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Full text of "Des divers styles de jardins, modèles de grandes et petites résidences, sur l'art décoratif des jardins; jardins européens et jardins orientaux"

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DES 
DIVERS  STYLES  DE  JARDINS 


Exemplaire 
spécialement    tiré  pour 


LE    ROI    LOUIS   XIV,    MM.    DE    LOUVOIS   ET  LE   NOTRE 

étudiant    les  parterres   de  Versailles     eniboo 

par  Etienne  Allegrain  (i 644-1 736) 

Musée  de  Versailles 


DES 

DIVERS  STYLES  DE  JARDINS 


Modèles  de  Grandes  et  Petites  Résidences 


SUR    L'ART    DECORATIF    DES    JARDINS 


JARDINS   EUROPEENS   ET  JARDINS   ORIENTAUX 


,^  Par 


MJ  FOUQUIER  et  A.  DUCHÈNE 


PARIS 

Emile  PAUL,  Editeur 

loo,  Faubourg  Saint-Honoré 

i9'4 


Avant   Propos 


Dans  le  mouvement  de  vogue  actuelle  des  Jardins  à  la  Française,  il  m  "a  paru  inté- 
ressant de  donner  une  suite  à  mon  ouvrage  «  L'Art  des  Jardins  du  xv^  au  w^  siècle  ».  J'en  ai 
été  sollicité  de  divers  côtés;  et  il  pouvait  être  utile,  au  moment  où  s'étend  chaque  jour  davantage 
la  diffusion  des  idées  classiques  du  xvn''  et  xvni''  siècle,  de  mettre  à  la  portée  de  tous  la 
faculté  de  reconstituer  le  beau  style  français,  non  seulement  dans  les  grands  domaines,  mais 
aussi  dans  les  petites  résidences. 

Il  est  incontestable  que  le  goût  des  jardins  pa\'sagers  en  Angleterre  s'implanta  chez 
nous  progressivement,  et  qu'il  remplaça  presque  partout  l'ancien  style.  Si  l'on  songe  également 
combien  de  châteaux  ont  été  détruits  pendant  la  Révolution  et  restaurés  dans  le  genre  paysager 
il  est  aisé  de  saisir  l'intérêt  qui  s'attache  à  la  reconstitution  d'un  ensemble  souvent  disparu 
de  nos  jours.  L'architecture  d'une  demeure  semble  logiquement  devoir  être  complétée  par  une 
décoration  de  jardins  d'un  style  analogue  ou  tout  au  moins  concordant. 

Je  dois  à  M.  Duchêne  la  belle  suite  d'illustrations  et  la  description  des  plans  qui 
complètent  cet  ouvrage.  Le  chapitre  de  la  rénovation  des  jardins  à  la  française  au  xix'^  et  au  xx"' 
siècle  est  extrait  de  son  œuvre,  et  c'est  seulement  pour  cette  partie  qu'il  a  bien  voulu 
m'accorder  sa  précieuse  collaboration. 

J'ai  cherché  à  donner  le  plus  grand  nombre  de  reproductions  et  d'images,  où  les 
architectes,  les  décorateurs  et  les  amateurs  de  jardins  trouveront  une  documentation  sûre. 

En  présentant  ici  les  jardins  orientaux  j'ai  voulu  oftrir  aux  novateurs  d'art  les  moyens 
de  faire,  dans  un  ensemble  classique,  des  production  nouvelles,  dont  la  fusion  et  une  heureuse 
adaptation  seraient  le  côté  particulièrement  souhaitable  de  leurs  créations. 

Il  naît  déjà  des  grands  principes  du  goût  français  mêlé  aux  brillantes  conceptions  orien- 
tales, un  genre  nouveau  qui  consacrera  une  fois  de  plus  les  qualités  de  nos  artistes. 

MARCEL  FOUQUIER. 


<2A 

oMonôieiiiP  Léon   lézard 

'^ouù-'^Sectétahe  d'(Etatj 
deô  ^eau.\-Z4zt(LJ) 


Préface 


Nos  pères  délaissèrent  leurs  jardins.  Ils  leur  préféraient  la  nature  inculte  et 
sauvage.  Mais  maintenant  le  charme  est  rompu  :  les  esprits  délicats  se  piquent 
d'aimer  extrêmement,  à  la  manière  de  La  Fontaine,  les  vergers,  les  fleurs  et  les  om- 
brages. Il  n'est  plus  de  Français  qui  ne  se  préoccupe  de  dessiner  autour  de  sa  demeure 
quelques  parterres  propres  à  l'encadrer  harmonieusement.  Les  parcs  de  Versailles,  de 
St-Cloud,  de  Fontainebleau,  ont  leurs  ajnis  attentifs  à  veiller  sur  leur  grâce  séculaire, 
et  à  les  défendre  contre  les  injures  du  temps  et  des  barbares.  Les  architectes,  les  sculp- 
teurs, les  décorateurs  s'efforcent  de  collaborer  à  la  renaissance  de  l'art  des  Mollet  et 
des  Le  Nôtre.  Les  écrivains  eux-mêmes  célèbrent  et  encouragent  une  mode  si  char- 
mante et  si  conforme  au  génie  de  notre  peuple. 

Dans  cette  littérature  les  livres  de  M.  Marcel  Fouquier  sur  les  châteaux  et  sur 
les  parcs  en  France  tiennent  une  place  t7'ès  importante.  Leurs  somptueuses  illustra- 
tions choisies  avec  discernement  et  compétence  ont  fait  beaucoup  pour  la  restauration 
du  goût.  Ces  images,  reproduction  de  tapisseries,  de  tableaux,  de  gravures  et  de  plans 
nous  ont  révélé  des  beautés  inconnues,  une  tradition  oubliée.  Grâce  à  M.  Fouquier  nous 
avons  pu  suivre  son  développement  sur  la  terre  de  France  depuis  les  courtilsdu  Moyen- 
Age  jusqu'aux  perspectives  ouvertes  par  Le  Nôtre  sur  l'infini,  nous  avons  pu  com- 
prendre comment  cette  tradition  s'est  détournée  de  la  voie  royale  où  le  génie  de  Gabriel 
essaya  vainement  de  la  maintenir,  et  perdue  dans  la  forêt  romantique.  D'excellentes 
photographies  nous  ont  mis  au  fait  des  efforts  teiités  depuis  trente  ans  par  les  Duchêne 
pour  ressusciter  un  art  qui  se  mourait  dans  l'oubli  de  ses  règles  et  de  ses  principes. 
L'influence  d'un  ouvrage  comme  L'Art  des  Jardins,  sur  le  châtelain  qui  demeure  aussi 
bien  que  sur  l'architecte  qui  construit,  est  indéniable. 

Cependant  ce  livre,  si  volumineux  qu'il  fut,  était  nécessairement  incomplet. 
M.  ^Marcel  Fouquier  s'efforce  d'enrichir  une  documentation  ébauchée  dans  ses  Châteaux 
de  France,  et  à  laquelle  il  consacre  désormais  son  activité  intellectuelle.  Il  s'est  associé 
aujourd'hui  M.  A.  Duchêne  pour  composer  un  nouveau  volume  sur  le  jardinage. 
Cette  collaboration  de  l'historien  averti,  du  critique  érudit,  et  de  l'un  des  techniciens  les 
plus  savants,  de  l'un  des  jardiniers  qui  possèdent  le  mieux  la  tradition  est  pleine  de 
promesses. 


M.  A.  Duchêne  a  donné  sa  mesure  dans  la  création  de  Voisins,  dans  les  res- 
taurations de  Vaux- le- Vicomte,  du  Marais,  et  en  maints  endroits  de  France,  d'Europe 
et  d'Amérique.  Son  esprit  est  subtil,  ingénieux  et  meublé  des  plus  beaux  exemples.  Le 
secours  de  son  savoir  et  de  son  expérience  est  aussi  p>-écieitx  pour  l'écripain  qui  peut 
parler  des  jardins  que  pour  quiconque  songe  à  dessiner  un  parc. 

Le  livre  de  ces  deu.x  auteurs  ne  se  borne  pas,  cette  fois,  à  traiter  du  jardin 
français  ou  dhin  art  qui  s'y  rattache  directement  par  son  influence  ou  ses  inspirations. 
Nous  y  verrons  des  jardins  Assyriens,  Arabes,  Chinois,  Indous,  Japonais,  Persans, 
Tiirco-Mauresques  et  toutes  les  variétés  de  parcs  et  de  vergers  en  honneur  dans  V Eu- 
rope durant  les  temps  modernes.  Ce  recueil  ne  constitue  pas  seulement  un  ensemble 
de  documents  et  d'analyses  d'un  grand  prix  pour  l'amateur  de  jardins,  c'est  une  des 
plus  riches  matières  qui  puisse  être  offerte  au.x  rêveries  du  dilettante  et  à  la  méditation 
du  philosophe. 

Cet  art  des  jardins  —  dont  on  nous  représente  ici  les  chefs-d'œuvre  accompagnés 
d'une  glose  raisonnée  —  trahit  plus  clairement  que  tout  autre  le  goût  collectif  d'un 
peuple,  ses  facultés,  ses  dons,  son  genre  de  vie,  sa  conception  de  la  beauté.  Il  y  a  rela- 
tivement peu  de  vocations  de  peintre  ou  de  statuaire.  Nous  avons  presque  tous  celle  du 
jardinage.  C'est  un  art  social.  On  y  voit  directement  l'homme  aux  prises  avec  la 
nature.  Il  l'accommode  selon  son  penchant  particulier,  et  surtout  selon  une  tournure 
d'esprit,  des  habitudes,  un  canon  de  beauté,  qui  appartiennent  à  la  cité,  au  peuple 
tout  entier;  l'homme  de  métiei-  effectue  la  mise  au  point,  l'application  pratique  des 
idées  qui  flottent  autour  de  lui;  le  jardinier  de  génie,  un  Le  Nôtre,  ne  fait  que  con- 
duire à  la  perfection  une  conception  populaire. 

C'est  pourquoi  l'art  des  jardins  moins  que  tout  autre  ne  saurait  être  étudié  en 
lui-même,  abstraction  faite  du  caractère  national  et  des  inclinations  collectives  d'où 
sont  nés  ces  paysages.  Les  critiques  qui  adoptent  cette  méthode  risquent  de  ne  percevoir 
dans  leurs  analyses  que  des  apparences,  et  de  ne  point  saisir  l'essence,  ou  l'âme  de 
ces  architectures  végétales.  Ils  n'entrevoient  que  la  forme  des  divinités  boccagères,  ils 
n'entrent  point  dans  l'intimité  du  dieu  qui  recèlent  ces  fontaines,  ces  charmilles,  ou 
ces  bosquets.  Il  existe  d'évidentes  analogies  entre  les  jardins  Maures,  les  jardins  Ita- 
liens et  ceux  de  Versailles.  Mais  ces  analogies  sont  superficielles.  M.  Marcel  Fouquier  a 
raison  de  noter  que  les  Croisés  importèrent,  en  Europe  certains  raffinements  et  quantités 
de  fleurs  jusqu'alors  inconnus.  Mais  l'idée,  jadis  accréditée,  que  nos  ancêtres  apprirent 
en  Orient  à  dessiner  leurs  vergers,  ne  repose  sur  rien  de  réel.  Sur  quoi  se  fonde-t-on 
pour  affirmer  que  les  Arabes  furent  les  initiateurs  des  Italiens,  qui  auraient  été  eux- 
mêmes  nos  maîtres?  Les  nymphes  qui  sous  le  soleil  de  Perse  aiment  à  s'ébattre  le  long 
des  étroits  canaux  pavés  de  faïences  apurées  ne  sont  point  celles  qui  inspirèrent  l'archi- 
tecte de  la  villa  d'Esté,  non  plus  qu'André  Le  Nôtre.  Les  dieux  que  chantent  Saadi  ou 
Firdoussi  n'ont  rien  de  commun  avec  ceux  de  Virgile  ou  de  La  Fontaine.  Les  jardins 


de  Vaux,  de  St-Cloiid,  les  parcs  de  Louis  XIV  étaient  peuplés  de  motifs  décoratifs 
venus  d'Italie,  des  fontainiers  florentins  travaillaient  aux  grands  eaux  de  Versailles, 
mais  il  n  'r  a  rien  d'' Italien  dans  la  distribution  de  Versailles,  dans  son  agencement 
qui  représente  si  exactement  notre  esprit.  A  une  certaine  époque,  las  d'une  beauté  dont 
la  discipline  exige  une  perpétuelle  tension  de  l'âme  et  une  victoire  toujours  renouvelée 
de  l'esprit  sur  les  sens,  nous  avons  essayé  de  briser  avec  notre  tradition  et  d'inventer 
pour  nos  jardins  des  formes  nouvelles.  Nos  avenues  rectilignes  se  transformèrent  en 
allées  serpentant  entre  les  bosquets  et  les  massifs  fleuris,  au  milieu  des  pelouses  acciden- 
tées, nos  parcs  se  couvrirent  de  pavillons  chinois,  de  pagodes  à  la  manière  orientale. 
Encore  en  cet  instant  obéissions  nous  plus  à  un  dérèglement  de  notre  propre  sensibilité 
qu'aux  influences,  aux  modes  venues  d'extéme-orient,  et  l'épithète  de  romantique  con- 
vient-elle infiniment  mieux  à  ces  jardins  que  celle  d' anglo-chinois,  qu'on  leur  attribue. 

Je  crois  donc  d'une  bonne  méthode,  s'il  nous  plait  de  rêver  sans  écart 
d'imagination  su>-  la  magnifique  imagerie  réunie  par  MM.  Fouquier  et  Duchêne, 
de  ne  point  comparer  entre  elles  ces  gravures  dans  la  volonté  d'y  découvrir  une  filia- 
tion, un  enchaînement,  une  évolution  comme  on  eut  dit  au  temps  de  M.  Brunetière,  à 
travers  le  temps  et  d'une  contrée  à  une  autre,  mais  bien  plutnl  de  chercher  â  démêler 
la  secrète  beauté,  l'âme  particulière  que  chacune  recèle. 

«  Les  hommes  sont  parlinii  essentiellement  différents,  »  écrivait  le  comte  de 
Gobineau.  «  Leurs  passions,  leurs  vues,  leurs  façons  d'envisager  eux-mêmes  les  autres, 
les  croyances,  les  intérêts,  les  problèmes  dans  lequels  ils  sont  engagés  ne  se  ressemblent 
pas.  »  C'est  pourquoi  chaque  peuple  a  tout  naturellement  créé  un  décor  différent  à  sa 
promenade  ou  à  sa  rêverie.  Et  comme  dans  chaque  groupe  ethnique  une  faculté  semble 
dominer  les  autres,  c'est  cette  faculté  prcpondérame  qui  s'est  imposée  à  la  nature  elle- 
même  et  lui  a  dicté  sa  loi. 

Jardins  de  la  sensibilité,  jardins  de  volupté,  jardins  du  caprice  et  de  la 
fantaisie,  jardins  de  la  grâce  et  de  l'élégance,  jardins  de  l'imagination  déchaînée, 
austères  jardins  de  l'intelligence  ;  l'homme  s'est  plu  à  donner  au  paysage  selon  l'hu- 
meur qui  l'entraînait  la  forme  de  sa  pensée  et  les  mouvements  de  son  cœur! 

Il  y  a  peu  d'années  encore  le  dilettante  se  fut  rejoui  de  la  variété,  de  la  diversité 
même  de  ces  beautés  et  se  fut  gardé  de  montrer  à  l'une  d'entr'elles  quelque  préférence. 
Leur  attrait  lui  eut  paru  également  légitime  et  justifié  par  leur  seule  existence.  Le 
point  de  vue  de  la  critique  s'est  déplacé.  Le  choix  nous  est  apparu  comme  l'essence 
même  de  la  vie  humaine.  «  Bien  qu'au  fond  tout  se  vaille,  dit  le  philosophe,  il  faut 
cependant  choisir  si  l'on  veut  vivre.  »  Même  dans  le  domaine  de  l'esthétique,  il  est  sage, 
salutaire  et  fécond  de  faire  son  choix,  d'établir  une  hiérarchie  entre  nos  plaisirs.  Si 
la  dignité  de  l'homme  réside  dans  l'exercice  de  sa  raison,  si  cette  faculté  lui  appartient 
en  propre  et  le  distingue  du  reste  de  la  création,  les  satisfactions  que  nous  donnons  à 
notre  intelligence,  à  notre  jugement  doivent  être  tenues  pour  les  plus  hautes,  les  plus 


nobles.  L'art  qui  se  propose  de  satisfaire  l'esprit  comment  l'homme  vcritablcmenl 
homme,  ne  le  préférerait-il  pas  à  celui  qui  n'a  d'enchantement  que  pour  les  sens? 

M.  Duchéne  aime  philosopher.  Un  tel  raisonnement  au  début  de  sa  carrière 
n'a  pas  été  sans  prise  sur  lui,  et  â  enté  d'un  penchant  hérité  l'a  conduit  à  renouer  avec 
des  principes  délaissés  depuis  plus  d'un  siècle,  l'a  mené  à  rechercher  dans  l'œupre  de 
Le  Nôtre  les  lois  de  son  art.  Ils  s'est  dit  également  que  tout  se  qui  se  tente  dans  un 
pays  conformément  au  génie  de  la  race  réussit  beaucoup  plus  aisément  que  ce  qui  est 
entrepris  en  un  sens  opposé  à  des  tendances  séculaires.  Et  c'est  ainsi  qu'il  s'est  fait, 
volontairement,  et  de  propos  délibéré,  le  tenant  de  cette  grande  école  classique  qui 
nous  valut  les  merveilles  de  Versailles,  de  St-Cloud,  de  Meudon,  de  Chantilly  après 
celles  de  Fontainebleau,  de  St-Germain,  de  Rueil  et  d'Anet... 

A/.  Marcel  Fouquier,  dans  ses  livres,  ne  balance  pas  plus  que  A/.  Duchêne 
sur  le  terrain,  à  marquer  sa  préférence.  Elle  va  à  la  perfection  créée  par  le  génie  de 
Le  Nôtre,  qui  s'accorde  à  la  fois  avec  les  vœux  de  la  haute  humanité  et  le  goût  inné 
de  notre  peuple.  Le  texte  qu'on  va  lire  en  prend  une  valeur  éducatrice  très  certaine. 
Les  faits  l'attestent  :  nos  jardiniers  ont  tout  perdu  quand  ils  se  sont  éloignés  de 
la  tradition  que  l'univers  à  baptisée  française.  Ils  ont  tout  à  gagner,  ils  se  mettent  en 
mesure  d'ajouter  quelques  fruits  à  tant  de  beautés  déjà  réalisées,  s'ils  se  rallient  je 
ne  dis  point  à  la  lettre,  mais  à  l'esprit  de  cette  tradition... 

Lucien  CORPECHOT. 


Les  jardins  au  moyen  âge 

L'histoire  des  jardins  a,  comme  toute  autre,  une  philosophie  et  une  moraHté. 
Elle  tient  aux  arts,  aux  sciences,  aux  mœurs,  et  à  la  civilisation.  On  en  jugera  dans 
la  première  partie  de  cet  ouvrage.  Ce  fut  dans  les  monastères  et  dans  les  châteaux  que 


Litorary 


Ton  retrouve  à  l'époque  du  moyen  âge  la  première  trace  des  jardins.  On  y  cultivait 
les  plantes  potagères,  ou  les  fleurs  le  long  des  hautes  murailles.  C'était  donc  ou  le 
jardin  d'utilité  destiné  à  la  culture  des  légumes  seuls,  ou  le  jardin  d'agrément  dont 
le  nombre  était  fort  restreint,  et  dans  lequel  le  seigneur  venait  respirer  le  frais,  à 
l'intérieur  des  murs   de  sa   forteresse.   Charlemagne  qui   avait,   dans   les  guerres 


d'Italie,  remarqué  la  richesse  des  palais  et  leurs  parcs,  en  rapporta  l'idée,  et  fit 
cultiver  toutes  sortes  de  plantations  dans  ces  jardins  royaux,  mais  ce  fut  surtout 
lors  des  guerres  d'Orient  que  l'horticulture  fît  de  grands  progrès.  Les  Croisés  qui 
avaient  pu  observer  les  conceptions  de  la  civilisation  orientale,  très  en  avance  sur 
la  nôtre,  implantèrent,  avec  les  produits  nouveaux,  le  goût  des  fleurs  en  France; 


la  renoncule,  la  jacinthe,  le  lilas,  le  laurier,  le  mimosa  et  surtout  la  tulipe  venant 
de  Turquie,  devinrent  la  parure  des  jardins  nouveaux.  Et  la  vue  de  toutes  ces  jolies 
fleurs  engendra  à  l'époque  une  sorte  de  poésie  douce  qui  fut  l'origine  des  conteurs 
et  des  trouvères.  Ce  fut  aussi  l'apparition  du  préau  avec  ses  petits  carrés,   et  à 


l'intérieur  des  maisons  la  courtille  avec  ses  plates-bandes.  A  Paris,  les  courtilles 
les  plus  en  vogue  au  xni^  et  xiv'  siècles  étaient  celle  du  temple  et  de  Saint-Martin. 
Les  jardins  de  ville  étaient  alors  environnés  de  haies  couvertes  et  de  treilles  enlacées 
avec  tonnelles,  qui  tenaient  par  les  deux  bouts  à  des  pavillons,  ceux-ci  même  se 


—     3     — 


Heioot  Roi  d:b:Na-vasiii^  kbche,rchee,n  Mamags  ' 


HENRI  DALBRET,  ROI  DE  NAVARRE,   iSo3-i555 
îille  une  marguerite  dans  les  jardins  d'Alençon  pour  sa  fiancée,  Marguerite,  sœur  de  François  I' 

—     4     — 


trouvaient  souvent  au  milieu.  II  y  avait  quelquefois  à  la  place  du  pavillon  du  milieu, 
une  fontaine  jetant  l'eau  par  la  gueule  d'un  lion.  Enfin,  et  c'était  là  une  nouveauté, 
on  y  voyait  un  labyrinthe,  comme  dans  les  jardins  de  l'hôtel  Saint-Paul,  rue  Saint- 
Antoine,  appelée  la  maison  de  Dédalus.  Grâce  aux  missels  de  l'époque  on  retrouve 
exactement  ce  qu'était  le  jardin  d'alors.  Celui  de  l'hôtel  Saint-Paul,  œuvre  de 
Charles  V,  avait  une  certaine  superficie,  vingt  arpents  environ,  et  les  merveilles 
qu'il  y  fit  lui  valurent  une  réputation  universelle.  Il  y  avait  une  ménagerie  avec  des 
bêtes  sauvages,  des  oiseaux  exotiques,  dont  un  perroquet  —  l'oiseau  rare  —  et  si 


l'on  rapproche  cette  innovation  de  celles  que  trouva  le  «Grand  Roi»  trois  siècles  plus 
tard,  on  voit  quelle  en  fut  l'origine.  La  treille,  Charles  V  était  célèbre.  Elle  a  laissé 
son  nom  à  la  rue  Beautreillis,  et  ses  jardins  semés  de  marjolaines,  de  lavandes,  de 
fraisiers  éclipsaient  tous  les  autres,  au  point  que  ces  prodigalités  faillirent  lui  faire 
perdre  son  surnom  de  Charles  le  Simple. 

A  côté  de  ceux-ci  on  peut  citer  les  jardins  du  roi  d'Anjou  au  xv'^  siècle  dans 
sa  riche  province  de  l'ouest,  avec  parterres,  corbeilles  de  fleurs  et  «  la  Roue  »  à 
lignes  rondes  garnies  de  plantes  variées  s'enchevêtrant  les  unes  dans  les  autres. 


sorte  de  labyrinthe,  ce  labyrinthe  que  les  jardiniers  du  xvi"  siècle  vont  affectionner 
tout  particulièrement  et  qui  deviendra  au  xvn^  siècle  un  dédale  de  bosquets,  de 
fontaines  et  d'enjolivements  les  plus  divers. 

Il  faut  sortir  de  France  pour  trouver  au  xiv'^  et  au  xv"  siècles  des  jardins 
comparables  à  ceux  de  Charles  V.  Et  c'est  de  la  rivalité  entre  la  cour  de  France  et 
celle  de  Bourgogne  que  naquit  en  Flandre  le  célèbre  jardin  de  Philippe  le  Bon, 
puis  de  Charles  le  Téméraire.  C'est  aussi  de  cette  époque  que  date  l'art  de  tondre 
les  arbres  en  formes  variées;  on  peut  voir,  alors,  le  patron  des  jardiniers  saint 
Fiacre,  dans  un  miniature  de  la  bibliothèque  de  l'arsenal,  se  tenant  au  milieu  des 
arbres,  avec  une  sorte  de  couteau  pour  tailler  les  arbustes,  un  sac  à  graines 
et  une  bêche. 

De  tous  côtés  se  propageait  le  goût  des  jardins  d'agrément.  Thierry  de 
Haarlem,  qu'on  a  appelé  Thierry  Bouts  ou  Stuerbouts,  avait  peint  au  milieu  du 
xv'  siècle,  vers  1460,  un  tableau  dit  «la  sentence  injuste  de  l'empereur  Othon».  On  y 
voit  à  droite  du  château-fort  dans  un  petit  enclos  le  jardin  avec  ses  carrés  et  ses 
plates-bandes.  Ce  tableau  est  actuellement  au  musée  de  Bruxelles.  Dans  une 
miniature  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'arsenal,  reproduite  et  publiée  par 
nous  dans  l'Art  des  jardins,  on  voit  la  belle  Oriande  et  le  seigneur  Maugis  devisant 


—     6 


dans  le  jardin  près  de  la  poterne,  dans  l'enceinte  des  murailles  de  la  forteresse,  c'est 
au  mois  de  mai,  après  le  repas,  à  l'heure  où  chantent  les  oiseaux.  Comme  dans  le 
tableau  de  Thierry  de  Haarlem  le  jardin  est  entouré  d'une  barrière  avec  une 
fontaine  à  l'intérieur,  supportée  par  une  colonnette  avec  plusieurs  jets,  sur  la  pelouse 
sont  des  fleurs  variées.  Du  Cerceau,  dans  un  intéressant  ouvrage,  nous  donne  une 
idée  très  exacte  de  l'arrangement  des  jardins  d'après  les  reproductions  de  châteaux 
anciens,  tels  que  Montargis,  Bury;  presque  tous  sont  attenant  à  la  demeure, 
ou  situés  dans  un  cercle  environnant.  La  fusion  ne  devait  avoir  lieu  qu'un  peu 
plus  tard.  Au  xv*^  siècle,  les  forteresses  ne  le  permettaient  pas  dans  la  disposition  de 
leur  architecture.  On  a  pu  le  constater  dans  la  reproduction  des  estampes  publiées 
par  nous  dans  VArt  des  jardins.  Mais  leur  caractéristique  telle  que  l'indique  la 
miniature  de  Maugis  et  de  la  belle  Oriande  c'est,  pour  le  jardin  d'être  en  dehors  du 
château-fort  lui-même,  et  relié  par  une  fausse  poterne.  Des  parterres  fleuris,  des 
tonnelles,  parfois  un  labyrinthe,  des  pots,  des  arbres  taillés  en  formes  géométriques, 
et  des  damiers  de  gazon  ;  tels  étaient  les  jardins  des  couvents,  des  abbayes,  les 
vergers  d'alors,  aussi  bien  que  ceux  des  châteaux  fortifiés,  en  ajoutant  quelques 
herbes  aromatiques  ou  des  plantes  odorantes  comme  la  violette,  le  lis,  la  rose,  l'iris. 
Sur  des  bancs  de  pierre  l'on  venait  respirer  le  parfum  de  toutes  ces  fleurs.  Les 


.  OR.lNTH  I  A 


plates-bandes  étaient  bordées  de  buis,  séparées  les  unes  des  autres.  Or  ces  damiers 
qui  avaient  une  forme  de  compartiments  vont  bientôt  disparaître  pour  être 
transformés  en  parquets,  c'est-à-dire  en  rectangles  carrés  de  gazon,  séparés  par  des 
allées  sablées. 

C'est  alors  que  se  réalise  une  innovation,  caractéristique  prélude  de  la 
Renaissance;  les  parquets  étaient  des  parterres  sans  compartimentations  avec  le 
centre  en  gazon.  Une  large  plate-bande  de  même  nature  encadrait  cette  partie  cen- 


trale; un  sentier  faisait  la  séparation;  une  haie  ou  une  palissade  en  treillis  recouverte 
de  verdure  était  établie  sur  l'axe  de  la  plate-bande.  Cette  dernière  était  inter- 
rompue sur  une  certaine  largeur  au  milieu  des  quatre  côtés.  Les  parterres  compor- 
taient une  division  des  plus  variées  soit  en  carrés,  soit  en  rectangles  souvent  recoupés 
en  diagonales.  Il  y  en  avait  avec  des  cercles  concentriques,  ou  avec  des  courbes; 
d'autres  contenaient  des  dessins  établis  dans  l'aspect  des  broderies  d'étoffes 
Renaissance.  Des  arbres  ou  arbustes  taillés  étaient  placés  aux  angles  des  grandes 
divisions  des  parterres;  ceux-ci  se  composaient  d'une  série  de  quatre  figures 
carrées  ou  rectangulaires  séparées  les  unes  des  autres  par  de  petites  allées, 
quelquefois  chaque  figure  contenait  des  dessins  différents  et  ne  concourant  pas  à 
un  effet  d'ensemble;  ou  bien  au  contraire,   ils  étaient  formés  par  la  réunion  de 


quatre  figures  dont  les  dessins  géométriques,  ou  en  formes  de  broderies,  concou- 
raient à  un  effet  d'ensemble;  enfin  on  en  trouvait  d'autres  qui  étaient  formés  de 
quatre  carrés  ou  rectangles  dont  chacun  reproduisait  le  même  motif  sans  chercher 
à  atteindre  un  effet  d'ensemble.  Plus  tard,  le  parterre,  tout  en  gardant  sa  forme 
carrée  ou  rectangulaire,  comportera  des  dessins  de  toute  nature,  des  broderies 
composées  suivant  deux  axes  perpendiculaires  ou  avec  une  rosace  au  centre;  mais, 
en  général,  ce  seront  quatre  parties  indépendantes  les  unes  des  autres. 

Donc,  en  résumé,  au  moyen  âge,  avant  la  Renaissance,  les  jardins  ne 
comportent  que  de  simples  damiers  ou  compartiments  géométriques  remplis  de 
fleurs  et  de  plantes  diverses,  mais  avec  la  Renaissance  commencent  les  parquets, 
c'est-à-dire  les  rectangles,  les  carrés  sertis  de  plates-bandes  de  même  nature  avec 


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un  large  sentier.  La  palissade,  ou  la  haie,  se  trouve  sur  l'axe  de  la  plate-bande 
qui,  elle,  est  ouverte  dans  le  milieu  des  axes  transversaux.  Et  l'on  voit  petit  à  petit 
les  dessins  géométriques  et  les  broderies  se  composer  avec  deux  axes  perpendicu- 
laires et  des  rosaces,  des  parties  rondes,  elliptiques,  courbes  ou  diagonales.  Mais 
au  début  du  xvi'^  siècle,  la  conception  des  ensembles  et  de  la  perspective  n'existait 
pas  encore.  Il  faudra  des  hommes  de  talent  comme  les  Mollet  et  Boyceau  de  la 
Barauderie  pour  créer  cette  grandiose  idée. 

On  doit,  à  notre  avis,  réagir  contre  l'opinion  qui  s'est  accréditée  longtemps 
que  les  jardins  français  dérivaient  de  l'Italie.  En  jetant  un  rapide  coupd'œil  sur  les 
parterres  de  Blois,  publiés  par  du  Cerceau,  et  qui  sont  ci-après,  on  se  convaincra 
de  l'importance  qu'avaient  alors  les  fieurs,  leurs  variétés.  On  trouve  notamment 
dans  un  recueil  de  l'époque  leur  description,  et  on  comprend  qu'elles  n'avaient  rien 
à  envier  aux  jardins  italiens.  Androuet  du  Cerceau  donnant  la  description  de  Blois, 


dit  «qu'il  y  avait  là  de  beaux  et  grands  jardins,  différent  des  uns  des  autres,  aucuns 
ayant  larges  allées  à  l'entour,  aucunes  couvertes  de  charpenterie,  les  autres  de 
coudres,  autres  appelées  à  vignes.  Sortant  des  jardins  du  lieu  l'on  va  à  une  allée 
couverte  d'ormes  à  quatre  rangs  jusques  à  la  forêt  prochaine.  On  peut  aller  du 
chasteau  à  l'ombre  sous  les  arbres  d'icelle  jusques  à  la  dicte  forêt».  La  Touraine  si 
appelée  le  verger  de  France,  était  par  sa  situation  et  son  climat,  la  contrée  la  plus 
riche  en  châteaux  avec  Blois,  Ghenonceaux,  Chambord,  Azay,  c'était  le  séjour 
préféré  de  la  cour;  Ghaumont-sur-Loire,  Amboise  sont  pleins  de  souvenirs 
historiques  des  Valois. 

A  Fontainebleau,  sous  François  I"  commence  une  brillante  ère  de  jardins 
divisés  en  trois  on  remarque  les  jardins  du  roi,  des  buis  et  des  pins  avec  les 
petits  parterres,  les  allées  symétriques,  les  broderies  de  gros  buis,  les  statues  par 
Benvenuto  Gellini,  les  carrés  semblables  à  ceux  du  Jeu  de  Paume  à  Saint-Germain,  du 
château  de  Madrid,  et  à  celui  de  Villers  Gotteret,  peut-être  làtrouvera-t-on  quelqu'in- 
fluence  itahenne  due  aux  guerres  de  François  I",  mais  cette  influence  ne  dominera 
pas  longtemps  le  goût  français,  qui  n'était  pas  dans  le  tâtonnement.  La  théorie  de  l'art 
semblait  faite,  son  but  est  posé,  ses  règles  ni  ses  procédés  n'ont  rien  d'arbitraire. 
L'intelligence  a  fait  son  éducation,  on  est  sorti  du  chaos  du  moyen  âge,  et  c'est  le 
développement,  l'épanouissement  de  ce  goût  français  qui  va  s'affirmer.  Le  dessin  va 
devenir  large  et  riche  et  la  décoration  somptueuse  et  variée.  Dans  la  peinture  de  ses 


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Type  de  parterres  de  la  Renaissance   par   D.    Lor 


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parterres,  le  jardinier  trouvera  des  couleurs,  qui  seront  la  variété  de  ses  fleurs,  le 
problème  de  la  composition  est  résolu  par  les  progrès  de  l'horticulture.  Charles 
de  Lécluse  se  donna  très  ardemment  à  cette  tâche,  dans  laquelle  il  mit  tout 
son  talent. 

Mais  la  Touraine  et  l'Ile  de  France  n'étaient  pas  les  seules  provinces  où  les 
seigneurs  avaient,  autour  de  leurs  anciennes  forteresses,  agrémenté  leurs  maisons 
de  jardins. 

En  Anjou,  les  princes  de  Rohan  Guéméné  possédaient  les  plus  riches 
collections    de    fleurs    semées    dans    des    parterres    de    broderies. 

A  Vallery,  en  Bourgogne,  le  Maréchal  de  Saint-André  avait,  dit  du  Cerceau, 
«  un  parc  d'assez  bonne  grandeur  avec  les  plans  de  vignes  de  Beaulne,  Orléans, 
Muscat.  Outre  cecy  un  grand  jardin  fermé  en  parement  par  dedans  d'arcs  de 
brique,  à  l'occident  duquel  est  une  gallerie,  qui  contient  vingt-neuf  arceaux,  et  au 
bout  de  chacun  côté  d'icelle  un  pavillon  ». 

A  Gaillon,  en  Normandie,  que  construisit  le  cardinal  d'Amboise  «  le  logis, 
écrit  du  Cerceau,  est  accomodé  de  deux  beaux  jardins,  et  entre  deux  une  place 
en  manière  de  terrace  que  M.  le  cardinal  de  Bourbon  à  présent  maître  des  lieux,  a 
fait  approprier  d'édifices.  Or  est  ce  jardin  accompli  d'une  autre  belle  gallerie  et 
plaisante,  ayant  sa  vue  d'un  costé  sur  le  jardin  et  de  l'autre  vers  la  rivière.  Près 


14 


de  là,  un  petit  jardin,  et  dans  iccluy  force  piédestaux  sur  lesquels  sont  posées 
des  figures  entières,  avec  ce  quelques  allées  bercées  couvertes  de  couldres,  estant 
la  place  de  cet  hermitage  fort  mignarde  et  jolie,  et  autant  plaisante  qu'autre  qui  se 
puisse  trouver  ». 

C'était  encore  Anet  qui  appartenoit  à  M.  de  Brezé,  mari  de  Diane  de  Poitiers, 
décoré  et  restauré  par  Jean  Goujon  et  Philippe  de  Lorme  avec  de  superbes  jardins. 

Puis  aux  environs  de  Paris,  Rambouillet  dont  le  parc  était  célèbre,  et  qui 
appartenait  à  Jacques  d'Angennes,  enfin  Saint-Germain  en  Laye,  dont  l'image  est 
reproduite  ci-contre  qui  fut  l'objet  de  toute  la  sollicitude   François  I"  et  plus  tard 


Le    CHATEAU    DE    CoURANCE. 

d'Henri  II.  «  C'était  là,  dit  encore  du  Cerceau,  que  la  vue  du  côté  du  Midi  est 
aussi  belle  que  l'on  seaurait  désirer,  comme  ainsi  soit  que  du  chasteau  on  voit 
l'assiette  de  Paris,  Montmartre,  Saint-Denis,  et  plusieurs  autres  lieux  ». 

L'estampe  publiée  par  Androuet  est  des  plus  intéressantes.  Une  grande 
innovation  semble  s'y  dessiner;  l'idée  des  terrasses  superposées  est  nettement 
établie.  Elles  s'étagent  les  unes  au-dessus  des  autres  avec  des  motifs  ornementés, 
tout  en  conservant,  et  cela  est  typique,  les  premiers  parterres  rectangulaires 
au  début.  C'est  l'ordonnancement  qui  apparaît  comme  à  Verneuil,  construit  par 
M.  de  Boulainvilliers,  et  agrandi  par  M.  le  duc  de  Nemours. 


—     i6 


PORTmX  DES  CH\^Tj-AN^  TiO 
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LE  C  HATE  AL-  ROYAL  DE  SAINT  GERMAIN-EX-LAYE. 

—       17      — 


La  dynastie 
des  Mollet  et  Boyceau  de  la  Barauderie 

La  Renaissance  qui  avait,  dans  la  personne  du  roi  François  I",  protégé  les 
arts,  et  qui  avait  permis  aux  Philibert  Delorme,  Pierre  Lescot,  Jean  Goujon,  Ger- 
main Pilon,  etc.,  de  développer  leurs  talents,  créa  une  dynastie  de  jardiniers 
célèbres  dont  le  premier  fut  Mollet,  l'intendant  du  duc  d'Aumale  à  Anet,  qui  jouis- 
sait de  la  confiance  de  son  maître,  et  qui  en  avait  profité  pour  rassembler  une 
quantité  de  plantes  de  la  plus  grande  rareté  qu'il  avait  eues  soit  par  des  recherches 
personnelles  soit  par  échange  à  l'étranger.  Ces  jardins  étaient  réputés  dans  toute  la 
France  et  considérés  comme  les  plus  beaux  de  France.  D'après  une  description  de 
l'époque,  il  est  dit  que  «  le  jardin  richement  accoustré  de  galleries  à  l'environ  dont 
les  trois  costez  sont  tout  en  arcs  qu'ouvertures  carrées,  le  tout  rusticque,  qui  donne 
au  jardin  un  merveilleux  esclat  à  la  vue.  Le  jardin  est  garni  de  deux  fontaines  bien 


Parterre  iae  J.  Moulet. 

—     i8     — 


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pruises  et  assises.  Derrière  iceluy  sont  deux  grandes  places  servantes  comme  de 
parc.  Icelles  places  sont  remplies  comme  par  parquets,  les  unes  de  prez,  les  autres 
de  taillis,  autres  de  bois,  d'arbres  fruitiers,  viviers;  et  iceux  parquets  sont  séparez 
par  allées,  et  entre  chacune  allée  et  parquet  sont  canaux.  Aussi  l'orengerie,  les 
volières  à  oyseaux;  en  somme  tout  ce  qu'on  désirerait  pour  rendre  un  lieu  parfaict 
est  là  ». 

Son  fils  Claude  Mollet  marcha  sur  ses  traces  et  même  le  dépassa.  Ce  fut  lui 


ji;,c^ta^ij. 


Parterre  de  N.  Mollet. 

qu'on  peut  considérer  comme  le  vrai  créateur  de  ces  Jardins  français  et  le  précur- 
seur de  Le  Nôtre.  Le  premier  en  France  il  créa  les  parterres  de  broderies.  Nommé 
jardinier  de  Henry  IV,  il  s'occupa  de  l'embellissement  de  Fontainebleau  et  de  Saint- 
Germain-en-Laye  en  i5q5.  Son  but  était  de  rendre  les  parterres,  si  divisés,  plus 
homogènes.  11  créa  le  jardin  en  quatre  parties  avec  une  fontaine  centrale  et  une 
palissade  de  buis.  Il  agrandit  le  cadre.  Avant  lui  on  ne  faisait  que  de  petits  compar- 
timents, tels  que  du  Cerceau  nous  les  dépeint;  avec  lui,  dans  chaque  carré,  ce  sont 
différentes  sortes  de  dessins;  c'est  de  i582  que  datent  ses  premiers  grands  travaux 
lorsque  le  sieur  du  Peyrac,  grand  architecte  du  roi,  lui  annonça  la  décision  de  son 


19 


Parterre  de  A.  Mollet. 

souverain.  Il  s'occupa  alors  des  Tuileries  —  où  il  fit  de  belles  plantations  de 
cyprès  qu'on  remplaça,  après  le  dur  hiver  de  1608,  par  des  buis  et  des  ifs  —  puis 
de  Monceaux. 

Claude  Mollet  a  écrit  un  ouvrage  des  plus  intéressants.  Il  l'est  à  un  double 
titre,  d'abord  par  son  étendue,  et  surtout  parce  qu'il  énonce  la  plus  grande  partie 
des  lois  de  composition  des  jardins  du  xvn'  siècle,  autrement  dits  :  «  les  jardins 
français  ».  C'est  de  lui  que  date  la  vraie  révolution,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi; 
et  nous  avons  cherché  déjà  précédemment  avec  des  plans  et  exemples,  dans  l'Art 
des  Jardins,  à  établir  cette  vérité  incontestable,  à  notre  avis.  Il  ne  paraît  pas  superflu 
de  citer  quelques  énoncés  de  l'ouvrage  de  Claude  Mollet,  dédié  à  la  reine  :  «  Comme 
premier  embellissement,  dit-il,  une  grande  avenue  a  double  ou  triple  rang  soit 
d'ormes  femelles  ou  teilleux  (laquelle  doit  être  tirée  d'alignement)  perpendiculaire 
à  la  façade  devant  la  maison,  au  commencement  de  laquelle  soit  fait  un  grand 
demi-cercle  ou  carré.  Puis  en  face  de  derrière  la  dite  maison  doivent  être  construits 
les  parterres  de  broderies  d'icelles,  afin  d'être  regardés  et  considérés  facilement  par 
les  fenêtres,  sans  aucun  obstacle  d'arbres,  palissade  ou  autre  chose  haute,  qui 
puisse  empêcher  l'œil  d'avoir  son  étendue.  Ensuite  les  dits  parterres  en  broderies. 


se  placeront  les  parterres  en  compartiments  de  gazon,  comme  aussi  bosquets, 
palissades  hautes  et  basses  en  leurs  lieux  commodes,  faisant  en  sorte  que  la  plu- 
part des  dites  allées  aboutissent  et  se  terminent  toujours  à  quelque  statue  ou  centre 
de  fontaine;  et  aux  extrémités  d'icelles  allées  y  poser  de  belles  perspectives  peintes 
sur  toile,  afin  de  les  pouvoir  ôter  des  injures  du  temps  quand  on  voudra.  Et  pour 
perfectionner  l'œuvre,  soient  placées  des  statues  sur  leurs  piédestaux  et  les  grottes 
bâties  en  leurs  lieux  convenables,  puis  élever  lés  allées  en  terrasses  suivant  la 
commodité  du  lieu  sans  oublier  les  volières,  fontaines,  jets  d'eau,  canaux  et  autres 
tels  ornements,  lesquels  étant  dûment  pratiques,  chacun  en  leur  lieu,  forment  le 
jardin  de  plaisir  parfait.  » 

Cette  citation  permet  de  trouver  la  conception  du  jardin  français  «  avant  la 
lettre  ».  Il  contient  tous  les  germes  de  sa  composition.  Le  Nôtre  lui  donnera  son 
épanouissement.  Claude  Mollet,  qui  savait  que  ses  idées  finiraient  un  jour  par  s'af- 
firmer, écrivait  :  «  C'est  pourquoi  Dieu  m'a  donné  la  grâce  de  faire  de  très  belles 
choses  sous  le  règne  d'Henri  le  Grand  ».  En  effet,  il  savait,  dans  sa  décoration, 
mettre  tout  à  l'échelle;  des  plantes  basses  dans  les  parterres,  avec  des  tons  variés, 
en  les  renouvelant  le  plus  possible. 

Claude  Mollet  eut  trois  fils.  L'aîné,  André,  dont  on  verra  ci-contre  des 


Parterre  dk  J.  Boyceau  de  la  Barauderie. 
—   21   — 


modèles  de  parterres,  lui  succéda  dans  la  charge  d'intendant  des  jardins  du  roi  de 
France  Louis  XIII,  puis  passa  au  service  du  roi  d'Angleterre  Jacques  1".  Il  publia 
aussi  un  ouvrage  curieux,  le  Jardin  de  Plaisir. 

A  la  dynastie  des  Mollet  s'adjoignit  Boyceau  de  la  Barauderie,  intendant 
des  jardins  des  maisons  royales.  Il  fut,  avant  Le  Nôtre  et  avec  les  Mollet,  le  plus 
célèbre  artiste  du  xvn'  siècle.  Dans  son  Traité  du  jardinage  présenté  au  roi  en  i638, 
il  nous  indique  la  manière  la  plus  décorative  de  concevoir  les  jardins.  Il  nous  dit 
«  que  les  jardins  variés  sont  les  plus  beaux  et  que  toutes  choses  aussi  belles  qu'on 
puisse  choisir  seront  défectueuses  si  elles  ne  sont  pas  ordonnées  et  placées  avec 
symétrie  et  bonne  correspondance.  » 

Un  des  premiers,  il  nous  fait  ressortir  que  les  terrains  mouvementés  per- 


Parterre  de  J.  Boyceau  de 


iRAUDERIE,  i638. 


mettent  «  des  assiettes  inégales  »  qui  donnent  la  vue  des  parterres  d'un  point  en 
élévation,  ce  qui  les  fait  paraître  beaucoup  plus  beaux. 

«  Antérieurement,  nous  dit-il,  on  n'avait  pratiqué,  pour  le  tracé  des  allées 
que  les  formes  carrées  et  rectangulaires;  cela  permettait  les  lignes  droites  qui 
rendent  les  allées  longues  et  belles,  avec  une  agréable  perspective,  »  Mais  lui  est 
d'avis  «  d'entremêler  aux  lignes  droites  les  lignes  courbes,  rondes,  obliques,  afin 
de  trou\'er  la  variété  que  la  nature  commande  ». 


Il  ne  craint  pas  les  grands  espaces;  au  contraire,  il  trouve  que  cela  donne 
de  l'échelle. 

Il  insiste  sur  la  nécessité  de  voir  les  parterres  d'un  lieu  élevé  parce  qu'ils 
sont  «  d'un  effet  plus  gracieux  ». 

Il  reprend  aussi  le  même  thème  que  Mollet  en  disant  qu'il  se  lasse  grande- 
ment de  ne  voir  que  des  lignes  droites  dans  les  jardins  recoupés,  les  uns  en  quatre 
carrés,  les  autres  en  huit,  les  autres  en  seize,  et  de  ne  voir  jamais  autre  chose. 
Il  appuie  sur  la  nécessité  de  donner  aux  divers  motifs  de  parterres  d'autres  formes  ; 
au  lieu  de  les  faire  toujours  carrés,  on  peut  leur  donner  une  forme  octogone,  trian- 
gulaire, pentagonale,  etc. 

Il  reste  sensiblement  dans  les  mêmes  proportions  que  Mollet  pour  la  lar- 
geur à  donner  aux  allées  par  rapport  à  leur  longueur.  Il  recommande  l'emploi  des 
arbustes  taillés  bas  pour  accentuer  le  plus  possible  le  relief  des  jardins  afin  de 
pouvoir  les  rendre  plus  lisibles;  il  préconise  dans  le  même  but,  pour  la  décoration, 
les  fontaines  ornées  d'architecture  et  de  sculpture,  les  balustrades  et  perrons,  les 
groupes  en  marbre  ou  en  bronze,  les  grandes  colonnes  et  palissades.  Il  recom- 
mande de  donner  des  formes  d'architecture  aux  palissades  afin  de  leur  donner  du 
relief  et  de  les  rendre  intéressantes.  Il  appelle  l'attention  sur  l'intérêt  décoratif  que 
les  eaux  apportent  aux  jardins;  il  recommande  le  premier  de  creuser  des  canaux 
qui  serviront  à  l'embellissement  lorsqu'on  se  trouvera  dans  des  terrains  maré- 
cageux et  qu'il  est  nécessaire  de  rassembler  les  eaux  pour  les  assainir. 

D'après  ce  qui  précède,  nous  voyons  qu'en  i(338  tous  les  principes  de  la 
grande  composition  des  jardins  du  xvn'=  siècle  étaient  trouvés.  Il  suffit,  pour  véri- 


<24^  er     ^.j//,      tu        J,      (Pa.U.r.        !        '       I  iO,l 

Les  parterres  du  Luxembourg. 


23   — 


Le    CHATEAU    DE    BlOIS,    PARTIE    CONSTRUITE    PAR    MaNSART. 

fier  ces  dires  de  jeter  les  yeux  sur  les  jardins  de  Monceau,  qui  comporte  déjà  des 
cours  et  avant-cours,  des  grands  parterres  avec  allées  en  diagonales  et  grand 
bassin  au  centre  encadrés  par  des  quinconces  tout  comme  les  disposait  plus  tard 
Le  Nôtre.  La  conception  est  encore  restreinte  si  l'on  veut,  mais  l'échelle  y  est  déjà 
puissante. 

Marie  de  Médicis  s'occupa  excellemment  des  jardins.  Le  Luxembourg,  dont 
l'emplacement  fut  acheté  en  1612  pour  90.000  livres,  fut  particulièrement  soigné  : 
les  parterres  étaient  recouverts  par  deux  étages  de  terrasses  avec  des  fontaines,  des 
statues  et  des  bassins.  L'eau  venait  d'Arcueil  grâce  à  un  aqueduc  qui  alimentait 
toutes  les  pièces  d'eau. 

Il  convient  de  citer  aussi  Olivier  de  Serres,  qui  s'occupa  principalement  de 
l'horticulture.  C'était  un  homme  de  goût  doublé  d'un  homme  pratique.  Il  appelait 
le  jardin  d'agrément  le  «  bouqueticr  »;  mais  il  le  place  après  le  jardin  fruitier  et  le 
potager.  Son  livre  sur  les  jardinages  est  celui  d'un  horticulteur;  il  y  indique  les 
caractères  et  les  idées  de  son  époque  sur  la  question.  Et  en  cela  il  est  curieux  de 
connaître  l'exactitude  avec  laquelle  il  la  décrit.  Il  parle  de  l'oranger,  du  citronnier, 
du  palmier  comme  principal  embellissement  —  et  on  doit  avouer  que  de  nos  jours, 
quatre  siècles  écoulés,  il  en  est  encore  de  même.  Il  cite  encore  le  rosier,  le  myrte, 
le  buis,  le  lierre,  l'if,  le  cyprès  comme  les  plus  excellents  arbrisseaux;  et,  comme 
fleurs,  le  muguet,  la  violette,  la  tulipe,  le  glaïeul,  l'anémone,  la  pivoine,  la  pensée, 
la  marguerite. 

Avant  d'arriver  au  «  Grand  siècle  »  où  le  génie  de  Le  Nôtre  va  s'épanouir, 


—     24 


il  est  intéressant  de  décrire  les  jardins  de  Ruel  —  dit  Rueil  — •  au  cardinal  de 
Richelieu,  qui,  dans  ses  lignes  principales,  ressemble  à  ce  qui  sortira  de  la  grande 
envergure  et  de  la  conception  de  Le  Nôtre  à  Versailles  et  à  Vaux. 

M.  Jacquin  nous  raconte  que  ces  jardins  si  vantés  par  les  poètes,  aimés 
plus  tard  par  le  grand  roi  qui  voulut  en  faire  l'acquisition,  que  de  toutes  ces  mer- 
veilles il  n'existe  plus  rien  que  les  restes  d'une  vieille  grotte  en  rocaille  et  un  étang 
qui  était  celui  où  se  tenait  le  Conseil  secret. 

On  peut  voir,  par  les  vues  ci-jointes  des  anciens  jardins  du  cardinal,  qu'ils 
étaient  dignes  de  l'estime  qu'en  faisait  Louis  XIV.  Il  envoya  Le  Nôtre  à  Rueil  pour 
les  étudier  et  les  reproduire  en  grand  dans  les  jardins  de  Versailles.  Dans  la  col- 
lection des  vues  du  parc  de  Richelieu,  au  cabinet  des  estampes  à  la  Bibliothèque 
royale,  nous  retrouvons  le  tapis  vert,  la  grande  avenue,  le  canal,  plusieurs  des 
diverses  pièces  d'eau,  et  surtout,  trait  pour  trait,  l'arc  de  triomphe  du  Carrousel  et 
la  cascade  de  Saint-Cloud. 

Nous  disons  ailleurs  que  ce  fut  à  Rueil  que  l'on  planta  les  premiers  mar- 
ronniers d'Inde  introduits  en  France.  Dans  les  jardins  du  cardinal  existait  une 
allée  de  ces  beaux  arbres  dont  plusieurs  habitants  de  Rueil  se  rappellent  encore 
avoir  vu  les  restes...  Il  y  en  avait  un  surtout,  qui  fut  abattu  en  1780,  et  que  cinq 
personnes  auraient  eu  de  la  peine  à  embrasser  les  bras  étendus.  Ceux  qui  entou- 
raient la  pièce  d'eau,  au-dessus  de  la  grotte,  se  nommaient  les  cardinaux.  Ils  avaient 
alors  plus  de  deux  cents  ans  d'existence. 


rVluc   lie  Jj.y/rc^uc  Ju  ^ar^ut  Je Ruvl,ou  cj  l'o 


t-rati^eru. . 


IlTarfJ^U^JI^^  JcUn  . 


^c^clUfc^. 


25 


Il  est  intéressant  de  retrouver  l'origine  exacte  de  Rueil.  M.  Jacquin  établit 
que  le  château  de  Richelieu  n'était  qu'une  maison  de  plaisance,  bâtie  par  Moisset, 
qui  ne  se  doutait  guère  qu'en  la  lui  cédant,  il  rattachait  son  nom  à  la  gloire  du 
cardinal,  et  qu'il  passerait  avec  lui  à  la  postérité, 

La  modeste  villa  d'un  simple  propriétaire  ne  pouvait  suffire  à  l'homme  qui 
gouvernait  alors  la  France;  il  en  fit,  dès  1621,  une  demeure  d'une  magnificence 
inouïe  pour  le  temps,  et  qui  éclipsait  les  châteaux  des  rois.  Nulle  part,  on  ne  voyait 
autant  de  curiosités  de  tous  genres,  des  jardins  aussi  vastes,  une  orangerie  aussi 
riche  et  d'une  aussi  belle  venue;  les  grottes,  jets  d'eau  et  cascades  surpassaient 
tout  ce  qu'on  avait  vu  jusqu'alors. 

Le  château  s'élevait  au  milieu  de  fossés  larges  et  profonds;  le  cardinal  se 


OXuc     Je    10, 


i  h  n^..{,  ^.u  j  uiu.1 


retranchait  là  comme  dans  une  forteresse;  à  chaque  issue  se  dressait  la  hallebarde 
menaçante  dont  le  bruit  soldatesque  se  mêlait  aux  tintements  des  cloches  de  la 
chapelle.  Devant  la  façade  se  déroulait  un  immense  parterre;  tout  à  l'entour,  plus 
de  cent  jets  d'eau  jouaient  en  retombant  dans  une  cascade  à  trois  chutes.  Et,  au 
bout  du  canal,  on  avait  creusé  une  vaste  pièce  carrée  d'où  montaient  trois  grandes 
colonnes  d'eau.  Puis  venait  le  parc  avec  son  amphithéâtre. 

On  raconte  qu'au  milieu  de  la  grande  pièce  d'eau  existait  un  pavillon  où 
souvent  le  cardinal  présidait  son  conseil,  étant  ainsi  éloigné  de  tous  les  importuns 
ou  des  courtisans. 


—     26 


Le  Nôtre 


Ceci  nous  amène  au  Grand  siècle,  où  tout  devra  être  somptueux  à  l'exemple 
du  Monarque.  Il  fallait  au  Roi  Soleil  d'immenses  parcs  pour  encadrer  son  pouvoir 
immense;  pour  ce,  le  génie  de  Le  Nôtre  apparut  comme  devant  correspondre  aux 
conceptions  royales;  aussi  son  nom  domine-t-il  toute  la  période  de  l'histoire  des 
jardins  dans  la  deuxième  partie  du  xv\f  siècle.  Son  père  qui  était  surintendant  des 
jardins  du  roi  le  fit  entrer  dans  l'atelier  de  Simon  Vonet,  et  là  il  devint  le  collabo- 
rateur des  plus  grands  peintres  de  l'époque  :  Mignard,  Lebrun  et  Lesueur.  A 
pareille  école  il  ne  pouvait  que  grandir.  Aussi  le  vit-on  bientôt  s'installer  maître  dans 
un  genre  ou  il  avait  puisé  les  leçons  les  meilleures  près  de  son  père,  et  où  nul  ne 
pouvait  lui  disputer  la  première  place.  11  sut  approcher  Louis  XIV  et  s'en  faire 
aimer  par  ses  façons  familières  avec  les  grands  seigneurs  et  le  constraste  de  sa 
nature  en  regard  des  courtisaneries  usuelles. 

Il  fut  chargé  par  Fouquet  de  dessiner  et  d'exécuter  les  jardins  de  Vaux  et 
quand  le  surintendant  y  reçut  le  roi,  celui-ci  fut  émerveillé  de  l'œuvre  de  Le  Nôtre. 
Il  le  chargea  donc  de  la  distribution  de  ceux  de  Versailles,  et  loin  de  s'effrayer  des 
obstacles  que  présentait  le  terrain,  il  arrêta  ses  plans  et  pria  le  roi  de  venir  sur  les 


^£  CHATEAU  OE  MAINTENON  du  câu  du.  Jarda,. 


^     p 
tu    i 


lieux  pour  juger  de  l'effet.  Il  commença  par  les  deux  pièces  d'eau  qui  sont  sur  la 
terrasse  au  pied  du  château,  il  lui  expliqua  ensuite  son  dessein  pour  la  double 
rampe.  Le  roi,  à  chaque  grande  pièce  dont  Le  Nôtre  lui  indiquait  la  position, 
l'interrompait  en  disant:  «Le  Nôtre;  je  vous  donne  vingt  mille  francs».  Cette 
approbation  fut  répétée  plusieurs  fois;  mais  Le  Nôtre,  aussi  désintéressé  que  touché 
de  cette  munificence,  arrêta  le  monarque,  et  lui  dit  brusquement  :  «  Sire,  Votre 
Majesté  n'en  saura  pas  davantage;  je  la  ruinerais  ».  La  plaine  aride  où  Versailles 


E    Chateax^  df.s    Tni.LERll.S  . 


est  situé  manquait  d'eau  ;  il  n'y  avait  à  proximité  du  château  qu'un  marais  malsain; 
on  proposait  de  le  dessécher  :  le  Nôtre  s'y  opposa  et  rassembla  toutes  ces  eaux  dans 
le  vaste  canal  qui  termine  le  parc  de  Versailles. 

Le  Nôtre  obtint  du  roi  la  permission  de  voyager  en  Italie,  et  en  1678,  il  se 
rendit  à  Rome,  ou  le  pape  Innocent  XI  lui  fit  l'accueil  le  plus  distingué,  et  lui 
accorda  une  audience  particulière,  dans  laquelle  il  se  fit  montrer  tous  les  plans  de 
Versailles.  Sur  la  fin  de  l'audience.  Le  Nôtre,  transporté  d'un  si  bon  accueil,  s'écria  : 
«  Je  ne  me  soucie  plus  de  mourir;  j'ai  vu  les  deux  plus  grands  hommes  du  monde  : 
Votre  Sainteté  et  le  roi,  mon  maître  ».  «  II  y  a  une  grande  différence,  répondit  le 
pape  :  le  roi  est  un  grand  prince  victorieux;  je  suis  un  pauvre  prêtre,  serviteur  des 
serviteurs  de  Dieu;  il  est  jeune  et  je  suis  vieux».  A  cette  réponse.  Le  Nôtre  oubliant 


—     3o 


à  qui  il  parlait,  frappa  sur  l'épaule  du  pape  en  lui  disant  :  «  Mon  révérend  Père, 
vous  vous  portez  bien  et  vous  enterrerez  tout  le  sacré  collège  ».  Innocent  XI  ne  put 
s'empêcher  de  rire;  alors  Le  Nôtre,  n'étant  plus  maître  de  ses  transports,  se  jeta  au 
cou  du  Saint-Père  et  l'embrassa.  De  retour  chez  lui,  il  se  hâta  d'écrire  ce  qui  venait 
de  se  passer  à  Bontemps,  premier  valet  de  chambre  du  roi.  La  lettre  fut  lue  à 
Louis  XIV  à  son  lever.  Le  duc  de  Créqui,  présent,  voulut  gager  mille  louis  que  la 
vivacité  de  Le  Nôtre  n'avait  pu  aller  jusqu'aux  embrassements  :  «  Ne  pariez  pas, 
répondit  le  roi,  quand  je  reviens  d'une  campagne.  Le  Nôtre  m'embrasse,  il  a  donc 
bien  pu  embrasser  le  pape  ».  C'est  durant  cette  absence  que  Louis  XIV  avait  confié 
à  Mansard  le  soin  de  dessiner  et  d'entreprendre  Marly,  et  dont  nous  parlerons  plus 
loin.  A  son  retour.  Le  Nôtre  n'en  montra  pas  d'humeur,  il  érigea  le  bosquet  de  la 
salle  de  bal,  avec  un  art  infini,  et,  en  1676,  le  roi  lui  accorda  des  lettres  de  noblesse, 
avec  la  croix  de  Saint-Michel,  voulant  lui  donner  des  armes;  mais,  malgré  tant  de 
faveurs,  Le  Nôtre  avait  conservé  sa  modestie,  il  répondit  qu'il  avait  les  siennes,  qui 
étaient  trois  limaçons,  couronnés  d'une  pomme  de  chou.  «Sire,  ajouta-t-il,  pourrais- 
je  oublier  ma  bêche?  Combien  elle  doit  m'étre  chère.  N'est-ce  pas  à  elle  que  je 
dois  les  bontés  dont  votre  Majesté  m'honore?  »  Déjà  vieux,  il  demanda  la  permis- 
sion de  se  retirer.  Louis  XIV  ne  lui  accorda  la  faveur  qu'il  sollicitait  qu'à  condition 
qu'il  viendrait  le  voir  de  temps  en  temps.  Deux  ou  trois  ans  après.  Le  Nôtre  étant 
allé  à  Marly,  dont  Mansard  était  l'architecte,  le  monarque  l'aperçut  et  lui  dit  qu'il 
voulait  lui  faire  les  honneurs  de  son  jardin,  il  monta  dans  sa  chaise  couverte,  et 
obligea  Le  Nôtre  à  y  prendre  place.  Celui-ci,  touché  de  tant  de  bonté,  et  remarquant 
Mansard  qui  suivait  le  roi,  s'écria  :  «  Sire,  en  vérité,  mon  bonhomme  de  père 
ouvrirait  de  grands  yeux,  s'il  me  voyait  dans  un  char,  auprès  du  plus  grand  roi  de 


PLAN  DES  JARDINS  ET  PARC  DE  LA  SEIGNEURIE  DE  PI  NON 
appartenant  à  A/m»  la  princesse  de  Poix. 


—       32 


la  terre.  Il  faut  avouer  que  votre  Majesté  traite  bien  son  maçon  et  son  jar- 
dinier ». 

Dans  cet  art,  Le  Nôtre  était  un  maître,  et  il  sera  difficile  d'y  mettre  plus  de 
grandeur  et  de  noblesse,  le  titre  de  jardinier  des  rois  lui  restera  toujours.  C'est  à 
Paris,  en  1700,  âgé  de  quatre-vingt-dix  ans,  qu'il  mourut.  Son  buste,  sculpté  par 
Goysevox,  est  placé  au  musée  des  monuments  français.  Le  Nôtre  a  été  le  génie  qui 
a  su  tirer  un  admirable  parti  de  son  époque  et  qui  a  mené  à  l'apogée  l'art 
des  jardins. 

Pour  bien  juger  son  œuvre,  nous  avons  dû  établir  exactement  où  en  était 
l'art  des  jardins  à  son  époque.  Il  y  a  encore  un  point  qu'il  est  utile  de  mettre  en 
lumière  :  ce  sont  les  conditions  exceptionnelles  où  il  fut  appelé  à  travailler?  Ce 
n'était  plus  sur  des  espaces  relativement  restreints  comme  ses  prédécesseurs.  En 
outre,  il  travaillait  pour  le  pouvoir  illimité,  pour  Louis  XIV,  le  Roi  Soleil;  il  fallait 
que  dans  ses  créations  il  symbolisât  la  puissance. 

On  comprendra  aisément  maintenant  pourquoi  il  fit  grand  :  «  la  somptuosité 
devant  le  disputer  à  l'étendue  »;  son  programme  était  tout  tracé. 

Sa  vraie  supériorité  a  été  de  faire  de  multiples  créations  sans  égales  dans 
leur  genre,  en  mettant  au  service  d'une  imagination  extraordinairement  féconde 
ses  qualités  géniales  de  décorateur. 


.  /  F.irtj  e/,^î_  ".' , /..„;o/<n.-   ^,,  S'  Û„.-^uij 


33 


L'art  des  jardins  français  de  la  première  partie  du  xvii°  siècle  se  développa, 
s'amplifia,  s'épanouit  grâce  à  son  génie,  mais  il  ne  fut  pas  créé  par  lui.  Ce  ne  fut 
qu'une  continuation  logique,  ce  ne  fut  pas  un  changement  de  direction. 

Le  Nôtre  avait  donc  eu  dans  les  Mollet  et  Boyceau  tous  les  principes  et 
éléments  de  la  composition  dite  française. 

Son  côté  novateur  est  de  commencer  l'application  de  ces  principes  et 
éléments  sur  des  espaces  inconnus  jusqu'à  ce  jour. 

Ses  créations  sont  chacune  aussi  intéressantes  dans  leur  genre.  On  ne  peut 


Parterres  do  jardin  des  Tuileries. 

pas  dire  qu'il  était  plus  fort  à  la  fin  de  sa  carrière  qu'au  commencement.  Il  était  lui, 
dès  le  début  :  c'est  le  propre  du  génie. 

Vouloir  donc  détailler  «  la  manière  de  Le  Nôtre  »  pour  donner  une  idée  de 
sa  valeur,  est  presque  une  erreur.  Mais,  sans  le  faire,  on  peut  indiquer  les  points 
caractéristiques  où  il  fit  œuvre  de  novateur. 

D'abord,  au  premier  plan,  il  faut  mettre  l'élargissement  du  cadre  des 
compositions  où  l'on  s'était  tenu  jusqu'à  ce  jour. 


34 


En  second  lieu,  celles-ci  étaient  techniques,  si  on  peut  s'exprimer  ainsi  : 
tout  était  créé  et  étudié  sur  des  profils  qui  lui  permettaient  de  calculer  ses  eflPets. 

Une  des  merveilleuses  applications  de  ce  genre,  est  l'étude  de  la  coupe 
longitudinale  de  sa  création  de  Vaux.  Le  miroir  placé  au  bout  de  la  deuxième 
terrasse,  au-dessus  de  la  grande  cascade,  remplace  celui  qui  est  au  pied  des  grottes 
et  qui  est  invisible  pour  le  spectateur  placé  au  pied  du  château.  Dans  sa  manière  de 
faire,  on  peut  citer,  pour  les  détails,  quelques  particularités  qui  lui  sont  personnelles. 

11  a  des  préférences  pour  les  allées  larges,  il  ne  craint  pas  les  espaces 
sablés,  qu'il  juge  nécessaires  pour  donner  de  l'échelle.  Il  a  la  science  des  carrefours 
et  ronds-points  auxquels  il  donne  les  formes  les  plus  varices. 


^mi^m 


Parterres  de  Saint  Cloud. 

Il  brise  les  changements  de  pente  ou  de  direction  par  un  obstacle,  vase, 
bassin  ou  autre  motif. 

Il  crée  souvent  de  larges  plates-bandes  de  gazon  parallèlement  aux  côtés 
latéraux  des  parterres.  Dans  la  percée  centrale,  il  les  meuble  de  préférence  de 
fontaines,  vasques,  etc.,  sur  les  côtés  extérieurs  des  parterres,  il  met  dans  les  plates- 
bandes  des  ifs  ou  autres  plantes  taillées,  placés  de  distance  en  distance;  ce 
scandement  est  fait  en  vue  d'augmenter  la  valeur  réelle,  grâce  à  la   perspective. 


—     36 


Il  affectionne  les  cascades  architecturales  construites  en  amphithéâtre;  il 
recherche  les  terrasses.  1!  donne  une  importance  particulière  aux  motifs  des  axes  trans- 
versaux,  situés  sur  le  terre-plein  devant  le  château,  ceux  qui  passent  par  l'extrémité 
des  terrasses,  et  en  particulier  au  motif  établi  sur  cet  axe  avant  d'arriver  à  la  partie  dé- 
corative dite  «du  fonds  de  tableau».  Tantôt  c'étaient  de  larges  tapis  verts  bordés  d'ar- 
bres et  de  charmilles,  tantôt  de  larges  allées  bordées  de  revers  gazonnés  où  l'on  pla- 
çait des  statues,  des  vases  ou  des  ifs.  Quelquefois  c'étaient  des  canaux  comme  à  Vaux. 


Les  bosquets  constituaient  autant  de  motifs  isolés,  ou  quelquefois  axés  et 
desservis  par  la  même  allée.  Chacun  d'eux  comportait  toute  la  fantaisie  que 
l'imagination  peut  créer;  c'étaient  des  salles  attribuées  à  des  figures  mythologiques, 
ou  des  salles  de  bal,  de  festin,  des  théâtres  de  verdure,  des  salons  de  conversation, 
des  labyrinthes;  etc.  On  en  retrouve  les  détails  à  Versailles  ou  dans  d'autres 
résidences. 

Le  Nôtre  donna  une  grande  importance  au  côté  «entrée»;  c'est  là  la 
hiérarchie  des  cours  d'honneur  dans  toute  leur  magnificence,  telles  que  Richelieu, 
Vaux,  Versailles,  etc. 

.  Ces  quelques  caractères  généraux  suffisent  pour  nous  donner  une  idée  de 
ce  qu'étaient  les  jardins  de  Le  Nôtre,  c'est-à-dire  le  jardin  français.  On  peut  citer 
parmi  les  créations  de  Le  Nôtre  par  ordre  de  date  : 


38 


'■feas 


*¥»  ^\ 


^^MmS^ 


Le    CHATEAU    liE    FONTAINEBLEAU    EN     1645. 

Vaux  en  iG58,  Saint-Cloud  en  1G60,  Chantilly  lOyi,  Grand-Condé  iGG3, 
Versailles  iGG5,  Tuileries  iGG5,  Clagny  i6G5,  Sceaux  1G72,  Saint-Germain  1672, 
Pamphili  et  Ludovisi  1G78,  Meudon. 

Le  Nôtre  alla  en  Italie  en  1678,  où  il  fit  des  plans  pour  les  villas  de  Pamphili 
et  Ludovisi;  il  présida  à  quelques  embellissements  de  Rome. 

Grâce  aux  Pérelle,  Sylvestre  et  autres  graveurs,  nous  avons  des  notions 
exactes  sur  beaucoup  de  domaines  et  propriété  du  xvii^  siècle  qu'on  peut  rattacher 
à  l'école  de  Le  Nôtre  :  Chaulnes,  Berny,  Raincy,  Villebon,  Chaville,  Fontainebleau, 
Choisy,  Iscour,  Rochefoucaux,  Roche,  Villers-Cotterets,  Conflans,  Louvois, 
Montmirail,  Saint-Maur,  la  Maison  de  Pompone,  Petit-Bourg,  Triels  1G77,  Nous 
avons,  dans  VArt  des  jardins,  donné  par  une  série  de  gravures  l'ensemble  de  l'œuvre 
de  Le  Nôtre. 

C'est  surtout  Versailles,  l'incomparable  Versailles  !  dont  le  parc  a  servi  de 
modèle  à  presque  tous  les  jardins  royaux  d'Europe,  car,  au  commencement  du 
xviii'  siècle,  les  architectes  étrangers  y  venaient  étudier  sur  place  les  détails  les  plus 
minutieux  pour  les  reproduire  dans  leur  pays.  Le  château  de  Marly  dont  l'image  est 
ci-contre  ne  fut  pas  l'oeuvre  de  Le  Nôtre,  mais  bien  celle  de  Mansard  durant 
l'absence  que  fit  André  en  Italie.  On  dit  que  Louis  XIV  avait  voulu  indiquer  par  là 
à  son  jardinier  le  mécontentement  que  son  voyage  lui  causait.  Le  Nôtre  en  garda 


40 


quelque  rancune  à  Mansard.  Des  auteurs  ont  insinué  que  Marly  était  l'œuvre  d'un 
nommé  du  Rusé,  or  ceci  parait  invraisemblable,  car  l'on  connaît  à  peine  son  nom, 
et  un  homme  de  cette  capacité  se  serait  fait  connaître  par  d'autres  productions,  ou 
même  d'autres  chefs-d'oeuvre,  qui  lui  auraient  procuré  un  rang  distingué  parmi  les 
plus  célèbres  artistes. 

Dans  la  composition  de  Marly,  il  faut  dire  à  l'éloge  d'André  Le  Nôtre 
qu'il  y  a  plus  de  sécheresse  que  dans  ses  ouvrages  personnels,  on  sent  que  le 
décorateur  a  fait  place  à  l'architecte. 

Après  Le  Nôtre,  La  Quintinie,  plutôt  jardinier  horticulteur,  mérite  une 
mention  toute  spéciale.  Le  Roi  Soleil  l'avait  appelé  à  la  surintendance  de  ses  potagers 
où  il  fit  merveille.  A  côté  de  lui,  il  faut  citer  le  jardinier  François,  Liger,  J.  de 
Tournefort  et  Liébaut  qui  donnèrent  leurs  préférences  aux  arbres  fruitiers  et  aux 
questions  utilitaires,  délaissant  les  parterres,  les  bosquets  et  les  eaux  pour  la  taille 
d'un  arbre.  Ceci  nous  amène  à  parler  d'un  élève  de  Le  Nôtre,  d'Argenville  qui 
publia  en  171 3  un  excellent  ouvrage  La  Théorie  et  la  Pratique  du  Jardinage,  ses 
citations  sont  fort  bonnes,  et  la  description  qu'il  donne  des  parterres,  des  bosquets, 
boulingrins,  berceaux,  portiques  et  fontaines,  est  parfaite. 

A  l'époque  de  la  Régence,  les  jardins  sont  inspirés  du  même  esprit  que  ceux 


41      — 


du  xvii^  siècle  ;  cependant  la  sobriété  tend  à  disparaître.  Les  ornementations  sont 
plus  chargées,  les  bassins  et  les  canaux  eux-mêmes  prennent  les  contours  cintrés. 
Un  des  grands  artistes  de  l'époque,  Blondel  s'élevait  contre  l'abandon  du  grand 
style.  Dans  un  ouvrage  très  intéressant  sur  la  Disiribiitiun  des  Maisons  de  Plai- 
sance il  nous  laisse  comprendre  qu'une  espèce  de  révolution  va  s'accomplir.  Il 
cherche  à  maintenir  dans  son  programme  les  idées  de  d'Argenville  pour  les  jardins. 
Il  parle  «  du  caractère  qu'on  doit  donner  aux  jardins  suivant  la  dimension  et  le 
genre  de  la  maison  »  et  c'est  là  une  des  conceptions  qu'affectionnait  particulière- 
ment Le  Nôtre.   Blondel  chercha    donc    dans    l'ensemble    de   ses    compositions  à 


Château  et  parc  de  Ménars  en   1760. 

rester  dans  le  goût  des  jardins  du  xyu*"  siècle.  On  en  jugera  par  les  modèles  et 
plans  ci-contre. 

Dans  ce  mouvement  nouveau  au  commencement  du  xvni^  siècle,  une  des 
caractéristiques  de  l'art  des  jardins  fut  l'abandon  des  grandes  lignes  et  de  l'ancien 
style  régulier,  on  multipliait  les  découpages,  les  petites  allées.  Blondel  lutta  contre 
ces  idées  nouvelles,  et  réussit  vers  lySo  à  ramener  le  style  classique.  Mais  dans  ce 
retour,  on  pécha  par  un  excès  de  symétrie,  d'uniformité,  et  de  monotonie.  Et  ce  fut 
surtout  là  une  des  causes  qui  provoquèrent  à  nouveau,  et  d'une  façon  violente, 
l'abandon  de  l'ancien  style  régulier  pour  le  nouveau  style  irrégulier,  dit  «Anglais». 
C'est  ici  que  se  place  en  lumière  un  architecte  célèbre  Neufforge,  qui  nous  a  laissé 
une  série  de  plans  fort  nombreux,  plus  classiques  que  les  classiques,  et  d'une 
correction  froide,  sans  intérêt,  et  monotone.  Les  dessins  bien  que  très  agréables  à 


—     42 


l'œil  sont  plutôt  des  motifs  de  boiseries  que  ceux  d'un  jardin.  Mais  on  ne  peut  nier 
qu'ils  soient  empreints,  dans  leur  grande  sobriété,  d'un  côté  de  bon  goût  et  de 
réelle  distinction. 

Ainsi,  on  comprendra  aisément  ce  qui  a  amené  la  mode  des  jardins 
paysagers,  très  en  vogue  en  Angleterre.  Le  terrain  était  donc  préparé  pour  cette 
importation,  et  le  mouvement  se  fit  sans  choc,  insensiblement.  Mais  il  y  a  bien 
d'autres  causes  à  faire  intervenir  pour  expliquer  le  retour  à  la  nature,  car  chaque 
production  artistique  est  le  reflet  logique  de  son  époque.  D'une  part,  le  cadre  de 
haute  tenue  et  la  rigidité  du  siècle  de  Louis  XIV  devait  provoquer  un  revirement, 
qui  fut  la  frivolité  et  le  bon  plaisir  du  xvni'^  siècle.  D'autre  part,  la  littérature  exerça 
une  grande  influence  :  Jean-Jacques  Rousseau,  décrivant  en  1761,  les  jardins  de 
Clarens  sur  les  bords  du  Lac  de  Genève^  en  parlait  avec  extase,  avec  enchantement. 


ERRASSES 


ET    PARC    DE    MÉNARS. 


dans  la  Nouvelle  Héloïse.  Il  suivait  avec  amour  les  allées  tortueuses  et  irrégulières 
de  ces  bocages  fleuris,  couvertes  de  mille  guirlandes  de  vignes,  de  clématites, 
bordées  d'eau  limpide  traversant  les  gazons  en  petits  ruisseaux,  ou  coulant  entre 
deux  rangées  de  vieux  saules  enlacés  de  chèvre-feuilles.  Rien  n'y  est  aligné,  nivelé, 
c'est  la  nature  que  l'on  n'a  pas  gâtée  ».  Cette  description  n'est-elle  pas  toute  la  théorie 
du  jardin  dit  Anglais  qui  va  s'implanter  en  France?  Le  germe  était  déposé;  il 
allait  éclore. 

La  composition  des  paysages  de  Gérardin  en  1778,  le  nouveau  jardin  de 


Monceau  dessiné  par  Garmontelle  en  1779,  les  études  de  la  nature  de  Bernardin 
de  Saint-Pierre  en  1785,  et  le  jardin  de  Delille  en  1782  avaient  fait  naître  un  désir  : 
«  l'amour  de  la  nature  ».  Et  ce  fut  une  mode  partout,  car  le  cadre  était  adapté  au 
tempérament  de  l'époque.  On  écrivit  des  devises  sur  les  rochers,  et  les  arbres  étaient 
couverts  d'inscriptions  sentimentales.  Les  rêveurs  venaient  au  bord  des  ruisseaux 
donner  libre  cours  à  leur  imagination;  on  se  réunissait  dans  les  jardins  pour  parler 


Parterre  a  l  anglaise  mêle  de  broderies;   sur  les  cotes  des   massifs   de  gazon   bordant  les  broderies  des 

PARTERRES    A    PALMETTE,    PAR    BlONDEL. 

«romantiquement».  Les  premiers  furent  Ermenonville,  Tivoli,  ceux  de  la  Duchesse 
de  Boufflers;  le  Petit  Trianon,  commencé  en  1774,  Mortefontaine,  Chantilly, 
Bagatelle  en  1780,  La  Malmaison,  Neuilly  à  M.  de  Saint-James  dont  on  voit 
ci-contre  les  serres  chaudes,  ainsi  que  la  vue  du  Raincy,  dont  l'image  est  la 
propriété  de  M"'  la  princesse  de  Poix;  Saint-Leu  célèbre  par  sa  grotte  reproduite 


44     — 


^^^é^r. 


Pi  V\  (  LM  RM    DFv    h\riMI  Ss   I  \KI)r\' 
ET  DFIINPVNC  tS</;«/'/l/''''    ^nf    "'   "" 
Urr  un     i      a   (fins    Lfitf      /f  /i     i/i  m 
,{i,    ci,VA(ii  ,(c  J.F.JilimiUL  - 
RENVOIS  . 

,/./„/;Uim.nt 


PLAN    GÉNÉRAL    DE    JARDINS 
par  J.-F.  Btondel,   ijSo. 


-      45 


par  nous  dans  VArt  des  jardins,  qui  appartenait  au  duc  de  Chartres;  Monceaux  ou 
Monceau,  ainsi  appelé  du  nom  d'un  ancien  village  sur  l'emplacement  duquel  il  fut 
créé,  fut  remanié  et  planté  d'après  le  nouveau  style  paysager  par  les  soins  de 
Philippe  d'Orléans,  père  du  roi  Louis  Philippe,  le  même  qui  possédait  Saint-Leu. 
Les  dessins  et  l'exécution  en  furent  confiés  à  Carmontelle  qui  y  éleva  des  temples,  des 
obélisques,  des  tombeaux,  grottes,  kiosques,  un  petit  château  en  ruines,  un  moulin 
à  vent  hollandais,  avec  des  jeux  de  bague,  des  colonnades,  fontaines  et  cascades.  C'était 
là  bien  le  type  du  genre  nouveau,  se  combinant  avec  une  horticulture  soignée. 
Abondant  ainsi  dans  le  goût  de  son  époque,  le  duc  d'Orléans  n'avait  cherché  que  la 


■\  i^tAit4if^-^ 


Les  parterres  de  Meudon  a  M.  de  Louvois 


(Collection  de  Mme  Rigaud.) 


variété  des  tableaux  et  l'imprévu  des  effets,  pour  émouvoir  l'âme,  la  saisir  par  des 
situations  pittoresques  et  plaire  à  l'imagination.  En  habile  ordonnateur,  il  avait 
dressé  des  perspectives  dans  une  scène  naturelle  sous  l'aspect  le  plus  séduisant. 

D'après  H.  Walpole,  le  véritable  créateur  des  jardins  anglais  fut  Pope  qui 
forma  le  célèbre  Kent,  auteur  du  parc  de  Claremont,  au  duc  de  Newcastle,  puis  vint 
Brown  qui  métamorphosa  Bleinheim,  primitivement  arrangé  «à  la  française».  Les 
parcs  de  Stowe,  de  Long  Leate  et  bien  d'autres  en  Angleterre  eurent  le  même  sort. 

Mais  chez  nous  la  Révolution  s'était  aussi  chargée  de  détruire   quantité 


46 


Dùpo.i-ilion ^je'n.-ntld  pcirr  un  JarJm  Je f>r,ij<ivti conUn.iiit  3,i  toù>e.r  Je  LTr.i'ur  .mr w'5  M pn'fànJair  IT 


PLAN    GÉNÉRAL    D'UN   JARDIN 
par  De  Neiifforge,  XVII h  siècle. 


de  domaines,  d'où  l'ancien  style  n'avait  pas  encore  été  banni;  les  parcs  avaient 
souvent  été  mis  à  sac,  et  lorsqu'on  les  restaura  ce  fut  naturellement  dans  le  nou- 
veau stvle  anglais  et  paysager.  C'est  ainsi  que  le  mouvement  se  précipita. 

Malheureusement  ce  goût  pour  la  nature  dégénéra  lui-même  du  commen- 
cement du  XIX'  siècle  jusqu'à  la  fin  du  second  empire,  et  les  jardins  prirent  un 
genre  essentiellement  faux,  à  part  quelques  conceptions  rares  comme  l'œuvre  de 
Varey  dans  l'île  du  bois  de  Boulogne. 

Seule  l'horticulture  durant  cette  période  y  gagna.  Elle  remplaça  le  style  et 
le  dessin. 

Les  fleurs,  qui  n'étaient  au  xvii'  et  au  xviii'  siècles  que  le  complément  des 
parterres,  acquirent  la  première  place.  Ce  fut  l'ère  du  jardin  horticole.  Il  est  juste 
de  dire  qu'on  ne  saurait  qu'applaudir  au  développement  et  à  la  variété  des  fleurs, 
qui  en  découlèrent. 


& 


Vues  des  serrhs  chaudes  de  Neuiily-St-James  a  M.   de  Saint  James. 


P 


On  trouve  spécialement  au  Raincy  le  type  de  ces  jardins  nouveaux  qu'à  la 
fin  du  xviii"  siècle  on  avait  adopté  comme  une  mode.  C'est  aux  Chinois  que  les 
Européens  la  doivent.  L'Architecte  anglais  Kent  fut  le  premier  à  faire  aimer  à  ses 
compatriotes  ce  genre  irrégulier  ;  les  Français  suivirent,  mais  leurs  premiers  essais 
ne  furent  pas  heureux.  Une  prodigalité  excessive  d'objets  entassés  dans  un  terrain 
étroit,  rendirent  ces  jardins  d'autant  plus  ridicules  qu'on  n'y  était  pas  accoutumé. 
Mais  quelques  années  plus  tard  le  bon  goût  bannissant  ces  excès  on  en  vint  à  une 
note  douce  et  sentimentale.  Les  jardins  réguliers  demandaient  un  arrangement 
exact  et  concis,  mais  ceux  où  l'art  avait  à  reproduire  la  variété  de  la  nature  et  son 


\  l'E  Dl'   ChATEAI 

OKIOIR  OE    IJ  \mitIK 


i>K    ^Iauimont 

.  r  1)1     \  R  M  P>o\ni',i 


D'après  l'aquarelle  de  N.  de  Gachei 


1807,   APPARTENANT  A   M.    GeORGES   Rc 


abandon,  exigeaient  une  manière  différente.  Il  fallait  entrer  dans  l'intention  de 
l'artiste  qui  les  composait,  et  se  pénétrer  de  l'esprit  romanesque  de  l'époque. 

Telle  était  l'inspiration  qui  avait  présidé  à  la  composition  du  parc  du  Raincy 
situé  à  deux  lieues  de  Paris,  appartenant  à  M.  le  duc  d'Orléans  et  bâti  par  l'archi- 
tecte le  Veau  pour  M.  Bordier,  intendant  des  Finances. 

Il  était  entouré  de  fossés,  avec  au  centre  son  grand  corps  de  logis,  flanqué 
de  5  pavillons,  dont  l'un  en  forme  arrondie  et- les  'autres  ornés  de  grands  pilastres 
ioniques. 

Le   parc  qui   était   immense,   environ   sept   cents  arpents,    comportait   de 


5o 


'aiiM.im 


HUBERT  ROBERT 

1733- 1808 
Collection  de  M.  Ernest  Gouin 


Parc  de  la  Malmaison 
aquarelle  par  thibault  i757-1j 


De  la  collection 

COMTE  AlLARD  du  ChOLLET. 


superbes  promenades.  Il  était  dessiné  avec  beaucoup  d'originalité,  dans  le  genre 
des  jardins  anglais,  par  M.  Pottier,  chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  Saint- 
Louis.  Une  grande  rivière  qui  y  prenait  sa  source,  y  serpentait  de  tous  côtés. 
Le  paysagiste  y  avait  ménagé  des  points  de  vue  enchanteurs.  De  l'ermitage,  on 
découvrait  aux  environs  des  points  de  vue  charmants. 

La  Malmaison,  qui  à  l'exemple  de  Monceau,  Saint  Leu  et  Bagatelle,  était 
une  résidence  dessinée  dans  le  goût  anglais  à  l'aspect  plutôt  champêtre.  Joséphine 
Tascher  de  la  Pagerie,  lorsqu'elle  s'appelait  Madame  de  Beauharnais  l'avait 
achetée  en  1798  à  M.  Lecouteulx  de  Canteleu,  qui  en  était  propriétaire  depuis  1792. 
Elle  y  mourut  en  18 14. 

Le  parc  avait  été  dessiné  par  Berthaut  et  décoré  de  fabriques  d'un  goût 
original,  telle  la  Fontaine  Joséphine,  et  le  pavillon  où  travaillait  l'Empereur.  On  y 
admirait  aussi  une  quantité  de  plantes  exotiques  importées  d'Amérique  et  des 
Indes,  au  milieu  des  serres  les  plus  vastes.  Dans  les  détails  les  plus  raffinés  on 
retrouvait  la  main  de  Joséphine. 


—     5: 


^-^s 


Rénovation  des  Jardins  à  la  Française 
au  XIX^  et  XX^  siècle. 


On  cherche  de  plus  en  plus  actuellement  à  ressuciter  le  style  des  jardins 
«à  la  Française»  et  les  belles  conceptions  de  Le  Nôtre  —  On  s'applique  à  déve- 


Anet  a  m.  le  comte  de  Leusse. 


—       52 


Condé-sur-Iton 

M.    LE    COMTE    DE    JaRNAC 


lopper  le  côté  architeciural  des  parcs  en  les  faisant  concorder  avec  la  demeure;  c'est 
pourquoi   il  a  paru   intéressant  de  donner  ci-contre  des  vues  de  quelques  jardins 


Champs  a  M.  le  comte  Cahen  d'Anvers. 


—     53     — 


Voisins 

M.     LE    COMTE    DE    FeLS. 


créés  récemment  dans  un  style  correspondant  à  celui  du  château  qu'il  encadre  — 
tels  Anet,  Condé,  Champs,  Voisins,  Le  Marais. 


Le  Marais  a  M™'  la  duchesse  de   I  ai  i  kyrand. 


Jardin  de  l'hotei,  de  M""  A.  Antokoi.sky  a  Pari: 


55 


Modèles  de  Jardins 


pour 

PETITES    RÉSIDENCES 


TYPE  DE  PARTERRES  POUR  PLANTES  A   COUPER 

d'après  le  tableau  de  Van  der  Heyden  i63-j-iyi2.  Collection  de  M.  Kleinberger. 


Jardin  et  maison  de  M.  le  Grand  Prieur  du  Temple 


Cette  maison  occupait  un  grand  terrain  encerclé  de  hautes  murailles  à 
créneaux,  fortifiées  d'espace  en  espace  par  des  tours.  Ces  tours  et  ces  créneaux  ont 
été  abattus  en  partie,  mais  la  grande  porte  est  restée  avec  sa  décoration  d'ordre 
dorique  à  colonnes  isolées  ;  la  cour  était  entourée  d'une  espèce  de  péristyle  à 


colonnes  couplées  qui  formait  un  magnifique  ensemble  avec  son  grand  jardin  de 
style. 

Le  corps  de  logis,  qui  était  au  fond  de  cette  cour  fut  bâti  par  Jacques  de 
Sauvré,  Grand  Prieur  de  France  ;  mais  en  1720  et  1721,  le  Chevalier  d'Orléans  qui 
était  revêtu  de  ce  Prieuré,  fit  faire  de  grands  changements  dans  l'édifice,  sur  les 
dessins  et  sous  la  conduite  de  Gilles  Marie  Oppenord,  premier  architecte  du  duc 
d'Orléans,  alors  Régent  du  Royaume.  Le  prince  de  Conti,  mort  en  1776,  dernier 
Grand  Prieur,  auquel  a  succédé  Monseigneur  le  duc  d'Angoulême,  fît  élever  divers 
bâtiments  dans  les  cours  de  ce  vaste  emplacement  complété  par  des  parterres. 


59 


Sf^ra^rfiTua 


QXwi^c  f'Orrn^cru,  lie    £ÏfaîUf^cSuJPy,,'U^  Sf  An4,nnc  a  Pa, 


Jardin  de  l'hôtel  Sully,   rue  Saint-Antoine 


L'hôtel  Sully,  l'un  des  plus  remarquables  spécimens  de  l'architecture  de 
la  première  moitié  du  xvii'  siècle,  était  situé  rue  Saint-Antoine  et  place  des  Vosges 
sur  l'une  des  extrémités  du  terrain  anciennement  occupé  par  les  Tournelles. 

C'est  en  1624,  qu'un  sieur  Mesme  Gallet  fît  construire  sur  cet  emplacement 
un  hôtel  somptueux,  par  Jean  Androuet  du  Cerceau. 

L'hôtel  est  un  carré  flanqué  de  quatre  pavillons  du  style  de  cette  époque.  Mais 
la  chose  la  plus  merveilleuse  de  tout  son  ensemble  est  sans  contredit  la  cour  de  l'hôtel 
principal,  qui  a  conservé  tout  son  caractère  et  tout  le  fastueux  de  sa  conception. 

Sur  les  trois  côtés  de  la  cour,  se  voit  une  frise  de  large  saillie,  dont  le  dessin 
et  le  relief  des  sculptures  concourent  si  puissamment  à  l'harmonie  de  cet  ensemble. 

Au  point  de  vue  statuaire,  six  grandes  figures  se  rapportant  aux  Eléments, 
sont  placées  dans  des  niches  à  hauteur  du  premier  étage. 

Le  portail  est  orné  de  massifs  bossages  et  flanqué  de  deux  colonnes 
doriques.  Sully  l'acheta  en  1G34;  il  y  apporta  de  nombreux  embellissements.  Dans 
le  jardin  qui  attenait  à  la  place  Royale  et  qui,  malgré  ses  dimensions  restreintes 
était  dessiné  avec  goût,  il  y  adjoignit  une  orangerie  dans  la  partie  désignée 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  «  Petit  hôtel  de  Sully  »  qui  a  son  entrée  sur  la  place 
des  Vosges  et  dont  on  voit  ci-dessus  l'image  avec  ses  parterres  de  broderies. 
L'hôtel  ne  resta  dans  la  famille  Sully  que  jusqu'en  1762. 


—     60 


Jardin  de  l'hôtel  de  M.  de  Bretonvilliers 

dans  nie  Notre-Dame 


L'hôtel  de  Bretonvilliers  était  une  maison  remarquable,  surtout  par  sa 
situation  à  la  pointe  de  l'île,  sa  vue  magnifique  et  le  luxe  de  ses  décorations  inté- 
rieures. Elle  avait  été  bâtie  vers  1660,  par  un  riche  financier,  favori  du  cardinal 
Mazarin,  qui  l'employa  au  maniement  des  Finances.  Il  prospéra  dans  ces  fonctions 
et  usa  bien,  dit-on,  de  sa  fortune.  Il  se  nommait  Bénigue  le  Ragois  de  Bretonvilliers, 
et  devint  un  des  plus  grands  seigneurs  de  son  époque.  II  y  avait  là  tout  ce  que  l'art 
peut  souhaiter  de  plus  beau.  Les  meubles,  les  dorures,  sculptures,  marbres, 
bronzes,  glaces,  etc.,  y  brillaient  de  tous  côtés.  Les  pièces  les  plus  curieuses 
étaient  les  trumeaux  de  la  salle  basse,  peints  par  le  célèbre  Mignard  d'après  les 
originaux  de  Raphaël. 

A  citer  parmi  les  merveilleux  tableaux  qui  complétaient  cette  somptueuse 
décoration,  ceux  de  Poussin,  Michel  Ange,  Daniel  de  Volterre.  Les  fondations  du 
bâtiment  et  de  la  plupart  des  dépendances  furent  prises  sur  le  lit  de  la  Seine  et 
établies  sur  pilotis.  M.  de  Bretouvilliers  fit  faire  à  ses  frais,  tout  le  quai  de  la 


t-:. 
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u/ûii     iwpartcnant    a    ^'nadame     de   (JjretonuilLierf     du   cojle  du.  Jardin  dutu    Ijjle  JJojtre    Uja 


lO-a^l  ^x.  auecpr^Ujf  i-  S>j  . 


Pointe  de  l'Ile,  et  employa  plus  de  huit  cent  mille  livres  à  ces  ouvrages  y  compris 
les  jardins  très  réputés  alors  de  son  hôtel. 

La  maison  de  M.   Lambert  de  Thorigny  était  célèbre  et  à  juste  titre.  La 
façade  du  bâtiment  du  côté  du  jardin  ou  de  la  grande  terrasse  était  enrichie  d'une 


Gouache  du  xviie  siècle,  de  i.a  collicction  de  Mme  la  baronne  de  Pi.anker-Klaps. 

architecture  en  pilastres  ioniques  qui  prenait  depuis  le  rez-de-chaussée  avec  une 
rangée  de  vases  formant  un  ensemble  de  belle  décoration. 

Cette  maison  avait  un  air  de  grandeur  qui  se  distinguait  de  fort  loin,  et  qui 
donnait  une  idée  avantageuse  de  la  magnificence  de  la  ville  de  Paris  à  cette  époque 
lorsqu'on  y  arrivait  par  Charenton  du  côté  des  jardins. 


Château  de  Lorry,  près  Metz 

Il  y  avait  à  la  fin  du  xvii*  siècle  certains  jardins  qui  méritent  d'être  décrits. 
Les  quatre  angles  étaient  garnis  chacun  d'un  cabinet,  touffu  et  fort  ombragé,  le 
reste,  à  la  vérité,  était  environné  d'arbres,  mais  tous  taillés  ;  le  long  de  ces  quatre 
faces  étaient  quatre  allées  larges  et  bien  proportionnées  dans  leur  longueur;  d'un 
côté  elles  étaient  parées  de  contre-espaliers  à  hauteur  d'appui,  et  de  l'autre  bordées 
de  palissades  de  phillirea;  les  branches  de  phillirea  s'étendaient  le  long  des 
murailles  avec  tant  d'ordre  et  d'adresse,  et  de  plus  si  bien  garnies  de  leurs  feuilles 
que  les  murs  en  toute  saison  y  étaient  toujours  verts  ;  outre  cela,  le  jardinier  avait 
ingénieusement  entremêlé  ces  contre-espaliers  de  fruits  hâtifs  et  de  tardifs,  de 
ceux  d'hiver  et  d'été. 

Entre  ces  quatre  belles  allées  étaient  renfermés  deux  grands  parterres  carrés 
formant  un  grand  lozange  qui  variait  fort  plaisamment  l'ordonnance  du  jardin  ; 
dans  le  milieu  une  allée  bordée  de  contre-espaliers  apportait  un  nouvel  agrément 
au  parterre,  et  multipliait  par  ce  moyen  sa  symétrie  aussi  bien  que  ses  entrées. 
Enfin,  d'autres  lozanges,  carrés  et  demi-lunes  étaient  revêtus  de  contre-espaliers  à 
hauteur  d'appui,  entre-coupés  d'allées  et  bordés  de  beaux  fruits. 


E^g,  ^'nj.at 


}t' 


63     — 


La  maison  de  M.  de  Boisfrant 


Rien  ne  manquait  à  ces  belles  résidences  de  Paris.  La  salle  à  manger 
donnait  accès  dans  l'orangerie  que  longeait,  à  droite,  un  vaste  jardin  tracé  à  la 
française,  dans  le  style  mis  en  vogue  par  Le  Nôtre.  Ce  jardin  s'étendait  jusqu'aux 
bâtiments,  dans  le  goût  du  temps,  masqué  par  un  treillage  ouvragé,  peint  en  vert, 
et  orné  de  dorures  avec  une  niche  au  milieu  où  se  trouvait  une  statue  d'époque 
romaine.  De  superbes  figuiers  en  caisses,  des  arbres  et  des  arbustes,  taillés  en 
formes  géométriques,  étaient  répartis  ça  et  là  avec  symétrie.  Les  parterres  formaient 
comme  des  panneaux  décoratifs  avec  leurs  cordons  de  buis  festonnés  en  broderies. 
Indépendamment  d'une  fontaine  il  y  avait  un  grand  bassin  avec  une  gerbe  d'eau 
qui  animait  ce  joli  décor.  On  avait  disposé  dans  les  allées  des  bancs  de  pierre  à 
console  et  des  vases  de  genre  antique  sculptés  de  bas-reliefs.  On  admirait  surtout 
dans  les  jardins,  des  groupes  de  marbre  qui  représentaient  des  déesses  ou  des 
amours. 


64 


Le  Jardin  de  Sylvie 


Ce  parc  de  Sylvie  doit  son  nom  à  l'infortuné  poète  Théophile  Viaud  qui, 
poursuivi  par  le  parlement  à  cause  d'un  livre  satyrique  dont  on  le  croyait  l'auteur, 
fut  accueilli  par  Marie  Félix  des  Ursins  qui  lui  donna  asile  à  Chantilly,  Il  avait, 
par  reconnaissance,  composé  en  l'honneur  de  sa  bienfaitrice  et  en  mémoire  de 
cette  partie  du  parc  où  elle  se  plaisait  particulièrement,  une  ode  intitulée  «  La 
Maison  de  Sylvie  »  dont  le  nom  de  Sylvie  fut  ainsi  donné  au  parc,  à  l'étang,  à  la 
fontaine  et  au  pavillon  qui  se  trouvent  dans  cette  partie  des  jardins. 


Lorsqu'en  1782,  M.  de  Condé  donna  une  fête  au  comte  du  Nord,  on  soupa 
au  hameau,  qui  était  éclairé  par  six  cents  lanternes  accrochées  aux  arbres  ;  le 
rocher  paraissait  de  loin  illuminé  sans  qu'on  aperçut  les  lumières;  l'allée  d'arbres, 
en  face  du  même  rocher  offrait  le  même  effet.  Le  petit  canal,  à  l'entrée  du  jardin, 
était  éclairé  par  des  bouquets  de  lanternes,  et  l'illumination  de  guirlandes  de 
lanternes  de  différentes  couleurs  dont  la  guinguette  avait  été  ornée,  se  reflétait  entre 
les  arcades  des  berceaux. 


65 


Berceau  de  treillage  de  M.  de  Bensarade 

à  Arcueil 


C'est  au  pied  de  la  côte  du  moulin  de  la  Roche  près  du  moulin  à  eau  placé 
sur  la  rive  droite  de  la  Bièvre  entre  Gentilly  et  Arcueil  que  se  trouvait  la  maison  de 


(Berceaa.    de  treULrqc  cL  la  ^Um^wh  cù  ^  IL'  Je  Betucradt^' 
<i  K Ai'cuclI 


Bensarade,  poète  élégant  et  spirituel,  celui  qui  fut  l'âme  des  plaisirs  de  la  brillante 
cour  de  Louis  XIV.  Bensarade  y  mourut  le  17  septembre  i6gi;  il  était  de  l'Acadé- 
mie française  depuis  1674. 


66 


Salon  de  treillage  de  M.  le  Comte  de  Morstein 
à  Montrouge 

Les  portiques,  les  berceaux,  les  cabinets  de  treillage  étaient  fort  à  la  mode 
au   xvii^  et  au   xviii'  siècle.    D'Argenville  dit  «  qu'ils  avaient  quelque  chose  de 


trniij^. 


magnifique  quand  ils  étaient  bien  placés  en  rehaussant  la  beauté  naturelle  des 
jardins.  Il  s'était  fait  de  ces  ouvrages  très  dispendieux,  comme  à  l'hôtel  de  Condé, 
à  l'hôtel  de  Louvois.  On  distingue  deux  sortes  de  berceaux  ou  portiques,  les 
naturels  et  les  artificiels.  Les  naturels  et  les  artificiels  sont  faits  tout  de  treillage 
soutenus  par  des  montants,  traverses,  cercles,  arc-boutants  et  barres  de  fer.  On 
compose  avec  tout  ce  fer  et  ce  bois,  des  berceaux,  des  portiques,  des  galeries,  des 
cabinets,  salons,  niches  et  coquilles,  ornés  de  colonnes,  de  pilastres,  de  corniches. 


68     — 


il 

il 


frontons,  montants,  panneaux,  vases,  consoles,  couronnements,  dômes,  lanternes 
et  autres  ornements  d'architecture. 

«  On  distingue  un  berceau  d'avec  un  cabinet  en  ce  qu'un  berceau  est  une 
grande  longueur  cintrée  par  le  haut,  en  forme  de  galerie,  et  qu'un  cabinet  est 
composé  d'une  figure  carrée,  circulaire  ou  coupé  à  pans,  formant  un  salon  qui 
peut  se  mettre  aux  deux  extrémités,  et  au  milieu  d'un  long  berceau.» 

«  Les  portiques  sont  encore  différents  de  tout  cela  :  c'est  l'entrée  extérieure 
des  cabinets,  salons  et  berceaux  de  treillage  qui  est  ordinairement  décoré  d'un 
fronton,  d'une  belle  corniche,  avec  des  pilastres  et  montants». 


«  On  se  sert  ordinairement  des  berceaux  cabinets  et  portiques  de  treillage 
pour  terminer  un  jardin  de  ville  et  en  boucher  les  murs  et  les  vues  désagréables, 
en  formant  un  bel  aspect  pour  cette  décoration,  qui  peut  serAir  aussi  de  fond  et 
de  perspective  à  une  grande  allée.  L'on  en  pratique  encore  dans  les  bosquets,  dans 
les  renfoncements  et  niches  de  palissades  pour  des  bancs  et  des  figures.  » 

Dans  les  images  ci-contre  du  salon  de  treillage  du  Comte  de  Morstein  et 
du  parc  de  Sylvie,  on  juge  bien  de  ces  genres  différents  de  treillages. 

Les  parterres  du  dessin  de  Le  Nôtre  y  étaient  d'une  grande  sobriété  avec 
leurs  pièces  de  gazon  et  leurs  bordures  de  buis,  le  miroir  d'eau  au  centre  et  les 
quatre  bassins  dans  les  angles. 

Un  ancien  curé  de  Ghaville,  l'Abbé  Dassé  a  trouvé  sur  la    résidence   de 


70     — 


Michel  Le  Tellier  d'intéressants  détails.  Sa  construction  date  de  1G60,  à  l'endroit 
même  où  était  le  manoir  seigneurial  de  son  aïeul.  Ce  superbe  château,  dont  Cha- 
mois fut  l'architecte  et  dont  les  gravures  de  l'époque  conservées  à  la  Bibliothèque 
Nationale  nous  montrent  les  vastes  proportions,  était  ainsi  disposé.  «Au-devant  de 
la  porte  d'entrée  une  demi-lune  que  traversait  une  rue;  puis  une  première  grille 
donnait  entrée  dans  la  cour;  à  droite  étaient  les  écuries;  à  gauche  un  canal  qui 
tenait  d'un  bout  à  la  ménagerie  et  basse-cour  et  de  l'autre  à  l'orangerie.  » 

«Une  seconde  grille  s'ouvrait  sur  une  seconde  cour  qui  formait  un  carré 
parfait.  A  chacun  des  angles  de  la  première  entrée  était  un  pavillon;  celui  de 
gauche  servait  de  conciergerie  ;  celui  de  droite  formait  la  chapelle.  Au  fond  se 
trouvait  le  château  avec  son  vestibule  et  son  escalier  hardi  qui  passaient  pour  un 
beau  morceau.  » 

«  De  l'autre  côté  du  château  s'étendaient  un  parterre  et  une  pelouse  allant 
jusqu'au  pavé  des  Gardes;  et  disséminés  dans  toute  la  propriété,  des  bosquets,  des 
cascades,  des  chemins  bordés  d'ifs  et  d'ipécas,  le  tout  disposé  dans  le  goût  du  parc 
de  Versailles.  » 

Michel  Le  Tellier  mourut  le  3o  Septembre  i685  à  l'âge  de  83  ans.  Il  fut  le 


dernier  seigneur  de  Chaville,  Le  8  et  le  ii  décembre  1695,  sa  femme  vendit  le 
domaine  à  Louis  XIV  en  même  temps  que  celui  de  Viroflay  et  de  Villacoublay,  le 
tout  moyennant  la  somme  de  Sgo.ooo  livres.  Dans  l'acte  d'achat  du  1 1  décembre 
i6g5,  le  roi  fit  donation  de  la  terre  de  Chaville  à  «  très  haut  et  très  puissant  et  très 
excellent  prince  M^"".   Louis  Dauphin  de  France,  fils  unique  de  Sa  Majesté.  C'est 


Cda, 


,/<■  ffvillai]c  Ja ■  J'LiiJui  Je  C  luivilin 


alors  que  les  murs  furent  supprimés  pour  réunir  Chaville  et  Meudon  en  un  seul 
domaine  d'autant  plus  vaste  que  Louis  XIV  avait  acheté  de  l'abbé  de  Louvois  la 
terre  d'Ursines,  moyennant  259.760  livres. 


—    r 


Comme  la  résidence  du  Dauphin  était  le  château  de  Meudon,  la  superbe 
habitation  de  Michel  Le  Tellier  fut  donc  quelque  peu  délaissée  jusqu'en  171  i,  à  la 
mort  du  fils  de  Louis  XIV.  Peu  après,  le  roi  donna  au  prince  de  Talmont  la  jouis- 
sance à  vie  du  domaine  de  Chaville,  à  la  réserve  toutefois  des  bois,  des  avenues,  de 
ceux  des  bosquets,  des  jardins  et  des  gros  ormes  qui  se  trouvaient  dans  l'avant-cour 
du  château. 

A  la  mort  du  prince  de  Talmont,  le  duc  et  la  duchesse  de  Brancas,  par 
brevet  du  roi  en  date  du  2g  juillet  lySy,  obtinrent  la  jouissance  à  vie  du  domaine 
de  Chaville.  Ils  le  possédèrent  jusqu'à  leur  mort  en  1778.  A  cette  époque,  le  château 
de  Chaville,  qu'on  peut  voir  dans  de  nombreuses  gravures  au  Cabinet  des  Estampes 
de  la  Bibliothèque  Nationale,  fut  ainsi  que  le  petit  parc,  donné  en  1766  par  le  roi 


au  maréchal  de  Tessé  qui  fit  démolir  le  château  et  abattre  les  bois  et  arbres  qu'il 
vendit  à  son  profit.  L'année  suivante  il  fit  construire  un  nouveau  château  proche 
du  premier,  sur  le  même  alignement.  Le  parc  et  le  jardin  furent  replantés  et  finirent 
par  subir  la  tranformation  à  l'anglaise  dans  le  goût  de  l'époque. 


73 


Portique  et  treillage  du  jardin  de  M.  de   Montigny 

Les  portiques  de  treillage  aux  lignes  régulières  de  M.  de  Montigny  étaient 
très  célèbres,  ainsi  que  leur  décoration  avec  festons  et  roses  du  meilleur  goût. 
Dans  les  jardins  de  Paris  le  peu  d'espace  disponible  amena  la  perspective  à  jouer 
le  grand  rôle.  Un  artiste,  Le  Maire,  entreprit  de  peindre  les  perspectives  sur  les 
murs  de  sa  cour  pour  allonger  la  vue  et  l'égayer. 

Non  seulement  il  était  alors  celui  qui  entendait  le  mieux  la  perspective. 


mais  il  passait  encore  pour  le  premier  et  le  plus  expert  en  ces  sortes  de  travaux;  à 
Rueil  et  à  Bagnolet,  avec  ses  pinceaux  et  ses  couleurs,  il  l'avait  prouvé  en  dessinant 
des  campagnes  fertiles,  longues  et  larges,  à  perte  de  vue,  en  des  lieux  où  il  n'y 
avait  rien,  où  il  ne  se  trouvait  qu'une  petite  muraille;  il  sut  ériger  des  arcs  de 
triomphe,  élever  de  superbes  portiques,  construire  de  grands  temples  et  de  grands 
palais,  avec  toute  la  hauteur  et  la  capacité  que  les  architectes  leur  donnaient. 

C'est  au  contraire  lorsqu'il  était  gêné  par  la  petitesse  d'une  cour  carrée,  qu'il 
devait  principalement  travailler  à  l'agrandir  et  y  rendre  la  vue  jolie  et  enjouée  ;  pour 
cela  il  représentait  deux  superbes  portiques  qui  environnaient  une  grande  cour  pavée 


74     — 


de  marbre  blanc  et  rouge  et  conduisait  dans  un  vaste  parterre,  bien  entretenu, 
fermé  d'un  berceau  ou  d'une  tonnelle.  Ces  portiques  étaient  soutenus  et  enrichis 
de  deux  longues  suites  d'arcades,  accompagnées  de  part  et  d'autre  d'une  ordonnance 
de  pilastres  corinthiens.  Le  cintre  de  chaque  arcade  était  garni  de  rosons  et  leur 


vide  orné, 
chacun  dans 
le  milieu, 
d'une  statue 
grande  com- 
me nature;  il 
couronna  i t 
dans  ces  or- 
nements d'un 
petit  mur  éle- 
vé à  hauteur 
d'appui,  en 
mettant  des- 
sus des  bas- 
ses-tailles qui 
semblaient 
être  antiques 
et  à  demi-re- 
lief avec  des 
cannelures 
dans  les  pi- 
lastres, les 
feuilles  et  les 
tigettes  des 
chapiteaux 
étaient  rou- 
lées avec  tou- 
te la  netteté 
et  la  perfec- 
tion que  de- 
bas-reliefs,  de  parterres,  de  portiques,  et  les  disposer  en  sorte  qu' 
taient  les  uns  les  autres  et  représentaient  réellement  des  objets 
qu'imaginaires  en  étendant  une  vue  limitée. 


mande  l'or- 
donnance co- 
rinthienne, 
c'est-à-dire 

l'ordre    le 
plus    accom- 
pli. 

En  un 
mot  toutes 
les  parties  de 
cette     belle 

perspective 
faisaient  un 
effet  merveil- 
leux, mais  il 
n'y  a  rien  qui 
mérite  plus 

justement 
l'admiration, 
que  de  voir 
un  peintre  sa- 
voir renfer- 
mer dans  un 
espace  fort 
restreint  une 

si    grande 
quantité  de 

pilastres, 

d'arcades,  de 

statues,    de 

ils  se  complé- 

qui    n'étaient 


75 


Le  jardin  de  M.  de  Chamlay 

Rue  du  Vieux  Colombier 

Ici  se  voit  un  des  beaux  modèles  de  Le  Nôtre,  qui  a  surtout  fait  des  parterres 
en  broderies  ;  il  affectionnait  les  formes  carrées  recoupées  en  quatre  parties  suivant 
les  diagonales,  avec  un  bassin  central  comme  ceux  des  Tuileries,  Saint-Denis.  Il 
faisait  aussi  beaucoup  de  parterres  rectangulaires  à  grande  échelle  tout  en  broderies 
destinés  à  occuper  le  premier  plan  devant  le  château  ;  ils  étaient  disposés  symétri- 
quement par  rapport  à  l'axe  comme  à  Vaux. 

Dans  ses  petits  parterres  en  broderie,  il  ne  craignait  pas  une  certaine 
fantaisie,  il  les  terminait  quelquefois  par  un  bassin  qui  était  enclavé  à  moitié, 
comme  dans  le  petit  jardin  du  palais  royal. 

Les  dessins  de  Le  Nôtre  sont  en  général  d'une  grande  sobriété  et  assez 
larges  pour  en  permettre  facilement  la  lecture.  Les  parterres  de  pièces  coupées 
sont  en  général  assez  élégants,  il  évite  l'écueil  de  la  lourdeur  où  il  est  facile  de 
tomber  dans  ces  sortes  de  parterres.  Il  fait  beaucoup  de  compartiments  intérieurs 


-       76       - 


avec  volutes,  pièces  de  gazon  découpé  et  motifs  de  buis  au  centre  de  la  comparti- 
mentation.  Il  a  composé  aussi  de  très  beaux  parterres  carrés  avec  bassin  dans  les 
angles,  miroir  central  et  compartimentations  remplies  de  dessins  de  buis.  Il  n'a  pas 
craint  de  faire  des  parterres  triangulaires  et  en  forme  de  trapèze.  Malgré  ces  formes 
de  fantaisies, 
Le  Nôtre  arri- 
vait  toujours 
à  faire  des 
compositions 
originales, 
claires  et  de 
premier  or- 
dre. Pour 
mieux  lire 
les  dessins 
des  grandes  fe 
broderies,  il 
les  divise  par 
des  plates- 
bandes  de 
fleurs  ou  de 
gazon  serties 
par  des  filets 
de  buis  avec 
sentiers  de 
sable  de  cou- 
leur. Ces  pla- 
tes-bandes, 

forment 
elles-mêmes 
des  dessins  à 
grande  com- 
position, 
dont    certai- 


nes parties 
se  terminent 
en  volutes 
qui  donnent 
naissance  à 
des  rinceaux 
d'ornementa- 
tion de  buis 
qui  recou- 
pent ces  pla- 
tes-bandes. 
On  re- 
coupe  par- 
fois ces  par- 
terres pour 
les  rendre 
plus  lisibles, 
soit  par  des 
diagonales 

quand  ils 
sont  de  for- 
me carrée, 
soit  par  des 
lignes  biai- 
sées.  Quand 
ils  sont  à  très 

grande 
échelle  et  de 
forme    rec- 
tangulaire. 


comme  à  Vaux,  par  exemple,  où  ils  sont  compartimentés  par  des  plates-bandes  qui 
forment  un  dessin  à  part.  Elles  comportent  des  volutes  et  autres  formes  consacrées 
qui  donnent  naissance  aux  rinceaux  de  buis  qui  recoupent  ces  plates-bandes. 

Les  broderies  de  cette  époque  comportaient  de  grands   rinceaux  formés 
par  des  buis  et  remplis  avec  des  sables  ou  des  mosaïques  de  couleurs  différentes. 


77 


La  maison  de  M.   Le  Pelletier,   Ministre  d'Etat 
à  Villeneuve  le  Roy 


V^illeneuvc  le  Roi,  d'après  d'Argenville,  était  remarquable  par  la  belle  maison 
de  M.  le  Président  de  Ségur  qui  avait  succédé  à  Claude  Le  Pelletier,  contrôleur 
général  des  finances. 

Une  avenue   longue  et  spacieuse,   plantée   de   quatre   rangs   d'ormes  qui 


/..•/  MAISO 


allaient  jusqu'à  Choisy,  conduisait  à  une  esplanade,  à  l'entrée  de  laquelle  une 
porte  grillée,  menait  à  une  grande  avant-cour  séparée  de  la  cour  du  château  par 
une  seconde  grille  de  fer.  On  descendait  dans  un  parterre  orné  d'un  beau  bassin, 
et  on  passait  sur  deux  arcades  dans  un  boulingrin  entouré  d'arbres  en  boule. 
Par  deux  escaliers  ornés  de  vases,  on  arrivait  sur  la  gauche  du  château 
dans  deux  grandes  pièces  ;  l'une  formant  un  parterre  à  l'anglaise,  l'autre  terminée 
par  un  bassin.  Ici  commençait  le  parc  qui  allait  jusque  sur  les  bords  de  la  Seine. 
Ces  pièces  étaient  séparées  par  des  arcades  de  verdure. 

-     78     - 


Le  jardin   de  M.  le  Marquis  de   Prie 
à  Turin 


néralement 
leschâteaux 
du  xvii''  et 
xviii' siècle, 
dit  Havard, 
étaient  iso- 
lés. Mais 
l'art  ne  per- 
dit rien  à 
cette  dispo- 
sition spé- 
ciale. Les 
terrasses, 
les  balus- 
trades, les 
vases  en 
bronze,  les 
statues  en 
marbre,  les 
ifs  et  les 
buis  taillés 
durent  ani- 
mer ces 
grands  es- 
paces et  do- 
minèrentde 
leurs  for- 
mes élégan- 
Marot  contribua 


(je-         .'  ^'        g'     -^TaB^^fgiur    -^  1^  giajiaByr--u—       ^  tes  ces   jar- 

dins dispo- 
sés au  «  ras 
de  terre  », 
avec  leurs 
combi  nai- 
sonsen  bro- 
deries,  qui, 
de  leur  con- 
struction 
même  pri- 
rent le  nom 
de  «  parter- 
res», et  con- 
stituèrent 
ce  que  nous 
appelons 
aujourd'hui 
le  jardin 
français. 

Les 
grandes 
conceptions 
de  Le  Nôtre 
s'étendaient 
à  l'étranger. 
On  en  trou- 
ve quantité 
d'exemples, 
à  étendre  le  type  régulier  hors  de  France,  L'image  ci-dessus 
montre  que  le  goût  français  y  prédomina,  mais  il  ne  se  conservera  pas  dans  toute 
sa  pureté.  Marot  a  dessiné  des  ensembles  moins  classiques,  trop  chargés;  un  peu 
plus  tard,  sous  l'influence  du  pays  où  il  se  trouvait. 


—     80 


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fififififififiP 
fifififififi-f'fi 
ffifi^fi^fifi 


DISPOSITION  D'UN  JARDIN  PAR  GALIMARD  AU  XVIII'  SIÈCLE 
L'ensemble  de  la  décoration  centrale  est  composée  de  six  parterres  —  ceux  des  extrémités  en  broderies  de 
buis  sur  sable  de  couleur  et  bordés  de  fleurs —  les  deux  au  centre  en  découpage  de  gajon  avec  sable  de  couleur  bordé 
de  Jleurs  avec  bassin  central.  —  Le  tout  appuyé  sur  une  demi-lune.  — Les  parties  latérales  sont  formées  de  deux 
quinconces  de  tilleuls,  les  deux  bassins  cernés  d  une  plate-bande  de  Jleurs  et  des  deux  bosquets. 


Les  lignes  de  ce  parterre  indiquent  déjà  qu'au  xvin'  siècle,  on  s'éloigne  du 
côté  rigide.  Les  détails  l'emportent  sur  la  composition  générale.  Les  périmètres  des 
quatre  angles  de  ces  parterres  sont  plus  contournés  que  ceux  de  Le  Nôtre  et  de 
son  école.  Il  est  du  dessin  de  Galimard  (xviii'  siècle). 


Pour  le  détailler,  on  doit  dire  que  les  dessins  du  centre  entourant  le  bassin 
sont  en  gazon  découpés,  séparés  par  des  sentiers  de  sable  de  même  couleur,  gris 
ou  rouge,  et  entourés  d'une  plate-bande  de  fleurs  basses.  Les  quatre  angles  sont  en 
broderies  de  buis  taillé  sur  sable  encadrés  de  parterres  de  fleurs.  L'eff'et  intéressant 
serait  de  sabler  en  rouge  le  centre  de  gazon  et  les  quatre  angles  en  gris  ou  jaune. 


Modèle  de  parc  pour  petites  résidences. 


Le  motif  central  axé  sur  la  façade  principale  du  bâtiment  se  composait  d'un 
parterre  de   gazon   terminé  à  chacune  de  ses  extrémités  par  un   bassin; 


l'ensemble  était  serti  par  des  plates-bandes  de  fleurs  et  séparé  du  gazon  par  des 
sentiers  de  découpage  sablés.  Un  petit  tapis  vert  limité  par  deux  rangées  de 
tilleuls  taillés  épousait  la  même  forme  que  le  parterre  central.  La  partie  extérieure 
de  cette  composition  était  bordée  par  une  allée  suivant  la  forme  du  motif  et  se 
trouvait  en  contre  haut  d'un  talus  bordé  en  crête  d'une  autre  rangée  de  tilleuls 
servant  à  ombrager  de  larges  allées  placées  en  terrasse  sur  ce  grand  motif  central. 
Sur  les  deux  parties  latérales  en  contre  haut,  il  y  avait  un  jardin  fleuriste 
avec  un  bassin  central  et  à  gauche,  une  série  de  figures  boisées  et  découpées  par 
des  allées  diagonales.  Le  centre  comprenait  un  bosquet  avec  miroir  d'eau,  flanqué 
de  quatre  parterres  de  gazon.  Un  grand  tapis  vert  formait  l'axe  de  cette  composition 
et  donnait  accès  au  bosquet  central. 


83 


Grand  parterre  de  broderie  par  Galimard,  wiii'  sucie 


cùGrocùfic  ^  \ 


Ce  parterre  est  bordé  de  plates-bandes  de  fleurs  sur  sable  de  couleur  avec  compartiments  de  ga^on  sur  les  parties 
latérales  et  avec  bassins  dans  l'axe  de  ta  séparation. 


Grand  parterre  de  broderies  sur  sable  de  couleur  avec  plates-bandes  de  fleurs  par  Galimaf 


-       84 


Description  de  jardins  au  XVIIP  siècle 
pour  petites  résidences 


Un  de  nos  vieux  maîtres  jardiniers  du  xvni"  siècle  disait  que  «  la  disposition 
et  la  distribution  d'un  plan  général  pour  être  parfaites,  doivent  suivre  la  situation 
du  terrain. 

La  variété  et  la  diversité  de  la  composition,  (outre  une  sage  distribution 
bien  entendue  et  bien  raisonnée)  contribuent  aussi  beaucoup  à  rendre  un  jardin 
parfait;  les  jardins  les  plus  variés  sont  les  plus  estimés  et  les  plus  magnifiques. 

C'est  à  quoi  un  architecte  ou  un  dessinateur  de  jardins  doit  principalement 
prendre  garde,  quand  il  veut  inventer  un  beau  plan,  en  se  servant  avec  art  et 
économie,  des  avantages  d'une  place  et  en  corrigeant  par  son  industrie  les  défauts, 
les  biais  et  les  inégalités  du  terrain. 

Tout  cela  n'est  pas  si  aisé  qu'on  se  l'imagine;  un  beau  jardin  est  du  moins 
aussi  ditficile  à  inventer  et  à  distribuer,  qu'un  beau  bâtiment. 

11  faut  être  un  peu  géomètre  et  savoir  l'architecture. 

Un  homme  riche  qui  veut  planter  un  beau  jardin,  doit  faire  trois  choses 
essentielles;  choisir  en  premier  lieu  une  personne,  dont  la  capacité  de  l'art  de 
jardinage,  soit  déjà  prouvée  par  quantité  de  tous  morceaux  ;  c'est  le  moyen  d'éviter 
l'exécution  de  ces  dessins  fondés  seulement  sur  le  caprice.  En  second  lieu,  il  ne  doit 
pas  suivre  le  train  de  la  plupart  des  gens  du  monde,  qui  font  exécuter  des  dessins 
avec  une  précipitation  infinie. 

Enfin  il  faut  qu'il  se  consulte  sur  la  dépense  qu'il  veut  faire,  pour  y  propor- 
tionner la  grandeur  de  son  bâtiment  et  l'étendue  de  son  jardin,  et  considérer  que 
plus  son  jardin  sera  grand,  plus  il  lui  coûtera  à  dresser  le  terrain,  à  planter,  à 
exécuter  tous  les  dessins,  et  à  l'entretenir  de  tout.  S'il  y  a  des  fontaines,  les  bassins 
et  les  pièces  d'eau  deviendront  plus  grandes,  les  conduites  plus  longues  et  par 
conséquent  coûteront  infiniment  davantage. 

L'on  peut  dire  avec  raison,  qu'un  bâtiment  de  campagne  doit  être  propor- 
tionné à  l'étendue  du  jardin;  et  faire  en  sorte  que  le  bâtiment  réponde  au  jardin,  et 
le  jardin  au  bâtiment. 

On  distingue  quatre  maximes  fondamentales  pour  bien  disposer  un  jardin; 
la  première,  de  faire  céder  l'art  à  la  nature;  la  seconde,  de  ne  point  trop  offusquer 
un  jardin;  la  troisième,  de  ne  le  point  trop  découvrir;  et  la  quatrième,  de  le  faire 
toujours  paraître  plus  grand  qu'il  n'est  effectivement. 

—     85     — 


11  faut  en  plantant  un  jardin  considérer,  qu'il  doit  plus  tenir  de  la  nature 
que  de  l'art.  Un  bois,  par  exemple,  pour  couvrir  des  hauteurs  ou  remplir  des  fonds, 
situé  sur  les  ailes  d'une  maison,  un  canal,  dans  un  endroit  bas,  et  qui  paraisse  être 
l'égout  de  quelque  hauteur  voisine,  en  sorte  que  l'embellissement  et  l'art  qu'on  y  a 
donné  dans  la  suite,  cède  entièrement  à  cette  nature.  On  ne  doit  pas  rendre  les 
jardins  tristes  et  sombres,  en  les  offusquant  par  trop  de  broussailles  et  de  couvert, 
il  faut  laisser  régner  de  belles  esplanades  autour  du  bâtiment;  c'est  pour  cela  qu'on 
ne  met  dans  les  parterres,  les  terrasses,  les  boulingrins,  rampes,  etc.,  que  de  petits 
ifs  et  arbrisseaux,  afin  que  n'occupant  point  tout  l'espace  de  l'air,  on  jouisse  d'une 
échappée.  Il  faut  toujours  descendre  d'un  bâtiment  dans  un  jardin  par  un  perron  de 
trois  marches  au  moins,  cela  rend  le  bâtiment  plus  sec  et  plus  sain,  et  l'on  découvre 
de  dessus  du  perron  toute  la  vue  générale  d'un  jardin,  ou  une  bonne  partie,  qui 
forme  un  aspect  fort  agréable. 

Un  parterre  est  la  première  chose  qui  doit  se  présenter  à  la  vue,  il  doit 
occuper  les  places  les  plus  proches  du  bâtiment,  soit  en  face  ou  sur  les  côtés,  tout 
par  rapport  à  la  découverte  qu'il  cause  au  bâtiment,  que  par  rapport  à  sa  beauté  et  à 
sa  richesse,  qui  se  trouvent  sans  cesse  sous  les  yeux,  et  se  voient  de  toutes  les 
fenêtres  d'une  maison.  On  doit  accompagner  les  côtés  d'un  parterre,  de  morceaux 
qui  le  fassent  valoir.  Comme  c'est  une  pièce  plate,  il  lui  faut  du  relief  tels  que  sont 
les  bosquets  et  les  palissades. 

Les  bosquets  sont  le  capital  des  jardins;  ils  font  valoir  toutes  les  autres 
parties,  et  l'on  n'en  peut  jamais  trop  planter.  On  choisit  pour  accompagner  les 
parterres,  les  dessins  de  buis  les  plus  mignons,  comme  les  bosquets  découverts  à 
compartiments,  quinconces,  salles  vertes,  avec  des  boulingrins,  des  treillages,  et 
des  fontaines  dans  le  milieu.  Ces  petits  bosquets  sont  d'autant  plus  agréables,  étant 
près  d'un  bâtiment,  que  vous  trouverez  tout  d'un  coup  de  l'ombre  sans  aller  cher- 
cher si  loin;  outre  une  fraîcheur  qu'ils  communiquent  aux  appartements,  qui  est  ce 
qu'on  recherche  le  plus  dans  la  grande  chaleur. 

On  fera  la  principale  allée  en  face  du  bâtiment,  et  une  autre  grande  de 
traverse,  d'équerre  à  son  alignement;  bien  entendu  qu'elles  seront  doubles  et 
très  larges.  Il  faut  de  la  variété,  non  seulement  dans  le  dessin  général  d'un  jardin, 
mais  il  en  faut  encore  dans  chaque  pièce  séparée. 

Après  toutes  ces  règles  générales,  il  faut  distinguer  les  ditîerentes  sortes 
de  jardins  qui  se  peuvent  pratiquer,  lesquelles  se  réduisent  à  trois.  Les  jardins  de 
niveau  parfait,  les  jardins  en  pente  douce,  et  les  jardins  dont  le  niveau  et  le  terrain 
sont  entrecoupés  par  des  chûtes  de  terrasses,  glaces,  talus,  rampes,  etc.  Les  jardins 
de  niveau  parfait  sont  les  plus  beaux,  tant  à  cause  de  la  commodité  de  la  prome- 
nade, que  par  rapport  aux  longues  allées  et  enfilades,  où  il  n'y  a  point  du  tout  à 
descendre  ni  à  monter;  cela  les  rend  d'un  moindre  entretien  que  les  autres 

—     86     — 


Les  jardins  en  pente  douce  ne  sont  pas  si  agréables  et  si  commodes, 
quoique  leur  pente  soit  imperceptible. 

Les  jardins  en  terrasses  ont  leur  mérite  et  leur  beauté  particulière,  en  ce 
que  du  haut  d'une  terrasse,  vous  découvrez  tout  le  bas  d'un  jardin,  et  les  pièces 
des  autres,  qui  forment  autant  de  différents  jardins,  qui  se  succèdent  l'un  à  l'autre, 
et  causent  un  aspect  fort  agréable.  C'est  selon  ces  différentes  situations,  que  l'on 
doit  inventer  la  disposition  générale  d'un  jardin. 

Voici  deux  descriptions  différentes  de  petits  jardins  pour  maisons  particu- 
lières. Dans  le  premier,  on  entre  en  face  du  bâtiment,  dans  une  cour  ornée  de  tapis 
de  gazon  et  d'allées,  accompagnée  sur  la  gauche  d'une  basse-cour,  derrière  laquelle 
il  y  a  une  pépinière.  Sur  la  droite  est  un  potager  fermé  de  murs.  Le  bâtiment  est 
isolé,  et  par  les  deux  grilles  qui  sont  à  ses  côtés,  il  sépare  le  jardin  d'avec  la  cour. 
Le  côté  de  la  cour  fait  avant-corps  dans  le  milieu  par  un  pavillon,  avec  un  perron 
au  bas;  la  façade  du  jardin  forme  deux  pavillons  à  chaque  bout,  avec  des  perrons. 
Sur  les  côtés,  il  y  a  des  allées  de  traverse,  terminées  par  des  grilles  de  toute  la 
largeur.  En  face  du  bâtiment  se  présente  un  parterre  coupé  en  diagonales  ou  croix 
de  Saint-André,  où  l'on  entre  par  les  bouts,  ce  qui  a  rapport  aux  deux  perrons  des 
pavillons.  Sur  les  ailes  de  ce  parterre,  il  y  a  deux  allées,  qui  viennent  en  face  des 
grilles  de  la  cour,  et  qui  sont  terminées  par  des  figures  et  des  niches  pratiquées  dans 
la  palissade  du  bois;  à  côté  de  ces  allées  sont  deux  bosquets,  l'un,  une  salle  verte 
avec  un  boulingrin,  et  l'autre,  un  cloître  formé  par  des  berceaux  naturels,  tous 
deux  ornées  de  figures  qui  se  regardent.  Au-dessus  de  ces  bosquets,  on  trouve  une 
grande  allée  de  traverse,  double  et  plantée  de  marronniers,  avec  des  ifs  entre-deux; 
elle  vient  rendre  au  grand  bassin  qui  est  au  Ibout  du  parterre,  et  cette  allée  très 
large  est  percée  dans  un  bois  de  haute-futaie,  où  l'on  trouve  dans  le  milieu  un 
grand  cercle,  où  aboutissent  les  allées  d'une  étoile  pratiquée  dans  ce  bois,  et  entre- 
coupée d'autres  allées  droites,  avec  quatre  carrefours  circulaires  et  des  diagonales 
qui  rendent  aux  deux  bassins  des  bouts;  celui  qui  termine  cette  grande  allée  est  à 
pans,  et  est  vu  de  l'allée  de  traverse  du  bout.  Toute  cette  enfilade  est  terminée  par 
une  grande  grille  au-dessus  de  ce  bassin,  et  à  chaque  angle  il  y  a  des  niches  et  des 
figures  qui  sont  vues  des  allées  du  pourtour  des  murs,  et  des  allées  diagonales 
du   bois. 

Dans  le  second  plan,  en  face  de  la  façade  du  bâtiment,  on  aurait  un  grand 
tableau  ou  parterre  de  broderie,  avec  deux  allées  garnies  de  caisses  et  d'ifs,  qui 
viennent  rendre  aux  pavillons  des  ailes  de  la  cour.  Sur  les  côtés  du  parterre  se 
trouveraient  deux  bosquets,  l'un  découvert  à  compartiment,  et  l'autre  planté  en 
quinconce,  tous  deux  percés  en  étoile  et  ornés  de  figures.  Au-dessus  de  ces  bosquets, 
on  pratiquait  à  l'ordinaire  une  grande  allée  de  traverse,  terminée  par  des  grilles,  et 
découvrant  le  grand  bassin  au  bout  du  parterre. 

-     87     - 


On  suppose  au-dessus  de  ce  bassin  et  de  cette  allée,  qu'il  y  a  une  petite 
pente  douce,  qui  a  obligé  de  soutenir  le  terrain  par  un  petit  mur,  avec  deux  escaliers 
en  face  des  contre-allées  du  parterre.  Ce  mur  ne  règne  que  de  la  largeur  de  la 
découverte  du  milieu,  et  l'on  descend  dans  les  bois,  par  des  rampes  douces,  qui  se 
raccordent  au  niveau  des  autres  allées.  Entre  ces  escaliers,  il  y  a  une  petite  cascade, 
formée  par  trois  masques,  dont  l'eau  venant  du  bassin,  fait  une  nappe  dans  le 
canal,  qui  tient  toute  la  longueur  de  la  grande  allée.  Ce  canal  est  cintré  par  le  bout 
d'en-haut,  et  est  accompagné  de  deux  allées  doubles,  plantés  d'ifs  à  l'enfilade  de 
celles  du  parterre,  et  de  deux  bois  de  haute  futaie  qui  le  renferment  fort  agréa- 
blement, par  la  variété  et  la  richesse  de  leur  dessin. 

Cette  disposition  est  une  heureuse  distribution,  et  par  les  enfilades  d'allées 
qui  se  trouvent  dans  le  milieu  des  bosquets,  et  qui  viennent  aboutir  aux  jets  du 
boulingrin  et  du  parterre  à  l'Anglaise,  placés  sous  les  ailes  du  bâtiment.  Toutes  ces 
pièces  sont  bordées  de  grandes  allées  doubles,  et  de  palissades  contre  les  murs,  qui 
sont  coupés  aux  enfilades  des  allées  par  des  grilles,  et  par  de  petits  murs  à  niveau 
des  allées  avec  des  fossés,  tant  au  bout  du  canal,  que  vis-à-vis  les  faces  latérales  du 
bâtiment,  ce  qui  cause  une  belle  découverte. 

Pour  le  troisième  plan,  l'entrée  serait  en  face  du  bâtiment;  d'un  côté,  une 
basse-cour,  d'où  l'on  passe  dans  un  potager  distribué  assez  ingénieusement,  les 
allées  en  patte  d'oie  venant  toutes  aboutir  à  un  bassin  contre  le  mur.  De  l'autre 
côté  de  la  cour,  un  petit  parterre  à  l'anglaise,  avec  une  coquille  garnie  de  fleurs  ou 
de  marguerites,  dont  l'aspect  est  agréable  des  fenêtres  du  bâtiment,  à  l'alignement 
duquel  et  pour  fermer  la  basse-cour  et  le  petit  parterre,  l'on  a  planté  de  chaque  côté 
quatre  berceaux  naturels  en  portiques  qui  font  des  merveilles  sur  le  terrain;  il  y  a 
un  mur  qui  les  ferme  du  côté  delà  basse-cour;  mais  du  côté  du  parterre  à  l'anglaise, 
les  portiques  sont  ouverts  pour  y  entrer  et  viennent  se  rendre  dans  une  salle  cou- 
verte naturellement,  avec  un  banc  à  l'enfilade.  L'on  a  pratiqué  deux  sorties  du 
bâtiment  sous  chaque  galerie  de  berceaux,  pour  y  venir  prendre  le  frais.  On  trouve 
encore  en  face  de  l'entrée  du  petit  parterre,  un  grand  banc  dans  une  niche  de  verdure, 
renfoncée  dans  ce  boyau  de  bois,  que  sauve  tous  les  biais  de  cet  emplacement. 

L'esplanade  en  face  du  bâtiment  est  très  large,  à  cause  de  la  décoration  des 
portiques;  elle  est  remplie  par  deux  grandes  pièces  de  broderie  répétées,  avec  deux 
plates-bandes  isolées  dans  le  milieu,  le  tout  coupé  de  cinq  allées;  les  contre-allées 
sur  les  ailes  sont  bordées  par  un  rang  de  marronniers  plantés  dans  une  plate-bande 
avec  des  arbrisseaux  de  fleurs  entre  chaque  arbre  ;  elles  sont  terminées  par  des  figures 
dans  des  niches  renfoncées  dans  le  bois.  La  grille,  l'allée  et  le  bassin  du  potager 
enfilent  une  de  ces  niches.  Au-dessus  de  toutes  ces  pièces  est  un  bassin  long  cintré 
par  les  deux  bouts,  avec  deux  jets  qui  viennent  aux  contre-allées  du  parterre,  et  de 
l'allée  double  en  face,  au  milieu  de  laquelle  l'on  a  semé  un  tapis  de  gazon. 

—     88     — 


DISPOSITION  GÉNÉRALE  DUN  JARDIN  PAR  GALIMARD  AU  XVIIh  SIECLE 
Quatre  parterres  de  buis  au  centre  sont  encadres  par  des  plates-bandes  de  fleurs  basses,  et  les  quatre  par- 
terres latéraux  en  ga^on  découpe  sur  sable  de  couleur  sont  encadres  d'une  plate-bande  de  fleurs,  comme  les  quatre 
parterres  sur  les  faces  latérales  de  la  construction.  Le  fonds  est  appuyé  sur  des  bosquets  et  l'ensemble  compris  entre 
deux  allées  de  tilleuls  taillés  et  plantes  sur  des  bords  de  ga^on. 


ELEX'ATION  Dl'  COTF.    DE.S  PARIF.KRh 


Plan  d'une  élévation  du  côté  des  parterres  avec  un  ensemble  de 


tnrvTnv^'^^-ri:- i^^-^^H-»^ 


■*>-iM^^^-^^v^»fe'ç«rPf?f 


Dans  les  modèles  de  parterres  de  style  Louis  XV,  ceux  de  Blondel  sont 
les  plus  intéressants.  On  en  distingue  de  trois  sortes  différentes:  les  parterres  de 
broderies,  ceux  à  compartiments,  ceux  à  l'anglaise. 

Ces  derniers  sont  les  plus  simples  n'étant  formés  que  de  gazon  découpé  et 
mêlés  de  quelques  légères  broderies  qu'on  entoure  de  plates-bandes  de  fleurs. 

On  appelle  encore  parterres  à  l'anglaise  ceux  de  gazon  à  compartiments 
qu'on  accom- 
pagne de  pla- 
tes-bandes 
formés  de  bor- 
dures  et  de 
buis. 

Les 
parterres  de 
broderie  sont 
les  plus  ri- 
ches, étant 
composés  de 
traits  de  buis 
qui  forment 
des  rinceaux 
d'ornements, 
que  l'on  rem- 
plit d'un  sable 
de  diverses 
couleurs  : 


on 

les  accompa- 
gne aussi  de 
massifs  de  ga- 
zon et  on  les 
environne  de 
plates-bandes 
de  fleurs. 

Ces 
parterres  te- 
nant   le    pre- 


£.-A.-//^  ./^ 


mier  rang 
sont  ordinai- 
rement les 
plus  voisins 
de  l'habita- 
tion, mais,  la 
difficulté  de 
les  entretenir 
les  avait  fait 
négliger  sou- 
vent. 

Les 
parterres    de 

comparti- 
ments sont 
faits  de  mas- 
sifs de  gazon 
ou  bien  par- 
fois ils  sont 
formés  de  pla- 
tes-bandes de 
fleurs  qu'on 
découpe    en 

coquilles. 
Alors  ils  con- 
viennent 
mieux  aux  jar- 
dins fleuristes 


Parterre  dessiné  par  Blondel  en  ijSS 
avec  massif  de  fleurs  au  centre  en  formes  Je  plates-bandes  et  rinceaux. 


Situes  près 
des  apparte- 
ments, on  les  accompagne  quelquefois  d'une  légère  broderie  qui,  variant  avec  les 
plates-bandes  de  fleurs,  produit  le  plus  joli  effet. 


nKCORATION  n  l'N    HELVEDERE  DE  Al^\C()NERIE    ELEVE 
SUR  CNE    TERRASSE  . 


lOLlLl-L     i^ci,     .LIliL     S'.LliUENCE 
—  92  — 


»1  .i/cirdin  pobfZfftr 

>K..Laitcne 

Ïj  ,7erriutjc'  lù-  ^oi?  tpttftt 

^a/Z^t/e  i*trtùire  atruà 
ipoj^ttTf  de  rtvi 
partùn^tvf 
P.  Ontnde  SnJU  tù>i,<u 

Un^min  aoar  un  Jet 


Plan  d'i  n  hahc  d'ahkks  Bi  undei.,  xviiie  siècle,  avec  trois  terrasses  s'étageant  i.L'  canal  au  château. 


93        - 


Maison   de  plaisance  de  Gentilly. 


Entre  Gentillv  et  Arcueil,  se  trouvait  une  jolie  maison  oia  M.  Branche,  l'un 
des  premiers  \iolons  de  son  temps  a  passé  plus  de  la  moitié  de  sa  vie. 

Le  jardin  était  regardé  comme  l'un  des  plus  beaux  du  pays.  Aux  deux 
extrémités  du  parterre,  il  y  avait  plusieurs  salles  vertes  magnifiques.  La  façade  et 


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l'intérieur  de  la  maison  étaient  fort  bien  compris.  Lorry,  le  célèbre  médecin  mort 
en  1785  et  depuis  le  banquier  Tassin,  l'une  des  victimes  de  la  Révolution  en 
avaient  fait  leur  maison  de  campagne.  A  côté,  se  trouvait  la  maison  de  M.  Hocquart 
à  laquelle  on  donnait  le  nom  de  château.  Avant  la  Révolution,  elle  avait  appartenu 
au  baron  de  Beauvais  et  après  lui  à  la  duchesse  de  Villeroi.  Le  parc  était  d'une 
grande  étendue  et  bien  boisé. 


—     94     — 


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L'hôtel  Pompadour  à  Fontainebleau. 


M.  Bourges  a  donné  d'intéressants  détails  sur  cet  hôtel  décoré  de  peintures 
par  Verbeck  qui  formait  primitivement  un  élégant  pavillon  carré  avec  quatre  fron- 
tons. Il  fut  construit  en  1747.  La  porte  d'entrée  d'aspect  grandiose,  rappelait  la 
manière  de  l'architecte  Gabriel.  D'aucuns  affirment  que  la  figure  sculptée  sur 
l'élégante  clef  du  cintre  du  portail  serait  le  portrait  de  la  marquise  de  Pompadour. 

Il  ne  formait  en  somme  qu'un  pavillon  élevé  d'un  rez-de-chaussée  et  attique 
au-dessus  couronné  d'une  balustrade  avec  comble  à  l'italienne.  Les  appartements 
en  étaient  simples,  mais  fort  jolis. 

Les  cours  assez  grandes  étaient  fermées  par  des  treillages  et  au  milieu  de 


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chacune,  une  pièce  d'eau.  Le  jardin,  du  dessin  de  Lassurance  était  de  toute  beauté. 
On  y  remarquait  le  parterre  en  gazon  orné  de  tieurs  les  plus  rares,  et  des  petits  bois 
à  droite  et  à  gauche  du  pavillon,  coupées  par  seize  cabinets  de  différentes  composi- 
tions autour  d'une  salle  verte.  Une  ménagerie  en  rendait  l'aspect  plus  agréable  encore. 
Louis  XV  affectionnait  beaucoup  ce  petit  hôtel.  Parfois,  dès  le  matin,  il 
s'habillait  en  tenue  de  chasse  et  au  lieu  d'aller  en  forêt  courir  le  cerf,  il  se  rendait  à 
pied  chez  la  marquise.  Il  se  sentait  plus  à  l'aise  qu'au  palais  et  souvent,  dit  Argenton, 
il  faisait  lui-môme  sa  cuisine  pour  souper. 


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97     — 


Type  de  jardins  au  milieu  du  XVIII*^  siècle. 


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L'ensemble  de  la  composition  est  forme  d'une  grande  partie  boulingrinée  contenant  des  parterres  fleuris,  bordée 
de  deux  allées  plantées  de  tilleuls  dominant  ces  parterres.  Des  perrons  correspondant  aux  axes  des  compositions  des 
parterres  permettent  de  descendre  dans  la  partie  boulingrinée  divisée  en  deux  :  la  première  contient  deu  r  parterres 
rectangulaires,  cernés  de  fleurs  et  gajon  avec  partie  centrale  galonnée  et  /leurs  au  centre  ;  des  plates-bandes  de  fleurs 
divisées  par  des  motifs  circulaires  avec  des  arbres  à  fleurs,  situées  à  droite  et  à  gauche  de  l'axe  principal  de  la 
composition,  doublent  ces  parterres.  La  seconde  est  composée  de  plates-bandes  galonnées  formant  les  angles  avec 
partie  circulaire  centrale  comprenant  un  bassin,  à  laquelle  on  accède  par  des  perrons  ;  dès  plates-bandes  de  fleurs 
bordées  de  ga^on  et  disposées  en  cercle  enfant  la  décoration. 


-«îoîoîi^î».:  (5i«x^i^*i^»j*i 


o    ~    î; 

C3  r 


Type  de  jardins  au  milieu  du  XVIII'^  siècle. 


for,Ln  iZi«  <  composmon,  déforme  rectangulaire,  étau  limité  par  deux  grandes  allées  d'arbres  taillés 
Jormant  penmttre.  La  perspective  était  coupée  transversalement  par  deux  parties  circulaires  en  communication 
avec  les  allées  du  penmetre  Sur  laxe  de  la  composil.on  devant  rhabitation,  se  trouvait  un  ^rand  varterTiZ  an- 
gulaire avec  partie  centrale  de  fleurs  en  losange,  et  bordé  de  caisses  d'orangers.  Dans  la  partie  centrale  un  grand 
n,"lJ'"  '^'"■'"/'"'  'j"-  "'•  ^^'"»  *'"-'^''  P^.'-  r'.  """■^'^"'  ^<'  P'^'-re  entourée  de  fleurs.  Les  talus  étaient  "n  laZi 
Quatre  perrons  descendaient  dans  cette  partie  boulmgrinee.  Sur  l'axe  principal  se  trouvait  un  second  partefrl-de 
gajon  avec  fleurs  au  centre  et  sentier  de  découpage.  L'ensemble  était  enveloppé  de  berceaux  de  verdureî  entre  tes 
'" "  '        "        '   '       '  trouvaient  les  bosquets. 


berceaux  et  les  allées  latérales  . 


Milieu  du  XVIIP  siècle 


Cette 
composition 
était    formée 
de    parterres 
rectangulai- 
res  surmon- 
tés d'une  par- 
tie  demi-cir- 
culaire, com- 
prenant   des 
secteurs     de 
fleurs  bordés 
de  gazon.  La 
partie  centra- 
le   était    for- 
méed'un  par- 
terre   situé 
dans  l'axe  de 
la    composi- 
tion    et    ap- 
puyait   un 
bassin.     Les 
parterres      à 
droite     et    à 
gauche  de  ce 
motif  central 
étaient      for- 
més   de    ga- 
zon en   bou- 
lingrin   avec 
sentiers    de 
découpage, 
des  fleurs  en- 
cadraient    le 
tout.    L'en- 
semble   était 
accompagné 
de    berceaux 
de     verdure. 


Sur  le  pro- 
longement 
après  la  par- 
tie circulaire, 
un  tapis  vert 
bordé  d'allées 
et  de  ber- 
ceaux for- 
mait la  pers- 
pective de  la 
composition. 
Entre  ce  tapis 
vert  et  la  par- 
tie rectangu- 
laire étaient 
deux   grands 

bosquets 
avec  gazon 
bordé  d'ar- 
bres. Sur  les 
faces  latéra- 
les de  l'ha- 
bitation,   se 

trouvaient 
deux  petits 
parterres  de 
gazon  avec 
fleurs  dispo- 
sées en  lo- 
sange. 

Les 
plans  de  jar- 
dins des  ar- 
chitectes 
comme  Neuf- 
forge  sont 
plus  classi- 
ques que  les 
classiques, 


issëMBiMnami 


4»    «««a^A 


**.ti.  Ai.  t  «.A 


ils  reviennent  aux  motifs  symétriques  par  rapport  au  grand  axe,  le  plan  projeté 
en  1766  pour  les  jardins  du  coteau  Cambrésis  et  un  autre  projet  destiné  à  un 
magnifique  château  en  Allemagne  l'indiquent  nettement.  Il  faut  reconnaître  néan- 
moins qu'il  y  a  dans  la  sobriété  dont  ils  sont  empreints,  un  côté  de  bon  goût  et  de 
grande  distinction. 


De  l'art  décoratif  dans  les  jardins  aux  XVIP  et  XVIIP  siècles 


Dans  l'art  décoratif  destiné  à  embellir  soit  l'architecture,  soit  le  cadre  qui 
l'entoure.  Au  premier  rang  se  place  la  sculpture.  Dans  la  partie  qui  nous  intéresse, 
les  jardins,  c'est  aux  vases  et  aux  statues  que  nous  devons  accorder  cette  impor- 
tance, par  la  magnificence  extérieure  qu'ils  leur  donnent.  Dans  la  décoration  d'un 
parc,  les  vases  et  les  statues  jouent  le  plus  grand  rôle  ;  certes  les  eaux  y  ajoutent  un 
caractère  grandiose,  indiscutable,  mais  elles  ne  sont  pas  essentielles,  et  dans  les 
petites  résidences  on  peut  avec  les  parterres,  avenues,  bosquets,  donner  à  un  parc 

une  avenue       ^____ ^^^      ^~       .      ,     j       qu'ils    sont 

brillante  en  "'''^. ^aMB^fejs^    '  destinés     a 

y   ajoutant  '♦^fâàS^^fiK^^^^îSÉ^  de     beaux 


bien  dissé- 
minés de-ci 
de-là  des 
statues  et 
des  vases. 
Il  y  a  bien 
des  sortes 
de  vases,  le 
choix  en  est 
judicieux. 
Dans  un 
jardin  mo- 
deste ils 
doivent  être 
d'une  gran- 
de simpli- 
cité ;  sur 
piédestaux 
d'un  genre 
semblable. 
Il  n'en  n'est 
pas  de  mê- 
me lors- 
dins  du  xv 


parcs  dans 
de  grandes 
résidences. 
Des 
maîtres 
comme 
Coysevox, 
le  grand 
sculpteur, 
en  des  com- 
posi  t  ions 
décoratives 
qui  font 
d'un  vase 
de  jardin, 
ou  d'une 
vasque  de 
fontaine, 
un  vérita- 
ble monu- 
ment des- 
tiné à  ces 
beaux  jar- 
le   calme   plas- 


et  xvni'  siècle,  s'appliquent  à  imiter  la  sérénité, 
tique  des  œuvres  de  l'antiquité.  Cette  tête  de  satyre,  bosselant  l'anse  à  volutes 
d'un  vase  de  marbre  dans  le  parc  de  Versailles,  n'est-ce  pas  l'alliance  des 
formes  pittoresques  et  de  l'expression  gauloise,  rabelaisienne,  propre  à  l'école 
française,  avec    la  placidité  décorati\e,    monumentale,   dont   la  sculpture  antique 


104 


fournit  des  exemples  d'un  enseignement  si  précieux.  On  ne  peut  trouver  quelque 
chose  de  plus  fin  et  de  plus  large  comme  indication.  Tout  y  est  pondéré.  Quoi 
de  plus  vraiment  beau  que  cette  façon  de  masque  grotesque  qui  pouvait,  autre- 
ment traité,  faire  une  tache  repoussante  sur  les  flancs  de  ce  beau  vase  ? 

Un  maître  dans  l'art  du  jardinage  au  xviii'  siècle  disait  que  «  Les  figures 
et  les  vases  contribuent  beaucoup  à  l'embellissement  et  à  la  magnificence  des 
jardins,    et   en 


relèvent  infi- 
niment les 
beautés  natu- 
relles. Il  s'en 
fait  de  diffé- 
rentes formes 
et  de  plusieurs 
matières,  dont 
les  plus  riches 
sont  de  bron- 
ze, de  fonte, 
de  plomb  doré 
et  de  marbre; 
les  moindres 
sont  de  fer,  de 
pierre  et  de 
stuc.  On  dis- 
tingue parmi 
les  figures,  les 
groupes  qui 
sont  compo- 
sés au  moins 
de  deux  figu- 


res ensemble 
dans  le  même 
bloc,  les  figu- 
gures  isolées, 
c'est-  à  -dire 
autour  des- 
quelles on 
peut  tourner, 
et  les  figures 
qu'on  place 
dans  les  ni- 
ches, qui  ne 
sont  finies 
que  «  par  de- 
vant ».  11  y 
a  encore  les 
bustes,  ter- 
mes, figures 
à  demi-corps, 
demi-nature 
et  plus  gran- 
des que  na- 
ture, appelées 
Colossales, 


posées  sur  des  piédestaux,  scabellons,  gaînes,  piédouches,  socles,  sans  compter 
les  figures  d'animaux  qui  ornent  les  cascades,  aussi  bien  que  les  bas-reliets 
et  les  masques. 

Ces  figures  représentent  toutes  sortes  de  Divinités  et  de  personnages 
de  l'antiquité,  qu'il  faut  placer  à  propos  dans  les  jardins,  en  m.ettant  les 
Divinités  des  eaux,  comme  naïades,  fleuves,  tritons,  au  milieu  des  fontaines 
et  des   bassins;    et   les    Divinités    des   bois,   comme   Sylvains,    Faunes,    Driades, 


—     io5 


dans  les  bosquets.  On  représente  encore  en  bas-reliefs,  des  sacrifices,  baccha- 
nales, jeux  d'enfants  sur  les  vases  et  piédestaux,  qu'on  peut  orner  de  festons, 
de  feuilles,  de  moulures  et  autres  ornements. 

«  Les  places   ordinaires  pour  les   figures   et  les  vases,  sont  le  long  des 
palissades,  en  face  et  sur  les  côtés  d'un  parterre,   dans  des   niches  et  renfonce- 


ments de  charmille  ou  de  treillage  faits  exprès.  Dans  les  bosquets  on  les  place 
au  centre  d'une  étoile  ou  d'une  croix  de  saint  André,  dans  l'entre-deux  des 
allées  d'une  patte  d'oie,  au  milieu  des  salles  et  des  cabinets,  entre  les  arbres 
ou  les  arcades  d'une  galerie  de  verdure,  et  à  la  tête  d'un  rang  d'arbres  ou 
de  palissades  isolées.  On  les  place  encore  au  fond  des  allées  et  enfilades,  pour 
les    bien    décorer;    dans    les    portiques    et    les    berceaux    de    treillage,    dans    les 


—      106 


bassins,  les  cascades,  etc.,  généralement  elles  font  bien  partout,  et  l'on  ne 
saurait  en  avoir  trop  dans  un  jardin;  mais  comme  en  fait  de  sculpture,  il 
faut  de   l'excellent,   aussi   bien  qu'en  peinture    et  en   poésie,    il   convient   mieux 


à  un  particulier  de  se  passer  de  figures,  que  d'en  avoir  de  médiocrement 
belles,  qui  font  toujours  désirer  cette  perfection  ■».  Cette  description  générale 
donne  une  excellente  idée  de  l'emplacement  que  doivent  occuper  les  vases.  Il 
n'y  a  qu'à  se  conformer  à   ces   indications,   car  depuis   cette   belle   époque,    rien 


—     107 


n'a  été  fait  qui  soit  comparable  au  point  de  vue  de  l'ordonnancement  et  de 
la  ligne,  et  Ton  peut  se  guider  pour  la  composition  d'un  jardin  avec  vases  ou 
figures,  sur  les  dispositions  des  xvii''  et  xvni'  siècles. 


Vase  de  l'époque  Louis  XVI. 


—     io8     — 


PIÈCE  D'EAU  ENTOURÉE  DUN  PORTIQUE  EN  TREILLAGE 

Provient  de  la  maison  de  M'i'  Colombe  à  S"-Brice 

par  Hubert  Robert  (iy33-i8oS) 

Collection  de  M.  Wildcnstein. 


Au  xviii'  siècle,  la  disposition  ci-contre  de  pilastres  alternés  de  grilles  et 
surmontés  de  vases  était  souvent  employée  dans  les  cours  et  avant-cours  pour 
séparer  les  communs  ou  le  potager.  Suivant  les  cas,  cette  composition  était  plus 
ou  moins  ornementée,  elle  allait  depuis  le  simple  barreaudage  jusqu'aux  panneaux 


TKAVEES   DE   CrRILLE    POSEES     SI^R    rN  APPUY  ENTRE  DES  PIEDROITS 


de  fer  encadrés  d'une  frise  en  fer  ouvragé.  La  fantaisie  de  cette  époque  voulait 
que  toutes  les  formes  de  vases  puissent  s'adapter  aux  usages  spéciaux,  et  l'on  voit 
combien  ceux  destinés  aux  pilastres,  différaient  des  vases  sur  piédestaux  dans  les 
jardins.  C'est  pour  cela  que  dans  cette  partie  de  la  décoration  extérieure,  il  est 
intéressant  d'indiquer  le  genre  spécial  de  vases. 


DIVERS     DESSEINS  DE  VASES  AI-ItSAOE    OE  LA  DECOiiuVTION 
EXTERIEHRE 


■'^^"*t^ 


Vases  pour  pilastres. 

Les  vases  ci-dessus  étaient  destinés  de  préférence  à  la  décoration  des  pilas- 
tres des  entrées  de  jardins,  ou  à  surmonter  les  portes  des  cours  ou  avant-cours. 
On  mettait  ceux  ci-dessous  sur  les  dés  de  ballustrades  qui  fermaient  les  terrains 
attenant  au  château. 

Comme  époque,  ils  sont  de  la  première  partie  du  xviii''  siècle. 


Vases  pour  balustres. 


Il  est  intéressant  de  voir  comment  à  l'étranger,  on  interprétait  aux  xvii'  et 
xviii'  siècles  l'art  de  la  décoration  extérieure.  La  préoccupation  n'est  plus,  comme 
chez  nous,  dans  la  sobriété  de  la  ligne,  dans  sa  pureté,  mais  bien  de  donner 
l'impression  d'une  grande  préciosité  par  l'exagération  de  l'ornementation.  Ils 
affectent  une  forme  simple,  et  ont  une  tendance  à  être  lourds,  étant  surchargés  de 
détails,  de  fleurs  et  de  guirlandes  ciselées. 


Un  maître  jardinier  au  xviii'  siècle  disait  que  «  les  fontaines  et  les  eaux 
sont  l'âme  des  jardins,  et  en  font  le  principal  ornement;  ce  sont  elles  qui  les 
animent,  et  pour  ainsi  dire  les  font  revivre.  Il  est  constant  qu'un  jardin,  quelque 


FONTAINE  DE  LÉPOQUE  DE  LA   RENAISSANCE 


// 


i    * 


beau  qu'il  soit,  s'il  n'y  a  point  d'eau,  paraît 

,.  triste  et  morne,  et  manque  dans  une  de  ses 

^^:^.  plus  belles  parties. 

T'^x  ;i:  La  distribution  des  eaux  dans  un 

i\s  jardin    est    ce   qu'il   y  a    de   plus    difficile; 

,t^;  elle   demande    du    génie    et  de   l'industrie, 

:,-/>;  pour  faire  en  sorte   qu'une   petite  quantité 


1^1^  "  I      paraisse  beaucoup. 


^-•\ 


f/'  On   distingue   les   eaux    en   plusieurs 

manières  :  il  y  en  a  de  naturelles  et  d'arti- 
ficielles, de  jaillissantes  et  de  plates,  de  vives  et 
de  dormantes. 

On  ne  peut  fixer  de  vraies  places  pour  les 
fontaines  et  les  bassins. 
^^  On  place  ordinairement  un  bassin  au 

^^  bout  ou  dans  le  milieu  d'un  parterre. 

j.  La   forme   et   la  figure  des   bassins 

%^         sont  ordinaire- 
"ïi         ment  circulaires; 
Ij   cependant. 
Il    il     y    en    a 
l_y>   '     d'octogo- 
naux,  de 
longs, 


[fca 


( 


d'ovales,   de  carrés,   etc.   Quand   ces  bassins  passent 

une  certaine  grandeur,   on  les  appelle  pièces  d'eaux,  ^^ 

canaux,  miroirs,  viviers,  étangs  et  réservoirs. 

«  Dans  les  endroits  où  il  y  a  beaucoup  d'eau 

et  de  pente,  l'on  peut,  outre  des  bassins  et  pièces  d'eau,  

y  pratiquer  encore  des  cascades,  des  goulettes,  des  '    '  -  — 

buff'ets  d'eau,  etc.,  tant  dans  les  allées  que  dans  les      ( 

escaliers  et  rampes;  rien  n'est  plus  agréable  ni  plus 

commode;   les    bassins    d'en-haut  fournissent  ceux 

d'en-bas,  et  de  l'un  à  l'autre   ils   se  font  jouer  par 

des  décharges  de  fond  ou  de  superficie. 

Les  cascades  sont  composées  de  nappes, 
de  bufîets,  de  masques,  de  bouillons,  de  cham- 
pignons, de  gerbes,  de  jets,  moutons,  chandeliers, 
grilles,  cierges,  lames,  croisées  et  berceaux  d'eau. 

—     ii5     — 


On  les  accom- 
pagne d'ornements  con- 
venables aux  eaux, 
comme  de  glaçons,  de 
rocailles,  de  congéla- 
tions, pétrifications,  co- 
quillages, feuilles  d'eau, 
joncs  et  roseaux,  imi- 
tant le  naturel,  qui  ser- 
vent à  revêtir  le  pare- 
ment des  murs  et  bor- 
dures des  bassins.  On 
les  orne  de  figures  dont 
le  naturel  est  d'être 
dans  l'eau,  comme  de 
fleuves,  de  naïades  ou 
nymphes  des  eaux,  de 
tritons,  de  serpents, 
chevaux  marins,  dra- 
gons, dauphins,  grif- 
fons,   grenouilles,  aux- 


quels on  lait  lancer  et 
\omir  des  traits  et  tor- 
rents d'eau.  N'oilà  à  peu 
près  ce  qui  entre  dans 
leur  composition.  » 

Cette  figure  est 
faite  pour  le  fonds  d'une 
allée,  ou  au  bout  de 
quelque  perspective; 
elle  peut  être  placée 
dans  le  renfoncement 
d'une  palissade  :  c'est 
une  grande  coquille 
élevée  dans  un  bassin 
et  soutenue  de  conso- 
les et  feuilles  d'eau;  au 
milieu  est  une  statue 
de  Vénus  sur  un  pié- 
douche  porté  par  deux 
dauphins  qui  jettent 
de   l'eau.    11    v    a    deux 


—     ii6 


bouillons  sur  les  côtés   de  la  coquille,   d'où   l'eau   retombe   par  nappes  dans  le 
le  bassin  d'en  bas. 

D'Argenville  dit  que  «  :  Les  cascades  sont  ménagées  sur  une  pente  douce, 
coupée  d'escaliers,  perrons  et  paliers.  La  coupe  en  est  soutenue  par  des  dauphins 


qui  jettent  de  l'eau.  Il  y  a  quatre  bouillons  généralement  placés  avec  symétrie 
dans  ce  bassin,  dont  les  eaux  se  déchargent  par  une  nappe  soutenue,  soit  de 
tritons  ou  dauphins  qui  ornent  la  tête  de  la  cascade.   Ces  eaux  ensuite  tombent 


ii8 


oï  ^  'j:  £ 

^  tq  I  :^ 


Ci   < 


dans  des  bassins  et  se  répètent  par  plusieurs  autres  nappes,  jusqu'à  celle  d'en  bas 
qui  est  de  la  largeur  du  grand  bassin  et  qui  reçoit  toute  l'eau,  et  où  il  y  a 
trois  gros  jets,  dont  deux  répondent  à  l'enfilade  des  jets  ou  chandeliers  des 
côtés,  et  le  troisième  est  dans  le  milieu.  Comme  ces  nappes  et  ces  bassins 
seraient  trop  unis  et  trop  nus  sans  jets,  on  accompagne  les  côtés  de  cette 
cascade  de  deux  rangs  de  petits  bassins  appelés  chandeliers,  qui  sont  pratiqués 
sur  chaque  palier.  Ces  jets  n'emplissent  point  les  bassins,  qui  ont  dans  leur 
milieu  une  crapaudine  et  un  tuyau  de  décharge  pour  fournir  aux  autres,  c'est- 
à-dire   le    premier    jet    fournit   au   troisième,    le    second    au    quatrième   et   ainsi 

des  autres. 

On  met  des  vases 
des  pots  de  fleurs 

sur  trois  rangs  de 


chaque  côté;  proche  de  la  palissade  est  un  talus  continué  depuis  le  haut  jusqu'en 
bas,  qui  est  coupé  à  la  rencontre  des  escaliers. 

Placée  au  milieu  de  la  verdure  des  arbres  et  des  gazons,  la  blancheur  des 
eaux,  l'ornement  des  figures  et  des  vases  y  forment  un  mélange  et  une  opposition 
des  plus  agréables  à  la  vue. 

Il  y  a  aussi  un  grand  buffet  pour  être  mis  à  la  tête  d'une  pièce  d'eau, 
dont  le  côté  d'en  haut  est  soutenu  d'un  petit  mur  de  terrasse.  L'on  juge  par  l'élé- 
vation, du  bel  effet  que  cette  cascade  peut  faire,  et  par  le  plan,  de  la  place  qu'elle 
occupe.  Dans  ce  bassin  à  niveau  d'en  haut,  qui  est  le  premier  gradin,  il  y  a  cinq 
gros  jets.  Ce  bassin  fait  une  avance  en  forme  de  carré  long,  échancré  dans  les 


ûi  ^   «^ 

<    a,  -rj    T3 


encoignures,  et  l'eau  de  ces  jets  forme  des  nappes  sur  le  devant,  qui  sont  inter- 
rompues par  des  rocailles  placées  dans  l'entre-deux  de  ces  jets.  » 

D'après  d'Argenville  «  les  fontaines  sont  après  les  plants,  le  principal 
ornement  des  jardins;  ce  sont  elles  qui  les  animent  et  qui  font  de  ces  beautés 
uniques  pour  le  plaisir  des  yeux.  On  les  place  dans  les  plus  beaux  endroits  et  les 
plus  en  vue  de  tous  côtés.  S'il  y  a  quelque  pente  dans  un  jardin,  on  y  pratique 
des  cascades,  des  buffets  d'eau,  qui  se  répètent  par  plusieurs  nappes  accompa- 
gnées de  bouillons  et  de  jets.  Quand  l'eau  se  trouve  facilement,  on  fait  des 
pièces  d'eau  et  des  canaux,  qui 
sont  des  morceaux  enchanteurs 
pour  un  jardin.  On  met  sur 
ces  canaux  des  petites  gondoles 


dorées  pour  s'y  promener.  L'on 
met  encore  sur  ces  eaux  pour 
l'ornement,  des  cygnes,  des  ca- 
nards et  des  oies  de  différentes 


Brun  (ituQ-iGgo). 


couleurs,  ce  qui  est  fort  agréable  à  la  vue.  L'on  décore  les  fontaines  d'un  ordre 
rustique  enrichi  d'ornements  maritimes,  avec  des  figures.  » 

Le  projet  de  fontaine  ci-dessus  par  Charles  Le  Brun  est  d'une  composition 
supérieure;  des  tritons  supportent  des  coquilles  surmontées  d'un  lys  épanoui. 


"Wn^^f.ig. 


Le  Grand  Canal  au  Grand  Trianon 


Durant  le  xyii*^  et  le  xviii"  siècle,  Trianon  fut  toujours  un  centre  de  réunions, 
le  roi  y  donnait  des  fêtes  sur  le  grand  canal,  car  Louis  XIV  qui  n'était  pas  encore 
installé  à  Versailles  en  i663,  avait  acheté  des  religieux  Génovéfains,  les  fiefs  et 
fermes  du  petit  village  de  Trianon,  désigné  sous  le  nom  de  Triarnum,  ce  vil 


fut  alors  rasé  et  son  territoire  enclavé  dans  le  grand  parc.  Là,  à  l'extrémité  du 
bras  septentrional  du  grand  canal,  on  éleva  le  galant  palais  de  Flore,  «d'abord,  dit 
saint  Simon,  maison  de  porcelaine  à  aller  faire  des  collations,  agrandie  pour  pou- 
voir y  coucher;  enfin  palais  de  marbre  et  de  porphyre  avec  des  jardins  délicieux  ». 
Ce  pavillon  fut  regardé  par  tout  le  monde  comme  un  enchantement.  Les  vases  de 
fleurs,  les  caisses  d'orangers,  les  bassins  et  les  fontaines  qui  décoraient  les  jardins 
étaient  ainsi  que  le  reste  autant  de  chinoiseries.  Les  vases  et  les  carreaux  de  faïence 
provenaient  des  fabriques  de  Lisieux.  En  1687,  Mansard  reçut  l'ordre  d'abattre  la 
maison  de  porcelaine  et  de  construire  à  la  place  le  palais  du  Grand  Trianon. 
Le  jardin  du  Grand  Trianon  est  un  des  derniers  et  des  meilleurs  ouvrages  de 
Le  Nôtre,  qui  sut  dans  cet  espace  de  peu  d'étendue  tirer  très  habilement  parti  du 


:23 


terrain.  A  Versailles,  on  s'ennuyait;  à  Trianon,  il  était  possible  de  s'amuser. 
Dangeau  décrit  ainsi  une  de  ces  parties  de  plaisir  :  «  Le  lo  juillet  i6gg,  Louis  XIV 
s'établit  sur  la  terrasse  de  Trianon  qui  regarde  le  canal,  et  y  vit  embarquer 
monseigneur,  madame  la  duchesse  de  Bourgogne  et  toutes  les  princesses.  Madame 
la  duchesse  de  Bourgogne  monta  en  gondole  avec  quelques-unes  de  ses  dames,  et 
demeura  sur  le  canal  jusqu'au  lever  du  soleil». 

Petit  Trianon 


Louis  XVI  abandonna  le  Petit  Trianon  à  la  reine  Marie-Antoinette.  Le  jardin 
fut  alors  entièrement  replanté,  selon  le  goût  romanesque  et  pastoral,  par  les  soins  du 


DE    NUIT    DANS 


DU   Petit  Trianon,  par  Chatei.et  (1753-1794). 


paysagiste  Robert,  et  l'on  vit  s'y  élever,  au  bord  de  l'étang,  un  hameau,  avec  sa  lai- 
terie, sa  ferme,  sa  chapelle.  La  reine  prit  ce  séjour  en  affection.  Elle  venait  souvent 
avec  quelques  dames  et  seigneurs  de  son  intimité,  s'adonner  à  la  vie  champêtre. 
C'est  sur  le  théâtre  de  Trianon  que  Marie-Antoinette  joua  le  rôle  de  Colette 
dans  le  Devin  du  village  et  celui  de  Rosine  dans  le  Barbier  de  Séville.  La  cour 
assistait  parfois  à  de  brillantes  fêtes  de  nuit  —  comme  celle  dont  on  voit  l'image 
ci-contre  —  reconstituée  par  Chatelet,  et  où  la  reine  avait  elle-même  prévu  les 
moindres  détails  pour  les  illuminations  de  toutes  sortes. 


—     124 


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cq    -.  -^2 


t/3  ^ 


Singes  montés  sur  des  boucs 

provenant  du   Labyrinthe  de  Versailles 


C'est  dans  le  labyrinthe  de  Versailles  que  se  trouvaient  les  quarante  fon- 
taines correspondant  aux  fables  d'Esope.  Dans  l'une  d'elles,  dite  «  le  combat 
des  animaux  »,  étaient  les  deux  groupes  de  singes  ci-contre  montés  sur  des  boucs. 
Il  est  donc  très  intéressant  d'en  donner  la  reproduction  ainsi  que  la  description 
de  la  fontaine  à  laquelle  ils  appartenaient. 

«  Les  oiseaux  eurent  guerre  avec  les  animaux  terrestres.  La  chauve-souris 
croyant  les  oiseaux  plus  faibles,  passa  du  côté  de  leurs  ennemis,  qui  perdirent 
pourtant  la  bataille.  Ellle  n'a  depuis  osé  retourner  avec  les  oiseaux,  et  ne  vole  plus 
que  la  nuit». 

Cette  fontaine  est  dans  un  grand  cabinet  de  treillage  de  fer  et  de  bois, 
couvert  de  chèvrefeuilles,  de  roses,  et  autres  fleurs.  Il  est  orné  d'architecture,  et 
finit  en  dôme  ouvert  par  en  haut,  avec  une  petite  ballustrade  autour  de  l'ouverture. 
La  corniche  et  la  voûte  de  ce  cabinet  sont  pleines  d'oiseaux  de  toutes  les  espèces, 
qui  ^■omissent  de  l'eau  en  bas  dans  un  bassin  de  rocaille,  au  milieu  duquel  s'élève 
un  rocher;  et  le  long  de  ce  rocher  on  voit  monter  plusieurs  animaux  à  quatre 


—     126 


HUBERT  ROBERT 

1733- 1808 
Collection  de  M.  Ernest  Gouin 


pieds,  qui  jettent  de  l'eau  contre  les  oiseaux.  Tout  autour  du  cabinet,  sur  des 
rocailles,  on  voit  encore  d'autres  animaux,  et  dans  quatre  niches,  il  y  en  a  encore 
plusieurs  qui  jettent  une  telle  abondance  d'eau,  que  cela  représente  naïvement  une 
guerre.  Mais  ce  qu'il  y  a  surtout  d'admirable,  c'est  le  nombre  infini  d'animaux 
tous  en  différentes  attitudes,  et  les  uns  et  les  autres  paraissent  en  colère  et  animés  au 
combat.  A  l'entrée  de  ce  cabinet,  deux  singes  plaisamment  montés  sur  des  boucs, 
jettent  par  surprise  de  l'eau  par  un  cornet  de  bronze  doré  ». 

Le  labyrinthe  était,  de  tous  les  boccages  du  petit  parc  de  \'ersailles,  l'un  des 
plus  plaisants,  rempli  d'une  infinité  de  petites  allées  tellement  mêlées  les  unes  dans 
les  autres  qu'il  était  presque  impossible  de  ne  pas  s'y  égarer,  et  pour  que  ceux  qui  s'y 
perdent  puissent  le  faire  agréablement,  une  quantité  de  bosquets  avec  des  fontaines 
incitaient  à  s'y  attarder  :  les  animaux  de  bronze  étaient  coloriés  avec  leurs  couleurs 
naturelles.  La  diversité  des  fables  et  la  disposition  de  chaque  fontaine  faisaient 
qu'on  ne  se  lassait  pas  d'admirer  cette  prodigieuse  quantité  d'inventions  ainsi  que 
l'abondance  d'eau  que  projetait  chaque  animal.  Deux  figures  de  bronze  peintes 
posées  sur  un  piédestal  se  trouvaient  à  l'entrée.  L'une  représentait  Esope,  l'autre 
l'amour.  Esope  tient  un  rouleau  de  papier  et  montre  l'amour  ayant  en  main  un  long 
fil;  cette  allégorie  indique  aux  hommes  le  moyen  de  sortir  des  fâcheux  enchevê- 
trements de  l'amour  par  la  sagesse  dont  Esope  enseigne  le  chemin  dans  ses  fables. 


Jardin  avec  bassin  et  portiques  de  verdure 

de  la  collection  de  Mademoiselle  Ysnaga 


Il  est  difficile  de  reconnaître  l'emplacement  de  ce  beau  parc.  Il  devait  être 
situé  dans  l'une  des  colonies  anglaises  vraisemblablemicnt.  Par  la  richesse  de  ses 
arbustes  et  de  ses  treillages  il  appartient  à  un  pays  de  végétation  puissante.  Ses 
belles  plantes  des  zones  tropicales,  sub-tropicales,  ou  australes  l'indiquent. 

L'ensemble  de  ce  parc  est  arrangé  avec  beaucoup  de  goût,  on  y  trouve 
l'induence  d'un  style  anglais  et  italien.    Il  est  garni  de  quantité  de  belles  flores 


exotiques.  Il  y  avait  entre  les  colonies  et  la  Grande-Bretagne  un  commerce  actif 
dont  on  voit  la  trace  dans  l'horticulture  anglaise  à  cette  époque,  L'Angleterre 
possédait  à  la  fin  du  xviii'^  siècle  de  nombreuses  espèces  de  plantes  provenant  de 
l'Afrique,  de  l'Inde,  des  îles  de  la  Sonde  ou  de  l'Océanie,  de  l'Australie  et  des 
Amériques.  Ces  spécimens  très  rares  y  furent  soignés  merveilleusement  dans  les 
serres,  telles  que  celles  de  Kew,  véritable  paradis  exotique,  sous  verre,  qui  donnait 
l'illusion  des  paysages  tropiques.  Des  naturalistes  comme  Bridges  n'hésitaient  pas 
à  faire  des  milliers  de  lieues  pour  rechercher  ces  flores  rares  et  les  rapporter  en 
Angleterre. 


128     — 


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fei     "SÈ^ 


Statue; 


Le  mot  statue  vient  du  mot  latin  «  Statura  »  taille  du  corps,  ou  de  «  stare  » 
être  debout.  Dans  le  célèbre  ouvrage  de  Blondel  «Traité  de  la  décoration,  distri- 
bution et  construction  des   bâtiments,   contenant   les  leçons   données   en    1760  à 


l'Ecole  des  Arts  »  il  est  établi  une  distinction  qu'on  ne  fait  guère  plus  de  nos  jours, 
entre  les  statues  et  les  figures.  Les  premières  sont  des  ouvrages  de  sculpture 
représentant  des  personnages,  et  les  secondes  sont  destinées  à  reproduire  des 
attributs,  des  S3^mboles  ou  des  allégories,  nues  ou  drapées,  en  groupes  ou  isolées, 
et  aussi  indiquer,  avec  le  style  de  l'ordonnance  qui  domine  dans  la  décoration, 
l'usage  ou  l'idée  qu'elles  représentent. 


3o 


On  peut  dire  que  les  statues  doivent  avoir  avec  les  jardins  des  rapports 
d'harmonie  importants  à  observer,  c'est  celui  du  style  de  leur  sculpture. 

Celles  qui  décoraient  les  parcs  étaient  des  sculptures  allégoriques,  dont 
l'objet  exprimait  la  personnification  de  quelque  qualité  abstraite,  comme  la  gloire, 
la  force,  la  beauté  ou  des  effets  de  la  nature  et  de  ses  œuvres,  comme  les  saisons, 
les  parties  du  jour,  les  éléments,  ou  encore  des  spécimens  de  races,  des  royaumes, 


des  villes,  des  provinces,  qu'on  représentait  avec  les  symboles  de  leurs  productions, 
ou  de  leurs  personnalités. 

L'étude  de  la  sculpture  nous  ramène  aux  Grecs.  Ce  ne  fut  que  3oo  ans 
après  Cécrops  que  les  artistes  Grecs  commencèrent  à  reconnaître  la  difformité  des 
anciennes  statues,  à  quitter  la  routine  des  Egyptiens,  à  imiter  dans  leurs  ouvrages 


i3 


les  beautés  de  la  nature,  à  donner  à  leurs 
têtes  cette  belle  expression,  et  enfin  à  toutes 
leurs  figures,  cette  supériorité,  cette  touche, 
cette  élégance  et  cette  finesse  inconnues 
jusqu'alors;  ce  sont  ces  peuples  perfectionnés 
qui,  après  avoir  découvert  les  proportions  de 
l'architecture,  surent  aussi  faire  respirer  le 
bronze,  et  donner  la  vie  au  marbre.  Ce  fut 
chez  eux  que  Prométhée  excella  dans  cet  art 
divin;  ce  qui  fit  dire  de  lui  qu'il  avait  volé 
le  feu  du  ciel,  parce  qu'il  avait  su  faire,  pour 
ainsi  dire,  un  homme  vivant,  a^•ec  de  l'argile. 
Ce   fut   encore   chez 


eux  que  Dédale  sut 
donner    à    ses    statues 
l'attitude  d'un   homme 
qui    est    en    mouve- 
ment, et  que  Scelmis 
ou    Solmis    à    Samos 
fit  cette  belle  statue  de 
Junon,   l'un   des   chefs- 
d'œuvre    de    l'antiquité. 
Ce   fut   aussi    dans   cette 
même  ville  que  l'on  Mt 
naître  l'Apollon 
du    Belvédère, 
figure  inimita- 
ble, et  qu'Athè- 
nes   posséda    cette    admirable   figure    du    Gladiateur, 
ouvrage   de    premier    ordre,    et   dont   tant   de    belles 
copies  ornent  aujourd'hui  les  palais.  Néanmoins  tant 
de  beautés  et  de  perfections  n'étaient  encore  que  l'au- 
rore d'un  beau  jour,  qui  devait  briller  sous  le  gouver- 
nement de  Périclès,  génie  heureux,  et  citoyen  soucieux 
de  la  gloire  de  sa  patrie. 

Les  circonstances  favorisèrent  les  vues  utiles 
de  Périclès,  les  victoires  remportées  sur  les  Perses 
échauffèrent  l'imagination  des  vainqueurs;  la  paix 
amena  l'aisance  et  les  loisirs  qui  assurèrent  à  jamais 

—      l32       - 


E    PrI 

MAG^ 


i.  s 


Q 


la  gloire  de  la  sculpture.  Dans  la  suite  ses  successeurs,  Alcibiade,  et  les  Pausanias 

à  Athènes,  les  Lisandre  et  les  Agésilas  à  Lacédémone,  les  Epaminondas  à  Thèbes, 

les  Denis  à  Syracuse,  l'oppresseur  même  de  la  liberté  de  ces  peuples,  Alexandre 

le  Grand,   imitèrent  un   si    bel   exem- 

1    --smii  ^       P'^'  encouragèrent  les  artistes  et  leur 

facilitèrent   des    succès    constants    et 

multipliés. 

Les  gymnases,  où  la  jeunesse 
nue  s'exerçait  au  pugilat  ou  autres  jeux. 


9ncrairc-  . 

iPnrJ'cm.t  Jii-amha-:  ■'.,  'Jar 


fournissant  aux  Grecs 
l'occasion  de  contempler 
les  plus  beaux  modèles 
sans   voile,    furent    les 


'JUincnie- 

OiniJ  jAiAouici-iffa 


i34     — 


écoles  des  artistes;  ils  y  venaient  étudier  la  nature,  apprendre  à  la  copier,  à 
l'interpréter,  leur  imagination  s'échauffait  à  l'aspect  des  plus  belles  nudités.  De-là, 
ils  parvinrent  à  la  variété  des  formes;  les  belles  oppositions  leur  devinrent 
familières  ;  ensuite  ils  cherchèrent  à  adapter  pour  ainsi  dire,  les  parties  d'un 
individu  à  celles  d'un  autre,  et  surpassèrent  par  là  la  perfection  du  corps  humain: 
ce  qui  rend  aujourd'hui  leurs  chefs-d'oeuvre  si  nécessaires  aux  artistes  et  si 
intéressants  aux  amateurs. 

Ces  exercices  alors  si  fort  en  usage,  les  courses  de  chars,  d'hommes  et  de 
chevaux,  la  lutte  et  tant  d'autres  jeux,  célébrés  avec  éclat  dans  plusieurs  villes  de 
l'Attique,  du  Péloponèse,  fournirent  donc  aux  sculpteurs  de  nouveaux  moyens  de 
se  perfectionner.  Cypselus,  roi  d'Arcadie,  avait  institué  des  jeux  où  l'on  disputait 
aussi  le  prix  de  la  beauté.  Depuis  on  célébra  ces  mêmes  jeux  à  Sparte,  à  Lesbos, 
à  Paros,  dans  le  temple  de  Junon,  ce  qui  fut  très  favorable  à  l'art;  il  s'éleva  et  se 
perfectionna  à  l'ombre  de  la  liberté  qui  régnait  chez  ces  peuples.  Ainsi  la  sculpture 
fut  toujours  employée  à  des  usages  nobles  et  élevés;  elle  n'était  destinée  qu'aux 
divinités,  aux  objets  sacrés,  ou  à  ce  qu'il  y  avait  de  plus  utile  pour  la  patrie;  elle 
ne  fut  pas  asservie  aux  caprices  des  riches  particuliers.  Tout  ce  qui  s'exécutait  en 
ce  genre,  était  digne  des  grandes  entreprises  de  la  nation  ;  chaque  ville  de  la  Grèce 
voulait  posséder  les  plus  belles  statues  des  Dieux,  des  Héros  et  des  artistes  célèbres 
de  leur  temps. 

Phidias  par  son  Jupiter  Olympien  et  la  statue  de  Minerve,  du  Parthénon, 
en  remporta  le  prix  sur  tous  ses  prédécesseurs  et  ses  rivaux,  et  ouvrit  à  ses 
successeurs  le  chemin  de  l'immortalité.  Lisippe  mérita  d'être  préféré  à  ses  contem- 
porains, pour  avoir  modelé  et  jeté  en  fonte  la  statue  du  vainqueur  de  l'Asie.  Cette 
belle  Vénus  qui  fut  une  des  principales  curiosités  de  la  galerie  de  Florence,  sortit 
des  mains  d'Apollodore.  La  Vénus  de  Praxitèle  et  celle  de  Scopas  sont  autant  de 
témoignages  de  l'émulation  des  artistes  Grecs. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  rien  ne  prouve  mieux  la  magnificence  des 
Grecs  à  cet  égard,  que  ce  qu'en  rapporte  Pausanias,  qui  dit  avoir  vu  dans  les 
diverses  provinces  de  la  Grèce  qu'il  parcourut,  environ  deux  mille  huit  cent  vingt- 
sept  belles  statues  de  différentes  matières,  quoique  depuis  près  de  trois  siècles  les 
Romains  avaient  ravagé  l'iipire,  et  que  de  son  temps  Néron  eut  déjà  fait  enlever 
de  la  seule  ville  de  Delphes  près  de  cinq  cents  statues. 

Mais  sans  vouloir  citer  ici  toutes  les  merveilles  des  statuaires  Grecs,  disons 
que  Callimaque  s'est  assuré  une  gloire  immortelle  par  la  découverte  du  chapiteau 
Corinthien,  ouvrage  admirable  dans  son  genre,  qui,  dans  la  suite,  a  produit 
d'autres  chefs-d'œuvre,  qui  tous  ont  contribué  à  rendre  l'architecture  plus  recom- 
mandable,  et  à  nous  faire  sentir  combien  cet  art  est  redevable  aux  Grecs. 

—     i35     — 


En  fouillant  la  terre,  on  vit  les  ouvrages  de  la  Grèce  sortir  des  ruines  de 
Rome.  Les  chefs-d'œuvre  de  sculpture  qu'on  en  tira,  devinrent  l'objet  de  l'envie 
des  divers  Souverains  de  l'Italie,  qui  voulurent  en  embellir  leurs  palais  et  leurs 
maisons  de  plaisance.  La  France  éclairée  par  François  i",  eut  les  mêmes  désirs 
et  put  les  satisfaire:  ce  fut  alors  qu'on  admira  à  Fontainebleau  cette  belle  Diane 
chasseresse.  On  acquit  sous  Louis  XIV,  la  Vénus  d'Arles,  la  Junon  de  Smyrne,  et 
une  infinité  d'autres  antiques  ornements  de  Versailles,  qui  font  revivre  de  nos 
jours  la  réputation  des  Anciens. 

Les  Français  et  les  Italiens,  possesseurs  alors  des  richesses  des  Grecs,  en 
firent  un  meilleur  usage  que  les  Romains;  et  tandis  que  Michel-Ange  se  faisait 
admirer  dans  la  nouvelle  Rome,  Jean  Goujon  et  Germain  Pillon  surprenaient 
Paris,  par  des  ouvrages  qui  avaient  été  jusqu'alors  inconnus  en  France;  bientôt 
les  célèbres  artistes  Français  dans  ce  genre  attirèrent  autant  d'amateurs  et  de 
connaisseurs  dans  cette  capitale,  que  les  Grecs  et  les  Romains  en  avaient  attiré 
dans  Rome.  Rien  n'est  plus  surprenant  en  effet,  que  la  rapidité  des  progrès  de  nos 
sculpteurs  depuis  cette  époque,  et  l'on  peut  dire  qu'ils  atteignirent  le  but  presqu'en 
entrant  dans  la  carrière;  aujourd'hui  notre  école  Française,  attentive  à  marcher  sur 
les  traces  de  ses  prédécesseurs  et  de  la  belle  antiquité,  décore  non  seulement  la 
capitale  et  les  pays  étrangers  de  ses  chefs-d'œuvre,  mais  son  ministère  relève 
l'éclat  de  l'architecture. 

Sans  la  sculpture,  l'architecture  se  trouverait  souvent  réduite  à  la  sûreté, 
à  l'utilité  et  à  la  solidité.  C'est  par  son  secours  que  les  édifices,  les  places  publiques, 
les  maisons  royales  deviennent  des  monuments  dignes  de  la  nation.  C'est  par  elle 
qu'ils  se  trouvent  embellis  extérieurement  par  des  statues,  des  groupes,  des  bas- 
reliefs,  des  vases,  des  grottes,  des  cascades  et  des  fontaines.  Ces  ouvrages  exécutés 
par  la  plupart  de  nos  statuaires  célèbres  sont  autant  d'objets  intéressants  qui  attirent 
les  regards,  fixent  l'attention  et  symbolisent  l'architecture  qui  leur  a  donné  lieu. 
C'est  par  elle  enfin  et  par  le  ministère  des  ornemanistes  sculpteurs,  classe 
particulière  et  non  moins  estimable,  quoique  dans  un  autre  genre,  qu'on  est 
parvenu  à  donner  à  l'intérieur  de  nos  appartements,  cette  élégance  enchanteresse 
qui  plait  à  tous. 

On  appelle  gaine,  un  piédestal  isolé,  qui  a  moins  de  base  que  de  sommet, 
et  dont  le  plan  est  quadrangulaire,  circulaire  ou  à  pans,  destiné  à  soutenir  une 
figure  ou  un  buste  de  bronze  ou  de  pierre.  Cet  enrichissement  d'un  parc  appartient 
autant  à  l'architecture  qu'à  la  sculpture.  Et  on  peut  le  considérer  comme  un 
meuble  ou  comme  un  accessoire  de  jardin,  tels  que  les  gaines  du  salon  des  Maures 
à  Meudon,  ou  celles  des  bosquets  de  Versailles,  et  des  terrasses  des  Tuileries.  Les 
termes,  qui  soutiennent  des  figures  à  demi  corps,  ne  doivent  être  placés  que  dans 
les  parcs  ou  dans  les  galeries  à  l'intérieur. 

—     i36     — 


-     i37 


Vasques 


A  ces  époques, 
où  Tart  de  la  décora- 
tion extérieure  jouait 
un  si  grand  rôle,  on 
trou\e  dans  les  jardins 
des  vasques  de  toutes 
formes,  servant  à  l'usa- 
ge des  eaux,  en  général  ; 
mais,  l'imagination  des 
décorateurs  allait  jus- 
qu'à en  faire  des  cor- 
beilles de  fruits  et  de 
fîeurs  en  pierre  sculp- 
tée. Leur  arrangement 
était    si    remarquable, 


que  la  décoration  à  elle  seule,  suffisait  à  leur  donner  grand  air 
sans  même  y  ajouter  les  effets  d'eaux  jaillissantes.  Il  n'y  avait 
rien  de  plus  joli  pour  scander  une  perspective  que  cette  suite  de 
vas'ques  les  unes  au-dessus  des  autres,  par  groupe  ou  séparé- 
ment suivant  les  besoins  de  la  composition.  Les  vasques  n'étaient 
pas  toujours  de  pierre  sculptée;  on  en  faisait  en  marbre,  en 
plomb  doré,  et  exceptionnellement  en  terre  cuite.  Un  socle  ou 
groupe  servait  à  les  supporter. 


38 


APOLLON    ET  DAPHNÉ 

Fin  du  X  VIII'  siècle 

Collection  Doiicet. 


La  mode  des  jardins  anglais  pénétra  en  France  à  la  lin  du  xvin'  siècle. 
Alors  ce  n'était  que  temples  ou  behédères.  Si  Kent  a  eu  la  gloire  d'introduire 
dans  son  pays  l'art  de  composer  ces  jardins,  il  n'en  n'est  pas  l'inventeur;  car  en 
dehors  de  leur  origine  Asiatique,  il  y  avait  en  France  un  célèbre  jardinier  pavsa- 
giste  Dufresny,  à  peu  près  contemporain  de  Le  Nôtre,  qui  «  dit  un  auteur  de 
l'époque,  avait  un  goût  dominant  pour  l'art  des  jardins;  mais  les  idées  qu'il  s'était 
faites  sur  cet  art,  n'a^•aient  rien  de  commun  avec  celles  des  grands  artistes  du 
xvn^  et  xv!!!*^  siècle.  Il  ne  travaillait  avec  plaisir,  et  pour  ainsi  dire  à  l'aise,  que  sur 
un  terrain  inégal  et  irrégulier.   Il  lui  fallait  des  obstacles  à  vaincre,  et  quand  la 


L.  MûRrtu.  CoLi  ECTiON  DE  M    Rruck 


nature  ne  lui  en  offrait  pas,  il  s'en  donnait  à  lui-même.  Il  disposa  dans  ce  goût  les 
jardins  de  Mignaux  près  Poissy,  ceux  de  l'abbé  Pajot  près  de  Vincennes.  Dufresny 
passa  les  dix  dernières  années  de  sa  vie  à  composer  des  paysages  Louis  XIV,  qui 
l'aimait  beaucoup  et  qui  connaissait  son  mérite,  lui  avait  accordé  un  brevet  de 
contrôleur  de  ses  jardins.  Il  avait  présenté  au  roi  deux  plans  différents  de  jardins 
pour  Versailles,  et  les  plans,  pour  lequel  il  n'avait  consulté  que  ses  idées 
singulières,  ne  furent  pas  acceptés  à  cause  de  l'excessive  dépense  que  demandait 
leur  exécution  ». 


[40 


LA   CRUCHE   CASSÉE 

par  Debucourt  i-bb-iS32 
Collection  de  M.  Maurice  Fenaille 


% 


Pour  l'ornement  d'un  parc  les  palissades,  les  ifs,  les  buis  jouent  un  grand 


rôle.  Dans  les  plates-bandes  ces  derniers  sont  d'une  utilité  absolue.  Les  figures 
ci-dessus  peuvent  servir  de  modèle. 


La  première  en  haut  indique  que  dans  les  palissades  on  doit  laisser  pousser 
des  baliveaux  de  charmille  auxquels  on  donne  la  forme  désirable,  et  qui  servent 


\     X 


à  rompre  la  monotonie  des  lignes.  Cela  dans  le  caractère  de  l'époque  et  suivant  le 
style  du  jour. 


—     141     — 


Les  plates-bandes  de  la  deuxième  figure  sont  serties  par  un  buis  avec  un  petit 
sentier  de  sable  de  couleur.  On  fait  alterner  un  petit  if  taillé  en  cône  avec  la  charmille. 


Dans  la  quatrième  figure  il  n'y  a  qu'une  plate-bande  de  gazon  avec  des  ifs 
taillés  soit  en  cône,  soit  en  formes  variées. 


Enfin  la  plate-bande  d'en  bas  comporte  un  gazon  serti  de  buis  avec  sentier 
de  sable  de  couleur  s'entrecroisant  avec  des  petits  ifs  taillés  en  cône  et  en  formes 
diverses. 


«  L'if  est  un  des  plus  beaux  arbrisseaux  verts,  il  est  grand  ou  petit,  en  un 
mot  a  toute  sorte  de  formes.  Son  bois  est  fort  dur,  son  feuillage  très  garni  et 
d'un  vert  foncé  des  plus  agréables  à  la  vue.  Il  est  propre  aux  palissades,  comme 
aussi  à  garnir  les  plates-bandes  des  parterres. 


142 


Le  buis  est  l'arbrisseau  vert  le  plus  en  usage  et  le  plus  nécessaire  dans  les 
jardins.  Il  y  en  a  de  deu>c  sortes  :  le  buis  nain  appelé  buis  d'Artois,  dont  les  feuilles 
sont  semblables  à  celles  du  myrthe,  mais  plus  vertes  et  plus  dures.  Il  sert  à  planter 

47-4—  rx^^:i-":^i45^4> 

la  broderie  des  parterres,  et  les  bordures  des  plates-bandes,  et  on  le  nomme  buis 
nain,  parce  que  naturellement  il  ne  croît  pas  beaucoup.  La  seconde  espèce  est  le 
buis  de  bois,  qui  monte  bien  plus  haut,  et  a  les  feuilles  plus  grandes  que  l'autre. 


ce  qui  le  rend  propre  à  former  des  palissades  et  des  touffes  vertes;  son  bois  est 
jaunâtre  et  très  dur.  On  en  fait  quantité  de  petits  ouvrages  comme  des  boules, 
des  cônes. 


Dans  les  plates-bandes  on  espace  les  ifs,  et  l'on  met  un  arbrisseau  entre 
deux.  Il  vaut  mieux  dans  les  plates-bandes  tournantes  et  circulaires  planter  les  ifs 
à  distance  égale  les  uns  des  autres  et  le  plus  droit  possible  pour  la  perspective.  » 


143 


Fabriques 


A  la  fin  du 
xviii'  siècle,  lors 
de  la  grande 
vogue  du  style 
paysager,  il  était 
d'usage  de  cons- 
truire ça  et  là  des 
petits  bâtiments, 
soit  des  kiosques, 
des  pagodes,  des 
ruines,  des  tem- 
ples en  bois  peint, 
des  tours  à  dix 
étages,  enfin  une 
multitude  de  bâ- 
tisses qu'on  appe- 
lait des  «  fabri- 
ques ». 


Ui  tTi-ij-        A 


Souvent 
ces  assemblages 
étaient  très  dé- 
placés; mais  ils 
étaient  de  mode. 
On  en  voit  quel- 
ques types  dans 
les  images  ci- 
contre;  ils  em- 
pruntaient la  plu- 
part de  leurs  for- 
mes au  style  chi- 
nois. La  Chine  et 
la  Turquie  ser- 
vaient  alors  de 

modèles  aux 
constructions  de 
ce  genre. 


—     144     — 


Jardins 


en 


Allemagne,  Espagne,  Flandres, 


HORTORVM 

V  I  RI  DARI  O 

RVMQVZ 

|!                 H.^im          l^T-J       muftiphns     Joi  mae 
in      1       1  rfconuae     ,iitis     noimam     cif 
JaSre        .Cmmti^      ,     lohanne      1  >f.{man 
no     jr,..,o 

■••'"■■■^-•'-iJ 

Grande-Bretagne,  Italie,  Russie,  Suède 


Allemagne 


146 


L'Espagne  sous  Tinfluence  Arabe 


L'Alhambra  et  le  Généralité  rappellent  le  style  mauresque.  La  devise  des 
rois  de  Grenade  y  est  inscrite  à  plusieurs  reprises,  ça  et  là.  Le  canal  d'eau  revêtu 
de  marbre,  les  cyprès  et  les  orangers  qui  le  bordent  donnent  à  ce  coin  du  mer- 


veilleux palais  un  charme  indicible.  Et  l'Espagne  est  actuellement  le  seul  pays 
du  monde  où  l'on  retrouve  de  nos  jours  des  jardins  du  treizième  siècle  —  tels 
qu'ils  ont  été  créés  —  et  cela  est  fort  intéressant  à  constater. 


148     — 


Flandres  et  Pays-Bas 

La  Néerlande  étant  un  pays  plat  devait  se  prêter  aux  jardins  symétriques 
—  avec  les  grands  carrés,  les  triangles,  losanges  et  étoiles  —  mais  ce  n'était  pas  le 
style  large  de  Le  Nôtre.  Au  prestige  du  dessin  ils  préférèrent  les  couleurs.  Leurs 


allées  étaient  sablées  de  rose,  blanc,  jaune  et  rouge.  Pas  de  statues,  mais  des 
bergers,  des  soldats  peints  au  naturel.  Les  kiosques  étaient  revêtus  de  carreaux  de 
faïence.  Tel  était  le  goût  néerlandais  sauf  dans  les  grandes  résidences  des  Nassau 


^ft*Lw^î-^-.- 


ZUYLFSTEYN     AU    CoMTE    FrEDFRIC    DE    N/ 

et  des  Orange  où  le  style  français  avec  ses  terrasses,  parterres,  statues  et  bassms 
l'emportait,  comme  ci-dessus  à  Zuylesteyn. 


M9 


Grande-Bretagne 

Avec  William    Kent   qui    fut   l'auteur   des    premiers    jardins   anglais    au 
xviii^   siècle,    on   peut   citer    Pope,    l'illustre    poète  qui    créa    à  Twickenham   un 


"'V^^f^^l 


charmant  parc  dans  le  style  paysager.   Les  dessins  de  Kent  faits  dans  les  parcs 
de  Carlton  house  et  de   Ronstham,  alors,  se   ressentent   de  Twickenham.    Kent 


i5o     — 


^  s 


EATON  HALL 
Au  Duc  de  Wesiminster. 


fit  encore  le  jardin  de  Claremont,  avec  son  joli  lac,  celui  d'Esher,  de  Kensington. 
Après  lui,  Brown  transforma  Blenheim,  près  d'Oxford,  donné  à  titre  de 
récompense  nationale  au  duc  de  Marlborough;  ce  parc  primitivement  arrangé  dans 
le  style  français  fut  ainsi  retait  et  défait  à  plusieurs  reprises.  De  nos  jours  il  a 
été  retransformé  dans  le  plus  pur  style  français  par  le  duc  actuel.  D'ailleurs  les 


Lyme  Hali,  a  M'  Thomas  Legh. 

parcs  de  Stowe  et  de  Long  Leate  subirent  à  la  fin  du  xviii''  siècle  une  méta- 
morphose semblable  à  celle  de  Blenheim.  Ce  fut  à  Kew,  l'un  des  domaines  préférés 
des  rois  d'Angleterre  au  xviii'  siècle,  que  l'on  introduisit  pour  la  première  fois  le 
genre  chinois.  Chambers  y  plaça  une  pagode,  une  tour  à  clochettes,  des  temples. 
Brown  créa  encore  Sion  au  duc  de  Northumberland. 


i54     - 


HOAR   CROSS 
A  M.  Meynell  Ingram. 


Itali 


le 


Sous  l'influence  des  papes  et  des  grands  seigneurs  de  l'époque  de  la 
Renaissance,  l'Italie  vit  de  superbes  demeures  se  construire  au  milieu  des  plus 
beaux  jardins.  Il  y  eut  alors  ce  qu'on  appela  :  «  le  jardin  romain  »,  comme  chez 
nous  «  le  jardin  français  »  au  xvn^  siècle. 

Les  villas  italiennes  étaient  encadrées  de  jardins  à  l'antique.  Comme  les 
Romains  de  la  fin  du  règne  d'Auguste,  toute  personne  de  haute  condition  avait  sa 
villa,  qui  ressemblait  aux  villas  impériales,  Burckardt  disait  :  «  Il  ne  s'agit  pas 
d'imiter  la  nature  avec  ses  hasards,  il  s'agit  de  mettre  la  nature  au  service  des  lois 


VEK.0  DISSEGNO  DELI    STVPENDI  EDEFITIJ    GIARDINI    BOSCHI 
E    MARAVEGLIOSE    DI     BELVEDERE  IN     ROM  A 


Les  Jardins'du  Belvédère  en   1579,  par  Van  Schoël. 

de  l'art.   L'Italie  ne  comprend  ni  le  partage  ni  la  sentimentalité  élégiaque  de  la 
nature.  » 

Pendant  le  seizième  et  le  dix-septième  siècle  les  palais  et  les  villas  se 
multiplièrent  et  les  jardins  atteignirent  alors  un  degré  de  perfection  auquel  le 
temps  ne  put  rien  ajouter  :  galeries  de  marbre,  pavillons,  belvédères,  bassins, 
jets  d'eau,  vases,  balustres  et  statues,  rien  ne  manquait  pour  en  rendre  l'aspect 


-     i57 


'a  D'eue  de   ùz  'JJiqne  .Sampruie   du    Co^t/ des   Sa/nUiu 


des  plus  brillants.  C'est  la  distribution  panoramique  et  symétrique,  c'est  le  jardin 
de  parade  avec  son  cadre  de  terrasses  et  ses  escaliers  à  rampes,  c'est  un  ensemble 
presque  partait. 


La  villa  d'Esté  à  Tivoli  est  l'œuvre  du  cardinal  de  Ferrare,  et  fut  bâtie 
vers  i55o.  Les  terrasses  étaient  célèbres,  ainsi  que  les  berceaux  à  portiques  et  les 
tonnelles.  Les  fontaines  étaient  sous  l'invocation  de  divinités  mythologiques  telles 
que  Vénus,  Diane,  Pomone,  Bacchus,  Neptune.  D'innombrables  jets  d'eau  complé- 
taient ce  beau  cadre,  le  tout  sur  les  dessins  de  Pierre  Ligorio.  Actuellement  encore 


HORTVS      ET       PALATIVM      ATESTINORVM      TYBVRI 

/./.    lAUJII.VrTiF   l'M.AI.iA    Cote    j,r  1.    Vll.l.K   ,.a    Tl^OJL/         „v--y   A  .\ss.<rKi;!KtM  .-„.  TICICl:,    M  nrrrrf    ,.     j-. 


< 


■1  il  1)  i]  »i  n  .1  il  j_a 


de  la  villa  on  jouit  d'une  vue  magnifique  sur  la  campagne  de  Rome  et  sur  les 
avenues  de  grands  cyprès  séculaires. 


i6o     — 


^i^m^ 


^4   ■       -1 


Villa  Gambaka   f.r,r,/,j 


\.^...      G.K.UI., 


Russie 


PETERHOF 

'après  le  dessin  de   Lespinasse  au  xvni«  siècle. 


Suèd( 


JACOBS  DAHL 
d'après  le  Comte  Eric  de  Dalberg,  1693-1714. 


Ekholmen. 
Collection  de  M.  Th.  Bé 


166 


Jardins  de  l'Orient 


Arabes  —  Assyriens  — -  Chinois  —  Indo-Ctiinois  —  Hindous 
Japonais    —   Persans  — ■   Siamois  —  Turco- Egyptiens -Mauresques 


Dans  les  jardins  d'Orient,  les  plus  anciens  et  les  plus  célèbres,  furent  ceux 
de  Babylone.  Les  jardins  assyriens  étaient  gigantesques.  Etablis  à  grands  frais  par 
les  rois  qui  voulaient  léguer  à  la  postérité  une  idée  de  leur  puissance,  ils  se 
trouvaient  généralement  au  sommet  des  villes.  Les  jardins  suspendus  de  Babylone 
indiquent  bien  ce  genre  d'architecture.  Ils  furent,  croit-on,  l'œuvre  de  Sémiramis. 


167 


Il  est  encore  possible  d'en  voir  les  fondations  à  Hellah,  sur  la  rive  de  l'Euphrate. 
Le  jardin  était  de  forme  carrée,  on  y  montait  par  des  marches  aboutissant  à  des 
terrasses  superposées.  Les  terrasses  étaient  supportées  par  d'énormes  colonnes.  Le 
sol  était  planté  d'arbres  rares,  et  par  des  machines  hydrauliques  très  bien  dissi- 
mulées, l'eau  du  fleuve  montait  jusqu'au  sommet.  C'était  les  jardins  les  plus 
complets  de  cette  époque. 

Au  temps  des  Pharaons,  les  jardins  se  divisaient  en  deux  catégories  :  les 
jardins  sacrés  et  les  jardins  particuliers.  Les  premiers  entouraient  les  temples,  ils 


étaient  plantés  de  palmiers  et  de  sycomores  avec  de  larges  bassins  de  porphyre  où 
poussait  le  lotus,  et  où  nageaient  les  animaux-dieux,  tels  que  le  crocodile  sacré. 
Les  seconds,  étaient  situés  générlaement  sur  les  bords  du  Nil  et  contenaient  un 
grand  canal,  qui  venait  du  fleuve  et  alimentait  les  vastes  bassins,  où  le  maître  se 
promenait  dans  une  barque  conduite  par  les  esclaves.  Ces  jardins  étaient  entretenus 
avec  beaucoup  de  soin.  Une  rangée  de  palmiers  formait  le  mur  d'enceinte  où  se 
trouvait  la  grande  porte  d'entrée.  Puis  c'était  des  carrés  de  sycomores,  de  dattiers, 
de  grenadiers,  alignés  au  bord  des  allées  ou  des  plates-bandes,  et  destinés  à  ombra- 
ger la  promenade  du  seigneur.  Enfin  il  y  avait  des  kiosques  ou  pavillons  à 
colonnettes  pour  les  logements  du  gardien. 


Chine 


La  description  au  xviii'=  siècle  en  Chine  d'un  jardin  voulait  que  «  Les 
Chinois  aient  orné  leurs  jardins,  de  bois,  de  lacs,  et  de  tout  ce  qui  peut  récréer  la 
vue.  Il  y  en  avait  qui  formaient  des  rochers  et  des  montagnes  artificielles,  percées 
de  tous  côtés,  avec  divers  détours  en  forme  de  labyrinthe,  pour  y  prendre  le  frais.  » 


XC^^ 


L  Empereur  dk  Chine  au  xviii<  siècle. 


Un   fameux  peintre  Chinois    Lepqua   disait  aussi  que  la  nature  est  leur 
modèle,  et  leur  but  est  de  l'imiter  dans  toutes  ses  belles  irrégularités. 

—     169     — 


Jardins  de  l'Empereur  de  Chine  au  xviii  siècle. 


170 


Comme  les  Chinois  n'aiment  pas  la  promenade,  on  trouve  rarement  chez 
eux  les  avenues,  ou  les  allées  spacieuses  de  jardins  de  l'Europe.  Tout  le  terrain 
est  distribué  en  une  variété  de  scènes,  et  de  paysages  tournants,  ouverts  au  milieu 
des  bosquets,  pour  arrivera  de  différents  points  de  vue,  indiqués  par  un  siège,  par 


un  édifice,  ou  par  quelqu'autre  objet.  La  perfection  de  leurs  jardins  consiste  dans 
le  nombre,  dans  la  beauté  et  dans  la  diversité  de  ces  scènes. 

Ils  y  introduisent  aussi  des  rocs  artificiels,  et  ils  surpassent  toutes  les 
autres  nations  dans  ce  genre  de  composition.  Ces  ouvrages  forment  chez  eux 
une  profession  distincte  :  on  trouve  à  Canton,  et  dans  la  plupart  des  autres  villes 


171     — 


de   la  Chine,    un    grand   nombre   d'ouvriers   constamment   occupes   à    ce    métier. 
Dans  les  bosquets,  les  Chinois  varient  toujours  les  formes  et  les  couleurs  des 


172 


arbres.  Rien  de  plus  curieux  que  les  moyens  qu'ils  emploient  pour  exciter  la  surprise. 
Ils  vous  conduisent  quelquefois  au  travers  de  cavernes,  et  d'allées  sombres,  au  sortir 
desquelles  vous  vous  trouvez  subitement  frappés  parla  vue  d'un  paysage  délicieux. 


Galerie  de  Fleurs  du  Palais  de  Wan  Shou  Shan. 

Le  palais  de  l'empereur  à  Pékin  et  ses  jardins  n'offrent  rien  que  de  grand 
et  de  véritablement  beau,  soit  par  le  dessin,  soit  par  l'exécution.  Rien  en  France 
ou  en  Italie  n'y  est  comparable.  Les  jardins  sont  délicieux.  Ils  consistent  dans  un 
grand  terrain  où  l'on  a  élevé  de  petites  montagnes. 

Plusieurs  de  ces  maisons  ou  palais,  sont  bâties  en  bois  de  cèdre,  qu'on 
amène  à  grands  frais  de  cinq  cents  lieues  de  Pékin. 

Les  canaux  ou  rivières  sont  coupés  par  des  ponts  de  distance  en  distance. 


173     -^ 


wyy//MmMmM''''  -iirn-n^»- 


Entrée  du  Pao-Hè. 

Mais  l'endroit  le  plus  charmant,  est  une  île  ou  rocher  d'un  aspect  très  sauvage,  qui 
s'élève  au  milieu.  Sur  ce  rocher,  est  bâti  un  palais,  où  l'on  compte  plus  de  cent 
chambres  ou  salons.  C'est  l'endroit  où  habite  ordinairement  l'empereur,  et  où 
logent  aussi  toutes  les  femmes,  l'impératrice,  les  Kouce-Fey,  les  Fey,  les  Pins,  les 
Koucigin,  les  Tchangtsai,  qui  sont  les  titres  des  femmes,  selon  qu'elles  sont  plus 
ou  moins  en  faveur.  Le  nom  de  l'impératrice,  est  Hoanghéou;  celui  de  l'impératrice 
mère  Tay-Héou.  Et  l'ensemble  de  cette  étonnante  maison  de  plaisance  s'appelle 
Yven-ming-yven,  c'est-à-dire  «  Le  jardin  des  jardins  ». 

Imiter  la  nature,  telle  est  la  formule  la  plus  exacte  du  jardin  chinois.  Tantôt 
sous  un  côté  sévère,  tantôt  d'une  façon  riante.  On  imite  la  nature  en  diversifiant  à 
son  exemple  les  bords  des  rivières  et  des  lacs.  Les  rivières  ne  suivant  pas  les  lignes 


-      174     — 


ESCALIKR    d'entrée    DU    Pa()-HÈ 

droites,  on  les  rend  tortueuses,  en  les  faisant  serpenter.  On  construit  des  moulins 
pour  animer  la  scène.  On  crée  des  îles  au  milieu  des  lacs,  avec  des  rocs  artificiels. 
Les  bosquets  sont  de  formes  variées  et  les  teintes  des  arbres  de  couleurs  différentes. 
C'est  de  ces  diversités  que  vint  en  Europe  le  goût  des  «  chinoiseries  ».  Les  résidences 
champêtres  des  «  Fils  du  ciel  »  comprenait  une  quantité  de  petits  kiosques  enfermés 
dans  une  vaste  enceinte  :  une  sorte  de  ville  minuscule.  On  y  travaillait  la  terre  et 
l'empereur  retournait  à  Pékin,  après  avoir  vu  les  ennuques  moissonner  les  récoltes 
dans  son  parc.  Certes,  les  jardins  paysagers  en  Europe  ont  été  sous  l'mtluence 
chinoise  au  point  de  vue  horticole,  mais  leur  origine  remonte  aux  anglais,  prmci- 
palement.  


-      175 


Cambodge,   Indo-Chine 


76 


Dans  cette  gravure  d'Anglcor,  on  s'est  attaché  à  reconstituer  autant  que 
possible  une  partie  de  la  splendeur  de  ces  merveilleux  monuments,  qu'était  la 
pagode  Angkor  Wat.  On  accédait  à  l'entrée  principale  par  une  large  avenue  bordée 
de  verdure  au  milieu  d'une  forêt  de  palmiers.  Les  dispositions  intérieures  laissent 
croire  que  ce  n'était  pas  un  temple,  mais  plutôt  l'ancien  palais  des  rois  d'Angkor. 

La  pagode  royale  d'Angkor  Wat  est  celui  des  monuments  Kmers  qui  a  le 
mieux  résisté  aux  ravages  du  temps.  On  trouve  d'abord  une  gigantesque  chaussée 
décorée  de  lions  fabuleux  et  de  prodigieux  dragons  à  neuf  têtes;  cette  chaussée 
s'avance  au  milieu  des  jardins  situés  en  contre-bas,  et  avec  lesquels  elle  commu- 
nique par  de  larges  escaliers  ;  aux  extrémités  de  leurs  rampes  de  pierre,  se  dressent 
des  monstres,  étranges.  La  chaus- 
sée est  entourée  d'eau  où  se  reflè- 
tent les  animaux  de  pieirc. 


Chez  la  reine  de  Siam  se  trouve  un  jardin  aussi  délicieux  que  curieux  ; 
c'est  un  vaste  enclos  qui  contient  en  miniature  tout  ce  que  Ton  trouve  en  grand 
dans  le  monde.  Il  renferme  des  montagnes  factices,  des  bois,  des  rivières,  un  lac, 
avec  des  îlots  et  des  rochers,  des  petits  vaisseaux,  des  barques,  un  bazar  ou  marché 
tenu  par  les  femmes  du  palais,  des  pagodes,  des  pavillons,  des  belvédères,  des 
statues,  et  surtout  des  arbres  à  fleurs  et  à  fruits  apportés  des  pays  étrangers. 
Pendant  la  nuit  ce  jardin  est  illuminé  par  des  lanternes  et  des  lustres  ;  c'est  là  que 
les  dames  prennent  leur  bain  avant  de  se  retirer  dans  leurs  appartements. 


177 


Jardins  Hindous 


Il  V  a  sur  le  lac  de  Cachemire  nombre  d'îles  qui  sont  autant  de  jardins  de 
plaisance,  le  plus  beau  de  tous  est  celui  du  roi  Ghah-limar.  Du  lac,  on  y  pénètre 
par  un  grand  canal  bordé  de  gazon,  entre  deux  larges  allées  de  peupliers.  Les 
extrémités  du  canal  sont  entourés  d'une  galerie  et  reliés  au  bord  par  deux  ponts 

ornés  de  colonnes  tirées 
d'anciens  temples  païens. 
Telle  est  la  description  de 
M.  Bernier. 

Une  des  parties  les 
plus  curieuses  du  palais 
d'Oudeypour,le  plus  grand, 
le  plus  beau  de  l'Inde,  est 
sanscontredit  son  \aste  jar- 
din; on  est  étonné  de  s'y 
trouver  à  une  si  grande  hau- 
teur avec  des  arbres  cente- 
naires et  de  beaux  parterres. 
Au  centre  du  jardin  est  un 
bassin,  d'où  rayonnent  des 

,,  -11        j  avenues  de  marbre  blanc; 

leau  circule  dans  des  canaux 

incrustés  et  se  perd  au  mi- 
lieu des  bosquets  d'orangers 
et  de  grenadiers.  Autour  est 
une  galerie  de  marbre  où 
sur  des  sofas  en  velours  le 
Maharadja  vient  passer  les 
heures  de  la  sieste...  Dans 
ce  jardin,  une  des  belles 
allées  conduit  au  «  Palais 
du    Plaisir  ». 

L'image  ci-contre 
représente  les  jardins  du  pa- 
lais de  Digh.  M.  Rousselet 
dit  que  c'est  une  des  plus 
antiques     cités    de     l'Inde. 


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Vers  1725,  l'un  de  ses  rois  y  construisit  un  splendide  palais,  considéré  comme  la 
merveille  de  l'art  hindou.  11  est  placé  au  centre  d'un  grand  jardin  planté  d'orangers 
et  d'arbres  fruitiers,  et  traversé  par  de  belles  avenues  dallées  de  pierres  avec  des 
canaux.  De  superbes  pavillons  reliés  les  uns  aux  autres  par  des  terrasses,  enca- 
drent les  parterres.  A  l'extrémité  de  l'allée  centrale  s'étale  un  étang  célèbre  dans  les 
légendes  hindoues,  où  il  est  désigné  sous  le  nom  de  source  de  Krichna.  On  prétend 
que  c'est  sur  ses  bords  que  le  Divin  Berger  venait  faire  danser,  au  son  de  la  flûte, 
les  bergères  de  Diràghpoura.  Cet  étang  est  dominé  par  une  terrasse  plantée  de  grands 
arbres  et  garnie  de  plusieurs  kiosques.  L'un  de  ces  kiosques  est  un  édifice  de  pierre 
entouré  à  sa  partie  supérieure  d'une  gouttière  qui,  lors  des  fêtes,  laisse  tomber  une 
nappe  d'eau  formant  un  véritable  mur  de  cristal;  de  nombreuses  gerbes  éclatent 
tout  autour  en  bouquet. 


Jardins  du   Palais  de  bi 


^79 


Japon 


Les  jardins  de  Mvako,  1799,  par  Sakouma  Nishimoura. 
Collection  du  Musée  Guimet. 


180       — 


Il  n'est  pas  de  jolie  demeure  japonaise  de  la  bonne  bourgeoisie  qui  n'ait 
son  jardin,  asile  sacré  de  la  solitude,  de  la  sieste  et  des  longues  libations  de  thé 
ou  du  saki.  Telle  est  l'opinion  d'un  Européen  qui  a  vécu  au  Japon,  M.  Humbert. 
Si  le  pays  est  riche  en  rochers,  en  jolis  vallons,  en  grottes,  en  sources,  en  étangs, 
le  Japonais  l'utilise  de  la  manière  la  plus  ingénieuse,  pour  réunir  dans  un  étroit 
espace  les  agréments  d'un  paysage  varié.  Si  la  nature  n'y  suffit  pas,  on  a  soin 
d'isoler  l'enclos  au   moyen  de  haies  vives   ou   de  palissades    et  de   cloisons   de 


i8i 


.KS     JARDINS     UE      MyAKO.      l/QQ. 

Collection  du  Musée  Guimet. 


182 


bambous  recouvertes  de  plantes  grimpantes.  Quand  il  y  a  une  entrée  de  jardin  sur 
la  rue,  on  jette  un  pont  rustique  sur  le  canal  qui  est  devant  la  porte,  et  on  dissi- 
mule celle-ci  sous  des  touffes  d'arbres  et  d'arbustes  aux  épais  feuillages.  A  peine 
en  a-t-on  franchi  le  seuil  que  l'on  se  croirait  dans  une  petite  forêt  vierge,  bien  loin 


Jardin  japonais  le  M.   Kr 


JOLY    EN    JOSAS. 


de  toute  habitation  humaine.  Cependant  des  quartiers  de  rocs  négligemment 
disposés  en  escalier,  engagent  le  visiteur  à  gravir  la  colline  et  tout  à  coup,  dès 
qu'il  en  atteint  le  sommet  il  découvre  à  ses  pieds  un  spectacle  charmant;  il  voit  au 


—     i83     — 


Jardin  japonais  de  M.  Krakt  a  Jouy  en  Josas. 


Iaruin  japonais  dk  M.  Kraft  a  Jouy  en  Josas. 

—     i85     — 


Les    jardins    de    Myako,    1799. 
Collection  du  Musée  Guimet. 


186      — 


fond  d'un  cirque  de  verdure  et  de  fleurs,  un  étang  gracieusement  découpé,  dont 
les  rives  sont  tapissées  d'une  bordure  de  lotus,  d'iris  et  de  nénufars  ;  un  léger  pont 
de  bois  le  traverse,  le  sentier  qui  y  mène  descend  de  gradin  en  gradin,  serpente 
au  milieu  de  bosquets  de  bambous  panachés,  d'azalées,  de  palmiers  nains  et  de 
camélias  ;  ou  au  pied  de  beaux  groupes  de  pins  des  plus  petites  espèces,  couron- 
nant des  rochers  revêtus  de  lierre;  ou  le  long  de  collines  gazonnées,  émaillées  de 
fleurs,  parmi  lesquelles  se  penchent  des  lys.  Quand  on  contemple  ce  tableau,  on 
n'y  voit  que  des  lignes  gracieuses,  des  mouvements  de  terrains  ondulés,  des  combi- 
naisons de  formes  et  de  couleurs  également  harmonieuses.  Rien  n'y  attire 
particulièrement  l'attention  ;  tout,  dans  l'ensemble  et  dans  les  détails  de  la  scène. 


tend  à  bercer  l'esprit  dans  des  rêveries  douces,  et  à  ne  lui  laisser  d'autres  impres 
sions  que  la  grande  jouissance  du  repos.  N'est-ce  pas  là,  toujours  l'impression  que 
devrait  donner  un  jardin? 

D'autres  jardins  Japonais  offrent  tout  un  assemblage  bizarre  d'arbustes 
nains  pourpre,  verts  sombre  étendant  leurs  petites  branches  biscornues  sur  de 
petits  lacs  à  poissons  rouge  :  allées  lilliputiennes  au  milieu  de  parterre  de  pygmées, 
rivières,  rigoles  sur  lesquelles  sont  jetés  des  ponts  de  verdure  minuscules,  enfin 
des  tonnelles  et  berceaux  de  camélias  en  fleurs,  d'azalées  et  mille  autres  plantes 
aux  parfums  enivrants. 


Parmi  les  ornements  qui  décorent  les  maisons  Japonaises,  les  jardins  sont 
ce  qu'on  y  voit  de  plus  remarquable.  On  y  descend  ordinairement  par  une  galerie 


Jardins  a  Yokohama. 


Lks  jardins  de  Myako,   1799,  PAR  Sakouma  Nishimoura. 
Collection  du  Musée  Guimet. 


190       — 


derrière  la  maison,  et  au  bout  de  laquelle  il  y  a  un  bain  et  une  étu\e;  car  les  Japo- 
nais, dont  la  propreté  est  un  besoin  aussi  nécessaire  à  leur  existence  que  le  riz  qu'ils 
mangent,  ont  la  coutume  de  se  baigner  tous  les  soirs.  Ces  jardins  sont  en  partie  pa\és 
de  pierres  rondes  de  diverses  couleurs;  le  reste  est  couvert  de  gravier  que  Ton  nettoie 
tous  les  jours.  Les  plus  belles  fleurs  sont  disposées  avec  beaucoup  d'art,  au  milieu 
de  coquettes  pièces  d'eau,  petits  ponts,  bosquets  et  labyrinthes;  dans  un  coin  du 
jardin,  il  y  a  toujours  un  rocher  ou  coteau  parfaitement  imité  d'après  nature,  dont 
chaque  trou  contient  une  plante  aux  vives  couleurs;  un  ruisseau  coule  du  haut  de 
ce  rocher;  il  y  a  souvent  un  petit  bois  ou  un  vivier  entouré  d'arbres.  Et  ce  genre  de 


jardin  doit  exister  depuis  longtemps,  car  Kaempfer  disait  que  «  les  Japonais  ont 
toujours  dans  leurs  jardins,  entr'autres  ornements,  un  petit  rocher  ou  une  colline 
artificielle,  sur  laquelle  ils  élèvent  quelquefois  le  modèle  d'un  temple.  »  Il  ajoute 
qu'«  on  y  voit  souvent  un  ruisseau  qui  se  précipite  du  haut  du  rocher  avec  un 
agréable  murmure,  et  que  l'un  des  côtés  de  la  colline  est  orné  d'un  petit  bois.  » 
Kaempfer  croyait  reconnaître  là  le  goût  des  jardins  d'Angleterre  importés  au  Japon. 


—     '91 


Perse 


Un  érudit,  M.  Migeon,  Conservateur  au  Musée  du  Louvre,  dit  qu'il  ne 
faut  pas  chercher  les  chefs-d'oeuvre  de   l'art  Indo-Persan   dans  les  livres  qui  ne 


Miniature  persane  de  la  fin  du  xiv«  siècle.  Le  Roi  dans  son  jardin  entouré  de  ses  femmes. 
Collection  de  M.  H.  Vever. 


LA  VISITE  DU  HANCÉ 


Miniature  Timouridh,  XV<=  siècle 


sont  que  des  réflexes,  sans  la  beauté  de  la  couleur;  il  faut  les  chercher  dans  les 


Miniature  persane  du  sve  siècle. 

Coi-LATION    DU    Roi    dans    son    jardin    entouré    de    sa    I  "I   i< 

Collection  de  M.  H.  Vever. 


.93 


feuilles  isolées,  œuvres  de  caractère  personnel  qui  sont  des  petits 
tableaux  représentant  des  scènes  de  la  vie  privée,  ou  des  spec- 
tacles épiques.  Parfois  des  paysages,  jardins,  tout  pénétrés  d'un 
sentiment  exact  de  la  nature  nous  font  assister  à  ces  beaux 
spectacles  de  lumière.  Ceci  est  fort  juste  et  nous  avons  voulu 
montrer  ici  une  série  de  reproductions  des  miniatures  les  plus 
rares  des  xiv%  xv%  xvi'  et  xvn^  siècles  ayant  quelque  rapport 
avec  le  sujet  qui  nous  occupe. 

Il  est  auparavant  utile  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  l'his- 
toire de  la  Perse,  telle  qu'a  su  nous  la  présenter  M.  Migeon 
dans  un  sommaire  des  plus  lumineux.  L'origine  des  premiers 
Persans  remonte  aux  Sassanides.  Ceux-ci  disparurent  après 
la  victoire  du  Khalife  Omar;  et  la  Perse,  tombant  sous  la  do- 
mination des  Arabes,  devint  une  province  du  Khalifat  d'Egypte, 
pendant  les  x%  xi'  et  x\f  siècles.  Survint  alors  un  événement  qui 

causa  un  boule- 
.,fti>jj_^    ■.~^-  __.:,_     .1^  :-:*±r-r-r2ï¥sE»      versement  total  : 

l'invasion  de 
Djengis  Khan  à 
la  tête  des  Mon- 
gols. Après  avoir 
envahi  la  Chine 
en  I2IO,  et  pris 
Pékin,  il  pénétra 
en  Perse  et  prit 
Samarkand.  Son 
petit-hls  s'empara 
de  Bagdad  et  se 
litproclamerSul- 
tan  de  Perse.  Cet- 
te dynastie  fut  à 
son  tour  chassée 
par  l'arrivée  de 
TimourLenkqui 
luiaussivenaitde 
Mongolie.  Vers 
1887,  il  prenait 
Téhéran  et  fon- 
dait la  famille  des 
Timourides,  dont 


W§^m'p^.M^,4È>:Mc^ 


Collection  dk 


Minaret  da 
H.  Vever. 


94 


ARRIVÉE  DE  HUMAY  AU  JARDIN  IMPÉRIAL  DE  LA  COUR  DE  CHINE 

Miniature  transoxiane  du  XV^  siècle 

Collection   du  Musée  des  Arts  Décoratifs 


Miniature  persane  du  \vi'  siècle.  Réception  d'un  souverain  dans  un  jardin. 
Collection  de  M.  H.  Vever. 


l'un  des  princes  les 
plus  brillants  fut 
Hussein  Mirza  établi 
à  Hérat.  La  Perse 
alors  était  divisée  en 
un  certain  nombre  de 
principautésqui  tom- 
bèrent toutes  sous  la 
domination  du  pre- 
mier Shah  Séfévi,  en 
1480,  fondateur  de  la 
dynastie  des  Séfévis- 
tes  dont  le  plus  cé- 
lèbre fut  Abbas  au 
xvii^  siècle. 

M.  Saladin, 
architecte,  qui  s'est 
beaucoup  occupé 
d'architecture  orien- 
tale et  qui  a  publié 
un  intéressant  ou- 
vrage sur  l'Art  mu- 
sulman dit  que  dans 


leurs  déplacements, 
les  rois  de  Perse 
faisaient  élever  des 
pavillons  et  des  ten- 
tes ornées  de  tapis, 
de  portières  bro- 
dées, d'étoffes  de 
tout  genre,  de  meu- 
bles dorés,  trônes, 
escabeaux,  tables 
basses,  le  tout  dans 
un  beau  jardin. 

Voici  d'après 
Chardin  la  descrip- 
tion du  campement 
du  roi  de  Perse,  lors 


RE    DE    l'Emi'EK 
E    -    Coi.LECTIO> 


r 


i.:^-v 


LE  SCHAH  THAMASP 

dans  son  jardin  caressant  son  faucon  de  chasse  favori 

Miniature    persane    du    XVI'=    siècle 

Collection  de  M.  A.  de  Goloubeff 


de  fêtes  données  à  la  campagne  :  «  La  tente  d'audience  est  longue  de  soixante  pieds 
sur  trente-cinq  de  large  et  trente  de  haut;  elle  est  soutenue  par  cinq  piliers  ronds,  gros 
à  proportion,  lesquels  s'emboîtent  en  trois  endroits  dans  des  garnitures  dont  quel- 
ques-unes étaient  d'or  massif,  et  d'autres  d'argent.  Les  bouts  des  piliers  qui  passaient 
au  travers  de  la  couverture  étaient  surmontés  de  pommes  d'or  fort  grosses,  et  c'est 
la  marque  à  laquelle  on  reconnaît  de  loin  la  tente  du  roi.  Le  dedans  de  cette  tente 
était  tout  de  brocard  d'or,  et  à  côté  il  y  en  avait  une  plus  petite,  toute  semblable  à 
la  première.  Les  tapis  étaient  tenus  à  terre  par  des  pommes  d'or  posées  par  rangs 
de  quatre  en  quatre  pieds.  Celles  qui  tenaient  la  courte  pointe  qui  couvre  le  trône 
du  roi  étaient  plus  grosses  et  toutes  garnies  de  pierreries.  Les  tentes  du  roi  étaient 
tendues  en  croix  grecque,  sans  que  l'une  fût  ouverte  sur  l'autre,  quoique  pourtant 
il  y  eut  communication  des  unes  aux  autres. 

Les  tentes  des  Grands  de  la  Perse  étaient  spacieuses.  On  faisait  passer  l'eau 
devant  les  tentes  du  roi,  et  quelquefois  en  travers,  en  faisant  des  tables  de  plomb 
qu'on  mettait  en  terre,  au  haut  desquelles  on  attachait  des  lances  d'or  en  demi-rond 
pour  servir  de  rebord.  Il  y  en  avait  toujours  de  cette  sorte  dans  la  tente  d'audience 
de  parade,  autour  de  laquelle  on  plantait  aussi  des  fleurs.  » 

Chardin,  au  xviu'^  siècle,  arrivant  en  Perse  semble  un  peu  déçu  par  les  jar- 
dins. Encore  tout  empreint  de  l'ordonnancement  des  parcs  Français,  de  leurs  lignes 
parfaites  il  déclare  «qu'après  ce  qui  a  été  dit  de  la  beauté  des  fleurs  de  Perse  on 
s'imaginerait  qu'il  y  a  aussi  là  les  plus  beaux  jardins  du  monde;  mais  cela  n'est 
point  du  tout.  Au  contraire,  par  une  règle  fort  générale,  là  où  la  nature  est  féconde 
et  aisée,  l'art  est  plus  grossier  et  plus  inconnu.  Lorsque  la  nature  fait  «jardiner» 
si  excellemment,  l'art  n'y  a  presque  rien  à  faire.  Les  jardins  des  Persans  consistent 
d'ordinaire  en  une  grande  allée  tirée  à  la  ligne,  qui  partage  le  jardin,  et  bordée  de 
platanes,  avec  un  bassin  d'eau  au  milieu  d'une  grandeur  proportionnée  au  jardin, 
et  deux  autres  plus  petites  sur  les  côtés.  L'espace  entre  deux  est  semé  confusément 
de  fleurs  et  planté  d'arbres  fruitiers  et  de  rosiers,  et  c'en  est  là  toute  la  décoration. 
On  ignore  ce  que  sont  des  parterres,  des  cabinets  de  verdure,  des  labyrinthes  ou 
des  terrasses.  Cela  vient  particulièrement  de  ce  que  les  Persans  ne  se  promènent 
pas  dans  les  jardins,  comme  nous  le  faisons,  mais  qu'ils  se  contentent  d'en  avoir 
la  vue,  et  d'en  respirer  l'air;  ils  s'asseyent  pour  cela  en  quelque  endroit  du  jardm 
à  leur  arrivée,  et  s'y  tiennent  jusqu'à  ce  qu'ils  en  sortent.  » 

Cette  constatation  est  juste  mais  Chardin  ne  restera  pas  sur  cette  médiocre 
impression  première  —  petit  à  petit  il  dut  comprendre  toute  la  beauté  de  l'Orient 
dans  sa  grande  simplicité  et  le  charme  de  sa  nature.  On  en  jugera  par  ses 
descriptions  sur  Ispahan  et  le  jardin  des  Mille  arpents. 

Depuis,  de  nos  jours,  des  explorateurs,  des  savants  ont  été  enthousiastes  de 
la  Perse.  Pour  avoir  l'idée  du  jardin  Persan  on  trouve  dans  l'ouvrage  de  Dieulafoy 

—     '97     — 


une  description  intéressante  où  il  est  dit  qu'en  se  rendant  au  palais  d'été  d'Ispahan, 
on  longe  d'abord  un  bassin  qui  s'étend  entre  deux  jardins  d'un  caractère  bien 
persan.  Les  parcs  anglais,  avec  leurs  pelouses  de  gazon  égayées  par  des  corbeilles 
fleuries  ou  des  bouquets  d'arbres,  les  jardins  français  du  xviii'  siècle  avec  leurs 
formes  sévères,  ne  sauraient  en  donner  une  idée.  Les  baghs  (jardins)  semés  sous  de 
hauts  platanes,  émondés  jusqu'à  la  cime,  sont  de  véritables  champs  couverts  de  fleurs 
serrées  les  unes  auprès  des  autres,  sans  aucun  souci  des  couleurs  ni  des  espèces. 
L'aspect  de  ces  longs  parterres  est  étrange;  et,  si,  en  s'en  approchant,  on  peut  leur 
reprocher  un  certain  désordre,  il  faut  avouer  que,  vus  à  distance  et  au  grand  soleil, 
ils  produisent  un  eff"et  charmant,  chaque  fleur  paraissant  alors  plus  éclatante  que 
l'autre.  Au  delà  du  bassin  s'élève  le  pavillon  octogonal  des  Hacht-Bechet,  composé 
d'une  grande  salle  placée  au  centre  de  l'édifice,  de  quatre  porches  et  de  quatre  corps 
de  bâtiments.  Il  comprend  sur  deux  hauteurs  d'étages  les  «  Huit  Paradis  »  desservis 
par  des  escaliers  spéciaux  mis  en  communication  au  moyen  de  galeries  jetées  au- 
dessus  des  porches. 

M.  d'Allemagne  donne  aussi  en  igii  une  intéressante  description  des 
jardins  persans  dans  son  voyage  en  Perse.  Ce  sont  de  véritables  oasis  parfumés 
de  roses  et  sillonnées  par  toute  une  série  de  canaux  bordés  de  tuiles  en  faïence  bleu- 
turquoise  qu'on  traverse  sur  d'élégants  petits  ponts  en  fer.  Ces  jardins  remplis  de 
verdure  sont  pleins  d'oiseaux  d'espèces  curieuses,  surtout  des  paons,  des 
cygnes  et  des  colombes.  Ils  sont  ombragés  par  de  superbes  platanes,  des  cyprès, 
des  pins  et  des  saules,  entre  lesquels  croissent  une  grande  quantité  de  plantes  et  de 
fleurs  les  plus  belles  et  rares. 

Il  y  a  des  pièces  d'eau  bien  dessinées  qui  sont  bordées  de  massifs  d'arbres 
aux  tons  cuivrés  d'une  richesse  de  coloris  vraiment  admirable. 

Les  poètes  ont  vanté  les  fleurs  parfumées  de  l'Iran,  et  nous  ont  souvent 
bercés  du  souvenir  d'Ispahan  et  de  Chiraz  avec  leurs  fameuses  roses  dont  on  tire 
un  extrait  célèbre  dans  tout  l'Orient. 

En  revenant  à  Ispahan,  un  des  joyaux  de  la  Perse,  que  M.  Saladin  a  si  bien 
étudié,  il  faut  parler  du  Palais  royal  sis  à  peu  près  au  centre  de  la  ville.  Sa  façade 
méridionale  est  longée  par  des  jardins  et  des  parcs,  au  milieu  desquels  se  trouvent 
des  pavillons  ravissants,  comme  le  pavillon  des  quarante  colonnes.  Dans  le  prolon- 
gement de  la  façade  ouest  du  Palais  on  admire  une  avenue  monumentale,  appelée 
le  Tchar-bagh,  bordée  de  superbes  constructions,  décorée  de  bassins,  d'eaux  jaillis- 
santes, de  petits  pavillons,  ornée  de  platanes.  Cette  très  longue  avenue  traverse  le 
Zendé-Roud  sur  un  beau  pont;  et  la  disposition  des  canaux,  des  trottoirs  etdes  plan- 
tations d'arbres  en  faisaient  une  promenade  unique  au  monde  au  commencement 
du  xvii'  siècle. 

On  peut  appeler  cette  belle  allée,  le  cours  d'Ispahan,  elle  est  arrosée  par  un 

—      iq8     — 


L'ESCARPOLETTE  AU  JARDIN 

Miniature  persane  de  la  deuxième  partie  du  XVI«  siècle 
Collection  de  M.  Henri  Vever 


canal  qui  coule  au  milieu,  d'ua  bout  à  l'autre;  ses  rebords,  qui  sont  faits  de  pierres 
de  taille,  sont  élevés  et  si  larges  que  deux  hommes  à  cheval  peuvent  se  promener 
de  chaque  côté.  Les  ailes  du  Tchar-bagh  sont  de  beaux  et  spacieux  jardins,  dont 
chacun  a  deux  pavillons,  l'un  fort  grand,  situé  au  milieu  du  jardin,  consistant  en 
une  salle  ouverte  de  tous  côtés,  et  en  des  chambres  et  cabinets  aux  angles;  l'autre, 
élevé  sur  le  portail  du  jardin,  ouvert  au  de\ant  et  aux  côtés...  Ces  pavillons  sont  de 
diverses  constructions  et  figures,  mais  ils  sont  presque  tous  d'égale  grandeur  et  tous 
peints  et  dorés.  Les  bassins  d'eau  sont  différents  aussi,  et  en  grandeur  et  en  figure, 
avec  des  jets  d'eau  et  des  chûtes  d'eau.  Les  rues  qui  traversent  cette  allée,  en 
plusieurs  endroits,  sont  de  larges  canaux  d'eau,  plantes  de  hauts  platanes  à  double 
rang,  l'un  près  des  maisons,  l'autre  sur  le  bord  du  canal. 

Le  Tchar-bagh  finit  à  une  maison  de  plaisance  du  roi,  qui  en  occupe  la  lar- 
geur, et  dont  les  jardins  sont  si  grands  qu'on  les  nomme  les  «  Mille  arpents  ». 

Ce  jardin  des  Milles  arpents,  long  d'un  mille  et  large  presque  autant,  est  fait 
en  terrasses  soutenues  de  murs  de  pierres,  on  y  compte  douze  terrasses  élevées  de 
six  à  sept  pieds  l'une  sur  l'autre,  et  qui  vont  de  l'une  à  l'autre  par  des  talus  fort 
aisés  à  monter,  et  aussi  par  de  grosses  pierres  qui  joignent  le  canal  assez  profond, 
dans  lequel  se  trouvent,  de  distance  en  distance,  des  tuyaux  qui  projettent  l'eau 
fort  haut. 

Au  bas  de  chaque  terrasse,  à  l'endroit  de  la  chute  du  canal,  laquelle  est  en 
talus  et  fait  une  nappe  d'eau,  il  v  a  un  bassin  de  dix  pieds  de  diamètre  et,  au  haut, 
il  y  en  a  un  second  beaucoup  plus  grand,  et  plus  profond,  avec  des  jets  d'eau  au 
milieu  et  autour...  On  voit,  proche  de  chaque  bassin,  sur  les  côtés,  deux  grands 
pavillons  fort  hauts,  peints,  dorés  et  argentés,  de  cette  architecture  si  caractéristique; 
au  milieu  de  la  sixième  terrasse,  il  y  a  un  pavillon  qui  coupe  l'allée;  il  est  à  trois 
étages  et  si  grand  et  si  spacieux  qu'il  peut  contenir  deux  cents  personnes  assises  en 
rond;  à  l'entrée  et  au  bout  du  jardin  se  trouvent  deux  constructions  à  peu  près 
semblables. 

En  sortant  du  palais  sur  le  Tchar-bagh  on  voit  d'abord,  en  entrant  dans  cette 
admirable  allée,  un  pavillon  carré  faisant  pendant  à  ce  palais  des  mille  arpents  qui 
la  termine.  Il  est  à  trois  étages,  avec  jalousies  au  lieu  de  vitres,  faites  de  plâtre, 
peintes  et  dorées  de  façon  fort  agréable;  à  la  suite  viennent  sept  bassins,  entre  la 
rivière  et  la  ville,  avec  des  cascades  et  des  jets  d'eau.  Le  pont  est  au-delà  du  sep- 
tième bassin;  dans  les  jardins  qui  terminent  la  vallée,  se  trouvent  la  volière  du  roi, 
dont  le  fil  est  doré,  et  la  maison  des  lions  à  l'autre  coin. 

Quand  les  eaux  jouent  dans  ces  beaux  jardins,  ce  qui  arrive  fort  souvent, 
on  ne  saurait  rien  voir  de  plus  grand  et  de  plus  merveilleux,  surtout  au  printemps, 
dans  la  saison  des  premières  fleurs,  parce  que  ce  jardin  en  est  couAcrt,  particuliè- 
rement, le  lona  du  canal  et  à  l'entour  des  bassins. 


199 


On  est  surpris  de  tant  de  jets  d'eau  qu'on  voit  de  toutes  parts  à  perte  de 
vue,  et  l'on  est  charmé,  tant  de  la  beauté  des  objets  que  de  la  senteur  des  (leurs 
et  du  ramage  des  oiseaux  qui  se  font  dans  les  volières  et  parmi  les  arbres. 

Une  avenue  parallèle  au  Tchar-bagh  longe  le  parc  du  Pavillon  des  Miroirs, 
splendide  construction  en  bordure  de  l'allée. 

La  conception  d'ensemble  consistait  à  rattacher  au  Palais  royal  d'ispahan 
un  ensemble  de  parcs,  de  jardins  et  d'avenues,  qui  devaient  peu  à  peu  meubler  pour 
ainsi  dire  l'espace  laissé  entre  les  deux  ponts  et  les  avenues,  en  en  formant  comme 
le  prolongement. 

Et  on  ne  saurait  douter  que  ces  palais  entoures  de  jardins  bordant  la 
magnifique  allée,  précédés  de  terrasses,  embellis  de  bassins  dallés  de  faïence  bleu- 
turquoise  ou  de  toute  autre  nuance  produisant  des  effets  d'eau  de  tout  genre,  n'aient 
pas  été  de  tradition  en  Perse  et  un  des  luxes  les  plus  appréciés  et  les  plus  recherchés. 

Les  principaux  palais  de  Perse  ont  de  ces  grands  bassins  d'eau;  il  les 
appellent  Petite  Mer.  Les  bords  en  sont  de  marbre  et  de  jaspe.  Les  jardins  consistent 
surtout  en  allées  de  grands  arbres,  et  en  parterres  remplis  de  fleurs  aux  couleurs 
éclatantes. 

D'après  Chardin,  le  prince  qui  les  fit  construire  pour  la  plupart,  faisait  dans 
ces  jardins  ses  grandes  fêtes  et  prenait  plaisir  a  y  étaler  la  pompe  de  sa  cour.  La 
raison  qu'il  en  avait,  c'est  qu'aimant  fort  à  voir  des  feux  d'artifice  jouer  de  loin,  il 
les  faisait  jouer  de  l'autre  côté  de  sa  Petite  Mer,  y  joignant  des  illuminations  dans 
les  salles,  entourées  de  jets  et  de  chûtes  d'eau,  et  ce  spectacle  le  divertissait  mer- 
veilleusement. Il  est  intéressant  de  donner  la  description  de  Chardin  lui-même. 

«  D'abord  il  vante  l'Allée  d'ispahan  et  les  «  mille  Arpents  »,  jardin  long 
d'un  mille,  et  large  presque  d'autant,  fait  en  terrasses  soutenues  de  murs  en  pierre. 
On  en  comptait  douze  élevées  de  six  à  sept  pieds  l'une  sur  l'autre,  et  qui  commu- 
niquaient par  des  talus  et  des  degrés  de  pierre,  rejoignant  le  Canal.  Il  y  avait  autant 
d'allées  dans  ce  jardin,  que  de  terrasses  ;  douze  étaient  des  allées  en  travers  avec 
un  large  canal  d'eau  à  fond  de  cuve  qui  tra\ersait  le  jardin  parallèlement.  Des 
allées  longues,  menaient  d'un  bout  à  l'autre;  celle  du  milieu  était  ornée  d'un  canal 
de  pierre.  Au  bas  de  chaque  terrasse,  il  y  avait  un  bassin  et  au  haut  un  autre  plus 
grand  et  profond  avec  jets  d'eau  au  milieu.  » 

On  comprend  dans  cette  description  de  Chardin  pleine  de  poésie  combien 
l'artiste  Français,  enveloppé  par  l'atmosphère  si  douce  et  le  langage  si  poétique  des 
Persans,  a  pu  donner  de  ces  paysages  une  impression  enthousiaste. 

Il  y  a  aussi  le  Jardin  du  Rossignol,  à  Ispahan,  dans  le  Tchar-bagh;  c'est 
un  vrai  labyrinthe,  un  mer\eilleux  salon,  où  l'on  se  perd  presque  partout,  et  les 
degrés  sont  si  cachés  qu'on  ne  les  reconnaît  pas  aisément.  Le  bas,  est  revêtu  de 
jaspe;  les  balustres  sont  de  bois  doré.    Les  châssis  sont  d'argent  et  les  carreaux 


AUDIENCE  ROYALE  AU  JARDIN 

Miniature  persane  de  la  deuxième  partie  du  XVI'  siècl 
Collection  de  M.  Henri  Vever 


de  cristal  ou  de  verre  fin  de  toutes  couleurs.  Les  ornements,  on  ne  peut  plus  riches. 
Ce  n'est  partout  qu'or  et  azur.  Les  peintures  de  cet  édifice,  parmi  lesquelles  on 
voit  beaucoup  de  nudités,  sont  toutes  d'une  beauté  surprenante,  avec  des  miroirs 
de  cristal  ça  et  là.  Il  y  a  de  ces  petits  cabinets  qui  sont  tout  en  miroirs.  Les 
meubles  sont  les  plus  magnifiques  du  monde  et  les  plus  voluptueux.  Cet  endroit 
est  encore  appelé  le  pavillon  des  «  Huit  portes  du  Paradis  »  et  fut  construit  par 
Feth  Ali  shah  pour  y  loger  ses  favorites.  Il  est  encore  intact;  et  ceci  est  fort  inté- 
ressant, il  appartient  à  une  Princesse  Persane  qui  dut  le  défendre  contre  le  vanda- 
lisme d'un  gouverneur,  désireux  d'en  retirer  les  superbes  faïences  pour  l'ornemen- 
tation de  son  propre  palais.  Elle  eut  à  cet  effet  une  très  ingénieuse  idée  :  elle 
hypothéqua  le  palais  au  profit  d'une  banque  allemande,  qui  mit  ce  joyau  d'art 
sous  la  protection  du  Consulat. 

Il  serait  à  souhaiter  qu'on  put  sauvegarder  ainsi  les  restes  d'une  architecture 
déjà  trop  disparue. 

Dans  la  charmante  esquisse  de  J.  Laurens,  ci-contre,  on  retrouve  dans  la 
disposition  du  jardin  les  allées  en  saillie  sur  les  plates-bandes,  et  celles-ci  en  contre- 
bas des  allées  dans  le  but  de  pouvoir  être  souvent  irriguées.  C'est  le  soir  qu'on 
arrosait  ces  plates-bandes,  le  soleil,  le  jour,  les  eût  desséchées  instantanément.  Icil'on 
trouve  encore  dans  la  composition  une  similitude  de  style  avec  les  jardins  hindous, 
faits  d'après  la  tradition  persane.  Il  ne  semble  pas  présompteux  d'affirmer  que  l'art 
persan  s'est  reflété  chez  les  Maures.  Il  est  entré  avec  les  faïences  en  Espagne.  Cette 
influence  s'est  démontrée  dans  des  fouilles  récentes  à  Medinat-Eszahra  d'où  l'on  a 
extrait  des  faïences  du  x''  siècle  d'ornementation  persane,  d'après  les  procédés 
persans. 

Il  est  intéressant  de  retrouver  et  signaler  l'influence  de  la  Perse  sur  les  jardins 
mauresques  en  Espagne.  Or  M.  Saladin  l'a  fort  bien  exposé. 

Les  trois  pôles  de  l'art  islamique  au  moyen  âge  sont  :  la  Perse,  l'Egvpte, 
et  l'Espagne  où  subsistaient  tant  de  traditions  artistiques  que  des  ouvriers  habiles 
étaient  prêts  à  faire  revivre. 

Le  premier  effet  de  la  conquête  islamique  fut  de  provoquer  une  sorte  de 
fusion  de  l'art  oriental  avec  l'art  de  l'Occident. 

C'est  de  la  Perse,  de  la  Syrie,  de  l'Egypte  que  les  conquérants  tirèrent  leurs 
premières  troupes  d'invasion.  Par  suite,  les  nombreux  artisans  qui  les  accom- 
pagnaient, forgerons,  brodeurs,  armuriers,  charpentiers,  selliers,  dinandiers,  etc., 
nécessaires  à  leur  existence,  emportèrent  avec  eux  dans  les  pays  conquis  toutes  les 
traditions  de  leurs  pays  d'origine. 

Enfin,  les  nombreux  aventuriers  désireux  de  chercher  fortune  dans  les  riches 
contrées  envahies,  comptèrent  des  artisans  qui,  bientôt  las  de  leur  nouveau  métier 
de  soldat,  s'y  fixèrent  et  y  apportèrent  leurs  procédés  et  leurs  motifs  artistiques. 


Ainsi  les  Arabes,  dès  les  premiers  temps  de  l'hégire,  par  leurs  invasions  en 
tous  sens,  par  le  bouleversement  des  peuples,  provoquèrent  un  premier  mélange 
des  traditions  orientales  et  occidentales. 

C'est  grâce  à  eux  que  les  germes  d'arts  lointains  trouvèrent  des  terrains 
favorables  et  formèrent  la  magnifique  floraison  artistique  de  l'Espagne  et  du 
iMaghreb. 

Les  armées  d'invasion  étaient  de  véritables  tribus  en  marche  qui  emme- 
naient avec  elles  leur  smalah,  c'est  à  dire  un  petit  nombre  d'artisans. 

Les  femmes  accompagnaient  leurs  maris,  et  pour  elles,  des  marchands, 
des  bijoutiers  suivaient  les  armées.  Elles-mêmes  tissaient  des  étoffes  d'habillement, 
les  bandes  étroites  et  longues  dont  étaient  faits  les  tentes  et  les  tapis  qui  couvraient 
le  sol  ou  formaient  des  paravents. 

Dans  ce  vaste  monde  auquel  les  Arabes  imposèrent  leurs  habitudes,  dans 
ce  chaos  continuellement  agité  par  les  poussées  orientales,  il  se  produisit  un  con- 
tinuel travail  d'unification,  de  transmission  et  de  mélange,  dont  les  arts  sans  cesse 
renouvelés  profitèrent. 

Le  monde  musulman  riche  et  puissant  fit  revivre  dans  toute  la  Médi- 
terranée, dans  la  Mer  Rouge,  le  golfe  Persique,  un  commerce  considérable.  Dans 
les  longues  périodes  de  paix,  sous  les  grands  califes,  le  luxe  et  la  richesse  des 
des  particuliers  amena  une  facilité  d'échanges  qui  fut  très  profitable  à  la  propa- 
gation des  arts. 

Dans  la  décoration  extérieure  des  allées  de  jardin,  en  Perse,  on  trouvait 
nombre  de  revêtements  en  faïence.  C'est  dans  le  mausolée  de  Moumine-Hatoun  à 
Nachchevan  que  cet  art  a  montré  qu'il  avait  été  l'élément  le  plus  riche  de  la  déco- 
ration des  édifices  persans.  D'abord  réduite  à  la  tranche  des  briques  émaillées  se 
détachant  sur  le  fond  rose  des  briques  cuites  ou  sur  le  ton  blanc  des  stucs,  comme 
particulièrement  sur  ce  mausolée,  la  décoration  émaillée  envahit  bientôt  toute  la 
maçonnerie;  puis,  afin  d'obtenir  autre  chose  que  des  dessins  à  éléments  rectilignes, 
les  seuls  exécutables  avec  des  briques,  on  découpa  de  petits  fragments  émaillés,  et 
par  leur  juxtaposition  on  constitua  de  grandes  décorations  qui  firent  une  marque- 
terie de  faïence. 

L'emploi  de  carreaux  de  terre  cuite  émaillée  où  des  éléments  émaillés  en 
bleu  turquoise  à  relief  alternent  avec  d'autres  à  reflets  métalliques  sur  fond  blanc 
ivoire  fut  en  vogue  au  xiii^  siècle.  Au  xiv^  et  au  xv'  siècle,  la  palette  des  céramistes 
s'enrichissant  de  plus  en  plus,  les  dessins  se  compliquent  et  certains  monuments 
contiennent  toute  la  série  des  applications  possibles  de  la  céramique  architecturale  : 
corniches  à  stalactites,  bandeaux,  frises  à  inscriptions,  murs  et  dômes  en  briques 
émaillées  comme  les  édifices  d'Ispahan  construits  par  Chah  Abbas.  Malheureu- 
sement, la  marqueterie  de  faïence  fut  la  cause  principale  de  la  ruine  de  la  plupart 


RÉCEPTION   D'UN   SOUVERAIN  A  LA  PORTE  D'UN  JARDIN 

Miniature  persane  par  Farruk  Beg,  peintre  de  l'empereur  Akbar 

Fin  du  XVP  siècle 

Collection  de  M.  Henri  Vever 


des  monuments  persans.  Sous  le  climat  variable  de  la  Perse,  abandonnés  sans  être 
entretenus,  ces  revêtements  se  détachent  peu  à  peu  et  les  monuments  qui  ne  sont 
pas  vieux  de  quatre  siècles  auront  dans  peu  d'années  perdu  leur  parure. 

Au  xvii'=  siècle  les  couleurs  se  firent  de  plus  en  plus  nombreuses,  le  rose, 
le  jaune  clair,  le  rouge,  le  vert  feuille  complètent  la  gamme  des  couleurs  autrefois 
employées  :  bleu  turquoise,  brun,  feuille  morte,  bleu,  blanc,  violet  foncé;  l'orne- 
mentation qui  avait  d'abord  imité  les  dessins  des  tapis,  représente  des  scènes  à 
personnages,  les  animaux.  Les  vitraux  de  couleurs  seitis  dans  des  ossatures  de 
plâtre  découpé,  les  frises  de  plâtre  ou  de  stuc  sculpté  ou  moulé,  les  marqueteries 
de  bois  précieux,  les  dorures,  puis  plus  tard  les  glaces  de  Venise,  la  peinture  et 
les  riches  étoffes  brochées  d'or  ou  d'argent  venaient  compléter  un  ensemble  d'une 
richesse  dont  on  ne  peut  se  faire  qu'une  idée  imparfaite. 

Le  tombeau  de  Fatma  à  Koum  avait  des  portes  d'argent  et  le  dôme  était 
décoré  de  tuiles  dorées. 

En  Perse,  il  reste  les  palais  des  rois  Séfys  et  ceux  des  principaux  seigneurs 
persans  depuis  le  xvii'  siècle  par  lesquels  nous  pouvons  encore  juger  exactement 
ce  que  pouvaient  être  la  splendeur  et  le  goût  persan.  Cette  digression  se  rapporte 
indirectement  aux  jardins  il  faut  le  dire;  mais  cette  richesse  dans  les  faïences  y  a 
laissé  des  traces  que  l'on  peut  admirer  encore  de  nos  jours. 

Il  y  avait  aussi  des  jardins  remplis  de  bassins  dans  le  palais  de  Tchehel- 
Soutoun,  où  fut  couronné  Soleïman  en  1647,  amsi  que  l'indique  une  image  ci-contre. 
On  ne  saurait  oublier  ce  palais  d'Ispahan  situé  entre  le  Tchar-Bagh  et  le  palais  royal. 
Il  avait  été  bâti  sous  Chah-Abbas  I".  M.  Saladin  nous  dit  qu'il  fut  détruit  par  un 
incendie,  puis  reconstruit  sous  le  règne  du  sultan  Hussein.  C'était  un  pavillon  au 
milieu  d'un  beau  jardin,  consistant  en  une  salle,  dont  le  plafond  en  mosaïques 
dorées  était  supporté  par  dix-huit  colonnes  également  dorées.  Les  murs  étaient 
revêtus  de  marbre  blanc,  et  le  reste  en  cristal  de  toutes  couleurs.  Au  milieu  se  trou- 
vaient des  bassins  de  marbre  blanc,  et  au-dessus  des  quatre  cheminées  de  grandes 
peintures  représentant  la  bataille  d'Abbas  le  Grand  contre  les  Uzbeks,  et  des 
fêtes  royales. 

Le  palais  actuel  de  Tchehel-Soutoun  fut,  dit-on,  encore  plus  richement 
décoré.  D'après  Dieulafoy  et  Coste,  son  portique  extérieur  est  soutenu  par  dix-huit 
colonnes  en  bois  de  cèdre  revêtues  de  glaces  étamées.  Celles  du  centre  reposent  sur 
quatre  lions  groupés  ]etant  l'eau  dans  un  bassin  ;  le  plafond  est  en  fleurs  peintes 
a\ec  compartiments  de  glaces  biseautées  entourées  de  prismes  de  cristal,  il  repose 
sur  une  corniche  en  mosaïque  mêlée  d'étoiles  qui  scintillent.  On  comprend  l'éblouis- 
sement  qu'on  pouvait  ressentir  en  entrant  dans  ce  pavillon  par  le  portique  extérieur 
donnant  sur  les  jardins. 

A  Ispahan,   près  du   palais  de  Tchehel-Soutoun,   en   bordure  du  Tchar- 

—     2o3     — 


Bagh,  se  trouvait  le  pavillon  des  «  Huit  Paradis  »,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut, 
avec  ses  belles  terrasses,  ses  jardins,  ses  canaux. 

De  l'autre  côté,  était  le  Pavillon  des  Miroirs,  que  M.  Saladin  a  décrit 
d'une  façon  très  complète. 

Situé  sur  la  rive  du  Zendé-Roud,  il  était  d'un  plan  plus  simple  que  le 
Tchéhel-Soutoun,  mais  disposé  d'une  façon  analogue.  Ses  colonnes  étaient  revê- 
tues de  miroirs  à  facettes,  et  ses  plafonds  en  marqueterie  de  cyprès,  rehaussés 
de  peintures  et  de  dorures,  les  lambris  revêtus  de  faïences  de  couleur,  et  les  murs 
décorés  de  niches  à  stalactites  et  de  glaces. 

Cet  ensemble  était  entouré  d'un  jardin  avec  de  belles  pièces  d'eau.... 

On  doit  donc  les  beaux  jardins  d'Ispahan  au  Chah  Abbas. 

Cette  idée  grandiose,  qui  consistait  à  prolonger  à  travers  la  ville  une 
avenue  monumentale  bordée  de  petits  palais,  décorée  de  bassins,  d'eaux  jaillis- 
santes, de  platanes,  indiquait  une  conception  d'ensemble  digne  des  grands  jardiniers 
comme  Le  Nôtre. 

Or  cette  avenue  parallèle  au  Tchar-Bagh  longeait  le  parc  du  Pavillon  des 
Miroirs  décrit  ci-dessus,  et  le  palais  royal  se  trouvait  rattaché  ainsi  à  une  série  de 
jardins  les  plus  \ariés.  C'était  un  «  Versailles  »  persan. 


204 


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Gomme  le  dit  M.  Viollet,  récemment,  à  son  retour  de  Perse,  il  est  curieux 
de  voir  qu'en  Asie  un  célèbre  schah,  suivant  les  traditions  de  ses  ancêtres  les 
Sassanides,  avait  créé  un  parc  —  tel  que  nous  le  voyons  ici  dans  les  cours 
d'Ispahan  —  qui  avait  les  grands  côtés  de  nos  jardins  français  avec  les  aligne- 


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ments,  les  perspectives,  les  canaux  d'eau,  bassins,  en  un  mot  ce  qu'on  avait 
coutume  d'appeler  «  à  la  française  »,  et  ce  parc  était  entouré  de  pavillons  de 
faïence  émaillée  aux  couleurs  vives  se  reflétant  dans  les  eaux  des  bassins,  comme 
le  «  Trianon  de  porcelaine  »,  l'une  des  créations  du  Roi  Soleil. 


208 


Couronnement  de  Soleiman  en   1647,  dans  le  Tchehei,  Sourouf 
A  l'entrée  des  jardins. 


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Le  Sar   Puchideh  dans  les  jardins  de  Chehar  Bag. 


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Siam 


Jardins  Turcs,  Egyptiens,  Mauresques. 


Mohammed  Ali  Pacha,  vice-roi  d'Egypte,  fit  construire  en  1826  dans  le 
jardin  de  sa  maison  de  plaisance  de  Choubrah  située  à  quelque  distance  au  Nord  du 
Caire,  une  grande  fontaine  qui  fit  l'admiration  des  Orientaux.  Cette  fontaine  est  au 
centre  d'un  grand  bassin  entouré  d'une  balustrade  ornée  de  vases,  d'une  colonnade 


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Choubrah.  maison   di;   piaisanck  de   Mohammed-Ai 


et  de  quatre  grands  pavillons  ou  kiosques  placés  aux  axes  du  bassin,  le  tout  cons- 
truit en  marbre  de  Carrare. 

Les  architectes  levantins  cherchaient  à  produire  beaucoup  d'effets  avec  les 
moyens  les  plus  simples  jusque  dans  leurs  plus  petits  détails.  Là  on  a  mélangé  les 
ornements  de  style  Empire  français  avec  un  ensemble  de  conceptions  arabes. 


2l3 


Alhambra 
Entrée  des  jardins  et  de  la  Cour  des  Lions 


Au  point  de  vue  du  style  mauresque  la  Cour  des  Lions  est  le  modèle  le  plus 
parfait  de  ce  merveilleux  palais.  C'est  un  parallélogramme  de  cent  pieds  sur  cinquante 
—  entouré  d'un  portique  avec  des  petits  pavillons  à  chaque  extrémité  —  avec  cent 


pli 


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vingt-huit  colonnes  qui  supportent  des  arceaux  du  fini  le  plus  délicat  et  le  plus  par- 
fait. Les  allées  pavées  en  marbre  qui  rejoignaient  au  portique  la  fontaine  du  centre, 
supportée  par  les  lions,  étaient  autrefois  couvertes  de  fleurs  et  formaient  un  jardin 
charmant  avec  les  quatre  grands  rectangles  fleuris. 


—     214     — 


Bibliographie 

Ouvrages  et  recueils  de  planches 


Androuet  du  Cerceau.  —  Les  excellents  bastiments  de  France,  i  576-1607. 

De  Vriès.  —  Hortorum  élégantes  formœ^  i683. 

Loris.  —  Les  trésors  des  parterres  de  l'univers,  1629. 

Mollet  (Claude).  —  Théâtre  des  plans  et  jardinages,  i652. 

J.  BoYCEAU  DE  LA  Barauderie.  —  Traite'  dit  jardinage,  i658. 

Israël  Sylvestre  et  PÉRrxLE.  —  ]^ue  de  Paris  et  des  environs,  167?. 

Pérelle.  —  Bâtiments  et  vues  de  Paris.  Campagnes  et  maisons  de  plaisance,  1680. 

Israël  Sylvestre  et  Lepautre.  —  Statue.  Fin  du  xyii"^  siècle. 

Mariette.  —  Plans  de  belles  maisons.  Fin  du  xvii^  siècle. 

David  Stoopendael.  —  Zuylesteyn.  Yïn  du  xvn'^  siècle. 

Eric  de  Dalberg.  —  Recueil  des  plans  par  Marot,  Pérelle,  Sivide,  Aveelen,  161)3-1714. 

Marot  (Daniel).  —  Das  Ornementn<erk. 

Decker.  —  Des  Fûrstlichen  Baumestcrs  Ankang,  1713. 

D'Argenville.  —  La  théorie  et  la  pratique  du  /arditiage  i-ji3. 

FuLCKEN.  —  Nejv  Garten  lust,  1725. 

Galimard.  —  Architecture  des  Jardins. 

Mariette.  —  L'architecture  française  1727. 

J.-B.  Blondel.  — Distribution  des  maisons  de plaisaiice,  1788. 

Lepautre.  —  Architecture  et  jardins,  ijbi. 

De  Neufforge.  —  Recueil  des  plans,  i']S'j. 

Percenet.  —  Recueil  des  j'ases,  i  76 1 . 

J.-F.  Blondel.  —  Cours  d'architecture,  1771. 

ViEN.  —  Vases  dans  le  goût  antique. 

Le  Rouge.  —  Jardins  chinois,  1766  à  1786. 

Thouin.  —  Plans  de  Jardins,  1823. 


ÂKiSATo.  —  Myako  rinsen  meisko,  1799  (musée  Guimet). 

Chardin.  —  ]"oTage  en  Perse.  Fin  du  xviii''  siècle. 

Pascal  Coste.  —  Monuments  de  la  Perse,  1867. 

Pascal  Coste.  —  Architecture  arabe. 

Saladin.  —  L'art  musulman.  Histoire  de  l'architecture,  1907. 

MiGEON.  —  L'Art  musulman,  ses  arts  plastiques  et  industriels. 

FouQuiER.  — L'arl  des  jardins,   1910. 


Table  des  matières 


Les  Jardins  au  Moyen-Age i 

La  dynastie  des  Mollet  et  les  parterres  de  la  Renaissance i8 

Le  Nôtre  et  son  école 28 

Parterres  et  plans  de  Blondel  au  xvni^  siècle ....  44 

Les  Jardins  paysagers  en  France 48 

Rénovation  des  Jardins  à  la  Française  au  xix^  et  au  xx'  siècle 32 

Modèles  de  jardins  pour  Petites  Résidences 57 

Treillages -berceaux -portiques GtJ-GS-ya 

Parterres  du  xvn'  et  xviii'  siècle yS 

Plans  et  dispositions  générales  d'un  jardin  au  xviii'^  siècle 81 

Modèle  de  parc  au  xviu'  siècle       90-93-97 

Plans  de  jardins  par  DeneufForge  à  la  fin  du  xvin''  siècle 98-99-100-101-102 

De  l'Art  décoratif  dans  les  Jardins  au  xviii''  siècle io3 

VasL-s lob 

Portiques  de  treillage 109 

Eaux 119 

Statues i3o 

Gaines i34 

Termes iSy 

Vasques i38 

Plates-bandes,  Ifs,  Buis 141 

Jardins  en  Allemagne 146 

o         »  Pvspagne      .  , 148 

»         »   Filandre  et  Pays  Bas 149 

»         »  Grande  Bretagne i5o 

»         «  Italie 167 

Jardins  Orientaux  : 

»        en  Chine 169 

»       au  Cambodge  et  en  Indo-Chine 176 

«       aux  Indes 178 

»       au  Japon ■ .180 

»       en  Perse 192 

»       au  Siam 212 

»       Turco- Egyptiens 2i3 


iMPRliMÉ   SUR    LES    PRESSES    DE 

S.A. D. A. G. 

(Société  Anonyme  des  Arts  Graphiques) 

Genève  et  Bellegarde  (Ain) 

Décembre  igiS 


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