  à  rez  de  chauffée  ,  de  100  pieds 
de  long  chacun  ,  formant  deux  rangs  de  chaque  côté  &  de  i'Eft  à  I'Oueft.  On  les 
voit  encore  fur  le  plan  du  Cap.  De  ces  huit  bâdmens ,  il  n'y  en  a  plus  que  fix  , 
favoir  :  les  quatre  du  côté  Nord  Se  deux  feulement  au  Sud,  Les  deux  autres  ont 
été  tranfportés  ailleurs  ;  c'en  eiî  un  qu'on  a  mis  au  bout  de  la  rue  Saint-Alexandre 
au  Petit-Carenage.  Une  fontaine  était  projetée  au  milieu  des  huit  maifons. 

Les  inconvéniens  qui  réfultent  de  la  vente  des  nègres  africains  à  bord  des 
Vaifîèaux  qui  les  ont  tranfportés,  étant  très-multipliés ,  je  dreffai ,  en  1783,  un 
mémoire  qui  fut  figné  d'un  grand  nombre  d'habitans  des  paroiffes  de  la  dépendance 
du  Cap  &  qui  indiquait  les  bâtimens  élevés  à  la  Foffette  ,  comme  un  ^bafar 
commode  Se  propre  à  fauver  les  nègres  de  plufieurs  maux  tous  affligeans  pour 
l'humanité.  Les  Adminiftrateurs  n'osèrent  pas  adopter  cette  mefure  dont  la 
j-uftice  les  frappait;  mon  mémoire  fut  envoyé  au  miniftre.  Les  Chambres  de 
Commerce  en  furent  averties  &  leurs  follicitations  ou  la  marche  craintive  du 
gouvernement  qui  n'a  pas  su  être  ferme  à  propos ,  le  rendirent  inutile. 

Cependant  cette  femence  avait  germé  &  les  mêmes  Adminiftrateurs  profitèrent 
d'une  occafion  favorable  pour  tenter  une  partie  de  ce  que  j'avais  efpéré.  Le  24 
Mai  1784,  au  moment  de  l'imprelfion  récente  de  la  vifite  de  fept  magaiins 


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55S       D  E  s  C  R  I  P  T  I  O  N     D  E     L  A    P  A  R  T  I  E 

négriers ,  ils  défendirent  de  dépofer  en  ville  des  règres  nouveaux  ,  &  autorisèrent 
a  les  placer  dans  les  bâtimens  conflruits  à  h  Foffette,  à  la  charge  de  remettre  au 
tréfor  24  livres  par  chaque  tête  de  nègre  ,  après  la  vente  faite.  Mais  les  capitaine:* 
prétendirent  que  cette  difpofition  était  peu  commode  ;  que  les  nègres  malades 
ny  trouvaient  pas  de  foins  ,  &  quant  à  ceux  en  fanté  ,  ils  craignirent  d'être 
obligés  de  les  vendre  à  terre.  Cette  ordonnance  eft  doac  demeurée  fans  efFet 
fur  ce  point  ;  mais  elle  a  produit,  du  moins  ,  l'établiflement  de  l'hôpital  de  M. 
Durand  dont  j'ai  parlé. 

A  environ  140  toifes  de  la  rue  Efpagnole  eft  un  très-petit  tertre  furie  milieu 
duquel  &  au  bord  du  chemin  du  côté  de  la  Foffette  ,  eft  une  croix.  C'eft  à  côté 
de^cette  croix  que  coule  l'eau  amenée  du  morne  en  1782,  qui  eft  une  des 
meilleures  du  Cap  h  qui  fournit  à  préfent  la  fontaine  de  la  place  Royale  fi  utile  à 
toute  cette  parcie  de  la  ville. 

La  Foffette  a  une   très-finiftre  réputation  j   c'eft  le  lieu  où  un   préjugé  auffi 
cruel  qu'infenfé  ,  amène   tous  ceux  qui  veulent  y  venger  des   injures   réelles  ou 
imaginaires.  La  folitude  de  ce  lieu  où  de  petites  finuofités  montueufes  mettent  à 
i'abn  de  tous   les  yeux  ^    la  facilité  de  s'y  rendre  de  la  ville  ,  même  fous  le  pré- 
texte de  la  promenade,   le  voifinage  de  l'hôpital  ,    tout  lui  a  mérité  cette  funefte 
prerérence.   Il  n'eft  pas  d'année  que  cette  terre  ne  foit  arrofée  de  fang  humain,   & 
en   tems  de  guerre  où  les  troupes  font  nombpeufes  ,   elle  eft  continuellement 
enfanglantée.  Il  femble  que  le  climat  ne  foit  pas  affez  fatal,  &  qu'on  ait  befoin  de 
féconder  fes  influences. 
^  Les  nègres  forment  auffi  dans  la  favane  de  la  Foffette  leurs  danfes ,  le  foir  des 
dimanches    &  des   fêtes  ;   de   manière  que  c'eft   un   théâtre   de   fureur  &  de 
plaifir. 

C'eft  dans  cette  favane  que  l'on  fait  manœuvrer  les  troupes,  furtout  pour  les 
exercices  à  feu. 

Encore  en  1780,  le  terrain  qui  eft  à  la  gauche  du  chemin  que  borde  d'un 
çôte^  la  haie  vive  de  l'habitation  de  la  Foffette  ,  était  un  cloaque  ,  un  vrai 
rr.arécage,  où  pénétrait  l'eau  de  la  mer  &  celle  de  la  rivière  du  Haut  du 
Cap ,  où  deux  ravines  qui  coulent  dans  la  longueur  de  la  favane  de  la  Foffette 
pendant  les  pluies,  venaient  auffi  mêler  leurs  eaux.  C'était  furtout  à  200  toifes 
de  la  ville  que  ce  marais,  à  caufe  d'un  détour  de  la  rivière,  venait  forcer  le 
chemin  à  entrer  dans  l'Oueft  pour  côtoyer  enfuite   une  langue  de  terre  très- 


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FRANC  Aï  SE   DE   S  A  I  N  T-  D  O  M  î  N  G  U  E.         559 

étroite ,  puis  le  côté  Nord  &  le  côté  Eft  d'une  petite  pointe  de  montagne , 
dont  l'extrémité  eft  plus  Orientale  que  la  rue  Royale.  A  l'infetftion  de  ces 
eaux  croupiffantes ,  fe  mêlait  celle  des  immondices  de  la  ville  ,  que  tranfportent 
ks  tombereaux  employés  à  fon  nettoyement ,  celle  des  dépouilles  des  animaux 
tués  à  la  boucherie  ,  placée  au  bord  de  k  rivière  en  1778  ,  &  celle  des 
animaux  morts ,  qu'on  ne  prenait  pas  toujours  la  peine  d'enterrer  ;  de  forte  que 
le  pafîage  de  ce  lieu  était  infupportable ,  &  que  la  brife  du  foir  &  les  vents 
de  la  Partie  du  Sud  en  portaient  toutes  les  émanations  fur  la  ville.  Le  chemin 
qui  faifait  diifcrens  tours  pour  avoir  un  fol  moins  aquatique,  était  facilement 
gâté  ,  &  durant  les  pluies  il  devenait  un  bourbier  prefqu'impraticable.  En  un 
mot ,  jamais  ville  n'eut  un  abord  plus  repouITant,  furtout  lorfque  la  décoration' 
de  la  porte  du  cimetière  ajoutait  encore  à  fon  imprefllon. 

M.  DucafTe  qui  avait  acheté  l'habitation  de  la  Foffette  ,  demanda  au  miniftre 
la  concenion  de  tout  l'efpace  entre  cette  habitation  &  la  rivière  ,  formant  ce 
qu'on  appelle  aux  Mes  les  cinquante  pas  du  roi  (*)  ;  mais  les  Adminifcratêurs 
confukés  par  le  miniftre  ,  dirent  que  ces  cinquante  pas  contenaient  des  parcs 
indifpenfables  au  fermier  des  boucheries  &  fervaicnt  à  la 'pâture  des  animaux 
deux  ou  trois  jours  avant  leur  tuerie;  qu'en  outre  le  rivage  de  ce  terrain  fur  la 
rivière  était  le  carénage  de  petits  bateaux  ou  barques  de  pêcheurs. 

M.  Bourbier  avait  été  plus  heureux,  puifque  dès  le  17  Avril  1764  les 
Adminiftrateurs  lui  avaient  accordé  cette  conceffion  des  50  pas  ,  dont  l'avis  des 
Adminiftrateurs  en  1768  prouve  qu'il  n'avait  fait  aucun  ufage.  On  eut  cepen- 
dant l'étrange  idée  de  placer  dans  ce  lieu  les  Providences  ,  h  ce  fut  dans  cet 
efprit  qu'on  leur  concéda,  le  8  Novembre  1771  ,  les  cinquante  pas  du  roi, 
bornés  au  Nord  des  fofles  de  la  ville  (  le  fofîe  qui  était  au-devant  de  l'ancien 
front  de  fortifications  ) ,  au  Sud  des  Religieux  de  la  Charité  ,  à  i'Eft  de  la 
rivière  ,  &  à  l'Oueft  des  terrains  Ducafîè  ,  mais  à  la  charge  d'ouvrir  un  grand 
chemin  en  fuivant  la  rue  Royale  ,  &  de  le  planter  d'arbres  des  deux  côtés. 
Cette  conceffion  répétait  les  mots  de  celle  de  M.  Sourbier,  qui  avait  fait  don 
de  fes  droits  aux  Providences  le   24  O^obre  précédent..  Une  ordonnance   des 


(*)  C'eft-à-dire  un  intervalle  de  175  pieds,  mefurés  à  partir  da  point  jufqu'auquel  monte 
la  plus  haute  marée  ,  &  qui  eft  réfervé  ,  hors  des  villes  &  bourgs ,  dans  toutes  les  Antilles  francaifes^ 
pour  l'utilité  publique. 


4 


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360      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

Adminiftrateurs  ,  du  5  Novembre  ,  prefcrivait  rriêmc  la  tranfladon  des  Provi- 
dences,  mais  ce  pro_jet  que  je  ne  puis  m'empêcher  d'appeler  infenfé ,  fut  auffi- 
tôt  abandonné  que  conçu. 

Ce  que  je  ne  devine  pas  ,  ce  font  les  motifs  qui  ont  fait  obtenir  à  M. 
DucafTe,  le  9  Octobre  1777,  contre  les  Providences,  la  réunion  de  la  conceffion 
par  un  jugement  du  tribunal  Terrier  ,  qui  porte  ,  fauf  aux  Adminiftrateurs  à 
accorder  la  conceffion  de  ce  terrain  à  qui  ils  trouveront  convenir.  Le  cloaque 
&  l'infeftion  exiftdent  encore  ,  lorfque  MM.  de  Reynaud  &  le  Brafifeur ,  frappéi 
de  l'horreur  de  ce  fpcdacle  ,  formèrent  le  projet  de  le  faire  difparaître. 


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Cours  Villeverd. 

Depuis  le  mois  de  Juillet  jufqu'à  celui  de  Novembre  1780,  l'on  s'occupa 
de  relever  le  phn  du  terrain  &  de  faire  divers  projets  qui  furent  enfin  arrêtés. 
Par  ordonnance  du  i".  Décembre ,  MM.  de  Reynaud  &  le  BralTeur  accordèrent 
à  M.  Artcau  ,  entrepreneur  du  roi ,  la  conceffion  des  terrains  dont  j'ai  parlés , 
eftimés  100,280  liv.  ,  à  la  charge  de  faire  ,  dans  un  an,  un  chemin  allant  ea 
ligne  droite  de  la  rue  Efpagnole  jufqu'au  pied  du  morne  de  l'hôpital ,  d'abattre 
&  d'enlever,  depuis  la  rue  Efpagnole  jufqu'à  celle  d'Anjou,  toutes  les  terres 
qui  reliaient  de  l'ancien  retranchement,  &  de  faire  un  corps-de-garde  fur  la 
place  Royale  ,  le  tout  eftimé  104,885  liv.  Il  devait  même  encore  placer,  à  fes 
frais,  la  porte  du  cimetière  à  fon  angle  Nord-Eft  ,  pour  pouvoir  jouir  du  terrain 
qui  eft  entre  ce  cimetière  &  l'alignement  de  la  rue  Efpagnole.  Le  chemin  a 
été  fait;  il  eil  beau,  bien  bombé  à  fon  miUeu,  avec  un  foifé  d'écoulement  de 
chaque  côté ,  &  par  fon  moyen ,  de  la  porte  du  Gouvernement  l'on  découvre 
jufqu'au  morne  de  l'hôpicai.  Sa  largeur  eft  de  60  pieds  &  fa  longueur  de  j8o 
toifes,  depuis  les  dernièrts  maifons  de  la  rue  Efpagnole. 

Ce  n'était  pas  alTez  pour  les  vues  des  deux  A.dminiftrateurs.  Ils  s'occupèrent 
de  plus  de  ffire  border  ce  chemin  d'une  allée  d'arbres  ,  &  outre  cela  il  devait  y 
en  avoir  une  de  palmiftts  de  300  toifes  de  long  &  de  50  pieds  de  large  qui  aurait 
formé  une  promenade 

La  gauche  du  chemin  fut  deftinée  à  offrir  une  autre  promenade ,  au  moyen 
d'une  magnifique  allée  de  400  toifes  de  long   Se  de  36  pieds  de  l^rgc,  çorref- 

pondant 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      561 

pondant  à  la  rue  Royale,  ayant  une  contre-allée  de  30  pieds  de  chaque  côté, 
&  dans  une  longueur  d'environ  120  toifes  ,  une  plantation  d'arbres  en  quinconce 
entre  l'avenue  &  le  grand  chemin  à  l'Oueft ,  &  s'étendant  avec  une  pareille 
largeur  dans  l'Oueft.  Le  chemin  a  eu  des  arbres ,  le  quinconce  a  été  planté ,  & 
l'avenue  conduite  feulement  à  200  toifes ,  parce  que  le  terrain  eft  devenu  dans 
cet  endroit  plus  difficile  à  combler  qu'on  ne  l'avait  cru. 

C'eft  ainfi  que  le  zèle  bienfaifant  de  deux  chefs  a  converti  en  un  lieu 
agréable  &  falubre  une  fource  de  maladies  &  une  caufe  de  defcrudion.  C'eil 
ainfi  qu'on  a  vu  naître  le  Cours  Villcverd ,  nom  pris  de  M.  de  Reynaud  de 
Villeverd  ,  qui  a  été  l'un  de  fes  créateurs.  C'eft  en  faifant  ces  travaux  falutaires 
qu'on  a  formé  la  belle  rue  du  Pont ,  qui  a  60  pieds  de  large  ,  &  du  bord 
Sud  de  laquelle  part  le  quinconce.  Des  barrières  de  bois  ferment  celui-ci ,  & 
l'on  y  entre  par  des  tourniquets.  Tous  les  travaux  de  la  promenade  &  de  la  rue 
du  Pont  ont  coûté  120  ou   130,000  livres  ,  pris  dans  la  caille  des  libertés. 

Ce  local  a  éprouvé  cependant  quelques  changemens  qui  lui  ont  ôté,  jufqu'à 
un  certain  point ,  le  caraftère  public  que  MM.  de  Reynaud  &  le  Brafleur  avaient 
donné  à  prefque  toute  fa  totalité.  Ils  y  avaient  fait  des  conceffions ,  mais 
toujours  à  la  charge  de  quelques  conftruftions  qui  avaient  le  public  pour  objet, 
telle  était  celle  d'un  vafte  emplacement ,  à  condition  d'y  avoir  un  café  &  un 
lieu  propre  à  donner  des  fêtes  publiques.  Mais  un  jugement  du  tribunal  Terrier  j 
du  10  Novembre  1781 ,  a  réuni  au  domaine  public  ,  tout  ce  qui  avait  pu  être 
concédé  antérieurement.  Je  reviens  aux  changemens  qu'on  a  faits. 

Ils  font  dûs  à  la  complaifante  amitié  de  M.  de  Bellecombe  ,  gouvcrneur-géné^ 
rai ,  pour  M.  Artau ,  entrepreneur  du  roi ,  qui  a  obtenu  ,  par  ordonnance  de 
cet  Adminiftrateur  &  de  M.  de  Bongars,  intendant,  en  date  du  16  Oftobre  178J3 
la  jouiffance  ,  pour  vingt  ans,  du  terrain  non  employé  par  la  promenade  entre 
le  chemin  &  la  rivière  ,  fauf  un  point  deftiné  alors  à  des  lavoirs  publics.  Il  âvck 
appuyé  fa  demande  fur  les  pertes  que  lui  faifait  foufFrir  la  difperfion  de  fes  ma- 
tériaux ,  fur  le  befoin  d'un  vafte  chantier  pour  les  travaux  du  roi  qu'il  entrepre- 
nait. Il  obtint  de  plus  la  permiffion  de  tranfporter  ailleurs  la  mai  ion  qui  avait 
été  Gonftruice  pour  le  gardien  de  la  promenade  près  du  chemin  ,  &  de  planter 
en  petit  mil ,  en  herbe  de  guinée  &  autres  herbages  ,  l'eipace  qui  eft  entre  le 
cours  &  le  chemin,  de  faire  des  hangards  &  autres  bâtiraens  pour  fes  matériaux 
&  fes  chantiers,  . 

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562      D  E  S  C  R  I  P  T  î  O  N     D  E     L  A     P  A  R  T  I  E 

Les  obligations  de  ÎVÎ.  Artau  ,  pt-opofées  par  lui-même  ,  font  de  laiiTer  fur  ce 
terrain,  à  Texpiration  des  vingt  ans  de  fa  jouiffance  ,  ceux  des  bâtimens  qui 
ieront  utiles  au  fer^-ice  public ,  moyennant  le  prix  que  des  arbitres  convenus  y 
mettront  ;  d'entretenir  à  fes  frais  le  logement  du  gardien  ,  l.^s  arbres  de  toute  la 
promenade,  de  tenir  le  cours  enclos  &  à  l'abri  d^u  dégât  des  animaux,  de  ne 
pas  Ôrer  le  coup-d'œil  de  la  promenade  ,  de  donner  un  chemin  pour  aller  à  k 
boucherie  par  le  cours,  &  un  autre  dans  l'Eft  vers  la  rivière  pour  y  conduire 
les  animaux. 

^M.  Artau  a  en  effet  difpofé  les  chofes  pour  fon  utilité.  On  voit  donc  des  deux 
côtés  de  l'avenue  de  la  prom.fnade,  d'abord  de  beaux  potagers  &  de  grandes 
portions  chargées  de  petit  mil  &  d'herbe  de  guinée  ,  dont  il  faut  avouer^que  la 
verdure  ajoute  à  l'agrément  de  ce  Iccai.  Le  logement  du  gardien  du  cours  cil 
devenu  en  même-tems  celui  du  jardinier  de  M.  Artau  ,  qui  a  trouvé  les  deux 
places  très-compatibles.  La  culture  de  ce  lieu  eft  d'autant  plus  profitable  pour 
lai,  que  le  fol  qui  a  écé  celui  d'eaux  pourriifantes  &  k  féjour  des  amas  d'une 
voirie,  eft  extrêmement  productif  par  fi  nature,  &  que  cette  fécondité  eft 
entretenue  par  un  arroément  facile,  puirqu'une  partie  de  l'eau  de  la  FofTetre 
qui  ne  fcrt  pas  à  la  fontaine  de  la  Place  Royale  ,  fe  rend  fur  ce  terreln  pa/  le 
premier  des  trois  radiers  du  grand  chemin  auxquels  correfpondent  trois  poars 
dans  l'avenue. 

Au-defTous  du  cours,  M.  Artau  a  conftruit  de  vaftes  appentis  pour  fes  ma- 
tériaux &  pour  le  logement  de  fes  centaines  d'ouvriers  nègres.  Il  a  étendu,  â 
cet  effet,  les  remblais  de  cette  partie  &  affalni  d'autant  ce  canton.  îl  eft  feule- 
ment fâcheux  que  ces  conftruclions  empêchent  que  de  la  promenade  l'on  ne 
découvre  la  rivière  &  ce  qui  fe  trouve  fur  fa  rive  droite.  Dans  le  bout  Sud-Eft 
de  ce  terr-ain  &  de  la  rue  du  Pont ,  font  aufTi  plufieurs  maifons  ,  &  la  rue 
d'Anjou  fe  trouve  même  avoir  déjà  un  prolongement  au  Sud  de  la  rue  du 
Pont.  Le  bord  de  la  rivière  eft  toujours  refté  pour  être  le  carénage  des  pêcheurs, 
jufqu'à  la  rencontre  de  la  première  ravine  fur  laquelle  eft  le  premier  radier  du 
chemin. 

Vers  ce  point  eft  un  parc  de  moutons  &  de  cochons,  que  la  police  a  récem- 
ment expulfé  de  la  ville  comme  nuifible  à  fa  falubrité ,  &  que  ks  Adminif- 
trateurs  du  Cap  ont  permis  de  placer  dans  cet  endroit  fans  pouvoir  y  élever 
aucun  bâtiment.  Il  faut  rendre  ici  cet  hommage ,  que  le  juge  du  Cap  avait 


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FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  s^3 
défendu  d'avoir  des  animaux  dans  la  ville,  &  fpécialement  le  2  Avril  1740, 
Mais  depuis  la  haute  police  avait  permis  aux  bouchers  de  moutons,  cochons  6c 
chèvres ,  d'avoir  ces  animaux  vivans  dans  des  cours  au  fcin  de  la  ville ,  à  la 
charge ,  difaient  les  ordonnances  qui  les  y  autorifaient  &  notamment  une  des 
Adminiftrateurs  du  28  Juillet  1766  ,  d'enclorre  ces  cours  ,  de  les  nettoyer  chaque 
jour  &  d'en  faire  enlever  le  fumier,  comme  fi  ces  précautions  avaient  été  fuiH^ 
fentes  &  affurées.  Ce  parc  aduel  a  encore  procuré  un  remblai. 


J)e   la  Boucherk. 

ENpm  c'eft  fur  le  bord  de  la  rivière,  à  140  toifes  du  côté  Sud  de  la  rue  du 
Pont,  qu'efc  placée  la  Boucherie  tranfportée  dans  ce  point  en  1778,  parce  que 
fa  fituation  ,  rue  de  Rohan  ,  était  peu  convenable  rciativemenc  aux  troupes 
logées  à  l'extrémité  de  la  me  Dauphine  eu  du  Bac.  Cette  Boucherie  qui  appar- 
tient  à  l'État,  cft  un  bâtiment  de  bois  de  150  pieds  de  long,  fur  30  de  large, 
conftruit  pour  cette  deftination  ,  qui  a  encore  éloigné  de  la^  ville  des  caufes  de 
putridité  &  procuré  i'ufage  de  l'ejju  fi  néceffaire  à  une  tuerie,  furtouc  dans  un 
climat  chaud;  on  va  à  cette  boucherie  par  le  bord  de  la  rivière,  par  la  rue 
d'Anjou,  d'après  une  ordonnance  des  chefs  du  9  Juin  1787,  & 'encore  par 
un  chemin  qu'a  fait  M,  Artau ,  8?  qui  prend  dans  l'avenue  à  environ  20  toifes 
dans  le  Nord  du  fécond  pont. 

Après  la  Boucherie  ,  allant  au  Sud  ,  le  fol  eft  marécageux  ,  parce  qu'il  n'eft 
■pas  afîez  élevé  pour  empêcher  que  les  marées  ne  s'y  faflént  fentir.  J'ai  déjà  die 
que  cette  raifon  avait  fait  arrçter  l'avenue  à  la  troifième  ravine  où  eft  le  troifième 
radier  du  chemin  &  le  troifième  pont  de  l'avenue.  De  ce  dernier  ponc  il  y  a  une 
petite  chaufiëe  qui  va  joindre  le  grand  chemin  en  faifant  avec  lui  un  angle  de 
45  degrés.  Depuis  le  point  de  leur  rencontre   &  le  long  du  chemin  à  l'Oueft , 
font  plufieurs  jolies  rpaifonç  récemmer^t  bâties,  &  dont  la  première  fe  trouve  l, 
environ  250  toifes  de  la  rue  Efpagnole.  A  100  toifes  plus  loin,  mais  à  l'Efi; 
du  chemin ,  eft  un  petit  enfoncement  qui  autrefois  était  un  bourbier  à  la  moin- 
dre pluie.   Il  a  été  concédé  à  la  Société  des  Sciences  &  des  Arts  ,  qui  en  a  lailTé 
lajouiffance  à  l'un  de  ces  membres,  à  condition  d'y  faire  des  conftruclions  & 
de  deffécher  le  terrain.  Qn  y  voit  une  maifon  entourée  de  jardins. 


564       DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

Ces  charigemens  tous  effectués  dans  moins  de  neuf  ans ,  ont  converti  un  vaftc 
champ  d'infeclion  dont  l'afpeft  affligeait  les  habitans  du  Cap ,  en  un  fite  aoréa- 
ble  &  riant  -,  de  -pedts  jardins  ont  remplacé  des  lagons  ,  les  plantes  utiles ,  leè 
légumes  fucculcns  ont  pris  la  place  des  mangliers.  Tout  citoyen  paye  avec 
jo\c  un  tribut  de  reconnaiflance  aux  chefs  dont  la  bienfaifance  a  produit  d'aufïï 
heureux  effets  ;  à  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  réalifer  plufieurs  chofes  avant?.- 
geufes  conçues  avant  eux  ,  &  qui  ont  préféré  cette  exécution  à  la  baffe  envie 
qui  s'ennorgueillit  de  ne  pas  adopter  ce  qu'un  autre  a  imaginé.  Dès  le  4  Juillet 
1764,  les  Adminifrrateurs  avaient  créé  une  loterie  foumile  à  l'infpeétion  des 
officiers  de  la  Sénéchauffé,  &  fur  le  produit  de  laquelle  on  devait  prélever 
15  pour  cent  deilinés  à  embellir  le  Cap  ;  mais  il  était  réfervé  à  MM.  de  Reynaud 
&  Le  Braffeur  d'accomplir  ce  qui  avait  été  vainement  défiré  depuis  fi  long-tems. 

C'cft  au  bout  de  la  conceffion  de  la  Société  des  Sciences  &  des  Arts  ,  que  le 
chemin  dirigé  vers  le  petit  morne  de  l'Hôpital ,  qu'il  femblc  qu'on  va  être 
contraint  de  gravir  &  fur  lequel  efl  une  batterie  ,  qu'on  tourne  brufquemcnt  à 
l'Eft  pour  fuivre  la  forme  même  du  morne,  puis  on  prend  au  Sud.  La  o-auche 
de  ce  chemin  ie  trouve  là  ,  comme  je  l'ai  déjà  obfervé  ,  très -peu  diftant  du 
bord  de  la  rivière.  L'intervalle  efl  noyé,  mais  il  faut  efpérer  que  les  immon- 
dices de  la  ville  ,  qu'on  fait  toujours  conduire  par  les  tombereaux  au  Sud  du 
Cours  ôc  de  la  promenade  ,  finiront  par  exhauffer  affez  le  terrain  pour  contenir 
l'eau  de  la  rivière  dans  fon  lit. 

Prefque  auffitôt  après  avoir  dépaffé  ce  petit  morne  &  fur  le  bord  du  chemin 
à  gauche,  eft  une  chauffée  qui  forme  l'embarcadère  de  l'Hôpital,  à  qui 
la  rivière  fert  pour  tous  fes  tranfports.  Cetre  chauffée  annonce  elle  -  même 
que  le  terrain  qui  l'avoifine  efl:  marécageux.  De  là  le  chemin  côtoyé,  un  infl:ant, 
des  parties  élevées  &  incultes ,  puis  on  arrive  au  point  fur  la  droite  duquel  eft 
l'Hôpital,  qui  exige,  fous  plufieurs  rapports,  un  examen  détaillé. 


De    l'Hûpilal  des   Religieux   de   la  Charité. 

Ce  ne  fut  que  près  de  foixante-dix  ans,  après  qu'on  eût  vu  les  premiers 
Français  difputer  le  territoire  aux  Efpagnols,  qu'il  y  eut  des  hôpitaux.  Rien 
ne  détermina  plus  puiffammcnt  à  en  former,  que  les  effets  défallreux  de  la 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       56^ 

maladie  de  Siam.  On  en  avale  cependant  le  deffein  auparavant,  car  le  Minifcre 
engageait  M.  Dncafle ,  le  27  Août  1692,  à  en  établir  un  pour  fecourir  les 
pauvres ,  lee  blefîes  &  les  orphelins.  On  lui  permit  même  alors ,  d'y  employer 
jufqu'à  6,000  livres  ,  fur  le  produit  des  priles  du  vaiffcau  l'Emporté  ,  &  ce  qui 
reliait  des  biens  confifqués  des  religionnaires  ,  auxquels  il  aurait  encore  été  plus 
juile  de  les  reftituer ,  &  de  guérir  une  des  playes  les  plus  profondes  que  la 
France  ait  jamais  eues. 

En  1694,  on  accorda  encore  3,240  livres  aux  Religieux  de  la  Charité  qu* 
devaient  paffer  dans  l'Iile  pour  l'établiffement  d'un  hôpital ,  &  on  les  prit  fur 
une  partie  de  l'économie  du  traitement  alloué  pour  deux  curés  de  la  Tortue ,  où 
il  n'en  avait  pas  exifté  de  1687  à  1692.  Le  provincial  des  frères  de  la  Charité 
s'était  cxcufé  fur  la  guerre  pour  l'envoi  des  fujets ,  mais  au  mois  de  Décembre 
1697,  le  Miniftre  ,  en  lui  obfervant  que  cet  obftacle  n'exiflait  plus  ,  lui  marqua 
d'en  choifir  quatre  pour  former  deux  hôpitaux  au  Cap  &  à  Léogane.  Il  écrivit 
en  même  tems  à  M.  Ducaffe  de  prefîer  cet  établiffcment ,  que  rendait  encore  plus 
néceffaire  l'envoi  de  foldats  pour  completter  les  compagnies  ;  il  lui  recommanda 
d'engager  les  habitans  à  l'aider  par  quelques-uns  de  leuis  nègres ,  &  à  convertir  * 
au  profit  de  l'hôpital ,  en  peines  pécuniaires  contre  les  habitans ,  les  châtimens 
qu'ils  pourraient  mériter.  Il  fe  promettait  lui-même  d'exciter  ceux  qui  devaient 
fournir  aux  flibuftiers  des  nègres  pour  le  produit  de  leur  part  dans  la  prife  de 
Carthagène  ,  à  donner  quelques  nègres  par  aumône  à  ces  hôpitaux  ,  qui  devaient 
jouir  de  la  folde  &  de  la  ration  du  foldat  malade. 

En  1698  ,  partirent  le  vaiffeau  le  Faucon  &  la  flûte  la  Gloutonne  ,  emportant 
des  religieux  de  la  Charité,  au  fupérieur  defquels  le  roi  avait  accordé  8,000  liv. 
de  gratification  pour  aider  leur  entreprife,  Se  en  outre  des  inftrumens  de  chirurgie, 
des  tuiles,  des  briques  &  des  planches  pour  les  deux  hôpitaux  du  Cap  &  de 
Léogane.  Ils  arrivèrent  au  Cap  le  18  Avril  &  M.  Vimont  de  Saint-Aubin ,  com- 
mandant la  Gloutonne,  y  débarqua  tout  ce  qui  était  deftiné  pour  l'hôpital  de  ce 
lieu.  ' 

On  inftalk  provifoirement  cet  hôpital  dans  le  magafin  du  roi ,  qui  était  fur  là 
place-d'armes,  &  oij  l'on  plaça  quarante  lits.  Il  fut  ouvert  le  1".  Août  169S.  M.- 
Ducaffe  écrivit  a  j  Miniftre  qu'il  fallait  doubler  le  nombre  des  lits,  puifqu'outre 
qu'on  avait  vu  deux  malades  dans  un  ,  il  y  en  avait  encore  fur  le  carreau;  mais 
le  Miniftre  oubliant  qu'il  avait  deftiné  l'hôpital  aux  pauvres  &  aux  nouveaux- 


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DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 


venus ,  comme  aux  foldats  &  aux  matelots ,  fe  récria  fur  la  dépenfe.  M.  DucalTe 
infifta  &  ce  fut  alors  que  le  Miniilre  écrivit  le  8  Avril  1699 ,  qu'il  fallait  que  les 
nouveaux- venus  travaillaient  après  leur  guérifon  au  bénéfice  de  l'hôpital  ,  pour 
le  dédommager  de  leur  traitement  j  que  Ci  cette  relTource ,  réunie  au  payement 
pour  les  foldats  Se  matelots  &:  quelques  rétributions  qu'il  tâcherait  de  faire  faire  à 
l'hôpital,  ne  pouvaient  pas  le  foutenir,  il  n'y  avait  qu'à  renvoyer  les  pères  de  la 
Charité  &  renoncer  à  l'hôpital.  Cette  étrange  décifion  n'eut  pas  d'effet,  &  l'on 
chercha  tous  les  moyens  de  coalblider  un  auffi  utile  établiiTement. 

Dès  1698  5  M.  Ducafle  acheta  en  copféquence  l'habitation  où  eft  cet  hôpital, 
fept  nègres  ,  huit  engagés  &  quatre-vingt  bêtes  à  cornes  ,  &  l'hôpital  y  fut  tranf- 
féré  en  1699.  Il  lui  fit  tous  les  dons  dont  fa  place  lui  permit  de  difpoiérj  il  déter- 
mina les  juges  à  lui  appliquer  des  amendes ,  en  un  m.ot  ce  chef  ne  négligea  rien 
pour  favorii'er  ce  qu'il  avait  réellement  fondé  par  fon  zèle.  Le  roi  accorda  peu 
après  3,040  hvres  par  an  à  cet  hôpital,  &  2,000  Uv.  par  forme  de  fupplément  , 
payé  en  France  aux  religieux  de  la  Charité  ,  fur  des  états  vifés  de  l'intendant:  de 
l'intendant  qui ,  depuis  M.  Deflandes  ,  le  premier  qu'on  vit  chargé  de  ces  fonc- 
tions à  Saint  -  Domingue,  quoiqu'ayec  le  fimple  titre  d'ordonnateur,  a  toujours 
eu  l'adminiftration  générale  des  hôpitaux. 

L'hôpital  mis  fur  le  terrain  qui  m'occupe  en  ce  moment,  n'était  compofé ,  ainfi 
que  le  logement  des  frères ,  que  d'efpèce  de  cafés  à  nègres  ,  &  l'on  n'y  comptait 
que  dix-huit  lits  entretenus ,  au  mois  de  Décembre  1706.  Cependant  l'hôpital 
avait  eu  affez  d'économie  pour  acheter  la  moitié  de  la  fucrerie  qui  lui  appartient 
encore  aujourd'hui,  dans  la  paroiiTe  delà  Petite-Anfe,  &  fur  laquelle  il  y  avait 
environ  foixante  nègres.  Cette  moitié  était  affermée  ,  en  1706,  à  l'aflocié  des 
pères,  7jOOO  livres  par  an.  Il  eft  vrai  qu'il  reftait  dû  environ  10,000  livres  ,  fur 
cette  acquifitipn.  Il  y  avait  de  plus  quinze  nègres  attachés  à  l'hôpital  même  ,  où 
à  fes  dépendances  ,  &  dans  le  nombre  de  ces  dernières ,  on  comptait  un  jardiri 
dont  l'upilité  était  déjà  fentie. 

En  1709  ,  on  s'occupa  de  conilruftions  &  le  roi  accorda  même  1,000  livres, 
fur  les  effets  iaiués  par  la  miffion  des  Capucins ,  pour  aider  ce  projet.  L'hôpital 
commença  donc  a  avoir  un  afpeft  analogue  à  fa  deftination  ;  mais  on  commença 
auiïi  à  reprocher  ,  avec  raifon  ,  aux  religieux  de  n'en  pas  laiffer  l'accès  toujours 
çuvert  aux  pauvres,  dont  i'admiffion  eft  une  condition  auffi  ancienne  que  le  projet 
de  l'hôpital.  Ce  fut  même  cette  cirçonftançe  qui  ayait  déterminé  le  père  ^outin, 


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FRANÇAISE  DE  S  A  I  N  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E.  557 
curé  du  Cap,  à  rétablir,  comme  je  l'ai  rapporté  ,  un  ancien  hôpital  des  pauvres  ' 
qui  fut  critiqué  &  fupprimé  par  les  Adminiftrateurs  ,  le  13  Août  1717.  Ceux-ci 
mirent  fin  auffi  ,  au  mois  de  Septembre  fuivant ,  à  un  grand  abus  ,  relui  de 
ne  pas  procurer  de  fecours  fpiritiiels  aux  matelots  malades  en  rade ,  &  de  les 
garder  à  bord  ;  ils  ordonnèrent  de  les  faire  tranfporter  à  l'hôpital ,  lorfqu'un 
bâtiment  aurait  plus  de  trois  malades. 

En  1739  >  on  comptait  trente-cinq  lltâ  dans  l'hôpital  du  Cap-  &  le  frère 
Marnai  Dougnon  qui  en  était  alors  le  fupérieur,  voulant  lui  procurer  de  nouvelles 
reffources,  demanda  au  Confeil  du  Cap  &  en  obtint  le  6  Février  1719,  k 
permiffion  d'avoir  un  tronc  dans  les  églifes  du  diftricT:  &  de  quêter  à  leurs  portes , 
à  la  charge  de  recevoir  les  pauvres ,  comme  l'avait  dit  le  père  Boutin  ,  dont  le 
Confeil  avait  pris  l'avis.  En  conféquence ,  il  fut  décidé  auffi  par  cette  Cour  que 
la  moitié  des  dons  &  des  legs  qui  feraient  faits  aux  pauvres  appartiendrait  à 
l'hôpital 

Ce  fut  au  mois  de  Mars  de  la  m^ême  année  Î7I9  ,  que  furent  accordées  les 
lettres-patentes  de  l'établiffement  des  Religieux  de  la  Charité  aux  deux  hôpitaux 
du  Cap  &  de  Léogane  à  perpétuité  ,  pour  y  exercer  l'hofpitalité  envers  les  pauvres 
malades  &  bleffés  du  fexe  mafculin  ,  les  traiter  ,  panfer  &  médicamenter  ,  &  leur 
faire  toutes  les  opérations  de  chirurgie  nécefi'aifes  pour  leur  entière  &  parfaite 
guérifon  ,  leur  adminiftrer  les  facreroens  ,  faire  le  fervlce  divin ,  enterrer  les 
morts  par  prêtres  féculiers  ou  réguliers  ,  foit  de  leur  ordre  ou  autres  à  leur  choix , 
y  faire  leurs  autres  foncerions  fous  l'autorité  fe  obéiffance  du  provincial  &  vicaire- 
général  de  leur  ordre  en  France  ,  fuivant  leur  inftitut ,  bulles ,  règles  ,  confti- 
tutions,  réglemens  &  privilèges,  ainfi  qu'ils  font  dans  les  autres  maifons, 
couvents  &  hôpitaux  de  cet  ordre  dans  l'étendue  du  royaume.  En  conféquence  le 
roi  leur  fait  don  des  églifes  ,  couvens  &  hôpitaux  du  Cap  &  de  Léogane  ,  bâti- 
timens ,  terrains  ,  habitations  ,  manufaélures  ,  nègres  ,  meubles  ,  uftenfiles  & 
généralement  de  tous  les  biens  de  ces  hôpitaux  ,  &  les  maintient  dans  leur  pro- 
priété &  jouiffance. 

Le  provincial  a,  par  ces  lettres-patentes,  le  droit  de  changer  les  fupérieurs  à  fon 
gré  &  le  roi  prend  ces  hôpitaux  &  tout  ce  qui  en  dépend  fous  fa  fauve-garde 
fpéciale  ,  ce  qui  a  donné  lieu  à  l'infcription  :  J  la  fauve-garde  du  roi ,  mife  au^ 
deffus  de  leur  principale  entrée  &  à  laquelle  ces  religieux  ont  quelquefois  attaché 
une  telle  force  d'expreffion ,  qu'ils  ont  prétendu  qu'un  débiteur  ne  pouvait  pas 


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56S       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

êcrc  faifi  dans  leur  enceinte  &  que  tout  être  quelconque  y  jouiffait  d'un  droit 
d'afile  inviolable.  Il  eft  permis  à  ces  deux  hôpitaux  de  faire  boucherie  pour  leur 
feule  confommation ,  de  pofer  les  armes  de  France  fur  leurs  portes  &  autres  lieux 
apparens ,  d'acquérir  des  meubles  &  immeubles  ,  de  recevoir  les  donations  &  les 
.legs  ,  en  prenant  pour  l'avenir  des  lettres  d'amortiflement.  Il  leur  efl  encore  per- 
mis de  quêter  dans  toutes  les  églifcs  ,  d'y  avoir  des  troncs  ,  &  les  lettres-patentes 
leur  accordent  l'exemption  ,  tant  pour  eux  que  pour  leurs  domeftiques  blancs  & 
noirs  attachés  à  ces  hôpitaux  ,  du  fervice  de  gardes,  corvées,  capitation  &  de 
plus  l'exemption  de  capitarion  pour  cinquante  domeftiques  attachés  à  la  culture 
de  leurs  habitations  ,  avec  faculté  de  faire  venir  de  France ,  exempts  de  droits  de 
forcie  du  royaume  &.  d'entrée  dans  l'île,  les  comeftibles ,  médicamens  ,  toiles, 
étoffes ,  meubles  ,  uftenfiles  &  marchandifes  néceffaires  pour  eux  ,  leurs  malades 
&;  ferviteurs.  Le  pafîage  des  religieux  leur  eft  accordé  gratuitement. 

On  trouve  encore  dans  les  lettres  -  patentes  que  k' fupérieur  eft  obligé  de 
repréfenter  le  compte  annuel  de  la  recette  &  de  la  dépenfe  à  l'intendant ,  toutes 
les  fois  que  celui-ci  l'exige  ,  &  que  celui-ci  rendra  compte  tous  les  ans  au 
miniftère  de  l'état  de  ces  hôpitaux  ,  de  leur  adminiftration ,  ainfi  que  de  l'état  Se 
du  produit  des  habitations. 

Le  père  Martial,  enhardi  partant  de  fuccès  ,  défirant  peut-être  auffi  montrer 
au  père  Boutin  qu'il  fe  rappelait  l'obfervation  de  17 19,  demanda  encore  au 
Confeil  du  Cap  que  les  biens  deftinés,  par  ce  jéfuite  ,  à  l'établifTement  des  Reli- 
gieufes  fufiTcnt  adjugés  à  l'hôpital,  parce  que  ces  biens  appartenaient  aux  pauvres  ^ 
mais  cette  demande  fut  rejeté  par  arrêt  du  12  Septembre  1721. 

En  1732  ,  de  nouvelles  lettres  -  patentes  confirmèrent  i'établiffement  des 
hôpitaux  coloniaux  ,  &  ceux  de  Saint-Domingue  acquéraient  chaque  jour  de 
l'augmentation. 

Ce  fut  cependant  cette  année  que,  par  une  ordonnance  du 9  Aoiit ,  M.  Ducjosj 
intendant,  frappé  de  l'inconvénient  de  tranfporter  les  foldats  malades  des  garni- 
fons  aux  deux  feuls  hôpitaux  du  Cap  &  de  Léogane ,  tranfport  qui  était  caufe  de 
îa  mort  de  la  plupart  de  ces  malades ,  enjoignit  de  former  un  hôpital  particulier 
au  Fort-Dauphin  ,  au  Port-de-Paix  ,  au  Petit-Goave  &  à  Saint-Louis  dans  les 
cazernes  de  ces  divers  lieux  &  à  Saint- Marc  où  il  n'y  avait  point  de  cazernes  , 
dans  une  cha'nbre  qu'on  louerait.  Ces  hôpitaux  furent  confiés  aux  foins  des 
médecins  du  roi  pour  les  endroits  où  il  y  en  avait  &  à  ceux  des  chirurgiens -majors 
dans  les  a.itres.  Ce 


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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMÎNGUE.     569 

.  Ce  que  je  ne  puis  concevoir,  c'eft  ce  que  dit  Poupée  Déportes,  que  dans 
cette  année  1732  il  n'y  avait  que  vingt  lits  à  l'hôpital  du  Cap,  nombre  qui  fut 
porté  peu-à-près  à  cent ,  d'oij  l'on  a  inféré  que  ce  médecin  avait  produit  cette 
rapide  augmentation.  Je  fbutiens  que  dès  17 19  il  y  avait  vingt-cinq  lits  /qu'on 
s'occupait  alors  de  doubler  ;  &  quand  on  fait  quelle  eft  aux  Colonies  ,  &  fur-tout 
quelle  était  à  cette  époque  l'influence  d'un  médecin  du  roi  fur  l'augmentation 
des  dépenfes  d'un  hôpital ,  on  eft  convaincu  que  le  zèle  du  médecin  Defportes 
n'a  pas  eu  tous  les  fuccès  qu'on  lui  attribue.  La  vérité  eft  que  ce  zèle  fut 
très-fecondé  par  Larnage  &  Maillart  -,  que  les  religieux  de  la  Charité  avaient 
fait  achever  en  1737  une  nouvelle  falle  de  maçonnerie  de  200  pieds  de  lono-, 
&  que  pour  la  prolonger  encore  de  100  pieds ,  ces  deux  Adminiftrateurs  leur 
firent  avancer  ,  par  le  tréfor  ,  20,000  liv.  le  22  Janvier  1738  ;  que  le  i^^  Août 
1739  ces  deux  Adminiftrateurs  prouvèrent  que  leurs  vues  bienfaifantes  s'étendaient 
fur  tout  ,  en  ordonnant  de  traiter  les  officiers ,  les  foldats  ,  les  matelots  ,  même 
ceux  des  navires  marchands  dans  les  hôpitaux  du  Cap  &  de  Léogane  ,  &  en 
établiflant  dans  chacun  d'eux  quatre  garçons  chirurgiens,  nourris  par  les  rclio-ieux. 

Le  médecin  du  roi  à  Léogane  eft  tenu ,  par  la  même  ordonnance  de  1739, 
de  faire  la  vifite  chaque  jour  ,  &  celui  du  Cap  quatre  fois  feulement  (  attendu 
que  l'hôpital  eft  loin  de  la  ville  )  ,  depuis  le  i"'.  Juin  jufqi^'au  i".  Octobre 
faifon  de?  maladies  contagieufes  ,  &  deux  ou  trois  fois  le  refte  de  l'année  en 
rendant  compte  ,  l'un  aux  deux  chefs  principaux  ,  &  l'autre  à  leurs 
repréfentans  au  Cap ,  de  la  quantité  de  malades  &  de  la  nature  des  maladies. 
Un  officier  de  chacune  des  deux  garnifons  eft  tenu  de  faire  la  vifite 
de  l'hôpital ,  &  le  major  ou  l'aide-major  de  la  place  ,  deux  fois  par  femaine  & 
d'en  inftruire  le  commandant.  Enfin  ,  pour  encourager  encore  plus  les  quatre 
garçons-chirurgiens ,  l'ordonnance  allouait  500  liv.  |  chacun  d'eux ,  fur  les 
amendes  ,  jufqu'â  ce  qu'ils  fuflent  placés  dans  l'île  par  les  médecins  du  roi.  ■ 

Certes  les  auteurs  de  tant  de  difpofitions  utiles  peuvent  bien  mériter  le  pas 
fur  Poupée  Defportcs ,  qui ,  dans  f€,s  vifites  confultatives,  ne  pouvait  que  diriger 
d'une  manière  plus  fûre  ce  que  les  chefs  trouvaient  avantageux  ,  eux  à  qui  il 
n'échappa  point  alors  de  repréfenter  au  miniftre  qu'il  était  jufte  que  le  médecin 
du  roi  eût  un  traitement,  qui  lui  fut  alloué  en  1740  à  fixé  à  2,400  liv.,  taux 
où  eft  refté  celui  de  fes  fucceflèurs ,  malgré  l'énorme  différence  de  la  valeur  de 
cette  fomme  aux  deux  époque^, 

Tome  I,  Ç  c  c  c 


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5-.70       D  E  -S"  C  R  î  P  T  ï  'O  îe     D  fi     LA     P  A  'K  T  I  E 

En  fï-j^n  on  raulnt:  augmenteT  d'une  'tôle  Thôpitai  an  'Cap,  mais  on  là 
commença  .feLïkoïenc  Se  on  ne  s'occupa  de  la  terminer  qu'en  1756. 

Pai-l'ordonnance  du  roi  du  24.  Mars  1763,  il  fut  déclaré  que  l'hôpital  d» 
C^p  derait  pour  les  l'oldats  ,  les  officiers  &  pour  la  marine  ,  &  qu'il  y  ferait 
att^-hé  un  médecin  &  un  chirurgien  du  roi.  Cette  ordonnance  affujettit  de  olus 
les  hôpitaux  militaires  de  la  Colonie  aux  r^glemens  faits  pour  ceux  des  troupes 
en.Erance  ,  &  à  r.infpeclion  du  nwdecin  du  roi   &  du  chirui-gien-maior. 

D/ès  .i'ârrrivée  àes  troupes  venues  <ie  France  a\^c  M.  de  Belzunce  ,  on  fit 
îks  marchés  particuliers  avec  les  religieux  de  îa'Chacrte,  qui  formèrent  des 
hôpitaux  au  Fert-DauphinE^  au  Trou.  Les  pertes  que  ces  troupes  éprouvèrent 
firent  créer  à  Ts^erfailles -,  le  1".  Janvier  1763  ,  un  infpefteur  &  diredeur-géneral 
de  là  médeciae,  de  la  pharmacie  &  de  la  botanique  des  Colonies,  avec°3,ooo 
liv.  d'appointemens  ;  ce  fut  M.  Poifll-nnier ,  confeiller  d'État,  médecin  de  la 
faculté  de  Paris  ,  coafukant  auprès  de  la  perfonne  du  roi ,  nommé  le  même 
jour  .infp;£te.ur-génér?.l  des  hôpitaax  de  la  marine  en  France  i  &  comme  les 
maladies  &  les  mortalltéi  avaient  été  en  augmentant  à  Saint-Dombgtre,  on 
renouvella,  le  12  Novembre  ■I7-63  ,  le  brevet  de  M.  Poiflbnnier;  onle  char- 
gea de  choiiir  &  d'examiner  les  médecins  du  roi  pour  les  Colonies;  on  lui 
recommanda  de  redoubler  fes  foins  &  fcs  recherches  pour  arrêter  les  maux  qui 
exiftaient  à  deux  mille  &  même  à  cinq  mille  lieues  de  lui  ,  '&  l'on  porta  fon 
traitement  à  6,000  livres,  traitement  qui  eft  l'unique  effet  qu'ait  jamais  produit  fon 
brevet,  quoique  l'ordonnance  du  24  Mars  1763,  ait  aflbjetti  ks  médecins  &  les 
chirurgiens   du  roi  à  lui  rendre    compte    de    la   nature    &  de   la   condtrite  des 


inaladies 


Par  un  marché  entre  l'intendant  &  le  fupérieur  de  l'hôpital  du  Cap  ,  en  d'Ce 
ûu  20  Oftobre  T763  ,  conclu  pour  deux  ans,  à  compter  du  13  "Novembre  & 
qui  renfermah  les  :hôpitaux  du  Fort-Dauphin  &  <îu  Trou,  la  journée  du  malade 
ibt  fixée  à  36  fous  .en  y  comprenant  la  retenue,  •&  chaque  journée  d'officier 
4  10  liv.  Ce  fut  alors  qu'onmitde  contrôleurs  dans  ces  Jiôpitaux. 

Le  2  Juillet  r764,  MM.  d'Eftaing  &  Magon  firent  iwîe  ordonnance  pour  h 
giolice  ^dcs_  hôpitaux  -<:oi>fiés  aux  religieux  de  la  Charité.  Ils  -prefcrivh^nt 
«UK  m.édecins  r&  ;aax  ^chiru^iens  du  roi  quatre  vifites  par  femaine  i  l'hôpital 
«éu-G^p^  &  aux  Teiigieux '.de  Oeur  procurer '«ne  voiture  pour  ces  vifites,-  de 
plus ,  le  médecin  infpedeur,  car  il  y  en  avait  u>v alors,  devait  vifiter  les^hôpita-jx 


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FRANÇAISE    DE    S^  A  IN  T  -  D  0  M  ING  UE.      571 

âes  religieux  deux  fois;  par  mois-'  &  en  rendre  compte  au  gouverneur-généraL. 
jls  déclarèrent  que  la  police  intérieure  de  l'hôpital  appartenait  au  fupérieur ,  Se 
que  le  fergent  de  garde  devait  recevoir  fes  ordres  à  cet  égard.  On  augmentai 
l'hôpital  du  Cap,  en  1764,  d'un  pavillon  pour  les  officiers. 

■  Les  changemens  produits  dans  l'adminiftration  des  hôpitaux,  depuis  1762  ^ 
ne  convinrent  point  aux  religieux,  qui  fe  plaignirent  des  infpefteurs,  des  méde- 
cins ,  des  chirurgiens ,  des.  coniimifîaires  des  guerres ,  des  commiffaires  de  la 
marine ,  des  contrôleurs  &  généralement  de  tous  les  employés.  Aufll  dans  le  mar- 
ché palTé  à  Fontainebleau ,  le  31  Oflobre  1765  ,  pour  trois  ans ,  les  débaraffa- 
t-on  de  tant  de  furveillans  importuns,  Lajournée  du  malade  y  fut  mife  à  40  fous. 

Je  dois  dire  qu'une  ardonnnace  du  roi  du  30  Avril  1764  ,  fur  la  chirurgie  aux 
Colonies  ,  exigea  que  les  chirurgiens  euiTent  fervi  un  an  dans  les  hôpitaux 
militaires  de  ces  Colonies,  avant  de  pouvoir  exercer  leur  profeffion,  &  que 
chacun  de  ces  hôpitaux  entretînt  toujours  quatre  fujets,  mais  cette  difpofition  Ci 
iage,  &  qui  eft  évidemment  la  fuite  de  celle  adopcée  par  Larnage  &  Maillart  en 
1739,  elt  tombée  en  défuétude  &  n'exifte  plus  que  dans  les  recueils. 

En  1767  l'hôpital  du  Cap  coûta  ,  frais  d'entretien  &  tout  compris,  184,595 
livres.  Il  y  mourut  339  foidats,  2  ouvriers  &  8  marins. 

On  fit  à  Verfailles  un  nouveau  marché  le    17  Décembre   1768,   peur  neuf  ans 

La  dépenfe  de  1771  ,  pour  l'hôpital  du  Cap,  en  journées  de  malades,  fut  de 
120,062  livres  ,   10  fous.   Il  mourut  157  foidats  &  7  matelots. 

Le  marché  de  1768  ,  étant  expiré  en  1778  ,  il  y  en  eut  un  nouveau  ,  feulement 
au  mois  d'Août  1779,  mais  provifoirement  fait  par  MM.  d'Argout  &  de 
Vaivre  ,  d'après  une  autorifation  du  miniftre  du  15  Novembre  1778,  Il  y  en  eue 
un  définitif  conclu  à  Paris,  le  13  Décembre  1780,  pour  5  ans,  à  compter  du  i^. 
Janvier  178 1; 

La  guerre  rendit  l'hôpital  très-infuffifant ,  &  j'ai  eu  occafion  de  dire  déjà 
qu'il  yen  avait  eu  plufieurs  de  formés  dans  la.  ville:  même  du  Cap,  &  quelles 
précautions  on  avait  cru  devoir  préparer  dans  le  local  de  la  Foirccte.  Une 
idée  très-heureufe  des  Adminiftrateurs-,  ce  fut  d'établir,  à  la  fin  de  1782,  des 
falies  de  convalefcens  dans  les  dilFérens  quartiers  des  troupes ,  &  de  leur  accorder 
-«ne  diftribtition  réglée  de  vin. 

Enfin  le  dernier  marché  fait' avec  les  religieux  de  la  Charité,  pour  l'hôpital  dw 
€ap-,  eft  dtt^î*'^.  Septemke  1787,   Le,  Miniftre  ayant  fenti  qu'il  était  plus  conve- 

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57  2       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

nable  qu'il  fut  difcuté  &  réglé  dans  la  Colonie,  autorifa  M.  de  Marbois  k  en 
faire  un ,  par  la  lettre  du  15  Juin  ,  &  celui-ci  le  fie  ftipuler  par  l'ordonnateur  du 
Cap,  avec  le  père  Séraphin  Merdier ,  fupérieur  de  l'hôpital.  Je  crois  devoir  en 
faire  connaître  fommairement  les   conditions. 

1°.  On  recevra  autant  de  foldats,  de  matelots  &  autres  perfonnes  à  la  folde 
du  roi  qu'il  fera  poffible  ,  fans  empêcher  les  habitans  &  les  matelots  marchands 
d'y  trouver  place.  On  pourra  mettre  des  malades  dans  le  pavillon  des  officiers , 
en  y  laiffant  trois  chambres  vides.  Les  pauvres  doivent  toujours  être  mis  fépare- 
ment  en  tems  de  paix  ,  &  lorfqu'il  fera  poflible  en  tems  "de  guerre.  On  exprime  la 
néceffité  abfolue  d'avoir  une  falle  particulière  des  vénériens  &  des  galeux. 

2°.  L'état  des  hârlmens  de  l'hôpital  a  été  conftaté  le  24  Septembre  1787  ,  par 
l'ordonnateur,  l'ingénieur  en  chef,  le  commilTaire  de  la  marine  chargé  du  détail 
des  hôpitaux  &  l'officier  d'adminiftration  chargé  du  contrôle  ,  &  l'entretien  de 
CCS  bâiimens  eft  à  la  charge  des  religieux,  moyennant  12,000  livres  par  an. 

3°.  Les  privilèges  des  lettres-patentes  de  17 19  font  confervts  ;  &  on  donne 
lOjOco  livres  par  an  aux  religieux  ,  attendu  la  néceiîité  où  ils  font  de  payer  la 
boucherie ,   comme  tout  le  monde  ,   par  la  fuppreffion  de  la  ferme, 

4°.  Nui  infpecleur  fubalterne.  Le  fupérieur  de  la  maifon  rend  compte  de  tout 
ce  qui  concerne  le  fervice  des  troupes  ,  au  gouverneur-général  &  à  l'intendant , 
à  leurs  repréfentans  &  aux  autres  officiers  de  l'état- major  ou  de  l'adminiftration 
à  qui  les  deux  chefs  donnent  commiffion  de  furveiller  ce  fervice.  Le  commiffaire 
de  la  marine  ,  chargé  du  détail  des  hôpitaux  ,  doit  vifuer  &  infpecler  l'hôpital 
deux  fois  la  femaine  ,  même  plus  fou  vent  s'il  l'eftime  nécefTaire  ,  &  après  avoir 
provifoirement  averti  le  fupérieur  où  le  grand  infirmier  en  particulier,  il  peut 
remédier  aux  négligences  ou  aux  omiiïions.  Les  officiers  de  fervice  ont 
auffi  la  monition  fecrete  aup;  es  du  fupérieur ,  &  s'il  n'y  détere  pas  ,  la  voye 
d'en  rendre  compte  aux  Adminiftrateurs  ou  à  leurs  repréfentans  qui  y  remédieront 
après  examen  préalable  ,  comme  dans  le  cas  d'avertifiement  de  la  part  du  com- 
miffaire. 

5".  Les  religieux  traitent  &  panfent  eux-mêmes  les  malades  ,  &  font  les 
opérations  chirurgicales.  Ils  peuvent  ê.rre  aidés  par  des  nègres  ,  mais  ceux  -  ci  ne 
peuvent  ni  faigner  ni  faire  aucun  panfement.  Le  choix  &  le  renvoi  des  médecin» 
appartient  au  fupérieur  ^  il  doit  toujours  y  en  avoir  un  par  quarante  malades, 
indépendamment  des  quatre  élèves-chirurgiens  prefcrit  par  l'ordonnance  du  ^à 


t 


FRANÇAISE      DE      SAINT-DOMINGUE.       573 

Avril  1764.  Ces  élèves  n'ont  droit  à  des  appointemens,  qu'autant  que  le  nombre 
des  malades  rend  leur  fervice  aftif,  c'eft-à-dire  qu'il  doit  fe  trouver  au  moins  160 
malades  pour  les  quatre.  Gomme  ces  chirurgiens  font  deftinés  à  a'pirer  à  la 
maîtrife  dans  la  Colonie  ,  ils  doivent ,  pour  être  admis  à  l'hôpital ,  exhiber  au  fupé- 
rieur  leurs  lettres  d'apprentiffage  ou  certificats  de  fervice  ,  vifésdu  médecin  &  du 
chirurgien  du  roi ,  &  ils  ne  peuvent  être  congédiés  qu'après  un  rapport  fait  au 
commiffiire  de  la  marine ,   ayant  le  détail  des   hôpitaux. 

6°.  Le  médecin  &  le  chirurgien  du  roi  font  tenus  d'aller  une  fois  par  jour  à 
l'hôpital  &  même  deux  lorfqu'ils  en  font  requis  par  les  Adminiftrateurs  ;  ils  fe 
concertent  avec  les  religieux  pour  les  traitemens  dont  il  doivent  tenir  un  compte 
exaél ,  ainfi  que  de  leurs  obfervations  ,  afin  de  concourir  avec  les  chefs  à  la 
meilleure  adminiftration  ;  les  chirurgiens  des  corpâ  &  des  vaiffeaux  peuvent  venir 
à  l'hôpital,  quand  bon  leur  femble,  mais  ils  ne  peuvent  rien  prefcrire  &  doivent 
fe  borner  à  des  obfervations  fur  ce  qu'ils  croient  utile  &  néceffaire.  Les 
frais  de  voiture  pour  les  vifites  du  médecin  &  du  chirurgien  du  roi ,  font  faits 
par  l'État, 

7°.  L'hôpital  doit  avoir  deux  aumôniers  qui  ont  1,250  livres  d'appointemens 
fixes  des  fonds  de  la  Colonie.  Les  aumôniers  que  les  religieux  feront  venir  de 
France  ne  peuvent  être  employés  ni  'par  le  préfet  apoftolique  ni  par  d'autres  ,• 
qu'avec  le  confentememenr  par  écrit  du  fupérieur.  .      . 

8°.  Tout  ce  que  l'hôpital  fait  venir  de  France  ,  y  eft  exempt  de  droits  ,  quels 
qu'ils  foient.  Les  religieux  ont  leur  pafTage  gratuit  en  allant  &  en  revenant , 
ainfi  que  les  aumôniers  &  autres  employés  de  l'hôpital, 

9°.  Les  religieux  peuvent  faire  boucherie,  mais  fans  en  vendre  au  public. 
Il  continue  d'y  avoir  un  fous-officier  à  la  pefée  de  la  viande  Se  au  fervice  de  la 
cuifine  ,  lequel  rend  compte  au  commiflaire.  Il  afTiIte  auffi  à  la  dittribution  &  il  y 
a  un  cadenat  &  une  fentinelle  à  la  chaudière, 

10".  Les  religieux-chirurgiens  font  tenus  de  drefler  chaque  mois  l'état  des 
malades  ,  de  défigner  la  nature  des  maladies  dominantes  &  des  moyens  curatifs 
employés.  Le  médecin  &  le  chirurgien  du  roi  doivent  le  figner  ;  on  le  préfente 
aux  Adminiftrateurs  par  la  voye  de  leurs  rep-.éientans ,  &  il  eft  envoyé  au 
miniftre. 

11°.  Suivant  l'ordonnance  du  i".  Janvier  1786  ,  le  commis  qui  fait  les  états 
d'hôpitaux  ,  donne  des  reçus  des  facs  des  matelots  de  la  marine  de  l'État  3  les 
chefs  de  divifion  Se  kscommandans  les  vifitçnt. 


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£^4      D  E  s.  C  R  I  P  T  î' A  N     DE     LA     P  A  K:  T.  I  B 

•  12".  En  tems,  de  paix  ,  k-  journée  du.  foldat ,  du  matelot  &  autre  entretenu.  ^ 
ans  difcinction  de- maladie  ,  eft  de  3  Wv.  lofous&de  5  li-v.  eni  tems  de  guerre. 
Celle  de  l'officier  10  liv.  &  16  liv.  10  fous,  en  tems  de  guexre.  Les  bas-officiers 
des  régiraens  &  des  vaiffeaux  doivent  être  placés  dans  les  parties  les  plus,  com.^ 
modes  des  falles. 

13''.  L'hôpital  peut  prendre  aux  magafins  du  roi  les  chofes  qui  lui  font 
néceffaires  j  furie  pied  auquel  elles  reviennent  d'après  l'état  akêté  par  l'admi- 
niliration. 

14°.  L'hôpital  fupporte  les  quatre  deniers  pour  livres,  de  tout  ce  que  l'État 
lui  paye. 

15.^.  Op.  compte  les  journées  de  malade  ,  du  jour  de  l'entrée  inclufivemenr  à 
celui  de  fortie  exclufivemenr  ^  6  livres  par  enterrement.  Le  commiiTaire  de  la 
marine  retire  les  armes  &  les  hardes  des  foldats  &  matelots,  en  donne  reçu  5  l'hôoi- 
tal  les  tient  en  dépôt  jufqu'à  cette  remife, 

.  lô*'.  Les  religieux  font  obligés  d'avoir  &  d'entretenir  des  fournitures  pour  les 
8co  malades  que  leur  hôpital  peut  contenir. 

17°.  Les  pertes  caufées:  par  accidens -imprévus  ,  tels  que  le  feu  du  Ciel,  les 
tremblemens  de  terre  ,  ouragans,  inondations,  invafions  par  l'ennem.i ,  donnent 
lieu  à  une  indemnité  par  l'État  en  les  faifant  conftater  par  procès-verbal  du  prin- 
cipal officier  d'adminiftration  ou  par  fes  ordres  ,  &  approuver  par  les  Admi- 
niftrateurs. 

18°.  L'adminiftration  des  hôpitaux  de  France  ne  voulant  pas  garantir  celle  de 
la  Colonie  ,  pour  affurer  l'envoi  de  ce  que  la  première  fait  paffer  à  l'autre  ,  on  lui 
compte  ,  chaque  année  ,  40,000  livres  de  France  fur  la  quittance  du  procureur- 
fyndic  de  la  Charité.  Cette  fomme  eft  retenue  par  douzième  fur  les  états  de 
chaque  mois  dans-  la  Colonie  ,  &  le  tréforier  de  celle-ci  en  fait  raifon  au  tréforier- 
général  des  Colonies  en  France. 

19°.  Le  marché  eft  fait  pour  jufqu' au  dernier  Septembre  1792,  8ic  file  roi 
mettait  en  régie  ,  ou  chargeait  des  entrepreneurs  du  foin  des  malades  ,  les  ré^if- 
feurs  ou  entrepreneurs  feraient  tenus  de  prendre  les  effets  ,  les  drogues  ,  les 
uftenfiles  &  les  marchandifea  deftinées  à  l'hôpital ,  d'après  une  cftimation  d'experts 
&;  en  payerait  la  moitié  comptant ,  moitié  fix  mois  après. 

20°.  Et  comme  il  ferait  prefque  impoffible  de  féparer  alors  les  bâtimens  du 
roi  d'avec  ceux  des  religieux,  parmi lefquels  ik  font  enclavés ,  &  que  les  cuifines. 


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.If îR-AWij;  A I  s.E   d:e  s  a  iK~r  -  b  o m<î  n  g'xs-e.    ^^^ 

•magafin  s 'Vautres  dépendances  appartenant -au^î  rel!gi«UK.ne  tpajarrai-crEt  .être  00111- 
•murve-s  à  des  entrepreneurs  ,  l'État  -netiendrait  pour  £oa  fervieÉTce  qiîçle  prooès- 
•v^i?baWuSi4  Septembre '17B7  coaftate  être.àltti ,  .sàMi-qnt  çenK  d&venus  inutiles 
aux  'religieux  ,  &  lesjndèmniFeritt  du  terrain  &  des  butimens  qui  font  à  eux  ,  ■& 
!eur  donnerait  le  tems  d'en  confhiuire  d'autres  ou  ferait  faire  cette  conftruftion. 

21^.  Obligation  de  ;fuivre des  .troupes  frelles  entraient  en -çsmpagne  ,  &  qu'il 
•n'y  eût  plus  de  fervice  à  faire  à  l'Jiôpital. 

22°.  'Les  reJi-giieux  bê  font  pas  tenus  de  .recevoir  des  officiers  dansleur  maifcai 
principale,  fi  le  pavillon  .qui  leur  eftdÊftbé  n'eft  pas  reaipli ,  &  ils  choifiroat 
ceux  qu'ils  voudront  mettre  .dansla  première. 

Voîîà. maifTtenant le  fervice'&  la  pDlice  intérieure.: 

•    A  chaque  officier  malade  ^par  jour,  une  livre  &  demie  de  viande  de  bouciierie.^ 

-une  bonne  volaille   de  deux  en  deux  jours,  .gi-iliée  .ou  rôtie,  une  côtelette  de 

'-m®uton~&^un  plat-de  légumes  ou  de  poiiToa  avecdes  confitures  du  pays  ,  ifuivartt 

■les  faifons.   Les  'O'fficiers  ne -peuvent  manger  plufieurs  emfcmble  à  la  table  des 

religreu-x  ,  à  moins  que  le  fupérieur  ne  les  invice.   Les  lit-s-d'officiers  ont. un  mate- 

■las,  une  paiiiaffe  d-e  feuilles  de  mais  ,  -une  couverture  de  laine  ou  de  coton,  un 

traverfin  &  un  oreiller  de  plumes  d'oyes ,  &  des   draps  de  toile  blanche  ,  qu'on 

change  tous'ks  huit  jours  ^&  même  .plus  fou-vent  fi  la  maladie  l'exige  ;  des  fervLet- 

tes  tous  les  deux  jours ,  -Tane  cjhandelie  des  fix  à  la.livre  par  jour  ,  &  des  lampes  de 

■nuit   au  -be.foin.   On    peut  mettre  plufieurs  officiers  dans  le  même  appartement. 

Ils   font  tenus  de  fe  fournir  de  linge  de  corps.  Il  ont  un  domeftique   blanc   par 

quatre  ,  ou  un  noir  par  4?Foi5 .,  -fa^ïf  a. augmenter  en. cas. de  n'éceiTité.  Il  y  a  d'aÉlleurs 

'des tables,  des ■chaifes ,  &c.  Si  lîoffici.Qrpr.end--uni.dom,eftiquc'â  lui.,  cedomçftique 

-eft  à  fes  frais. 

A  chaque  foldat ,  matelot  ou  autre  entretenu,  par  jour,  26  onces  .de  viande 
■de  boucherie  ,  de  la  n-ïei!feure  iquahté  ;  20  'onces  de  pain  blaîaer,'bien  ourt ,  frais 
^  de  la  m'eillenre  quaUté  ,  ^Sc  une  -'chopine,  mefure  de  Paris  ,  de  vin  -.de  Bar- 
deaux. Pour  varier ,  on  met  une  forte  volaille  pour  quatre  Tations  :&  demie 
-de  -viande  ,  &  du  vin  blanc,  au  lieu  de  rouge  ,  q.uandiles  .^religieux ,  Je  rmëdecin 
'*&  le  •'chirurgien  du  Toi  -n'y  :trou^nt  .^as  ^^d'incorw^^énient.  Tous  les  jours  .on 
■ptD'rEe'danslesin°fîTrae.rie«5ài%>tliDwres  du:;matiia,iun-JMKillon';roaigre,a  ^ 

^t  .au  lieiirre  xlu  .à  la  mantègue j  à  dix  heures  on  diftribue  le  bouillon  ^ras , 
la  viande  &  le  vin.j  &  le  foir  de  même..  A  quatr.e  heures  les  malades , taillent 
-eux-mêmes  leur  foups  dans  ks   écueiles  qu'on  leur  donne.  D'autres  ont  des 


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DESCRIPTION     DE    LA     PARTIE 

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œufs ,  des  bananes  ,  du   riz  ,  des  pruneaiix  .  des    confitures  du   pays  &  autres 

chofcs  réglées   par  le  médecin  &  le  chirurgien   du  roi.  11   eft  défendu  de  rien 

réferver  pour   le   lendemain  ,  ■  foit   bouillon    foit   viande    quelconque.    On  peut 

fubftituer  le  bouillon  maigre  au  gras  fi  les  officiers  de  fanté  le  jugent  convenable , 

en  y  joignant  les  purées,   les  légumes,   les  panades,  le  riz,  le  gruau  ,  le   lait  ^ 

les  œufs  ,  les  confitures  ,  &  Ton  diminue  d'autant  la  viande. 

Chaque  malade  eft  couché  feuL  II  a  fur  une  couchette  ,  un  matelas  de  crin 
ou  de  laine  ,  une  paillafle  ,  un  traverfin  de  paille  de  mil,  maïs  ou  bananier, 
une  couverture  de  laine  ou  de  coton.  Il  eft  permis  d'employer  des  hamacs  & 
des  plians.  Il  doit  y  avoir  trois  paires  de  draps  ,  fix  chemifes  &  fix  bonnets  de 
toile  pour  chaque  lit.  La  vaiffelle  eft  de  fer  blanc  ;  il  y  a  des  chaifes  percées  & 
autres  uftenfiles   à  l'ufage  des  malades. 

L'hôpital  doit  être  deflervi  par  un  religieux  infirmier-général ,  très-expert , 
trois  religieux-chirurgiens  &  un  apothicaire.  Ils  ont  fous  eux  des  aides ,  de 
manière  qu'il  y  aie  un  religieux-chirurgien  ou  un  aide-chirurgien  pour  quarante 
malades,  &  un  par  15  bleffés  j  un  domeftique  blanc  pour  12  malades  ou  un 
noir  par  10.  Il  y  a  un  infirmier  blanc  de  ronde  pendant  la  nuit,  &  un  nègre 
qui  veille  pour  25  malades.  Si  le  nombre  des  nègres  devenait  infuffifant ,  les 
aJminiftrateurs  fourniraient  des  blancs  qui  auraient  deux  rations  de  malades  & 
des  gages  que  ces  adminiftrateurs  fixeraient  &  que  les  religieux  payeraient  , 
mais  on  ne  peut  pas  les  forcer  à  faire  venir  pour  l'hôpital  des  nègres  de  leur 
habitation  (*). 

La  vifite  des  malades  fe  fait  de  très-grand  matin.  Si  le  médecin  .ne  peut  y 
aller ,  elle -eft  faite  par  le  chirurgien- major.  Les  religieux  les  avertiflent  l'un  & 
l'autre  des  opérations  chirurgicales  graves  pour  qu'ils  y  affiftent  ou  en  confèrent. 
On  panfe  les  blcffés  deux  fois  par  jour. 

Il  y  a  une  garde  avec  un  officier  qu'on  n'eft  pas  tenu  de  nourrir.  Les  portes 
de  l'hôpital  font  fermées  à  la  nuit  &  ne  peuvent  être  ouvertes  avant  le  matin 
fans  l'ordre  des  chefs. 

L'État  fait  imprimer  les  billets  d'entrée  &  de  fortie  ,  les  états,  les  extraits 
mortuaires  ;  le  commis  figne  les  états.  Le  régiftre  mortuaire  doit  être  tenu  avec 
foin,  &  tous  les  fix  mois  on  en  donne  une  copie  certifiée ,  vifée   du  commlfTaire 


(*)  Qui  produit  annuellement  depuis  150  jurqo'à  200  milliers  de  fuçre  blaac. 


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FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  M  I  N  G  UJE.      577 

de  ia  marine  ;  elle^ft  remife  au  contrôleur  de  la  marine ,  qui  l'envoie  au  miniftre 
pour  le  dépôt  de  Verfailles  ;  le  regiftre  d'entrée  eft  paraphé  par  le  commiffaire 
de  la  marine ,  &  les  états  font  vérifiés  &  arrêtés  par  ce  commiffaire  chaque 
mois,  &  ordonnancés  par  l'intendant  ou  l'ordonnateur. 

Ce  traité  a  été  imprimé  aux  frais  de  l'État  &  envoyé  aux  religieux,  au  méde- 
cin &  au  chirurgien  du  roi ,  aux  chefs  des  corps  &  commandans ,  aux  com- 
miffaires  chargés  des  hôpitaux  &  des  claffes,  au  contrôleur  de  ia  Colonie  &  à 
fon  repréfentant  au  Cap.  Il  a  été  approuvé  pir  l'intendant  le  5  du  même  mois 
de  Septembre  1787,  &  par  le  miniftre  le  17  Février  1788. 

Je  n'ai  pu  réfifter  au  défir  de  rapporter  tant  de  particularités  fur  l'établiffement 
de  l'hôpital ,  parce  que  ce  qui  touche  l'homme  &  furtout  l'homme  en  proie 
aux  douleurs,  intéreffe  toujours  l'être  fênfible  ,  Se  que  j'aime  à  croire  mon 
Lefteur  rangé  dans   cette  claffe.  Je  viens  à  la  partie  defcriptive  de  l'hôpital. 

On  l'apperçoit  du  chemin  ,  parce  que  le  terrain  va  en  amphithéâtre  depuis  ce 
chemin  jufqu'au  point  oia  le  morne  du  Cap  vient  fe  terminer  par  de  petites 
collines  fuccefllves.  La  principale  entrée  ,  qui  eft  fituée  à  650  toifes  du  tourni- 
quet qu'a  le  Cours  Villeverd  fur  la  rue  du  Pont ,  eft  placée  au  milieu  d'une 
claire-voye  de  bois  peinte  en  rouge ,  &  que  porte  un  petit  mur  &  des  pilaftres 
de  maçonnerie.  Là  commence  une  belle  avenue  de  quatre  rangs  de  chênes  qui 
conduit  à  la  maifon  où  font  logés  les  religieux.  Cette  avenue  dont  la  maîtreffe 
allée  a  132  pieds  de  large  &  celles  des  côtés  45  pieds ,  &  qui  n'exiftait  pas  en 
1742  ,  fait  un  angle  un  peu  obtus  du  côté  du  Nord  avec  le  chemin  ,  parce  que 
celui-ci  va  du  Nord-Eft  au  Sud-Oueft,  tandis  que  l'avenue  eft  dirigée  de  l'Eft- 
'  Sud-Eft  à  rOueft-Nord-Oueft. 

La  maifon  eft  à  255  toifes  du  chemin ,  l'on  y  arrive  par  une  terraffe  de  25 
pieds  de  large  ,  où  l'on  mente  par  trois  efcaliers  de  pierres  ;  l'un  au  milieu  & 
en  face  de  l'entrée  de  la  maifon  ,  les  deux  autres  fur  les  côtés  du  premier  & 
obliquement  placés. 

Cette  maifon  de  maçonnerie  confifte  en  un  arrière-corps ,  qu'une  aile  pofée 
de  chaque  côté  dépaffe  de  fix  pieds.  L'arrière-corps  a  66  pieds  de  long  fur  37 
de  large ,  &  les  ailes  45  pieds  de  long  fur  ;i2  ^^  l^'g^  j  ce  qui  fait  que  le  bâti- 
ment,  pris  en  total,  a  132  pieds  de  façade;  il  fe  montre  tout  entier  dans 
l'avenue  qui  a  la  même  dimenfion.  Ce  n'eft  que  depuis  1783  qu'on  a  fait  un 
étage  à  cette  maifon ,  couverte  d'ardoifes ,  ce  qui  lui  donne  encore  plus  de 
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578       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

grâce  Se  de  commodités.  On  entre  d'abord  par  la  lerraffe  dans  une  belle  galerie 
qui  communique  à  un  grand  falon  Icrvant  de  falle  à  manger  &  qui  eft  au  centre 
de  1.1  maifcn  ,  il  s  33  pieds  en  carré. 

Il  eft  peu  de  fituation  à  Saint-Domingue  plus  agréable  que  celle  de  l'hôpital 
du  Cap  qui,  par  Télévation  de  fon  fol,  domine  une  vafte  étendue  de  plaine 
qu'on  apperçoit  à  l'Ett  &  au  Sud,  Ce  local ,  rafraîchi  par  les  deux  brifes  ,  offre 
auiTi  la  vue  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  qui  ferpente  &  dont  le  grand  chemin 
fe  rapproche  &  s'éloigne  fucceiTivement  ;  du  côté  du  morne  un  jardin  charmant 
dont  je  parlerai  bientôt ,  ajoute  encore  à  tant  de  iouiiïaaces.  Il  eft  dommao^e 
que  le  petit  m^orne  de  l'hôpital  qui  eft  dans  le  chem.in ,  dérobe  la  rade  du  Cap 
qui  ajouterait  &  de  la  variéré  &  du  mouvement  au  tableau  charmant  dont  on 
jouit  de  la  tcrraffe  de  l'hôpital ,  &  où  l'on  n'eft  troublé  que  par  le  fpecbacle  des 
marais  de  la  Petite  Anfe  ,  à  travers  lefquels  l'œil  faifit  un  inftant  le  voyso-eur 
qui  fe  rend  au  Cap  par  le  chemin  de  cet  embarcadère. 

Au  Sud  de  la  mai  fon  principale  &  fur  la  déclivité  d'une  colline ,  font  les 
cuiunes  5  les  boulangeries,  la  buanderie,  les  magafms,  la  pharmacie,  les  écuries, 
les  remifes. 

Au-defTous  de  ces  conftru6tions  &  après  un  petit  intervalle,  eft  une  enceinte 
qui  s'étend  du  Levant  au  Couchant,  8v  qui  a  la  forme  d'un  carré  long:  elle 
renferme  plufieurs  corps  de  bâtimens.  Le  principal ,  conftruit  en  maçonnerie  , 
eft  le  premier  bâtiment  de  ce  genre  qu'on  ait  fait  pour  les  malades  j  il  a ,  du 
Nord  au  Sud  ,  50  toifes  de  long  fur  29  pieds  de  large.  A  fon  extrémité  Septen- 
trionale eft  la  chapelle  qui  eft  comprlfe  dans  fa  longueur  &  qu'on  fait  fervir  aulîi 
de  lingerie  ;  elle  eft  fous  l'invocation  de  St.-Jean-de-Dieu  ,  fondateur  de  l'ordre  ' 
des  religieux  de  la  Charité.  Un  petit  clocher  en  flèche  qui  excède  le  toit ,  fert 
à  l'indiquer. 

C'eft  dans  cette  chapelle  à  laquelle  M.  Barreau,  dont  j'ai  précédemment 
énuméré  les  legs  pieux  ,  a  laiffé  ,  en  1758  ,  2,000  livres  pour  acheter  une  lamjpe 
&  un  calice  d'argent,  que  M.  l'abbé  de  Pradines  prononça,  le  7  Juin  1777, 
j'oraifon  funèbre  de  M.  d'Ennery ,  mort  gouverneur-général.  Les  gens  de  cou>- 
leuf  libres  &  efclaves  &  quelques  blancs  du  Cap ,  viennent  auffi  y  faire  une 
Ilation  l'après-midi  du  Vendredi-Saint  &  entendre  prêcher  la  paffion.  On  y  a 
été  frappé  plufieurs  fois  du  talent  du  P.  Roubion ,  chanoine  de  la  Trinité,  mort 
depuis  quelques  années  facriftain  de  la  paroiflè  du  Cap.  D'ailleurs  il  femble  que  dans 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.         579 

un  hôpital  les  cérémonies  religieufes  prennent  un  caractère  encore  plus  augulte , 
parce  qu'elles  font  accompagnées  du  fpedacle  de  l'homme  dans  l'état  où  il  a  le 
plus  befoin  de  la  Divinité  confolatrice  qu'il  implore. 

Ce  bâtiment  élevé  en  1737  &  en  1738  ,  eft  appelle  auffi  la  falle  St.-Jean-de- 
Dieu.  A  chacune  de  fes  extrémités  &  en  retour  d'équerre  ,  allant  de  l'Oueft  â 
l'Eft  ,  il  y  a  deux  autres  falles  auffi  de  maçonnerie  qui  lui  font  contigues.  Celle 
du  côté  du  Nord  qui  tient  à  la  chapelle ,  eft  la  falle  St-Honoré,  c'efc  la  dernière 
bâtie,  elle  n'a  même  pas  été  auffi  étendue  qu'on  le  projetait;  elle  n'a  que  18 
toifes  de  long ,  fa  largeur  eft  de  3 1  pieds.  Celle  du  côté  Sud  ,  qui  eft  parallèle  à 
celle  St-Honoré,  eft  la  falle  de  la  Vierge,  terminée  en  1756  ,  d'après  un  ordre 
de  M.  Lambert,  ordonnateur  au  Cap,  choqué  de  ce  que  M.  Perrier  avait  été 
forcé  de  mettre  les  malaies  de  fon  efcadre  dans  la  ville.  Elle  a  ^^  '^oi^^s  de  lon- 
gueur fur  27  pieds  de  large.  On  s'appercevrait ,  à  ces  différences  dans  les  dimen- 
fions  des  trois  falles  ,  qu'elles  n'ont  été  ni  projetées ,  ni  exécutées  en  même 
tems.  Elles  ont  cependant  toutes  la  même  élévation  qui  eft  de  14  pieds  jufqu'à 
la  naiffance  du  toit,  &  elles  font  couvertes  de  tuiles. 

Jufqu'en  1777  ,  il  n'y  avait  point  d'autres  bâtimens  dans  l'Eft  de  ceux  donc 
je  viens  de  parler,  mais  l'augmentation  de  troupes  que  la  crainte  de  la  guerre  fit 
envoyer,  ik  par  conféquent  le  plus  grand  nombre  de  malades  a  forcé  de  former, 
dans  cette  partie  Septentrionale ,  trois  nouveaux  bâtimens.  Le  plus  Occidental 
aligné  à  fa  face  Oueft  fur  le  bout  Eft  de  la  falle  de  la  Vierge  ,  a  118  pieds  du 
Nord  au  Sud,  &  30  de  large,  c'eft  la  falle  St-Louis.  Celui  qui  fuit  dans 
l'Eft,  a  150  pieds  de  long  qui  viennent  s'aligner  fur  la  face  Méridionale  de  la 
falle  St-Honoré  ,  &  36  pieds  de  large  ,  c'eft  la  falle  St-Raphaël;  le  troifiêmc, 
en  tout  femblable  au  fécond,  eft  la  falle  St-Auguftin.  Ces  trois  bâtimens,  conf- 
truits  en  bois ,  couverts  d'effentes  &  parallèles  entr'eux ,  n'ont  que  dix  pieds 
d'élévation  jufqu'à  la  naiffance  du  toit,  &  feulement  environ  40  pieds  d'inter- 
valle de  l'un  à  l'autrç.  La  clôture  de  cette  enceinte  eft  formée  par  un  mur  de  7 
ou  8  pieds  de  haut. 

La  difpofition  de  la  falle  Saint- Jean -de -Dieu,  dont  les  deux  extrémités 
fervent  elles-mêmes  d'enceinte  ,  forme  deux  cours ,  dont  l'une  eft  au  Couchant, 
U  l'autre  au  Levant  de  cette  falle.  Parcourons-les  en  décrivant  les  détails  &  les 
inconvéniens  de  l'hôpital, 

La  couf  Occidentale  qui  eft  irréguUère  dans  fon  côté  Sud ,  contient  deux  rangs 

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580     DESCRIPTION    DE     LA      PARTIE 

d'arbres  fervant  de  promenade.  Prefqu'au  milieu  de  Ton  côté  Oueft  eft  un  pavillon 
à  étage ,  de  maçonnerie  ,  où  fe  trouvent  le  logement  des  chirurgiens  ,  une  falle  de 
bain  &  une  chambre  de  difcipline.  Ces  deux  dernières  font  humides  &  mal-faines 
à  caufe  de  l'élévation  du  petit  coteau  qui  porte  la  maifon  des  religieux  &  fes  appar- 
tenances ,  &  auquel  ce  bâtiment  fe  trouve  prefque  adoiïe.  Trois  baignoires  font 
infufEifantes  pour  les  malades,  &  la  néceffité  de  faire  fervir  la  même  à  un  vénérien, 
à  un  galeux,  à  un  fébricitant,  choque  les  premières  notions  de  l'art  de  o-uérir, 
amfi  que  celle  de  tranfporter  des  malades  à  travers  une  cour,  pour  aller  prendre  un 
bain.  Il  faudrait  des  bains  pour  chaque  falle,  &  qu'on  eût  foin  de  les  placer  dans  un 
lieu  où  l'on  conduirait  l'eauà  volontéi  c'eft  un  devoir  qu'on  doit  fe  hâter  de 
remplir. 

En  bâciffant  la  falle  Saint- Jean-de-Dieu ,  on  avait  mis  les  latrines  à  50  pieds 
de  cette  falle  &  à  l'angle  Sud-Oueft  de  la  cour.  Il  n'y  a  que  fort  peu  de  tems 
que,  fur  les  repréfentations  de  M.  Arthaud ,  médecin  du  roi,  le  fupérieur  de 
l'hôpital  en  a  fait  conftruire  de  nouvelles.  Sur  le  côté  Oueft  de  la  chapelle  une 
galerie  en  appenti ,  fert  à  abriter  les  malades  qui  pafTent  par  une  Porte  donnant 
dans  la  falle  Sa,nt-Jean-de-Dieu ,  &  qui  font  ainfi  garantis  d'une  courfe  en  plein 
air,  &  quelquefois  fur  un  fol  humide,  qu'ils  étalent  obligés  de  faire  autrefois 
Ces  latrmes  anciennes  &  nouvelles  font  nettoyées  chaque  matin  par  l'eau  d'un 
baffin  de  plufieurs  muids,  qu'on  lâche  &  qui  doit  conduire  les  immondices 
<lans  une  ravme  qui  pafTe  au  bout  Sud  de  la  falle  Saint  -  Jean  -de  -  Dieu  On 
affiire  que  l'on  n'a  pas  donné  affez  de  rapidité  à  ce  courant,  d'ailleurs  infuffifant 
&  qu'il  n'empêche  pas  des  exhalaifonsinfeéles  qui,  dans  k  falle  Saint-Jean-de- 
Dieu,  incommodent  les  malades  furtout  lorfque  les  vents  d'Oueft  &  du  Sud-Oueft 
foufflent.  Il  femble  q^^'on  remédierait  à  ce  mal,  f:  les  latrines  étaient  au  bout  Sud 
Eft  de  la  falle  Saint- Jean-de-Dieu ,  &  ft  une  eau  plus  abondante,  acquérant 
tncore  de  la  vîteiTe  par  fa  compreffion ,  balayait  un  canal  couvert. 

Cette  cour  a  auffi  des  baffins  qu'on  devrait  tenir  couverts    &  ferm.és  avec  des 
cadenats ,  lorfqu'ils  ne  fervent  pas ,   &  il  faudrait  dans  le  cas  contraire  des  ner 
fonnes  capables  d'en  interdire  l'accès  à  des  malades  ou  à  des  convalefcens   ^ui 
viennent  y  laver    ou    s'y  baigner,  &  chercher  ainfi  de  nouvelles   caufe's    de 
maladies. 

C'eft  au  Nord  de  cette  cour  qu'eft  la  porte  d'entrée  qui   conduit  dans  l'hô- 
pital. A  fa  droite ,  &  â  l'angle  Nord-Oueftde  la  cour,  eft  le  bureau  de  l'écrivain 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.      581 

&  du  garde-meuble  pour  les  effets  des  malades.  Une  barrière  qui  fermerait  cette 
porte  j  êz  dont  le  cadenat  ferait  la  nuit  entre  les  mains  du  faélionnaire  ,  empêche- 
rait des  courfes  nofturnes  &  même  des  défertions.  Un  grand  inconvénient  de 
cette  courj  c'eft  que  fe  trouvant  plus  élevée  que  le  pavé  de  la  falle  Saint-Jean-de- 
Dieu,  &  ayant  une  pente  de  l'Ouefl  à  l'Eft,  elle  y  conduit  de  l'eau  dans  les 
grandes  pluies. 

Je  pafle  à  la  féconde  cour ,  celle  du  Levant. 

Les  blelTés  Se  les  vénériens  font  dans  la  falle  de  la  Vierge.  Il  eft  vraiment  regret- 
table ,  que  pour  avoir  un  magafm  au  bout  Sud  de  la  falle  Saint-Jean-de-Dieu  , 
on  ait  fermé  toute  communication  entre  ces  deux  falles ,  qui  ouvraient  l'une  dans 
l'autre  ,  &  que  celle  de  la  Vierge  ait  fon  entrée  fur  le  côté  Nord  dans  la  féconde 
cour.  Le  froid  &  l'humidité  font  deux  grands  ennemis  des  maladies  fyphiliitiques , 
&  furtout  des  bleffures ,  trop  fouvent  fuivies  du  fpafme  dans  les  pays  chauds  ,  & 
toujours  très-difRciles  à  guérir ,  comme  on  peut  en  juger  par  le  feul  fut  des  blefies 
des  vaiffeauxde  l'armée  de  M.  de  Grafîè  qui  vinrent  au  Cap,  après  le  combac 
naval  du  12  Avril  1782  ,  puifque  de  180  bleffés ,  mis  dans  un  hôpital,  deux  feuls 
y  furent  guéris.  Cette  confidération  exige  le  rétabliffement  des  chofes  dans  leur 
premier  état ,  fauf  à  placer  une  porte  grillée  entre  les  deux  falles ,  pour  éviter  les 
abus.  Les  latrines  de  la  falle  de  la  Vierge  ,  qui  font  en  dehors ,  au  Sud  &  ver* 
fon  centre,  ont  aufîî  trop  peu  d'eau  pour  leur  nettoyement,  &  elles  exigeraient 
également  un  égout  couvert  jufqu'à  la  ravine. 

L'entrée  de  la  falle  Saint-Honoré  eft  à  fa  face  Sud  ,  dans  la  féconde  cour.  C'eft 
encore  une  fource  de  défordre  ,  parce  que  les  matelots  marchands  &  les  pauvres 
qui  y  font  placés ,  communiquent  librement  avec  les  foldats  &  les  matelots  de 
l'État ,  &  que  jouifîànt  de  cette  porte  ,  où  il  n'y  a  point  de  faftionnaires,  ils  fortenc 
eux-mêmes  quand  ils  veulent.  On  corrigerait  ces  abus  en  faifant  ouvrir  cette  falle 
dans  la  chapelle.  La  falle  Saint-Honoré  a  fes  latrines  ,  comme  celle  de  la  Vierge  , 
à  fon  centre  ,  au  Sud ,  dans  celte  féconde  cour.  On  n'y  met  que  de  fim.ples  pots 
fous  des  lunettes  ,  &  l'on  va  les  vider  aux  latrines  de  la  falle  SaintJean-de-Dieu, 
qu'on  traverfe  en  infeélant  les  malades.  Il  faudrait  encore  faire  un  égout  à  travers 
la  cour  &  y  conduire  de  l'eau  pour  nettoyer  de  vraies  latrines. 

On  peut  reprocher  aux  trois  falles  de  maçonnerie  d'avoir  des  ouvertures  qui  ^ 
quoique  aflèz  nombreufes  ,  font  percées  trop  bas  dans  leur  partie  fupérieure  ,  ce 
qui  nuit  à  la  circulation  de  l'air.  Au  bout  Sud  de  celle  Saint-Jean-de-Dieu,  eft. 


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S2^2 


DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 


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une  porte  &  deux  fenêtres ,  qu'une  bonne  police  voudrait  qu'on  grillât ,  pour 
empêcher  la  fortie  des  malades  ,  tandis  que  le  befoin  d'air  exigerait ,  peut  -  être  , 
que  l'extrémité  de  la  chapelle  au  Nord ,  eût  quelque  ouverture  qui  le  renouvellerait 
dans  la  falle  Saint- Jean-de-Dieu.  La  conftruflion  des  trois  falles  de  bois  a  dimi- 
nué la  féconde  cour,  qui  formaitune  utile  promenade  avec  quatre  rangs  d'arbres , 
donc  on  pouvait  fe  difpenfer  de  prendre  une  partie,  puifque  le  terrain  ne  man- 
quait pas. 

Les  trois  falles  de  bois  font  trop  rapprochées  l'une  de  Tautrej  l'air  y  efltrop 
reflerréj  les  exhalail'ons  fe  communiquent  de  l'une  à  l'autre  ,  &  les  latrines  pofticheii 
de  leur  bout  Sud  ont  les  mêmes  vices  que  celles  de  la  falle  Saint-Honoré. 

C'eft  au-deffu3  de  cette  falle  en  venant  dans   l'Oueft,  &  en  dehors  du  mur  de 
clôture  au  Nord,  qu'eft  le  corps  -  de  -  garde  de  l'hôpital.    Comme  il  arrivait  fré- 
quem.ment  que  les  m.alades  franchiifaient  ce  mur,  dans  le  côté  Eft  de  l'enceinte 
on  a  mis  une  fentinelle  en  dedans  dans  l'angle  Nord-Eft  de  cette  clôture  ;  mais 
elle  n'y  eft  pas  la  nuit .  &  le  mal  n'eft  qu'à  demi  réparé. 

Je  paffe  au  côté  Nord  de  l'avenue.  On  y  trouve  cinq  corps  de  bâtimens  parallè- 
lement dirigés  du  Nord  au  Sud.  Le  plus  Oriental  &  le  plus  long  (  il  a  150  pieds  ), 
eft  à-peu-près  aligné  fur  la  falle  Saint-Louis  ;  tous  les  cinq  ont  leur  bout  Sud 
proche  du  fécond  rang  d'arbres  de  la  contre-allée  du  Nord.  Le  dernier  à  l'Oueft  & 
-celui  qui  le  précède  ,  ont  été  conftruits  pendant  la  guerre  de  1778  i  ils  font  de  bois 
&  couverts  d'efîentes.  Le  troifième  eft  de  maçonnerie,  divifé  en  plufieurs  chambres 
de  malades  ,  ouvertes  feulement  à  l'Eft  fur  une  galerie  fort  baffe.  Le  quatrième  eft 
de  bois  &c  la  plupart  de  fes  chambres  font  des  fervitudes.  Ces  trois  bâtimens  ont 
égallement  110  pieds  de  long.  J'ai  vu  pofer  celui  que  j'ai  défigné  comme  le 
quatrièm.e,  au  mois  de  Mai  1777.  Je  rencontrai  en  allant  à  l'hôpital  à  la  pointe  du 
jour,  le  nombreux  atelier  de  M.  Artau ,  qui  en  tranfportait  la  charpente 
environnante  toute  affemblée ,  &  revenant  après  le  coucher  du  foleil ,  il  y  avait 
une  maifon  de  1 10  pieds  de  long,  paliffadée ,  couverte  &  fermée  ,  dans  un  efpace 
qui  était  vide  le  matin.  Je  cite  ce  trait ,  parce  qu'il  donne  une  idée  des  moyens 
de  cet  entrepreneur ,  &  d'une  célérité  d'exécution  que  lui  feul  a  fait  voira  Saint- 
Domingue. 

Le  dernier  bâtiment,  le  plus  Occidenral,  &  qui  répond  à  l'entrée  de  la  pre- 
mière cour  ,  de  l'autre  côté  de  l'avenue  ,  eft  un  pavillon  à  étage ,  de  130  pieds 
dç  long  appelé  le  pavillon  des  officiers  j  à  caufç  de  fa  deftipation.  Il  a  quatorze 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.        5S3 

chambres  de  15  pieds  en  carré.  Au  rez  de  chauffée  eft  une  culfine  &  une  falîe 
de  bains  où  l'on  eft  fâché  de  ne  trouver  que  trois  baignoires.  La  face  Eft  a  une 
galerie  en  haut  &  en  bas  de  huit  pieds  &  demi  de  large,  il  en  aurait  fallu  une  pa- 
reille à  l'Oucft  pour  qu'on  pût ,  félon  la  direftion  d^u  foleil  &  des  bi  ifes ,  tenir  les 
chambres  ouvertes  &  les  garantir  de  la  chaleur  qu'on  y  éprouve.  Une  ravine 
qui  eft  derrière  ce  pavillon ,  paffe  à  fon  extrémité  Nord.  Devenue  un  torrent 
dans  les  grandes  pluies  ,  elle  fait  refouler  l'eau  jufques  dans  les  chambres  du  rez 
de  chauffée;  il  faudrait  la  détourner.  Ce  pavillon  a  encore  un  inconvénient ,  c'eft 
celui  de  recevoir,  dans  la  faifon  des  Nords,  les  exhalaifons  des  parcs  à  cochons  & 
de^  vidanges  des  cafés  des  nègres  de  l'hôpital,  qu'on  a  mifes  au  Nord  de  la  ravine, 
fur  le  penchant  d'un  coteau  &  fur  la  ligne  des  cinq  bâcimens  dont  je  fuis  occupé 
en  ce  moment. 

Le  danger  d'entaffer  beaucoup  de  malades  ,  eft  encore  plus  grand  dans  les  pays 
chauds.  Il  ne  faudrait  jamais  plus  de  deux  rangs  de  lits  dans  lesfalles  des  hôpitaux 
des  Antilles  ,  &  les  circonftances  feules  de  la  guerre  peuvent  contraindre  à  en 
mettre  davantage.  On  en  avait  formé  quatre  dans  la  falle  Saint- Jean-de-Dieu 
pendant  l'automne  de  1787  ;  mais  l'on  s'apperçut  que  les  ulcères  prenaient  un 
caraftère  gangreneux.  On  ouvrit  une  autre  falle  &  les  accidens  cefsèrenî.  C'eft 
\me  leçon  qui  ne  doit  pas  s'effacer  du  fouvenir  de  ceux  qui  foignent   cet   hôpital  j 

oîi l'on  a  vu  pendant  la  guerre  de  1778,  jufqu'à    825   malades  non  compris  45 
officiers. 

On  y  envifage  auffi  la  gale'comme  une  maladie  trop  légère  ,  &  l'on  ne  veut 
pas  s'appercevoir  qu'elle  eft  quelquefois  produite  par  la  mal  -  propreté  du  lino-e  & 
des  draps. 

Un  grand  inconvénient  des  hôpitaux  coloniaux-,  c'eft  la  néceffité  d'y  employer 
des  nègres  dont  l'indolente  indifférence  &  la  dangercufe  complaifance  laiffent  les 
malades  fans  foins  ,  &  leur  procurent  des  alimens  &  des  boiffons  funeftes  à  leur 
état.  Le  marché  exige  un  nègre  par  dix  malades,  mais  ils  feraient  heureux  fi  fa 
violation  leur  en  laiffait  un  pour  foixante.  Auffi  des  malades  ayant  le  tranfport , 
fortent-ils  ,  d'autres  tombent  de  leurs  lits  &  un  grand  nombre  font  privés  des 
fecours  dont  ils  ont  h  plus  preffant  befoin.  Sans  prétendre  faire  une  cenfure 
amère  des  principes  des  religieux ,  il  eft  évident  que  leur  nombre  eft  infuffifant 
pour  furveiller  tous  les  détails  d'un  pareil  hôpital  ;  &  cela  s'applique  auffi  au 
petit  nombre  des  chirurgiejis  &  des  infirmiers  blancs ,  qu'on  ie  contenterait  de 


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5S4      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

rencontrer  par  paire  ou  même  feuls  dans  chaque  falle ,  quoique  le  marché  en 
veuille  un  par  douze  malades.  Il  faudrait  les  attacher  à  d'aulTi  pénibles ,  mais  auffi 
utiles  fondions  ,  par  un  traitement  proportionné  à  leur  zèle.  . 

Une  chofe  dont  les  amis  de  l'humanité  ne  pouront  jamais  aflèz  s'étonner , 
e'eft  que  dans  des  marchés  qui  (  puifqu'on  veut  des  marchés  )  ne  devraient  que 
marquer  le  prix  des  foins  ,  des  alimens  &  des  remèdes  qu'on  peut  tarifer,  on 
ait  imaginé  de  fubvertir  l'ordre  naturel  des  chofes  ,  fans  vouloir  çonfidérer  qu'un 
hôpital  eft  effentiellement  deftiné  à  la  confervadon  des  hommes  des  ciafTes  les 
plus  précieufes.  Comment  veut-on  que  des  religieux,  qu'il  eft  iirpoffible  de  ne 
pas  envi fager  comme  des  entrepreneurs  ,  deviennent  tout  à  la  fois  les  fourniffeurs 
&■  ceux  qui  examinent  ou  prefcrivent  les  fournitures.  Je  fais  bien  que  le  marché 
exige  les  foins  du  m_édecin  du  roi,  mais  celui-ci  doit  auiïi ,  fuivant  ce  marché  , 
fe  concerter  avec  les  religieux  ;  or  ,  quel  concert  veut-on  établir  entre  un  médecin 
qxi  ne  peut  &  ne  doit  fe  déterminer  que  d'après  fcs  connaifTances  &  à  qui  fa 
probité  commande  d'exiger  en  faveur  du  malade  tout  ce  qui  lui  eft  néceffaire  ,  Se 
des  religieux  entrepreneurs  ?  Si  le  médecin  eft  inébranlable  ,  il  fera  bientôt 
appelé  tracaffier ,  &  je  garantis  que  le  père  Juferïeur  trouvera  des  échos.  Si  le 
médecin  cède  ,  je  vois  tous  les  abus  fe  multiplier  ,  &  un  hôpital ,  le  lieu  le  plus 
fâcré  par  fa  deftination  ,  transformé  en  une  boutique  ,  où  tout  fe  calcule ,  excepté 
la  durée  de  la  vie  des  hommes. 

C'eft  alors  qu'on  confie  la  diftribution  des  remèdes  à  des  nègres  ignorans  & 
dont  les  erreurs  font  mortelles.  C'eft  alors  que  l'heure  de  toutes  les  diftributions 
eft  incertaine  ;  que  des  malades  privés  de  force ,  périffent  d'inanition  ,  parce  que 
le  marché  a  dit  qu'ils  devaient  tailler  leur  foupe  eux-mêmes ,  &  n'a  pas  fu  pré- 
voir qu'ils  feraient  hors  d'état  de  prendre  ce  foin  ,  &  qu'il  arrive  très-fouvent 
qu'un  malade  enlève  ,  de  force ,  la  pornon  d'un  autre  malade  plus  faible  que  lui. 
C'eft  alors  que  les  infirmiers  blancs  font  occupés  à  jouer  avec  des  convalefcens , 
au  lieu  de  remplir  leurs  devoirs  dont  chaque  négligence  peut  être  un  meurtre  j 
c'eft  alors  enfin  qu'un  hôpital  n'cft  plus  qu'un  cimetière  où  les  cadavres  ont 
encore  un  refte  de  mouvement.  : 

Adminiftrateurs  qui  ftipulez  froidement  les  conditions  d'un  pareil  marché, 
qui  croyez  qu'il  faut  plaire  aux  religieux  de  la  Charité  ,  comme  fi  leur  plaire  était 
le  but  qu'on  doit  fe  propofer  ,  allez  dans  ces  hôpitaux  &  écoutez  les  imprécations 
de  ceux  pour  qui  vous  penfez  avoir  tout  fait ,  en  difant  qu'ils  auraient  ce  que  vous 

jugez 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      585 

jugez  leur  être  nécefîaire ,  quand  vous  avez  pris  des  mefures  telles  qu'on  pûtks 
leur  refbfer  impunément.  Je  fais  qu'on  criera  :  Mais  la  délkateje  des  entrepre^ 
neurs\  Lk  crainte  delà  mort  d'un  feul  homme  qu'on  doit  f  au  ver  ,  voilà  tout  ce 
que  j'apperçois,  &  je  frémis  quand  je  remarque,  quand  je  fais  que  ma  crainte 
n'eft  pas  commune  à  tous  ceux  qui  l'environnent. 

Pour  ajouter  au  ridicule  mêlé  de  cruauté  de  ce  fyftème  ,  on  veut  aulTi  que  les 
religieux  faffent  avec  le  médecin  ,  le  tableau  des  maladies  &  de  leur  traitement. 
Comme  fi  ks  religieux  étaient  deftinés  à  autre  chofe  qu'à  exécuter  ,  avec  fidélité  \ 
ce  que  le  médecin  a  prefcrit.  D'ailleurs  ces  états  envoyés  aux  Adminiftrateurs  & 
fuppofés  parvenus  jufqu'au  miniftre  ,  ont-ils  jamais  produit  une  ligne  de  l'infpec- 
teur-gé.iéral  de  la  médecine  coloniale  ?  Ce  dernier  a-t-il  memeja.nais  eu  l'idée 
heureufe  ,  mais  tardive  des  Adminiftrateurs  qui  demandaient  au  miniflre  ,  par 
une  lettre  du  16  Juin  1789  ,  que  le  journal  des  hôpitaux,  rédig*^  par  M.  de 
Horne,fut  envoyé  aux  médecins,  aux  chirurgiens  &  aux  apothrcaires  du  roi 
dans  la  Colon-ie  ?  Comment  répèce-t-on  des  conventions  par  pure  forme  &  fans 
être  frappé  de  leur  inutilité  ?  Comment  fi  on  les  croit  néceflaires ,  ne  prend-on  pas 
des  mefures  plus  sûres  pour  leur  accompliffement  ? 

Une  autre  circonftance  me  frappe  &  m'afflige  encore  ,  c'eft  l'impoffibilité 
qu'un  médecin  qui  vient  une  feule  fois  par  jour  &  qui  ne  voit  qu'un  feul  moment 
un  malade  ,  foit  véritablement  utile.  L'inftant  de  fa  vifite  peut  être  calme  & 
fuivi  d'une  crife  mortelle  j  dans  un  climat  auffi  aftif ,  la  maladie  change  de  carac- 
tère d'une  minute  à  l'autre ,  &  le  malheureux  efc  condamné  à  attendre  vingt-quatre 
heures  un  avis  falutaire.  On  dira  bien  qu'un  religieux- chirurgien  ou  autre  fupplée 
k  médecin  dans  l'intervalk  ,  mais  fi  l'accident  eft  du  reflbrt  de  la  médecine  ,  fi 
k  chirurgien  n'cft  pas  très-inflruit  ,  s'il  ne  rend  pas  à  la  vifite  du  lendemain  '  un 
compte  exaa  de  ce  qui  s'eft  paffé  ,  de  ce  qu'il  a  fait ,  que  deviendra  k  moribond  ? 
Non  jamais  je  ne  ferai  tranquilk  fur  k  fort  de  l'hôpital  du  Cap  tant  que  k 
médecin  n'y  féjournera  pas  &  ne  pourra  pas  y  faire  des  cours  utiks  à  lui-même 
&  à  des  élèves  ;  tant  qu'il  n'y  aura  pas  un  logement  féparé  &  une  manière 
d^être  indépendante  des  religkux ,  dont  il  ne  doit  pas  même  faire  foupçonner 
l'influence.  Mais  qu'au  moins  il  foit  tenu  d'y  faire  une  vifite  matin  &  foir,  & 
qu'on  ne  foumette  pas  à  un  vil  cakul  ks  frais  de  fon  tranfport,  pour. lequel 
Larnage  &  Maillart  demandèrent  vainement  au  miniftre ,  en  1739  ,  une  fomme 
de  i,2Qoliv.  Un  feul  recrue  coûte  plus  a  l'État  que  ces  vif  r-s ,.  &  n'y  a-t-ii 
Tom^  I,  .         E  e  e  e     ' 


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586      DESCRIPTION    DE      LA     PARTIE 

que  ces  bénéfices  à  peier  !  On  a  vu ,  à  la  grande  indignation  de  ceux  qui  n'ont 
^s  étouffe  toi:te  fenfibilité ,  les  vifices  du  médecin  &  du  chirurgien  du  roi, 
interrompues  parce  que  les  religieux  refufaient  de  fournir  une  voiture  &  que 
l'adminiftration  n'en  donnait  pas.  Ell-ce  là  auffi  une  économie  ! 

Payez  tous  les  travaux  utiles ,  payez  les  chirurgiens  de  l'hôpital  fans  vous 
contenter  de  cette  générofité  parcimonieufe  qui  a  décidé  l'adminiftration  à 
accorder,  le  i".  Janvier  1787  ,  66  liv.  par  quartier  à  celui  des  garçons- 
chirurgiens  qui  s'acquitte  le  mieux  de  fcs  devoirs.  Sachez  que  lorfque  ces  chi- 
rurgiens font  à  la  folde  des  entrepreneurs,  ils  font  &  moins  nombreux  &  trop 
dévoués  ;  réglez  qu'au  lieu  d'une  année  ,  tous  ceux  qui  fe  deftinent  à  la 
chirurgie  paffcroni  deux  ans  dans  un  hôpital  de  la  Colonie  avant  d'y  exercer 
leur  profefïïon ,  fans  vouloir  en  excepter  tous  les  ignorans  à  parchemin  qui  y 
arrivent.  Ceux  qui  feront  vraiment  inftruits  ne  feront  que  plus  précieux  après 
cette  école  locale  que  rien  ne  remplace.  Les  autres  auront  le  tems  d'oublier  le 
raloir  que  leur  m.ain  eft  accoutumée  à  manier  &  de  la  famiiliarifer  avec  les  inf- 
trumens  qu'ils  doivent  employer  pour  guérir  &  non  pour  moiffcnner  les  habitans 
du  Nouveau-Monde  ;  qu'enfin  les  uns  &  les  autres  foient  examinés  avant  d'être 
admis  à  l'hôpital  &  à  l'époque  où  ils  doivent  en   fordr. 

Je  me  fais  peut-être  un  peu  écarté  de  m.on  objet  afluel  en  m,e  livrant  aux 
fentimens  que  l'adminifiration  de  l'hôpital  a  exrités  en  moi.  Mais  quand  je 
contemple  cet  amas  de  bâdmcns  encore  trop  peu  étendus  dans  ces  tems  où 
l'homme  détruit  l'hommiC  ;  quand  je  réfléchis  que  le  vainqueur  y  pouffe  quel- 
quefois des  cris  aigus  fur  un  lit  de  fouffi-ance  où  la  nature  lui  fait  payer  cher 
les  facrifices  qu'il  fait  à  la  gloire ,  je  ne  pvis  m/empêcher  de  demander  que  ces 
afiles  foient  protégés  par  un   amou.r  pur  &  éclairé  de   l'humanité. 

Encore  un  abus.  Le  cimetière  de  l'hôpital  du  Cap  eft  au  Midi  de  tous 
les  bâtimens  qui  le  compofent  &  de  la  ravine  j  il  eft  à  3^  toifes  du  bout  Sud 
de  la  fâlle  Saint-Jean-de-Dieu ,  point  où  l'on  traverfe  la  ravine  fur  un  pont  pour 
y  arriver.  Ce  cimetière  qui  a  environ  î8o  pieds  de  l'Eft  à  l'Oueft,  fur  environ 
iio  du  Nord  au  Sud,  eft  évidemment  trop  petit  &  trop  voifm  de  l'hôpital, 
fur  lequel  la  brife  du  foir  ramène  fes  exhalaifons.  Je  rends  avec  une  fatisfadlion 
réelle,  ce  .ém.oignage  aux  religieux,  que  depuis  long-tem.s  ,  &  notamment  en 
1782,  ils  n'ont  pas  ceffé  de  demander  que  ce  cimetière  fut  changé  &  transféré  à 
environ  6co  toifes  des  faUes ,  derrière  un  petit  monùcule  qui  garantirait  de   fes 


'«wgur.'.t'." 


-lu      I  !--■  111^» 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       537^ 

émanations  &  qui  en  ôterait  la  vue  à  des  malades ,  parmi  lefquels  il  eft 
poffibie  que  quelques-uns  en  foient  douloureufcment  affeflés.  Mais  en  attendant 
ce  changement  nécelTairej  qu'on  veille  aux  inhumations;  elles  font  fi  incom- 
plettes  quelquefois  ,  qu'une  odeur  cadavereufe  infefte  la  falle  Saint- Jean-de-Dieu 
&  qu'il  eft  arrivé  aux  nègres  de  iaiffer  un  corps  fans  fépulture  dans  ce  cimetière. 
Veillez  donc  pour  eus  ,  Religieux  confacrés  à  l'humanité  foufrrante  ,  ne  tolérez 
point ,  par  exemple  ,  que  le  vifage  de  celui  qui  a  expiré  ,  frappe  ,  dans  fon  lit  j^ 
l'être  qui  efi:  près  de  le  fulvre,  &  que  ce  tableau  déchirant  n'ajoute  pas  à  ce  que  les. 
approches  de  la  mort  ont  quelquefois  de  hideux  ! 

Un  grand  m.albeur  pour  l'hôpital  du  Cap,  c'eft  la  nature  du  terrain  qui 
le  borne  à  l'Eft  ;  ce  font  ks  émanations  dangereufes  des  marais  immenfes  fur 
lefquels  pafle  la  brife  du  large  avant  de  lui  arriver.  La  main  feule  du  tcms  peut 
remédier  à  un  pareil  fléau  ,  &  jufqu'à  cette  époque  heureufe,  ces  marais,  dont 
on  ne  peut  s'empêcher  d'êcre  frappés  ,  font  un  avertifîèment  de  plus  pour  que 
des  foins  continuels  &  une  police  févère  ,  empêchent  tout  ce  qui  pourrait  fécon- 
der les  influences  d'une  atmofphère  qui  eft  loin  de  l'état  de  pureté  défirable 
pour  un  hôpital. 

Cet  hofpice  eft  plus  heureux  quant  à  l'eau.  Elle  lui  eft  fournie  en  grande 
maffe  par  plufieurs  fources  qui  font  au  pied  du  morne ,  à  peu  de  diftance  & 
dans  rOueft  de  h  maifon  des  religieux.  Il  eft  feulem.ent  fâcheux  que  ces  fources 
naiflènt  dans  un  terrain  argileux  au  lieu  d'être  fabloneux.  Leur  eau  eft  claire  & 
■limpide ,  elles  blanchiffent  parfaitement  le  linge  &  cuifent  de  même  les  légumes. 
Dans  l'analyfe  qu'en  ont  fait  MM.  Arthaud,  médecin  ,  Roulin  ,  chirurgien-major 
Bc  Ducatel,  maître  en  pharmacie  ,  le  4  Mai  1788  ,  &  que  l'on  trouve  imprimé 
dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du 
Cap  ,  il  réfuke  que  la  pefanteur  de  ces  eaux  eft  de  onze  degrés  à  l'aréomètre 
pour  les  efprits ,  &  d'après  l'examen ,  par  les  réaclifs  &  par  l'évaporation ,  que 
chaque  livre  d'eau  contient  fept  foixante-cinquièmes  de  grain  de  fel  marin  à  bafe 
terreufe  calcaire,  ou  muriate  calcaire  ;  un  quart  de  grain  de  terre  calcaire  & 
trois  quarts  de  grain  de  félénite  ou  fulfate  calcaire  ,  ce  qui  prouve  qu'elle  n'eft 
aucunement  nuifible  ,  quoiqu'elle  ne  jouilTe  pas  d'une  pureté  parfaite. 

Il  exifte ,  depuis  plus  de  foixante  ans ,  une  difficulté  entre  le  fupérieur  de 

l'hôpital  &  le  préfet  de  la  miffion,  relativement  à  l'aumônerie  de  cet  hôpital  que 

Jcs  religieux  regardent  comme  un  titre  qui  confère  tous  les  pouvoirs  néceftaires 

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58S       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

pour  l'exercice  des  fonctions  paftorales  &  curiales ,  foit  quant  aux  malades ,  fait 
quant  aux  individus  quelconques  attachés  au  fervice  de  l'hôoital.    C'était  même 
far  cette  confidération  que  le  fupérieur  de  la  Charité  fe  fondait  ,  dès  le  mois  de 
Mars  1727  ,  pour  être  difpenfé  de  payer  des  droits  curiaux  à  la  paroiffe  du  Cap. 
XJepuis   les  religieux  ont  obtenu  &  invoqué   un   brevet  de  Benoît  XIV,   du  5 
Octobre   1745,  qui  confirme  tous  les  privilèges    concédés  à  leur  ordre  ,  &  qui 
accorde  pour  toujours  aux  prêtres   employés  au  fervice   des  hôpitaux  des  îles  de 
,J  Amérique  ,   le  pouvoir  de  baptifer  ,  confener  &  marier  ,  d'adminiftrer  tous  les 
facremens  &  de  faire  dans  leurs  églifes  toutes  les  fondions  curiales.   Ce  bref,  qui 
a  eu  pour  caufe  une  difcuffion  entre  les  mifïïonnaircs  des  IHes  dont  il  virg  une 
■requê^te,    fous  la   date  du  3  Janvier   1744,   &   ks  réponfes  du  prieur-général 
des  pères  de  la  Charité ,  h  qui  conféquemmenî  juge  un  procès  trcs-contradicloi- 
reme.nt   infcruit  ,.  veut    que   les   aumôniers   des    hôpitaux    coloniaux    confeflènc 
non-ieulement  les  malades  &  toutes  les  perfonnes  qui-les  fervent,  à  quelque  titre 
-que  ce  foit,  mais  leur  donnent  l'Euchariftie  &  l'Extrême-Onction  ;  il  les  aurorife 
a   baptifer,  à  marier  les  efclaves  attachés  à  ces   hôpitaux   &  à  faire    toutes   les 
fonchons  paroiffiales ,  à  oiHcier    folemnellemenl-  ks   fêtes   &  les   dimanches     à 
•publier  les  vigiles-jeûnes  ,  fêtes  &  autres  chofes  femblables ,  &  le  pape  impofe 
-fur  cela  aux  millionnaires  un  filence  perpétuel. 

■  Comme  les  brefs  ne  peuvent  recevoir  aucune  exécution  dans  les  Colonies  fan=5 
-des  lettres  d'attache  du  roi,  le  provincial  des  religieux  de  la  Charité  à  Paris  en 
demanda  ,  le  miniilre  lui  répondit ,  le  i  2  Mai  1751  ,  q,,e  le  roi  nejugeait  point 
a  propos  de  permettre  l'enregiftrement  du  bref  de  1745  ,  mais  qu'il  allait  faire  un 
règlement  fur  la  difficulté  qui  écait  entre  les  miffionnaires  &  les  hôpitaux  Ce 
règlement  eft  encore  à  naître  ,  &  les  aumôniers  des  hôpitaux  fe  maintiennent 
dans  leur  ancienne  poffeiïion  ,  en  dépit  des  miiTionnaires  &  des  préfets. 

Il  femble  qu'il  n'y  a  nul  inconvénient  dans  le  bref,  pourvu  que  les 
aumôniers  exécutent  ce  que  des  loix  coloniales  leur  prefcrivent  fur  les  re^iftr=s 
-des  hôpitaux.  On  trouve  ceux  de  l'hôpital  du  Cap  ,  depuis  fon  établiiTemenï" 
au  mois  d'Août  1698  jufqu'au  14  janvier  1759,  ^^épofés  au  greffe  de  la  Séné- 
chaufTée  de  la  ville.  J'ignore  ce  qu'on  a  fait  de  ceux  poftérieurs.  L'édit  du  mois 
de  Jum  1776  veut  que  ces  hôpitaux  aient  trois  regiftres  des  inhumations;  un 
pour  y  demeurer  ,  l'autre  pour  le  greffe  de  la  juridiftion  du  lieu  8.  le  troifième 
pour  le  dépôt  de  VerfaiUes  où  l'on  trouve  ,  en  effet ,  quelques  regiftres  des 


■v 


. '1.'       1    II      amn 


FRANÇAISE     DE     S  A  I  î^  T  -  D  O  M  ï  N  G  U  E       589 

KÔpitaux  coloniaux.  N'eil-il  pas  vraiment  étrange  que ,  dans  le  marché  de  1787 
l'intendant  ait  cru  pouvoir  lubftituerâ  ce  troifièoie  regiftre  une  copie  certifiée  & 
s  arroger  ainfi  dans  un  afte  obfcur  une  autorité  fupérieure  à  celle  d'un  édit  enre- 
giftre  dans  les  cours  de  la  Métropole. 

Une  chofe  des  religieux  de  l'hôpital  de  la  Charité  qui  eft  très-louée  ,  c'eft  leur 
bonne  chère  dont  je  rapporterai  cette  preuve   fmgdiére.   Autrefois   les  officiers 
malades  mangeaient  à  leur  table  ,   dès  qu'ils  pouvaient  s'y  rendre,  &  ce  rémme 
leur  paraiffait  fi  bon,  furtout  lorfque  pendant  la  guerre,  ils  ne  trouvaient  au  Can 
que  des  penfions  fort  mauvaifes  &  fort  chères ,  &  aux  époques  où  nulle  campagne! 
nulle  entrepnie  ne  reveillait  leur   défir  de  combattre  pour  la  patrie,  qu'on  prenait 
par  partie  de  plaifir,  un  billet  d'hôpital.  Cette  méthode  devenue  abufive  pour  la 
dépenfe  des  frais  d'hôpitaux,  frappa  auITi  fur  les  religieux.   Les  officiers  malades 
recevaient  h  vihte  de  leurs  camarades  &  les  vifitans  augmentaient  le  nombre  des 
convives.   C'eft   pour    remédier  à  ces  manières  qui  convertiffaient  l'hôpital   en 
auberge     eu  une  lettre  ou  minifcrc  du  3 1  Juillet  1785  ,  a  porté  aux  det!x  tiers 
au  heu  de  la  moife  ,   la  retenue  qui  a  lieu  fur  les  appointemens  des  officiers' 
malades,  &  que  .e  marche  de  17S7  veut  que  chaque  officier   mange  dans   f. 
chambre  feul.  ° 

Je  viens  au  jardin  de  l'hôpital  du  Cap.  Il  eftà  l'Oueft  de  la  maifon  &  con 
mence  au  bout  d'une  terraffe  qui  fuit  la  galerie  placée  au-devant  de  cette  façade" 
Une  johe  pièce  d'eau  avec  un  jet  répond  à  la  porte  intérieure  du  falon   &'  form^' 
le  milieu  d  un  beau  potager.   Supérieurement ,  le  terrain  qui  eft  la  defcerte  d'une' 
coHme      eft   divifé  en  terraffies  fucceffives.    De  petits  canaux  de  briques ,  des 
baffins  de  bains  ,  des  refervoirs  couverts  de  bofquets  ,  tout  rend  ce  local  riant 
des  plantes  alimenteufes  ou  médicamenteufes  lui  fervent  d'ornement      ai^^       ' 
des   arbriffeaux  &  des  plantes  curieufes  &  étrangères.   L'air  y  eft  dou  '    l'^'^  ^"^ 
mure  de  l'eau  parle  à  l'ame  &  la  difpofe  au  calme  &  au  repos  i^n  an  !vj  T'" 
trop  de  recherches  .  l'art  a  embelli  la  nature.  On  ne  fe  lafTe  pas  de  fonder  "' 
bonheur  précieux  que  la  jouiffance  des  fources  qui  arrofent  le  fol  de  l'hôpital    1  "^ 
procure.  On  penfe  à  l'influence  qu'elles  ont  fur  la  falubriré  d'un  lieu  qui  renfe-  "' 
tant  de  malades  dans  un  climat  chaud,  &  l'on   tait  des  vœux  pour   que  7^ 
travaux  hydrauliques   plus  intelligens  ,  augmente  la   mafîè    de    ces   eanv'  K    '' 
accroifl^e  l'utilité.  '"^  ^  '"^ 

Sur  k  droit,  du  jardin,  qui  a  S5  toifcs  de  long  à  compter  de  la  naiiTance  du 


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II 


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^95       DESCRIPTION    DE    LA     PARTIE 

parterre j  &:  160  pieds  de  large,  eft  un baffin  aflez  long,  Iitué  près  de  la  haie  au 
Nord  ,  où  l'on  voit  une  multitude  de  poiiTons  dorés  de  la  Chine ,  connus  à  SainN 
Domingue ,  fous  le  nom  de  FoiJJons  ronges.  Les  premiers  furent  introduits  dans 
la  Colonie  par  M.  Mercier  de  la  Rivière  ,  commiffaire  de  la  marine  qui ,  vers 
1777,  en  acheta  quatre  d'un  jeune  officier  d'un  navire  venant  de  l'Inde  ,  &  mouillé 
dans  la  rade  du  Cap  ;  il  les  paya  vingt  piaftres  gourdes  pièce.  M.  de  Trémondrie, 
habitant  au  Peti:  Saint-Louis,  au  retour  d'un  voyage  de  France  vers  la  même 
époque  ,  en  ayporta  auîTi  plufieurs.  Ils  fe  font  prodigieufement  multipliés ,  furtout 
à  l'hôpital. 

C'efl:  un  fpetlacle  très-amufant  de  voir  ces  jolis  animaux  promenant  leurs  cou- 
leurs éclatantes  à  travers  un  liquide  oij  la  lumière  va  les  embellir  &  les  nuancer. 
On  admire  la  pourpre  ,  l'or  &  l'argent  qui  enrichit  leurs  écailles.  Il  en  eft  qui  ont 
près  de  dix  pouces  de  long.  Ils  n'acquièrent  leur  couleur  rouge  que  par  une  tran- 
fition  fucceiïlve  j  Se  leur  nuance  noirâtre,  qui  eft  la  primitive  ,  n'eft  même  pat 
toujours  relative  à  leur  longueur  ;  on  en  voit  en  eiFet  qui  font  encore  tout  noir  , 
tandis  que  de  plus  petits  font  déjà  devenus  rouges  ;  c'eft  vers  la  queue  que  le 
changement  commence.  Ce  baflln  procure  beaucoup  de  ces  poiffons  à  la  ville  du 
Cap  ,  oij  on  les  trouve  dans  des  falons  qu'ils  femblent  égayer  &:  oij  à  travers  de 
fuperbes  bocaux  de  criftal,  on  fuit  tous  leurs  mouvemens  en  admirant  leur  flexibi- 
lité &  toutes  les  nuances  de  leur  robe.  Mais  ils  deviennent  très-délicats  lorfqu'iîs 
font  ainfi  contenus  dans  un  efpace  borné  i  j'en  ai  vu  périr  plufieurs  en  quelques 
inftans  ,  feulement  parce  qu'il  était  tombé  un  peu  de  mie  de  pain  dans  leur  bocal. 
Il  faut  ê;re  exacl  à  les  changer  d'eau,  éviter  de  les  toucher,  même  de  les  tranfvafer 
avec  violence;   car  ils  font  aulTi  délicats  que  jolis. 

Au-deffu3  de  ce  baffin  ,  &  fous  un  petit  toit  ouvert  qu'on  y  a  pratiqué  ,  font 
plufieurs  ruches  eu  des  abeilles  dépofent  leurs  dons  utiles  &  bienfaifans.  Je  répète 
que  ce  laborieux  infefte  ,  très-commun  dans  la  Partie  Efpagnole ,  s'eft  fingulière- 
ment  nrrakiplié  dans  la  Colonie  Françaife  ,  depuis  1777  qu'on  en  a  apporté  de  la 
Martinique  &  qu'on  en  a  fait  venir  de  la  Partie  Efpagnole.  Ces  abeilles  effaiment 
plus  qu'en  France  &  donnent  en  pks  grande  abondance  un  m.iel  légèrement  firu- 
peax ,  mais  qui  mérite  toujours,  dans  la  Colonie ,  la  préférence  furie  miel  d'Europe, 
cui  y  arrive  un  peu  fermenté.  Le  fupérieur  de  Thôpital  (Séraphin  Merdier)  ,  s'oc- 
cupe beaucoup  de  ces  abeilles ,  dont  le  travail  procure  une  véritable  reffource  pour 
ies  raalaues.   Ces  hofpiulières ,  car  elles  méritent  ce  nom,  font  douces;  la  durée 


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FRANÇAISE   DE   SAINT-DOMINGUE.        591 

de  leur  cxiftence  eft  moins  longue  qu'en  France  ,  mais  pouvant  travailler  toute 
l'année  elles  s'épuifent  plutôt ,  &  leur  propre  utilité  accélère  kur  deflrudion. 

C'eft  encore  dans  ce  jardin  qu'on  voit  fe  naturalifer  plufîeurs  plantes  des  îndes 
Orientales  ou  d'autres  lieux  ,  dont  le  fuccès  ferait  un  vrai  tréfor  pour  Saint  -Do^ 
mingue.  On  y  diftingue,  entr'autres,  le  précieux  arbre  à  pain ,  le  palmier  .du  Cap 
de  Bonne-Efpérance ,  le  datier  du  Sénégal,  le  manguier  &  encore  le  mûrier  à 
papier  de  la  Chine  ,  apporté  dans  la  Colonie  par  M.  François  de  Neufchâteau  ,  qui 
le  tenait  de  M.  de  BufFon  ,  &  qui  l'a  confié  aux  foins  du  père  Séraphin  ,  dont  on 
ne,  peut  trop  louer  le  zèle  botanique.  Puiffent  tous  ces  dons  des  autres  lieux  de  h 
terre  être  fécondés  par  le  fol  de  Saint-Domingue  ,  &  donner  à  fes  laborieux  habi- 
îans  &  des  fubfiftances  &  des  jouiffances  nouvelles  ! 

Je  veux  dire  un  m.otde  l'idée  qu'a  eu  !e  père  Séraphin  de  faire  fair-e  en  maçon- 
nerie  ,  dans  de  grands  magafins  ,  trois  foudres  à  vin  cimentés  avec  du  biton  ,  ^ 
contenant  chacun  vingt-cinq  mille  pintes.  Onyalaiffé  la  première  fois  le  vin 
pendant  un  an  j  &  il  s'y  eft  amélioré  ;  on  en  a  verfé  de  nouveau  Rir  la  lie  ,  & 
après  plufieurs  mois,  lorfque  je  le  goûtai  en  1788,  il  était  excellent.  Il  eft  poffible 
que  cette  tentative  amène  d'heureufes  imitations  ,  même  avec  des  dimenfions 
infiniment  plus  petites. 

La  proximité  où  le  terrain  de  l'hôpital  fe  trouve  de  la  ville,  Pcxpofait  aux  dévafr- 
tations  des  nègres ,  qui  venaient  y  couper  du  bois  i  ce  défordre  ,  auquel  une 
ordonnance  de  M.  de  Chaftenoye  voulait  remédier  dès  le  4  Février  1726,  fe  renou-- 
velle  encore  quelquefois ,  malgré  l'amende  de  50  livres  qu'il  fait  encourir  à  leurs 
maîtres. 


M••■<|I■••<ll>'<|p■■<I^•<|I>•!îJl'■41l'■•4l|'■<l^'•4ll■■<l^•■<lllo^»■. 

Vu   Canton   appelé  le  Haut  du   Cap. 

En  fortant  de  l'avenue  de  l'hôpital  du  Cap ,  &  fuivant  le  chemin  à  l*oppofite  dç 
îa  ville  ,  on  fe  dirige  vers  le  Sud-Oueft,  &  l'on  s'écarte  de  la  rivière  jufqu'à  uu 
point  où  l'on  trouve  l'extrémité  de  l'un  des  prolongemcns  du  gros  morne  du  Cap, 
qui  oblige  le  chemin  à  reprendre  une  direélion  plus  rapprochée  du  Sud.  On 
appcrçoit  dans  cet  intervalle  ,  &  fur  la  droite  ,  une  pyramide  carrée  fur  laquelle 
«>n  lit  :  Limites  de  la  Garni/on  du  Cap ,  &  des  deux  côtés  du  chemin  font  des 
fentkrs  qui. ponduifent  aux  petites  habitations  qui  le  bordent*  Déjà  l'ceil  .corn- 


I' 


S9^       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

mence  â  faifir  vers  la  gauche  un  grand  efpace  &  à  fe  promener  fur  des  parties  de 
la  paroiffe  du  Quartier-Morin  ,  &  de  celle  de  la  Petite-Anfe.  A  la  droite ,  il 
contemple  piufieurs  petits  lieux  de  pkifance  ou  habitations  à  vivres  dont  la  culture 
interrompt  de  tems  en  tems  le  ton  agrefte  de  la  haute  montagne  du  Cap,  &  fur 
lefquelles  on  recueille  tout  ce  qui  peut  ferviraux  befoins  de  la  ville,  en  légumes, 
en.  racines  &  en  fruits. 

Le  chemin  le  rapproche  encore  bientôt  d'une  autre  petite  cuiffe  de  mon- 
tagne ,  qui  court  de  l'Eft  à  l'Oued  &  fur  l'extrémité  de  laquelle  le  chemin  eft 
tracé.  Là  on  eft  arrivé  à  l'habitation  Charrier,  dont  le  fite  eft  d'autant  plus  gti  , 
qu'un  joli  pavillon  placé  fur  une  éminence,  le  décore.  C'eft  dans  ce  logement' 
qu'un  poireffeur  du  même  nom  avait  deftiné  aux  délaflemens  du  prince  de°Rohani 
que  Don  Bernard  de  Galvez  a  fait  fa  réfidence  durant  fon  féjour  au  Cap.  M. 
Charrier,  pofieffcur  acluel ,  lui  en  fit  l'cfFre  gér.éreufe  ,  &  c'eft  dans  ce  lieu  ,  que 
ce  général  chéri  des  Français  ,  a  vu  nacre  un  fils.  J'ai  annoncé  qu'on  avait  fait 
auparavant  de  ce  féjour,  celui  des  religieufes  du  Cap,  lorfqu'on  fit  une  cazerne 
de  leur  couvent. 

Le  pavillon  ,  fans  ê:re  très-vafte  ,  eft  fort  commode  ;  une  galerie  ombrao-e 
fcs  deux  façades  à  l'Eft  k  â  l'Ouefti  des  meubles  élégans  fans  fomptuofitéj 
des  peintures  fraîches  fans  recherche  ;  une  eau  vive  qu'on  promène  à  fon  gré  ; 
un  iramenfe  falon  placé  à  angle  droit  &  dans  l'Oueft  du  pavillon  ;  une  grande 
terraiïe  ornée  de  treillages  &  de  figures ,  &  à  laquelle  on  arrive  par  un  fuperbe 
efcalier;  tout  promet,  dans  cet  afile ,  le  frais  &  le  repos  ,  &  l'on  peut  y 
trouver  les  douceurs  de  la  folitude  champêtre  qu'augmente  encore  la  facilité  de 
leur  fubftituer  en  un  inftant  les  plaifirs  bruyans  de  la  ville. 

La  ntuation  de  l'habitation  Charrier  eft  d'autant  plus  riante  ,  qu'à  fa  lifière 
font  piufieurs  petites  maifons  qui  bordent  la  routej  qu'on  appercoit  de  là  la  pre- 
mière partie  de  la  çourgade  du  Haut  du  Cap ,  &  dans  le  lointain  la  chaîne  de 
montagne  qui,  depuis  Sainte-Suzanne,  fe  dirige  vers  l'Acul.  De  l'habitation 
Charrier  le  chem.in  qui  a  un  peu  monté  pour  pafTer  la  petite  patte  de  la  monta- 
gne ,  rcdefcend  en  faifant  de  petits  détours  ,  &  conduit  au  Haut  du  Cap, 
■  Ce  point  eft  intéreff'mt  pjur  l'hiftcire  ,  puifqu'il  a  été  celui  de  la  première 
paroiffe  que  les  Français  ayent  fondée  dans  la  plaine  du  Cap.  On  ne  doit  pas 
avoir  oublié  que  les  premiers  d'entr'eux  qui  vinrent  de  la  Tortue  pour  s'y 
établir,    n'étaient  qu'au  nombre  de  douze,   6^  ce  fut  là  que  fe  fit  le  raffem- 

blement 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      593- 

Hement  de  leurs  forces  &  de  leurs  moyens.  La  paroifTe  fut  mife  fous  l'in- 
vocation du  prince  des  Apôtres  ,  patron  de  Pierre  Lelong ,  celui  d'entre  ces 
douze  nouveaux  Apôires  de  la  grande  île  ,  qui  avait  la  conduite  &  la  confiance 
des  autres.  J'ai  vu  un  afte  de  baptême  en  tête  duquel  on  lifait  :  "Extrait  des 
„  regiftres  bapdftaires  de  l'églife  Saint-Pierre  du  Haut  du  Cap  Saint-Domin- 
„  gue".  Il  relatait  un  baptême  du  24  Février  1680,  fait  par  Bournon ,  curé. 

Le  Bas  du  Cap  ,  la  ville  aftuelle  ,  ne  tarda  guère  à  avoir  auffii  une  paroilTe  , 
puifque  le  Confeil  des  milices  y  prononça  un  jugement  le  26  Août  1684,  fous 
la  préfidence  de  M.  Bégon ,  intendant  de  toutes  les  Mes  ,  venu  alors  de  la  Mar- 
tinique à  Saint-Domingue  ;  mais  le  Haut  du  Cap  était  le  lieu  principal  relative- 
ment à  l'autre  où  l'on  ne  trouvait  que  des  pêcheurs ,  &  ceux  que  le  commerce 
avec  la  rade  attirait  dans  fon  voifinage. 

Il  ne  faut  cependant  pas  imaginer  que  cette  efpèce  de  fupériorité  eût  des 
traits  bien  remarquables  ,  &  pour  qu'on  en  juge  d'une  manière  non  équivoque, 
je  tranfcris  ici  un  procès-verbal  de  vifite  de  l'églife  du  Haut  du  Cap,  que  j'ai 
en  original ,  comme  celui  du  Bas  du  Cap  que  le  LecT:eur  a  déjà  vu. 


"  L'an  1688  ,  le  troifième  jour  du  mois  de  Mai,  fur  les  ordres  de  M.  de  Cufly,  gouverneur  ,  pour 
„  le  roi,  de  l'i]e  de  la  Tortue  &  côie  Saint-Domingue  ,  nous  François  Camufet ,  procureur  du  Roi  au 
„  fiège  royal  du  Cap  ,  en  conféquence  dudit  ordre  ,  nous  nous  fomraes  tranfportés  au  quartier  du 
„  Haut  du   Cap  où  eft  fituée  l'Eglife  Saint-Pierre,   où  étant  nous  aurions  vu  &  examiné  ladite 
„  églife  tant  en  dedans  que  dehors  ,  laquelle  s'eft  trouvé  découverte  &  fans  paliiTade  ,  porte  ni  enclos 
„  de  cimetière;  en  laquelle  manque  une  groffe  cloche,  attendu  que  c'eft  une  grande paroijes  un  tableau 
„  de  Saint-Pierre  ,  une  croix  de  bois  de  deux  pieds  de  haut  pour  l'autel  ,  une  lampe  ,  un  bénitier  ^ 
„  fix    chandeliers ,  un   mifîel  romain  ,   un  rituel  romain  ,  un  antiphonaire  ,  un  calice  ,  un  foleil ,  un 
„  ciboire  ,    un  cuftode  ,    deux  burettes ,   une  chafuble  avec  fon  voile  ,  couffin  &  devant  d'autel  ,  une 
„  chafuble  noire  avec  fon  voile ,  couffin  k  devant  d'autel  ;  deux  aubes  &  amifts  ,  &  quelques  toiles 
„  pour  faire   des  corporaux  &  nappes   d'autel  ;  un  fer  d'hoftie  ,  une  clochette  pour  l'élévation  ,  un 
„  encenfoir  &    la  nayette  ;  defquelles  chofes  ci-deffus ,  ladite  Eglife  Saint-Piej-re  eft  dégarnie  &  en 
„  néceffité   dont  les  habitants  &  paroiffiens  d'icelle  font  dans  l'impoffibiiité  d'y  fatisfaire  ;  en  outre 
„  nous   aurions   fait  la  vifite  de  la  raaifon  presbytérale ,  laquelle  eft-tout-à -fait  abattue  fans  y  pou. 
„  voir  faire  aucunes  réparations  que  celle  de  la  rétablir  de  tout  généralement  ;  de  tout  ce  que  defîlis 
„  nous  avons  fait  &  rédigé  le  préfent  procès-verbal  pour   préfenter  à  Sa  Majefté  ,  afin  que  par  fa 
„  bonté  ordinaire  il  lui  plaife  donner  fecours.  Fait   &  arrêté   ledit  jour  &  an  que  defTus  ,  préfence 
„  des  fouffignés.  Signé,    F.   Michel   de  Calais,  prêtre,   capucin  indigne,  deffervant  ladite  églife 
„  en  l'abfence  du  Père  qui  la  deflervait  ;  Delaborde  ;  Daclos  ;  Camufet,   procureur  du  Roi  &   mar- 
,_,  guiilier  de  ladite  églife  ;    &  Leliorel  ,  greffier  ". 

Tome    L  jr  f  f  f 


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594       D  ES  CRIPTION    DE     LA     PARTIE 

On  ne  peut  affcz  s'étonner  de  l'état  miférable  peint  par  ce  procès-verbal, 
lorfqii'il  y  avait  près  de  foixante  ans  que  les  Français  luttaient  contre  tous  les 
obilacles  d'un  nouvel  établiffement ,  &:  au  moment  où  la  Colonie  venait  d'être 
trouvée  afîez  importante  pour  avoir  un  tribunal  Ibuverain  &  quatre  Sénéchauf- 
iees.  L'une  de  ces  dernières  était  même  établie  au  Haut  du  Cap ,  dont  l'églife 
avait  le  procureur  du  Roi  de  cette  Sénéchauflee  pour  marguiliier. 

Le  Haut  du  Cap  était  auffi  le  chef- lieu  de  ralliement  de  la  milice  des  deux 
paroiiTes  ,  &  la  compagnie  qu'elle  formait  portait  même  le  nom  du  Haut  du 
Cap.  Elle  marcha,  en  1690,  au  fiège  de  Saint-Yague  ,  fous  les  ordres  de 
M.  Fromageau ,  capitaine  ,  qu'elle  y  perdit  &  elle-même  fut  taillée  en  pièces. 
La  paroifîè  fut  brûiée ,  pillée  &  détruite  par  les  Efpagnols  au  mois  de  Janvier 
1691  ,  époque  où  elle  avait  150  hommes  portant  armes.  Ceux  des  Colons  qui 
^avaient  pu  fuir,  commencèrent  cependant 'de  nouveaux  établifîemens ,  &  au 
mois  d'0<5lobre  1692,  la  feule  paroiffe  du  Haut  du  Cap  contenak  en  blancs 
121  hommes,  43  femmes  &  95  enfans ,  &.  avait  pour  capitaine  M.  Guérit. 
Les  Efpagnols  réunis  aux  Anglois ,  vinrent  ravager  la  dépendance  du  Cap, 
&  le  bourg  dont  je   parle  en  ce   moment,    difparut  encore  en   1695. 

Malgré  tant  de  malheurs ,  un  nouveau  bourg  reparut  ainfi  qu'une  églife  qui 
peignait  bien  la  misère  ;  mais  les  pertes  éprouvées  avaient  tant  diminué  les 
habitans  ,  que  l'on  conçut  l'idée  de  fupprimer  la  paroiîîe  du  Haut  du  Cap , 
d'autant  que  plufieurs  perfonnes  avaient  écé  augmenter  celle  du  Bas  du  Cap  ou 
de  la  Baffe-Terre.  J'ai  même  la  preuve  qu'au  mois  de  Juin  1698  ,  la  paroiffe  du 
Haut  du  Cap  n'avait  point  de  parleur  qui  lui  fût  propre  ,  mais  feulement  les 
foins  que  le  pafteur  de  celle  du  Bas  du  Cap  lui  donnait  en  la  confidérant  déjà 
comme  n'étant  plus  qu'une  annexe.  M.  de  Galiffet ,  gouverneur-général  par 
intérim,  confomma  cette  fuppreffion  à  la  fin  de  l'année  1699,  en  partageant 
les  paroiffiens  entre  la  paroiffe  du  Cap  &  celle  Saint  -  Pierre  du  Haut  -  Mouf- 
tique ,  &  en  rapprochant  l'églife  de  cette  dernière  comme  je  le  dirai  plus  loin. 
Ainfi  a  difparu  la  première  paroiffe  du  quartier  du  Cap. 

Depuis  ce  tems  le  Bourg  qu'on  n'avait  pas  anéanti ,  a  toujours  été  le  point 
d^  réunion  de  plufieurs  maifons ,  &  il  s'eft  toujours  nomm.é  le  Bour^»  du 
Haut  du  Cap.  Il  efi:  compofé  de  deux  parties  vraiment  féparées  ;  celle  qu'on 
trouve  la  première  &  que  précède  une  tuilerie  établie  en  1769,3  24  maifons 
où  habitent  cinq  ou  ivi  ouvriers  blancs,    50  ou  60  affranchis  &  environ  75 


FRANÇAISE    DE  ^"SAINT-DOMlNGUE.      595 

cfclaves.  C'eft  après  cette  première  portion  &  à  main  gauche  ,  qu'eft  le  point  par 
où  le  chemin  va  travcrfer  la  rivière  du  Haut  du  Cap ,  &  gagner  les  paroiiTes 
qui  font  à  l'Eil-  de  cette  rivière.  Ce  chemin  était  bien  plus  fréquenté  lorfqu'il 
était  le  feul  qui  fit  communiquer  tout  l'Eft  du  Cap  avec  cette  ville  ,  c'eft-à-dire  , 
avant  l'établifTement  du  Bac  &  du  chemin  qui  y  conduit  de  l'embarcadëre  de  la 
Petite- Anfe. 

C'eû  à  ce  point  où  la  rivière  était  guéable  ,  excepté  dans  les  débordemens  , 
au  moyen  de  la  pafTe  qui  y  avait  été  formée  avec  de  greffes  pierres ,  qu'on  a 
conftruit  cette  année  un  pont  avec  des  piles  de  maçonnerie  &  des  travées 
en  bois.  Il  a  14  pieds  de  large  5  une  feule  arche  de  46  pieds  d'ouverture  fcrtr 
au  paffage  de  l'eau ,  &  la  dépenfe  a  monté  à  125,000  livres.  On  regrette  que 
le  plan  primitif  de  M.  Rallier,  qui  y  ajoutait  deux  arches  latérales  de  2j  pieds 
de  large  chacune  ,  n'ait  pas  été  fuivi ,  parce  que  le  peu  d'cxhauiTement  de  la 
voûte  unique  fait  craindre  qu'elle  ne  foit  furmontée.  La  rivière  du  Haut  du' 
C^p  ne  croît  d'ordinaire  que  d'environ  quatre  ou  cinq  pieds  îorfqu'elle  eft  débor- 
dée ;  cependant  en  1784  elle  a  monté  à  la  paffe  de  huit  pieds  &  demi  au-deffus 
de  fon  niveau  ordinaire. 

Elle  a  toujours  été  l'embarcadère  des  habitans  de  cette  partie ,  &  autrefois  oi> 
y  faifait  beaucoup  de  tranfports  du  Cap  par  canots.  On  voit  même  une  ordon- 
nance ,  du  10  Août  1739  ,  qui  uéfigne  cet  embarcadère  comme  uo  de  ceux  qui 
a,  befoin  de  réparations ,  &  dont  l'incommodité  contraint  les  matelots  de  fe 
mettre  â  l'eau.  C'était  auffi  à  caufe  de  cette  communication  par  h  rivière , 
qu'une  autre  ordonnance,  du  ji  Août  de  la  même  année  ,  ordonnait  aux  rive-, 
çair.s  de  cette  rivière  de  la  nettoyer ,  en  coupant  les  bois  qui  la  bordent.  La 
marée  fe  fairfencir  jufques  vers  le  pont  dont  je  viens  de  parler.  Il  y  a  près  du 
pont  deux  magàfms  qui  fervent  d'entrepôt  aux  objets  tranfportés  par  la  ravine  , 
&  près  de  ces  magafins  deux  guildiveries. 

La  rivière  du  Haut  du  Cq^  doit  avoir  été,  û  non  plus  profonde,  du  moins 
plus  étendue  autrefois ,  à  l'époque  où  elle  nourriffait  des  caymans  ,  qui  avaient 
fait  appeler  Savane  à  Cayman  un  endroit  de  l'habitation  Choifeul ,  de  la  Petite- 
An  fe  ,  encore  connu  fous  ce  nom  ea  17 10. 

Après  la  première  partie  du  bourg ,  on  trouve  deux  habitations.  Celle  de  la 
droite  eft  la  fucrerie  Breda,  la  feule  de  la  paroiffe,  dont  le  M  eft  comme  celui  de 
tout  l'efpace  qui  eft  depuis  l'hôpital  entre  }a  rivière  &  le  morne,- mai «re    8ç 

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DE     LA    PARTIE 

chargé  des  débris  graveleux  de  ce  raorne.  A  gauche  eft  une  manufaélure  de 
tuiles j  de  briques,  de  pots  &  formes  pour  la  fabrication  du  fucre,  connue  aufli 
fous  }e  nom  de  poterie  à  Breda ,  la  plus  eftimée  de  toutes ,  parce  qu'elle  efl  d'une 
argile  non  poreufe  tris- pure  ,  qui,  loin  d'agir  par  fes  principes  fur  le  fucre , 
favonie  les  foins  du  rafineur  &  femble  embellir  fon  travail. 

Ce  point  où  le  chemin  s'élargit,  a  été  témoin  du  maflacre  d'un  nègre- 
exécuteur  des  hautes-œuvres  ,  que  la  haine  affez  inexplicable  des  autres  négîes 
y  fit  pé-rir  fous  les  pierres  &  le  bâton ,  feulement  à.  caufe  de  fes  fonctions.  Cet 
événement  renouvelle  une  autre  fois  à  la  FofTetœ  fur  la  provocation  auffi  infenfée 
de  quelques  enfans ,  eft  la  caufe  de  la  réfidence  habituelle  du  bourreau  dans  la 
geok  ,  depuis  plus  de  20  ans ,  &  il  n'en  fort  que  pour  aller  faire  des  exé- 
cutions. 

Après  un  intervalle  d'environ  60  toifes ,  depuis  l'extrémité  de  la  première 
partie  du  bourg,  on  trouve  la  naiflance  de  la  féconde  partie,  qui  renferme  onze 
maifons  &  une  guildiverie.  Une  trentaine  d'ouvriers  blancs  des  deux  fexes  &  30 
ou  40  efclaves  en  forment  la  population.  Au  total  les  maifons  de  ce  bourg  font 
confidé râbles,  couvertes  d'elTentes  ,  &  une  grande  partie  eft  de  maçonnerie.  Le 
voyageur  en  trouve  en  tout  fcize  à  fa  droite  &  dix-neuf  à  fa  gauche.  C'eft  dans  la 
partie  la  plus  Nord  du  bourg  qu'était  la  boucherie  lorfque  le  Haut  du  Cap  était  une 
paroiffe  j  elle  fourniffait  le  Bas  du  Cap  ,  où  la  viande  était  t-anfportée'en  canot. 
La  tuerie  a  m.ême  exifté  encore  au  Haut  du  Cap  après  que  les  autres  établif- 
femens  eurent  paffé  da^ns  la  ville  actuelle,  &  les  canots  continuaient  les  tranf- 
ports.  L'églife  était  au  contraire  dans  la  partie  Méridionale. 

Il  y  a  quelques  années  qu'on  a  fait  une  tannerie  au  bourg  du  Haut  du  Cap 
fur  la  rivière  qui  procure  l'eau ,  undis  que  les  mangliers  de  fes  bords  peuvent 
donner  du  tan. 

On  avait  établi  un  hôpital  ambulant  pour  les  foldats  &  les  matelots  français 
^  efpagnols,  au   Haut  du  Cap  en  17S2  ,  &  l'on  y  a  vu  jufqu'à  400  malades. 

Après  être  abfolument  forti  du  bourg ,  le  chemin  fait  environ  500  toifes  en 
tirant  encore  plus  vers  le  Sud ,  &  fe  dirigeant  vers  une  petite  chaîne  ou  embran- 
chement de  la  montagne  qui  fe  prolonge  un  peu  vers  le  Morne-Rouo-e  -,  mais 
arrivé  à  cette  diftance ,  on  laifle  cette  direélion  pour  aller  à  l'Oueft.  C'eft  là 
que  finit  la  paroiffe  de  la  ville  du  Cap ,  qui  a  pour  limite,  au  Sud,  une  ligne  qui, 
cenfée  partie  de  la  rive  gauche  de  la  rivière,  joindrait  ce..e  partie  du  chemin 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE,    syf' 

qui  va  de  TEft  à  l'Oueft  jufqu'au  morne,  de  manière  que  cette  paroifîè  nia, 
guères  plus  de  i,ooo  toifes  dans  Ton  côté  Méridional;  plane,  meluré  de  l'inter- 
valle qui  eft  là  entre  la-rivière  &  Je  morne.  Du  pied  de  ce  dernier  une  ligne- 
qui  prenant  le  fommet  d'un  embranchement  du  morne ,  vers  lequel  le  chemin 
arrive,  &  qui  traverfant  le  maffif  du  morne  du  Cap,  v?,  fe  rendre  au  Perit- 
Port- Français,  fait  la  borne  de  cette  paroifîè  à  l'Oueft.  Je  n'ai  donc  plus  à. 
décrire  dans  la  paroiffe  du  Cap ,  que  fa  partie  montueufe. 


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Du  Morne  du  Cap. 

Cette  partie  forme  la  plus  confidérable  portion  du  Morne  du  Cap,  de  cette 
mafTe  qui ,  commençant  à  l'Eft  de  la  baie  de  l'Acul ,  vient  jufqu'à  Picolet  & 
occupe  ainfi  une  longueur  dfknviron  8,ooo  toifes ,  mefurée  en  ligne  droite  de 
l'Eft  à  l'Oueft,  fur  une  profondeur  Nord  &  Sud,  qui  varie  depuis  i,ooo 
jufqu'à  près  de  5,000  toifes.  Cette  maffe  a  fon  fommet  principal,  fa  véritable 
arrête,  celle  qui  détenr.ine  la  chute  des  eaux  vers  le  Nord  ou  vers  le  Sud, 
plus  éloignée  de  la  mer  qui  la  termine  au  Septentrion  ,  que  du  terrain  plane 
qui  la  borde  au  Midi.  Ce  fommet  forme  une  courbure  dont  la  convexité  regarde^ 
le  Sud  ,  &  qui  eft  telle  ,  qu'à  l'extrémité  Occidentale  du  morne  ,  ce  fommet  fe 
trouve  dirigé  vers  le  Nord-Oueft ,  tandis  qu'à  l'extrémité  Orientale  il  court 
au  Nord-Eft.  Ce  fommer  forme  l'arc  dont  la  longueur  de  8,00  toifes  ferait  h 
corde  ,  &  n'a  gaêrcs  lui-même  plus  d'environ  9,000  toifes.  C'eft  au  milieu  de 
l'efpace  qu'il  parcourt,  &  oij  font  les  établi/Temens  de  l'habitation  Loumeau , 
que  fe  trouve  la  plus  haute  élévation  de  tout  ce  maffif  monftrueux  ,  &  qui  eft  de 
1,783  pieds  perpendiculaires  au-deffus  du  niveau  de  la  mer.  Enfin  l'arc  décric 
par  le  fommet,  appartiendrait  à  un  cercle  de  1,000  toifes  de  diamètre,  &  donc 
le  fegment  fphérique  aurait  été  enlevé  de  manière  que  fon  milieu  fe  trouverait, 
dirigé  du  Sud-Sud-Eft  au  Nord  Nord-Ouefl. 

De  la  grande  arrête  part  une   multitude  d'embranchemens  ou  contreforts,, 
dont  la  direaion  principale  eft  fur  le   côté  de  la  mer  ,  du  Midi  au  Septentrion  , 
&  en  fcns  contraire  fur  le  côté  oppofé;  mais  ces  embranchemens  fe  fubdivifenc 
eux-mêmes  en  branches-,  en  pattes  &  en  ramifications  du  fécond,  du  troifième 
U  du   quatrième  ordre  ,^  de  force  que  ce  groupe   montueux  a  un  cnfembk 


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598       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

tumukairement  dirpolé ,  &  que  fon  afpc6l  varie  prefque  à  chaque  pas  à  caufê 
des  éminences  &  des  plateaux  j  des  collines,  des  ravines,  des  falaifes  8c  de 
tous  les  autres  accidens  qui  appartiennent  à  fa  forme  ou  à  la  compofition  inté- 
rieure. 

Le  Morne  du  Cap  efl  abtolument  détaché  de  toutes  les  autres  chaînes  de 
montagnes ,  mais  il  en  ell  trop  peu  éloigné  pour  que  tous  les  n^onticules  qui 
font  cntr'elles  &  lui  ne  doivent  pas  ê:re  confidérés  comme  des  communications 
réelles ,  comme  des  points  d'union  qui  lient  toute  la  carcaffe  offeufe  de  l'île  j 
&  en  confidérant  le  morne  aux  Anglais ,  près  l'Acul ,  &  les  élévations  qui  le 
fuiventj.urqu'à  la  grande  chaîne  de  l'Acul,  qui  elle-même  eft  un  embranche- 
ment de  la  cinquième  de  Cibao,  on  ne  peut  mécopnajtre  cette  dépendance 
réciproque. 

C'eft  aufTi  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  l'arrête,  qu'on  a  fait  pafier  la 
ligne  qui  fépare  la  paroiffe  du  Cap  d'avec  celle  de  la  Plaine  du  Nord  ,  dont  la 
première  eft  bornée  au  Nord  &  au  Sud  ;  mais  cette  délimitation  a  laifTé  bien 
plus  du  morne  dans  la  dépendance  du  Cap ,  ce  qui  rçfulte  de  ce  que  fa  plus 
grande   profondeur  ou  largeur  eft  dans  cette  partie. 

Le  morne  du  Cap  ferait  un  tréfor  pour  un  naturalilte  ,  parce  qu'il  contient  des 
fubftances  trèi-Variécs  &  dont  l'étude  intérefîèrait  principalement  le  minéralogifte. 
On  y  trouve  des  parties  ferrugineufcs  ,  de  cuivreufe? ,  de  l'argile  ,  mais  furtout 
des  matières  calcaires  ,  foit  en  mjalTe  de  rochers ,  foit  en  morceaux  détachés  ; 
des  bancs  de  fable  ,  d'autres  de  poudings  ,  d'autres  de  coquilles  marines.  Ces 
bancs  font  çommuném.ent  dirigés  de  l'Eft  à  l'Oueft  en  s'inclinant  vers  le  Sud  i 
On  y  rencontre  du  fpath,  du  granit  imparfait,  puis  une  efpèce  de  marbre  jafpé 
eu  de  jafpe.  Tout  y  annonce  un  grand  mouvement  de  la  nature,  dans  la  confufion 
&  le  mélange  des  fubftances  ,  dans  l'inclinaifon  des  couches  ,  dans  les  fmuofités 
des  filions  montagneux ,  tandis  que  les  coquilles  Se  des  fragmens  de  madrépores 
^tteftent  le  féjour  des  eaux  au-deffus  de  la  mafîc  totale. 

Quant  à  la  couche  végétale  du  morne  du  Cap  ,  elle  eft  très-fuperficielle  &, 
chaque  jour,  elle  eft  entraînée  par  les  pluies  dont  fa  pente  favorife  la  rapidité  ; 
de  manière  que  ce  fol  découvert  d'arbres ,  ou  n'en  ayant  plus  que  de  rabougris  , 
n'eft  qu'une  terre  maigre  mêlée  de  fable  &  de  gravois  &  où  l'argile  fe  découvre 
fréquemment.  C'eft  cependant  un  femblable  terrain  qui  fournit  à  la  ville  du  Cap, 
^es  légumes  ,  des  fruits ,   du  laitage ,  du  bois  à  brûler  ,  &  du  charbon ,  ce  quj 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       s§9 

,  annonce  affcz  que  l'induftrîe  y  eft  tres-aftive.  Elle  a  moins  à  faire  pour  luipro- 
Gurer  les  roches  à  ravets  ou  les  granitoïdes  qu'on  employé  dans  les  conftruàions 
de  maçonnerie. 

L'afpea  du  morne  n'eft  point  par-tout  le  même  ,  &  là  ,  comme  dans  tout  le 
.  refte  de  la  Colonie  ,  on  peut  obferver  que  les  faces  de  montagnes  qui  regardent 
la  mer  font  plus  défféchées  &  plus  arides  que  les  autres.   C'eft  furtout^depuis 
Picolet  jufqu'à  la  Foflètte  que  cette  aridité  eft   frappante.   Elle   femble  même 
s'augmenter  dans  les  points  qui  environnent  la  ville.  On  y  voit  de  longues  déchi- 
rures ,  ouvrages  des  eaux ,  &  un  fol  pierreux  annonce  la  plus  hideufe  ftérilité. 
Cependant  un  peu  plus  haut,  l'œil  diftingue  de  petites  maifons  de  plaifance,  ^ont 
l'une  porte  encore  le  nom  de  M.  le  comte  d'Eftaing  qui  l'avait  achetée  ,  en  1764, 
en  fociété  avec  M.  Magon ,  intendant,  pour  y  aller  quelquefois  refpirer  un  air 
pur  &  frais.  On  remarque  auffi  des  jardins  où  la  bêche  &  furtout  i'arrofoir  rempli 
de  l'eau  dont  le  morne  du  Cap  eft  un  immenfe  réfervoir ,  créent  des  effets  y 
pour  ainfi  dire  ,  miraculeux,  La  température  varie  dans  ce  morne  avec  l'éléva^ 
tion  &  la  fituation  relativemement  aux  brifes ,   mais  en  général  les  jours  y  font 
chauds  ,  excepté  durant  les  Nords. 

C'eft  à  un  point  de  l'extrémité  Orientale  du  fommef ,  d'où  une  ligne  dirio-ée 
Eft  &  Oueft  ,  irait  paffer  entre  le  fort  Saint- Jofeph  &  celui  de  Picolet ,  qu'eft 
placée  la  vigie.    De  ce  point  ,  l'obfervateur  découvre  à  l'Eft  &  à  i'Oueft  du  Cap 
«ne  immenfe  étendue.    Deux  bâtons  de  pavillon  fervent  à  y  faire   ks    fignaux 
convenus.   Le  bâton  le  plus  Oueft  fignale  les  mouvcmens  des  bâtimens  de  cette 
partie  ,  ou  répète  ceux  qui  lui  font  fucceflivement  tranfmis  depuis  le  Môle  ,   & 
l'autre  annonce  tout  ce  qu'on  diftingue  jufqu'à  la  Grange.  La  vigie  eft  perceptible 
de  la  plus  grande  partie  de  la  ville,  où  l'on  eft  informé  ,  à  l'inftant ,  de  tous  les 
événemens   maritimes  que  la  vigie  découvre.  En  tems  de  guerre  ,  un   milicien 
d'ordonnance,  à  cheval,  va^au  foleil  levant  &  aa  foleil  couchant,  chercherTes 
détails  que  l'obfervateur  n'aurait  pas  pu  exprimer  par  des  pavillons  ;  quelquefois 
.  même  ce  voyage  eft  encore  renouvelle  pendant  la  journée.  Cette  vigie  eft  très- 
ancienne  :   M.   DucalTe  avait  impofé   fur  les  habitaiîs  du   Cap ,   pour  en  payer 
la  dépenfe  ,  un  droit  qui  fut  fupprimé  en  1702. 

C'eft  dans  le  morne  du  Cap  ,  au  Nord  du  Champ  de  Mars,  qu'eft  la  petite 
habitation  des  religieufes  que  cet  établiflement  doit  aux  aumônes  &  au  zèle  du 
père  Boutin,-  C'eft  fur  cette  habitation  &,  non  loin  de  la  maifon  ,  que  fe  trouvent 


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600      DESCRIPTION     DE     LA     PAR  T  1  E 

_plufieurs  fources  qui  ont  procuré  à  la  ville  fa  première  fontaine  &  dont  l'eau  , 
comme  toutes  celles  du  Cap  ,  forment  aifément  des  incruftations.  Ce  lieu  fert  à 
cultiver  quelques  vivres ,  à  élever  des  volailles  ,  à  donner  du  laitage  ,  des  œufs  , 
&  du  fruit  au  penfionnat  des  religieufes  ;  elles  en  font  même  revendre  quel- 
quefois ,  &  les  oranges  de  chez  elles  furtout ,  ont ,  au  Cap  ,  ime  réputation  méri- 
tée par  leur  énorme  grofïèur  &  leur  faveur  extrêmement  fucrée. 

Il  part   quelquefois  du   morne   du   Cap  des  rochers  qui  roulent  fur  fa  pente 

..&  qui  caufent  de  vives  allarmes..Dans  la  nuit  du  9  ou  10  Février  17645  il  s'en 
détacha  un  du  fommet ,  derrière  les  cazernes.  Il  avait  32  pieds  de  lonfï ,  aS  de 
large  &  15  d'épailTeur.  Cette  maffe  énorme,  après  avoir  roulé  avec  grand  fracas 

jufqu'au  bas  du  morne  ,  y  trouva ,  très-heureufement ,  une  marre  &  des  terres 
fraîchement  remuées,  de  manière  qu'une  de  fes  pointes  s'enfonça  fort  avant  dans 
le  fol.  Il  était  tems  qu'elle  s'arrêta  -,  encore  une  révolution  &  elle  aurait  écrafé 
une  maifon  à  deux  pieds  de  laquelle  elle  refta.  Depuis  on  en  a  vu  une  autre 
beaucoup  moins  groiTe  ,  à  la  vérité,  qui  était  parvenue  jufqu'au  bord  du  morne 
vers  la  rue  Sainte-Avoye  &  celle  Saint- Jofeph.  EJle  fe  trouvait  placée  &  difpolee 
intérieurement,  de  manière  qu'une  vieille  négreffe  y  avait  établi  fa  réfidence  & 
tout  le  Cap  a  vu  la  négreffe  de  la  Groffe-Roche.  iVLais  la  crainte  qu'un  jour  ce 
rocher  ne  condnuât  fon  voyage  vers  la  ville  ,  a  porté  à  le  faire  dépecer  j  la  pioche 
&  la  mine  l'ont  affez  amoindri ,  pour  qu'il  ceffe  de  donner  des  craintes. 

De  la  Foffette  vers  le  Sud  ,  le  morne  du  Cap  eft  moins  aride  &  furtout  moins 

décharné.    On  y  voit  bien  des  parties  incultes  &  prefqu'inacceffibles,  mais  lerefte 

eft  bolfé  &  les  petites  habitations  y  font  pkis  multipliées  &  plus  produc1:ives,  dans 

la  partie  inférieure  ;    les  eaux  y  font  plus  vives,  plus  légères ,  plus  abondantes. 

L'on  a  vu  que  depuis  l'extrémité  du  faubourg  du  Pedt-Carenage,  jufqu'au 

.fort  Picolet,  le  morne  était  en  quelque  forte  bordé  par  le  rivage,  puifqu'il 
exilait  à  peine  un  petit  efpace  fur  lequel  eft  le  chemin  qui  conduit  de  l'un 
à  l'autre.   Arrivé  à  Picolet,    il  faut  traverfer  cette  fortification   pour  pouvoir 

.aller  plus  à  l'Oueft,   &  k  chemin  ou  plutôt  le  fentier  qu'on  trouve  alors,   eft 

.  d'une  deftination  &  d'une  jutilicé  purement  militaire, 


De 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      6c)ï: 


0003;^.^<®>C^t®..@.cS.<^^>^^!^C^O' 


De  la  Bande  du  Nord,  du  Grande  du  Petit  Port-Français. 

De  Picolet  l'on  commence  la  face  Septentrionale  du  morne  du  Cap.  Cette 
face,  qui  porte  le  nom  de  Bande  du  Nord  ,  depuis  Picolet  jufqu'à  la  pointe  à 
Honorât,  eft  beaucoup  moins  habitée  que  l'autre ,  &  eft  même  inhabitable  en 
grande  partie  ,  dans  près  des  trois  quarts  de  fa  longueur  en  partant  de  rOueil , 
par  fon  afpérité,  par  la  nature  ingrate  de  fon  fol,  &  par  l'impoffibilité  d'y 
pradquer  des  chemins  durables  &  propres  aux  voyages  &  aux  tranfports.  On  n'y 
trouve  que  dans  de  petites  anfçs  des  établiffemens  qui  annoncent  la  préfence 
de  l'homme. 

Api  es  Picolet,  &  à  i  lo  toifes  à  l'Oueft  ,  eft  la  roche  du  même  nom,  qui  eft 
un  morceau  de  rocher  détaché  ,  placé  à  environ  15  toifes  de  terre.  Plus  loin  ,  &  à 
440  toifes ,  eft  l'anfe  aux  Palmiftes ,  &  à  une  pareille  diftance  encore  i'anfe  à 
Laviviaud  ovi  font  d^ux  batteries  ;  la  plus  Eft  eft  appelée  batterie  à  Herfan  & 
l'autre  le  fort  Bourgeois ,  noms  de  deux  habitans  qui  poffédaienî  deux  petites 
habitadons  fituées  fur  cette  anfe.  L'on  appelé  auiïi  la  féconde  batterie  ,  batterie 
de  la  Bande  du  Nord.  On  arrive  à  l'une  par  le  fentier  aboutiflant  à  Picolet  5 
&  par  un  embranchement  du  chemin  dont  je  vais  parler  ,  mais  le  fort  Bour- 
geois n'a  de  communication  terreftre,  avec  le  Cap,  que  ce  chemin. 

Arrivé  à  la  Providence  des  hommes ,  on  fe  dirige  vers  la  gorge  du  Nord- 
Oueft,  dont  j'ai  fait  mention  plufîeurs  fois  ,■  &  l'on  vajufqu.à  l'extrémité  de  la 
ville  3 en  fuivant  cette  gorge,  ayant  à  fa  droite  la  ravine  du  Cap  ou  de  la  Belle 
Hôteffe  ,  où  les  blanchifîeufes  viennent  chercher  le  filet  d'eau  qui  y  coule  à  peine 
dans  les  tems  ordinaires.  C'eft  là  que  leurs  langues  fe  donnent  un  libre  effort  par 
les  difcours  &  les  chanfons  ;  c'eft  là  que  la  médifance  ,  la  calomnie  ,  car  il  n'eft 
point  de  claffe  ni  de  couleur  qui  n'en  connaiffe  l'u fage  ,  ont  un  champ  libre  p 
auffi  les.  jaloufies ,  les  querelles  ,  les  voyes  de  fait  même,  y  font-elles  fréquentes. 
Toutes  les  paffions  y  trouvent  à  fe  fatisfairc  ,  Se  les  blanchiffeufes ,  dont  tous  les 
feux  ne  s'éteignent  pas  dans  le  fluide  oh.  elles  fe  tiennent ,  ont  aux  Colonies  une 
réputation  erotique  qu'elles  favent  fouteair. 

Il  y  a  auffi  des  lavoirs  dans  quelques  petits  jardins  de   la  g.iuche  du  chemin, 
ils  y  ont  été  établis  par  des  pardculiers  dans  leurs  propres  terrains  où  fe  trouvaient 
des  fources.   On  paye  à  ces  lavoirs  15  fous  par  blanchiffeuf3  pour  la  journée^ 
Tçme  L  G  g  g  g 


*  Xi 


► 


éoi      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

P^^rvenu  au  point  où  é:aic  le  cipxictière  de  la  Providence,  le  chemin  monte  rapi- 
dement dans  un  fol  calcaire  Se  crayeux ,  côtoyant  toujours  la  ravine  qui  en  reçoit 
piufieurs  autres,  toutes  peu  confidérables.  Enfin  l'on  atteint  le  fommet  de  la  gorge 
où  le  trouve  un  petit  repos.  Là  ,  le  chemin  fe  fépare  en  deux.  Celui  de  la  droite 
conduit ,  en  fe  divifant,  aux  différentes  antes  de  la  Bande  du  Nord  y  &  celui  de  îa 
gauche  au  grand  &  au  petit  Port-Français.  A  la  droite  du  chemin  le  plus  Oriental, 
eftun  petit  corps-de-garde  appelé  Corps- de-garde  de  la  Bande  du  Nord, qui 
domine  les  deux  chemins  ,  &  qui  fert  dans  cette  parde  de  limites  à  la  garnifon. 
Il  a  été  coRltruit ,  en  1758  ,  en  maçonnerie.  Il  fait  face  à  l'Oueft  &i  a  60  pieds  de 
long  ,  en  comptant  une  galerie  formée  par  des  pilaftres  ceintrés  qui  le  couvrent 
à  rOuefb  &  au  Sud. 

Du  corps-de-garde  on  apperçoit  la  mer  ;  la  configuration  de  cette  partie  ,  qui 
çft  oppolec  à  celle  par  où  l'on  eft  venu  du  Cap ,  lui  eft  abfolument  femblable. 
C'cft  à  rOueft  k  prolongement  du  rnorne  auquel  la  ville  eft  adoffée  ,  à  l'Eft  le 
prolongement  de  la  partie  de  ce  morne  qui  va  vers  Picoîet  &  que  l'obfervateur 
voit  fort  au-deiïus  de  fa  tête ,  parce  que  le  haut  de  la  gorge  n'eft  pas  à  beaucoup 
près  le  fommet  de  la  montagne.  La  pente  des  deux  côtés  de  celle-ci ,  d'abord 
très-roide  ,  à  partir  de  fa  crête  ,  plus  adoucie  vers  fon  milieu  ,  forme  enfuite  une 
efpèce  de  gorge  ou  de  gaine  rétrécie  vers  le  corps-de-garde  ,  mais  dont  les  côtés, 
qiu  ont  une  très-grande  inclinaifon  ,  vont,  en  s'écartant  l'un  de  l'autre,  vers  la 
mer,  former  d'un  côté  la  Bande  du  Nord,  &  de  l'autre  k  Port-Français,  entre 
kfquels  eft  une  cuiffe  de  la  montao-ne. 

Pour  gagner  l'anfe  Laviviaud  on  fuit  l'enfoncement  de  la  gorge.  Le  chemin  eft 
roide  &  pkrreux  ;  on  paffe  piufieurs  fois  une  ravine  &  enfin  on  arrive  à  la  plage 
dont  l'étendue  forme  une  petite  habitation  joliment  fituée ,  &  qui  était  enjolivée 
autrefois.  Au  bord  de  la  mer  eft  la  batterie  Bourgeois ,  que  M.  de  Larnage  fit 
établir  en  1749,  avec  un  corps-de-gaide  où  la  milice  du  Cap  nentunpofte  durant 
la  guerre. 

Si  l'on  veut  aller  à  k  batterie  d'Herfan ,  on  prend  dès  k  haut  du  chemin 
de  la  Bande  du  Nord  ,  une  branche  qui  y  conduit  fur  la  droite.  Cette  batterie  a 
été  étabheà  la  fin  de  1741  ,  par  M.  de  Coudreau  ,  ingénieur,  d'après  ks  ordres 
de  M.   de  Larnage. 

A  un  quart  de  Heue  du  fort  Bourgeois,  eft  l'anfe  à  P-eck^  puis  a  un  autre  tkrs 
d-s  iieue  l'ank  à  Touloufe.  On  fe  rend  à  lune  &  à  l'autre  par  deux  autres  branches 


m: 


FRANÇAISE    DE    S  A  ÏN  T -D  O  M  I  N  G  U  E.      éoj 

de  chemin  qui  viennent  fe  réunir  en  haut  à  celui  de  l'anfc  Laviviaud,  &  qui 
fuivent  de  petits  enfoncemens  ou  efpèces  de  ravinages. 

Après  l'anfe  à  Touloufe  ,  8c  à  700  toifes  ,  on  trouve  la  pointe  du  morne  au 
Diable  qui  eft  à  400  toifes  dans  l'Eft  de  la  pointe  a  Honorât  ;  cette  dernière  eft  à 
une  lieue  trois  quarts  du  Fort  Picolet ,  &  forme  l'extrémité  Eft  de  ce  qu'on 
appelé  le  Grand-Port-Français  ,  fitué  à  deux  lieues  &  demie  du  Cap ,  dont  l'autre 
pointe  Oueft  eft  la  petite  pointe  du  Port-Français  ou  la  pointe  à  Barrau,  du  nom 
d'un  habitant. 

Le  Port-Français  Ou  Grand-Port-Français  a  environ  550  toifes  d'ouverture 
fur  426  toifes  d'enfoncement.   On  y  entre  avec  la  plus  grande  facilité  &  l'on  y 
peut  mouiller  par  8  &  10  brafîes,   fond  de  fable  vafeux  excellent  &  à  une  enca- 
blure de  terre.  La  mer  y  eft  toujours  belle  ,  &  l'on  s'y  trouve  à  l'abri  des  vents 
du  Nord ,  de  l'Eft  &  du  Sud.  C'eft  donc  un  refuge  précieux  pour  un  bâtiment 
&  même  pour  une  frégate  tourmentée  par  un  Nord  ou  pourfuivie  par  l'ennemi. 
La  pointe  à  Honorât  forme,  avec  la  pointe  du  petit  morne  au  Diable  ou  pointe 
Lélot ,  dont  elle  eft  à  466  toifes  de  diftance ,  une  petite  baie  dirigée  de   i'Oueft 
à  l'Eft,  en-dedans  même  du  Grand-Port-Français.    Cette  petite  baie  à  400  toifes 
d'ouverture    fur  environ   200  de  profondeur.  On  y  mouille  également  par  fept 
brafîes  ,   fans  aucun  mouvement  de  la  mer,  &  fi  près  de  terre  ,  qu'on  peut  y 
établir  un  excellent  carénage  &  y  abattre  ayant  la  mâture  des  vaifîèaux  précifé- 
ment  à  terre.  La  pointe  à  Honorât  forme  une  efpèce  d'avancée  qui  a,  à  l'Oucft 
la  petite  baie  dont  je  viens  de  parler,  &  de  l'autre  côté  l'anfe  qui  eft  entre  la 
pointe  du  morne   au  Diable  &  la  pointe  Honorât.   Cette  avancée  &c  le  terrain 
jufqu'au  pied  du  morne,  forment  un  efpace  plane  &  afîez  étendu,  pour  ce  qu'exi- 
gerait une   relâche  &  un  carénage ,    d'autant  que  la  petite   anfe  de  l'Eft   eft 
inabordable  à  caufe  des  reffifs  à  fleur-d'eau  qui   la  bordent  &  qui   s'étendent  au 
large  dans  le  Nord.  Dans  le  fond  du  Grand-Port- Français  ,  où  eft  l'habita- 
tion Belly ,  fe  trouve  un  grand  ruiiïeau  ou  une  très-petite  rivière  dont  l'eau  eft 
fort   bonne. 

Le  Port-Français  a  eu  l'honneur  d'être  vifité  par  l'Amiral  des  premiers  vaif- 
feaux  de  la' marine  françaife  quiayentété  envoyés  aux  Antilles.  Ces  vaifîèaux^ 
armés  au  Havre -de-Grace  ,  fous  les  ordres  de  M.  de  Cahuzac  ,  partirent  de 
France  le  5  Juin  1629.  Ils  étaient  au  nombre  de  dix,  y  compris  une  barque  en 
flûte  ou  galiote.  Après  avoir  détruit  tout  ce  qu'il  y  avait  de  forces  maritimes 

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éo4      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

anglaifes  à  Saint-Chriilophe  ,  ils  allèrent  croifer  dans  le  golfe  du  Mexique  en  fc 
donn"inî  rendez-voiis  à  Tiburon  &  au  Port-Français.  M.  de  Cahuzac  montant 
ie  vaiffeau  les  Trois-Rois ,  entra  au  Port-Français  le  29  Octobre  1629  &  y  fit 
de  l'eau.  Les  gens  de  fon  équipage  y  eurent  même  des  vomiflcmens  à  cau'e 
des  prunes  de  monbin  qu'ils  y  mangèrent  en  abondance. 

Cet  ufage  de  faire  aiguade  au  Port-Français  a  duré  long-tems.  L'efcadre  de 
M.  de  Forant  y  prit  fon  eau  au  mois  de  Mars  1678.  J'ai  la  certitude  que  la  flûte 
le  Large  y  fit  la  fienne  au  mois  de  Juin  1690.  Pendant  très -long-tems  les  moin- 
dres corfaires  anglais  y  ont  mouillé  à  leur  gré  &  ils  s'y  procuraient  commodé- 
ment de  l'eau  &  du  bois.  Trois  vaifîeaux  efpagnols  y-parsèrent  plufieurs  jours 
en  1691. 

C'eft  auffi  le  Port-Français  qui  a  procuré  un  mât  de  deux  pièces  au  vaiffeau 
ie  Rubis  en  1731. 

Le  Port-Français  où  les  Anglais  firent  leur  débarquement  en  1695,  &  d'où 
ils  allèrent  au  Cap,  eîl  depuis  long-tems  défendu  dans  l'Oueft,  &  h  milice  de 
cette  ville  y  fournit  un  pofte  durant  la  guerre.  Sa  fituation  eft  vraiment  pitcorefque 
&  la  gorge  qui  le  fait  communiquer  avec  le  Cap  ne  pouvant  être  apperçue  parce 
qu'elle  eil  obliquement  placée  ,  il  femble  qu'on  n'ait  pu  y  parvenir  que  par 
la  mer  ou  qu'on  ioit  forcé  de  franchir  le  fommet  du  morne  du  Cap  pour  en 
fortir.  Sur  le  côté  Eft  du  Port-Français  &  fur  une  partie  de  fon  fond  au  Sud  , 
font  plufieurs  chaufourneries  qui  ajoutent  à  la  fingularicé  de  ce  fire  ,  dont  l'af- 
peél  eft  aride  &  fauvage.  Il  n'y  a  qu'une  lieue  &  demie  du  Cap  au  Porc-Français 
par  le  chemiin. 

Tout  près  de  la  pointe  à  Honorât,  un  peu  au  Sud,  eft  un  petit  mornet  dé- 
taché où  il  y  a  eu  un  colombier.  Ce  mornet  portait  autrefois  une  batterie  de 
cinq  pièces  de  canon.  Dans  la  guerre  de  1756  on  en  avait  confié  la  garde  à 
un  nommé  la  Biftide  ,  pêcheur  de  profeffion  ,  dont  la  maifon  était  tout  auprès. 
Deux  corfaires  vinrent  s'embufquer  dans  l'anfe  que  j'ai  défignée  comme  propre 
à  un  carénage  ,  pour  tâcher  de  furprendre  quelques  caboteurs  ;  mais  la  Baftide , 
ajdé  de  fes  deux  feuls  com-pagnons  ,  fe  battit  fi  bien  contr'eux  pendant  trois 
heures ,  qu'il  les  contraignit  de  regagner  le  large  après  les  avoir  très-maltraités. 
Le  brave  la  Baftide  eft  mort  en  1772. 

On  compte  environ  1,20a  toifes  depuis  la  pointe  du  grand  Port-Français  ou  à 
Barrau,   jufqu'à  la  pointe  Oueft  du  petit  Port-Français.  La  profondeur  de  <:e 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     6o< 

petit  port  eft  d'-^nviron  830  toifes.  Là  efl  la  limite  Nord-Oueft  de  la  paroifTe  du 
Cap,  On  fe  rappelle  que  j'ai  dit  qu'au-devant  du  corps-de-gardc  du  haut  de  la 
gorge  en  venant  du  Cap,  la  branche  gauche  du  chemin  allait  au  grand  Port- 
Français.  Ce  chemin  qui  va  de  l'Oueft  â  l'Eft  ,  a  une  direftion  affez  droite  dans 
fa  totalité ,  &  n'a  guèrcs  que  2,600  toifes  depuis  le  corps-de-garde  d'en  haut 
iufqu'à  cel-ii  du  Port- Français ,  mais  ce  chemin  eft  fatigant  &  difficile.  Il  eft  fur 
le  côté  de  la  grande  pente  du  morne  du  Cap  ,  &  il  rencontre  les  deux  embran- 
chemens  du  grand  Se  du  petit  morne  au  Diable  allant  à  la  mer.  Il  eft  encore  plus 
difficile  d'aller  du  grand  Port-Français  au  petit ,  à  caufe  des  roches  à  ravets 
qui  garniffent  cet  intervalle. 

En  allant  du  haut  de  la  gorge  du  Cap  au  grand  Port-Français,  on  trouve 
plufieurs  maifons  de  plaifance ,  &  même  de  jolis  jardins  dont  les  produâ:ions  , 
qui  font  dues  à  des  eaux  recueillies  ,  contraftent  avec  l'aridité  des  parties  qui 
les  avoifinent.  C'eft  là  qu'on  trouve  ce  qu'un  goût  affez  bifarre  s'efforce  , 
depuis  quelque  tems ,  de  réunir  en  France  pour  former  des  jardins  anglais.  D'un 
côté  font  des  points  gais  j  peignés  &  enjolivés  ;  de  l'autre  des  acacias  ,  des 
goyaviers  j  des  campêches  5  ici  des  tonnelles,  des  biffîns  j  là  des  lianes,  des 
ronces  &  des  parties  de  rochers. 

Lorfqu'on  retourne  de  la  Bande  du  Nord  ou  du  Port-Français  au  Cap ,  & 
que  parvenu  au  petit  corps-de-garde  on  commence  à  defcendre  pour  venir 
chercher  la  ville  >  on  apperçoit  y  dans  le  lointain  ,  des  points  de  la  paroifîe  du 
Quartier  Morin.  La  perlpedive  s'étend  à  mefure  qu'on  avance  ;  l'œil  découvre 
fucceffivement  un  plan  plus  grandi  i!  mêle  bientôt  La  maifon  du  Sud  de  la  ville 
â  l'afpeft  de  la  campagne  ,  &  enfin  le  voyageur  arrive  à  l'efpèce  de  petit  fau- 
bourg formé  au-deffus  de  la  Providence  ,  &  il  regagne  ainfi  le  Cap. 

Cette  ville  eft  diftante  : 

De  celle  de  Santo-Domingo  t 

Par  la  route  de  Saint-Raphaël,   de .-     .i     4     *     .     *     .     -     .     Splisues, 
Par  celle  dé  DahabDn  ,  de.  ....-...<..♦     98 

■  De  la  ville  du  Foft-au-Prince  ,  d'envifon 60 

De  celle  des  Cayes  ,  d'environ  ./......-.       108 

Après  avoir  décrit  &  la  ville  &  la  paroiffe  du  Cap ,  je  dois  naturellemeiic 
dire  quelque  chofe  des  refîburces  de  cette  ville  pour  fes  confommations ,  ce  qui 
comprend  fes  communications  &    fes    rapports  avec  les    autres  points  de  la 


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606 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


Colonie  &  même  avec  la  Métropole.  Centre  du  commerce  d'une  portion  très- 
fertile  de  la  Colonie  j  féjour  dune  garnifon  &  d'un  grand  nombre  de  confora-. 
mateurs  ,  le  Cap  tire  fes  fubfiftances  locales  d'abord  de  fon  voifina&e  ,  enfuite 
des  diverfes  paroifîes  de  la  plaine  de  Ton  nom,  dont  prerque  tous  les  coraeftibles 
viennent  au  marché  de  cette  ville  ,  &  encore  des  points  de  la  côte  depuis  le 
Fort-Dauphin  jufqu'au  Port-de-Paix ,  au  moyen  des  c-arcaux  pafTagers  qui 
tranfportent  &  des  denrées  &  des  vivres.  Quant  au::  lubuiUnces  qu'elle  attend 
du  dehors  comme  toute  la  Colonie  ,  elles  lui  font  procurées  par  les  navires  des 
divers  ports  du  royaume  ,  &  elle  fert  même  d'enticpôt  à  toute  la  partie  du 
Nord.  Les  bâtimens  de  l'Amérique  Septentrionale  apportent  aum  des  beftiaux 
viyans,  des  volailles,  des  ialaifons ,  de  la  bierre  ,  du  riz,  de  l'hiKic- à  brûler, 
du  mais  ,  des  fèves ,  indépendamment  des  planches  Se  du  bois  à  bâtir  qu'ils 
fournifTerrt  en  majeure  partie. 


De  la   Défexse   de   la   Partie    du   N 


ORB. 


Il  ne  me  relie  plus  qu'un  unique  objet  relatif  au  Cap  &  qui  veut  qu'oq 
confidère  ce  lieu,  non  feulement  comme  une  paroiffe  de  la  Colonie,  mais 
comme   le    chef-lieu  de  la  Partie  du  Nord  ;  c'eft  fa   défenfe  militaire. 

Je  ne  me  livrerai  pas  à  la  queftion  fi  fouvent  agitée ,  de  favoir  fi  les  Colonies 
lie  doivent  être  défendues  que  par  des  forces  navales,  ou  fi  elles  peuvent  avoir 
une  défenfe  terreftre  utile.  Rien  ne  me  femble  plus  oifeux  que  l'examen  de  cette 
queftion  ,  fi  l'on  prétend  établir  , que  l'un  des' deux  moyens  peut  être  fuffifanç 
&  indépendant  de  l'autre.  Je  crois  avoir  déjà  dit,  que  tous  les  moyens  doivent 
être  combinés  de  manière  qu'ils  aient  ce  triple  objet,  empêcher  l'attaque 
prolonger  la  défenfe  fi  l'attaque  s'effcclue  ,  &  enfin  préparer  le  fuccès  dc^ 
fecours  que  la  durée  de  cette  défenfe  amèneraient  de  1^  Métropole.  Or  ce 
plan  exige  les  moyens  des  deux  genres,  La  défenfe  d'une  Colonie  ,  &  par 
conféquent  celie  d'une  partie  de  cette  Colonie ,  doit  donc  elle-même  fe  divifer 
en  maritime  a?  en  tCFrellre }  c'eft  fous  ce  double  rapport  que  je  vais  parler 
de  celle  du  Cap. 

Par  la  défenfe  maritime  d?unc  Colonie,  je  n'entends  pas  feulement  l'emploi 
d'une  force  navale  ,  capable  d'empêcher  les  entreprifes  de  l'ennemi ,  m^k  je 


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FRANÇAISE      DE      S  A  IN  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E. 

tomprends  ,  fous  cette  dénomination ,  les  obflacles  de  toutes  les  efpèccs  que 
la  nature  ou  l'art  oppofent  aax  entreprifes- d'un  ennemi,  que  tranfportent  des 
bâtimens  flottans ,  qui  font  eux  -  ir.êmes  tout  à  la  fois  ,  &  des  moyens  de 
force  &  des  moyens  de  diriger  facilement  vers  divers  points ,  des  hommes  & 
des  inftrumens  de  guerre. 

Qu'on  n'imagine  cependant  pas  que  je  veuille  ,  m'érigeant  en  homme  du 
métier  &  en  juge  ,  établir  un  fiflème  de  défenfe  du  Cap  ;  je  n'ai  l'intention 
que  d'offrir  quelques  idées  générales ,  qui  me  fourniront  des  occafions  de  multi- 
plier les  détails  defcriptifs. 

Jufqu'en  169 1  ",  la  partie  dépendante  du  Cap,  qui  ne  s'étendait  que  de 
i'Acul  à  Limonade ,  paraiiTait  d'une  fi  faible  importance ,  en  comparailbn  du 
Port-de-Paix  &  de  la  Partie  de  l'Oued  de  la  Colonie ,  qu'il  n'y  exiftait  aucun 
veftige  de  fortifications,  &  ce  qui  fe  paiTa  en  169 1,  à  la  prife  de  toute  cette 
dépendance  ,  en  a  été  une  affez  forte  preuve. 

M.  Ducaffe  ,  fucceflfeur  de  M,  de  Cuffy  ,  fut  le  premier  qui  penfa  ,  au  com- 
mencement de  1692  ,  à  la  défenfe  de  cette  partie.  Il  propofa  la  conftruftion  d'un 
fort  au  Cap  ,  c'ell-à-dire ,  ce  qu'on  appelait  alors  un  fort  &  dont  on  peut  prendre 
une  idée,  par  de  mi'érables  redoutes  qu'on  a  décorées  de  ce  nom  ,  même  depuis 
cette  époque.  Le  Minifcre  l'autorifa  ,  le  27  Août,  à  conftruire  cette  forterefle , 
dont  la  dépenfe  était  évaluée  à  60,000  livres.  Telle  fut  l'origine  du  premier  fort, 
qui  avait  un  revêtement  de  maçonnerie.  On  ne  voyait  en  outre  en  1694,  que 
des  retranchemens  de  terre  que  M.  de  Graffe,  commandant  au  Cap,  fit  faire. 

Il  yen  avait  aufïï  un  fur  le  foffé  de  Limonade,  un  fur  la  Grande  rivière  au  Quar- 
tier-Morin,un  fur  la  rivière  Anyàla  Petite- Anfe  &  le  quatrième  au  Haut-du-Cap, 
fur  la  rive  gauche  de  la  rivière.  On  en  avait  placé  de  femblables  le  iona  du  rivao-e 
au  bourg  du  Bas-du-Cap ,  &  ces  moyens  n'empêchèrent  pas  la  dévaftation  & 
l'incendie  de  toute  la  dépendance  du  Cap,  par  les  Efpagnols  réunis  aux  Anglais, 
en  1695.  Ce  ne  fut  auffi  qu'en  1694,  qu'on  crût  utile  d'avoir  un  ingénieur 
attaché  au  iervice  particulier  de  Saint-Domingue. 

En  1700,  M.  de  la  Boulaye  ,  infpefteur  -  général  de  la  marine,  chargé  par 
le  roi  d'examiner  l'état  des  Colonies  ,  donna  ,  fur  la  défenfe  de  Saint-Domingue  , 
quelques  idées  qui  fe  bornaient  à  celle  de  la  rade  du  Cap.  M.  Renaud  fit  alors, 
pour  fortifier  Picolet ,  un  projet  qui  a  été  le  prem.ier  germe  des  fortifications 
du;  port,  Au  furpkis  on-  peut  juger  de  ce  que  l'on  pouvait  tenter ,  puifque  le 


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DESCRIPTION     DE     1.  t 


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fond  annuel,  pour  les  fortifications  ordinaires  de  la  Colonie  ,  écalt  de  6,000 
livres  ;  à  la  vérité,  les  travaux  fe  faifaient  alors  par  les  nègres  des  habitans,  qu'oa 
employait  fréquemment  aux  travaux  de  tous  les  genres. 

-  Ce  fut  au  mois  de  Juillet  1702  ,  que  M.  de  Galiffet  s'occupa  de  faire  placer 
une  batterie  à  Picolet  ,  d'aprè-  un  plan  beaucoup  plus  reftraint  que  celui  de  M. 
Renaud  ,  que  la  nature  du  terrain  fit  trouver  d'une  trop  pénible  exécutioH.  Il 
y  fit  préparer  un  petit  plateau  pour  recevoir  fix  canons.  La  tentative  des  ennemi? 
fur  Léogane  avait  fait  adopter  cette  idée.  Le  commandeur  d'Ailly  &  le  comte 
de  Roufly  devaient  y  tranfporter  les  canons  ,  mais  ils  n'en  eurent  pas  le  tems. 
Plufieurs  autres  vaiffeaux  fe  refusèrent  même  à  ce  tranfport  difficile,  parce 
queh  mer  y  eft  to.ijoursgroire  &  bâten  côte.  M.  Galiiïet  fit  faire  une  efpèce 
d'avancée  de  pierres,  par  les  nègres  de  corvée  ,  pour  faciliter  le  débarquement  des 
canons  ;  il  envoya  des  fcieurs  de  long  à  la  Tortue  ,  afin  d'avoir  des  madriers 
d'acajou  pour  les  plate-formes  ;  enfin  au  mois  de  Juin  1702,  0.1  y  débarqua  iix 
canons  de  24.  M.  de  Galiffet  conduifit  lui-même  le  radeau  à  chaque  voyac^e  , 
avec  beaucoup  de  peine  &  même  de  péril,  puifque  le  radeau  &  tout  le  monde 
penfa  périr  à  la  fixième  pièce.  Qn  les  fit  monter  enfuite  fur  la  platç-foçme ,  qui 
était  à  45  pieds  au-deflus   de  la  mer. 

Dans  la  même  année  ,  M.  de  Galifi^et  fit  faire  640  toifes  de  rctranchemens 
en  terre  devant  le  bourg  du  Cap  ,  &  commencer  deux  batteries.  La  première 
de  fix  pièces  à  l'extrémité  de  la  yilîe  dans  le  N^rd  de  la  ravine  fur  le  rivage  , 
dans  l'emplacement  du  fort  de  1692,  ce  qui  le  fit  appeler  le  Vieux  Fore 
Se  l'autre  de  onze  pièces  auTi  le  long  de  la  mer  ,  à  l'extrémité  Sud  de  ia 
ville  ,  au  bord  Septentrional  du  marais ,  qui  venait  alors  jufqu'à  la  rue  Chafte^. 
noyé,  &  qu'on  nomma  la  batterie  des  Dameg.  Quelques  rctranchemens, 
auffi  en  terre,  placés  dans  difi^érens  embarcadères ,  formaient ,  avec  les  fortifi-r 
catior^s  dont  je  viens  de  parler ,  toute  la  défenfe  de  la  partie  du  Cap  ,  lorfqu'erj 
1710,   M.  Çauvet  fit  un  mémoire   fur  cette  défenfe. 

Confidérant  le  morne  du  Cap  comme  une  prefque-île  formée  par  la  mer, 
la  rivière  du  Haut-du-Cap  &  la  rivière  Salée  du  camp  de  Louife  ,  il  penfait 
que  toute  la  défenfe  de  la  partie  du  Cap,  devait  être  renfermée  dans  cette 
étendue  La  batterie  de  Picolet  &  une  batterie  fur  le  petit  Mouton ,  un 
retranchement  de  maçonnerie  devant  le  bourg  &  des  rctranchemens  de  dif- 
tance  en  diftance ,  depuis  le  bourg  jufqu'à   un  retranchement  qui  régnerait  de 

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FRANÇAISE    DE    SAI  NT  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      609 

/a  rivière  Saleé  au  camp  de  Louife  ,  &  dont  le  Cap  ferait  la  retraite , 
compofaient  tout  le  ryftème  de  M.  Cauvet,  qu'une  ordonnance  des  Adminif- 
trateurs  du  la  Mars  17 10,  borna  encore  au  projet  de  Picolet,  du  petit  Mouton  St 
de  la  muraille  du  Bourg. 

Cependant  en  1712  ,  les  chofcs  étaient  comme  en  170a.  Il  y  avait  un  pofte  de 
milices  à  Picolet  &  un  dans  la  ville.  Un  homme  en  vigie  fur  le  morne  dans 
l'Oueftdu  Cap,  fonnait  d'un  cor  un  nombre  de  fois  égal  à  celui  des  vailTeaux  qu'il 
appercevait  dans  TEft.  Une  féconde  vigie  fur  l'habitation  de  M.  de  la 
Thuyllerie  à  la  Bande  du  Nord  ,  faifait  le  même  fignal  pour  les  bâtimens  venant 
de  rOueft  ,  car  on  n'avait  pas  encore  imaginé  de  choifir  j  comme  à  préfent ,  un 
point  d'où  l'on  découvrît  les  deux  côtés  :  fi  le  nombre  des  voiles  inquiétait,  on 
tirait  l'alarme  générale  par  deux  coups  de  canons,  à  la  diftance  d'une  minute 
que  l'on  répétait  un  quart  d'heure  après  ,  &  alors  tous  les  habitans  fe  réunif- 
iaient à  la  favane  de  l'habitation  Breda  au  Haut-du-Cap. 

Le  29  Mars  17 13  ,  le  Miniftre  écrivit  aux  Adminiftrateurs ,  en  envoyant  un 
plan  de  fortifications  pour  le  port  du  Cap ,  &  en  leur  prefcrivant  de  délibérer 
fur  fon  exécution.  Le  confeil  de  guerre,  tenu  à  Léogane  le  13  Juillet,  formé 
par  MM.  de  Charrite  &  de  Paty  gouverneurs ,  de  M.  Mithon  ordonnateur ,. 
Cauvet  &  le  Merle  ingénieurs ,  trouva  d'abord  le  plan  fautif  &  inexaél ,  &  l'on 
décida  qu'au  lieu  de  fortifier  le  grand  Mouton  ,  c'était  le  petit  qu'il  fallait  rendre 
refpeétable  ,  après  toutefois  que  M.  le  Merle  l'aurait  examiné.  Celui-ci  fit  cette 
vifite  le  20  Février  1714  j  accompagné  de  M,  d'Arquian,  gouverneur  du  Cap, 
de  M.  de  Charitte  (qui  venait  d'être  nommé  gouverneur  de  la  Martinique)  ,  dé 
M.  de  Vilaire,  lieutenant  de  galiote,  de  M.  Duleny  capitaine  de  milices  &  de 
MM.  Duhamel  &  Rehautté,  capitaines  de  deux  navires  mouillés  dans  la  rade  j, 
&  des  pilotes  du  port,  &  il  rejetta  l'idée  de  fortifier  foit  le  grand  foit  le  petit 
Mouton  ,  foutenant  qu'il  fallait  leur  préférer  le  Bélier  qui ,  étant  fitué  à  l'entrée  du 
canal  du  carénage  &  pouvant  avoir  uj;  feu  croifé  avec  le  Cap,  leur  était  fupé- 
rieur.  Le  réfultat  de  tant  de  foins  fut  que  1718  refiemblait  à  1702,  excepté 
que  la  batterie  du  vieux  fort  était  fans  affûts,  &  que  celle  des  Dames  ne  pouvait 
plus  fervir  que  pour  les  faluts. 

M-  Frezier  ,  arrivant  au  Cap  en  17 19 ,  fut  choqué  de  ne  trouver  dans  la  partie 
du  Cap ,  que  les  trois  batteries  déjà  nommées  ,.&  en  mauvais  état  &  fans  parapet. 
Il  propofa ,  au  mois  d'Avril  1720 ,  de  mettre  Çicolet  fur  un  pied  de  défenfe  utile» 
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^10       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

21  voulait  que  le  vieux  fort,  détruit  par  les  ennemis  en  1695,  fût  rérablf* 
Quanta  la  batterie  des  Dames ,  oij  l'on  comptait  15  canons,  parce  qu'elle  avait 
été  allongée  dans  le  Nord  de  la  batterie  Sainte-Barbe  ,  qui  venait  jufqu'au  point 
où  eft  la  calle  du  roi ,  deux  flancs  de  10  toiles  de  long  pour  la  couvrir  au  Nord  & 
au  Sud  ,  lui  paraiffaient  fuffire. 

M.  Frezier  confidérait  tout  plan  relatif  à  la  fortification  des  relTifs  de  la  paffe  ou 
-de  la  rade,  comme  extrêmem^ent  coûteux  ,  &  prelqu'impoffible  dans  l'exécution  , 
mais  il  préférait,  comme  on  l'avait  propofé  depuis  1718,  d'avoir  un  ouvrao-A 
à  la  pointe  du  Mapou,  vers  l'embarcadère  de  la  Petite- Anfe,  qui  aurait  20  pièces 
de  gros  canons  pour  battre  le  mouillage ,  cet  embarcadère  &  le  carénage.  M. 
Frezier  propofait  en  outre  de  faire  un  retranchement  au  Sud  de  la  ville  &  du 
marais ,  appuyé  depuis  le  morne,  au  bout  de  k  rue  Efpagnok,  jufqu'à  la  rivière  , 
&  en  retour  le  long  de  la  mer ,  pour  défendre  l'embouchure  de  cette  rivière. 

Dix-neuf  ans  s'écoulèrent  avant  qu'il  y  eût  rien  de  (tatué  fur  le  travail  de  M. 
Frezier.  On  avait  été  depuis  long-tems  totalement  occupé  du  Fort-Dauphin. 
Cependant  en  1732,  M.  de  Fayet  était  d'avis  qu'on  fongeât  à  fortifier  le  petit 
Mouton  de  la  pafie  du  Cap.  Mais  en  1739,  M.  de  Larnage  fit  exécuter  ce  qui 
concernait  Picolet ,  qui  fut  mis  à  deux  étages,  &  qui  reçut  34  pièces  de  canon. 
Au  moyen  de  fon  enceinte  cette  batterie  devint  un  véritable  fort  de  25  toiles  de 
long  fur  7  toifes  de  hauteur,  que  M.  de  Coudreau ,  ingénieur,  termina  à  la 
fin  de  1741  ,  en  y  faifant  conftruire  le  magafin  à  poudre  avec  fon  mur  d'en- 
veloppe ,  k  citerne  &  le  corps-de-garde.  Ce  fut  à  la  même  époque  qu'on 
fit  k  porte  de  ce  fort,  qui  eft  formée  de  deux  plkftres  Ioniques  de  pierres 
•de  taille  &  à  qui  le  piédeftal  fert  de  focle.  Une  corniche  de  8  pouces  porte 
mn  fronton  triangulaire ,  dans  le  tympan  duquel  font  fculptées  les  armes  de  France 
avec  des  attributs  guerriers.  Entre  k  porte  &  l'entablement  eft  une  pierre  portant 
cette  infcription. 

LUDOVICO    XV      REGNANTE. 
AuSPlCE 

l>.  D.  Comité    deMaurepas, 

Regio 

Navalis    Rei   it   Coxoniarum 

Pr^fecto. 

Stetit  hoc  :  stetque  dîu 

CONTRA   Gallici    NoMi  n  is  Hostes 

Propugnaculum. 

Anno  Doni.   MDCGXLT. 


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FRANÇAISE    DE     S  A  ï  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.      6iv 

Au  devant  du  fort  eft  un  foffé  taillé  dans  le  roc  &  fur  lequel  eft  ua  pont» 
Jevis. 

Dès  1735  ,  la  batterie  du  vieux  fort  avait  été  détruite  &  celle  des  Dames  eut 
peu  après  le  même  fort.  En  1741  ,  M.  de  Larnage  confidérant  que  le  fort 
Picolet  ne  fuffifait  pas  pour  protéger  la  rade  du  Cap  ,  fit  faire  ,  à  la  hâte  ,  une 
batterie  de  12  pièces  de  18  ,  en  terre  &  en  fafcines  ,  fur  le  quai  où  eft  aujourd'hui 
la  batterie  royale.  Mais  il  demanda  au  miniflre  de  la  faire  remplacer  par  une 
batterie  de  maçonnerie  qui  devait  difpenfer  de  fortifier  les  reffifs  de  la  rade 
parce  qu'on  n'avait  eu  ,  félon  lui ,  cette  idée  qu'à  caufe  de  rimpoffibilicé  de 
placer  une  batterie  au-devant  du  Cap  ,  par  le  défaut  de  quai.  Il  fit  auffi  garnir  de 
pieux  tout  le  bord  de  la  mer ,  devant  la  ville. 

Au  com.mcncent  de  1743  ,  d'après  une  autorifation  du  miniftre  ,  on  travailla 
à  la  poudrière  aftuelle  &  qui  confiftait  jufqu'alors  dans  une  fimple  café  placée  ea 
avant  de  cette  dernière,  &  que  l'on  pouvait  canonner  de  la  rade.  C'était  encore 
une  des  propofitions  de  M.  Freziçr  réveillée  par  M.  de  Larnage.  La  poudrière 
eft  à  l'épreuve  de  la  bombe  &  conferve  bien  la  poudre.  Elle  eft  divifée  en  deux. 
Un  des  côtés  fert  aux  poudres  de  l'État,  l'autre  à  celle  des  particuliers  &  des 
vaifTeaux   marchands. 

On  reçut  auffi  des  ordres  pour  là  batterie  circulaire  ,  mais  dont  l'exécution  était 
cependant  foumife  à  cçlle  des  remblais  de  la  Compagnie  Béhotte.  M.  de  Larna<ye 
prefie  par  la  crainte  de  la  guerre  ,  fit  placer ,  en  attendant,  au-devant  de  l'arfenal 
aéluel,  une  féconde  batterie  en  terre  &  en  fafcines,  avec  12  pièces  de  24  que  la  flûte 
l'Éléphant  venait  d'apporter.  Les  habitans  du  Cap  fournirent  leurs  nègres  qui  firent 
environ  150  toifes  de  remblai  qui  était  à  la  charge  du  roi  Se  qui  unifiaient  l'entre- 
prife  Béhotte  &  l'entreprife  Çoudreau.  Ils  les  donnèrent  encore  pour  tout  ce  qui 
.put  accélérer  les  travaux  de  la  batterie  dont  je  viens  de  parler  ,  comme  remblais, 
tranfports,  &c,  &  lorfqu'au  mois  de  Février  1744,  l'on  commença  la  batterie 
circulaire  ,  ils  montrèrent  le  même  zèle. 

|.  En  1744,  M.  de  Vaudreuil  vint  dans  la  Partie  du  Nord.  Il  fit  faire  des  corps- 
de-garde  à  tous  les  poftes  de  Limonade  ,  du  Quartier-Morin  ,  de  la  Petite-Anfe , 
de  la  Plaine  du  Nord ,  de  l'Acul ,  du  Limbe  &  du  Port-Margot  ;  celui  de 
Caracol  étant  le  feul  qui  en  eût  un.  Au  mois  de  Septembre  de  la  même  année ,  il 
fit  mettre  ,  d'après  le  confcil  de  M.  de  l'Ifle-Adam  ,  capitaine  des  troupes  ,  tou 
Je  long  du  rivage  du  Cap ,  &  de  demi-pied  en  demi-pied  ,  des  pieux  de  12  piedg 

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DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

de  bng  fur  nx  pouces  de  diamètre  ,  enfoncés  de  fix  pieds  &  dont  la  tête  était  à 
fieur-d'eau ,  afin  d'empêcher  la  defcente  des  chaloupes  ,  fi  l'ennemi  pénétrait  dans 
la  rade.  On  fonda  /à  cet'e  occafion  ,  tout  le  bord  de  la  mer  qui  fe  trouva  d'un 
fond  argileux  &  par  conféquent  d'une  bonne  tenue  pour  les  pieux ,  qu'un  acon 
ponté- enfonçait  au  mouton.  Mais  les  vers  détruifirent  très-vîtc  cet  obftacle. 

Ce  fut  alors  que  M.  de  Vaudreuil  propofa  l'établifîemient  du  fort  Saint-Jofeph  , 
fur  la  pointe  nommée   Pointe  à  Foëfon,  du  nom  du   propriétaire  de  l'habita- 
tion dont  elle   dépendait .  Il  le  jugeait  indifpenfable  pour  féconder  le  fort  Picokt 
pour    battre    la  paiTe  &;  le    mouillage  ,    en   croifant  fes  feux  avec   les    batteries 
du  quai ,  autres  cependant  qi/e  la  circulaire,  que  la  guerre  força  de  difcontinuer. 

L'année  1745,  fut  l'époque  de  plufieurs  difpofirions  militaires  au  Cap.  La 
batterie  faite  de  terre,  où  eft  ia  batterie  royale,  ayant  été  prefqu'auffitôt détruite 
qii'achevée,  par  fon  peu  de  folidiré ,  M.  de  Larnage  ordonna  de  la  conftruire 
en  maçonnerie,  &  cette  batterie  fat  achevée  avec  l'année  j  c'eft  la  batterie 
joyale  elle-même.  On  fit  un  retranchem-ent  en  terre  qui  défendait  toute  la 
longueur  du  petit  carénage  jufqu'à  la  ravine  ,  l'on  rafa  alors  les  reftes  du  vieux 
&  l'on  appela  fort  des  Dames  .  la  redoute  qu'on  mit  à  l'extrémité  Septentrionale 
de  ce  retranchement  &  d'où  la  rue  du  Fort  aux  Dames  a  pris  fon  nom.  On  fie 
lane  batterie  à  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut  du  Cap  fur  la  rive  gauche  pour 
défendre  cette  embouchure.  M.  de  Larnage  fit  rafer  les  merlons  de  la  première 
batterie  de  Picolet,  &  ouvrir,  parles  nègres  de  corvée,  le  chemin  que  nous  voyons 
&  qui  mène  de  la  ville  à  Picolet. 

On  projeta  auffi  dès  lors  de  couvrir  la  ville  du  Cap  au  Sud  par  un  front  de 
fortifications  ;  on  le  commença  au  mois  de  Février  1746 ,  &  il  fut  terminé  au 
mois  d'Août  fuivant.  C'était  un  retranchement  en  terre  gafonnée  ,  qui ,  prenant 
dans  le  pied  Sud  du  morne  qui  borde  la  Foffette  au  Nord  ,  venait  fermer  la  ville 
par  une  courtine  &  deux  demi-baftions  ;  la  courtine  régnait  depuis  la  rue 
Efpagnole  jufqu'à  celle  d'Anjou,  &  allait  enfuite  jufqu'à  l'em.bouchure  de  la 
rivière.  Il  y  avait  un  glacis  en  avant  de  ce  retranchement  h  l'on  avait  même  fait 
un  chemin  couvert  depuis  l'entrée  laiffée  à  ce  retranchem.ent  pour  aller  à  la  ville 
&  qui  était  en  face  de  h  rue  royale  jufqu'à  un  petit  retour  qui  ouvrait  dans  la 
favane  de  la  Foffette.  Sur  le  morne  dominant  celle-ci ,  le  retranchement  avait 
une  batterie  de  trcis  ea-.ons.  M.  de  Vaudreuil  voulait  qu'on  faisît  cette  occafion 
.^o«r  redreffer  le  chemin  qui  menait  de  la  rue  Efpagnole  au  Haut  du  Cap,  mais 


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FRANÇAISE    DESAINT-DOMÎNGUE.       6ij' 

M.  de  Chaftenoye  ne  trouva  pas  ce  travail  néceffaire  &  c'eft  cette  oppofition  qui 
en  a  laifîe  le  mérite  à  MM.  de  Reynaud  &  Le  Braflèur. 

Durant  la  même  année  1746  ,  on  fit  un  retranchement  depuis  le  Sud  de  k 
batterie  royale  jufqu'au  point  du  quai  qui  correfpond  à  la  rue  Chaftenoye  ;  un 
autre  qui  allait  du  Nord  de  la  rue  des  Religieufes  au  Sud  de  celle  Saint-Jofeph  ; 
tin  autre  oij  eft  la  place  le  Brafieur  &  enfin  on  en  ajouta  un  à  l'angle  Sud-Eft  de  la- 
batterie  qui  venait  d'être  placée  au  bac.  C'efl  dans  cette  année  qu'on  fit  auffi 
beaucoup  de  remblais  &  de  coaftruélions  dans  l'étendue  de  ce  qui  s'appelait 
auparavant  le  marécage  &  qui ,  à  caufe  d'un  haut-fond  formé  par  un  banc  de- 
fable  charrié  par  la  rivière  ,  n'était  pas  auffi  acceffible  aux  chaloupes  que  le  reftc. 

L'année  1747  fut  remarquable  ,  quant  aux  fortifications  du  Cap  ,  par  la^ 
conftruftion  du  fort  Saint-Jofeph  placé  à  20  toifes  dans  l'Eft  du  chemin  qui 
mène  à  Picolet  &  à  400  toifes  de  ce  dernier  fort.  Ce  nom  lui  fut  donné  à  caufe- 
du  patron  de  M.  de  Vaudreiiil  qui  l'avait  propofé  au  miniilre  ,  ainfi  que  je  l'ai 
obfervé.  Ce  fort  fut  achevé  en  1748, 

Ce  fut  pareillement  en  1748  ,  qu'on  s'occupa  de  l'exécution  définitive  de  la 
batterie  circulaire,  mais  en  abandonnant  fon  plan  primitif.  Selon  celui-ci  qui 
était  immenfe  ,  il  devait  y  avoir  une  batterie  circulaire  de  15  canons  ,  tangente  à 
la  ligne  de  la  ravine  au  Nord  -,  &  une  féconde  batterie  circulaire  abfolument 
femblabîe  ,  tangente  au  côté  Nord  de  la  rue  Chaftenoye  au  Sud  ,  puis  l'intervalle 
entre  ces  batteries  devait  être  rempli  par  une  batterie  droite  de  18  canons  où  l'on 
aurait  ménagé  trois  calles  correfpondantes  à  la  rue  du  Confeil  ,  à  celle  Saint- 
Jean  Sic  à  celle  de  la  Fontaine.  Au  lieu  de  cela  on  avait  fait,  en  1745  ,  la  batte- 
rie royale  qu'on  voit  au  Sud  de  la  calle  du  roi  &  l'on  fit  à  fa  droite  la  batterie 
circulaire  que  le  plan  x^ue^j'ai  fait  graver  reprcfente.  On  ne  conftruifit,  en  1748  ^ 
que  ce  qui  eft  depuis  la  calle  jufqu'à  12  toifes  au  Nord  de  la  ravine  ,  c'eft-à-dire  , 
70  toifes  en  y  comprenant  l'oreillon  qui,  dans  le  bout  Sud  ,  va  de  l'Eft  à  l'Oueft. 
Cette  conftruftion  &  ks  murs  faits  fur  la  ravine  pour  en  contenir  les  bords  , 
montèrent  à  247,000  liv.  On  y  travailla  avec  une  telle  aftivité  que  les  canons  & 
trorsmortiers  pouvaient  y  jt)uer  le  i^'.  Mai  1748,  ainfi  qu'au  fort  Saint-Jofeph.  On 
mit  un  revêteirrent  en  merlon  à  la  batterie  royale  qui  était  ù  barbette  j  on  fit  une 
tiftacade  de  pieux  tout  le  long  du  marécage  ;  tous  les  flancs  des  retranchemens  , 
ïies  quais  reçurent  des  canons  ;  on  en  mit  fix  aux  flancs  du  front  de  la  Foffette  1 
«n  prolongea  k  retranchement  du  petit  carénage  jufqu'à  la  rencontre  de  k  ravine  j 


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éi4       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

enfin  l'on  s'occupa  d'afTurer  la  confervation  du  Cap  pour  lequel  la  prife  de  Saisit- 
Louis  augmentait  les  alarmes^  La  paix  arriva  &  avec  elle  l'efpèce  de  repo^ 
négligent  qu'elle  amène  à  fa  fuite. 

Cependant  le  miniftêre  montra  de  la  prévoyance,  &  fentant  route  l'impro-. 
tance  que  Saint-Domingue  devait  acquérir  &  qui  elle-même  pourrait  com- 
promettre fa  fureté  ,  il  crut  devoir  profiter  de  la  paix  pour  multiplier  les  moyens 
de  le  protéger.  Ce  fut  dans  cette  intention  que  fut  dreiTé  le  mémoire  du  roi, 
du  25  Oclobre  1750,  qui  demandait  à  Ja  Colonie  de  Saint-Domingue  un 
oftroi  extraordinaire  pour  les  fortifications.  La  Colonie  l'accorda  ,  en  Mars 
175  I  ,  pour  cinq  ans.  Un  fécond  m.émoire  ,-  du  7  Novembre  1754,  prolono-ea 
l'impôt  pour  cinq  autres  années,  de  1755  à  1760  ;  la  Colonie  obéit  encore, 
mais  les  deux  Confeils  fupérieurs  qui  étaient  alors  dans  l'ufage  de  fe  raffembler 
pour  la  repréfenter  &  qui  avaient  voté  en  fon  nom,  en  1751,  dreffèrent  des 
remontrances  en  1755  ,  oij  ils  établirent  que  depuis  1720  il  avait  été  fait  pour 
vingt  millions  de  dépenfes  en  fortifications  dans  la  Colonie ,  ce  qui  aurait  dû 
fuffire  fi  le  favoir  &  l'économie  avaient  préfidé  à  leur  emploi.  Ces  repréfenta- 
tions  ne  furent  pas  heureufes ,  puifque  l'impôt  fut  encore  prolongé  pour  cinq 
ans ,  jufqu'en  1765. 

En  1755  ^^-  ^^  Vaudrcull  propcfa  de  fortifier  le  Grand-Mouton ,  &  en 
1757  M.  Bart  demanda  que  la  pointe  à  Bertrand  ,  qui  eft  à  200  toifes 
dans  le  Sud  du  fort  Saint-Jofeph,  devînt  une  nouvelle  protection  pour  le  port, 
&  en  effet  on  y  voit  maintenant  une  batterie  de  mortiers  que  l'on  appelé  ,  je 
ne  fais  pourquoi ,  le  fort  aux  Dames.  En  1758  on  acheva  la  batterie  circulaii-e 
dans  la  partie  du  Nord  de  la  ravine  ,  h  ce  fut  la  même  année  qu'on  établir  la 
batterie  de  mortiers  du  Gris-Gris  ,  lieu  qui  s'appelait,  vers  1736,  la  Pointe  des 
Nègres.  La  guerre  de  1756  ne  cefi^a  pas  de  donner  des  craintes  à  Saint-Domin- 
gue ,  &  ces  craintes  ,  en  lui  procurant  M.  de  Belzunce  ,  officier  de  terre  fur  le 
talent  militaire  &  la  réputation  duquel  on  avait  fait  un  grand  fond ,  furent 
l'occafion  d'un  changement  notable  dans  le  fyftème  de  défenfe  de  cette  Colonie. 

Convaincu  par  la  douloureufe  expérience  qu'on  venait  de  faire  à  la  Marti- 
nique ,  oià  les  fecours  étaient  trop  tardivement  arrivés ,  qu'une  place  intérieure 
qui  prolongerait  la  défenfe  pourrait  fauver  une  Colonie ,  il  eut  cette  combinaifon 
pour  idée  principale,  &  j'ai  dit  comment  Sainte-Rofe  &  le  Dondon  lui  avaient 
paru  les  points  propres  à  le  réalifer.  M,  de  Belzunce  manifefta  encore  par  fe§ 


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fi- k  ANC  Al  SE    DE    S  A  I  N  T-D  0  M  I  5Î  G  U  E.         6f; 

difpofitions  cette  penfée ,  que  la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie  de  Saint-Domin- 
gue eft  la  plus  importante  à  défendre  ,  celle  dont  la  deftinée  doit  avoir  la  plus 
grande  influence  politique  fur  celle  de  la  Colonie  entière. 

'  M.  d'Eftaing ,  fucceflfeur  de  M.  de  Belzunce ,  auquel  il  attribuait  un  grand 
favoir  militaire  ,  fut  frappé  de  fon  fyftème  en  arrivant,  au  mois  d'Avril  1764, 
des  Ifles  du  Vent ,  où  il  avait  eu  la  miffion  particuîtère  d'examiner  le  meilleur 
plan  de  fortifier  cei  îles  &  de  délibérer  avec  leurs  chefs  fur  l'exécution  de  ce 
plan.  Il  lui  parut  que  M.  de  Belzunce  avait  faifi ,  en  homme  de  guerre ,  l'objet 
qu'on  doit  fe  promettre  en  défendant  une  Colonie.  C'etl  d'après  ces  deux 
hommes ,  à  qui  l'on  ne  peut  refufer  cet  hommage  ,  qu'ils  o;it  parié  de  ce  qu'ils 
favaient  bien  ,  que  je  hafarde  une  opinion ,  ou  pour  être  plus  vrai ,  c'efl  la 
leur  que  je  vais  expofer ,  après  avoir  ajouté  qu'elle  a  encore  éié  commune  à 
M.  Duportal  j  direéleur  des  fortifications  ,  &  dont  M.  d'Eftaing  fe  vantait 
d'avoir  reçu  des  leçons^ 

Une  vérité  première  à  faifir,  c*eft  qu'il  y  a  entre  une  Colonie  &  la  marine 
une  union  &  une  corrélation  tellement  intime  ,  qu'on  ne  peut  fe  diffimuler 
que  la  fupértorité  maritime  doit  difpofcr  des  propriétés  coloniales.  Une  colonie 
comme  celle  de  Saint-Domingue ,  qui  verfe  annuellemens  dans  la  Métropole 
pour  cent  cinquante  millions  tournois  de  denrées  y  qui  par  conféquent  imprime 
tin  mouvement  prodigieux  à  fon  commerce  y  ne  doit  pas  être  expoîée  â  devenir 
la  proie  d'un  ennemi  puiiTant ,  qui  pourrait,,  mêine  s'élcvant  au-deiTus  de  la 
honte  d'une  violation  ouverte  des  traités ,  la  croire  juftifiée  par  un  fuccès  qu'on 
n'aurait  pas  fongé  à  rendre  difficile.  Mais  comme  l'entretien  du  fecours  d'une 
marine  permanente  ferait  ruineufe  par  fa  dépenfe  &  par  fa  confommation  en 
hommes,  il  eft  indifpenfable  de  trouver  des  reiTources   intérieures. 

Or  celles-ci  ne  peuvent  être  autre  cbofe  qu'une  fortification  ,  combinée  de 
tnanière  cependant  qu'en  donnant  l'efpolr  d'une  défenfe  prolongée  ,  elle  ne 
foit  pas  elle-même  inexpugnable  fi  elle  devenait  enfin  le  partage  du  vainqueur 
qui  aurait  la  fupériorité  fur  mer.  Il  faut  qu'entre  l'ennemi  &  cette  place  une 
route  difficile,  femée  d'obftacles ,  puifle  à  chaque  inftant  lui  rendre  fon 
propre  nombre  embaraffant  &  l'expofe  à  voir  acquérir  ,  par  une  poignée 
d'hommes  acclimatés  &  embufqués ,  l'avantage  fur  de  nombreux  bataillons.  Il 
faut  que  tous  les  tranfports  lui  foient  pénibles ,  que  routes  fes  communicatiorïs 
avec  fes  vaiffeaux  foient  lentes  &  fatigantes  ;  qu'en  un  mot  les  hafards  de  k 
guerre  &  les  maux  du  climat  lui  fafîent  tout  redouter. 


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6t6        DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 


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Mais  ce  fyftème  veut  des  préparatifs.  Il  veut  ceux  du  choix  du  lieu  dont  la 
faiîibfité  doit  être  une  des  conditions  infpenfables.  Il  Meut  des  approvifîonnemens 
furtout  en  objets  fufcepdbles  de  confervation  pendant  un  long-tems  ,  &  en  outre 
tks  beftiauxj  des  fourrages ,  &  ur.e  dilpofition  faite  à  l'avance ,  de  manière  qu'au 
moment  de  l'attaque  chacun  fâche  quel  point ,  quelle  fonftion  ,  quelle  utilité  il 
doit  avoir  dans  cette  efpëce  de  réduit  général.  Il  faudrait  que  le  génie  du  chef 
fût  rendre  ce  réduit  tel_,  qu'il  faudrait  pour  le  forcer,  une  attaque  régulière  & 
propre  à  faire  perdre  beaucoup  de  tems  à   l'affiégeant. 

Mais  avec  la  vafte  étendue  de  la  Colonie  fi-ancaife  de  Saint-Domingue,  divifée 
prefque  naturellement  en  trois  parties  diftinftes,  peut-être  efl-il  impoflible  de 
fe'paiTer  d'avoir  un  point  central  dans  chacun  d'eux.  On  ne  doit  pas  oublier  qu'il 
s'agit  furtout  de  rendre  fruiSlueux  l'envoi  d'un  fecours  de  France ,  &  par  cgHt. 
féquent  de  favorifer  la  réunion  de  la  force  qui  combat  encore  dans  l'intérieur 
avec  celle  deftinée  à  la  faire  triompher  par  l'expulfion  de  l'ennemi.  Il  eft  fans 
doute  difficile  d'empêcher  qu'une  efcadre  françaife  ne  débarque  un  fecours  fur 
une  circonférence  auiTi  étendue ,  mais  il  ne  faut  pas  que  les  troupes  qu'elle 
apporterait  ait  de  grands  efpaces  à  franchir,  de  grandes  fatigues  à  effuyer  avant 
la  réunion  défirée ,  puifque  ces  troupes  auraient  à  redouter ,  corames  celles  dç 
l'ennemi ,  les  maux  qui  frappent  des  hommes  non-acclimatés. 

L'utilité  du  pofte  intérieur  fentie,  celle  des  autres  moyens  intérieurs  l'eft 
bientôt.  Ils  ne  peuvent  être  que  de  deux  efpèces ,  confidérés  dans  leurs  rapports 
avec  le  fyftème  de  défenfe  générale ,  c'eft-à-dire ,  qu'ils  confîftent  dans  les  obfta- 
cles  à  oppofer  au  débarquement  &  dans  ceux  qui  doivent  arrêter  les  progrès  die 
l'ennemi  fi  ce  débarquement  n'a  pu  été  empêché  ;  &  en  s'occupant  des  premiers 
il  ne  faut  pas  manquer  de  calculer  le  befoin  d'empêcher  l'infulte  palTagère  ou  grave 
qu'on  pourrait  tenter  de  faire  à  un  point  de  la  côte ,  foit  pour  le  piller  foit  pour  y 
venir  enlever  le  bâtiment  qui  cherche  un  refuge  contre  l'ennemi  fupéricur  qui  le 
pouriuit  ;  car  c'eft  une  partie  intégrante  de  la  défenfe  relative  aux  débarquemens , 
que  celle  qui  éclaire  les  côtes  &  qui  ne  permet  pas  à  l'ennemi  de  choifir  les 
points  qu'il  croit  les  plus  accefîîbks  ou  de  multiplier  de  fauffes  attaques  pour 
en  rendre  une  efficace. 

Une  des  plus  grandes  difficultés  de  la  défenfe  des  Colonies ,  c'eft  de  déter- 
miner s'il  eft  avantageux  ou  non  de  s'oppofer  au  débarquem.ent,  parce  qu'il  cft 
prefque  impoffible  de  décider  la  queftion  en  thèfc  générale,  Elle  doit  dépendre 

des 


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FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  t)  o'm  I  N  G  tl  E.       617 

des  forces  de  l'ennemi ,  de  celles  qu'on  a  à  lui  oppofer  ,  &  beaucoup  encore  du 
point  où  le  débarquement  eft  tenté.  Mais  en  général  tout  dit  que  le  moment  où' 
l'ennemi  a  mis  fur  la  plage  environ  le  tiers  de  ce  qu'on  lui  fuppofe  d'hommes 
de  débarquement,  eft  le  plus  favorable  pour  l'attaquer;  parce- qu'alors  il  ne  peut 
plus  être  protégé  par  le  feu  des  vaiffeaux ,  &  que  dans  le  défordre  inféparable 
d'un  débarquement  qui  n'eft  encore  efîeflué  qu'en  partie  ,  les  probabilités  font 
toutes  en  faveur  de  celui  qui  le  trouble  &  qui  a  dû  fe  ménager  une  retraite 
alTurée  ,  tandis  que  l'ennemi  n'a  que  celle  de  fes  chaloupes  ,  qui  eft  lente  & 
fujettc  aux  événemens  de  la  mer.  Il  faudrait  être  bien  fur  de  l'avantage  d'une 
pofition  prifc  à  terre  &  voifine  du  point  de  débarquement  pour  préférer  d'y 
attendre  l'ennemi ,  toujours  plus  à  craindre  lorfqu'il  marche  form.é  qu'à  l'inftanc 
où  chaque  homme  fort  prefqu'ifolément  d'une  chaloupe  ,  embarraffé  de  fes 
armes,  craignant  de  ks  mouiller,  troublé  par  la  vue  d'un  élément  qui  n'eft 
pas  celui  du  foldat ,  &  ignorant  Tétat  au  vr^i  du  point  où  il  arrive. 

Comme  tout  débarquement  fait  par  une  armée  a  pour  but  néceffaire  l'enva- 
hifiement  du  territoire  ,  &  que  pour  y  parvenir  l'ennemi  doit  chercher  à  s'emparer 
des  points  les  plus  importans ,  foit  comme  établiflfemens  militaires  ,  foit  comme 
dépôts  de  commerce  ;  une  des  premières  notions  de  la  défenfe  doit  être  de 
préferver  ces  mêmes  points  &  leur  voifmage  ,  de  toute  defcente.  Cette  vue  eft 
encore  plus  importante  dans  une  île  qu'ailleurs  ,  parce  que  les  attaques  ne 
pouvant  être  effeftuées  que  par  les  moyens  maritimes  &  toutes  les  reffource* 
devant  être  tirées  des  vaiffeaux,  c'eft  faire  beaucoup  que  de  mettre  une  grande 
diftance  entre  le  point  de  débarquement  &  celui  dont  l'ennemi  a  le  projet  de 
s'affurer  ;  entre  l'armée  qui  attaque  &  l'efcadre  ou  la  flotte  qui  la  nourrit ,  qui 
reçoit  fes  malades  &  fes  bleffés ,   &  d'où  elle  doit  tirer  fon  artillerie. 

Si  cependant  l'ennemi  a  débarqué,  s'il  marche  pour  conquérir,  c'eft  alors 
que  les  reffources  intérieures  doivent  être  employées  pour  arrêter,  pour  rallentir 
its  progrès.  Il  faut  que  chaque  pas  lui  offre  la  néceffité  d'un  nouveau  combat , 
nn  nouvel  obftacle  à  franchir ,  la  crainte  d'un  nouveau  danger.  Il  faut  furtout 
s'être  bien  convaincu  que  chaque  retard  eft  une  viétoire  remportée  fur  lui  , 
parce  que  le  climat  peut  en  triompher  d'un  inftant  à  l'autre.  Comme  il  doit 
naturellement  préférer  la  faifon  tempérée  pour  fes  entreprifes ,  dans  la  crainte 
que.  les  chaleuni  exceffives  ne  l'accablent  des  maux  qu'elles  enfantent ,  il  s'ex- 
pofe  alors  à  la  chance  despluiçsqui  peu'/ent,  à  chaque  inftant,  lui  com.raander 
Tcîne     I.  1 1  i  i  - 


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6i^       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


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-des    hakes  Prendre   irrpraticabk  un   chemin  où  fon  ariillcrie  auraic  pu  pafîèr 
quelques  heures  auparavant. 

Dans  un  p.ays  où  la  nature  a  multiplié  partout  des  pofitions  qne^l'art  tenterait 
vainement  d'imiter,  il  y  a  mille  probabilités  en  faveur  de  celui  qui  les  connaît, 
qui  les  a  étudiées  S;  qui  iàk  par  où  il  fuira  fi  une  force  fupérieure  lui  rend  la 
fuite  néccffiire.  On  fcnt  qu'il  eft  bien  difEcile  de  fe  promettre  de  grands  fuccès 
dans  ks  plaines ,  par  i'impoffibilité  d'oppcfer  alors  une  milice  ,  quoique  très- 
courageufej  à  des  troupes  familiarifées  avec  les  évolutions  militaires;  mais 
dans  des  fortifications  bien  entendues  ,  dans  des  gorges  ,  dans  des  ravines ,  dans 
d'éeroits  défilés ,  le  courage  du  Colon  déconcertera  le  foldat  accoutumé  à  des. 
mouvemens  réglés  &  d'enfcmbk.  Sans  doute  il  eft  pofiîble  que  l'attaquant,  céief- 
péré  de  l'inutilité  de  ia  tentative,  ou  croyant  même  que  le  fpedacle  de  leurs 
propriétés  livrées  aux  flammes  ar;ê:era  le  zê.e  des  habitans  ,  offre  partout  lur  fon 
paflfage  le  tableau  du  ravage  &  àt  l'incendie  ;  mais  cette  manière  de  guerroyer, 
digne  des  flibuftiers  ,  ne  fera  pas  un  moyen  de  conquête  pour  Id  ,  fi  le  chef  de 
la  Colonie  a  fu  leur  inlpirer  l'erpoir  d"y  échapper,  Se  s'il  fait  mettre  à  profit 
l'amour  des  Colons  pour  le  nom  Français.  C'eftdonc  à  la  guerre  de  campao-ne 
qu'il  faut  tout  rapporter,  après  avoir  m.is  les  points  piincipaux  qui  ,  dans  les 
Colonies ,  font  prefque  toujours  les  villes  ,  à  l'abri  d'une  invafion  fou  daine  & 
facile  j  &  les  côtes  à  l'abri  d'un  coup  de  main. 

Ces  idées  générales  rapportées  à  la  dépendance  du  Cap,  donnèrent  à  M. 
d'Eftaing,  l'occafion  de  propofer  d'améliorer  la  défenfe  de  Picolet,,&  de  mettre 
à  la  roche  du  même  nom  une  batterie  de  canons  &  de  m^ortiers  qui,  placée  au 
peint  fur  lequel  les  vaiiTeaux  gouvernent  long-tems  avant  de  donner  dans  lapaffe  , 
empêcherait  par  fes  feux  que  l'on  n'en  approchât.  Il  adoptait  le  projet  de  forti- 
fier le  pedt  Pvloutcn,  en  regrettant  que  la  nature  du  fond  du  grand  Mouton,  & 
des  raifons  d'économie  lui  cnlevaflent  la  préférence.  Il  attachait  auffi  un  grand 
prix  au  fecours  de  deux  prames,  qui  avaient  même  -été  conftruites  dans  les  ports  de 
France  fn  1765  ,  &.que  l'on  deftinait  à  être  entraverfées  dans  les  pafles  du  Cap^ 
&  il  croyait  qu'on  devait  être  toujours  prêt  à  fermer  cette  paiTe  par  des 
cftacades.  Quant  à  la  partie  terreftre  de  la  ville  ,  M.  d'Eftaing  voulait  dans  les 
gorges,  depuis  le  Cap  jufqu'à  l'hôpital,  des  redans,  des  reiranchcmens ,  pour 
défendre  la  communication  de  la  ville  avec  la  plaine  ,  &  que  le  morne  Lory  fût 
îe  point  principal  de  cette  parcie  de -ia  défenfe.  J'ai  parlé  ailhurs  de  fes  vues 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGÙÉ.     619 

pour  avoir  des  magafins  de  marine  &  une  fortification  propre  à  les  défendre  &  à 
protéger  la  ville  en  même  tems  ,  en  les  plaçant  fur  l'extrémité  de  la  langue  de 
terre  qui  mène  de  la  Petitc-Anfe  au  bac. 

,  Suivant  une  lettre  du  Miniftre  aux  Adminiftrateurs ,  datée  du  22  Janvier 
1768  ,  il  était  queflion  de  fortifier  le  petit  Mouton,  mais  tout  refla  dans  la 
même  fituation ,  excepté  qu'en  1773  ,  d'après  un  plan  de  M.  de  Boisforeft  de 
1772,  on  fit  le  premier  baftion.qui  eft  au  Sud  de  la  batterie  royale  &  qui  a  été 
mené  fur  le  point  du  quai  correfpondant  à  la  rue  Saint-Laurent,  jufqu'à  celui  où 
aboutit  la  rue  de  la  Fontaine.  A  l'arrivée  de  M.  d'Ennery  au  Cap ,  au  mois  d'Août 
1775  '  ce  gouverneur-général  fit  rétablir  le  front  de  fortifications  de  la  ville  au 
Sud,  tel  qu'il  avait  été  fait  en  1746  ,  &  il  fit  voûter  les  batteries  de  Picolet  &  du 
fort  Saint- Jofeph  ,  pour  les  garantir  du  feu  des  hunes  des  vaiffeaux. 

On  doit  regarder  l'année  1777  ,  comme  une  de  celles  qui  ont  eu  l'influence  la 
plus  heureufe  furies  be foins  de  ladéfenfe  de  Saint-Domingue,  parce  qu'elle  a  été 
l'époque  de  l'arrivée  de  cinq  compagnies  du  régiment  de  Metz  du  Corps- 
Royal-d'Artiilerie  ,  &  de  trente  ouvriers  ,  le  tout  fous  les  ordres  d'un  chef  de 
brigade  &  d'un  lieutenant-colonel.  Les  chefs  eurent  plufieurs  occaOons  d'exercer 
ieurs  talens  ;  c'efl  à  eux  qu'on  doit  des  magafins  d'artillerie,  le  remplacement  des 
affûts  marins  par  des  affûts  de  côte  ,  bien  précieux  dans  un  pays  où  réconoraie 
en  hommes  doit  être  la  première,  &  l'émulation  qui  s'cfl  établie  depuis  lors  entre 
les  officiers  du  génie  &  ceux  de  l'artillerie. 

La  guerre  arriva  en  177S  ,  &  elle  réveilla  encore  l'attention  fur  ce  qui  inîéref- 
fait  la  défenfe.  La  nouvelle  de  la  prife  de  Sainte-Lucie  &  les  vives  intlances  de 
M.  de  Reynaud  auprès  de  M.  d'Argout,  alors  gouverneur-général,  firent  forti- 
fier, au  mois  de  Mars  1779,  les  mornes  de  l'hôpital,  par  des  batteries  Se  des 
redans,  dont  quelques-uns  furent  même  concertés  avec  M.  d'Eftaing,  au  mois 
d'Aoû-:  1779,  lorfque  venant  de  la  conquête  de  la  Grenade,  il  faifait  des 
préparatifs  paur  aller  attaquer  Savannah.  M.  de  Reynaud  aurait  voulu  que  le 
morne  Lory  devînt  un  point  refpeftable  ,  que  des  prames  défendilTent  les 
paffes ,  &  que  les  magafri::s  &  les  parcs  d'artillerie  fufient  mis  dans  la  gorge  ' 
de  rhabitation  de  la  Eoffctte  que  M.  de  Reynaud  trouvait  encore  économique 
d'acheter.  M.  d'Argout  fit  oter  les  voûtes  des  batteries  de  Picolet  &  du  fort 
Saint- Jofeph  &  leur  fit  donner  des  afïuts  de  côte. 

Enfin  p".ur  avoir  fur  les  fortifications  de  la  Colonie  un  avis   motivé,  cJ  un' 

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€10       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

plan  qui  pût  être  à  l'avenir  une  règle  ,  dont  les  gouverneurs  ne  pourraient 
s'jËcarter  qu'avec  une  autorifation  expreiïe  ,  le  Miniftre  écrivit  à  M.  d'ArcrouC 
le  22  Aouri779,  de  failir  l'inftanc  où  plufieurs  officiers  fupérieurs  s'y  trou- 
vaJenrj&:  comme  les  circonftances  de  la  guerre  ne  permettaient  pas  les  déplacemens, 
de  fe  borner  ,  quant  alors  ,  à  k  Partie  du  Nord  &  au  Maie  ,  faufà  embraffer  par 
la  fuite  les  deux  autres  parties  de  la  Colonie.  II  était  ordonné  de  former  urs 
eonfeil  de  guerre,  auquel  ferait  fournis  les  plans  &  les  mémoires  de  MM: 
d'Eftaing ,  Duportal ,  de  Vallière  ,  de  Moulceau  &  de  ISTolivos  ,  ainfi  que  la- 
correfpondance  des  Adminiftrateurs  &c  des  miniftres  fur  cette  matière  ,  &  les 
plans  qu'on  croirait  néceffaire  de  faire  lever,  fauf  à  celui  des  membres  qui 
ii'adopterait  pas  l'opinion  de  la  majorité  à  motiver  la  fienne.  Le  réfultat  de  la 
délibération  devait  fervir  à  faire  dlftinguer  les  ouvrages  les  plus  prefTés ,  &  oa 
devait  l'accompagner  de  plans  &  de  devis. 

Le  eonfeil  de  guerre,  préfiJé  par  M.  de  Reynaud^  lieutenant  au  gcuverne- 
ment  général  &  commandant  général  de  la  Colonie  par  intérim  ,  tint  fa  première- 
féance  au  Cap  le  2  Mai  lySo,  &  était  com.pofé  de  M.  de  Vincent,  comman- 
dant en  fécond  de  la  Partie  de  l'Oueft;  de  M.  de  Lilancour,  commandant  ea 
fccond  de  la  Partie  du  Nord  ;  de  M.  de  Moulceau,  DirccTreur  général  des  for^ 
tificatlons  ,  tous  les  trois  brigadiers  d'infanterie  >  de  M.  de  Gimel ,  lieutenant- 
colonel  du  Corps  d'Artillerie  au  régiment  de  Metz  ,  &  de  M.  d'Ancleville  , 
ingénieur  du  roi.  M.  de  Vaivre  ,  intendant,  y  affilia  auffi  d'apiès  la  lettre  du., 
miniftre.  M.  d'Anfteville  fat  choifi  pour  rapporteur.  Le  Confeil  de  guerre, 
dans  fes  fix  féances  terminées  le  3  Juin  ,  a  propofé  fes  vues  fur  la  Partie  du 
Nord  &  fur  le  Môle.  Je  crois  pouvoir  ajouter  feulement  qu'il  a  cru  que  U 
défenfe  intérieure  &  celle  que  j'ai  appellée  maritime  devaient  s'entr'aider. 

C'eft  d'après  le  réfultat  de  ce  Conieil  de  guerre  que  M.  de  Reynaud  a  fait 
détruire  le  retranchement  que  M.  d'Ennery  avait  fait  rétablir  au  Sud  de 'Is; 
ville.  Ce  travail  qui  avait  coûté  plus  de  2CO,ooo  livres  &  dont  l'entretien 
était  fort  cher,  s'éboulait  à  la  moindre  pluie  à  caufe  de  fa  nature  fabloneufe  j 
il  était  dominé  de  partout,  &  comme  on  l'avait  rendu  tel  qu'on  pouvait  y  mon- 
ter à  cheval  par  la  néceffité  d'un  talus  capable  de  retenir  les  terres  ,  il  ne  pouvait 
pas  défendre  la  ville  à  kquelle  il  interceptait  l'air.  On  en  a  feulement  confervé 
ce  qui  eft  à  l'Oueft  de  la  rue  Efpagnole  ,  comme  on  le  voit  fur  mon  plan  & 
dont  le  bout  appuyé  au  morne  de  la  FolTecte  ,  montre  encore  ce  qu'on  appellaic 
îe  polygone. 


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*        F  R  A  N  CA  î  s  E     DE     SAINT-DOMINGUE       621 

C'eft  en  arriére  de  cette  portion  de  retranchement  Se  dans  le  Nord-Oucft  du' 
cimetière  qu'eft  r.école  d'arîille.ie  pour  le  canon  &  la  bombe,  à  qui  l'autre! 
iàcede  Ja  Fofîette  donne  la  facilité  de  s'exercer  fans  danger  pour  perfonne.  Orr 
va  à  cette  école  par  les  deux  côtés  du  cimetière.  Entr'eux  deux  &  au-deffus  du 
cimetière  ,  l'on  pafTe  fur  un  petit  pont  de  bois  couvrant  un  ravinage  ,  pour 
aller  foit  à  cette  école ,  foit  à  la  batterie  de  mortiers  placée  au-deffous  du  morne 
Lory,  vers-:îa  moitié  de  la  longueur  d'un  plateau  étroit  formant  le  fommet  de 
l'embranchement  du  morne  du  Cap  qui  va  vers  le  cimetière ,-  &  qui  s'éten- 
dait autrefoisjufqu'auprès  dt  l'embouc-hure  de  la  rivière. 

.  Quand  on  eft  fur  la  plate- forme  de  cette  batterie  de  mortiers ,,  la  ville  pré- 
fente un  Goup-d'œil  agréable  &•  inattendu.  Ses  rues  tirées  au  cordeau  ,  la  facilita 
de  plonger  dans  chaque  cour ,  offrent  un  tableau  auiïi  mobile  que  varié ,  &' 
l'afpeft  de  la  rade  forme  l'arrière  plan-  le  plus  intéreiTant  que  puifîe  avoir  une 
vue  à  vol  d'oifeau. 

Depuis  lySo,  il  n'a>été  rien  entrepris  en  fortifications  au  Gap,  quoique  ic 
miniftre  eût  approuvé  le  12  Février  1781  ,  le  plan  d'avoir  un  carénage  pour 
tenir  toujours-  une  frégate  mouillée  e>n  dehors  de  la  paffe  du  Gap,  afin  de  pro- 
téger l'entrée  Scda-fortie  des  bâ*imens  du  commerce.  ■  - 
-  On  peut  dire  avec  alTurance  que  quelle  que  foit  l'attaque  de  l'ennemi  dans  la 
Partie-du  Nord ,  le  Cap  en  fera-  toujours  l'objet,  à  caufe  de  fon  port ,  de  fes 
établiflemens  &  de  fes  richeflcs  ;  c'eft  donc  le  Gap  qu'il  faut  avoir  continuelle- 
ment en  vue  lorfqu'on  s'occLipe  de  ladéfe-nfe  de  la  Partie  du  Nord.                 '^. 

Pour  alTurer  celle  de  toute  la  Colonie  d'une  manière  qui  feraic  cefîer  toute 
inquiétude  ,i  il' faudrait' au- moins  dix  mille  hommes  de  troupes  d'Europe.  Mais 
combien  de  circonftances  peuvent  s'oppofer  à  ce  rafiemblement  de  forces!  Il 
faut  donc  empêcher  que  cette  brillante  colonie  ne  puifl"e  devenir,  en  une  feule 
campagne  ,  la  conquête  de  l'ennemii ,  &  ,  à  cet  égard  ,  il  eft  encore  naturel  de 
croire  que  les  efforts  feront  toujours  dirigés  vers  la  Partie  du  Nord  ,  ce  qui 
me  ramène  à  l'imiportance  du  Cap.  L'ennemi  n'oferait  y  rien  entreprendre  s'il 
avait  une  garnifon  de  trois  mille  homme-5  &  fi  une  armée  au  moins  auiïi  forte  en- 
gardait  la  plaine  ;  mais  encore  un  coup  cet  état  heureux  ne  peut  être  certain. 

Nous  avons  vu  que  lé  point  le  plus  Oriental  où  l'ennemi  pourrait  effayer  de 
débarquer,  ferait  la  baie  de  Manceniile  d'où  les  chaloupes  arriveraient  à  l'em- 
bouchure du  Maffa^cre,  mais  quelle  tentative  que    celle  qiii  ferait  faite  à  Saint».- 


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&12      DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

Domtngue  ,  à  feize  lieues  du  point  qu'on  voudrait  envahir  &  dans  un  lieu  où 
l'on  ne  pénétrerait  qu'en  furmontant  de  grandes  difFiCukés.  Cependant  deux 
batteries  fur  k  rive  gauche  de  cette  rivière  fufHraîent  pour  diffiper  toutes  les 
àppréhenfions,  La  chaîne  de  reflifs  5c  de  haut-fonds  qui  borde  la  côte  depuis  le 
.Maffacre  jufqu'au  Fort-Dauphin  ,  ne  permet  aucun  accès  qu'à  des  chaloupes  à 
travers  des  paflfes  étroites  ;  mais  de  fimples  batteries  mifes  à  ces  points  d'embarca- 
dères qu'on  pourrait  même  combler  en  cas  d'attaque  prévue  ,  remédient  à 
cet  inconvénient. 

Quant  au  Fort-Dauphin  lui-même  ,  il  efl-  d'une  défenfe  fuffifante  avec  l'efla- 
cade  de  chaînes ,  de  cables  &  de  mâtures  qui  rendrait  Ton  entrêee  impénétrable. 
■  Du  Fort-Dauphin  à  Limonade  ,  des  reffifs  qui  s'éiendent  au  large  jufqu'à  la 
grande  portée  du  canon ,  ne  permettent  pas  à  l'ennemi  de  protéger  de  fon 
feu  une  defcente  que  tout  dit  qu'il  ne  hafardera  pas  de  faire  fous  voile  avec 
l'incertitude  de  reprendre  fes  troupes  fi  elles  étaient  repouiïees. 

Il  y  a  bien  trois  paffes ,  mais  celle  des  Fonds-Blancs  propre  aux  chaloupes 
feulement ,  a  de  quoi  les  foudroyer.  La  féconde,  commune  aux  embai-cadères  de 
Caracol  &  de  Jacquezy  ,  eil  acceffible  à  des  bâtimens  d'une  certaine  force  ,  mais 
ils  ne  peuvent  s'approcher  afTez  pour  protéger  une  defcente  qui  ne  peut  être  faite 
qu'aux  deux  embarcadères  cités  &  où  des  batteries  fuffifantes  ne  la  foufFriraient 
pas.  La  pafTe  de  Limonade  donne  plus  de  craintes ,  mais  elle  a  1,500  toifes  de 
long ,  elle  eft  finueufe  ,  elle  exige  des  pratiques  &  un  bâdment  bon  maneu- 
vrieri  &  fi  l'on  ne  comptait  pas  afiez  fur  les  batteries  qui  la  défendent,  une 
prame  deviendrait  un  obftacle  infurmontabîe. 

De  Limonade  à  l'embarcadère  de  la  Petite -Anfe  ,  les  difficultés  furpaflent  les 
efforts  que  l'audace  pourrait  confeiller  &  que  le  manque  d'eau  du  chenal 
condamne  d'avance.  D'ailleurs  les  reffifs  éloignent  encore  là  le  feu  protedeur  des 
n^aiffeaux. 

A  rOuefb  du  Cap  la  Bande  du  Nord  &  le  Port-Français  offrent  bien  deux 
points  de  débarquement,  mais  toutes  les  an  fes  qui  font  depuis  l'entrée  du  Cap 
jufqu'à  celle  de  la  Bande  du  Nord  proprenvent  dite ,  ne  font  abordables  que  pouf 
des  canots,  encore  dans  des  tems  calmes.  Il  faut  même  que  k  mer  y  foie  un  peu 
tranquille  ,  ce  qui  n'arrive  que  rarement  k  matin  &  jamais  l'après-midi ,  & 
des  batteries  y  font  placées  pour  rendre  cet  abord  beaucoiap  plus  dsngereiix: 
Le  Port-Français  offre  ,  il  eft  vr^  ,   des  futilités  plus  grandes,  parce  qu'il  eft  le 


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FRANÇAISE     DE     SAIN  T-D  O  MI  N  G  U  E.      623 

Je  débacqaement  le  plus  commode  de  la  partie  de  côte  que  le  morne  du  Ca^ 
termine  ,  &  que  l'on  fait  que  les  Anglais  y  efFeftuèrent  leur  defcente  en  iSgsi 
mais  les  mortiers  qui  y  font  placés  doivent  intimider  les  vaifFeaux.  Si  l'on  y  fâifaic 
^ne  féconde  batterie  dans  l'Oueft  ,  elle  multiplierait  les  dangers  pour  eux  ,  & 
donnerait  le  items  d'y  accourir  en  force  du  Cap,  d'autant  que  la  vigie  fignalerait 
les  mouyemens  de  l'ennemi.  Mais  fi ,  contre  toute  probalité,  la  defcente  y  était" 
faite,  quels  obftacles  que  des  fentiers  très-étroits ,  tiès-roides  à  monter  &  d'une 
âpreté  inexprimable  à  travers  lefquels  il  faudrait  tenter  d'arriver  au  haut  de  h 
gorge  i  laquelle  la  ville  eft  adoffée  ,  à  travers  des  lits  de  roches  à  ravets  ,  mille 
fois fupérieurs  aux  chevaux  de  frife  &  aux  chauffe-trapesinveniéespar  l'art,  puif- 
qu'au  tranchant  du  razoir  fe  trouve  réuni  un  bruit  auffi  fort  que  celui  de  bouteilles 
eaflees  &  que  la  dureté  &  l'irrégularité  de  ces  pierres  peuvent  offrir  une  barrière 
que  l'adreffe  ne  pourrait  vaincre  qu'avec  une  perte  de  tcms  qui  ferait  elle-m.ême 
un  grand  moyen  de  fuccès  contre  cette  entreprife.  Le  plus  léger  travail  rendrait 
bientôt  ces  fentiers  in\pratlcables- &  500  hommes  qui  y  feraient  rouler  les  pierres 
qu'ils  trouveraient  a  leurs  pieds,  en  extermineraient  10,000  qui  ne  peuvent 
Jamais  compter  y  mener  du  canon.  On  a  d'ailleurs  la  refîburce  :de  .rendre  inac^ 
ceffibtes  ,■  en  k&  comblant  ,  les  paffes  de  ces  embarcadères  ou  anfes,  &  l'an  a  4 
pied-d'ceuv-re  teu.t  ce  qu'il -faut.  ..-■., 

Depuis  le  Fort-Français  jufqu'à  l'Acul ,  la  côte  ne  fouffrirait  que  des  câfiçM- 
en tems  c.-ilme  ,  c'eft-à-dire  ,  dans  un  tems  qui  n'y  règne  prefque  jamais  ,  &  le 
morne  préfenterait  enfuite  fon  impénétrabilité  aux  débarqués. 

Serait-on  inquiet  d'uae  tCTitâtive  par  la  baie  de  FAcul?  Mais  elle  efï  kmée 
d'-écueils  ,  elle  n'affre  qu'un  ^inique  mouillage  pour  de  gros  vaiffeaux  &  fi  un  ou 
èteux  vaiffeaux  peuv-ent y  entrer  avec  le  fecours  d'un  excellent  pratique,  de^ 
précautions  incroyables  6^  un  vent  fait  ^  qu'elle  comparalfon  quand  il  s'agit  d'une 
Êfcadre  nombreufe  fu i vie  de  tr-anfports  &  de  l'attirai  1  qu'exigerait  l'attaque  du 
Cap  ?  Les  anciens  marins'  regardent  la  -chofe  -comme  ImpalTible  ,  furtout  s'il 
furvenait  ua  calme  ,  parce  que  ne  pouvant  mouiller  fur  des  roches  ,  on  ne  peut 
s'élever  &  que  ,  porté  par  le^  caurans  fur  d^  re-ffifs ,  un  vaiiTeau  y  ferait  blentôc- 
démantelé  parla  violence  de  la  brife.  il  faut  cependant  s'y  garantir  d'une  defcente 
Jîartielle  propre  à  faire  diverfion  &  c'eft  ce  que  ks  batteties  de  canons  &  ^ 
fivorticrs  qu'on  y  a  faites  font  tr^s-ftifceptlbks  d'exécuter. 

Il\i-d«lâ  ck  l'Acul,  iln'y  «1?î^  d'al?ri  j)our  ks  bâîimefts,  Les  |)ointg  éloignés 


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Si^      DESCRIPTION     DE     LA     P  A  R  T  I  E 

du  Cap  dont  ils  font  féparés  par  des  rivières,  des  monragaes  5c  des  défilés  facile'S 
I  défendre  ne  peuvent  donner  aucune  crainte. 

C'eil  donc  par  le  Cap  même  qu'il  faut  tenter  de  s'en  emparer  ,  &  c'eft  là  aufli 
qu'il  faut  réunir  les  moyens  défenfifs  maritimes.  Il  eft  de  h  plus  haute  néceftté 
d'y  établir  la  batterie  de  m.ortiers  &  de  canons  que  tous  les  hommes  de  guerre  qu* 
ont  vu  le  local  ,  ont  propofé  de  mettre  en  dehors  &  au  Nord  de  Picolet ,  près  la 
roche  du  même  nom.  On  fait  combien  la  bombe  eft  faite  potir  intimider  le  chef 
le  plus  hardi  d'un  vaiffeau  ,  furtout  lorfqu'il  eft  à  la  portée  de  reffifs  qui  le  mena- 
cent de  naufrage  ,  fi  fa  témérité  ne  parvient  pas  à  tout  -franchir.  Picolet  foutenu 
de  ce  feu  &  ayant ,  comme  la  batterie  ,  des  grils  pour  chauffer  les  bombes  & 
les  boulets  ,  deviendrait  redouxable.  Tout  vaiffeau  qui  veut  entrer  dans  la  rade 
du  Cap  eft  obligé  de  paffer  devant  Picolet  entre  deux  points  qui  n'en  font  éloignés 
que  depuis  loo  jufqu'à  300  toifes.  Arrivés  par  fon  travers  ,  ils  ne  peuvent  plus 
s'en  retourner  fans  courir  le  riljque  inévitable  de  fe  perdre  à  la  côte.  Un  vaiffeau 
ne  peut  s'emboffer  moins  loin  de  100  toifes  de  Picolet,  à  caufe  du  tems  qu'il 
faut  pour  porter  des  ancres  &  fut-il  n>ême  à  250  toifes,  fourche  des  deux  paffes, 
s'ily  refte  long- tems,  il  aura  la  groffe  mer  qui  annullera  la  plupart  de  fes  .coups, 
tandis  que  Picolet  &  la  batterie  qui  le  fuit  en  porteront  de  sûrs ,  &  s'il  eft 
dé.'emparé  il  faudra  qu'il  entre  à  tous  rlfques  ;  il  faut  donc  gêner 
ia  paffe. 

La  meilleure  manière  ferait  de  faire  une  batterie  en  fer  a  cheval  fur  le  petiî 
Mouton  &  d'y  placer  des  canons ,  des  mortiers  &  des  obufiers  ,  &:  d'y  avoir  auffi 
des  grils.  Si'  l'on  redoute  quelque  chofe  de  la  paffe  des  Normands  ^  une  carcaffe 
qu'on  y  coulerait  peut  tranquillifer.  Enfin  deux  prames  très-fortes  avec  une  eûa- 
cade  en  avar.t  faite  avec  des  chaînes ,  des  cables  ,  des  mâtures  h.  des  corps-morts 
difpofés  430ur  cette  deftination  _,  rendraient  les  paffcs  inacceffibles.  Tant  de 
moyens  fécondés  par  le  fort  Saint-Jofeph  ,  le  fort  des  Dames  &  la  batterie  du 
Gris-Gris,  vomiffant  auffi  des  bombes  h,  des  boulets  rougis,  doivent  garandr 
le  fuccès. 

Mais  comme  il  faut  fuppofer  le  cas  où  la  paffe  ferait  forcée  ;  on  doit  confidérer 
combien  il  devient  effentiel  alors  que  Picolet  &  le  fort  Saint-Jofeph  ne  tomibent 
point  par  ce  fait  même.  Il  faut  donc  rendre  l'un  &  l'autre  fufcep:iblcs  de  tenir  fix 
femaines  encore  apre's  &  efpérer  ,  par  eux,  de  contraindre  l'ennemi  à  abandonner 
lia  rade  j   ce  qui ,  ou  l'empêcherait  d'y  faire  un  déoarquemenc ,  ou  priverait  les 

troupes 


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FflANÇAISE      DE      SAINT-DOMINGUE.        625 

troupes  débarquées  de  toutes  les  refîburces  ,  par  l'éloignement  des  vaiffeaux.  Il 
ne  s'agit  pas  de  parler  de  la  dépenfe  que  ce  moyen  coûterait  j  on  ne  doit  Ja 
connaître  qu'après  l'avoir  efFeftuée.  La  batterie  de  l'oreillon  eu  circulaire ,  la 
batterie  royale  &  la  batterie  à  mortiers  placée  au-deffous  du  morne  Lory,  çon- 
coureraient  auiïi  au  même  but. 

Quant  au  morne  Lory  lui-même  qui  part  du  grcs  m.orne  auquel  il  n'eft  point 
égal  en  hauteur  ,  &  dont  il  eft  féparé  par  une  coupure  qui  n'étant  pas  profonde  , 
ne  forme  pas  une  véritable  gorge  ,  on  a  long-tems  parlé  d'y  élever  une  citadelle 
mais  commandé  par  d'autres  hauteurs ,  il  ne  peut  être  appelle  à  une  auffi  haute 
deftinée.  L'exécution  en  ferait  fingulièrcmenc  coûteufe  ôc  fes  inconvéniens  rie 
difparaî traient  pas  tous. 

Une  redoute  mife  fur  la  rive  droite  &  à  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut  au 
Cap  jurait  plus  d'utilité  pour  protéger  le  fond  de  la  rade  ,  empêcher  de  remonter 
la  rivière  &  défendre  la  langue  de  terre  de  fa  rive  gauche.  Ses  feux  croiferaient 
avec  ceux  des  batteries  du  quai  &  avec  ceux  de  la  première  des  neuf  batteries 
qu'on  voit  fur  le  morne  de  l'hôpital ,  depuis  fon  extrémité  au  bord  du  chemin  , 
jufqu'à  environ  500  toifes  dans  l'Oueft.  Celles-ci  battent  l'embouchure  de  la 
rivière  ,  le  front  de  la  ville  au  Sud  &  les  gorges  du  morne  de  l'hôpital ,  foit  du 
côté  de  la  ville  ,  foit  du  côté  de  l'hôpital. 

Et  fi  tant  de  rcflburces  étaient  infufEfantes ,  fi  l'ennemi  s'emparait  du  mouillage 
il  ferait  efîentiel  d'avoir  pris  des  mefures  pour  en  elFeéluer  une  qu'un  utile  défefpoîp 
confeillerait  alors,  ce  ferait  de  mettre  le  feu  à  un  brûlot,  qu'on  aurait  tenu 
mouillé  le  plus  au  Nord  poffible  ,  &  dont  les  flammes  embraferaient  bientôt  les 
vaiflcaux  ennemis  fur  lefquels  le  vent  du  large  les  porterait ,  confondant  ainli  le 
vainqueur  &  la  proie  dont  il  fe  ferait ,  mal  à  propos ,  déjà  cru  maître. 

Il  faut  cependant  examiner  l'hypothèfe  où  la  plus  belle ,  la  plus  riche  ville 
des  Colonies  franç.aifes  ferait  tombée  au  pouvoir  de  l'ennemi ,  &  où  i!  faudrait 
agir  pour  qu'il  ne  pût  pas  la  conferver  &  s'y  croire  poffeffeur  de  la  Partie  du 
Nord.  Je  le  répète  ,  quelque  part  que  la  defcente  foit  tentée ,  il  faut  s'y  oppofer 
ê*  défendre  le  terrain  pied-à-pied  ,  avoir  un  ou  plufieurs  bataillons  de  chafîèurs 
dccouleurqui,  faifant  la  guerre  en  Tyroliens,  diminueraient,  fans  perte  pour  eux,  îe 
nombre  des  affaillans  ;  épier  les  inouvemens  de  l'ennemi,  îe  harceler,  furtout  par 
des  inquiétations  durant  la  nuit ,  afin  d'accélérer  les  effets  fi  redoutables  des  pays 
chauds  j  couper  fi  l'on  peut  fes  communications  &  enlever  fes  vivres,  &  s'il 
Tome  I.  Kkkk 


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626      DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

eft  dans  k  Cap  ,  l'y  reflerrer  le  plus  qu'il  fera  poiTible  &  lui  difpuLer  enfuîtc 
h  plaine  ;  en  un  mot,  faire  tout  ce  qu'une  petite  armée  peut  tenter  contre  une 
autre  qu'on  ne  peut  fuppofer  moins  de  quatre  fois  plus  forte  qu'elle.  Ce  moyen 
unique  ,  laiffera  au  climat  le  tems  de  déployer  fa  vigueur  contre  l'ennemi ,  qui 
conféquemment ,  réfulera  d'autant  moins  aux  efforts  combinés  de  ceux  qui  le 
combattent  au- dedans  &  de  ceux  qui  feront  venus  d'Europe  pour  les  fecourir. 

On  confidère  avec  raifon  les  gorges  les  plus  voifincs  du  Cap,  telles  que 
Sainte-Rofe  ,  k  Dondon,  la  Marmelade  comme  des  afiles  im.pénétrables  &  des 
derrières  fûrs.  La  circulation  montueufe  que  des  fentiers  difficiles  affurent  entre 
les  "premières  coi:pL-s  des  divers  aculs ,  tels  que  ceux  des  Pins,  de  Samedi,  à 
Conit  &  du  Trou,  avec  le  Fond-Chevalier,  Sainte-Rofe,  le  Dondon  ,  la  Mar- 
melade ,  le  Lim.bé ,  eft  une  reflbiirce  que  l'ennemi  pourrait  d'autant  moins 
couper  que  d'autres  fentiers ,  encore  plus  impraticables  ,  vont  déboucher  de 
ceux  là  dans  la  Partie  Efpagnole  ,  &  former  autant  de  peints  de  retraite ,  &  des 
têtes  d'attaque.  L'a/î ,  h  fcience  ,  les  plus  grandes  forces  ne  fauraient  interdire 
cette  relTource. 

La  gorge  de  Sainte-Rofe  eft  la  pofition  la  plus  centrale  de  la  Plaine  du  Cap , 
avec  laquelle  elle  a  une  multitude  de  communications  par  des  débouchés  de 
montagne.  Les  troupes  qui  feraient  dans  la  plaine  auront  donc  îorjours  un  accès 
vers  cette  gorge,  à  i'Eft  par  la  ravine  à  Mulâtres,  l'Acui  de  Samedi,  les 
ÉcrevifTts  ,  le  Moka  ,  les  Côtekttc-s  ,  Sainte-Suzanne  &  le  Bois-Blanc  -,  à 
rOueft  par  le  Dondon ,  le  Bonnet  à  l'Évêquc,  le  Grand-Boucan,  ks  Mornets 
&  les  Périgourdins.  Le  pofte  de  la  Tannerie  doit  devenir  inexpugnable  entre 
ks  m.ains  d'un  chef  habile.  Des  retranchemens  répétés,  appuyés  à  des  redoutes 
h  des  batteries  battant  la  gorge  du  Grand-Gilks  &  la  communication  allant 
vers  l'églife  Sainte-Rofe,  font  des  moyens  dont  la  puiflance  eft  incalculable.  Si 
k  camp  de  Sainte-Rofe  était  forcé,  celui  du  Dondon  ferait  fa  retraite.  Le 
Dondon  a  des  communications  avec  ks  deux  auûres  parties  de  la  Colonie 
françaife  &  avec  la  Colonie  efpagnole. 

Si  après  tant  de  foins  &  d'opiniâtreté  la  Métropole  ne  faifait  rien  pour  ks 
couronner ,  elle  aurait  renoncé  à  fa  plus  belle  Colonie  ,  &:  ce  ferait  aux  circonf- 
tances  à  confeiilcr  ce  qu'il  ferait  plus  utile  ou  moins  honteux  de  faire. 

Mais  ce  qu'il  eft  efîèntiel  qu'on  fe  perfuade  à  Saint-Domingue  ,  c'eft  qu'il  ne 
fuSt  pas  de  f^ire  &  de  propofer  de  grandes  dépenfts  de  fortifications;  Tabandon 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      62^ 

auquel  on  a  l'habitude  de  les  livrer,  furtout  en  tems  de  paix,  entraîne  des- 
réparations  ruineufes  lorfque  la  guerre  reparaît,  &  elles  font  la  preuve  d'un 
grand  défordrc.  Il  y  a  depuis  plufieurs  années  200,000  livres  tournois  affeftées 
annuellement  à  l'entretien  &  à  l'augmentation  des  fortifications ,  &  l'emploi  en 
efl  fait  d'une  manière  qui  n'annonce  ni  zèle  ni  prévoyance.  Il  faut  auffi  que  dès 
les  premières  nouvelles  d'une  rupture  les  r.pprovifionnemens  en  vivres ,  en 
munitions  &  en  objets  de  tous  les  genres  nécelTaires  aux  camps  de  Sainte-Rofe 
&  du  Dondon  occupent  la  penfée. 

Mais  ce  qui  eil  aufli  indifpenfable  que  tout  cela,  ce  qu'il  faut  placer  en 
tête  de  tous  les  moyens  préfervateurs  de  cette  précieufe  Colonie ,  c'eft  le  choix 
d'un  chef  qui  mette  fa  gloire  à  la  conferver  à  la  France  ,  qui  ait  affez  de  talens 
pour  ne  rien  laiflèr  d'intenté  ,  affez  de  réputation  pour  que  l'ennemi  fâche  que 
fes  efforts  pourraient  être  vains,  &  affez  d'énergie  pour  perfuader  les  Colons > 
par  fon  exemple ,  qu'il  eft  beau  d'être  français ,  &  qu'en  portant  ce  titre  on  a 
contrafté  le  devoir  facré  de  verfer  fon  fang  pour  ne  le  pas  perdre.  Un  te^ 
homme  eft  plus  de  la  moitié  du  fuccès.  Si  l'on  a  calculé  de  plus  que  cet  homme 
pouvant  périr  viflime  du  climat  ou  tomber  fous  le  fer  ennemi,  il  doit  être 
remplacé  à  l'inftant  même,  on  aura  épuifé  toutes  les  combinaifons- qui  pro- 
mettent moralement  un  fuccès  tellement  important ,  que  rien  ne  doit  paraîcre 
trop  coûteux  pour  l'obtenir. 


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XIII. 


Paroisse  de  la  Plaine  du  Nord. 


Il  faudra  fouvent   répéter  la   cenfure   contre  les   dénominations  coloniales  i' 
parce  qu'il  femblerait  encore  ,  d'après   celle-ci ,   que  la  Plaine  du  Nord  ou  la 
Plaine  du  Cap  eft  renfermée  dans  une  feule  paroiffe.  On  dirait  qu'il  eft  de  la 
deftinée  de  la  paroiffe  que  je  vais  décrire  de  changer  fouvent  de  nom  ,  puifqu'elle 
a  déjà  eu  ceux  de  paroiffe  de  Mouftique   &  de  paroiffe  du  Morne -Rouge. 

La  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  eft  bornée  au  Septentrion  par  la  mer ,  au 
Midi  par  une  partie  de  la  paroiffe  du  Dondon ,  au  Levant  par  la  paroiffe  de 
la  Petite- Anfe  &  par  celle  du  Cap,  &  au   Couchant  par  la  paroiffe  de  l'AcuL 

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52S       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

La  paroifli  de  la  Phine  du  Nord  qui  eft  peu  étendue ,  a  une  forme  très- 
biiârre  à  caufe  des  finuorués  des  rivières  qui  lui  fervent  de  limites  à  l'Eft  &  à 
rOueft  j  Sr  elle  a  cette  particularité,  que  fes  deux  extrémités  Nord  &:  Sud  font 
iîlontagneure&. 

Cette  exrrémité  Nord  efr  k  paitic  Occidentale  du  morne  du  Cap  dont  j'ai 
hit  ccnnaîcre  la  forme  &  la  nature. 

Sa  limite  Eft  eft  dans  fa  partie  fupérieure  :  la  ravine  des  Matteux  qui  fe  jette 
dans  ia  rivière  du  Haut  du  Cap ,  a  environ  3,000  toifes  en  ligne  droite  du  baurcr 
du  même  nom  -,  puis  la  rivière  du  Haut  du  Cap  jufqu'à  environ  500  toifes  avant 
d'arriver  à  ce  bourg.  De  là  la  limite  va  gagner  un  coude  du  grand  chemin  du 
Cap  à  l'Acul ,  dont  elle  fuit  la  directian  pour  aller  chercher  le  point  de  la  crête 
du  morne  du  Cap  où  eftfiruée  Thabiration  Loumeau ,  &  defcendre  la  face  Nord 
de  ce  morr.e   vers  la  mer ,  dans  le  petit  Port-Français. 

A  rOucft,  la  limite  eft  le  bord  Orientai  de  la  baie  de  PAcul ,  jufqu'à 
l'embouchure  de  la  rivière  Salée,  puis  cette  rivière  &  enfuite  la  ravine  de  Vîre- 
â-la-Voiie,  qu'une  expreffion  obicène  décorait  autrefois;  de-là  elle  gagne  une 
autre  ravine  à  environ  a,ooo  toifes  plus  haut,  &  va  avec  elle  chercher  la  ravins 
du  Haut  du  Cap ,  qu'elle  abandonne  dés  qu'elle  y  a  trouvé  l'embouchure  de  !a 
la  ravine  à  Trompette  ,  pour  fuivre  jufques  dans  la  montagne. 

La  paroilTe  de  la  Plaine  du  Nord  doit  être  confidérée  comme  la  féconde  qui  a 
été  formiée  dans  la  Plaine  du  Cap.  Son  églife  primitive  ,  qui  exiftait  avant  168 1  , 
était  placée  dans  un  endroit  peu  éloigné  du  bourg  du  Haut  du  Cap.  Ccnc  égiife 
de  la  paroiffe  de  Mouftique  était  fous  l'invocation  de  Saint- Jacques  ,  &  fon  pre- 
mier curé  était  le  père  Hyacinthe,  dominicain.  Elle  fut  brûlée  en  1691  ;  ceh'e 
qui  la  remplaça  eut  le  même  fort  en  1695,  Se  en  169S  on  n'y  voyait  pour  temple 
qu'une  barraque  couverte  de  pailles ,  mais  alors  c'était  l'églife  du  Morne  Rouge, 
Scelle  était  au  point  qu'on  appelé  m.aintenant  le  carrefour  ou  le  cabaret  &  qui 
eft  à  environ  2,000  toifes  ,  mefurées  du  bourg  du  Haut  du  Cap.  Le  regiftre  pa- 
roiilj.al  le  plus  ancien  remonte  jufqu'à  l'époque  de  la  dévaftation  ne  1695.  Enfin 
'AU  mois  de  Janvier  1720,  l'éghfe  a  été  transférée  au  lieu  où  on  la  voit  en  ce 
THOment.  Elle  eft  de  maçonnerie  ,  ifolée  &  placée  à  1,800  toifes  du  carrefour 
ou  cabaret,  &  prefque  fur  le  bord  du  chemin  qui  va  du  Capau  Grand -Boucan 
&  aux  Périgourdins.   Saint- Jacques  en  eft  encore  Te  patron. 

La  pr-emière  culture  de  cette  paroilTe  a  été  ceJle  de  l'indigo  ;  on  y  a  teotç 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      ^29 

celle  du  cacao 5  &  le  nom  de  Bras-Coco,,  que  porte  encore  une  petite  dérivation, 
de  la  rivière  du  Haut  du  Cap,  dans  le  bas  de  cette  paroilTe,  n'eft  venue  que  de  ce 
que  ce  point  était  planté  de  cacaoyers  qu'on  y  voyait  encore  en  1700.  Enfuite 
on  a  adopté  celles  de  la  canne  à  fucre  &  du  cafïer.  On  y  compte  aftuellement  24 
fucreries  ,  donnant  environ  quatre  millions  de  fucre;  3  indigoteries;  23  cafeteries; 
30  places,  à  vivres;  2  fours  à  chaux;  a  guildivtries.;  une  hatte  &  un  entrepôt-; 
pour  les.  denrées. 

Le  foî  de  k  paroiiTe  de  la  Plaine  dn  Nord  ne  jouit  pas  d'une  haute  réputation. 
Les  parties  où  il' pourrait  être  d'une  nature  fertile  font  fi  noyées ,  que  la  canne  n'y 
arrive  point  à  une  maturité  parfaite.  Il  y  a  cependant  des  terrains ,  comme  celui 
de  l'habitation  Breda,,  dont  la  qualité  eft  très  -  recommandable  ;  mais  d'autres 
parties,  furtout  celles  du  canton  du  Morne-Rouge ,  font  féches  ;  les  cannes  y  font 
belles  ,  mais  fans  jus.  L'habitation  le  Norm.and  de  Mezy ,  y  fait  néanmoins  quatre 
cens  milliers  de  fucre,  mais  avec  un  mobilier  confidérable ,  &  l'habitation 
Cruel,   avec  z^6  nègres,  n'en  donne  que  180  milliers. 

Le  canton  du  Grand  Boucan  ,  qui  eft  dans  la  partie  fupérieure  dé  laparoifTe, 
çft  terminé  par  k  r-evers  Occidental  du  morne  du  Bonnet  à  l'Évêque.  Son  afpeét 
à  quelque  chofe  d'effrayant  :  ce  n'eft  qu'un  amas  énorme  de  rochers  calcaires 
entre  les-  interftices  defquels  s'élèvent  des  arbres  fuperbes  &  d'une  dureté  que 
femblc  indiquer  ce  fol  agrefte ,  fi  propre  à  élaborer  la-  nourriture  que  des. 
feuilles  &  des  troncs  pourris  leur  procurent,  &  que-  des  pluies,  fréquentes  dif- 
pofcnt  à  remplir  cette   deftination- 

Ce  morne  n'eft  qu'excavations ,  précipices  &  cavernes  ;  dans,  ces  dernières 
d'iramenfes'  ftalaftites  annoncent  un    long  &  continuel  ouvrage  de  la  nature. 
Vers  le  milieu  de  l'élévation  dm  morne  eft  un    baffin  ou  réfervoir  d'environ 
cent  cinquante  pieds  de  long,,  fur  cinquante  pieds  de  large.  Son  eau  limpide 

6  p,ui?e  nourrit  d'énormes  écreviftes  ,,  dem  crabes  &  de  magnifiques  anguilles  ,. 
mais  la,  température  en  eft  ft  froide  qu'on  a  vainement  tenté  plufieurs^fois  d'y- 
accoutumer  des  poifîbns  de  differens  genres;; on  les  a  toujours  trouvés  morts 
k^  lendemain.  Ce  baffin-  eft  d'une  immenfe  profondeur  ,  dans  les  intervalles  qu'yr 
laiiTent  des  roches  amoncelées  les  unes  fur  les  autres  &  que  l'œil  peut  y  diÛin- 
guer,,  quoiqu'elles  foient  ciles^m.êmes  très- éloignées  de  la  furface. 

Le  mm  de  Grand-Boucan  a  été  donné  à:  ce  Heu  par  les  boucanniers,  quic 

7  trouvaient  une  cM&  aijondante-  d©  gibiers  &•  de  cochons  marons,. 


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630      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

La  gorge  du  Grand-Boucan  eft  une  des  communications  de  la  Plaine  du 
Cap  avec  le  Dondon. 

La  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  cfb  coupée  dans  plnfieurs  fens,  par  diffé- 
rens  chemins,  qui  conduifent  à  la  montagne,  à  l'Acul,  au  Cap  &  au  Quartier 
Morin. 

C 'eft  dans  un  point  où  ce  dernier  chemin  coupe  la  rivière  du  Haut  du  Cap, 
qu'était  le  pont  à  Pafquier  ainfi  appelé  du  nom  du  propriétaire  de  l'habitation,  pla- 
cée là  fur  la  rive  gauche  de  cette  rivière.  Jufqu'en  1742,  qu'il  n'y  avait  point 
de  chemin  de  l'embarcadère  de  la  Petite  Anfe  au  Cap,  plufieurs  habitans  falfaient 
traîifporter  leurs  denrées  à  l'embarcadère  du  Haut  du  Cap  ,  d'oii  les  canots  les 
conduiraient  dans  la  ville  ou  dans  la  rade;  pour  cela  on  venait  traverfer  la 
rivière  du  Haut  du  Cap  au  pont  à  Pafquier,  fi  toutefois  le  nom  de  pont 
convenait  à  un  gué  revêtu  d'une  chauffée  de  pierres.  J'ai  plufieurs  ordonnances 
notamment  de  l'année  1739  ,  T^'  prefcrivent  de  réparer  ce  pont  qui,  quoique 
plus  utile  alors  ,  n'était  pas  moins  négligé  qu'aujourd'hui. 

La  rivière  du  Haut  du  Cap  ou  rivière  à  Galiffet  ,  caufe  quelquefois  des 
dommages  par  fes  débordemens.  Elle  eft  aufli ,  comme  prefque  toutes  celles 
de  la  Colonie ,  un  fujet  de  querelles  &  de  conteftations  entre  fes  riverains , 
foit  pour  des  prifes  d'eau  foit  à  caufe  des  levées  deftinées  à  garantir  de  fes 
irruptions. 

Toute  la  partie  Septentrionale  de  la  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  peut 
êire  regardée,  comme  connue  du  Lefleur ,  d'après  ce  que  j'ai  dit  du  maffif 
du  morne   du  Cap ,  dont  cette    partie  eft  un   prolongement. 

Quant  à  la  côte  dont  elle  eft  bordée,  on  y  trouve  le  petit  Port-Français , 
qui  eft  à  une  grande  demi-lieue  du  grand  Port-Français.  Son  enfoncement 
qui  eft  Nord-Oueft  &  Sud -Eft  &  d'environ  1,800  toifes  plus  Sud  que  le 
fort  Picolet ,  a  830  toifes  de  profondeur.  Il  y  a  un  quart  de  lieue  de  la  pointe 
Occidentale  du  petit  Port-Français  jufqu'à  la  pointe  à  Picard ,  &:  1,200  toifes 
de  celle-ci  à  la  pointe  des  Trois  -  Maries  où  font  trois  groffes  roches  qui 
portent  le  m.ême  nom  ;  c'eft  la  pointe  Orientale  de  l'entrée  de  la  baie  de 
i'Acul   &  l'extrémité  Nord-Oueft  de  la  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord. 

Le  débarquement  eft  prefque  impraticable  fur  toute  cette  partie  de  côte  , 
dont  des  canots  peuvent  à  peine  approcher  dans  des  tems  calmes  j  &  d'aiUeuf s 
les  mornes  qui  la  forment  j  font,  à  bien  dire,   impénétrables. 


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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     63 1 

Dans  le  bord  Eft  de  la  baie  de  l'Acul ,  qui  eft  la  limite  Oueft  de  la  pa- 
roific  que  je  décris,  on  trouve,  à  environ  600  toifes  de  la  pointe  des  Trois- 
Maries,  la  batterie  Graville,  au  point  oij  aboutit  une  efpèce  de  grande  gorge  j 
puis  j  à  une  pareille  diftance  de  la  batterie ,  un  gros  monticule  qui  faille  vers 
la  baie  de  l'Acul ,  &  qui  eft  appelé  le  morne  Rouge.  Il  paraît  avoir  donné 
autrefois  fon  nom  à  toute  la  paroiflè  ,  &  le  canton  le  plus  voifm  de  ce  mon- 
ticule le  porte  encore.  Après  ce  morne  Rouge,  &  dans  le  Sud,  eft  un  enfoncement 
nommé  la  baie  à  Allain  &  que  fuit,  à  200  toifes,  h  batterie  AUain  ,  mife 
fur  un  épatem^nt  de  mcacagne,  puis  vient  l'embarcadère  &  la  batterie  du  Maliot. 

Cet  enibarcadère  très-ancien  ,  contient  plufieurs  magafins^ 

En  gagnant  encore  plus  au  Sud ,  on  commence  à  trouver  le  terrain  maré- 
cageux que  forment  les  eaux  de  la  ravine  de  Vîte-à--la- Voile  ,  dans  toute  la- 
portion  où  le  mouvement  des  marées  lui  a  fait  prendre  le  nom.  de  Rivièse 
Salée. 

Cette  rivière  Salée  eft  traverfée  par  ïe  grand  chemin  de  k  Partie  du  Nord,, 
vers  celle  de  l'Oueft ,  &  quoiqu'elle  n'ait  à  baffe  marée  que  18  pouces  d'eau, 
elle  fe  gonfle  dans  les  hautes-  marées.  Ses  débordemens  ,  rares  il  eft  vrai, 
Félèvent  d'environ  fept  pieds ,  &  on  i'a-  vu  aller  à  dix  pieds  trois  pouces  eh 
1785.  Cette  contrariété  ,  grande  pour  les  voyageurs  ,  pour  les  voitures  de  charge  , 
&  plus  encore  pour  les  nègres  ,  avait  déterminé  MM.  de  Reynaud  &  Le 
Braffeur  à  y  projetter  en  1780,  un  pont  de  pierres  &  de  briques  ,  pour  lequel 
la  paroiffe  de  l'Acul  donnait  lo.cco  livres,  celle  du  Limbe  6,000  &  celle  de 
Piaifance  4,000  livres.  En  1788  ,.  les  Adminiftrateurs  y  ont  fait  faire  ,  d'après 
ks  plans  de  M.  de  Rallier,  dans  un  point  un  peu  inférieur  à  l'ancienne 
paffe ,  un  pont  qui  a  coûté  125,000  livras ,  payées  par  la  caiffe  municipale.  Il 
eft  en  piles  de  maçonnerie  avec  des  travées  de  bois  &  il  a  14  pieds  de  laro-e.  Il 
eft  regrettable  que  M.  Renaud,  l'un-  des  entrepreneurs,  y  ait  mis  une 
aétivité  à  laquelle  on  attribue  fa  mort. 

En  fortant  du  pont  &  rentrant  dans  la  Plaine  du  Nord ,  on  t.-ouve  la  pente- 
d'un  des  mamelons  qui  courent  encore  du  bord  Eft  de  la  baie  de  l'Acul  dans 
le  Sud.  Celui-ci  porte  le  nom  de  morne  aux  Anglais,  parce  qu'ils  s'y  arrêtèrent- 
en  ï6^^,en.  allant  au  Port-de-Paix.  Le  chemin  le  franchit  dans  un  point 
qui  était  extrêmement  roide  il  y  a  dix  ans.  De  làla. vue  s'étend jufqu'aux  hau=^ 
teurg:  de  Sainte-Suzanne^ 


fl 


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632       D  E  s  C  Pv  I  P  T  I  O  N    DE    LA     PARTIE 

La  portion  de  !a  paroiffe  de  la  Plaine  du  Nord  qui  fe  rapproche   du    C^p 
a  des  places  à  vivres ,  des  cultures  &  des  logemens ,  qui  annoncent  qu'on  eflf 
dans  l'étendue  qu'une  grande  ville  femble  s'approprier  pour  fes  befoins  &  foa 
luxe. 

La  population  de  la  paroiffe  delà  Plaine  du  Nord  était  confidérable  en  blancs 
des  qu'on  commença  à  l'établir}  malgré  les  pertes  qu'on  y  avait  éprouvées 
en  1691  j  on  y  comptait  encore  cent  hommes  portant  armes.  Elle  n'en  avait 
guères  plus  en  1723  ,  &  l'on  n'y  comptait  â  cette  féconde  époque  que  900 
efclaves;  maintenant  elle  renferme  92  blancs  dont  15  s'occupent  de  la  pêche^ 
aS   affranchis   &  environ  4,500   efclaves. 

Sa  milice  offre  70  individus. 

La  Plaine  du  Nord  eft  du  Quartier ,  du  commandement  &  de  la  Séné- 
chauffée  du   Cap. 

On  trouve  fur  fon  territoire  une  habitation  qui  a  appartenue  à  Pierre  Lelgng, 
que  j'ai  déjà  eu  pluficurs  occafions  de  citer.  L'une  de  fes  defcendantes  l'a  fait 
paffer  à  M.  Faubeau  de  Mallet  par  fon  mariage. 

C'eff  fur  l'habitation  de  M.  Le  Normand  de  Mezy(  dont  j'ai  auffi  placé 
.'l'éloge  ailleurs  )  j  qu'ont  été  naturalifés  les  premiers  campêches  venus  à  Saint- 
Domingue.  Le   plant  J  qui  en  avait  été  pris  à  la  baie  de  Campêche  même ,  fut 
apporté  su  Cap  vers  1730,  8c  donné  à  M.    Le    Normand  qui  en  introduifit 
l'ufage  fur  fa  fucrerie  du  Morne  Rouge  où  les  citronniers  réuffiffaient  difficilement. 
Le  nouveau-venu   n'a  pas  ceflé  depuis  de  prendre,    dans  les  divers  lieux  de 
Ja  Colonie,     la    place  de  celui  qu'il  fupplée  à  merveille    comme  moyen  de 
^éfenfe,   mais  il  n'en  a  pas  le  doux  parfum. 

On  croit  que  cette  paroiffe  contient  des  mines,  &  on  regarde  comme  cer- 
tain que  le  canton  du  Morne  Rouge  en  recèle  de  cuivre. 

On  compte  de  l'églife  de  la  Plaine  du  Nord: 

A  celle  du  Cap        .        .        .        .        •        •        '        '        *        '        '        *  4  lieœ-i 

jA  celle  de  la  Petite-Anfe ^ 

A  celle  de  l'Acul i  V^ 


X  I  V. 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE,      63^ 

X  I  V. 
Paroisse    dé    l'Acul. - 

ÎL  fauti  au  rifque  de  paraître  faftidieux  ,  fe  plaindre  encore  de  ce  qu'une 
paroiffe  a  pris  un  nom  qui  exprime  à  Saint-Domingue  un  enfoncement  queU 
conque.  Celle-ci  en  avait  cependant  un  autre  que  Charlevoix  attribue  à  une 
prononciation  vicieufe  de  ^con  de  Luyfa  ,  dénomination  efpagnole  qui  figni- 
fiait  le  havre  j  le  port  oia  réfide  une  dame  Louife,  &  auquel  des  Français 
ont  fuppofé  une  dégoûtante  origine.  Quoiqu'il  en  foit ,  Can  de  Loui/e  était 
devenu  Camp  de  Louife  ^  &jufqu'en  1720,  on  fe  fervait  rarement  d'une  autre 
cxpreffion  pour  parler  de  la  paroiffe  aftuelle ,  &  la  baie  qu'elle  contient  s'ap- 
pelait alors  Port  du  Camp  de  Louife. 

Le  Camp  de  Louife  faifait  partie  de  la  paroiffe  du  Morne-Rougc  ,  la  plus 
avancée  à  l'Oueft,  dans  la  plaine  du  Cap  en  1699,  époque  ou  M.  de  Galiffet 
l'en  fépara  &  en  forma  la  paroiffe  du  Camp  de  Louife.  Pour  y  attirer  les  habitana 
ou  plutôt  pour  y  retenir  ceux  qui  s'y  occupaient  déjà  d'élever  des  pourceayx  > 
il  y  fit  prendre  une  conceffion  à  fon  neveu  &  une  autre  aux  religieux  de  la 
Charité.  Avec  ces  exemples  il  fallut  moins  de  huit  jours  pour  que  le  terrain 
entier  de  la  paroiffe  eût  des  conceffionnaires.  Un  carme  qui  venait  de  la  Guade-^ 
loupe  3  avec  une  nomination  de  MM.  de  Blénac  &  de  Bégon ,  Adminiilrateurs- 
généraux  des  Ifles  françaifes  ,  pour  être  le  pafteur  des  paroiffes  de  Nippes  & 
du   Rochelois  ,  confentit  à  en   être  le  premier  caré. 

M.  de  Charrite  parvint  peu  après  à  fe  rendre  maître  ,  conceffionnaire ,  ou 
propriétaire  de  toute  cette  paroiffe ,  dont  il  revendit  une  grande  partie  eri 
1716.  Je  ne  fais  pourquoi  vingt  ans  après ,  cet  établiffement  a  pris  abfolumenÉ 
k  nom  de  l'Acul. 

La  paroiffe  de  l'i^cul  à  pour  limites  :  au  Nord  ,  la  mer  ;  à  l'Eft ,  la  pa-« 
roiffe  de  la  Plaine  du  Nord  ;  au  Sud  ,  des  chaînes  de  montagnes  qui  lui  font 
communes  avec  le  Dondoa  &  la  Marmelade  ,  &  à  l'Oueft,  la  paroiffe  du  Limbe. 
Cette  limite  Occidentale ,  fixée  par  une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du 
îo  Odobre  1776,  commence  au  Nord  par  la  crête  de  la  montagne  où  font 
les  deux  coupes  du  Limbe  6s  va,  de  la  plus  grande  élévation  de  la  grande 
Tome  L  LUI 


634        DESCRIPTION     DELA     PARTIE 

coupe,  parcourir  le  lommet  des  plus  hautes  montagnes ,  jufgu'à  la  coupe  à 
David,  pour  de  là  gagner  la  rivière  de  la  Soufrière  du  Limbe ,  puis  fon^bras- 
drcc  au  point  où  elle  en  a  deux,  jufqu'à   la   limite   Nord  delà   Marmelade. 

Cette  paroiiTe  a,  dans  fa  plus  grande  largeur,  environ  4  lieues  ,  &  k  double 
dans  fa  plus  grande  profondeur.  Son  territoire  plane  eft  peu  confidérable  & 
le  fol  y  eft  trçs-varié.  Comme  toutes  les  autres  elle  eft  fubdivifée  en  can- 
tons. .Ceux  de  la  plaine  font  l'embarcadère,  l'Acul  proprement  dit,  les  Manquets, 
les  Mornets  &  les  Périgourdins.  Ceux  de  la  montagne  font ,  la  Grande  Ravdne^ 
la  Rivière  Do.-ée  ,  les  Fond-BIeux,  la  coupe  à  Mongait ,  la  ravine  à  George  [ 
la  Soufrière   &  la  coupe  à  David. 

Ens'occupant  de  la  partie  plane,  la  chof^e  qui  s'offre  la  première  pour  ê're 
cecrite  ,   comme  ia  plus  intéreffants  &  la  plus  frappante  ,  eft  la  baie, 

La  baie  de  l'Acul  qui  femble  être  préparée  par  le  gifTemcnt  des'terres  dont  la 
diredlion  eft  à-peu-près  vers  le  Sud-Oueft  ,  depuis  la  pointe  à  Honorât  jufqu'aux 
Trois  Maries  ,  &  vers  le  Nord-Eft,  depuis  Tîlet  du  Limbe  jufqu'à  la  p3inte 
o'Icaque  /  commence  réellement  à  cette  dernière  pointe  &  à  celle  des  Trois 
Maries ,  ^diftantes  l'une  de  l'autre  de  945  toifes.  Elle  a  une  profondeur  d'environ 
3j5oo  toifes. 

On  y  arrive  par  trois  paffes  :  l'une  entre  la  côte  &  Tîlet  à  Sable  ^  elle  ne  peut 
fervir  qu'aux  feuh  bateaux  ;  la  féconde  entre  l'îlet  à  Sable  &  l'îlet  à  Rats  qui  eft 
pleine  de  reffifs  &  d'écueils  pour  de  gros  vailTeauxj  &  la  troifième  entre  l'îlet  à 
Rats  &  la  côte  qui  court  de  la  pointe  d'Icaque  à  l'embarcadère  du  L-imbé.  Cette 
troifième  paffe  ,  indépendamment  de  la  grande  caye  à  Phihpot  qui  s'étend  à  plus 
de  2,500  toLfcs  vers  l'Oueft,  eft  parfemée  de  tant  d'autres  cayes  détachées  les  unes 
des  autres ,  qu^il  faut  une  grande  connaiffance  du  local  &  des  précautions  conti- 
nuelles  pour  arriver  à  l'ouverture  de  la  baïe.  A  fon  tour  ,  celle-ci  ,  foitpar  fon 
nam-fond  connu  qui  a  1,600  toifes  de  long  fur  une  larseur  moyenne  de  aoo  toife=  • 
loit  par  d'autres  haut-fonds  qui  en  font  détachés,  foit  par  fon  peu  d'eau,  dès 
qu'on  approche  à  une  certaine  diftance  de  terre  ,  offre  de  nouvelles  difficulté^  pour 
yemr  mouiller  même  au  Nord  du  Morne-Rouge,  devant  l'habitation  Graville , 
point  qui  peut  recevoir  de  gros  b?timens. 

J  Le  17  Septembre  i7i2,des  Anglais  firent  une  defcente  dans  la  baie  &  y 
enlevèrent  46  nègres  à  M.  de  Charrite  &  26  à  M-^!.  Huchet.  En  171J  toute  h 
defenfc  de  cette  baie  ne  confiftait  qu'en  deux  corps-de-gardc  dont  l'un  était  au 


8 


^«ni 


FRANÇAISE  DE  SAINT-DOMINGUE.  6^$ 
point  du  Morne-Rouge  &  l'autre  à  i'Acui  vers  l'enfoncement  de  la  baie.  Un  coup 
de  canon  tiré  de  chez  le  commandant  avertiflait  tout  fon  contour..  Dépuis  on  avait 
mis  deux  pièces  de  canons  au  corps-de -garde  de  i'Acul  pour  empêcher  les  tenta, 
tives  des  frégates  légères  ,  les  feules  auxquelles  on  croyait  que  la  pafîè  pût 
donner  acc^s. 

On  était  même  fi  plein  de  cette  confiance  ,  qu'il  n'exiftait  plus  de  canons  fur  la. 
baie,  lorfque  le  17  Avril  1748  ,  trois  corfaires  français  fortant  du  Cap  &  pour- 
fuivispar  deux  batimens  de  guerre  anglais  ,  l'un  de  26  &  l'autre  de  56  canons, 
fe  réfugièrent  dans  la  baie  de  I'Acul ,  bien  perfuadés  que  la  petite  frégate  pouvait 
feule  tenter  d'y  entrer,  &  étant  préparés  à  l'aborder.  Mais  le  vailTeau  de  ^è  7 
vint  le  premier  la  fonde  à  la  main  ,  &  fuivi  de  la  frégate ,  il  mouilla  à  la  baie  à 
AHain. 

Les  corfaires  s'échouèrent  à  terre  fur  un  fond  de  vafe  ,  l'allarme  fut  tirée  & 
M.  de  Vaudreuil ,  bientôt  informé  au  Cap  de  ce  qui  fe  pafTait ,  envoya  M.  de 
Fontenelle  &  quatre  canonniers  ;  on  f)rit  les  plus  gros  canons  que  les  corfaires 
avaient  déjà  débarqués  ,  on  en  fit  une  batterie  fur  l'habitation  Pillât  &  elle  fut  en 
état  de  ripofter  au  premier  coup  que  tirèrent  les  vaifîèaux  après  avoir  mouillé.     ■ 

On  fit  partir  du  Cap  6  pièces  de  canon  de  fix  fur  des  charrettes  &  150  nègres 
firent  un  épaulement  au  Morne-Rouge  pour  couvrir  la  batterie  où  l'on  devais 
mettre  ces  pièces.  Les  vaiffeaux ,  qui  avaient  tiré  plus  de  200  coups  de  canons  , 
envoyèrent  un  parlementaire  pour  déclarer  que  fi  l'on  élevait  une  batterie  aJ 
Morne-Rouge  ,  ils  feraient  à  la  terre  tout  le  mal  qu'ils  pourraient.  M.  de 
Vaudreuil  qui  avait  été  â  I'Acul  avec  la  compagnie  des  dragons-milices  du  Cap  , 
Tint  au' Morne-Rouge  répondre  à  cette  fanfaronade  en  déclarant  que  fous  trois 
heures  les  canons  feraient  montés.  Les  batimens  ne  jugeant  pas  prudent  de  les 
attendre,  ils  mirent  à  la  voile  S;,  fortirent  à  la  nuit,  après  avoir  perdu  Çc^t 
hommes.  Les  canons  qui ,  à  caufe  des  mauvais  chemins ,  étaient  arrivés  trop  tard  , 
fervirent  à  former  la  batterie  du  Morne-Rouge.  M.  de  Vaudreuil  commanda  en  - 
même  -  temps  un  retranchement  à  l'embarcadère  à  Mahot ,  &  une  batterie  à 
l'embarcadère  de  i'Acu'. 

Nous  ne  perdîmes  perfonne   dans  cette  affaire.   Le  capitaine  le  Blanc  ,  le  phi3 
ancien  des  trois  capitaines  corfaires,  fit  des  prodiges  avec  fa  batterie,  &  M.  PiUat 
dont  tous  les  nègres  avaient  été  employés  à  la  défenfe  ,  eut  fa  favane  labourée  par 
les  boulets  &  quelques  conftruclions  endommagées, 

.     .   -  I,  !  II  ^ 


•éjô      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Maintenant  la  baie  de  l'Acul  eft  dans  un  état  refpeftable  i  8  batteries  de  canons- 
•&  de  mortiers  établies  dans  ion  contour,  la  précaution  de  réduire  la  paffe  du 
Morne-Rouge,  la  feule  propre  aux  vaifleaux  ,  à  13  pieds  de  profondeur ,  & 
■des  corps-de-garde  pour  veiller  aux  moindres  entreprifes  ,  ne  doivent  laiffer 
aucune  inquiétude  fi;r  cette  baie  ,  quoique  ^on  enfoncement  qui  n'efl  que  vafes 
&  que  manglef,  8c  où  les  canots  ne  peuvent  aborder  qu'aux  embarcadères  ,  ne  foit 
réellement  qu'à  environ  7,000  toifes  du  Cap.  D'ailleurs ,  il  eft  impoffible  , 
.comme  je  i'ai  dit  précédemment ,   qu'une    efcadre  veuille  s'y  hafarder. 

M.  de  Puyfégur  ,  qui  a  levé  un  plan  de  la  baie  de  l'Acul  qu'on  trouve  dans  fon 
Pilote  de  Saint-Domingue,  a  marqué  la  latitude  de  l'îiet  à  Rat  à  19  degrés  4S 
minutes,  53  fécondes,   &  fa  longitude  à  74  degrés ,  48  minutes,  3^  fécondes. 

Le  14  Avril  1773  ,  k  bateau  le  Dromadaire  ,  monté  par  fon  propriétaire  M, 
Turon  ,  ancien  pratique  ,  fortait  de  cette  baie  avec  un  léger  vent  de  terre  ,  pour 
sller  au  Csp.  li  avait  pris  ,  comme  plufieurs  autres  fois ,  la  pafTe  entre  la  pointe 
à  Picard  &  l'îiet  à  Sable  ,  mais  fe  trouvant  en  calme  par  le  travers  des  Trois 
Maries  ,  tz  ne  pouvant  mouiller  fur  les  roches ,  les  courans  le  portèrent  fur  un 
xeffifoîj  en  peu  de  tems,  U  fut  démantelé. 

La  baie  de  i'Aculaeu  l'honneur  infigne  de  recevoir  Chriftophe  Colomb  qui  lui 
ava;ic  donné  le  nom  de  Port  St-Thomas ,  parce  qu'il  y  était  entré  le  21  Décembre 
1492  ,  jour  de  la  fête  de  ce  Saint. 

C'eft  au  fond  de  cette  baie ,  qu'eft  l'em.barcadcre  de  l'Acul  fitué  au  moins 
3,000  toifes  plus  méridional  que  l'extrémité  Sud  de  la  ville  du  Cap.  Il  eft  peu 
confidérable  quoique  compofé  de  trois  établiflemens.  Celui  qui  appartient  à  M. 
Chânche  &  qui  eft  le  principal ,  a  de  plus  une  guildiverie.  Quelques  magafms 
pour  entrepofer  les  denrées  &  les  marchandifes  en  retour  &  quelques  baraques 
occupées  par  des  pêcheurs-,  donnent  un  air  de  peuplade  à  ce  point  que  la  privation 
d'eau  potable  empêchera  toujours  de  devenir  important.  Lorfque  la  mer  eft  libre 
c'eft-à-dire,  pendant  la  paix ,  il  part  chaque  matin  de  cet  embarcadère  pour  le  Cap, 
où  ils  fe  rendent  dans  la  journée,  quatre  pa/fagers  qui  font  des  goélettes  de  25  à 
30  tonneaux  dont  un  blanc  &  quatre  ou  cinq  nègres  forment  l'équipao-e. 

Cet  embarcadère  très-ancienétait  affermé  au  profit  du  fifc  dès  1 739  &  le  tranfport  de 
îabarrique  defucreétaitalors  d'une  gourde.  En  175  2,  le  fermier  donnait  750  Lparan. 

La  rivière  Salée  qui  eft  la  limite  Nord-Eft  de  la  paroiffe,  fervait  auffi  autrefois 
d'embarcadère  ,  &  des  acons  venaient  y  prendre  des  denrées  qu'ils  portaient 
dans  ]a  baie.  De  légères  obftfudions  d^s  le  cours  de  cette  rivière,  &  la  négli- 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      637 

gence    trop  générale  dans  la   Colonie  ,  ont  fait  perdre  cette  utile   refîburce. 

Depuis  ,  on  a  parlé  d'en  nettoyer  &  d'en  redrefifer  le  lit,  &  l'on  a  même  été 
jufqu'à  propofer  de  faire  communiquer  la  rivière  Salée  avec  la  rivière  du  Haut 
du  Cap  j  afin  qu'en  tem.s  de  gvierre ,  du  rnoins  ,  on  pût  faire  parvenir,  fans 
danger  ,  dans  la  ville  du  Cap  ,  les  denrées  des  paroifîès  de  la  Plaine  du  Nord  & 
de  l'A  cul  &  même  du  Limbe  &  du  Port-Margot ,  au  moyen  de  petits  bateaux 
qm  n'étant  plus  obligés  de  s'écarter  de  la  côte  ,  comme  les  paffagcrs  ,  ne  cour- 
raient plus  k  rifque  de  tomber  au  pouvoir  de  l'ennemi.  M.  Bonami  avait  fait ,  en 
, 177-8  ,  un  plan  de  cette  opération  en  avouant  que  l'invention  en  appartenait  à  M* 
Cauvet ,  ingénieur,  &  MM.  de  Reynaud  Se  Le  BrafTeur  s'occupaient  des  moyens 
de  le  réalifer ,  lorfque  leur  intérim  a  cefle. 

Dès  qu'en  quittant  la  rivière  Salée  on  entre  dans  la  paroiiTe  de  l'Acul ,  on 
fe  trouve  devant  deux  ou  trois  maifons  ,  dont  l'une  eft  une  petite  auberge  ou 
cabaret,  Sj-l'on  eft  dans  dans  le  canton  de  l'Acul,  proprement  dit.  De  ce 
point  partent  plufieurs  chemins.  L'un  va  aux  mornets,  l'autre  vers  l'égîife  &  un 
troifième ,  qui  eft  celui  de  communication  entre  le  Cap  &  le  Port-au-Prince  , 
va  de  l'Eft  à  l'Oueft  en  fe  dirigeant  fur  une  chaîne  de  montagnes.  En  fuivant  ce 
dernier,  l'on  traverfe  d'abord  la  raque  à  Maurepas ,  du  nom  d'un  ancien  pro- 
priétaire de  ce  fol ,  qui  eft  fi  compare  &  fi  boueux  dans  les  tems  de  pluies , 
qu'il  n'eft  pas  de  patience  dont  la  durée  puifTe  égaler  celle  du  tems  qu'on  met 
alors  à  parcourir  cette  raque. 

Dans  cette  longueur ,  on  voit  fur  la  gauche  la  fucrerie  Sacquenville ,  dont 
dépend  un  petit  tertre  que  l'on  aflfure  avoir  été  l'habitation  d'anciens  naturels  de 
l'île,  &  où  l'on  prétend  que  des  calculs  lucratifs  ont  fait  détruire  des  tombeaux. 
On  y  trouve  encore  des  fétiches  &  des  coquilles.  En  avançant  encore,  on 
apperçoit  quelques  autres  fucreries  dont  l'afpecl  contrafte  agréablement  avec 
celui  des  mornes  dont  on  s'eft  rapproché, 

-  Parvenu  à  environ  1^500  toifes  du  pont  de  la  rivière  Salée,  le  chemin  royal 
eft  coupé  par  un  autre  chemin  qui  conduit  depuis  le  haut  de  la  paroifîè  jufqu'à 
i'embarcadère  du  fond  de  la  baie.  La  rencontre  des  deux  chemins  fe  trouve  à 
§QO  toifcs  dans  le  Sud  de  cet  embarcadère  ,  &  à  650  toifes  dans  le  Nord  de 
i'églife  confacrée  à  la  Nativité  de  la  Vierge.  Cette  ég^ife  eft  ifolée.  H  y  a  cinq 
ans  qu'on  l'a  rétablie  à  neuf  &  que  la  piété  des  habitans  en  a  fait  un  temple  digne 
de  fon  objet.  Ses  regiftres  remontent  jufqu'en  1720  feulement.  Elle  eft  prefque 


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6jg       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

fur  la  même  ligne  Efl  &  Ouefl  que  l'églife  de  la  Plaine  du  Nord  ,  &  un  chemin 
afièz  droi!:  fait  parcourir  les  3,000  toiles  qui  font  entr'elles  deux. 
On  compte  de  l'églife  de   l'Acul 

A  l'égUis  du  Limbe  ,         ,             2  I.    1/2.      \      A  l'églife  de  la  Marmelade  ,  ;  7  I^ 

— Dondon  .5  |      -_ du  Cap  ,  .  .  ,    .  4 

De  refpèce  de  carrefour  dont  j'ai  parié,  le  chemin  prend  la  direction  du 
Nord-Ncrd-Oueft  entre  la  baie  &  une  chaîne  de  montagnes.  Apre:,  qu'on  y  a 
fait  environ  1,500  toifes  ,  on  trouve  une  ravine  de  la  Bellc-Hôteffe ,  &  150 
toifes  plus  loin  le  chemin  de  la  grande  coupe  du  Limbe  ,  qui  par  des  contours 
adoucis  mène  dans  les  parties  fupérieures  de  -la  plaine  du  Limbe  &  à  l'éo-life  de 
cette  paroilTc.  C'eft  celle  que  fuit  le  courrier  du  Cap  au  Port-au-Prince. 

A  partir  du  point  où  le  chem.in  efl  coupé  par  celui  de  la  grande  coupe  ,  l'on 
f  ntre  dans  le  canton  du  Camp  de  Louife ,  où  eft  la  route  du  Bas  Limbe,  du 
Port-Margot,  du  Port-de-Paix  &  du  Môle.  Ce  canton  n'eft  dans  fa  partie 
plane  ,  qu'une  bande  qui  a  la  baie  dans  l'Eft  &  une  chaîne  de  montaories  dans 
rOueft.  Cette  bande  a  une  habitation  de  chaque  côté  du  chemin  qui  le  coupe 
en  deux  parties  allez  égales.  Quand  on  efl  parvenu  dans  le  Nord  au  point  qui 
correfpond  à-peu-près  à  la  pointe  d'Icaque,  l'une  de  celles  de  l'entrée  de  la 
baie  ,  le  chemin  contourne  un  épatement  de  mornes ,  &  en  allant  un  peu  à 
rOuell  l'on  ne  tarde  pas  à  trouver  la  petite  coupe  du  Limbe. 

C'efl  le  nom  du  fécond  point  par  lequel  on  franchit  la  chaîne  de  montagnes 
qui  eil  à  l'Oueil  de  l'Acul  &  qui  va  par  des  embranchemens  fucceflîfs  fe 
réunir  à  la  prem.ière  chaîne  du  Cibao.  Il  faut  monter  afîez  long-tems  dans  une 
efpèce  de  gorge  étroite  où  l'on  trouve  des  efpaces  cultivés  &  furtout  dans  le 
point  le  plus  élevé  ,  où  une  bananerie  çonîldérable.  couvre  les  deux  croupes  de 
la  montagne ,  dont  l'écartement  kiffe  un  paffage  au  chemin. 

C'eft  en  gagnant  le  haut  du  canton  de  l'Acul  vers  le  Sud,  qu'on  trouve  encor-e 
dans  la  plaine  celui  des  Manquets ,  qui  n'appartient  à  préfent  qu'à  la  fucrerie 
de  Noé ,  parce  que  celle  d'Héricourt  lui  eil  réunie  ,  puis  le  canton  des  Mornets  , 
dont  la  dénomination  indique  allez  la  nature.  Ce  dernier  fe  termine  par  une 
gorge  de  fon  nom,  qui  commence  au-deffus  de  l'habitation  Guillemenfon  &;  qui 
mène  au  Dondon.  Plus  à  l'Ouefl  efl  le  canton  des  Périgourdins ,  dont  la  gorgç 
mène  à  la  Marmelade  par  la  coupe  à  Mongaut. 

L'on  apperçoit  dans  un  point  de  la  plaine  de  l'Acul ,  &  à  environ  une  lieuç 


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PRA  N  ÇA  î  SE    DE    SA  î  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.       gjp 

au-deffus  de  l'égiife  ,  fur  l'habitation  Flaville  &  Nogcrée  ,  un  mculin  à  vent ,  qui 
frappe  d'autant  plus  l'œil  du  voyageur,  qu'il  eft  le  feul  de  toute  la  plaine  du  Cap. 
Le  territoire  plane  de  la  piroifTe  de  l'Acul  contient,  dans  fa  totalité  ,  17  fucre- 
^ries;:&  deux  qu'on  établit.  On  peut  en  évaluer  le  produit  à  trois  millions  & 
demie  de  fucre  blanc ,  mais  pas  de  la  première  qualité.  Il  y  en  avait  d'avantage 
autrefois  j  des  pertes  &  des  produits  infuffifans  en  ont  fait  difparaîcre  plufieurs 
dans  le  voifinage  de  la  rivière  Salée.  La  plaine  a  de  plus  7  guildiveries  ,  une 
tuilerie-briqueterie  &  2  entrepôts ,  l'un  au  pied  des  Mornets  &  l'autre  au  pied 
des  Périgourdins ,  pour  recevoir  les  denrées  des  mornes  &  les  provifions  qu'il-s 
tirent  du  Cap. 

Les  cantons  montagneux  renferment  environ  100  cafeterfes  &  autant  de- 
places -à-vivres.  Ils  n'ont  pas  tous  un  fol  égal.  Plufieurs  font  très-,propres 
à  la  culture  du  cafier,  &  confidérés  même  comme  très-fertiles  :  tels  font 
•le  haut  des  Mornets,  la  rivière  Dorée,  les  Fond-BIeux  &  la  coupe  à  David. 
Ceux  des  Périgourdins  ,  de  la  Grande  ravine,  de  la  ravine  à  Georges  &  de  là 
Soufrière  ne  conviennent  point  à  cet  arbufte  ,  &  plufieurs  habitans  en  ont  fait 
une  coûteufe  expérience.  Mais  les  vivres  du  pays  y  réumfTent  bien.  Ces  cantons 
feraient  encore  plus  frudueufement  employés  en  pacage  pour  les  animaux  qui 
y  viennent  tous  avec  fuccês. 

Au  Sud  de  laparoiffe  &  prefqueau  haut  de  la  montagne  qui  la  fépare  d'avec 
leDondon,  fe  trouve  une  fout  ce  très-abondante  dont  l'eau  tombe  de  rochers 
en  rochers  j  plufieurs  ruifleaux  fe  réuniffent  è  fon  cours  dans  la  gorge  des 
mornets,  &  arrivée  dans  la  plaine  c'eft  la  rivière  du  Haut  du  Cap,  parce  que 
fon  embouchure  eft  au  Cap;  ou  la  rivière  à  Galifet,  parce  qu'elle  traverfe  les 
trois  fucreries  de  ce  nom.  Ses  eaux  ,  que  les  plus  grandes  féchereffes  ne  réduifent 
qu'à  la  moitié  de  leur  volume ,  font  mouvoir  fept  moulins  à  fucrc  dont  deux 
font  de  la  paroiffe  de  l'Acul. 

Peut-être  un  travail  hydraulique  fur  cette  paroiffe  ,  très-coupé  par  des  ravines 
des  ruiffeaux,  lui  procureroit-il  des  avantages  dont  elle  a  befoin  ,  &  par  exemple 
celui  de  rendre  les  parties  noyées  du  bord  de  la  baie  propres  à  la  culture  de  la- 
canne  à   fucre. 

,      La  paroiffe  de  l'Acul  a,  comparativement  a  fa  furface,  beaucoup  de  chemia^ 
,à  entretenir.  On  en   compte  32,465  toifes ,  foit  royaux  ,  foit  de  communication 
■      En  i688  ,  la  milice  y  était  de  5 1  hommes ,  en  1723  de  99  ,  &  à  prélcnt  elk- 
«ft  de  120, 


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640      DESCRIPTION     DE    LA    PARTIE 

La  population  totale  de  h  paroifle  (  où  l'on  ne  comptait  que  950  nègres  ea 
1723  ),  eft  dans  la  plaine  de  130  blancs  &  3,500  efclaves ,  &  dans  les  mornes 
de  95  blancs,  200  affranchis  &  1,500  efclaves.  Total,  6,425  individus. 

Le  Camp  de  Louile  devenu  l'Acul,  ed  le  lieu  où  l'on  prétend  que  la  lèprfe 
ou  réléphantiafis  s'eft  montré  pour  la  première  fois  dans  la   Colonie  françaife. 
Cette  affreufe  maladie  7  parut  en  1709,  &  d'après  une  vifite  ordonnée  par  deux 
arrêts  du  Confcil  du  Cap,  le  5  Mai  1710  &  le  3  Mars  171 1 ,  &  faite  par  un 
médecin  &  deux  chirurgiens  ,   on  trouva  qu'elle  était   l'affligeant  partage  de  28 
familles  ;  &  elle  s'était  propagée  à  Bayaha  &  au  Trou.  Était-elle  venue  ,  comme 
quelques-uns  le  difaient,  de  l'île   Saint-Chriflophe  ?  Était-elle  un  des  effets  d« 
la  nourriture  principale  des    habirans   de  l'Acul ,    qui    élevaient   beaucoup  de 
cochons  ?    Était-elle  enfin  un  argument  pour  ceux  qui  rejettant   l'étymologie 
de    Charlcvoix  quant  au  nom  du   lieu,  en  adoptaient  une    qu'ils  attribuaient 
à   la  plus   honteufe   débauche,   &    qu'autorifaient   les    noms    dégoûtans    que 
portent  encore  quelques  ravines.  Le  tems   n'a  rien  refpefté  de  ce  qui   pourrait 
donner  des  lumières  fur  ce  point  ;  mais  je  trouve  doux  d'avoir  à  dire  que  de 
charmantes  Créoles  de   cette  paroifle  prouvent  ,  par  leurs  attraits  comme  par 
leurs  vertus ,  que  le  féjour  qu'elles  habitent  ne  doit  plus  nourrir  aucune  pré- 
vention défavorable. 

On  eft  redevable  à  un  habitant  de  l'Acul,  nom.m.é  Michel  Périgord  ,  d'avoir 
eflayé,  au  commencement  de  ce  fiècîe,  de  faire  ufage  de  l'efpèce  d'indigo  appelé 
Htard-,  maron  ou /^a-u^^é-,  qui ,  quoique  moins  etlimé  à  plufieurs  égards  que 
\\n'^\%o  franc  ^  multiplie  cependant  les  reflburces  de  la  Colonie.  Mais  depuis 
J776  cette  utile  plante  a  prefque  difparu  par  l'effet  d'une  maladie  qui  l'anéantit 
U  dont  je  parlerai  à  la  defçription  des  paroilïès  où  fâ  deftruétion  s'eft  mani- 
feflée  d'abord. 

Les  cacaoyers  ont  été  long-tems  une  culture  très-lucrative  à  TAcul,  & 
Charlevoix  rapporte,  d'après  un  mémoire  de  Le  Pers,  qu'en  17 14  un  feuî 
habitant  appelé  Chambillac  en  pofTédait  vingt  mille. 

L'çpizootie  a  caufé  de  grands  ravages  dans  la  paroiffe  de  l'AcuL  Elle  y  paffa 
de  l'habitation  Ca^ré  ,  du  Quartier-Morin  ,  fur  celle  Du  Paty,  qui,  dirigées  par 
le  même  Adminiftrateur ,  avaient  entr'elles  des  communications  fréquentes.  En 
trois  mois  la  fucrerie  Du  Paty  perdit ,  en  1772  ,  80  mulets  ,  fans  compter  les 
chevaux  &  les  boeufs.  Les  fucreries  la  Plaigi^ .  SacaaviBe  &  Macarty  eurent 


aufTi  de  grandes  pertes  d'animaux. 


L'Acul 


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FRANÇAISE    DESAINT-DOMINGUE.       641 

L'Acul  a  vu  naître  M,  Mercier  DuPaty  ,  mert  tréforier  de  France  &  men:ibre  . 
de  l'Académie  de  la  Rochelle.  Dans  les  mémoires  plubliés  par  cette  compagnie 
favante  en  1752,  on  en  trouve  un  de  M.  DuPaty ,  lu  le  5  Mai  1750  ,  fur  les 
bouchots  à  moules ,  pour  fervir  à  l'Kiftoire  naturelle  du  pays  d'Aunis  ,  oij  il 
parle  des  vers  qui  piquent  les  vaifîèaux.  M.  Mercier  Du  Paty  était  père  de  M. 
le  prcfidentDu  Paty,  dont  la  perte  récente  (en  1788)  afflige  encore  tous  ceux  qui 
défirent ,  au  nom  de  l'humanité ,  une  réforme  dans  nos  loix  criminelles. 


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QJJ  ARTTER    DULIMBÉ. 

XV.'  ^ 

"ParoisseduLimbê. 

■  Le  Limbe  a  la  mer  au  Nord  ;  au  Sud  une  chaîne  des  montagnes  dépendantes 
de  la  première  chaîne  qui  va  du  Ci bao  vers  le  Port-de-Paix ,  &  qui  féparent 
le  Limbe  d'avec  la  Marmelade  &  Plaifance  ;  à  l'Eft  une  chaîne  de  montagnes 
fecondaires  qui  vont  de  le  mer  jufqu'à  la  rencontre  de  la  première  chaîne  du 
Cibao ,  dans  la.  direélion  du  Nord  au  Sud  ,  en  féparant  le  Limbe  de  l' Acul ,  & 
à  rOueft  encore  une  chaîne  fecondaire  femblable,  qui  eft  la  limite  entre  le 
Limbe  &  le  Port-Margot. 

-  Ce  n'eft  que  vers  1712  qu'on  a  fongé  â  s'établir  au  Limbe,  &  encore  en 
17 15,  les  perfonnes  qui  l'habitaient  de  pendaient-elles  de  la  parolffe  de  l' Acul. Cette 
dernière  paroiffe  avait  alors  le  P.  Le  Pers  pour  curé,  qui  exerçant  fon  goût  pour  la 
formation  de  nouvelles  paroiffes ,  acheta  un  terrain  au  Limbe  moyennant  Î15  1., 
pour  y  faire  conftruire  une  chapelle.  Ce  local  fe  trouva  dépendre  de  la  conceffion 
d'un  M.  Le  Tellier  ,  mais  M.  Barrère  ,  lieutenant  de  roi  du  Cap ,  y  fuppléa  par 
la  conceffion  d'un  autre  terrain.  Le  2  Septem.bre  1715  j  on  confacra  la  chapelle 
fous  l'invocation  de  Saint-Pierre  ,  dans  l'endroit  même  où  eil  le  bourg  actuel. 
La  paroiffe  a  des  afles  qui  remontent  jufqu'à  c.tl'iQ^  époque  de  1715  ,  mais  ils' 
©nt  été  tenus  avec  beaucoup  d'irrégularité ,  &  il  eft  plufieurs  longues  lacunes 
pendant  lefquelles  les  regiftres  n'ont,  par  exemple,  rien  de  relatif  aux  baptê- 
mes  ,  aux  mariages  &  aux  inhumations  des  efclay es.  • 

•    Pour  accélérer  le  défrichement  du  Limbe  ,  tous  les  terrains  en  furent  réunis 
Tome    L  M  m.  m  en 


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«42        DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 

le  3  Décembre  1715  j  mais  par  un  abus  beaucoup  trop  commun  alors,  la  ma- 
jeure partie  de  la  plaine  du  Limbe  fut  concédée  à  un  feul  individu,  &  cette 
individu  était  M.  de  Brach  ,  lieutenar.t  de  roi  à  Léogane.  Il  n'y  avait  donc  que 
des  commencemens  débattes  en  17 16,  &  le  14  Septembre  1717  ,  les  Admi- 
niftrateurs  furent  encore  obligés  de  réunir  tout  ce  qui  e'tait  reîlé  fan^  nul  éta- 
blifîement. 

Le  Limbé  eft  maintenant  une  paroifle  confidérable ,  compofée  d'une  partie 
plane  &  d'une  partie  montagneufe.  La  plaine  qui  a  environ  une  lieue  de  lar^e 
de  l'Eft  à  rOueft^  fur  trois  lieues  &  demie  de  profondeur  Nord  &  Sud,  eft 
arrofée  par  une  grande  rivière  formée  par  les  eaux  de  plufieurs  ravines  fortant 
de  diverfes  gorges  de  montagnes,  &  dont  la  principale  prend,  comme  je 
l'ai  dit ,  fa  fource  dans  la  paroifle  de  la  Marmelade  &  parcourt  environ  quinze- 
lieues  avant  d'arriver  à  la  mer.  On  la  nomme  rivière  Rouge  ,  mais  plus  com- 
munément rivière  du  Litiîbé.  Ses  débordemens  font  très-fréquens  depuis  le  mois 
de  Novembre  jufqu'au  mois  de  Mars,  &  l'on  cite  particulièrement  celui  du 
mois  d'Oftobre  172.2.  Ils  font  occafionnés  par  la  réunion  des  pluies  d^orage  & 
de  celles  qu'amènent  les  Nords.  Alors  k  rivière ,  comme  on  l'a  encore  vu  en 
1783  >  furmonte  fes  écores  &  va  ravager  les  cultures  que  l'on  n'a  pas  pris  foin 
de  protéger  par  des  digues  &  des  levées.  Elle  ne  tarit  jamais  &  nourrit  des  carpes-, 
fort  délicates. 

En  obfervant  qu'on  trouve  dans  toute  cette  plaine  des  portions  d'arbres  & 
des  feuilles  à  12,  15  &  même  18  pieds  de  profondeur,  il  eft  impofllble  de  ne 
pas  croire  que  la  plaine  du  Limbé  a  été  originairement  couverte  par  la  mer  & 
qu'on  doit  à  la  rivière  le  remblai  qui  forme  le  beau  terrain  qu'on  y  voir.  Et' 
en  confîdérant  combien-  ces  parties  végétales  enfouies  font  encore  confervées ,. 
on  doit  penfer  que  ce  travail  des  eaux  n'eft  pas  très- ancien.. 

Les  points  afTcz  élevés   pour  que  la  rivière  n'ait  pas  pu  les  atteindre  dan^  fes- 
débordemens ,  Ibnt  d'une  m.auvaife  qualité  &  d'une  nature  argileufe. 

D'un  autre  côcé  ,  l'éloignement  plus  ou  moins  grand  des  montagnes  qui  ter- 
minent cette  plaine  au  Sud^  influe  aufîî  fur  la  bonté  du  fol.  On  peut  même 
regarder  comm.e  un  moyen  siîr  pour  apprécier  cette  bonté ,  l'ordre  dans  lequel 
les  torrens  forment  fucceffiTement  leurs  dépôts.  Les  galets  ou  graviers  les  plus 
^ros  font  dépoféi  par  eux  près  de  leurs  fources ,  comme  plus  pefans ,  puis 
Yien.oent  ki  fables  &  enfuite  ie-s  parties  terreufes  qui  pouvant  fe  foutenir  mêlées- 


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^HANCAÏSE   DE    SAINT-DOMINGUE. 


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aux  eaux  ,  ne  font  dépofées  que  dans  les  endroits  où  ces  mêmes  eaux  nappent, 
en  quelque  forte ,  en  perdant  leur  vîceffe ,  c'elt-à-dire  ,  près  de  la  mer. 

Mais  fi  dan-s  ce  fyftême  les  terrains  voifins  des  grandes  montagnes  font  les 
moins  favorifées  par  le  fol ,  ce  défavantage  eft  cependant  balancé  par  les  pluies 
d'orage  qui  y  tombent  plus  fréquemment  &  avec  plus  d'abondance. 

L'on  divife  la  plaine  du  Limbe  en  deux  parties  j  favoir  :  le  Haut  Limbe  , 
qui  eft  la  plus  proche  des  montagnes  au  Sud)  elle  contient  i6  fucreries  ;  &  le  Bas 
Limbe  qui  eft  vers  la  mer ,  &  où  font  fix  fucreries.  Ces  deux  parties  font 
féparées  par  la  rivière  qui ,  â  environ  une  lieue  de  la  mer ,  coupe  en  quelque 
forte  la  plaine  en  allant  du  pied  des  montagnes  de  l'Eft  chercher  le  pied  de  celles 
■de  rOueft. 

En  général  les  terres  de  la  plaine  du  Limbe  font  d'une  excellente  qualité  & 
fufceptibles  de  toutes  les  cultures.  On  y  avait  autrefois  beaucoup  d'indigo  qui 
y  devenait  très-beau ,  mais  les  infedles  -qui  détruifent  cette  plante ,  ont  déter- 
miné tous  les  habitans  >  qui  en  avaient  le  moyen ,  à  lui  préférer  la  canne  à 
fucre.  De  manière  que  prefque  toute  la  plaine  du  Limbe  eft  occupée  par  des 
■fucreries.  Les  22  qu'elle  contient  &  dont  13  ont  des  moulins  à  eau,  donnent 
annuellement  environ  quatre  millions  cinq  cens  milliers  de  fucre  blanc ,  dont  la 
moitié  eft  produite  par  les  16  fucreries  du  Haut  Limbe,  &  l'autre  moidé  par 
les  fix  fucreries  du  Bas  Limbe.  Avec  plus  de  cultivateurs  la  plaine  verrait  encore 
fon  produit  s'augmenter. 

Lorfqu'on  vient  du  Cap,  on  arrive,  comme  le  dit  la  Defcription  de  l'Acul, 
par  deux  gorges  ou  coupes.  A  environ  une  lieue  de  la  cime  de  la  chaîne  que 
franchit  la  grande  coupe  qui  va  au  Haut  Limbe  ,  eft  le  bourg  où  eft  l'églife  qui 
a  été  conftruite  plufieurs  fois  en  bois  qui  pourrifîent  très-vîte  à  caufe  de  l'hu- 
midité. On  en  projeté  une  de  maçonnerie  ,  mais  aétuellement  une  grande  café, 
partagée  en  deux ,  fert  à  la  fois  &-de  temple  du  Seigneur  &  de  logement  à  fon 
miniftre.  Une  vingtaine  de  mauvaifes  cafés  couvertes  de  pailles  ou  d'effentes , 
forment  là  une  efpèce  de  bourg  où  réfident  des  ouvriers ,  des  marchands  Se  des 
cabaretiers  ,  &  où  tin  aubergifte  nommé  Roffignol ,  loue  des  chaifes  attelées 
pour  aller  au  Cap  ^  à.  66  liv.  par  jour ,  &  des  chevaux  fellés  pour  la  moitié 
de  ce  prix.  Prés  du  bourg ,  le  grand  chemin  qui  va  du  Cap  au  Port-au-Prince , 
traverfe  la  rivière  qui  ,  plus  d'une  fois ,  a  mis  le  courrier  en  grand  péril ,  &  qui , 
chaque  année,  coûte  la  vie  à  quelque  imprudent.  Elle  emporta  le  bourg  prefque 
en  totalité  en  1744.  M  m  m  m  2 


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€44.       D'ESCRIPTIOIsr    DE     LA     PARTIE 

Si  l'on  arrive  par  la  petite  coupe  ,  on  paffe  le  chemin  qui  conduit  au  Port- de- 
Paix  ;  dès  qu'on  tit  au  fommet  de  la  chaîne ,  limite  de  l' Acul  &  du  Limbe  , 
il  s'offre  un  nouveau  fpeélacle  dans  la  plaine  fertile  du  Bas  Limbe,  dont  le 
lointain  qui  iêmble  artiftement  ménagé  par  la  nature ,  forme  un  effet  pittoref- 
que.  Le  voyageur  en  ferait  enchanté  s'il  ne  remarquait  pas  qu'il  n'a  pour  y 
defcendre  qu'un  chemin  hériffé  de  pierres  mobiles  ou  encore  incruftées  dans 
Je  loi  qui  forccn:  les  voitures  à  aller  par  laults  &  par  bonds  jufqu'au  pied  de  la- 
montagne.  E;î  vain  chercherait-on  à  rendre  la  voie  plus  facile.  Si  l'on  déplace 
■les  pierres  3  les  pluies  en  enlevant  la  terre  qui  en  couvre  d'autres  les  laiffent 
bientôt  à  découvert ,  5c  cette  montagne  inépuifabies  en  pierres  calcaires ,  pro- 
met de  lailèr  la  patience  des  hom^mes  encore  quelques  fiècles.  Il  ferait  donc 
plus  fage  de  chercher  un  autre  chemin  ,  &  peut-être  eft-ce  le  long  du  rivage 
qu'il  faut  le  choifir ,  parce  que  de  greffes  pierres  qui  s'y  trouvent  permettraient 
de  former  une  levée  de  la  plus  grande  folidité. 

Il  y  a  auffi  un  grand  chemi.i  de  voiture  qui  fait  communiquer  entr'eux  le 
Haut  &c  le  Bas  Limbe. 

Après  le  bourg  &  la  paiTe  de  la  rivière ,  le  chemin  du  Port-au-Prince  fuie 
la  plaine  qui  le  rétrécit  en  fe  dirigeant  vers  le  Sud-Ouell,  &  il  va  ainfi 
chercher  la  gorge  de  la  Grande  ravine  oii  coule  réellement  une  grande  ravine 
qui  a  aufli  des  carpes  &  qu'il  faut  paffer  trois  fois.  On  rencontre  ,■  dans  cet 
intervalle  j  des  fucreries,  dont  celle  Chabaud  eft  la  dernière.  On  a  de  chaque 
-x:ûté  quelques  indigoteries  ,  ou  bien  des  cafeteries  dont  les  établifTemens  font 
■fur  la  portion  plane  &  les  cafiers  dans  des  enfoncemens  que  laiffent  l'extrémité 
des  épatemens  de  montagnes  ou  fur  les  pentes  plus  ou  moins  adoucies  de  ces  der- 
nières. Dans  quelques  points  font  auffi  des  entrepôts  pour  recevoir  les  denrées 
des  mianufaélures  des  montagnes ,  ou  les  objets  utiles  qu'elles  attendent  du 
Cap.  Le  taux  aftuel  des  charrois  de  cet  entrepôt  peut  être  connu  en  fâchant 
cu'on  paye  quatre  piaîlres-gourdes  celui  d'un  millier  de  café  de  ces  entrepôts, 
a  l'embarcadère  du  Limbe.  Enfin  l'on  arrive  au  pied  de  la  coupe  de  Plaifance 
qu'il  fallait  gravir  â  cheval  &  avec  effort ,  avant  qu'on  n'eût  fait  une  route 
praùcable  aux  voitures  qui  conduifent  à  Plaifance  j  &  là  finit  la  plaine  du' 
Limbe. 

Les  cantons  de  la  partie  montueufê  de  la  paroifîê  du  Linibé  font ,  en  allant  de- 
VEft  dans  l'Oued,  l'Acuî  à  Jean-Raux,  la  Ravine  des  Roches,  la   Soufrière 


MilM  li.'WIli|Ml 


FRANÇAISE'   DE    SAINT-DOMINGUE.      64^ 

du  Limbe  ,  partie  de  la  Grande  ravine  ,  le  Boucan  à  Guimby ,  l'IUet-à-Corne. 
le  Morne  à  Deux-Têtes,  la  rivière  Rouge  &  partie  de  la  Coupe-à-N,o6.  Le 
cafter  &  les  vivres  du  pays  y  réufilfîènt   parfaitement. 

On   compte   dans  ces  montagnes  ou  dans  les  gorges  qu'elles  forment,  124. 
cafeteries  ,  13  indigoteries  &-79  places  à  vivres.   Il  y  a  auffi  dans  la  paroifle  trois-, 
manufactures  qui  font   des  pots ,  des  briques  &  des   tuiles,  &:  la  paroiiTe  à  4 
guildiveries. 

La  coupe  de  Plaifance  eft  longue  parce  que  le  chemin  a  été  pratiqué  dans 
la  croupe  mêaie  de  la  montagne  ,  &  qu'il  n'a  pas  été  pclTible  de  lui  donner  une 
pente  extrêmement  adoucie.  Mais  ceux  qui  ont  paflë  dans  celle  où  l'on  n'allait 
qu'à  cheval  &  qui  eft  fur  la  gauche  de  la  nouvelle  qu'on  vient  de  terminer, 
trouvent  celle-ci  bien  douce.  Ce  chemin  dans  fes  diredions  différentes  &  quel- 
quefois oppofées,  montre  des  établiflemcns  qu'on  atteint  fucceflivement  & 
au-deffus  defquels  on  eil  prefque  furpris  de  fe  trouver ,  lorfqu'après  avoir 
monté  plus  de  5,000 -toifes  ,  on  a  pu  parvenir  au  fommct  de  la  crête  qui  eft, 
le  point  le  pius  élevé  de  cette  coupe  &  celui  qui  fert  de  limite  aux  deux 
paroiffes  du  Limbe  &  de  Plaifance.  Arrivé  là,  l'œil  contemple  avec  étonnement 
la  maffe  énorme  de  montagnes  qui  s'offrent  de  toute  part ,  U  dont  plufieur* 
ont  des  afpefts  volcanifés  ;  qui  lemblent  amoncelées  les  unes  fur  les  autres,  &. 
qui ,  dans  leurs  pentes  plus  ou  moins  rapides,  dans  les  intervalles  étroits  qu'elles 
laiffent  entr'ellcs ,  &  qu'on  pourrait  prendre  pour  des  précipices,  offrent  la 
preuve  de  l'induftrie  de  l'homme.  Le  plttorefque  de  cette  fituaiion  s'accroît 
par  la  vue  de  la  Grande  ravine  du  Limbe  ,  du  bord  de  laquelle  on  a  commencé 
à  o-ravir  la' coupe  &  que  l'on  apperçoit  alors  dans  les  différentes  gorges  ,  paffant 
dans  le  canton  de  l'Iflet-à-Corne  &  donnant  dans  le  lointain  la  mefure  de  la 
hauteur  à  laquelle  on  eft  parvenu.  Lorfqu'on  eft  ftir  la  cime  on  éprouve  une 
fenfation  qu'on   ferait  tenté  d'appeler  froide. 

De  toutes  les  paroiffes  de  la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie  ,  celle  du  Limbe 
eft  la  plus  favorifée  par  les  pluies.  Au  mois  d'Avril  1766,  elles  y  causèrent 
de  grands  dégâts.  Le  25  elles  furent  accompagnées  de  coups  de  tonnerre 
affreux ,  le  même  jour ,  le  courrier  allant  du  Cap  au  Môle ,  perdit  fes. 
paquets  dans  la  rivière  ;  &  le  26  à  neuf  heures  quelques  minutes  du  foir  la 
terre  trembla.  On  a  calculé  que  du  1".  Avril  1783  au  dernier  Mars  1784,  il  y- 
était  tombé    17  pieds ,  7  pouces,  8  lignes  d'eau,   Si  ces  pluies  font  nuifihles. 


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64,6      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

quelquefois  par  leur  trop  grande  abondance  ,  les  habitans  font  dédommagés 
de  cet  inconvénient ,  parce  qu'ils  n'éprouvent  point  les  fécherefles  qui  défclent 
fi  fréquemment  les  autres  lieux  par  les  difettes  de  vivres,  toujours  fi  défaf- 
treufes.   Cependant  la  iechereffe  de   1786   y  a  été  doulcureufement  fentie. 

La  fituation  de  la  Plaine  du  Limbe ,  entourée  de  montagnes  &  traverféc 
par  une  grande  rivière .  y  rend  l'air  froid  &  humide.  Le  thermomètre  de 
Réaumur  y  eft  prefque  toujours  deux  degrés  plus  bas  qu'au  Cap.  Cepen- 
dant le  féjour  en  eft  fain  pour  les  blancs,  mais  les  nègres  y  font  fujets  à 
dfs  maladies  de  poitrine  ,  dont  des  tranfpirations  fupprimées  font  la  plus 
fréquente   caufe. 

Les  montagnes  qui  bordent  le  Limbe  font  encore  affez  garnies  de  bois. 
Les  parties  les  plus  voillnes  de  la  wçr  en  ont  d'excellens ,  appelés  boi?  in- 
corruptibles. Celles  qui  font  au  contraire  à  une  lieue  &  plus  de  la  mer, 
né  portent  que  des  bois  miOus ,  dont  quelques-uns  peuvent  néanmoins  fervir 
à  des   charpentes    couvertes   ou  être  em^ployés  en  merrain. 

Les  deux  chaînes  de  montagnes  de  TEft  &  de  l'Oueft  de  la  paroi ffe,  n'oni 
que  des  pierres  calcaires  calcinables ,  depuis  le  rivage  jufqu'à  environ  une 
lieue' en  gagnant  dans  le  Sud.  A  partir  de  là  jufqu'à  la  grande  chaîne  ,  il  n'y 
a  plus  de  pierres  calcaires. 

Le  Limbe  recèle  probablemient  des  mines  de  divers  genres.  Vers  1763  , 
un  habitant ,  en  faifant  creufer  pour  conftruire  une  éclufe  fur  la  rivière  du 
Limbe ,  découvrit  une  mine  de  lapis  lazuli.  Il  en  envoya  à  Paris  plufieurs 
morceaux  qui  furent  reconnus  pour  être  de  h  m^ême  nature  que  la  pierre 
d'azur  Orientale  avec  laquelle   on   prépare  le  beau  bleu   appelé   Outremer. 

On  trouve  de  l'ocre  dans  les  hauteurs  de  la  Grande  ravine,  près  l'Iflet-à- 
Corne. 

Sur  la  rive  droite  de  la  Grande  ravine  &  vis-à-vis  l'habitation  Glier ,  eft 
une  grofle  pierre  qui  paraît  être  une  ophite  ou  ferpentin  ,  fur  laquelle  font 
plufieurs  figures  humaines  groffièrement  faites ,  mais  .  profondement  gravées 
dans  la  pierre  même.  On  attribue" ce  travail  aux  anciens  naturels  &,  pour  cette 
raifon,  cette   pierre  porte  le  nom  de  Floche  à  rinde. 

Non  loin  de  là,  &  fur  l'habitation  Chabaud,efl  un  efpace  qui  paraît  avoir 
été  applani  de  main  d'homme.  On  y  remarque  les  relies  d'une  terraiTe  &  J'ott 
trouve   dans  les  environs  une  grande  quantité  de  fétiches  indiens. 


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'  .■      FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.      647 

Il  eft  tems  de  parler  de  la  côte  de  cette  paroifle.  A  partir  de  la  peinte 
^d'Icaque  -,  qui  forme  l'entrée  Nord-Oueft  de  la  baie  de  l'Acul ,  jufqu'à  celle 
du  Limbe,  il  y  a  beaucoup  de  haut-fonds  &  de  reflîfs.  C'eft  à  1,360  toifes 
de  la  pointe  d'Icaque  ,  que  commence  la  limite  du  Limbe  ,  dont  l'embar- 
cadère  eft  à  deux  lieues   encore  plus  à  l'Oueft, 

Cet  embarcadère ,  adopté  depuis  long-tem&  par  les  habitans  ,  n'a  reçu  qu'en: 
1748,  par  les  ordres  de  M.  de  Vaudreuil ,  après  l'entrée  des  deux  bâtimens 
dans  la  baie  de  l'Acul,  la  batterie  projetée  par  M.  de  Larnage  en  1742, 
On  avait  cependant  déjà  fait  du  paffage  qui  y  était  établi,  l'objet  d'une  ferme, 
que  je  trouve  adjugée,  le  3  Mai  1743,  par  l'ordonnateur  du  Cap,  à  M.  Burgaut^ 
avec  celle  des  pafTages  de  l'Acul  &  du  Fort-Dauphin.  Le  tarif  de  ce  pafîao-e 
était  alors  de  2  livres  5  fous  par  libre,  de  moitié  pour  un  efclave,, d'une  gourde 
par  barrique  de  fucre  ,  &c.  La  ferme  fut  de  3,000  liv,  en  1752.  Autorifés  par 
les  Adminiftrateurs  du  Cap,  le  4  Mars  1751,  les  habitans  firent  à  cet  embarcadêr.-î 
une  chauffée  qu'ils  cédèrent  à  M.  Delfaut,  d'après  une  autorifation  des  Adminiftra- 
teurs-généraux  ,.  du  27  Avril  1762,  &  qui  eft  poffédée  ea  ce  moment  par  M.. 
de  Pont. 

L'emb^-cadère  du  Limbe  a  aéluellement  33  nraifons.  Ti  en  a  malheureufement 
quelques-unes  couvertes  de  paille  ,  ce  qui  les  menace  toutes  d'incendie.  Au- 
devant  de  l'embarcadère  ,  M.  de  Pont  ,  pour  faciliter  les  chargemens  &  les 
déchargemens  &  être  indépendant  de  l'époque  de  la  haute  mer  qui ,  lorfqu'elle 
arrivait  la  nuit  y  donnait  aux  nègres  la  fatigue  des  veilles,  a  fait  combler  en 
roches  180  pieds,  8c  a  mis  au  bout  de  ce  remblai  une  jettée  ou  calle  de  bois 
de  86  pieds,  a  l'extrémité  de  laquelle  eft.  une  grue  q^ui  facilite  encore  k^ 
opérations,. 

A  160  toifes  dans  l'Eft  de  l'embarcadëre  ,  eft  l'îlet  du  Limbe  qui  a  170  toifcs 
de  long  du  Nord  au  Sud  fur  140  toiles  de  large.  Comme  il  eft  de  nature  calcaire , 
JM.  Blay  &  M.  de  Pont  ont  obtenu  ,  le  premier  fous  M.  de  Belzunce  ,  le  fécond 
en  1783  ,  la  permiffion  d'y  établir  un  four  à  chajx.  Celui  de  ce  dernier ,  le  feul 
qui  loiten  aftivité  donne  jufqu'à  5,000  barils  de  chaux  par  fournée.  Entre  l'îlet 
du  Limbe  &  la  pointe  Eft  du  m.orne  à  Marigot  ,  font  deux  autres  petits  îlets  donc 
le  plus  grand  qui  eft  dans  l'Eft  b.qnt  les  groffeo  mers  furmontent  ,  eft  nom- 
mée la  Roche-Pauvre.  On  ne  trouve  qu'une  paUc  pour  des  canots  entre  ces; 
derniers  îlets» 


A.,ij 


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648       DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

L'embarcadère  du  Limbe  a  le  défavantage  d'être  fous  Te  vent  du  Cap.  Les 
bateaux-paffagers  qui  portent  les  denrées  ,  ont  donc  prefque  toujours  le  vent 
contraire  pour  fc  rendre  dans  cette  ville  ,  ce  qui  les  oblige  î.  courir  une  première 
bordée  fort  au  hr^e  ,  afin  de  B'élever  au  vent ,  &  de  tâcher  d'entrer  au  Cap  à  la 
féconde  ,  &  dans  l'intervalle  d'urne  demi-journée.    Mais  en  tems  de  guerre   ils 
font  forcés  d'aller  de  terre  à  terre  &  fouvent  encore  ils  relâchent  au  Port-Français. 
L'embarcadère  du  Limbe  eft  d'un  grand  fecojrs  aux  caboteurs  qui  y  ont  bonne 
tenue.  L'îlet  du  Limbe  le  défend  au  Nord  ,   le  morne  du  Marigot  au  Nord-Oueft 
&,  les  reffifs  à  l'Eil.  Si  un  corfaire  ennemi  tentait  d'y  entrer  avec  la  brife  favorable 
du  vent  du  large ,  m.algré  la  batterie  de  6  pièces  de  canons  à  laquelle  il  faut 
préfenter  le  devant  en  donnant  dans  la  paffe,  il  ne  pourrait  plus  en  fortîr  que  la 
nuit  parce  qu'il  faudrait  y  attendre  la  brife  de  terre  ;  &  dans  l'intervalle ,  les  forces 
•  armées  de  h  paroiiTe  qui  fe  réuniraient ,  ne  lui  permettraient  plus  d'effeéluer  cettç 

réfolution. 

Les  vigies  pofées  pendant  la  guerre  fur  deux  petites  montagnes  ,  au  pied 
defquelles  effc  i'em.bârcadère  du  Limbe  ,  avertiffent  les  caboteurs  de  la  préfence 
de  l'ennemi  &  ils  prennent  alors  les  mouillages  qui  font  le  plus  à  leur  portée.  C'eft: 
à  ces  vigies  qu'on  doit  attribuer  de  n'avoir  perdu  aucun  des  quatre  pafîagers  du 
Limbe 'qui  font  des  bateaux  de  70  à  80  tonneaux,  dont  deux  font  à  M.  Elay  & 
deux  à  M.  de  Pont.  Ces  propriétaires  ont  des  magafins  où  l'on  entrepofe  les 
denrées  du  Limbe  &  m.êmes  celles  de  Plaifance.  Un  blanc  pafîager  y  paye  une 
gourde  ;  un  nègre ,  un  quart  de  gourde  ou  gourdin  -,  une  barrique  de  fucre , 
3  gourdes  ;  une  de  vin  ,  9  livres  ;  un  baril  de  farine  ,  3  livres  ;  un  faç  de  café  , 
trente  fous  ;  le  refce  à  proportion. 

On  pourrait  donner  aifém.ent  à  l'embarcadère  du  Limbe  ,  un  filet  d'eau  pris 

dans  le  caiïal  de  Thabitation  Lavaud.   Cette  eau  fervirait  aufîi  aux  caboteurs  que 

ce  m.ouillage  reçoit  &  qui  la  paient  aux  nègres  à  raifon  d'un  efcalin  par   fceau. 

On  trouve  210  toifes  de  l'embarcadère  du  Limbe  jufqu'à  la  pointe  Eft  du  morne 

à  Mario-ot  &  350  jufqu'à  la  pointe  Oueft  du  même  morne.  Toute  cette  partie 

de  côte  eft  bordée  d'un  reffif  à  fieur  d'eau  ,   qui  la  rend  d'un  accès  très-diiiicile. 

-     Le  m.orne  à  ?4arigot  forme   la  pointe  Eft  de  l'anfe  du  même  nom  ,  qui  â 

3,810  toiics  j'jfqu'au  morne  à  Manioc  qui  la  termine  a  l'Oueft.   La  fièche  de 

l'anfe  eft  d'environ  850  toifes  &  l'embouchure  de  la  rivière  du  Limbe  s'y  trouve 

à  810  toifes  du  morne  à  Marigot.  Il  y  a  au  milieu  de  cette  anfe  .un  haut-fond 

confidérabk 


BVyr*m<rw*F 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       649 

confidérable  des  deux  côtés  duquel  on  paffe ,  mais  le  meilleur  eft  celui  de  l'Eft. 
Le  mouillage  y  eft  très-expofé  au  Nord. 

Du  morne  à  Manioc  jufqu'à  la  pointe  Eft  de  l'anfe  du  Port-Margot  où  finît  k 
paroifle  du  Limbe  ,  il  y  a  240  toifes  ,  mais  toutes  de  côtes  de  fer. 

La  population  totale  de  la  paroifîè  du  Limbe  eft  de  300  blancs ,  200  affranchis 
&  environ  5,000  nègres. 

La  milice  y  compte  250  hommes  portant  armes. 

Quoique  l'églife  du  Limbe  ne  foit  qu'à  4  lieues  &  demie  de  celle  du  Cap ,  en 
ligne  droite ,  il  y  a  réellement  par  le  chemin  : 

De  cette  égîife  au  Cap  ,     ....     6  lieues.     De  cette  églife  à  celle  du  Port-Margot, 3  lieues. 
» —  à  celle  de  l'Acul  ,     .     3  ■     ■ de  Plaifance,    .      7 

Le  Limbe  donne  fon  nom  à  un  Quartier  dont  dépendent  les  paroifles  du  Limbéj 
de  Plaifance  ,  du  Port-Margot  &  du  Borgne. 

Il  eft  du  commandement  &  de  la  SénéchaufTée  du  Cap.   ' 

Il  n'eft  aucune  paroiffe  de  la  Colonie  qui  ait  à  fe  glorifier  autant  que  celle  da 
Limbe,  de  l'influence  de  l'un  de  fes  habitans  fur  la  profpérité  de  Saint-Domingue 
français.  En  difant  ces  paroles ,  tous  les  hommes  juftes ,  l'envie  elle-même 
liomment  à  la  fois  M.  Belin  de  Villeneuve. 

M.  (Paul)  Belin  de  Villeneuve  eft  le  premier ,  pour  ne  pas  dire  le  feul ,  qui  fe 
foit  occupé  3  avec  fuccèi ,  de  perfcétionner  l'art  du  fucre.  Il  eft  réfulté  de  les 
recherches ,  une  théorie  sûre. 

Le  canton  du  Bas  Limbe  était  décrié  ,  autant  par  fon  peu  de  produit  ,  que  par 
la  mauvaife  qualité  dç  fes  productions.  M.  Belin  y  achète  ,  en  fociéte  avec  M. 
Raby ,  une  habitation  ;  il  prouve  que  les  connaifîances  feules  manquaient  ;  lesf 
eaux  qui  nuifaient  font  contenues  Se  évacuées  ,  &  un  lieu  cité  comme  incapable 
,  de  nourrir  des  cannes ,  devient  le  fitc  d'une  immenfe  fucrerie.  On  l'imite  ,  même 
en  le  cenfurant ,  &  le  Limbe  a  changé  de  face. 

La  fupériorité  de  la  manufafture  de  M.  Belin  lui  attire  bientôt  des  perfonnes 
qui  viennent  y  chercher  l'inftruftion.  Elles  y  font  accueiUis  avec  cmpreflèment 
&  fi  toutes  n'emportent  pas  des  connailfanccs  théoriques  parfaites ,  elles  vont 
montrer  que  leur  pratique  les  met  au-delTus  des  autres  fabricateurs  ,  &  on  ditj, 
pour  louer  un  rafineur  :  C'efi  ifn  élève  de  Belin.  Cette  pratique  ,  il  l'a  même  fi  bien 
éclairée  ,  que  des  nègres  ont  pu  ,  avec  elle  feule  ,  obtenir  des  réfultats  heureujf. 

Avant  les  procédés  de  M.  Behn ,   les  formes  de  fucre  fabriquées  à  Saint- 
Tome  I,  N  n  n  n 


>-s.3mL. 


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é^o        D  E  s  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E     LA     PARTIE 

Domingue  ne  pefaient  que  28  liv.  D'après  fes  procédés,  elles  vont  à  40  liv. 
ce  même  plus;  le  fucre  eft  plus  beau,  on  tire  partie  de  toutes  les  matières  qui 
étaient  perdues  auparavant,  les  firops  amers  donnent  de  meilleur  efprit  ardent , 
parce  que  le  principe  fucré  n'eft  pas  détruit  par  les  erreurs  de  la  fabrique.  Qu'on 
calcule  combien  il  fe  fait  de  formes  de  fucre  à  Saint-Domingue  ,  qu'on  remarque 
qu'il  en  eft  un  quart  qu'on  doit  aux  lumières  de  M.  Belin ,  &  l'on  pourra 
apprécier  alors  de  combien  la  Colonie  &  l'État  lui-même  fjnt  redevables  à  ce 
-colon  depuis  trente  ans. 

Ce  n'eft  p-s  tout.  En  1769,  M.  Belin  au  lieu  de  trois  cylindres  égaux 
qu'avaient  les  moulins  à  fucre,  a  donné  un  tiers  de  plus  i|k^iamètre  des  cylin- 
dres latéraux  ,  &  celui  du  centre  a  communiqué  la  même  fomme  de  mouvement 
avec  un  ders  de  moins  dans  la  force  motrice  ,  avantage  énorme  quand  celle-ci 
eft  produite  par  des  animaux.  , 

Il  a  reftifié  les  fourneaux  des  chaudières ,  qu'on  ne  pouvait  débarraffer  de 
leurs  cendres  fans  arrêter  le  feu  ,  ce  qui  diminuait  l'aftion  de  cet  agent.  Il  a 
imaginé  depuis  encore  \m  nouvel  équipage  qui  hâte  confidérablement  la  fabri- 
cation d'une  quantitée  donnée  de  fucre.  Se  on  fait  chez  lui  172  formes  par 
24  heures.  Il  a  perfec1:ionné  les  coffres  à  étuve  (*)  &  amélioré  la  diftribution 
des  bâtimens  qu'on  employé  dans  une  manufacture  à  fucre ,  de  manière  à  am- 
plifier la  m.ain-d'ceuvre  ;  on  lui  doit  un  moulin  à  préparer  la  terre  pour  le 
terrage  du  fucre  ,  &  la  démonftration  qu'il  eft  infenfé  de  faire  venir  de  France 
une  terre  argileufe  blanche  pour  cet  ufage.  Enfin  dans  la  culture  ,  dans  l'admi- 
niftradon  &  la  conduite  d'un  immen'e  atelier,  M.  Belin  s'eft  montré  comme 
dans  l'art  du  fjcre ,  &  le  perfeftionnement  des  machines ,  d'autant  plus  dignes 
d'éloges ,  que  et  qu'il  fait  il  l'a  appris  lui-même  ,  &  que  toute  fa  renomm.ée  eft 
à  lui  comme  fes  talens. 

Le  gouvernement  lui  a  accordé,  au  mois  de  Juillet    1777,  des   lettres   de 


(*)  C'cftlci  le  cas  de  dire  qu'onn'avait  pu  obtenir  jufqu'en  1786  qae  de  maui-aispivots ,  mais 
MM.  Pacolta  ,  de  Nantes ,  en  ont  fiit  exécuter  d'excellens  pour  M.  Belin  &  pour  M.  Verret. 
Ils  ont  aufîi   des  tambours    qui   ont  le    fini    des  pièces    d'orfèvrie  &     qui  font  fupérie 


îurs    a    ceux 


d'Angleterre,  qu'on  ne  polit  q  a 'extérieurement  tandis  que  l'intérieur  elî  plein  de  défauts  &  d'inéga- 
lités. Ces  tanùjours  font  d'excellente  matière ,  ainfi  que  les  chaudières  à  fucre  de  la  même   manu- 


faûure. 


MM.  Dacolla  procurent,  en  outre ,  fur  un  modèle  de  M.  Belin ,  fes  nouveaux  coff;es  à    étuye. 


,J 


FRANÇAISE      DE      S  AI  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.        651 

noblefle ,  que  fans  doute  un  jour  hs  defcendans  de  quelque  dévaftateur  d'une 
contrée ,  qui  en  a  obtenu  aufli ,  fe  croira  en  droit  de  dédaigner  ;  mais  Ci  l'utilité 
eft  le  caractère  de  la  vraie  gloire  j  celle  de  M.  Belin  nous  femble  bien  faite 
pour  fervir  de  bafe  à  l'orgueil ,  puifqu'on   veut  qu'il  entre  dans  tout. 

Je  dois  au  caraflère  obligeant  de  M.  Belin  ,  à  fon  amitié  pour  moi  &  plus 
encore  à  fon  penchant  pour  les  vues  qui  m'animent,  des  principes  ,  des  règles 
&  des  obfervations  fur  toutes  les  parties  qui  conftituent  le  cultivateur  colonial. 
Je  les  ai  recueillis  dans  de  longs  &  nombreux  entretiens,  dans  des  léjours 
renouvelles  iur  l'habitation  miême ,  oîi  la  démonftration  fuivait  la  théorie.  Il  a 
revu  ma  rédaélion.  Un  jour  viendra  fans  doute  où  je  les  offrirai  au  Public,  pour 
qui  je  les  ai  recherchés ,  8*.  ce  fera  un  nouveau  bienfait  de  l'homme  que  h 
médiocrité  a  attaqué  de  cent  manières  ,  Se  toujours  fans  confidérer  qu'il  aurait 
fallu  frapper  trop  haut  pour  qu'elle  put  l'atteindre.  Qu'elle  fâche  que  tant  qu'elle 
n'aura  pas  à  citer  un  exemple  qui  l'emporte  fur  celui  de  M.  Belin ,  faifant  au 
Bas  Limbe  y  avec  165  carreaux  de  cannes,  650  nriilliers  de  flicre  ,  d'une  qualité 
que  nulle  autre  fucrerie  du  m.ême  lieu  n'égale  ,  fes  clameur?  ne  feront  qu'infen- 
fées.  J'en  appelé  à  la  multitude  de  perfonnes  qui  ont  été  voir,  fur  l'habitation 
de  M.  Belin ,  ce  que  c'cft  qu'une  fucrerie  où  de  grands  talens  mettent  leur 
empreinte  fur  tout  (*). 

Qu'il  efi:  pénible  ,  après  avoir  cité  un  être  dont  toute  la  vie  eft  une  férié 
d'aéles  recommandables ,  d'être  obligé  d'en  nommer  un  dont  l'atroce  exiftence  a 
été  un  fléau  pour  l'humanité. 

C'eft  de  l'habitation  de  M.  le  Normand  de  Mézy  ,  au  Limbe  ,  que  dépendait 
le  nègre  Macandal,  né  en  Afrique.  Sa  main  ayant  été  prife  au  moulin,  il  avaic 
fallu  la  lui  couper ,  &  on  le  fit  gardien  d'animaux.  Il  devint  fugitif. 


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'  (*)  On  lit  fur  le  manteau  de  la  cheminée  de  la  fucrerie  de  M.  B^lin  ,  ces  quatre  vers  qu'elle  a 
ififpiré  à  M.  de  la  Borde  ,  enfeigne  de  vaiiTeaUj  qui  a  péri  dans  le  voyage  de  M.  .de  la  Pérouf© 
^stour  du  Monde. 

L'homme  a 5lif  a  les  biens ,  l'homme  oinfales  maix,. 
Tout  travail  a  fa  récompenfe  , 
s*— *     ' '■  Et  la  plus  douce  ici  compenfe 

L'amertume  de  nos  travaux. 

^     N  n  a  n  :2 


t^'^^^^BMÔlMM 


6,-2       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Pendant  fa  direrdon  il  fe  rendit  célèbre  par  des  empoifonnenKns  qui  répan- 
dirent la  terreur  parmi  les  nègres ,  &  qui  les  lui  fournie  tous.  Il  tenait  école 
ouverte  de  cet  art  exécrable  ,  il  avait  des  agens  dans  tous  les  points  de  la 
Colonie  ,  t:  la  mort  volait  au  moindre  lignai  qu'il  faifait.  Enfin  dans  fon  vafte 
plan  ,  il  avait  conçu  l'infernal  projet  de  faire  difparaîcre  de  la  furface  de  Saint- 
Domingue  tous  les  hommes  qui  ne  feraient  pas  noirs ,  &  fes  fuccès  qui  allaient 
toujours  cro;ffans  avaient  propagé  un  effroi  qui  les  affuraient  encore.  La  vigilance 
des  magillracs ,  celle  du  gouvernement  ,  rien  n'avait  pu  conduire  jufqu'aux 
moyens  de  s'emparer  de  ce  fcélérat ,  &  des  tentatives  punies  d'une  mort  pref- 
que  foudaine,  n'avait  fervi  qu'à  terrifier  encore  plus. 

Un  jour  les  nègres  de  l'habitation  Dufrefne,  du  Limbe,  y  avaient  formé  un 
-calenda  nombreux.  Macandal  qui  était  accoutumé  à  une  longue  impunité ,  vint 
fe  mêler  à  la  danfe. 

Un  jeune  nègre ,  peut-être  par  l'impreffion  que  la  préfence  de  ce  monflre 
avait  produite  fur  lui ,  vint  en  avertir  M.  Dupleflis ,  arpenteur,  &  M.  Trévan 
qui  fc  trouvaient  fur  cette  habitation  ,  &  qui  firent  répandre  le  tafia  avec  tant 
de  profufion,  que  les  nègres  s'enivrèrent  tous,  &  que  Macandal,  malgré  fa; 
prudence  ,  fe  trouva  privé  de  fa  raifon. 

Gn  alla  l'arrêter  dans  une  café  â  nègre  ,  d'où  on  le  conduifit  dans  une  chambre 
de  l'un  des  bouts  de  la  maifon  principale.  On  lui  lia  les  mains  derrière  le  dos , 
&  faute  de  fer  on  lui  mit  des  envergcs  de  chevaux.  Les  deux  blancs  écrivirent 
au  Cap  pour  prévenir  de  cette  capture  ,  &  avec  deux  nègres  domeftiques  ils 
gardèrent  Macandal,  ayant  des  piftolets  chargés  fur  la  table  oij  était  une 
lumière. 

Les  gardiens  s'endormirent.  Macandal,  peut-être  aidé  par  les  deux  nègres  , 
délia  fes  mains ,  éteignit  la  chandelle  ,  ouvrit  une  fenêtre  au  pignon  de  la  mai- 
fon ,  fc  jetta  dans  la  favanc  &  gagna  des  cafiers  en  fautant  comme  une  pie. 

La  brife  de  terre  qui  augmenta ,  fie  battre  le  crochet  de  la  fenêtre  ,  ce  bruit 
réveilla;  grande  rumeur  ,  on  cherche  Macandal  que  les  chiens  éventèrent  bien- 
tôt &  qu'on  reprit. 

Macandal  qui ,  s'il  avait  fait  ufage  des  deux  piflolets  au  lieu  de  fuir ,  était  sûr 
d'échapper,  fut  condamné  à  être  brûlé  vif  par  un,  arrêt  du  Confeil  du  Cap  du 
ao  Janvier  1758.  Comme  il  s'était  vanté  plufieurs  fois  que  fi  les  blancs  le  pre- 
nait il  leur  échapperait  fous  difFérentes  formes ,  il  déclara  qu'il  prendrait  celle 
d'une  mouche  pour  échapper  aux  flammes» 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      653 

Le  hafard  ayant  voulu  que  le  poteau  où  l'on  avait  mis  la  chaîne  qui  le  fai- 
fiflait  fut  pourri ,  les  efforts  violens  que  lui  faifaient  faire  les  tourmens  du  feu  , 
arrachèrent  le  piton  &  il  culbuta  par-defîus  le  bûcher.  Les  nègres  crièrent  : 
Macandal Jauve  ;  la  terreur  fut  extrême  ;  toutes  les  portes  furent  fermées.  Le 
détachement  de  Suiffes  qui  gardait  la  place  de  l'exécution  la  fit  évacuer  ^  le 
geôlier  Mafle  voulait  le  tuer  d'un  coup  d'épée  ,  lorfque  d'après  l'ordre  du  Pro- 
cureur-général i  il  fut  lié  fur  une  planche  &  lancé  dans  le  feu.  Quoique  le  corps 
de  Macandal  ait  été  incinéré,  bien  des  nègres  croyent ,  même  à  préfent,  qu'il 
n'a  pas  péri  dans  le  fupplice. 

Lé  fbuvenir  de  cet  être  pour  lequel  les  éplthètes  manquent ,  réveillent  encore 
des  idées  tellement  finillres ,  que  les  nègres  appellent  les  poifons  &  les  empoi- 
fonneurs  des  Macandals ,  &  que  ce  nom  eft  devenu  l'une  des  plus  cruelles  injures 
qu'ils  puiffent  s'adreffer  entr'eux. 

Un  peintre  de  Paris  nommé  Dupont ,  fit  en  prifon  le  portrait  de  Macandal 
&  de  trois  de  fes  principaux  complices ,  &  les  apporta  en  France.  Sa  veuve 
les  faifant  vendre  fur  le  quai  du  Louvre  ,  M.  Courrejolles  les  acheta  &  les 
d.onna  à  M.  Mazères ,  à  la  mort  duquel  ils  ont  encore  été  vendus.  J'ai  acheté 
celui  de  Macandal  à  Verfailles  ,  d'un  étaleur  au  coin  de  la  grande  écurie  dans 
l'avenue  de  Paris.  Ce  portrait  eft  à  l'huile  &  très-bien  fait. 

On  ferait  un  ouvrage  volumineux  de  tout  ce  que  l'on  rapporte  fur  Macandal  j 
mais  il  était  réfervé  à  un  anonyme  de  le  préfenter  dans  le  Mercure  de  France 
du  15  Septembre  1787  ,  comme  le  héros  d'un  conte  intitulé  Hift cire  véritable  où 
l'amour  &  la  jaloufic  agiffent  comme  deux  grands  refforts. 

L'épizoode  s'eil  montrée  fur  l'habitation  Eelin ,  m.ais  en  faifant  tuer  les 
mulets  chez  kfquels  la  morve  était  bien  caractérifée  &  en  ifelant  ceux  qui 
n'en  offraient  que  des  atteintes ,  il  eft  parvenu  à  en  arrêter  les  ravages. 

On  voit  fur  l'habitation  Belin  un  Rima  ou  Arbre  à  pain ,  placé  le  7  Août  1788 
dans  une  terre  de  rapport ,  excellente  &  tr.ès-fraîche.  Il  avait  le  28  Décembre 
un  tronc  d'un  pied,  d'où  partait  un  jet  de  14  pouces  &  demi,  de  7  lignes  de 
diamètre,  ayant  des  feuilles  de  17  pouces  de  long.  Tout  promet  que  cet  arbre  fi 
précieux  aura  le  fuccès  le  plus  complet,  &  les  foins  de  M.  Belin  y  concoure- 
ront  parce  qu'ils  font  continuels ,  &  que  vouloir  être  utile  à  la  Colonie  eft  pour 
lui  une  douce  habitude, 


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6s4       DESCRIPTION    DE     LA    PARTIE 


«xjat^®.;^  ^K@>;^>^>@>c^>^^^i>Ka 


XVI. 


P    A    R    O    I    s    s 


DE     Plais 


A    N    C    E. 


Noi;3  voilà  parvenus  à  l'une  des  paro'uTes  les  plus  importantes  de  la  Paxtie- 
Françaife,  parce  qu'elle  eft  fituée  dans  un  point  deftiné  ,  par  fa  nature,  à  fervir 
de  moyen  de  corrimunication  entre  la  Partie  du  Nord,  la  Partie  de  l'Oueft  & 
k  r-efte  de  la  Colonie ,  &  même  à  aflurer  à  divers  points  de  la  Partie  du 
Nord  ,  une  communication  entr'eux. 

Un  lieu  éloigné  de  douze  lieues  dans  le  Sud-Oueft  du  Cap ,  oij  l'on  ne  pou- 
vait arriver  que  par  des  lentiers  que  les  chafTeurs  eux-mêmes  ne  reconnoiffaîent 
pas  toujours  ,  ne  pouvait  être  tiès-fréquenté  ,  malgré  le  nom  que  lui  avait  fait 
donner  la  fituation  de  rèfpèce  de  baffin  qu'on  y  trouve  ,  &  qui  devait  paraître 
réellement  agréable  à  celui  qui  avait  vaincu  la  difficulté  d'y  pénétrer.  En  ua 
mot,  ce  ne  fut  qu'en  1726  qu'on  fît  de  Plaifance  une  paroiffe ,  quoique 
depuis  cinq  ou  fix  ans  on  eût  commencé  à  y  reconnaîcre  &  à  y  féparer  les  coir^ 
cédons.  D'épaiffes  forêts,  des  pluies  abondantes,  les  obfl-acles  de  l'entrée  & 
de  là  fortie  ,  tout  confpirait  contre  ce  féjour  ^  en  écartait  les  Colons  les  plus 
hardis, 

Plaifance  comptait ,  en  1728  ,  53  habitations  toutes  dans  la  partie  bafie.  M. 
de  Lafond  en  commandait  alors  les  milices. 

Je  ne  fais  quel  motif  a  donné  l'Archange  Saint-Michel  pour  patron  à  cette 
paroiffe;  mais  le  premier  temiple  qu'on  lui  confacra  n'eut  pas  une  longue  durée, 
puifqu'en  1746,  M.  Cabrol  de  NègrefeuiUe ,  l'un  des  paroifilens ,  donna  neuf 
carreaux  de  terre  pour  fervir  à  y  conftruire  une  églife  &  un  presbytère.  Bientôt 
après  la  paroiffe  fut  fans  pafteur ,  &  en  1751  j  M.  de  la  Touraudais ,  marguil- 
lier,  le  fuppléait  à  plufieurs  égards  &  notamment  en  délivrant  des  extraits  des 
regiftres  tenus  fort  mal  en  ordre.  L'églife  s'écant  anéantie  une  féconde  fois ,  la 
majefté  divine  était  renfermée  dans  une  portion  d'une  mauvaife  café  depuis 
treize  ans,  lorfqu'on  a  conftruit  l'églife  acluelle  en  1784.  Elle  eft  fur  le  même 
emplacement  que  la  précédente,  ayant  72  pieds  de  long  fur  30  de  large  &; 
faite  de  maçonnerie.  Elle  a  coûté  cinquante  &  quelques  raille  livres. 

X-a  paroiffe  de   Plaifance  qui   n'a   été  démembrée  d'aucune  autre ,    a  pour 


:  \ 


FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.     Gk^^ 

limites  :  au  Nord ,  les  paroilTes  du  Borgne ,  du  Port-Margot  &  du  Limbe  -,  à 
l'Eft,  le  Limbe  &  la  Marmelade  i  au  Sud,  la  Marmelade  &  les  GonaiVes;  &  à 
rOueft,  les  GonaiVes  &  le  Gros-Morne.  Partout  des  chaînes  de  montagnes  la 
'bordent,  fa  plus  grande  longueur  qui  va  du  Sud-Eft  au  Nord-OueO: ,  eft  d'en- 
viron huit  lieues  ;  fa  largeur  varie  depuis  trois  lieues  jufqu'à  environ  une  lieue 
&  demie.  Ce  dernier  point  eft  celui  où  le  Margot  qui  appartient  à  la  paroiffe  du 
Port-Margot ,  fait  une  rentrée  dans  Plaifance. 

On  diftingue  cette  paroiffe  en  deux  parties  principales ,  qui  font  Plaifance  ou 
le  Haut  Plaifance  ,  &  Pilate  ou  le  Bas  Plaifance.  La  première  ,  qui  comprend 
la  partie  Orientale  jufqu'au  morne  à  Miel ,  a  pour  fubdivifion  Plaifance  pro- 
'■  prement  dit ,  la  Trouble  ,  la  Grande-Rivière  ,  le  Mapou  ,  le  Bœuf-Blanc  ,  la 
Provence  &  la  ravine  Champagne.  La  féconde  eft  une  gorge  très-ouverte  for- 
mée dans  la  partie  Occidentale  de  la  paroiffe  ,  d'un  côté  par  la  "chaîne  qui  fépare 
celle-ci  de  la  paroiffe  des  Gonaï/es  ,  &  de  l'autre  côté  par  les  montao-nes  qui. 
féparent  la  paroiffe  de  Plaifance  de  celles  du  Borgne  &  du  Port-Margot.  Elle  fe 
partage  en  Pilate  proprement  dit,  en  Ravine  à  Baudin  ,  en  Piment  &  en 
rivière  La  Porte. 

La  culture  des  premiers  Colons  français  de  Plaifance  ,  a  été  l'indigo ,  indé- 
pendamment de  ce  que  cette  denrée  jouiffait  alors  d'une  forte  de  faveur ,  elle 
était  plus  analogue  qu'aucune  autre  à  la  pofition  du  lieu  ,  par  la  facilité  de  la 
tranfporter  au  Cap  où  elle  devait  être  vendue.  Comme  tout  était  encore  ^grefte 
a  Plaifance ,  on  n'y  cultivait  même  que  l'indigo  fauvage  ou  bâtard ,  &  ces 
Colons  fimples  &  heureux,  trouvant  dans  la  chaffe  &  la  pêche  des  reffources 
journalières ,  voyaient  croître  la  plante  qu'ih  ignoraient  alors  que  les  infectes  . 
attaqueraient  un  jour  comme  l'indigo  franc. 

Plaifance  avait  une  exiftence  qui  n'annonçaient  rien  de  brillant,  quoiqu'on 
y  vit  quelques  Colons  riches ,  lorfqu'en  1770  pluficurs  nouveaux  habltans  y  pa- 
rurent &  y  firent  des  défrichemens  confidérables.  La  culture  des  deux  indigos 
s'y  multiplia  ,  mais  bientôt  celle  du  cafier  la  remplaça  dans  plufieurs  points , 
&  des  forets  entières  furent  abatraes  ,  pour  céder  leur  place  à  i'arbufte  qui 
fembie  s'être  approprié  toutes  les  montagnes  de  la  Colonie.  Examinons  Plaifance 
dans  fes  différens  cantons,  tels  qu'ils  font  à  préfent. 

'  Celui  appelé  Plaifance,  d'une  manière  plus  particulière,  va  depuis  le  peint  où 
eft  le  baffm  de  la  Trouble  jufqu'au  morne    à    Miel  où  le  Pilate  con-mence.  , 


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656      DESCRIPTION     D  S     LA    PARTIE 

C'ell  dans  im  de  ces  pai  .:s  qui'X  l'églile  ,  &  dans  vin  autre  ,  plus  à  l'Efr  d'en-, 
viron  3,000  toifes ,  fe  trouve  ce  qu'on  appelé  le  bourg  de  Plaifance ,  c'eft-à-dire, 
une  douzaine  de  maifons ,  d'auberges  ou  de  cabarets  Se  le  logement  de  la 
marécbauiTife.  La  terre  de  ce  canton  eft  réputée  d'autant  meilleure ,  qu'elle 
s'éloigne  davantage  de  la  coupe  qui  conduit  au  Limbe  &  qu'elle  gagne  la  partie 
baffe  du  baiTin=  C'eil  un  mélange  d'argile ,  de  fable  &  de  limon, 

La  Trouble,  qv.i  eft  le  canton  le  plus  Sud-Eft  de  la  paroiffe  ^  a  pour  bornes, 
une  partie  de  la  Marmelade  ,  l'Iflet-à-Corxîe  ,  qui  dépend  du  Limbe  ;  le  cantoa 
de  Plaifance  &  celui  de  la  Grande  -  Rivière.  L'argile  domine  dans  la  partie 
inférieure.  Les  eaux  y  ftagnent  &  la  terre  y  eft  gercée  durant  les  féchereffes  ^ 
tandis  que  dans  les  hauteurs  qui  le  bordent ,  eaux ,  fol  3  température,  tout  eft 
propice  aux  légumes  &  aux  cafiers  ;  miais  en  général  ce  canton  ,  par  des  alter- 
natives de  féchercffe  &  d'humidité  ,  éprouve  la  fanté  de  fes  habitans  &  les 
africains  s'y  acclimatent  avec  difficulté. 

La  Grande- Rivière  eft  bornée  vers  le  Sud  ,  par  la  rivière  connue  fous  lo 
nom  de  Grande-Rivière  des  Gonaïves  ;  à  i'Eft  ,  par  la  Marmelade  ;  au  Nord^ 
par  le  canton  de  la  Trouble  ,  &  à  l'Oueft  ,  par  celui  du  Mapou.  Il  eft  fort  avan- 
tageufement  établi. 

Le  Mapou  ,  dont  on  n'a  connu  la  valeur  que  depuis  environ  vingt-cinq  àa&  ^ 
donne  maintenant  une  immenfe  quantité  de  café   Se  il  mérite  fa  réputation. 

Le  Bœuf-Blanc  fuit  le  Mapou  dans  I'Eft. 

La  Provence  eft  dans  le  Nord  ,  oppofée  au  Mapou  &  touchant  au  Limbe. 

La  ravine  à  Champagne ,  qui  fuit  la  Provence  dans  l'Oueft  &  qui  touche 
au  Limbe  &  au  Port-Margot ,  a  un  fol  très-varié  ,  &  où  s'offre  le  contrafte 
d'un  terrain  fécond  avec  un  champ  argileux.  M.  Stollenverk  a  imaginé  d'y 
employer  les  patates  comme  un  engrais ,  &  de  fuperbes  cafiers  font  l'éloge 
de  cette  idée. 

Dans  la  féconde  partie  de  la  paroiffe  de  Plaifance,  le  Pilate,  proprement 
dit ,  offre  un  beau  baffm  que  l'indigo  a  un  peu  épuifé.  Les  collines  nourriflent 
de  beaux  cafiers. 

Le  Piment ,  l'un  des  cantons  qu'on  ait  le  plus  établi  à  Plaifance  ,  n'a  pu  obtenir 
cette  préférence  que  du  voifinage  de  l'embarcadère^  du  Port-Margot ,  puifque  les 
vlciffitudes  des  faifons  s'y  font  fentir  d'une  manière  défavorable.  Elles  font 
même  regretter  le  féjour  d'un  lieu  où  des  eaux  limpides  &  falubres,  des  bois 

propres 


3^ 


.    \ 


FRANÇAISE    DE     S  A  I  N  T-DO  M  î  N  G  U  E.      ^57 

propres  à  la  bâtifrr&  des  pierres  calcaires  ,  offrent  de  grands  avantages.  On  ne 
conçoit  pas  comment  ce  canton  eft  de  la  paroiffe  de  Plaifânce ,  avec  lequd 
il  n'a  &  ne  fâurait  avoir  aucun  rapport,  tz  point  de  celle  du  Post-Margot  » 
dont  fa  feule  pofition  dit  qu'il  doit  faire  partie, 

La  rivière  la  Perte.  Ce  canton  n'a  guères  été  formé  que  poftérieurement  à 
1750,  comme  celui  du  Piment,  Il  efl  très-arofé.  Ses  parties  élevées  vers  le 
Gros-Morne  font  calcaires ,  le  bois  y  eft  commun  &  ,  à  quelques  exceptions 
près,  le  cafàer  s'y  plaît.    La   température  en   eft  très-fraîche. 

Enfin  on  peut  comparer  plufieurs  parties  élevées  du  canton  de  la  ravine  à 
Baudin ,  à  celles  du  Mapou, 

La   paroifle   de  Plaifance   compte  32   indigoteries ,  toutes  dans  la  partie  plane 
&  dont  le  produit  peut   être  évalué  à  35   ou  40  milliers  d'indigo.   Ce  revenu 
était  prefque  double   lorfqu'on    cukivait   l'indigo    bâtard.    Les    180   cafeteries 
donnent   environ  trois  millions  de  café.    Avec  des  bras  ,  cette  quantité  pourrait 
être  augmentée   d'un  tiers.    Toute  la   paroiffe  n'eft  cependant  pas   également 
propre  à   infpirer    cette    confiance.    Par    exemple,    la   montagne    qui   fépare 
Plaifance  de   la   Marmelade    &  des   Gonaïvcs  &  qui  forme  une  pente  douce, 
a,  dans   fa   face  Orientale  ,  un  fol   qui  la  csmmande  prefque.   La  terre  y  eft, 
dans  une  longueur  d'environ  fix  lieues ,  alternativement   noire   &   rouge  ,  afîèz 
forte  ,   mais  nêlge  de   pierres  calcaires  ou  roches  à  ravets   qui'  empêchent  les 
dégradations  des  pluies   &  confervent  une   fraîcheur  propice.    Le  refte  de  la 
.montagne ,  malgré  la  fécondité  qu'elle  promet  d'abord ,   a  des    pierres  vitri- 
fiables  &  quelquefois  du  tuf.    On  jouit    fur    cette    chaîne    d'une   température 
qui  femble   appartenir  à  un  printems  perpétuel,    &  à  cette  fenfation  déhcieufe 
fe   mêle  un  plaifir  bien   vif,    lorfqu'on   y   trouve,   comme  dans   le  haut  de 
l'habitadon  de  M.   le  chevalier  Puiiboreau ,  qui  eft   cependant  de  la  paroifle 
de   la  Marmelade ,   des  fruits  &  des  fleurs  qui   rappelent  la  France.  Mais  dans 
la  montagne  qui  confine   au   Limbe,  une   terre   rouge  &  forte  &  le  manque 
de  pierres  calcaires,    défendent  de   la  compter    comme   propre  à  prolonger 
îong-tems  les   fuccès  du  cafier. 

Les  produftions  de  Plaifance  font  ducs  à  une  population  d'environ  600  blancs , 
530  afiranchis  &  6,600  efclaves. 

L'humidité  du  lieu  ,  qui  ferait  contraire  au  cotonnier ,  8c  qui  eft  un  avan-. 
tage  pour  le  cafier  &  l'indigo,   favorife  aufîi   les  vivres  du  pays.    Toutes  les 


'Via 


•/W%\r^tià'YA3^^'\  .  V*.- 


é5S      DESCRIPTION     DE      LA     PARTIE 

efpèces  y  réuflliTent  :  bananiers  ,  tayos  ou  malangas ,  manioc  ,  ignames  ,  patates  y 
ma'is,  riz  ,  pois  ,  &c.  ;  &  dans  les  années  de  féchereffes  les  paroiffes  des  GonaiVea 
5c  du  Grcs-Morne  5^  reçoivent  de  celle  de  Plaifance  d'abondans  fccours,&: 
dans  tous  les  cas  l'excédent  de  Piaiiance  eft  utile  à  la  confommation  du  Cap. 
Les  graines  de  jardinage,  l'artichaut,  y  ont  un  fol  propice;  le  pommier  de 
France  y  égayé  la  vue  fans  être  propre  à  flatter  le  goût,  &:  la  vigne  em- 
bellit  aufTi  quelquefois  une   tonnelle  ,   quoique  fon   fruit   fait   âpre. 

Les  cannes  à  fucre  ,  que  MM.  Chailieau  ont  plantées  fur  leurs  habitations  , 
■prouvent  que  le  baffin  de  Plaifance  pourrait  permettre  un  ctabliiîèment  de 
iucrerie. 

On  trouve  encore  du  bois  a  Plaifance  ,  malgré  tout  celui  que  les  cafétérias  lui 
font  facrifier  chaque  jour.  Le  courbaril,  improprement  appelé' par  quelques-uns, 
bois  palmifte ,  le  cèdre  ou  acajou  franc,  le  bois  major,  le  brefiilet,  l'aman- 
dier à  petites  feuilles  ,  le  bois  favane  ,  l'acoma  jaune ,  forment ,  avec  plufieurs 
autres  ,  la  clalTe  des  bois  qu'on  appelé  incorruptibles.  Celle  des  bois  excellens 
à  employer  à  couvert  ,  eft  encore  plus  nombreufe.  L'acajou  bâtard  ou  meuble, 
y  eft  loin   d'égaler  en  beauté  celui   des    Gonaïves. 

La  fimple  obfervation  fuiîit   pour  prouver   que  la  partie    minéralogique  de 
piaiiance  eft  très  -  curieufc.   Plufieurs  îuiffeaux  y  roulent  des  paillettes  d'or  ; 
l'on  attribue  à  une  mine   de  ce  métal ,  le  nom  de  ravine  de  la   Mine ,  que 
porte  un   courant  d'eau  dans   la  montagne  adoiïee  au  Limbe.   Oa  affure  aufïï 
qu'on   en  a   vu  de   cuivre    &   il  n'y  a  aucun    doute   fur   l'exiftence  de  celles 
de  fer.  Plaifance    offre  partout   des  granits  -,   le  jaipe   8c  le  pôrphire  de  toutes- 
les  nuances  &   de  h  beauté  la    plus  vantée  ,   rr^ê.ne   chez   les  anciens ,   font 
dans  fes  montignes ,  furtout  vers  la  rivière  la  Porte.  Les  ophites  y  font  com- 
munes aulîi.  S:   elles  expliquent  comment    l'on   trouve  dans   plufieurs  points 
des  pierres  ou  haches    indiennes ,    que  ks  naturels  devaient  à  cette   fubftance 
pierreufe.  On  rencontre  auffi  de  leurs  vafes  de   terre  cuite  &  de  leurs   uflen- 
files.    M.  I.ouet,   en  faifant  fouiller  fur   fon   terrain,    y  trouva   en    1727  un 
vafe  d'argile    cuite    en  forme    d'urne    avec    fon  couvercle.    Ce   fut  avec  une 
extrême  furprife  qu'en  le  découvrant,  on  trouva  une  tête  d'homme   coupée 
au  raz  des  épaules.    Sa  forme  &  la  nature   des  cheveux ,  dont  elle  était  en- 
core   couverte ,  ne   permettaient  pas    de  douter   que    ce  ne  fut   celle    d'un 
jïalheîircux  ïrwiien. 


•il 
il 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.        659 

On  trouve   aufll  dans  les  montagnes  des   coquilUges   marins. 

Plaifance  eft  principalement  arrofé  par  trois  grandes  ravines  ou  petites  ri- 
vières. Elles  ont  leurs  fources ,  vers  le  Sud-Efl  ,  dans  la  montagne  qui  fépare 
cette  paroifTe  de  celle  de  la  Marmelade.  La  plus  Septentrionale  s'appele  k 
Trouble,  comme  le  canton  qu'elle  traverfe.  La  plus  Occidentale  donne  fon 
nom  au  canton  de  la  Grande-Rivière  ;  la  rivière  la  Graix  eft  entr'elles  deux. 
Elles  fc  réuniflènt  à  environ  une  lieue  &  demie  du  pied  de  la  montagne  au 
baffin  de  la  Trouble ,  &  deviennent  les  Trois  -  Rivières  :  dénomination  que 
cbnfervent  leurs  eaux  mêlées ,  en  traverfant  le  refte  du  canton  de  Plaifance 
&  le  Gros-Morne  jufqu'au  Port-de-Paix  oij  eft  leur  embouchure  à  la  mer, 
après  avoir  parcouru  environ  trente-cinq  lieues  depuis  Plaifance  ,  en  comptant 
les  finuofités, 

La  rivière  des  Trois-Rivières ,  qui  charrie  partout  les  pierres  calcaires  de 
fon  lit,  reçoit  toutes  les  eaux  de  la  parolffe  de  Plaifance  avant  d'arriver  aw 
morne  la  Porte ,  où  elle  entre  dans  celle  du  Gros-Morne,  par  le  canton  du  boucan 
Richard.  Les  principales  ravines  qui  s'y  jettent  font,  vers  le  Sud,  celles  du 
Mapou  ,  du  Bœuf-Blanc  &  à  Baudin;  vers  le  Nord,  celles  du  boucan  Champagne , 
dû  Margot  &  du  Piment j  vers  l'Oueft  ,  eft  la  rivière  la  Porte,  ainfi  appelée 
parce  qu'un  peu  au-deflbus  de  fon  confluent  avec  les  Trois-Rivières ,  celle- 
ci  ,  refferrée  entre  deux  gros  rochers ,  paffe  dans  l'intervalle  que  ceux-ci  laifTen^t 
entr'eux,  &  qu'on  a  nommée  Porte.  Leg  aïo  pieds  de  hauteur  perpendi- 
culaire de  ces  rochers  ;  le  bruit  des  eaux  roulant  en  cafcades  ;  le  bafîln  profond 
qu'elles  forment  au-deffous  &  le  fentiment  de  froid  qu'elles  produifent  par 
ieur  grande  agitation  ,  qui  en  réduit  une  portion  en  état  de  vapeurs ,  tout  faitd-e  ce 
paffage  un  fite  qui  porte  un  earaftère  que  la  nature  feule  fait  donner  ,  & 
qui  infpire  une  forte  d'horreur.  On  eft  même  affez  déterminé  par  fon  a^^eél 
I.  nippofer  que  ce  paffage  a  été  produit  par  quelque  fecoufîe  violente. 

-Lçs  rivières  de  Plaifance  n'ailéchent  jamais  ;  les  pluies  y  font  trop  abon- 
dantes pour  qu'on  puifTe  y  éprouver  cet  inconvénient.  On  évalue  à  80  pouces 
d'eau  le  terme  moyen  de  celles-ci  annuellement  ;  mais  ,  même  à  Plaifance , 
îa  quantité  de  pluie   va  en  dtcroifiant. 

C'eft,  d'une  part,  à  ces  pluies  &  au  volume  d'eau  qu'elles  produifent,  & 
de  l'autre  part,  à  la  conformation  de  la  partie  plane  de  Plaifance,  qu'il  faut 
attribuer  un  phénomène   de  c^tte  partie,  '  . 

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€6o      DESCRIPTIONDË    LA    PARTIE 

Prefque  chaque  jour  un  brouillard  plus  ou  moins  épais ,  plus  ou  moins  humide  , 
plus  ou  moins  élevé,  couvre  cetce  iurface.  Quelquefois  il  eft  formé  avant  l'aurore; 
d'autrefois  il  ne  devient  fenfiblc  qu'avec  elle  &  même  qu'après  ;  tantôt  l'ob- 
fervateur ,  qui  eil  fur  un  point  des  chaînes  qui  dominent ,  l'apperçoit  comme  une 
mer  d'oij  s'élèvent  çà  &  là  des  monticules  qu'on  pourrait  confidérer  comme 
autant  de  petites  îles  ;  tantôt  il  n'eft  compofé  que  de  pelotons  féparés  ,  ou  de 
longs  filions  qui  occupent  des  hauteurs  différentes  ,  ou  de  filons  qui  indiquent 
la  direftion  &  les  dimenfions  de  chaque  gorge.  Il  efb  des  jours  où  fa  blan- 
cheur eft  celle  de  la  neige  ;  d'autres  jours  il  a  une  nuance  terne  ;  une  fois 
il  dérobe  la  vue  des  objets  les  pkis  voifins  ,  une  autre  fois  il  ne  cache  que 
ceux  qui  font  à  une  certaine  diftance.  Sa  bafe  eft  le  plus  fouvent  à  terre 
même ,  mais  par  fois  auffi  il  laiffe  entr'elle  &  lui ,  un  intervalle  marquée 
C'eil  d'ordinaire  dans  la  direction  de  l'Eft  à  l'Oueft  qu'il  s'étend,  mais 
il  en  prend   auffi  qui  diffèrent  de  celle-là. 

Les  Colons  trouvent  dans  ce  phénomène  météorologique,  un  baromètre  qu'ils 
croyent  fur.  Si  le  brouillard  fe  diffipe  infenfîblement ,  il  promet  une  belle 
foirée  j  s'il  s'élève,  la  pluie   eft   prochaine. 

Dans  la  faifon  pluvieufe  k  brouillard  fe  montre  peu  dans  le  fond  ,  &  il 
s'empare  des  hauteurs;  &  même,  depuis  que  les  défrichés  fe  font  multi- 
pliés dans  celles-ci ,  il  femble  aller  chercher  plus  haut  les  forêts  qui  lui  offrent 
leur  paifible  afile:  enfin  entre  huit  &  neuf  heures  du  matin,,  ce  voile  aériea 
difparaît   tout- à-fait. 

Le  fite  de  Plaifance  eft  montagneux  dans  fa  plus  grande  partie  &  d'autant 
plus  frais  ,  que  miême  fa  portion  plane  eft  fort  au-deffus  du  niveau  de  la  mer.. 
Le  thermomètre  de  Réaumur  a  25  degrés  4  po^r  maximum  dans  ce  fond 
&  à  la  cime  des  monts  il  ne  va  qu'à  22.  En  général  la  température  eft  plus 
chaude  dans  les  points  qui  avolfment  cette  paroifTe ,  même  de  3  ou  4  degrés. 
Cette  différence  pourrait  être  prife  pour  l'yne  des  caufes  de  la  condenfation 
des  vapeurs,  fur  un  point  très-arrofé ,  d'autant  qu'il  n'y  a  point  de  brouillard 
lorfque  le  vent  règne  pendant  la  nuit. 

Il  n'eft  pas  extrêm,ement  rare  de  voir  le  thermomètre  defcendre  en  peu 
d'heures  ,  même  de  7  ou  8  degrés ,  dans  les  points  les  plus  élevés  des  chaînes' 
jqui  bordent  Plaifance.  On  y  éprouve  alors  ce  que  le  Gontrafte  veut  qu'on 
appelé  un  grand  froid,  quoique  le  therp^omëtre  marque  encore  14  ou  15.  degrés* 


^ 


'FRANÇAISE   DE   SAINT-DOMINGUE.        66i 

"Les  ophtalmies  font  affez  communes  à  Plaifance,  quand  il  y  a  régné,  des 
Tents  de  Sud  -  Oueft  ,  qui  ont  traverfé  la  paroifîe  féche  des  Gonaïves.  Les 
•cantons  argileux  font  un  domaiae  pour  les  fièvres  quand  les  années  font 
pluvieufes. 

Dans  les  deux  mois  de  Novembre  &  de  Décembre  1786,  on  a  refîenti.à 
Plaifance  quatre  fecouffes   de  tremblement  de  terre  venant  du  Nord-Oueft. 

Il  efl  tems  que  j'envifage  Plaifance  dans  le  rapport  que  j'ai  exprimé  en 
•commençant  fa  defcription  &  qui  le  rend  fi  intéreflanî. 

Lorfqu'on  commença  à  y  former  des  établiffemens ,  ils  ne  fe  trouvèrent 
pas ,  comme  dans  les  autres  paroilTes  qui  font  plus  à  l'Eft  dans  la  plaine  dvi 
Cap ,  l'effet  d'une  extention  de  culture  gagnant  de  proche  en  proche ,  mais 
abfolument  féparés  de  tout  le  refte  ;  cette  partie  n'avait  donc  aucun  che- 
min. J'ai  dit  que  les  feuls  fentiers  où  pafTaient  des  chafTeurs  en  tinrent  d'abord 
lieu,  mais  ce  n'était  encore  que  pour  aller  vers  le  Port-Margot,  point  d'oij 
étaient  venus  les  premiers  habitans  de  Plaifance.  On  ne  pouvait  pas ,  de  toutes 
les  fituations ,  trouver  ce  point  de  fortie  également  commode ,  &  pendanc 
la  guerre  le  befoin  d'aller  au   Cap  en  fit  défirer  un  autre. 

On  prit  encore  les  chafTeurs  pour  guides  &  l'on  arriva  avec  des  fatigues 
cruelles  jufqu'à  la  Grande  ravine  du  Limbe.  Plaifance  n'ayant  cette  ifTue  que 
pour  fa  propre  commodité  ,  il  était  réduit  à  la  rendre  praticable  avecfes  feules 
forces  &  cela  n'amenait  que  des  efforts  peu  fruftueux» 

Cependant  les  habitans  trouvant  tous  plus  d'avantages  à  aller  au  Cap  qu'au 
Port-de-Paix  j  une  déclaration  du  roi  du  16  Juin  1740,  prefcrivit  la  diflrac- 
tion  de  la  paroilTe  de  Plaifance  &  du  Pilate  de  la  Sénéchauffée  du  Port-de- 
Paix  ,  dont  elle  avait  dépendu  depuis  fa  formation  ,  pour  la  donner  à  la  Séné- 
chauffée du  Cap.  Plaifance  relia  cependant  encore  du  commandement  militaire 
du  Port-de-Paix ,  mais  un  ordre  du  roi  du  a6  Oftobre  1746  ,  l'a  réuni  encore 
au  Cap  fous  ce  rapport.  Ce  fut,  pour  ainfi  dire,  à-  cette  dernière  époque, 
que  M.  de  Vaudreuil ,  gouverneur  de  la  Partie  du  Nord ,  conçut  l'idée  de 
faire  communiquer  cette  partie  &  celle  de  l'Oucft  par  Plaifance ,  &  au  mois 
de  Septembre  1750,  fans  même  attendre  les  ordres  des  Adminiftrateurs  -  gé- 
•n'éraux,  il  fit  travailler  les  nègres  des  diverfes  paroiffes  environnantes  au  chemin 
depuis  le  bas  de  la  coupe  de  Plaifance  dans  le  Limbe ,  jufqu'au  bas  de 
celle  des  Gonaïves  dans  cette  dernière  paroiiT^;  mêm.e.   Ce  travail  fut  conduit 


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662      D  E  s  C  R  I  P  T  î  O  N     D  E     L  A    P  A  R  T  I  E 

avec  tant  d'aftivité,  qu'au  mois  de  Septembre  1751  ,  M.  de  Vaudreuil  alla 
par  ce  chemin  ,  du  Cap  aux  Gonaïves ,  &  dès  lors  les  Français  n'eurent  plus 
befoin ,  pour  aller  du  Cap  au  Port-au-Prince ,  d'emprunter  un  paffage  fur  le 
territoire  efpagnol.  Par  une  conféquence  de  cette  entreprife,  Plaifance ,  que 
eette  route  faiiait  traverfer  continuelle  m. ent,  vit  accroître  fea  établiffemens, 

M.  de  Beîzunce,  tout  occupé  de  camps,  de  communications  &  de  défenfè 
intérieure,  ne  trouvant  pas  ce  chemin  propre  à  fes  vues ,  en  chercha  un  autre 
&  fit  un  trucé  auquel  on  fie  penfa  plus  à  caufe  de  la  paix  de  1763,  &.  de 
ia  mort  de  ce  général. 

En   1773,  les  clameurs   fe  fàifant  entendre  de  toute  part,  contre  le  mau- 
vais état  du  chemin  de  la  coupe  de  Plaifance,  devenu  en  quelque  forte  impraticable 
M.  de  Vallière  ordonna  qu'on  prit  des  mefures  efficaces  pour  en  faire  un  folide. 
Pn  y   travailla   &  les  habitans  de   Plaifance ,  particulièrem.ent ,  prouvèrent  par- 
leur zèle  ,  qu'ils  en  fentaient  la  néceffité. 

Vingt-cinq  ans  plutôt  on  ne  concevait  mên^e    pas  l'efpérance  de  pratiquer 
dans  un  pareil  maffif  de  montagnes ,  une   route  durable  &  commode ,  &  dès 
qu'on  eut  celle-ci,  le  défir  de  paflèr  du  Nord  à  l'Oueft  ,  en  voiture,   s'éveilla. 
Il  fallait  pour  cela  trouver  furtout  une   ifîue   de   Plaifance   vers  les  Gonaïves 
&  ce  fut  vers  ce   but  que  les  obfervatlons   fe    dirigèrent. 

M.  de  Reynaud  pendant  le  court  intérim  qu'il  remplit ,  à  la  mort  de  M, 
de  Vallière  en  1775  ,  fit  faire  des  recherches ,  mais  on  n'eut  que  des  idées  vagues, 
La  guerre  de  1778  créant  des  befoins ,  on  reprit  l'idée  de  la  communication 
par  Plaifance,  &  l'année  fuivante  ,  M.  Louis  Dumefnil ,  habitant  &  arpenteur  de 
cette  paroifife  ,  fit  lever  le  plan  d'un  chemin  qui ,  prenant  dans  la  plaine  de  Plai- 
fance ,  gagnait  les  Gonaïves  par  la  ravine  Sèche.  M.  du  Moufceau  en  fit  mémQ 
une  vérification  que  fuivit  une  opinion  favorable  3  le  23  Novembre  1779. 

La  mort  de  M.  d'Argout  ayant  donné,  au  mois  d'Avril  1780  ,  un  nouvel 
intérim  à  M.  Reynaud  qui  était  devenu  lieutenant  au  gouvernement-général ,  il 
chargea  M.  de  Manfuy,  ingénieur  &  aide-maréchal  -  général  -  des  -  logis,  de 
s'occuper  effentiellcment  d'efFeduer  un  chemin  de  voiture  entre  les  deux  Parties 
du  Nord  &  du  Sud.  M.  de  Manfuy  ,  l'un  des  ingénieurs-géographes  envoyés 
dans  la  Colonie  ,  en  1764,   pour  en  faire  le  plan  topographique  (*)  ,  encore  aide 


C)  Ce  plan  n'a  jamais  été  achevé  j  à  caufe  de  la  mort  de  pkiieurs  ingénieurs. 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE.     66^ 

des  connaiflances  locales  de  plufieurs  habitans  &c  notamment  de  celles  de  M» 
Ballon  ,  capitaine  des  milices  à  Plai lance  ;  après  avoir  jugé  que  le  chemia 
propofé  par  M.  Dumefnil  ,  ne  pouvait  pas  en  être  un  de  voiture  ,  traça,  avant  le 
mois  d'Août  1780,  une  nouvelle  route  connue  fous  le  nom  de  communicatiori 
de  la  Brande. 

'  A  la  même  époque  j  M.  Marfan  ,  voyer  de  Plaifance  ,  propofa  à  M.  de 
Reynaud  un  chemin  qu'il  difait  préférable  Se  qui  paflait  dans  la  partie  la  plus  baffe 
de  la  chaîne  de  montagnes  qui  fépare  Plaifance  d'avec  le  Limbe ,  le  Port-Margot 
&  le  Borgne ,  &  qui  eft  la  première  chaîne  du  Cibao.  De  cette  coupe  jufqu'au 
morne  la  Porte  ,  M.  Marfan  comptait  deux  lieues  -,  de  là  à  la  coupe  à  Jofeph  on 
paffe  le  chemin  de  voiture  du  Cap  au  Port-Margot ,  une  lieue  un  quart ,  &  de  ce 
dernier  terme  au  bourg  du  Limbe  environ  une  lieue ,  ce  qui  ne  faifait  que  quatre 
lieues  de  la  limite  du  Gros-Morne  au  Limbe. 

De  fon  côté  ,  M.  Dumefnil  réclamait  en  faveur  de  fon  projet  de  la  ravine 
Sèche  ,  M.  de  Manfuy  reçut  donc  de  M.  de  Reynaud  ,  l'ordre  de  faire  une  vifitc 
exa6le  de  ce  dernier  &  d'en  marquer  les  inconvéniens.  Il  en  dreffa  un  procès- 
verbal  le  10  Septembre  1780  ,  fans  néanmoins  manquer  de  dire  qu'il  fallait 
entretenir  le  chemin  tel  qu'il  exiftait  déjà  ,  ainfi  que  celui  des  orangers ,  parce 
que  des  circonftances  particulières  pouvaient  rendre  utiles  ces  diverfes  iffues. 
MM.  de  Reynaud  &,  Le  BrafTeur  prefcrivirent  l'ouverture  du  chemin  de  la 
Brande  &  on  y  mit  les  ouvriers  le  a  Janvier  178 1.  C'étaient  75  foldats  du  régi- 
ment du  Port-au-Prince  &  60  du  régiment  du  Cap  ,  cent  nègres  de  l'atelier  du 
foi ,  cent  de  la  paroiffe  de  Plaifance  &  cent  de  celle  des  Gonaïves  ;  la  paroiffe  du 
Gros-Morne  devant  travailler  au  chemin  fur  fon  territoire.  Le  14  Avril  fuivant  , 
M.  de  Reynaud  parcourut  à  cheval  toute  la  route  accompagné  de  trente-deux 
perfonnes  que  cet  événement  avaient  attirées. 

MM.  de  Reynaud  &  Le  Braffeur  avaient  rendu  compte  au  miniftre  ,  îe  i". 
Décembre  1780,  de  ce  qu'ils  avaient  ordonné,  &le  miniilre  dont  tous  les  alentours 
n'étaient  pas  favorables  ,  furtout  au  premier  de  ces  deux  Adminiftrateurs 
répondit,  le  17  Février  1781  , que  l'on  s'était  trop  preffé  &  que  les  corvées 
étaient  bien  onéreufes  aux  habitans.  Des  lettres  particulières  ayant  publié  cette 
cfpèce  de  défapprobation  3  on  crut  le  moment  propice  pour  reparler  des  projets 
autres  que  celui  de  la  Brande  qu'on  regardait  comme  profcrir. 

M.  de  Reynaud  enjoignit  alors  à  M,  d'Anteville  j  capitaine  au  corps  royal  du 


il 

ê 


664.      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

génie,  d'aller  vificer  toutes  les  coTiaïaaications  p^îTibles  du  Nord  à  l'Oueft  , 
&  d'en  rendre  un  compte  par  écrit.  Ce  compte  détaillé  Sr  daté  du  2,7  Mai  17S1  , 
était  favorable  au  chemin  par  la  Brande  ;  mais  l'intérim  de  M.  de  ReynauJ  ayant 
fini  à  Ton  départ  pour  France  ,  à  la  fin  du  mois  de  Juillet  178 1  ,  tout  ce  qu'il 
avait  voulu,  fijr  facriné  à  des  reffentimens  p^rfonnels ,  &  un  chemin  de  voiture 
dont  on  érait  au  moment  de  jouir ,  fut  abandonné  comme  une  entreprife  ati 
moins  inutile.  On  y  gagna  cependant  ce  que  cet  infatigable  Adminiftnteur  avaig-' 
fait  faire  pour  adoucir  le  chemin  de  la  coupe  de  Piaifance  &  les  foins  qu'il  avait 
fait  donner  fous  la  direftlon  de  M.  de  Grandmont,  commandant  de  la  paroifle 
des  Gonaïves ,  à  celui  de  la  coupe  des  Gonaïves  ou  des  Orangers,  pour  Iç 
rendre  moins  mauvais. 

Six  nouvelles  années  s'étaient  écoulées  depuis,  lorfqu'une  circonftan  ce  difficile 
à  prévoir,  ed  venu  produire  ce  que  40  ans  de  recherches  ,  de  projets  ,  de  plan? 
&  d'efîais  n'avaient  pu  procurer  à  h  Colonie.  Je  veux  parler  de  la  réunion  des 
deux  Confeils  du  Cap  &  du  Port-au-Prince  qui,  en  obligeant  les  habitans  dç 
la  riche  Parcie  du  Nord  à  franchir  les  monts  qui  femblaient  les  fép-irer  de 
celle  de  l'Oueft  ,  pour  aller  folliciter  la  juftice  dans  cette  dernière  ville  ,  a 
voulu  impérieufement  qu'on  fit  une  route  de  voiture  ,  dont  le  préambule  de 
l'édit  de  réunion  fuppofe  même  l'exiftence.  MM.  de  la  Luzerne  &  de  Marbois 
y  ont  fait  travailler ,  d'après  leur  ordonnance  du  13  Novem.bre  1787,  &  on 
l'achève  en  ce  moment  ;  de  manière  qu'on  peut  déformais  aller  en  voiture 
de  la  Partie  du  Nor4  dans  celle  de  l'Oueft.  MM.  du  Chillau  &  de  Marbois 
viennnent  même  ,  par  une  ordonnance  du  28  Mai  1789  ,  d'autorifer  un  établif- 
fement  de  carioles  ,  réuni  à  la  fermée  de  la  pofte  aux  lettres  ,  pour  tranfporter 
les  voyageurs  du  Cap  au  Port-au-Prince  &  réciproquement ,  en  payant  396 
livres  par  perfonne ,  &  même  jufqu'à   Léogane, 

Jettons  maintenant  un  coup-d'œil  fur  tous  les  moyens  de  communication 
de  la  paroifTe  de  Piaifance. 

La  Partie  du  Nord  &  celle  de  l'Oueft  ont  pour  féparation  naturelle  la  pre- 
mière chaîne  du  Cibao  ,  qui  court  en  fe  prolongeant  vers  le  Môle  Saint-Nicolas, 
&  depuis  1750  ,  que  M.  de  Vaudreuil  a  voulu  qu'une  communication  entre  ces 
deux  parties  fut  entièrement  fur  le  territoire  français,  c'eft  toujours  Piaifance  qu'on 
^  conftamment  reconnu  pour  le  point  oij  cette  chaîne  devait  être  franchie. 

^n  effet  la  feule  chaîne  qui  fépare  Piaifance  des  Gonaïves  ofire  une  pofitioi;^ 

centrale  ^ 


FRANÇAISE    DE    S  A  I  N  T  -  D  p  M  I  N  G  U  E.      $6s 

centrale ,  d'oîj  les  fecours  peuvent  être  égalemcRt  portés  dans  tous  les  points 
de  la  Partie  du  Nord ,  depuis  la  baie  de  Mancenille  jufqu'à  Jean-Rabel ,  & 
dans  tous  ceux  de  la  Partie  de  l'Oueft,  depuis  les  Gonaïves  jufqu'au  Grand- 
Goave  &  â  Jacmcl ,  &  de  celle-ci  dans  la  totalité  de  la  Partie  du  Sud.  Cette 
chaîne  eft ,  par  une  conféquence  néceflàire  de  fa  fltuation ,  un  centre  qui ,  en 
définitif,  pourrait  être  celui  de  la  retraite  de  tous  les  points  que  l'ennemi  attirait 
forcés ,  &  un  rempart  contre  les  tentatives  qu'il  voudrait  faire  contre  l'une  ou 
l'autre  des  deux  Parties  du  Nord  ou  de  l'Oueft,  fi  l'une  des  deux  était  déjà 
envahie.  A  un  pareil  éloignement  de  fe?  vaiflèaux  ,  avec  la  néceffité  d'une 
marche  auffi  longue  &  femée  d'autant  d'obftacles ,  il  eft  plus  que  probable  que 
^'attaquant  harcelé  par  des  troupes  légères  &  ayant  à  combattre  le  climat,  ne 
ferait  que  d'impuifllins  efforts. 

Avec  cette  vue  défenfive ,  il  faut  une  route  propre  aux  tranfports  de  tous  les 
genres,  a^ix  gros  bagages,  &  c'eft  ce  qui  rend  fi  importante  celle  que  l'on  a 


afluré  aux  voitures  de   trait  &  de  charoi.  Elle 


en  outre  ,  l'objet  important 


d'aflfurer  le  tranfport  des  denrées  des  Gonaïves ,  &  même  d'une  partie  de  la 
plaine  de  l'Artibonite ,  d'oîî  l'on  eft  obligé  de  les  envoyer  au  Cap  pendant  la 
guerre ,  &  de  tirer  de  cette  ville  les  provifions  d'Europe  &  les  objets  néceflàires 
â  l'exploitation. 

J'ai  parlé,  dans  la  Dcfcription  du  Limbe,  de  cette  route  jufqu'au  point  où 
elle  parvient  à  la  cime  de  la  coupe  de  Plaifance,  depuis  la  Grande  ravine  du 
Limbe-  De  ce  point  elle  va  trouver,  à  environ  3,000  toifes,  ce  qu'on  nomme 
le  bourg  de  Plaifance ,  oij  eft  la  rencontre  du  chemin  qui  va  au  Gros-Morne. 
De  ce  bourg ,  connu  aufli  fous  le  nom  de  carrefour  de  Plaifance ,  elle  fait  700 
toifes  pour  traverfer  les  Trois-Rivières.  De  ce  point  des  Trois-Rivières  à  celui 
où  elle  trouve  la  ravine  des  Orangers,  elle  fait  2,200  toifes,  &  c'eft  dans  cet 
intervalle  qu'eft  l'embranchement  du  chemin  de  cheval,  qui  va,  par  le  canton 
de  la  Trouble,  à  la  Marmelade  &  au  Dondon.  Les  2,900  toifes  dont  je  viens 
de  faire  mention  ,  parcourues  dans  la  partie  plane  de  Plaifance ,  font  communes 
à  l'ancienne  route  de  Vaudreuil ,  mais  avec  une  largeur  &  une  foîidité  qu'elle 
.-n'avait  pas  auparavant.  De  la  ravine  des  Orangers ,  la  route  fait  4,555  toifes 
pour  aller,  avec  une  pente  d'environ  4  pouces  par  toife,  chercher  fur  la  pre- 
mière chaîne  Li  crête  à  Puilboreau ,  point  qui  eft  dans  cette  partie  la  limite  de 
■Plaifance  avec  les  Gonaïves ,  celle  de  la  Sénéchauffée  du  Cap  &  de  celle  de 
Tme  I,  P  p  p  p  ^ 


> 


i(>e      DESCRIPTION    DE    LA    PARTIE 

Saint-Marc  ,  &  autrefois  du  Confeil  fupérieur  du  Cap  &  de  celui  du  Port-au- 
Prince  ,  point  dont  on  peut  évaluer  la  hauteur  à  environ  400  toifes  au-deflus  da 
niveau  de  la   mer. 

•  C'eft  de  cette  mê.-ne  chaîne  ,  &:  aux  confins  de  Plaifance ,  de  la  Marmelade 
&  des  Gonaïves  ,  que  l'œil  peut  fe  promener  fur  la  plus  riche  portion  de  la 
Plaine  du  Cap  ,  &  aller  faifir  la  Grange  ,  dans  la  direftion  de  l'Eft-Nord-Efl-  ^ 
à  environ  vingt-fix  lieues  de  diftance.  Il  peut  parcourir  encore  les  montagnes 
cultivées  qui  bordent  cette  plaine ,  &  comparer  cet  afpeiSl  gai  &c  varié  à  celui 
des  portions  prefque  défertes  des  poiïeffions  efpagnoles  qu'il  découvre  au  Sud- 
Eft,  &  avec  lefquelles  Plaifance  lui  offre,  dans  le  Nord,  un  contrafte  de  plus. 

Je  reviendrai  au  chemin  de  voiture  dont  on  doit  la  direélion  &  l'achèvement 
au  zèle  &  aux  talens  de  M.  de  Vincent ,  ingénieur  ,  en  décrivant  la  paroiffe 
des  Gonaïves  ,  aux  confins  de  laquelle  je  le  laiffe.  J'ajouterai  feulement  qu^il  a 
été  fait  par  entreprife  ,  &  que  les  divers  habitans  qui  en  ont  fait  exécuter  des 
portions ,  alnfi  que  les  foldats  des  réglmens  du  Cap  &  du  Port-au-Prince  qu'on 
y  a  employés ,  ont  été  payés  par  la  caiffe  publique, 

La  route  par  la  ravine  Sèche ,  &  qui  eft  celle  dont  M.  Dumefnil  voulait  qu'on 
fit  le  chemin  de  voiture  ,  vient  aufli  du  carrefour  de  Plaifance  ,  mais  vers 
l'extrémité  de  la  plaine  elle  coupe  plus  à  l'Eft  que  le  chemin  des  Orangers  pour 
aller  atteindre  un  point  de  la  coupe  des  Gonaïves ,  far  l'habitation  Saint- Amand, 
après  avoir  fait  5,855  toifes  depuis  le  carrefour.  Il  a  l'inconvénient  de  parcourir 
des  contreforts  trcs-multipliés  de  la  grande  chaîne  ,  de  fuivre  pendant  S  ou  900 
toifes  une  ravine  remplie  de  pierres,  de  galets  &  de  gravois ,  auxquels  une 
argile  blanche  a  formé  un  glutin  durci ,  &  d'avoir ,  quoique  féche  dans  les 
tems  ordinaires  comme  le  dit  fon  nom  ,  beaucoup  d'eau  dans  les  orages.  Ce 
dernier  effet  provient  de  ce  qu'elle  eft  formée  par  une  patte  d'oie  de  ravines 
qui  aboutiffent  toutes  à  fa  tête  &  qui  defcendent  de  mornes  efcarpés  par  cafcade.v 
D'ailleurs  cette  route  exigeant  un  long  travail,  des  mines,  ces  obftacles  ont 
iemblé  plus  faits  pour  arrêter  que  les  2  Heues  -i  qu'a  de  plus  la  route  qui  a  été 
ouverte  aux  voitures-,  tandis  que  l'autre  eft  reftée  praticable  aux  chevaux  & 
pour  l'utilité  des  habitans  de  fon  voifinage  ,  foit  de  la  Grande-Rivière  ,  des- 
Gonaïves ,  foit  des  gorges  de  la  Motte  ,  du  Dos-d'Ane  ,  &c. 

Le   troifième  chemin  eft  celui  des   Orangers  ,   ainfi   appelé    parce  qu'il  fuit: 
long-tems  une  ravins  de  ce  nom.  C'eft  celui  qu'on  doit  à  M.  de  VaudreuiLj. 


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^ 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      667 

&  conféquemment  le  plus  ancien  de  tous,  puifgy avant  lui  Plaifance  ne  commu- 
niquait point  avec  les  Gonaïves.  Il  eft  plus  à  l'Oueft  que  celui  de  la  ravine  Sèche. 
il  a,  en  commun  avec  la  grande  route  royale  de  chaifes,  2,900  toifes,  comme  je  l'ai 
dé>  dit ,  puis  il  fait  1,975  toifes  pour  aller  du  paffage  de  la  ravine  des  Orangers, 
gagner  la  coupe  des  Gonaïves  fur  l'habitation  Bernard,  portion  dans  laquelle  il 
n'eft  plus  qu'un  chemin  de  cheval ,  avec  une  pente  de  4  pouces  par  roife.  Prefque 
au  fommet  de  cette  coupe  ,  limite  des  deux  paroiiTes  ,  mais  du  côté  de  Plaisance , 
on  trouve  une  efpèce  de  réfervoir  naturel ,  fans  iffue.  Il  a  environ  60  pieds  en 
carré  &  iç  de  profondeur.  Les  pluies  ou  les  féchereffes  n'ont  aucune  influence 
fenfible  fur  le  volume  de  feseaux. 

Un  quatriè  ne  chemin  eft  celui  de  la  Brande  ,  qui  eft  reftc  aufll  une  fimple 
route  pour  le  cheval.  Il  part  également  du  carrefour  de  Plaifance  ,  à  800  toifes 
duquel  il  commence  à  côtoyer  la  rive  droite  des  Trois-Rivières,  &  va  vers  l'églife 
puis  il  parvient  au  penchant  du  morne  à  Miel,  qui  fépare  Plaifance  du  Pilate ,  & 
ayant  parcouru  4,700  toifes  depuis  le  carrefour. 

"  A  750  toifes  du  morne  à  Miel,  le  chemin  traverfe  à  la  paffe  laBoulayes, 
&  cette  feule  fois ,  les  Trois-Rivières ,  dont  il  prend  alors  la  rive  gauche  juf- 
qu'au  morne  la  Porte  ,  n'ayant  g^êres  que  deux  ou  trois  pouces  de  pente  par 
toife  depuis  le  carrefour  ;  il  franchit  le  morne  la  Porte  à  4  pouces  par  toife  & 
parvient  à  la  limite  du  Pilate  avec  le  boucan  Richard,  dépendant  de  la  paroiffe 
du  Gros-Morne  ,  après  avoir  fait  4,300  toifes  depuis  le  morne  à  Miel. 

Du  point  commun  au  boucan  Richard  &  au  Pilate,  il  fait  2,600  toifes  pour 
gagner  la  crête  qui  fert  de  limite  entre  le  canton  du  Boucan  Richard  ,  du 
•Gros-Morne  ^  le  canton  de  la  Brande  aux  Gonaïves  ,  pour  de  là  aller ,  en 
fuivant  la  ravine  de  la  Brande ,  joindre  dans  les  Gonaïves  le  poteau  où  aboa- 
-tilTent  les  trois  autres  communications  dont  j'ai  rendu  compte  ,  en  faifant  encore- 
•10,500  toifes ,  ce  qui  complète  22,100  toifes  depuis  le  carrefour  de  Plaifance, 
On  a  reproché  à  cette-communication  la  difficulté  de  l'entretien  ,  s'il  était  rendu 
■propre   aux  voitures ,   &   d'être   trop   rapproché   des   parojfles   qui  en  avaient 

déjà  une.  ' 

Du  Pilate  on  peut  aller  ^au  Port-de-PaiK&  au  Port-au-Srince  par  le  Gros- 
Morne,'  Se  gagner'k  Cap  par  le  Port-Margot ,   le  Limbe,  &c.  .  . 

Le  canton  de  la  ravine  à  Champagne  a,  en  outre  ,  une  fortie  vers  le  Limbe 
direélement ,  &  une  troifième  vers  le  Margot,  mais  il  n'y  a  qu'un  befoin 
abfolu  qui  puiffe  déterminer  à  en  faire  ufage.  F  p  p  p  2 


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CRIPTION    DE     LA    PARTJE 

La  paroifè  de  Piaifance  eft  du  Quartier  du  Limbe,  de  k  Sé-néchaufTée  &  éf} 
commandeiBÇM  du  Cap.  EUe  a  pour  ta  police  ,  foo  commandant  de  «jiîjoes,  .U9 
fubftitut  du  procureur  dg  roi  du  Çap ,  &  depuis  une  ordonnance  dy  ij  Sep- 
tembre Î775  ,  une  maréchauflee  compofée  à  préfênt  d'un  exempt ,  4' un  briga,- 
dier  &  de  quatre  archers.  Sa  milice  peut  donner  150  individus,  dont  uu  pey 
plus  de  moitié  font  blancs. 

Le  Courrier  dm  Cap  au  Port-au-Prince  laiffe  &  prend  deux  fois  par  {èsjaiôÇ 
des  lettres  au  bureau  de  Plaifance  ,   qui  eft  l'une  des  msLiCçps  ,4u  ç^rçlpur. 

On  compte  de  l'églife  de  Plaifance  : 

A  celle  du  Borgne ,  ...     9  lieues.     A  celle  de  la  Marjnelaie,  .         .  i  i^tiS* 

-r^. Port- Margot ,         '  .         .7  ■— ^r-r  dea  Goaaives  ,  .  f^ 

"-=— ^-lirnbé  ,  ...     7  du  Çros-Mprije,  .  j 


i 


XVII. 

Paroisse  jjy  Port-M  A.B.-O.0  ■T. 

.  Nui  lieu  de  Saint-Domingue  ne  peut  k  difputer  en  ancienneté  au  PoFfe- 
Margct,  comm.e  écablifremenc  français,  fi  ee  n'eft  l'île  de  la  Tortue.  Cette 
dernière  devenu  le  féjour  des  Aventuriers  depuis  1630,  avait  en  eux  une  popu- 
lation mélangée  d'indivns  de  divers  lieux  d'Europe ,  augmentée ,  dans  la  mène 
année,  .de  français  expuHes  de  Saint-Chxiftophe  par  les  e^pagnol-s,  &  fi  leg 
Boucaniers  pafîaient  quelquefois  de  là  dans  l'île  Saint-Domingue  même ,  ils 
n'y  avaient  que  des  huttes  momentanées  qui  portaient  le  nom  de  Boucans. 

Quoique  les  Espagnols  euflènt  exterminé  prefque  tous  les  habitans  de  la 
Tortue  en  1638  ,  il  refta  cependant  une  quarantaine  de  françsis  difpdriés  fur  la 
côte  de  Saint-Domingue,  qui  voyant  que  cette  petite  aie -était  abandonnée  ,  y 
retournèrent  en  1679,  y  vivant  fans  chef  &  fans  que  pcrfonne  les  y  troublât. 
Mais  "VYilIis ,  capitaine  anglais  ,  ayant  enlevé  ,  fans  aucune  au torifation  ,  de  l'îlje 
<îc  Nieves  environ  trois  cens  de  fes  compatriotes ,  il  les  eonduifit  9  la  Tortue. 
Lts  français  accueillirent  ces  nouveaux  compagnons  &  ne  eeflaient  même  ,  depuip 
^atre  mois,  de  les  aider  de  toutes  leurs  reflbiofçes,  lorfque  l'ingrat  Wilîis  les 
ifit  défarraer ,  en  fit  maffuwer  une  partie  d§  iang-toid  &  4:nyoya  le  xt^  .d^jB» 
i'île  Saint-Domingue, 


"^ 


Française  desaïnt-domingue.     66^ 

Quelques-uns  de  ceux  çchapp's  à  tant  d'infortunes ,  allèrent  en  faire  le  récit 
au  Commandeur  de  Poincy,  gouverneur-général  pour  le  roi^  des  îles  de  l'Amé- 
rique,  dont  Saint-Chriftophe  était  alors  le  chef-lieu.  M.  de  Poincy  conçut  le 
projet  de  faire  fervir  cette  .circonflance  à  l'exéeution  d'un  parti  qui  lui  était  déjà 
pretrit  par  les  Seigneurs  de  la  Compagnie  des  Mes  de  l'Amérique  ,  formée  & 
protégée  parle  Cardinal  de  Richelieu,  alors  Grand-Maître,  Chef  &  Surinten-- 
dant'général  de  la  Navigation  &  Commerce  de  France. 

Un  omcier  de  marine  ,  compagnon  de  d'Enambuc  ,  premier  fondateur  des 
Antilles  françaifes ,  à  qui  fes  talens  &  fon  courage  avaient  fait  donner  le  com^ 
mandement  d'une  compagnie  à  Saint-Chriftophe ,  y  jouiflait  auprès  du  com- 
rnandeur  de  Poincy  d'une  confiance  méritée.  Mais  il  était  huguenot ,  chéri  de 
ceux  de  fa  croyance  dans  i'îie ,  &  cç  fut  aflcz  pour  le  dévouer  à  la  perfécu, 
tion.  Poincy  réfiftait  depuis  quelque  tems  ,  parce  que  le  Vaflèur  &  fes  adhcrens 
lui  étaient  néceflaires.  Enfin  il  crut  le  moment  favorable ,  &  il  ordonna  à  le 
Vaflèur  d'aller  croifer  dans  le  golfe  du  Mexique,  &  lui  remit  des  inftruflions 
relatives  à  Saint-Domingue  pour  le  cas  où  fa  croifière  ne  ferait  pas  fruftueufe. 

j:.e  Vaflèur  fe  mit  avec  ceux  que  leurs  opinions  religieufes  rendaient  fufpeéls 
comme  lui ,  dans  une  barque  que  M.  de  Poincy  avait  fait  acheter ,  &  ils  parti- 
rent pour  aller  fervir  une  patrie  qui  les  rejettait  de  fon  fein.  D'après  le  plan  de 
M.  de  Poincy,  ils  vinrent  aborder  dans  l'ÎIct  du  Port-Margot ,  qui  portait  déjà 
ce  noni  dont  l'origine  m'eft  inconnue. 

Ainfi  ce  petit  point  reçut  le  premier  chef  revêtu  d'un  pouvoir  vraiment  légai 
^  émané  médiatemcnt  du  Monarque.  Les  français  qui  les  fuivaicnt ,  ceux  qu'il 
trouva  fur  la  c^te ,  furent  réellement  dès-lors  des  erres  avoués  &  diriges  par 
l'autorité  qui  r^giâfait  la  natiog  entière  dont  ils  faifaient  partie. 

^  Pe  cetîlet ,  le  YaflTeur  allait  vifiter  Willis  qui  lui  rendait  la  pareille.  Les  anglais 
vivaient,  avec  les  nouveaux  français  de  leur  voifînage ,  dans  une  parfaite  har- 
monie ,  8c  même  les  deu»  chefs  étaient  convenus  que  des  français  mêlés  aux 
habitans  de  la  Tortue ,  feraient ^  cqmme  jls  le  défiraient  eux-mêmes,  affimilés 
iu}?  anglais ,  mais  cet  accprd  ne  fut  pas  de  Jqngije  durée.  WiHis  qui  avait  une 
jpopuîatipn  plus  grapde  d^ns  fo^  fie ,  y  défarm»  quelques  perfbnnes  venues  de 
i'Ikt,  il  fe  joua  des  plaintes  de  le  Vaffeiir ,  qui ,  laffé  û§  mm  d'infuke ,  débai?! 
qua  avec  quaraot^-neuf  hommes  feulemepf  à  la  'Torçqe ,  1?  31  Août  164g.  Ji 

U  WiHis  pirirQnnier ,  §?ero|)3ra  de  cg«çp(î|jtç ,%  ^ui ,  s^^^^^ni^  m  h^  m^m 


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I 


670 


DESCRIPTION     DE     LA    PARTIE 


partis  pour  l'île   Sainte-Catherine,  devint,  à  cet  époque,  la  première  capitale 
de  la  Colonie  Françaife  de  Saint-Domingue. 

La  proximité  de  la  Tortue  fournit  l'occafion  d'un  établiiïement ,  &  dans  l'îlet 
&  dans  l'île  Saint-Domingue  au  point  qui  correfpondait  à  cet  îlet  ;  &  lorfque 
d'Ogeron  y  forma,  en  1665,  une  habitation  où  il  introduifit  la  culture  du 
cacaoyer  en  1666.  On  comptait  une  centaine  de  français  dans  ce  lieu  &  environ 
foixante- fur  l'îlet.  Mais  la  préférence  qu'acquit  bientôt  après  le  Port-de-Paix  j 
ne  lailTa  plus  que  des  Boucaniers  au  Port-Margot  ,  &  ks  ravages  des  ennemis 
en  1695  lui  furent  très-funeftes. 

On  y  bâtit  cependant  u^ne  églife  alors ,  mais  elle  ne  tarda  pas  à  s'anéantir ,  Se 
lorfque  les  nouveaux  efforts  tentés  au  commencement  du  fiècle  aftuel ,  folt 
dans  l'Eit  du  Port-de-Paix,  foit  dans  l'Ouefl  du  Cap,  conduifirent  quelques 
Colons  jufqu'au  Port-Margot,  ils  dépendirent  de  la  paroifTe  de  l'Acul ,  puis 
ils  eurent  une  chapelle  fuccurfale  où  l'on  célébra  la  meffe  pour  la  première  fois 
le  21  Juillet  17  II.  Elle  était  au  bord  de  la  rivière  dans  un  endroit  qu'on  nom- 
moit  auparavant  Boucan  au  Figuier  au  père  l'Amande  ,  parce  qu'un  Boucanier 
de  ce  nom  y  avait  eu  fon  boucan  autrefois  ,  &  y  avait  planté  quelques  figuiers- 
bananes  qu'on  y  voyait  encore.  Cette  fuccurfale  était  elle-même  à  7  ou  800  pas 
plus  bas  que  l'églife  de  1695.  Le  temple  de  17 11  fut  confacré ,  par  un  vœu 
unanime,  à  Sainte-Marguerite, 

Les  débordemens  de  la  rivière  du  Port-Margot  expofant  la  maifon  du  Sei- 
gneur,  les  habitans  s'affemblèrent ,  le  6  Avril  1712,  à  la  plaine  du  Nord  fur 
l'habitation  de  M.  de  Ban  ère,  lieutenant  de  roi  du  Cap,  &  y  arrêtèrent  que 
cette  chapelle  ferait  mife  fur  la  pointe  du  morne  du  Corail.  Les  Adminiftra- 
teurs  confacrèrent  ce  vœu  &  autorisèrent  à  ne  rien  payer  à  l'églife  de  l'Acul, 
mais  à  préparer ,  par  une  taxe ,  le  moyen  d'en  faire  conftruire  une  convenable 
chez  eux-mêmes. 

On  comptait  alors  au  Port-Margot  80  hommes  portant  armes,  tous  indigo^ 
tiers  ou  chafleurs ,  &  qui  pafTaient  pour  très-courageux. 

La  paroifTe  faifait  peu  de  progrès  quoiqu'elle  eût  des  conceffionnaires  ,  parce 
que  les  conceffions  étaient  immenfes ,  &  M.  de  Charitte  vendit  à  lui  feul ,  en 
Ï716,  du  terrain  pour  quatre  grandes  habitations  4u  moin?.  Le  14  Septembre 
1717,  les  Adminiftrateurs  réunirent  tout  ce  qui  n'était  pas  défriché. 

Aujourd'hui  la  paroifTe  du   Port  -  Margot  a  8  fucreries ,   dont  4  avec  dç 


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ï?  RANG  AI  SE    DE     SAINT-DOMINGUE.      671 

înoulins  à  eau ,  15  indigoteries  ,  119  cafeteries ,  i  cacaoyère  ,  13  placcs-à- 
vivresj  38  habitations  incultes  faute  de  bras,  3  guildiveries  ,  3  entrepôts 
&    I  briqueterie. 

Sa  population  eft  de  2^^  blancs,    184  affranchis  &  5,500  efclaves. 

La  mer  borde  la  paroifle  du  Port-Margot  au  Nord  ;  le  Limbe  à  l'Efl:  ; 
Plaifance  au  Sud  &  le  Borgne  à  l'Oueft.  On  lui  donne  environ  9  lieues  de 
longueur  du  Nord  au  Sud,  &  environ  3   lieues   de  l'Efl   à  l'Oueft. 

La  paroiffe  du  Port-Margot  a  d'abord  pour  divifion  principale,  le  Port- 
Margot  &  le  Margot.  Le  Port-Margot  eft  une  efpèce  de  vallée  environnée 
â  l'Eft  ,  au  Sud  &c  à  1  Oueft  par  des  chaînes  de  montagnes.  Le  Margot,  qui 
eft  placé  au-deffus  du  Port  -  Margot  ,  n'a  guères  de  plane  que  le  point  où 
coule  la  rivière.  Les  montagnes  y  font  fort  élevées  &  ont  une  pente  affez 
rapide. 

Enfuite  le  Port  -  Margot  &  le  Margot  fe  fubdivifent  en  huit  cantons  que 
je  vais  parcourir  ,  &  dont  les  fept  derniers  ne  font  que  des  penchans  de 
montagnes  ou  des   montagnes  mêmes. 

Le  Bas  Cartier ,  comme  l'indique  le  mot  même  ,  eft-  la  partie  qui  touche 
à  la  mer.  Il  gagne  vers  le  Sud-Eft ,  en  rétréciffant  jufqu'au  bourg  appelé 
Grand  bourg ,  &:  il  eft  plane.  On  fubdivife  aufli  ce  canton  en  deux  parties 
qui  font ,   l'Embarcadère  &  la   Boularde. 

Le  Grand  Bourg ,  placé  à  environ  une  lieue  &  demie  dans  le  Sud  de 
l'Embarcadère,  a  42  maifons  toutes  numérotées;  c'eft  là  qu'eft  l'églife  aétuelle. 

Le  Bas  Cartier  a  fix  fucreries  qui  donnent  onze  cens  milliers  de  fucre 
blanc.  On  pourrait  en  placer  quatre  de  plus  qui  pourraient  en  produire  huit  cens 
milliers.  On  n'y  compte  plus  que  fix  indigoteries ,  parce  que  l'indigo  y  périt, 
&  trois  places-à-vivres.  Ce  canton  a  L  des  nègres  de  la  paroiffe  &  4-  de  fa 
furface.  Il  eft  le  plus  expofé  aux  débordemens  des  rivières  de  la  paroiffe  & 
fes  habitans  ont ,  dans  leur  lot  de  répartition  ,  l'entretien  de  la  coupe  à  Noé  , 
où  paffe  ,  dans  la  chaîne -qui  fépare  le  Port  -  Margot  du  Limbe,  le  grand 
chemin  du  Cap  au  Port-de-Paix. 

Le  Petit  Borgne  eft  placé  au  deffus  du  Bas  Quartier  ,  fans  s'étendre  comme 
lui  jufqu'à  l'Eft  de  la  paroiffe.  Il  n'a  qu'une  fucrerie  en  brut,  qui.  pourrait 
faire  trois  cens  milliers  de  fucre  blanc  ,  2  indigoteries,  15  cafeteries  &  2  places- 
à-vivres ,  y  de  la  furface  de  la  paroiffe  &c  -^  de   fes  efclaves. 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Le  canton  du  Corail  eft  fcparé  de  celui  du  Petit  Borgne ,  qu'il  fiirmontc , 
par  une  petite   chaîne  de    montagnes.  Il  renferme  5  indigoteries ,  24  cafeteries , 

I  cacaotière ,  3  places  -  à  -  vivres ,  -1-  de  la  furface  &  un  peu  plus  du  \-  des 
nègres  de  la  paroifTe, 

La  Grands  Plaine  ou  Plaine  à  V Anneau ,  eft  refpace  qui  eft  au  Sud  du  bourg 
&  qui  va  jufqu'au  fommet  de  la  montagne  qui  fépare  ce  canton  de  celui  du 
Margot.  Il  a  I  fucrerie,  i  indigoterie  ,  16  cafeteries'ç  3  places-à-vivres ,  i 
briqueterie ,  i  guildiverie ,  3  entrepôts  ,  -i  de  la  furface  &  4.  des  nègres.  C'eft 
dans  fon  étendue  qu'eft  une  réunion  de  quelques  maifons  formée  par  l'acquit 
fition  de  divers  petits  terrains  démembrés  d'une  habitation ,  &  à  laquelle  on  a 
donné  affez  improprement  le  nom  de  petit  Bourg.  Il  eft  à  environ  une  lieue 
&  demie   dans  l'Oueft-Sud-Oueft  du  grand  Bourg. 

Le  canton  du  Bras  Droit ,  tire  vers  l'Oueft.  Il  a  8  cafeteries  ,  ^  de  U 
furface  &  -J-^  des  nègres. 

Le  Bras  Gauche ,  contigu  au  précédent  j  a  15  cafeteries  &  2  places-à-vivres, 

II  occuppe  -^^  de  la  furface  de  la  paroifle  Se  environ  —    de  fes  nègres. 

Le  Margot ,  ({m.  t?i  dans  le  Sud-Oueft  ,  &  comme  enclavé  dans  la  paroifle 
de  Plaifance ,  compte  1  indigoterie  &  3 1  cafeteries ,  ^  de  la  furface  &  -j^ 
des  nègres. 

Enfin  le  boucan  Michel,  dont  la  majeure  partie  dépend  du  Borgne ,  qui  gagne 
vers  le  Nord-Oueft  ,  n'a  que  10  cafeteries  ,  -^  environ  de  la  fiirface  &  -rV 
des  nègres. 

Le  fol  de  la  paroifle  du  Port-Margot  eft  en  général  léger  &  pierreux.  II 
ne  donnait  autrefois  que  de  l'indigo  j  à  préfent  il  n'en  fait  guères  que  20  milliers, 
8t  le  produit  des  cafeteries  peut-être  évalué  à  environ  un  million  &  demi  de 
livres.  Les  vivres  y  font  bons  &  la  confommation  du  Cap  donne  une  utilité 
réelle  à  leur  culture. 

La  partie  plane  eft  arrofée  par  deux  rivières  &  par  une  fource  ;  cette  dernière 
eft  appelée  le  trou  Pétra.  Celle  appelée  du  Port-Margot ,  qui  parcourt  la  paroiflTe 
dans  le  fens  de  fa  longueur,  a,,  quoiqu'elle  tarifle  dans  plufieurs  points  durant  les 
grandes  féchercflès ,  des  débordemens  dont  les  ravages  s'exercent  dans  la  partie 
plane ,  mais  furtout  dans  le  bas  vers  la  mer.  Dans  cette  plaine ,  qui  paraît 
être  le  produit  de  fon  limon,  tout  parle  de  fes  effets  &  de  fes  irruptions. 
Elle  a  paffé  autrefois  par  le  trou  Pétra  &  elle  menace  encore  d'y  retourner 


I 


■^ 


F-'RANÇAISE    DESAÏNT-DOMINGUE.       673 

&  de  partager  le  grand  Bourg.  Sa  rapidité ,  qu'augmente  celle  des  torrens  dont  ■ 
elle  eft  gronie,la  rend  très-dangereufe  j  &  en  1722,  elle  caufa  une  grande 
■  inondation. 

Le.  9  Février  1764  ,  la  pluie  fut  fi  confidérabk  qu'en  moins  de  fix  heures 
coûtes  les  habitations  furent  inondées. 
•    -Dans  le  coup  de  vent  de  la  nuit  précédente,  la  goélette  la  Sainte-Barbe  du  Cap, 
•-.venant  du  Môle  chercher  de  la  chaux  auBorgne  ,  périt  furies  reffifs  vers  la  partie 
■~  Orientale  du  Port-Margot.   Ge  malheur  fut  commun-à  une  goélette  efpagnole 
allant  du  Cap  à  Cube  ,  à  une  pirogue. &  axi  paffager  du  Port- Margot. 
-     D'après  les  obiêrvations  ^faites  par  M.  Le  Gras  fur  l'habitation  de  M°^  fon 
époufej  il  y -a  eu  au  Port-Margot  : 

En   178 1,  un  coup  de  vent  le  5   Septembre,  un  tremblement  de  ttrre  le 
'6  Oftobre  &  93  jours  pluvieux. 
En  1782  ,  112  jours  pluvieux. 

En  1783  ,  146  jours  de  pluie  donnant  158  pouces  10  lignes  d'eau.  Les  rivières 
furent  débordées  depuis  le  l*^  jufqu'au  21  Novembre  &  elles  firent  d'incroyables^ 
ravages.  La  plus  grande  crue  d'eau  fut  le  6  ,  il  avait  fait  la  veille  une  avcrfe  pendant 
13  heures  fans  la  moindre  difcontinuation.  Il  y  eut  un  tremblement  de  terre  j  le 
30  Août. 

En  1784  ,  160  jours  pluvieux  donnant  123  pouces  d'eau.  Le  mois  de  Mars 
qui ,  d'ordinaire  ,  n'cft  pas  pluvieux ,  donna ,  à  lui  feul ,  20  pouces  6  lignes  en 
-î;5  jours. 

îl  faut  ajouter  à  ces  réfultats  trouvés  fur  une  habitation  au  centre  de  la  plaine, 
que  dans  les  points  qui  confinent  à  la  mer ,  la  quantité  de  pluie  eft  à  peu  près 
moindre  de  4.,  mais  que  dans  le  voifinage  des  -montagnes  ,   il  y  a  |-  de  plus. 

En  général ,  les  mois  les  plus  abondans  en  pluie  font  ceux  depuis  celui  d'AoÛ£ 
jufqu'à  celui  de  Janvier  inclufivement.  Il  y  a  dans  cet  intervalle  de  très-violens 


orages. 


Cependant  le  Port-Margot  n'eft  pas  toujours  préfervé  des  féchereffes  -,  il  en 
.fouffrit  aux  aïois  de  Mars  &  de  Mai  1781,  mais  il  en  fut  défolé  au  mois  de 
■  Mars  1786.,  ■   ' 

Malgré  des  pluies  auïïî  confidérables ,  on  ne  trouve  point  de  marais  dans  la 
plaine  du  Port-Margot  h  l'on  n'y  voit  que  rarement  des  bro\iill3rds.  On  y 
Terne     I.  0^9  ^  Q 


674        DESCRIPTION     DELAPARTIE 

voit  même  un  nombre  remarquable  de  vieillards.  Il  y  a  environ   15  ou  16  ans, 
qu'on  ya  vu  mourir  M-=.  Tcxier  ,   âgée  de  130  ans. 

Mais  avec  une  femblable  quantité  d'eau ,  les  chemins  du  Port-Margot  font 
prefque  toujours  mauvais.  Ceux  de  la  plaine  femblent  fe  détériorer  tous  Icsjours. 
Celui  qui  pafle  par  la  coupe  à  Jofeph  fituée  à  environ  700  toiles  dans  l'Eft  du 
petit  bourg  &  qui  eft  le  chemin  du  Cap  pour  les  trois  quarts  des  habitans  delà 
paroiffe ,  &  même  pour  plufieurs  habitans  de  divers  cantons  de  Plaifance  ,  tel  que 
le  Piîate  ,  la  rivière  la  Porte  &  le  Piment ,  &  pour  des  habitans  du  Gros-Morne 
&  du  Haut  du  Borgne  ,  eft  dans  un  état  qui  le  rend  dangereux. 

En  1772  ,  on  imagina  de  faire,  au  Port-Margot,  un  chemin  neuf  qui  a  coûté 
15,000  journées  de  nègres  &  qui  n'a  point  fervi.  Il  ferait  à  défirer  qu'on  les  eût 
employées  à  baifîer  cette  coupe  de  20  pieds  &  à  y  élargir  la  route.  La  coupe  à 
Ncé  par  laquelle  le  grand  chemin  de  voiture  venant  du  Cap  ,  entre  dans  cette 
paroiffe  en  quittant  celle  du  Lim.bé  ,  aurait  auffi  befoin  qu'on  l'adoucît  de  5  ou  6 
pieds  perpendiculaires  &  qu'on  Télargit  dans  plufieurs  endroits. 

Le  Port-Margot  n'a  pas  encore  un  véritable  embarcadère  quoiqu'il  y  ait  un  Heu 
de  ce  nom  depuis  le  commencement  du  fiècle  ,  c'eft  ce  qu'on  jugera  mieux  par 
ks  détails  que  je  vais  donner  fur  la  côte  de  cette  paroiffe.  ■ 

Elle  commence  à  la  pointe  Eft  de  i'anfe  du  Port-Margot.  A  160  toifes  dans 
-  le^  Nord-Nord -Oueft  de  cette  pointe  ,  eft  l'îlet  du  Port-Margot ,  auquel  le 
Vaffeur  donna  ,  par  reconnaiffance  ,  le  nom  de  Refuge  Si  qu'on  appelé  auffi  à  pré- 
itntVIjlei-à-CûènL  lia  540  toifes  de  long  fur  400  de  large  êc  les  hommes  â  qyi 
il  rappelé  l'époque  où  il  était  l'abri  de  quelques  proteftans  perfécutés  ,  au  courao-e 
defquels  on  doit  la  Colonie  Francaife  de  Saint-Dom.ingue  ,  ne  le  contemplent  pas 
fans  un  mouvement  d'admiration. 

A  environ  80  toifc3  dans  le  Nord-Nord-Oueft  de  Ulet  du  Port-Margot,  eft  la 
Prifon-d'Ogeron.  C'eft  un  rocher  ,  élevé  d'environ  15  à  20  pieds  ,  ayant  a  peu 
près  trente  toifes  dans  fa  plus  grande  longueur  qui  eft  de  TEftàrOueft.  Il  e§t 
cou-pé  à  pic  &  la  mer  y  brife  avec  violence.  Sa  furface  inégale  eft  chargée  d'afpé- 
rités  ,  le  tems  l'a  fiUoné  &  il  eft  entièrement  ftérile.-  C'eft  là,  fuivant  latradition^ 
que  d'Ogeron  envoyait  les  malfaiteurs  de  l'île  de  la  Tortue.  Il  eft  probable  qa'cn 
ks  y  laiffàit  avec  des  fers  ou  des  Uens  ,  puifque  fans  cela  ils  auraient  pu  nager  &  fe 
fauver  à  terre.  Ils  7  attendaient,  dit-on,  une  mort  dont  l'afpeft  était  bien  propre 


I 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      675  • 

a  exciter  le  défefpoir.  Ils  iTie  fembîe  qu'ils  devaient  regarder  comme  un  bonheur 
de  pouvoir  s'élancer  dans  l'eau  pour  y  trouver  une  fin  moins  hideufe. 

.  Si  ces  rapports  font  vrais  ,  il  n'efl  pas  aifé  de  trouver  une  excufe  à  un  fuppllce 
aufîi  atroce  ,  à  moins  que  l'imagination  des  Flibuftiers  ne  l'eût  conçu  elle-même  ^ 
comme  feule   capable   d'imprimer   la  crainte  à   des  hommes  de  leur  trem.pe. 
Par-tout  le  coeur  de  l'homme  fenfibie  eft  brifé  par  la  vue  ou  par  l'idée  de  quel- 
ques-uns de  fes  femblables  conjurés  contre  la  tranquillité  des  autres. 

De  la  pointe  Eft  de  î'anfe  du  Port-Margot  jufqu'à  fa  pointe  Oueft ,  nommée  le 
morne  des  Dames  ,  il  y  a  trois-quarts  de  lieue.  L'enfoncement  de  cette  anfe  eîl 
de  330  toifes. 

Auffitôt  qu'on  a  tourné  la  pointe  Orientale  de  I'anfe  ,  &  en  fe  dirigeant  au 
_Sud-Sud-Oueft  ,  on  trouve  un  eftcr  qui  mène  â  l'embarcadère  du  Port-Margot , 
où  il  y  a  14  maifons  ou  magafins  numérotés  d'après  l'ordonnance  du  20  Octobre 
1780.  En  1742,  il  n'y  avait  encore,  le  long  de  la  mer  3  qu'un  feul  habitant 
poflèfTcur  d'une  immenfe  étendue  &  fes  voifins  étaient  à  une  lieue  dans  les  terres.  . 
Une  vigie  fur  la  pointe  Eft  ,  avertifîait  l'embarcadère  de  ce  qui  paraiffait  fur  la 
côte.  M.  de  Vaudreuil  fit  faire  ,  en  1748  ,  à  cet  embarcadère  une  batterie ,  8c  6 
pièces  de  canon  le  protègent  encore  efficacement  en  ce  moment. 

Cet  embarcadère  devenant  de  plus  en  plus  précaire  par  les  fables  de  l'efter ,  les 
habitans  qui  follicitaient  depuis  25  ans  une  utile  réparation ,  obtinrent  de  M. 
d'Ennery  la  permiffion  d'y  travailler.  On  affure  qu'on  eut  le  crédit  de  lui  faire 
adopter  un  mauvj.is  projet  en  le  pirant  du  nom  de  M.  Duportal,  &;  14,000  jour- 
nées de  nègres  ,  &  183OOO  livres  d'argent,  n'ont  produit  qu'un  plus  mauvais 
embarcadère. 

Des  perfônnes  qu'on  regarde  comme  inftruites  ,  afîurent  qu'il  faudrait  faire,  un 
pe^  au-defîbus  du  canal  qui  fournit  l'eau  au  moulin  de  l'habitation  Bayeux ,  ua 
pilotis  de  pieux  de  bois  incorruptibles  frappés  à  refus  de  mouton  ,  de  manière 
à  faire  entrer  ,  à  volonté  ,  toute  l'eau  de  la  rivière  dans  ce  canal ,  à  la  tête  duquel 
orj  mettrait  une  éclufe  de  la  plus  grande  folidité  ,  afin  que  dans  les  débordemens , 
îa  totalité  de  l'eau  refiât  dans  la  rivière.  Dans  les  tems  ordinaires  elle  irait  du 
capal  dans  l'efter  oij  fon  volume  entraînerait  les  fables  que  le  vent  de  Nord-Oueft 
charrie  à  l'embouchure.  Ces  précautions  &  celle  de  couler  un  vieux  navire  dans 
le  Nord-Oueft  ,  achèveraient  de  rendre  l'embarcadère  sûr.  D'ailleurs  Md=.  de 
Bayeu.x  gagnant  dans  ce  projet  un  meilleur  moulin  &  un  moyen  d'embarquement 

Q^q  q  q  2 


Il 


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éj6-     DE  S  C  R  1  p  r  1  O  N    DEL  A^^  P^A  R  T  I  E 

de  ics  Rktss  chc7.  eîle-rr.êrae  ,  Son  habitation  pourrait  êtfe  chargée  de  J'tntretlea 
du  canal  jufqu'à  rembarcadère. 

Le  Pûrt-Margot-a  deux  paffagers  qui  font  les  tranlports  au  Cap.    Ce  païTage 
donnait  aufifc  2,850  lir.  par  an  ,  en  1752. 

Dans  l'anfe  du  Port-Margot  &  à  440  toifes  de  fa  pointe  Orientale,  cîl  une  autre 
petite  pointe  qui  partage  cette  anfe  en  deux  autres,  &  à  150  toifes  après  cette - 
petite  pointe  ,  eft  l'embouchure  aftueile  de  la  rivière  du  Port-Margot'  qui  porte - 
auffilc  nom  de  rivicre  du  Limon. 

Il  n'y  a  point  de  mouillage  païTable  dans  toute   l'anfe  du  Port-Margot ,   qu'er? 
dedans  de  l'ilet  du  Refuge,  parce  qu'on  y  efl  à  l'abri  des  Nords.   Les  groffes- • 
lames ,  les  ras  de  marée  battent  cette  côte. 

Le  morne  des  Dames  ou  à  Madame,  qui  fépare  l'anfe  du  Port- Margot  de  l'anfe  - 
à  Chouchou ,  eil  formé  par  une  demi-circonférence  d'environ  650  roifes  de  côtes 
de  fer  trés-élevées.  Depuis  la  pointe  Oueftde  ce  morne  jufqu'à  celle  Efl  del'ânlê  ■ 
à  Chouchou,  on  trouve  940  toifes  fur  environ  750  toifes  d'enfoncement. •  Cette 
anfe  eft  encore  plus  expofée  à  la  force  des  vents  de  Nord  que  la  précédente.  lî  ' 
n'y  aguères  que  des  barques  ou  cMoupes  qui  fréquentent  cette  partie  delà  côte~- 
avec  beaucoup  de  foins  pour  veiller  le  tems.  On  y  a  cependant  deux  canons  en 
batterie. 

Lé  morne  qui  fépare  l'anfe  à  Chouchou  de  la  baie  de  la  rivière  Salée  ,  préfente  ' 
tm  front  de  côtes  de  fer  de  335  toifes  dirigé  Eft  &  Oueft ,  ayant  fes  deux  côtes 
Nord  &-Sud  de  chacune  700  toifes  de  côtes  de  fer  auffi  &  également  très-élevées- 
au-deffus  de  la  mer.   L'ouverture  de   cette   baie  jufqu'à  la  pointe- du   Baril-de- 
Bœut ,  eft  de  438  toifes  fur  1,000  de  profondeur. 

Au  fond  de  cette  baie  ell  l'embouchure  de  la  rivière  Salée  ,  qm  efl  à  ce 
point  la  limite  de  la  paroifTe  du  Port-Margot  &  de  celle  du  Borgne,  &' l'endroit  ' 
où  le  chemin  du  Cap  au  Port-de-Paix  cefîè  d'être  praticable  aux  voitures. 
L'Embouchure  de  la  rivière  Salée  forme  un  lagon^  ou  efter  fpacîeux ,  de  9  à  10 
pieds  de  profondeur.  Le  mouillage  qui  eft  devant  cette  embouchure  fê  trouve 
abrite  du  Nord. 

On  trouva  dans  le  pilote  de  M.  de  Puyfégur  le  plan  de  l'Anfe  à  Chouchou-  -' 
&  de -la  baie  de  la  rivière  Salée.  Il  donne   pour   latitude  à  la  pointe  Eft  dtf- 
cette  première,  19  degiés  50  minutes  40  fcconcks,  &  pour  longitude  74  degr%- 
S&  minutes  ^5  fécondes.» 


iMte^ 


F  R:  A  N  Ç  A  ï  S  E    D  E    S  A  I  N  T^D  O  M  I  K  G  IJ  E. 


677 


Î.3  côte  de  la  paroiiîe'  du  Porc-Margot  court  dû  Slia-Eft-Vuart-d'Eft  dans  le 
Nord-Oueft-quart-d'Ouefl,  &  l^s^térresvues  de  laraer  ont  moins  d^eléVàtion  que 
dans  la  partie  qui  les  précède  depuis  la  baie  de  Mancenilîe. 

La  paroiffe  du  Port-Margot  eft  du  quartier  du  Limbe,  dd  commandement 
&de-  la  SénéchauiTée  du  Cap.  Cette  dernière  y  a  un  fubflitut  du  procureur 
du  roi. 

La  milite  du  Port-Margoteft  d'environ  120  individus,  dont  plus  des  deux 
tiers  font  blancs.   En  1688  elle  avait  la  moitié  de  ce  nombre. 

On  ne   peut   s'empêcher  ,   en   décrivant   le    Port- Margot ,   de  '  marquer  de' 
l'etonnement  de  ce  que  le  canton  du    Piment,    qu'on  a   donné  à  la  partie  de 
Plaifance,  n'appartienne   pas  à  la  première.  Trois  des  côtés  de  ce  canton  font 
du  Port-Margot;  il   n'a  point   de  chemin  pour  aller  à  Plaifance  ;  il   eft  d'^ux^ 
fois  plus    loin  de  l'églife  de   Plaifance  que  de  celle   du  Port-Margot-  iln'a' 
d'autre  débouché  que  l'embarcadère  du  Port-Margot,  qu'il  n'atteint^cependari» 
que  par  de  mauvais  fentiers  jufqu'à   ce  qu'il   foit  parvenu  dans  cette  dernière 
paroifTe,  dont  tous  les  rapports  religieux  &  civils  prefcriverit  de  le  faire  dépendre. 
On  compte  de  l'églife  du  Porc-Margot  à  celié  ciu  Limbe  ,         .         3  lieuesV 

——  •■ je  Plaifance ,     .         7 

— ■ du  Borgne  ,         .         7 

LaparoiiTe  du  Port-Margot  a  vu  mourir,  le  2  Novembre  1758  ,  fur  l'habita- 
tion   de    Mde.    fonépoufe,  devenue  fa  demeure  depuis  plufieurs    années'.  M.' 
François  Le  Gras,  né  à  Orléans  en  1719.  II  avait  fuivi  fon  père  qui  é^ait  venu 
habiter    Nantes ,    où    M.    Le     Gras  fut   élevé  chez  les   Oratoriens.    Privé  de 
fon  père ,  il   entra  dans  la  compagnie  des  cadets  de  Rochefort ,  qu'il    quitta 
pour  fui^^re  ,  à  l'âge  <le   feize  ans ,  ù  mère  dans  la  Colonie ,  où  elle  était  appelée 
par  les  intérêts  d'une  fœur.  DeVenu' procureur  de  l'habitation  Saint-Michel,  du   •' 
Quartier-Monn  ,  il  y  établit  une  '  adminiftration  fage  ,  &  la  '  preuve  qu'il  fentait 
l'importance  de  la  conduite  d'un  grand  atelier ,  c'eft  qu'il  cohçut  dès  lors  l'idée 
de  traiter  un^  jour  cette  queition  qu'il  avait  poiée  lui-même.  "  Quelle  ferait  la  ^ 
„  meilleure  éducation,   tant  au  phyfique   qu'au   moral,   à  donner  aux  enfans 
„  efclaves  pour  les  rendre  plus  piopres  aux   fervicés  que  dans   l'âge  viril  les 
„  maîtres  ont  droit  d'exiger  d'eux  ,   &  les  mettre  ' dans  le  cas,  en'^rendant  ces  ■ 
„  fervices,  de"  jouir  de' toute  h  fomme  dfe   bonheur  que  leur  éc.it  d'efcîavage 
3,  peut  comporter  ?  '' 


■  Avi 


vi 


^78       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

D'agriculteur  M.  Le  Gras  devini:  aiTelTeur  du  Confeil  du  Cap  en  1745, 
titulaire  en  1752,  &  procureur-général  en  1767. 

L'erdmc  publique  fut  le  partage  de  M.  Le  Gras  dans  ces  diverfes  parties  de 
I3,  magiitrature  coloniale.  Juge  intègre  &  éclairé ,  organe  de  la  loi  qu'il  voulait 
qu'on  reTpeftât  parce  qu'il  était  ami  de  l'ordre ,  M,  Le  Gra*.  avait  une  philo- 
fopkie  douce   qui  le  rendit  conciliateur  dans  des   circonftances   difficile?,  ■ 

Ayant  obtenu  des  lettres  de  nobkfîe  en  177J  &  un  brevet  de  confeiller  honoraire 
des  deux  Confeils  de  la  Colonie  en  1774  ,  M.  Le  Gras  redevint  agriculteur  ,  mais 
pour  goûter  les  douceurs  de  la  vie  champêtre ,  qui  étaient  fi  analogues  à  fes 
penchans  i  &  partageant  fes  loifirs  entre  les  foins  de  fa  propre  fucrerie  &  celle 
d^  M'*^-  Le  Gras,  ilpaflait  des  jours  doux  &  tranquilles.  En  1784;  un  phénomène 
nouveau  pour  Saint-Domingue  ,  celui  de  la  naiffance  de  la  Société  des  Sciences 
Sç  Arts  du  Cap ,  lui  offrit  une  jouiflance  de  plus.  Capable  d'en  appercevoir 
l'utilité  préfente  &  future,  il  lui  donna  1,600  liv.  pour  un  prix  dont  il  lui 
lalfîa  le  choix  ,  &  reçut  avec  fatisfaftion  le  titre  de  membre  honoraire  de  cette 
compagnie.  Il  s'occupait  d'obfervations  qu'il  comptait  lui  offrir  ,  lorfqu'il  a  vu 
finir  une  vie  dont  la  vertu  a  marqué  toutes  les  époques.  Son  éloge  a  été  prononcé 
le  I"-  Mai  1786,  dans  une  féance  publique  de  la  Soc.é'-é  par  M.  Baudry  Deflj- 
zières  ,  Se  applaudi  comme  un  jufte  hommage.  Une  partie  de  la  bibliothèque 
de  M,  Le  Gras ,  par  la  delïination  que  M.  fon  fils  lui  a  donné  ,  enrichit  celle 
^e  cette  Société, 

X  Y  I  TI. 
Paroisse     du     Borgne. 


En  1728  j  le  local  qui  forme  aftuellement  la  paroifTe  du  Borgne  &c  qu'oa 
appelait  le  grand  &  le  petit  Borgne,  avait  19  habitations  &c  125  nègres  travaillans. 
La  plupart  de  ces  établifTemens  étaient  des  corails,  Se  la  côte  était  l'afilc  où  des 
pêcheurs  de  tortue  &  de  çarret  fe  retiraient.  Comme  le  lieu  était  fort  pluvieux  > 
on  faifait  vers  la  mer  un  peu  d'indigo  ,  mais  plus  intérieurement  la  plante  pouffait 
rapidement  &  décroîffait  de  mê.Tie  fans  donner  de  fécule, 

Encore  en  1743  ,  le  Borgne  était  tellement  une  dépendance  de  la  paroiffe  du 
Petit-Saint-Louis,  que  les  habitans  n'obtinrent  qu'alors  une  chapelle  fuceurfalc. 


FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  I  N  G  U  E.       679 

où  le  père  Levantier ,  fupérieur  de  la  miffion  des  jéfuites  ,  célébra  la  première 
méfie,  le  i^'.  Septembre    1743. 

On  fit  un  curé  du  Borgne  du  père  Frontgous  ,  cordelier ,  le  29  Avril  1753  , 
mais  ce  lieu  ne  fut  réellement  une  paroifîe  que  le  13  Août  1754,  époque  où 
la  dédicace  de  fon  égliie  fut  faite  à  Saint-Charles-Sorromée ,  par  le  père  Cabady, 
jéfuite,  en  préfence  du  curé  que  je  viens  de  nommer. 

Les  limites  de  la  paroifîe  du  Borgne  font  maintenant ,  d'après  une  ordonnance 
'des  Adminiftrateurs  du  30  Août  1786  ,  au  Nord  ,  la  mer,  depuis  l'embouchure 
dé  la  rivière  Salée  jufqu'à  la  pointe  d'Icaque  j  à  l'Eft,  la  paroiffe  du  Port- 
Margot  par  la  chaîne  du  boucan  Michel  &  du  boucan  Tâche,  jufqu'à  la 
fource  de  la  rivière  Salée;  au  Sud,  la  paroifîe  de  Plaifance  ,  au  moyen  du  canton 
la  rivière  la  Porte ,  &  celle  du  Gros-Morne ,  par  le  canton  de  la  rivière  Manceî , 
&  à  rOueft ,  la  paroifîe  du  Petit-Saint-Louis  ,  en  venant  du  point  Sud-Oueft  de 
la  limite  avec  le  Gros-Morne  ,  gagner  le  piton  du  Genipayer  ,  puis  les  deux 
Fourchons  Se  de  là ,  fuivre  la  crête  qui  fe  termine  à  la  pointe  d'Icaque  ,  &  qti 
fépare  les  cantons  du  Sergent  &  du  Précipice,  du  bas  de  Sainte- Anne.  Le 
Borgne  a  donc  environ  6  lieues  du  Nord  au  Sud  s  fur  environ  5  lieues  de  l'Eft 
à  l'Oueft. 

Cette  paroifîe  eft  généralement  en  montagnes,' dont  la  plus  haute,  appelée  îe 
piton  du  Grand-Pierrot,  fitué  à  fa  limite  Sud-Oueft ,  eft  élevée  de  620  toifes 
au-deflus  du  niveau  de  la  mer.  De  fon  fommet  l'on  découvre  la  Grange ,  la 
Tortue  ,  la  Gonave  &,  par  une  gorge,  la  mer  au  port  à  l'Écu.  Il  y  a  néanmoins 
quelques  petites  portions  planes  le  long  de  la  rivière  du  Borgne,  mais  la  plus 
confidérable  n'a  guères  que  400  toifes  en  carré. 

Ses  cantons  font,  à  partir  de  la  limite  Nord-Eft ,  pour  aller  chercher  celle 
Nord-Oueft ,  en  contournant  la  paroifîe  ;  le  Margot ,  le  boucan  Michel  &  le 
boucan  Tâche  ,  nommé  d'après  un  ancien  boucanier  ;  ces  trois  cantons  toucheik 
s  la  paroifîe  du  Port-Margot.  Enfuite  vient  le  Trou  d'Enfer ,  que  fa  fituatiôn 
peut  avoir  fait  appeler  ainfî  &  dont  la  rivière  tombe  entre  deux  énormes  rochersj 
il  touche  au  Piment  &  à  la  rivière  la  Porte  ,  cantons  de  la  paroifîe  de  Plaifance, 
8c  à  celui  de  la  rivière  Manccl ,  du  Gros-Morhe.  Dans  un  des  points  communs  à 
te  dernier  canton ,  eft  une  montagne  à  deux  fommets  ,  qu'on  connaît  fous  îe 
nom  de  Bonnet  à  l'Évêque ,  &  qui  fait  découvrir  le  Borgne,  Plaifance,  le 
Gros-Morne  Se  les  Gonaïves> 


68o 


D  E  5  C  R  I  P  TION     DE     LA     PARTIE 


Après  vient,  la. Petite  rivière  qui  répond  i  l'Aqjl  dj  Gras-Morne,  comras 
le  boucan  Champagne  répond  au  Pendu  de  h  même  parolffei  enfin  la  Vallée 
^e.Jofaphat,  parce  que  ce  point  était  autrefois  comme  un  bout  du  monde» 
le  boucan  Mola  j  le  Sergent,  qui  répondait  à  la  paroifle  du  Petit^Saint-Louis 
comme  le  Précipice  ,  auquel  fon  nom  doit  être  venu  de  ce  que  fa  rivière  tombe 
de  rochers  en  rochers.  Le  canton  du  grand  Boucan  eft  dans  le  T.oifma^e  ^ç 
dans  le  Sud-5ud-Oue{l  du   nouveau  bourg. 

La  principale  rivière  qui  arrpfc  le  Borgne  en  porte  le  nom.  Elle  efl  fprmée 
par  la  rivière  du  Margot,  par  celle  jdu  Précipice,  celle  du  Sergent,  celle 
appelée  Petite  rivière ,  celle  du  Bras  Droit ,  celle  du  boucan  Tâche ,  celle 
du  Saut-d'eau  &  celle  du  boucan  Michel.  Le  Borgne  a ,  en  outre,  k  rivière 
de  Barre  qui,  après  un  cours  d'environ  une  lieue  &  demie  dans  le  Borgne, 
.ya  dans  la  paroiiTe  du  Petit-Saint-Louis  où  efl  fon  embouchure. 

Le  genre  de  culture  qui  convient  le  mieux  à  cette  paroiiTe,  efl, celle  du 
çafîer.  On  recueille,  année  commune,  environ  trois  millions  &  demi  pefant 
de  café.  Jl  efl  généralement  reconnu  que  le  café  du  Borgne  efl  fupérieur  à 
celui  de  tout  le  refle  de  h  Partie  du  Nord ,  &  il  efl  payé  un  ou  deux  fpus 
plus  cher  par  livre.  Les  vivres  de  tous  les  genres  y  viennent  très-bien ,  ainft 
que  les  légumes  &  les  plantes  potagères  originaires  d'Europe. 

En  I74i,le  Borgne  ne  comptait  que  763  individus,  &  à  préfent  il  a^ia 
blan^cs,  282  affranchis,  5,742  efclaves,  2  indigoteries  ,  ii7,cafeteries ,  32  places^ 
l-vivres,  2   hattesSc   i   chaufournerie. 

L'indigo  a  été  l'objet  des  foins  des  premiers  cultivateurs ,  mais  des  pluies 
trop  fréquentes  font  renoncer  à  cette  plante  ,  d'ailleurs  fujette  à  beaucoup  d'in- 
convéniens. 

Au  nombre  de  fes  établifTemens ,  le  Borgne  compte  aulTi  deux  bourgs.  L'un 
qui  efl  appelé  l'Embarcadère,  parce  que  c'eft  vraiment  fa  deflination,  eft  à 
très-peu  de  diflance  de  la  rive  droite  de  la  rivière  ,  8ç  s'étend  des  deu^i  côtés 
d'un  efler  nommé  h  SavaiU.  On  l'a  crée  le  8  Septembre  1754,  &  l'on  y 
voit  au)ourd'hui  une  quarantaine  de  maifons.  Il  efl  fur  le  terrain  acheté  des 
deniers  paroifTiaux  ,  le  23  Avril  1753  ,  de  Philippe  Porquin,  mulâtre  libre, 
pour  y  conftruire  l'églife ,  le  prefbytère  Se  ce  bourg. 

Mais  en   1774,  les  marguilliers  ont  été  autorifés  à  foliiciter  des  Adminiflra- 
^urs  le    tranfporc  &  la  reconflrudion  de  l'églife,    fur  un  terrain    donné  à  la 

paroifle 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      6Sx 

paroifîè,  avec  cette  deftination,  par  M.  Belet,  le  -23  Décembre  1742. 
.  Cette  églife  qui  eft  celle  aftuelle  a  été  bénie,  le  20  Avril  1777  ,  pai'le  père 
Colomban,  préfet  apoftolique  de  la  Partie  du  Nord,  M.  l'abbé  de  la  Porte 
étant  curé.  Elle  eft:  fur  la  rive  gauche  de  la  rivière ,  ainfi  que  le  bourg  au- 
quel elle  a  donné  lieu  &  qui  a  été  autorifé,  le  24  Septembre  1780  ,  après  de 
longs  débats  avec  les  propriétaires  des  maifons  de  l'ancien.  Ce  bourg  réunie  40 
blancs,  autant  d'affranchis    &  environ  80  efclaves. 

Le  Borgne ,  malgré  fon  éreftion  en  paroifTe ,  dépendait  pour  tous  les  autres 
rapports  du  Port-de-Paix.  L'ordonnance  des  milices,  du  1".  Avril  1768,1e 
plaça  néanmoins  dans  le  Quartier  du  Limbe  ;  &  une  déclaration  du  roi  du 
21  Juin  1774,  l'a  diftrait  de  la  Sénéchaufîee  du  Port-de-Paix  ,  pour  le  donner 
à  celle  du   Cap. 

On  trouve  au  Borgne  plufieurs  communications.  La  principale  eft  celle  du 
Cap  au  Port-de-Paix  ,  qui  va  y  chercher  le  chemin  prefqu'abandonné  des  Côtes 
de  fer  qui  fuit  la  direétion  du  rivage  ,  ou  la  gorge  étroite  &  tortueufc  du 
Bas  de  Sainte-Anne  qui  pafTe  dans  le  Sud  des  montagnes  des  Côtes  de  fer. 

Il  y  a  aufli  un  chemin  pour  venir  des  hauteurs  gagner  l'églife  &  aller  à  l'em- 
barcadère dont  fe  fervent  auffi  des  habitans  de  la  rivière  la  Porte  Se  du  Piment  , 
quoique  renfermés  dans  les  limites  de   la  paroiffe  de   Plaifance. 

C'eft  fur  la  gauche,  &  à  toucher  le  chemin  en  allant  de  l'églife  aduelle  à 
l'embarcadère  &  à  environ  cinq  quarts  de  lieue  de  la  mer ,  qu'efl ,  fur  un  lieu 
nommé  la  Grande  Colline,  fur  l'habitati'.  n  Gazin  ,  au  flanc  des  Côtes  de  fer, 
une  caverne  découverte   en  efcarpart  ce  chemin   dans    le    roc. 

Cette  caverne  eft  divifée  en  fept  voûtes  ou  grottes  qui  varient  dans  leurs 
dimenfions.  La  première,  quoique  la  moins  confidérable  ,  pourrait  contenir  au 
moins  cent  perfonnes.  On  y  trouve  des  offemens  humains,  des  fétiches,  des 
priapes  de  grandeur  naturelle,  &  des  fragmens  de  la  vaiffelle  des  naturels 
avec  des  moulures  (  1  ). 

(  I  )  M.  Arthaudj  Médecin  du  Roi  au  Cap  ,  de  qui  je  tiens  une  partiede  ces  détails  depuis  17,83 
&  qui  les  a  fait  imprimer  en  1788  dans  le  premier  volume  des  Mémoires  de  la  Société  Royale  des 
Sciences  &  Arts  du  Cap;  a  donné  à  M.  Grandclas,  Médecin  à  Paris,  une  taffe  de  terre  noire 
X)rnée  de  moulures  ,  qu'il  avait  prife  dans  cette  caverne  en  1777  ,  époque  où  pour  la  première  fois 
elle  fut  vifuée  dans  fon  entier  par  lui  &  par  quelques  autres  curieux ,  au  nombre  defqueb  était 
M-  l'Abbé  de  la  Porte. 

Tome  I,  R  r  r  r 


682      DESCRIPTION    DE      LA    PARTIE 

Au  fond  de  la  p;emlère  voûre  efl  une  ouverture  de  trois  pieds  de  haut  fur  aâ- 
tant  de  large  ,  d'o5  l'on  fent  qu'il  vient  un  vent  aflez  fort,  &  d'où  l'on  apper-- 
çoit  une  efpèce  de  gouirre  ;  mais  en  fe  traînant  on  trouve  fur  la  droite  de  cette 
ouverture  un  paffage  qui  mène  à  une  grotte  immenfe  percée  à  fa  voûte , 
ayant  des  niches  dans  le  roc,  &  fuivie  de  cinq  autres.  Dans  la  dernière  font  des 
rochers  entafiës  &:  entraînés,  au  moyen  de  quelques  trous  du  haut  répondant  au 
revers  de  la  montagne  ,  par  le  torrent  qui ,  vraifem'olabîement ,  parcourt  toute  la 
caverne  &  aboutit  au  gouffre  voifm  de  la  première  grotte.  Des  colonnes  des 
pyramides  renverfées  ,  des  chapiteaux ,  des  entonnoirs ,  des  ftalaftites  de  toutes 
les  dimenfions  &  de  toutes  ks  formes,  garniffent  cet  immenfe  intérieur  qui  a 
quelque  chofe  de  fombre  &  de  fait  pour  attrifter.  Cet  effet  fem.ble  augmenter 
encore  par  la  lueur  incertaine  des  flambeaux  fans  lefquels  on  ne  pourrait  pas  s'y 
diriger ,  Se  qu'éteignent  quelquefois  des  légions  de  chauve-fouris.  A  cette  fen- 
fation  fe  mtle  un  mouvement  produit  p:ir  un  enfemble  auquel  on  trouve  quelque 
chofe  de  majefLueux  ,  &  enfin  l'ame  eflr  oppreffée  lorfqu'on  fonge  que  ce  vafte 
fouterrain  a  peut-être  été  le  dernier  refuge  d'un  grand  nombre  de  ces  Indiens 
dévoués  â  la  mort  par  la  cupidité  efpagnole. 

.  On  remarque  auffi  au  Borgne  un  étang  falé  qui  fe  trouve  fur  l'habitation  Thi- 
baud  ,  à  mi-côte  au  moins  de  la  rivière  Salée,  8c  à  environ  120  pieds  au-deffus 
du  niveau  de  la  mer.  On  affure  qu'on  y  a  pris  du  poiffon  de  mer ,  notamment 
des  mulets ,  des  brochets  &   des  fardes. 

Examinons  la  limite  Septentrionale  de  cette  paroiffe. 

En  parlant  de  l'embouchure  de  la  rivière  Salée  dans  la  Defcription  de  la  pi- 
roiffe  du  Port-Margot,  j'ai  dit  qu'elle  était  lagoneufe.  Le  grand  chemin  du 
Cap  au  Port-de-Paix  paffe  à  cette  embouchure.  On  était  obligé  de  faire  un 
long  circuit  dans  h  mer  fur  un  banc  de  fable  écroit ,  &  prefque  tous  les  ans  il 
s'y  noyait  quelques  perfonnes  dans  les  hautes  marées.  M.  Savy,  habitant  du 
voifinage,  autorifé  par  les  Adminiftrateurs  le  10  Décembre  1774,  y  a  établi 
un  bac  qui  eft  fouir.is  au  même  tarif  que  celui  du  Cap ,  &  qui  eft  auffi  d'une 
grande  unlité  j  on  y  projette  un  pont. 

Aprçs  l'embouchure  de  la  rivière  Salée,  vient,  comme  je  l'ai  déjà  dit  ail- 
leurs, h  pointe  du  Bariî-de-Bceuf,  à  laquelle  correfpond ,  dans  l'Eft ,  un  îlet 
que  fa  forme  a  fait  nommer  le  Baril-de-Bœuf.  De  celle-ci  à  la  baie  d'Argent, 
€0  avant  de  laquelle  eft  auffi  uq  rocher  j  on  trouve  400  toifcs  de  côtes  de  fer. 


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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       68j 

Cette  baie  n'a  que  145  toifes  de  largeur  fur  70  toifes  de  profondeur  ;  de  là  l'on 
compte  540  toifes  de  côtes  de  fer  jufqu'à  la  pointe  de  Jean  Aube,  qui  eft  h 
pointe  Orientale  de  l'anfe  la  Grange,  de  455  toifes  fur  environ  290  toifes  de 
profondeur.  Cette  baie  eft  bonne  ,  mê.ne  pour  un  vaifîcau  ,  au  befoin. 

Il  régne  350  toifes  de  côtes  de  fer  entre  l'anfe  la  Grange  &  celle  du  Borgne , 
dont  l'ouverture  eft  de  715  toifes  fur  180  toifes  d'enfoncement.  Cette  anfe  du 
Borgne  ne  peut  recevoir  que  des  canots  ou  de  petites  barques,  c'eft  au  fond 
qu'eft  placé  l'embarcadère  que  protège  une  batterie  mife  dans  un  point  choifi 
par  M.  de  Gimel ,  commandant  d'artillerie  en  1781. 

On  peut  dire  que  toute  la  côte ,  depuis  le  Port-Margot  jufqu'à  cet  embarca- 
dère, eft  peu  abordable.  Se  que  fon  intérieur,  compofé  de  montagnes  tiès- 
hautes  &  de  rocs ,  n'eft  guères  propre  à  infpirer  â  l'ennemi  l'efpoir  d'y 
pénétrer ,  d'autant  que  durant  la  guerre  il  y  a ,  à  l'embarcadère ,  i;n  pofle 
fourni  par  la  milice  de  la  paroifle  formée  de  la  même  manière  &  du  même 
nombre  d'individus  que  celui  du  Port-Margot. 

C'eft  à  deux  de  ces  montagnes  qui  s'avancent  de  chaque  côté  de  l'embou- 
chure de  la  rivière  &  qui ,  vues  de  la  mer,  ne  préfentcnt  qu'une  entrée  à  peine 
apperçue,  qu'on  attribue  le  nom  de  la  paroifle.  J'avoue  que  fans  une  petite 
barque  qui  m'en  marquait  l'ouverture  ,  je  ne  l'aurais  pas  difcernée  ,  quoique  je 
n'en  fufl'e  qu'à  une  petite  demi-lieue  Nord  h  Sud  (  le  3  Juin  1787  ), 

Il  y  a  près  d'une  demi-lieue  depuis  la  pointe  Oueft  de  l'anfe  du  Borgne  juf- 
qu'à l'anfe  à  Lavaud,  qui  n'a  que  180  toifes  de  large  fur  90  toifes  d'enfonce- 
ïîicnt.  C'tft  là  qu'eft  l'embouchure  de  la  rivière  des  Bananiers.  En  parcourant 
1,320  toifes  après  l'anfe  à  Lavaud,  on  trouve  l'embouchure  de  la  rivière  d'Enfer 
qui  eft  près  de  la  pointe  du  Pêcheur  >  &  715  toifes  jufqu'à  l'embouchure  de  la 
rivière  de  Prcflieu}  toute  la  côte  de  cet  intervalle,  de  2,035  ^'^'^^^^  jufqu'à 
160  toifes  en  deçà  de  l'embouchure  de  la  rivière  de  Preflieu  ,  eft  de  fer,  inabor- 
dable &  fort  élevée  au-deflTus  de  l'eau,  excepté  dans  le  fond  de  l'anfe  à 
J-avaud. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  de  Preflieu  à  la  pointe  Orientale  de  l'anfe  du 
Bas  de  Sainte -Anne ,  il  y  a  127  toifes  &  environ  1,800  toifes  de  cette  pointe 
jufqu'à  la  pointe  d'Icaque,  ce  qui  fait  l'ouverture  de  l'anfe  du  Bas  de  Sainte- Anne, 
qui  a  640  toifes  de  profondeur. 

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é84        DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

M.  de  Puyfégur  marque  la  latitude  de  la  pointe  d'Icaque  à  19  degrés  ^4^ 
minutes  28  fécondes,  &  la  longitude  à  75  degrés  3  minutes  13  fécondes. 

De  la  rivière  de  Preflieu  un  reffif  à  fleur-d'eau  s'étend  au  Nord-Oueft,  &  un 
autre  de  la  pointe  d'Icaque  dans  l'Eft-Nord-Efl: ,  l'un  &  l'autre  avec  une  lar- 
geur moyenne  d'environ  120  toifes.  Entr'eux  eft  une  pafle  de  260  toifes  pour 
gagner  l'anfe. 

D'après  des  obfervaîions  faites  au  canton  de  la  Vallée  de  Jofaphat  ou  à  Jofeph, 
dans  le  Sud-Oueft ,  par  M.  Odelucq  fur  fon  habitation  ,  la  plus  grande  cha- 
leur de  1785  a  été  de  22  degrés  &  la  moindre  de  12  degrés.  146  jours  de  pluie 
ont  donné  340  pouces  ,  i  ligne  d'eau.  Mars  ,  Avril ,  Mai  &  Août  ont  été  les 
mois  des  plus  forte  pluies,  &  Février/  Juillet,  Septembre  &  Décembre  ceux 
des  moindres. 

Suivant  d'autres  obfervations  faites  au  nouveau  bourg,  par  le  père  Balthazar, 
curé  ,  pendant  les  fix  premiers  mois  de  1788  ,  la  plus  grande  élévation  du  ther- 
momètre de  Réaumur ,  au  mercure,  a  été  de  22  degrés  à  midi ,  &  la  moindre 
élévation  de  15  degrés  à  fix  heures  du  matin.  Il  y  a  eu  71  pouces  ,  i  ligne  & 
demie  d'eau. 

Le  14  Août  1787,  on  a  inhumé,  dans  le  cimetière  du  Borgne,  Louis 
Bourcé,  quarteron  libre,  né  dans  la  paroifîe  delà  Plaine  du  Nord,  âgé  de 
loi  ans.  La  maladie  de  quatre  jours  dont  il  mourat ,  était  la  feule  qu'il  eût 
éprouvée  ,  èi  fix  mois  auparavant  il  avait  été  à  une  chaffe  de  nègres  marons.. 

On  compte  de  l'églife  du  Borgne  : 

A  celle  du  Port-Margot .     .     .     .     ....     .......       7  lieues 

de  Plaifance g 

du  Gros-Morne j^ 

' du  Petic-Sâint-Louis. ^       § 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       6?! 

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QJJ  ARTÏÈÎl     DU     PORT-DE-PAIX, 

.  .  .         X  I  X. 

Paroisse     du     Gros-Morne. 

Cette  paroifîe  qui  cftà  environ  dix-huit  lieues  dans  le  Oueft-Nord-Ouefl  du 
Cap ,  a  j  au  Nord  ,  les  montagnes  du  boucan  Champagne  qui  la  Icparent  du 
JBorgne  ,  &  enfuite  les  hauteui's  de  la  rivière  de  Barre  qui  la  féparent  du  Petit- 
Saint  -  Louis  ;  à  l'Eil,  le  Morne  la  Porte  qui  eft  entre  elle  &  la  paroiffe  de 
Piaifance  j  au  Sud,  les  limites  des  Gonaïves  connues  fous  le  nom  de  Crête 
Efpagnole  ;  au  Sud-Oueft,  la  montagne  de  Terre-Neuve  qui  la  fëpare  de  la 
paroiffe  du  Port-à-Piment  -,  à  l'Oueft ,  les  montagnes  du  Haut  Mouftique  de 
la  paroiffe  du  Port-de- Paix  ;  &  au  Nord-Oueit  la  Falaife  où  eft  la  borne  qui, 
dans  ce  point ,  lui  eft  commune  avec  le  Port-de-Paix. 

La  paroiffe  du  Gros-Morne  a ,  du  Nord  au  Sud  ,  environ  7  lieues ,  &  de 
l'Eft  à  l'Oueft  environ  8  lieues.  Cette  furface  fe  divife  en  différens  cantons  ; 
favoir  :  le  boucan  Richard  ;  la  rivière  Mancel;  l'Acul  ;  le  Moulin  qui  en  17 16 
appartenait  tout  entier  à  M.  deBrach;  le  Pendu  j.la  rivière  Blanche  ;  le  Précipice;, 
la  ravine  aux  Chiques  ;  &  la  ravine  des  Halliers..  Tous  ces  cantons  font  mon- 
tueux  &  très-hachés. 

Il  y-a  cependant  une  portion  de  la  paroiffe  que  l'on  confidère  comme  plane  , 
c'eft  celle  le  long  de  laquelle  coule  les  Trois^Rivières  qui  traverfent  le  Gros- 
Morne  &  que  l'on  a  vu  qui  fe  dirige  de  Piaifance  au  Port-de-Paix,  On  évalue 
à  22  lieues  fon  cours  depuis  le  point  où  elle  arrive  fur  le  territoire  du  Gros- 
Morne  jufqu'à  fon  embouchure.  Le  gr^nd  chenriin  la  côtoyé  &  elle  fait  tant 
de  fmuofitésj  que  dans  l'intervalle  dç  dix  lieues  qui  eft  entre  le  bourg  du 
Gros-Morne  jufqu'au  Port-de-Paix  ,  ce  chemin  la  paffe  quinze  fois.  Le  volume 
de  fes  eaux  eft  fort  augmenté  dans  la  paroiffe  du  Gros-Morne  par  la  rivière 
Mancel,  les  rivières  l'Acul ,  du  Moulin,  du  Pendu.  Elle  ne  manque  jamais 
d'eau  ,  parce  que  fa  fource  eft  dans  un  lieu  où  les  pluies  de  Nord  font  abondantes 
&  on  en  a  la  preuve  dans  les  crues  eonfidérabks  qu'elle  éprouve  à.  l'ipoq^e  de 
ces  pluies. 


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i%6       DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 

Le  fol  du  Gros-Morne  e  fl  prefque  entièrement  confacré  à  l'indigo ,  &  les 
parties  inférieures  lui  font  très-propres ,  parce  que  les  dégradations  des  mornes 
les  enrichiilent.  Il  y  a  mêaie  beaucoup  de  portions  qui  pourraient  employer 
l'arrofemcnt  avec  fuccès  ,  &  fans  les  difficultés  du  débouché  ,  la  culture  de 
la  canne  pourrait  ccre  lucrative  dans  quelques  endroits.  Il  y  a  même  une 
ucrerie  attenante  au  bourg,  dans  l'Oueft,  qu'a  établie,  depuis  1786,  M. 
d'Aufligné  ,  avec  un  moulin  mû  par  l'eau  des  Trois  -  rivières  ;  on  a  planté  des 
cannes  fur  celle  Imbauk,  dans  fon  Sud-Oueft,  &  au  bas  du  Pendu,  à  un 
point  nommé  la  plaine  la  Croix.  M.  David  cft  occupé  d'une  manufadure 
du  même-genre. 

On  peut  compter  environ  90  indigoteries  au  Gros-Morne,  que  l'on  doit 
divifer  en  4  claffes.  La  première  en  contient  10  qui  ,  dans  les  années  favo- 
rables ,  donnent  de  3  à  4  milliers  d'indigo  ;  la  féconde,  S  qui  donnent  de 
12  à  1,500  livres  j  la  troifième  eft  formée  de  35  indigoteries  qui  produifent 
de  4  à  500  livres  &  la  quatrième  de  40  qui  ne  vont  que  de  2  à  300  liv. . 
de  forte  que  dans  les  bonnes  années  le  Gros-Morne  peut  donner  de  70  a 
80  milliers  d'iadigos.  On  y  compte  ,  en  outre  ,  une  trentaine  de  cafeteries  peu 
confidérables.  Les  autres  habitans  font  de  la  graine  d'indigo  ou  culdvent  des 
vivres  du  pays. 

Les  parties  les  plus  élevées  de  la  paroiflc  &  furtout  fes  collines  à  pente 
douce  conviennent  au  cafier ,  même  la  montagne  qui  lui  donne  fon  nom  6e 
qui  eft  d'une  grande  hauteur.  Elle  eft  à  environ  deux  lieues  dans  le  Sud- 
Eft  du  bourg  -,  fa  face  Méridionale  eft  aride  tandis  que  celles  du  Levant  & 
du  Couchant  font  chargées  de  bois ,  que  la  hache  abat  chaque  jour ,  pour 
faire  fervir  un  fol  fertile  &  frais  au  cafier.  Le  fommec  de  ce  Gros-Mcrne  eft 
plat  &   arrofé  de  plufieurs  fourccs;   fa  bafe   a  des  terrains  très-fertiles. 

L'air  du  Gros  Morne  eft  très-fam  ;  on  n'y  a  pas  vu  régné  de  maladie  conta- 
gieufcs.  Des  brifes  d'Eft  &  d'Eft-Nord-d'Eft  très-réglées,  ont,  fans  doute, 
une  grande  influence  fur  cette  falubrité.  Cependant  la  température  y  eft  fort 
féche  &  quelquefois  fix  mois  entiers  s'écoulent  fans  pluie ,  d'où  il  réfulte  de 
grandes   pertes  en  plantations  ,  en  vivres  &  en  animaux. 

Cet  inconvénient  &  celui  d'être  obligé  de  tranfporter  des  denrées,  foi t  aux 
Gonaïves  ,  à  fept  lieues  ;foit  au  Port-de-Paix ,  à  dix  lieues  ;  foit  au  Port-à- 
Piment  ,  à  douze,   femblent  condamner  le  Gros-Morne  à  la  médiocrité. 


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FRANÇAISE     l3  E     S  A  I  N  T  -  t>  O  MIN  G  UE.     687 

En  4728,  il  n'avait  que  43  habitations,  dont  les  propriétaires  étaient  tous 
mécontens,  &  l'on  n'y  comptait  que  482  nègres  travaillans. 

Cette  paroifle  a  un  bourg  aflez  central ,  compofé  d'une  quarantaine  de  maifons' 
Deux  cens  individus  de  toutes  les  nuances  en  forment  la  population  ,  com- 
pofée  de  marchans  ,  d'aubergiftes  &  de  teneurs  de  billards.  Il  y  a  dans  une 
maifon  attenante  au  bourg ,  un  exempt ,  un  brigadier  *&  quatre  cavaliers  de 
maréchauflee. 

L'églife  ,  qui  y  a  été  conftruite  en  1785,  a  70  pieds  de  long  fur  40  de 
large  j  elle  eft  jolie  furtout  à  caufe  de  fa  charpente  faite  toute  d'acajou.  Elle  a  rem- 
placé celle  que  le  coup  de  vent  du  mois  de  Septembre  1772  avait  renverfée  ,  & 
elle  eft  aufli  fous  l'invocation  de  la  Purification  Notre  -  Dame  j  elle  eft  féparée 
du  bourg  par  le  grand  chemin.   On  a  fait  rebâtir  récemment  auiïi  le  preft)ytére. 

La  population  totale  de  la  paroifle  du  Gros-Morne  eft  d'environ  450  blancs, 
280  affranchis  &:  4,000  nègres.    La  milice  a   100  blancs  &   90  aifranchis. 

On  peut  aller  en  voiture  du  Gros-Morne  aux  Gonaïves  &  par  conféquent 
au  Port-au-Prince,  &  du  Gros-Morne  au  Port-de-Paix  &  au  Môle.  Cette 
paroiffe  a  auffi  ,  avec  Plaifance  ,  une  communication  qui  pafîè  du  boucan  Richard 
au  Pilate  ,  &  dont  une  branche  fe  fépare  dans  ce  dernier  canton  pour  aller 
au  Port-Margot,  &  de  là  au  Cap.  Ces  deux  derniers  chemins  ne  font  pra- 
ticables qu'à  cheval ,  jufqu'à  ce  que  ,  dans  chacune  des  deux  paroiiïès  àt 
Plaifance  &  du  Port-Margot,  ils  joignent  les  points  où  les  routes  font  faites 
pour   la  voiture. 

Il  y  a  de  l'églife  du  Gros-Morne  ; 

A  celle  du  Borgne    .....*......     12   lieues. 

A    celle  du   Port- Margot g 

Au  mois  de  Mai  1765,  une  négrefle  nommée  Véronique ,  appartenant  1- 
M.  Galot,  accoucha  au  Gros-Morne  de  trois  enfans  nègres,  dont  un  était 
garçon.  Au  moyen  de  chèvres  ,  qu'on  avait  drefie  à  cet  effet  ,  ces  enfans  ne 
furent  allaités  par  leur  mère  que  durant  la  nuit,  &  l'on  ne  pouvait  voir, 
qu'avec  un  tendre  intérêt,  l'efpëce  d'emprefîement  avec  lequel  les  chèvres 
femblaient  lui  difputer  les  nourrifibns. 

Le  Gros-Morne  eft  de  la  Sénéchaufîee  &  du  commandement  du  Pott- 
de-Paix, 


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6J8      D  E  ija.K'i?  T  ION     DE     L  A    F  A  R  T  I  E 


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XX. 

Paroisse     dû     P  e  t  i  t-S  a  i  n  t-Lo  u  i  s,     où    Saint-Louis 

D  U         N  G  R  D . 

-  Cette  paroiffe  eft  l'une  des  plus  petites  de  la  Colonie.  Elle  a, au  Nord , 
là  mer  ;  à  l'Eft,  le  Borgne  ;  au  Sud  ,  d'abord  le  Borgne  encore  ,  par  une  partie 
du  canton  de  celui-ci ,  nooimé  le  boucan  Champagne ,  &  enfuite  une  partie 
du  Gros-Morne ,  dont  elle  eft  féparée  par  ime  chaîne  de  très-hautes  montagnes  i 
&  à  rOueft  la  rivière  de  la  Cave  ,  qui  la  fépare  de  la  paroifîè  du  Port-de-Paix. 
Dans  fa  figuré  irrégulière ,  elle  peut  avoir  environ  quatre  lieues,  de  l'Ell  à 
i'Oueft,   &  trois  lieues    &  demie  du  Nord   au  Sud. 

Cette  paroiffe  doit  fon  établiffement  à  l'abandon  de  la  Tortue  ,  dont  plufieurs 
habitans  vinrent  habiter  ce  local,  qu'ils  appelèrent  Pointe-Palmifte.  Les  Efpagnols 
&  les  Anglais  en  ruinèrent  l'églife  en  1695  ,  &  emmenèrent  prifonnier  le  capucin 
qui  en  était  curé.  Deux  jacobins  y  vinrent ,  fucceffivement  après ,  faire  les 
fondions  curiales,  mais  fans  s'y  arrêter,  parce  que  les  paroiffiens  n'étaient  pas 
■en.  état  de  les  entretenir.  Enfin  au  mois  de  Décembre  1696  ,  ils  bâtirent  une 
mauvaife  églife ,  à  laquelle  M.  Ducaffe ,  gouverneur  de  la  Colonie  ,  donna  le 
patron  du  roi  ,  un  prêtre  féculier  pour  curé ,  des  vafes  facrés  &  quelques 
ornemens. 

Les  jéfuites  prefqu'au  moment  où  ils  devinrent  miffionnaires  de  la   Partie 
"du  Nord  en  1704,  achetèrent  de  la  fucceffion  de  M.  Jergat  une  habitation 
fituée  au  Petit-Saint-Louis,  qu'ils  augmentèrent  encore  par  une  conccffion  que 
MM.    de  Choifeul  &  Mithon  leur  accordèrent  le   18    Odlobre  1709.  L'habi- 
tation Jergat  était  près  du  bourg,   dont  les  habitans  doivent  le  terrain^  ainfi 
--  queceluiderégliie^àlagénérofité  de  M.  le  Jeune. 

Ce  bourg  eft  entre  h  mer  &  l'habitation  des  jéfuites ,  qui  a.  été  vendue  à 
M,  de  Rouvray,  ainfi  que  leur  fucrerie  du  Terrier-Rouge ,  par  les  fyndics 
de  leurs  créanciers.  Il  contient  environ  cinquante  maifons  de  bois  ou  de  ma- 
çonnerie. 

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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE. 

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On  avait  fait  fur  -une  petite  éminence  à  l'Onefl  du  bourg ,  une  églife  de 
maçonnerie  qui  fut  renverfée  par  le  coup  de  ve-nt  du  mois  de  Septembre  1772-. 
On  en  a  bâti  une  de  bois  incorruptible  en  1780,  au  centre  de  ce  bourg, 
&  elle  cft  dédiée ,  comme  la  première  ,  au  Saint  dont  la  paroifle  porte  le  nom. 

La  fituation  du  Petit-Saint- Louis  forme  une  efpèce  d'amphithéâtre  ,  depuis 
le  rivage  jufqu'au  pied  des  montagnes.  Il  y  a  quelques  portions  planes ,  mais 
ks  plus  étendues  n'excèdent  pas  200  carreaux  &  encore  ces  petites  étendues 
fe  trouvent-elles  divifées   entre  plufieurs  habitations. 

Les  collines  ou  monticules  qui  féparent  ces  efpaces  &  qui  font  de  î'cnfemWe 
un  pays  irrégulier  ,  font  arides  ,  &  il  en  cft  beaucoup  d'abandonnées.  Le  fol  y  eft 
maigre  prefque  partout  ;  leurs  parties  inférieures ,  que  l'indigo  occupe  depuis 
long- tems  j  font  tellement  appauvries,  qu'il  faut  les  fumer,  leur  accorder  un 
repos  ,  que  l'intérêt  même  du  cultivateur  réclame  ,  ou  les  deftiner  à  d'autres  pro- 
duiftions.  Ce  ne  ferait  cependant  pas  à  la  canne  à  fucre  qu'il  faudrait  fonger  ,  car 
il  y  a  trente  ans  que  l'on  a  été  obligé  d'en  abandonner  une  dont  on  avait 
fait   l'efTai. 

Les  montagnes,  &  principalement  celles  du  canton  de  la  rivière  de  Barre, 
font  généralement  bonnes.  Le  fol  y  eil  argileux ,  mais  couvert  de  pierres 
calcaires.  Les  cafeteries  qu'on  y  2  formées  ne  préfentent  pas  encore  de  vaftes 
tnanufa6lures  ,  mais  des  efpaces  boilés  attendent  que  des  bras  puiflent  féconder 
une  plus  grande  induftrie.  La  plus  haute  montagne  de  la  paroiffe  a  une  hauteuf 
cvalrée  à   650   toifes  au-deffus  du  niveau   de   la    m.er. 

Un  particulier  a  pollédé  long-tems  feul  un  immenfe  domaine  ,  dans  le  canton 
de  la  rivière  de  Barre,  que  fon  abandon  femblait  faire  adopter  par  les  nègres 
fugitifs;  mais  il  vient  récemment  de  le  livrer  à  l'agriculture,  en  en  vendant 
plufieurs   portions. 

Les  rivières  de  cette  paroiffe  ne  font  que  de  fortes  ravines  qui  fe  précipitent 
du  haut  des  montagnes  vers  la  mer ,  &  dont  le  cours  fe  trouve  un  peu 
Fallenti  danS*  i'efpace  où    elles  ne  trouvent  plus  qu'un   plan  incliné. 

Les  plus  confidérables  de  ces  rivières  font ,  celles  du  bas  de  Sainte- Anne  & 
t^  Barre,  La  première  j  qui  eil:  la  moindre  des  deux,  eft  formée  d'une  infinité 
de  ravines  qui  de fcendènt  des  hauteurs  jufqu'au  fond  du  bas  de  Sainte- Anne  ,  & 
qui  fe  réuniffent  dans  un  lit  commun  qui  les  porte  toutes  à  la  mer.  La  féconde 
vient  du  Borgne   &  traverfe  la  paroiffe  du  Petit-Saint-Louis,  où  elle  eft  confîdé'- 


Ts?M     J. 


S  s  s  s 


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690-      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

rable  &  va  à  la  mer.  Elle  eft  très-profonde  en  certains  endroits  &  elle  fair 
courir  des  dangers  aux  hommes  &  aux  animaux.  Comme  ces  deux  rivières 
ont  une  pente  qu'on  peut  évaluer  à  trois  ou  quatre  pouces  par  toifes,  elles 
îi'ont  jamais   de   longs  débordemens ,    mais    ils  font  fréquens. 

Les  rivières  du  Pecit-Saint-Louis  font  poiffonneufes  vers  leur  embouchure , 
&  l'on  recherche  les  mulets  &  les  carpes  de  la  rivière  de  Barre.  Depuis  le 
mois  d'AoÛL  jufqu'à  celui  de  Novembre,  on  voit  à  cet  embouchure  une  in- 
concevable quantité  de  petits  poifîbns  de  1 2  ou  1 5  lignes  de  long  ,  qui  noircilTent 
l'eau  qu'ils  couvrent  j  c'eft  vraifemblablement  l'époque  ou  le  frai  du  poiffon 
cfl  éclos.  Les  nègres  font  une  pêche  extrèmerpent  abondante  de  ce  Tri-Tri 
ou   Pifquet  &  ils  en  font  même   fécher    pour  les  conferver. 

Les  rivières  de  Saii^t  -  Louis  ,  des  Nègres  &  de  la  Caye  à  Vinaigre ,  Ibne 
plus  petites   que  les  deux  que  je  viens    de  citer. 

La  piroiflea,  comme  toutes  les  autres,  fa  divifion  par  cantons,  .dont  les 
principaux  font:  la  rivière  des  Nègres,  Saint-Louis,  la  Plaine  Efpagnole  , 
la  rivière  &  la  montagne  de  Barre  ,  la  pointe  d'Icaque  &  k  Bas  de  Sainte- 
Anne. 

Les  trois  premiers  forment  une  plaine  d'environ  trois  lieues  Efl  &  Ouefl , 
fur  environ  une  demi-lieue  du  Nord  au  Sud.  Le  terrain  y  eft  afîez.  bon  en  quel- 
q'-ies  endroits  ;  c'ziï  une  terre  argileufe  ,  ameublie  par  un  gravier  fin ,  produis 
par  les  dégradations  des  montagnes  ;  des  pluies  abondantes  fertiiifent  ce  vallon, 
où  il  y  a  beaucoup  d'indigoteries.  On  n'y  plantait  autrefois  que  de  l'indiga 
bâtard,  mais  en  17S0,  au  moment  de  fa  m.aturité  ,  cette  plante  a  péri  en 
peu  de  jours.  Le  m.ême  "accident,  éprouvé  auffi  au  Borgne  &  au  Port-Margot,, 
s'étant  renouvelle  en  1781,  on  a  recouru  à  l'indigo  franc,  qui  réuffit  à  m^er- 
veille. 

Toute  la  partie  plane  ,  depuis  la  rivière  de  la'  Caye  jufqu'au  Bas  de  Sainte- 
Anne  ,  eft  confacrée  à  cette  culture  ;  l'indigo  y  eft  en  général  bleu  cuivré.  On 
pourrait  mettre  des  fucreries  dans  ce  vallon  -,  il  y  en  a  eu  autrefois  que  l'embarras 
de  l'exportation  a  fait  abandonner. 

La  paroiffe  n'a  plus  de  bois  que  dans  fes  montagnes ,  où  Ton  trouve  l'amandier,, 
ie  tavernon  ,  le  cèdre  blanc ,  le  bois  rouge  ,  le  bois  marie ,  l'acoma  ,  le  bois, 
rofe ,  &c. 

I-es    pierres  qui  couvrent    prefque    toute  la  terre    de   ces    montagnes  fo&% 


-y^-. 


FRANÇAISE   D  E   S  A  I  N  T-D  O  M  I  N  G  U  E,        6^i 

calcaires.  Les  blocs  ou  moëlons  charriés  par  la  petite  rivière  de  la  Caye  , 
ont  une  criftallifadon  afîèz  régulière  en  parallèlipipèdes ,  &  font  propres  à  la 
bâtiffe  &  même  pouf  la  taille.  Ceux  de  la  rivière  des  Nègres  font  très- 
gros ,  plus  blancs  &  prefque  tous  roulés.  Il  y  a  des  points  des  montagnes  où 
l'on  trouve  des  lits  de  craie  de  plus  de  cent  pieds  de  profondeur;  il  y  en  a 
■'  de  fable  ,  de  tuf  &  quelques  uns  de  grès.  Les  fpaths  calcaires  y  font  com-. 
muns  &  l'on  rencontre   quelques   carrières  d'albâtre. 

:  Les  chemins  du  Petit-Saint-Louis  font  dans  un  état  qui  n'en  fait  pas  Téloge. 
H  femble  qu'on  n'y  fâche  pas  que  l'agriculture  &  le  commerce  veulent  des 
foutes  faciles  &  fûres  ,  quoiqu'en  tems  de  guerre ,  furtout ,  la  longue  fuite 
ides  précipices  du  chemin  des  Côtes  de  fer  ,  arrache  quelquefois  d'inutiles 
■regrets. 

EniySo,  un  citoyen  zélé  ,  M.  Dupont  Fortabas ,  a  contourné  cette  mon- 
tagne ,  &  par  la  gorge  du  bas  de  Sainte-Anne,  il  a  pénétré  dans  l'intérieur  du 
Borgne;  de  là,  tournant  toujours  la  montagne,  il  a  gagné  l'embarcadère. 
M.  de  Reynaud ,  alors  gouverneur-général  par  intérim,  a  adopté  &  encou- 
ragé fon  plan;  en  178 1  on  y  a  travaillé;  l'ouverture  eft  faite  ,  mais  ce  travail 
Il  important,  puifqu'il  ferait  communiquer  en  voiture  avec  le  Cap ,  le  Môle 
&  le  Port-au-Prince,  eft  laifle  aux  efforts  impuiffans  des  deux  parcifTes  du 
Borgne  &  du  Petit-Saint-Louis  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'il  ne  peut  être  ni  perfeflionné 
ni  entretenu ,  car  les  dommages  d'un  feul  hiver  pluvieux  font  plus  grands 
que  leurs  moyens  réunis ,  même  fans  calculer  ce  que  ceux-ci  doivent  perdre 
à  caufe  de  l'inexpérience  qui  les  dirige  &  de  la  lenteur  qui  en  accompagne 
i'emploi. 

■  LaparoifTe  du  Petit-Saint-Louis  avait,  en  1728  ,  6  fucreries ,  30  indigoteries, 
&:  II  places-à- vivres.  Le  canton  de  la  rivière  de  Barre  avait  13  de  ces  47 
étabhffemens,  qui  réuniraient  en  tout  632  nègres  travaillans.  Aujourd'hui  cette 
paroiffe  a  25  indigoteries  qui  produifent ,  année  commune,  80  milliers  d'indigo; 
elle  a  60  cafeteries,  dont  15  appartiennent  à  des  gens  de  couleur;  elles  donnenç 
environ  1,500  milliers  de  café.  Elleaaufll  des  places-à-vivres  dont  le  faccés 
efl  fort  utile  à  la  ville  du   Cap. 

La  population  blanche  eft  de  350  individus;  celle  des  affranchis  de  3301 
éeile   des  efclaves  de  4,200.  '    ■        -  -  "•  , 

L'air  de  Saint-Louis  du  Nord-cil  généralement  fain  ,  quoique  la  température 

S  s  s  s   2 


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é92      DESCRIPTION     DE     LA     P  A  R  T  I  E 

y  foit  affez  pluvieufe,  pour  qu'on  y  regarde  comme  une  féchereiTe  un  mois 
ccoulé  fans  pluie.  Le  thermomètre  &  le  baromètre  y  font  comme  d^^ns  les  poinÊiî 
correfpondans    de  la  paroilTe   du   Port-de-Paix. 

Le  tonnerre  ayant  tombé  fur  un  moulin  à  café  de  l'habitation  de  M.  Dubuiffon_, 
ancien  mourquetaire  ,  y  caufa  des  délbrdres  dans  la  charpente.  M.  David, 
autre  moufquetaire  ,  étant  allé  voir  fon  camarade  le  lendemain ,  M.  Dubuiflb» 
voulut  démontrer  l'effet  du  tonnerre  ;  mais  en  touchant  une  des  pièces  de 
bois,  il  fut  frappé  d'une  violente  commotion  ,  le  bras  lui  enfla  &.  il  en  fut 
malade.    Ce  moulin  fit  alors  ,  fur  M.  DubuifTon  ,  l'effet  de  la  boiiteille  de  Leyde. 

La  coK  qui  termine  au  Nord  la  paroifie  du  Peîit-Saint-Louis  &  qui  court 
encore  du  SudEfc-quart-d'Ell ,  vers  le  Nord-Ouefl-quart-d'Oueft,  commence  k 
ia  pointe  d'Icaque  ,  d'après  l'ordonnance  du  30  Août  1786.  A  environ  90P  toifes 
plus  loin  eil  l'embouchure  de  la  rivière  du  bas  de  Sainte-Anne ,  que  fuit 
l'embouchure  d'un  efler  à  i3o  toifes  de  diftance.  Entre  ces  deux  embouchure* 
eft  un  îlet  de  120  toif  s  de  longueur  Eft  &  Oucft,  fur  20  toifes  de  large 
&;  fcparé  de  h  terre  par  un  petit  canal  d'environ   15   toifes. 

A  environ  180  toifes  au  Nord  de  l'embouchure  de  la  rivière  du  bas  de 
Sainte-Anne  ,  efl  un  banc  de  fable  de  230  toifes  de  largeur  moyenne  j  qui 
va   joindre  le  refïïf  de  la  pointe  d'Icaque. 

De  ia  pointe  d'Icaque  venant  vers  l'embouchure  de  la  rivière  du  bas  de 
Sainte-Anne,  il  y  a  260  toiies  de  côtes  de  fer  &  365  toifes  de  pareilles  côtes 
de  cette  embouchure  à  celle  de  Vaudroc.  Ces  trois  points  déterminent  l'anfe- 
à  Yaudroc  ,  qui  a  environ  160  toifes  d'enfoncement.  Il  y  a  en  fuite  290  toifes 
de  là  à  la  pointe  Eft  de  l'anfe  à  Vivanaux,  puis  530  toifes  jufqu'au  Cap-Rouge, 
qui  détermine  à  rOueft  i'an'e  à  Vivanaux;  en  com.ptant  enfuite  470  toifes, 
on  eft  à  la  pointe  Eft  de  l'anfe  du  Cap-Rouge  ,  oii  finit  un  reiTif  qui  longe 
h  côte  depuis  l'em.bouchure  de  la  rivière  à  Vaudroc  ,  fur  environ  î 00  toifes. 
de  largeur  moyenne.  Il  ne  peut  entrer  dans  les  anfes  à  Vaudroc,  à  Vivanaux 
&  du  Cap-Rouge  ,  que  des  barques  ou  des  chaloupes  qui  font  très-expofées 
aux  vents  de  Nord.  La  rivière  du  Cap- Rouge  a  fon  embouchure  au  milieu 
de  l'anfe   du  même   nom. 

De  l'anfe  du  Cap-Rouge  à  la  pointe  Eft  de  celle  du  Grand-Marigot  400 
toifes;  2S5  toifes  de  cette  pointe  à  celle  Oueft  de  la.  même  anfe  ,  qui  forme 
k  pointe  Orientale   de  l'anfe  du  Petit-Marigot,    L'embouchure   de  to  rivière 


~>- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      % 

■de  là  Cacaoyêre  cû  à  rentrée   de   la  première anfe  &  celle  du  Petit-Marigot, 
au  milieu  de   l'anfe  du  nnê.-ne  nom,    &  enfin  près  de  la  pointe  Occidentale 
de  l'anfe  dw  Petit-Marigot,  eft  l'embouchure  de  la  rivière  de  Barre.  Les  mouillages 
du  Grand  &  du  Petit-Marigot  font  aufll  peu  fûrs  que  les  précédens. 

On  compte  un  bon  quart  de  lieue  de  la  rivière  de  Barre  à  la  Petite  rivière, 
•&  enfuite  660   toifes  de  celle-ci  à  la  batterie  du  bourg. 

La  ficuation  de  ce  bourg,  dans  une  petite  plaine  au  bord  de  la  mer,  eft 
commode  &  faine,  mais  fon  port  n'eft  qu'un  pedt  baffin  formé  par  des  reffifs, 
expofé  à  tous  les  vents  &  où  ii  ne  peut  entrer  que  de  petits  bâtimens.  Ce 
bourg  prend  chaque  jour  de  l'accroifferrient  ;  mais  la  difficulté  d'y  charger  & 
fa  poficion  éloignée  pour  plufieurs  points  de  la  paroiife  ne  lui  permettront  ja- 
mais d'arriver  à  une  grande  extenfion.  Il  contient  en  tout  80  individus  &;  deux 
paffàgers  qui    font  les   tranfports  au  Cap. 

Du  bourg  de  Saint -Louis  à  la  rivière  de  fon  nom  on  trouve  360  toifes. 
Neuf  cent  quarante-cinq  toifes  plus  loin ,  eft  l'embouchure  d'une  autre  rivière 
qui  eft  à  fec  dans  les  tems  ordinaires  j  puis  en  faifant  encore  360  toifes,  on 
trouve  l'embouchure  de  la  rivière  des  Nègres ,  guéable  dans  les  tems  fecs , 
&  dangercufe  par  fes  débordemens  fubits ,  dûs  au  giflement  des  mornes  & 
des  falaifes  qui  y  jettent  leurs  eaux.  La  rivière  des  Nègres  qui  précède  la 
pointe  à  Coroffe ,  eft  fuivie  ,  à  1 10  toifes  ,  do  l'embouchure  de  la  rivière  de  la 
Caye,  limite    Nord-Oueft  da  Petit-Saint-Louis  avec  le  Porr-ic-Paix. 

L'Ifle  la  Tortue  couvre  abfolumcnt  la  côte  de  la  paroifTe  du  Petit- Saint- 
Louis ,  qui  commence,  pour  ainfi  dire,  au  point  qui  correfpond  à  l'extrémité 
Orientale  de  cette  petite  Ifle.  Dans  le  canal  d'environ  fix  mille  toifes 
de  large  qui  eft  entr'eux  ,  la  mer  eft  communément  belle  &  prefque  jamais 
groffeàterre,  ce  qui  permet  aux  caboteurs,  furtout  en  tems  de  guerre,  de 
fe  réfugier  dans  les  anfes  de  la  paroiOè,  dont  la  meilleure  eft  celle  de 
ia  pointe  d'Icaque.  Elle  a  été  pour  eux  un  refuge  très  -  précieux  durant  la 
guerre  de  1778  ,  &  ils  venaient, d'un  côté  ,  s'y  informer  fi  le  canal  de  la  Tortue, 
&  ,  de  l'autre  ,  fi  la  cote  vers  le  Cap,  étaient  fan* bâtimens  ennem^is.  On  en  a 
vu  jufqu'à  40.  fous  la  pKotedlion  de  la  batterie  &  du  corps-de-garde  qu'on 
y  a  placé.  Cependant  oa  doili  dire  qu'en  général  la  côte  du  Petit- Saint-Loviis 
9>k  double  inconvénient  dea  reffiê  &  de:  manquer  toac  i  eoup  de  vem ,  larf- 
qji.'©o  eâ  affalé  hm  la  terre. 


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é94       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Le  Petit-Saint-Louis ,  que  Charlevoix  dit  s'être  appelé  ie  Mafccre  orisi- 
naircraent ,  eft  du  Quartier  ,  du  commandement  &  de  la  Sénéchauffée  du  Port- 
«■ie-Paix.  Sa  milice,  en  i6S8,  lorfque  c'était  la  Pointe  Palmifte ,  avait  82 
hommes.  Aujourd'hui  elle  compte    160   individus  ,  dont  50   font    affranchis. 

Il  y  a   de  fon  églifc  , 

A  celle  du  Cap  ,         ,         ,         ,         .         ,         ,         .8  lieues, 

du  Gros-Morne         ......         10 

du  Port-de-Paix         .         .         ...  .         .  3     4 

Padrejan  ,  nègre  efpagnol ,  après  avoir  tué  fon  maîcre  ,  fe  réfugia  à  la  Tortue 
d'où  il  alla  enfuite  établir  un  terrain  au  Petit  -  Saint  -  Louis.  Vers  1679,  il 
débaucha  quelques  nègres  avec  lefquels  il  projetta  d'égorger  tous  les  blancs. 
Ayant  réuni  vingt-cinq  efclaves  ,  il  courut  ,  à  leur  têre ,  jufqu'au  Port-Marcrot, 
pillant  &  maffacrant  tout  ce  qu'il  rencontrait.  Il  fe  retira  enfuite  avec  eux  dans 
la  haute  montagne  de  Tarare  ,  vers  les  confins  aflucls  de  la  paroiffe  du  Boro-ne. 
De  là  il  faifait  des  invafions  qui  groflîlfiient  fa  troupe  &  coûtaient  toujours 
la  vie  à  quelques  blancs. 

Il  était  difficile  d'aller  attaquer  Padrejan  ,  mais  vingt  boucaniers  en  prirent 
la  réfolution  &  l'exécutèrent.    Padrejan  fut  tué  avec  fix  autres  nèores, 

XXI, 

Paroisse    du    Port-de-Paix, 

Christophe  Colomb  Ibrtant  du  Port-à-l'Écu ,  au  mois  de  Décembre  1492 
pour  fe  diriger  vers  l'Eft ,  apperçut  un  port  où  il  entra ,  &  la  beauté  du  lieu 
où  réfidait  un  Cacique  dépendant  de  celui  du  royaume  de  Marien  ,  fut  caufe 
qu'il  le  nomma  Valparayjo  ,  Vallée  de  Délices:  c'eft  ce  que  les  Français  ont 
toujours  appelé  Port-de-Paix.  L'hiftoire  ne  nous  a  rien  tranfmis  qui  puiffe  faire 
cj-oire  que  Vdparay/o  ait  jamais  été  choifi  par  les  Efpagnols  pour  y  former  un 
établiiTcment  de  quelque  importance.  Car  c'eft  à  tort  que  quelques  perfonnes 
ont  cru  que  le  nom  de  l'Affientc ,  fous  lequel  on  connaît  encore  l'habitation 
Souverbie  qui  touche  à  la  ville  aftuelle  du  Port-de-Paix,  annonce  une  pofleffion 
efpagnole.   Cette  habitation  avait  été  achetée  par  la  Compagnie  de  l'Affiente, 


^        FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       695 

ainfi  appelée  d'après  un  traité  fait  à, Madrid  le  27  Août  1701  ,  par  M.  Ducafîe  , 
en  vertu  de  la  procuration  de  la  Compagnie  de  Guinée  ,  avec  le  roi  d'Efpagne  , 
pour  fe  charger  de  V Affiente  ou  tranfport  des  nègres  dans  les  Indes  Occidentoks 
cfpagnoks. 

La  defcriprion  de  la  paroiiTe  du  Port-Margot  nous  a  montré  comment  l'île 
la  Tortue  était  devenue  la  première  capitale  françaife  de  Saint-Domingue.  Le. 
Vaffeur  ébloui  par  Ton  fuccès  ,  méconnut  aflèz  ouvertement ,  dès  1742  ,  l'autorité 
du  commandeur  de  Poincy  &  ceUe  de  la  Compagnie  des  Ifles ,  mais  il  ne  fe 
cacha  plus  ,  lorfque  vigoureufement  attaqué  par  les  Efpagnols  à   la  Tortue  erï 

1643,  i'  les  eût  repouffés   avec  une  grande  perte  pour  eux. 

La  Compagnie  ayant  donné  l'ordre   au  commandeur  de   Poincy,   le    2  Mars 

1644,  de  s'emparer  de  la  Tortue  ,  il  crut  qu'il  fuffirait  d'y  envoyer  le  chevalier 
Longvilliers  de  Poincy  fon  neveu ,  pour  tâcher  de  déterminer  le  Vaffeur  à  venir 
â  Saint-Chriflophe  ,  mais  celui-ci  s'y  refufa.  Les  démêlés  du  commandeur  de 
Poincy  avec  M.  Patrocles  de  Thoify ,  que  le  roi  avait  nomil lieutenant-général 
des  îles  &  auquel  il  ne  voulait  pas  céder  la  place,  mirent  le  commandeur  dan^ 
l'mipuilTance  de  rien  entreprendre,  avant  1652,  fur  h  Tortue ,  où  le  Vaffeur 
régnait  en  defpote.  Mais  à  cette  dernière  époque  le  chevalier  de  Fontenay, 
chevalier  de  Malthe  de  réputation,  fit  à  Saint- Chriftophe  ,  par  fon  ordre,  un, 
armement  avec  lequel  cet  officier  feignit  de  croiler,  puis  il  vint  au  Port-à- 
l'ECU,  rendez-vous  convenu,  où  M,  de  Trivial,  neveu  du  commandeur,  le 
joignit  avec  de  nouvelles  forces.  Ils  apprirent  en  arrivant  au  Port-à-I'Écu  ,  que 
deux  miniftres  des   volontés  arbitraires  de  le   Vaffeur  venaient   de  l'aiTiffiner 

Alors  le  chevalier  de  Fontenay  fit  reconnaître  fon  autorité  ,  &  il  eft  le  premier 
qui  prit  k  titre  de   Gouverneur  pour  le  roi  de  la   Tortue   &  cote    Saint  Do 
mingue.  Tous  les   catholiques  chaffés  par  le  Vaffeur,,  revinrent  dans  cette  petite 
île  durant  le  nouveau  gouvernement. 

Les  Efpagnols  harcelés  par  les  Flibuftkrs  dont  la  Tortue  fourmilki-t ,  vinrent 
l'attaquer  de  nouveau  au  mois  de  Janvkr  1654  &:  la  prirent.  Le  chevalier  de 
Fontenay  forcé  d'en  fortir ,  y  revint  du  Port-Margot ,  mais  les  moyens 
furent  infuffifans  pour  en  efi^eéluer  la  conqiête.  Le  peu  de  français  qui  reftaknt 
encore  avec  lui  allèrent  fe  mêler  aux  Flibuftkrs  &  aux  Boucaniers  qui  fré 
quentaient  k  Port-Margot,  &  qui  „  privés  de  chefs  parce  que  k  chevalkr  d.» 
Fontenay  repaffa  en  France,  perdirent  toute  idée  de  reprendre  la  Tortue 


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égô       DESCRIPTION     DE     LA     Ï»ARTIE 

Un  gentilhomme  du  Périgord  ,  nommé  Jérémie  Defchamps  ,  chevalier 
feigneur  Du  Raufîct ,  qui  avait  aidé  le  Vaffeur  dans  la  conquête  de  la  Tortue 
en  1640,  étant  allé  en  France  après  l'expulfion  du  chevalier  de  Fontenay, 
propofa  à  la  Compagnie  des  Ifles  de  s'en  emparer.  En  conféquencc  il  reçut  du 
roi,  le  28  Novembre  1656,  la  commiffion  de  commandant  de  la  Tortue  ,  fous 
l'autorité  royale  &  celle  des  gouverneurs-lieutenans  généraux  des  îles  de  l'Amé- 
rique. 

Du  RaufTet  trouva  le  moyen  de  pafîer  au  Port-Margot ,  d'y  réunir  4  ou  500 
FUbuftiers  ou  Boucaniers  ,  avec  lefquels  il  alla  au  Port-de-Paix  &  de  là  à  la 
Tortue ,  qu'il  reprit.  Il  s'intitula  gouverneur-licutenant-général  pour  le  roi  des 
îles  de  la  Tortue,  P^otan  &  autres  adjacentes  (  îles  de  la  baie  de  Honduras  ). 

Malgré  ce  titre.  Du  Raufîet  prétendait  être  le  propriétaire  de  la  Tortue,  8c 
il  méconnaiffait  rr.ême  la  Compagnie  des  Lies  lorfqu'il  paffa  en  France  en  i66j 
pour  y  régler  Tes  droits  ,  lailTant  le  çommandemenc  de  cette  île  à  Defchamps 
de  la  Place ,  fon  n^eu. 

Tandis  que  Du  RauiTet  arrivé  en  France  demandait  au  roi  qu'il  fît  défendre, 
fous  peine  de  la  vie  ,  de  s'établir  le  long  de  la  côte  de  Saint-Domingue ,  fon 
neveu  y  pofait  les  fondemens  du  Port-de-Paix,  Du  Rauiïet  élevant  trop  haut  fes 
dem.andfs  ,  la  Compagnie  obtint  qu'il  fut  mis  à  la  Baftille ,  d'oij  il  ne  fortit  que 
le  15  Novembre  1664  pour  figner  l'afte  de  vente  de  tous  fes  droits  fur  la 
Tortue  à  la  Compagnie  des  Indes  Occidentales,  lubftituée  par  un  édit  du  mois 
de  Mai  précédent  à  la  Compagnie  des  Ifles  de  l'Amérique. 

A  peu  près  au  rr.ême  inftant  où  Du  RauiTet  partait  de  France  pour  aller 
reprendre  la  Tortue  ,  en  vertu  de  fa  ccmmiiîion  de  1656  ,  d'Ogeron  ,  membre 
d'une  compagnie  de  la  France  Méridionale  qui  devait  form.er  des  établilTemerts 
dans  la  Terre-Ferme,  partait  auffi  pour  aller  diriger  les  entreprifcs  de  cette 
Compagnie.  Convaincu,  ces  la  Martinique  où  il  s'arrêta,  que  les  obftacles 
furpafïaient  fes  moyens,  il  alla  à  Saint-Domingue  en  1659,  repalTa  en  France, 
revint  à  Saint-Domiingue  ,  alla  à  la  Jamaïque ,  retourna  dans  fa  patrie  &  fe 
trouvait  à  Saint-Domingue  pour  la  troif  ème  fois ,  lorfqu'ayant  vifité  les  Lucayes 
&  les  Caïqucs  j  il  en  demanda  &  en  obtint  la  concefTion  ,  à  perpétuité  ,  en  1662. 
Mais  perfuadé  que  ce  projet  ne  valait  pas  mieux  que  celui  de  la  France  Méridio- 
nale ,  il  était  venu   établir   une   habitation  au  Port- Margot ,   avec   les  débris 

échappés  3  fes  maiheureufes  ent-eprifes. 

D'Ogeron 


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FR  ANC  AISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       e^^y 

D'Ogeron  qui  avait  vu  Du  Raufîet  à  la  Tortue  &  qui  rendait  jaftice  à  fa  valeur,, 
à  laquelle  on  devait  cette  île  ,  écrivit  à  la  Compagnie  des  Ifles  de  l'en  récompenfer 
mais  de  fe  faire  céder  les  droits  de  Du  RaufTet.  Avant  même  de  les  acquérir  par 
un  afte  public ,  la  Compagnie  choifit  d'Ogeron  pour  prendre  polTefîion  de  la 
Tortue  en  fon  nom ,  &  fur  fa  préfentation ,  le  roi  l'en  fit  gouverneur ,  le  27. 
Oftobre    1664. 

Quoique  d'Ogeron  ,  mis  en  polTeffion  de  la  Tortue  ,  y  réfidât ,  il  eut  cepen^ 
dant  dès-lors  le  plan  d'étendre  les  établiffemens  de  l'île  même  de  Saint-Domingue 
&  ,  en  outre  ,  celui  d'en  expulfer ,  un  jour ,  les  Efpagnols ,  de  manière  que  cette 
île  fût,  dans  fa  totalité,  une  poffeflion  françaife. 

.  Ce  fut  fous  ce  gouverneur  que  le  Port-de-Paix  commença  à  donner  des 
efpérances,  parce  que  les  Efpagnols  qui  faifaient  une  guerre  cruelle  aux  boucaniers,, 
finirent  par  détruire  eux-mêmes  ,  à  l'aide  de  chiens  ,  le  bétail  dont  ceux-ci  fe 
nourriflaient  &  vendaient  les  cuirs  ;  ces  boucaniers  étaient  donc  réduits  à  la 
néceffité  de  chercher  d'autres  reflburces  ,  &  d'Ogeron  leur  vanta  celle  de  la 
culture  que  plufieurs  flibuftiers  adoptèrent  auffi  en  revenant  d'expéditions  maU 
heureufes. 

D'Ogeron  montra  aux  Efpagnols,  en  faifant  attaquer  &  rançonner  Saint- Yague 
en  1667  ,  que  les  Français  n'étaient  pas  toujours  fur  la  défenfive ,  &  la  Tortue  & 
la  côte  Saint-Domingue  s'enrichirent  de  ces  dépouilles. 

D'un  autre  côté,  des  Angevins  venaient,  en  foule,  goûter  les  douceurs  dç 
i'adminiftration  de  leur  compatriote  d'Ogeron.  Il  avait  obtenu  qu'on  lui  envoyât 
de  France  des  époufes  pour  fes  Colons  encore  un  peu  farouches,  &  comme  le 
Port-Margot  &  le  Port-de-Paix  étaient  les  deux  points  les  plus  voifins  de  la 
Tortue ,  ce  furent  ceux  qui  fe  reflentirent  le  plus  des  avantages  que  ce  chef 
favait  faire  naître.  En  1668  le  Port-de-Paix  était  déjà  auffi  confidérable  que 
cette  époque  voifine  de  fa  fondation  H  les  vexations  des  Efpagnols  permettaient 
de  l'efpérer, 

A  la  fin  de  la  même  année   1668,  d'Ogeron  pafla  en  France,  laifîant  le 
gouvernementj  à,t  la  Tortue  &  de  la  côte  de  Saint-Domingue  à  M.  de  Pouançay 
fon  neveu,  nommé  par  intérim  depuis  le  30  Décembre   1667.  Il  revint  vers  le 
mois  de  Juin   1669,  amenant  plufieurs  centaines  d'engagés,  &  il   continua  i' 
réfider  à  la  Tortue. 

Le  projet  de  la  fuppreffion  de  îa  Compagnie  des  Indes  Occidentales ,  effeç-  ■ 
Tome  î.  T  1 1 1 


I  % 


698 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


tué  par  un  édic  du  mois  de  Décembre  1674,  é:ani:  connu  de  d'Ogeron  ,  il 
avait  demandé  la  permifTion  de  pafTer  en  France  ,  qui  lui  fut  envoyée  au  mois 
de  Janvier  1675.  M.  de  Cuffy,  auquel  il  donna  fon  intérim,  réfida  à  la  To^tue.• 
M.  de  Pouancay  ,  nommé  par  le  roi  en  1676  à  la  place  de  fon  oncle  mort  à 
Paris  au  mois  de  Mai  1676  ,  eut  la  même  réfidence^jufqu'à  fa  mort  arrivée 
en  1683.  M.  de  Franquefnay  l'adopta  auffi  pendant  l'intérim  que  fit  ceffer  M. 
de  Cuffy  qui  vint  de  France  prendre  poffeflion  de  la  place  de  gouverneur  au 
mois  d'Avril  1684. 

Mais  même  fous  le  gouvernement  de  d'Ogeron  ,  la  Tortue  avait  commencé 
à  éprouver  de  la  diminution  dans  fa  population.  La  colonie  qui  en  était  forcie 
pour  aller  s'établir  dans  la  plaine  du  Cap  ,  celle  envoyée  en  renfort  à  Samana  ;. 
l'expédition  de  Porto-Rico  &:  celle  de  Sc-Yague  ,  en  avaient  été  les  caufes  prin- 
cipales. Sous  M.  de  Pouançay  deux  expéditions  contre  Cube,  la  fureur  de  k 
courfe  &  l'accroiîTement  même  des  établiffcmens  faits  dans  l'île  Saint-Domin- 
gue ,  dépeuplèrent  encore  ttîlemient  la  Tortue  ,  que  M.  de  Cuffy  défefpérant  de 
îa  ramener  à  fon  premier  degré  de  fplendeur  ,  réfolut  de  transférer  ailleurs  le  fiége 
du  gouvernement. 

Le  Port-de- Paix  lui;  parut  m.érirer  cet  honneur  ,  &  au  mois  de  Mars  16^5^ 
M.  de  Cuffy  y  fit  commencer  une  maifon  pour  lui  ;  une  batterie  de  zo  canons  & 
une  tranchée  au  bord  de  la  mer  pour  mettre  ce  lieu  hors  d'infuke  ;  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  toutefois  que  les  ETpagnols  ne  vinffcnt  ,  le  6  Mai  fuivant,.  détruire- 
\'ers  Jean-Rabel  un  corail  où  il  y  avait  plus  de  800  pourceaux  &  enlever 
des  nëcrres  du  corail  des  \  à\es  apparrenant  au  fieur  Galichon  ,  héritier  de 
M.  de  Pouançay.  On  y  fit  auffi  une   prifon   &   un  corps-de-garde. 

Ainfi  le  Port-de-Paix  eft  dans  la  réalité  y  la  "première  capitale  françaife  qu'ait" 
eu  l'ile  Saint  Domingue  même  ,  parce  que  ce  fut  le  lieu  que  vint  habiter  M. 
de  Cuffy.  Dans  la  même  année  1685,  k  Port-de-Paix,  qu'on  appelait  auffi 
quelquefois  les  Trois-Rivières  ,  eut  une  Sénéchauffée  dont  la  Tortue  ne  fut 
plus  qu'une  dépendance.  Bientôt  après  M.  le  Clerc  de  la  Boulaye  y  devint 
major  pour  le  roi ,  &  le  Port-de-Paix  réunit  alors  tout  ce  qui  défignait  un 
point  capital  de  la  Colonie. 

Cependant  ces  iuccès  n'étaient  eux-mêmes  que  relatifs  à  ceux  de  îa  Colonie 
pris  en  maffe ,  &  fans  doute  ils  étaient  bien  foibles  fi  on  les  compare  à  ce  qu'eft 
celk-ci  en  ce  moment.  J'en  ai  une  preuve  particulière  dans  le  procès- verbal- 


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FRANÇAISE      DE     SAINT-DOMINGUE.        699 

fait  le  12  Avril  1688,  par  Gabriel  Bobin ,  procureur  du  roi  du  Fort-de-Paix  , 
de  l'état  de  l'églife  dont  le  père  Viftor,,  capucin  ,  était  alors  curé.  La  vifite 
qu'il  en  fait,  en  préfence  de  M,  Louis  Remouffin,  capitaine  d'une  compagnie  de 
Cavalerie-milices;  de  Philippe  de  Bocq,  marchand,  marguillier;  de  Thomas  le 
Clerc ,  éouyer  fieur  de  la  Boulaye ,  major  pour  le  roi  i  d'Antoine  Queret , 
écuyer  fieur  de  la  Richardière  ,  confeiller  du  Confeil  fouverain  de  la  Colonie, 
premier  capitaine  de  la  compagnie  de  Milices  ;  de  Vincent  Merrey  ,  aufîi  cort- 
feiller  -,  de  Pierre  Pelvéy  ,  fénéchal  du  Port-de-Paix  &  de  plufieurs  autres  , 
prouve  que  cet  églife  était  de  bois ,  couverte  d'effentes  ,  &  manquant  de  plu- 
fieurs chofes.  Mais  on  y  trouve  aufii  que  malgré  qu'elle  ait  60  pieds  de  long  & 
20  de  large  j  elle  efl:  infufEfante  pour  contenir  les  fidelles  qui  s'y  raflemblent; 
que  fi  les  trois  cloches  ne  peuvent  Tonner  en  branle ,  le  clocher  a  trente  pieds 
de  haut.  Quant  au  presbytère  bâti  aux  dépens  du  curé  ,  fur  un  terrain  concédé 
aux  capucins  ,  chargés  de  la  mlffion  de  la  Partie  du  Nord  ,  dont  le  chef-lieu 
fe  trouvait  alors  au  Port-de-Paix ,  il  eft  afTcz  fpacieux  pour  loger  trois  ou  quatre 
religieux  ;  mais  le  cimedère  eft  fans  clôture ,  &  les  habitans  font  exhortés ,  pa, 
le  procureur  du  roi ,  à  marquer  ,  à  cet  égard  ,  leur  refpeél  pour  ce  lieu  Jaint. 
Ces  particularités  me  donnent  lieu  d'obferver  que  le  Port-de-Paix  était  alors 
dans  une  fituation  plus  floriffante  que  la  plaine  du  Cap  ,  où,  l'on  était  obligé 
d'invoquer  la  charité  royale  pour  les  mêmes  objets.  - 

Ce  fut  encore   en   1688  qu'on  vit  arriver  à    Saint-Domingue  ,  les  quarante- 
neuf  premiers  foldats  qui  y  ayent   été  envoyés  pour  y   demeurer,   &  ce  fut  au 
Port-de-Paix  qu'on  les  plaça  comme  pour  former  la  garde  de  M.   de  Cufly  & 
relever  la  dignité  de  l'emploi  du  gouverneur ,  qui  au  commencement  de   1689 
datait  fes  lettres  au  miniftre  ,  du  Fort  du  Fort-de-Faix. 

M.  de  Cufly  était  revenu  au  Port-de-Paix  le  20  Juillet  1690,  de  l'expédi- 
tion de  la  ville  de  Saiht-Yague ,  dans  la  Partie  Efpagnole  de  l'île  prife  &  brûlée 
le  5  du  même  mois  ,  &  il  projettait  d'autres  entreprifes  contre  les  Efpagnols  j 
lorfque  le  1 1  Août  un  bâtiment  entra  au  Port-de-Paix  où  il  conduifait  82  fol- 
dats de  la  garnifon  de  l'île  Saint-Chriftophe  ,  que  les  Anglais  venaient  de  faire 
capituler,  &  140  habitans  expulfés  par  eux  de  cette  colonie  j  128  autres 
arrivèrent  deux  jours  après.  Le  20,  plus  de  200  entrèrent  au  Cap,  parce  que 
leur  bâtiment  qui  coulait  bas  d'eau  &  qui  s'échoua  à  l'entrée  de  cette  ville, 
ne  put  pas  gagner  le  Port-de-Paix  ,  où  il  s'en  préfenta  encore  250  le  28  ,  dontj 

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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


il  fallut  envoyer  la  majeure  partie  à  Léogane.  Au  mois  d'Oftobre  ri  en  vint 
encore  mille  dans  la  Colonie ,  dont,  pour  fa  part,  le  Port-de-Paix  eut  400. 
.Par-tout  ces  infortxjnés  furent  reçus  comme  des  frères  j  par-tout  le  même  ac- 
rcueil,  la  m^rae  générofité  fe  montrèrent  à  leur  débarquement,  foit  à  Saint- 
Domingue,  foit  à  la  Martinique,  où  le  refle  de  cette  Colonie  fut  tranfporté 
-&  où  l'on  tranTpcrta  ,  par  ordre  du  roi ,  tous  ceux  qui  voulurent  y  aller  de  Saint- 
Domingue  le  20  Oclobre  1692. 

Ce  malheur  augmenta  la  population  de  Saint-Domingue  &  furtout  celle  du 
Port-de-Paix  j  mais  auffi  comme  l'arrivée  de  ces  colons  fuivait  une  féchereffe 
defix  mois,  éprouvée  par  la  Partie  du  Nord  ,  on  en  enterrait  jufqu'à  12  ou 
15  par  jour  au  Port-de-Paix,  où  la  plupart  était  enlevés  dès  le  fécond  ou  le 
îroifième  jour  delà  m.aladie ,  &  quelquefois  fubitement.  Il  fallut  même  faire 
àch  Tortue  un  lieu  de  convalefcence  où  M.  de  CulTy  les  envoyait  par  centaines, 
•  En  1691 ,  les  Efpagnols  détruifirent  le  Cap  ,  &  des  habitans  du  Port-de-Paix 
qui  avaient  marché  avec  M.  de  Cufly  au  fecours  de  ce  lieu  ,  trouvèrent  la 
mort  comme  lui  à  la  bataille  de  Limonade ,  notamment  M.  Remouffin.  Mais 
îa  même  année  devait  lui  faire  éprouver  une  calamité  nouvelle. 

Au  mois  de  Mars  1685,  Louis  XIV  avait  envoyé  k  chevalier  de  Chaumont 
en  AmbaiTade  au  roi  de  Siam  ,  en  le  chargeant  de  ramener  deux  Mandarins 
Siamois  arrivés  en  France  à  la  fin  de  1682.  En  retour  les  vaifî'eaux  reçurent 
deux  Ambafiadcurs  Siamois  qui  arrivèrent  à  Breft  le  18  Juin  1686. 

Ces  Arabafladeurs  repartirent  du  même  port  le  1^.  Mars  1687,  avec  une 
efcadre  compofée  de  deux  vaifTeaux ,  trois  flûtes  &  une  frégate,  fur  laquelle 
étaient  en  outre  plufieurs  miffionnaires  &  environ  4  ou  500  hommes  de  troupes 
envoyés  au  roi  de  Siam  &  commandés  en  chef  par  M.  Desfarges ,  ayant  fous 
fes  ordres  M.  du  Bruan.  M.  Desfarges  déclaré  général  Siamois ,  prit  garnifon 
à  B^ncock  au  mois  d'Octobre  fuivant. 

Le  miniftre  Confiance  ,  fi  célèbre  dans  les  annales  Siamoifes ,  ayant  formé, 
pour  mettre  fur  le  trône  le  gendre  du  roi ,  une  confpiration  qui  lui  fit  perdre 
la  tête  au  mois  de  Mai  1689,  M.  Desfarges  &  les  troupes  françaifes  que  ce 
miniftre  avait  employées ,  furent  obligées  de  quitter  le  royaume  de  Siam  après 
y  avoir  couru  de  grands  dangers  &  y  avoir  réfiilé  à  force  ouverte.  Enfin  ils 
s'embarquèrent  emmenant  auffi  les  français  de  rétablificment  que  la  Compagnie 
des  Indes  avait  à  Merguy ,  dans  un  autre  point  du  royaume  de  Siam ,  mais  en 
faifant  route  pour  France  ,  ils  fç  virent  forcés  de  gagner  la  Martinique. 


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FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  DO  M  1  N  G  U  E,      jùx 

On  vit  donc  arriver  au  Fort  -  Royal  de  cette  île ,  au  mois  de  Décembre 
1690,  le  vaiflèau  l'Oriflamme,  commandé  par  M.  de  Leftrille ,  qui  convoyait 
deux  navires  de  la  Compagnie  des  Indes ,  appelles  le  Louré  &  le  Saint- Nicolas, 
apportant  avec  eux  le  pourpre  &  une  fîevre  peftilenticUe  dont  les  ravages  étaient 
fi  cruels,  que  dès  le  3  Janvier  1691  ,  M.  de  l'Eftrille ,  MM.  de  C  roi  fet ,  du 
Halgouet ,  de  Seintre  &  plus  de  cent  perfonnes  ,  foit  de  ces  bâtimens  ,  foit  de 
l'île,  étaient  déjà  au  nombre  de  Tes  viftimes.  Les  habitans  du  Fort-Royal  s'en- 
fuirent effrayés  de  cette  rapide  deflruftion  qu'augmenta  encore  l'infedion  de 
55  barils  de  viande  qu'on  jetta  à  la  mer,  de  ces  vaiffeaux  dans  le  carénao-e. 
Il  fallut  faire  camper  dans  un  lieu  écarté  le  peu  de  foldats  venus  de  Siam ,  qui 
reliaient  encore, 

Malheureufement  M.  Duquefne-Guiton ,  commandant  deux  vaifleaux  & 
qui  revenait  de  Pondichéry  ,  fe  trouva  en  même-tems  au  Fort-Royal ,  ainfi 
que  le  vaiffeau  le  Mignon.  La  contagion  s'y  répandit  &  quand  ces  trois  vaif- 
feaux  firent  rpute  pour  France,  au  mois  de  Juin  1671,  ils  avaient  perdu 
au  moins  la  moitié   de  leurs  équipages. 

M.  Ducaffe ,   arrivé  d'Europe  au  Fort-Royal  le  8    Mai  de  la  même  année 
vit  bientôt  les  fiens  en  proie  à  cette  maladie  cruelle.   Elle  défolait  la  Martinique 
entière,  lorfque  M.    Ducaffe  en  partit  le  27    Juillet ,  commandant  le  Solide, 
le  Cheval  -  Marin,  &  l'Émérillon    qui  avait   été   atteint  le  premier  de  cette 
contagion.  Cette  efcadre   mouillée  à  l'île  Sainte^Croix  ,  où  elle  avait  ordre  4e 
prendre   des   vivres    pour  les   habitans  de    Saint-Chriftophe  qui  étaient  à  Saint- 
Domingue  ,  y  perdit,  du  2  au  7  Août,   40  hommes  &  y  îaiffa  le  germe  de 
la  maladie.   Elle  vint  enfuite  au  Port-de-Paix  le  12,  où  les  habitans  de  Saint- 
Chriftophe  reçurent  d'elle  des  vivres ,    mais   en   même-tems  le  plus    affreux 
préfcnt  dans  cette  maladie  qui  mit,  pour  eux,  le    comble  aux  maux  que  leur 
faifaient    déjà  fouffrir  la  guerre ,    l'expulfion   hors   de  leur  pays ,    la  mifère 
les  rigueurs  du    climat  où  ils  étaient    tranfportés  -,    tous  ces  fléaux  réunis   en 
moiffonnèrent  plus  de  la  moitié. 

Le   Porî-de-Fai}^  a  été  alnfi  le  premier  lieu  de   Saint-Domingue   où   s'eft 
naanifeftée  la  maladie  qui  porte  encore  le   nom    de  Maladie    de  Siam,    Mal 
de  Siam  ou  Matelote,  quiji  pendant  plus  de  foixante  ans,  a  immolé  prefque 
chaque  année  des  milliers  d'individus  dans  les  Antilles  j   dont  l'effroi  était  tel 
que  dès  le  £7  Août  1692 ,   une  ordonnance  prefcrivit  la  quarantaine  à  touS' 


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DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 


bâtlmens  venans  de  la  Martinique  à  l'Iile  d'Aix  ;  qu'en  lôg^.,  l'amirauté  de 
Nantes  défendit  aux  équipages  &  aux  perfonnes  venant  des  Mes  ,  d'entrer  dans 
ce  port,  avant  une  vifue  ,  à  peine  de  la  vie  j  &  qu'en  1708  ,  nul  bâtiment 
venant  de  ces  Iilss  n'était  admis  dans  les  ports  de  France ,  qu'après  une 
vifite. 

Cette  maladie  s'ofî"re  encore  quelquefois  dans  des  êtres  nouvellement  arrivés 
d'Europe ,  comme  pour  empêcher  qu'on  ne  perde  le  fouvenir  d'une  maladie 
dont  le  hideux  tableau  eft  bien  propre  à  inrpirer  la  terreur.  En  effet,  ceujî 
qu'elle  attaque  rendent  un  fang  corrom^pu  par  tous  les  conduits  &  prefque 
par  tous  les  pores  de  leur  peau  ,  chargée  de  grandes  tâches  noires  ,  caraétêre 
d'une  putréfaélion  qui   menace   tous  ceux  qui   les   environnent. 

M.  Ducafîe  ,  qui  reçut  à  Léogane  la  nouvelle  de  fa  nomination  par  le  roi  au 
gouvernement  de  Saint-Domingue  ,  à  la  place  de  M.  de  Cufîy  ,  fe  rendit  au 
Port  -  de  -  Paix  au  mois  d'Oélobre ,  comme  le  féjour  defîiné  au  chef  de  la 
Colonie  j  il  s'occupa^dès  lors  d'y  faire  élever  ce  qu'il  appelait  le  château. 
Les  habitans  fournirent  un  nègre  de  corvée  fur  dix  ,  ce  qui  en  procura  quarante  & 
on  en  loua  trente  aux  frais  du  roi.  Ces  foixante-dix  travailleurs  avaient  rendu 
ce  château  capable  d'avoir  en  1694,  32  canons  &  une  palifîade.  Ces  prépa- 
ratifs étaient  une  fuite  de  ce  que  depuis  1692,  M.  Ducaffe  ne  ceflait  de 
recevoir  de  toute  part  des  preuves  que  les  Efpagnols  &  les  Anglais  méditaient 
h  ruine  de  Saint-Demingue  ,  &  il  alla  cependant  en  1694  faire  une  incurfion 
à  la  Jamaïque  ,   qui  ne  fervit ,    fans  doute  ,    qu'à  irriter  davantage  les  ennemis. 

Les  Efpagnols  &  les  Anglais  réunis  vinrent  mouiller  dans  la  baie  de  Mancenille 
le  15  Mai  1695.  Comme  le  Cap  paraifTait  le  point  le  plus  menacé  ,  M.  Bernanos, 
major  pour  le  roi  du  Port-de-Paix  ^  en  partit,  avec  un  grand  nombre  d'ha- 
bitans,le  18,  &  arriva  au  Cap  le  21.  Les  troupes  débarqiées ,  augmentées 
de  celles  venues  de  la  Partie  Efpagnole  par  terre  ,  arrivèrent  le  27  à  la  favane 
de  Limonade  ,  où  M.  de  Cufly  avait  péri ,  &  le  28  au  Quartier-Morin  ,  dirigées 
vers  le  Haut  du  Cap  ,  dont  elles  approchèrent  jufques  fur  la  paroiffe  de  la  Petite- 
Anfe.  Le  29  les  ennemis  débarquèrent  à  la  Bande  du  Nord  ;  de  là  ils  prirent"  à 
revers  le  bourg  du  Bas  du  Cap ,  où  M.  du  Lyon  fit  fauter  la  poudrière  ,  encloua 
le  canon  &  mit  le  feu  aux  maifons.  Les  Anglais  entrèrent  le  30,  au  matin, 
dans  la  rade  du  Cap ,  mirent  à  terre  un  corps  qui  marchait  en  même  tems" 
que  les  Efpagnols  venus  par  Mancenille ,    pour  mettre  M.   de    GrafFe ,    oui 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.     703 

commandait  au  Haut  duf  Cap  &  Tes  neuf  cens  hommes  ,  entre  deux  feux. 
Alors  M.  de  Grafte  fit  replier  fur  la  paroiffe  du  Morne-Rouge  ,  d'oii  il  fe 
replia  encore    à  la  rivière  Salée  de  l'AcuI. 

Les  ennemis,  maîtres  du  Cap  en  quatre  jours  &  prefque  fans  coup  férir 3,, 
fe  dirigèrent  vers  le  Port-de-Paix  par  terre:  les  Anglais  fuivant  l'Acul,  le 
Limbe  ,  &c.  ,  &  les  Efpagnols  par  Plaifance ,  &  le  Gros  Morne  ,  tandis  que 
la  ûottc  s'y  rendait  par  mer.  Le  15  Juin,  cette  dernière  s'empara  du  bourg 
de  Saint-Louis  ,  oij  elle  mouilla  dans  un  point  où  nul  vaiffeau  ne  s'eft  hafardé  , 
ni  avant  ,  ni  depuis  ,  &  elle  débarqua  50a  hommes  qui  forcèrent  M.  Bernanos, 
revenu  du  Cap  ,  à  fortir  de  ce  bourg  èc  à  aller  camper  à  la  rivière  des  Nègres 
oij  il  fut  attaqué  le  17  fans  fuccès.  Le  18  cinq  vaiffeaux  voulurent  faire  une 
dcfcente  pour  couper  la  retraite  à  M.  Bernanos ,,  mais  M.,  de  Paty  s'y  oppofa* 
jufqu'au  20  ,    que   ces  vaiffeaux   retournèrent   à    Saint- Louisv 

Le  même  jour  on  annonça  les  Efpagnols  qui  venaient  par  terrer-,  &  contre 
lefqucls  M.  Danzé  alla  à  René-de-Bas  protéger  la  paffe  des  Trois-Rivières. 
Le  23  &  le  24  ,.M.  de  la  Boulaye,  lieutcnaat-de-rol  du  Port-de-Paix,  qui, 
V  commandait  parce  que  M.  Ducaffe  était  en  voyage  à  Léogane ,  fit  retirer 
tous  les  poftes  &  fe  contenta  d'envoyer  M.  Danzé  au  retranchement  des  Pères- 
avec  1 00  hommes,  dont  la  plupart  s'en  allèrent  le  25,  ce  qui  força  à  cva^ 
cuer  ce  retranchement.  Le  même  jour  M.  de  la  Boulaye  fit  mettre  le  feu- 
au  bourg  du  Port-de-Paix, 

Le  30  la  flote  ennemie  vinr  mouiller  à  la  rivière  Salée  du  Port-de-Paijs. 
Le  i«.  Juillet,  au  matin,  une  batterie  Angîaife  de  la  pointe  des  Pères  com^- 
■mença  à  battre  le  fort.  Le  2 ,  une  féconde  batterie  Angîaife  tira  du  morne 
Saint-Ouen  ou  morne  du  petit  Port-de-Paix ,  &  une  troifième  du  même 
morne.  Le  3  ,  les  Efpagnols  mirent  leur  pavillon  fur  la  batterie  de  la  pointe 
des  Pères  &  le   7  les   ennemis  firent  jouer  deux  mortiers  à  bombes. 

Le  13  Juillet,  ce  qui  reftait  au  fort  des  180  blancs,  des  100  nègres  armés  &  des 
2  compagnies  des  troupes  détachées  de  la  marine  ,  formant  9o1iommes  qui  s'y 
étaient  renfermés  ,  parlèrent  de  l'évacuer.  On  fortit  à  neuf  heures  du  foir  ,  après 
avoir  encloué  les  canons,  mouillé  les  poudres,  détruit  les  provifions.  Un  foldat 
déferteur  ayant  prévenu  les  ennemis  du  projet  de  l'évacuation  -,  ils  placèrent 
pîufieurs  embufcadcs  où  les  Français  auraient  tous  péri ,  Ci  à  un  palTage  des 


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704      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Trois-Rivières  ,  M.  Archambaud  ,  Colon,  ne  les  eût  dirigés  vers  un  gué  qui 
porte  encore  Ion  nom,  par  reconnaiffance ,  &  d'où  l'on  g^gna  la  crête  des 
Ramiers  ,  rendez-vous  convenu  &  fitué  à  5  lieues  du  fort. 

Pendant  que  les  Efpagnols  pouri^jivaient  les  Français  fortis  du  château,  lea. 
Anglais  vinrent  en  prendre  pcfTeffion  &  en  refusèrent  l'entrée  aux  Efpagnols. 
Ceux-ci  ravagèrent  tout  cç  qu'ils  purent ,  ce  qu'imitèrent  les  Anglais  qui  , 
fuivant  toujours  le  chemin  du  rivage  depuis  le  Cap ,  avaient  pillé  le  Port- 
M?.rgot.  Les  Anglais  avaient  900  hommes  de  troupes  groffis  de  600  matelots 
tirés  des  vaiffeaux,  &  les  Efpagnols  1,900  hommes.  Nous  perdîmes  au  Port-de- 
Paix  ^s  hommes  tués  ,  32  pris  ;  outre  32  femmes  ,  70  enfans  &  543  nègres  que 
les  Efpagnols  amenèrent  en  trophée  à  Santo-Domingo.  Le  Port-de-Paix  reft^ 
avec  261  hommes  ,   §4  femmes  ,   181   enfans  &  670  nègres. 

Les  ennemis ,  après  avoir  perdu  un  nombre  alTez  confidérable  d'hommes  3ç 
furtout  d'Anglais  ,  que  le  climat  traita  crjellement  ou  qui  le  noyèrent  dans  le 
nombreux  pafTages  des  rivières  ,  vivant  déjà  entr'eux  dans  une  forte  de  méfin^ 
telligence  que  fortifiait  celle  des  deux  chefs  de  terre  &  de  mer  anglais,  fe 
décidèrent  à  fe  rembarquer  ,  le  27  Juillet, 

L'événement  de  la  prife  du  Port-de-Paix  &  de  fa  deftruétion  ,  ainfi  que  celle 
de  tout  fon  voifmage,  qu'on  dût  imputer  à  un  officier  à  qui  l'hiftoire  fait  des  repro.= 
çhes  de  plus  d'un  genre ,  porta  un  coup  d'autant  plus  funefte  à  ce  lieu,  que  M, 
Ducaffe  propofa  auminiftre  ,  dès  le  30  Août  1695  ,  de  transférer  ailleurs  le  fiège 
du  gouvernement ,  parce  qu'il  n'était  pas  là  dans  le  point  le  plus  convenable  par 
rapport  à  la  totalité  de  la  Colonie  &  à  des  vues  d'établiflèment  Se  de  défenfe. 
Cependant  on  envoya  dans  cette  partie  quelques-uns  des  habitans  de  la  Colonie 
de  Sainte-Croix  que  le  roi  fit  conduire  de  cette  île  au  Cap  où  ils  arrivèrent  le  2 
Février  1696.  Dès  le  25  Décembre  de  la  même  année  ,  M.  Ducafîè 
fit  retourner  ces  habitans  dans  la  dépendance  du  Cap  ,  où  M,  le  comte 
de  Boiffyraimé  ,  gouverneur  de  Sainte  -  Croix  ,  nommé  commandant  de 
la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie  Françaife  de  Saint  -  Domingue  ,  entra 
en   fondions  le  jo  Mai  1697. 

Mais  prcfque  tous  les  habitans  du  Port-de-Paix  même  ,  auxquels  on  voulait 
donner  la  même  dellination ,  s'obftinèrent  à  ne  le  pas  quitter.  En  1697  la 
plupart  marchèrent  à  l'expédition  de  Carthagènc ,  &   ils  trouvèrent  prefque  à 

leur 


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FRANÇAISE    DESAÎNT-DOMINGUE.       705 

leur  recour  ,  une  défenfe  du  roi  de  laifîcr  rétablir  leur  Qjartier  ,  qui  déformais 
dépendait:  ou  Cap. 

C'en  était  fait  du  Eort-de-Paix  &  Tes  habitans  auraient  été  forcés  d'opter 
entre  le  Cap  &  Léogane  ,  comme  on  le  leur  prefcrivait,  fi  IVÎ,  Danzé ,  major  du 
•Port-de-Paiîr  n'eût  concouru  à  faire  changer  cette  détermination.  Au  lieu  de 
s'oppofer  à  leurs  efforts  pour  rétablir  leurs  biens,  il  les  y  excita,  &  dans  l'année 
.1699  ,  ils  fe  livrèrent  à  la  culture  du  tabac  ,  de  l'mdigo  &  du  coton  ;  l'on  comp- 
tait même  alors  dix  ou  douze  fucreries  qu'on  commençait  à  établir.  Les 
repréfentations  de  M.  Danzé  &  l'efFet  de  la  paix  de  Rifwick  fauvèrent  enfin  le 
Port-de-Paix  de  la  fatale  fupprefîion  que  les  inftruélions  du  roi  à  M.  de  la 
Boulaye  ,  inCpefteur-général  de  la  Marine  ,  allant  vifiter  les  Antilles  ,  voulaient 
-encore  qu'on  poursât  au  point  <iu'il  n'y  reftât  qu'une  compagnie  &  un  officier- 
major  pour  en  interdire  i'acLt.  aux  forbans.  Qu'elle  chute  pour  une  capitale  ! 
titre  dont  le  Bort-de-Paix  fut  dépouillé  en  faveur  de  Léogane  ,  qu'on  lui  préfera 
dès  1695. 

M.  Ducafîe  qui  pafîa  au  Port-de-Paix  au  mois  de  Décembre  1699,  y  donna 
des  éloges  au  zèle  &  aux  travaux  des  colons  qui  avaient ,  en  quelque  forte , 
•recréé  cet  établiffement  que  je  vais  préfenter  dans  fon  état  aéluel. 

La  paroifîè  du  Port-de-Paix  a  pour  limites,  au  Nord,  la  mer;  à  l'Eft ,  la 
paroiffe  du  Petit-Saint-Louis  ;  au  Sud  ,  celle  du  Gros-Morne  ;  au  Sud-Oueft, 
celle  du  Port  à  Piment ,  &  à  l'Oueft  ,  celle  de  Jean-Rabel. 

La  ville  du  Port-de-Paix  qui,  fuivant  les  obfervations  de  MM.   de  Verdun, 
Borda  &  Pingre  ,  eft  à  19  degrés  54   minutes   30  fécondes  de  latitude   et  à  75 
degrés  14  minutes    de  longitude  ,  &  qui  eft  bâtie  dans  un  petit  efpace  plane  & 
même   bas,  a  la  mer  au  Septentrion,   la  rivière   du    Port-de-Paix  à  l'Eft,  des 
mornes  qui  la  commandent  au  Sud  &  un  lagon  à  l'Oueft".    Elle  eft  au  fond  d'une 
anfe  dont  le  bout  Oriental  eft   plus  avancé  dans  le  Nord  que  celui  Occidental  & 
<:om.me  la  ville  fuit  la  courbe   en   forme  de   croiffant  que  décrit  le  rivage  ,   fcs 
rues  ont  des  direftions  qui  femblent  la  divifer  en  deux  portions.   La  plus  Eft  qui 
contient  huit  îlets    commence  à  la  rivièr«   du   Fort-de-Paix  &  finit  à  la  rue  de 
i'Églife;  fes  rues  partant  de  la  mer ,  vont  du  Nord-Eft  au  Sud-Oueft   &  font 
coupées  par  d'autres  ,  à  angles  droits.   La  féconde  ,  plus  étendue  ,  &  qui  contient 
S5  îlets,  la  plupart  inégaux,  a  fcs  rues  dans  le  fens  du  Nord-Eft-quart  de  Nord  au 
Sud-Oueft-quart-S-jd.   D'autres  rues  les  coupent  j  celles-ci  ont  pour  dircdion  U 
Tome    L  V  v  v  y 


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DESCRIPTION     DE     LA     PAP.  TIE 


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plus  commune ,  celle  de  l'Efl  à  l'Ouefl.  Cette  portion  de  la  ville  va  de  la  rue 
de  l'Églife  ù  la  rue  de  Vallière  -,  fa  partie  fupéricure  s'appele  la  petite 
Guinée  ,  parce  qu'ellecfr  plus  ordinairement  le  féjour  des  gens  de  couleur  i  la  rue 
de  k  petite  Guinée  n'eft  même  devenue  que  récemment  la  rue  Royale. 

La  ville  où  l'on  comptait  52  maiions  en  1728  -,  80  en  175 1  ,  évaluées  59,000 
livres  de  loyers  5  T06  en  1755,  évaluées  92;,ooo  j  115  en  1764,  évaluées  lojjOoo 
Sz  140  en  Ï771,  comptées  pour  13,100  liv.  ,  en  contient  maintenant  220  qui 
lie  peuvent  être  eftimées  à  moins  de  250,000  iiv.  de  loyer.  Ces  maifons  font  ert 
majeure  partie  de  maçonnerie  entre  poteaux ,  à  fim.ple  rez  de  chauffée  &  prefque 
toutes  couvertes  d'effentes.  Cependant  depuis  environ  quinze  ans  on  y  a  fait  des 
maifons  à  un  é:age ,  &  l'on  piut  en  compter  à-peu-près   vingt  de  ce  genre. 

En  vertu  d'une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  du  14  Juillet  1773  ,  la  ville 
a  été  pavée  &.  fes  rues  ont  ceffé  d'être  des  cloagues  dans  les  tems  pluvieux. 
Mais  de  ctt  avantage  mêmie  eft  ré'liité  un  grand  inconvénient,  c'efb  d'avoir, 
par  l'exhaufTement  des  rues,  fait  ftagner  les  eaux  pluviales  dans  les  cours,  oij 
elles  croupiffent  &  font  une  caufe  de  dangers  peur  la  fanté. 

L'églife  eft  à  l'extrémité  fupéricure  &  fur  le  côté  gauche  de  la  rue  de  fon 
nom  ,  &  elle  termine  la  ville  dans  ce  point.  Elle  eft  comme  le  presbytère  qui 
i'avûifine  par  derrière ,  folidement  bâtie  de  maçonnerie ,  mais  fans  voûte  ni 
lambris.  Son  portail  &  touce  la  façide  avaient  été  renverfés  parle  trcm'DlemenC 
de  terre  du  3  Juin  1770,  mais  on  l'a  réparée.  Elle  eft  dédiée  ,  ainlî  que  celles 
qui  l'ont  précédée,  a  la  Conception  de  la  Vierge,  en  fouvenir  de  ce  que  Colomb 
avait  donné  le  nom  de  Conception  au  Port-à-i'Ecu ,  qui  a  dépendu  du  Port- 
de-Faix.  Il  y   a  \:n  clocher  auS  de   maçonnerie. 

Au  devant  de  réglife  &  dans  l'Oiieft,  eft  un  grand  efpace  de  forme  irrégu- 
lière &  portant  depuis  plus  de  cinquante  ans  le  nom  de  place-d'arrrtes.  Le 
cimetièi-e  était  autrefois  autour  de  l'églife ,  mais  il  a  été  mis  hors  de 
la  ville  &  au  Sud  du  point  où  le  nouveau  chemin  de  la  montagne  vient  joindre 
à  l'Oueft  la  rue  du  Morne. 

-Dans  la  même  rue  de  l'Églife  &  à  environ  40  toifes  du  rivage,  eft  h  place 
Louis  XVÎ,  faire  récemment;  elle  a  vingt  toifes  en  carré,  y  compris 
les  rues  qui  la  'cordent.  Elle  eft  fituéc  de  manière  que  fes  quatre  angles  corref- 
pondent  aux  quatre  points  cardinaux. 

Au  milieu  de  cette  place  eft  la  fontaine  pour  laquelle  elle  s  été  faite  ,   Se  que 


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F  R  A  N  Ç  A  ï  s  E,  ;d  E    SAINT-DOMINGUE.       707 

l'on  reproche  à  M.  Dcsforges ,  ingénieur,  d'avoir  fait  exécuter  d'une  manière 
contraire  aux  vœux  des  citadins.  M.  de  Bellecombc  avait  dans  une  affemblée 
de  la  paroifft  en  1783  ,  agréé  l'idée  d'une  fontaine,  parce  qu'il  était  trop  coû- 
teux d'envoyer  chercher  aux  Trois-Rivières  de  l'eau  ,  foit  pour  les  habitans  ,  foit 
pour  la  garnilbn,  &  il  promettait  que  le  roi  payerait  la  moitié  de  la  dépenfe. 
Comme  elle  n'a  pas  répondu  à  l'attente  des  habitans  ,  le  roi  a  payé  feul  cette 
dépenfe   de    1 20^000  livres. 

Indépendamment  du  reproche  du  mauvais  choix  de  la  place,  de  fa  forme  & 
du  coup-d'œil  gauche  de  la  fontaine  qui  efi:  un  piédeftal  quadrangulaire  oii  l'on 
a  le  projet  de  placer  la  ftatuc  pédeftre  de  Louis  XVI,  de  marbre  blanc  ;  oa 
a  foutenu  que  l'eau  fournie  par  la  réunion  de  trois  fources  à  environ  250  toifes 
au  Sud  de  la  ville  fur  le  terrain  de  la  fucrerie  Aubert,  avait  des  qualités  mal- 
laifantes,  &  l'on  a  continué  à  faire  ufage  de  celle  des  puits  pratiqués  dans 
prefque  toutes  les  maifons ,  ou  à  envoyer  chercher  celle  des  Trois-Rivières , 
cij  un  nègre  en  remplit  de  petits  barils  dont  il  charge  un  âne ,  ce  qui  multiplie 
aflez  ces  animaux  dans  la  ville.  M,  Gauche  a  vainement  fait  deux  analyfes  de 
cette  eau,  dont  il  réfulre  qu'elle  n'a  qu'un  peu  de  félénite  &  qu'elle  fe  puri- 
fiera de  plus  en  plus  à  l'avenir,  parce  qu'elle  ne  ftagne  plus  fur  un  fol  argi- 
leux j  le  préjugé  l'emporte,  fon  coup-d'œil  louche  en  dégoûte  &  on  s'obftine 
à  lui  attribuer  des  coliques  d'eftomac  ;  le  bienfait  de  la  fontaine  eft  donc  nul. 
Son  eau  qui  a  couié  pour  la  première  fois  le  2  Février  1785,  va  enfuite  vers 
une  calle  au  bas  de  la  rue  de  l'Eglife  pour  remplir  des  lavoirs  qui  ont  une 
véritable  utilité  &  fervir  auffi  à  l'aiguade  des  bâti  mens.  Cette  fontaine  a  tari 
dans  de  grandes  iéchereffes. 

On  prétend  que  l'eau  des  Trois-Rivières  employée  à  faire  tourner  le  moulin 
de  la  fucrerie  des  héritiers  Souverbie  &  Gilbert,  proche  delà  ville  ,  vers  le 
Sud-Ov;eft  ~&  qu'on  aurait  pu  conduire  dans  celle-ci,  efl:  préférable  à  tous 
égards, 

Le  long  de  la  ville  ,  fur  la  plage ,  efl  un  rang  d'arbres.  Chaque  propriétaire 
«hoifit  ceux  qu'il  croit  les  plus  propres  à  y  répandre  une  ombre  propice.  Les 
înaifons  qui  bordent  ce  quai  n'ont  pas  des  direcftions  bien  exadtes ,  mais  elles 
doivent  en  fuivre  une  marquée  fur  le  plan-directeur,  lorfque  des  reconftruélions 
en  procureront  la  facilité. 

La  ville  du  Porî-de-Paix  eft  affez  fujette  à  des  maladies  annuelles,  qu'on  ne 

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7cS       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE" 

peut  s'empêcher  d'attribuer  aux  marais  ou  lagons  qui  l'environnent.  Le  premier  de 
ceux  de  ia  partie  Orientale  &  le  plus  vorun  de  la  ville  ,  ie  nomme  l'étano-  do 
Coq.  Il  a  j  à-peu-près ,  cent  toiles  de  diamètre  ,  &  la  figure  efi:  prefque  rondcy 
Situé  dans  un  efp èce  de  cul-de-lampe  ,  il  eft  Tégoût  des  mjontagnes  voifines 
&  peut-être  reçoit-il  les  infiltrations  de  la  mer  ,  dont  il  n'eft  éloigné  que 
d'environ  20  toiles.  Quelquefois  il  a  fept  pieds  d'eau  à  Ton  milieu,  mais  d'ordi- 
naire trois  ou  quatre  pieds.  Il  eft  bien  rare  qu'il  foit  à  {ec ,  de  fa  poficiorï 
femble  rendre  difficile  de  le  deiTécher.  L'on  a  propcfé  d'y  jetter  la  ravine  appelée 
la  rivière  du  Port-de-Paix ,  qui  forme  auffi  un  marais  à  l'entrée  Eft  de  la 
ville  ,  &  far  lequel  on  a  confiruit ,  à  granrds  frais  ,  un  petit  pont  qui  eft  cepen- 
dant hors  de  la  direction  du  chemin.  Cette  ravine  ainfi  conduite  ,  ceiîerait  elle- 
même  de  nuire  ,  &  fts  eaux  donneraient  du  mouvement  à  celles  de  l'étang  du' 
Coq  qui  corrompent  l'air  en  croupiffant,  &  dont  les  ém-anations  font  Dortées- 
fur  la  ville  par  le  vent  prefqu'habituel  d'Eft. 

Il  y  a  un  autre  lagon,  dépendant  de  l'hàbitadon  Du  Roulin,  à  environ  250  toifes' 
dans  le  Nord-Eft  de  l'étang  du  Coq.  Il  eft  form.é  par  its  infiltracions  ds 
l'étang  dont  je  vais  parler  &  de  la  mer  ,  &  par  l'égout  des  eaux  pluviales»- 
Dans  la  forme  très-irrégiilière ,  il  peut  avoir  40  toiles  fur  30.  Des  mjangliers- 
l'environnent,  &  quaud  il  eft  fans  eau,  ce  qui  arrive  très-fcuvent ,  l'odeur  qu'il 
répand  eft  porté  fur  la  ville  ,  dont  il  n'eft  qu'à  un  petit  quart  de  lieue.  Lorf- 
qu'il  commience  à  féther  &  qye  l'air  eft  tranquille,  fa  fur^ace  eft  couverte^ 
d'un  nuage  grisâtre,  dont  rinfeélion  avertit  ds  ne  pas  approcher.  On  devrait 
du  moins  couper  ces  arbres  qui  gênent  la  circulacion  de  l'air. 

Le  troifième  marais,  dépendant  des  habitations  Du'Roulin  &  Lavaud ,  appelé 
le  Grand  étang ,  a  jiafqu'à  cinq  pieds  d'eau  dans  les  tems  pluvieux.  Il  forme 
une  efpèce  de  carré  long  de  300  toifes  fur  180.  On  pourrait  facilement,  aves 
une  éclufe  à  ba  feule  ,  en  dégorger  l'eau  dans  la  mer,  dont  il  n'eft  pas  éloio-né  ,- 
&  les  travaux  de  l'un  des  propriétaires  d'une  partie  de  cet  étang,  a  prouvé 
l'efficacité  du  moyen.- 

Enfin  dans  l'Oueft  eft  un  marais  formé  par  la  mer ,  qui  s'introduit  durant 
les  grandes  marées  dans  ce  terrain  alors  plus  bas  qu'elle.  Il  faudrait  pour  éviter 
cet  inconvénient  au  lieu  de  l'éclufe  fimple ,  placée  entre  le  grand  fort  &:  la 
ville ,  qui  demeure  toujours  ouverte  pour  égouter  l'eau  de  la  mer  &  celle 
de  la  vide   du  moulin  Souverbie  qu'on  jette  dans  ce  marais ,  en  mettre  une 


"'1^: 


ÎRANÇAÏSE    DE    S  A  ÏN  T-D  O  M  I  N  G  U  E.         709 

â  hafcule  qui  fe  fermerait  à  marée  montante.  Ce  moyen,  fécondé  par  quel- 
ques foîTéi  de  retenue  ,  difpjfés  avec  art,  exhauffrrait  peu  à  peu  le  fond  du 
marais  ,  qui   fe  trouverait   enfin  préfervé   de    l'inondation. 

Il  ferait  tems  qu'enfin  Ton  fongeâc  à  des  travaux  qui  rendraient  faine  une 
ville  où  l'on  tient  des  troupes  en  tems  de  guerre  &  où  le  gouvernement  devrait 
penfcr  qu'il  y  a  toujours  des  Colons;  c'eft-à-dire ,  des  hommes  précieux.  Il 
pourrait  auffi  réalifer  un  projet  heureufement  conçu  par  des  hommes  éclairés, 
en  fâifant  fervir  l'eau  de  la  ravine  ou  ruifîcau  du  Port-de-Paix  à  en  arrofer 
ies  rues  ,  ce  qui  ferait  peu  difpendieux ,  puifqu'à  environ  250  toifes  au-deflus 
de  l'églife,  ce   ruilTeau  eft  plus  élevé  que   la  ville. 

Le  marché  des  légumes ,  herbages  ,  grains  ,     &c. ,    qui  était  orlginaîremenf 
au  bord  de  la  mer  ,  fe  tenait,  depuis  quelques  années  ,  fur  la  place-d'armes  devant 
l'églife  ,  lorfque  l'intérêt  de  quelques  pirticuliers  a  fu  obtenir  des  Adminiftrateurs 
le  16  Juin    1772,  une    ordonnance  qui  l'a  fait  tranfporter  de  nouveau  au  bord 
de  la  mer.   Cette  pofuion  a  l'inconvénient    d'être   expofée  à  un  vent  confidt^- 
rabl'?    qui  charrie    beaucoup  de  fable   fin   imprégné  de  fel  marin  ,  qui  defsèche 
&  iai;t  IcS  légumes.   D'ailleurs  des   caboteurs  forains  qui  arrivent  la  veille   au 
foir ,  pe'ivent  trop  facilement  accaparer  dès  le  point  du  jour  ce  qu'on  apporte 
pour   vendre   Si  priver  la  ville  d'une   reilource  d'autan-t  plus  précieufe  ,    que 
ce  marché    n'a  lieu  que  le   dimanche  ,    &    que    dans    les    tems    pluvieux    on 
à  l'époque    de  la   récolte    du  café   les    nègres   ne   s'y  rendent   point.    On   voie 
dans  le  cours  de   la  femaine  quelques  nègres    offrant  de  petits  fupplémens  de 
provificns ,  mais   toujours    infuffifans. 

La  confommation  journalière  de  la  ville  du  Port-de-Paix  peut  être  eilimée 
à  environ  300  livres  de  bœuf  frais  ,  un  mouton  ou  un  cochon ,  &  à  peu  près- 
800  livres  de  pain  ;  une  partie  de  ce  dernier  article  cft  prife  par  les  habitans 
voifins  de  la  ville ,  qui  ont  leur  viande  au  moyen  de  boucheries  maronnes  , 
où   l'on  débite  deux  ou    trois  jeunes  bœufs   par  Jemaine. 

La  ville  s'offrira  encore  pour  d'autres   détails,   mais  qui  intéreffent  auffi  la 
.paroiffe  entière. 

Celle-ci  a  plufieurs  cantons  dont  les  principaux  font  :  la  Plaine  du  Portr- 
de-Paix  ,  la  Montagne ,  Réné-de-Bas  ,  la  Plate  ,  le  Fond-Ramier  ,  le  Haut. 
-&,  le   Bas   Mouftique, 

Dans  le  premier  de  ces  cantons    paiTe  la  rivière  d^te   ks    Trois-Rivièresj, 


' iniinMi  r  -|— -        ■nmr'^- 


7IO      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE'- 

dont  j'ai  parlé  à  l'article  de  Piaifance  &  à  celui  du  Gros-Morne.  Sa  largeur 
mo'/enne  efl  d'environ  trente  toi:1-s  ,  fa  mcit-.dre  hauteur  de  dix-huit  -poucesi 
quelqiiefcis  elle  a  lo  ou  12  pieds  d'eau  èc  fes  débordemens  font  fréquens 
k  furieux  à  caufe  de  fa  chute  confidérable.  Le  2  Septembre  1772  ,  cette 
rivière  entraîna  des  bâtlmens  entiers  de  plufieurs  indigoteries ,  des  hommes, 
des  animaux  ,  &c.  Son  embouchure  à  la  mer  eft  aune  demi-lieue  au  Couchant 
de  la  ville,  entre  la  fucrerie  Souverbie  &:  celle  Brun  Larcherie.  Ces  deux 
fucreries  &  celle  de  M''=.  Auber  font  les  feules  que  faffe  mouvoir  l'eau  des 
Trois-Rivières  ,  qui  y  fert  aufil  pour  arrofer-  Plufîeurs  ordonnances  de  police 
ont  défendu  d'y  jctter  les  vides  des  indigoteries ,  parce  qu'elles  en  altèrent 
l'eau  &  lui  donnent  des  qualités    ties-nuifibles. 

Le  canal  de  l'habitation  Souverbie  ,  qui  portait  autrefois  le  nom  de  l'Affiente  , 
eft  étonnant  par  fa  longueur  ,  &  remarquable  par  les  travaux  qu'il  a  exigé  , 
quoiqu'il  ne  foit  pas  digne  du  tableau  qu'en  a  fait  Raynal.(*)  La  prife  d'eau 
eft ,  peut-être  ,  la  plus  folide  qu'on  puiffe  trouver  dans  la  Colonie.  La  direc- 
tion de  cette  entreprife  efb  un  monument  du  talent  de  M.  Potier,  devenu 
depuis  arpenteur  a,ux  Cayes ,  &  un  fujet  de  regretter  qu'on  ne  l'ait  pas  employé 
plus  fouvent. 

-  Quoique  le  canton  de  la  plaine  contienne  beaucoup  d'habitations  propres  à 
la  culture  de  la  canne  à  fucre ,  il  n'a  cependant  que  fix  fucreries,  toutes  avec 
des  moulins  à  eau.  J'ai  dit  que  trois  employent  celle  des  Trois-Rivières  j 
deu.x  autres  prennent  celle  de  la  rivière  de  la  Caye-à-Vinaigre  :  ce  font  les  deux 
fucreries  Lavaud  ,  appelées  la  Caye  &  la  Pointe-à-Palmifte  -,  &  la  dernière; 
celle  Du  Roulin  ,  l'eau  du  ruifîcau  du  Port-de-Paix  ,  qui  trompe  fouvent  l'efpoir 
du  cultivateur.  Ces  fix  fucreries  donnent  deux  millions  de  fucre  blanc.  Les. 
cannes  qui  avoifment  la  mer  font  fouvent  attaquées  par  des  infefles  &  la 
tendance  de  leur  vefou  à  paffer  â  la  fermentation  acide  ,  exige  des  talens  réels 
dans  les  rafineurs. 

Ce  canton  avait  autrefois  un  plus  grand  nombre  de  fucreries  ,  mais  les  difficultés 
de  l'exportation  pendant  la  guerre  en  ont  fait  remettre  plufîeurs  en  indigoteries. 
Sans  cet  inconvénient  majeur ,  les  bords  des  Trois-Rivières  pourraient  avoir 
une  vingtaine  de  fucreri.es ,  que  leurs  eaux  féconderaient  &  dont  elles  feraient 
>   ■■» 

(*)  Ton.   6,   page   239,  édition  in- 3®,   en  10  volumes  .  Neufchatel  ,    1773. 


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F  R  A  N  CA  I  s  E     DE     SAINT-DOMINGUE. 


11 


mouvoir  les  machines  dans  retendue  que  cette   rivière   parcourt  ,    depuis    le 
Gros-Morne  jufqu'au  Port-de-Paix. 

A  une  lieue  à  l'Orient  du  Port-de-Paix,  le  ruiiTcau  appelé  la  rivière  de 
rOrterie ,  dépcfe  ,  iur  les  corps  de  ion  lit ,  une  terre  calcaire  qui  forme  des 
incruftations  trèi-cvrieufes.  En  dix -huit  mois  ou  deux  ans  des  quartiers  de 
pierre  s'y  réunifîent  an  une  feule  pièce  &  les  corps  femblents'y  être  pétrifiés. 

Le  canton  de  la  Montagne  eft  un  de  ceux  de  la  Partie  du  Nord  le  mieux 
établi  en  cafeteries.  Son  penchant  Nord  offre  un  riant  &  riche  afpeft  ,  &  les 
trente  cafeterie-s  de  ce  canton  donnent  au  moins  deux  millions  de  café  par 
an.  Son  argile  ocracée  3  prefque  toujours  couverte  de  roches  à  ravets,  com- 
pofe  un  fol  que  des  pluies  fréquentes  rendent  propre  au  cafîer.  Dans  plufieurs 
points  &  même  à  la  furface  ,  on  trouve  dts  mines  de  fer  d'efj.èces  différentes  j 
des  pyrites  cuivreufes  &  arfenicales ,  dans  des  couches  d'une  argile  grisâtre. 
Différentes  grottes  montrent  dans  les  rochers  des  flalaftites  Se  des  ftalagmites 
mamelonnées.  Les  fpaths  calcaires  font  entre  des  bancs  de  rocs  &  communs. 
Des  albâtres  ibiés  &  peu  durs ,  mais  d'une  éclatante  blancheur  ,  frappent  aufTi 
l'obfervateur.  Une  craie  ,  qui  vraifemblabkment  a  fubi  l'aftion  du  feu  &  qui 
délayée  dans  l'eau  prend  la  confulance  &  prefque  la  dureté  du  plâtre  ,  procure 
un  ciment ,  afiTcz  impénétrable  à  l'eau ,  pour  fournir  des  glacis  à  café  fans  addition 
de   fable. 

Le  Canton  de  la  Plate ,  comporé  de  mornes  hachés  par  des  ravines  profondes , 
ell  le  revers  Sud  des  montagnes  du  Port-dc-Paix  c€  Sud-Ouefl  de  celles  du 
Petit- Saint-Louis,  L'indigo  y  a  remplacé,  vers  1777,  ^^  cafier  qui  y  avait 
parfaitement  réuffi  depuis  1770,  m.ais  dont  le  prix  vénal  ne  dédommageait  plus 
le  cultivateur.  Les  produétions  y  font  femblables  à  celles  du  canton  de  la  mon- 
tagne ;  fon  fol  cft  cependant  meilleur ,  mais  les  pluies  y  font  moindres  &  la 
chaleur  y  efl  plus  forte.  Toutes  les  eaux  de  ce  canton  viennent  former  la  rivière 
qui  porte  fon  norri  &  décèle  une  origine  efpagnoîe  &  des  mines  d'argent ,  opi- 
nion fortifiée  par  des  écaantillons  que  le  père  Plumier  dit  y  avoir  trouvé  en  1690. 
Cette  rivière  qui  va  fe  jetter  dans  ks  Trois-Rivières ,  devient  un  torrent  d'au- 
tant plus  dangereux  pendant  les  Nords  &  les  orages  ,  que  fon  lit  eft  l'unique 
fentier  par  lequel  les  habitan-s  vont  gagner  le  grsnd  chemin  qui  mène  au  Port- 
de-Paix.  On  y  trouve  les  mêmes  bois  qu'au  Haut  Mouilique. 

René-de-Bas  cil  eompofé  d'une  portion  plane  chargée  de  monticules  &  coupée 


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-- —        li  ET 


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712       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

par  un  grand  nombre  de  ravines  qui,  prefque  toujours  à  fcc  ,  font  terribles  dans 
les  grands  orages.  Son  fol  marneux,  profond  &  très-fertile,  produit,  malgré 
les  ravages  des  fécherefles  (  d'autant  plus  fréquentes  que  les  pluies  du  Nord 
ne  gagnent  pas  ce  point  )  ,  beaucoup  d'indigo  d'une,  belle  qualité  &  auquel  plu- 
fieurs  habitans  doivent  de  grands  fuccès.  Ce  canton  avait  de  très-beau  bois  que 
les  abattis  ont  fait  réduire  en  cendres.  On  regrette  que  plufieurs  terrains  épuifés 
par  l'indigo  foient  laines  en  friche,  tandis  que  le  cotonnier  y  réuffirait  à  mer- 
veille. Les  Trois-Rivières,  en  travenant  ce  canton,  feraient  fufceptible  de  donner 
des  moulins  à  eau  aux  fucreries  qu'on  y  formerait.  Le  grand  chemin  du  Gros- 
Morne  au  Port-de-Paix  y  ofFre  aulTi  un  précieux  avantage.  René-de-Bas  f?>urniç 
fies  bois  femblables  à  ceux  du  Haut  Moufiique. 

Le  Fond-Ramier,  le  plus  petit  canton  de  cette  paroifle  ,  eft  entre   le  canton 
du  Port-de-Paix  &  celui  du   Bas   Mouftique.  L'indigo  qu'il  produit  abondam- 
ment,  eft,  quoique  d'une    bonne  qualité ,   le  plus  pefant  du  Port-de-Paix ,  ce 
qu'il  faut  attribuer  aux  eaux  faumâtres  où  l'on  fait  macérer  la  plante.  Pour  les 
befoins  de  la  vie  &  les  ufages  domefriques ,  les  habitans  de  ce  lieu  font  obligés 
d'envoyer  chercher  l'eau  aux  Trois-Rivières.  Le  fol  y  eft  compole  d'ung  couclie 
profonde  de  terre  marneufe.  Ce  canton  avait  autrefois,  vers  la  m.er,  une  grande 
baie    que  ks  alluvions   ont  comblée.  Plus  récemment  encore  on   y  voyait   une 
faline  tellement  abondante ,  que  M.   Durecourt ,  major  du  Port-de-Paix,  écri- 
vait en   1728    au   miniftre ,   qu'elle  pouvait  fournir  annuellement   quatre  mille 
barils  de  fel  d'un  gros  grain  &  très-blanc.   On  l'a  laifTée    s'anéantir  faute  d'en- 
tretien ,  tandis  que  fon  produit ,  réuni  à  celui  des  falines  de  la  baie  de  Mouftique 
&  du  Port-à-l'Ecu  ,   dont  les   travaux  prefque  nuls  en  ce  moment  pouvaient 
Itre  augmentés ,  aurait  furpaflë  les  befoins  de  la  Partie  du  Nord. 
^  Le  Bas  Mouftique,  quoique  terminé  au  Nord  par  la  mer,    en    eft  cependant 
féparé  par   une   chaîne   de   montagnes  afîèz  hautes   &   qui   fcmble  avoir  été  ua 
ancien  refTif  giffant  comme  la  cote  aduelle.  C'cft  dans  cette  chaîne  que  la  rivière 
de  Mouftique  a  fait  une  coupure.  La  plaine  qui  eft  entre  la  faline  du  Fond- 
Ramier  &  de   la  rivière  du   Mouftique,  eft  mamelonnée   par  une   infinité  de 
monticules,  qui  dans  leurs  pierres, roulées   ou  galets,   montrent  bien  leur  ori- 
gine toute  marine.  La  rivière  de  Mouftique  qui  ne  tarit  que   dans  les   grandes 
fecherefîès  des  mois  de  Mars  &  Avril ,  à  des  débordemens  courts  mais  fréquens. 
Elle  en   ,   eu  un   terrible  en    1772;  elle  s'éleva  dans  le  Haut  Mouftique  à  30 

pieds 


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FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE'.     713 
pieds  fur  une  largeur  moyenne  d'au  moins  150  plcis  y  elle  creufa  beaucoup  foa 
Iif  dans  les  pomts  où  elle  était  refferrée  entre  des  rochers,  &  dans  la  plaine  elle 
inonda  plus  d'une   demi-lieue  de  terrain  avec  une  hauteur  depuis  9  jufqu'à    15 
picds.    Et   cependant  cet  immenle    yolume    d'eau  que   les    cataraftes    versè- 
rent fur  la   C.nonie  alors  ,  n'eft  pas  à  comparer  aux  pluies  qui  contraignaient, 
il  y  a  40  ans,  à  abandonner  la  culture  de   l'indigo  dans  ce  canton,   &  à  celles 
qui  ont  dû  produire   les  ravines  qui  y    font  voir  le   roc   vif  à  d'immenfes  pro- 
fondeurs. ^ 

Tous  le  Bas  Mouflique  eft  un  ancien   baffin  de  la  mer  que  des  alluvions  one 
comblé.  Des  fouilles  de  60  pieds  faites  en  1776  ,  ont  toujours  montré  la  même 
terre.  La  quahte  en  eft  mameufe,   &  avec  des  pluies  fuffifantes  elle  peut  le 
difputer,  de  fertilité,  à  toutes  celles  de  la  Colonie;  c'efl  une   de  celles  qui 
produit  le  meilleur  indigo.  Sa  nature  extrêmement  ameublie  &  donnant  palTac^e 
a  des  courans  fouterrains ,  y  rend  les  fources  fort  rares.  Il  en  réfulte  que  toutes 
les  plantes  pivotantes  y  réuffiffent  bien  ;  tandis  que  celles  à  racines  horifontale« 
y  periffent  pendant  les  féchereffes  qui  défoîent  fou  vent  ce  canton.  Le  Bas  Mouf- 
tique  n'a  que  des  arbres  rabougris  ;  cependant  fes  gorges  ont  de  beaux   bois  à 
veines    &   à   nuances  magnifiques  &  produifent  des  gayacs   de   la  plus  grande 
oeaute,  toutes  les  efpèces  d'0/^«/i^  ou  Nopal  y  croiffent  fpontanément.  Celui 
appelle  patte  de  tortue  &  un  cardafTe ,  y  acquièrent  les  dimenfions  des  arbres. 
Le  canton  du  Bas  Mouftique  eft  traverfé  de  l'Eft  à  l'Oueft  par  le  chemin  rovai 
du  Port-de-Paix  au  Môle. 

-Enfin  le  canton  du  Haut  Mouftique  eft  féparéde  celui  du  Bas  Mouftique 
par  une  chaîne  de  montagnes  d'une  hauteur  médiocre  ,  &  qui  peut-êt^e  bor 
daientla  côte  autrefois.  De  là  le  terrain^  va  en  amphithéâtre  jufqu'aux  monta- 
gnes qui  leparent  ce  canton  de  la  paroiftb  du  Port-à-Piment.  J'ai  déjà  die 
combien  il  offrait,  dans  fes  ravines,  de  preuves  du  mouvement  des  eaux  •  Ls 
rochers  y  font  calcaires.  Le  fol  qui  eft  excellent  en  beaucoup  d'endroits  quoi- 
que aride  dans  d'autres  ,  eft  formé  d'une  terre  végétale  noire  portée  p'ar  une 
couche  profonde  de  marne,  où  les  proportions  de  l'argile  &  de  la  terre  calcaire 
varient  &  où  les  féchereffes  ne  font  pas  deftruftives.  Il  y  a  auffi  des  points  où  le 
fond  eft  du  grès  verdâtre  parfemé  de  pyrites  ferrugineufes.  L'indigo  réuffit  dans 
ce  canton,  il  eft  bleu  flottant,  mais  il  rend  peu  &  les  pluies  de  Nord  qui  le 
font  périr  excitent  à  lui  préférer  le  caSer  qu'on  y  avait  mis  par  pure  curiofité  ii 

Tome     I.  .  V 

X  XXX 


'^2 


1 


i. 


714      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

y  a  environ  45  ans.  On  y  compte  déjà  plus  de  30  cafeteries  qui  donnent  un 
grain  qu'on  regarde  comme  fupérieur  à  celui  de  toutes  les  Antilles ,  &  quî 
femble  être  un  rival  de  celui  de  Moka.  En  1784,  M.  Bonfeigneur ,  habitant  des 
hauteurs  de  ce  canton,  a  récolté  90  milliers  de  ce  café  avec  25  nègres  feule- 
ment. Il  femble  que  le  ciel  ait  voulu  ,  par  cette  abondance,  encourager  le  père 
de  feize  enfans  vivans. 

Le  canton  vient  auffi  d'acquérir  un  grand  avantage  par  le  beau  chemin  de 
voiture  que  les  habicans  ont  fait  il  y  a  cinq  ans  ,  pour  gagner  l'embarcadère  du 
Port-de-Paix  ou  celui  de  la  baie  de  Mouftique.  On  peut  dans  certains  points, 
cultiver  utilement  le  cotonnier,  &  de  belles  cannes  à  fucre  Jifent  qu'il  en. 
eft  d'autres  où  l'induftrie  pourrait  form.er  des  fucreries.  Tout  promet  que  ce 
canton  ,  naguêres  tiès-ignoré  ,  offrira  de  riches   produftions  au  commerce. 

Le  haut  Mouftique  eft  encore  tout  couvert  de    bois ,    &   prefque  toutes   les 
efpèces  que  llle  produit  s'y  trouvent ,  furtout   ceux   appelés  incorruptibles ,  tels 
îjue   les  trois  efpèces  de  bois  chandelle  ,  où  l'on  peut  trouver  les  proprictés  du^ 
fantal,  le  brefillet  ,  le  bois-m.arbré  ,  le  gratte- galle  ,  le  bois   à  pedtes   feuilles, 
le    bois  de  favane  franc  ,  le   bois  de  rofe ,  k    bois  canelle  ,  le   gri-gri  de  mon- 
tagne,    le    raifinier   &:  le    fapotiliier   des  mornes ,  le   bois   de  fer,  le   tendre-à- 
cailloux,  le  cypre,   qui  eft  le   cèdre  des   Bermudes  ,  comme  le  difr.ic   le   père 
Plumier  dès   1690  ;  des  pins  propres  à  la  mâture,,  furtout  dans  la  chaî.ie  qui  eft: 
commune  au   Port-à-Piment ,  où  le  père  Plumier    en   vit   de   80  pieds   de  haur 
&  de   plus  de   deux  pieds  de  diamècre  ,   &  recueillit  une   demi-livre   de  réfine 
claire  comme  de  la  diérébent'nine   une  demi- heure   après   avoir  entaillé   deux  ou 
trois  de   ces  pins  à   coups  de   hache.  Il  ajoutait  même  qu'on  s'en   fervait  à   la. 
paroiffe  du  Port-de-Paix  en  guife  d'encens.  Les  acajous   mouchetés  &  ondes,  le 
monis  tin^cria ,  fi  recherché  à  caufe  de  fa  belle  teinture  jaune,  s'y  rencontrent 
prefque  par-tout  ;  on  y  volt  le  bois  pelé  ou  tavernon ,  le  bois  marie ,  l'ébène  3^ 
h  palmifte  franc,  à  vin- &  à  chapelets,   plufieurs  fortes  de  lataniers ,    dont  un: 
très-grand  paffe  pour  être  le  talipot  des  Indes  Orientales ,  &  a  des  feuillei  dont; 
on  couvre  les  maifons  du  Haut  Mouftique.. 

Là  font  aufîi  des  pierres  calcaires  de  toute  efpèce  ,  des  fpaths  calcaires ,  & 
çiême  celui  appelé  Crijial  d'IJlande..  H  y  a  des  mines  de  fer  noirâtre  attirables  à 
l'aiman ,    &  d'autres  ;  des   mines,  de   cuivre  ,   du   zinc  ,    des    bancs   de   pyritea. 
caartiales  &_  cuivneufes,  de  grands  blocs,  de  filex  dans  des  lits  de  raai-ne  ,,  des 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       715' 

géodes  tapiffées  intérieurement  de  criHaux,  de  quartz  ou  de  criflal  déroche, 
blancs  ,  noirs  ,  rougi  âtres.  Dans  d'autres  points ,  font  des  blocs  de  grès  parfemés 
de  marcafîîtes. 

Au  pied  des  montagnes  qui  féparent  le  Haut  &  le  Bas  Mouftique ,  ePc 
l'endroit  que  les  premiers  habitans  ont  nommé  la  Cuivrière,  à  caufe  d'une  fource. 
très-fétide  ,  à  la  furface  de  laquelle  eft  une  crème  gorge-de-pigeon.  M.  Gauche 
prenant  l'ancien  chemin  du  Haut  Mouftique  au  Fond-Ramier ,  s'y  eft  rendu  le 
24  Juillet  1785.  La  fource  fort  d'un  rocher  calcaire  par  une  fente,  auprès 
d'une  ravine  très-creufe ,  qui  là  a  creufé  dans  le  roc  un  baffin  de  dix  pieds  de 
profondeur  &  de  diamètre  ,  d'où  elle  tombe  dans  les  tems  pluvieux  d'environ 
20  pieds  de  hauteur. 

L'eau  de  la  fource ,  froide  ,  limpide  &  fans  couleur  au  fortir'  du  rocher  ^ 
répand  dans  l'atmolphère  voifine  une  forte  odeur  de  foie  de  foufre  décompofé , 
&  des  exhalaifons  luffocantes  à  l'approche  des  pluies  ou  des  orages.  Arrivée  au 
b^iffin  de  la  ravine  ,  l'eau  paraît  blanche ,  bleuâtre  &  même  favoneufe. 

M.  Gauche  penfe  que  la  qualité  fulfureufe  de  cette  eau  minérale  eft  due  â 
une  mine  de  charbon  de  terre  où  cette  eau  pafle  -,  elle  fert  à  manufacturer  l'indio-o 
de  l'habitation  Tardif,  fur  lequel  elle  ne  paraît  point  agir,  quoiqu'elle  femble 
rendre  très-variable  la  durée  de  la  macération  de  l'aniK  Les  nègres  de  l'habitation 
ne  boivent  que  de  cette  eau ,  qui  perd  toute  fon  odeur  en  s'éloignant  de  la  fource. 
Ils  y  font  exempts  de  maladies  cutanées,  &  l'on  y  trouve  des  vieillards  qui 
fcmblent  faire  l'éloge  de  fon  ufage. 

M.  Gauche  a  découvert ,  dans  le  même  mois  de  Juillet  1785  ,  une  mine  de 
cuivre  à  l'entrée  du  canton  du  Haut  Mouftique,  au  Nord-Oueft  des  montagnes 
qui  font  confidérées  comme  ayant  fait  la  côte  autrefois.  Ce  naturalifte  a  jugé 
qu'elle  était  de  la  nature  de  celles  qui  donnent  de  70  à  72  livres  par  quintal 
de   mine. 

Suivant  des  obfervations  métérologiques  faites  fur  l'habitation  Souverbie  qui 
touche  la  ville  du  Port-de-Paix ,  depuis  1775  jufqu'en  1785,  le  thermomètre 
de  Réaumur  n'eft  monté  que  deux  fois  à  28  degrés  (  le  15  Juin  1775  &  le  2Ç 
Oftobre  1776)  ,  &  n'a  pas  defcendu  au-deftbus  de  14  degrés  au-deflus  de  glace- 
Celles  faites  fur  l'habitation  de  M.  Gauche  ,  à  l'entrée  inférieure  du  canton  du 
Haut  Mouftique,  donnent  pour  température  moyenne  entre  15  &  20 degrés  à  6- 
heures  du  matin ,  entre  22  &  26  à  midi  (  il  n'a  monté  que  trois  fois  à  26  4-  ), 

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B  E  S  C   R  I  P  T    I 


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L  A     PART 


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excepté  en  Mars  &  Avril ,  que  le  thcrrrxrr.ètre  marque  quelquefois  13  degiés 
le  matin   &  19  à  midi. 

Les  plaies  d'orage  tombent  ordinairement  eiitre  midi  &  deux  heures.  lî  en 
vient  autant  de  l'Oueft  que  de  l'Eil ,  mais  peu  du  Sud.  Les  p'uies  furciït 
cxceffives   au  mois  de   Mai    Se  de  Juin  1689. 

La  pontion  du  Haut  Mouftique  entre  la  mer  oui  bcrde  la  côte  de  la  Partie 
du  Nord  de  la  Colonie  &  celle  qui  tenr.ine  la  Partie  de  l'Oueft ,  Sz  à  une 
ciftance  à-peu-près  égale  de  chacune  qu'on  peuc  évaluer  à  fix  lieues ,  eft  raufe 
qu'on  y  éprouvé  trè:>-fréquemment  des  tourbidons  de  vent.  La  brile  du  larc^c 
qui  vient  de  l'Efr  &  qui  fe  fait  fentir  tous  les  matins  vers  onze  heures  ou 
midi ,  finiffant  par  être  dominée  par  la  brife  d'Oueft  à-peu-prés  la  moitié  des 
jours  de  l'année  ,  au  moment  où  leur  aclicn  devient  à-peu-près  égale  ,  ks  corps 
légers  qu'ils  agitent  pirouettent. 

La  parcilTc  fouiirit,  le  15  Août  17S4,  un  pedt  coup  de  vent  qui  fenverfa 
prefque  tous  les  bananiers. 

Outre  le  tremblement  de  terre  du  3  Jun  1770,  dont  j'ai  parlé  à  l'arcicle 
de  l'égiife,  on  en  relTcndt  une  fecoulTe  très-lenfible  le  31  Janvier  1784  a  midi 
40  minutes  ;  elle  a  duré  deux  fécondes  &  était  dans  la  direfticn  de  l'Oueft  à 
:^'Eft.  On  a  éprouvé  un  autre  tremblem.ent  de  terre  allez  violent  le  c  Décem.bre 
J7S7  A  7  Heures  28  minutes  du  foir.  Le  5  Janvier  1788  à  midi  &  un^qu'art", 
il  en  fit  une  fecoufTe  affcz  violente  pour  cafkr  d;  la  vaifTelle. 

La  température  de  la  paroiiTe  eft  trés-pr.opre  aux  vivres  &  aux  fruits  du  pars, 
qui  réuff  fTent  furtout  dans  les  terrains  marneux.  Les  légumes  y  font  beaux , 
&  tout  le  monde  connaîc  les  énormes  &  exccllens  artiehaux  du  Port-de-Paix  ,' 
dont  trois  ne  font  payé,  que  dix  fous  de  France.  Le  mufcat  y  a  auFÎ  une 
grande  renommée,  &  l'on  regrette  que  les  guêpes  en  foient  auffi  friande^  Il 'y 
a  bien  long-tems  que  le  ralfin  &  le  mufcat  ont  été  heureufement  naturalisés 
su  Port-de-Pa^x,  puique  M.  Ducaffe  vantait,  dans  une  lettre  du  4  Avil 
1694,  celui  dont  il  faifait  trois  récoltes  en  treize  mois  da^u  /on  heau  jar^^r  Tl 
avait  récollé  auffi  au  mois  de  Février  du  froment  que  M.  Boyer  lui  avait  apporté 
de  la  Partie  Efpagnoie,  &  qu'il  avait  femé  au  mois  d'0(5lobre  p-écédent  P 
ne  pouvait  tarir  fur  l'éloge  des  pois  veits ,  des  excellents  melons  &  des  afperc^es' 
Le  père  Plumier  dit  aulll  avoir  vu  en  1690  au  ?ort-de-Paix  ,  dans  le  jaHin 
des  Capucms ,  de  beaux  mûriers  dont  il  a  même  mangé  du  nuit. 


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F  R  A  N  Ç  A  ï  S  E     DÉ     S  A  î  N  T  -  D  O  M  î  N  G  U  E.      717 

Le  c'.imat  y  eu:  très -favorable  à  la  fanté  (  la  ville  exceptce  )  ,  &  d.ips  les 
parties  élrvécb  on  refplie  un  air  fain  qui  eft  cependant  humide  dans  îe  cant  )n 
de  la  MoQCagne,  &  touiours  fcc  &  vif  au  Mouftique.  Les  femmes  y  font  extrê- 
mement fécondes,  &  l'on  y  voit  des  familles -de  îo,  12  &  15  cnfans ,  ce  qui 
ferait  un  phénomène  dans  d'autres  lieux  de  la  Colonie.  Des  centenaires  de  toutes 
les  couleurs  parlent  auffi  en  faveur  de  cette  paroiffe. 

Les  animaux  domeftiques  font  nombreux.  Les  forées  ont  des  cochons  marons , 
&  la  pintade  ,  le  ramier ,  les  tourterelles ,  le  gibier  aquatique  ,  les  crabiers  , 
les  frégates,  les  paille-en-cu  ,  les  perroquets,  les  merles ,  les  bouts-de-tabac, 
les  charpentiers,  des  oifeaux  de  proie,  des  roffignols ,  des  colibris,  des  bou- 
vreuils ,  des  oifeaux-mouches ,  des  évêques ,  des  pivoinets  ,  &c.  &c. ,  peuplent 
ces  forêts  &  y  vivent  dans  l'union  ou  dans  l'état  de  guerre,  félon  l'inftinâ:  qu'ils 
ont  reçu  de  h  nature  pour  remplir  une  deilination  qui  échappe  à  notre  faible 
intelligence. 

A  cette  incomplette  nomenclature  du  règne  animal ,  on  peut  ajouter  des 
couleuvres  &  des  lézards  de  plufieurs  efpèces ,  &  les  infeéles  venimeux  que 
j'ai  nommés  à  l'article  du  Dondon. 

Les  Trois- Rivières  ont  auffi  en  abondance  les  poiffons  que  j'ai  cités  au 
même  endroit.  Mais  c'eil  la  côte  de  cette  paroiffe  qui  en  procure  beaucoup. 

Cette  côte  commence  à  la  rivière  de  la  Caye ,  où  finit  la  côte  de  la  paroiffe  du 
Petit-Saint-Louis.  A  un  quart  de  lieue  de  l'embouchure  de  cette  rivière  eft  la 
ravine  Sèche  ,  où  eft  la  fucrcrie  Lavaux  ,  &.  à  675  toifes  plus  loin  la  pointe  à 
Palmifte  ,  dont  la  féconde  fdcrerie  Lavaud  porte  le   nom. 

Il  y  a  1,780  toifes  de  la  pointe  à  Palmifte  à  la  Grande-Pointe,  où  eft  un 
efter.  Entr'tUes  deux  eft  la  pointe  des  Martiniquais ,  le  trou  Carangue  ,  l'anfe 
à  Bodin  &  la  pointe  d«  la  Table.  Après  avoir  doublé  cette  dernière  &  à 
environ  700  toifes  avant  d'arriver  à  la  Grande- Pointe  ,  eft  un  étang  qui  fe 
comble,  &  l'anfe  qui  fe  trouve  entre  lui  &  la  Grande-Pointe  eft  propre  à  un 
carénage  &  en  a  même  h  nom.  Une  batterie  le  protégerait  en  croifant  fes 
feux  avec  ceux  du  fort  de  la  pointe  des  Pères  capucins,  qui  n'eft  qu^à  510  toifes. 
Ce  fortin  ou  plutôt  la  batterie  qui  porte  ce  nom  ,  que  la  pointe  a  elle- 
rn'êmej  parce  qu'elle  fallait  partie  du  terrain  originairement  concédé  à  la  miffion 
des  capucins,  ayant  alors  fon  principal  établiffement  au  Port-de-Paix,  a  été 
commencé  en  1756  ^  par  les   ordres  de   M.   de   Vaudreuil,  fur  les  plans    & 


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7i3       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

la  direction  de  M.  de  Villers,  ingénieur.  Elle  avait  été  projettée  p.ir  M.  de 
Larnage  en  1742  ,  ainfi  que  tous  les  changemens  &  les  eiTibelIifTcmens  qu'on 
a  faits  depuis  cette  époque  juiqu'à  préfent  dans  la  ville  du  Port-de-Paix.  Ce 
fordn  qui  efl  au  point  où  l'on  avait  mis  en  1747  la  bactérie  de  la  Marine 
dont  je  parle  un  peu  plus  loin  ,  eft  à  la  chute  d'un  mornet  ,  &  les  hommes 
du  métier  affûtent  que  ce  n'eft  pis  un  chef-d'œuvre  de  l'art.  Ses  22  pièces 
de  canon  protègent  la  rade  du  Port  -  de  -  Paix  ;  il  a  environ  24  pieds  d'élé- 
vation. 

Du  fort  de  la  pointe  des  Pères,  appelé  aufTi  le  Petit -Fort,  juiqu'à  la 
pointe  du  Grand-Fort  ,  il  y  a  530  toifes.  C'eft  la  mefure  de  l'ouverture  de 
la  baie  du  Port-de-Pai.x  qui  a  250  toiles  d'enfoncement  ,  &  à  laquelle  cette 
faible  dimenfion  ne  permet  guères  de  donner  le  nom  de  port.  Ce  mouillao-e 
eft  battu  en  plein  par  les  vents  de  Nord,  contre  lefquels  on  ne  peut  tenir 
durant  environ  fix  mois  de  l'année.  Il  l'eft  auffi  des  vents  d'Ouefl:  &  de 
Nord-Quefi:  qui  y  excitent  des  raz  de  marée  &  affez  fouvent,  pour  que  les 
b.àtimens  chaffent  fur  leurs  ancres.  D'ailleurs  on  peut  y  entrer  la  nuit;  mais 
anffi  ces  inconvéniens  empêchent  qu'il  ne  puiffe  fervir  de  point  d'appui  à  l'ennemi. 

Le  Grand-Fort  ruiné  en  1695  parles  ennemis,  qui  n'y  avaient  laiffé  que 
ia  batterie  baffe  du  Nord-Eft ,  refta  avec  cette  feule  batterie  (  où  l'on  avait 
9  pièces  de  canon  en  1727)  jufqu'en  1757.  A  cette  dernière  époque  le  fort 
a  été  réparé  mais  dans  des  dimenfions  plus  petites.  Son  tracé  originaire ,  fait 
fous  M.  de  Cuffy  ,  était  une  fordfication  à  la  romaine  ,  à  laquelle  trois  pedtes  tours 
donnaient  un  afpecl  antique.  La  vieille  enceinte  a  été  coupée  en  deux  par 
la  nouvelle.  Ce  fort  eft  fur  un  plateau  de  120  toifes  de  large  Sud-Eft&  Nord- 
Oueft,  de  160  toifes  de  long  Eft  &  Oueft,  &  de  45  pieds  au  -  deffus  du 
niveau  de  la  mtr.  Le  fommet  du  plateau  forme  une  efpèce  de  cavalier.  Ce 
trapézoïde  ,  dans  l'étendue  duquel  il  n'y  a  point  d'eau  ,  a,  da.s  fa  partie  Orientale 
donnant  fur  le  mouillage,  32  pièces  de  canon.  Les  reffifs  le  défendent  au 
Nord  du  côté  de  la  mer,  &  la  lame  bat  fur  fon  efcarpement,  qui  eft  plus 
à  pic   vers   la   terre. 

Le  Grand  &  le  Petit  fort ,  dont  les  feux  fe  croifent ,  Se  qui  ont  été  ré- 
parés en  177 1  ,  à  caufe  des  dégradations  que  le  tremblement  de  terre  de  l'année 
précédente  y  avait  caufées,  dominent  les  extrémités  de  la  ville.  Leur  commu- 
nication avec   elle  eft  affurée  par  des  ponts  établis  depuis    1757   auffi,   pour 


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FRANÇAISE     DE     SAINT-DOMINGUE.       719 

n'avoir  pas   à   redouter  les  inondations   de  la  rivière   du  Port-dc-Paix    &:   du 
iagon  de  l'Oueft. 

Le  Grand  fort  elt  dominé  par  le  morne  des  .Pères,  qu'il  a  à  l'Eil,  par  celui 
des  Anglais  qui  eft  vers  le  Sud  &  par  le  morne  Saint-Ouen  qui  eft  dans 
l'Oueft.  L'attaque  de  1695  en  a  donné  des  preuves  fans  réplique  ,  &  l'on 
voit  encore  dans  fa  muraille  des  boulets  à  18  pouces  de  profondeur,  qui 
l'honorent ,  pour  me  fervir  de  l'expreiTion  d'un  ancien  gouverneur  -  général. 
Cependant  les  côtes  oppofées  aux  rriornes  des  Anglais  &  Saint-Ouen  font  plus 
élevés  que  ceux  de  l'Eft  &  du  Nori ,  &  il  eft  même  à  remarquer  que  les 
boulets   venus  de  la  batterie  du  morne  Saint-Ouen  ,  ont  une  direftion  prefque 

horifontale. 

L'obfervàtion  de  l'incruftation  d':s  boulets  donne  l'occafion  de  dire  que  la  roche 
de  mer  de  tous  ces  parages  eft  propre  à  la  maçonnerie.- 

C'eft  vers  l'angle  Sud-Oueft  du  Grand  fort  &  dans  le  voifinage  du  point  oCr 
étaient  les  bâtimens  de  la  Compagme  de  rAffien'"ey  qu'on  a  transféré  le  cimetière 
des  nèo-res  ,    qui  était  autrefois  à  l'extrémité  Nord-Eft  de  la  ville. 

A  160  toifes  de  la  pointe  du  Grand  fort ,  eft  la  pointe  Eft  du  petit  Port-de- 
Paix  ,  qui ,  avec  celle  qui  eft  à  iio  toifes  dans  l'Oueft,  forme  la  petite  anfe  du 
même  nom,-  de  80  toiies  de  profondeur  i  les  bateaux  peuvent  y  mouiller  & 
les  canons  du  fort  défendent  ce  point..  C'eft  dans  la  partie  Occidentale  de  cette 
anfe  qu'eft  le  morne  Saint-Ouen  ,  le  long  duquel  règne  un  fond  de  roches  8e 
qui  eft  à  300  toifes  de  la  petite  embouchure  de  la  rivière  des  Trois- Rivières  ,  car 
fon  embouchure  principale  eft  à  160  toifes  plus  loin,  ce  qui  fait  environ  1,200 
toifes  à  partir  de  la  calle  qui  eft  fur  le  quai  de  la  ville.. 

A  un  bon  quart  de  lieue  de  l'embouchure  des  Trois-Rivières,  eft  la  pointe 
de  la  Baleine  ,  qui  elle-même  eft  à  835  toifes  de  la  rivière  Salée ,  dénominatiori 
que  nous  retrouverons  encore  plus  d'une  fois.  Cette  dernière  diftance  forme  i'anfe 
de  la  rivière  Salée  où  les  boucaniers  &  les  fiibuftiers  venaient  prendre  du  fel ,  »■- 
la  faline  que  j'ai  cité©,  lorfque  la.  Colonie  était  à  la  Tortue  ;  elle  a  330  toin'es  dc: 
profondeur  &  les  huîtres  de  mangles  y  font  en  abondance. 

La  pointe  de  la  Vigie  eft  230  toifes  plus  loin  ;  après  vient  la  pointe  du    Four-^ 
neau,  puis  celle  de  la.  baie  de  Mouftique  à  une  lieue  de  la  précédente  ,  avec  une- 
côte  de  fer. 
-  ■  I^-  baie  de  Mouftique  a  4^5  toiles  d'ouverture  fur  autant  de  profondeur  Touts; 


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720 


DESCRIPTION    DE     LA     PARTIE 


fa  côte  ed:  affez  abordable  5^  la  tenue  eft  bonne;  mais  une  greffe  mer  y  tourmente 
beaucoup  &  l'on  y  eft  fort  expcfé  dans  les  Nords.  Cette  baie  par  fa  fituation 
entre  le  Môîe  Saint-Nicolas  &  le  Cap ,  fert  fouvent  de  refuge  aux  caboteurs  durant 
Ja  guerre  ,  &  quoique  petite  elle  pourrait  au  befoin  donner  afile  à  un  vaiffeau.  Ce 
point,  qu'une  batterie  protège ,  ferait  un  embarcadère  commode  pour  les  cantons 
du  haut  &  du  bas  Mouftique ,  &  l'inconvénient  de  voir  la  rivière  qui  s'y  jette 
tarir  prefque  tous  les  ans  aux  mois  de  Mars  &  d'Avril,  n'eft  peut-être  pas  fans 
remède ,  par  rapport  à  l'eau  qui  ferait  néceffaire  à  la  petite  bourgade  qui  s'y 
formerait.  On  y  trouve  beaucoup  de  tortues. 

C'eft  à  la  rivière  de  Mouftique  ,  qui  tombe  dans  cette  baie  ,  que  fe  termine  la 
côte  de  la  paroiffe  du  Port-de-Paix  &  que  commence  celle  de  la  parciffe  de 
Jearx-Rabel.  Depuis  l'embouchure  de  la  rivière  de  la  Caye ,  jufqu'à  la  ville  du 
Port-de-Paix ,  les  montagnes  s'éloignent  de  la  cote  &  lailîl-nt  une  portion  inter^ 
médiaire  affez  praticable.  Depuis  le  Port-de-Paix,  jufqu'à  l'extrémité  Ouetl  de 
la  paroiffe,  toute  la  côte  eH"  prefque  de  fer  &  abfolument  inabordable,  excepté 
dans  les  points  que  J'ai  indiqués. 

Toute  cette  côte  eft  poiffonneufe.  Le  canal  que  forme  avec  elle  l'Ifle  la  Tortue 
procure  une  multitude  d'efpèces  de  poiffons,  &  le  marché  du  Port-de-Paix  offre 
continuellement  le  tafard,  le  brochet,  la  carangue  ,  le  vivanneau  ,  la  bécune  , 
le  rouget,  le  coffre ,  le  perroquet ,  la  lune ,  le  haut-dos,  le  chirurgien,  quelque- 
fois des  thons  &  des  bonites. 

Des  habitations  qui  voyentle  canal  de  la  Tortue  ,  on  a  quelquefois  le  fpeftacle 
du  com,bat  de  l'efp^don  &  du  fouflcur ,  que  l'on  prétend  annoncer  quelque  tem- 
pête. On  y  a  pêche  des  lamantins  pefant  plus  d'un    millier  &  en  1774     pr^s   de 
l'embouchure  des  Trois-Rivières ,  un  pantoufîier  ou  marteau  qui  pefait  plus  de 
1,500  hvres  s'échoua  lui-même  ,  en  s'élançant  fur  les  nègres  pêcheurs.  Le  pifquet 
ou  tn-in;  dont  J'ai  déjà  parlé  à  l'article  du  Petit-Saint-Louis ,  s'offre  auffi  dans 
ksTrois-Rivières,  durant  le  dernier  quartier  de  la  lune ,  depuis  le  mois  d'Août 
julqu'à  celui  de  Novembre.  Il  remonte  rapidement  cette  rivière  jufqu'au  Gros- 
Morne  ,  où  il  arrive  ayant  déjà  triplé  en  groffeur.   La  matière  vifqueufe  dont  ii 
eft  couvert ,  le  fait  adhérer  aux  corps  qu'il  rencontre  ,  &  il  eft  englouti  par  milliers 
dans  un  feul  repas  ,  parce  qu'il  forme  un  mets    très  .  délicat ,   quoiqu'un  peu 
indigefte.  ^      i  r 

La  conchyliologie  trouve  auffi  des  richeffes  fur  cette  côte.  Des  nautiiles  papi- 

racées 


l 


~J^' 


FRANÇAISE  DE  S  A  IN  T  -  D  O  M  î  N  G  UE,  721 
racées  d'une  grandeur  étonnante  ,  de  nombreux  limaçons ,  les  lambis ,  les  caf- 
ques,les  fabots ,  les  burgos,  les  palourdes,  le^  ourfins ,  les  murex  ,' les  vis, 
la  muFxque  ,  le  ducal ,  &c.  &c.  ,  peuvent  y  offrir  des  relTources  aux  curieux  de 
cette  claffe  de  beautés  naturelles. 

-.  De  la  pointe  de  la  Caye  ,  la  côte  s'élève  dans  le  Nord  jufqu'à  la  Grande  pointe  i. 
&  même  la  pointe  de  la  Table,  plus  communément appellée  la  pointe  du  Caré- 
nage ,  eft  le  point  le  plus  Nord  de  k  côte  de  la  Partie  Françaife  de  l'île  Saint- 
Domingue.  Sa  lantude  obfcrvée  par  M.  de  Chaftenet-Puyfégur ,  le  7  Juillet 
1784,  eft  de  19  degrés,  56  minutes,  &  fa  longitude  de  75  degrés,'  12  minutes, 
15  fécondes  ,  ce  qui  place  ce  Heu  à  :i:^  minutes ,  50  fécondes  ou  environ  i  c  lieues 
à  rOueft  du  Cap. 

De  la  Grande  pointe  la  côte  va  vers  le  Sud-Oueftjufqu'à  la  ville  du  Port-de- 
Paix,  d'où  elle  prend  le  Nord-Eft  jufqu'à  la  pointe  de  la  Baleine,  où  elle 
regagne  le  Sud  -  Oueft  affez  rapidement,  pour  que  la  pointe  Eft  de  l'a  baie  de 
Mouftique  foit  de  trois  m.inutes  au  moins  plus  Méridionale  que  celle  du  Carénage. 

La  vue  des  terres  de  la  paroiiTe  a  un  afpeft  affez  marquant ,  &  lorfqu'on  vient 
de  l'Eft  avec  l'intention  d'entrer  dans  le  Port-de-Paix  ,  l'anfe  où  il  fe  trouve  fe 
•  développant  fucceffivement,  le  fite  des  montagnes  qui  le  dominent,  les  deux  forts 
&  les  arbres  du  quai  ne  font  pas  privés  d'effet. 

La  vue  perfpeélive  &  le  plan  géométrique  de  la  ville  du  Port-de-Paix  (  Voyez 
l'Atlas  )  fuffifent  pour  faire  prendre  une  idée  exaéte  de  cette  ancienne  capitale  , 
<{\n  ne  peut  plus  être  comparée  à  plufieurs  autres  établiffemens  de  la  Colonie.* 
Déformais  ce  n'eft  plus  qu'un  afile  pour  des  batimens  pourfuivis  ou  pour  ceux 
qui  viennent  s'y  charger.  On  y  dépofe  les  objets  d'importation  ou  d'exportation 
dont  ce  lieu  eft  l'entrepôt. 

Le  Port-de-Paix  était  autrefois  le  chef-lieu  de  l'un  des  deux  Quartiers  qui 
compoiaient  alors  à  eux  feuls  toute  la  Partie  du  Nord  de  la  Colonie,  & 
comme  on  la  vu,  ce  quartier  s'étendait,  en  1685,  depuis  k  Môle  jufqu'au 
Port-Français ,  c'eft-à-dire  ,  jufqu'aux  portes  du  Cap.  Il  avait  même  été  porté 
encore  plus  loin  dans  l'Oueft  parle  fait,  &jufqu'd  y  faire  entrer  les  GonaiVes  ; 
mais  on  le  dépouilla  fucceffivement  des  paroifTes  qu'on  créa  au  Couchant  du 
Cap  jufqu'au  Port-Margot ,  &  qu'on  crut  fi  naturel  de  regarder  comme  des 
dépendances  du  Cap,  qu'on  ne  fe  rappella  même  pas  que  le  Port-de-Paix  y  avait 
;qu€ique  droit.  Une  ordonnance  des  Adminiftratcurs ,  du  20  Juillet  1718,  retiVa 


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91 


722       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

les  Gonaïves  du  commandement,  de  la  Sénéchauffée  &  de  la  paroiiTe  du  Port-de- 
Paix.  Le  16  Juin  &  le  26  Octobre  17^6  ,  la  n^ême  chofe  eut  lieu  par  rapport  à 
la  piroilT:  de  Plaiiance ,  8c  enfin  le  21  Juin  1774,  le  Borgne  en  a  encore  été 
détaché.  Le  Qjircier  du  Port-de-Paix  fe  trouve  réellement  réduit ,  en  ce  mo- 
ment au. i  trois  paroiflès  du  Gros-Morne,  du  Pctit-Saint-Louis  &,  du  Port-de- 
Pa'x.  -  "  -  ' 

Cependant  la  Sénéchauffée  à  Un  territoire  plusé:endu,  puifqu'elle  comprend 
en  outre  les  quatre  paroiiTes  de  Jean-Rabel ,  du  Môle,  de  Bombarde  &  du 
Port  à  Piment ,  de  manière  qu'elle  s'ttend  en  même-tems  fur  des  points  de  la 
Partie  du  Nord  &  de  la  partie  de  l'Ouell.  Elle  efl  compofée  comme  celle  du 
Cap  &;  a  la  mê:r.s  compétence  qu'elle.  Chaque  paroiffe  a  un  fubîlitut  de  fon- 
procureur  du  roi  charge  de  la  police.  Elle  compte  huit  procL:reurs  &  autant 
dé  notaires.  L'Amirauté,  compofée  auiïi  comme  celle  du  Cap,  a  pour  officiers-  ■ 
ceux  de  la  Sénéchaufîee.  Les  pièces  de  cette  dernière  ont  été  abfolument  dé- 
truites en  1695. 

La  ville  du  Port-de-Paix ,  après  avoir  eu  le  gouverneur  de  la  Colonie  pour 
chef,  &  en  même-tems  un  lieutenant  de  roi  &  un  major,  n'a  plus  eu  que 
ces  deux  derniers  depuis  1695  jufque  vers  1727  qu'on  y  ajouta  un  aide- major. 
En  1735  on  cciTa  d'y  avoir  un  lieutenant  de  roi,  puis  en  1740  on  rétablit  le 
lieutenant  de  roi  &:  l'on  retira  le  marjor  que  l'ordonnance  du  roi  du  23  Juillet 
1759  fupprima  réellemient.  Pais  l'ordonnance  de  1763  révoqua  les  Etats-majors 5. 
■  &  celle  du  15  Mars  1769,  rendit  un  major  au  Port-de-Paix  qui  eut  de  plus, 
un  r/ioment,  un  aide-major  en  1770.  Mais  enfin  depuis  177  i  que  cet  aide-major 
eil:  devenu  major ,  le  Port-de-Paix  n'a  eu  qu'un  officier  de  ce  grade,  &  c'eft 
ce  que  lui  alloue  encore  l'ordonnance  du  roi  du  20  Décembre  1783.  Ce  msjo? 
(  qui  loge  dans  une  maifon  particulière  )  ,  rend  compte  au  comrrja.idant  particulier 
du  Cap. 

Il  y  auffi  toujours  dans  cette  ville  un  officier  d'adminiftration  chargé  des  dif- 
férens  détails  du  port,  des  magafins ,  des  troupes,  &c.  ;  car  le  Port-de-Paix  a 
une  garnifon  durant  la  guerre  &  un  détachement  d'artillerie  pour  la  garde  des 
forts.  On  y  a  un  capitaine  de  port.  Jufqu'en  1732  on  envoyait  les  foldats  ma- 
lades à  l'hôpital  du  Cap  ;  on  les  met  à  préfent  dans  un  logement  qu'on  choiut  à 
cet  effet,  &  c'eft  un  femblable  choix  qui  procure  des  cazernes  à  la  garnifon. 
La  maréchauffée  établis  au  Port-de-Paix,  k  10  Mai  1770,  ell  actuellement 


~^- 


FR  ANC  AISE    DE    S  A  î  N  T  -  D  O  M  î  NG  U  E.      723 

compofé;  d'un  prévôi; j  d'un  exempt,  d'un  brigadier  &  de  fept  archers.  Celle 
du  Gros-Morne  obéit  à  ce  prévôt.  On  a  trouvé  cette  viile  fufceptible  d'avoir 
une  troupe  de  police  créée  par  l'ordonnance  du  17  Juin  1788  ,  &  formée  d'ua 
exempt ,  un  brigadier  &  trois  archers-fergens  >  elle  fait  le  fcrvice  auprès  de 
la  Sénéchauffé  comme  celle  du  Cap. 

En  1681,  la  dépendance  du  Port-de-Paix  avait  440  blancs ,  dont  200  por- 
tant armes ,  II  mulâtres  ou  indiens  ,  &  357  nègres.  En  iê88  ,  oa  y  comptait 
82  hommes  de  milices.  En  1692  elle  pouvait  armer  230  hommes  ;  en  1697  on 
n'y  comptait  que  361  nègres.  En  1705  elle  eut  un  régiment  de  milices  de  fon 
nom.  En  17 14  fes  nègres  taxables  étaient  au  nombre  de  695  ,  &  en  1723  ,  elle 
en  avait  1800  de  tout  âge  &  de  tout  fexe  ,  &  fa  milice  était  réduite  à  130 
hommes. 

A  préfent  la  feule  paroiffe  du  Port-de-Paix  a  450  blancs  ,  130  affranchis  Se 
8;97  2  efcUvcs.  Dans  ce  total  la  ville  eft  pour  336  blancs,  70  affranchis  &  527 
efclaves. 

Sa  milice  eft  de  195  blancs  &  de  130  affranchis.  Au  fiège  do  fort  du  Port- 
de-P<iix  ,  en  1695  ,  les  nègres  qui  y  étaient  renfermés  étaient  commandés  par 
l'un  deux  appelle  Scipion. 

Outre  les  fix  fucreries  dont  j'ai  parlé  ,  cette  paroiife  382  cafeteries  qui  donnent 
pour  taux  annuel  moyen  ,  trois  millions  fix  cens  milliers  d'un  café  trè^-eftimé  j 
71  indigoteries  ;  quelques  points  plantés  de  cotonniers;  quelques  ha::tes  ;  des 
places  à  vivres  ou  à  graine  d'indigo.  En  1728  la  paroiflTe  n'avait  que  61  manu- 
faftures  ,  dont  4  en  fucreries. 

D'Ogeron  y  avait  fait  planter  des  cacaoyers  en  1666;  mais  il  ne  paraît  pas 
qu'ils  y  ayent  profpéré. 

Encore  en  1703  ,  il  n'y  avait  point  de  chemin  du  Port-de-Paix  au  Cap,  ni 
vers  Léogane.  Le  30  Juillet  1709  ,  une  ordonnance  des  Adminiftrateurs  établit 
un  portillon  qui  portait  les  lettres  de  ce  quartier  à  l'Arribonite  &  y  reprenait 
celles  qu'y  laiffait  le  courier  établi  entre  Iç  Cap  &  Léogane.  En  1727  ils  avaient 
ordonné  qu'un  courrier  irait  du  Cap  au  Port-de-Paix  &  que  les  lettres  de  ce 
dernier  lieu  feraient  prifes  au  premier  pour  Léogane  ;  mais  les  négocians 
demandèrent  qu'on  préférât,  comme  en  1709,  le  courrier  particulier  alant  à 
i'Artibonite.  Encore  en  1735  ,  les  barques  fervaient  autant  que  les  courriers  à  la 
^communication   épiftoiaire  entre  le  Cap  Se  le  Port-au-Prince  puifqu'une  ordoii» 

'      Y  y  y  y  2 


^m 


4 


7^4      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

nance  du  n^.cis  d'Odlobre  aflujecrit  les  maîtres  de  ces  barques  à  remettre  le«  l-*-.-e3 
^ux  bureaux  des  pofles  des  deux  villes  ,  afia  que  leur  taxe  aide  à  payer  le 
courrier. 

_    Maintenant  le  Fort-de-Paix  a  trois  chemins  de  voitures.  L'un  qui  conduit 
jufqu'au  point  où  le  chemin  du  Môle  trouve  le  commencement  de  la  prefqulle 
Un  qui  va  jufqu'à  la  limite  Orientale  du  Petit-Saint-Louis  &  un  troifième  qui  va 
-aux  Gonaïves  &  par  conféquent  au  Cap  &  au  Port-au-Prince  ,  en  palTant  car  le 
Gros-Morne.   Ces  chemins  viennent  aboutir  fur  la  place  Louis  XVI. 

Le  débouché  des  denrées  du  Port-de  -  Pai>i  &  ,  par  conféquent ,  fon  lien 
d'apprcvifionnemcnt ,  eft  le  Cap  ;  car  fon  port  ne  reçoit  d'ordinaire  que  trois 
bâtimens  de  Bordeaux  &  du  Havre  par  an;  un  ou  de-.x  autres  viennen^  y 
cpporterfou  y  prendre  du  fret.  Les  tranfports  font  faits  par  des  barques  paŒ^aèrcs 
â  bord  dcfquclies  on  peut  faire  charger  par  des  acons.  Il  y  a  fix  paffaeers  à  la'Ville 
du  Port-de-Paix. 

Depuis  le  28  Janvier  1777  ,  les  patrons  de  ces  paffagers  font  alTaJettis  à 
juftifier,  par  des  cernficats  des  receveurs  de  l'octroi  ,  de  la  quantité  de  denrées 
qu'ils  ont  chargées  &  du  déchargement  qu'ils  en  font  au  Cap. 

Le  zèle  &  le  courage  qu'ont  toujours  montré  les  habitans  de  la  dépendance  du 
Port-de-Paix  à  fc  défendre  contre  les  ennemi3 ,  exige  que  j'en  rappelé  ici  une 
preuve. 

Les  deux  frégates  l'Atalants  h  la  Syrène,  commandées  par  MM.  Duchaffau^t 
&  de  Guichen,  étant  forties  du  Cap  le  14  Juin  1747  ,  pour  aller  au  Petit-Goav- 
elles  furent  chaffées  &  forcées  d'entrer  au  Port-de-Paix  le  15.  Le  16  au  matin 
l'on  vit  par.î:re  quatre  vaifîeaux  de  guerre  anglais  dont  un  de  80  canons  ,  &  deux 
frégates.  Les  deux  frégates  françaifts  s'embofsèrent  tout  à  terre  ,  &  M  Dure- 
court  lieutenant  de  roi  au  Port-de-Paix  ,  fit  à  la  pointe  des  Pères  une  batterie  de 
fix  canons  de  12  que  lui  donna  M.  Duchaffault  Se  qui  fut  en  état  de  tirer  à  4 
heures  de  l'ap:è3-ff.idi ,  fur  les  trois  premiers  vaiffcaux.  M.  le  Roy  ,  enfeignede 
vaiffeau  ,  commandait  cette  batterie  qui  a  porté  dix  ans  le  nom  de  batte'i-ie  de 
la  Marine. 

Le  17  au  matin  tous  les  vailTeaux  anglais  vinrent  canonner  &  la  batterie  h.'hs 
frégates  qui  leur  ripoftèrent ,  aiafi  que  Tuniqtie  batterie  qui  exiftât  alors  au  Grand 
fort  &  le  foir  du  même  jour  ils  difparurcnt. 

Pendant  ces  43   heures,  la  compagnie  des  dragons -milice  s  du  Petit- Saint-^- 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.      725 
Lo'^is  fut  conflamment  fous  les  armes  au  revers  Eft  de  la  pointe  des  Fèresî  celle 
des  dragons  du  Port-de-Paix  ftr  le  quai  ,-au  bout  Oriental  de  la  ville  ,  ayant  à  fa 
gauche  ,  la  milice  à  pied  du  Port-de-Paix  &  foixante  nègres  efclaves  iaticiers  , 
dreffés  &  formés  en  compagnie  par  M.  Durecoart ,  depuis  la  guerre.  Il  y  avait 
dans  le  Grand  fort,  80  blancs  ou  affranchis  qui  fervaient  le  crnon  ,  &  M    de 
Bombelles  ,  aide-major  de  la  place  ,  qui  était  en  convalefcence  au  Gros-Morae 
en  vmt  en  toute  hâte  ,  avec  100  hommes  de  ce  dernier  lieu  ou  des  hauteurs  du 
Port-de-Paix.   On  fe  difputa  de  zèle   &  de   bonne  volonté  &  les  officiers  de  la 
Sénéchauffée  fe  tinrent  près  de  M.   Durecourt   dont  ils  faifaient  exécuter   les 
ordres.    Toutes  les  milices  commandées  par  MM.  Bonnauît ,  Ballant  &  Graffet 
commandans  des  paroififes  de  Saint-Louis  ,  du  Gros-Morne  &  du  Port-de-Paîx  , 
ciTuyèrent ,   avec  un  grand  fang-froid  ,  le  feu  des  vailTcaux  qui  était  dirigé  telle  * 
ment  haut  qu'il  n'y  eut  que  quelques  maifons  du  Port-de-Paix  endo  mfha  gs 
&  qu'on  ne  perdit  que  quelques  hommes ,  mort  des  fuites  d'une  imprudence  qui 
fit  brûler  quelques  cartouches  au  fort.  Les  milices  reftèrent  affembîées  jufqu'au 
21,  que  M.  Durecourt  les   renvoya,  en  les  comblant  d'élog-es.  Les  frégates 
l'Atalante  &  la  Syrène  fortirent  du  Port-de-Paix  le  i^--.  Juillet. 

Je  terminerai  l'article  du  Port-de-Paix  ,  en  regrettant  que  la  deftinatîon  faite 
par  M.  Jacques  Verjus  ,  Créoi  &  habitant  de  cttte  paroifTe  ,  le  27  Août  1730, 
ne  fe  fokpas  encore  réalifée.  Il  a  confacré  fa  fuceeffion  à  l'établiffementd'un  hôpital 
pour  les  pauvres  de  la  paroiffe  &  50  ans  après ,  ce  n'cfc  encore  qu'un  projet.  Les 
adminiftruteurs  des  Providences  du  Cap  avaient  demandé  ces  fonds  ,  à  la  char,o-e 
de  recevoir  les  pauvres  du  Port-de-Paix.  On  a  plaidé  Se  un  arrêt  du  Confeil  du 
Cap  du  3  Décembre  1781  ,  a  renvoyé  à  folliciter  du  roi  des  lettres-patentes  pour 
autorifer  cet  établiffement.  On  eft  tenté  de  croire  que  quelqu'un  eft  coupable  de, 
Régîigence  relativement  à  cet  objet  qui  intéreffe  l'humanité, 

11  y  a  de  l'églife  du  Port-de-Paix  : 

A  celle  du  Petit  Saint-Louis 

•Gros-Morne         ••.... 
•  de  Jean-Rabel         .         .         .         ,         . 


3  IkvL'çs  1, 
10 

12 


Quoique  je  nomme  ailleurs  M.  Gauche  qui  a  habité  loQg-tertis  îa  paroiffe  du 
?ort-d€-Paix,  js  crois  devoir  dire  ici  que  c'ell  ^  Ibn  zcle  pour  to^it  ce  qui  é^ 


H 


72S       DESCRIPTION    DE    LA     PARTIE 

utile  ,  que  je  dois  une  partie  des  dé:ails  dcfciiptifs  du  Port-de-Paix  qu'il  m'avait 
fournis  d'après  une  copie  manufcrite  de  ma  Defcription  de  Limonade  que  je  lui 
avais  envoyée  comme  une  efpèce  d'indication  de  m.onplan.  M.  Gauche  a  de  p'us 
enrichi  le  premier  volume  dest4émoires  de  h  Société  des  Sciences  &  Arts  du 
Gap  Français  ,  dont  il  eft  un  des  membres  diftingués  ,  des  détails  qu'il  m'avait 
fournis. 


Après  avoir  décrit  les  vingt  Se  une  parollTcS  dont  fe  trouve  ac1;uer,ement  com- 
pofée  la  Partie  du  Nord  de  Saint-Domingue  ,  il  eft  naturel  &  n.ême  indirpenfable 
de  parler  de  l'Ide  la  Tortue  qui  appartient  à  cette  Partie  de  h  Colonie  ,  par  fa 
ficuation  &  par  tous  Tes  rapports. 


tOCO<^>^>.@>.S>.^^>^S^<S':^^" 


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'1 

il 


IslelaTortue. 

Je  te  salue,  Berceau  de  la  plus  brillante  Colonie  que  pofsède  la  France 
dans  le  Nouveau-Monde  !  Afile  de  ces  hommes  qui  ,  après  avoir  étonné  l'Uni- 
vers par  leur  audace  ,  con'acrèrent  à  l'agriculture  des  bras  fi  long-tems  employés 
par  la  vidoire  !  Lieu  où  a  écé  prépa-é  l'un  des  plus  grands  fuccés  obtenus  par  les 
puilTances  européennes  ,  au-delà  des  mers  !  Je  te  falue  ,  Rocher  où  les  deftinées 
de  Saint-Domingu.»  ont  été  fi  long-tems  agitées  ;  &  encore  dans  l'état  auquel  t'a 
ré  luit  ta  pro[_re  utiLté  ,  je  vénère  en  toi  la  caufe  de  tous  les  miracles  que 
l'induftrie  a  créés  dans  une  vafte  Colonie.  Plus  la  gloire  de  celle  -  ci  a  été 
rapidement  acquife  &  plus  elle  me  rappelé  que  tu  en  pofas  les  premiiers 
fonde  mens. 

Qu'on  me  pardonne  cet  élan  ,  il  exprime  ce  que  j'ai  fenti ,  lorfquej'ai  mis  le 
pied  fur  le  fol  de  l'î.e  la  Tortue. 

Située  dans  le  Ncrd  de  l'île  Saint-Domingue  dont  elle  n'eft  féparée  que 
par  un  canal  d'e  v  ron  fix  mille  toi, es  '-e  largeur  moyenne,  l'île  la  Tortue  s'étend, 
fuivant  les  cbfervatio-.s  de  M.  de  Puyléj^ur,  depuis  75  degrés  a  minutes  3^ 


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FRANÇAISE    DE    S  A  î  N  T  -  O  Ô'  M  I  N  G  U  E.       727 

fécondes  jufqu'à  21  minutes  36  fécondes  du  même  degré  de  Longitude  Occiden- 
tale du  méridien  de  Paris  ,  ce  qui  lui  donne  environ. neuf  lieues  de  long  fur  une 
largeur  moyenne  qu'on  peut  é\^a!uer  à  3^000  toifes.  La  Latitude  de  fon  milieu 
peut  ê:re  comptée  à  20  degiés  4  minutes.  Sa  diredtion'eft  de  rEil-quart-Sud-Eil 
à  rOi.icfl-qaart-Nord-Oueftj  de  manière  que  la  ligne  de  ce  dernier  rnmb  de  vent 
prolongée  ,  irait  rencontrer  la  pointe  de  Maizy  de  l'île  de  Cube  dont  le  bout 
Occidental  de  la  Tortue  eft  à  environ  37  lieues,  tandis  que  fon  bout  Oriental 
eft  à  environ    14  lieues  du  Cap   Français. 

Le  nom  de  Tortue  a  été  donre  à  cette  Ifle  ,  parce  que  vue  de  la  mer  ,  dans 
le  fens  de  l'un  de  f  s  côtés  ,  elle  préfente  une  forme  qui  eft  à  peu  près  celle  d'une 
tortue  fort  étendue  ,  au  moyen  de  ce  que  Tes  deux  extrémités ,  n'étant  pas  fur- 
montées  de  la  plate-forme  qui  compofe  la  plus  grande  élévation  de  l'Ifle , 
l'extrémité  de  l'Ouefc  reffemble  afîcz  à  la  tête  d'une  tortue  de  terre  fovtie  de 
fon  écale  ,  tandis  que  le  bout  Oriental  montre  l'extrémiité  poftérieure  du  même 
animal.  Les  deux  pointes  vont  même  tellement  en  s'aminciflant ,  que  le  front  de 
celle  de  i'Eft  n'a  que  250  toiles  &  celle  de  l'Ouefi:  que  3ootoires. 

Cette  L^e  a  environ  41,000  toifes  de  toir,  dont  21,000  forment  la  portion 
qui ,  à  partir  du  point  le  plus  Oueftjufqu'au  plus  Eft  ,  paiTe  par  le  côté  Nord ,  & 
20;Oco  toifes  la  portion  oppofée  du  Sud. 

La  côte  Méridionale  court  dans  une  direction  beaucoup  plus  rapprocI:ée  de  là 
ligne  droite  que  la  Septentrionale  ,  qui  va  toujours  vers  le  Nord-Eft  dans  une 
longueur  d'environ  6,000  toifes  ,  depuis  la  pointe  Oueft,  tandis  qu'à  partir  de  la 
pointe  Eft  elle  tire  vers  le  Nord-Oueft  pendant  environ  4,000  toifes.  Dans  l'in- 
tervalle de  1 1,100  toifes  qui  refte  la  côte  eft  aflez  droite. 

Toute  la  côte  du  Nord  eft  de  fer  &  inacceffible ,  fi  ce  n'eft  dans  deux  points- 
dont  je  parlerai. 

La  partie  du  Sud  eft  remplie  de  petits  mouillages  plus  ou  moins  fûrs ,  dont  le 
principal  eft  celui  que  je  vais  commencer  à  décrire  ,  après  avoir  jette  un  coup-- 
d'œil  rapide  fur  les  différens  états  oij  la  Tortue  s'eft  trouvée ,  depuis  que  les 
Avanturiers  s'y  font  établis ,  jufqu'à  préfent. 

On  a  vu  par  la  Defcription  des  paroiffes  du  Port- Margot  &  du  Port-de-Paix  , 
la  férié  des  principaux  événemens  qui  avaient  fait  de  la  Tortue  la  première  polTef- 
fion  françaife  de  Saint-Domingue,  &  de  ceux  qui  l'avaient  réduite  enfuite  à  n'être 
plus  j  dès  1685  ,  qu'un  pçini;  fecondatre,       . 


4 


DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Lorfque  d'Ogeron  fut  mis  en  poiTsITion  de  la  Tortue  ,  le  6  Juin  1665  ,  cette 
Ifie  avait  400  hommes  portant  armes.  Ce  fut  en  1666  qu'il  forma  le  projet  de  la 
fortification  sppciée  la  Tcur ,  qve  M.  Eîcndel ,  ingénieur  envoyé  par  le  roi ,  vint 
faire  commencer  au  mois  d'Avril  1667.  La  Tortue  était  confidérable  lorfque  les 
hibitans  de  toute  la  Colonie  de  Saint-Domingue  fe  révoltèrent  en  1670  ,  contre 
l'autorité  de  d'Ogeron  ,  qui  voulait  les;  empêcher  de  com.m.ercer  avec  des  Fleffin- 
guois  &  même  le  prêrre  Lamarre,  curé  de  la  Tortue  &  Morel,  _/;;«(f/V  de  fes 
habitons  ,  furent  envoyés  en  France  par  d'Ogeron  &  gardés  au  château  de  Nantes 
jufqu'au  mois  de  Mari  1672  ,  qu'un  ordre  du  roi  les  en  fit  fortir. 

Après  que  d'Ogeron  ,  fur  les  ordres  de  M.  de  Baas  ,  gouverneur  -  général  des 
Lies  ,  eut  envoyé  de  Saint  -  Domingue  à  la  Martinique  cent  flibufliers  pour  atta- 
quer Curaçao,  il  partit  lui  -  même  avec  d'autres  habitans  pour  aller  fe  joindre  à 
cette  expédition,  mais  il  fit  naufrage  à  Porto-Rico  &  M.  de  Baas,  qui  n'avait  pas 
réiim,  vint  favoir  des  nouvelles  de  d'Ogeron  à  la  Tortue  mêm.e,  il  y  mouilla  le 
15  Avril  1673  ;  il  trouva  cette  île  très-appauvrie  par  fes  pertes  en  hommes,  &  ceux 
qui  y  étaient  encore  fort  dégoûtés.  Il  eut  miême  beaucoup  de  peine  à  déterminer 
M,  de  la  Periére ,  officier  venu  de  la  Martinique  avec  lui ,  à  prendre  le  com.- 
mandemenî  de  la  Tortue  dans  l'abfence  de  d'Ogeron  qu'on  croyait  mort  &  qui 
revint  prefque   auffitôt. 

D'Ogeron  voulant  aller  retirer  de  leur  fituation  les  malheureux  Français  qu'il 
avait  laifffcs  à  Porto-Rico  ,  fit  une  nouvelle  expédition  avec  500  hommes ,  qui  fut 
encore  moins  heureufe,  &  la  Tortu-e  fe  trouva  prefque  dépeuplée. 

Elle  n'avait  pas  ceffé  de  décroître  ,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs ,  lorfque  M.  de 
Cufîy  alla  s'établir  au  Port-de-Paix.  Elle  avait  cependant  des  habitans  &  ils  con^ 
fer/aient  encore  un  curé  en  1689.  On  ne  comptait  plus  que  70  hommes  portant 
armes  en  1692  ;  ce  nomDre  diminua  de  moidé  l'année  fuivante  ,  d'autant  que  M. 
Ducaffe  les  excitait  à  pafTer  au  Port-de-Paix,  &  en  1694,1a  Tortue  fut  totalement 
abandonnée  ,  comm.e  déform.ais  fans  utilité ,  elle  qui  avait  réuni  foixante-cinq  ans 
auparavant  tous  ceux  qui  ne  voulaient  pas  que  les  Efpagnols  pofirédafTent  fculs  1^ 
grande  Ifle. 

On  nefe  rappela  l'exiftence  de  la  Tortue  que  18  ans  après,  lorfque  voulant 
ifoier  dans  la  Partie  du  Nord  ,  les  perfonnes  attaquées  de  la  lèpre  ,  on  la  choifit 
pour  être  leur  afile.  Le  miniftre  blâma,  le  29  Mars  1713  ,  ce  parti  adopté  par 
un  arrêt  du  Confeil  du  Cap  du  25  Avril  1 7 1  j;  parce  que,  félon  lui,  i!  fallait  réfervcr 

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FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.  7,^ 

la  Tortue  pour  fervir  de  refuge  ,  foit  contre  quelque  contagion ,  foit  contre  les 
attaques  des  ennemis. 

:    La  Tortue  fut  donc  encore  une  fois  fans  habitans  &  cet  état  d'abandon  y  avait 
tant  fait  multiplier  les  pour<:eaux  ,  dont  la  propagation  y  a  toujours  été  prodi.ieufc 
comme  le  prouve-même  la  dénomination  d'Iflç-aux-Pourceaux,  fous  laqudle'  les 
Hollandais  la  diftiugua.ent ,  que  les  chefs  furent  obligé,  d'y  faire  faire  une  chalTc 
qui  en  detruifit  des  milliers. 

Il  n'en  fallut  pas  davantage   pour  infpirer  à  tous  les  habitans  de  la  Parrî.  ^ 

Nord ,  l'idée  d'aller  à  la  chail.  à  la  Tortue  :  en  chalTant  on  vit  de  t^^^^f^, 

la  guerre  leur  fut  auiTitôt  jurée.  On  défendit  la  chalTe  &  la  coupe  des  bois,  ce  om'ou 

renouvclla  encore  le  .3    Oftobre  ,731  ,  en  difant  que  cette  Ifle    était  défini  â 

fournir  les  bois  néceffaires  aux  objets  publics.  ^"^n^ee  a 

Comme  l'We^fut  lailTée  dans  un  état  plus  tranquille,  il  lui  vint  des  habitans 

4  une  autre  efpece  :  des  nègres  marons  ,   &  une  ordonnance  des  Adminiftrateu 

du  H  Juin  1741 ,  accorda  100  livres  par  chacun  de  ceux  qu'on  y  capturerait  Le 

pouTfuite  étant  un  prétexte  plaufible,on  recommença  à  couper  les  bois  & 

chafîer     de  manière  que  le   .1    Février  1750,  on  établit  un  M.   Tourni  ponr 

garder  1  lue  &  on  lui  donna  même  la  moitié  des  amendes  prononcée  contre  les 

delinquans  ,    l'autre  moitié  était  appliquée  aux  Providences  du  Cap.    Cette   me- 

fure  fut  encore  inefficace,  puifque  dès  le  30  Avril  fuivant  il  fallut  ordonner  des 

vilites  dans  l'iae  par  la  maréchaulTée. 

Alors  on  feignit  de  prendre  des  permiffions  particulières  pour  la  chafle   du 
xochon  rx^aron  ,   mais  comme  l'une  de  ces  permiffions  avait  produit  un  charc^e- 
,rnent  de  bois     une  nouvelle  ordonnance  du   27   Mai    1766   les  fupprima  touJ'es 
&  interdit  abfolument  l'accès   de  la  Tortue  ,    dont  on  rendit    M.   Collineau 
gardien. 

Tel  était  l'état  des   chofes  lorfque  l'on  jetta  ,  quoique  de  fort  loin  ,  des  yeux 
de  convoitife  fur  la  Tortue.  M.  le  duc  de  Choifeul  &  M.  le  duc  de  Praflin    ré'^ 
iiiffant  à  eux  deux  les  parties  ks  plus  importantes  de  l'adminiftration  du  royanme" 
^kurimmenfe   crédit  les  autonfant  à  difpofer  de  tout  à  leur  gré  ,  les  trois  petites 
îlesqm  bordent  les  trois  parties  de  la  Colonie  françaife   leur   parurent  dignes  de 
leur  protedion  ,  &  la  Tortue   fut  la  première  qui  en  reçut  la  preuve       '^ 
■    Le  26  Avril  1767  ,  le  roi  accorda  à  Élizabeth-Célefte-Adélaïde  de  Choi'êul 
femme  du  comte  de  Moatrevel,    cploDcl  du  régiment  de  Berry  ,  &  fille  de 
Tome  /.  „ 

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730      D  E  s  C  R  I  F  T-î  O  N     D  E     L  A     P  A  R"T  I  E 

Gézar-Gabriel  de  Choifeul  ,-duc  de  Prafun  ,  alors  mnijîje  àe  la  marine,  le  breveS 
de   conceffion    de  l'île  de  la  Tortue.    Les  motifs  confignés  dans  ce   brevet  (*) 
font  que  la  Tortue  renferme  des  bois  précieux,  qu'il  eft  prefque    impoîTible 
d'en  tirer,  faute  de  chemins   &   d'embarcadères  ,  obftacle   qu'un  conceffionnairé 
aurait  intéiêt  à  lever,  d'où  réfulterait   un  avantage  notable   pour   la   Colonie, 
qui  commence   à  manquer  de  bois.  Par  ces  motifs  &  autres  confidérations  parti- 
culières,  M-^^  de    Montrevel  en  obtint  le  don  en   toute  propriété,   pour  être 
réo-ie  par  elle  fans  que  ni  fon  mari  ni  les  héritiers   de   fon   mari  puiffent  jamais 
y  avoir  ni  adminiftradon  ni  droit  quelconque.   Sa  Matefté  fe   réferve  cependant 
les    droits    de   fouveraineté  &   de  jufiice  ,   &    tous   les  bois  de   gayac    comme 
réceffaires  au  fervice  de  la  marine.  Elle  défend  de  plus  :    1°.  d'y  avoir  ni  bourg 
ni  hameau,  faufàyavoir  une  églife  paroiffiale  ou  fuccurfale;    1" .  d'y  foufFrir 
aucun    marchand  j  3^  d'y   cultiver  des  cannes    à   fucre   &    d'y  avoir    plus   de 
fubfiftances    que   celles   nécefîaires   à   la    confommation   de    ceux    qui   y  feronî: 
entretenus  j  4".   d'y  former  aucun  embarcadère  fans  la  permiffion  exprefle  des 
Adminiftrateurs.  Avec  ces  prohibitions  qui  parailTent  toutes  relatives  àla  protection 
de  la  Colonie  contre  les  ennemis  qu'on  craint  d'attirer  à  la  Tortue  ;  le  brevet  de 
don  permet  tous   les  autres   ufages  qu'on   voudra   faire    de   l'île  ,   même  de  k 
vendre  en  tout   ou  en  partie  pourvu  qu'elle   Ibit  établie ,  fans   cependant  que  la 
loi  générale  qui  prononce  la  réunion  au  domine  de  tout  ce  qui  n'eft  pas  défriché  ,. 
puiffe  s'appliquer  à  la    Tortue. 

Enfin  pour  faire  mieux  connaître  ce  que  les  Adminillrateurs  peuvent  avoir' 
à  permiCttre  ou  a  em.pêcher,  le  brevet  difait  que  deux  ingénieurs-géographes 
arpenteraient   &  lèveraient  la  carte  topographique  de  la  Tortue. 

En  vertu  de  ce  brevet  cnregiftré  au  Confeil  du  Cap,  l'intendant  fit ,  avec 
MM.  Roger  &  de  Calogne  ,  arpenteurs,  le  15  Janvier  1768,  un  marché  pa? 
lequel  ces  derniers  s'obligeaient  à  faire  cet  arpentage  &  ce  plan  topographique , 
qui,  commencés  le  15  Mars  de  la  même  année  &  achevés  le  3  Décembre 
fuivant ,  ont  coûté  plus  de  60,000  liv.  au  roi.  Je  tire  de  ces  opérations  plufieurs 
des  détails  que  je  rapporte.  J'y  trouve  ,  par  exemple ,  qu^  la  fuperficie  de  la 
Tortue  ,  eft  de  44,365  arpens  -^-  de  Paris ,  ou  1 1,734  cssrreaux  '"4^  de  Saint- 
Domingue. 


(*)  V.  Loi^  (^  Conftituùons  de  Saint-Doniing«e ,  tom.  5  page   loo. 


FRANÇAISE      DE     SAINT-DOMINGUE.       731 

Voilà  comrr.e  la  Tortue  ,  autrefois  l'orguei)  du  nom  ftançais  dans  les  Antilles , 
«îl  devenue  la  propriété  d'une  feule  perlbnne  ,  bien  étrangère  fans  doute  à  tout 
ce  que  cette  petite  îie  a  de  renom  &  pouvait  encore  avoir  d'utilité  pour  la 
Colonie. 

M-^^  de  Montrevel  ctant  morte,  peu-après,  le  don  à  pafTé  au  vicomte  de 
Choifeul  Praflin  ,  depuis  duc  de  PrâÛin ,  fon  frère  &  foa  légataire  univerfel , 
qui  l'afferma  à  M.  Labattut,  négociant  du  Cap,  à  raifon  de  18,000  liv. 
par  an,  fous  la  condition  que  la  guerre  fufpendrait  les  fermages  j  mais  M. 
Labattut  qui  avait  tiré  d'iramenfes  avantages  de  la  fourniture  des  bois  à  l'État 
durant  la  guerre  de  1778,  n'a  pas  voulu  profiter  de  cette  claufe.  Enfin  le  31 
Mars  1785  ,  M.  de  PraHin  ayant  obtenu  du  roi  la  prrmiffjon  de  vendre  la 
■Tortue  telle  qu'elle  était,  mais  à  condition  que  l'acquéreur  ferait  ftriélement 
«nu  à  exécuter  les  claufes  de  la  conceffion  de  1767  ,  M.  Labattut  a  acheté 
par  contrat  devant  M.  Truchat ,  notaire  à  Paris,  le  20  Avril  17S5  ,  l'îlç 
la   Tortue  ,  dont  il  eft  le  poffcfîeur  aftuel. 

Le  lieu  principal  de  la  Tortue  a  toujours  été   invariablement  celui  qui  porte 
encore  le  nom  de  Baffe -terre  ,  que  les  Efpagnols  appelaient  Porto-Rei  ou  Port- 
du-Roi ,  &  qui  eft  fituée  dans  fa  partie  Méridionale.  Il  doit  cet  avantage  à  fon 
mouillage ,  qui  eft   le  plus  fur ,  &  à  la  facilité  qu'a  ce  point  de  pouvoïr  com- 
muniquer de  là  à  prefque  tout  le  refte  de  l'île.  C'eft  à   la  Baffe-Terre   que  le 
vaiffeau  la   Notre  Dame,  monté   par   M.  de  la  Peticière   &  faifant  partie  de 
l'efcadre  de  M.  de  Cahuzac  ,  la  première  que  la  France  ait  envoyée  aux  Ifles, 
alla,  le   29  Juin  1629,  pour  réparer  une  voie  d'eau.  Ce  mouillage  eft,  d'après 
ksobfervations  de  M.  dePuyfégur,  par  20  degrés,  i   minute  40  fécondes  de 
latitude    Nord,  & ,  par  75  degrés,   7    minutes,  30    fécondes   de   longitude  du 
Méridien  de  Paris.  Le  fond  de  ce  mouillage  eft.d'un   beau  fable  fin  '^  blanc. 
Il  a  350  toifes  de  profondeur  depuis  fon  entrée  &  environ  la  moitié  en  largeur, 
&  peut  recevoir  des  bâtimens  tirant  de   14  à   16   pieds  d'eau.  La  direftion  de   - 
l'entrée  eft  du  Sud-Eft  au  Nord-Oueft,  avec  22  pieds  d'eau  à  la  paffe  &  une 
profondeur  qui  arrive   à  7    braffes  en  gagnant  vers  la  terre. 

Ci  port  eft  formé  par  deux  bancs  ou  haut-fonds,  dont  le  plus  confidérable 
part  de  l'entrée  &  fe  dirige  vers  la  pointe  à  Maffon,.dans  l'Eft-.  Comifte  les 
bords  de  ce  banc  font  prefque  verticaux ,  on  peut  le  ranger  à  une  pedce  portée 
de  fuûl  depuis  cette  pointe  jufqu'au  port.  L'autre  banc  de  l'Oueft  de  l'entrée 

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732       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

îaifle  entre  lui  &  la  terre  une  féconde  pafie  apoellée  Petite  pafîe ,  parce  que 
n'ayant  que  i a  pieds  d'eau  à_baffe  mer^  elle  n'admet  que  de  petits  bâtimens. 
Je  fuis  forti  par  cette  dernière  fur  la  goélette  h  Minerve ,  de  So  tonneaux , 
appartenant  à  M.  Labattut  ,  le  6  Juin  1787,  pour  aller  de  la  Tortue  au 
Môle. 

Les  bancs  n'ont  que  très-peu  d'eau ,  Se  même  ils  découvrent  vers  l'entrée  à 
baffe  mer.  C'efl:  ce  qui  les  rend  plus  propres  à  arrêter  &  à  brifcr  les  vagues  ^ 
la.  mer  étant  ordinairement  aiïèz  groffe  dans  le  canal.  Le  port  de  la  Bafîè-Terrc 
eft  abrité  fi  ce  n'cft  du  vent  de  Sud,  qui  fouffle  rarement  fur  cette  côte. 

A  20  toifes  dans  le  Couchant  de  l'embarcadère  de  la  Baffe-TeiTe  qui  eft  au 
fond  du  port .  on  trouve  fur  le  bord  de  la  mer  un  vieux  pignon  de  maçon- 
nerie bâti  à  chaux  &  à  fable,  qui  paraît  être  les  relies  d'un  ancien  corps-de-garde 
ou  maifon-forte  ,  conftruite  du  tems  des  Fiibuftiers.  Le  bas  était  percé  de 
meurtrières,  &  au-deffus  était  vn  plancher  d'où  l'on  faifait  jouer  l'artillerie  fur 
le  port  par  une  embrafure  qu'on  voit  encore  dans  ce  pignon  ,  à  huit  pieds 
de  haut. 

M.  Labatt?at  a  fait ,  à  fes  frais ,  au  bord  de  la  mer  ,  dans  la  guerre  de  1778  , 
une  batterie  de  11  pièces  de   12. 

_  Il  a  trouvé  17  pièces  de  canon  au  bord  de  la  mer  dans  le  m.ouillage  de 
la  Baffe-Terre;  il  y  en  avait  du  calibre  de  18.  Quelques-unes  ont  été 
montées  fur  la  batterie  d'en  haut ,  qui  défend  auffi  ce  point  avec  neuf  pièces  de 
18  &  de  24,  afin  d'empêcher  que  les  ennemis  n'en  faffent  en  tems  de  guerre 
lin  lieu  de  relâche  &  de  repos  ,  d'autant  plus  propre  à  cette  fin  qu'une  eau 
pure  &  qu'une  chafTe  abondante  y  affureraient  des  refîburces ,  &  que  de  là  en 
pourrait  courir  fur  les  bâtimens  &  s'emparer  furtout  des  paflagers  qui  le 
préfenteraient  dans  le  canal. 

Cette  batterie  d'en  haut ,  placée  à  120  toifes  de  la  mer  &  à  environ  80  pieds 
au-deffus  de  fon  niveau ,  aux  dépens  de  M.  Labattut  auquel  l'Etat  n'a  fourni  que 
les  ca,nons  ,  eft  précifément  au  point  où  était  ce  quon  appellait  la  Tour.  On  a  vu 
que  celle-ci  avait  été  conftruite  en  1667  ,  fous  d'Ogeron.  Les  murs  de  cette 
Tour  dont  le  diamètre  intérieur  avait  36  pieds,  étaient  faits  de  î pierres  liées 
par  une  efpèce  de  tuf  argileux  confiftant ,  &  avaient  eux-mêmes  dix  pieds^ 
d'épaiffeur.  Tout  autour  régnait  extérieurement  un  parapet  de  deux  pieds. 
L'entrée  faifait  face  au  Nord  fie  était  recouverte  par  une  avancée  de  pierres  auffi. 


■    FRANÇAISE    DE    ÔAÎN  T-D  O  M  I  N  G  U  E. 


733 


A  gauche  en  entrant ,  était  un  efcalier  de  pierre  en  forme  de  limaçon  ,  s|ïpuyé 
contre  le  mur  intérieur  &  conduifant  au  haut  de  la  Tour  qui  avait  24  pieds 
d'élévation.  Cette  tour  ronde  était  à  trois  batteries,  l'une  fur  l'autre  ,  dont  les 
cmbrafures  ne  Ce  trouvaient  point  fur  la  même  ligne  de  haut  en  bas.  Elle  donnait 
j'allarme  ,  dans  toute  l'île ,  par  trois  coups  de  canon.  De  chaque  côté  de  la 
Tour,  il  y  avait  des  plate-formes  ou  batteries  à  barbette  qui  tiraient  furie  port. 
Cette  Tour  qui  tombait  en  ruine,  a  été  démolie  par  M.  Labattut,  en  1776. 

A  380  toifes  du  rivage  fur  une  plate-forme  naturelle ,  à  mi-côte  du  morne  qui 
domine  le  mouillage  &  fes  alentours  ,  parce  qu'il  eft  à  200  pieds  au-deflus  du 
niveau  de  k  mer ,  font  les  ruines  d'une  cfpèce  de  pentagone  irrégulier  j  c'eft  le 
fort  le  Vaflèur ,  ainfi  nommé  parce  que  cet  officier  l'avait  fait  conftruire.  Les 
murs  d'enceinte  font  de  pierres  féches ,  excepté  dans  la  partie  qui  fait  face  à  h 
mer  où  il  paraît  avoir  été  maçonné  ou  plutôt  lié  par  une  efpèce  de  terre  o-laife 
détrempée.  Au  centre  de  cette  enceinte  eft  un  rocher  de  20  à  25  pieds  de  haut 
fur  environ  2^  pieds  de  diamètre  ,  dont  des  portions  font  foutenues  ou  appuyées 
par  des  nmrs  de  la  nature  de  ceux  de  l'enceinte.  L'intervalle  entre  la  muraille  & 
le  rocher  eft  de  35  pieds.  L'hiftoire  nous  dit  que  le  gouverneur  refidait  au  haut  de 
ce  rocher  oij  il  tenait  les  mainitions  ,  &  la  garnifon  au  pied  dans  des  appentis  qui 
y  étaient  adoffés ,  &  qu'on  ne  comm.uniquait  au  rocher  que  par  une  échelle  de 
fer  &  mobile. 

Cette  enceinte  oij  Ton  ne  pouvait  guères  mettre  plus  de  200  hommes  &de  12 
pièces  de  canons,  a  fon  entrée  de  6  pieds  de  large  vers  le  Sud-Eft.  Venant 
d'abord  du  Sud  ,  le  chemin  fait  le  Sud-Eft  pendant  25  pieds  &  gagne  enfuite 
l'enceinte  un  peu  obliquement.  Il  paraît  que  l'un  des  objets  principaux  de  ce  fort 
après  celui  de  défendre  le  mouillage  ,  était  de  conferver  un  ruiffeau  dont  k  fource 
qui  eft  très-abondante  ,  fournit  de  l'eau  à  la  Baffe-Terre  ;  car  cette  fource  ren- 
fermée dans  le  fort  mêmie  ,  coule  par  un  ravin  qu'enfilait  le  feu  de  l'une  des  faces 
&  d'un  rédent. 

A  1,200  toifes  dans  l'Eft  du  mouillage  de  la  Baffe-Terre ,  eft  la  pointe  à 
Maffon  ,  nom  de  l'un  des  ûx  anciens  éîabllffemcns  de  la  Tortue.  Près  de  la 
Baffe-Terre  ,  en  trouve  la  fource  des  Parcffeux  ,.  ainfr  nommée  parce  qu'étmt 
couverte  parla  haute  mer ,  on  aimait  mieux  attendre  qu'elle  découvrît,  que  d'aller 
chercher  de  î'eau  au  fort  le  Vaffeur.  Lapetite  bande  de  terrain  plat  qui  eft  entre  ces 
deux  points  ,  le  long  de. la  mer  ,  eft  un  peu  fabloncuxj  mais  arrive  Ih  pointe 


\\ 


734      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

à  Marfon  ,  ce  n'eft  plus  qu'un  lieu  bas  &  à  fleur-d'eau ,  couvert  de  roches  mobi- 
les &:  borde  d'un  roc  vif,  le  long  de  la  mer,  jufqu'à  un  bgon  qui  en  occupe  une 
grande  partie.  Les  montagnes  dont  le  lagon  baigne  le  pied ,  ne  font  que  des 
rochers  nûs  &  efcarpés.  On  pourrait  feulement  efpérer  ,  de  cet  efpace  , 
quelques  bois  &  de  la  chaux,  mais  où  prendre  l'eau  douce  pour  éteindre  cette 
dernière  ?  • 

■  Cinq  cens  toiles  après  la  pointe  à  Mafîbn  &  allant  toujours  à  l'Eft,  eft  le 
Carénage  ,  dénomination  dont  il  n'eft  pas  aifé  de  foupçonner  l'origine  ,  quand  on 
voit  les  reffifs  &  les  haut-fonds  qui  bordent  la  côte. 

Les  Plaines  font  1,200  toifes  plus  à  l'Orient.  Ce  point  où  l'on  a  vu  quelque- 
fois des  baraques  de  pêcheurs ,  doit  auiTi  ce  nom  à  quelque  circonftance  que  fon 
afpeft  ne  fait  pas  foupçonner.  C'eft  à  environ  1,000  toifes  des  Plaines ,  qu'efl  la 
pointe  aux  Coquillages ,  que  plufieurs  cartes  appelent  auffi  pointe  de  Portugal ,  & 
qui  efb  formée  de  rochers  qui  vont  vers  l'intérieur  en  s'élevant.  Je  ne  puis  attri- 
buer ce  nom  de  pointe  de  Portugal ,  qu'à  la  circonfbance  qui  faifait  que  plufieurs 
flibuftiers  de  la  Tortue  prenaient  des  commiffions  de  guerre  du  roi  de  Portugal , 
pour  courrir  fur  les  Efpagnols.  Tel  était  un  capitaine  Champagne  qui  était  avec 
fon  bâdment  à  la  Tortue  à  la  fin  de  1666. 

Depuis  le  lagon  ,  qui  eft  dans  l'Eft  de  la  pointe  à  Maflbn  ,  jufqu'à  la  pointe  aux 
Coquillages ,  il  règne  une  plate-bande  qui  varie  dans  fa  largeur  inégale  ,  depuis 
100  jufqu'à  200  tjïfes  ,  6i  encore  ce  fol ,  compofé  de  limon  mêlé  de  fable  ,  eft-il 
marécageux  dans  plufieurs  points.  Des  ouvriers  du  roi  y  avaient  'cependant  de's 
vivres  de  terre  en  1768  &  furtout  des  patates  exquifes;  mais  après  les  avoir  mangées, 
il  faut  boire  l'eau  bourbeufe  Ôi  faumâcre  d'une  marre,  la  feule  qu'offre  tout  ce 
canton. 

Les  hauteurs  par  lefquelles  cette  étendue  eft  dominée,  font  de  grands  rochers 
caverneux ,  dont  la  hauteur  Se  la  pente  font  effrayantes.  On  trouve  dans  le  Nord 
delà  pointeaux  Coquillages  ,  une  caverne  d'environ  18  pieds  de  haut  fur  autant 
de  profondeur  ,   remplie  d'offemens  humains. 

A  350  toifes  plus  loin  que  la  pointe  des  Coquillages ,  on  voit  encore,  dans  une 
anfe  de  terrain  fabloneux  de  350  toifes  de  long  fur  80  de  large  &  terminée  par  des 
rochers  bordés  de  précipices  ,  les  ruines  d'un  ancien  corps-de-garde  ou  maifoa 
forte.  Il  n'en  refte  plus  que  les  murs  dont  la  maçonnerie  eft  excellente  ;  une  em- 
.brafure  pratiquée  dans  le  pignon  &  tournée  vers  la  mer,  annonce  qu'on  ^'.avaif 


^1 


FRANÇAISE    DE  S"  A  I  N  t  -  D  O  M  I  N  G  U  E. 


7J5 


placé  de  l'artillerie  fur  un  plancher  dont  on  trouve  des  relies  ,  &  le  rez  c|e 
chauffée  eft  crénelé  à  hauteur  d'appui.  Il  n'y  a  cependant  là  de  paffage  que  pour 
des  chaloupes.  On  n'a  dans  cet  afile  que  de  déteïlabk  eau  de  marre. 

Du  ccrps-de-gardejufqu'à  la  pointe  Eft  de  la  Tortue  ,    qui  eft  de  38  fécondes 
plus  Oueft  que  la  pointe  d'Icaque;&  qui  fépare  le  Borgne  du  Petit-Saint-Louisj  il 
y  a  environ  1,000  toifes.  Une  ligne  de  toute  la  largeur  de  l'Ifle  tirée   Nord  &  Sud 
à  700  toiles  de  cette  pointe ,   laifferait  dans  l'Eft  toute  la  portion  qui  ne   forme 
qu'un  feul  rocher  ,   dont  on  peut  évaluer  la  hauteur  à  4opieds  au-deffusdu  niv^eau 
de  la  mer.   La  furface  fupérieure  de  cet  immenfe  roc ,  quoiqu'elle  foit  en  quelque 
forte  horifontale  ,    eft  cependant  crevaffée  &  garnie  d'afpérités  tranchantes  comme 
des  razoirs  -,  de  manière  qu'on  ne  peut  y  marcher  qu'avec  danger.     Les  bords  de 
ce  maffifénorme  font  excavés  à  leur  bafe  jufqu'à  5  où  6  pieds  de  profondeur,  par 
les  flots  qui  viennent  s'y  brifcr  fans  relâche  &  lors  même  que  l'état  de  l'atmofphère 
femblerait  devoir  appaifer  leur  furie.   Dans  les  tempêtes  ils  s'élèvent  jufques  fur  le 
haut  du  maffif  même  &  avec  un  mugiffement  épouvantable.  Leur  rage  eft  fi  forte 
alors  ,  qu'une  profondeur  de  200  pieds  d'eau  ne  garantit  pas  les  coquillages  ,  d'au- 
tres corps  foumarins  ,  du  fable,  des  plantes  &  d'énorm.es  morceaux  de  pierres  , 
d'être  tirés  du  fond  de  l'abyme  &  lancés  à  plus  de  150  toifes  fur  le  malTif. 

En  allant  de  la  Baffe-Terre  dans  l'Oueft ,  on  trouve  ,  à  environ  i,coo  toifes  y 
Cayonne  l'un  des  points  les  plus  célèbres  de  la  Tortue  ,  parce  que  le  chevalier  de 
-Fontenayyfit  fa  defcente  en  1652;  après  la  mort  de  le  Vaffeur  ,  que  ce  fut 
encore  par  là  que  les  Efpagnols ,  qui  attaquèrent  ce  chevalier  en  1654,  débar- 
quèrent &  que  lui-même  rentra  peu  après  à  la  Tortue  ,  pour  effayer ,  mais-  en  vain, 
de  la  ravir  à  fes  vainqueurs,  Cayonne  eft  d'ailleurs  ,  dans  fa  petice  étendue  ,  l'un 
des  meilleurs  terrains  de  la  Tortue  ,  avantage  que  rend  encore  plus  précieux  la 
rivière  de  fon  nom  qui  y  coule  &  dont  l'eau  eft  auffi  bonne  que  celle  de  la  Baffe- 
Terre.  On  y  voit  encore  des  veftiges  d'indigoteries  qui  prouvent  que  cette  plante 
y  a  été  cultivée.  Cayonne  ,  dbnt  la  petite  plaine  a  été  en  1654  le  théâtre  du  com- 
bat le  plus  opiniâtre  &  le  plus  meurtrier  de  ceux  donnés  à  la  Tortue  entre  les 
Français  &  les  Efpagnols  ,  était  un  des  fixétabliffemens  que  comptait  la  Tortue  à 
l'époque  de  fa  fplendeur  &  dans  les  commencemens  on  y  a  cultivé  du  tabac.  Je  ne 
fais  pourquoi  ce  nom  Indien  eft  prononcé  Cayorne  depuis  quelque  tems. 

A  400  toifes  du  mouillage  de  Cayonne  eft  la  pointe  de  fon  nom  ,   &  à  environ 
1,000  de  celle-ci  la  pointe  aux  Oifeaux,  dontdes  ca-rtes  inexaftes  indiquentl'e  nom 


s'! 


"'^^'W^BI^^^ 


► 


il 


736        DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE' 

a'j  morne  de   l'Ouefl  de  la  B^ffe-Terrc.   Tout  près  de  cette  pointe,  mais  dans 

l'Eft,  eft  l'anfe  du  Cabaret,   dont  il  cft  aifé  de  concevoir  que  le  nom  vient  d'un 

cabaret  qu'aura  eu  cette    petite    anfe  ,  unique  point  praticable ,  &  encore  pour 

des  chaloupes,  qui  foit  dans  l'intervalle  de  la  pointe  de  Cayonne  à  celle  des  pifeaux, 

tout  garni  d'affreu?:  rochers  entafîes  les    uns  fur  les  autres.  On  trouve   cependant 

]à  les  vertiges  d'une  indigoterie  &  d'une  marre  ou  puits,  A   environ    loo  toifes 

dans   l'Eft   de  l'anfe   du  Cabaret  eft  une  caverne  de  7  ou  8  pieds   d'élévation  Se 

d'environ  10  pieds  d'enfoncement ,  où  l'on  trouve  beaucoup  d'ofîemens  humains. 

-    La  pointe  des   Oifeaux  ,   élevée   feulement   au-deffus  de  h  mer  de   50  ou  60 

pieds  ,  a   un  fommet  plat ,  avec  un  peu  de  terre   mêlée  de  pierres.    A  la  toucher 

dans  l'Eft  ,  font  plufieurs  rochers  détachés  de  terre  d'environ  30  toifes   &  dont 

l'afpecT:  eft  curieux.   Comme  ils  ont  été  rongés  par  la  mer  dans  le  bas   &  que  leur 

furface  ,  formée  elle-même  d'une  pierre  durcie  ,  eft  couverte   d'arbuftes ,  ils  ref- 

femblent  alTez  à  des  pots  de  Seurs>  Ces  bois,  &    les  rochers  mêmes,   font  l'afile 

d'mnombrables  oifeaux  ,  parmi  lefque!s  domine'nt  les  merles  ,  dont  on  démêle  de 

très-loin  l'importune  loquacité.    C'eft  de  cette  circonftance  que  la  pointe  tire  fon 

nom. 

-Dans  l'Oueft  de  la  pointe  aux  Oifeaux  il  y  a  un  mouillage  de  6  à  8  pieds  de 
prorondeur,  au  fond  duquel  coule  une  rivière  ,  ou  pourparler  plus  vrai  un  ruilTeau, 
dont  l'eau  eft  réputée  la  meilleure  de  l'Ifie  &  qu'on  voit  avec  regret  fe  perdre  dans 
un  heu  ,  oij  nulle  culture  ne  peut  être  tentée.  Depuis  cette  rivière  jufqu'au  Petit- 
Mahé  ,  qui  eft  à  1,600  toifes  de  la  pointe  aux  Oifeaux  ,  toute  la  bande  vers  la  côre 
eft  étroite  &  d'un  roc  qu'on  ne  pourrait  que  convertir  en  chaux.  Le  Petit-Mahé 
lui-même  eft  formé  d'un  ruban  qui  borde  quelques  éminences  fufceptibles  d'être 
cultivées  quoiques  roides.  Un  refte  d'indigoterie  proche  de  la  m^er  annonce  qu'on 
a  tenté  celle  de  cette  plante  ,  favorifé  par  une  fource  ou  pleureufe  qui  vient  des 
hauteurs. 

En  faifant  encore  650  toifes ,  on  eft  au  Grand-Mahé  ,  dont  on  ne  peut  rien 
citer.  Milplantage  qui  le  fuit  à  750  toiles  ,  a  été  l'un  des  établiffemens  de  la 
Tortue  primitive  &  conquérante.  Il  a  une  portion  plane  &  fes  hauteurs  font 
fertiles.  Les  iources  de  ces  dernières  (onc  cependant  très-faibles  &  femblent  ne  fe 
réunir  dans  un  ravin  que  pour  s'y  épuifer.  Le  tabac  a  pu  feul  erre  le  partage  de 
cet  endroit  ou  plutôt  le  mil  ou  maïs  comme  femble  i'indiqi:<r  fon  nom  lui- 
même. 

On 


FRANÇAISE    DE     SAINT-DOMINGUE. 


737 


On  compte  700  toifés  du  Milplantage  au  Ringot ,  dont  on  a  modernemer.t  fait 
le  Gringotj  petit  intervalle  plane  où  im  ruifleau  donne  conftamment  une  eau  crifta- 
îine  &  pure.  Des  rochers  aigus  &  prefque  perpendiculaires  le  termine.  On  y  vok 
une  indigoterie  rainée. 

Entre  le  Ringot  &  la  Rofelière,  qui  le  fuit  à  900  toifes ,  mais  plus  près  du 
premier ,  eft  le  Terrier-Rouge ,  au-deffus  duquel  font  quelques  plateaux.  Une 
fource  vient  des  hauteurs  &  fe  confume  en  route.  La  Rofelière  eft  ainfi  nommée 
à  caufe  de  quelques  rofeaux  qui  bordent  la  rive  &  qui  doivent ,  fans  doute  »  la  vie 
à  la  rivière  abondante  du  nom  du  lieu  ,  dont  les  eaux  ,  perdues  en  apparence  dans 
les  crevaiTes  des  rochers ,  s'enfiltrcnt  furement  à  travers  le  fol.  La  Rofelière  eft 
Nord  &  Sud  avec  le  Grand  ou  Vieux  for:  de  la  ville  du  Port-de-Paix. 
-  L'intervalle  eft  d'environ  1,600  toifes  entre  la  Rofelière  &  le  bord  Eft  de 
la  Saline  ,  avant  lequel  eft  la  Vallée.  La  Saline  elle-même  en  parcourt  750  ,  & 
à  600  toifes  de  là  eft  le  milieu  du  Trou  Vafeux,  qui  n'eft  qu'un  lagon  peu  étendu 
au  devant  duquel  eft  cependant  un  mouillage  plus  abrité  &  plus  grand  que 
celui  de  la  Baffe-Terre,  mais  dont  la  paffe  n'a  que  12  pieds  d'eau.  Après  le 
Trou  Vafeux  ,  &  à  800  toifes  ,  eft  le  Carénage  Anglais,  oij  de  petits  bâtimens 
peuvent  aller  fe  virer  jufqu'à  terre  ;  puis  l'Hôpital  à  1,900  toifes  encore  plus  à 
l'Oueft  ;  &  enfin  il  y  a  1,700  toifes  de  l'Hôpital  à  la  pointe  Occidentale  de  l'Ifle. 

Depuis  l'entrée  de  la  gorge  appelée  la  Vallée  jufqu'au  Trou  Vafeux  ,  le  terrain 
eft  plat  &  l'on  pourrait  même  y  aller  en  voiture.  Mais  cçtte  étendue  n'eft  guères 
propre  à  la  culture  &  l'eau  y  manque  ,  fi  ce  n'eft  à  la  Vallée  même. 

Cette  dernière  a  environ  200  toifes  d'ouverture  &  500  toifes  de  profondeur  , 
depuis  le  rivage  jufqu'à  un  point  où  elle  fe  bifu-i-que  en  deux  vallons  j  celui  de 
l'Eft  s'appele  la  Peiiie  Vallée,  celui  de  i'Oueft  la  Grande  Vallée.  LTne  fource 
coule  entre  les  deux  ,  mais  dans  les  tems  de  féchcreffe  elle  tarit  dans  (on  lit  fablo- 
neux  ;  à  environ  600  toifes  de  la  bifurcation  ,  tout  le  terrain  ,  pendant  un  quart  de 
iieue  depuis  la  mer ,  eft  propre  à  la  culture  ,  &  deux  anciennes  indigoteries  l'attef- 
îeraientau  befoin.   Plus  haut  le  fol  eft  aride  &  pierreux. 

Quant  à  la  Saline,  dont  on  diftingue  les  deux  portions  en  grande  &  petite  Saline^ 
elles  font  maintenant  fans  utilité  ,  &  ce  fort  eft  commun  à  une  autre  faline  qui  eft 
près  de  l'hôpital  &  qui  fait  même  appeler  Pointe  de  la  Saline  ,  la  pointe  la  plus 
Sud-Oueft  de  la  Tortue.  Il  eft  encore  remarquable  que  cette  dernière  faline  cor- 
refponde  à-peu-près  à  celle  de  la  rivière  Salée  du  Port-de-Paix. 

Tome    I.       .  A  a  a  a  a 


I 


41 


M 


'•Kl 


► 


7J8       DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Da  Trou  Vaitux  ju:qu'à  la  moitié  de  la  diilance  entre  l'hôpital  &  la  pointe  de 
rOucril,  la  cô:e  eft  efcarpée  &  ion  fommet  eft  couronné  de  chaînes  qui  s'éten- 
dent elles-mê. nés  jiiiqu'à  cette  pointe.  Dans  quelques  points  il  y  a  de  o-randes 
laiiTcs  de  fable.  Cette  portion  de  côte  a  plufieurs  bons  mouillages  même  pour  les 
~7vaiireaux  du  premier  rang  ,  mais  pas  une  aiguade.  Les  noms  de  Carénage  &  d'Hô- 
pital font  affez  anciens  pour  que  je  n'en  puiÇe  pas  trouver  l'origine.  Près  de 
i'PIôpital  fe  trouvent  des  ruines  d'indigoîeries  qui  offrent  une  difficulté  encore 
plus  difficile  à  réfoudre,  pjifqu'il  ell:  impoiTible  de  concevoir  comment  on  fuppléaic 
l'eau  qu'exige  cette  manufacture  ,   &  qui  n'exifte  pas  dans  toute  cette  étendue. 

La  pointe  Occidentale  de  la  Tortue  ,  qui  ell ,  félon  M.  de  Puyfégur,  de  cina 
minutes  plus  Orientale  que  h  baie  de  Mouftique  ,  n'a  qu'environ  12  pieds  d'élé-, 
vation  au-deffus  de  la  mer.  Comme  celle  Orientale  elle  eft  formée  d'un  mainf  de 
roches  tranchantes ,  terminé  par  une  côte  de  fer. 

D'une  ligne  tirée  Nord  &  Sud  à  environ  900  toifes  dans  l'Ed  de  cette  pointe  , 
commencent  des  rochers  qui  vont  vers  l'Eft.  Entr'eux  &  la  pointe  &  à  partir  de 
celle-ci  j  eft  d'abord  un  monticule  pierreux  dont  la  fiirface  eft  couverte  de  pierres 
jTiarines  ,  calcaires  &  mobiles.  Après  eft  une  vafte  plaine  de  fable  qui  traverfe 
toute  la  largeur  de  l'Ifle  dans  ce  point,  &  va  fe  terminer  dans  l'Eft  au  pied  d'une 
falaifeprefque  verticale  &  à  des  côtes  de  fer  au  Nord  &  au  Sud.  Cette  falaife 
arrondie  en  croupe  &  dont  la  fommité  eft  fenfiblement  convexe  ,  s'élève  graduel- 
lement &  mêm.e  par  deux  zones  affcz  marquées  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  parvenue 
au  point  qui  correfpond  dans  le  N«rd  aux  hauteurs  de  la  gorge  de  la  Vallée.  C'eft 
furement  par  cette  configuration  que  l'idée  d'une  Tortue  fera  venue  à  Colomb.  La 
plaine  fabloneufe  eft  aride  &  n'a  que  quelques  petits  arbres,  qui  n'excèdent  pas 
20  pie.ds  d'élévation.  Sur  la  croupe  au  contraire  ,  on  en  trouve  de  furprenans  pat 
leurs  dimenfions  ,  &  les  efpèces  en  font  très-variées.  On  ne  fait  pas  commjent  une 
efpéce  de  roc,  à  peine  recouvert  d'un  pouce  de  terre  ,  peut  leur  procurer  une 
nourriture  fuffifante. 

Dans  toute  h  côte  de  la  partie  Nord  ,  qui  n'eft  qu'un  rocher  continu  dont  les 
bords  font  à  pic  &  que  j'ai  déjà  défignée  comme  inacceffible  ,  il  y  a,  à  environ 
900  toifes  de  la  pointe  de  l'Oueft,  un  enfoncement  qu'on  a  nommé  Port-des-Fous, 
&  cela  miême  du  afTez  quel  degré  de  confiance  il  doit  infpirer.  A-peu-près  à  l'op- 
pofite  du  carénage  Anglais ,  mais  auffi  au  Nord  ,  eft  la  pointe  à  Soufleur. 

Vers  le  milieu  de  cette  côte  Septentrionale,  mais  cependant  un  peu  plus  à  t'Ouefr* 


FRANÇAISE  "DE    S  A  I  N  T  -  D  O  M  î  N  G  tJ  E.      739 

•ell  l'anfe  à  Tréfor,  où  le  jette  une  petite  ravine  du  même  nom  h.  où  de  petits 
canots  peuvent  s'approcher  affez  près  pour  qu'on  faute  à  terre  j  mais  dans  un  teras 
extrêmement  calme  ,  ce  qui  eft  prefque  un  phénomène  fur  cette  côte,  où  le 
moindre  vent  rend  la  mer  furieufe.  On  dit  que  ce  nom  d'anfe  à  ïréfor  vient  de 
ia  perte  d'un  gâllion  chargé  d'or  &  d'argent.  Mais  ce  qu'on  a  peine  à  croire  ,  lorf- 
qu'on  a  vu  ce  lieu,  c'eft  ce  qu'en  dit  la  tradition  :  que  ce  fut  par  là  que  du  Raufîen 
rentra  dans  la  Tortue  ,  où  il  furprit  Se  défit  les  Efpagnols  vers  1657.  La  feule  vue 
de  ce  point  fuffitpour  qu'on  juge  du  caradère  des  Avanturiers.  Et  de  quoi  n'étaient 
pas  capables  les  hommes  aflez  téméraires  pour  côtoyer  &  aborder  d'affreux  rochers 
&  tenter  une  expédition  ,  où  la  rencontre  de  l'ennemi  était  la  chofe  la  moins  redou- 
table !  Quel  tems  il  aura  fallu  pour  débarquer  4  ou  500  hommes  à  travers  des 
vagues  qui ,  dans  leur  impulfion  ,  comme  dans  leur  retour  après  qu'elles  le  font 
brifées  contre  le  roc  ,  ouvrent  des  gouffres  dé vorans  ! 

Mais  ce  débarquement  enfin  effectué  ,  quel  courage  il  fallait  encore  pour  par- 
venir au  but  !  Le  mafîlf  fur  lequel  ils  mirent  pied  à  terre  eft,  comme  je  l'ai  die 
en  parlant  de  la  pointe  de  l'Eil ,  hérifTé  de  pointes  de  rochers  ,  où  chaque  pas  fait 
courir  le  rifque  de  la  vie.  Ce  malTifn'eft  traverfé  que  pour  aller  trouver  plufieurs 
chaînes  de  rochers  d'une  hauteur  &  d'uneroideur  affreufes,  s'éievant  par  gradins  les 
uns  au-delTus  des  autres ,  qui  ont  prefque  toute  la  longueur  de  l'Ifle  &  où  il  n'y  a 
d'intervalle  que  ceux  de  quelques  crevafTes  ou  précipices.  Enfin  tous  ces  obfta- 
cles  vaincus ,  il  leur  aura  fallu  traverfer  encore  l'efpace  qui  eft  depuis  le  haut  de 
riile ,  en  face  de  l'anfe  à  ïréfor,  jufqu'au  fort  le  VaîTeur,  où  ils  s'em- 
parèrent du  corps-de-garde  efpagnol ,  d'autant  moins  défendu  dans  fes  derrièreSj 
qu'il  eût  feinblé  extravagant  de  les  croire  expofés. 

Au  point  qui  correfpond  à  Cayonne  ,  fur  la  côte  Nord  ,  eft  la  RoufTière  ,  rivière 
qui  coule  dans  un  lit  profond  bordé  de  précipices  où  elle  fe  perd  avant  d'arriver  à 
la  mer.  A  la  Baffe-Terre  correfpond  la  rivière  à  Robin  ,  qui  eft  du  même  genre. 
Entre  les  deux  efl  la  pointe  appelée  Tête-de-Chien, 

Le  Ledeur  doit  voir  par  les  détails  où  je  fuis  entré  ,  qu'il  me  refle  une  portion 
de  riile  à  lui  faire  connaître. 

Cette  portion  efl  une  véritable  plate-forme  d'environ  400  pieds  de  hauteur  au- 
delTus  du  niveau  de  la  mer  ,  pofée  fur  le  mafîlf  que  j'ai  décrit  comme  borné  par  la 
tner  &  terminé  par  des  rochers  ,  qui, font  à  leur  to'jr  les  b ^rds  de  la  plate-forme  ou 
,^u  mafTif  fupérieur.  Ces  bords  font  dans  l'Eft ,  le  Nord  &  l'Ouefl,  déchirés  6s 

i  A  aa  a  a  2 


ii«  'i 


^     — 


► 


740      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

Drefque  verticaux  ,  excepté  vers  le  Nord-Efl  où  leur  pied  eft  cxcavé  &  caverneux 
dans  une  longueur  de  plus  tz  7^000  toiles.  Dans  cet  efcarpement  &  toujours 
dans  le  Nord-Eft  ,  font  encore  des  traces  de  dépôts  de  fable  ,  des  mangliers  &  des 
laifinici-s  du  bord  de  la  mer  ,  qui,  dans  leurs  formes  chétives,  femblent  attefter 
cependant  j  qu'autrefois  les  vagues  ont  battu  cette  féconde  plate-forme ,  aujour- 
d'hui intérieure  de  près  d'une  demi-lieue. 

Le  mafTif  fupérieur  part ,  comme  on  l'a  vu  ,  d'i:n  point  qui  eft  à  700  toifes  dansf 
rOueft  de  la  pointe  de  l'Eft  de  Tlfle  ,  &  fe  termine  à  la  fahife  fituée  par  le  travers 
de  la  gorge  de  la  Vallée  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  parcourt  environ  15,000  toifes  dans 
la  direftion  de  riflt  même ,  avec  une  largeur  moyenne  Nord  &  Sud  d'environ 
ï.ooo  toifes. 

Cette  féconde  plate-forme  eft,  comme  celle  qui  lui  fert  de  bafe ,  d'un  roc  vif. 
Sa  lurface  fupérieure  forme  une  longue  plaine  doucement  inclinée  vers  le  Nord  , 
jufqu'au  point  oia  l'on  arrive  à  fon  efcarpe. 

Cette  conformation  de  i'Ifle  la  Tortue  eft  d'autant  plus  faite  pour  frapper 
le  Pliyficien ,  que  riile  Saint- Domingue^  dans  fes  parties  correfpondantes  à 
celles  de  la  Tortue ,  furtout  dans  le  Sud-Oueft  de  la  pointe  Occidentale  de  celle- 
ei  &  jufqu'à  la  Plate- forme  du  Môle  ,  a  une  côte  divifée  par  couches  ou  plate- 
formes placées  les  unes  fur  les  autres  &  de  manière  que  celles  inférieures  forment 
toujours  un  entablement  par  rapport  aux  autres  ou  un  plan  incliné.  S'il  porte  fes 
regarda  jufques  fur  I'Ifle  de  Cube  ,  il  y  retrouve  encore  cette  analogie ,  &  tirant 
une  ligne  de  l'Eft-Sud-Eft  au  Oueft-Nord-Oueft  ,  du  Cap  à  Foux  du  iNlôie  au 
point  de  I'Ifle  de  Cube  qu'elle  atteint  &  qui  eft  par  78  degrés  7  mnnutes  de  Lon- 
gitude ,  il  y  rencontre  le  lieu  auquel  on  a  donné  le  nom  des  Autels  ,  parce  qu'il 
eft  compofé  de  plate-formes  ou  maffifs  pofés  les  uns  fur  les  autres. 

La  furface  de  la  plus  haute  plate-forme  de  la  Tortue ,  eft  en  général  calcaire  , 
comme  prefque  celle  de  toute  Tlfle.  On  y  voit  çà  Se  là  de  grandes  m.aflès  de 
rochers  également  calcaires  ,  &  le  plus  fouvent  de  la  nature  des  roches  à  ravets. 
On  y  trouve  cependant  aufli  du  granit  &  des  pierres  quartzeufes  ;  mais  il  n'y  a  pas 
fur  cette  haute  furface  une  feule  goûte  d'eau  courante  ;  on  y  rencontre  feulement 
des  marres  en  grand  nombre.  Le  père  Plumier  écrivait  le  8  Oftobre  1690,  qu'il 
avait  vu  du  marbre  bleu-verdoyant ,  en  defcendant  de  l'habitation  de  M.  la  Fran- 
chife,  à  Milplantage  par  la  Vallée.  Il  dit  aiilTi ,  que  chez  M.  la  Franchile  on  avait 
tîouvé  une  matière  minérale  5  qui  ,  fondue  ,  avait  donné  de  trts-bon  argent. 


( 


I 


FRANÇAISE    DE    SAINT-DOMINGUE.       74Î 

Le  fol  de  la  Tortue  éft  encore  digne  de  la  réputation  dont  Charlevois  dit 
qu'il  jouifTait.  On  ne  peut  fe  refufer  à  partager  cette  opinion,  io4-rqu'on  voit 
que  tout  y  croît  prefque  fpontanément  &  que  toutes  les  produftions  de  la  nature 
y  ont  un  caraélère  qui  annonce  la  fertiJité.  Ses  inépuifables  forêts  fourniirej;t 
toujours  abondamment  le  bois  d'acajou  que  le  luxe  de  la  mode  fait  tant 
rechercher  à  caufe  du  luftre  dont  la  nature  l'a  embelli  ,  &  le  gayac ,  fi  propre 
aux  poulies  pour  le  gréement  des  vaifTeaux.  Prefque  tous  les  autres  beaux  bois 
de  la  grande  île  s'y  trouvent  auffi  ,  &  particulièrement  le  bois-m.arie  ou  dame- 
marie ,  mais  nulle  part  les  efpèces  ne  font  aufiTi  belles.  La  Tortue  a  donné 
au  vaiffeau  l'Annibal ,  de  74  canons ,  une  grande  vergue  de  64  pieds  i  &  en 
1779  au  Robulle  j  aufîi  de  74  canons ,  une  pièce  de  38  pieds  de  long  fur  19 
pouces  d'équariflage  en  tout  fens  pour  fon  gouvernail. 

L'affreux  mancenillier  naît  à  la  Tortue  ,  mais  il  devient  la  proie  des  flammes 
dès  qu'il  eft  apperçu ,  afin  que  les  crabes  ne  puifîent  pas  manger  fon  fruit  de 
empoifonner  les  nègres  ,  pour  lefquels  ceux-ci  font  un  mets  recherché. 

Ces  forêts,  oij  il  exifte  peut-être  des  arbres  auffi  anciens  que  l'île  même,  font 
peuplés  de  ramiers  dont  le  goût  délicat  flatte  agréablement  le  palais ,  &  que 
leur  étonnante  multiplication  offre  toujours  par  milliers. 

A  cette  reffource  fe  réunit  celle  des  cochons  marons  que  ,  malgré  la  guerre 
continuelle  qu'on  leur  fait,  l'on  trouve  à  chaque  pas.  Se  dans  une  telle  propor- 
tion ,  que  quelques  années  de  repos  pour  eux  exigeraient  furerâent  qu'on 
renouvellât  la  précaution  d'en  faire  faire  une  chafl^e  générale  ,  parce  que  l'île 
ne  pourrait  plus  les  nourrir.  La  chair  en  eft  excellente. 

Le  canal  de  la  Tortue  a  auffi,  comme  je  l'ai  annoncé  à  l'article  du  Port-de- 
Paix,  de  grandes  refîburces  en  approvifionnemens.  On  s'étonne  aflcz  de  ce 
qu'il  n'y  a  point  d'huîtres  à  la  Tortue,  ce  qu'il  faut  attribuer  à  ce  que  les 
mangliers  ne  font  que'  dans  (des  points  oij  la  côte  eft  fabloneufe.  j. 

En  lifant  le  procès-verbal  de  remife  de  la  Tortue  à  d'Ogeron  par  M. 
Defchamps  de  la  Place,  neveu  de  Du  Rauflfet ,  le  7  Juin  1665  (*)  ,  on  voit 
que  dès  lors  elle  avait  diminué  en  importance  ;  le  fort  le  Vafleur ,  appelé 
la  Roche,  avait  feul  des  canons  montés,  &  ces  canons  n'étaient  qu'au 
nombre  de  quatre.  Mais  la  Tortue  avait,  à  cette  époque,  400  habitans  féden- 


(,*)  Y.  Loix  &  ConftUuùons  dç  Saint-Doraingue ,  to-ii.  icr.  pag.  i^è^, 


742"      DESCRIPTION     DE     LA     PARTIE 

taires  qui  cukivaient  du  tabac,  &  M.  ,de  la  Place  avait  des  cannes  plantées  au 
canton  de  h  Montagne ,  l'un  des  Cik  établiiTemens  de  l'île  ,  &  fitué  fur  la 
grande  plate-forme  ,  au-delà  de  la  BafTe-Terre.  En  1669  d'Ogeron  y  comptait 
Ï5300  individus,  tous  blancs  j  en  1670  on  y  fit  vingt-quatre  mille  rolies  ou 
andouilles  de  tabac  ;  mais  dans  It  recenfement  de  16S1  je  ne  trouve  plus  dans 
..  toute  la  Tortue  que  168  blancs,  89  nègres  &  17  mulâtres  ou  Indiens.  En 
î688  le  canton  de  Cayonne  avait  54  hommes  portant  armes,  &  celui  de  la 
Vallée  70.  Rien  ne  m'apprend  quelle  quantité  d'indigo  on  a  jamais  retiré  de- 
cette  petite  île. 

Tout  ce  que  je  rapporte  de  la  Tortue  doit  convaincre   que   la   BafTe-Terre 
en  a  toujours  été  l'efpéce  de  capitale.   C'efi:  de  là  que   la  communication  eft  la 
plus  facile  avec  tout  le  reftc  de  l'île.  On  en  part  à  cheval ,  foit  pour  aller  vers 
Cayonne    ou    vers  ia   pointe  à  MaiTon ,    foit  pour  aller    gagner   la  plate-forme 
Supérieure ,  où  eft  un   chemin  praticable  à  cheval    auffi ,   &  par  lequel    on  va 
depuis   la     Vallée  jufqu'à    l'extrémité   Orientale   du   haut   maffif,    tandis   qu'un 
autre  mène  du  Grand  &  du  Petit  Mahé  à    la   partie   Nord.  Ces   chemins  qui 
font    l'ouvrage  foit    des  anciens    habitans  dont  les  fix  établiffemens  communi- 
quaient entr'eux,   foit  deâ  gardiens  pu  ouvriers  que  le  roi  y  a  mis  ,  iervent  à 
i'extracflion  des  beaux  bois  fi  utiles  à  la  Partie  du  Nord   de   Saint-Domingue, 
furtout  pour  les  ouvrages  de  fortifications ,   &  pour  lefquels  l'État  a  payé   des 
fommes  très-ccufivlérables  durant -la  guerre   de   1778.   Le  roi   y   achetait  éo-ale- 
ment   du  bois  à    biûler  à  raifon  de   15   liv.  la  corde,  en  l'envovant  chercher, 
ce  qui   l'é.evait  à  36. liv, ,  &  l'on  en   confommait  trois   mille   cordes  par  an  au 
Cap, 

Depuis  17S5  que  M.  Labattut  a  acheté  la  Tortue,  c'eft  encore  la  Baffe- 
Terre  qui  eft  le  chef-lieu  de  tout  le  m,ouvement  qu'il  s'efforce  d'im.primer  à 
j^île  entière.  Là  une  maifon  vafte  &  commode  ,  à  laquelle  conduit  une  belle 
allée  de  palmiers  ,  femble  dire  à  quiconque  y  eft  attiré  pnr  la  curiofité  ,  par 
un  air  pur  &  falubre  ou  par  l'amitié  ,  qu'il  y  fera  reçu  avec  cette  aménité 
franche  qui  eft  le  caraftère  du  maître.  De  cet  afile  ,  l'œil  étonné  parcourt  dans 
la  grande  île  une  étendue  de  côtes  que  des  manufactures  de  tous  les  o-enrçs 
égayent,  &  que  des  fites  plus  ou  moins  variés  rendent  encore  plus  piquante. 
Au  bas  de  ce  rideau  richement  décoré  &  dans  un  point  qui  forme  ptrfpeélive 
pour    la    Baffe-Terre,    eft  le    bourg     du    Petit-Saint-Louis.     Le     canal    qui 


il 


I 


FRANÇAISE    DE     SAIN  T-DO  M  I  N  G  U  E.       74J, 

cft  entre  la  Tortue  &  Saint-Domingue  mêle  une  forte  de  fraîcheur  à  ce  tableau  , 
que  la  vue  de  canots,  de  petits  bâtimens  &  de  barques  paflagères  animent  encore- 
Si   l'on  cherche   la  promenade ,    la  vue  des     batteries    dont    on   eft   proche 
éveille  des  idées  de  proteftion.  Va-t-on  vers  le  fort  le  Vaffcur,  on  croit  lire 
on   commente  i'hiftoire  des  Aventuriers.    Si   l'on  gagne  Cayonne  ,   au  charme 
qu'y  fait  trouver  un  immenfe  bananerie  où  une  ombre   douce    invite  au    calme 
&  au    repos,  fe  mêle  le   fouvenir   des  efforts  qui  ont  procuré  à  la  France. la 
plus  florifîante  Colonie ,  &  rendu  le  nom  des  Flibuftiers  redoutable.  En  chaflànt 
on  croit    fuivre  la  trace   des  premiers  habitans ,  qui  maniaient  continuellement 
le  fufil  pour  défendre  leur  exiftence  ,  pour  chercher  leur  fubfiftance  ,  dz ,  prefque 
malgré  foi,  l'on   fe  trouve   affocié  aux  Boucaniers,  Si  l'on   contenv-le    les  rocs- 
par  lefquels  on  eft  fréquemment  arrêté  ;  fi  l'œil  mefure  des  hauteurs  efcarpées 
ou  des   defcentes  qui  font  autant  d'abymes ,  on  fent  un  mouvcmejit   qui   tient; 
prefque   à    l'audace    &   que   femble   infpirer  le   féjour     des    premiers    Français 
environnés   de  troubles ,   &  n'attendant  rien  que   de  leur  perfévérance.  Enfin 
foit  qu'on  admire  ces  arbres  dont  la  cime  altière  femble  aufll  avoir  fon   orp-ueil 
foit  qu'entré  dans  une  caverne  on   fe  fente  attendri  en  fongeant  aux  malheureux. 
Indiens  qui  paraiffent  y  avoir   cherché  du  moins  une  mort  paifible ,  par  tout  à 
la  Tortue  l'ame  &  la   penfée  font  occupées.  Ah  !    Je  ne   tenterai  pas  de  faire 
partager  toutes  les  Tentations  que  j'y  ai  éprouvées.  Peut-être  même  faut-il  avoir 
entrepris  de  décrire  Saint-Domingue  &  d'en  publier  I'hiftoire  pour  goûter,  en 
vifitant  cette  petite  île  à  jamais    mémorable  ,^  toutes  les  joui ftan ces  qu'elle  m'A 
procurées. 

M.  Labattut  qui  s'occupe  d'y  faire  réufiir  la  culture  du    cafter   dont  il  a  déa- 
formé  une  immenfe  plantation  fur  la  plate-forme  au-defîbs  de  la  Bafle-terre,  s'eft 
auffi  déterminé  à  faire  partager  à  des    hommes   induftrieux  les   avantages    que 
promet  le  fol  de  la  Tortue  ,  &  il  en  compte  déjà  25  auxquels  il  en  a  vendu  une  " 
grande  partie  dans  l'Oueft, 

Ainft  la  Tortue  reprendra  ,.  fans  doute  ,  fes  droits  à- l'utilité  générale  &^déjà  fé 
tait  le  cri  qui  s'était  élevé  contre  un  abus  de  la  faveur.  Si  l'on  n'en  voit  plus  fortir 
comme  autrefois,  de  farouches  conquérans,  elle  fera  encore  recommiandable  par  les 
biens  dont  elle  peut  enrichir  fes  nouveaux  maîtres,  &  puifque  le  fort  femble  l'avoir 
deftinée  à  étonner  ,  qu'elle  exerce  de  nouveau  cette  belle  nréroo-ativ© 
en  produifant  des  richefî'cs  dont  la  maiïè  comparée  à  fapetitefie  ,  rappelle  que- 
fâ  fécondité  a  été  long-tems  vantée  I 


h .( , 


.''.*ii 


I 


f 


5^44      DESCRIPTION    DE     Lx^     PARTIE 

Que  le  propriétaire  de  cette  terre  fartunée  qui  a  fu  fignaler  fon  patriotifme  par 
deux  prêts  de  880,000  livres  ,  généreufement  faits  ,  en  1783  ,  à  Don  Bernard 
de  Galvez  pour  les  troupes  efpagnoles  &  au  roi  pour  l'efcadre  de  M.  de  Vau- 
dreuil ,  jouiffe  bientôt  de  la  fatisfaftion  de  contempler  tout  ce  qu'aura  créé  fon 
utile  exemple  !  Un  jour,  peut-être,  la  reconnaiffance  appliquera  fon  nom  à  l'une  des 
parties  de  cette  île  glorieufe  &  j'aime  à  penfer  que  ma  faible  plume  en  le  répétanc 
pluûeurs  fois  ,  ne  méritera  pas  le  reproche  d'avoir  é:é  dirigée  par  une  trop 
complaifante  amitié. 

La  Tortue  dépend  de  la  Sénéchaufiee  &  du  commandement  du  Port-de-Paix. 
Mais  la  paroiffe  du  Petit-Saint-Louis  &  du  Port-de-Paix  fe  difputent  l'honneur 
de  l'avoir  dans  fes  limites ,  elle  qui  les  a  immédiatement  créées  l'une  &  l'autre. 

En  quittant  cette  petite  île  pour  retourner  dans  la  grande ,  il  eft  naturel  de 
dire  que  les  vents  les  plus  ordinaires  du  canal  qui  les  fépare  &  qu'on  nomme 
Car.al  de  la  Tortue  ,  font  ceux  de  l'Eft  &  que  la  mer  y  eft  quelquefois  houkufc 
bc  fatigante.  Il  eft  donc  difficile  ,  en  général ,  de  remonter  ce  canal ,  mais  après 
de  fortes  brifes  de  Nord-Eft,  les  courans  portent  à  l'Eft  avec  affez  de  force  pour 
gagner  au  vent  en  peu  de  tems. 

Le  vailTeau  du  roi  le  Solide  a  péri  fur  la  Tortue  ,  en  1691. 

La  pofition  de  la  Tortue  rend  encore  plus  défavantageufe  celle  du  Port-de-Paix 
que  le  canal  permet  de  bloquer  ou  au  fortir  duquel  on  peut  trouver  des  forces 
fupérieures.  Ce  devrait  être  une  raifon  pour  mettre  fur  la  Tortue  une  vigie  qui 
inftruiraitla  grande  terre  de  ce  qui  fe  paffe  au  Nord  de  cette  île. 


il 


J  E  termine  ici  la  Defcription  de  la  Partie  du  Nord  dont  je  trouverai  a  parler 
encore  dans  des  comiparaifons  que  m'offrira  la  Defcription  des  deux  autres  Parties  : 
elles  qui  lans  être  en  tout  auffi  importantes  que  la  première  ,  ont  auffi  de  grands 
-droits  à  la  curiofité  8s  à  l'intérêt  du  Lefteur. 


Fin  du  Premier  Volume. 


TABLE    DES 


ATIERES 


Com^eni/es  dans  ce  Premier  Volume^ 


Le  ehiSre  déligne  la  page. 


^ 


rSCÔURS     PRELIiMINAIREj  îij 

AvertiffemenC ,  xv 

Explication  de  pluiîeurs  exprelîions  employées  à 

Saint-Domingue  &  dans  ce  volume  ,  xvij 

Defcription   topogiapliique    &    politique  de  la 
Partie  Françaire   de    l^Ifle  Saint  -  Dorningue , 

A  1  pag'-'>      I 

Etendue  de  la  Partie  Françaife  ,  3 

Des  montagnes  &  des  plaines  ,  3 

Royaumes  dont  dépendait  fous  les  Caciques ,    ce 
qui  forme  la  Partie  Françaife  ,  ,         5 

Population  de  la  Partie  Françaife  de  Saint-Domin- 
gue ,  5 
Bes  Blancs ,                                                            6 
Des  Européens  qui   habitent  Saint  -  Domin- 


gae  , 

Des  Créols  blancs , 

Des  Créoles'  blanches  , 
Des  Eiclaves , 

Des  Efclaves  venus  d'Afritjae, 

Des  Efclaves  Créols  , 
Des  Affranchis, 
Combinaifons  du  Blanc , 

•  •  Wêgie  , 

—  Mulâtre  , 

■  Quarteron  , 

— — — — — Metif , 

■  Mameiouc , 

"■ Quarteronne , 

-Sang-mêlé  ,, 


Toms    J, 


-Sacatra , 
-Grifffj 


9 
12. 

ï7 
23 

24 

59 
68 

71 
71 
71 

72 

72 

72 
73 
73 


Combinaifons  du  Maraboti , 

des  Sauvages  &  Qaxiihz%  de  1 

rique  ou  indiens   Occiaéntaux, 
-Indiens  Orientaux, 


Sacatra , 
Griffe  , 
Maraboa , 
Mulâtre  1 
Quarteron  , 
Métif, 
Mameiouc , 
Quarteronne  , 
Sang-mêlé  , 


'Amét 

74 

T> 
82 

85 

83 
83 
84. 

8S 

85 

85. 


N0MBR.EET  Natu  aE^des  étabîlfTemens 
de  la  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue,  100 
Divifion  de  la  Colonie  Françaife  en  trois  par- 

100 


ttes 


PARTIE    DU    NORD. 


los 


Quartier  du  Fort-Dauphin  , 
I.    ParoiiTe  du  Fort-Dauphin  , 
■d'Ouanaminthe  , 

-  de  Valiière  , 

-  du  Terrier-Rouge  , 

-  du  Trou , 
Quartier  de  Limonade  , 


II. 

m. 

IV. 
V. 


107 
107 

H7 

165 
180 

VI.  Paroiffe  de  Limonade  ,  jg^, 

VII. Sainte-Rofè  ,  improprement  ap- 
pelée paroiffe  de  la  Grande  Rivière,       22a 

VIII. Saint- Louis  du  Morin  ,  du  Quar- 
tier Morin ,  ou  du  Trou  de  Charles  Moiin  ,230 


IX.  Paroiffe  du  Dondon, 

X,  I—      ■   ■■    de  la  Marmelade  , 

Quartier  du  Cap. 

Bbbbb 


247 
zoçr 


I 


■1 


74Ô 


T     A     B     L 


ParoiiTe  de  la  Petite-Anie  , 
du  Cap  Fiançais  , 


XI. 

XII 

Vills  da  Cap , 
Première  Seftion  , 

Dsuxièmej   

Troifièmcj 

Qcatrièms , — 

Cinquièms , 

Sixième ,      ■ 

Septième  ,  . 

Haitième ,    ■ 

Da  Port  da  Cap  , 

-Dis  Inceiidiss  , 


293 
296 
302 
321 

345 

373 

433 

439 
443 

464 
471 
483 
De  h  Police,      _  _    _        "  483 

Nombre  des  maiionî  S;  popuiacion  du  Cap  ,   490 
Da  Cap  coriiîdéré  comme  capitale  , 
État  -  major     &    officiers    d'Adminiftration 

Cap,        _ 
Partie  militaire.  Garnifon  da  Cap  , 
Des  Milices  du  Cap  , 


Des  Médecins ,  Cairurgi3ns  &  Apothicaires , 


De  la  Chambre 


d'Agriculture  , 
de  Comm.erce , 


De  la  Gazette , 

De    l'Aîmanach  5:  de  quelques   Ouvrages  impri- 


493 

du 

494 
496 

497 
501 

503 

505 
506 


mes  à  Saint-Domingue  , 
Da  Climat  &  de  la  Température  du  Cap  , 
Des  Maladies  , 
Étrangers  &  autres  perfonaes  remarquables 

nues  au  Cap  , 
De  l'Éducation  , 
Des  environs  du  Cap, 
De  la  Ra\4ne  dû  Cap  , 
Chemin  du  Fort  Picolet , 
La  Fofîette , 
Cou's  Villeverd  , 
De  la  Bouclierie  , 

De  l'K;pital  des  Religieux  de  la  Charité, 
Du  canton  appelé  le  Haut  du  Cap  , 
D-i  Àlorne  da  Cap  , 
De  la  Bande  du  Nord  ,  du  Grand   &    du 

Port-Français  , 
De  la  défenfe  de  la  Partie  du  Nord  , 
XlII.    ParoiÏÏe   de  la  Plaine   du  Nord, 

XIV. —    l'Acul, 

Quartier    du   Limbe  , 
XV.       ParoiiTe  du  Limbe  , 

XVL     — de   Plaifance, 

XVir.   du  Port-Margot, 

XVin. du  Borgne  , 

Quartier  du  Port-de-Paix  , 
ParoiiTe  du  Gros-Morne, 
du  Petit  Saint 


XVIX 

XX. 

lom.%   du 


Nord , 


509 

511 

527 

.  ve- 

538 
545 
547 
547 
554 
556 
560 

563 
564 
591 

Petit 
6c  I 
606 
627 

633 
641 

641 
6^4 
668 
6-8 
685 
685 
Louls  ou  Saint- 
es? 


XXI,   ParoiiTe  du    Port-de-Palx ,  S^\ 

Ille  la  Tortue  ,  726 

AkeiUes.   Les    premières  de  la  Partie    du  Nord 

paralfîent  à  S:;inte-Rofe  ;    d'où  elles  vèr.;i;nt 


229.  —  On  en 


Dondon  263.  —    Celles 


de  l'Hô  jital    au  Cap    590. 

Ahus.  309,  323,  355. — Monîlrueux  relatif  à 
la  chaîne  publique,  397,  398  ,  399.  —  De  l'en- 
trée des  Admi.-.iiîratears  '  &  da  Procureur-Gé- 
néral dans  le  couvent  des  Re.rgieufes  da  Cap  , 
avec  une  grande  fuite,  432.  —  Qu'on  premier 
commis  de  Verfailles  faic  du  crédit  de  fa  place, 
453  I5  fui-ja;ites.  —  Sur  les  Conceffions ,  642  j 
729.   V.  Fa-jeur.    Mar'cchoj'Jfée. 

d'autorité  ,   368  ,  396,  50,. 

Acadiens.  Placés  à  Saiate-Rofe  pms  envoyés  au 
Môle  227.  — ^  Placés  au  Dondon  puis  envoyés 
au  A'Iôle  265. 

Acclimater.   (Néceffité  de  s')  52S. 

Acc'jucheur.   V.  Mîdecin  -  Accoucheur.  —   Sage  ■• 
Femme. 

Acon.  Vont  du  Cap  à  Caraco],  à  Jacquezy,  163. 
T— à  l'embarcadère  de  ia  Petite  -  x^fe  241.  ^^ 
On  en  a  au  Port-de-Paix  724. 

Aaeur.  V.    Speclacle. 

Acul.  Appelé  Port-Saint-Thomas  par  les  Efpa- 
gnols ,  207.  —  Pcnt  qu'on  y  projette  ,  457  ^ 
Sa  baie,  623,  631,  634. —  Sa  défenfe  militaire, 
631,  634,  635,636.  —  Noms  primitifs  de 
ce  lieu  ,  633.  —  A  dépendu  de  la  paroilTe  da 
Morne  -  Rouge  ,6^,7,.  —  Devenu  paroiiTe  du 
Camp  de  Louife  en  1699,  633.  —  On  y  éle- 
vait beaucoup  de  pourceaux  ,633.  —  Son  pre- 
miercuré,  633.  — Tvl.  de  Charrite  en  poffédait 
une  grande  partie.,  633.  —  Ses   limites ,  633, 

—  Sa  partie  plane,  634  ,  639.  —  Son  fol  634, 
639.  —  Ses  cantons  ,  634,  —  Sa  partie  mon- 
tagneufe  ,  634  ,  639.  —  Combat  dans  fa  baie 
634.  —  M.  de  Puyfégur  a  fait  un  plan  de  fa 
baie  ,  636.  —  Latitude  &  Longitude  d'un  point 
à  l'entrée  de  fa  baie  ,  636.  —  Bateau  qui  périt 
dans  fa  baie,  636.  —  Chriftophe  Colomb  eft 
venuàl'Acul,  636.  —  Son  embarcadère  ,  636. 

—  Ses  paffagers,  636.  —  Sa  rivière  falée,  636. 
■ — Ses  chemins ,  637,  639.  —  Son  églife  , 
637.  —  Ses  regiftres  paroiifiaux ,  637. —  Sa 
diliance  à  d'autres  lieux  ,  638,  —  Ses  cantons, 
638  ,  639.  —  Ses  gorges  ,  638.  —  A  le  feu! 
moulin  à  vent  de  la  Partie  du  Nord,  639.  — « 
Ses  fucreries  ,  639.  ^-  Ses  autres  manufactures, 
639.  —  Ses  cafeteries  ,  639.  — -  Servirait  dans 
quelques  points àl'éducation  des  animaux,  639. 

—  A  la  fource  de  la  rivière  du  Haut  -  du  -  Cap 
ou  de  Galiffet  fur  fon  territoire  ,    63^.  —  §f|' 


DES       MATIÈRES. 


747 


eaux,  639.—  Sa  milice,  639.  —  Sa  popula- 
tioa  ,  64.0.  —  On  prétend  que  c'eft  le  premier 
endroit  où  la  lèpre  a  paru  à  Saint-Domingue  , 
640. —  Opinions  fur  cette  lèpre,  640.  —  C'eft 
à  i'Acui  qu'a  commencé  la  culture  de  l'indigo 
bâtard  ,  640.  —  On  y  a  cultivé  beaucoup  de 
cacaoyers  ,  640.  —  Rsvages  de  l'épizodtie  , 
640.  —  Perfonne  recommandable  à  laquelle 
il  a  donné  KaifTance,  640.  —  Le  Fort-Margot 
en  a  dépendu,   670. 

Acul  à  Conit.S-3.  pofition  militaire,  626, — V.Trou. 

Acul  de  Samedi,  131.  —  On  y  avait  projette 
une  paroiiFe  ,  152,  153. —  Sa  pofition  m.ili- 
taire ,  6z6. 

« des  Pins.    132,    141.  Ses  étabîiffemens , 

132. —  Produit  un  v-afe  recherché,  132.  — 
Peut  offrir  une  utile  commanication  ,    153. 

Adde  (M.).  Éloge  d'une  belle  preuve  de  recon- 
naiflance  que  donne  cet  artifte  ,   408,  412. 

Adminijiraieurs  en  chef  de  la  Colcnie.  Sont  trop 
preffés  de  juger  la  Colonie  avant  de  la  con- 
naître ,  128.  —  Reproche  pour  n'avoir  pas  mis 
les  greffes  du  Cap  dans  la  maifon  du  gouver- 
nement, 382.  —  Sont  quelquefois  jaloux, 
393  ,461.  —  Eloge  de  leur  zèie  pour  les 
maifons  de  Providence  du  Cap  ,  403  ,  404  , 
407.  —  Leurs  fecrétaires  avaient  une  rétribu- 
tion fur  les  prifons ,  407.  —  Entrent  dans  le 
couvent  des  religieufes  du  Cap,  432. — Où  ils 
ont  réfidé  ,  493.  —  La  Chambre  d'Agricul- 
ture doit  rendre  compte  de  leur  adminiftration, 
504. — Reproche  fur  les  marchés  pour  les 
hôpitaux  ,  584. 

Adminijirateurs.  F.  Proaiidence. 

Adminijiration  du  Fort-Dajjphin  ,  1 33.  —  Éloge 
de  celle  d'une  habitation  ,   1 74. 

• de  Saint-Domingue.   Preuve  de  là  verfa- 

tilité  ,  309    328. 

Jh-ojlat^  V.  Montgolfière. 

4ffalages  du  Dondon ,  258.  —  Leur  explication  , 
258. 

Affranchis.  6j  ,  99.  —  Sont  communément  ap- 
pelés Gens  de  couleur  ou  Sang-Mêlés  ,  68.  — 
Comment  cette  claffe  a  été  produite  ,  68.  — 
Leur  progreffion  fucceffive  ,  69.  —  Leur  nom- 
bre aiîluel  &  caufes  qui  l'ont  produit ,  69,  70. 
—Doivent  leur  exiilence  aux  Colons ,  70.  — 
Sont  compofés  d'individus  de  plufieurs  nuan- 
ces ,  70.  — Compofés  de  deux-fixièmes  de 
nègres ,  de  trois-fixièmes  de  mulâtres  &  des 
nuances  au-deffous  ,  &  d'un-fixième  des 
nuances  au-deffus  du  mulâtre,  90  — Ceux  qui 
ne  font  pas  nègres  fe  croyent  fupérieurs  à 
ceux   qui  le  font,  90.— Les  mulâtres  font  les 


plus  nombreux  ,  90.  —  Leur  familiarité  avec 
les  efclaves ,  96. — Vertu  d'un  affranchi  ,416 
i^  fui'va?ites.  —  Coinpofent  prefque  toujours 
la  maréchauffée ,  449.  —  Marque  de  bien-' 
faifance  envers  eux ,  460.  ■ —  Caraélère  des 
femmes  affranchies,  467. — Ou  font  les  preuves 
de  leur  état ,  496.  V.  Auha  ,  Lciùs  De/rou- 
leaux ,    Fin  cent. 

JffranchiJJèment ,  68,  69,  70 ,  90.  —  Efpèce 
d'.iffranchiffement    tacite ,  99. 

Africains.  L'infouciance  eft  leur  caraélériftique  , 
25   -^  Caufes  &  effets  de  leur  infouciance,  25. 

—  Sans  éducation,  25.  —  Leur  caraélère,  25, 

—  Leurs  qualités  corporelles  varient  félon  le 
point  où  ils  ont  reçu  le  jour,  26.  —  Leur 
nourriture  ,  27.  —  11  en  eft  de  pédéraftes,  27  , 
34-  —  Leurs  religions,  28,  32  ,  33  ,  38,  —  Il 
en  efi  d'anthropophages  ,  28  ,  33,  —  Ceux  de 
la  Côte  d'Or  &  de  la  Côte  des  Efclaves  font 
fanguinaires  ,  29.  — Marques  qu'ils  ont  fur  la 
peau,  27,28,  29.  —  Menés  aux  Colonies, 
35.  —  Reproches  que  leur  fait  le  nègre  créol  a 
caufe  du  baptême,  35.  —  Sont  polygames  & 
jaloux,  37,  95.  —  Aiment  a  paffer  pour 
créols  ,  38.  —  Ceux  qu'ils  &Y>'^e\entBâtiniens  , 
38.  —  Impreffion  que  leur  fait  une  glace  ,  une 
montre ,  du  vin ,  39. —  S'étouffent  en  avalant 
leur  langue,  62.  — Préjugé  contre  eux  ,  81.- 
V.    Couleur  ,    Efclaves  ,   Nègre. 

Afrique.  Parties  qui  fourniffent  des  Efclaves  aux- 
Antilles  ;  Mœurs    &    Caractères   de    fes  iT^bi» 
tans  ,28.   V.  Efcla'ves  ,    Nègre. 

Agotias.     29. 

Aide-major.    115,     133,    495,722. 

Aiguade  des  vaiffeaux.    V.  Fontaine. 

Aiman.   V.  Mine. 

Air.  V.   Température. 

Albinos.    Defcription    d'une    Albinos  , 
Détails  fur  des  Albinos  ,  57  ,  58. 

Allemands.  Placés  à  Sainte-Rofe  puis  envoyés  aa 
Môle  ,  227.  —  Placés  au  Dondon  &  envoyés 
au  Môle,  265. 

Almanach  de  Saint-Domingue  ,   509. 

Aniat.  Sicilien  habitant  &  architecle  à  Limonade, 
184,   185  ,    199,  453. 

Amiral  de  France.  Son  receveur  dans  les  Ami- 
rautés ,    385. 

Amirau  té  du  Cap  ,  1 03 .  ^ —  Son  lieu  d'affemblée  , 
37^  '  377.—  Sa  création,  384.  —  Sa  compofi- 
tion,  384,    385. 


56. 


du  Fort-Dauphin ,    103,   134. 
du  Port-de-Paix  ,   103,   722. 


Ancre.   Qu'on  croit  être  celle  de  la  caravelle  dg 
Chriilophe  Colomb  .189. 


74« 


TABLE 


Anei-.  A  çu^ci  employés  aa  Port-de-'P^.ix  ,  70.7. 

■anglais.  Krégate  anglaife  qui  échoue  à  Caracoî , 
IQZ.  —  Oruc  trs  anglais  priionniers  air  Trou , 
1-76.  —  Uais  aux  Efpagnois  dévaflent  la  Partis 
da  N«rd  en  1695  ,  183.  —  AlknC  à  la  Kavans 
€111762,  215.  —  Morne  de  leur  nom,  631. 
—  Ce  qa'ils  tentent  dans  la  baie  de  l'AcuI ,  634. 
Chaffés  de  la  Tortue ,  669.  —  Ravagent  le  Port- 
Margot  ^n  1695  ,  670.  —  Détrulienj;  le  bourg 
du  Petit-Saint-Louis  ,  688  ,  703.  —  Prennent 
—  Prennent  le  Port-de-P.ûx  , 
hrtue.    Wiiks. 

Âp.hnaurX  ࣠ a  Colonie  ,  100. —  De  la  P<îrtie  du 
No/d,  îCO-  — Do.Tieiîiques  d'Europe  rcuffil- 


fe  Cap  ,  702 
703.  V.  La 


fent  bien  sa  Dondon  ,   262.   —   vJei 
ié42ffifrent  p:s  aa  Dcndon  ,    262 
réuSiïent  pas  à  la  Ivîarniekde  ,  : 
ve-nd  au  marclié  CJiigny  ,  442. 

jHteropci.ha.ges,  zb  ,  ^S- 

JiuJ^-s ,     29. 

Jpahicairs     de  PAiXîira'-jté  ,   385. 

, du  roi  ,  502. 

du  Cap ,   502. 


qui  ne 
Qui   ne 


Supé- 


Pq- 


Appwit&mens  des  Conteiiiefs  du  Conielî 
rieur  du  Cap  ,  335. —  V-  Maréchavjj'ic 
lice. 

Jrahes.    V.    Maures. 

Aradas ,    29  ,    30.  —   Particularités     relatives 
aux  négrefies  Aradas  ,    Ji- ■ — V.   Danje. 

Jrhres.  Preuves  de  l'ancienneté  d'un  arbre,  î8{. 

—  Appelé  Bois  de  lance  ,  1S2.  —  Ceux  utiles 
aux  levées,  ceux  qui  leur  nuiient ,    191  ,    192, 

—  Oranger  ,  citronnier  ,    bols    de  campt-;he  , 
2î6. —  Allée  de  aliènes ,  32-'.  —  Penchent  à 


Pûueft  & 


pourquoi  ,  257 


r 


eux  piP.ntes  au 


Cap  ,311,  327  ,  391  j  44+-  . —  ^^«'^  ^^  F"^ 

t€ins  lur   eux,   520.  —  Datier  ,    553. —   I>u 

quai  du  Port-de-Paix ,  707.  V.  Bms ,  Fiantes. 

. à  pain  ,  au  Limbé  ,    653. 

.= fruitiersj   145,    159,  zi6. 

_ de  France  1^5,178,657,658. 

Archan-rs  frère).  Cure  de  Lirr-Oiiade  ,    218. 

Argout  (M.  q')  Gouverneur  -  général.  Regardé 
cOir.me  celui  qui  a  fourni  l'idée  de  la  fontaine 
du  Fort-Dauphiin ,  121,  122-  —  Enterré  au  ca- 
veau de  i'cgliié  du  Cap,  343.  — ■  Rue  de  Ion 
nom  au  Cap  ,  46g. 

Ann&ii'ies.  Ceilcb  de  la  ville  de  Porto-Real ,  164. 
—  Celles  du  Cap  ,  330,  447.  V.   CaracoL 

Arper.tcur.    134  ,    496, 

»_ Principal,    134. 

Arrcjimint.  \zî.  —  Premier  exemple  dan-s  la 
r«tfiis  da  Nord  ,   253, 


Arjenal  de  Marlra^    (Projet  d'un)  ,    24!  ,    2A2. 

Art  au  ,  Eutrepreneur  du  roi  ,^  a  la  concsiîian  du 
cours  Yiileverd  ,  561.  —  Eloge  de  ia  célérité 
de  fon  exécution  ,  582. 

Artihouits.  Procure  des  chex^aux  ,  425.  —  Pont 
projette,  458.  —  Ses  déboucîiés  ea  eems-de 
guerre,  665. 

Ariichû.ux.   224,   658,-716. 

Artiherie,  Son  parc  ,  303.  —  Ancienne  école 
du  canon,  422.  —  Les  Bombardiers  ,  407, 
497.  —  Ses  O.ivriers  ,  467  »  497.  — Son  coni-- 
mandant  réJlde  au  Cap,  490. —  Le  Corps- 
Ro\al ,  497.  —  Influence  heureufe  de  celle  du 
Corps-Royal  arrivée  en  1777,  619.  V".  Cap- 
Français- 

Artljts   fétérinaire  ,   502.   V.    Èpizcetie. 

AJfsjJeurs   de  ia  SénechaufTée  Cm  Cap  ,    583. 


du   Conreil  du  Cap 


;86. 


Ajjiente.  Habitation  qui  a  eu  ce  nom  au  Port-de- 
Paix  ,  694  ,  710.  —  Cette  habitation  a  un  beaiv 
canal  pour  fa  lucrerie  ,  710.  V.   Ccmpagni-i  di 


VAiïient!. 


Auha.   Éloge  de  ce  nsgre  libre  ,    17a. 
Audiencier   de  la  SénéchaufTée  du  Cap  ,   383, 

. du  Ccnfeil  du  Cap  ,    387. 

Auger  (IVI.).    Gouverneur  de   la    Colonie,   Ton 


ejoge 


371- 


Auteur.  Ses  motifs  pour  publier  la  Defcriptîon 
de  la  totalité  de  PLle  Saint  -  Domingue  ,  2,  — 
Son  opiràcn  fur  la  caufe  de  l'odeur  qu'exhaient 
les  nègres,  54.  —  L'ordre  qu'il  adopte  pour 
cette  Defcription,  100.  —  Son  Ouvrage  des 
Loix  &  Conftitutions,  &c.,  378.  — Sanomina- 
tion  de  Confeiller  au  Confeii  Supérieur  du  Cap, 
^83.  — S'iionore  d'avoir  été  Avocat  au  Ccni'eil 
<iu  Cap  ,  388.  —  Sa  réception  de  Confciller, 
3S8.  —  A  remporté  le  prix  pour  l'éloge  de 
Caftelveyre  &  de  Doiiouies ,  fondateurs  des 
deux  maifons  de  Providence    du   Cap  ,  40g. 

—  A  été  Secrétaire -adjoint  de  la  Chambre 
d'Agriculture  du  Cap  ,  504,  —  Chofes  intéref- 
fantes  qu'il  a  à  publier  iur  la  culture  coloniale, 
651.    V.   Le  Dijcours  Préliminaire. 

Awjraj  (M.).   Son  éloge  ,    loj-  —  Comment  il 

gagne  une  maïadie  cJiarbonneufe,  165. 
Avalanches.   Y.    Affalages. 
A-oenturiers.  5,    6o8j    73.9. 
A-vocais  du    Ccnfeil    Supérieur  du    Cap  ,    3S8. 

—  A  qui  ils  donnaient  place  dans  leur  banc, 388? 

—  avaient  pour  chef  leur  Doyen  fous  le  nom 
de  Bâtonnier,  3S8,  —  L'attteur  l'a  été,  3.85. 

A^deak,   V-  Lila^h 


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DES      M    x\    T    ï    Ê    K    E    s; 


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Sdas  (M.  de).  Gouverneur-général  des  îfles  vient 
à  la  Tortue  &  y  laiffe  un  gouverneur ,  jz'8. 

Bmc.  Sur  la  Grande-Hivière  ,    215. 

■^Sur  la  rivière  du  Haut  du  Cap,  452.  — 
Quand  il  eft  établi  ,  452.  —  'Eft  l'objet 
d'ane  ferme,  452  £5"  /uivantcs,  457. —  Son 
péage,  453.  —  Sa  police  ,  455.  —  Son  privi- 
lège exclufif ,  455.  —  Faits  qui  lui  font  reîa- 
tifs,   456  —  Inconvéniens  de  fa  pofitivyn  ,  457. 

—  Sur  la  rivière  Salée  du  Borgne,  6j2. 
Maie,  de  l'Acul.    V.    Jcul. 

—  de  Mancenille,  293  ,  621  ,   702,  703. 

•»»"  de  Mouftique.  Ses  faiines  ,713.  — •  ià  nature, 

71g  —  Ses  tortues  ,   720. 
Bains  oublies  du  Cap  ,   312,  434     46S, 
Bal.    V.    Dan/e. 

Balanqué  (M.).   Son  éloge ,  4S4. 
Baleine  ,  -213. 
Ballon.  V.   Montgolf}ye, 
Bair.haras  ,    27. 
Bamhov.  ,    2ig. 
TBamboula.   Eipèce  de  tambour  au  fon  duquel  les 

nègres  danfent,    44. 
^ancs  honorifiques.    V.   Honneurs. 
Bande  du  'Nord ,   60 1  ,    602  ,    622  ,    702, 
JSanxa.  Liftrament  de  mufique  des  nègres  ,  44  , 

52.  ^  ... 

Baptême.  Idée  des  nègres  à  cet  égard  ,    35. 
Barcmeire.  Sa  marche  à  Saint  -  Domingue  ,    2S7. 

—  Opinion  de  l'Auteur  fur  le  Baromètre ,  288. 
V.    Température. 

Bar  au    (M.).     Bienfaiteur   de  PégUfe  du 
341.  —  Des  Rejigieufes  du  Cap  ,  432.  - 
l'Hôpital  du  Cap  ,'578. 

Barre   Èleclrique.   V.  ÉleSricité. 

Barré  de  Saint-Venant    (M.)-    Son   éloge. 

Baffe  '  Terre.   L'un  des  premiers   noms  du  Cap. 

V.    Cap  -  Françai;  , 

f Chef-lieu  de  la  Tortue,  V.   la  Tortue. 

Bâtimens.    Ce  que  les  nègres  entendent  par  ce 

mot,   38. 
Bayàha.     -Jrigine  de  ce  nom  ,    iii.  —  Quand 

en  a  ceffé  de  remployer,  116.   —  V.   i'ort^ 

Da'.iphin, 
BégoH    \l\l-).     Intendant- général   des   Ifles   de 

l'Amérique.  Vient  à  Saint-Domingue,    380. 
Bthstte  (M.).     A  la  tête  d'une  compagnie   de 

fon   nom  ,    fait  d'utiles  travaux  au  Cap  ,  306. 


Cap, 
-  De 


234: 


Belin  de  Villeneu've  (M.).  Son  influence  fur  la 
profpérité  de  Saint-Domingue  ,  649,  —  Con- 
naiffuices    dont  il  a  enrichi  l'Auteur,    651, 

Bellec-:l^  (M   de).  Gouveri^eur-général ,  369, 

Tom,  l 


561.  —  Q'ii  &  rue3  du  Cap  qui  lui  doivent 

leur  nom ,  470.  —  Soa  lOiluence  fur  la  cenfure 
de  la  gazette  ,  508. 

Bel%ut:ce  (  M.  le  Vicomte  de  ).  Commandant 
général  des  troupes  &  milices.  Établit  mi 
camp  an  Trou ,  572.  -—  Quand  il  devient  gou- 
verneur-général,  172.  —  Sa  réputation  mili- 
taire, 172,  614.  —  Son  arrivée  avec  des 
troupes ,  20g  —  Fait  mettre  un  bac  fur  la 
Grande  rivière,  215.  —  Met  des  camps  à 
Sainte-Rofe  &  au  Dondon  ,  226.  —  Avait  fait 
commencer  un  pont  aj  Dondon  ,  256.  —  Ses- 
vues  furie  Dondon  où  il  fait  mettre  des  camps, 
264,  265.  —  Il  £;it  ouvrir  un  chemin  da? 
Dondon  au  Cap  &  un  du  Dondon  à  Saint- 
Raphaël ,  264,  265.  — Un  du  Cap  au  Port=. 
au-Frince  ,  26;  ,  273  ,  662.  —  Son  épitaphg 
dans  l'églife  du  Cap,  338.  —  Rend  la  mal%^ 
chauffée  to^ts  militaire  ,   450. 

Beiin  ,   28  ,  31 

Bejïiau::.  • —  V.  Animaux. 

Bie-ifai/^nce ,  460.  —  V.  Cajlelveyre  ,  Dolicuhs  i 
Jafhiin. 

Bijjagots ,  28.  ■ —  Ont  des  boucliers  de  pea» 
d'éléphant ,  28. 

Blancs.  Qui  habitent  la  Partie  Françaife  ,  6,  — ? 
Il  n'y  en  a  qu'un  quart  de  Créols ,  9.  — 
P^éfultat  de  leurs  com.binaifons  avec  le  nègre  & 
les  mélanges  fucceflifs  qui  en  proviennent  ,71. 
• —  Dans  la  Partie  du  Nord  p. us  des  deux  tiers 
font  du  fexe  mafculin  ,  io6.  V.  Créai ,  Créole  « 
Population. 

Blanches.  V.  Blancs, 

Blé  ,   716. 

Blejfés.  Extrèm;ement  difliciîes  à  guérir  aus 
Colonies,  581. 

Bois.  Effet  de  leur  deftruftion  ,  4..  —  d'O^aaa- 
minthe  ,  145.  ™  Du  Dcadon ,  262. —  Di- Iz 
Plaine  du  Nord  ,  629.  —  De  pLÙfance  ,  658. 
- — Du  Port-de-?aix,  713,  714.  —  De  la 
Tortue,  741,   742.  V.  Arbres,  Plantes.   ■: 

Bois  de  Lasce.  Canton  de  la  paroiffe  de  Limo- 
nade. Son  étabiiiTemeat ,  182-  —  D'où  lui 
vient  ce  nom^  182  — Son  premiier habitant,  !o2», 
— Dépendit  de  la  paroiffe  du  Qinrtier-Morin, 
182 — Ses  habitans  prelque  tous  détruits  à  la 
bataille  de  Limonade  ,  183.-^  Devient  de  la 
paroiffe  de  Limonade  ,  184,,  1S5.  —  Veut 
une  cliapelle,  184. —  Sa  première  fucrerie  , 
1 84.  —  Veut  devenir,  paroiffe  ,184  —  Son 
égliie  ,184,  200.  —  Ses  petits  cantons ,  200, 
y.  Arbres. 

Bsij'niorant  (  M.  de  ).  Détails  fur  ce  commifiaire 
ordonnateur  du  Cap,  244. 

BoiJJiraimé   (  M.  de   )•  Ce  gouverneur  de  l'îlj» 

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750  T        A        B 

Sainte-Croix,  le  devient  de  la  Partie  du  Nord 
de  Saint-Domingae  ,  704. 
Sonami  (    M.    ).  Propofe    de   réunir    la   rivière 
Salée  de  l'Acal  à  la  rivièie  àa  Haut  du  Cap  , 

Bor.gars  (M.  de  ).  Rues  qui  lui  doivent  leur 
nom,  470.  — Son  caradère  trop  facile,  508. 

Bonnet  à  VÈ-oique.  Montagne  de  ce  nom  ,  & 
pourquoi,  283,  629.  —  Autre  montagne  du 
même  nom ,  679. 

Borgne  (  le  ).  Son  état  en  172 S  &  en  1743  ,678. 
— Dépendait  da  Petir-Saint-Lcûs  ,  67S.  — 
Quand  on  en  a  fait  une  paroifle  ,  679. — Son 
églife,  679  ,  680.  —  Ses  limites,  679.  — 
Ses  cantons  ,  679. —  Efl:  tout  montagneux, 
679  —  Sa  plus  haute  montagne  ,  679.  —  Ses 
rivières  ,  680.  —  Sa  culture  ,  680.  —  Son 
eafé  payé  plus  cher ,  63o.  —  Sa  population  , 
6Sc.  —  Ses  manufaflures  ,  680. — Ses  bourgs , 
6Sq,  63 1.  —  Son  embarcadère  ,  6S0.  —  A 
dépendu  du  Port  de-Paix ,  681.  —  Sa  dépen- 
dance civile  &  militaire,  63 1.  —  Ses  ciiemins, 
681.  —  Caverne  qu'on  y  trouve,  681. — 
Preuve  de  l'iiabitation  des  anciens  Naturels  , 
681. —  Situation  d'un  étang  falé  ,  682. — Ses 
côtes  ,  682.  —  Son  bac  ,  682.  —  Sa  défenfe 
militaire,   683.  —  D'où  lui   vient  fon  nom, 

653.  —  Obfervations  fur  fa  pointe  d'icaque  , 

654.  —  Sa  température  ,  684.  —  Centenaire 
qui  y  meurt ,  684.  —  Diftance  entre  lui  & 
plufieurs  autres  lieux  ,  684. 

"Botanique.  Riche  au  Dondcn,  262. — V.  Jrhres, 
Bois ,    Plantes. 

Boucaniers.    5,6. 

Boucherie.  Abus  qu'elle  produit  &  fon  influence 
épLzootique  ,291. 

du   Cap  ,   452  ,  493  ,  563. 

^«arj-.  De  Bayaha  ,  114,  131. — D'Ouanaminthe, 
123,  139,  140,  144 — du  Terrier-Rouge  ,  158 
— Du  Trou  ,  163 — Delà  Tannerie,  i3o — Un 
projette  à  l'égiile  deLimonade,  199. — De  l'em- 
barcadère de  Limonade,  200. — De  Sainte- 
Rofe  ,  221. — De  i'Embîrcadère  de  la  Petite- 
Anfe,  238.  —  Du  Dondon  ,251. —  du  Haut- 
da.  Cap  ,  594  \£  fuivantes.  —  Du  Linibé  . 
643.  —  De  Piaifance  ,  656.  — Grand  &  Petit 
bourg  du  Port-Margot ,  671,  672.  —  Du 
Borgne,  680,  681.  —  Du  Gros-Morne, 
687.  —  Du  Petit-Saint-Louis ,  683. 

Bourgeois  (M.).  Secrétaire  de  la  Chambre  d'Agri- 
culture &  de  Commerce ,  pais   de  la  Chambre 
d'Agriculture  &  de  la  Chambre  de  Commerce, 
318,541. 
Bour-.quis  ,28, 


du   Cap. 

la— ^ 


leure 


Bourreau    majfacré ,  576  ,    596. 
Bov.rfe.   V.   Chambre  de   Commerce 

— commune.  V.   Huijjiers 

BcuJJok.  Effet  attribué  à  une  mine 

Bûi'.tin  (Père).  Jéfuue.  Son  éloge,  335  ,  567, rr- 
Fait  un  hôpital,  372.  —  Forme  une  maifoR 
d'Orphelines  ,  372.  —  Eli:  le  fondateur  du 
couvent  des  Reiigienfes  du  Cap  pour  l'éduca- 
tion des  filles ,  373  ,  426.  —  Notice  fur  lui, 
640.  —  On  lui  doit  les  cabrouets  ,   553. 

Brach   (M.    de).    Avait    à  lui  f;ul    la    maje 
partie  de  la  plaine  du  Limbe  ,  642. 

Brar.cas  (  Mde.  la  Ducheife  de  ).  Se  fait  faire  le 
don  du  péage   du  bac  du  Cap  ,    212  ,    454» 

^55  '  457- 

Breda  (  M.  de  ).  Major  du  Cap.  Où  il  déilrait 
qu'on  mît  cette  ville  ,   299. 

Brefs  du  Pape.  Comment  exécutés  aux  CoIonieSj 
588. 

Briqueteries.  De  la  Colonie  ,  100. — De  la  Partie 
du  Nord ,  106.  —  De  la  paroiiTe  du  Fort- 
Diuphia  ,  129.  —  D'Ouanaminthe  ,  145.— 
Du  Trou,  175.  —  De  Limonade,  196.  — Du 
Quartier- Morin  ,  239..  —  La  première  de  la 
Coionie  fr-inçaife  ,  246.  — De  la  Petite- Anfe  , 
276.  —  De  l'Acul ,  639,  —  Du  Limbe,  645, 
— Da  Port-Margot  ,  671,  672. 

Brije.   V.   Vent. 

Brûlé  [M.).  Habitant  de  Sainte-Rofe,  élève  les 
premières  Abeilles  de  la  Partie  du  Nord,  225. 

Brûleaieit.  Son  effet  iurlefol,  204. 

Brulley  (M.).  Il  tente  l'éducation  de  la  coche- 
nilie  à  la  Marmelade  ,  274. —  Le  gouverne- 
ment l'encourage ,  274. 

Bureaux.   V.   Huijjiers.   Pro-jidencc. 

—————De  Police  Municipale.  Les  Adminif- 
trateurs  de  la  Colonie  en  étaient  membres , 
307.  —  Ses  opérations  fur  le  quai  du  Cap,  307. 
—  Ses  opérations  fur  la  Place  -  d'armes  du 
Cap  ,  327. 

Buttet  (M.).  Lieutenanî-de-roi  duFort-Dauphin, 
136. 

Bjron  (Le  Commodore).  Eil  venu  au  Cap,  ii<). 


Calir.et   Littéraire.  Par  qui  le  premier  efi  établi 

au  Cap,  323. 
Cabrciiets.  Efpèce  de  charrette  coJoniale  5553  — 

A  qui  on  les  doit,  553. 
Cacao  ,  629.  —  Cultivé  autrefois  à  l'Acul ,  640. 

—  V.  Cacaoyères. 
Cacaotières.—y   V.   Cacaofères^ 


DES      MATIÈRES. 


751 


Cacaoyer.  D'Ogeron  en  introduit  la  culture  aa 
Port-Margot  &  au  Port-de-Paix ,  670  ,  723. 

Cacaoyères.  De  la  Partie  Françaii'e  ,  100.  —  De 
la  Partie  du  Nord,  106. —  De  Sainte-Rcfe  , 
223.  —  Du  Port-Margot,   671  ,  672. 

Cachalot.  —  V.  Baleine. 

Cacique  ,  5  ,    694.  —  V.    Guacanaric. 

Cafiiers  ,   713. 

Café.  Celui  de  l'AcuI  des  Pins  très-recherclié  & 
pourquoi,  132.  —  Celui  du  Borgne  eft  payé 
plus  cher  ,  680.  —  Celui  du  canton  du  Haut- 
Mouftique    du  Port-de-Paix  eft  eftimé  ,  714, 

—  Récolte  étonnante  de  café  ,  714.  —  Cultivé 
à  la  Tortue  ,    742.  —  V.   Cafeterie  ,    Cafur. 

Gafeteries.  De  la  Partie  Françjife,  100.  —  De  la 
.  Partie  du  Nord  ,  106.  —  Du  Fort-Dauphin  , 
131,  132. — D'Ouanaminthe  145. —  Du  Trou, 
175  ,  196.  —  De  Limonade,  203,  204. —  De 
Sainte-Rofe  ,  223.  —  Du  Dondon  ,  zOi  — De 
la  Petite-Anfe  ,  288.  —  De  la  Plaine  du  Nord  , 
629.  —  Del'Acul,  639, —  DuLimbé,645. 
»— De  Piaifance,  657.  —  Du  Port-Margot, 
671?,  672,680.  —  Du  Gros-Morne  ,  686.  — 

—  Du  Petit  -  Saint  -  Louis ,  689  ,691.  —  Da 
Port-de-Paix,  711  ,  714,  723.  —  De  la 
Tortue,  743.  —  V.    Cap,    Ccifar. 

Cafeyère    —  V.  Cafeterie. 

Cafer.  Les  premiers  caSers  de  Saint-Domingue 
venaient  de  la  Martinique  ,  164,  261. —  A 
qui  l'on  en  eft  redevable  ,  164.  —  Où  on  les 
naturalifa,  154.  —  Premier  lieu  où  l'on  en  cul- 
tiva dans   la  Partie  Françiife  ,    164,  261.— 

—  Pourquoi  il  ne  réuflit  pas  dans  certains  lieux, 
203.  —  Les  faces  des  montagnes  vers  la  mer  ne 
lui  conviennent  point ,  204.  —  Vient  plus  vite 
&  dure  moins  à  Limonade  qu'à  la  Marmelade 
&  au  Dondon  ,  204.  —  Détruit  par  l'herbe  à 
Panache  ,  204.  —  V.    Cafeterie ,    Café 

Cahuzac  (M.  de  ).  Amiral  des  premiers  vaif- 
feaux  français  envoyés  aux  Antilles  603  ,  731. 
-Calatrava.  Réception  d'un  Chevalier  de  cet  ordre 
d'Efpagne,  dans  l'églife  du    Cap,    342» 

Calinda.  —  V.  Danfe. 

Calvaires.  —  V.   Cap    Vert,   27. 

Camp.  De  Louife.  —  V.  Acul. 

— .de    Sainte-Rofe.  —  V.  Sainte-Rofe. 

———du    Trou  ,172  i£ fui'vantes. 

Ga>npêche.  Où  on  l'a  naturalifé  d'abord  à  Saint- 
Domingue ,  632.  —  A  remplacé  le  Citronnier 
pouf  les  hayes ,  632. 

Canal.  Projeté  entre  la  baie  du  Fort-Dauphin  & 
celle  de  Jacquezy  &  de  Caracol ,  136,  160, 
212. 

Cangas ,  28, 


Canne  a  fucre.  Sa  culture  exige  des  individus 
accoutumés  à  un  foleil  ardent ,  24.  —  Le  feu 
y  prend  fpontanément ,  164  —  Où  l'on  dit 
qu'ont  été  plantées  \ts  premières  cannes  à  fjcre 
dans  la  Plaine  du  Cap  ,  236.  — Eft  l'objet  d'un 
troc  ,  444,  —  Les  Créols  l'aiment  beaucoup  , 
444-  ■""  ^ •   Sucre  ,    Sucrerie. 

Cap.  Cap-Français. P^  un  Commandant  en  fécond, 
102.  —  A  un  Commandant  particulier  ,  102  , 
494.  —  A  un  Ordonnateur  de  la  Marine  ,  102, 
494.  —  A  un  Confeil  Supérieur  de  fon  nom, 
103,316,  321,323,  376  i^  fuivantes.— 
A  une  Sénéchauffee,  336,  324,  376,  377, 
380  ,  381  ,  382,  594.  —  A  une  Amirauté  , 
103  '  376  ,  ^77  '  384-  —  Son  Morne  ,  104  , 
597'  j"fl'i'à   605.  — ;    Ses    avantages ,    105. 

—  Reçoit  les    denrées    du  Dondon,   266 

Quartier  de  fon  nom  ,  275  ,  607.  — La  paroif- 
fe  du  Cap  n'eft,  pour  ainfi  dire  ,  compofée  que 
de  la  ville  du  même  nom  ,  293.  —  Arrivée  aa 
Cap  par  mer,  293  iJ  fi'vantes. — Fort  Picolet, 
293.  —  Son  Port ,  293-  ,  471  y  fuivantes.  — 
A  peine  apperçu  en  venant  par  mer  ,  296.  — 
Serait  une  belle  ville  partout ,  296.  —  Sa  La- 
titude  ,  fa  Longitude  ,  296.  —  Sa  fituation  , 
296  ,  511.  —  Ses  noms ,  296  ,  297  ,  298.  — 
Eut  Gobin,  caîrinifte  ,  pour  premier  habitant , 
^97  > ^  3H-  —  ^'Vait  deux  étabîiflemens ,  Pua 
T^ppdéHaut-cfu-Cap,  l'autre  Bas-du-Cap  ,  298» 
Le  Cap  aftuel  s'eft  appelé  la  Baffe-Terre  » 
298.  —  Reçoit  la  petite  colonie  de  Samana  , 
298.  —Eft  détruit  par  les  Efpagnols  en  1691 
&  en  169J,  298,  702. — Pourquoi  la  ville  eft 
au  point  où  on  la  voit ,  29S.  —  Sa  figure  ,  fes 
dimenfions  ,  299.  —  Ses  rues  299  ,  314,  315, 
316,320,321,  342,343,344.,  3^6,  357, 
358,  394,  433,434,435,  439'  446'  448, 
451,  465,  467,_468,  469,  470,  48;, 
49°/  '^S^-  —  Diviûon  de'fes  rues  en  ilets  ou 
carrés  &  en  emplacemens ,  299.  —  Ses  maifons 
299  ,  300  ,  301  ,  312  ,  321  ,  326  ,  447,. 
483,  490,  522.  —Son  pavé,  300.  — Son 
climat  &'fa  température,  301,  511  ^  fi- 
'vantes.  — On  y  a  le  goût   des   oifeaux  ,  301, 

—  Ses  limites  ,  301  ,433,  435,  596,  597,  598. 
■ —  Sa   defcription  divilee  en  8  Sedions  ,   302. 

—  Dimsnfions  de  fa  première  Section,    302, 

—  Son  quai ,  302  ,  304  ,  305  ,  307  ,  juf!,:à 
314,  31-6,  463,  466,  467,  469,  470, 
481. — Ses  calies  ,  302,  304,  306.  —  Ses 
fontaines ,  302  ,  311  ,  329,  345,  399,  424, 
444  '  447  '  468  ,512  cf  faisantes  ,  557  , 
600.  —  Ses  moyens  de  défenfe  ,  303,  304, 
306,   325  ,  60Î  ,   607,   608.  —  Son  pare 


w 


n 


k 


I 


• 


75* 


TABLE 


^'cbllques 


d'artil'eYÎe ,  303.  "■*-  iies  pi^ices  pc; 
304,  311,  315.326,  33c  ,  331  ,  357  ,  353  , 
359,  4.22,  441  ,  445  ,464,  468. —  Une 
Compagriie  BcrjOtte  y  fait  d'utiles  tra\'aux  , 
3s5.  —  Coaimeni:  1!  eft  trè3-agran.di  ea  1740, 
306.  —  Scr.  morte  des  Capucins ,  306  ,  32;. 
! — Ses  marchés  ,  306  ,  3171326,  440,468, 


■  ton    marciie   aux    isiar.cs 
Grues  iur  fon  q^iai  ,  307 


300  ,    317.  •— 
308.   — ^   Concel- 


fiais  fur  fon  quai,  307,  308,309,310- 
Son  Capitaine  de  port ,  ^qq  ,  474.  —  Origine 
des  deux  rr,aifons  de  bois  qai  font  fur  fon  quai, 
310. —  Ses  eaux,  310,  319,  46S  ,  512  .  526, 
•55-'  599-  —  Ana'yle  de  les  fources  ,  310  , 
'319.  —  Allée  d'.u-bres  ,  311,  327,  328, 
444..  —  Son  cours  Le  Brafleur  ,  311.  —  Sa 
îJéridienne  ,  3 1 1 .  —  Ses  baLis  pubiics  ,312, 
434,  468.  -—Ses   corps  -  de  -  garde  ,    313, 

S-c  garde  -  quais  , 
influence  com- 
merciale ,  3  !  4  ,  321  ,    483.    r—  Magafiu  de 
15.- —  Ses  prifons ,  315, 

-  Ses    incendies  ,    315, 

—  Sa  Ravine  ,  310  ,  413, 
;,i,    COI.  — S;s  ponts. 


315  ,  324,  328,  331.  —Ses  g 
313,  314.  —  Preuves  ce  ion  in 
merciale  ,  314,  3 
la  Marine ,  314, 
321  ,  356,  467.  - 
319044' 43î- 483- 


547' 
316, 


549 


3J^ 


45: 


460,  552 , 


595. —  Sa  Chambre  de  Commerce  &  fa  Boarfe, 
318,  505.  — Ses  magafms  publics ,  320,  333, 
> —  Son  accroiiTement   depuis   1734,   320 


E;en: 


de  la  feeor.de  Section  ,    32c 


Ses 


Troupes,  321.  —  Ses  rues  commerçantes, 
321  ,  322,  323  ,  324. —  Reçoit  des  liabitans 
ae  Pille  Sainte-Croix,  321.  —  Son  bureau 
des  ventes  maritimes,  322.  —  Point  de  vue 
agréable  ,  322.  —  Ses  Cabinets  littéraires  ,  fes 
Libraires,    323.- —  Son  Eglife  ,  524,   326, 

32/'  3-9'  334'  yVf^'^  344'  —  Son 
ioi  ,  324,  511.  —  Ce  que  coûte  une 
partie  de  fon  étendue  ,  325  .  346.  —  Ré- 
ûdence  de  plufieurs  Généraux  &  Intendans, 
326,  334.  —  Sa  Police,  327  ,  328,  485,  iif 
Jiùvantes  ,  562.  —  Ses  armoiries  &  leur  ori- 
gine ,  330  ,  347.  —  Ses  MLices  ,  333  ,  497  , 
a  jui-uantes  ,  594.  —  É  •  enemens  relatifs  à 
deux  ex:;cutions  ,  332.  Les  Religieux  de  la 
Cuarité  y  ont  d'abord  tenu  leur  hôpital,  334. 
• — Ses  Reiigieufes  ,  336  ,  428.  —  Épitapiie  , 
338.  — Perf.înnes  remarquables  enterrées  dans 
ion  egliie  ,  339.  340. —  La  dcvocioa  de  fes 
habit-ns  un  peu  tieue  ,  340.  —  Ses   cloches  , 

342.  —  Ses  cinîeticre> ,  342  ,  343,  3^8, 
414  ,  435.    —  Prsfbuère   qu'on  y  conftruit  , 

343.  —  O.ig  ne  du  no.n  ae  plunears  de  fes 
îaei ,  344 ,  34 j ,  3^0.  —  Sa  troiiièiTie  Seûion, 


34^-    —  Ralfon  de  î'an  de  fes  accfOÎfTemeiï?  , 

346.  —  Son  fpeélacle  ,  346,  359.—  Efpèce  de 
Club  agréable  qu'on  y  établit  ,  347.  —  Sa 
Société  Royale  des  Sciences  &  Arts  ,  347.  — 
Sa  defcription  IVlédico  -  Topographique  ,  par 
M.  Arthaad,  345.  —  Chef-lieu  d'une  miffion  , 
352.  —  Son  Imprimerie  ,  353,  355.  —  Dé- 
tails fur  l'état  ancien  de  la  Partie  Occiàentaîe  vers  " 
la  mailon  adluei'.s  du  Gouvernement,  357,  358. 
= —  Etrangers  &  autres  perfonnes  remarquables 
qu'on  y  a  vues  ,  qui  y  ont  féjourné  ,  qui  y  font 
nées  ou  mortes  ,  366,  538  ,  l3  j'uivanies.  — 
Le  fpeâacle  y  eft  néceflaire ,  371.  —  Ses  hô- 
pitaux, 334,  371  ,^372  ,  395,  415,434, 
452,  557,  596.  —  E!oge  de  la  conduite  de 
fes  habitans  envers  ceux  de  Saint-Chriilophe  , 
371  ,  433. — Sa  quatrième  Seftion  ,  373.  — Sa 
maifon  appelée  le  Gouvernement  ,  374  CS'  fui' 
"jarztes  ,  390  ^  j'ii^j:mtes.  —  Ses  promenades  , 
291  ,  560. — Ses  deux  maifons  de  Providence  ^ 
354  C?  fv.} ^jantes  ,399  53"  fm-oantes,  —  Sa 
chaîne  publique  ,  398.  —  Sa  Providence 
des  gens  de  couleur  ,416  l£  fui-janies.  —  So» 
Champ  de  Ivlars  ,  ancienne  école  da  canon  , 
422.  —  Ses  cazeraes ,  422,  425  ,  465  i3 
Juivantes. —  Ses  lavoirs.,  425  ,  515  ,  6oi.  — 
Ses  moyens  d'éducation,  431  ,  432  ,  545.—» 
Sa  cinquième  feélion  ,  433.  — État  de  cette 


— -         feélion   autrefois 


43: 


Son  entrée  vers  Is 


plaine  aa  commencement  du  fiècle,433.— 
Ce  qu'on  y  appelé  petite  Guinée  ,  433. —  Soii 
pavé  ,  424.  —  Son  plan-directeur ,  434.  — » 
Ses  loges  de  franc-maçons  ,  434  ,  554.  —  Si 
fixième  feftion  ,  439-  — Ses  marais,  439, 
440,  448,514,  55S  .  559,560.  —  Ré- 
flexions fur  les  noms  de  pluneurs  de  fes  rues  , 
440.  —  Projet  de  lui  donner  des  portes  triom» 
phaies  ,  446.  —  Sa  feptième  feilion  ,  448.  — » 
Sa  maréchauiTée  ,  448. — Ses  bouclierles  ,  452, 
563,  564.— Son  bac,  452.— Ses  chemins,  452  « 

453.',  554.'  5.^3  '  S9^  '  60b ,  601  ,  603. — Sa 

huitième  feition  ,  464.  —  Son  arfenal ,  464 , 
465.  —  Son  faubourg  ,  464  ,  472.  —  Sa  gar- 
nifon  ,  464  ,  491  ,  496  ,  591.  —  Son  colifée 
ou  waux-hall ,  466.- —  Sa  boulangerie  ,  467  3 
468.  —  Son  hangard  à  la  mâture ,  469.  — 
BaiTm  auquel  on  travaille  ,  469  —  Son  ancien 
carénage,  477.  —  Eil  un  port  d'entrepôt, 
480  —  Nombre  moyen  des  bàtimcas  qa'oa 
trouve  dans  fon  port,  482.  —  Ses  pompes, 
4S5.  —  Ses  cabarets  ,  486.  —  Sa  populatioa 
491  ,  594.  —  Ses  confommations  ,  493.  — 
Ccniidéré  comme  capitale  ,  493  C?  jia"ju.ites. 
—  A  été  la  iixiéme  capitale  de  la  Partie  Frai- 


5i 


DES        MATIÈRES. 


75i 


çaife ,  493.  "^  Son  état-major  &  fes  officiers 
d'adminiftration  ,  494  ^  fuiiiantes.  —  Eten- 
due qu'avait  aatrefois  le  quartier  de  fon  nom  , 
494  —  Confidéré  comme  une  fubdélégation 
de  l'intendance  ,  495.  —  Son  greffe  de  la  fub- 
délégation ,  495.  —  Sa  partie  militaire,  496. 
' —  Eit  la  réfidence  de  l'ingénieur  de  la  Partie 
du  Nord  ,  496.  —  Eft  la  réfidence  du  com- 
mandant de  l'artillerie  ,  496.  —  Ses  gardes 
magaûns ,  496.  —  Régiment  de  fon  nom  , 
496.  —  Ses  médecins  ,  fes  chirurgiens  &  fes 
apothicaires  ,  501.  —  Ses  accoucheurs  ,  fes 
fages-femmes  ,  fes  dentiftes  ,  fes  \'étérinaires  , 
502.  —  Sa  Chambre  d'Agriculture  ,  503.  — 
C'eft  là  que  la  gazette  a  commencé  ,  506  -— 
C'eft  là  qu'on  a  fait  le  premier  almanach  de 
Saint-Domingue  ,  509.  ' —  Ouvrages  qu'on  y 
a  imprimés  ,  509  ,510.  —  Son  inclinaifon , 
51!.  —  On  y  boit  l'eau  des  puits,  517.  — 
Projet  pour  y  mener  l'eau  de  la  Grande  riviè- 
re de  Limonade  ,  517. — On  n'y  a  point  de 
caves  ,  519. — Ses  maladies  ,  527  iâ  Jui'vantes. 
I — N'ait  pas  exempt  d'épidémies ,  535. —  On 
y  voit  peu  de  perfonnes  âgées  ,  537.  —  Ses 
environs  ,  547  l!S  fui-vantes.  —  Ses  jardins  , 
553.  —  Son  ancienne  guinguette,  553.  —  Ses 
cabrouets,    553.  —  Lieu  cù  ont  été  faites  des 

.  obfervations  aftronomiques ,  554.  —  Sa  guin- 
guette aéliielle  ,  554.  • —  Ses  fortifications  , 
555.  —  Santé  de  fes  habitans  ,  555.  — |^a 
Foffette  ,  556.  —  Cours  Villeverd  ,  560. — 
Chem.in  de  l'Hôpital ,  563  ,  564.  —  Le  Hiat 
du  Gap  ,  591. —  Ses  places-à-vivres ,  592.  ' — 
Jlabitation  Charrier  ,  592.  —  S'appelait  le 
Bas  du  Cap  ,  593.  — •- Le  confeil  des  Milices 
s'y  aflembiait  ,  593.  —  Ses  entrepôts  ,  fes 
guildiveries ,  595.  —  Son  unique  fucrerie  , 
595.  —  Ses  poteries ,  596.  — Sa  minéralogie, 
598.  —  Sa  vigie  ,  599  ,  609.  - — -  Ses  côtes  , 
Bol  iS  Juinjantes.  1 — Sa  diftance  de  plufieurs 
autres  lieux ,  605  ,  727,  —  Ses  communica- 
tions ,  fes  moyens  d'approvifionnemens ,  605  , 
6o6.  —  Son  importance  ,  comme  chef-lieu  de 
la  Partie  du  Nord  ;  606.  —  Reçoit  les  denrées 
fabriquées  depuis  le  Fort- Dauphin  jufqu'aa 
Port-de-Paix  ,  606.  —  Éloge  de  fes  habitans 
611.  — Chofes  qui  annoncent  fon  voiiînage  , 
632.  —  V.  Bande  du  Nord  y  Défenfe  de  la 
Partie  du  Nord  ;  Grand  Port-Français  y  Petit 
Port-Français. 

Cap  la  Grange.  —  Voy.  la  Grange. 

Samana  ,  293. 

( Vert  ,  27. 

Ça  fit  aine  de  navire  arrivant  au  Cap  >  48J; 


Capitaine  de  Port  133  ,  309,  474,  722. 

Capitale.  La  Tortue  efi;  la  première  Capitale  de 
la  Partie  Françaife  de  Saint-Domingue  ,  493  , 
670,  695.  —  Le  Port-de-Paix  eft  la  féconde, 
493,  698.  — Léogane  eft  la  troifième  ,  493  , 
705. — Le  Petit  Goave  eft  la  quatrième  ,  493<. 
— Le  Port-au-Prince  la  cinquième  ,  493. — La 
Cap-Français  la  fixième  ,  493. — Le  Port-au- 
Prince  celle  aéluelle ,  493. 

Caplaoïis  ,29. 

Capucins.  Ont  eu  les  premiers  !a  million  de  îa 
Partie  du  Nord,  107,  181  ,  325,  374.— Sont 
chargés  à  préfent  de  la  miffion  de  la  Partie  du 
Nord  ,  107.  -^  On  leur  fait  don  d'un  morne  aa 
Cap  ,  qui  prend  leur  nom  ,  32^.  —  Leur  loge- 
ment au  Cap  ,  325  ,  374. —  Avaient  un  fyndic 
temporel ,  325  — Railbns  qui  a  dû  faire  pré- 
férer les  Capucins  de  Normandie  ,  452.  —  Le 
chef-lieu  de  leur  mifîion  a  été  au  Port-de- 
Paix  ,  717.  —  Morne  &  fort  de  leur  nom  717, 

Caracol.  Projet  de  canal  entre  la  baie  du  Fort- 
Dauphin  &  la  fienne  ,  136.  —  Ses  embarca- 
daires,  136,  160,  161,  178. —  Canton  de 
Caracol,  159.  — Son  fol,  159,  171.  —  Sa 
baie,  161,  162.  —  Sa  rivière  ,  160,  161. 
Ses  efters ,  161.  —  Sa  paffe  ,  178  ,  622.  — - 
Une  frégate  anglaife  y  échoue,  162.  —  Seç 
bateaux  paflagcrs ,  162.  —  Ce  que  fignifie  ce 
nom  ,  163.  —  Etait  le  fite  de  la  ville  de  Perto- 
Réal ,  163  ,  207.  — Son  port  était  celui  de  la 
Nati'dté  ,  163,  207.  —  Conceffions  qu'on  y 
a  faites,  171.  —  Portion  qui  dépend  de  la 
paroiife  du  Trou  ,  171.  —  Colomb  eft  entrain^ 
de  là  vers  Limonade  ,  207.  Voy.  Défenfe  milir^ 
taire.   Défenfe  de  la  Partie  du  Ncivd. 

CaraB}re.  On  oublie  vite  à  Saint-Domingue , 
121.  —  Difficultés  qu'on  y  mûrifie  un  plan  , 
136. —  Opinion  égoifte  ,  153.  —  Point  de 
foins  confervateurs ,  173  ,  192.  —  Les  Colon» 
ont  befoin  d'être  contraints  à  faire  ce  qui  leur 
eft  utile  ,  193.  —  Celui  du  Colon  eft  infouT 
ciant,  194,  216,  456,  456,  458,  510.— 
Difficile  de  faire  le  bien  à  Saint-Domingue  , 
203.  —  Point  de  foins  des  chofes  agréables  , 
216.  —  Des  OfHcie.rs  de  Milices  &  des  fimplee 
miliciens,  500.  —  Les  duels  font  fréquens, 
568. —  Des  Bianchiffeufes ,  6oi.  —  Voyez 
Affranchis  y  Blanc  y  Colons  y  Créol  y  Créole. 
De  Clieux  y  Efcla-iies  y  Nègres. 

Caraïbes.  On  en  a  amené  à  Saint-Domingue  ,  G-j^ 
—  Réfultat  de  leurs  combinailbns  avec  ie  Blanc, 
le  Nègre  &  les  nuances  intermédiaires  ,  74'— < 
Sont  alhmilés  aux  Blancs  pour  les  droits  poli» 
tiques  ,81. 

Pdd44 


W^ 


f  ; 


■fjà 


I   fl 


I 


Carénage  du  ^.artier  Moriu.  Etait  l'ancien  Ca- 
renr.gs  du  Cap ,  238  ,  242.  —  Voy.  Cap. 

Carthagene.  Des  Colons  de  Saint  -  Domingue 
marchent  à  la  priie  de  cette  viile  ,218,  248  , 
704. 

-Cajîei-jiji-e.  Fondateur  de  la  Providence  des 
hommes  au  Cap.  Son  éloge ,  399  o  fuiv.  & 
414.  —  Avait  commencé  un  hoipice  charita- 
ble à  Léogane  ,  400.  —  Sa  mort ,  404.  — 
Paffe  à  tort  pour  le  fondateur  des  deux  Pro- 
vidences du  Cap  ,  405.  —  On  ne  trou-re  fon 
nom  nulle  part  à  la  Providence^  40S.  —  Voy. 
Pro-oidence. 

€ajiex  (  M.  ).  Soninn^ence  far  l'étabiLTemenL  de 
v'^alUère  ,  dont  il  a  été  le  premier  Ccramaa- 
dant.j  Î4.3. 

Ccftillon.  Eloge  d'une  poudre  de  ce  nom  ,  550. 

Cawvii  (M.).  Son  Mémoire  fur  la  défenlé  du 
Cap ,  6o3.  —  V .  Défenfs  de  la  Partis  du  Nord. 

Ca-jer/ie.  Da   Borgn3j  681.  —  De  la  Tortue  , 

?34»  736-  _ 

Caycs  (  Ville  aes  ).  Sa  diUance  da  Cap,  605. 

Cayman  ,  595. 

Casernes  de  la  Maréchauffée.  —  V.  Maréchaujfée. 

des  Chalfears  volontaires,  447- 

' des  ChalTeurs  royaux  de  couleur  ,452. 

« du  Cap,   423    y  Jui-j.  — Faites  lur  les 

plans  de  M.  Rabié ,  424.  —  Améliorées  par 
M.  Heffe  ,  424.  —  Ce  qu'elles  peuvent  loger 
de  troupes  ,  424.  —  Leur  chapelle  ,  4,24.  — 
Leur  fontaine,  424.  —  Anciennes  cazernes  de- 
venues i'Arfenal ,  405. 

• du  Manège  au  Cap  ,  425. 

■  faices  dans  i'encios  des  Reiigieufes ,  429. 
Centenaire ,    179,   2C4.  —  Nombreux    à   Sainte- 

Rofe  ,  224  ,    225  ,   226.  —  du  Port -Margot , 

674.  —  Du  Borgne  ,  684.  —  Da  Port-de-Paix, 

717,  —  V  ov.  Te:npéraîure. 
Cercle  des  Philadelphes.  —  \^  Scciiié  dis  Sciences 

Ijj  Arts  du  Cap. 
Chabar.Dn  { IvL  )  de  l'Académie  Françaife  ,  Créol 

de  Limonade  ,  198,  217. 
. de  Maugris  (  M,  )    Créol  de  Limonade, 

198  ,  217. 
Chuiiie  fukliq^ue.   Son  origine,  397.  —  Son  but, 

■  -398.  —  Cliangcment   qu'éprouve  malheureuie- 

ment  fa  police,  39S — Abus  monllrueux  qu'elle 
montre ,  398. 

Chaleur  du  Soleil,  19S. — Voy.  Mîlêorologie  , 
Température. 

Chan.bre  ^^ Agriculture.  Celle  du  Cap  ,  391. — 
Q^iiad  projettée  ,  292.  —  Son  fecretaire,  3 1 8, 
504. —  Demande  une  Imprimerie,  354. — 
Kecîame  contre  un  don  îcX^  à  M.   Laporte  , 


BLE 

434-  —  Son  origine,  503. —  Sa  conflitutlen 
pri.nitive  ,  603.— Sa  compétence,  503. — 
Doit  donner  un  Mémoire  motivé  fur  l'adminif- 
tration  de  chaque  Adminiftrateur,  504  —  Ses 
travaux  ,  504. —  Troubles  qu'elle  a  éprouvé$i 
Ç04.  —  Où  elle  s'aiTemble ,  504. 

Chambre  d" Agriculture  <3  de  Commirce—  Voyez 
Chambre   d'Agriculture. 

• de  Commerce  du  Cap',  318.  —  Origine, 

318  y  fui'v.  —  Son  fecretaire,  318.  —  Son 
cachet,    319.  —  Son   état   aftuel ,    503,505. 

—  Sa  compolition,  505.  — Reproche  qu'on 
lui  fait ,  505. —  Son  éloge,  505. —  i^rojet 
utile  qu'elle  avait  &  comment  il  s&  traverfé  > 
505. 

Chameaux  ,  J45. 

Champ  de  Mars  ,422. 

Chanjon.  —  Voy.  Langa.ge. 

Charlevoix  (  le  Père  )  ,  Jéfuite  ,  i  î  8.  —  Publie 
i'HLftoirc  de  Saint-Domingue  ,  218  ,  268. 
Vient  au  Cap  ,  538. 

Charrite  (  M.  de  )  ,  Gouverneur  du  Cap.  Bien- 
faiteur de  l'églife  du  Quartier  Morin  ,  où  il  a 
une  chapelle,  235.  —  On  dit  que  les  premières 
cannes  à  fucre  de  la  plaine  du  Cap  ont  été 
plantées  fur  fon  habitation,  236  — -Détails 
fur  lui ,  fes  qualités  ,  fon  caraftère  ;  obliga- 
tion que  la  Colonie  lui  a  ,  246.  —  Eft  le  pre- 
mier qui  terre   du  fucre  dans  la  Colonie,  2J.6. 

—  Etablit  une  poterie  ,  une  tuilerie  ,  une 
briqueterie  ,  246.  —  Avait  eflayé  d'avoir  une 
manufacture  de  tabac  en  poudre  ,  246.  —  Où 
il  délirait  que  fût  la  ville  du  Cap  ,  298.  — 
Devient    propriétaire   d'une   partie    du  Cap , 


423- 


—  Pour  combien   fa  veuve   vend 


une  partie  du  terrain  du  Cap,  325.  —  Im- 
menfe  jardui  qu'il  avait  au  Cap  même  ,  346. 
—  Lieutenant  au  Gouvernement-général  de  la 
Colonie  ,  494.  —  Pcffédait  une  grande  partie 
de  la  paroiùe  de  l'Acul,  633.  —  Poffédait  uns 
grande  nartie  du  Port-Marg-ot ,  670. 

Chajfeurs  royaux.  Troupe  formé  d'hommes  de 
couleur ,  70. 

Volontaires  de  couleur  ,  447. 

Chrfier.oye  (M.  de  ),  Gouverneur  de  la  Partie  du 
Nord,  115,  149.  — On  lui  doit  les  premières 
levées  de  Limonade,  191.  —  Comment  il 
donne  un  nom  à  une  rue  du  Cap,  322. —  De- 
venu  Lieutenant  au    Gouvernement-général , 

494- 
fils  ,  (  M.  de  )    Gouverneur    da    Cap    & 

Lieutenant  au  Gouvernement  général ,  494. 
Château  de  Colanb  ,  zoj. —  V.  Fort  la  Nativité. 


Chi. 


"J 


Tiurnsnc. 


■Y. 


■  curs  a  Cûaux, 


i 


DES         MATIERES 


755 


CLemins.  Entre  la  Partie  du  Nord  &  celle  de 
i'Oiieft  ,  104,  229,  265,  273.  —  Ridicule 
de  l'ordonnance  de  1781  à  l'égard  de  ceux 
des  mornes ,  151.  —  On  pourrait  en  faire  un 
entre  Ouanaminthe  &  le  Trou  par  ks  hauteurs, 
153.  —  Du  Bois  de  Lance  au  Quartier- JVîoria  , 
200.  —  Du  Cap  au  Fort-Dauphin  ,  213  ,  2E4. 
—  De  Limonade  aa  Cap,  214. — De  la  paroiffe 
Sainte  Rofe,  224  ,  228  ,  229.  —  du  Quartier- 
Morin  ,  236. — Entre  le  Cap  cSc  l'embarcadère 
de  la  Petite- Anfe  ,  242  j  314  ,  452  ,  453.  — 
Du  Dondon  au  Cap  ,  à  Saint-Raphaël ,  au 
Port-au-Prince,  265  ,  266,  267.  —  De  la 
Marmelade  au  Cap,  273.  —  De  la  IVÎairneJade 
aux  Gonaïves ,  273.  ■ —  De  la  Petite-Anfe  , 
283,  284, — Du  Cap  à  Picolet,  554  ^ful'va,it£s. 

■  —Du  Cap  à  l'Hôpital,  563  ,  564.  —  Du  Haut 
du  Cap  ,  591  .  595.  —  Du  Cap  à  la  bande  du 
Nord  &  au  Grand  &  au  Fetit-Port-Français  , 
602  ,  603  ,  604,  605.  —  De  la  Plaine  du 
Nord,  630. — Del'Acul,  637,638,  639. — 
Du  Cap  au  Poitviu-Prince  ,  638  ,  644,  645. 
—Du  Cap  au  Môle,  638,  691,  724.  —  Du 
Limbe,  644.  —  Du  Cap  au  Port-au-Prince, 
é6i  iS  fuiijantes  ,  691  ,  724.  —  De  Plaifance 
au  Gros-Morne  &  au  Port-de-Paix  ,  667. 
— Du  Cap  au  Port-de-Paix  ,  67  i,  690  ,  724. 
De  la  Coupe  à  Noé ,  674.  —  Da  Borgne  , 
681.  —  Du  Gros-Morne,  687.  —  Du  Petit- 
Saint-Louis  ,  67 1 .  —  Du  Port-de-Paix  ,712, 

■713,  714,  723  ,  724.  —  De  la  Tortue, 
712. 

Chenjaux.  —  17.  V.  Animaux. 

Chica.   V.   Danfe. 

Ckien.  Maladie  gangréneufe  qui  en  fait  périr 
beaucoup  ,  535. 

Chirurgien.—  134,  501,  571.  —  Epreuve 
coloniale  à  laquelle  il  faut  fouraettre  les  chi- 
rurgiens ,586. 

■        da  Roi.  V.  Hôpital. 

Z^"'    I    ^"Cap,   501. 

— Major    j  ^       ■' 

' de  l'Amirauté  ,  385  ,  501. 

des  r*lilices,  501. 

du  régiment  du  Cap. 

Choijhil  {M.  le  Vicomte  de).  Influe  fur  la  forma- 
tion du  bojrg  d'Ouanaminihe  ,  144, — Empê- 
che qu'on  abandonne  le  territoire  de  Vallière  . 
1+8. 

Cihao.  —  3.  —  V.  Montagnes, 

Cimetières.  Du  Cap ,  342,  343,  358.  —  Le 
-caveau  derrière  Péglife  a  des'  parties  de  corps 
defféchées  &  entières,  343.  —  Celui  de  la 
Providence,  414,  415 Son  origine,  414. 


De   la.Fafiette,    435.  —  Refjs    des    Jéfuites 

d'aller  au    cimetière   de   la   FofTette,  435. 

Inruffifance  du  cimetière  de  la  Foflcîte  ,  435 
i^  fui-uaiitei.  —  Danger  de  les  remuer  avant 
un  certain  terme  ,  436.  —  Celui  de  la  Foflétte 
a  un  chapelain  ,  437.  —  Effet  attribué  aa 
petit-mil  planté  dans  le  cimetière  de  la  Fof- 
fette  ,  437.  — Réflexions  fur  l'ufage  des  cime- 
tières ,  438.  —  Obfervations  fur  la  fituation  "-c 
l'extérieui-  du  cimetière  de  la  FolTette  ,  43S  , 
439- 
Cinqua?ite  Pas  du  Roi. — 243.  —  Ce   que  c'eft  , 

569. 
Clément  (  M.  ).  Adeur  du  Cap.  Son  éloge  ,  365, 

366  ,   367.      ^  ^ 
Climat. — V.   Température. 
Clugny  (M.    de  }.    Intendant.  —  Son     éloge  , 

292  ,  316. 
Cochenille.  Sa  culture  entreprife  à  la  Marmelade, 

274. 
Cochon.  V.  Pourceaux. 

-Maron.  V.  Pourceaux. 

Code  Noir.  68. 

Colomb  (  Chriftophe  ).  163  ,  164.  —  Ancre 
qu'on  croit  celle  de  fa  caravelle  ,  189,  —  Où 
&  quand  il  a  bâti  le  fort  la  Nativité  ,  206, 
— Mouiiîe  à  Caracol ,  207.  —  Fait  naufrage  à 
Limonade  ,  207.  —  Entre  dans  la  baie  de 
TAcul ,  636.  —  Va  au  Port-de-Paix  ,  694.  —. 
Va  au  Port-à-PÊcu  ,  706. 
Colons.  Ceux  Européens  de  la  Partie  Françaife  , 
6.  —  Premières  m.œurs  des  Colons,  7.  — 
D'oij  vient  leur  infouciance  pour  leur  pays  , 
8.  —  Leur  luxe  ,  8.  —  Mœurs  de  leur  fécond 
âge,  8.  ^ —  Leurs  mœurs  adliielles,  9.  — 
Environnes  d'efclaves  &  de  domelHques,  11. — 
Ne  fe  donnent  point  de  jouiffances  ,  n.  — 
Voyagent  avec  rapidité  ,"  17.  —  Cultivaient 
eux-mêmes    au   commencement  ,  24.  —  Ont 

—  Ceux  qui 


créé  la  clalTe  des  affranchis  ,  70. 
défrichent  n'ont  aucune  jouiffance  réelle  qu'à 
la  cinquième  génération  ,  128.  ■ —  Leur 
courage,  251. —  Ceux  tués  à  la  bataille  de 
■Limonade,  183.  —  Marque  de  bienveillance 
qu'ils  donnent ,  460.  —  Teinte  de  leur  peau  , 
512.  Revenant  de  France  ont  encore  befoin 
de  s'acclimater  ,  528.   V.  Blanc.  Créai.  Créole, 

Colonies.  Nature  de  la  population  d'une  Colonie  , 
6.   V.  Défenfe  de  la  Partie  du  hlord. 

Colonies  de ^  l'Amérique  Septentrionale.  Ont  donné 
les  premières  l'exemple  d'avoir  des  engas-és,  z^ 

Co7neftibles.—Y.  Marché.  "         ^' 

Commandant    du   Cap.    Avait    féaiicç  ^u  Confeil 
fagérieur  dç  cette  ville  i   385.- 


•..•  ;  ' 


< 


TS^ 


TABLE 


Conrftaiidant  en  fxond.  Il  y  en  a  trois ,  ioo_, 
I02.  —  Celui  du  Cap  avait  féance  au  Confeil 
àî  cette  viiie ,  -586.  —  Maifon  où  plufieurs  de 
ceux  du  Cap  ont  réfidé  ,  394..  —  Quand  créés, 
^g-.  —  y.  Gou--jerneur  c.s  Sainte-Crotx. 

— particalier.  —  Un  au  Cap  ,  102.  — 

Où  il  loge  ,   370. 

Commerc;.   Détails  fur  ce'.ui  du  Cap  ,    322,482. 

Conn-.iJJ'airi  de  la  Marins  ,  4.95.  —  Admis  au 
Comeil  Supérieur,  356.  —  N'y  était  plus 
admis,  3  g  5.  —  Le  plus  ancien  le  al  y  avait 
féance  ,306.  _ 

o-énéral  de  la  manne.  Avait  ieance 

au  Confeil  Supérieur  du  Cap  ,  336. — Préfidait 
le  Confeil,  pnVatement  au  conieiller-préildent, 
286.  —  ]^/I.  Caignet  ,  commllTaire-général  , 
préiid.tit  le  Ccnfsil  du  Cap  ,  en  iiabit  noir , 
"3S9. 

Corr'.miffion.  Due  aux  divers  agens  qu'on  employé 


à  Sai; 


t-Domingue,   505. 


lie  de  ï'AjJiinte. 


-'^1-= 


des 


Ce  que  c'était  ,  094.. 
îndis.  La  Coior.ie  fe  foulève  con- 


tr'elle  ,  244.  —  Obtient  le  privilège^ excluiif 
de  la  côte  de  Guinée  &  achète  la  Follette , 
556.  —  Y.FeJJstte. 

lccidc::fah!.  Succède  à   la 


Oc 


compagnie   des  Ifles  de  l'Amérique,  696. 
Supprimée  en  1674  ,  697. 

des  If.es  de   l'Jmérique  ,    7 


66q. 


V.  Ccnpagnic  des  Indes  Occidentales. 

Comptables  ',  1 34. 

CanceJJlons.  —  V.  Ah'.'.s  i  Cap  ;  Caracol  ;  Jac- 
quezy. 

Conj'rérie  de  la.  Miféricorde.  —  V.  Hôpital. 

Congés  ,32. 

Co/j/t// de  la  Guadeloupe,  380. 

de  la  Martinique  ,  380. 

•  de  Léogane  ,  3£o. 

de  Nippes,  380. 

, de  Saint-Chriilophe,  380. 

-des  Milices,   380.  —  Sa  compoiition  , 

380  ,  38B. —  Sa  nature  ,  388._ — Le  Comman- 
dant des  Milices  le  préfidait,  388.  —  Le 
Major  des  Milices  y  était  procureur-général, 

3S8. 

. du  Petit-Goave,  3S0. 

' •  Souverain  de  Saint-Domingue.  —   Voy. 


Confeil  Supérieur  du  Cap.  Sa  création,  Î05J 
3S5.  —  Sa  fuppreffion ,  103.  —  Lieu  où  il  s'eil 
affem-blé»  310,  3x1  ,  :;23  ,  324,  376  ,  3-7, 
30^. — Rue  de  fon  nom  ,  321,  324.  —  Ma- 
réchauffée  qui  formait  û  garde,  377.  —  Sa 
chapelle,  378. —  Sa  bibliothèque,  378. — 
Sa  falle  Q-audience,  378. — Sa  falle  de  déli- 
bération, 379. — Sa  compofitioa  ,  385  ,  385. 
•r-Son  territoire,  385.  —  Son  inftallation  » 
385.  - —  Epoque  de  fes  a.Cemblées  ,  385.  — Par 
qui  préf.dé  ,  386,  —  Chângemens  qu'il  éprou- 
ve, 386  - —  Les  commiludres  &  les  contrôleurs 
de  la  Marine  y  avaient  entrée,  386.  — Ses 
aiTeffeurs  ,  386'.  —  Rang  de  fes  membres  en. 
tr'eux,  386.—  Ses  Coufeillers  honoraire;, 
387.  —  Son  audieacier,  387.  —  Séances  ho- 
norifiques qu'il  accordait ,  387. — Ses  Avocats, 
283.  — Sa  compétence  ,  388.  —  Son  coflum.e, 
288.  —  Plufieurs  de  fes  m.embres  étaient 
o&iers  de  Milices  dans  l'origine,  _389. — ^ 
Des  magiftrats  des  Cours  fouveraines  de  Fran- 
ce y  fiègent  en  épée ,  389.  —  Quand  fes  mem- 
bre's  adoptent  l'habit  noir,  38g.  —  M.  d'EC 
taing  y  liégeoit  en  habit  noir,  389.  — M. 
Caignet ,  Ordonnateur  ,  le  préfidait  en  habit 
noii-,  389. —  Eli  bienfaiteur  de  la  Providence 
des  hommes  ,  401.  —  Réclame  contre  des 
dons  abufifs ,  453  ,  454.  —  Son  droit  de  paf- 
fage  au  bac  ,453- 

_ du    Port-au-Prince,    103.  — 

Réclam.e  contre  le  don  du  bac  du  Cap  ,  4^5. 

Confeils  Supérieurs  de  Saint-Domingue  repréfeii- 
taient  autrefois  la  Colonie,  614. 

Confeiller.  Dans  l'origine  le  Confeil  du  Cap  en 
avait  fept,  385.  —  Le  Doyen  des  confeillers 
avait  la  préfidence  au  Confeil,  385.  —  Sont 
portés  à  12  au  Confeil  du  Cap  en  1763  ,  3S6. 
Ont  des  appointemens ,  386.  —  Etaient  encore 
12  au  Confeil  du  Cap  ,  y  compris  le  Préfident, 
386.  —  Le  Préfident  était  choifi  parmi  eux, 
386.  —  Leur  coftume  ,  388  —  Voy.  Premier- 
Confeilhr  ,  Second-  Confeiller. 

■  les  Confeillers  des  Cours  fupérieures 

ont   une    féance   honorifique    dans    ceUes   de 
Saint-Domingue,  387. 

Capitaine  de  Milices ,  tué  à  Limonade^ 


Cofifil  des  Milices. 

^ du  Petit-Goave.  Sa  création  , 

380.  — On  en  retranche  du  territoire  pour  le 
Confeil  du  Cap,  385.  —  Prefque  tous_  fes 
membres    ofîicicrs   de  Milices  à    fa  création , 

Supérieur  de  Saint-Domingue.   Quana  & 


183. 


comment  il  acte  formé  1  loj. 


■  de  Sénéchauffée  ,  1 34. 
-honoraires    des    Confeils  fupérieurs,f 

387. —  Ne  peut  jamais  préfider  ,  387.  _ 
Cou.trôleur  de  la  Mâri>:e.  Admis   au  Confeil  fup»- 

périeur  ,  386.  —  Plus  admis ,  386. 
Coquillages.  Ceux  qu'on  expofe  en  vente,  442. 

Coreii, 


Coquille: 


>  I 


20. 


DES       MATIÈRES. 


757 


X^oraiJ.  Lieu  où  l'on  élève  des  cochons.  —  Voy. 
Pourceaux. 

GofluTiie.  La  Magiftrature  coloniale  porte  l'épée 
&  pourquoi,  388  ^  fuinjantes.  —  Quand  le 
Confeil  du  Cap  a  adopté  l'habit  noir  ,  389. 

Cite  d'Afrique.  —  Voy.  Jfri^ue, 

d'Angok,  32,  34. 

de  Congo,  32. 

■  ds  la  Partie  du  Nord,  104.  —  Du  Fort- 
Dauphin,  m,  113. — Du  Temer  Rouge,  i6o. 
De  Limonade,  206. — Du  Quartier  Morin,  237. 
— Depuis  l'embouchure  de  la  Grande-Rivière 
de  Limonade  jufqu'à  celle  de  la  rivière  du 
Haut  du  Cap ,  246.  —  Du  Fort-Dauphin  au 
Gap  ,  293  ,  622. — Du  Cap  à  la  baie  de  l'Acul, 
'601  i^  fui'vani es  ,622  ,  623. —  A  l'Oueil  de 
l'Acul,   623. —  De  la  Plaine  du  Nord  ,   630. 

—  Da  Limbe,  G/^.j.  —  Du  Borgne,  682  —  Du 
Petit-Saint-Louis ,  693  —  du  Port-de-Paix , 
717  —  De  l'ifls  la  Tortue,  727. 

,.'  des  Efclaves  ,  28  ,  29. 

.P-—  des  Graines  ou  de  Malaguette  ou  du  Poi- 
vre, 28. 

d'Ivoire  ou  des  Dents ,  28  ,  29. 

■^ d'Or,  28,  29,  32. 

,C otocolis  ,29. 

Çotonneries.  De  la  Partira  Françaife ,  roo  —  De  la 
Partie  du  Nord  ,  106  —  De  Sainte-Rofe,  223. 

Cotonnier.  Sa  culture  effayée  fans  fuccès  au  Trou, 
177 —  On  i'a  cultivé  à  Limonade  ,  181  —  Il 
y  en  a  au  Port-de-Paix  ,  723  —  V.  Cotonnerie. 

Coitin  (  Veuve  ) .  Son  éloge ,  394. 

Couleur.^  26  ,  27 ,  30  ,  3 1  ,  32  -^  Effet  de  celle 
des  nègres  fur  les  Européens  ,  ,55  —  Celle 
des  nègres  ne  s'oppofe  pas  à  l'expreflion 
des  paffions  fur  leur  figure  ,  16  —  Celle  des 
«nfans  nègres  ,  ,56  =—  Altérations  de  celle  de 
la  peau  des  nègres ,  56  ,  58  •=-  Les  nègres 
tirent  vanité  d'une  couleur  aoire  foncée  ,  58. 
. —  Opinions  des  nègres  fur  la  leur  ,  6t,  — 
Dénominations  données  aux  nuances  réful- 
tantes  du  mélange  du  Blanc  &  du  Noir  ,  71  à 
,g8  -^  £iie  forme  treize  nuances  diftindes  à 
..Saint-Domingue,  75  —  Préjugé  colonial 
fur  la  couleur  ,    75  —    Celle  du    Mulâtre  ,  76 

—  Celle  du  Quarteron,  76,  80.-—  Celle 
^u  Métif ,  77  —  Celle  da  Mamelouc  ,  78 
Celle  du  Quarteronne  ,  79  , —  Celle  du  Sang- 
mêlé  ,  79  —  Celle  du  Sacatra,  79  — ■  Celle 
du  Griffe,  80  —  Celle  du  Marabou,  80.  ■ — 
Celle  des  Caraïbes  ,  Sauvages  ou  Indiens ,  80  , 

81  — -  Cel!c  des  nègres  a  différentes   teintes  , 

82  —  Parties  no-ircs  ou  blanches  des  différen- 
ces nuances  des  Ijabitansds- Saint  ^  Domisgue , 

Tome     I. 


8z  —  Ce  que  dit  le  préjugé  colonial  à  cet 
égard  ,  86.  —  S'affoiblit  dans  le  nègre  qui  ha- 
bite les  pays  froids  ,  87  —  Bafe  fur  laquelle 
l'Auteur  a  établi  fes  raifonnemens  quant  aux 
nuances  des  individus  de  Saint-Domingue  ,  €7, 
88  ,  89  —  Se  renforce  dans  les  enfàns  provenus 
de  deux  individus  de  même  nuance  ,  89  — 
Altérations  de  celle  de  la  peau  des  mulâtres , 
91  —  Idée  qu'elle  infpire  aux  gens  de  couleur 
efclaves ,  98  —  Teinte  de  celle  des  Colons 
blancs,  512  — V.  Albinos  ,  E/claves ,  Nègres. 

Coup-de-^ent  ,  106  —  De  1772,  155,  213, 
261  ,    526,  673  —  V.  Température  ,    Fent. 

Coupe.  —  V.  Chemin. 

Courrejolles  (M.).  Détails  relatifs  à  une  conceffioa 
qu'on  lui  avait    accordée  fur  le  quai  du  Cap  , 
307  £5'  fui'vantes  —   Eft  caufe  d'une   grande 
extenfion   acquife  par  le  faubourg   du  Cap  , 
469. 

Crèol.  Il  n'y  en  a  qu'un  quart  parmi  les  Blancs  , 
9 —  Mœurs  des  Créols  blancs,  12  —  Ses 
avantages  phyfiques  &  moraux  &  comment  il 
perd  ces  derniers  ,  12 ,  14  —  Le  Créol  enfant 
efttrèa-gâté,  12  —  Eft  un  objet  d'idolâtrie 
pour  fes  parens ,  12  —  N'a  qu'une  éducatioii 
imparfaite  ,  14  ,  545  ^  fuiijantes  —  Injuste- 
ment accufé  par  M.  de  Paw  ,15  —  Son  goût 
pour  le  plaifir  ,15  —  Peu  propre  au  mariage, 
î6  —  Eil  jaloux  &  aime  le  jeu ,  16  —  Ses 
belles   qualités  ,    16  —  Méprife  la  mort  ,   ij 

—  Langage  créol ,  64  —  Chanfon  créole ,  65. 
• —  Aime  beaucoup  la  repréfentation  des  tragé- 
dies ,  363  —  Sapaffion  pour  la  danfe  ,  371  —, 
Aime  à  fucer  des  cannes  à  flicre  ,  444  —  Ve- 
nant de  France  a  encore  befoin  de  s'acclimater, 
528  —  Utilité  de  le  faire  élever  en  Francs  « 
546  —  V.   Blanc  ,     Colons  ,    Crtole. 

Créole.  Caradière  &  Mœurs  des  Créoles  Bîanchesp 
17  —  Ett  jolie,  17  —  Aime  izs  enfans  avec 
excès,  18.  —  L'amour  a  fur  elle  un  grand, 
empire  ,  \^  ■ —  Elle  fe  remarie  facilement ^   iq 

—  Eft  jaloufe  ,19—  Aime  la  danfe ,  le  chant  , 
la  folitude,  19,  20  —  Régime  des  Créoles  , 
20  —  Caufes  qui  détruifent  fes  cha/nies  de 
bonne  heure  ,   20  —  Les  Créoles  font  mariées 

tiop  jeunes,    z\    —   Sont  fécondes ,    zi   

Ne  peuvent  le  plus  fouvent  al'aiter  leurs  en- 
fans  ,  2i_  —  Ne  reçoit  point  d'éducation  dans 
la  Colonie,  21  ,  531  — -  Avantage  de  fon 
caraétére  ,  21  —  A  une  noble  fierté  ,  21  — - 
Ses  belles- &  fesmauvaifes  qualités  ,  22,531  r— 
Son  éloge  comme  danfeufe  ,  371  ,  — -  Son 
éducation  ,  426  —  Motif  pour  f^ire  élever 
les  Créoles  en   France,   431  ,'546- —  Leu^ 

E  ee  e  e  ' 


758 


AELE 


geme  de  vie  au  Cap  ,   ^^ 
Crecl. 


;2    —    V.  £Ia 


û.ilC  , 


% 


Croifeuil    (M.  de).  ,    139. 

Cube    (Ifle  de).   M.  de  Po-jançay  £iit  tenter  deux 

expédicioas  cDnire  eile  .  698.    —    Sa  diilance 

de  iaTcrtae,   727  —  Son  analogie  avec   la 

Tortue  ,  740. 
Cultivateur.  Ê;l   toujours  un  citoyen  ,    1-3     — 

P.aifons  pour  les  muJtiplier  dans  les  montagnes, 

353- 

Culture.  —   V.  Cojijzie   nianiifa3ure  Coloniale  a 
fon  moi  —  V.   Belin  de  ViLlenewve. 

Curé.  Faits,  relatifs  à  un  curé  de  Sainte  -  Rofe  , 
222. 

C:iffj  (M.  de)  Gouverneur.  Prend  ic  bràle  Eaint- 
Yagae,  182  —  Son  avis  &  fa  mort  à  la  bataille 
de  Limonade  ,  182  —  Enterré  à  Limonade, 
383  —  Ré£de  à  la  Tcrti:e  ,  6^i  —  Tranf- 
porte  le  liège  du  gouvernement  au  Port-de- 
Paix,  698. 

D 

Dacoâa  (IvîM.)  de  Nantes.  Éloge  de  leur  manu- 
fâdure,  650. 


—  Les  Providences  &  les  Hôpitaux  doivent 
y  envoyer    des   regifires  ,   588. 

Député. pe  la  Colonie,  292 — Le  Confeil  de  h 
Martinique  avait  demandé  dès  1730,  des 
députés    des   Colonies  ,  503., 

Defci-ipiion.  Ordre  adopté  par  l'Auteur,  ico  — 
Médico-topogra'phique  du  Cap  par  M.  Ardiaud, 
349 — ^  •  Coaqits  Pa'cïJJe  à  fan  mot. 

Desforges  (M.)  Ligénieur.  Fait  an  plan  de 
reireffement  de  la  Grande  rivière  de~Limo- 
r.ade,  193 — Ce  qu'il  propofait  pour  la  ravine 
du  Cap,  549. 

Defpaigne  iiA.).  Son  éloge,  553. 

DifpaJJler  ^M.).  Géuevoij.  Son  éloge  ,  323; 

Dlfiance.  Celle  da  Fort-Dauphin  à  divers 
points,  13S  —  Celle  da  Terrier-Rorge  à 
divers  points,  165 — Du  Trou  à  divers  points, 
179  —  De  Limonade  à  divers  points  , 
221  —  De  Sainte-Rofe  à  divers  points, 
229  —  Entre  le  Quartier- Morin  &  d'autr=s. 
lieux  ,  267  —  De  la  Marmelade  à  d'autres 
lieux,  274 — Entre  la  Pedte-Anfe  &  d'autres 
lieux,  289  —  Celle  du  Cap  à  d'autres  lieux,. 
60  "  ""''""■        -     -  - 


Ja>i  i 


^70 


„  ..    ,  T^     r^  .  - -^  '    7^7  —  Celle    de  la  Plaine  du  Nord  n 

Calinda,  44  —  Du  Cnica  ,         d'autres  lieux,   632  —  Du  Limbe  à  d'a^Kres 


45  —  Du  Vaudoux,  45  —  A  Don  Pèdre ,  5  i 
—  PaSon   des   Créols  pour  la  danfe,  371. 
Daxr.icpi.  Bourg   de  la  Partie  Efpagnole,     108 
Sa  fit^aation  ,   143  —  On  y  expédie  les  lettres 
pour  la   Partie  Efpagnole  ,  l'Efpagne,    Sec, 

Dazille 
246. 

De  Cl.-eux  (I\I.)  On  propose  de  lui  ériger  une 
fiatue ,  parce  qu'il  a  procuré  le  calîer  aux  An- 
tilles 169  —  Sa  mort,    170. 

■lyébordemeKs.  —  V".   Inondations. 

Défenje    de   la   Partie  du    Nord,  606  à  627. 

des  Colonies  —  V.  Défenfe  de  la  Par- 


(M  ),  Eloge  de  ce  médecin-chirurgien. 


tie  du  Nord. 

^—^—  Militaire 


100, 


3:  ,    303  ,   209,    212  , 


Z26  ,   238,   303,  304  ,   306  ,   3-09  ,   325  ,  445  , 

555'  6°i  '  602,  &31  ,  634,  635  ,  647,  D48  , 
0^4,  683,693,717,718,720,724,  732, 
734,  741  ,  —  V^  Cote  ,  Défenfe  de  la  Partie 
du  Nord ,  Emiarcadere  ,  Fortif  cations  ,  Mi- 
lices. 

Défrichement.  N'eu  complet  qu'à  la  .cinquième 
génération  ,    128. 

Dent  ,502. 

Dentijîe  ,502. 

Dépôt  des  Chartres  des  Colonies  à  Verfailhs.  Son 
utilité,  382 — Reproche  fur  la  négligence  de 
ceux  (jui  devraient  y  envoyer  des  pièces  ,  383 


lieux  ,  649  —  De  Pialfance  à  d'autres  lieux  , 
668  —  Du  Port-?Jargot  à  d'autres  lieux  , 
672  —  Du  Borgne  à  u'autrcs  lieux,  684  — 
Du  Gros-Morne  à  d'auties  lieux,  685  ,  686  , 
6S7 — Du  Port-de-Paix  à  d'autres  lieux  ,  725 
— De  la  Tortue  à  plafieurs  lieux  ,  727.  —  V, 
Chemin. 

Difillerie  —  V.  Gulldi'verie. 

Divifion.  Celle  de  la  Partie  Françaife  ,    100. 

Dolioules  (M.).  Fondateur  de  la  Pi-o\'idence  des 
femmes  au  Cap.  Son  éloge  ,  T,gj^  isï  fi-vantes. 
—  Inj'uftice  dont  on  efi  coupable  envers  lui  , 
396 — E:l  prefque  oublié  ,  405— Son  nom  r.e 
ie  trouve  point  à  la  Providence  ,  308  —  V. 
Pro'oidence. 

Don.  —  V.  Jhus  y  Brancas  ;  Noailles  i  Laport^. 

Dondon  (ie)  ,  4.  —  C'elt  là  qu'a  commencé  la 
culture  du  cafier  à  Saint-Domingue,  164, 
26 1  —  M.  le  maréchal  de  Noailles  était  d'avis 
qu'on  y  f_t  une    place  forte,  220  —  M.  de 

Belzunce  y  établit   des   camps  ,  226  ,  264 

Origine  de  fon  établiffement ,  247  —  Lenteur 
de  les  com.mencemens  ,  249^251  —  Son 
églife,  251  ,  256  —  Son  bourg,  231  ,  256, 
267  —  Ses  limites  ,  251  ,  255  —  Ses  m.onta- 
gnes  ,  252  ,253  ,  294 —  Ses  communicacicrts 
avec  la  Partie  Efpagnole,  252  . —  Élévation 
de  fon  fol  h  erreur  que  reftine  l'Auteur  à  ce  • 
fujet ,   252  —  Son  fiie,  252  —  Nature  dcfcn 


":»> 


D 


S 


MAT 


ERES. 


759 


Son  éten- 


foli  252,  253  ,  254,  255  j  258 
due  ,    252  —  Ses  cantons  ,    253  13  fui'vantes. 
—    Ses    établiiTemens ,    &    fes  manufaélures  , 
253  —  Ses  rivières ,  255  ,256  —  Son  canton 
le  premier  établi ,  255   —  Ses  premiers   habi- 
tans,  255,  256  —  Pont  qu'on  y  avait  com- 
mencé ,  256  ■ —  Sa  maréchauflee  ,  256 — Noms 
de  fa  rivière  depu's  fa  iburce  ,    257  —  Rivière 
&  gs-aiFre  des  Vàfeux  ,  257  —  Ses  eaux  miné- 
rales ,  -258    —    Sa  miâéralogie  ,258  —  Ses 
afFalages  ou  avalanches,  258   —-Sa  tempéra- 
turc,   260  —  Ses  coups  de  vent  ,  261   —  Sa 
première  culture  a  été  l'indigo,    261   —   I.,e 
cotonnier  n'y  réuffit  pas  ,  261  —  A  une  indi- 
goterie  ,   261  — Ses  places-à-vivres  ,  261  — 
Ses  cafeteries  &  leur  produit  ,261  —  Raifons 
pour  que   ce   lieu   décroiiTe  ,   262   —  Son  fol 
produétlf  en  légumes  ,   en  racines  ,   en  fruits, 
en  fleurs ,   262  —  Ses   richeffes    botaniques  , 
262  —  Ses  Dois  ,  262  —  Ses  plantes  aromati- 
ques ,    262  —  A  du  cochon  maron  ,    262:  — 
On  y  trouve   le   pilori ,  262  —  Animaux  do- 
meftiques  qui  y  réuliîiTent  ,    262  —  Animau3r 
domeftiques  qui  n'y  réuffiiTent  point ,   262.  — 
Ses  oifeaux  ,   262  —  Ses  infeCles  ,  fes  reptiles  , 
265  —  On  y  a  des   abeilles  ,    2(33.  —  Parait 
avoir  été  fort  peuplé  par  les  Indiens  qui  y  ont 
rendu  une  voûte  célèbre ,  263  —  La  voûte  à 
Minguet ,  263  —  Sa  population  ,  264  —  Ses 
Milices,    264  —   Son  importance  militaire,  auabl 


premiers  Adminiftiaieurs  de  la  Providence  des 
hommes  ,  402  ,  403. 

-(  M.  Defmé).   Éloge    de     ce    Maglflrat 

178,  292. 

■  (  M.  ).  Auteur  d'une  pièce  de  théâtre  & 


d'un  ouvrage  en  réponfe  à  M.  Hiiliard  d'Au- 
berteuil  ,  368,  542. 

Diicajfe  {M.).  Gouverneur  de  St-Domino-ue  — 
Où  il_  déiirait  que  fût  le  Cap  ,  299  — °EA  le 
premier  qui  penfe  à  la  défenfe  de  la  partie  du 
Cap  ,  607  —  Signe  un  traité  de  i'Afiiente  avec 
TEfpagne,  695  —  Apprend,  à  Léogane , 
qu'il  elt  nommé  Gouverneur  de  la  Colonie . 
702  — Fait  une  incurfion  à  la  Jamaïoue,  702' 

Ducatel  (M.).  Premier  habitant  du' Bois  de 
Lance  ,  182. 

Du  Clnlleau  (M.)-  Gouverneur-général.  Trait 
qui  fait  fon  éloge  ,461. 

Duclos  (  M.  )..  Intendant ,  1 15. 

Dumefnil  (  M.  L:uis  ).  Arpenteur  &  habitant  de 
Plaiiance  ,  propofe  un  chemin  pour  faire  com- 
muniquer la  Partie  du  Nord  avec  celle  du  Sud, 
662. 

Du  Moukeau.  Direfteur-général  des  fortifications, 
2  10  ,  662  —  V.  Dcfe>yi  de  la  Partie  du  Nord. 

Du  Paty  (  M.  Mercier  )  ,  né  à  l'Acul.  Son  élo-- 
641  —  Etait  père  de  RL  le.Préfident  du  Eaty., 
641. 

Duflaa  (  M.  le  Préfident  ).  Son  habitation  rema-- 


264,  614,  626  —  Ses  chemins  ,  204  ,  265  , 
266  ,267  —  Reçoit  des  Acadiens  &  des  Al- 
lemands ,  365  —  Envoyé  fes  denrées  au  Cap  , 

266  —  Projet  d'un  chemin  de  voiture  nour 
aller  au  Cap,  267  —  Diftance  entre  lui  & 
divers  lieux  ,   267 —  A  un  bureau  de  porte, 

267  —  A  offert  an  exemple  de  fuperfétation  , 
267  —  Perfonnes  qui  l'ont  hibité  &  qui  méri- 
tent d'être  citées,  268  —  A  eu  le  père  Le 
Pers  pour  curé ,  268  —  A  pour  curé  aûuel 
M.  l'abbé  de  la  Haye  ,  268  (  V.  ce  fiom  ).  — 
On  eflaye  d'y  naturalifer  des  plantes  de  l'Inde. 
chez  M.  Fabbé  de  la  Haye  ,  &  chez  M.  Prieur,, 
269. 

Don  Fedre.  —  V.  Danfe. 

Dragons  de  Cnndé  15  de  Belzunce^  Leur  logement, 
au  Cap ,  447. 

Doyen  —  Voyez  ConfeiUer. 

firoguijle- — Voyez  Apothicaire. 

Dub-o'urg  (  M.  ).  Eloge  de  ce  comédien ,  36^  — 
Notice  fur  lui ,  543. 

Duhuijfon  (M.  ).  Éloge  de  l'adminiftration  de  fa 
fucrerie  ,  61  ,  1.74—  Bienfaiteur  de  la  Provi- 
dence des   hommes ,  400  —  L'un  des   deux- 


e   a   cauie 


une  levée,  234  — Acaufe 
dune  avenue  de  chênes,  237 — Beauté  de 
l'hôpital  de  cette  habitation  ,  237  —  Ses  lifiè- 
res,237 — Cette  habitation  efcVemolie  de  vefti- 
ges  des  anciens  Naturels  de  l'Ifle  \  240 
Dupont  Jortabas  (  M.)-    A.  fait  faire    un   utils 

chem.in,  691. 
Duportal  (  M.  ).   Direfteur-gcnéral  des  fortifica- 
tions, 192 — Son  éloçe,  192,    241  ,  67c  , 

Son  opimon  fur  la  defjnfe  de  la  Colonie  ,  6i  c 
V  oyez  Dife}ife  de  la  Partie  du  Nord. 
Durand  (  M.  )■  Eloge  de  l'etabliffement  fak  nar 
çe.chirurgien  pour  le  traitement-  des  Africains- 
malades ,  415. 
Du  Raujfet.  Fait  la  conquête  delà  Tortue,  6g5 
739  —  ^'en  croit  propriétaire  ,  696  —  É'I  mis- 
à  la  Baflille  &  vend  fes  droits  à- la  CampaMis- 
des  Indes  Occidencales  ,  696.  r  &   - 

Dureau  (  M.  ).  Etablii   la   première   fucrerie   à-- 

Limonade ,   184. 
Dureau  de  la  Malle  (  M.  )  ,  2l8. 
Du--vernet  {M.).   Introduit,  avec  M.    Fournicr- 
de  Varenne ,.  le   bambou  à  -Saint-Domineue  ^ 
319.  ** 


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Eaux.  Qaand  on  commence  à  -en  faire  un  utile 
ufa^e  pour  rAgricultare  8  ,   292  —  Ufafe  de 

.  cell's  da  Fort-Dauphin  ,132  —  Celles  d'Oaa- 
çam'jitha,  14.2  —  Celles  du  Terrier-Rouge, 
jyg  —  Celles  du  Trou  ,  175  —  Leur  niveau  , 
190  —  Le  befoin  de  les  égoûter  ,  190 —  Celles 
-  de  Limonade,  187,  193,  201  —  Idées  de 
M.  VeiTet  fur  celles    qu'on  pourrait  donner  à 

■  Limonade,  aa  Qaartier-Ivlofin  &  à  la  Pcùte- 
Anfs,  ZC2  —  Principes  fur  l'emploi  de  celle 
des  rivières,  277  ij fui-vantes  —  Celles  d'une 
fource  du  Cap  fe  vend  ,  3 10  ,  468  —  Celles 
ou  Cap  &  leur  analyfe,  310,  319,  516, 
^,^2  ,558  —  Travaux  utiles  pour  augmenter 
celles  du  Cap  ,513  i3  fui-'oantes  —  Celles  des 
puits  du  Cap  ,  517  ^  f:»-vantes —'&2.<K\x^  au 
Grand-Boucan,  629  —  De  l'Acul ,  639  — 
Réfervoir  de  la  coupe  des  Gonaïves ,  667  — 
Du  Port-de-Paix- ,  707  —  De  la  Tortue,  733, 

.  734 '  73Î  '  736-.  737  '  ,74°  —  Voyez  Moulin 
a  eau  ,  Riijière  ,  l'emperature. 

Eaux  minérales.  De  Ste-Rofe  ,  229 — Du  Dondon 

2j3. 

Ecole  —  Voyez  Education. 

Ecfe-cijfes  (  Canton  des  )  ,  de  la  paroLTe  du  Trou 
—  V  oyez  Trou. 

Education.  Celle  des  Créols  négligée  ,  14,  545 — 
Maifon  d'éducation  propofee  au  bourg  du 
Trou,  169  —  Celle  des  perfonnes  du  fexe  chez 
ies  Religieufes  du  Cap  ,  431 ,  432  — Manque 
à  Saint-Domingue ,  &  idées  de  PAuteur  à  cet 
égard  ,545  —  Cherté  de  celle  de  la  Colonie  , 

.  544  '  545- 
Eglije.    Celle   du  Fort-Dauphin,    120,    13 1-  — 

"d'Ouanamiathe ,  139,  143 — DeVallière,  152 
. —  Du  Terrier-Rouge,  158  —  Du  Trou,  167, 
168,  169  ,  178  —  De  Limonade,  181 ,  183  , 
184,  185,  106,199 — Du  Bois  de  Lance,  184, 
185  —  De  Ste-Suzanne  ,  202  —  De  Ste-Rofe , 
221,229^  —  Du  Quartier-Morin  ,  234,  235 
Du  Dondon,  251 — De  laMarmalade,  272 
—  de  la  Petite-Ânfe,  275,282,  283  —  Du 
Haut  du  Cap  ,  593  —  De  la  Plaine  du  Nord  , 
628  —  Dj  l'Acui ,  637  —  Du  Limbe  ,  641  , 
643  — De  Piaifance  ,  654,  656  —  Du  Port- 
Margot,  670,671  —  Du  Borgne  ,  679  — 
Du  Gros-Morne  ,  687  —  Du  Petit-St-Louis , 
688  ,  689  —  Du  Poit-de-Paix  ,  706. 

•  du  Cap  ,  324  ,  326  ,  327  — Bancs  hono- 


rifiques qu'on  y  puce,  235  ,  340 —  Première 
cérémonie  faite  dans  celle  aftu-lle  ,  336  — 
^'Tableaux  qu'en  y  voit,  338 — A  des  orgues. 


339  —  Perfonnes  remarquables  qu'on  y  a  ea- 
terrées  ,  339,  340  —  Ses  cérémonies,  340 
Ses  revenus ,  340 —  A  reçu  des  dons ,  341  — 
Ses  Adminiftrateurs  &   fes  Marguilliers ,  341 

—  Ce  qu'elle  a  coûté  ,  341  —  On  y  reçoit  un 
chevalier  de  Calaïrava  ,    342   —  Ses  cloches  , 

.    342 — Son  caveau  &  inhumations  qu'on  y  tait  , 

,  343  ',  343- 
EhSlricité ,  522  i^  fui-vantes. — V.  Température  t 

Tonnerre. 
. médicale  ,    553  -^  N'a  pas  réuiîi   à  I4 

Maitinique  ,  523. 
Eloge.  Y.   Perfonnes  recommand ahhs . 
Embarcadère.  De  la  Crochue,  fa  fîtuation,  112"— 

Par  qui  établi  ,    112  —  De  Jacquezy  ,  161  , 

162  ,  163  ,  209  —  De   Caracol ,   161  ,   162  , 

163  ,  209  —  De  Limonade ,  209  ijS  fuivames. 

—  Utilité  de  celui  de  Limonade,  212  —  On 
y  va  ,  du  Cap  ,  en  dedans  des  reffifs ,  222  -~ 
Population  &  ancienneté  de  celui  de  Limonade, 
212  —  De  la  Plaine  du  Nord,  631 — ^De 
l'Acul,  636  — Du  Limbe,  647,  648 — On 
devrait  procurer  de  l'eau  à  l'embarcadère  da 
Limbe  ,  648  —  Du  Port  Margot ,  671  ,  675 
— Du  Port-de-Paix  ,720  —  V.  Défenfe  mili- 
taire ,   Défenfe  de  la  Partie  du  Nord. 

■  de  la   Petite-Anfe.  C'eft  vers  ce  point 

que  réfidait  le  Cacique  Guacanaric  ,  roi  de 
Marien ,  163,  240,  297  —  Dépend  da 
Quartier-Morin  ,  238  —  Pourquoi  on  l'appelle 
ainfi,  239 — Sa  fuuation  ,  239  —  Sa  deftination, 
239,  241  - —  Ses  maifons  &  fes  manufactures , 
239- — Ses  moyens  de  défenfe,  239  —  Les 
nègres  y  aiBuent  les  fêtes  &  les  dimanches  , 
239 — N'eil  pas  fain  &  pourquoi,  240 — Son 
eau,  240  —  La  légion  d'Ellaing  y  a  été 
logée  ,  241  —  On  y  a  mis  des  hôpitaux 
d'Africains  ,  241 — Avait  un  bateau  paitager  , 
241  —  Comment  on  communique  de  la  Petite- 
Anfe  avec  le  Cap  par  mer,  241 — Chemin  delà 
au  Cap  ,  242  ,  244 — Sol  entre  lui  &  la  rivière 
du  Haut  du  Cap  ,  245 — On  voulait  y  mettra 
le  Cap  ,  298. 

É/iambuc  (M.  D').  Premier  fondateur  des  Antilles 
françaifes  ,   669. 

Enfans  ,  42  ,  96  —  Ceux  de  couleur  réuiTiirent 
d'autant  moins  qu'ils  s'approchent  plus  da 
blanc ,  93  —  R;res  à  Saint-Domingue  ,  533 — . 
Difficulté  de  les  élever  à  Saint-Domingue, 
533  —  Abus  de  charger  des  enfans  de  garder 
d'autres  enfans  ,  533 — Ceux  du  Petit-Care- 
nage  du  Cap  ob'ftrtiés ,  536 — Nombreux  aa 
Port-de-Paix  5  ^14  —  V.  Créol ,  Créole  ^ 
Maladies. 


Engagés, 


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M 


DES      MATIÈRES. 


76s 


£>iga^és.  Cultivaient  la  Terre  à  Saint-Domingue  , 
34,  181.  • — 'Comment  ils  étaient  procures, 
24,  181  —  Leur  ufage  s'eft  perdu  ,  25  ,  181 
—  Leur  nom  eil  devenu  une  injure  ,  25  — 
D'Ogeron  ea  amène  de  France  ,  697. 

Ennery  (M.  d'  )  Gouverneur-général  Détermine 
à  faire  une  fontaine  au  Fort-Dauphin  ,  121  , 
134 — Canton  de  fon  nom,  271 — Ses  entrailles 
mifes  dans  le  caveau  de  l'églife  du  Cap  j  343 
— Ce  qu'il  fait  pour  les  Providences  du  Cap, 
407— Son  oraifon  funèbre,  578 — Ses  idées 
fur  la  défenfe  du  Cap  ,  61  g. 

Entrepôts  —  V.    Port  d'Entrepôt. 

< de  Sainte-Rofe  ,      223.    r-r-   Du     Cap  , 

595 — De  la  Plaine  du  Nord,  629  —  De 
TAcul ,  639  —  Du  Limbe  ,  644  —  Du.  Port- 

^  Margot  ,672. 

Épitaphe.  De  M.  de  Belzunce  ,338. 

Épixootie  13g — P.echerches  publiées  à  ce  fujet , 

•   165,291' — -"Commence  au  Quartier-Morin  en 

1772  ,  236 — A  la  Petite-Anfe  ,  290 — Remèdes 

employés  contre  elle  ,  290   —  S6s  ravages  à 

l'Acul ,  640^-Au  Limbe  ,653  —  V.  WorlocL 

Efcla'vage,  Sur  fa  conciabilité  avec  le  bonheur , 

Efclaves.  Sont  preique  tous  nègres ,  23  — 
Les  deux  tiers  font  venus  d'Afrique ,  24 — 
Caraftère  propre  de  ceux  venus  d'Afrique,  24. 
— Qui  a  fuggéré  l'idée  d'en  avoir  à  Saint-Do- 
mingue, 24 — Toutes  les  Antilles  j  françaifes  en 
ont  eu  dès  leur  origine  ,  24  —  Depuis  quand 
Saint-Domingue  en  a,  24  —  Nombre  aftuel 
de  ceux  de  la  Colonie,  25 — Ceux  de  Saint- 
Dpmingue  forment  au  moins  les  trois-cin- 
quièmes de  ceux  des  Antilles  ,25  —  Quelle 
partie  de  l'Afrique  donna  les  premiers  à 
l'Amérique  ,  26 — Ceux  venus  de  différentes 
parties  de  l'Afrique,  26  iâ fuivantes. — Ceux' 
de  la  côte  de  Malaguette  prompts  à  la  révolte, 
38 — Ceux  de  la  côte  d'Or  auffi  ,  29  —  Ceux 
de  la  côte  d'Or  eftimés  pour  la  culture,  30 — 
Prévention  contre  les  Ibos,  31 — On  ne  fait 
pas  de  cas  de  ceux  du  Bénin  ,  32 — Ceux  du 
Congo  &  de  la  côte  d'Angole  font  les  plus 
communs  à  Saint-Domingue  &  y  font  eftimés, 
■  32-«-Créols  ,  39 — Nature  de  la  crainte  des 
femmes  efclaves  qui  fervent  des  femmes  de 
couleur  ,  96-'— Les  gens  de  couleur  efclaves  ne 

■  font  guères  que  domeftiques  ,  98  —  Ceux  de 
couleur  fe  croyent  fupérieurs  aux  nègres  libres, 
58  —  Avantages  qu'ils  trouvent  dans  le 
voilînage  d'un  marché  ,  153  —  Empire  que 
quelques-uns    d'eux   cherchent  à    établir  par 

■  la  fuperfiition  ,  275  —  Quand  on  coinmehce 

Tem,  J. 


à  déclarer  leur  fiiite  ,  382— Arrivant  d'Afri, 
que  &  malades  .  415  —  ÉiabiliFement  pour  Iç 
foulagement  de  ceux  arrivés  malades  d'Afrique, 
415 — Affidés  reçus  dans  la  marécbauffee  ,  44,91 
—  Ne  peuvent  quitter  l'habitation  de  leur 
maître  fans  fa  permiffion  par  écrit ,  4;  i  — 
Bienfaifance  dont  ils  étaient  l'objet ,  460  — b 
Leurs  maladies  534  —  Maladies  de  ceux  dei 
villes,  534 — Queltion  dont  ils  étaient  l'objetj 
677  —  V.  Nègres  ,  Popvlation. 

Efpagnoh.  Leurs  réclamations  par  rapport  au. 
Quartier  du  Fort-Dauphin,  114— Leurs  récla 
'  mations  fur  Vallière  ,  248  ÎJ  fui^jantes.  ■— 
Dévailent  la  Partie  du  Nord  en  1691  &  1695  ; 
167  ,  702  — Manient  bien  la  lance  ,  182—- 
Sont  battus  à  Saint- Yague  ,  i8z— Font  une 
irruption  dans  la  Partie  Françaife  en  1691  , 
182,  183— Unis  aux  Anglai:.  ,  ils  dévailent 
la.  Partie  du  Nord  en  1695,  183 — Il  en 
vient  une  armée  au  Cap  ,  zii — Ouvrent  une 
communication  avec  la  Partie  Françaife  par 
Saint-P.aphaël ,  264 — Ils  ferment  cette  com- 
munication ,  264— Rue  Efpagnole  au  Cap ., 
433 — Troupes  iifpagnoles  venues  au  Cap , 
211,  366,  451,  493,  595  ~  Venaient 
autrefois  attaquer  les  bâtimens  dans  le  port 
du  Cap  ,  474 — Remarquables  venus  aa  Cap  j, 
538'  539  —  Détruifent  le  bourg  du  Petit- 
Saint-Louis  ,  688  ,  703  —  Ce  qu'ils  font  au 
Port-de-Paix  en  1685  ,  698  ■—  Prennent  le 
Port-de-Paix,  703. 

Efiaing  (M.  D').  Gouverneur-général  ,  173  — 
Son  opinion  fur  M.  de  Belzunce,  173 — Fait 
lever  le  camp  du  Trou  ,173  —  Renvoyé  en 
France  un  procureur  -  général ,  178  — -  Crée 
une  légion,  241 — Fontaine  de  fon  nom  au 
Cap ,  303  —  Crée  un  bureau  de  police  muni- 
cipale ,  307 — Ce  qu'il  fait  relativement  au 
quai  du  Cap  ,  308 — Demande  à  Saint-Domin- 
gue des  troupes  pour  attaquer  Savannah  ,321 
— -Chanfon  faite  pour  lui  au  Cap  &  chantée  au 
fpeftacle,  366 — Siégeoit  au  Confeil  du  Cap 
en  habit  noir  ,  389 — Comment  il  remplace 
la  maréchauffee  ,  450 — Habitation  de  fon  nom 
dans  le  morne  du  Cap,  590 — Son  opinion  fur 
la   défenfe  de  la  Colonie  ,  615  ,   618. 

Ejier.  Ce  que  c'ell:  ,   1 60. 

de  Caracol ,  161. 

des  Fonds-Blancs ,  i6o, ,  i6î. 

Ètablijfemens.  Nombre  &  nature  de  ceux  de  la 
Pariie  Françaife,  100  —  De  la  Partie  du 
Nord,  106  —  Des  Colonies  commençeat  toa- 

^  jours  dans  le  voiiinage  de  la  mer,  181. 

Étage ,  5 . 


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Etalûn;:e!ir-Jaiigeur  ,  489  —  V.  Police. 

Estampe  mile  far  la  poitrine  des  nègres  ,  6j. 

É_:ang  falé  du  Sorgne  ,  682  —  V.    Borgne. 

État- Major.  Cel'.;i  da  Fort- Dauphin ,  133 — Du 
^  Gap,  494  —  Da  Port-de-Paix  ,  722. 

Éto.ts-maJGrs.  N'avaient  plus  de  féance  dans  les 
Confeiis  fapérieurs  en  1763  ,  3S6. 

Etais-U-iis  d'Jinérique.  On  dit  que  l'épizootie 
far  k,  chevaux  en  eJl  venue  à  Saint-Do.Tiingue, 
290  —  Nombre  moyen  de  leurs  bâtimens  dans 
k  port  du  Cap  ,  482  —  Objets  qu'ils  procu- 
rent à  Saint-Domingue  ,   606. 

Eunuqits ,  34^. 

Eûropîe.is.  Leur  amour  pour  les  richelTes  les 
conduit  aux  Colonies  ,  8  —  Caraclère  & 
mœurs  de  ceux  qui  habitent  Saint-Domingue  , 
9  — PiusXujets  aux  maladies  Ju  climat  que  les 
Créols  ,17  —  Impreihcns  qu'ils  éprouvent 
au   moment   d'arriver ,   296. 

Exécutions.  Où  elles  fe  font  au  Cap  ,  332. 


FantzTts ,  2g. 

Fa"jeur.   Exemples    d'abus  de  la  faveur  ,   309  , 

^3S5'  454'   7-9- 

Femmes.  Leur  heureufe  inauence  à  Saint-Domin- 
gue ,  7  —  Leur  influence  lur  les  mœurs,  8 
—  Jaloufes  de  leurs  fervantes  &  veulent  les 
avoir  jolies ,  !  i  —  Conformation  des  femmes 
Aradas,  31  — Les  Africaines  trouvent  la  poly- 
gamie naturelle  &  font  très  -  officieufes  en 
amour  les  unes  pour  les  autres.  37  —  Les 
Africaines  préfèrent  les -nègres  ,  38  —  Leur 
apitié  ,  63  —  Des  Sauvages  &  des  Indiens 
aimées  des  Blancs ,  69  —  Celles  de  couleur 
gâtent  auffiJeurs  enfans  ,  93  —  Fidélité  & 
fecret  des  domeiliques  de  celles  de  couleur  , 
96  —  Celles  de  couleur  ne  peuvent  avoir  que 
des  négrefîès  peur  fervantes  ,  96  —  Celles 
de  couleur  aiment  à  rendre  infidelles  les  maris 
des  blanches,  96  — Leur  fureur  pour  voir  les 
exécutions  ,  533  —  En  très-grand  nombre  au 
fpeaacle  du  Cap,  563  —  Diftinguées  en  deux 
feules  cMés  à  Samt-Doroingue  ,  les  jolies  & 
celles  qui  ne  le  font  pas  ,365  —  Sédentaires 
au  Cap,  471  — Ce-;ies  du  Petit-Carenage  au 
Cap,  471  —  Caraaère  de  celles  du  Cap,  531 
Celles  envoyées  de  France  ,  697  —  Très- 
fécondes  an  Port-de-Paix  ,  717  —  V,  Blan- 
ches ,    Caraffere  ,    Créole  ,  Mœurs. 

Ferme.   —   V.  Bac,    Pajj'agers. 

Fidas.    —   V.   Foëdas. 

Filks    Mainte-Marie.    —  V.   Religieu/es. 


Fleurs.   La  Violette,  178  —  A  Sainte-Rofe  ,  224 

—   Au  Dondon  ,  262   —   A  la  Marmelade, 

272  —  Au  marché  Clugny,   444  —  Au  Cap 

SS3    —    V.^  Plantes. 

Fieurj  (M.).   Éloge  de  ce  Concierge  infpecleur 

des  prifons  du  Cap  ,  397. 
Flihujîiers  ,   56  ,    675. 
F  cédas  ,29. 
Fonds  ,    29. 

Fonds-Blancs  ,  130,  160,  622. 
Fontai-ne  du  Cap.  Celle  d'Eftaing,  312,  514, 
515-  —  Celle  du  quai,  311,  515  —  _De  la 
place  d'armes  ,  329,  514  —  De  la  rue  du 
Confeil  ,345,  514,515  —  Celle  de  la  place- 
Montarcher  ,  359  ,  514  ,  515  _  Du  coin  de 
la  pnfon,  399,  514,  515  _  Celle  des  ca- 
zernes ,  424  ,  514,  515  —  De  la  place  Clu- 
gny ,  444  ,  445  ,  514  ,  515  _  De  la  place 
royale  ,  447  ,515  —  Une  projettée  à  la  place 
la  Luzerne  ,  468  —  Du  gouvernernent  ,  393  , 
515  —  Nouveaux  travaux  faits  pour  les  aug- 
menter, 514,  515  —  Des  Religieufes ,  515  , 
•6op  -T-  On  y  en  compte  neuf,  515  —  Projet 
qui  en  aurait  donné  trois  de  plus  ,515  —  Une 
projettee  à  la  Foffette  ,  557. 

— — du  Fort-Dauphin ,  120,  121,  122,  124. 

du  Port-de-Paix,  706,  707. 

Fonter.ay  (le  chev.  de).  Envoyé  pour  ôter  la 
Tortue  à  le  Vafleur  ,  695  —  Commande  à. la 
Tortue  à  la  mort  de  le  Vaueur,  695  —  ChaiTé 
par  les  Efpagnols  ,  695. 
Fcrt-Da...phtn.  A  un  major  ,  102  —  A  une  Séné- 
chaufTee  ,  103  ,  115  ,  133  —  A  une  amirauté  , 
i.°3  '  134 — Paroiffe  de  ce  nom  ,  107  —  Situa- 
tion de  k  paroliTe  ,  107,  125  —  Ses  limites  , 
107  ,125  —  Ses  moulins  à  eau  ,  109,  110, 
127,  128,  132  —  Ses  manufaftures,  1 10 , 
129,130  —  Ses  côtes  ,  1 1 1  ,  113  —  Ses  for- 
tifications, îii  ,  112  ,  116 ,  116,  118  —  Sa 
magnifique  baie  ,  1 1 3  ,  112,113  —  Ses  em- 
barcadères ,  m,  112,  113  —  Jflets  de  fa 
baie  ,  113  —  La  ville  ,113  —  Origine  de  la 
riile ,  1 13  —  M.  de  GaliiTet  eft  le  premier  qui 
vante  fon  importance,    114  —    Ses  premiers 

habitans  français  dans  le  fiècle  afluel ,    114 

Premier  bourg  qu'on -y  forme  ,  114,  131  — 
Son  premier  curé  ,  114  —  Ses  éîablLTemens  , 
en  1714  ,114 —  Produifait  beaucoup  d'indi- 
go, 114  —  Nom  de  fon  premier  bourg  ,114 
Influence  de  M.  de  la  Rochalar  fur  fon  exiften- 
ce  afluelle  ,  114  —  On  y  transfère  la  Séné- 
ehau.Tée  du  Trou  ,115  —  Son  premie.r  étàt- 
major,  115 — Ses  premiers  m.oyens  de  défenfe, 
115  —  In.fcriptions  poux  le  Fort,  115  —  D'oi 


~^y 


DES       MATIÈRE 


S. 


€ft  venu  ce  nom,  ii6  —  Pierre  de  taille 
empiqyéeau  fort ,  117  —  Premier  bâtiment  de 
l'Etat  qui  entre  dans  fa  baie  ,  117  —  Sa  ville 
eft  la  féconde  de  la  Partie  du  Nord  pour  l'im- 
portance, 118  ~  Étendue  de  la  ville ,  fes 
rues,  fes  maifons  ,  118,  119,  123.  —  Sa 
place  publique  ,120  —  Son  églife  eft  une  des 
plus  belles  de  Saint-Domingue,  120  —  Sa 
fontaine,  120,  121,  122,124  —  Ses  éta- 
bliffemens  publics  ,122—  Ouanàminthe  lui  a 
nui,  123 —Séjour  mal-fain  a  pourquoi,  123^ 

124 — Rivière   qui   touche   la   ville,  123 

Sa  garnifon,  123,  124,  125  ,  134  —  pertes 
qu'y  font   les   troupes,   124  —  Son  hôpital  , 

124  —  Bout  de  la  ville  vers  Maribarou  ,  124 
—  Savanes  entre  le  canton  Dauphin  &  celui 
de  Maribarou  ,125—  Traces    volcaniques  , 

125  —  Ses  vigies  ,126  —  Ses  rivières,  126, 
129,  1 3 1  —  Le  bas  Maribarou  dépend  de 
cette  paroiiTe  &  quatre  habitations  du  haut 
Maribarou  ,  126  ,  i2j  —  Débordemens  de  fes 
rivières,  127  —  Sujet  aux  féchereffes  ,  127, 
130  — Ses  levées,    127  —   Nombre  de   fes 

fucreries  &   leur  produit,    127,    130 Sa 

population  ,  128  ,  129,  130,'  132,  134  — 
Son  canton  des  Fredoches ,    128  —  Décroiffe- 

raent  dans  le  nom.bre  de  fes  fucreries  ,129 

Ses  montagnes  ,  129  ,  131  _  Son  canton  des 
Fonds-Blancs,  130 — Ses  cafeteries  ,  131 — 
Son  chmat  ,  132—  Traitement  de  fes  nègres , 

132  —  Quefrion  fur  Pufage  de  fes  eaux  ,132 
Vues  générales  fur  cette  paroifle  ,  133  —Chef- 
lieu  d'un  quartier,  133  _  Son  état-major  ac- 
*"^^  '.  ^33  —  Son  adm-iniftration  ,133  —  Son 
premier  capitaine  de  port ,    133  _  Sa  police  , 

133  —  Sa  maréchauflee  ,  134  —  Son  bureau 
depofie,  Î34  —Nature  des  habitans  de  la 
ville  ,  134 —  Ses  paffagers ,  135  —  Son  com- 
merce ,  135  ,  136— Projet  d'un  canal  entre  fa 
baie  &  celle  de  Caracol ,  136  —  Ne  peut  être 
un  point  de  débarquement  pour  l'ennemi  , 
136  —  Sa  milice,  137  —  Sa  latitude  ,  137— 
Sa  l_ongitude,  137  —  Diftance  de  la  ville  à 
pluueurs  lieux  de  la  Colonie  &  à  des  points  de 
la  paroi-ffe,  137  —  Ses  chemins  ,137  —  A  eu 

des  bacs ,   138 —  A  eu  une  diligence,  -«38 

Ses  mines,  138 —  Quantité  de  pluie  qui  y 
tombe  annuellement ,  13S  —  Tremblemens  de 
terre  ,  139  —  Reffent  i'epizootie  ,  139  _  A 
donné  le  jour  à  un  auteur  ,  139 —  Jufqu'où  il 
va  chercher  des  vivres,  223  —  Son  afpeâ , 
294  —  Ponts  projettes  ,  457  — V.  Mariiarau. 

Fort   la  Bouque  ,111,    204  —  Accident  qfi  y 
arrive  &  belle  conduite  de  plufieurs  perfonnes. 


76^ 


I  î?  ^—  Regardé  comme  inutile  ,  117  —  Eft 
placé  où  il  y  avait  un  fort  efpagno] ,    117,118 

—  Pièces  trouvées  en  fouillant  fes  fondemens, 
117    —    V.    Fort-Dauphin, 

Fort  la  Nati-uité.  Où  il  fut  mis  par  Coloirib , 
164,  2o5  — Ses  ruines  appelées  encore  Château 
de  Colomb  ,   207. 

Fort  Picolet.  V.    Ptcokt. 

Fortifications.  Leur  dépenfe ,  614,627-  V 
Défenfe  militaire,  Dêfenfe  de  la  Partie  du  Nord. 

tojje  de  i/œo^^yé' (Rivière  du).  Avait  un  pcnt, 
5  —  Safituation,    187  —  Sa  fource ,   188 

—  Ses  débordemens,  188,  192,  ig,  _ 
Exauffement  de  fon  lit ,  188  —  Longueur  de 
Ion  cours  ,   18S     —  Son  embouchure,  i88  — 

Ju{qu'.;ù  elle  était  navigable  autrefois  ,  1  80  — 
Ses  levées,  190—  Opération  de  M.  Verret, 
193  —  Son  fond  s'eft  exaucé  &  pourquoi  ,  ig- 

—  Sa  largeur  ,214.  ^"^ 
Foffeite    {\Â).    Lieu   qui   touche  la  ville  du  Cap 

—  D'où  lui  vient  ce  nom  ,  556  A  ap- 
partenue à  la  Compagnie  d:-s  Indes  ,  c c6  -— 
S'eft  appelée  l'Afrique  ,  556  —  Eft  vendue 
plufieurs  fois  ,  556  —  Son  utilité  ,  rr;  — 
Achetée  par  le   roi  ,  y^-j  —  Sa  culture ,  557 

—  On  y  avait  projette  un  hôpital,  une  fontaine, 
557  —  Indiquée  par  l'Auteur  comme  propre 
a  la  vente  des  nègres  amenés  d'Afriqu-  &  ten- 
tatives à  ce  fujet,  597,  558  —  Eau  qu'elle 
procure,   558  —   Sa  finiître   réputation,  558 

—  Lieu   de   danfe   pour  les  nègres ,    rrS   

Ancien  état  d'une  partie  de  ce  lieu,  rç8  — 
On  voulait  y  mettre  les .  Providences  ,5  rg 
560  —  On  y  a  maffacré  un  nègre  bourreau' 
590  —  L'école  d'Artillerie  eft  dans  fon  voifi- 
nage  621  —  V.  Défe>J-e  d,  la  Partie  du 
JSord. 

Foudres  a  vin,    K^-i. 

Foules    ou   Poules  ou  Foulards 

Fournier    (M.)  ,    189  ,    212     - 
fortune,    218. 

— de  Bellevae   (M.).    Ancre   trouvée   fur 

Ion   habitation,    189  —  RedreiFe  la  Grande 
nviere   devant   fon  terrain ,    194. 

—   (Mde.),  Donatrice  de  l'églife  de  Limo- 
nade,   186. 

-— :  de  la  Chapelle    (M.),     181  ,    104  _. 

Son   éloge,    218  ,    292,    363. 

de  Varennes    (M.).    Son  éloge  ,    -.[g 


27. 
Son  étonnante 


292. 

Fourrage.    —   V.    Plantes. 

Fours  à  C^^«Ar.  De  la  Colonie  ,  joo  —  D- la 
Partie  du  Nord,  106  _  De  la  paroifTe  "da 
i^ort-Diuplun  ,    129—  Du  Cap,  555  —  De 


i 


I 


I 


764. 


T    A    B    L    E 


la  PliiAe  du  Nftrd,  63f '«^pJ  Linabé,  64.7 

—  Da  Fort-M  irgot  ,   6bo. 

France.  B)u  cûinmerc?  avec  Salat-Poaiingwe  j 
482. 

Franc-Maçons.  Leurs  Loges  su  Cap,  434  s  S54- 

François  (le  Çapiuiiie).  Tué  à  la  bataille  de 
Limonade  ,    198  —  Ravine  de  fou   nom ,  ig8. 

François  de  Neuf-Châreay.  [M.).  Fak  les  fondi 
d'un  prix  poar  avoir  un  papier  prefervé  des 
iafeçcc; ,  349  —  Demaude  une  tecjnde  im- 
primerie pour  le    Cap  ,    356. 

Franquifr.ay  (M.  de).  Établit  la  première  lutte 
dans  ""la  Partie  du  Nord,  160  —  Son  avis  & 
faniortàla  bataille  de  Limonade,  1S2  — 
Enterré  à  Limonade,  183  —r  Propriétaire  de 
la  lavane  de  Limonade  ,  ipS  —  Réfide  à  la 
Tortue  pendant  un  intérim  de  gouverneur,  69S. 

Fredcches.  Ce  que  c'eft,    128. 

Fr-iits  ,178  —  EJ-is   pour  les  améliorer  ,218 

Du  Doadon  ,   262    —    De  ia  Marmelade , 

272  ,  657  —  Au  marcné  Ciugny  ,  443 ,  444  , 

—  Du  Cap  ,  533  —  Du  Port-de-Paix  ,716 
--  V.  Arhns  fruitiers  ,  Arbres  fruitiers  de 
France. 


Qahriac  (M.  de  Saint-Paulet  de).  Son  éloge  , 
291  y  fui'-jantes  —  Eli  le  premier  qui  em- 
ployé l'arrofement  dans  la  culture  de  la  Partie 
du  Nord,  293. 

Quillardet  (M.).  Son  influence  fur  l'établiffe- 
ment  de  Vallière  ,   148. 

Galbar ,   31- 

Galériens.   V.    Chaîne  publique. 

Çaliffet  (M.  de).  Eft  !e  premier  qui  vante Pim- 
portance  du  Fort-Dauphin,  114,  115 — Sa 
famille  a  trois  fucreries  à  la  Petlte-Anfe ,  277^  — 
Expreffions-proverbiales  qui  fe  rapportent  à  ce 
nom,  277 —  Éloge  de  fa  famille,  277  — 
Éloge  de  M.  de  Galiffet ,  291  —  Ses  travaux 
^u  Cap  ,  304  —  Tenait  quelquefois  Paudience 
de  la  Sénéchauffée  du  Cap  ,  381  —  Fait  faire 
la  batterie  de  Picolet ,  608  —  Il  forme  la 
paroiffe  du  Camp  de  Louife  ,    633. 

C^d-ces.  (Don  Bernard  de).  Vient  au  Cap  avec 
une  armée  espagnole,  21 1,  366,  539  — 
Une  rue  du  Cap  porte  fon  nom ,  470  — 
Son  éloge,  fa  mort,  539  r—  L^eu  où  il  ré- 
fidait  au  Cap  &  où  U  a  eu  un  fils ,  592. 
Garde    magafir.    d'' Artillerie  ,    496. 

> delà  Marine  ,    496. 

Qavdf.ur  de  Tilly    (M.  le).,  ?rén(i  use    frégate 
^ngiaiie,   170. 


Qardiet   des  éctufes  là  font  ainsi  ,   -I34  ,    202  j 
S19, 

Qar'iier   (M.).   Son  éloge,    172,  zi6  ,   218. 

Gitrvifci:.  —r-    V.    Troupes. 

Gaiiey  (M.).  Eli  le  premier  qui  établit  des 
bâias   publics  au    Cap-Français  ,   468. 

Gauche  (M.).  Ses  utiles  ohiervatiofls  ,  707  , 
715  ,  710,    725. 

Galette,   de  Médecine  &  d'Hyppiatrique,  510, 

- — ■ — -  de  Saint-Domingue.  Son  origine,  5c !5 
—  Ses  Rédadeurs  ,  506  ,  507,  —  ba  cenfura 
506  ,  50S  — ■  Son  utilité  ,  506  ,  509  -r^  Ses 
titres,  506,  507  ^—  Frayeur  qu'elle  caufe 
dans  les  bureaux  de  la  Marine ,  507  ■ —  Oa 
l'imprime  aii  Port-au-Prince  ,  507  —  Ce  que 
coûte  fon  abonnement,  507  —  Son  produit 
fes  dépenfes,  508  —  Il  eft  prefque  impof- 
fible  d'en  trouver  une  collection  complette, 
509, 

Gentil  de    la    Barkinais  (M.    le  )  ,   217, 

Gens  _ds   Couleur  ,  6^  —  Leurs  heiies    qualités  i 
98   —  Leurs   dehtuts ,   98    —  On  en  forme 
un  corps  de  chaffeurs  ,    172  —  Leur  mortalité 
comparée  à  celle    des  troupes    européennes, 
£73   —  Leur  paffion  pour  les  chevaux,  451 
?—  Utilité  dont  ils  peuvent  être  pour  la  défenfè 
de  la  Colonie  ,  625   -r^  -Y.  Affranchis  ,    Cbaf- 
furs-royc.ux  ,  Chaffeurs-'vtilonîaires  ,  Couleur  , 
Providence  des   Gens  di   couleur. 
Geôlier.  —    V.    Fleury  ,  Frifons. 
Gobiii  ,  Calvinifte.  PofTédaii   tout  le  terrain  oè 
eft  maintenanf  la  yille  du  Cap,   297,    324, 

423-  ,  ,       , 

ponaï'ves    (  les  )  ,  4  ■ —    Envoyent  leurs   denrées 

au  Cap  durant,  la  guerre  665  —  Ont  dépendu 

du  Port-de-Paix  ,   721. 

Go'iffre  ae  la  ri^uiere  des  Vajeux,  — .  V.   Dondon. 

Gou-'oertiement.  Reproches  fur  fon  indifférence  , 
194  —  Trait  de  faibleffe  qu'il  donne  ,  557  — 
\  oyez  Admir.ijîrat eurs .  Adminijlraticn. 

<r- ' Maifon  qui  porte  ce  nom  au  Cap  ,  374 

—  Sa  defcription  ,  374  ^3"  fui~oantes  —  Gou- 
verneurs qui  y  logent ,  375  ,  376  —  Achetée, 
par  le  Roi,  des  fyndics  des  créanciers  des 
Jéfuires,  375 -^  Deftination  primitive  que  le 
Miniftre  lui  donna  ,  375  —  Le  Ccnfeil  du 
Cap  s^y  affemblait,  376  —  La  Sénéchauffée  & 
l'Amirauté  y  liègent  ,376  —  L'Ordonnateur  y 
a  loge,  376  —  Le  Commandant  particulier  du 
Cap  y  loge,  376  —  Sa  lituaîion  très-agréable 
390  ^—  On  y  jouit  d'une  belle  vue  ,  390  — ■ 
Son  verger,  390  —  Ses  eaux,  390  —  Ses 
inccnveidens  ,  390  —^  Embeliiffemens  faits  par 
MÎVL  de  Reynaud  &  Le  Braffeur,  391 — Sa 

promenade  j 


'~:^ 


DES        MATIERES. 


fôS: 


promenade ,  392  —  A  des  barrés  éleftriquea , 
ce  qu'y  produit  le  tonnerre  ,  393  —  Concier- 
ge ,  Horloger  ,393; 

Gouverneur.  De  la  Partie  du  Nord  -*-  Voy.  Gsa- 
ijsriie-jr  du  Cap. 

>"  du  Cap.  Sa  féance  au  Confeil  fupérieur 

•  de  cette  ville  ,  385  —  Le  premier  494- 

■  de  Ste-Croix.  Titre  du  Gouverneur  du 

Cap  jufqu'en  1763,  loz ,  494  — •  Voyez 
BoiJJîraimi. 

Gou-verneur  général  de  la  Colonie  ,  loo  —  Oà 
plufieurs  Ont  réfidé  au  Cap  ^  334,  375  ,  376  , 

•  394  —  A  un«  loge  au  fpeftacie  du  Cap  ,  361 
Sa  ieance  au  Confeil  fupérieur,  385  ,  380 — 

•  A  la  préféance  au  Confeil  fupérieur  j  3'^5  ~— 
Siège  au  Confeil  dans  un  fauteuil,  387. 

Grains  —  Voyez  Plantes. 

Gramont  (  M.-  ).  Caren.vge  qu'il  a  établi  au  Cap  , 
477  —  Vaiffeau  qu'on  y  a  caréné  ,  478  -^-Eco-- 
nomies  qu'il  procure,  478 — Reproche  qu'on 
fait  à  ce  Carénage ,  479. 

Grand  Boucan  —  Voyez  Plaine  du  Nord. 

Grande-Ri-viere  —  Voyez  Rivière. 

*- — ■■ Voyez  Sts-Rofe. 

Greffe  ,  38!  .  382,  495. 

Greffier. Hi  l'Amirauté  du  Cap,  384. 

«'  de  la  Sénéchiuffee  du    Cap  ,  tué    à  Li- 

monade, 183  —  Sîs  fonctions  ,  383. 

•-^ du  Confeil  du  Cap  ,  385,  38Ô,  307. 

• Commis ,  383  ,  387. 

Grêle  —  Voyez  Température. 

Crenadiers-Veloniaircs  blancs.  Leurs  cazernes  au 
Cap,32î. 

Grffe.  Rcfultat  de  fés  combinaifons  avec  le  Blane 
&  les  autres  nuances  piodaiîes  par  des  mélan- 
ges fucceffifi ,  74  ,  83  —  E;i  la  dixième  nuan- 
ce Coloniale  ,  80  — •  Ses  avantages ,  80  —  Son- 
penchant  a.noureux  ,  80  —  Bieffe  l'odorat ,  80 
• — Effet  des  maladies  vénérieraies  ,  80  —  £fl: 
produit  de  cinq  manières  ,  80  ,  82— ^Parties 
blanches  ou  noires  que  comporte  fa  nuance  , 
82  ,  89".  •—  Yoj.  Griffonne. 

Griffonne  Réfultat  de  lés  combinaifons  avec  le 
Blanc  &  les  autres  nuances  produites  par  des 
mélanges  facceffifs ,  74,  83  —  Voy.  Grffe. 

Gros-Morne  (le).  Ses  limites,  685 — Diuance 
entre  lui  &  d-'autres  lieux  ,  685  ,  686 ,  687  — 

-  Son  étendue  ,  685  -  Ses  Cantons ,  685  -  A  une 
petite  portion  plane,-  685-Traverfé  par  la  riviè- 
re des  Trois-Rivisres ,  685— Ses  rivières  ,  685 
Son  fol,  686 — Cultivé  en  indigo,  636  — 
On  y  établit  des  fucreries  ,  686  —  Ses  indi"0- 

t  terres  ,  686— Ses  cafeteries  ,  686-—  Sa  graine 
ti'indigo  ,  686  —  Morue  «jui  -lui  deaxse  fon 
Tmne  I, 


nom  ,  686  —  Sa  température  686  — -  Délâv^n- 
tage  de  fa  pofition,  686  —  Son  état  en  Ï728  » 
687  —  Son  bourg- ,  687  —  Sa  maréchauifée  3 
6Sj  —  Son  églife  ,  687  —  Sa  population . 
687  —  Sa  milice  ,  687  — Ses  chemins ,  6S7  ■— 
Une  négreffe  y  fait  trois  énfans ,  687  —  Sa 
dépend:;nce  civile  &  militaire  ,  687. 

Guacanaric  (  Cacique).  Ou  était  le  chef-lieu  de 
fon  royaume,  163  ,  189  ,  207  ,  216.' 

Guaraouai  —  Voyez  Grands  Ri-uiere. 

Guildi-veries.  De  la  Partie  Françaife,   ïoo De 

la  Partie  du  Nord  ,  [o5  —  Du  Trou  ,  ly . 

De  Limonide,    596,    ziz  — Du  Qaa.tier- 

Morin,  239  —  De  la  Petit-Anfe,   276" Da 

Cap,   595  —  De  la  Plaine  du  Nord  ,  629 

Dsi'Acul,  636  —  Da  Limbe,   645  Da 

Port-Margot,  ôj i  ,  6j7.. 

Guillaudeu  (  M.  ).  Son  habitation  a  une  colonne 
avec  une  barre  éledrique  ,  235. 

Guillaume  Henri  d' Angleterre  (,Ie  Prince  ).  Vient 
au  C:ip-,  366  ,  539. 

H. 

Hahithns.  Ceux  de  la  plaine  du  Cap  reçoivent  & 
logent  des  troupes  ,426  —  Voy.  Colons. 

Plaie.  Celles  de  citronniers  ont  fait  place  à  celles 
de  Campèche  ,216 

Haties  ,  159  —  La  première  de  la  Partie  du 
Nord  ,  i6o  —  De  Ste-Rofe,  223  •^—  De  la 
Perite-xlnfe,  28^  — De  la  Pîaine  du  Word, 
629  — Du  Borgne  .  680  —  Ûu  Port-de-P^ix  , 


7z 


3- 


Haut  du  Cap  (  le  ).  A  eu  la  première  paroiffe  de 
la  plaine  du  Cap,  ^-92  —  £t-;£  ae  fcn  érlsfe 
en  i583  ,  593 — La  oénèchauffée  du  Cap  y 
fut  établie  ,  594 —  Sa  Mi  ice  ,  ^g^  —  Sa  po- 
pulation ,  594  —  à3.  parjiif-  diviiee  entre  I3 
Cap  &  celle  du  Haut  «Vlojilque  ,  594  —  For- 
me un  bourg  594  —  6à  population  adue  le  , 
594 '^^95  —  Son  pont,  595  —  560  éiabiliie- 
mens  à  une  poterie  très  -  renammée,  596  ~ 
On  y  a  maJficre  un  nègre  bourreau,  596  — 
Où  était  fon  églife  .  t^^i  —  A  cae  tanasne  596 
—  A  un  hôpital  ambulant ,  596  ~  Son  emour- 
Gadère,  630  — -  Voy.  Cap. 

Haut  M'n/Jlique  —  Voy.  Plaine  du  Nord 

Herbe  a  panache.  Envahit  je  cafier  ,  204— -Sert 
à  couvrir  des  cafés,  204  —  Les  befti.iux  en 
broutent  les  jeunes  pouffes  ,  204— V.  FlafHes. 

Plerrera.  Cité  189,  206,  207. 

Hilliard  d'' AuherteuU  (  M.  ).  Ses  ouvrages ,  ^43, 

Hivernage  ,213. 

Honfeur.Antc\\\jXQ  fur  un  bâumer.t  de  ce  Port^  474, 


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11 


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166 


T    A 


Honneurs.  Bancs  honnorifiq'oes  dans  les  églifes , 
33c  ,  3/).o —  Ceux  rendus  aa  Confeil  du  Cap 
par  la  ivIaréchauiTée  ,  377. 
.Hôpital.  Du  fort-Dauphin  ,  124  ,  56^  ,  570  — 
d'Oiianimn^he  ,  Î44. — De  Tembarcadère  de 
ia  Petite- Anfe  ,  241  —  D;s  religieux  de  la 
Charité  du  Cip  ,  V.  ce  m'A  —  I>e  ia  Miieri- 
corde,  fon  origine,  37Î — Ce  qu'il  devient, 
372 — Boutin,  372--Darand  ou  Maifonde  fanté, 
415  ,558  —  Bouvier  ,  434  ,_  437  —  Près  dn 
bac,  452 — Projette  à  la  follette  ,  557  — Du 
Pûrt-de-Pai:<  ,  568,  724  —  Ca  Pet.t-Goave  , 
561^ — De  Saint-Louis  ,  568 — Du  Trou,  570 
—Dj.  Haut  du  Cap,  595 — V.  Pro-vid:nce. 

—— i;'es  Religieux  de  la  Charité.  Du  Cap,  243 

334,  ^b^ju/ju^à  591 — Quand établi,.564,  s°5 
—Sa  deftination  ,  565 — Spécialement  fournis  à 
l'Intendant  560 — Obtient  des  lettres-patentes 
eni7i9&  en  1723,  567,  368 — Sa  police,  567  <J 
fui-vanies.  Voulait  avoir  les  biens  défîmes  aux 
religieufes  du  Cap,  568 — Conditions  du  der- 
nier marché  fait  pour  cet  hôpital,  571  i^ 
lui  vantes. —  Maiibn  des  Religieux,  573  — 
Avantages  &  inccnvéniens  de  fa  poiiuon  , 
578,  587  —  Ses  bâtimens  ,  578  <£  fuinjantes. 
— Sa  chapelle  ,  578  —  Vices  de  fon  adminif- 
t ration  j  579  l£  f:<.i'vantes  —  Nombre  des 
malades  qu'on  y  a  vas  ,  583 — Son  cimetière  , 
586 — Ses  eaux,  587,  589 — Difficultés  rela- 
tives à  fcn  aun-iônerie  ,  587 — Ses  régi  lires  , 
abus  à  cet  égard,  588,  58g — Son  jardin, 
589 — Son  vivier  ,  590 — Ses  abeilles  ,  590  — 
Ses  plantes  étrangères,  591  — Ses  foudres  à 
vin  ,  591 — Ses  bois ,  591. 

• — Samt-Jofeph  ,  395. 

Horloge.  De   la  paroiffe  du  Cap  ,    342  —  De  la 
maifon  du  Gouvernement  au  Cap,  376. 

HoJ'pitaliti.   Noblement  exercée  à  bi-Domingue  , 
16. 

HnJJIeïs  ,382,  383,  384,  388 — Sont  en  bourfe 
commune  au  Cap  ,    384,  385. 

Huîtres  ,  442  ,741. 


lios ,  29  ,  3c— Effet  de  leur  croyance  quant  à 
la  metempfycofe,  30. 

Impojitiens.  Pour  les  fortifications  ,614. 

Imprimerie.  Détails  hiftoriques  fur  celles  de  Saint- 
Domingue  ,  353  —  Premières  pièces  impri- 
mées à  Saint-Domingue  &  leur  titre,  353  , 
354 — Larnage  &  Maillart  en  demandent  une  , 
354  —  La  Chambre  d'Agriculture  du  Cap  , 
en  demande  une,  354 — Quand  le  Cap  en  a 
eu  une,   355  —  Privilège  exciufif  qu'on  leer 


^    L    E 

accorde  ,  355 — Soumiie  à  l'Intendant ,  355-r- 
Qaand  la  Coionie  en  a  eu  deux,  355  - —  Le 
trenrbiement  de  terre  de  1770  détruit  celle 
du  Pcrt-au-Prince  ,  355  —  Penfioa  mife  fur 
celle  du  Cap  ,  355 — ua  en  demande  deux 
pour  le  Cap  ,355  —  Plairite  de  ce  qu'elles 
n'étaient  point  taxées ,  356  —  On  les  taxe  , 
356 —  ïroilième  impriin,ne  dans  la  Colonie  ,. 
356- — Manière  de  ;e3  rendre  pîus  utiles,  356 
— Plus  chères  qu'en  France,  506. 

Incendie.  Au  Cap,   315  ,  319. 

Incrujiatioii — V.  Minéralogie, 

iKàien.  On  en  a  amené  ue  la  Guyane  à  Saint- 
DOiniugue,  67 — Refakat  de  leurs  combinaifons 
avec  le  blanc  ,  le  nègre  &  les  nuances  inter- 
médiaires,  74  ,  75  —  On  en  diihngue  de  deux 
fortes  ,81  —  Sont  aiiimiles  aux  D.ancs  quant 
aux  uroits  po.itiques ,  81.  —  V.  Naturels  , 
Fùpi-Jatiû/i  ,   Sau-vages  ,  Zingres. 

hiaigû.  Sa  culture  veut  des  iiorûmes  accoutumés 
au  ioleii,  24 — Le  Quartier  Dauphin  a  été 
celui  qui  en  prôdaiiait  le  plus,  "114 — pre- 
mière culture  de  la  paroiJe  da  Trou,    175 . 

On  le  cultive  à  Limonade  ,  iSi— Oavrao-a 
ilir  i'indigo  ,  zi8 — 'De  S:iinte-Roft; ,  221 — • 
Éiait  cultive  au  Qiiartier-Ivîorin,  236 — Premiè- 
re Culture;  du  Dondon,  261 — Ne  réu:Gc  point 
à  la  Mannelade  ,  271— Où  l'on  a  commencé 
la  culture  de  l'indigo  bâtard  dans  la  Colonie, 
640  —  Bâtard  détruit  par  une  maladie,  640  , 
690- — On  l'a  abandonné  au  Limbe  ,  643 — On 
en  cultive  la  graine  au  Gros -Morne  ,  686—' 
V.  Indigoterie 

Indigoteries.  De  la  Partie  Françaife  ,100  —  De 
la  Partie  du  Nord  ,106  —  Du  Fort-Dauphin  , 
129,  130  —  Du  Terrier  Rouge,  156, — 
De  Limonade  ,    196  —  De  Sainte-Rofs  ,    223 

—  DuDondon,  261  —  De  la  Petue-Anfe  , 
282  —  Du  Limbe,  645  —  De  Plaifance  , 
657   —   Du    Port-Margot,   671,   672,   680 

—  Du  Gros-Morne  ,  6^5  ,  686  —  Du  Petit- 
Saint-Louis  ,   6g  1  —  Les  eaux  de  leurs  vides 
dangereufes  ,    710  —  Du  Port-de-?aix  ,710 
711,    712,  713^723   —  De  la   Tortue» 
736'   737'   738— V-    Indigo. 

Ingénieur.  La  Colonie  a  eu  le  premier  en  1694,. 

607. 
■  Géographes.  Chargés  de  faire  le  plan 

de  Saint-Domingue  ,    210,   662. 
Inhumation.    V.    Cimetière. 
Inoculation,   218,    219,    536  —  V.   Worlock. 
Inondation ,  186,  187,  190  ,  213  ,    221  j   222, 

223,  525,    712  —  ^loy.    Eaux,  Rivières 3 

Température, 


^'  ^ 


S-m 


DES         MATIÈRES. 


767 


Infcrlpions.  Pour  le  fort  du  Fort-Dauphin  ,  1^5  , 

-,  J 1 6  —  Pour  \à.  fontaine  du  Fort  -  Dauphin  , 
121,122  —  Pour  i'égiife  du  Trou  ,  168  — 
De  la  fontaine  &  de  la  méridienne  du  quai  du 
Cap  ,312  —  De  la  fontaine  de  la  place-d'ar- 
mes du  Cap,  330  —  De  la  fontaine  de  la 
place  Montarcher  ,  359  —  De  la  maifon  de 
Providence  des  hoinmes  &  celle  que  l'Auteur 
propofe  ,  408  —  Du  cimetière  de  la  Fojiette , 
438  —  De  la  fontaine  de  la  place  Clagny  , 
445  —  Du  pont  du  Cap  ,  460  —  Du  fort 
Picolec ,    610. 

Infestes,    262  ^    382,    717. 

Jiifpeiïeur  l^  Direîteur-général  de  la  Médecine , 
de  la  Pharmacie  i£  de  la  Botanique  des  Co- 
lonies ,   570  ,    585. 

Iniendant  ,  100  ,  195  —  Où  plufieurs  ont  réfidé 
au  Cap  ,  326  ,  334  —  A  une  loge  au  fpeûacle 
au  Cap  ,  361  —  Eft  Fréfident  du  Confeil 
Supérieur  ,  385  ,  3B6-  ■ —  Depuis  quand  &  à  ' 
quelle  occaiion  il  eft 'devenu  intendant  de  Ma- 
rine ,  479  —  Était  feul  chargé  de  la  cenfure 
de  la  Gazette  ,  506  ,  508  —  A  la  furveil- 
Jance  générale  des  hôpitaux  ,  566  —  V.  Hon- 
neurs. 

Intirejfés  au  canal  de  la  Petite-Anfe  —  Voy. 
Petite-Anfe. 

Interprète   de  l' Amirauté ,    385. 

Iris  américaine.'  Ce  que    c'était  ,  jîo. 

IJlet    de  Limonade.   —   Voy.   Limonade, 
•du    Maffacre  ,    io8  ,  à  m  ,    144. 
des  Boucanniers    ou   à  ^aya«.  D'oij  lui  vient 
ce  premier  nom  ,113,114. 


J 

Jacquesy.  Canton  de  la  paroilTe  du  Terrier  - 
Rouge  &  de  celle  du  Trou ,  158,  172  —  Ce 
mot  eft  Indien,  158  —  Très  -  fertile ,  159 
—  Ses  fucreries ,  159,  172  — Produit  les 
meilleures  Caïmites,  159  —  Son  embarcadère, 
160  -^  Sa  baie  ,  160  ,  622  —  On  voulait 
le  faire  communiquer  avec  la  baie  du  Fort- 
Dauphin  par  un  canal  ,  160  —  Ses  paffagers , 
162,  —  Conceflions  qu'on  y  a  faites ,  171. 
— •   V.   Rivière   de   Jacquexy. 

jfamdique.  M.  Ducalié  y  fait  une  incurfion , 
70Z. 

y  a/min.  Nègre  libre.  Son  éloge  comme  fonda- 
teur de  la  Providence  des  Gens  de  couleur  au 
Cap,  416  —  Sa  femme,  417  —  Marques 
d'eilime  qu'il  a  recueillies,  417,  418,  419  — 
La  Société  d'Agriculture  de  Paris  lui  accorde 
BHe  médaille  d'or,  41g  «--  Là  Société'  des 


Sciences  &  Arts  du  Cap  veut  lui  donner  une 
médaille  ;  comment  fon  int^'ntion  eil  arrêtée  , 
419  —  Ses  vertus  ,  fes  difpofitions ,  fa  bienfai- 
lance  ,  416,  420  —  Vœux  qu'il  infpirSa 
421  —  Sa  demeure  433. 

Jaugeur  de   P Amirauté ,   485. 

de    la    SénéchavJTéi   —   V.    Êtalonneur, 

Jaugeur, 

Jean-Jacques  RouJJeau  (Met  de)  Sur  ce  qu'on 
a  joué   fon  Devin  du   Village  au  Cap,  347. 

Jean-Rabel.  Ce  qu'y  font  les  Efpagnols  en  1685  , 
698. 

Jéfuites.  Remplacent  les  Capucins  dans  la  Par- 
tie du  Nord,  107,  353,  374  _  Avaient  une 
fucrene  au  Terrier-Rfuge  &  fingularité  de  ce 
choix  ,  157  ,  688  —  Ce  font  eux  qui  na- 
turalifentles  premiers  cafiers  à  Saint-Domingue, 
164 —  Preuves  de  leur  orgueil  ,  335  —  Ceux 
morts  tranfportés  de  leur  maifon  au  caveau 
du  Cap  ,  343  —  Ce  qu'ils  font  relativemept 
à  plufieurs  conceffions ,  357  —  Leur  demeure 
au  Cap,^  374  ^  fui'vantes —  Loués,  400  — 
Difficultés   qu'ils    font  fur  le   cimetière  de  la 

^FoîTette,    435. 

Jeu.   Fureur  pour   le  jeu,  10,  16,    187. 

journal  de  Saint-Domingue.  Détails  fur  cet  ou- 
vrage &  fon  éloge,  509  —  SonRédaûeur, 
509. 

Juchcreau  de  Saint-Denis  (M.).  Bienfaiteur 
de  la   Providence  des    hommes,   401, 


L,a  Baftide.  Trait  de  valeur  de  ce  pêcheur , 
604. 

Labattut  (  M.  )  D'abord  fermier  puis  proprié- 
taire de  la  Tortue,  731  —  Ce  qu'il  fait 
pour  la  défenfe  de  la  Tortue ,  732  —  Son 
éloge ,  742 ,  744  —  A  commencé  la  cul- 
ture du  cafier  à  la  Tortue  ,  743  —  A  vendu 
plufieurs   terrains  à  la  Tortue,    743. 

La  Boulays  (M.  de  ).  Infpefteur-général  des 
Colonies.  Envoyé  pour  faire  le  plan  de  la 
défenfe  des  Antilles ,  607  ,  705  —  Ce  qu'il 
fait  au  Cap  ,  607. 

La  Chapelle  (M.  de).  Intendant.  Propofition 
qu'il  faifait  par  rapport  aux  troupes  ,123. 

Lagon  aux  Bœufs  ,  119,  133. 

La  Grange  (  Cap  )  ,  î  36  ,293  ,  294  —  Sa  dif- 
tance  du  Cap  ,  390  —  Éloignement  où  on  le 
voit ,    390  ,  660  ,  679. 

La  Haye  {M.  l'abbé  de  ).  Curé  du  Dondon , 
258  —  L'auteur  lui  doit  beaucoup  de  détails 
fur  le  Dondon  ,   259  —  Explication   qu'il 


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'mmnn^m^Wimfm 


mmÊmm 


768 


TABLE 


donne  des  afFaiages  oa  avatanches ,  2$g  -=  Ses 
travaux  botaniqaeb ,  269. 

La  Lanc!  (  M.  de  )  ,  ingénieur  ,  dirige  les  tra- 
vaux du  Fort-Dauphin  ,    115. 

Langage  Créai ,    64  —  Cnanfon  créole  ,  65. 

Lapole  (  M.  )•  Éloge  de  ce  vétsriaaire. 

Laporte  (  M.  de  ).  Dons  que  ce  premier- com-Tiis 
des  bureaux  de  Verf.:iHes  fe  fait  fiire  ,  ziz, 
453  y  fuivantes.  —  Fait  fon  frère  intendant 
de  Saint-Domingue  ,  453  — Pro.l:  (ja'il  reu.e 
du  bac  du  C^p  ,  454  »    457- 

— — — Lalanne  ,  intendant,   453. 

■  (  Morne  ).  —  V.  Plaifcnce. 

Lanisgs  (  M.  le  Jlarquis  de  ).  Son  éloge  ,  8  , 
242  ,  277,    300  ,  354,   401   ,   402  ,   44 


mes  ,  401  ,  402 — V07.  Campéche  ,  Macizi'J&L 
Léogane.  CaHeiveyre  y  avait  fondé  un  hQfpice 
charitable  ,  400  —  Troilième  capitale  de  la 
Partis  Françaife  ,  493  —  Attaqué  en  1 702  , 
500  —  On  y  envoyé  des  habitans  de  Saint- 
Clirilîoplie  ,  700  — ■  Devient  la  Capitale  de  la 
Colonie  ,  705  —  Voy.  Hôpital  du  Religieux 
de  la  Chariii. 
Le  Pers  (  le  Père  )  Téfuite  ,  curé  du  Trou ,  158. 
—  L'églife  da  Trou  éii    dediee  à  fon  patron. 


452,    453,    457,    496,569,    71Ï 


.0 

Son 
éloge  eil:  prononcé  dans  une  féance  publique 
de  la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap , 
349  —  Y.  Défcnfe  de  la  Parti:  du  Ncrd. 

La  RochaJard  (  M.  de  ).  Gouverneurneur-géné- 
raî.  Son  influence  fur  les  établiSemens  du 
Fors-Dauphin,  114,  115,  ii5 —  Idée  fm- 
gulière  de  lui ,  498. 

Las  Cafas.  A  fuc-fféré  l'idée  d'avoir  des  cfclaves 
Africain:  à  Saint-Domingue  ,  24. 

LaugisrfAs  (M.  ).  Son  éloge  ,  484. 

La-~:al  (  le  P.  )   Jéfaite  ,  caré  da  Trou ,  y  avait 

_  fait  bâtir  un  hÔDital,  i6S  —  Enterre  dans 
1  cgiile  au  uap  ,  342. 

Lwvairs.  Publics,  425,  515  ,  707 


Ls  Br!7.£}-uy  (  M.  ).  Intendant  par  intérim.  Eloge 
de  f-^n  adminiflration  ,  211  ,  215  ,  303  ,  304 , 

353  ^  315  '  343  '  391  '  44Î  '  446  .  458  .  467  ' 
502  ,  517  ,  560  ,  504  ,  631  ,  637  —  Place  & 
cours  de  fon  nom  au  Cap  ,311,313. 

Lejeh-ure  (  M.  ).  A  établi  la  première  lucrerie  du 
Bois  de  L'nce  ,  184. 

Li  Febure  Defiayes  (M-)-  ^'^"  élcge  ,  157 — 
Ses  obfervations  fur  le  baromètre  ,  280. 

Légion  d'Eilair.g  ,241. 

i de  Saint-Domingue ,  496. 

Le  Gras  (  M.  ).  Eloge  de  ce  Rîaglftrat  mort  au 
Port-Margot ,  677. 

Légumes.  Beaux  àSte-Rofe,  224 — AuDondon, 
262 — A  la  Marmalade  ,  272 — Expofés  au 
marché  Clugny  ,  441  ,  442  —  RéuffifTent  au 
Borgne  ,  63o  — Au  Port-de-Paix  ,716- 

Le  Long  (M.  ).  Chef  des  Français  qui  vinrent  de 
la  Tortue  s'établir  dans  la  plaine  du  Cap , 
1S3,  244,  207,593  —  Son  éloge,  183  — 
Sa  defcendancî  actuelle,  244,  632. 

Ls  Ncrmand  de  Mézj  (M.).  Ordonn'teur  du 
Çap ,  bieafûiteur  de  la  Providence  des  Iiom- 


Curé  de  Limonade,  1S5  —  A  fourni 
à  Charlevoix  des  Mémoires  pour  l'Kiftoire  de 
St.-Domingae,  21a,  268,  538  -  Notice  fur  lui, 
268  —  SucceiHvenient  cure  de  Limonade  &  du 
Trou  ,  268  —  Meurt  curé  du  Dondon  ,  268  — 
Ses  manufcrits  botaniques  paffent  au  Médecin 
Poupée  Defportes ,  26S  —  Curé  de  l'Acul  , 
641  ■ —  Forme  la  paroiile  du  Limbe  ,  641. 

Ls  l/'ajjii.r.  Quel  il  était,  669.  —  Perflcuté  à 
cauie  de  ù  religion ,  669  —  Vues  du  Com- 
mandeur de  Pomcy"  fur  lui ,  66g  —  Part  de 
Saint-Chriitopbe  avec  les  autres  rehgionnaires, 
669  —  Aborde  dans  l'^lîet  du  Port-Margot , 
669  —  Viiîte  Vv''il!is  à  la  Tortue ,  669— Prend 
la  Tortue ,  609  —  Méconnaît  toute  autorité 
fupérieare,  695  —  RepouiTc  les  Efpagnols  de 
la  Tortue  ,  695  —  Affaffiné  à  la  Tortue,  695 
—  Fort  de  fon  nom  ,  733  ,  741. 

Lèpre  ,  640  ,  728. 

Libraires  du  Cap  ,  ^.23. 

Lieutenant.  Au  Gouvernement  -  général  de  la 
Colonie ,  494. 

—  de  l'Aa-.ii-auté  ,384. 

■ de  Roi ,   115,    133  —  Originairement 

il  en  entrait  deux  au  Conied  du  Cap  ,  385  — 
Voyez  Honneurs. 

— — —  de  Roi  du  Cap  ,  494. 

• Particulier  de  la  benechauiTée  du  Cap, 

380,383. 

Liiantcnr  (  îvî,  ).  Commandant  en  fécond  de  la 
Partie  du  Nord.  Dcterndne  à  ciéer  la  paroiiTe 
deVaLiere,  150 — Fête  que  lui  donne  la 
compagnie  des  Volontaires  -  niiiices  du  Cap 
qu'il  commandait,  467. 

LU  as  ou  Jzedecck  ,  2 18. 

Limbe.  Pont  projette  ,  457  —  Ses  communica- 
tions,  626  —  Ses  deux  cotrpes  ,  638,643  — 
Ses  limites ,  641  —  Quand  on  a  commence  fon 
établinement ,  641  —  Dépendoit  de  la  paroiiTe 
de  i'Acul ,  641  —  Son  ég.ife —  641  ,  643  — 
Ses  regiflres  paroiffiaux  ,  641  —  Sa  partie 
plane,  642,  64*,  644 — Sa  rivière  &  fes 
débordemens ,  642 ,  643  ,  645  ,  648  —  Com- 
ment fa-  plaiàe  s'eft  formée ,  642  —  Son  fol  3 

642  . 


--tfv 


DES      MATIÈRES. 


769 


64?  ,  643  —  Ses  cantons ,  643  ,  644  —  Ses 
fucreries ,    643  —  On  y  a   cultivé    l'indigo  , 

643  —  Ses  moulins  à  eau  ,  643  —  Son  pro- 
duit fufceptibje  d'augmentation  ,  643  —  Son 
bourg,  643—  On  y  trouve  des  chaifes  & 
des  chevaux  à  louer ,   643    —    Ses  chemins  , 

644  ,  645  —  Ses  entrepôts  ,  644  —  Sa  partis 
montueuie  ,  644  —  Ses  cafeteries  ,  644  —  Ses 
indigoteries ,  644  —  Ses  places-à- vivres  644 — 
Ses  briqueteries-tuileries-poteries  ,  644  —  Ses 
Guildiveries  ,  644  —  Sa  température  ,  645  — 
Quantité  de  pluie  annuelle  ,  645  —  Ses  mala- 
dies ,  646  —  Sa  minéralogie  ,  646  —  Sa  côte  , 
647  —  Son  embarcadère  ,  6â^-j  ,  648  —  Sa 
défenfe,  647  ,  648  —  Ses  fours  à  chaux ,  647 
Ses  vigies ,  648  —  Ses  paffagers ,  648  —  Ses 
eaux  ,  648  —  Sa  population  ,  649  —  Sa  Mi- 
lice :,  649  —  Sa  diUance  de  plusieurs  autres 
lieux  ,  649  —  Donne  Ton  nom  à  un  quartier  , 
649  —  Sa  dépendance  civile  &  militaire,  649 

—  Homme  précieux  qui  l'habite  ,  649  -Macan- 
dal  y  rendait ,  65 1  —  L'épizootie  y  a  fait  des 
ravages  ,653  —  On  y  trouve  l'arbre  à  pain  , 

^  653. 

Li->ntes.  Entre  la  Partie  Françaife  &  la  Partie 
Efpagnole,  108,  109,  1 10,  m  ,  j  14  ,  148 
i^/uivantes,   120,  251. 

Limonade.  La  paroifîe  la  plus  Orientale  en  1705  , 
167- -Donne  fon  nom  à  un  quartier,  180,217-- 
Sa  fituation ,  1 80  —  Sa  réputation,  1 80  —  Ses 
limites,  180  —  Ses  rivières,  fes  ravines, 
180,,  185  ,  186  ,'187,  188,  189,  190  ,  198, 
203  ,  204  ,  212  ,  213  —  Eft  une  paroiffe  de 
plaine  ,180  —  Son  étendue  ,  iSo  —  Ses  can- 
tons ,  181  ,  203  ,    204  —  L'un   des   premiers 

établiff.-mens  de  la  Plaine   du  Cap  ,    181  A 

dépendu  du  Quartier-Morin  ,  181  - — Preuve 
que  fon  terrain  était  vierge,  i8i  —  Son  em- 
barcadère ,  181  ,  200,  210,  211  —  Son 
•  églife^  181,  183,  184,  185,  186  —  Ses 
progrès,  181  —  La  culture  y  commence  par 
le  tabac  ,  puis  le  coton,  puis  i'indigo ,  181 
jSa  population,  181,  182,  196,  216  — 
N'avait  point  encore  de  nègres  en  1655  ,  182 

—  Canton  du   Bois   de  Lance,  182,  184 

Ses  malKèurs  ,  182,  183  —  Sa  milice  ,  r82  , 
183  ,  216  —  Bataille  de  fon  nom  ,182  — 
MM.  de  Gufiy  &  de  Franquefnay  y  font  enter- 
rés ,  183  —  Sa  première  fucrerie  ,  184  — 
Première  fucrerie  du    Bois    de   Lance  ,    184 

—  Ses  ponts  ,  185  —  A  le  père  Le  Pers  poar 
curé  ,  185  —  Un  Préfident  de  la  Partie  Efpa- 
gnole  y  vient  un  jour  de  la  fête  de  la  patrone  , 

ï  85  —Nature  d'une  portion  de  {a  plaiae ,  1 83  ' 

Tome    I. 


—  S'augmente  ver?  la  mer  ,189  —  On  y 
trouve  une  ancre  qu'on  croit  être  celle  de  la 
caravelle  de  Chrifcophe  Colomb  ,189  —  Ses 
levées  ,190  —  Opérations  fur  fes  levées  & 
fon  redreffement  de  la  Grande  rivière  ,  190  fjf 

fui-vantes.  —  Réunit   toutes  les  cultures  ,    195 

—  Ses  fucreries,  195  ,  197  —  Ses  manufac- 
tures ,  195  ,  196  —  Son  fol ,  196  ,  193  203  , 
Z04  ,  209  —  Sa  favane  &  molières  qu'on  y 
trouve,  196  —  Sa  favane  appartenait  à  M. 
Franquefnay  ,  196  —  Sa  favane  forme  une 
commune  ,  1 96  —  Sa  raque ,  1 96  —  Sa  plaine 
valeule  ,  197  _  Sa  partie  minéralogique  , 
I99_  —  Le  morne  à  Mantègue  ,   200  —  Met 

de  fon  nom  ,  20o--Ses  moulins  à  eau  ,  201 

Sa  fuccurfaie  à  Sainte-Suzanne  ,    202  Ce 

qu'on  devrait  faire  du  canton  des  Côtelettes , 
203  —  Un  centenaire  ,  204  —  Culture  da 
cafier_,  203,  204—  Ses  cafeteries,  20-1  — 
Ses  mmes  ,    204  —  Preuves  de  la  réfidence 

des  anciens  Naturels ,  206  —  Sa  côte  ,  206 

A  ,  dans  fon  territoire  ,  le  fjrt  la  Nativité  , 
bati  par  Colomb  ,  206  ,  307  ,  208  —  Colomb 
y  fait  naufrage,  207  ,  297  —  Pièces   trouvées 

dans  !e  heu  appelé  château  de  Colomb  ,  208 

Sa  tourbe  faiineufe  ,   209  —  Sa  défenfe ,  210 

2  1 1  —  Opmion  fur  fes  paffes  ,  210  ,    622 

Troupes  efpagnoles  qu'on  y  canto.:.ie  ,  211 

Ses  paffagers  ,  21 1  --  Canots  qui  y  vont  du 
Cip_,  21  j  —  Utilité  de  fes  paffagers  ,212— 

Habitani  de  fon    embarcadère,    212  Ses 

pêcheurs  ,'212—  Sa  défenfe  primitive  ,  212 
— -  Sa  température,  213  —  Ses  chemins  ,213 

—  Sujette  aux  féchereffes  ,  2 1 3  —  Sur  l'ori- 
gme  de  fon  nom ,  216  —  Ses  hommes  utiles  , 
216,217  —  Sa  diflance  vers  d'autres  lieux  , 
217  —  V.  Bois  de  Lance  s  Fojfé  de  Limonade  } 
Rci/cou  ;    Saif:te-Suzan)!e. 

Louis  Des  Rouleaux.     Éloge   des  "vertus    de    ce 
nègre,   544. 

Louis  XV.  Son   fervice  eft  la  première  cérémonie 
faite  dans   l'églife  afluelle  du  Cap,  336. 

Luzerne.  E'ie  réuffit  à  S  Jnt-Domingue,  164.- 

— -  (  M.  delà).  Gouverneur-général  devenii 
miniftre  la  Marine.  Favorife  l'établiffemenf  de 
la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap  ,  360 
— Ses  bonnes  difpofxtions  pour  la  Providence 
des  gens  de  couleur  du  Cap,  4i9_Place  de- 
fon  nom  au  Cap  ,  464 ,  ztôa. 


M 


MacandaL  Notice  fur  ce  monitre  ,  6j  i. 

Hhhhh 


wxmmwwfm^imit 


r 

I 


AELE 


Magaftn.  De  la  marine  ,  3 14 — Magaûn  public  au 
Cap  ,  320  333. 

Magijîrature  Colonie-.  Pourquoi  elle  porte  l'épée  , 

3  8  S  l3  fuin-'antes. 

Magnstifme.  Genre  de  magnédûne  effayé  à  la 
Marmelade  ,  274. 

■  animal.  Eli     la  caufe     occafiormelle    de 

rétabliffement  de  la  Société  des  Sciences  & 
Arts  du  Cap  ,  347. 

llaillart  (M).  Intendant.  Son  éloge  ,  8  ,  242  , 
272,  306,  354,  401,  403,  452,  453 
496  ,  569  —  Font  de  fon  nom  ,  2S2  —  iion 
élc^e  prononcé  dans  une  féance  publique  de 
la  Société  des  Sciences  &  Arts  du  Cap  ,  349 — 
Rue  du  Cap  qui  a  rapport  à  lui  ,  440 — V. 
Larnage. 

Mais  (  Nègres  ).  29. 

Mai/on  de  fantè — V.  Hôpital. 

Mai/on  des  Orphelines  ,   t,-jz  — V.  Boutin. 

Maître.  Uu  cruel  affaffiné  ,  1 7c. 

Major.  Un  au  Fort-Dauphin ,  102,  115  ^  I33"~ 
Un  au    Port-de-Paix ,    102,    722 — Au    Cap, 

495-  ,       .   ^  .  .    . 

' pour  le  roi.  Originairement  il  ea  entrait 

deux  au  Confeil  fuperieur  du  Cap  ,  385 — V. 

Honneurs. 

général  de  la  Colonie  ,  495. 

■ ■_ des  troupes   &  milices  ,  495. 

Mal  de  Siam — V.   Maladie  de  Siam. 

Maladies  ,  224  ,  241  ,  2§8  ,  512  ,  527  —  Plus 
violentes  à  St-Domingue  qu'en  France ,  529 — 
Leur  caraétère  au  Cap,  529  l3  fui-jantes — 
Celles  des  enfans ,  533 — Des  efclaves  ,  534 — 
Ont  pe/du  de  leur  iiitenfité  à  St-Domingue  , 
534 — La  petite-\-érole  ,  535 — La  rougeole, 
536 —  L'cléphanthiaris  ou  mal-rouge  ,  527 — 
La  gravelle,  la  pierre  ,  l'apoplexie  ,  537 — Du 
Petit-Carénage  du  Cap,  555  — Le  Ipafme  , 
581 — Ulcères  gangreneux,  5S3 — La  gale,  583 
= — Leur  rapidité  aux  Colonies  ,  535  —  Du 
Limbe,  646 — Ophtalmies,  661 — De  Flaifance, 
661 — Du  Porl-de-Paix  ,  700,  707  —  La 
lèpre  ,  728. 

= de  Siam  ,534  —   Comment    &  par  qui 

elle  eil  apportée  à  la  Martinique  ,  701 — Ses 
ravages  à  la  Martinique  ,  701  —  Comment 
elle  eft  apportée  à  Ste  Croix  ,  701 — Comment 


blanc  &  les  autres  nuancer  des  mélanges 
fucceffifs  ,  72 — Eft  la  lixième  nuance  ,  78 
— Très-rare  ,  78 —  Ses  défavantages  ,  78  — 
Eft  produit  de  cinq  manières ,  78,  85— Parties 
bLnches  &  noires  de  fa  au^çe,  8.4 -^  V■^ 
Mamelouque. 

Mamelovque.  Y.  MameUue. 

Mancenille.  Sa  baie  ,.   l  j^. 

Mandingues.   27. 

Mar.glier.  V.   Bois. 

Maxtîgu!  (  Morne  à  ).  De  la  paroiffe  de  Lîmo» 
nade ,  zoo  —  A  fervi  d'afile  aux  nègres 
marons ,  200 — D'où  lui  vient  ce  nom  ,  3q,o, 

Maniifaàures .  De  la  Partie  Françaife  ,  100. 

•  — De  la  Partie  du  Nord  ,  \o(^ 

De  l'Acul  ,  639. 

■ — De  la  Marmelade  ,271. 

— — De  la  Petite  Anfe  ,  276  ,  377 ,  285. 

De  la  Plaine  du  Nord  ,  629. 

De   la   Tortue,    736,    737,  738, 

741,    742,743. 

■■ De  Limonade,  184,  195,  196,201, 


elle  pafle  à  Saint-Domingue  ,  701 — Durée  de 
fes  ravages ,  701 — Terreur  qu'elle  répand  en 
France  ,  702 — Extrêmement  rare  à  préi'ent  , 
702  —  Son  caraftère  ,  702 — V.  Siam. 

« des  Volailles ,  262. 

Vénériennes  ,  80. 

Mamelouc.  RéfuUat   de    fes   combinaifons  avec  le 


6s 


■De    Plaifance ,    655,    657,    6581 


59- 


127 


691. 


De  Ste-Rofe  ,  222  ,  223  ,  224. 

De  Vallière  ,  151. 

D'Ouanamintlie  ,  140  ,    141  ,  i^zi 

Du  Borgne  ,  680. 

Du  Cap  ,  555  ,  592 ,  595  ,  596. 

Du  Dondon  ,  253  ,  261. 

Du  Fort-Dauphin ,  100,  iio,  126 

118,  129  ,    130,   131  ,  132,  140, 

Du  Gros-Morne  ,  686. 

Du  Limbe  ,  643  ,  644  ,  647. 

Du  Petit-Saint-Louis  ,    689  , 


690, 


Du  Port-de-Paix  ,  710,   711,712 

713,  719,  723. 

-Du  Port-Margot ,  670  , 


239,  246. 


-Du  Quartier  -  Morin  , 


671 
231  ' 


672. 
232, 


• Du  Terrier-Rouge,  156  ,  157  ,  159. 

'  Du  Trou,   172,174,175,   178. 

Maralou.  Réfultat  de  fes  combinaifons  avec  le 
Blanc  &  les  autres  nuances  ,  produites  par  des 
mélanges  fucceffifs  ,  74  —  Eft  la  onzième 
nuance,  80  —  Eft  produite  de  cinq  manières , 
80 ,  83  —  Parties  blanches  ou  noires  dont 
fa  nuance  peut-être  compofée,   83, 

Mariais.  (M.  de).  Intendant.  Trait  qui. fait 
fon  éloge  46 1  —  Rue  de  fou  nom  au  Cap , 
465 ,  467  —  Sa  vigilance  pour  les  secen» 
femens  j  49 1 . 


DES      MATIÈRES. 


Marché.  Leur  utilité  ,    153  -r-  IJn  projeté  à  l'é- 
glife  de  Limonade ,  199. 

** r-  du  C^p.  Marché  dos  Blancs  ,  306  ,  3  1 7 

^  —  De  la  Place-d'armes  ,  32,6  i^  fuintantei  — 
Dans  la  rue  Efpagnole  ,  326  -r-  I,e  premier 
marché  était  dans  la  rue  Efpagnole  ,  433  — 
Marché  Clugny  ,  44,0  y  Jui'vmi^}.  —  Quan- 
tité de  nègres  qui  viennent  au  marché  Clu- 
gny ,_  441  —  Diftribution  du  marché  Clugny 
&  objets  qu'on  y  expofe,  441  i^  juiv.antes,  — 
Les  nègres  y  troquent,  444  —  La  Luzerne, 
468, 

«■ Du   Port-de-Paix  ,  i,oq.,  7?q 

Voy.    Hôpital. 


MaréchauJJ'ée.  Du  Fort-Dauphin,  123,  134  — 
D'Ouanaminthe  ,  145 —  Du  Trou,  171—. 
Du  Dondon,  256  — De  la  Marmelade  ,  273 
~  Du  Cap  ,  donnait  une  garde  au  Confei! 
du  Cap  ,  377  -^  Origine  de  celle  de  la  Colonie, 
448  — Prefque  toujours  compofée  d'affranchis 
même  d 'enclaves  ,  449  ^r-  Sa  compofition ,  449 

_  -~r  Rang  de  ks  officiers  ,  449  ,  450  —  Récep- 
tion ,  450  —  Appointemens  ,  450  —  Ses  revues, 
450  —  Débats  qu'elle  occafionne  entre  les  offi- 
ciers de  juftice  &  les  officiers  militaires  ,  450 

—  Ses  devoirs  ,  450  —  Son  habillement  , 
(on   équipement  ,451  —  Ses  défordres  ,  451 

—  De  Piaifance,  656,  668  —  Du  Gros- 
Morne  ,  687  ,  723   —  Du  Port-de-Paix  ,  722. 

Marée.  Sa  plus  grande  élévation,  213  —  Époque 
de  fa  plus  grande  élévation,   213, 

Margat  (  Père  )  ,  Jefuite  ,  curé  du  Cap.  Ses 
ouvrages,   541. 

MarguilUer.  Calcul  iîjdécent  admis  au  Cap  fur 
la  place  de  Marguiliier  ,    341. 

Mariages    (  féconds  )  ,  431. 

Maribarqu  (Canton  de).    Son   afpeft ,   126    

Plaine  de  ce  nom  ,  iz6  —  Diftingué  en  haut 
&  bas,  126  —  Population  de  la  portion  qui 
çfl  dans  la  pareille  du  Eort-Dauphin  ,128  — 
Son  fol  excellent ,  128  —  Se  reiîént  de  l'épi- 
zootie  ,  13g  T^  Qç  nom  eft  ]i>dien  ,  140  — 
Nature  de  ion  fol  ,  141  —  Son  vin  decannes 
fupérieur  aux  autres  ,    141. 

Clarine.  Premier  bâtiment  de  h  Marine- royale 
qui  entre  dans  la  baie  du  Fort-Dauphin  ,117 
*r?  Projet  d'uD  arfenal  de  marine  au  Cap  , 
34  î  '  ?4?  '  S04  —  Magafm  de  la  marine 
a,!^  Cap  ,  3 14  —  Hangajrd  de  la  mâture  au 
,Ca.p,  4,6j|  — Baffin  auq.uel  or  travaille  au  Cap, 
469.     ■       "  -.->...       ,. 

^armelqds  {\&)  ,  4  — Sa  température,  178  — 
La  fource  de  la  rivière  du  Dondon  eil  dans 
fes  montagnes ,  257  —  Ongine  ^6  fon  nom. 


m 

z6g  —  Quand  formée  en  paroî.^Te ,  270  -^.  Ses 
limites ,  Z70-T-  Son  foî ,  2.70 ,  271  -—  fa,  tem- 
pérature ,  270  ,  27 1  -^  A  un-  canton  d'Eaaery, 
Zji  —  On  y  cultive  le  cafier  ,  271—  Pas  pro- 
pre à  l'indigo  ,  271  —  On  devrait  effayer  lé 
cotonnier  dans  quelques  parties,  272  -Sesldgii- 
mes,  fes  fruits,  fes  fleurs ,  272— Point  de 
ehafle  ni  de  pêche ,  272  —  Les  moutons  &  les 
voJailies  n'y  réuffiflent  point ,  272  •—  Ses  ri- 
vières ,  ravines ,  &c.  272  —  Sa  minéralogie, 
372 ---Sa  population,  272 —  Sami'ice,  272 
jon  eghle  ,  272-Sa  police ,  273  -  A  un  bureau 
de  pofie ,  273-  Sa  maréchauiTée  273-Ses  che- 
mmî,  273-Difl;ance  entr'elle  &  plufieurs  lieux  , 
274-  M.  Brulley  y  tente  la  culture  de  la  coche- 
nille, 274 —  Efpèce  de  magnétifme  qu'on  y  a 
exerce,  274 — Ses  communications  ,  626. 
Maronage  des  Efda^>es.  Quand  commence  l'ufrge 
d'en  faire  cne  déclaration  ,  382  —  Commuta- 
tion de  fa  peine,  397. 
Martinique  {mz\?i).  On  y  envoyé  les  habitans 
de  St-Chnftophe  ,  700  —  Ravages  qu^y  caufe 
la  maladie  de  Siam  ,701. 
Matelot.  Ce  que  le  P.  Boutin  fait  pour  eux  ,  za.o  , 
SS3— Voy.  Hôpital.  '^     ■  ^^   ' 

Matelote.  Ufage  de  ce  mpt  parmi  les  négrefîes , 
37- 

Yoy.  Maladie  de  Siam. 

Maure.  On   en  tranfpqrte  quelquefois  aux  Colo- 
nies ,  26. 
'  Mcjombss ,  32. 
Médecin  ,  134  ,  501  —  Voy.  Infptaeur  &  Diree- 
teur-genéral  de  la  Médecine  ,  de   la  Pharmacie 
C5  de  la  Botaniqui  des  Colonies^. 
Médecin  Accoucheur ,  502, 

du  Cap,  501. 

7— du  Roi,    134—  Devrait  réiider  à  Ph3- 

pitai  ,584  ,  585  —  Voy.  Hôpital  du  Religieux 
de  ta  L  hante. 
Mé/alliés.  Blancs  dont  les  femmes  ne  font  pas  des 

blanches  ,  99  —  Où  le  préjugé  les  place,  90. 
Me/urades.  —  Voj.  Cangas.  ^^ 

Météorologie.  —  Voy.  Température. 
Meti/.KcMt3.x.  de  fes  combinaifons  avec  le  Blanc 
&  les    autres   nuances   provenues  de  mélano-es 
iucceffifs,  72  — Eft  la  cinquième  nuance, "77 

—  Eft   produite  de   fix    manières,   -jj  ,  gç  _. 

—  Ses  avantages  ,  fes   défavantages ',   77  ,   78 

—  Parties  blanches  &  noires  de  fa  nuance ,  8r 
89.  -■'* 

Métive  —  Voy.  Métif. 
Miel.  —  Voy.  Abeilles. 

Milices.  Éloge  de  celle  du  Fort-Dauphin,  iî7_ 
D'Ouanaminthe,  145  --Fatigue  que  caufe]» 


m 


i"'»i 

\^i 


5'72 


A 


B 


gusrre  à  celle  de  Valiière  ,  154 — Da  Terrier- 
Rouge,  165 — Da  Troa  ,  17S  —  De  Limo- 
i\..d: ,  182  —  Celle  de  Limonride  ,  de  Ste-Rofe 
&  ài  Dondon  viennent  ,  en  tems  de  guerre  , 
garder  l'eiabarcadere  de    Limonade  ,  211  — 

■  De  Limonade,  216  —  De  Ste-Rofe  ,  221  — 
De  la  IJarmelade  ,  272 — ,De  la  Petite-Anfe  , 
iSo  —  Fête  donnée  par  une  compagnie  de 
Milice  du  Cap  ,  466  —  Aufîi  ancienne  que  la 
Colonie,  497 — Les  premiers  Juges  de  la 
Colonie  en  faifaient  partie  ,  497  —  Du  Cap  , 
497  '^  fuiu.  — Ses  omciers  dévoués  aux  chefs 
de  la  Colonie  ,  500  —  Leur  rétabliffement  en 
1 768  ,500  —  Celle  du  Hiut  du  Cap  ,  594  — 
Elle  marche  au  fiége  de  St-Yague  594  —  Lear 
emploi  en  cas  d'attaque  ,  618  —  De  la  Plaine 
du  Nord  632  —  De  l'Acul  ,  639  —  Da  Lim- 
be ,  649  —  De  Plaifance ,  668  —  Du  Porc- 
Margot,  67c  ,   677  —  Du  Gros-Morne  ,  687 

—  Du  Port-de-Paix  ,  723  — Eloge  de  celle  du 
Port  de-Paix,  724. — V07.  Confeù  des  Milices. 

■  HoKKSurs. 

M/y;/r.-?.%/V.  Du  Terrier-Ro'jge,  157 — De  Limo- 

,  -    nade ,  °i  09  —  De  Ste-Rofe  ,    2 zù  —  Du  Qijar- 

tier-Morin  ,232  —  Du  Dondon  ,    23 S  —  De 

la  Marmelade  ,  272 — De  la  Petite-Anfe  ,   283 

—  Du  Cap,  598—  De  la  Plaine  du  Nord  , 
639  —  Du  Limbe  ,  646  —  Du  Petit  St-Louis , 

-  £qo  —  Du  Port-de-Paix  ,  711,  713^  "^H  — 
De  la  Tortue,  738  ,  740  —  Voyez  Mines. 

Mines.  Celles  du  Fort-Dauphin,  138— Celles 
d'Ouanaminthe  ,145  —  Canton  nommé  la 
Mine  &  pourquoi,  145  — De  Caracol,  165  — 

■  De  Limcnade^!,  204 ,  205  —  Effets  qu'on  at- 
tribue à  u'ne  mine  de  pierre    aimantaire,   205 

—  \ .  Minéralogie. 
Mines  (  Nègres  )  ,  29. 

Mi'zguet.  On  doit  à  ce  Colon  l'établiffemcnt  du 
D'ondon,  147,  255 — Son  éloge,  247  i3  fi.i--j. 
— Si  defcendance  nefe  trouve  plus  au  Dondon, 

-  --0 —  Son   nom  donné   à   plufieurs  plantes  , 

^^Q La  célèbre  voûte  du  Dondon   porte 

auffi  fon  nom  ,  263.  ,     ^ 

Mirebalais  —  Voy.  Chemins.  Défenfe  de  la  Par- 
i-  -  :,   tie  du  Nord.        '* 
'  Mijirables  ,28. 

■  llifions  107  ,  357  —  Celle  de  la  Partie  du  Nord, 

552  '  374' 7^7- 
Mijjîonnairee.  —  Voy.  MiJJîons. 
Mithon  {M.).  Intendant-  Fait    décider  que   le 

Cap  fera  où  on  le  voit,  299. 
Meeurs.    Influence  des  troupes  fur  elles,  8  —  Ne 

fon.:  pas  févères  à  Sr  Domingue  ,  15  ,  33,  529 

■ —  Preuve  qu'elles  ne  fca;t  pas  très-douces ,  23 


—  Celles  des  Africains  ,  25  y  fiiivenfesj-*^ 
Dérèglement  des  mœurs  Coloniales ,  92  £if 
Jui~jantes  —  Caufes  du  relâchement  de  celles 
de  St- Domingue  ,    95  —  Celles   de  Ste-Rofe, 


2z6  —  Du  C 


3?: 


3': 


564'  365 


222 

367  ,  369,  456,  531  — Deshabitans  du  petit 
Carénage  au  Cap  ,471  —  On  vend  publique- 
ment au  Cap  des  livres  &  des  eftampes  cbfcè- 
nes  ,  490  —  V  oy.  Africain  ,  Cdcns  ,  CrécI  , 
Créole  ,  Européens,  Mulâtr^es. 

Mokos  ,32. 

Môle   St-iSicalas.   Reçoit    des    Acadiens    &    des 
Allemands,  227  ,  265. 

Mondonsrues  ,  32 — Sont  anthropophages ,  33—- 
Sont  pédéraftes  ,  34. 

Montagnes.  Celles  de  la  Partie  Françaife  ,  4  — 
Celles  de  la  plaine  du  Cap  ,  104. ,  294 — Sépa- 
rent la  Partie  du  Nord  de  celle  del'OueR-,  104 
Du  Fort  Dauphin  ,  129,  131  —  D'Ouana- 
minthe, 145 — L^tilité  de  les  peupler  ,  154-  — 
Seri-ant  d'afile  aux  nègres  fugitifs  ,  154  ,  175. 
Celles  du  Trou  i75-Cha;ne  daCibao,  221,641. 
—Du  DonJon  ,  252  —  De  la  Petite-Anfe,  283 
-Du  Limbe,  641-De  Plaifance,  657,059,  663, 
667  —  Du  Borgne ,  679  —  Du  Gros  Morne  , 
686,  du  Petit  St- Louis ,  689  —  Du  Port^-'de- 
Paix,  711,712,713,  720. 

Mof.t archer  (M. de)  Intendant.  Place  â  ifontaine 
de  fon  nom,  359. 

Morugzlfilres.  Expériences  faites  avec  des  Mont- 
golfières ,  288,  470. 

Morne.  —  Voy.  Montagnes. 

Marne  des  Capucins ,  306  —  Origine  de  fon  nom, 
324 —  Ses  propriétaires  fuccefiifs ,  525  —  Eît 
applani,  326. 

: : du  Cap.  Sa  defcription  ,  557  l3  fhi-j. 

organifé.  D'où  lui  vient  ce  nom,  155. 

• St-Michel.  Sa  fituation  &  fes  dimenfions  y 

244,  302. 

Mortalité.  Des  troupes  blanches  ic  de  couleut 
comparée ,  173. 

Moj'iereau  (M.).  Son  ouvrage  du  Parfait  Indi- 
goteur,  218". 

Moulin  a  eau..D'd  Fort-Dauphin,  109,  127  ,  132 
—  Ceux  d'^Ouanaminthe  ,  142  —  Du  Trou, 
174  —  De  Limonade,  zoi  —  Du  Quartier- 
Morin,  233  —De  la  Petite-Anfe,  277  ijf 
Jui^uantes  ,  z%z  —  De  la  Plaine  du  Nord, 
639  —  De  l'Acul  ,639  —  Du  Limbe ,  643 _ — 
Du  Port-Margot ,  670  —  Du  Port-de  Paix ,, 
71c,  - 

a  vent.  L'unique  de  la  Partie  du  Nord^ 


639. 


\fu.(re.  —  V.  Bdiiu 


V-'  mm  mm*  - 


ii^l 


DES        MA 

Moufombés  ,32. 

Mouton.  Du  Cap  de  Bonne-Efpérance  ,  tranrpor- 
té  à  Saint-Domingue  ,291  — V.  Animaux. 

Mozambique:  ,    34  —  Il  en  eft  d'eunuques  ,    34. 

Mozard  {M.).  Obtient  une  féconde  imprimerie 
au  Port-au-Prince  ,356  —  Éloge  de  fon 
imprimerie ,  356  —  Eii  nommé  rédacteur  de 
la  gazette  ,  507  —  Son  éloge ,  507. 

Mulâtre.  Originairement  claffe  parmi  les  Indiens 
&  les  Sauvages ,  68  —  Était  réputé  libre  à 
zi  ans,  68  —  Réfultat  de  fes  combinaifons 
avec  le  blanc  &  les  autres  nuances  provenues 
de  mélanges  fucceffifs  ,  71  —  Eli:  la  troifième 
nuance ,  75  — ,  Il  a  deux  nuances  diftincles  , 
75  —  Eft  produit  de  douze  manières,  75  ,  83 

—  Avantages  &  défavantages  du  mulâtre,  fon 
.  caraftére  ,  yo  ,  90 — C'efi:  l'être  le  plus  appro- 
prié au  climat  de  Saint-Domingue  ,  jS  — 
Parties  bianclies  &  noires  de  lii  nuance ,  83  — 
Eft  la  claffe  la  plus  nombreufe  des  Aftranchis , 
90  ,  g^  —  Ses  palfions  ,  90  —  Son  amour 
pour  les  chevaux  ,91  —  91  —  Propre  à  être 
un  excellent  foldat  ,91  —  Pourfait  les  nègres 
fugitifs  ,91  —  Son  luxe  ,91  —  Aitératuns 
de  fa  peau,  91  —  Eft  celui  qui  vit  le  plus 
long-tems  à  Saint-Domingue,  92  —  Mauvais 
mari  ,  9-  —  Caufes  qui  s'oppofent  à  ce  que 
cette  clalfe  ne  difparailfe  ,  95 — Phyfiquement 
fupérieur  aux  autres  gens  de  couleur  ,  98  — 
V.  Couleur  ;  MulâtreJJe. 

Mulâ.trejfe.  Ses  avantages  ,  92  —  Soncaraftère, 
92  —  Livrée  à  la  volupté  ,  92 — Sa  précocité  , 
92_  —  Ses  mœurs ,  93  ,  93  ,  94  —  Son  luxe  , 
9~' — Très-fobre,  93 — Coud  fupérieurement , 
94  — Le  poifon  de  l'amour  fort  aftif  chez  elle , 
94-  — Dïux  fmgularités  relatives  à  fa  conduite, 

94  —  Il  en  ell  d;  très-vertueufes  ,  94 — Épou- 
fe  malheureufe,  95  —  Redoute  la    maternité, 

95  —  Semble  n'avoir  pas  autant  de  foins  pour 
fes  enfans  que  les  blanches  &  les  négreiTcs , 
95  —  Eft  une  maîtreffe  impérieufe  ,  96  —  An- 
tipathie entr'elles  &  les  blanches ,  96  —  Ai- 
me la  publicité  en  amour  ,  97  —  Son  prétendu 
dédain  pour  les  m.ulâtres  ,97  —  Choque 
quelquefois  l'odorat  ,97  —  Sa  propreté  ,  fes 
bains  ,  g'j  —  Son  goût  pour  les  fleurs  ,  97  — 
Ne  veut  pas  foufFrir  auprès  d'elle  au  fpec- 
tacle  du  Cap  ,  fa  mère  négrelTe  ,  365  — 
Éloge  de  la  bienfaifance  de  l'une  d'elles,  394 

—  V.  Couleur  ;  Mulâtre. 

Mulet.  Mule  qui  produit  un  muleton,  165,  229, 

289. 
Mûrier  ,218,716. 
Mufcat,  Jl6. 


T     I    È     R     E     S.-  773 

Muftcien.  Oifeau  ainlî  nommé  &  pourquoi ,    155, 
N 

Nagos  ,    29. 

Naturels  de  Saint-Domingue.  Forme  de  leur  tête  , 
126,352,  658  —  Preuves  de  leur  Habitation 
dans  divers  points,  152,  206,  240,  284, 
646,  658,  681,734,  73^  —  Avaient  des 
vafes    &   des  fétiches  de  terre  cuite  ,    208  — 

—  Enterraient  les  cadavres  parallèlement  208  , 

—  Leurs  cérémonies  ,  leurs  opinions  ,  264  — 
V.  Caverne  ,  Indien  ,  Sawvage  ,  Voîite  a 
Minguet. 

Négociant.  Abus  de  ce  nom,  505  — V.  Chambre 
de   Co?nmerce. 

Nègres.  Leurs  idées  par  rapport  au  baptême  , 
35  Leur  fuperftition,  36,52  —  Croyent  aux 
forciers  ,  36  —  11  en  eft  d'empoifonneurs  ,  36 
Gefticulent  beaucoup  ,  36  —  Aiment  les  fons 
imitatifs.,  37 —  Sont  fententieux  ,  i,-j  ,6-]  — 
Sont  jaloux,  37,  52  —  Ont  fur  les  Blancs 
un  avantage  phyfique  en  amour  ,38  —  Aiment 
quelquefois  le  tafia  à  l'excès  ,  39  —  Aiment 
les  remèdes  ,  42  —  Sont  fobres ,  42  —  Sont 
railleurs  ,  43  —  Boivent  peu  ,  43  ,  — .  Sont 
moins  ivrognes  que  certains  Blancs ,  43  — . 
Sont  propres  ,  43  —  ALment  le  tabac  &  I2 
jeu  ,  44  —  ChérifTent  palFionnément  la  danfe  , 
4+  —  Leurs  inftrumiens  de  mufique  ,44  — . 
— ■  Pofsèdent  le  talent  d'improvifer,  44  — 
Ont  l'oreille  très-jufte  ,   51    —   Comment   ils 

apprennent  à  jouer    des    inftrumens  ,    51    

Sifflent  à  merveille,  52  —  Leur  amour  propre, 
53  —  Leurs  combats,  53  —  Leurs  exercices, 
53  —  Odeur  qu'ils  exhalent,  54  —  Opinion, 
fur  leur  odeur ,  54  —  Très-fenfibles  au  froid  , 
SJ  —  Paroiftent  moins  vieux  que  les  Blancs  , 

56  —  N'ont  prefque  pas  de  barbe  ,  56  — 
Rsfpcftent  la  vieillefte  ,  56  —  Aiment  à  s'é- 
piler ,  56  — Leurs  vêternens  à  Saint-Domingue, 

57  —  Leur  réfignation  ,  leur  courage  ,  leur 
mépris  pour  la  mort,  6i  —  Opinions  fur 
leurs  qualités  morales  ,  62  —  Leur  opinion 
fur  leur  couleur  ,  63    —  Leurs  funérailles ,  63 

Leurfucceffioa  ,    64   —    Leur  deuil  ,    64  

Mépriiis  par  V.i  Indiennes  &  les  Sauvageifes  , 
6()  —  Réfultats  des  combinaifons  du  nègre 
avec  le  blanc  &  les  autres  nuances  produites 
par  des  mélanges  fucceffifs  ,71  —  Ceux  af- 
franchis  regardés  comme  les  derniers  des  af- 
franchis ,  90  —   Dans   la  Partie  du  Nord  il 

y  a  neuf  nègres  contre  fept  négreffes  ,  106  ■ 1 

Leur  nourriture  diffère  dans    les   trois  Parties 

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l|(  .ipwi|.Jlllii|pi|i.iJ|i||i 


774 


''TABLE 


^ 


tle  la  Colonie,  106  —  Traitement  de  ceux 
du  Fort-Daapiiin  ,  132  —  Utiliie  de  la  reli- 
gion pour  eux  ,  154 —  En  1685  il  n'y  en 
avait  point  encore  à  Limonade  ,  182  —  Ar- 
rivent à  une  grande  viîilleffï  ,  225  —  On  en 
met  de  malades  à  l'embarcadère  de  la  Petite- 
Anfe  ,  241  —  Détruiifeat  le  poiiTon  ,  257  — 
Eïpreiuon  qui  eît  relative  à  ceux  des  habita- 
tions GiliiFet ,  277  —  Impreflion  de  leur  nom- 
bre comparé  à  celui  des  Blancs  ,  296  —  Cri- 
minels,  où  on  les  exécute  au  C;:p  ,  333  — 
Es  lapident  un  bourreau  au  Cap  ^  333  —  Leurs 
exercices  religieux  au  Cap  ,  340  —  Meiïe 
de  leur  nom,  340  —  Aiment  à  fonner  les 
cloches  ,  342  Nombre  de  ceux  qui  viennent 
au  marché  Cljgny  ,  au  Cap  ,  441  —  Troquent 
des  iubiiftances  ,  444  —  Utidté  dont  ferait 
pour  eux  un  pont  ilir  la  rivière  du   Cap  ,    457 

—  Leur  imprévoyance  quant  à  leurs  dents,  502 

—  Donnent  à  manger  aux  malades  Se  croyent 
aux  remèdes  des  commères  ,  534  ,  583  — 
Ce  que  le  père  Boatin  fait  pour  eu.x  ,  540  — 
Leurs  dnnfes  à  la  FoiTstte  ,  558  —  Leur  ca- 
raftère  infouciant ,  583  —  Ils  mafîacrentles 
nègres  qui  rempîilTeut  le  métier  de  bourrsau , 
576,  596  —  V.  Afi-icains  ,  Centenaire  , 
Chaîne  publique  ,    l^égrejfes  ,    Padrejai. 

Africains.  Projet  pour  forcer  à  les  ven- 
dre à  terre,  557,558.  —  Voy.  Africains. 
Macandal. 

Agouasj    29. 

AouiTas  ,   2g. 

Aradas  ,    29. 

Bambaras  ,    27. 

Biffagots  ,   28. 

Blancs    —   V.    Jlhinos. 

Bouriquis  ,    28. 

Calbar  —  V.    iCegres    du    Galhar. 

Calvaires    —    V.    migres  du   Cap  Vert. 

Cangas  ,28. 

Caplaous  ,   26. 

Congos ,    82. 

Cûtocoiis ,    29. 

Créols.   Supérieurs  aux  Africains  ,    59. 

—  11  en  eft  de  fupérieurs  les  uns  aux  autres  , 
39  —  Sont  en  général  mieux  traités  que  les 
Africains  ,  40  —  Sont  plus  hâtifs  que  les 
Africains ,  40  — Idée  fingulière  qu'ils  ont  par 
rapport  à  une  certaine  abUinence  durant  la 
femaine  fainte,  43  —  Tirent  vanité  de  reffem- 
bler  aux  Blancs  par  la  forme  du  nez  ,55  —  Ne 
font   poLnt  étampés   ,    è"]. 

De   la    Côte  des  Dents   —   V.  Nègres 

ai   la   Cite   d'I-'ijoire. 


:'gres.    De  la  Côte  des   Efcl  aves  ,   zg. 

des   Griines  ou  de    Mala- 


guette,    28. 


28. 


•d'Ivoire  ou  des   Dents, 
■  d'Oi  ,  23  ,  20  .    ;n.      . 


de  Aîadagafcai  ,    34. 

du  Bénin  >   31- 

— ■■ Cap    Vert  >    27. 

Gaibar ,    31. 

Monomotapa  ,34.. 

Pantins ,    26. 

Fida  s . — V .  F  cédas . 

Foëdas  ,     29. 

Fonds ,    29. 

Foules  ,     Poules  ou  Foulards  ,  27. 

Fugitifs.    Se  réfugient  dans  les    monta- 
gnes,     154  —     Maux     qu'ils  caufent,   j  - . 

—  Polydor  un    de  leurs  chefs  ,     154,     i-T 

—  Ont   fait     donner    des   noms    à  plufieûi^s 
pitons ,    154 —  Canga  un  de  leurs  chefs  ,   175 

—  Colas  ,  Jambes  -  coupées  ,  un  de  leurs  chefs 
200.    V.    Macandal. 

Ibcs  ,    iS»   ,    30. 

Libres,     ^talent    dans     l'origine   diftin- 

gués    des    mulâtres   libres  ,    68   —    Donnent 
à  quelques  lieux  le   nom   de   Petite   Guinée 
433   —  La  compagnie    des  nègres  libres  du 

Cap  marche    au  fiège    de    Carthagène ,    rco 

—  V.     Auba  ,    Jaj'iMH,  Louis  des  Rç'y.Uatix 
Vincent    Olli-vier. 

Maïs  ,   29. 

Mandinguesj    27. 

Mayomoés  ,   32. 

Meiurades.      —     Voyez     N)gres    Can- 


gas. 


-  Mines  ,    29. 

-  Miferables  ,    28. 
-i\'Iokos  ,32. 

-  Mondongues  ,    1,2. 

-  Moufombés  j    32. 

-  Mozambiques ,   34. 

-  Nagos  ,    29. 
-Ouaires  ,31. 

-  Popos ,    29. 

-  Foulards   —   V.  Nègres  Fcnks. 
■Poules  —     V.    Nègres    foules. 

■  Qaiambas  ,    27, 

-  Sénégalais  ,   26. 

•  Socos ,  28 

•  Yoloffes  ,    27. 


Négrejes.  Africaines,  aiment  à  être  rénutées 
Croeles,  38  —  Créoles  plutôt  pubères  que 
les  Aincames,  40  —Se  livrenç  à  des  jouiiTanees 


DES       '?M    A 

trop    précoces^^  4c— Leurs   mères  trafiquent 
de  leiir  virginité  ,  40 — Dépendance  où  elles 
demeurent  par  rapport  à  celui  ^ui  leur  a  fait 
perdre    leur    virginité  ,  40 — Caufes    qui   em- 
pêchent leur  fécondité  ,  40 — Ont  un  accouche- 
ment facile ,  41 — Ce  qu'elles  font  pour  retarder 
l'acGotichement ,    41 — Moyen    qu'on   prend 
pour  ies  faire  accoucher,  41 — Sont  exceller.tes 
mères,  41 — Leur  continence  pendant  qu'elles 
allaitent     &    préjugé    à     tet  égard,    41  — 
S'ennorguiJliflent  d'être  mères  ,  41  ,  42 — Leur 
fein  ,  41 — Leurs    avortemens  ,  42 — Leur  peau 
plus    fraîche   que   celle    des   blanches  ,  43  — 
Leurs  abiimences  périodiques,  43  — -Éprouvent 
des    accidens    des  bains  /roids  ,    43  —  Leur 
laxe ,  59  —   Leurs    affeétions  ,    kurs   haines 
entr'elles  ,  60 — Réfultat  de  leur  mélange  avec 
les    blancs    &    les    diverfes   combinaifons   qui 
en  proviennent  fucceflivement,  7 1  t3'  fut-xiantes 
jufqu^à  88 — Leurs  filles  mulâtreffis  ne  veulent 
pas  ies  fouffrir  auprès  d'elles    au    fpcûacle  du 
Cap  ,365  —  Une  négrefle  fait  trois  enfans , 
687 — V.   Ar aidas  ,  Femmes  ,  Nègres. 

Noailhs  (  Maifon  de  )  Elle  obtient  la  conceflîon 
de  l'ilet  du  Maffacre  ,   109. 

' _(   M.  le  Maréchal   de    ).    Était    d'avis 

d'avoir  une  place  forte  au  Dondon  ,  226. 

Nolt'vos  (M.  de  ).  Gouverneur-général.  Va  à 
Daxabon  ,    149. 

Nomenclature  Coloniale.  Reproches  qu'elle  mérite, 
220  ,  230  ,  627  ,  628  ,  633. 

Nopal ,   fi^ — V.  Cactiers. 

Nords  (  les  ).  712  — V.  Température ,  Vent. 

Normmjds.  Les  premiers  français  des  Antilles 
étaient  prefque  tous  Normands  ,  332  ,  473. 

Notaires  ,   384  ,  388  ,    722. 

o 

Ohfervations  Aftronomiques.  Lieu  oii  MM.  de 
Fkurieu  ,  Pingre  ,  Verdun  &  Borda  en  ont 
fait  au  Cap  ,  5';4. 

Odehic  (M.)  Ses  obfervations  météorologiques  , 
285 — Son  obfervation  fur  la  marche  du  baro- 
mètre à  Saint-Domingue ,  287. 

Odeur.  Celle  des  nègrts  ,  54— Celle  des  griffes, 
86 — Celle  des  mulâtres  ,  97. 

Officiers  d' Adminijiration.  Du  Fort  -  Dauphin  , 
J 33— Giand^  inconvénient  qui  réfulte  de  les 
avoir  chargés  de  la  police  de  la  chaîne  pu- 
blique,  398— Du  Cap  ,  494  ,  495_Du  Port- 
de-Paix,^  722  —  V.  Adminifiration. 

■> militaires.  Place  hon'orjiique  où  l'on  ad- 
mettait ceux  du  grade  de  major  &.  au-deffus 

^  m  Confeil  du  Cap,  387. 


i^ 


I^i     R    E     S. 


Ogeron  (g').   Agent   de  la  Compagnie  des  LHes 
àe   l'Amérique     puis     gouverneur    de   Saint- 
Lomingue.  Son  influence  fur  Saint-Domingue 
7— Etablit    une  habitation    au    Port-Margot  ' 
670  ,  696— Introduit  ia  culture  du  cacac-er  ' 
670— Pnfon  de    fon   nom  ,    674.— Entreprifes 
qui  le  mènent  en  Amérique  ,   O96  —  Va  à  la 
Martinique  ,  à  la  Jamaïque,   fe   fait  concéder 
les  Liicayes   &  les    Caïques  ,    6()Ç>  —  Nommé 
gouverneur  de  la  Tortue  ,   697— Réfide   à  k 
iortue,  697— Favorife  le  Port-de-Paix  ,  607 
—Forte  les    premiers    français    à  la   culture 
&97—i' ait  attaquer  &  rançonner  Saint- Yao-ue  ' 
697_Attire    des    Angevins  k-s  compatriotes  ' 
697— ^au  venir  des    epoufes  de  France  ,  607 
— Aepafîe  en    France  en   1668  &  revient  à  k 
iortue  en    1069;  retourne   encore  en  France 
ou  il  meurt,   698  —  Tente   deux  expéditions 
contre  Porto-R-co  ,  698  ,    7^S-Les^habnan: 
de    la  Colonie  fe  révoltent  contre    lui      "2,9 

Oifeaux.  Le  muficien  ,  155,  262— La 'ca-ile- 
huppee  ,  202  —Ceux  du  Dondon,  262  —Le 
colibri  ,  l'oifeau-mouche  ,  262  —  De  p-oie 
263— On  a  le  goût  des  oifeaux  au  Cap,  & 
ûou  on  les  tire,  301  —  Singularité  deceuK 
du  Sénégal,  301. 

Olliruier—V.  Vincent   Olli--vicr 

(le  Père),  jéfuite.  Son  eîoee  ,  2^6. 

Or  donnât  ettr  de  la  Marine,    10^—.   du  a  lop-- 
celui  du  Cap  ,  376  ,  495.  ^" 

— des  guerres ,  49^. 

Orge--oiUe  (  M.  Panier  d'  ).  Intendant  des  îles  du 
vent,  meurt  au  Cap  ,  339. 

Orpheline.  —  V.  Boutm  s    M.ijln  des  Orphelines 
Ouûires  ,31.  ' 

Ouanaminthe.  Son  bourg  nuit  au  Fort-Dauphin 
123  .  339  — .  Devient  une  paroJiTe  ,  140  ^ 
Ce  mot  eil  indien,  139— Son  bourg  ell  i'éta- 
bUiiement  le  plus  vohin  de  la  limite  éfpaçnole- 
&  détails  lur  ce  bourg,  135,  140,  1.2' 
143  ,_  134— A  dépendu  de  Bayaha  &  du  Fort' 
Daupnm,    139  _  A  été  fuccurfale  ,    i,q  _ 

p.'Utxe  de   Maiibarou,    14c  —  Ses   fucreries - 
140 ,  141  —  Ses  divers  cantons  ,  j/q,  m  _1 

Sei    rivières,    ravines,    &c. ,    141      'j  '3  

Décroiirement  de  fes  fucreries  ,  141  '__  \a  ^ 
des  lieux  les  plus  arrofés  de  la  Colonie  fr-^n  ' 
çaife  ,  142  ~  Ses  moulins  à  eau  ,  142  —"a 
cprouve  un  incendie.  143  -  Hôpill  qu'on 
a  eu  au  bourg  &  abus  qu'.nen  a  fkit,  jL  _ 
Ses  débouches ,  144  -  Sa  police,  ,44  Z^g^ 
con.mandant,  144  _  Sa  maréchauffée  ,  ^ 
-  Son  bureau  de  pofte,  ,45_Ses  montagnes^ 
143   ~  Ses  mines ,   145   —  Ses   bois ,   fe^ 


\     1 


m 


f^br 


76 


TABLE 


plantes ,  14.5  —  Ses  mauufaaares  ,  145^ — Sa 
population  ,  fa  milice ,  14;  —  Habitation 
où' l'on  acoir.rEencé  à  y  rsire  du  fucre  terré, 
i^-  —  Sa  température ,  140  —  Ses  phéno- 
mènes météorolcgiqties  ,  I46  —  Ses  ramiers  , 
1^5  —  M.  de  Parades  y  eft  enterré  ,    146. 


Padreian.  Nèpre  ,  chef  d'une  révolte  aa  Petit- 
Samt-Lo'Jis ,  694. 

Paîétwvier.  Borde  la  côte  ,  240. 

Palmiers  (  Magninque  aJlée  de  )  ,  21 S  ,  742.     _ 

Paparel  {  Mde.  )  Bienfaitrice  &  patrone  dei'egli- 
lè  de  la  Marmelade  ,  273. 

Papier.  État  où  il  eft  mis  par  les  infectes  ,  382. 

Parades  (  M.  dî  ).  Enterré  à  Ouanaminthe  , 
146.' 

Paratonnerre.  —  V.  Torr.erre. 

ParoiJJh.  L'Auteur  en  adopte  la  divifion  dans 
cette  Deicription  ,  100  —  Il  y  en  a  21  dans 
la  Partie  du  Nord  ,  103  —  Il  y  en  a  cinq  dans 
la  SénéchauiTee  du  Fort-Dauphin  ,  133  —  Ce 
qu'il  faut  entendre  par  paroiffe  de  plaine,  140. 
—  On  en  avait  pr.ajeté  une  à  l'Acul  de  Sa- 
medi,  152  —  li  y  en  a  13  qui  dépendent  de 
la  Sénéchaulfée  du  Cap  ,  381.  —  Voy.  Chaque 
Paroijfe  a  foi  mot. 

, de  la  Grande-Rivière.  —  V.  Sainte-Rcfe. 

. de  Moullique —  V.  Plaine  du  Nord. 

— du  îvIorne-Rouo;e  —  V.  Plaine  du  Nord. 

-du  Qjartier  Morin — V.  Quartier-Morin. 

I du  Trou  de  Charles  Morin  —  V.  Quar- 


tier-Morin. 

du  Petit-Saint-Louis  ou  Saint-Louis   du 

]\^ord  —  V.  Pelit-Saivt-Louis. 

Saint-Louis  du  îvlorin  —  V.   Quartier- 


Morin. 

Partie  de  lOueft  ,  loo  —  A  un  commandant  en 
fécond  ,  100  —  Jugée  autrefois  plus  impor- 
tante que  celle  du  Nord  ,  607  —  Ses  commu- 
nications avec  la  Partie  du  Nord,  661  iS fui- 
'vanîes. 

Partie  du  Nord  ,  lOO  r-r-  A  un  com.mandanî  en 
fécond  ,  100  ,  102 — Ses  limites  ,  loi  ,  102  , 
Ï03  —  Safurface,  loi  ,  105  —  Par  où  ont 
commence  fes  établiffemens ,  102  —  Quand 
elle  a  eu  cinq  quartiers ,  102  —  A  cinq  quar- 
tiers ,  IC2  —  A  perdu  le  quartier  dj  Môle  , 
102  —  A  un  comraiiTaire-ordonnateur  de  la 
marine,  102  —  Chefs  qui  la  dirigent  ,  102 — 
Avait  un  Confeil  fupérieur  ,  103  —  Contient 
^  I  paroiffes  ,  dont  1 7  de  plaine  &  4  de  monta- 
gnes .   103  ,  726  —  Renferme  la  Plaine  du 


Cap  ,  103  ' —  Plus  de  la  moitié  de  fa  furface 
ell  montueufe  ,104  —  RefTifs  qui  en  bordent 
la  côte  ,  1  ?4  —  Séparée  de  la  Partie  de  l'Oueft 
par  des  montagnes  ,  104  —  Ses  chemins  de 
communication  avec  la  Partie  de  l'Oueft,  104 
661  l:S-  fuiua.ntes.  —  Ses  avantages  fur  celles 
de  l'Oueft  &  du  Sud  ,  105  —  A  été 
la  première  établie  par  les  Français  106  — 
Sa  population  ,106  —  La  fociabilité  y  eft 
plus  marquée,  ic6  — Dévaftée  par  les  Ef- 
pagaols  en  1691  ,  1S2,  183 — Dévaitée  par  les 
Efpagnols  &  les  Anglais  réunis  en  1695  ,  183 
.  Premier  exemple  d'arrofement,  282  —  A  un 
ingénieur  en  chef ,  496  —  Son  point  le  plus 
Septentrional  ,721. 

Parue  du  Sud ,    ico.  —  A    un  commandant  en 
fécond  ,  100. 

■  Efpagnole  de   Saint-Domingue.  Sa    defcrip- 

tion  ,  2 — Vue  de  fa  côte  Septentrionale  ,  294 
— Ses  communications  avec  la  Partie  Françailé, 
626 — Produit  du  froment ,    716. 

Francaife  de  Samt-Daningue.  Son  impor- 
tance, 1,2 — Motifs  qui  doivent  faire  défarer 
de  la  bien  connaître  ,  i,  2 — Sa  forme  ,  2,  3 — ■ 
Son  étendue  ,  3  —  Ses  montagnes ,  2  —  Ses 
plaines  ,  3 — Plus  chaude  &  plus  expofée  anx 
féchereffes  que  la  Partie  Efpagnole ,  4  — 
Caciques  dont  dépendait  fon  territoire  ,  5  — 
Elle  éprouve  une  pénurie  de  beftiaux  ,  5 — Sa 
population  ,  5 — Contrafte  de  fon  aipect  avec 
celui  de  la  Partie  Efpagnole  ,  294 — Son  com- 
merce avec  la  France  ,  482  —  Ses  dilFérentes 
capitales  ,  493  —  V.  Cara^ere  ,  Couleur  , 
Défer.Je  de  la  Partie  du  Nord,  Efpcgnols,  Mar.w 
faBures  ,  Maurs  ,  Partie  de  /'  Ouejî  ,  Partie 
du    Nord ,  Partie  du  Sud  ,  Population. 

Pajagers.  Barques  de  ce  nom  ,  135 — Ceux  du 
Fort-Dauphin,  135  ,  136  ,  294 — Leur  police, 
135  ,  162 — De  Jacquezy  ,  162  ,  163  ,  294 — 
•  De  Caracol ,  163  ,  163  ,  294 — De  Limonade, 
211 — Le  fifc  s'était  emparé  de  ceux  de  Limo- 
nade ,  de  Caracol  à  de  Jacquezy  ,  211  ,  212 
— De  l'embarcadère  de  la  Petite- Anfe  ,  241 — 
De  l'Acul  ,  636— Du  Lim.bé  ,  648— Du  Port- 
Margot  ,  676  —  Du  Borgne  ,  673 — Du  Port- 
de-p£ix  ,  724. 

Patate.  Douce.  Employée  avec  fuccès  comme 
engrais  ,656. 

Pau-ure  —  V.  Hôpital ,  Pro^jidcnce. 

Pa-u    (M.  de),  15. 

Paye-n.  Libraire  à  Metz  ,  premier  imprimeur 
envoyé  à  Saint-Domingue  ,  253  — Vexations 
que  le  gouverneur-général  lui  fait  éprouver , 
253  ,  254. 


•ÉIMÉMRÉM 


DES        MATIERES. 


77: 


ftàu — V.  Cov.hur. 

/•/r/^ifarj.  De  l'embarcadère   de  Limonade  ,   212. 

Penjion.  Sur  une   place    de    Sénéchal ,    puis    l'ur 

"     l'imprimerie  du  Cap  ,    355. 

Périgourdins  (  Gorge  des  ),  638 — V.  Défenfe  de 
la  Partie  du  Nord. 

Perrier  (M.).  Son  éloge  ,  306. 

Perfonnes  recommandables  par  des  taîens ,  des 
'vertus  ,  des  travaux ,  des  ejfais  ,  des  aSions 
courageufes  ,  des  dons  ,  i^c,  l^c.  i3c.  —  Leur 
éloge,  117,  134,  139,  145,  148,  149, 
160,  165,  169,  173,  174,  178,  179, 
190,    193,   196,    198,    202,    203,     216, 

jufqu'à  220;  224,  237,  242,  245,  246, 
247,  263,  268,  269,  274,  277,  285, 
291  ,    297   ,     306,    307  ,     323  ,     339  ,     348  , 

ju/qu'h  y^z;  356,  364,^366,  371,  372, 
37^»  391,  397,  399  ^  fuivautes  ;  412, 
415  ,  416  y  Jui-vantes  ;  426,  469  ,  477  , 
484,  500,  515,  539,  540  jilfqu'à  545; 
590,  592,  604,  635,  640,  641,  649, 
662,  663,  666,  673,  678,681,  691  , 
703  .  705 .  710,  715  ,  725 ,  731  ,  732  , 
743  —  V.  Larnage  ,  LeBraJJeur  ,  Maillart , 
Rejnaud    de    V  illeverd. 

Petit  Carénage.  Nom  d'un  faubourg  du  Cap , 
464   y  fuivantes. 

Petit-Goaz'e.  Quatrième  capitale  de  la  Partie 
Françaife  ,    493  —  On  y  met  un  hôpital ,  568. 

Petit- Saint-Louis  (Is).  Eii  l'une  des  plus  petites 
paroiiiés  de  la  Colonie  ,  688  —  Ses  limites , 
683  ,  692  —  Son  étendue,  688  —  Doit  fon 
établiffement  à  la  Tortue  ,  688  —  Se  nommait 
la  pointe  Palmifte  ,  688  —  Ruiné  en  1695  , 
688  —  Son  égJife,  688,  689  —  Les  Jéfukes 
y  avaient  une-feabitation  ,  688  —  Son  Bourg, 
688  ,  —  Sa  fituation  ,  689  —  Son  fol ,  6S9  , 
690  —  Ses  montagnes,  6Sg  —  Ses  cafcteries  , 
689,691  —  Ses  rivières  ,689,691  —  Ses  can- 
tons ,  690  Sa  culture,  690 —  Ses  bois,  690 
Sa  minéralogie ,  690  —  Ses  chemins,  691 
Son  état  en  1728,  691  —  Ses  indigotenes, 
69 î  —  Ses  places-à-vivres,  691  —  Sa  po- 
pulation ,  691  —  Sa  température  ,691  — 
Ses   côtes,  692   — Sa  défenfe  militaire,   693 

—  Ses  côtes  couvertes   par  la    Tortue,   093 

—  Nom   que  lui  attribue   Charlevoix' ,   694 

—  Sa    dépendance   civile  &   militaire,   694 

—  Diftance   entre  lui  -&  d'autres  lieux  ,   694 

—  Révolte  de  nègres  qu'y  excite   Padrejan  , 


■494- 
Pettte-Anfe  (  Paroifù 


de 


a).  Celle  du   Quartier 


Morin  en  dépendait  ,    z^o  ,  244  —  C'eft  par 
éAs  que  commence  la  culture  de  la  Plaine   du 


Cap,  244  —  Quand  établie  ,  27;  —  Dé- 
.  truite  par  les  Efpagnols  &  les  Anglais  en  .1695, 
275  —  Son  églife,  275  ,  282,  283 —  Ses 
regiftres  paroiffiaux,  275  ,  —  Ses  limites ,  27$ 
Son  nom  ne  lui  convient  plus ,  276  — Ses 
cantons  ,  276  —  Ses  établiffemens  &  fes  ma- 
nufaôures  ,  276 ,  277  ,  285  Son  fol ,  276  , 
283  —  Produit  de  fes  fucreries ,  277  —  Ses 
habitans  prennent  de  l'eau  dans  la  Grande  ri- 
vière ,  277  —  Sa  partie  montagneufe,  283 
Ses  eaux  ,  283  284,  285  —  Ses  eaux  pro- 
duifent  des  incruftations ,  283  Ses  che- 
mins, 283,  284— Preuves  d'habitation  par 
les  anciens  Naturels ,  284  —  Sa  tempérarure 
&_  ion  climat  ,  285  W  fuiuantes  —  On  y 
fait  une  expérience  aè'roflatique  ,  288  —  Sa 
population,  2 89  —  Sa  milice,  289  — Diftance 
entr'dle  &  d'autres  lieux,  2S9  —  L'épi- 
zootie  y  a  fai-t  de  grands  ravages ,  290  — 
On  y  a  mis  des  moutons  du  Cap  de  Bonne- 
Efpérance  ,291  —  Perfonnes  qu'elle  offre 
a  citer  ,  291  —  Son  nom  était  le  nom  pri- 
mitif du  Cap,  297. 
Petite   Guinée.  Nom    d'une    portion   du  Cap  & 

origine  de  cette  dénomination  ,433   Une 

portion  de  la  ville  du  Port-de-Paix  a  le  même 
nom  ,  706. 
Petite-Vérole.  Ses  ravages  ,  535  —  Maux  qu'eik 
caufe  en  1772,  535  —  Prétendu  preferva- 
tif  reconnu  fans  eiFet,  536  —  V.  Inocula- 
tion .  Maladies. 

Peuplier   d'Italie  ,   219. 

Pian.  Maladie  des  Volailles  ,    262. 

Picolei  (Fort).  Fortification  du  Cap,  295  — 
Son  afpeft  en  venant  de  la  mer ,  295  —  Mar- 
que l'entrée  du  port  du  Cap  ,  295.  —  V. 
Défenfe    de   la    Partie  du   Nord.    ■ 

Pièces  de  cuiwe.  Trouvées  enfouies  à  Limonade, 
208. 

Pierre  pourrie.    V.    Roc   pourri. 

Pilori.  Quadrupède   naturel  aux  Antilles,    262, 

Piment  (  h  ).  Canton  de  Plaifance  ,  656 De- 
vrait   dépendre  du    Port-Margot  ,   6--. 

Piton._  Ce  que  c'eft  ,  143  —  A  quoi' plufieurs 
doivent  leur   épithète  ,    ija. 

de    Bav.iha  ,    142  ,   294. 

des   Flambeaux,    154,    294 

des    Frégates.  D'où  lui  vient  ce  nom,  143, 

—   EU:   le    même  que    le   piton  de   Bayaha-T 
142. 

Ténèbres,    154,  294, 

Sarrafin  ,    294. 

Places-à-'viureu  Ce  que  c'eft,  100  —  De  Li- 
monade ,    190  —   De.Sainte-Rofe,    22-^'-- 

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T    A    B    LE 


Dj  Dondor. .  261  —  De  la  Petks-Anfe  ,   288. 

^     —   Dia   Cap,    592  —  De  laPiaine  da  Nord, 
629  —  Dû  Limbe  ,  645  —  Du.  Port-Margot, 
670  ,  672  —  Dj  Borgne  ,   680  —  Du  Petit- 
Saint-Loais  ,    691  — Du  Port-de-Paix  ,   723. 

Places  publiques^^  Du  Cap.  Celle  Saint-  Louis  , 
304  — .  Celle  Le  BraiTeur  ,  311,  313  —  Place- 
d'.irmes  ou  place  Notre-Dame  ,  326  ^  _/î.i- 
•vantcs  —  Projet  fur  la  place-d'armes  da  Cap  , 
331  ,  332  —  On  paffe  la  revue  des  Milices 
du  Cap  far  la  place  -  d'armes ,  332  —  La 
place  -  d'armes  eit  celle  des  exécutions  des 
criminels  blancs  ,332  —  Place  Montar- 
cher  ,  357  353,  359  —  Projet  fur  la  place 
i\îontarcher  ,  359  —  Celle  du  _Charap-de- 
Mars  ,  422  —  Forme  &  deitination  qu'avait 
cette  dernière  autrefois ,  422  —  Place  Ciugny, 
441  y  fi'.ivanîç$  —  Arbres  &  fontaine  da 
cette  place  ,  444,  445  — ia  place  Royale, 
475  y  fiùvantej — Place  la  Luzerne  ,  464  , 
468. 

. Fort- Dauphin  ,120. 

— Port  de-Paix  ,    706. 

Plaine  du  Cap.  Son  étendue  ,  103  ,  104  — 
Attire  les  bâtimens  ,  105  —  ies  premiers 
habitans  ,    183,    244,   297. 

Plaine  du  Nord.  A  été  paroiffe  de  Mcaftique 
&  paroiffe  da  Morne-Rouge  ,  627  ' —  Ses  li- 
mites ,  627  ,  628  —  Sa  forme  627  —  A  été  la 
féconde  paroi.Te  de  la  plaine  du  Cap  ,  628  — 
Son  églife  ,  62S  —  Ses  regiftres  paroiilîaux, 
62S  —  Sa  première  culture  ,  628  —  On  y  a 
tenté  la  culture  du  cacao  629  —  Sa  culture 
ailuelle  629  —  Ses  manufaiTture?  &  autres  éta- 
bliiTemens ,  629  —  Son  fol,  629 — Ses  cantons 
629  ,  630  ,  63 1  —  Son  canton  du  Grand-Bou- 
can, 629  —  Ses  eaux  ,  629 — Ses  communi- 
cations 630  —  Ses  chemins,  630 —  Ses  ponts 
630 — Ses  rivières,  630  —  Ses  côtes,  630, 
651  —  Sa  défenfe  ,  63  i  —  Ses  embarcadères , 
631  —  Ses  rivières,  63!  —  Son  morne  aux 
Anglois  63  I  —  Choies  qui  y  annoncent  le  voi- 
fmage  da  Cap  ,632  —  Sa  population  ,632  — 
Sa  milice,  632 —  Ses  rapports  civils  &  mili- 
taires ,632  —  Réfidence  de  la  defcendance  de 
Pierre  le  Long  ,  652  —  Le  campêche  y  a  été 
naturalifé  ,.632— Sa  minéralogie,  632  —  Sa 
difiance  de  plufieurs  autres  points  ,632. 

Plaijance.  Sa  coupe,  645  —  Son  importance, 
654,  661  I3  Jui-jj.  —  Sa  fituation,  654 — Ses 
premiers  établifîeiT.ens  ,  654  — Son  égiife, 
054,  656,  667 —  Ses  regiilres  pai-oiiîiaux, 
654 — Ses  limites,  655 — Ses  cantons,  655 
—  Ses  culturesj  055  ,  659  —  Son  bourg,  656 


—  Sa  maréchauiTée  ^  656 ,  668^— Son  fol ,  65e. 
657 —  M.  StoUenverk  y  employé  la  patate 
comme  engrais  656  —  Ses  indigoteries  ,  657 
Ses  cafeteries  ,  657  —  Ses  vivres  du  pays,  657 
Ses  plantes  ,658  —  Les  cannes  à  facre  y  réui- 
fjffent ,  658  —  Ses  bois,  658  —  Sa  minéraîp- 
gie  ,  658  ,  659  —  Preuves  d'il,  bitation  des 
anciens  Naturels,  658  —  Ses  montagnes  ,  659., 
666 —  Ses  rivières  ,  fes  ravines  ,  659  —  Lieu 
appelle  ia  Porte  659 — -  Piuie  annuelle,  659  — 
Ses  brouillards,  6co  —  Ses  maladies,  661  — 
Ses  communications  ,  661  à  667  — Diftrait  de 
la  fénéchauiTee  du  Port  de-Paix  ,  601 -^  Eft 
une  pofition  centrale  par  rapport  à  la  Colonie  , 
664  —  Ses  rapports  civils  &  militaires ,  668 
Sa  police  ,  668  —  Sa  milice  ,  66E  —  Sa  porte 
aux  lettres  ,  663 — Sa  diilance  de  pluiieurs 
autres  lieux ,  665. 

Plan.  On  avait  projette  celui  topographiquç  de. 
St-Dcmingae  ,  210,  662. 

Direcleur,  434  ,  488  ,  707. 

Plantes.  Efpèces  dangereuies  pour  les  beHiayy  ^ 
291  —  Leur  influence  fur  l'air,  437  — Effet 
attribué  à  celles  d'un  cimetière,  437  ,  438  — 
Expofées  au  Marché  Ciugny,  441  ,  442  ,  443 
Employées  comme  fourage  ,  442  ,  553  ,  561  — 
Grains  du  marché,  443  —  Vivres  du  pays, 
443  —  Voy.  Arbres.  Cttneiières.  Léginnss. 

Plantes  de  PIndi.  On  eflaye  de  les  naturalifer 
à  St-Domingue ,  269,  591  ,  633. 

Pluie.    138  --Voy.  Tempérciture. 

Plumier  (le  Père)  711  ,  714,  716  >  740. 

Poiiiçy  (  le  commandeur  de  ).  Goiiverneur-' 
général  des  Ifles.  Envoyé  le  Vailéur  à  la 
Tortue  ,  669 — Veut  retirer  le  Vaffeur  de  la 
Tortue  ,  695 — Ses  démêlés  avec  un  nouveau 
gouverneur-général  nommé  parle  roi,  695. 

Pointe  d'Icaque.  Sa  latitude  5;  fa  longitude,  564^ 
735- — Son  utilité  ,  693. 

Poiriers.  Efpèce  de  bignones  qu'on  croyait 
exempts'  de   la  piqûre  des   vers  ,    328. 

Pcifons.  Inasécution  d'une  ordonnance  à  ce 
lujet  ,  J02 — Le  mancenillier  en  eil  un  ,  740 
— V.  MttcandaL 

Poijfo'ns  ,  690  ,  717  »  726»  741  —  De  rivière  , 
256,  642 — Vendus  au  marché  Ciugny,  442 — 
Salés  ,  443  —  Quelquefois  dangereux  ,  53.5 — 
Dorés  ou  poifTons  de  la  Chine  ,  59c — BafTin 
où  ils  ne  peuvent  vivre  ,  629 — Appelés  tritri, 
690  ,  720. 

Poi£on-nitr  (M.)  V.  InfpeFfeur  y  dire£teur-géné~ 
rai  de  la  Médecine  ,  ae  la  Pharmacie  i^  de  la 
Botanique  des  Colonies. 

Police.  Du  Fort-Dauphin,    133 — d'Ouarsaniicilierj 


DES 


MATIÈRES. 


779 


144. — Du    Troa  ,    170 — De  Sainte  Rofe,  230 

.  — ^De  Plaifance  ,  668  —  D;s  paroifTes  de  la 
Sénéchaiiffee    du   Port-de-Paix  ,  722. 

Police.  Celle  du  fpeélacle  appartient  à  l'état- 
major  ,362. 

Des  ports  ^  480. 

— Des  quais ,   481. 

. Du  Cap  ,    327  ,    485  ,    562    —  Ses  divers 

objets  ,  fes  vices  ,   485  ,  489    t^  fid'vantes  — 
Vraies  caufes  de   {"on   imparfeaion  ,  489. 

•i (troupe  de  )  ,    487 — Son  uniforme  ,  488 — i 

Son   traitement ,    4S8  ,  723. 

Polidoi V.    Nègres  fugitij's 

Pont.  Sur  le  Fofle  de  Limonade  ,  185  ,  714, 
457  —  Projeté  fur  la  Grande  rivière  de  Limo- 
nade ,  215 — Projeté  fur  la  rivière  du  Dondon, 
256 — Pont  Maillart,  285  —  Calomnies  fur 
celui  de  la  ravine  du  Cap,  316 — Premier 
pont  fur  la  ravine  du  Cap,  321,  465 — 
Ponts  adlaels  fur  la  ravine  da  Cap,  321 — 
Projeté  à  l'embouchure  de  la  rivière  du  Haut 
du  Cap,  452  ,  457  —  Sept  ponts  projetés  , 
457— Pont  projeté  fur  l'Artibonite  ",  — 458 
Infcriptions  pour  celui  du  Cap  ,  460 — Fait 
fur  la  rivière  du  Haut  du  Cap,  595  ,  630  — 
De  la  rivière  Salée  de  l'Acul  ,631. 

Popos ,  29. 

Population.  Celle  de  la  Partie  Françaife  , 
5  —  Celle  de  la  Partie  Françaife  comparée 
à  celle  de  la  Partie  Efpagnole  &  à 
celle  de  la  France  ,  6 — Celle  de  l'île  entiè-e 
lors  de_  fa  découverte  ,  6  —  Celle  de  la  Partie 
Françaife  diftinguée  en  trois  clafles,  6 — Carac- 

.  tères  de  celle  d'une  Colonie  à  efclaves  ,  6  — 
Comment  eft  compofée  la  population  blanche- 
9 — Celle  de  Saint-Domingue  a  de  la  defcen- 
dauce  de  Caraïbes  ,  d'Indiens  &  de  Sauvages, 
67,  68^Les  nuances  les  plus  rapprochées  du 
nègre  font  les  plus  communes  ,  89  —  De  la 
Partie  du  Nord,  106  —  Du  Fort-Dauphin  , 
128,  129,  130,  132,  T34 — D'Ouanamintbe, 
145 — De  Vallière  ,  152 — Utilité  de  celle  des 
montagnes,  154 — Du  Terrier-Rouge  ,  165-^ 
Du  Trou.  178  —  De  Limonade,  212,  216, 
217  —  De  Sainte-Rofe  ,  226  —  Du  Quartier- 
Morin  ,  245 — Du  Dondon  ,  264 — De  la  Mar- 
inelade,  272 — De  la  Petite-Anfe  ,  289  —  Da 
Cap  ,  490  i3  Jui-janies  —  Nature  de   celle  des 

'  Colonies,  492 — Faible  en  enfans  ,  492 — Dif- 
ti.iilion  à  ta;re  dans  celle  de  Saint-Domingue, 
528 — Celle  du  Haut  da  Cap  ,  594  ,  595  — 
De  la  Plaine  du  Nord  ,  632  —  De  l'Acul , 
640 — Du   Limbe,    649  —  Du    Port-Mar-got  , 

-   670,   671  —Du  Borgne,  681— Du  Gros- 


Morne,  687  —  Du  Petit-Saint-Louis,  691-^ 
Du  Port-de-Paix ,  714,723-^De  la  Tortue, 
728  ,  741,   742. 

Port  ,133  — Police  des  ports  ,481. 

' àPÉcu.  Nom  que  Colomb  lui  donne,  706— 

Ses  îhlines,  712. 

Port-au-Prince.  Quand  il  a  eu  une  imprimerie  , 
355 — A  une  maifon  de  Providence  ,413  — 
Cinquième  capitale  de  la  Partie  Françaife, 
493 — Capitale  actuelle  de  la  Partie  Françaife, 
493  >  494 — Sa  diilance  du  Cap,  605. 

' de   France.  Nombre  moyen    des    bâtimens 

de  France  qu'on  voit  dans  la  rade  du  Cap,  482. 

d'entrepôt.  Le  Cap  cil  un  port  d'entrepôt  , 

480. 

Port-de-Paix.  A  un  major  ,  102  ,  698  —  A  une 
Sénéchaaffée  ,  IC3  ,  698  ,  722  —  A  uns  ami- 
rauté ,  103  —  A  été  le  chef-lieu  de  !a  miffion 
de  la  Partie  du  Nord  ,  374  —  Confidéré  com- 
me capitale  ,  493  ,  698 — Ses  hôpitaux  ,  56S  , 
724  —  Jugé  autrcfoîs  plus  important  que  le 
Cap,  607  —  Plaiilmce  en  a  dépendu,  661  , 
724—  Le    Borgne  en   dépendait,  6S1  ,  724 

—  ^  Chriftophe  Colomb  y  entre  &  l'appelle 
Valparayfo  ,  694  —  D'où  y  vient  un  nom  de 
l'Aifiente,  694  —  Favorifé  par  d'Ogeron  , 
(><^J  —  Choih  par  iM.  de  Cuffy  pour  être  le 
fiege  du  gouvernement  ,  698  —  Ce  qu'y  font 
les  Efpagnols  ,  en  1685  ,  69S  —  S'appelait 
quelquefi;is  les  Trois-P,.ivières ,  698  —  Son 
état  ,  en  i683  ,  099  —  Son  églLTe  ,  699  ,  706 

—  Reçoit  les  49  premiers  foîdats  envoyés  à 
Saint-Domingue  ,  pour  y  refter  ,  699  —  On  y 
conduit  des  habitans  de  Saint-Chriiiophe ,  699. 

—  Mortalité  qu'on  7  épro,uve  ,  700  —  Plu- 
fieurs  de  fes  habitans  tués  à  la  bataille  dff 
Limonade  ,  700  —  C'ell  là  que  la  maladie  dï 
Siam  commence  à  Saint-Domingue  ,  701  — 
M.  Dacaffe  visnt  y  réfider  ,  'joz. —  Les  Anglais 

.  &  les  Efpagnols  le  prennent  ,  en  1795  '  Z^J"" 
Sa  défenfe  militaire  ,  703  —  Son  état  après  le 
fiége  de  1695  ,  704  —  Reçoit  des  habitans  de- 
Sainte-Croix  ,  704  —  Ses  habitans  marchent 
au  fiege  de  Caj-thagène  ,  704  —  Mis  dans  Ix 
dépendance  du  Cap ,  705  —  On  veut  en 
chaffer  lcs_^habitans ,.  705 — Sa  culture  en  1699.. 
705  ~  Ce/fe  d'être  la  capitale  de  Saint-Do- 
muigue,  705- —  Ses  limites  ,  705  —  Sa  ville, 
705  —  Ses  Fues  ,  705  ,  706  —  Ses  maifons  , 
7o6_ —  Sa  place-d''armes  ,  706  —  Sa  placr; 
Louis  XVI,  706  —  Sa  fontaine  .  706  ,,  707- 
Comment  on  s'y  procure  de  l'eau  pour  boire  , 
707  -—  Son  quai ,  7C7  —  La  ville  fujette  aux 
maladies  &  caufes  cu'oa  leur  attribue     t.ot— — 


M 


m 


730 


TABLE 


Ses  mirais ,  708  ,  709  —  Son  marché  ,  709  , 
720  —  Confo.-nmaiion  journalière  de  la  ville  , 
709  —  Ses  cantoas  ,  709  i3  fid-vante:.  —  Ses 
rivières,  709,  710,  711  ,  712  ,  720  — Ses 
fucreries  ,  71G  ,  723  —  Ses  moulins  à  eau  ,710 
—  A  un  beau  canal  à  une  fucrerie  ,  710 —  Ses 
indigoteries  ,710.711,  712  »  715  >  723  — 
Ses  cafeteries  ,  711.  714 — Ses  montagnes, 
711  ,  712  ,  713  ,  720  ,  723  —  Sa  irintralo- 
gie,  711  ,  713,  714,  715  ,  719  —  Son  fol,  — — 
711,712,713  —  Ses  ciismLas  ,  711,712, 
713  ,  714,  yz^  —  Ses  falLries,  712  ,  719  — 
inondation,  712  —  Ses  bois  ,  713  —  Produit 
da  nopal  &  d'autres  cailiers  ,  713  —  Sa  popu- 


Port-Français  (  Grand  )  ,  601  ,  603  ,  604, 
622  —  A  reçu  l'amiral  des  premiers  vaiffaux 
français  envoyés  aux  Antilles ,  603  —  Éloge 
de  fon  eau ,  603  ,  604  —  A  procuré  un  mât  à 
un  vaiffeau  ,  604  — Les  anglais/  font  leur  dé- 
barquement en  1095,  4°4»  623  -^  Trait  de 
valeur  do.it  il  elt  le  théâtre  ,  604. 

^Pedt)  ,  601 ,  604  ,  622  ,  62J,, 


ition 


7H 


721 


Sa  température  ,  7 1 


3  » 


716  ,  717  —  Ses  artichaux  ,  fes  fruits ,  l'on 
mafcat,  &c. ,  716  —  On  y  a  récolté  du  fro- 
ment ,  716  —  On  y  a  eu  des  mûriers  ,716  — 
fécondité  des  femmes,    717 — Sa  zo  iogie  , 

717  ,  720  —  Ses  côtes  ,  717  —  Sa  defenfe, 
militaire,  717,718,719,  720  ,  724  —  A  le 
point  le  plus  Septentrional  de  la  Colonie,  721 
- — Son  alpedt ,  fon  utilité  aftuelle  ,  721  — 
Autrefois  chef-lieu    d'un  immenfe   quartier  , 

721  —  Les  Gonaïves  en  dépendaient,  722  — 
Ce  que  le  quartier  de  fon  nom  comprend 
maintenant,  722 — Cliangemens  fucceffifs  dans 
fon  é:at-m:îjor ,  722  —  En  quoi  il  dépend  du 
Cap  ,  722  —  A  un  Oxiicier   d'adminiitratian  , 

722  —  Sa  garnilon  ,  722  —  Sa  maréctiauffée , 

722  —  6a  tro  upe  de  police ,  723  —  Sa  milice , 

723  —  Scâ  cotonniers,  723 —  Ses  hattes , 
723  —  Ses  piaces-a-vivies ,  723  — Ses  ca- 
caoyers ,  723  —  Ses  débouchés ,  fon  commer- 


ce ,  vailleaax  qui  y  viennent  ,  724  —  6es 
paifagers  ,  724  —  Combat  au  Port-de-Paix  , 
724.  —  liùpi'ai  projeté  pour  les  pauvres  ,  724 
—  Diftance  entre  lui  &  d'autres  lieux,  725  — 
La  poiition  de  la  1  ortue  nuit  à  fa  fureté  ,  744. 
J'irl  ^u  Cap.  Sa  delcription  ,  47  l5  fui-vat^tes. 
— Nàuiragcs  qui  y  lent  arrivés,  473  ,  473  — 
Trait  iiarai  de  M.  de  Kerfaint,  4--3 — Autre- 
fois les  Efpagnols  venaient  y  attaquer  les  bati- 
mens  ,  474 —  Peut  contenir  un  grand  nombre 
de  bâtimens ,  474  —  Se  comble  ,  475  —  A 
des  vers ,  476  —  Ses  carénages  ,  477  £5  J'ui- 
manîes.  —  Abus  qu'on  y  foulFre  ,  479  —  Eft 
un  port  de  manne  ,  479  —  Ses  ouvriers  ,  479 
Lit  un  port  d' entrepôt ,  480  —  Ses  incendies  , 
4S  i  ,  482  —  Ufage  relatif  aux  capitaines  d-e 
navires  qui  y  vie.ment ,  483  —  '1  aux  moyen 
de  la  population  qu'il  prelénte  ,  492  —  Ses 
premières  fortifications  ,  607  — -  V.  Cap  i 
ûéfcfij'e  de  la  Fartie/u  Nord. 


Etait   à    Caracol  —   y. 


62S. 

de  la   Nativité 

Caracol. 

Fort-Margot     É  tabliffement      français     le     plu» 

ancien  ^prés  la  Tortue ,  663  —  Le    Vaffear 

aborde  dans  l'ilet  du  Port-Margot,  66(j,  6ja. 

Ses  premiers  etablilfemens ,  670  —  D'0~eron 
y  a  une  habitation  ,  678 — Sa  population^  670 

671  Ravagé  en  1695  ,  670 — Son  églife,  670, 
671 — A  dépendu  de  l'Acul,  67c — Ses  rivières 
&  leurs  débordemens  ,  670  ,  672 — Sa  milice, 
670-— I\I.  de  Cbarrite  en  polTédait  une  grande 
partie  ,  670 — Ses  fucreries  ,  670  ,  672— Ses 
moulins  à    eau,  67c — Ses   indigoteries  ,  671  , 

672  —  Ses  cafeteries,  671,  671  —  Ses 
cacaoyères  ,  fes  places-â-vivres ,  671,  672 
—A  des  habitations  incultes,  6t2 — Ses  o-uil- 
diveries  ,  671  ,  672 — Ses  briqueteries  ,  671  , 
672 — Ses  limites  ,  671 — Ses  cantons  ,  671  ^- 
Ses  bourgs,  671,  672 — Ses  chembs ,  671-, 
674 — Son  embarcadère,  671  ,  674,  675  — 
Son  fo! ,  672 — Sa  température  ,'  073  —  Ses 
centenaires ,  073 — Sa  coupe  ,  674 — Ses  côtes, 
674 — Sa  priion  d'Ogeron  ,  674  —  Sa  defenfe 
miJitaire,  675 — Ses  pallagers,  Ô76 — Sa  rivière 
Salée  ,  676— Obfervations  de  M  de  Puyféo-ur 
lur  cette  côte  ,  676 — Sa  dépendance  civile  & 
militaire,  677 — Sa  milice,  677 — Sa  diftance 
de  pluùeurs  autres  lieux  677 — Eloge  de  M. 
le  Gras  qui  l'habitait  ,  677  —  Favorifé  par 
d'Ogeron,   697. 

Royal   (  Ville  de).    Où  elle    était',   164, 

207 — Ses  armoiries,   164 — Ses  mines,    165. 

Saint-Thomas  ,  V.  JcnJ. 

Fcrto-Rico.  D'Ogeron  tente  deux  expéditions  , 
69g- 

Fortugais.  Furent  les  premiers  qui  introduifirent 
des  nègres  en  Amérique ,  26. 

Pofte  attx  Lettres  ,  134  ,  145  ,  171  ,  267  ,  273  ., 
439,  664,  6d8  ,  723. 

/'û/trzÉ'.  De  la  Colonie  ,  ico  —  De  la  Partie  du 
Nord,  106 — Du  Fort  Dauphin  ,  d'Ouana- 
ir.inthe  ,  145  —  De  LimonaJe  ,  ig6  —  Du 
Quiartier-Iviorin,  239  —  Première  de  la  Partie 
du  Nord ,   246  —  Eloge   de  celle  Breda  aj 

.  Hauj 


^uâss^sâsâs^^ 


DES      MATIÈRES, 


7^î 


îîaut  du  Cap  ,596  —  Du  Limbe  ,  645.  -  Voy. 
Briqueterie,  Tuilerie. 

Potier  (  M.  )•  Taleat  qu'il  a  montré  en  hydrau- 
lique, 710. 

Pouançaj  (  M.  de  )  ,  Gouverneur  de  St-Domin-^ 
gue.  Avait  acheté  une  partie  du  terrain  où  efc 
la  ville  du  Cap  ,325;  —  Réfide  à  '  la  Tortue , 
697  ,  698  —  Fait  deux  expéditions  contre 
Cube',  698. 

Poupée  De/pertes  (  M.  )  Médecin  au  Cap ,  a  les 
nianufcrits  botaniques  du  Père  Le  Pers  ,  26S 
Ses  ouvrages,  269  —  Médecin  du  roi  au  Cap, 
501  —-  Notice  fur  lui ,  541  -r-  Faits  relatifs  à 
l'hôpital  du  Cap  &  qui  le  concernent,  509. 

Pmrceai'.x  j  159  ,  262  —  On  en  élève  beaucoup 
à  l'Acul ,  633  ,  640 —  Leur  étonnante  multi- 
plication à  la  Tortue  ,  729. 

•'■  (Me  aux  ),  Voy.  La  Tortue. 

Préjugé.  Celui  des  Colonies  place  parmi  les  Afri- 
cains quiconque  s'allie  avec  eux,  81 — Il  prétend 
que  les  traits  africains  fe  reproduifent  après 
plufieurs  nuances,  86  —  Contre  le  couvent  des 
Religieufes  du  Cap,  431.  —  Yoy.  Couleur. 
Mé/alliés. 

Premier  Commis  des  Bureaux  des  Colonies  ' —  Voy. 
haporte  Lalanne. 

Premier-Con/eiller.  Titre  qui  donnait  la  préfi- 
dence  du  Confeil  fupérieuj- ,  386. 

Préf.dent.  Celui  du  Confeil  du  Cap  pris  parmi  les 
Confeillers  &  depuis  quand,  386, —  Voyez 
Confeil fupérieur  du  Cap.  Confciller.  hitendant. 
Premier-Confeilkr.  Second-Confeiller. 

" de  la  Partie  Efpagnole  à  Limonade  en 

1708,    185,    538  —  Qui  viennent  au  Cap, 

538.539- 
Prêtres ,  1 07. 

Prévôt  général. 

• grand. 

particulier, 


] 


Voy.  Maréchaujjfée. 


Pri/ons.  Du  Cap  ,  3 1 5  ,  467  —  Ce  qu'on  appelle 
au  Cap  vieilles  prifons,  32 r-Prifons  adhielles 
du  Cap  ,321,  396 — Somme  qu'on  y  applique, 
396  —  Leur  defcription  396  —  Améliorations 
qu'elles  demandent ,  396 — Eloge  d'un  con- 
cierge ,397  —  Défordre  qu'on  y  foufFre  ,  397 
—  Payaient  une  rétribution  aux  fecrétaires  des 
Adminiftrateurs  de  la  Colonie  ,  407 — Payent 
une  rétribution  aux  Providences  ,  407. 

> d'Ogeron  ,  674. 

Priii'ûge  exclufif.  L'opinion  annulle  celui  de  la 
vente   des    livres,    323  —  Des 

355- 

Prix.  —  Voy.  Cap  ,  Pajfitgers. 
Procureurs.  Ceux  du  Fort-Dauphin ,  134 — Ceux 

Tome  I.    _ 


imprimeries 


•Ceux du  Port-de-Paix,.- 


du  Cap,  383  ,  388 
722. 
Procureur  du  Roi.  Celui  du  Cap  tué  à  Limonade 

•  83.  —  V.  Amirauté.  &énéchaujjée. 

— de  l'Amirauté.  V.  Amirauté. 

Procureur-général.  Du  Confeil  fupérieur  du  Cap 
385,386,387,432. 

Promenades  publiques.  Du  Cap,  311  ,    391  ,  560. 

Proji  (  M.  )  Eloge  de  ce  négociant  du  Cap  ,  400 
Eft  l'un  des  deux  premiers  Adminiftraieurs  de 
la  Providence  du  Cap  ,  402  ,  403. 

Pro-uidence  (  Maifons  de).  Éloge  de  leurs  deux 
fondateurs ,  349  ,  394 ,  408  —  Leur  admi- 
niftration  eft  commune,  395  —  Ce  oue  les 
Adminiilrateurs  de  la  Colonie  font  erl  leur 
faveur,  403  ,    404  ,  405  —  Leur  chirurgien  , 

403  —Leur  exilknce  légale  ,   404,    405  

Leurs  propriétés  en  1769,  405  —  011  oublie 
qu  elles  ont  deux  fondateurs  ,  405  Compofi- 
tion  du  bureau  qui  les  adminiftre  ,  405  ,  406 
Où  leur  bureau  s'affemble,  405,  407  — 
Leurs  réglemens ,  405  ,  406  —  Doivent  en- 
voyer leurs  regiilres  au  dépôt  de  \"''erfaille3, 
406  —  Ont  le  produit  d'une  repréfentation 
du  fpeftacle  &  anecdote  à  cet  égard,  407— • 
Abus  introduit  dons  leur  admintih-ation  ,  407 
—Peu    d'inftruaion    de  leur  bureau  d'admi- 

niftration  fur  ce    qui  les   concerne  ,  408     

Sufpenfion  des  affemblées  de  leur  bureau  ,  409 

—  Leurs  revenus ,  leurs  dépenfes  ,410,411, 
412,  413  —  Moyens  de  leur  attirer  de  nou- 
veaux bienfaits  ,412  —  Bienfaits  qu'elles  ont 
reçu,  412  —  Ceux  qu'on  doit  mettre  au 
rang  de  leurs  bienfaiteurs,  412  —  Aftes 
mortuaires  qu'on  y  dreiîb  ,  4 î  2  —  Ont  don- 
né naiflhnce  à  une  maifon  de  Providence  au 
Port-au-Prince,  413  _  Ont  donné  des  ter- 
rains à  baux  emphythéotiques  ,  413  ,  a.14  — 
Lieu   où  l'on  a   eu  l'idée  de  les   placer',   559. 

—  ;;^°^'  ^^A'^'^C)""^  •  Dolioules  ,  DubuifTon  , 
hilliard   d\4uberteuil ,    Raynal. 

des  Femmes.  Son  origine,  394—  Son 

fondateur  ,  394  —  Elle  eft  confacrée  a  Sainte- 

Ehzabeth,    395  __  Son  éloge  ,    375   Son  ad- 


miniftration  pnmuive  .  395  ,  402  —  Reproches 
qu  elle  inipire  ,  396  ,  405  —  Nombre  à&s. 
miortunes  qu'on  y  trouve,  396    —     Où    021 


99  —  Son  adminif- 


projette  de  la  mettre  ,    3 

tration    réunie  à  celle  dé 'la  Providence  des 

hommes  ,   402.   —    V.    Dolioules. 

— —  des  Cens  de  couleur.  Son  origine,  415 
—  Celui  qui  en  efc  en  quelo ne  forte  le  fon- 
dateur, 416  —  Reproches  qu'elle  donne 
occafion   u'adrefTer  à  ceux    aui  lui  ont    nui 

LUU 


yî2 


B 


i 


^ 


diredement  ou  indireôemsnt ,    417   tf  _/«/'- 

njantei   —    Ce  que  l'Autear  a  tenté  pour  elle 

.  &  détails  curieux  à  ce  fujet,  418  l^  fui-vantes 

—  Projet  de  lettres-patentes  pour  elle,  419 
Bienveillance  dn  Miniftre  pour  elle  ,  419  — 
Coniment  fes  fucees  font  empêchés  ,419  — 
Vœux  qu'elle  infplre,  420  ,421  —  V.  jafmin. 

^ro-jzdence  des  hommes.  Son  fondatear  ,  399  — 
Son  origine,  399  —  Ses  bienfaiteurs  ,  400  , 
401  —  Son  iniHtution  &  fon  but,  401  i^ 
fui-vantes  —  Ufage  abufif  que  le  Miniftre 
veut  en  faire,  402  —  Sonadminifbration  réunie 
à  celle  de  la  Providence  des  femmes  ,  402  — 
Son  éloge  par  Larnage  ,  403  —  Quand  ca 
a  entrepris  de  la  rebâtir,  407  —  Ses  dimen- 
fions  projettécs ,  408  —  Etat  actuel  de  fes 
conitrudlions  ,  408  ,  409  —  Sa  chapelle,  408 

—  On  n'y  trouve  point  le  nom  de  Callelueyre  , 

408  —  Son  infcnption  aéluelle  &  celle  que 
l'Auteur  propofe  ,408  —  A  fen-i  d'hôpital  , 
4C9   —    Reynal  mai   informé    à    fon  égard  , 

409  —  Opinion  de  M.  Hilliard  d'Auber- 
teuil  &  de  M.  Dubuiiïbn  fon  critique  ,  4C9 
Reproches  à  faire  au  fite  de  cet  établifîement , 
40g  — .  Nombre  de  perfcnnes  qu'elle  reçoit 
à  préfent ,  410  —  Néceiîité  d'y  faire  des  chan- 
gemens,   410  —    V.    Caftel-oeyre. 

*  —  du    PcKt-au-Pri/zce ,    413. 

Pityj'fguf  (  M,  de  Chailenay  ) .  Ses  obfervatîons 
à  Saiat-Domingue ,  296,  636,  676,  684, 
721  ,    726. 


Quadrupèdes  naturels    av.x  Antilles  ,   262^ 

^.ai.  V.    Cap-Francais. 

V.    Pcrt-de-P'aix. 

Quarteron.  Réfukat  de  fes  combinaifons  avec  le 
Blanc  &  les  autres  nuances  proventies  de  mé- 
langes fucceffifs ,  72  —  Eftla  quatrième  nuance 
coloniale  ,76  —  Ses  avantages  ,  fes  défa- 
vantages  >  76  ,  77  ,  95  —  £ft  produit  de 
vingt  manières  ,84  —  Celui  qui  provient 
d'an  Bianc  &  d'une  Grilionne  ell  extrême- 
ment blanc,  80  —  Parties  bianclies  &  noires 
de   fa   nuance,    84.  83,    89 

^tartevonne.  Il  en  eft  d'auiS  blanches  que  des 
blanches    mêmes  ,77  —   ^.artercn. 

^ârteronné.  Réfultat  de  fes  combinaifons  avec 
le  blanc  &  les  autres  nuances  provenues  de 
mélanges  fucceffifs  ,  73  —  Eft  la  feprième 
nuance  coloniale,  78 —  ES  produit  de  quatre 
manières  ,  78  ,  85  —  S»3  avantages  ,  78  — 
Fardes   blanches   &  noires  de  fa  Ruance^  85 


—  A   partir  de  lui  on  retrouve   le  phyfigue 
du  Blanc  ,   98 

^ua.rterûiince.  —  V.  Sluarteronné, 

S^iiartiers.  On  a  toujours  divifé  la  Colonie  par 

Quartiers  ,102. 

de   Limonade  ,    180,  217. 
' du  Cap.  Le  fécond  de  la  Partie  du  Nord, 

102  ,    275. 

du    Fort-Dauphin.    102,     I07>    I33. 
■  du   Limbe,   64I. 

——^—  du  Môle.  Oté  a  la  Partie  du  Nord^  lo', 
Éluartier-Morin  (  le  ).   Limonade  en  dépendait  , 

181  — Le  Bois  de  Lance  en  dépendait,  i8i. 

—  Sa  milice  ,  183  ,  245  — Ste-Rofe  en  dépen- 
dait ,  184  —  Sa  denoihination  ell  bifarre  > 
2.3o_ — Dépen.lait  de  la  paroilTe  cela  Petite- 
Anfe,  230  —  Son  étendue,  230,  231.  —  Ori- 
gine de  fon  nom ,  230  ,231  —  Eil  une  paroiffe 
de  plaine  ,  231.  —  Ses  limites  ,231,  —  Soa 
fol  excellent,  231,  132  —  Produit  de  quel- 
ques-unes de  fes  fucreries ,  23!  ,  232  —  N'a 
pas  d'autre  manufafture  que  des  fucreries,  232 
Son  fucre  réputé  le  plus  beau  ,  232  —  Morne 
Pelé  qu'on  y  trouve  avec  une  mine  de  fer,  233 
Sa  plaine  due  à  la  Grande-Rivière  ,  232  — 
Ravage  qu'y  caufe  la  Gninde-Riviàre ,  233  — 
Toutes  fes  habitations  riveraines  de  la  Gran»- 
de-Rivière  pourraient  avoir  des  moulins  à  eau, 
233 — A  quatre  moulins  à  eau,  233  —  Ses 
levées  fur  la  Grande  -  Rivière ,  234  — Son 
églile  ,  234  —  Epoque  où  remonte  fes  regif- 
tres  paroilîiaux  ,235  —  Barre  éleftrique  fur 
l'habitation  GuillauJeu ,  235  — L'épizootie 
y  a  commencé  en  1772,  230  —  On  dit  que  les 
premières  cannes  à  fucre  de  la  plaine  du  Cap  ' 
y  ont  été  plantées ,  236  —  On  v  ci:Itivai:  l'in- 
digo ,  236  —  Son  peu  d'importance  autrefois-, 

236 — A  eu  le  P.  0;ivier  poar  curé,  236 

Ses  chemins,  256 — Nature  de  fes  maifcrrs 
d'habitation,  237  —  Ses  côtes,  237  —  Ses 
moyens  de  défenfe  ,  238  —  Ses  rivières ,  fes 
ravines,  238  — L'embarcadère  delaPetite- 
Anfe  en  dépend,  338  —  Le  Cscique  Guaca- 
naric  habitait  fon  territoire,  240  —  Plein  de 
preuves  du  fejour  des  Indiens,  240 — L'an- 
cien carénage  du  Cap  en  dép>endait ,  zaz — 
Sa  température  ,  245  —  Sa  population ,  245 — 
Diilance  entre  lui  &  d'autres  lieux ,  245  — 
C'eft  là  qu'on  commence  à  terrer  le  fucre  dans 
la  Colonie  ,  246  —  A  eu  la  première  briquete- 
rie, la  première  tuilerie,  îa  première  poterie 
de  la  Partie  du  Nord  ,  246  —  Hommes  uti'es 
qu'il  donne  ©ccafion  de  nommer  ,  246  —  Ses 
habitsns  rsvendiquent  l'eau  de  la  Grande-Pi- 


DES       MATIÈRES. 


m 


vière  ,   280.—  V.  Duplaa.  Embarcadère  de  la 
Petite-Anfe. 
^uiambas  ,  zj.  ■ 

R. 

Rabié  (  M.  ).  Donne  les  pîans  &  les  deffins  de 
plufieurs  établiffemens.  publics  à  Saint-Domin- 
gue, 330,  337,  424. 

Rallier  (  M.  de  )  ,  Ingénieur  en  chef  de  la  Partie 
du  Nord.  Ses  foins  pour  augmenter  l'eau  au 
Cap,  515  i^  fui'vantes — Fait  le  plan  du  pont 
de  la  rivière  Salée  de  l'Acul  ,631. 

Hamiers  ,  1^6  ,  741. 

Rang.  Des  membres  qui  compofent  le  Confeil  du 
Cap,  386,  387. 

Raque  ,  159. 

Rat.  Multiplie  étonnamment  aux  Antilles  ,   262. 

Ra'uine.  Du  Cap  ,  316,  321  ,  413  ,  422  ,  547 
^  /muantes. 

Raynal.  Mal  informé  fur  la  Providence  des  hom- 
mes ,  409  —  Son  opinion  fur  les  mala- 
dies ,  537  —  Cité  pour  l'éloge  de  Louis 
des  Rouleaux  ,  544  —  A  trop  loué  un  canal , 
710. 

Rebouc  (  Rivière  du  ).  Elle  a  été  la  limite  entre 
les  Français  &  les  Efpagnols  ,114,  167. 

Receveur-général.   Des   droits  de    M.  l'Amiral  , 

385. 
Redoute.  —  V.  Danfe, 

Régi?nent.  On  envoyé  des  Régimens  dans  la  Co- 
lonie en  1762 ,  8. 

■ de  Dillon.  Pertes  qu'il  fait ,  288. 

'  de  Quercy.  Fait  une  grande  perte  d'hom- 

mes au  Fort-Dauphin  ,    123  — Eft  d'un  camp 
au  Trou  ,  172,  173. 

■  du  Cap ,  496  —  Son  uniforme  ,  496. 

Efpagnol   de    Léon.     Pertes    d'hommes 


qu'il  fait  au  Fort- Dauphin  ,124  —  Perd  beau- 
coup de  monde  à  Ouanaminthe  ,  144. 

Règne  Minéral.  — V.  Mine,  Minéralogice. 

-.         Animal.  —  V.  Animaux. 

Végétal.  —  V.  Arbres.  Bois.  Plantes. 

ReligieuJ'es  du  Cap.  Leur  chapelle  fert  de  paroiffe, 
336,  430  —  Leur  étabUffement  dû  au  Père 
Boutin,  373  ,  426,  427,  428  —  Leurs  ftatutsi 
leur  adminiftration  ,  427  ,  428  —  Leur  nom- 
bre ,  428  —  Leur  fyndic  ,  428  —  Leur  local 
aftuel  &  changemens  qu'il  a  éprouvés ,  429  , 
430  — ■  On  loge  des .  troupes  dans  leur  cou- 
vent ,  429  —  Perfonnes  qu'elles  reçoivent , 
430  —  Ont  de  l'eau  ,431  —  Leurs  penfionnai- 
res  ,  43  î  —  Réflexions  fur  cet  établiffement 
confidéré  comme  maifon  d'éducation  ,431  — 
Bienfaits  reçus  par  cet  établiffement ,  432  — 


Les  Adminillrateurs  &  le  Procureur-général  y 
entrent ,  432  —  Sont  appelle' es  aulTi  Filles  Ste- 
Marie  ,432  —  Leur  Direfteur  ,432  —  Leijr 
habitation,  59g. 


l8l — V.    Capucins,   yéfuites. 


Religieux,    107 

MiJJîons. 
•  de  la  Charité.  Leur  hôpital 

pifal.   Produit   de  leur  fucrerie  de   la 


V.  Hé- 
Petite- 


Anfe,  576 —  Bonne  chère  que  font  ceux  da 
Cap  &  anecdote  à  ce  fujet  ,    589. 

Religion  ,  154  —  V.  Egli/e.  Miffions. 

Renioufm  (  M.  ).  Tué  à  la  bataille  de  Limonade, 
183  ,  69g,  70CS. 

Renaud  (  M.  )  ,  Ingénieur-général  de  la  Marine. 
Envoyé  aux  Colonies ,  ce  qu'il  fliit  au  Cap , 
607. 

Reptiles  203  —  V.  Ani!n3-ux. 

Réfideiece  —  V.  Adminiftration. 

ReJJifs  —  V.  Côte. 

Reunion.  Des  deux  Confeils  du  Cap  Se  du  Port- 
au-Prince  ,  103  ,  664 —  V.  Confeil. 

Ré-vol  te  ,728. 

Rey{lil.)  Créol  &  Procureur-général  du  Cap. 
Ses  ouvrages,  542. 

Reynaud  de  Villeverd  (  M.  )  ,  Lieutenant  au  Gou- 
vernement-général ,  }i  Gouverneur-général 
par  intérim.  Eloge  de  fon  adminiftration  ,211, 

215,  203,  304,  315,  343,  370,  391,  3g2,  438, 

441,  446,458,467, 502, 517.  560, 564,637, 

664,  6g  I  —  Son  logement ,  434 —  Fait  tra- 
vailler à  un  chemin  pour  fiiire  communiquer 
les  Parties  du  Nord  &  de  l'Oueft  entr'elles  , 
662. 

Rivitre.  Exemples  qu'on  peut  s'en  fervir  pour 
remblayer,  189  —  Ravines  ou  ruifiéaux  laté- 
raux du  voifinage  de  leur  embouchure  ,190  — 
Le  fond  de  leur  lit  eft  très-élcvé  ,  190  — Leur 
niveau,  190 — Avantage  de  l'élévation  de  leur 
ht  ,190 —  Celles  dont  le  lit  eft  bas  defsèchent 
les  terrains  voifias  ,  190  ,  191— Manière  d'ea 
entretenir  les  levées  ,  191  ,  192  —  Leur  re- 
dreffementeft-il  fans  inconvénient  .?  104  — Le 
fond  de  leur  lit  s'élève  à  Saint-Domingue  & 
pourquoi,    195— Manière  de  les  paffer  ,    215 

—  Ponts   projettes  fur  fept   rivières  ,   457 

V.  Chû.oue  paroijfs  à  fon  jnot. 

■ à  Galifet  —  V.  Rivière  du  Haut  du  Cap. 

de  Caracol ,    161    —  Où  eft  fa  fource  » 


174. 


-  de  Jacque%y  ,     160  ,     163  ,     168  , 


170 


175  —  i'i-ojet  de  la  redreffer  ,    170  —  Ou  eft 

ik  fource  ,    174. 

des  TroisRiviires  ,    685  ,  710. 

— —  du  Dondon  —  V.  Dondon  ,■   Marmelade. 


^^mvmiifimmmt 


7S4 


TABLE 


i 


M.i'visrâ  du  Tojfé  dz  Limonade— Y .  Fojfé  de  Lzmo- 
naae. 

*  du   Haut  du.   Cap.   A  un  bac  j    452  — 

Poiit  qu'on  y  projetait ,  55z  13  fui'uanîss.  — 
Obfervations  lur  cette  rivière  ,461  —  A  un 
pont  ,  596  ,  630  —  A  ea  des  caymaiie,  595 
Sis  débordïmens ,  630  —  Sa  fource  ,  639. 

>■  ■  d:i  Majfacre.   D'où   lui    vient   ce   nom  , 

108  —  Son  embouchure  eft  fortifiée,  m  — 
Sa  diilance  de  celle  la  Macrie  ,  127. 

— du  T^rriar-Rcuge  ,  158,  159»  160. 

• du  Trou  —  V.  Ri-were  de  jacquezy. 

■ (  Grande).  Ses   fources  ,  151,    186  — 

Volume  de  fes  eaux  ,  151  ,  187  ,  281  —  Lan- 
gueur de  fon  cours  ,  186,  192,  231  — Ses 
changemeiis  de  lit ,  186  ,  188  —  Ses  inonda- 
tions j    186  ,  187  —  Paraît  avoir  fermé  le  fol 


r,1 


celle  de  Limonade,  172,  197  —  Sujet  aux 
féchereffes ,  172 — Obfervations  fur  ce  aosi  , 
197 — Nature  de  fon  fol ,  198 — ImpreiSoû  dç 
la  chaleur  fur  ce  terrain  ,  19S. 

Roucouyers  ,  V.  Roucoit. 

Rougeole  (  la  )  536 — V.  Maladies. 

RouJJeau  ,  V.  Jean-Jacq^ues  Rcuffèau. 


S  centra.  Réfultat  de  fes  combmaifons  avec  îe 
blanv.  iz  les  autres  nuances  produites  par  des 
mélanges  fucceiEfs,  73 — Forme  la  cinquième 
nuance  ,  79  —  Elt  produit  de  trois  manières  , 
79  ,  82 — Eft  très-peu  commun  ,  79 — Parties 
noires  &  blanches  dont  la  nuance  peut  être 
form.ée  ,  82  ,  89. 


lane    de   Liaionade   &    da  Q^artier-Morin  ,     Sage-femmes.  Abus   à  reprimer  ,  41  ,  42  —  Da 

Cap  ,   502. 

Sa'.nt-Chrifiophs  (  Me  )  Partie  de  fes  habitans 
expulfés  par  les  Anglais  font  tranfportés .  au 
Cap ,  au  Port-de-PaLx ,  à  Léogane  &  à  la 
Martinique;  accueil  qu'ils  y  reçoivent,  371  , 
699  ,  700 — Ses  habitans  donnent  leur  nom  à 
une  partie  du  Cap,  433  — Mortalité  de  fes 
habitans  ,  700 — Deilruction  que  fait  de  fes 
habicans   la  maladie  de   Siam  ,  701. 

Saint-Domingue  (  ifle  ).  Surface  totale  de  cette 
île,  3 — Son  hifloire  ,  218  —  Devient  chaque 
jour  plus  fujet  aux  féchereffes  ,  224 — Comme 
on  y  perd  vite  l'idée  de  ce  qui  y  a  exiité  , 
357 — Son  climat,  527  13  fui'vc.v.tcs  —  Son 
produit  annuel,  615 — Ses  habitans  fe  révol- 
tent contre  d'Ogeron  ,  728 — Partie  Françaife 
de  Saint-Domingue. 

Saint-Laurent  (M.  le  Chev.  de  )  Gouverneur- 
général  par  intérim  des  iles  Françaifes  ds 
l'Amérique.  Vient  à  Saint-Domingue  ,  380. 

Saint-Louis.  Pris  en  1748  ,  500 — On  y  met  un 
hôpital,   568. 

.  du   Nord — V.  Petit-Saint-Louh. 


i83  ,  232  —  Jufqu'où  elle  était  navigable  au- 
trefois ,  1 89  —  Preuve  qu'elle  remblaie  , 
189  ,  237  —  Ses  infiltrations,  190  —  Ses 
débordemens  ,  191  ,  191  ,  193  ,  212  ,  213  , 
221  ,  222  ,  232 — Plan  de  redreffement  ,  192  , 
233  —  Portion  redrelîée  ,  194 — Coùteufe 
pour  ceux  qu'elle  défo'e  ,   194  —  Sa  largeur  , 

214  —  Poût  qu'on  y  a  projette  plufieurs  fois , 

215  —  A  eu  un  bac  ,  215  —  Manière  de  la 
paffer  ,   215  —  Abus  de  cette  dénomination  , 

220  — Les  naturels   l'appelaient  Guaraouai , 

221  —  Eaux  qui  s'y  jettent  ,  222  —  A  pref- 
que  tari  en  17S6  ,  234  —  Ses  levées  ,  234  — 
Moulins  à  eau  qu'elle  procure  ,  277  —  Pont 
projeité  fur  el  e  ,  457. 

la  Mairie  ,  126  ,    127 — Ce  qtie  lignifie 

ce  mot  ,127  —  V.  Rivière  du  Terrier-Rouge. 

Marion  ,    I23  ,    I29,    13I. 

I Salée-  D'où  vï^nt  communément  ce  nom  , 


188. 


Salée  de  V Acul ,  631  ,  636 — Sa  quantité 

d'eau,  631  —  Son  pont  ,631  —  Projet  de  la 
réunir  à  celle  da  Haut  du  Cap  ,  637. 

Robinsau  (  M.  de  )  ,  1 45  ,   1 60. 

»  de  Bojgon  (  M.   ).  Soin  qu'il  prend 

pour  multiplier  les  arbres  à  fruit ,    145. 

RoJ°pl>urrie}  Ce  que  c 'eft  ,    205. 

Roches  à  ravets  ,    599. 

RocLalard.  —  V.  La   Rochalard. 

Rouhion  (Père)  Religieux  de  la  Jv'îerci.  Éloge  de 
fon  talent ,  578. 

Rûucou.  Les  Indiens  en  ufaient  pour  fe  peindre, 
197 — Les  Efpagnols  le  cultivaient  ,  197 — Les 
Françr.is  n'en  font  pas  de  cas  ,  197. 

s= Cantoii  divifé  entre  la  paroiffe  c,p.  Trou  & 


Saint-Raphaël.  Paroiffe  de  la  Partie  'Efpagnole , 
252 — Chemin  entre  lui  &  le  Dondon  ,  265 
— Sa  diflance  du  Cap  ,  605. 

Saint-Yague.  Ville  de  la  Partie  Efpagnole.  Prife 
&c  brûlée  par  les  Français,  182,  594,  698  —• 
Prilé  &  rançonnée  par  les  Français  ,  6^1. 

Sainte-Croix  (  M.  le  Chev.  de  ).  Ancien  gou- 
verneur de  Belle  Ifle  ,   meurt   au  Cap  ,    33g  , 

434- 
•;— (Ifle)  Ses  habitans  tranfportés  à.  Saint- 
Domingue  ,  321  ,704 — Comment  elle  reçoit 
la  maladie  de  Siam  ,  701  —  Son  gouverneur 
devient  celui  du  Nord  de  Saint- L'oroingue  , 
704.  Sainte-', 


DES       M     A  ;  T     I    È     R     E     S. 


7^5 


Saintl-ËIixsèei/:,  V.  Pro'vidsnce  ries  fèm'nts. 
Sainte-Ro/e,  i^i — Dépendait  du  Qjartkr-Monn, 
184,   22 j — Son   nom    mJ-à-propos  changé, 
â2o— Sa  forme,  fes  limites,   220,  221 — Son 
églife,  fon  bourg  ,    221 — Ses  milices  ,   221  , 
226 — Célèbre   autrefois  par  fon  tabac  &    fon 
indigo  ,^  2:21 — pHrticularités  relatives  i  un  de 
fes   cure's  ,   222 — Ses  manufaaures  ,    fes   éta- 
blifTemens    Se     fes  produdions ,    222,    223, 
224 — Ses  ravines  ,  fes  rivières  ,  222 — Son  fol , 
223  ,  226 — Son  utilité  ,  223  • —  Ses   cantons , 
223  ,  —  Ses  chemins  ,    224  ,  228  ,  229  —  Sa 
température  ,   224 — Ses    vieillards  &  fes  cen- 
tenaires, 224— Sa  population  ,  226 — Ciraôère 
de  fes  habitans  ,  226 — Sa  falubrité  ,   226  — 
Sa  pofition  militaire,  217,  226,  614,  625 — M. 
de  Bekunce  y  établit  des  camps  ,  226,  227-— 
Ses   communications,  227  —  Cimetière   dans 
l'un  de  fes  cantons  ,    228^-A  eu  des  abeilles 
lapr;m'èredans  la   Partie  du  Nord,    229— 
jDillance  entr'elle    &    d'autres    lieux  ,229  — 
Dépend  du  Quartier  de  Limonade  ,  du  com- 
mandement   &   de  la  Sénéchauffée  du    Cap , 
229 — Ses  eaux  minérales,   22g  —  Sa  police  , 
239 — Ses   montagnes ,  294. 
Smnte-Suz,anne.   Canton    de    laimonade.    Quand 
commence  fa  culture  ,   j8i — Ses  prûduftions  , 
202  —  A   une    fuccurfale  Se  comment ,  202 — 
On  y  avait   mis  des  cailles-hupées  ,   203 — Ses 
montagnes  ,  294,  390. 
Salai/ons  ,  443 — Y.  États-Unis,  PoiJ/o.tis. 
Salim.  Du  Port-de-Paix ,  712  ,  716— Du    Port- 

à-l'Ecu,  712 — De  la  Tortue  ,  737. 
€amana.  Avait    .une    petite    Colonie    Françaife 

qui   l'abandonne  en   1676  ,  298,  698. 
^ang^Mêlg.    Réfultat  de  fes  combinaifons  avec  le 
bJanc  &  les  autres    nuances  provenues  de  mé- 
'    langes  fticceffsfs  ,  73- — Eft  la  cinquième  nuance 
'    Coloniale ,  76  —  Eft  produit   de  quatre  ma- 
nières ,    79 ,86  —  Son     rapprochement   du 
blanc  ,  79  —  PaTties  blanches  &  noires  de  lâ 
nuance  ,  86. 
Sang-Mêlée.  V.  Sang-MêU,     '-  ''■-■i"- 
$a»g~Mêlés.  ExpreffioQ  fynonyine  âe  gens  de  cou- 
leur ,  99. 
Saeto- Domingo.  Diftance  de  cette  tapi  taie  de  la 

Partie  Efpagnok  au  Cap,  605. 
fauU  ,219. 
$avannah    en   Géorgie ,  aux  Etats  -  Unis    (T A- 

méri(j^iie.  Expédition  contre  ce  lieu  ,    216. 

Sauvages.   On  en  a  amené  du  Canada  8t  du  Mif- 

fiiTipi  à  Saint-Domingue  ,    67  ,    80  ,    8 1    — 

■  '"Réfultat  de  leurs  combinaifons  avec  le  Blanc , 

Je jNègre  &  les  nuances  interniédiaires  74,81  — 


Leurs  cheveux  ,81  —  Sont  affimiîés  aux  Blancs 
pour  les  droits  politiques,  81  —  V.  Cardibes. 
Indiens ,  Naturels. 

SéchereJJe.    V.    lempéraiure. 

Second-Cnnfdller.  Titre  qui  donnait  laPréfidencs 
du  Conieil  Supérieur ,  386  —   V.   Préjîdent. 

Sénéchal,  134  —  Du  Trou,  170  —  Celui  du 
Cap  tué  à  la  bataille  de  Limonade  ,  183  —  Du 
Cap,  380  ,  381  ,  382  ,  383  —  V.  Sénéchaujfée. 

Sénéchauffée.  Membres  dss  Senéchauffees  ,  où  affis 
dans  le  Confeil  Supérieur  ,  387. 

— — du   Cap,  103    —  Où  elle  a  tenu  fes 

feances  .  316,  324,  383  —  Lieu  où  elle 
s'afTemble  ,376  —  A  un  tableau  de  Louis 
XVI,  377  —  Sa  création  ,  380 — vSa  comn 
pofition,  380  —  Son  territoire  ,  381  — Treize 
paroiilés  qui  en  dépendent,  381  —  Son  inftal- 
lation,  381  —Ses  regiftres  ,  381  —  Incendie 
qu'elle  éprouve,  381  —  Ses  premiers  officiers 
tués  à  la  bataille  de  Limonade  en  1691 ,  381 
Ses  commencemens,  381  —  Son  Sénéchal 
380,  381  ,  382],  382,  —  Son  Lieutenant-par- 
ticulier ,  380  ,  383  —  Ses  AfléfTeurs  ,383  — 
Son  Procureur  du  roi ,  38c ,  383  —  Ses  Subfti- 

tuts  ,  388  —  Son  Greffier,  380,  383  Ses 

Greffier-commis,  383   — SonAudiencier,  38? 

—  Sa  compétence  ,    383  ,    384  —  Ses  Huif- 
fiers,  382  ,  383  ,  384  — Ses  Procureurs ,  383, 

—  Ses  Notaires  ,  384  —  Avait  originairement 
la  compétence  maritime  ,  384  —  Son  droit 
de  païîage  au  Cap,  455  —  Eft  chargée  de  I3 
police  ,  485  iJfui'vantes  —  Rend  vingt-mille 
jugemens  par  an  ,  489  —  Établie  d'abord  au 
Haut  du  Cap  ,   564. 

■ du  Fort-Dauphin  ,    103,   133,    13. 

—  V.  Sénéchauffée  du   Trou. 

1 — ; — —  du    Port-de-Paix  ,103   —    Sa   créa- 
tion ,     380  —  Son  territoire,   381   Le 

Borgne  en  a  dépendu  ,  381 ,  681  —  Plaifance 
en  a  dépendu,  661  —  Quand  créée  ,  698  -^ 
Son  étendue    Se   fa  compofition  ,    722. 

— — ;; du  Trou.  Devenue  celle  du  Fort-Dau^ 

phin  ,  170  —  Inftallée  par  qui  ,  170  -^  oi 
fe  tenait  fes  audiences,  170  —Son  premier 
Senechal  ,170. 

Sénégalais  ,26. 

Sept-Frîres  {m^ts  àsi)  ,    136,    293. 

Sépulture.    Abus    dans    la   paroiffe    du 
179   —    V.   Cimetière. 

Serpent  —   V.    Vaudoux. 

Siam  ^ —  y.    Maladie   de    Siam. 

Société  des   Sciences    SS?    Arts   du   Cap  ,    ».  , 
Ses  Mémoires  ,  fes    ouvjages ,  fes    utiles  tra 
vaux,    165,.  229,  283,  291  ,    349,   35,^ 

M-  m  m  iii  xn 


Trou. 


157  ^ 


T     A_  B     LE 


I 


4 


/ 

i 


îSj.  c5'  fy.i'-jMtes  ,  --zô  —  Sou  inftitution  , 
ia  compoiidcn,  347  ,  348,  351  —  Les  Ad- 
mlaifti-iteuîs  l'encouragent,  350,  563  — Ob- 
tient des  lettres-patentes  ,  350  —  Ce  que 
l'Académie  des  Sciences  fait  pour  elle,  350  — 
Ses  luccès  auprès  des  Mufees  de  Paris  ,  de 
Bordeaux  &  de  Touloufe  Se  de  la  Société  d'A- 
griculture de  Paris  ,  351  —  Noms  de  fes  pre- 
miers  fondateurs  ,   3.5.1   —   Ses   bienfùteurs  , 

-     351  —  2°^*  éloge  ,  510,  51L,  546,  720.. ' 

Socos  ,  29. 

Sel,  198,  20^  —    V.  Chaque  parc-£i  21/071  mot. 

Solano   (  Don  .Jofepll  ).   Ce  i'rélident  de  la  Partie 

Efpagf.oie  vient  deux  fois  au  Cap,  366,  53,9. 
.  Sofcs  ,  z8. 

Spafme.    —    V.   Maladies. 

Speclach.  Du  Cap.  Son  origine,  346  — Son  lo- 
cal aduel  ,  369  —  Sa  recette  à  ia  dépenfe  , 
360  ,  362  ,  370.  —  Loges  honorifiques  ,  361 
—  Loge  appelée  du  Confei!  ,  fon  origine  , 
362  —  Sa  "police,  362-,  363  —  Ses  acteurs 
&  éloge  de  plufieurs  d'entr'eux.,  363,304, 
36-  —  Qaand  les  gens  de  couleur  y  ont  été 
admis  ,  365  —  Anecdote*  plaifantes  de  ce 
fpe£lac'.e  ,  361;  —  Perfonnes  remirquahles  qu'on 
y  a  vues  ,  566  —  EiTai  de  pièces ,  368  —  Il 
eH  deferté  pendant  cinq  mois  &  demi  &  pour- 
quoi ,  368  ,  369  —  AAears  des  théâtres  de 
France  qu'on  y  a  v.xs,  369  —  Cas  où  le  fpec- 
tacle  efl:  gratuit,  fermé  ou  en- relâche,  370  — 
Défenfes  d'engager  un-aéteur  d'un  autre ipeila- 
cle  ,  370  —  Acleurs  à  qui  l'on  refufe  la.  fe- 
pulture  ,  370  —  Aclei 
pour  parrains  ou  marraines  ,570 
tao-es  ,371  —  D.oane  une  repréfentation  an- 
nuelle au  pront  des  maifcns  de  Providence  , 
407    —   V.    Jean   Jacques    Roujfcau. 

Staphtop.    (  M,  le  chevalier  de  )  ^_  122.  ^ 

&ubftituts  ,  des  Procureurs  du  roi  des  Sénéchauf 
fées.  Veillent  à  la  police  légale  dans  les  pa- 
roi ffes  ,    144,   230,383,    722. 

,^ du    Procureur-général  du  Lonleii  da 

Cap  ,   386  ,    387. 

Sacre.  Première  hacàtation  où  l'on  en  fait  de  terre 
à  Ouanaminthe  ,  145  —  Celai  de  la  paroiffe 
du  Qjartier-Moriii    réputé  le  pliis   beau,    233 

Le  premier  qui  ait  été  terré  dans  la  Coloras, 

246   — ^    V.   Belin  de  Vilh-ieicve  ,    Sucrerie. 

Sii:rcrie.  De  la  Partie  Françaife  ,  100.  —  De 
la  Partie  do  Nord  ,  106  —  Du  Fort-Dauphin, 
J2-,  ,  IJ2  —  De  Minbaroux  ,  140 — D'Oua- 
naminthe  ,  140  ,  141  —  Du  Terrier-Rouge, 
Ï57  .  159  ,  ,172 —  Du  Trou  ,  172,  174— 
î?2  Limonade,   1S4  ,  155  ,    197  —  De  S.ai-nie- 


urs   ou  Actrices  reiafés 
Ses  avan- 


Pvofe  ,  *2  2 —  Du  Qi^arti'.TTMorin  ,  232  — 
De  la  Petite-Anfe,  276  ,  277  ,  576  —  Du 
Cap  ,  595  —  De  la  Plaine  du  Nord,  .629^ 
—  De  l'Acul  ,  639  —  Du  Limbe  ,  643  — . 
Du  Port-Margot,  670. —  Da  Gros-Morue, 
Giâ  —  Du  Port-de-Paix  ,    711  ,,  723. 

Sv.pterfhaJion  ,    207. 

Sfndtc.  Des  Religieufes  du  Cap  ,    428  ,   432.  ■<»-- 
Des  hâbitans  de  la  Tortue,  728.- 


Tabac  ,  7  —    Premier  objet  du  con'.nierce  calo-.- 
niai,   24 —    Première  culture  de  Limonade, 
181  —  De  Sainte-Rofe  ,  2zi    —  Eflki  d'une 
manufaclure  de   tabac  en  poudre  ,  246  —  De 
la    l'ortue  ,  742. 

Tannerie   (  Bourg  de  la  )  ,  iSo. 

Tanner'as  ,100  —    Sont  toutes  dans    la  Partic- 
du  Nord  ,  106  —  Une  au  Flaut  du  Cap  ,  J96. 

Température.  Du  Fort-Dauphin  ,  132.  —  D'»..)ua- 
naminthe  ,  146  — De  \'allière,  155  — Du 
Terrier-Rouge,  165  —  Du  Trou,  175,  178 
• — De  la  -  Marmelade ,  178  270,  271  — 
De  Limonade  ,  213.  — De  Sainte-Rofe  ,    224 

—  Du  Quartier  -  Morin  ,  245  —  Du 
Dondon ,  261  ,  262  — De  la  Petite-Anfe  , 
228,  285  — Du  Cap,  511  ^  fuii'antes  — -- 
Du  Limbe  ,  645  —  De  Plaifance  ,  65,7  , 
659,  65o —  Du  Port-Margot ,  673  —  Du 
Gros-Morne,  686 —  Du  Petit  Saint -Louis  \r. 
691    —   Du  Port-de-Paix  ,  2\^^7J-§i-.—       , 

Terragc  du  fucre  ,    198  ,    650.  --•-  ,  •■-':*<[.; 

Terrier- Ri,uge  (  le  ) ,  155  —  Sa  forme,  155  — Sa 
fituation  ,  fes  limites  ,  fon  fol,  156  ,  157 — Ses 
Hianufaftures  ,  1,56,  157,  159  —  Ses  rivièresj 
fes  ravines  ,  156,  157,  159 — Ses  cantons, 
156,  157 — Sujet  aux  féchereffes ,  156,  157, 
164  —  Les  Jéfuites  y  avaient  une  fucrerie  , 
157  —  Origine  de  ce  nom  ,  1,57  —  Son  bourg, 
1.58 — Q.iand  il  eft  devenu  une_paroiiîé  158, 
Sa  côte,  i6o  ,  161  —  Ses  eflers  ,  i6q  —  Sa 
défenfe  militaire  ,  160 — S.es  embarcadères  , 
i6r,  i.6i,  163  —  Ses  baies,  161 ,    162,   165 

—  C'eii  dans  cette  paroiife  qu'ont  été  natura- 
ralifés  les  premiers  caiiers  de  l'Iile  ,  164—  A 
de  la  luzerne.,  164. —  Sa.  température,  164 
—Une  mule  y  prodiiit ,  165  —  Sa  population, 
365 — Sa  milice  ,  165  —  Sa  diftance  de 
pi uiieurs  lieux  ,   165  — Y.Car&col.   Jacquez.y. 


TUanc 


L2  —  V^.  Maladies. 


Thermomètre —  \'^oy.  Température, 
x'kihaiih  Du-uernay  (  M..  ).  Trait  de.  fon  ccuragew:. 
y .  F.crt^la  Bouque. 


DES  MATIÈRES. 


?87 


ITonn^rr-:  ,  205,  25^5,  692— Paratonnères  ,  37  ï  , 
393  >  525  —  Au  Cap  524..  — ■  V.  Tet:jpé rature. 

/Tortue  (  la  ).  Fournit  les  premkrs  cultivateurs  de 
la  plaine  du  Cap,  183,  244. ,  2ç>7  ,  69.8  — 
Première  Capitale  &  premier  établiffement  de 
la  Partie  Françaife  ,  493,  668,  670,  695,  697, 
698,727  —  Ses  bois,  608,741,  743  —  Dé- 
tails hiltorJques  ,  668,  669  ,  695  ,  696  ,  728  , 
739  —  A  donné  liou  à  la  fomiation  du  Petit- 
Saint-Loiiis  ,  688,  693  —  Caufes  de  fa  dé- 
cadence, 698  —  Dépend  du  Port-de-Paix  dès 
1685  ,  698 — Devient  un  lieu  de  convalefcence, 
;;oo  —  Son  canal,  720  ,  741  ,  743  ,  744  — 
Éloge  que  l'Auteur  lui  adreffe  ,  726  —  Sa  fi- 
tuation  ,  726  —  Sa  latitude ,  fa  longitude  , 
726,  727  —  Son  étendue,  727,  730  —  Sa 
diftancs  de  plufieurs  lieax  ,  727  —  Sa  forme 
&fonnom,  727,  735,  738,  739,  740,  742 
— _Ses  côtes  ,  727,  731  î^ fuiv.  —  Sa  popu- 
îation,  728 —  Sa  défenfe  militaire  ,  728,  732, 
.  734,  741  — Ses  habitans  avaient  un  fyndic  , 
-  728  —  Fournit  des  Flibuiliers  pour  attaquer 
Curaçao  ,  728  —  M.  de  Bias  y  vient  &  y 
nomme  un  gouverneur  ,  728  —  Se  dépeuple  , 
abandonnée  en  1694,  728  — On  y  envoyé 
des  lépreux  ,  728  —  S'appellait  Ifle  aux  Pour-- 
ceaux,  729  ,  741  —  Son  état  d'abandon  juf- 
qu'en  1768  ,  729  —  Concédée  par  le  Roi  à 
Mad.  de  Montrevel ,  729 —  Son  arpentage  & 
fon  plan  topographique,  730 — Affermée  & 
vendue  depuis  à  IVL  Labaitut ,  731  —  Son 
chef-lieu  eit  la  Baffe-Terre,  731,-00  des 
vaiffeaux  de  M.  Calmzac  y  iroaille  ,  731  — '■ 
La  Tour  &  le  Fort  le  Vaffeur  ou  la  Roche  , 
732,  741  —  Ses  eaux,  732  ,  734,  735  _  Sa 
pomte  de  Portugal,  734 — Sei  produaions  , 
73+ >  73s  '  730,  742  —  Ses  cavernes,  734 
—  Avait  autrefois  fix  établiffemens  ,  735  — 
Ses  indigcteries,  736,  737,  738.— Ses  falines,, 
737  —  Sa  minéralogie  ,.738  ,  740  — Son  Anfe- 
à_  îréfor,  739  —  Analogie  entre  fa  conforma- 
tion &  celle  des  parties  correfpondantes  de  la 
grande  ÎIeSt-Domingae&  dePîle  deCube,  740 
Son  fol,  ■741  —  A  beaucoup  de  ramiers  ,  74.Ï 
N'a  point  d'huîtres,  741 —  Sa  population , 
74.1,  742  —  Ses  chemins.,  742. —  Eloge  de 
Ibn  propriétaire  aftuel ,  742  —  Idées  que  cette 
îleinfpire  ,  743— On  y  cultive  le  cafier,  7^3— 
Toa  dépendance  civile  &  militaire  ,  744—!.  Un 
vaiffeau  a  péri  fur  fes  côtes  ,  744  —  Sa  pofition 
eil  défavantageufe  pour  le  Port-de-Paix  ,  744. 

Tortue  ,  144  ,  720. 

Taiirhefalineufi.  Le  long  de  la  mer  ,   209  —  Le 
fea,y  prend  fpontanément  >  20g, 


2'repiblement  déterre  ,   106,  £39,  177,  286,    257, 
^336,  526,  661,  716.  —  Voy.  Te>npércit!,rc. 

Trenie-lix  mois  —  V.  Enfrapé, 
rtbunal  lerrier ,  190. 

Trcis-RtHjih-cs.  —    Voy.    Ri--jure   des  Trats-Ri- 
'vières. 

Trou  (  le  ).  Sa  forme ,  165  ~  Sas  limites  ,  î66 
— Ses  noms  &  fes  éubliffemens  primicifs,  166,- 
167  —  A  eu  un  hôpital  ,  168  — Son  bourg  , 
168,  170 — Maifon  d'éducation  prooofée  avec 
la  flatue  de  De  Clieux  ,  169  —  Ses  rivières  , 
i70i  177  >  178  —  A  eu  une  Sénéchauffee  ^ 
170, —  Sa  pohce  ,  fa  maréchauffde  ,  fon  bu- 
reau des  poftes  ,  171  — Ses  cantons  ,  ,171  — 
'74'  177  —  Ses  fucreries ,  1,72,  174,  175— 
Sujet  aux  féchereffes ,  172  ,  174,  175  _  Son 
loi,  172  ,  175  — Sa  polition  militaire,  172  , 
626 —  Ses  gorges,  173  —  Ses  manufadures  , 
175,  178  — Sa  température,  176,  178  — 
Effai  du  cotonnier ,  1 77  _  Sa  population  ,178 

—  Ses  milices  ,    178  —  Ses   débouchés,  178 

—  Pérfonnes  qu'il  a  vu  naître  ,  178  —  Sa  dif- 
tance  de  plufieurs  points,  179  —  Pérfonnes 
âgées  qui  y  font  mortes,  179  —  Ses  monta- 
gnes ,  294 —  Pont  projette  ,  457. 

Troupes.  Eavoyées  en  1762  ,  8  — Cantonnées  ai* 
^  Trou,  172,  173  —  Venues  avec  M.  de  Bel- 
zunce  ,  209  —  Où  elles  font  la  parade  au  Cap  , 
393  —  Leur  logement,  423  ,  425  ,  426  ,  429  s 
45'  /  4^4  —  Premiers  foldats  envoyés 
à  Saint-Domingue ,  699  —  V.  Défenfe  de  la 
Partie  du  hord  s  Foiu-Dauphin  ;  ■  Hôpital  ; 
Pcrt-de.-Paix. 
7'uileries.  Du  Fort-Dauphin-,  129  —  De  Limo- 
nade ,  196 —  La  première  de  la  Partie  du 
Nord  ,  246  —  De  la  Petite-Anfe  ,  276  —  D« 
PAcul  ,  639  —  Du  Limbe  ,  645  —  V.  Brique-  - 
ter  les. 

u,. 

"Utrel  (M.  ).:S<5n  éloge  ,   ix-g. 

V.- 

Vaiffeau-x.   Premiers  valiffeaux^de  l'État  enî-oyé»  ' 
aux  AntiUes  ,  603.: 

Vai^-ore{M..àt   ).  Intendant ,    121  ~  Concourt' 
à  l'établiffement  de  la  Société  des  Sciences  & 
Arts  du  Cap  ,  350. 

V allier e,  131  —  EU:  montsgneujf  ,  i47~Quand  • 
formé  ,  147  ,    148  ,  151  —  Porte  ie  nom  d'un- 
gouverneur-général  ,    137— Ses  cantons ,  147,  - 
148  —  Querelles  avec  les  Efpagnois  pour-  im-^ 


m 


4 


f85 


TABLE 


t 


territoire  ,  148  ,  149  ,  150  —  îVL  de  Ciioifeul 
infîae  uir  la  poîTejion ,  149  —  M.  de  Lilan- 
cour  détermine   à  en  faire  une  paroiiTe ,    150^ 

—  Ses  limites ,  150 — Ses  rivières ,  150,  151 

—  Son  fol ,  151  —  Sa  population  ,  152 — Son 
iiilioire  natui-elle,  i:;2.  155  — Pi-euvet,  que 
les  anciens  Naturels  l'habitaient ,  i  qz  —  N'a 
point  de  marché  ,152  —  Son  églife  ,  152  — 
^aifons  de  lui  préférer  i'AcuI  de  Samedi ,    153 

—  Sa  milice  ,  154  —  Ses  débouches,  154 — 
Sa  température,  154,  155- 

Valliere  (M.  le  Chev.  de  ).  Gouverneur-général. 
Son  nom  donné  a  une  paroiffe  ,  147  —  Fait 
réparer  la  coupe  de  Pkifasce  ,  662. 

Vaudoux.  —  V.  Danfs. 

Vaudreuil  (M.  de).  On  lai  doit  le  premier  che- 
min entre  la  Partie  du  Nord  &  celle  de  l'Oueft 
far  le  territoire  français,  104  ,  661  ,  664,  666 

■  . — Rue  &  fort  de  fon  nom  au  Cap  ,  345  ,  440  , 

612,613  —  Soii    éloge,  345,    612  —  Faif 
fortifier  le  Port-de-Paix  ,  717  —  V.  D-éfenfe  de 
la  Partie  du  h'ord  ;  Embarcadère. 
Vent ,  211  ,   526  —  Effet  de  celui  d'Eft  fur  les 

■  arbres,  181  — Efpèce  de  combat  entre  celui 
de  l'Eft  &  de  l'Oueft,  716  —  V.  Température. 

Verjus  (M.).  Créol  du  Port-de-Paix.  A  deftiné 
fa  fuccelïïon  à  un  hôpital    pour   les  pauvres  , 

724- 
Verret   (M.)   Ingénieur-hydraulicien.    Ses  utiles 
opérations,     128,    193,   202,  281,    517 — 
Vint  de   la  Louifianne  s'établir  à  l'embarca- 

612,  641. 


dère  de   la  Petite-Anfe  ,  242. 
Vers.  Attaquent  les  vaiîTeaux  ,    476, 
Vétérinaire.     V.  Artijie  vétérinaire. 
Vieillards.  De  Sû'ax.-]b:)m.mgae  ,    537. 
Vienm  {M.  le  Marijuis  de  ) ,  Gouverneur-géné. 


rai.  Enterré  dans  l'égîîfe  du  Fôrt-Dîupliiû,  ïzô* 
Villes.   Oiûfs   qii'eiies  recèlent  ,  153. 
— ^ des   Colonies    coa:idérées    comme    de» 

p  aees  de  guerre  ,    4S9. 
Vin  de  Falme.  Effet  qu'on  lui  attribue,   38. 
Viticent  Olliuier.  E.oge  de  ce    nègre  centenaire  » 

224. 
Vi'vres  duPays.  V.   Places-à-vit/rts^ 
Voiture  Publique  ,  1-38  ,  664. 
Vclailles  ,  202  ,  272  ,  442. 
Volcan.   V.  Miner.Jogie. 
Voûte  à   Minguet.  Sa    defcription  ,    263'*— Idée» 

des  Indiens  fur  fon  origine  ,  264. 
Voyer  ,   134  ,  488. 
——— principe  >  134. 

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Waljh  (  M.  )•  Avait  fait   venir    des  chameaux  , 

Wewves  le  jeune    (M.).   Éloge  de  fon  ouvrage 

fur  les  Colonies  ,  543. 
Willis  (Anglais),  Se  rend  maître  de  la  Tortue  , 

668  —  Sa  mauvaife  conduite  ;  eft  challé  de  la 

Tortue  ,  669. 
Worlock  (M.).  Ses  obfervations  météorologiques 

au  Trou  ,  176 — Son   éloge  ,    fes  fuccès   dans 

l'inoculation  ,  247  ,  536  —  Son   ouvrage   fur 

l'épizootie,  247. 


Yolofes  j  27. 


Zingres.  Defcendans  d'Indiens,  j^,   8ju 


Fin  de  la  TaMe  âes  Maiihts  JuPrmîer  Volamp 


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