DES
DIVERS STYLES DE JARDINS
Exemplaire
spécialement tiré pour
LE ROI LOUIS XIV, MM. DE LOUVOIS ET LE NOTRE
étudiant les parterres de Versailles eniboo
par Etienne Allegrain (i 644-1 736)
Musée de Versailles
DES
DIVERS STYLES DE JARDINS
Modèles de Grandes et Petites Résidences
SUR L'ART DECORATIF DES JARDINS
JARDINS EUROPEENS ET JARDINS ORIENTAUX
,^ Par
MJ FOUQUIER et A. DUCHÈNE
PARIS
Emile PAUL, Editeur
loo, Faubourg Saint-Honoré
i9'4
Avant Propos
Dans le mouvement de vogue actuelle des Jardins à la Française, il m "a paru inté-
ressant de donner une suite à mon ouvrage « L'Art des Jardins du xv^ au w^ siècle ». J'en ai
été sollicité de divers côtés; et il pouvait être utile, au moment où s'étend chaque jour davantage
la diffusion des idées classiques du xvn'' et xvni'' siècle, de mettre à la portée de tous la
faculté de reconstituer le beau style français, non seulement dans les grands domaines, mais
aussi dans les petites résidences.
Il est incontestable que le goût des jardins pa\'sagers en Angleterre s'implanta chez
nous progressivement, et qu'il remplaça presque partout l'ancien style. Si l'on songe également
combien de châteaux ont été détruits pendant la Révolution et restaurés dans le genre paysager
il est aisé de saisir l'intérêt qui s'attache à la reconstitution d'un ensemble souvent disparu
de nos jours. L'architecture d'une demeure semble logiquement devoir être complétée par une
décoration de jardins d'un style analogue ou tout au moins concordant.
Je dois à M. Duchêne la belle suite d'illustrations et la description des plans qui
complètent cet ouvrage. Le chapitre de la rénovation des jardins à la française au xix'^ et au xx"'
siècle est extrait de son œuvre, et c'est seulement pour cette partie qu'il a bien voulu
m'accorder sa précieuse collaboration.
J'ai cherché à donner le plus grand nombre de reproductions et d'images, où les
architectes, les décorateurs et les amateurs de jardins trouveront une documentation sûre.
En présentant ici les jardins orientaux j'ai voulu oftrir aux novateurs d'art les moyens
de faire, dans un ensemble classique, des production nouvelles, dont la fusion et une heureuse
adaptation seraient le côté particulièrement souhaitable de leurs créations.
Il naît déjà des grands principes du goût français mêlé aux brillantes conceptions orien-
tales, un genre nouveau qui consacrera une fois de plus les qualités de nos artistes.
MARCEL FOUQUIER.
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oMonôieiiiP Léon lézard
'^ouù-'^Sectétahe d'(Etatj
deô ^eau.\-Z4zt(LJ)
Préface
Nos pères délaissèrent leurs jardins. Ils leur préféraient la nature inculte et
sauvage. Mais maintenant le charme est rompu : les esprits délicats se piquent
d'aimer extrêmement, à la manière de La Fontaine, les vergers, les fleurs et les om-
brages. Il n'est plus de Français qui ne se préoccupe de dessiner autour de sa demeure
quelques parterres propres à l'encadrer harmonieusement. Les parcs de Versailles, de
St-Cloud, de Fontainebleau, ont leurs ajnis attentifs à veiller sur leur grâce séculaire,
et à les défendre contre les injures du temps et des barbares. Les architectes, les sculp-
teurs, les décorateurs s'efforcent de collaborer à la renaissance de l'art des Mollet et
des Le Nôtre. Les écrivains eux-mêmes célèbrent et encouragent une mode si char-
mante et si conforme au génie de notre peuple.
Dans cette littérature les livres de M. Marcel Fouquier sur les châteaux et sur
les parcs en France tiennent une place t7'ès importante. Leurs somptueuses illustra-
tions choisies avec discernement et compétence ont fait beaucoup pour la restauration
du goût. Ces images, reproduction de tapisseries, de tableaux, de gravures et de plans
nous ont révélé des beautés inconnues, une tradition oubliée. Grâce à M. Fouquier nous
avons pu suivre son développement sur la terre de France depuis les courtilsdu Moyen-
Age jusqu'aux perspectives ouvertes par Le Nôtre sur l'infini, nous avons pu com-
prendre comment cette tradition s'est détournée de la voie royale où le génie de Gabriel
essaya vainement de la maintenir, et perdue dans la forêt romantique. D'excellentes
photographies nous ont mis au fait des efforts teiités depuis trente ans par les Duchêne
pour ressusciter un art qui se mourait dans l'oubli de ses règles et de ses principes.
L'influence d'un ouvrage comme L'Art des Jardins, sur le châtelain qui demeure aussi
bien que sur l'architecte qui construit, est indéniable.
Cependant ce livre, si volumineux qu'il fut, était nécessairement incomplet.
M. ^Marcel Fouquier s'efforce d'enrichir une documentation ébauchée dans ses Châteaux
de France, et à laquelle il consacre désormais son activité intellectuelle. Il s'est associé
aujourd'hui M. A. Duchêne pour composer un nouveau volume sur le jardinage.
Cette collaboration de l'historien averti, du critique érudit, et de l'un des techniciens les
plus savants, de l'un des jardiniers qui possèdent le mieux la tradition est pleine de
promesses.
M. A. Duchêne a donné sa mesure dans la création de Voisins, dans les res-
taurations de Vaux- le- Vicomte, du Marais, et en maints endroits de France, d'Europe
et d'Amérique. Son esprit est subtil, ingénieux et meublé des plus beaux exemples. Le
secours de son savoir et de son expérience est aussi p>-écieitx pour l'écripain qui peut
parler des jardins que pour quiconque songe à dessiner un parc.
Le livre de ces deu.x auteurs ne se borne pas, cette fois, à traiter du jardin
français ou dhin art qui s'y rattache directement par son influence ou ses inspirations.
Nous y verrons des jardins Assyriens, Arabes, Chinois, Indous, Japonais, Persans,
Tiirco-Mauresques et toutes les variétés de parcs et de vergers en honneur dans V Eu-
rope durant les temps modernes. Ce recueil ne constitue pas seulement un ensemble
de documents et d'analyses d'un grand prix pour l'amateur de jardins, c'est une des
plus riches matières qui puisse être offerte au.x rêveries du dilettante et à la méditation
du philosophe.
Cet art des jardins — dont on nous représente ici les chefs-d'œuvre accompagnés
d'une glose raisonnée — trahit plus clairement que tout autre le goût collectif d'un
peuple, ses facultés, ses dons, son genre de vie, sa conception de la beauté. Il y a rela-
tivement peu de vocations de peintre ou de statuaire. Nous avons presque tous celle du
jardinage. C'est un art social. On y voit directement l'homme aux prises avec la
nature. Il l'accommode selon son penchant particulier, et surtout selon une tournure
d'esprit, des habitudes, un canon de beauté, qui appartiennent à la cité, au peuple
tout entier; l'homme de métiei- effectue la mise au point, l'application pratique des
idées qui flottent autour de lui; le jardinier de génie, un Le Nôtre, ne fait que con-
duire à la perfection une conception populaire.
C'est pourquoi l'art des jardins moins que tout autre ne saurait être étudié en
lui-même, abstraction faite du caractère national et des inclinations collectives d'où
sont nés ces paysages. Les critiques qui adoptent cette méthode risquent de ne percevoir
dans leurs analyses que des apparences, et de ne point saisir l'essence, ou l'âme de
ces architectures végétales. Ils n'entrevoient que la forme des divinités boccagères, ils
n'entrent point dans l'intimité du dieu qui recèlent ces fontaines, ces charmilles, ou
ces bosquets. Il existe d'évidentes analogies entre les jardins Maures, les jardins Ita-
liens et ceux de Versailles. Mais ces analogies sont superficielles. M. Marcel Fouquier a
raison de noter que les Croisés importèrent, en Europe certains raffinements et quantités
de fleurs jusqu'alors inconnus. Mais l'idée, jadis accréditée, que nos ancêtres apprirent
en Orient à dessiner leurs vergers, ne repose sur rien de réel. Sur quoi se fonde-t-on
pour affirmer que les Arabes furent les initiateurs des Italiens, qui auraient été eux-
mêmes nos maîtres? Les nymphes qui sous le soleil de Perse aiment à s'ébattre le long
des étroits canaux pavés de faïences apurées ne sont point celles qui inspirèrent l'archi-
tecte de la villa d'Esté, non plus qu'André Le Nôtre. Les dieux que chantent Saadi ou
Firdoussi n'ont rien de commun avec ceux de Virgile ou de La Fontaine. Les jardins
de Vaux, de St-Cloiid, les parcs de Louis XIV étaient peuplés de motifs décoratifs
venus d'Italie, des fontainiers florentins travaillaient aux grands eaux de Versailles,
mais il n 'r a rien d'' Italien dans la distribution de Versailles, dans son agencement
qui représente si exactement notre esprit. A une certaine époque, las d'une beauté dont
la discipline exige une perpétuelle tension de l'âme et une victoire toujours renouvelée
de l'esprit sur les sens, nous avons essayé de briser avec notre tradition et d'inventer
pour nos jardins des formes nouvelles. Nos avenues rectilignes se transformèrent en
allées serpentant entre les bosquets et les massifs fleuris, au milieu des pelouses acciden-
tées, nos parcs se couvrirent de pavillons chinois, de pagodes à la manière orientale.
Encore en cet instant obéissions nous plus à un dérèglement de notre propre sensibilité
qu'aux influences, aux modes venues d'extéme-orient, et l'épithète de romantique con-
vient-elle infiniment mieux à ces jardins que celle d' anglo-chinois, qu'on leur attribue.
Je crois donc d'une bonne méthode, s'il nous plait de rêver sans écart
d'imagination su>- la magnifique imagerie réunie par MM. Fouquier et Duchêne,
de ne point comparer entre elles ces gravures dans la volonté d'y découvrir une filia-
tion, un enchaînement, une évolution comme on eut dit au temps de M. Brunetière, à
travers le temps et d'une contrée à une autre, mais bien plutnl de chercher â démêler
la secrète beauté, l'âme particulière que chacune recèle.
« Les hommes sont parlinii essentiellement différents, » écrivait le comte de
Gobineau. « Leurs passions, leurs vues, leurs façons d'envisager eux-mêmes les autres,
les croyances, les intérêts, les problèmes dans lequels ils sont engagés ne se ressemblent
pas. » C'est pourquoi chaque peuple a tout naturellement créé un décor différent à sa
promenade ou à sa rêverie. Et comme dans chaque groupe ethnique une faculté semble
dominer les autres, c'est cette faculté prcpondérame qui s'est imposée à la nature elle-
même et lui a dicté sa loi.
Jardins de la sensibilité, jardins de volupté, jardins du caprice et de la
fantaisie, jardins de la grâce et de l'élégance, jardins de l'imagination déchaînée,
austères jardins de l'intelligence ; l'homme s'est plu à donner au paysage selon l'hu-
meur qui l'entraînait la forme de sa pensée et les mouvements de son cœur!
Il y a peu d'années encore le dilettante se fut rejoui de la variété, de la diversité
même de ces beautés et se fut gardé de montrer à l'une d'entr'elles quelque préférence.
Leur attrait lui eut paru également légitime et justifié par leur seule existence. Le
point de vue de la critique s'est déplacé. Le choix nous est apparu comme l'essence
même de la vie humaine. « Bien qu'au fond tout se vaille, dit le philosophe, il faut
cependant choisir si l'on veut vivre. » Même dans le domaine de l'esthétique, il est sage,
salutaire et fécond de faire son choix, d'établir une hiérarchie entre nos plaisirs. Si
la dignité de l'homme réside dans l'exercice de sa raison, si cette faculté lui appartient
en propre et le distingue du reste de la création, les satisfactions que nous donnons à
notre intelligence, à notre jugement doivent être tenues pour les plus hautes, les plus
nobles. L'art qui se propose de satisfaire l'esprit comment l'homme vcritablcmenl
homme, ne le préférerait-il pas à celui qui n'a d'enchantement que pour les sens?
M. Duchéne aime philosopher. Un tel raisonnement au début de sa carrière
n'a pas été sans prise sur lui, et â enté d'un penchant hérité l'a conduit à renouer avec
des principes délaissés depuis plus d'un siècle, l'a mené à rechercher dans l'œupre de
Le Nôtre les lois de son art. Ils s'est dit également que tout se qui se tente dans un
pays conformément au génie de la race réussit beaucoup plus aisément que ce qui est
entrepris en un sens opposé à des tendances séculaires. Et c'est ainsi qu'il s'est fait,
volontairement, et de propos délibéré, le tenant de cette grande école classique qui
nous valut les merveilles de Versailles, de St-Cloud, de Meudon, de Chantilly après
celles de Fontainebleau, de St-Germain, de Rueil et d'Anet...
A/. Marcel Fouquier, dans ses livres, ne balance pas plus que A/. Duchêne
sur le terrain, à marquer sa préférence. Elle va à la perfection créée par le génie de
Le Nôtre, qui s'accorde à la fois avec les vœux de la haute humanité et le goût inné
de notre peuple. Le texte qu'on va lire en prend une valeur éducatrice très certaine.
Les faits l'attestent : nos jardiniers ont tout perdu quand ils se sont éloignés de
la tradition que l'univers à baptisée française. Ils ont tout à gagner, ils se mettent en
mesure d'ajouter quelques fruits à tant de beautés déjà réalisées, s'ils se rallient je
ne dis point à la lettre, mais à l'esprit de cette tradition...
Lucien CORPECHOT.
Les jardins au moyen âge
L'histoire des jardins a, comme toute autre, une philosophie et une moraHté.
Elle tient aux arts, aux sciences, aux mœurs, et à la civilisation. On en jugera dans
la première partie de cet ouvrage. Ce fut dans les monastères et dans les châteaux que
Litorary
Ton retrouve à l'époque du moyen âge la première trace des jardins. On y cultivait
les plantes potagères, ou les fleurs le long des hautes murailles. C'était donc ou le
jardin d'utilité destiné à la culture des légumes seuls, ou le jardin d'agrément dont
le nombre était fort restreint, et dans lequel le seigneur venait respirer le frais, à
l'intérieur des murs de sa forteresse. Charlemagne qui avait, dans les guerres
d'Italie, remarqué la richesse des palais et leurs parcs, en rapporta l'idée, et fit
cultiver toutes sortes de plantations dans ces jardins royaux, mais ce fut surtout
lors des guerres d'Orient que l'horticulture fît de grands progrès. Les Croisés qui
avaient pu observer les conceptions de la civilisation orientale, très en avance sur
la nôtre, implantèrent, avec les produits nouveaux, le goût des fleurs en France;
la renoncule, la jacinthe, le lilas, le laurier, le mimosa et surtout la tulipe venant
de Turquie, devinrent la parure des jardins nouveaux. Et la vue de toutes ces jolies
fleurs engendra à l'époque une sorte de poésie douce qui fut l'origine des conteurs
et des trouvères. Ce fut aussi l'apparition du préau avec ses petits carrés, et à
l'intérieur des maisons la courtille avec ses plates-bandes. A Paris, les courtilles
les plus en vogue au xni^ et xiv' siècles étaient celle du temple et de Saint-Martin.
Les jardins de ville étaient alors environnés de haies couvertes et de treilles enlacées
avec tonnelles, qui tenaient par les deux bouts à des pavillons, ceux-ci même se
— 3 —
Heioot Roi d:b:Na-vasiii^ kbche,rchee,n Mamags '
HENRI DALBRET, ROI DE NAVARRE, iSo3-i555
îille une marguerite dans les jardins d'Alençon pour sa fiancée, Marguerite, sœur de François I'
— 4 —
trouvaient souvent au milieu. II y avait quelquefois à la place du pavillon du milieu,
une fontaine jetant l'eau par la gueule d'un lion. Enfin, et c'était là une nouveauté,
on y voyait un labyrinthe, comme dans les jardins de l'hôtel Saint-Paul, rue Saint-
Antoine, appelée la maison de Dédalus. Grâce aux missels de l'époque on retrouve
exactement ce qu'était le jardin d'alors. Celui de l'hôtel Saint-Paul, œuvre de
Charles V, avait une certaine superficie, vingt arpents environ, et les merveilles
qu'il y fit lui valurent une réputation universelle. Il y avait une ménagerie avec des
bêtes sauvages, des oiseaux exotiques, dont un perroquet — l'oiseau rare — et si
l'on rapproche cette innovation de celles que trouva le «Grand Roi» trois siècles plus
tard, on voit quelle en fut l'origine. La treille, Charles V était célèbre. Elle a laissé
son nom à la rue Beautreillis, et ses jardins semés de marjolaines, de lavandes, de
fraisiers éclipsaient tous les autres, au point que ces prodigalités faillirent lui faire
perdre son surnom de Charles le Simple.
A côté de ceux-ci on peut citer les jardins du roi d'Anjou au xv'^ siècle dans
sa riche province de l'ouest, avec parterres, corbeilles de fleurs et « la Roue » à
lignes rondes garnies de plantes variées s'enchevêtrant les unes dans les autres.
sorte de labyrinthe, ce labyrinthe que les jardiniers du xvi" siècle vont affectionner
tout particulièrement et qui deviendra au xvn^ siècle un dédale de bosquets, de
fontaines et d'enjolivements les plus divers.
Il faut sortir de France pour trouver au xiv'^ et au xv" siècles des jardins
comparables à ceux de Charles V. Et c'est de la rivalité entre la cour de France et
celle de Bourgogne que naquit en Flandre le célèbre jardin de Philippe le Bon,
puis de Charles le Téméraire. C'est aussi de cette époque que date l'art de tondre
les arbres en formes variées; on peut voir, alors, le patron des jardiniers saint
Fiacre, dans un miniature de la bibliothèque de l'arsenal, se tenant au milieu des
arbres, avec une sorte de couteau pour tailler les arbustes, un sac à graines
et une bêche.
De tous côtés se propageait le goût des jardins d'agrément. Thierry de
Haarlem, qu'on a appelé Thierry Bouts ou Stuerbouts, avait peint au milieu du
xv' siècle, vers 1460, un tableau dit «la sentence injuste de l'empereur Othon». On y
voit à droite du château-fort dans un petit enclos le jardin avec ses carrés et ses
plates-bandes. Ce tableau est actuellement au musée de Bruxelles. Dans une
miniature d'un manuscrit de la bibliothèque de l'arsenal, reproduite et publiée par
nous dans l'Art des jardins, on voit la belle Oriande et le seigneur Maugis devisant
— 6
dans le jardin près de la poterne, dans l'enceinte des murailles de la forteresse, c'est
au mois de mai, après le repas, à l'heure où chantent les oiseaux. Comme dans le
tableau de Thierry de Haarlem le jardin est entouré d'une barrière avec une
fontaine à l'intérieur, supportée par une colonnette avec plusieurs jets, sur la pelouse
sont des fleurs variées. Du Cerceau, dans un intéressant ouvrage, nous donne une
idée très exacte de l'arrangement des jardins d'après les reproductions de châteaux
anciens, tels que Montargis, Bury; presque tous sont attenant à la demeure,
ou situés dans un cercle environnant. La fusion ne devait avoir lieu qu'un peu
plus tard. Au xv*^ siècle, les forteresses ne le permettaient pas dans la disposition de
leur architecture. On a pu le constater dans la reproduction des estampes publiées
par nous dans VArt des jardins. Mais leur caractéristique telle que l'indique la
miniature de Maugis et de la belle Oriande c'est, pour le jardin d'être en dehors du
château-fort lui-même, et relié par une fausse poterne. Des parterres fleuris, des
tonnelles, parfois un labyrinthe, des pots, des arbres taillés en formes géométriques,
et des damiers de gazon ; tels étaient les jardins des couvents, des abbayes, les
vergers d'alors, aussi bien que ceux des châteaux fortifiés, en ajoutant quelques
herbes aromatiques ou des plantes odorantes comme la violette, le lis, la rose, l'iris.
Sur des bancs de pierre l'on venait respirer le parfum de toutes ces fleurs. Les
. OR.lNTH I A
plates-bandes étaient bordées de buis, séparées les unes des autres. Or ces damiers
qui avaient une forme de compartiments vont bientôt disparaître pour être
transformés en parquets, c'est-à-dire en rectangles carrés de gazon, séparés par des
allées sablées.
C'est alors que se réalise une innovation, caractéristique prélude de la
Renaissance; les parquets étaient des parterres sans compartimentations avec le
centre en gazon. Une large plate-bande de même nature encadrait cette partie cen-
trale; un sentier faisait la séparation; une haie ou une palissade en treillis recouverte
de verdure était établie sur l'axe de la plate-bande. Cette dernière était inter-
rompue sur une certaine largeur au milieu des quatre côtés. Les parterres compor-
taient une division des plus variées soit en carrés, soit en rectangles souvent recoupés
en diagonales. Il y en avait avec des cercles concentriques, ou avec des courbes;
d'autres contenaient des dessins établis dans l'aspect des broderies d'étoffes
Renaissance. Des arbres ou arbustes taillés étaient placés aux angles des grandes
divisions des parterres; ceux-ci se composaient d'une série de quatre figures
carrées ou rectangulaires séparées les unes des autres par de petites allées,
quelquefois chaque figure contenait des dessins différents et ne concourant pas à
un effet d'ensemble; ou bien au contraire, ils étaient formés par la réunion de
quatre figures dont les dessins géométriques, ou en formes de broderies, concou-
raient à un effet d'ensemble; enfin on en trouvait d'autres qui étaient formés de
quatre carrés ou rectangles dont chacun reproduisait le même motif sans chercher
à atteindre un effet d'ensemble. Plus tard, le parterre, tout en gardant sa forme
carrée ou rectangulaire, comportera des dessins de toute nature, des broderies
composées suivant deux axes perpendiculaires ou avec une rosace au centre; mais,
en général, ce seront quatre parties indépendantes les unes des autres.
Donc, en résumé, au moyen âge, avant la Renaissance, les jardins ne
comportent que de simples damiers ou compartiments géométriques remplis de
fleurs et de plantes diverses, mais avec la Renaissance commencent les parquets,
c'est-à-dire les rectangles, les carrés sertis de plates-bandes de même nature avec
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un large sentier. La palissade, ou la haie, se trouve sur l'axe de la plate-bande
qui, elle, est ouverte dans le milieu des axes transversaux. Et l'on voit petit à petit
les dessins géométriques et les broderies se composer avec deux axes perpendicu-
laires et des rosaces, des parties rondes, elliptiques, courbes ou diagonales. Mais
au début du xvi'^ siècle, la conception des ensembles et de la perspective n'existait
pas encore. Il faudra des hommes de talent comme les Mollet et Boyceau de la
Barauderie pour créer cette grandiose idée.
On doit, à notre avis, réagir contre l'opinion qui s'est accréditée longtemps
que les jardins français dérivaient de l'Italie. En jetant un rapide coupd'œil sur les
parterres de Blois, publiés par du Cerceau, et qui sont ci-après, on se convaincra
de l'importance qu'avaient alors les fieurs, leurs variétés. On trouve notamment
dans un recueil de l'époque leur description, et on comprend qu'elles n'avaient rien
à envier aux jardins italiens. Androuet du Cerceau donnant la description de Blois,
dit «qu'il y avait là de beaux et grands jardins, différent des uns des autres, aucuns
ayant larges allées à l'entour, aucunes couvertes de charpenterie, les autres de
coudres, autres appelées à vignes. Sortant des jardins du lieu l'on va à une allée
couverte d'ormes à quatre rangs jusques à la forêt prochaine. On peut aller du
chasteau à l'ombre sous les arbres d'icelle jusques à la dicte forêt». La Touraine si
appelée le verger de France, était par sa situation et son climat, la contrée la plus
riche en châteaux avec Blois, Ghenonceaux, Chambord, Azay, c'était le séjour
préféré de la cour; Ghaumont-sur-Loire, Amboise sont pleins de souvenirs
historiques des Valois.
A Fontainebleau, sous François I" commence une brillante ère de jardins
divisés en trois on remarque les jardins du roi, des buis et des pins avec les
petits parterres, les allées symétriques, les broderies de gros buis, les statues par
Benvenuto Gellini, les carrés semblables à ceux du Jeu de Paume à Saint-Germain, du
château de Madrid, et à celui de Villers Gotteret, peut-être làtrouvera-t-on quelqu'in-
fluence itahenne due aux guerres de François I", mais cette influence ne dominera
pas longtemps le goût français, qui n'était pas dans le tâtonnement. La théorie de l'art
semblait faite, son but est posé, ses règles ni ses procédés n'ont rien d'arbitraire.
L'intelligence a fait son éducation, on est sorti du chaos du moyen âge, et c'est le
développement, l'épanouissement de ce goût français qui va s'affirmer. Le dessin va
devenir large et riche et la décoration somptueuse et variée. Dans la peinture de ses
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Type de parterres de la Renaissance par D. Lor
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parterres, le jardinier trouvera des couleurs, qui seront la variété de ses fleurs, le
problème de la composition est résolu par les progrès de l'horticulture. Charles
de Lécluse se donna très ardemment à cette tâche, dans laquelle il mit tout
son talent.
Mais la Touraine et l'Ile de France n'étaient pas les seules provinces où les
seigneurs avaient, autour de leurs anciennes forteresses, agrémenté leurs maisons
de jardins.
En Anjou, les princes de Rohan Guéméné possédaient les plus riches
collections de fleurs semées dans des parterres de broderies.
A Vallery, en Bourgogne, le Maréchal de Saint-André avait, dit du Cerceau,
« un parc d'assez bonne grandeur avec les plans de vignes de Beaulne, Orléans,
Muscat. Outre cecy un grand jardin fermé en parement par dedans d'arcs de
brique, à l'occident duquel est une gallerie, qui contient vingt-neuf arceaux, et au
bout de chacun côté d'icelle un pavillon ».
A Gaillon, en Normandie, que construisit le cardinal d'Amboise « le logis,
écrit du Cerceau, est accomodé de deux beaux jardins, et entre deux une place
en manière de terrace que M. le cardinal de Bourbon à présent maître des lieux, a
fait approprier d'édifices. Or est ce jardin accompli d'une autre belle gallerie et
plaisante, ayant sa vue d'un costé sur le jardin et de l'autre vers la rivière. Près
14
de là, un petit jardin, et dans iccluy force piédestaux sur lesquels sont posées
des figures entières, avec ce quelques allées bercées couvertes de couldres, estant
la place de cet hermitage fort mignarde et jolie, et autant plaisante qu'autre qui se
puisse trouver ».
C'était encore Anet qui appartenoit à M. de Brezé, mari de Diane de Poitiers,
décoré et restauré par Jean Goujon et Philippe de Lorme avec de superbes jardins.
Puis aux environs de Paris, Rambouillet dont le parc était célèbre, et qui
appartenait à Jacques d'Angennes, enfin Saint-Germain en Laye, dont l'image est
reproduite ci-contre qui fut l'objet de toute la sollicitude François I" et plus tard
Le CHATEAU DE CoURANCE.
d'Henri II. « C'était là, dit encore du Cerceau, que la vue du côté du Midi est
aussi belle que l'on seaurait désirer, comme ainsi soit que du chasteau on voit
l'assiette de Paris, Montmartre, Saint-Denis, et plusieurs autres lieux ».
L'estampe publiée par Androuet est des plus intéressantes. Une grande
innovation semble s'y dessiner; l'idée des terrasses superposées est nettement
établie. Elles s'étagent les unes au-dessus des autres avec des motifs ornementés,
tout en conservant, et cela est typique, les premiers parterres rectangulaires
au début. C'est l'ordonnancement qui apparaît comme à Verneuil, construit par
M. de Boulainvilliers, et agrandi par M. le duc de Nemours.
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LE C HATE AL- ROYAL DE SAINT GERMAIN-EX-LAYE.
— 17 —
La dynastie
des Mollet et Boyceau de la Barauderie
La Renaissance qui avait, dans la personne du roi François I", protégé les
arts, et qui avait permis aux Philibert Delorme, Pierre Lescot, Jean Goujon, Ger-
main Pilon, etc., de développer leurs talents, créa une dynastie de jardiniers
célèbres dont le premier fut Mollet, l'intendant du duc d'Aumale à Anet, qui jouis-
sait de la confiance de son maître, et qui en avait profité pour rassembler une
quantité de plantes de la plus grande rareté qu'il avait eues soit par des recherches
personnelles soit par échange à l'étranger. Ces jardins étaient réputés dans toute la
France et considérés comme les plus beaux de France. D'après une description de
l'époque, il est dit que « le jardin richement accoustré de galleries à l'environ dont
les trois costez sont tout en arcs qu'ouvertures carrées, le tout rusticque, qui donne
au jardin un merveilleux esclat à la vue. Le jardin est garni de deux fontaines bien
Parterre iae J. Moulet.
— i8 —
w
pruises et assises. Derrière iceluy sont deux grandes places servantes comme de
parc. Icelles places sont remplies comme par parquets, les unes de prez, les autres
de taillis, autres de bois, d'arbres fruitiers, viviers; et iceux parquets sont séparez
par allées, et entre chacune allée et parquet sont canaux. Aussi l'orengerie, les
volières à oyseaux; en somme tout ce qu'on désirerait pour rendre un lieu parfaict
est là ».
Son fils Claude Mollet marcha sur ses traces et même le dépassa. Ce fut lui
ji;,c^ta^ij.
Parterre de N. Mollet.
qu'on peut considérer comme le vrai créateur de ces Jardins français et le précur-
seur de Le Nôtre. Le premier en France il créa les parterres de broderies. Nommé
jardinier de Henry IV, il s'occupa de l'embellissement de Fontainebleau et de Saint-
Germain-en-Laye en i5q5. Son but était de rendre les parterres, si divisés, plus
homogènes. 11 créa le jardin en quatre parties avec une fontaine centrale et une
palissade de buis. Il agrandit le cadre. Avant lui on ne faisait que de petits compar-
timents, tels que du Cerceau nous les dépeint; avec lui, dans chaque carré, ce sont
différentes sortes de dessins; c'est de i582 que datent ses premiers grands travaux
lorsque le sieur du Peyrac, grand architecte du roi, lui annonça la décision de son
19
Parterre de A. Mollet.
souverain. Il s'occupa alors des Tuileries — où il fit de belles plantations de
cyprès qu'on remplaça, après le dur hiver de 1608, par des buis et des ifs — puis
de Monceaux.
Claude Mollet a écrit un ouvrage des plus intéressants. Il l'est à un double
titre, d'abord par son étendue, et surtout parce qu'il énonce la plus grande partie
des lois de composition des jardins du xvn' siècle, autrement dits : « les jardins
français ». C'est de lui que date la vraie révolution, si l'on peut s'exprimer ainsi;
et nous avons cherché déjà précédemment avec des plans et exemples, dans l'Art
des Jardins, à établir cette vérité incontestable, à notre avis. Il ne paraît pas superflu
de citer quelques énoncés de l'ouvrage de Claude Mollet, dédié à la reine : « Comme
premier embellissement, dit-il, une grande avenue a double ou triple rang soit
d'ormes femelles ou teilleux (laquelle doit être tirée d'alignement) perpendiculaire
à la façade devant la maison, au commencement de laquelle soit fait un grand
demi-cercle ou carré. Puis en face de derrière la dite maison doivent être construits
les parterres de broderies d'icelles, afin d'être regardés et considérés facilement par
les fenêtres, sans aucun obstacle d'arbres, palissade ou autre chose haute, qui
puisse empêcher l'œil d'avoir son étendue. Ensuite les dits parterres en broderies.
se placeront les parterres en compartiments de gazon, comme aussi bosquets,
palissades hautes et basses en leurs lieux commodes, faisant en sorte que la plu-
part des dites allées aboutissent et se terminent toujours à quelque statue ou centre
de fontaine; et aux extrémités d'icelles allées y poser de belles perspectives peintes
sur toile, afin de les pouvoir ôter des injures du temps quand on voudra. Et pour
perfectionner l'œuvre, soient placées des statues sur leurs piédestaux et les grottes
bâties en leurs lieux convenables, puis élever lés allées en terrasses suivant la
commodité du lieu sans oublier les volières, fontaines, jets d'eau, canaux et autres
tels ornements, lesquels étant dûment pratiques, chacun en leur lieu, forment le
jardin de plaisir parfait. »
Cette citation permet de trouver la conception du jardin français « avant la
lettre ». Il contient tous les germes de sa composition. Le Nôtre lui donnera son
épanouissement. Claude Mollet, qui savait que ses idées finiraient un jour par s'af-
firmer, écrivait : « C'est pourquoi Dieu m'a donné la grâce de faire de très belles
choses sous le règne d'Henri le Grand ». En effet, il savait, dans sa décoration,
mettre tout à l'échelle; des plantes basses dans les parterres, avec des tons variés,
en les renouvelant le plus possible.
Claude Mollet eut trois fils. L'aîné, André, dont on verra ci-contre des
Parterre dk J. Boyceau de la Barauderie.
— 21 —
modèles de parterres, lui succéda dans la charge d'intendant des jardins du roi de
France Louis XIII, puis passa au service du roi d'Angleterre Jacques 1". Il publia
aussi un ouvrage curieux, le Jardin de Plaisir.
A la dynastie des Mollet s'adjoignit Boyceau de la Barauderie, intendant
des jardins des maisons royales. Il fut, avant Le Nôtre et avec les Mollet, le plus
célèbre artiste du xvn' siècle. Dans son Traité du jardinage présenté au roi en i638,
il nous indique la manière la plus décorative de concevoir les jardins. Il nous dit
« que les jardins variés sont les plus beaux et que toutes choses aussi belles qu'on
puisse choisir seront défectueuses si elles ne sont pas ordonnées et placées avec
symétrie et bonne correspondance. »
Un des premiers, il nous fait ressortir que les terrains mouvementés per-
Parterre de J. Boyceau de
iRAUDERIE, i638.
mettent « des assiettes inégales » qui donnent la vue des parterres d'un point en
élévation, ce qui les fait paraître beaucoup plus beaux.
« Antérieurement, nous dit-il, on n'avait pratiqué, pour le tracé des allées
que les formes carrées et rectangulaires; cela permettait les lignes droites qui
rendent les allées longues et belles, avec une agréable perspective, » Mais lui est
d'avis « d'entremêler aux lignes droites les lignes courbes, rondes, obliques, afin
de trou\'er la variété que la nature commande ».
Il ne craint pas les grands espaces; au contraire, il trouve que cela donne
de l'échelle.
Il insiste sur la nécessité de voir les parterres d'un lieu élevé parce qu'ils
sont « d'un effet plus gracieux ».
Il reprend aussi le même thème que Mollet en disant qu'il se lasse grande-
ment de ne voir que des lignes droites dans les jardins recoupés, les uns en quatre
carrés, les autres en huit, les autres en seize, et de ne voir jamais autre chose.
Il appuie sur la nécessité de donner aux divers motifs de parterres d'autres formes ;
au lieu de les faire toujours carrés, on peut leur donner une forme octogone, trian-
gulaire, pentagonale, etc.
Il reste sensiblement dans les mêmes proportions que Mollet pour la lar-
geur à donner aux allées par rapport à leur longueur. Il recommande l'emploi des
arbustes taillés bas pour accentuer le plus possible le relief des jardins afin de
pouvoir les rendre plus lisibles; il préconise dans le même but, pour la décoration,
les fontaines ornées d'architecture et de sculpture, les balustrades et perrons, les
groupes en marbre ou en bronze, les grandes colonnes et palissades. Il recom-
mande de donner des formes d'architecture aux palissades afin de leur donner du
relief et de les rendre intéressantes. Il appelle l'attention sur l'intérêt décoratif que
les eaux apportent aux jardins; il recommande le premier de creuser des canaux
qui serviront à l'embellissement lorsqu'on se trouvera dans des terrains maré-
cageux et qu'il est nécessaire de rassembler les eaux pour les assainir.
D'après ce qui précède, nous voyons qu'en i(338 tous les principes de la
grande composition des jardins du xvn'= siècle étaient trouvés. Il suffit, pour véri-
<24^ er ^.j//, tu J, (Pa.U.r. ! ' I iO,l
Les parterres du Luxembourg.
23 —
Le CHATEAU DE BlOIS, PARTIE CONSTRUITE PAR MaNSART.
fier ces dires de jeter les yeux sur les jardins de Monceau, qui comporte déjà des
cours et avant-cours, des grands parterres avec allées en diagonales et grand
bassin au centre encadrés par des quinconces tout comme les disposait plus tard
Le Nôtre. La conception est encore restreinte si l'on veut, mais l'échelle y est déjà
puissante.
Marie de Médicis s'occupa excellemment des jardins. Le Luxembourg, dont
l'emplacement fut acheté en 1612 pour 90.000 livres, fut particulièrement soigné :
les parterres étaient recouverts par deux étages de terrasses avec des fontaines, des
statues et des bassins. L'eau venait d'Arcueil grâce à un aqueduc qui alimentait
toutes les pièces d'eau.
Il convient de citer aussi Olivier de Serres, qui s'occupa principalement de
l'horticulture. C'était un homme de goût doublé d'un homme pratique. Il appelait
le jardin d'agrément le « bouqueticr »; mais il le place après le jardin fruitier et le
potager. Son livre sur les jardinages est celui d'un horticulteur; il y indique les
caractères et les idées de son époque sur la question. Et en cela il est curieux de
connaître l'exactitude avec laquelle il la décrit. Il parle de l'oranger, du citronnier,
du palmier comme principal embellissement — et on doit avouer que de nos jours,
quatre siècles écoulés, il en est encore de même. Il cite encore le rosier, le myrte,
le buis, le lierre, l'if, le cyprès comme les plus excellents arbrisseaux; et, comme
fleurs, le muguet, la violette, la tulipe, le glaïeul, l'anémone, la pivoine, la pensée,
la marguerite.
Avant d'arriver au « Grand siècle » où le génie de Le Nôtre va s'épanouir,
— 24
il est intéressant de décrire les jardins de Ruel — dit Rueil — • au cardinal de
Richelieu, qui, dans ses lignes principales, ressemble à ce qui sortira de la grande
envergure et de la conception de Le Nôtre à Versailles et à Vaux.
M. Jacquin nous raconte que ces jardins si vantés par les poètes, aimés
plus tard par le grand roi qui voulut en faire l'acquisition, que de toutes ces mer-
veilles il n'existe plus rien que les restes d'une vieille grotte en rocaille et un étang
qui était celui où se tenait le Conseil secret.
On peut voir, par les vues ci-jointes des anciens jardins du cardinal, qu'ils
étaient dignes de l'estime qu'en faisait Louis XIV. Il envoya Le Nôtre à Rueil pour
les étudier et les reproduire en grand dans les jardins de Versailles. Dans la col-
lection des vues du parc de Richelieu, au cabinet des estampes à la Bibliothèque
royale, nous retrouvons le tapis vert, la grande avenue, le canal, plusieurs des
diverses pièces d'eau, et surtout, trait pour trait, l'arc de triomphe du Carrousel et
la cascade de Saint-Cloud.
Nous disons ailleurs que ce fut à Rueil que l'on planta les premiers mar-
ronniers d'Inde introduits en France. Dans les jardins du cardinal existait une
allée de ces beaux arbres dont plusieurs habitants de Rueil se rappellent encore
avoir vu les restes... Il y en avait un surtout, qui fut abattu en 1780, et que cinq
personnes auraient eu de la peine à embrasser les bras étendus. Ceux qui entou-
raient la pièce d'eau, au-dessus de la grotte, se nommaient les cardinaux. Ils avaient
alors plus de deux cents ans d'existence.
rVluc lie Jj.y/rc^uc Ju ^ar^ut Je Ruvl,ou cj l'o
t-rati^eru. .
IlTarfJ^U^JI^^ JcUn .
^c^clUfc^.
25
Il est intéressant de retrouver l'origine exacte de Rueil. M. Jacquin établit
que le château de Richelieu n'était qu'une maison de plaisance, bâtie par Moisset,
qui ne se doutait guère qu'en la lui cédant, il rattachait son nom à la gloire du
cardinal, et qu'il passerait avec lui à la postérité,
La modeste villa d'un simple propriétaire ne pouvait suffire à l'homme qui
gouvernait alors la France; il en fit, dès 1621, une demeure d'une magnificence
inouïe pour le temps, et qui éclipsait les châteaux des rois. Nulle part, on ne voyait
autant de curiosités de tous genres, des jardins aussi vastes, une orangerie aussi
riche et d'une aussi belle venue; les grottes, jets d'eau et cascades surpassaient
tout ce qu'on avait vu jusqu'alors.
Le château s'élevait au milieu de fossés larges et profonds; le cardinal se
OXuc Je 10,
i h n^..{, ^.u j uiu.1
retranchait là comme dans une forteresse; à chaque issue se dressait la hallebarde
menaçante dont le bruit soldatesque se mêlait aux tintements des cloches de la
chapelle. Devant la façade se déroulait un immense parterre; tout à l'entour, plus
de cent jets d'eau jouaient en retombant dans une cascade à trois chutes. Et, au
bout du canal, on avait creusé une vaste pièce carrée d'où montaient trois grandes
colonnes d'eau. Puis venait le parc avec son amphithéâtre.
On raconte qu'au milieu de la grande pièce d'eau existait un pavillon où
souvent le cardinal présidait son conseil, étant ainsi éloigné de tous les importuns
ou des courtisans.
— 26
Le Nôtre
Ceci nous amène au Grand siècle, où tout devra être somptueux à l'exemple
du Monarque. Il fallait au Roi Soleil d'immenses parcs pour encadrer son pouvoir
immense; pour ce, le génie de Le Nôtre apparut comme devant correspondre aux
conceptions royales; aussi son nom domine-t-il toute la période de l'histoire des
jardins dans la deuxième partie du xv\f siècle. Son père qui était surintendant des
jardins du roi le fit entrer dans l'atelier de Simon Vonet, et là il devint le collabo-
rateur des plus grands peintres de l'époque : Mignard, Lebrun et Lesueur. A
pareille école il ne pouvait que grandir. Aussi le vit-on bientôt s'installer maître dans
un genre ou il avait puisé les leçons les meilleures près de son père, et où nul ne
pouvait lui disputer la première place. 11 sut approcher Louis XIV et s'en faire
aimer par ses façons familières avec les grands seigneurs et le constraste de sa
nature en regard des courtisaneries usuelles.
Il fut chargé par Fouquet de dessiner et d'exécuter les jardins de Vaux et
quand le surintendant y reçut le roi, celui-ci fut émerveillé de l'œuvre de Le Nôtre.
Il le chargea donc de la distribution de ceux de Versailles, et loin de s'effrayer des
obstacles que présentait le terrain, il arrêta ses plans et pria le roi de venir sur les
^£ CHATEAU OE MAINTENON du câu du. Jarda,.
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tu i
lieux pour juger de l'effet. Il commença par les deux pièces d'eau qui sont sur la
terrasse au pied du château, il lui expliqua ensuite son dessein pour la double
rampe. Le roi, à chaque grande pièce dont Le Nôtre lui indiquait la position,
l'interrompait en disant: «Le Nôtre; je vous donne vingt mille francs». Cette
approbation fut répétée plusieurs fois; mais Le Nôtre, aussi désintéressé que touché
de cette munificence, arrêta le monarque, et lui dit brusquement : « Sire, Votre
Majesté n'en saura pas davantage; je la ruinerais ». La plaine aride où Versailles
E Chateax^ df.s Tni.LERll.S .
est situé manquait d'eau ; il n'y avait à proximité du château qu'un marais malsain;
on proposait de le dessécher : le Nôtre s'y opposa et rassembla toutes ces eaux dans
le vaste canal qui termine le parc de Versailles.
Le Nôtre obtint du roi la permission de voyager en Italie, et en 1678, il se
rendit à Rome, ou le pape Innocent XI lui fit l'accueil le plus distingué, et lui
accorda une audience particulière, dans laquelle il se fit montrer tous les plans de
Versailles. Sur la fin de l'audience. Le Nôtre, transporté d'un si bon accueil, s'écria :
« Je ne me soucie plus de mourir; j'ai vu les deux plus grands hommes du monde :
Votre Sainteté et le roi, mon maître ». « II y a une grande différence, répondit le
pape : le roi est un grand prince victorieux; je suis un pauvre prêtre, serviteur des
serviteurs de Dieu; il est jeune et je suis vieux». A cette réponse. Le Nôtre oubliant
— 3o
à qui il parlait, frappa sur l'épaule du pape en lui disant : « Mon révérend Père,
vous vous portez bien et vous enterrerez tout le sacré collège ». Innocent XI ne put
s'empêcher de rire; alors Le Nôtre, n'étant plus maître de ses transports, se jeta au
cou du Saint-Père et l'embrassa. De retour chez lui, il se hâta d'écrire ce qui venait
de se passer à Bontemps, premier valet de chambre du roi. La lettre fut lue à
Louis XIV à son lever. Le duc de Créqui, présent, voulut gager mille louis que la
vivacité de Le Nôtre n'avait pu aller jusqu'aux embrassements : « Ne pariez pas,
répondit le roi, quand je reviens d'une campagne. Le Nôtre m'embrasse, il a donc
bien pu embrasser le pape ». C'est durant cette absence que Louis XIV avait confié
à Mansard le soin de dessiner et d'entreprendre Marly, et dont nous parlerons plus
loin. A son retour. Le Nôtre n'en montra pas d'humeur, il érigea le bosquet de la
salle de bal, avec un art infini, et, en 1676, le roi lui accorda des lettres de noblesse,
avec la croix de Saint-Michel, voulant lui donner des armes; mais, malgré tant de
faveurs, Le Nôtre avait conservé sa modestie, il répondit qu'il avait les siennes, qui
étaient trois limaçons, couronnés d'une pomme de chou. «Sire, ajouta-t-il, pourrais-
je oublier ma bêche? Combien elle doit m'étre chère. N'est-ce pas à elle que je
dois les bontés dont votre Majesté m'honore? » Déjà vieux, il demanda la permis-
sion de se retirer. Louis XIV ne lui accorda la faveur qu'il sollicitait qu'à condition
qu'il viendrait le voir de temps en temps. Deux ou trois ans après. Le Nôtre étant
allé à Marly, dont Mansard était l'architecte, le monarque l'aperçut et lui dit qu'il
voulait lui faire les honneurs de son jardin, il monta dans sa chaise couverte, et
obligea Le Nôtre à y prendre place. Celui-ci, touché de tant de bonté, et remarquant
Mansard qui suivait le roi, s'écria : « Sire, en vérité, mon bonhomme de père
ouvrirait de grands yeux, s'il me voyait dans un char, auprès du plus grand roi de
PLAN DES JARDINS ET PARC DE LA SEIGNEURIE DE PI NON
appartenant à A/m» la princesse de Poix.
— 32
la terre. Il faut avouer que votre Majesté traite bien son maçon et son jar-
dinier ».
Dans cet art, Le Nôtre était un maître, et il sera difficile d'y mettre plus de
grandeur et de noblesse, le titre de jardinier des rois lui restera toujours. C'est à
Paris, en 1700, âgé de quatre-vingt-dix ans, qu'il mourut. Son buste, sculpté par
Goysevox, est placé au musée des monuments français. Le Nôtre a été le génie qui
a su tirer un admirable parti de son époque et qui a mené à l'apogée l'art
des jardins.
Pour bien juger son œuvre, nous avons dû établir exactement où en était
l'art des jardins à son époque. Il y a encore un point qu'il est utile de mettre en
lumière : ce sont les conditions exceptionnelles où il fut appelé à travailler? Ce
n'était plus sur des espaces relativement restreints comme ses prédécesseurs. En
outre, il travaillait pour le pouvoir illimité, pour Louis XIV, le Roi Soleil; il fallait
que dans ses créations il symbolisât la puissance.
On comprendra aisément maintenant pourquoi il fit grand : « la somptuosité
devant le disputer à l'étendue »; son programme était tout tracé.
Sa vraie supériorité a été de faire de multiples créations sans égales dans
leur genre, en mettant au service d'une imagination extraordinairement féconde
ses qualités géniales de décorateur.
. / F.irtj e/,^î_ ".' , /..„;o/<n.- ^,, S' Û„.-^uij
33
L'art des jardins français de la première partie du xvii° siècle se développa,
s'amplifia, s'épanouit grâce à son génie, mais il ne fut pas créé par lui. Ce ne fut
qu'une continuation logique, ce ne fut pas un changement de direction.
Le Nôtre avait donc eu dans les Mollet et Boyceau tous les principes et
éléments de la composition dite française.
Son côté novateur est de commencer l'application de ces principes et
éléments sur des espaces inconnus jusqu'à ce jour.
Ses créations sont chacune aussi intéressantes dans leur genre. On ne peut
Parterres do jardin des Tuileries.
pas dire qu'il était plus fort à la fin de sa carrière qu'au commencement. Il était lui,
dès le début : c'est le propre du génie.
Vouloir donc détailler « la manière de Le Nôtre » pour donner une idée de
sa valeur, est presque une erreur. Mais, sans le faire, on peut indiquer les points
caractéristiques où il fit œuvre de novateur.
D'abord, au premier plan, il faut mettre l'élargissement du cadre des
compositions où l'on s'était tenu jusqu'à ce jour.
34
En second lieu, celles-ci étaient techniques, si on peut s'exprimer ainsi :
tout était créé et étudié sur des profils qui lui permettaient de calculer ses eflPets.
Une des merveilleuses applications de ce genre, est l'étude de la coupe
longitudinale de sa création de Vaux. Le miroir placé au bout de la deuxième
terrasse, au-dessus de la grande cascade, remplace celui qui est au pied des grottes
et qui est invisible pour le spectateur placé au pied du château. Dans sa manière de
faire, on peut citer, pour les détails, quelques particularités qui lui sont personnelles.
11 a des préférences pour les allées larges, il ne craint pas les espaces
sablés, qu'il juge nécessaires pour donner de l'échelle. Il a la science des carrefours
et ronds-points auxquels il donne les formes les plus varices.
^mi^m
Parterres de Saint Cloud.
Il brise les changements de pente ou de direction par un obstacle, vase,
bassin ou autre motif.
Il crée souvent de larges plates-bandes de gazon parallèlement aux côtés
latéraux des parterres. Dans la percée centrale, il les meuble de préférence de
fontaines, vasques, etc., sur les côtés extérieurs des parterres, il met dans les plates-
bandes des ifs ou autres plantes taillées, placés de distance en distance; ce
scandement est fait en vue d'augmenter la valeur réelle, grâce à la perspective.
— 36
Il affectionne les cascades architecturales construites en amphithéâtre; il
recherche les terrasses. 1! donne une importance particulière aux motifs des axes trans-
versaux, situés sur le terre-plein devant le château, ceux qui passent par l'extrémité
des terrasses, et en particulier au motif établi sur cet axe avant d'arriver à la partie dé-
corative dite «du fonds de tableau». Tantôt c'étaient de larges tapis verts bordés d'ar-
bres et de charmilles, tantôt de larges allées bordées de revers gazonnés où l'on pla-
çait des statues, des vases ou des ifs. Quelquefois c'étaient des canaux comme à Vaux.
Les bosquets constituaient autant de motifs isolés, ou quelquefois axés et
desservis par la même allée. Chacun d'eux comportait toute la fantaisie que
l'imagination peut créer; c'étaient des salles attribuées à des figures mythologiques,
ou des salles de bal, de festin, des théâtres de verdure, des salons de conversation,
des labyrinthes; etc. On en retrouve les détails à Versailles ou dans d'autres
résidences.
Le Nôtre donna une grande importance au côté «entrée»; c'est là la
hiérarchie des cours d'honneur dans toute leur magnificence, telles que Richelieu,
Vaux, Versailles, etc.
. Ces quelques caractères généraux suffisent pour nous donner une idée de
ce qu'étaient les jardins de Le Nôtre, c'est-à-dire le jardin français. On peut citer
parmi les créations de Le Nôtre par ordre de date :
38
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Le CHATEAU liE FONTAINEBLEAU EN 1645.
Vaux en iG58, Saint-Cloud en 1G60, Chantilly lOyi, Grand-Condé iGG3,
Versailles iGG5, Tuileries iGG5, Clagny i6G5, Sceaux 1G72, Saint-Germain 1672,
Pamphili et Ludovisi 1G78, Meudon.
Le Nôtre alla en Italie en 1678, où il fit des plans pour les villas de Pamphili
et Ludovisi; il présida à quelques embellissements de Rome.
Grâce aux Pérelle, Sylvestre et autres graveurs, nous avons des notions
exactes sur beaucoup de domaines et propriété du xvii^ siècle qu'on peut rattacher
à l'école de Le Nôtre : Chaulnes, Berny, Raincy, Villebon, Chaville, Fontainebleau,
Choisy, Iscour, Rochefoucaux, Roche, Villers-Cotterets, Conflans, Louvois,
Montmirail, Saint-Maur, la Maison de Pompone, Petit-Bourg, Triels 1G77, Nous
avons, dans VArt des jardins, donné par une série de gravures l'ensemble de l'œuvre
de Le Nôtre.
C'est surtout Versailles, l'incomparable Versailles ! dont le parc a servi de
modèle à presque tous les jardins royaux d'Europe, car, au commencement du
xviii' siècle, les architectes étrangers y venaient étudier sur place les détails les plus
minutieux pour les reproduire dans leur pays. Le château de Marly dont l'image est
ci-contre ne fut pas l'oeuvre de Le Nôtre, mais bien celle de Mansard durant
l'absence que fit André en Italie. On dit que Louis XIV avait voulu indiquer par là
à son jardinier le mécontentement que son voyage lui causait. Le Nôtre en garda
40
quelque rancune à Mansard. Des auteurs ont insinué que Marly était l'œuvre d'un
nommé du Rusé, or ceci parait invraisemblable, car l'on connaît à peine son nom,
et un homme de cette capacité se serait fait connaître par d'autres productions, ou
même d'autres chefs-d'oeuvre, qui lui auraient procuré un rang distingué parmi les
plus célèbres artistes.
Dans la composition de Marly, il faut dire à l'éloge d'André Le Nôtre
qu'il y a plus de sécheresse que dans ses ouvrages personnels, on sent que le
décorateur a fait place à l'architecte.
Après Le Nôtre, La Quintinie, plutôt jardinier horticulteur, mérite une
mention toute spéciale. Le Roi Soleil l'avait appelé à la surintendance de ses potagers
où il fit merveille. A côté de lui, il faut citer le jardinier François, Liger, J. de
Tournefort et Liébaut qui donnèrent leurs préférences aux arbres fruitiers et aux
questions utilitaires, délaissant les parterres, les bosquets et les eaux pour la taille
d'un arbre. Ceci nous amène à parler d'un élève de Le Nôtre, d'Argenville qui
publia en 171 3 un excellent ouvrage La Théorie et la Pratique du Jardinage, ses
citations sont fort bonnes, et la description qu'il donne des parterres, des bosquets,
boulingrins, berceaux, portiques et fontaines, est parfaite.
A l'époque de la Régence, les jardins sont inspirés du même esprit que ceux
41 —
du xvii^ siècle ; cependant la sobriété tend à disparaître. Les ornementations sont
plus chargées, les bassins et les canaux eux-mêmes prennent les contours cintrés.
Un des grands artistes de l'époque, Blondel s'élevait contre l'abandon du grand
style. Dans un ouvrage très intéressant sur la Disiribiitiun des Maisons de Plai-
sance il nous laisse comprendre qu'une espèce de révolution va s'accomplir. Il
cherche à maintenir dans son programme les idées de d'Argenville pour les jardins.
Il parle « du caractère qu'on doit donner aux jardins suivant la dimension et le
genre de la maison » et c'est là une des conceptions qu'affectionnait particulière-
ment Le Nôtre. Blondel chercha donc dans l'ensemble de ses compositions à
Château et parc de Ménars en 1760.
rester dans le goût des jardins du xyu*" siècle. On en jugera par les modèles et
plans ci-contre.
Dans ce mouvement nouveau au commencement du xvni^ siècle, une des
caractéristiques de l'art des jardins fut l'abandon des grandes lignes et de l'ancien
style régulier, on multipliait les découpages, les petites allées. Blondel lutta contre
ces idées nouvelles, et réussit vers lySo à ramener le style classique. Mais dans ce
retour, on pécha par un excès de symétrie, d'uniformité, et de monotonie. Et ce fut
surtout là une des causes qui provoquèrent à nouveau, et d'une façon violente,
l'abandon de l'ancien style régulier pour le nouveau style irrégulier, dit «Anglais».
C'est ici que se place en lumière un architecte célèbre Neufforge, qui nous a laissé
une série de plans fort nombreux, plus classiques que les classiques, et d'une
correction froide, sans intérêt, et monotone. Les dessins bien que très agréables à
— 42
l'œil sont plutôt des motifs de boiseries que ceux d'un jardin. Mais on ne peut nier
qu'ils soient empreints, dans leur grande sobriété, d'un côté de bon goût et de
réelle distinction.
Ainsi, on comprendra aisément ce qui a amené la mode des jardins
paysagers, très en vogue en Angleterre. Le terrain était donc préparé pour cette
importation, et le mouvement se fit sans choc, insensiblement. Mais il y a bien
d'autres causes à faire intervenir pour expliquer le retour à la nature, car chaque
production artistique est le reflet logique de son époque. D'une part, le cadre de
haute tenue et la rigidité du siècle de Louis XIV devait provoquer un revirement,
qui fut la frivolité et le bon plaisir du xvni'^ siècle. D'autre part, la littérature exerça
une grande influence : Jean-Jacques Rousseau, décrivant en 1761, les jardins de
Clarens sur les bords du Lac de Genève^ en parlait avec extase, avec enchantement.
ERRASSES
ET PARC DE MÉNARS.
dans la Nouvelle Héloïse. Il suivait avec amour les allées tortueuses et irrégulières
de ces bocages fleuris, couvertes de mille guirlandes de vignes, de clématites,
bordées d'eau limpide traversant les gazons en petits ruisseaux, ou coulant entre
deux rangées de vieux saules enlacés de chèvre-feuilles. Rien n'y est aligné, nivelé,
c'est la nature que l'on n'a pas gâtée ». Cette description n'est-elle pas toute la théorie
du jardin dit Anglais qui va s'implanter en France? Le germe était déposé; il
allait éclore.
La composition des paysages de Gérardin en 1778, le nouveau jardin de
Monceau dessiné par Garmontelle en 1779, les études de la nature de Bernardin
de Saint-Pierre en 1785, et le jardin de Delille en 1782 avaient fait naître un désir :
« l'amour de la nature ». Et ce fut une mode partout, car le cadre était adapté au
tempérament de l'époque. On écrivit des devises sur les rochers, et les arbres étaient
couverts d'inscriptions sentimentales. Les rêveurs venaient au bord des ruisseaux
donner libre cours à leur imagination; on se réunissait dans les jardins pour parler
Parterre a l anglaise mêle de broderies; sur les cotes des massifs de gazon bordant les broderies des
PARTERRES A PALMETTE, PAR BlONDEL.
«romantiquement». Les premiers furent Ermenonville, Tivoli, ceux de la Duchesse
de Boufflers; le Petit Trianon, commencé en 1774, Mortefontaine, Chantilly,
Bagatelle en 1780, La Malmaison, Neuilly à M. de Saint-James dont on voit
ci-contre les serres chaudes, ainsi que la vue du Raincy, dont l'image est la
propriété de M"' la princesse de Poix; Saint-Leu célèbre par sa grotte reproduite
44 —
^^^é^r.
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RENVOIS .
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PLAN GÉNÉRAL DE JARDINS
par J.-F. Btondel, ijSo.
- 45
par nous dans VArt des jardins, qui appartenait au duc de Chartres; Monceaux ou
Monceau, ainsi appelé du nom d'un ancien village sur l'emplacement duquel il fut
créé, fut remanié et planté d'après le nouveau style paysager par les soins de
Philippe d'Orléans, père du roi Louis Philippe, le même qui possédait Saint-Leu.
Les dessins et l'exécution en furent confiés à Carmontelle qui y éleva des temples, des
obélisques, des tombeaux, grottes, kiosques, un petit château en ruines, un moulin
à vent hollandais, avec des jeux de bague, des colonnades, fontaines et cascades. C'était
là bien le type du genre nouveau, se combinant avec une horticulture soignée.
Abondant ainsi dans le goût de son époque, le duc d'Orléans n'avait cherché que la
■\ i^tAit4if^-^
Les parterres de Meudon a M. de Louvois
(Collection de Mme Rigaud.)
variété des tableaux et l'imprévu des effets, pour émouvoir l'âme, la saisir par des
situations pittoresques et plaire à l'imagination. En habile ordonnateur, il avait
dressé des perspectives dans une scène naturelle sous l'aspect le plus séduisant.
D'après H. Walpole, le véritable créateur des jardins anglais fut Pope qui
forma le célèbre Kent, auteur du parc de Claremont, au duc de Newcastle, puis vint
Brown qui métamorphosa Bleinheim, primitivement arrangé «à la française». Les
parcs de Stowe, de Long Leate et bien d'autres en Angleterre eurent le même sort.
Mais chez nous la Révolution s'était aussi chargée de détruire quantité
46
Dùpo.i-ilion ^je'n.-ntld pcirr un JarJm Je f>r,ij<ivti conUn.iiit 3,i toù>e.r Je LTr.i'ur .mr w'5 M pn'fànJair IT
PLAN GÉNÉRAL D'UN JARDIN
par De Neiifforge, XVII h siècle.
de domaines, d'où l'ancien style n'avait pas encore été banni; les parcs avaient
souvent été mis à sac, et lorsqu'on les restaura ce fut naturellement dans le nou-
veau stvle anglais et paysager. C'est ainsi que le mouvement se précipita.
Malheureusement ce goût pour la nature dégénéra lui-même du commen-
cement du XIX' siècle jusqu'à la fin du second empire, et les jardins prirent un
genre essentiellement faux, à part quelques conceptions rares comme l'œuvre de
Varey dans l'île du bois de Boulogne.
Seule l'horticulture durant cette période y gagna. Elle remplaça le style et
le dessin.
Les fleurs, qui n'étaient au xvii' et au xviii' siècles que le complément des
parterres, acquirent la première place. Ce fut l'ère du jardin horticole. Il est juste
de dire qu'on ne saurait qu'applaudir au développement et à la variété des fleurs,
qui en découlèrent.
&
Vues des serrhs chaudes de Neuiily-St-James a M. de Saint James.
P
On trouve spécialement au Raincy le type de ces jardins nouveaux qu'à la
fin du xviii" siècle on avait adopté comme une mode. C'est aux Chinois que les
Européens la doivent. L'Architecte anglais Kent fut le premier à faire aimer à ses
compatriotes ce genre irrégulier ; les Français suivirent, mais leurs premiers essais
ne furent pas heureux. Une prodigalité excessive d'objets entassés dans un terrain
étroit, rendirent ces jardins d'autant plus ridicules qu'on n'y était pas accoutumé.
Mais quelques années plus tard le bon goût bannissant ces excès on en vint à une
note douce et sentimentale. Les jardins réguliers demandaient un arrangement
exact et concis, mais ceux où l'art avait à reproduire la variété de la nature et son
\ l'E Dl' ChATEAI
OKIOIR OE IJ \mitIK
i>K ^Iauimont
. r 1)1 \ R M P>o\ni',i
D'après l'aquarelle de N. de Gachei
1807, APPARTENANT A M. GeORGES Rc
abandon, exigeaient une manière différente. Il fallait entrer dans l'intention de
l'artiste qui les composait, et se pénétrer de l'esprit romanesque de l'époque.
Telle était l'inspiration qui avait présidé à la composition du parc du Raincy
situé à deux lieues de Paris, appartenant à M. le duc d'Orléans et bâti par l'archi-
tecte le Veau pour M. Bordier, intendant des Finances.
Il était entouré de fossés, avec au centre son grand corps de logis, flanqué
de 5 pavillons, dont l'un en forme arrondie et- les 'autres ornés de grands pilastres
ioniques.
Le parc qui était immense, environ sept cents arpents, comportait de
5o
'aiiM.im
HUBERT ROBERT
1733- 1808
Collection de M. Ernest Gouin
Parc de la Malmaison
aquarelle par thibault i757-1j
De la collection
COMTE AlLARD du ChOLLET.
superbes promenades. Il était dessiné avec beaucoup d'originalité, dans le genre
des jardins anglais, par M. Pottier, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-
Louis. Une grande rivière qui y prenait sa source, y serpentait de tous côtés.
Le paysagiste y avait ménagé des points de vue enchanteurs. De l'ermitage, on
découvrait aux environs des points de vue charmants.
La Malmaison, qui à l'exemple de Monceau, Saint Leu et Bagatelle, était
une résidence dessinée dans le goût anglais à l'aspect plutôt champêtre. Joséphine
Tascher de la Pagerie, lorsqu'elle s'appelait Madame de Beauharnais l'avait
achetée en 1798 à M. Lecouteulx de Canteleu, qui en était propriétaire depuis 1792.
Elle y mourut en 18 14.
Le parc avait été dessiné par Berthaut et décoré de fabriques d'un goût
original, telle la Fontaine Joséphine, et le pavillon où travaillait l'Empereur. On y
admirait aussi une quantité de plantes exotiques importées d'Amérique et des
Indes, au milieu des serres les plus vastes. Dans les détails les plus raffinés on
retrouvait la main de Joséphine.
— 5:
^-^s
Rénovation des Jardins à la Française
au XIX^ et XX^ siècle.
On cherche de plus en plus actuellement à ressuciter le style des jardins
«à la Française» et les belles conceptions de Le Nôtre — On s'applique à déve-
Anet a m. le comte de Leusse.
— 52
Condé-sur-Iton
M. LE COMTE DE JaRNAC
lopper le côté architeciural des parcs en les faisant concorder avec la demeure; c'est
pourquoi il a paru intéressant de donner ci-contre des vues de quelques jardins
Champs a M. le comte Cahen d'Anvers.
— 53 —
Voisins
M. LE COMTE DE FeLS.
créés récemment dans un style correspondant à celui du château qu'il encadre —
tels Anet, Condé, Champs, Voisins, Le Marais.
Le Marais a M™' la duchesse de I ai i kyrand.
Jardin de l'hotei, de M"" A. Antokoi.sky a Pari:
55
Modèles de Jardins
pour
PETITES RÉSIDENCES
TYPE DE PARTERRES POUR PLANTES A COUPER
d'après le tableau de Van der Heyden i63-j-iyi2. Collection de M. Kleinberger.
Jardin et maison de M. le Grand Prieur du Temple
Cette maison occupait un grand terrain encerclé de hautes murailles à
créneaux, fortifiées d'espace en espace par des tours. Ces tours et ces créneaux ont
été abattus en partie, mais la grande porte est restée avec sa décoration d'ordre
dorique à colonnes isolées ; la cour était entourée d'une espèce de péristyle à
colonnes couplées qui formait un magnifique ensemble avec son grand jardin de
style.
Le corps de logis, qui était au fond de cette cour fut bâti par Jacques de
Sauvré, Grand Prieur de France ; mais en 1720 et 1721, le Chevalier d'Orléans qui
était revêtu de ce Prieuré, fit faire de grands changements dans l'édifice, sur les
dessins et sous la conduite de Gilles Marie Oppenord, premier architecte du duc
d'Orléans, alors Régent du Royaume. Le prince de Conti, mort en 1776, dernier
Grand Prieur, auquel a succédé Monseigneur le duc d'Angoulême, fît élever divers
bâtiments dans les cours de ce vaste emplacement complété par des parterres.
59
Sf^ra^rfiTua
QXwi^c f'Orrn^cru, lie £ÏfaîUf^cSuJPy,,'U^ Sf An4,nnc a Pa,
Jardin de l'hôtel Sully, rue Saint-Antoine
L'hôtel Sully, l'un des plus remarquables spécimens de l'architecture de
la première moitié du xvii' siècle, était situé rue Saint-Antoine et place des Vosges
sur l'une des extrémités du terrain anciennement occupé par les Tournelles.
C'est en 1624, qu'un sieur Mesme Gallet fît construire sur cet emplacement
un hôtel somptueux, par Jean Androuet du Cerceau.
L'hôtel est un carré flanqué de quatre pavillons du style de cette époque. Mais
la chose la plus merveilleuse de tout son ensemble est sans contredit la cour de l'hôtel
principal, qui a conservé tout son caractère et tout le fastueux de sa conception.
Sur les trois côtés de la cour, se voit une frise de large saillie, dont le dessin
et le relief des sculptures concourent si puissamment à l'harmonie de cet ensemble.
Au point de vue statuaire, six grandes figures se rapportant aux Eléments,
sont placées dans des niches à hauteur du premier étage.
Le portail est orné de massifs bossages et flanqué de deux colonnes
doriques. Sully l'acheta en 1G34; il y apporta de nombreux embellissements. Dans
le jardin qui attenait à la place Royale et qui, malgré ses dimensions restreintes
était dessiné avec goût, il y adjoignit une orangerie dans la partie désignée
aujourd'hui sous le nom de « Petit hôtel de Sully » qui a son entrée sur la place
des Vosges et dont on voit ci-dessus l'image avec ses parterres de broderies.
L'hôtel ne resta dans la famille Sully que jusqu'en 1762.
— 60
Jardin de l'hôtel de M. de Bretonvilliers
dans nie Notre-Dame
L'hôtel de Bretonvilliers était une maison remarquable, surtout par sa
situation à la pointe de l'île, sa vue magnifique et le luxe de ses décorations inté-
rieures. Elle avait été bâtie vers 1660, par un riche financier, favori du cardinal
Mazarin, qui l'employa au maniement des Finances. Il prospéra dans ces fonctions
et usa bien, dit-on, de sa fortune. Il se nommait Bénigue le Ragois de Bretonvilliers,
et devint un des plus grands seigneurs de son époque. II y avait là tout ce que l'art
peut souhaiter de plus beau. Les meubles, les dorures, sculptures, marbres,
bronzes, glaces, etc., y brillaient de tous côtés. Les pièces les plus curieuses
étaient les trumeaux de la salle basse, peints par le célèbre Mignard d'après les
originaux de Raphaël.
A citer parmi les merveilleux tableaux qui complétaient cette somptueuse
décoration, ceux de Poussin, Michel Ange, Daniel de Volterre. Les fondations du
bâtiment et de la plupart des dépendances furent prises sur le lit de la Seine et
établies sur pilotis. M. de Bretouvilliers fit faire à ses frais, tout le quai de la
t-:.
t i
u/ûii iwpartcnant a ^'nadame de (JjretonuilLierf du cojle du. Jardin dutu Ijjle JJojtre Uja
lO-a^l ^x. auecpr^Ujf i- S>j .
Pointe de l'Ile, et employa plus de huit cent mille livres à ces ouvrages y compris
les jardins très réputés alors de son hôtel.
La maison de M. Lambert de Thorigny était célèbre et à juste titre. La
façade du bâtiment du côté du jardin ou de la grande terrasse était enrichie d'une
Gouache du xviie siècle, de i.a collicction de Mme la baronne de Pi.anker-Klaps.
architecture en pilastres ioniques qui prenait depuis le rez-de-chaussée avec une
rangée de vases formant un ensemble de belle décoration.
Cette maison avait un air de grandeur qui se distinguait de fort loin, et qui
donnait une idée avantageuse de la magnificence de la ville de Paris à cette époque
lorsqu'on y arrivait par Charenton du côté des jardins.
Château de Lorry, près Metz
Il y avait à la fin du xvii* siècle certains jardins qui méritent d'être décrits.
Les quatre angles étaient garnis chacun d'un cabinet, touffu et fort ombragé, le
reste, à la vérité, était environné d'arbres, mais tous taillés ; le long de ces quatre
faces étaient quatre allées larges et bien proportionnées dans leur longueur; d'un
côté elles étaient parées de contre-espaliers à hauteur d'appui, et de l'autre bordées
de palissades de phillirea; les branches de phillirea s'étendaient le long des
murailles avec tant d'ordre et d'adresse, et de plus si bien garnies de leurs feuilles
que les murs en toute saison y étaient toujours verts ; outre cela, le jardinier avait
ingénieusement entremêlé ces contre-espaliers de fruits hâtifs et de tardifs, de
ceux d'hiver et d'été.
Entre ces quatre belles allées étaient renfermés deux grands parterres carrés
formant un grand lozange qui variait fort plaisamment l'ordonnance du jardin ;
dans le milieu une allée bordée de contre-espaliers apportait un nouvel agrément
au parterre, et multipliait par ce moyen sa symétrie aussi bien que ses entrées.
Enfin, d'autres lozanges, carrés et demi-lunes étaient revêtus de contre-espaliers à
hauteur d'appui, entre-coupés d'allées et bordés de beaux fruits.
E^g, ^'nj.at
}t'
63 —
La maison de M. de Boisfrant
Rien ne manquait à ces belles résidences de Paris. La salle à manger
donnait accès dans l'orangerie que longeait, à droite, un vaste jardin tracé à la
française, dans le style mis en vogue par Le Nôtre. Ce jardin s'étendait jusqu'aux
bâtiments, dans le goût du temps, masqué par un treillage ouvragé, peint en vert,
et orné de dorures avec une niche au milieu où se trouvait une statue d'époque
romaine. De superbes figuiers en caisses, des arbres et des arbustes, taillés en
formes géométriques, étaient répartis ça et là avec symétrie. Les parterres formaient
comme des panneaux décoratifs avec leurs cordons de buis festonnés en broderies.
Indépendamment d'une fontaine il y avait un grand bassin avec une gerbe d'eau
qui animait ce joli décor. On avait disposé dans les allées des bancs de pierre à
console et des vases de genre antique sculptés de bas-reliefs. On admirait surtout
dans les jardins, des groupes de marbre qui représentaient des déesses ou des
amours.
64
Le Jardin de Sylvie
Ce parc de Sylvie doit son nom à l'infortuné poète Théophile Viaud qui,
poursuivi par le parlement à cause d'un livre satyrique dont on le croyait l'auteur,
fut accueilli par Marie Félix des Ursins qui lui donna asile à Chantilly, Il avait,
par reconnaissance, composé en l'honneur de sa bienfaitrice et en mémoire de
cette partie du parc où elle se plaisait particulièrement, une ode intitulée « La
Maison de Sylvie » dont le nom de Sylvie fut ainsi donné au parc, à l'étang, à la
fontaine et au pavillon qui se trouvent dans cette partie des jardins.
Lorsqu'en 1782, M. de Condé donna une fête au comte du Nord, on soupa
au hameau, qui était éclairé par six cents lanternes accrochées aux arbres ; le
rocher paraissait de loin illuminé sans qu'on aperçut les lumières; l'allée d'arbres,
en face du même rocher offrait le même effet. Le petit canal, à l'entrée du jardin,
était éclairé par des bouquets de lanternes, et l'illumination de guirlandes de
lanternes de différentes couleurs dont la guinguette avait été ornée, se reflétait entre
les arcades des berceaux.
65
Berceau de treillage de M. de Bensarade
à Arcueil
C'est au pied de la côte du moulin de la Roche près du moulin à eau placé
sur la rive droite de la Bièvre entre Gentilly et Arcueil que se trouvait la maison de
(Berceaa. de treULrqc cL la ^Um^wh cù ^ IL' Je Betucradt^'
<i K Ai'cuclI
Bensarade, poète élégant et spirituel, celui qui fut l'âme des plaisirs de la brillante
cour de Louis XIV. Bensarade y mourut le 17 septembre i6gi; il était de l'Acadé-
mie française depuis 1674.
66
Salon de treillage de M. le Comte de Morstein
à Montrouge
Les portiques, les berceaux, les cabinets de treillage étaient fort à la mode
au xvii^ et au xviii' siècle. D'Argenville dit « qu'ils avaient quelque chose de
trniij^.
magnifique quand ils étaient bien placés en rehaussant la beauté naturelle des
jardins. Il s'était fait de ces ouvrages très dispendieux, comme à l'hôtel de Condé,
à l'hôtel de Louvois. On distingue deux sortes de berceaux ou portiques, les
naturels et les artificiels. Les naturels et les artificiels sont faits tout de treillage
soutenus par des montants, traverses, cercles, arc-boutants et barres de fer. On
compose avec tout ce fer et ce bois, des berceaux, des portiques, des galeries, des
cabinets, salons, niches et coquilles, ornés de colonnes, de pilastres, de corniches.
68 —
il
il
frontons, montants, panneaux, vases, consoles, couronnements, dômes, lanternes
et autres ornements d'architecture.
« On distingue un berceau d'avec un cabinet en ce qu'un berceau est une
grande longueur cintrée par le haut, en forme de galerie, et qu'un cabinet est
composé d'une figure carrée, circulaire ou coupé à pans, formant un salon qui
peut se mettre aux deux extrémités, et au milieu d'un long berceau.»
« Les portiques sont encore différents de tout cela : c'est l'entrée extérieure
des cabinets, salons et berceaux de treillage qui est ordinairement décoré d'un
fronton, d'une belle corniche, avec des pilastres et montants».
« On se sert ordinairement des berceaux cabinets et portiques de treillage
pour terminer un jardin de ville et en boucher les murs et les vues désagréables,
en formant un bel aspect pour cette décoration, qui peut serAir aussi de fond et
de perspective à une grande allée. L'on en pratique encore dans les bosquets, dans
les renfoncements et niches de palissades pour des bancs et des figures. »
Dans les images ci-contre du salon de treillage du Comte de Morstein et
du parc de Sylvie, on juge bien de ces genres différents de treillages.
Les parterres du dessin de Le Nôtre y étaient d'une grande sobriété avec
leurs pièces de gazon et leurs bordures de buis, le miroir d'eau au centre et les
quatre bassins dans les angles.
Un ancien curé de Ghaville, l'Abbé Dassé a trouvé sur la résidence de
70 —
Michel Le Tellier d'intéressants détails. Sa construction date de 1G60, à l'endroit
même où était le manoir seigneurial de son aïeul. Ce superbe château, dont Cha-
mois fut l'architecte et dont les gravures de l'époque conservées à la Bibliothèque
Nationale nous montrent les vastes proportions, était ainsi disposé. «Au-devant de
la porte d'entrée une demi-lune que traversait une rue; puis une première grille
donnait entrée dans la cour; à droite étaient les écuries; à gauche un canal qui
tenait d'un bout à la ménagerie et basse-cour et de l'autre à l'orangerie. »
«Une seconde grille s'ouvrait sur une seconde cour qui formait un carré
parfait. A chacun des angles de la première entrée était un pavillon; celui de
gauche servait de conciergerie ; celui de droite formait la chapelle. Au fond se
trouvait le château avec son vestibule et son escalier hardi qui passaient pour un
beau morceau. »
« De l'autre côté du château s'étendaient un parterre et une pelouse allant
jusqu'au pavé des Gardes; et disséminés dans toute la propriété, des bosquets, des
cascades, des chemins bordés d'ifs et d'ipécas, le tout disposé dans le goût du parc
de Versailles. »
Michel Le Tellier mourut le 3o Septembre i685 à l'âge de 83 ans. Il fut le
dernier seigneur de Chaville, Le 8 et le ii décembre 1695, sa femme vendit le
domaine à Louis XIV en même temps que celui de Viroflay et de Villacoublay, le
tout moyennant la somme de Sgo.ooo livres. Dans l'acte d'achat du 1 1 décembre
i6g5, le roi fit donation de la terre de Chaville à « très haut et très puissant et très
excellent prince M^"". Louis Dauphin de France, fils unique de Sa Majesté. C'est
Cda,
,/<■ ffvillai]c Ja ■ J'LiiJui Je C luivilin
alors que les murs furent supprimés pour réunir Chaville et Meudon en un seul
domaine d'autant plus vaste que Louis XIV avait acheté de l'abbé de Louvois la
terre d'Ursines, moyennant 259.760 livres.
— r
Comme la résidence du Dauphin était le château de Meudon, la superbe
habitation de Michel Le Tellier fut donc quelque peu délaissée jusqu'en 171 i, à la
mort du fils de Louis XIV. Peu après, le roi donna au prince de Talmont la jouis-
sance à vie du domaine de Chaville, à la réserve toutefois des bois, des avenues, de
ceux des bosquets, des jardins et des gros ormes qui se trouvaient dans l'avant-cour
du château.
A la mort du prince de Talmont, le duc et la duchesse de Brancas, par
brevet du roi en date du 2g juillet lySy, obtinrent la jouissance à vie du domaine
de Chaville. Ils le possédèrent jusqu'à leur mort en 1778. A cette époque, le château
de Chaville, qu'on peut voir dans de nombreuses gravures au Cabinet des Estampes
de la Bibliothèque Nationale, fut ainsi que le petit parc, donné en 1766 par le roi
au maréchal de Tessé qui fit démolir le château et abattre les bois et arbres qu'il
vendit à son profit. L'année suivante il fit construire un nouveau château proche
du premier, sur le même alignement. Le parc et le jardin furent replantés et finirent
par subir la tranformation à l'anglaise dans le goût de l'époque.
73
Portique et treillage du jardin de M. de Montigny
Les portiques de treillage aux lignes régulières de M. de Montigny étaient
très célèbres, ainsi que leur décoration avec festons et roses du meilleur goût.
Dans les jardins de Paris le peu d'espace disponible amena la perspective à jouer
le grand rôle. Un artiste, Le Maire, entreprit de peindre les perspectives sur les
murs de sa cour pour allonger la vue et l'égayer.
Non seulement il était alors celui qui entendait le mieux la perspective.
mais il passait encore pour le premier et le plus expert en ces sortes de travaux; à
Rueil et à Bagnolet, avec ses pinceaux et ses couleurs, il l'avait prouvé en dessinant
des campagnes fertiles, longues et larges, à perte de vue, en des lieux où il n'y
avait rien, où il ne se trouvait qu'une petite muraille; il sut ériger des arcs de
triomphe, élever de superbes portiques, construire de grands temples et de grands
palais, avec toute la hauteur et la capacité que les architectes leur donnaient.
C'est au contraire lorsqu'il était gêné par la petitesse d'une cour carrée, qu'il
devait principalement travailler à l'agrandir et y rendre la vue jolie et enjouée ; pour
cela il représentait deux superbes portiques qui environnaient une grande cour pavée
74 —
de marbre blanc et rouge et conduisait dans un vaste parterre, bien entretenu,
fermé d'un berceau ou d'une tonnelle. Ces portiques étaient soutenus et enrichis
de deux longues suites d'arcades, accompagnées de part et d'autre d'une ordonnance
de pilastres corinthiens. Le cintre de chaque arcade était garni de rosons et leur
vide orné,
chacun dans
le milieu,
d'une statue
grande com-
me nature; il
couronna i t
dans ces or-
nements d'un
petit mur éle-
vé à hauteur
d'appui, en
mettant des-
sus des bas-
ses-tailles qui
semblaient
être antiques
et à demi-re-
lief avec des
cannelures
dans les pi-
lastres, les
feuilles et les
tigettes des
chapiteaux
étaient rou-
lées avec tou-
te la netteté
et la perfec-
tion que de-
bas-reliefs, de parterres, de portiques, et les disposer en sorte qu'
taient les uns les autres et représentaient réellement des objets
qu'imaginaires en étendant une vue limitée.
mande l'or-
donnance co-
rinthienne,
c'est-à-dire
l'ordre le
plus accom-
pli.
En un
mot toutes
les parties de
cette belle
perspective
faisaient un
effet merveil-
leux, mais il
n'y a rien qui
mérite plus
justement
l'admiration,
que de voir
un peintre sa-
voir renfer-
mer dans un
espace fort
restreint une
si grande
quantité de
pilastres,
d'arcades, de
statues, de
ils se complé-
qui n'étaient
75
Le jardin de M. de Chamlay
Rue du Vieux Colombier
Ici se voit un des beaux modèles de Le Nôtre, qui a surtout fait des parterres
en broderies ; il affectionnait les formes carrées recoupées en quatre parties suivant
les diagonales, avec un bassin central comme ceux des Tuileries, Saint-Denis. Il
faisait aussi beaucoup de parterres rectangulaires à grande échelle tout en broderies
destinés à occuper le premier plan devant le château ; ils étaient disposés symétri-
quement par rapport à l'axe comme à Vaux.
Dans ses petits parterres en broderie, il ne craignait pas une certaine
fantaisie, il les terminait quelquefois par un bassin qui était enclavé à moitié,
comme dans le petit jardin du palais royal.
Les dessins de Le Nôtre sont en général d'une grande sobriété et assez
larges pour en permettre facilement la lecture. Les parterres de pièces coupées
sont en général assez élégants, il évite l'écueil de la lourdeur où il est facile de
tomber dans ces sortes de parterres. Il fait beaucoup de compartiments intérieurs
- 76 -
avec volutes, pièces de gazon découpé et motifs de buis au centre de la comparti-
mentation. Il a composé aussi de très beaux parterres carrés avec bassin dans les
angles, miroir central et compartimentations remplies de dessins de buis. Il n'a pas
craint de faire des parterres triangulaires et en forme de trapèze. Malgré ces formes
de fantaisies,
Le Nôtre arri-
vait toujours
à faire des
compositions
originales,
claires et de
premier or-
dre. Pour
mieux lire
les dessins
des grandes fe
broderies, il
les divise par
des plates-
bandes de
fleurs ou de
gazon serties
par des filets
de buis avec
sentiers de
sable de cou-
leur. Ces pla-
tes-bandes,
forment
elles-mêmes
des dessins à
grande com-
position,
dont certai-
nes parties
se terminent
en volutes
qui donnent
naissance à
des rinceaux
d'ornementa-
tion de buis
qui recou-
pent ces pla-
tes-bandes.
On re-
coupe par-
fois ces par-
terres pour
les rendre
plus lisibles,
soit par des
diagonales
quand ils
sont de for-
me carrée,
soit par des
lignes biai-
sées. Quand
ils sont à très
grande
échelle et de
forme rec-
tangulaire.
comme à Vaux, par exemple, où ils sont compartimentés par des plates-bandes qui
forment un dessin à part. Elles comportent des volutes et autres formes consacrées
qui donnent naissance aux rinceaux de buis qui recoupent ces plates-bandes.
Les broderies de cette époque comportaient de grands rinceaux formés
par des buis et remplis avec des sables ou des mosaïques de couleurs différentes.
77
La maison de M. Le Pelletier, Ministre d'Etat
à Villeneuve le Roy
V^illeneuvc le Roi, d'après d'Argenville, était remarquable par la belle maison
de M. le Président de Ségur qui avait succédé à Claude Le Pelletier, contrôleur
général des finances.
Une avenue longue et spacieuse, plantée de quatre rangs d'ormes qui
/..•/ MAISO
allaient jusqu'à Choisy, conduisait à une esplanade, à l'entrée de laquelle une
porte grillée, menait à une grande avant-cour séparée de la cour du château par
une seconde grille de fer. On descendait dans un parterre orné d'un beau bassin,
et on passait sur deux arcades dans un boulingrin entouré d'arbres en boule.
Par deux escaliers ornés de vases, on arrivait sur la gauche du château
dans deux grandes pièces ; l'une formant un parterre à l'anglaise, l'autre terminée
par un bassin. Ici commençait le parc qui allait jusque sur les bords de la Seine.
Ces pièces étaient séparées par des arcades de verdure.
- 78 -
Le jardin de M. le Marquis de Prie
à Turin
néralement
leschâteaux
du xvii'' et
xviii' siècle,
dit Havard,
étaient iso-
lés. Mais
l'art ne per-
dit rien à
cette dispo-
sition spé-
ciale. Les
terrasses,
les balus-
trades, les
vases en
bronze, les
statues en
marbre, les
ifs et les
buis taillés
durent ani-
mer ces
grands es-
paces et do-
minèrentde
leurs for-
mes élégan-
Marot contribua
(je- .' ^' g' -^TaB^^fgiur -^ 1^ giajiaByr--u— ^ tes ces jar-
dins dispo-
sés au « ras
de terre »,
avec leurs
combi nai-
sonsen bro-
deries, qui,
de leur con-
struction
même pri-
rent le nom
de « parter-
res», et con-
stituèrent
ce que nous
appelons
aujourd'hui
le jardin
français.
Les
grandes
conceptions
de Le Nôtre
s'étendaient
à l'étranger.
On en trou-
ve quantité
d'exemples,
à étendre le type régulier hors de France, L'image ci-dessus
montre que le goût français y prédomina, mais il ne se conservera pas dans toute
sa pureté. Marot a dessiné des ensembles moins classiques, trop chargés; un peu
plus tard, sous l'influence du pays où il se trouvait.
— 80
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DISPOSITION D'UN JARDIN PAR GALIMARD AU XVIII' SIÈCLE
L'ensemble de la décoration centrale est composée de six parterres — ceux des extrémités en broderies de
buis sur sable de couleur et bordés de fleurs — les deux au centre en découpage de gajon avec sable de couleur bordé
de Jleurs avec bassin central. — Le tout appuyé sur une demi-lune. — Les parties latérales sont formées de deux
quinconces de tilleuls, les deux bassins cernés d une plate-bande de Jleurs et des deux bosquets.
Les lignes de ce parterre indiquent déjà qu'au xvin' siècle, on s'éloigne du
côté rigide. Les détails l'emportent sur la composition générale. Les périmètres des
quatre angles de ces parterres sont plus contournés que ceux de Le Nôtre et de
son école. Il est du dessin de Galimard (xviii' siècle).
Pour le détailler, on doit dire que les dessins du centre entourant le bassin
sont en gazon découpés, séparés par des sentiers de sable de même couleur, gris
ou rouge, et entourés d'une plate-bande de fleurs basses. Les quatre angles sont en
broderies de buis taillé sur sable encadrés de parterres de fleurs. L'eff'et intéressant
serait de sabler en rouge le centre de gazon et les quatre angles en gris ou jaune.
Modèle de parc pour petites résidences.
Le motif central axé sur la façade principale du bâtiment se composait d'un
parterre de gazon terminé à chacune de ses extrémités par un bassin;
l'ensemble était serti par des plates-bandes de fleurs et séparé du gazon par des
sentiers de découpage sablés. Un petit tapis vert limité par deux rangées de
tilleuls taillés épousait la même forme que le parterre central. La partie extérieure
de cette composition était bordée par une allée suivant la forme du motif et se
trouvait en contre haut d'un talus bordé en crête d'une autre rangée de tilleuls
servant à ombrager de larges allées placées en terrasse sur ce grand motif central.
Sur les deux parties latérales en contre haut, il y avait un jardin fleuriste
avec un bassin central et à gauche, une série de figures boisées et découpées par
des allées diagonales. Le centre comprenait un bosquet avec miroir d'eau, flanqué
de quatre parterres de gazon. Un grand tapis vert formait l'axe de cette composition
et donnait accès au bosquet central.
83
Grand parterre de broderie par Galimard, wiii' sucie
cùGrocùfic ^ \
Ce parterre est bordé de plates-bandes de fleurs sur sable de couleur avec compartiments de ga^on sur les parties
latérales et avec bassins dans l'axe de ta séparation.
Grand parterre de broderies sur sable de couleur avec plates-bandes de fleurs par Galimaf
- 84
Description de jardins au XVIIP siècle
pour petites résidences
Un de nos vieux maîtres jardiniers du xvni" siècle disait que « la disposition
et la distribution d'un plan général pour être parfaites, doivent suivre la situation
du terrain.
La variété et la diversité de la composition, (outre une sage distribution
bien entendue et bien raisonnée) contribuent aussi beaucoup à rendre un jardin
parfait; les jardins les plus variés sont les plus estimés et les plus magnifiques.
C'est à quoi un architecte ou un dessinateur de jardins doit principalement
prendre garde, quand il veut inventer un beau plan, en se servant avec art et
économie, des avantages d'une place et en corrigeant par son industrie les défauts,
les biais et les inégalités du terrain.
Tout cela n'est pas si aisé qu'on se l'imagine; un beau jardin est du moins
aussi ditficile à inventer et à distribuer, qu'un beau bâtiment.
11 faut être un peu géomètre et savoir l'architecture.
Un homme riche qui veut planter un beau jardin, doit faire trois choses
essentielles; choisir en premier lieu une personne, dont la capacité de l'art de
jardinage, soit déjà prouvée par quantité de tous morceaux ; c'est le moyen d'éviter
l'exécution de ces dessins fondés seulement sur le caprice. En second lieu, il ne doit
pas suivre le train de la plupart des gens du monde, qui font exécuter des dessins
avec une précipitation infinie.
Enfin il faut qu'il se consulte sur la dépense qu'il veut faire, pour y propor-
tionner la grandeur de son bâtiment et l'étendue de son jardin, et considérer que
plus son jardin sera grand, plus il lui coûtera à dresser le terrain, à planter, à
exécuter tous les dessins, et à l'entretenir de tout. S'il y a des fontaines, les bassins
et les pièces d'eau deviendront plus grandes, les conduites plus longues et par
conséquent coûteront infiniment davantage.
L'on peut dire avec raison, qu'un bâtiment de campagne doit être propor-
tionné à l'étendue du jardin; et faire en sorte que le bâtiment réponde au jardin, et
le jardin au bâtiment.
On distingue quatre maximes fondamentales pour bien disposer un jardin;
la première, de faire céder l'art à la nature; la seconde, de ne point trop offusquer
un jardin; la troisième, de ne le point trop découvrir; et la quatrième, de le faire
toujours paraître plus grand qu'il n'est effectivement.
— 85 —
11 faut en plantant un jardin considérer, qu'il doit plus tenir de la nature
que de l'art. Un bois, par exemple, pour couvrir des hauteurs ou remplir des fonds,
situé sur les ailes d'une maison, un canal, dans un endroit bas, et qui paraisse être
l'égout de quelque hauteur voisine, en sorte que l'embellissement et l'art qu'on y a
donné dans la suite, cède entièrement à cette nature. On ne doit pas rendre les
jardins tristes et sombres, en les offusquant par trop de broussailles et de couvert,
il faut laisser régner de belles esplanades autour du bâtiment; c'est pour cela qu'on
ne met dans les parterres, les terrasses, les boulingrins, rampes, etc., que de petits
ifs et arbrisseaux, afin que n'occupant point tout l'espace de l'air, on jouisse d'une
échappée. Il faut toujours descendre d'un bâtiment dans un jardin par un perron de
trois marches au moins, cela rend le bâtiment plus sec et plus sain, et l'on découvre
de dessus du perron toute la vue générale d'un jardin, ou une bonne partie, qui
forme un aspect fort agréable.
Un parterre est la première chose qui doit se présenter à la vue, il doit
occuper les places les plus proches du bâtiment, soit en face ou sur les côtés, tout
par rapport à la découverte qu'il cause au bâtiment, que par rapport à sa beauté et à
sa richesse, qui se trouvent sans cesse sous les yeux, et se voient de toutes les
fenêtres d'une maison. On doit accompagner les côtés d'un parterre, de morceaux
qui le fassent valoir. Comme c'est une pièce plate, il lui faut du relief tels que sont
les bosquets et les palissades.
Les bosquets sont le capital des jardins; ils font valoir toutes les autres
parties, et l'on n'en peut jamais trop planter. On choisit pour accompagner les
parterres, les dessins de buis les plus mignons, comme les bosquets découverts à
compartiments, quinconces, salles vertes, avec des boulingrins, des treillages, et
des fontaines dans le milieu. Ces petits bosquets sont d'autant plus agréables, étant
près d'un bâtiment, que vous trouverez tout d'un coup de l'ombre sans aller cher-
cher si loin; outre une fraîcheur qu'ils communiquent aux appartements, qui est ce
qu'on recherche le plus dans la grande chaleur.
On fera la principale allée en face du bâtiment, et une autre grande de
traverse, d'équerre à son alignement; bien entendu qu'elles seront doubles et
très larges. Il faut de la variété, non seulement dans le dessin général d'un jardin,
mais il en faut encore dans chaque pièce séparée.
Après toutes ces règles générales, il faut distinguer les ditîerentes sortes
de jardins qui se peuvent pratiquer, lesquelles se réduisent à trois. Les jardins de
niveau parfait, les jardins en pente douce, et les jardins dont le niveau et le terrain
sont entrecoupés par des chûtes de terrasses, glaces, talus, rampes, etc. Les jardins
de niveau parfait sont les plus beaux, tant à cause de la commodité de la prome-
nade, que par rapport aux longues allées et enfilades, où il n'y a point du tout à
descendre ni à monter; cela les rend d'un moindre entretien que les autres
— 86 —
Les jardins en pente douce ne sont pas si agréables et si commodes,
quoique leur pente soit imperceptible.
Les jardins en terrasses ont leur mérite et leur beauté particulière, en ce
que du haut d'une terrasse, vous découvrez tout le bas d'un jardin, et les pièces
des autres, qui forment autant de différents jardins, qui se succèdent l'un à l'autre,
et causent un aspect fort agréable. C'est selon ces différentes situations, que l'on
doit inventer la disposition générale d'un jardin.
Voici deux descriptions différentes de petits jardins pour maisons particu-
lières. Dans le premier, on entre en face du bâtiment, dans une cour ornée de tapis
de gazon et d'allées, accompagnée sur la gauche d'une basse-cour, derrière laquelle
il y a une pépinière. Sur la droite est un potager fermé de murs. Le bâtiment est
isolé, et par les deux grilles qui sont à ses côtés, il sépare le jardin d'avec la cour.
Le côté de la cour fait avant-corps dans le milieu par un pavillon, avec un perron
au bas; la façade du jardin forme deux pavillons à chaque bout, avec des perrons.
Sur les côtés, il y a des allées de traverse, terminées par des grilles de toute la
largeur. En face du bâtiment se présente un parterre coupé en diagonales ou croix
de Saint-André, où l'on entre par les bouts, ce qui a rapport aux deux perrons des
pavillons. Sur les ailes de ce parterre, il y a deux allées, qui viennent en face des
grilles de la cour, et qui sont terminées par des figures et des niches pratiquées dans
la palissade du bois; à côté de ces allées sont deux bosquets, l'un, une salle verte
avec un boulingrin, et l'autre, un cloître formé par des berceaux naturels, tous
deux ornées de figures qui se regardent. Au-dessus de ces bosquets, on trouve une
grande allée de traverse, double et plantée de marronniers, avec des ifs entre-deux;
elle vient rendre au grand bassin qui est au Ibout du parterre, et cette allée très
large est percée dans un bois de haute-futaie, où l'on trouve dans le milieu un
grand cercle, où aboutissent les allées d'une étoile pratiquée dans ce bois, et entre-
coupée d'autres allées droites, avec quatre carrefours circulaires et des diagonales
qui rendent aux deux bassins des bouts; celui qui termine cette grande allée est à
pans, et est vu de l'allée de traverse du bout. Toute cette enfilade est terminée par
une grande grille au-dessus de ce bassin, et à chaque angle il y a des niches et des
figures qui sont vues des allées du pourtour des murs, et des allées diagonales
du bois.
Dans le second plan, en face de la façade du bâtiment, on aurait un grand
tableau ou parterre de broderie, avec deux allées garnies de caisses et d'ifs, qui
viennent rendre aux pavillons des ailes de la cour. Sur les côtés du parterre se
trouveraient deux bosquets, l'un découvert à compartiment, et l'autre planté en
quinconce, tous deux percés en étoile et ornés de figures. Au-dessus de ces bosquets,
on pratiquait à l'ordinaire une grande allée de traverse, terminée par des grilles, et
découvrant le grand bassin au bout du parterre.
- 87 -
On suppose au-dessus de ce bassin et de cette allée, qu'il y a une petite
pente douce, qui a obligé de soutenir le terrain par un petit mur, avec deux escaliers
en face des contre-allées du parterre. Ce mur ne règne que de la largeur de la
découverte du milieu, et l'on descend dans les bois, par des rampes douces, qui se
raccordent au niveau des autres allées. Entre ces escaliers, il y a une petite cascade,
formée par trois masques, dont l'eau venant du bassin, fait une nappe dans le
canal, qui tient toute la longueur de la grande allée. Ce canal est cintré par le bout
d'en-haut, et est accompagné de deux allées doubles, plantés d'ifs à l'enfilade de
celles du parterre, et de deux bois de haute futaie qui le renferment fort agréa-
blement, par la variété et la richesse de leur dessin.
Cette disposition est une heureuse distribution, et par les enfilades d'allées
qui se trouvent dans le milieu des bosquets, et qui viennent aboutir aux jets du
boulingrin et du parterre à l'Anglaise, placés sous les ailes du bâtiment. Toutes ces
pièces sont bordées de grandes allées doubles, et de palissades contre les murs, qui
sont coupés aux enfilades des allées par des grilles, et par de petits murs à niveau
des allées avec des fossés, tant au bout du canal, que vis-à-vis les faces latérales du
bâtiment, ce qui cause une belle découverte.
Pour le troisième plan, l'entrée serait en face du bâtiment; d'un côté, une
basse-cour, d'où l'on passe dans un potager distribué assez ingénieusement, les
allées en patte d'oie venant toutes aboutir à un bassin contre le mur. De l'autre
côté de la cour, un petit parterre à l'anglaise, avec une coquille garnie de fleurs ou
de marguerites, dont l'aspect est agréable des fenêtres du bâtiment, à l'alignement
duquel et pour fermer la basse-cour et le petit parterre, l'on a planté de chaque côté
quatre berceaux naturels en portiques qui font des merveilles sur le terrain; il y a
un mur qui les ferme du côté delà basse-cour; mais du côté du parterre à l'anglaise,
les portiques sont ouverts pour y entrer et viennent se rendre dans une salle cou-
verte naturellement, avec un banc à l'enfilade. L'on a pratiqué deux sorties du
bâtiment sous chaque galerie de berceaux, pour y venir prendre le frais. On trouve
encore en face de l'entrée du petit parterre, un grand banc dans une niche de verdure,
renfoncée dans ce boyau de bois, que sauve tous les biais de cet emplacement.
L'esplanade en face du bâtiment est très large, à cause de la décoration des
portiques; elle est remplie par deux grandes pièces de broderie répétées, avec deux
plates-bandes isolées dans le milieu, le tout coupé de cinq allées; les contre-allées
sur les ailes sont bordées par un rang de marronniers plantés dans une plate-bande
avec des arbrisseaux de fleurs entre chaque arbre ; elles sont terminées par des figures
dans des niches renfoncées dans le bois. La grille, l'allée et le bassin du potager
enfilent une de ces niches. Au-dessus de toutes ces pièces est un bassin long cintré
par les deux bouts, avec deux jets qui viennent aux contre-allées du parterre, et de
l'allée double en face, au milieu de laquelle l'on a semé un tapis de gazon.
— 88 —
DISPOSITION GÉNÉRALE DUN JARDIN PAR GALIMARD AU XVIIh SIECLE
Quatre parterres de buis au centre sont encadres par des plates-bandes de fleurs basses, et les quatre par-
terres latéraux en ga^on découpe sur sable de couleur sont encadres d'une plate-bande de fleurs, comme les quatre
parterres sur les faces latérales de la construction. Le fonds est appuyé sur des bosquets et l'ensemble compris entre
deux allées de tilleuls taillés et plantes sur des bords de ga^on.
ELEX'ATION Dl' COTF. DE.S PARIF.KRh
Plan d'une élévation du côté des parterres avec un ensemble de
tnrvTnv^'^^-ri:- i^^-^^H-»^
■*>-iM^^^-^^v^»fe'ç«rPf?f
Dans les modèles de parterres de style Louis XV, ceux de Blondel sont
les plus intéressants. On en distingue de trois sortes différentes: les parterres de
broderies, ceux à compartiments, ceux à l'anglaise.
Ces derniers sont les plus simples n'étant formés que de gazon découpé et
mêlés de quelques légères broderies qu'on entoure de plates-bandes de fleurs.
On appelle encore parterres à l'anglaise ceux de gazon à compartiments
qu'on accom-
pagne de pla-
tes-bandes
formés de bor-
dures et de
buis.
Les
parterres de
broderie sont
les plus ri-
ches, étant
composés de
traits de buis
qui forment
des rinceaux
d'ornements,
que l'on rem-
plit d'un sable
de diverses
couleurs :
on
les accompa-
gne aussi de
massifs de ga-
zon et on les
environne de
plates-bandes
de fleurs.
Ces
parterres te-
nant le pre-
£.-A.-//^ ./^
mier rang
sont ordinai-
rement les
plus voisins
de l'habita-
tion, mais, la
difficulté de
les entretenir
les avait fait
négliger sou-
vent.
Les
parterres de
comparti-
ments sont
faits de mas-
sifs de gazon
ou bien par-
fois ils sont
formés de pla-
tes-bandes de
fleurs qu'on
découpe en
coquilles.
Alors ils con-
viennent
mieux aux jar-
dins fleuristes
Parterre dessiné par Blondel en ijSS
avec massif de fleurs au centre en formes Je plates-bandes et rinceaux.
Situes près
des apparte-
ments, on les accompagne quelquefois d'une légère broderie qui, variant avec les
plates-bandes de fleurs, produit le plus joli effet.
nKCORATION n l'N HELVEDERE DE Al^\C()NERIE ELEVE
SUR CNE TERRASSE .
lOLlLl-L i^ci, .LIliL S'.LliUENCE
— 92 —
»1 .i/cirdin pobfZfftr
>K..Laitcne
Ïj ,7erriutjc' lù- ^oi? tpttftt
^a/Z^t/e i*trtùire atruà
ipoj^ttTf de rtvi
partùn^tvf
P. Ontnde SnJU tù>i,<u
Un^min aoar un Jet
Plan d'i n hahc d'ahkks Bi undei., xviiie siècle, avec trois terrasses s'étageant i.L' canal au château.
93 -
Maison de plaisance de Gentilly.
Entre Gentillv et Arcueil, se trouvait une jolie maison oia M. Branche, l'un
des premiers \iolons de son temps a passé plus de la moitié de sa vie.
Le jardin était regardé comme l'un des plus beaux du pays. Aux deux
extrémités du parterre, il y avait plusieurs salles vertes magnifiques. La façade et
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l'intérieur de la maison étaient fort bien compris. Lorry, le célèbre médecin mort
en 1785 et depuis le banquier Tassin, l'une des victimes de la Révolution en
avaient fait leur maison de campagne. A côté, se trouvait la maison de M. Hocquart
à laquelle on donnait le nom de château. Avant la Révolution, elle avait appartenu
au baron de Beauvais et après lui à la duchesse de Villeroi. Le parc était d'une
grande étendue et bien boisé.
— 94 —
I '-s 1 I
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L'hôtel Pompadour à Fontainebleau.
M. Bourges a donné d'intéressants détails sur cet hôtel décoré de peintures
par Verbeck qui formait primitivement un élégant pavillon carré avec quatre fron-
tons. Il fut construit en 1747. La porte d'entrée d'aspect grandiose, rappelait la
manière de l'architecte Gabriel. D'aucuns affirment que la figure sculptée sur
l'élégante clef du cintre du portail serait le portrait de la marquise de Pompadour.
Il ne formait en somme qu'un pavillon élevé d'un rez-de-chaussée et attique
au-dessus couronné d'une balustrade avec comble à l'italienne. Les appartements
en étaient simples, mais fort jolis.
Les cours assez grandes étaient fermées par des treillages et au milieu de
MF
chacune, une pièce d'eau. Le jardin, du dessin de Lassurance était de toute beauté.
On y remarquait le parterre en gazon orné de tieurs les plus rares, et des petits bois
à droite et à gauche du pavillon, coupées par seize cabinets de différentes composi-
tions autour d'une salle verte. Une ménagerie en rendait l'aspect plus agréable encore.
Louis XV affectionnait beaucoup ce petit hôtel. Parfois, dès le matin, il
s'habillait en tenue de chasse et au lieu d'aller en forêt courir le cerf, il se rendait à
pied chez la marquise. Il se sentait plus à l'aise qu'au palais et souvent, dit Argenton,
il faisait lui-môme sa cuisine pour souper.
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97 —
Type de jardins au milieu du XVIII*^ siècle.
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L'ensemble de la composition est forme d'une grande partie boulingrinée contenant des parterres fleuris, bordée
de deux allées plantées de tilleuls dominant ces parterres. Des perrons correspondant aux axes des compositions des
parterres permettent de descendre dans la partie boulingrinée divisée en deux : la première contient deu r parterres
rectangulaires, cernés de fleurs et gajon avec partie centrale galonnée et /leurs au centre ; des plates-bandes de fleurs
divisées par des motifs circulaires avec des arbres à fleurs, situées à droite et à gauche de l'axe principal de la
composition, doublent ces parterres. La seconde est composée de plates-bandes galonnées formant les angles avec
partie circulaire centrale comprenant un bassin, à laquelle on accède par des perrons ; dès plates-bandes de fleurs
bordées de ga^on et disposées en cercle enfant la décoration.
-«îoîoîi^î».: (5i«x^i^*i^»j*i
o ~ î;
C3 r
Type de jardins au milieu du XVIII'^ siècle.
for,Ln iZi« < composmon, déforme rectangulaire, étau limité par deux grandes allées d'arbres taillés
Jormant penmttre. La perspective était coupée transversalement par deux parties circulaires en communication
avec les allées du penmetre Sur laxe de la composil.on devant rhabitation, se trouvait un ^rand varterTiZ an-
gulaire avec partie centrale de fleurs en losange, et bordé de caisses d'orangers. Dans la partie centrale un grand
n,"lJ'" '^'"■'"/'"' 'j"- "'• ^^'"» *'"-'^'' P^.'- r'. """■^'^"' ^<' P'^'-re entourée de fleurs. Les talus étaient "n laZi
Quatre perrons descendaient dans cette partie boulmgrinee. Sur l'axe principal se trouvait un second partefrl-de
gajon avec fleurs au centre et sentier de découpage. L'ensemble était enveloppé de berceaux de verdureî entre tes
'" " ' " ' ' ' trouvaient les bosquets.
berceaux et les allées latérales .
Milieu du XVIIP siècle
Cette
composition
était formée
de parterres
rectangulai-
res surmon-
tés d'une par-
tie demi-cir-
culaire, com-
prenant des
secteurs de
fleurs bordés
de gazon. La
partie centra-
le était for-
méed'un par-
terre situé
dans l'axe de
la composi-
tion et ap-
puyait un
bassin. Les
parterres à
droite et à
gauche de ce
motif central
étaient for-
més de ga-
zon en bou-
lingrin avec
sentiers de
découpage,
des fleurs en-
cadraient le
tout. L'en-
semble était
accompagné
de berceaux
de verdure.
Sur le pro-
longement
après la par-
tie circulaire,
un tapis vert
bordé d'allées
et de ber-
ceaux for-
mait la pers-
pective de la
composition.
Entre ce tapis
vert et la par-
tie rectangu-
laire étaient
deux grands
bosquets
avec gazon
bordé d'ar-
bres. Sur les
faces latéra-
les de l'ha-
bitation, se
trouvaient
deux petits
parterres de
gazon avec
fleurs dispo-
sées en lo-
sange.
Les
plans de jar-
dins des ar-
chitectes
comme Neuf-
forge sont
plus classi-
ques que les
classiques,
issëMBiMnami
4» «««a^A
**.ti. Ai. t «.A
ils reviennent aux motifs symétriques par rapport au grand axe, le plan projeté
en 1766 pour les jardins du coteau Cambrésis et un autre projet destiné à un
magnifique château en Allemagne l'indiquent nettement. Il faut reconnaître néan-
moins qu'il y a dans la sobriété dont ils sont empreints, un côté de bon goût et de
grande distinction.
De l'art décoratif dans les jardins aux XVIP et XVIIP siècles
Dans l'art décoratif destiné à embellir soit l'architecture, soit le cadre qui
l'entoure. Au premier rang se place la sculpture. Dans la partie qui nous intéresse,
les jardins, c'est aux vases et aux statues que nous devons accorder cette impor-
tance, par la magnificence extérieure qu'ils leur donnent. Dans la décoration d'un
parc, les vases et les statues jouent le plus grand rôle ; certes les eaux y ajoutent un
caractère grandiose, indiscutable, mais elles ne sont pas essentielles, et dans les
petites résidences on peut avec les parterres, avenues, bosquets, donner à un parc
une avenue ^____ ^^^ ^~ . , j qu'ils sont
brillante en "'''^. ^aMB^fejs^ ' destinés a
y ajoutant '♦^fâàS^^fiK^^^^îSÉ^ de beaux
bien dissé-
minés de-ci
de-là des
statues et
des vases.
Il y a bien
des sortes
de vases, le
choix en est
judicieux.
Dans un
jardin mo-
deste ils
doivent être
d'une gran-
de simpli-
cité ; sur
piédestaux
d'un genre
semblable.
Il n'en n'est
pas de mê-
me lors-
dins du xv
parcs dans
de grandes
résidences.
Des
maîtres
comme
Coysevox,
le grand
sculpteur,
en des com-
posi t ions
décoratives
qui font
d'un vase
de jardin,
ou d'une
vasque de
fontaine,
un vérita-
ble monu-
ment des-
tiné à ces
beaux jar-
le calme plas-
et xvni' siècle, s'appliquent à imiter la sérénité,
tique des œuvres de l'antiquité. Cette tête de satyre, bosselant l'anse à volutes
d'un vase de marbre dans le parc de Versailles, n'est-ce pas l'alliance des
formes pittoresques et de l'expression gauloise, rabelaisienne, propre à l'école
française, avec la placidité décorati\e, monumentale, dont la sculpture antique
104
fournit des exemples d'un enseignement si précieux. On ne peut trouver quelque
chose de plus fin et de plus large comme indication. Tout y est pondéré. Quoi
de plus vraiment beau que cette façon de masque grotesque qui pouvait, autre-
ment traité, faire une tache repoussante sur les flancs de ce beau vase ?
Un maître dans l'art du jardinage au xviii' siècle disait que « Les figures
et les vases contribuent beaucoup à l'embellissement et à la magnificence des
jardins, et en
relèvent infi-
niment les
beautés natu-
relles. Il s'en
fait de diffé-
rentes formes
et de plusieurs
matières, dont
les plus riches
sont de bron-
ze, de fonte,
de plomb doré
et de marbre;
les moindres
sont de fer, de
pierre et de
stuc. On dis-
tingue parmi
les figures, les
groupes qui
sont compo-
sés au moins
de deux figu-
res ensemble
dans le même
bloc, les figu-
gures isolées,
c'est- à -dire
autour des-
quelles on
peut tourner,
et les figures
qu'on place
dans les ni-
ches, qui ne
sont finies
que « par de-
vant ». 11 y
a encore les
bustes, ter-
mes, figures
à demi-corps,
demi-nature
et plus gran-
des que na-
ture, appelées
Colossales,
posées sur des piédestaux, scabellons, gaînes, piédouches, socles, sans compter
les figures d'animaux qui ornent les cascades, aussi bien que les bas-reliets
et les masques.
Ces figures représentent toutes sortes de Divinités et de personnages
de l'antiquité, qu'il faut placer à propos dans les jardins, en m.ettant les
Divinités des eaux, comme naïades, fleuves, tritons, au milieu des fontaines
et des bassins; et les Divinités des bois, comme Sylvains, Faunes, Driades,
— io5
dans les bosquets. On représente encore en bas-reliefs, des sacrifices, baccha-
nales, jeux d'enfants sur les vases et piédestaux, qu'on peut orner de festons,
de feuilles, de moulures et autres ornements.
« Les places ordinaires pour les figures et les vases, sont le long des
palissades, en face et sur les côtés d'un parterre, dans des niches et renfonce-
ments de charmille ou de treillage faits exprès. Dans les bosquets on les place
au centre d'une étoile ou d'une croix de saint André, dans l'entre-deux des
allées d'une patte d'oie, au milieu des salles et des cabinets, entre les arbres
ou les arcades d'une galerie de verdure, et à la tête d'un rang d'arbres ou
de palissades isolées. On les place encore au fond des allées et enfilades, pour
les bien décorer; dans les portiques et les berceaux de treillage, dans les
— 106
bassins, les cascades, etc., généralement elles font bien partout, et l'on ne
saurait en avoir trop dans un jardin; mais comme en fait de sculpture, il
faut de l'excellent, aussi bien qu'en peinture et en poésie, il convient mieux
à un particulier de se passer de figures, que d'en avoir de médiocrement
belles, qui font toujours désirer cette perfection ■». Cette description générale
donne une excellente idée de l'emplacement que doivent occuper les vases. Il
n'y a qu'à se conformer à ces indications, car depuis cette belle époque, rien
— 107
n'a été fait qui soit comparable au point de vue de l'ordonnancement et de
la ligne, et Ton peut se guider pour la composition d'un jardin avec vases ou
figures, sur les dispositions des xvii'' et xvni' siècles.
Vase de l'époque Louis XVI.
— io8 —
PIÈCE D'EAU ENTOURÉE DUN PORTIQUE EN TREILLAGE
Provient de la maison de M'i' Colombe à S"-Brice
par Hubert Robert (iy33-i8oS)
Collection de M. Wildcnstein.
Au xviii' siècle, la disposition ci-contre de pilastres alternés de grilles et
surmontés de vases était souvent employée dans les cours et avant-cours pour
séparer les communs ou le potager. Suivant les cas, cette composition était plus
ou moins ornementée, elle allait depuis le simple barreaudage jusqu'aux panneaux
TKAVEES DE CrRILLE POSEES SI^R rN APPUY ENTRE DES PIEDROITS
de fer encadrés d'une frise en fer ouvragé. La fantaisie de cette époque voulait
que toutes les formes de vases puissent s'adapter aux usages spéciaux, et l'on voit
combien ceux destinés aux pilastres, différaient des vases sur piédestaux dans les
jardins. C'est pour cela que dans cette partie de la décoration extérieure, il est
intéressant d'indiquer le genre spécial de vases.
DIVERS DESSEINS DE VASES AI-ItSAOE OE LA DECOiiuVTION
EXTERIEHRE
■'^^"*t^
Vases pour pilastres.
Les vases ci-dessus étaient destinés de préférence à la décoration des pilas-
tres des entrées de jardins, ou à surmonter les portes des cours ou avant-cours.
On mettait ceux ci-dessous sur les dés de ballustrades qui fermaient les terrains
attenant au château.
Comme époque, ils sont de la première partie du xviii'' siècle.
Vases pour balustres.
Il est intéressant de voir comment à l'étranger, on interprétait aux xvii' et
xviii' siècles l'art de la décoration extérieure. La préoccupation n'est plus, comme
chez nous, dans la sobriété de la ligne, dans sa pureté, mais bien de donner
l'impression d'une grande préciosité par l'exagération de l'ornementation. Ils
affectent une forme simple, et ont une tendance à être lourds, étant surchargés de
détails, de fleurs et de guirlandes ciselées.
Un maître jardinier au xviii' siècle disait que « les fontaines et les eaux
sont l'âme des jardins, et en font le principal ornement; ce sont elles qui les
animent, et pour ainsi dire les font revivre. Il est constant qu'un jardin, quelque
FONTAINE DE LÉPOQUE DE LA RENAISSANCE
//
i *
beau qu'il soit, s'il n'y a point d'eau, paraît
,. triste et morne, et manque dans une de ses
^^:^. plus belles parties.
T'^x ;i: La distribution des eaux dans un
i\s jardin est ce qu'il y a de plus difficile;
,t^; elle demande du génie et de l'industrie,
:,-/>; pour faire en sorte qu'une petite quantité
1^1^ " I paraisse beaucoup.
^-•\
f/' On distingue les eaux en plusieurs
manières : il y en a de naturelles et d'arti-
ficielles, de jaillissantes et de plates, de vives et
de dormantes.
On ne peut fixer de vraies places pour les
fontaines et les bassins.
^^ On place ordinairement un bassin au
^^ bout ou dans le milieu d'un parterre.
j. La forme et la figure des bassins
%^ sont ordinaire-
"ïi ment circulaires;
Ij cependant.
Il il y en a
l_y> ' d'octogo-
naux, de
longs,
[fca
(
d'ovales, de carrés, etc. Quand ces bassins passent
une certaine grandeur, on les appelle pièces d'eaux, ^^
canaux, miroirs, viviers, étangs et réservoirs.
« Dans les endroits où il y a beaucoup d'eau
et de pente, l'on peut, outre des bassins et pièces d'eau,
y pratiquer encore des cascades, des goulettes, des ' ' - —
buff'ets d'eau, etc., tant dans les allées que dans les (
escaliers et rampes; rien n'est plus agréable ni plus
commode; les bassins d'en-haut fournissent ceux
d'en-bas, et de l'un à l'autre ils se font jouer par
des décharges de fond ou de superficie.
Les cascades sont composées de nappes,
de bufîets, de masques, de bouillons, de cham-
pignons, de gerbes, de jets, moutons, chandeliers,
grilles, cierges, lames, croisées et berceaux d'eau.
— ii5 —
On les accom-
pagne d'ornements con-
venables aux eaux,
comme de glaçons, de
rocailles, de congéla-
tions, pétrifications, co-
quillages, feuilles d'eau,
joncs et roseaux, imi-
tant le naturel, qui ser-
vent à revêtir le pare-
ment des murs et bor-
dures des bassins. On
les orne de figures dont
le naturel est d'être
dans l'eau, comme de
fleuves, de naïades ou
nymphes des eaux, de
tritons, de serpents,
chevaux marins, dra-
gons, dauphins, grif-
fons, grenouilles, aux-
quels on lait lancer et
\omir des traits et tor-
rents d'eau. N'oilà à peu
près ce qui entre dans
leur composition. »
Cette figure est
faite pour le fonds d'une
allée, ou au bout de
quelque perspective;
elle peut être placée
dans le renfoncement
d'une palissade : c'est
une grande coquille
élevée dans un bassin
et soutenue de conso-
les et feuilles d'eau; au
milieu est une statue
de Vénus sur un pié-
douche porté par deux
dauphins qui jettent
de l'eau. 11 v a deux
— ii6
bouillons sur les côtés de la coquille, d'où l'eau retombe par nappes dans le
le bassin d'en bas.
D'Argenville dit que « : Les cascades sont ménagées sur une pente douce,
coupée d'escaliers, perrons et paliers. La coupe en est soutenue par des dauphins
qui jettent de l'eau. Il y a quatre bouillons généralement placés avec symétrie
dans ce bassin, dont les eaux se déchargent par une nappe soutenue, soit de
tritons ou dauphins qui ornent la tête de la cascade. Ces eaux ensuite tombent
ii8
oï ^ 'j: £
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dans des bassins et se répètent par plusieurs autres nappes, jusqu'à celle d'en bas
qui est de la largeur du grand bassin et qui reçoit toute l'eau, et où il y a
trois gros jets, dont deux répondent à l'enfilade des jets ou chandeliers des
côtés, et le troisième est dans le milieu. Comme ces nappes et ces bassins
seraient trop unis et trop nus sans jets, on accompagne les côtés de cette
cascade de deux rangs de petits bassins appelés chandeliers, qui sont pratiqués
sur chaque palier. Ces jets n'emplissent point les bassins, qui ont dans leur
milieu une crapaudine et un tuyau de décharge pour fournir aux autres, c'est-
à-dire le premier jet fournit au troisième, le second au quatrième et ainsi
des autres.
On met des vases
des pots de fleurs
sur trois rangs de
chaque côté; proche de la palissade est un talus continué depuis le haut jusqu'en
bas, qui est coupé à la rencontre des escaliers.
Placée au milieu de la verdure des arbres et des gazons, la blancheur des
eaux, l'ornement des figures et des vases y forment un mélange et une opposition
des plus agréables à la vue.
Il y a aussi un grand buffet pour être mis à la tête d'une pièce d'eau,
dont le côté d'en haut est soutenu d'un petit mur de terrasse. L'on juge par l'élé-
vation, du bel effet que cette cascade peut faire, et par le plan, de la place qu'elle
occupe. Dans ce bassin à niveau d'en haut, qui est le premier gradin, il y a cinq
gros jets. Ce bassin fait une avance en forme de carré long, échancré dans les
ûi ^ «^
< a, -rj T3
encoignures, et l'eau de ces jets forme des nappes sur le devant, qui sont inter-
rompues par des rocailles placées dans l'entre-deux de ces jets. »
D'après d'Argenville « les fontaines sont après les plants, le principal
ornement des jardins; ce sont elles qui les animent et qui font de ces beautés
uniques pour le plaisir des yeux. On les place dans les plus beaux endroits et les
plus en vue de tous côtés. S'il y a quelque pente dans un jardin, on y pratique
des cascades, des buffets d'eau, qui se répètent par plusieurs nappes accompa-
gnées de bouillons et de jets. Quand l'eau se trouve facilement, on fait des
pièces d'eau et des canaux, qui
sont des morceaux enchanteurs
pour un jardin. On met sur
ces canaux des petites gondoles
dorées pour s'y promener. L'on
met encore sur ces eaux pour
l'ornement, des cygnes, des ca-
nards et des oies de différentes
Brun (ituQ-iGgo).
couleurs, ce qui est fort agréable à la vue. L'on décore les fontaines d'un ordre
rustique enrichi d'ornements maritimes, avec des figures. »
Le projet de fontaine ci-dessus par Charles Le Brun est d'une composition
supérieure; des tritons supportent des coquilles surmontées d'un lys épanoui.
"Wn^^f.ig.
Le Grand Canal au Grand Trianon
Durant le xyii*^ et le xviii" siècle, Trianon fut toujours un centre de réunions,
le roi y donnait des fêtes sur le grand canal, car Louis XIV qui n'était pas encore
installé à Versailles en i663, avait acheté des religieux Génovéfains, les fiefs et
fermes du petit village de Trianon, désigné sous le nom de Triarnum, ce vil
fut alors rasé et son territoire enclavé dans le grand parc. Là, à l'extrémité du
bras septentrional du grand canal, on éleva le galant palais de Flore, «d'abord, dit
saint Simon, maison de porcelaine à aller faire des collations, agrandie pour pou-
voir y coucher; enfin palais de marbre et de porphyre avec des jardins délicieux ».
Ce pavillon fut regardé par tout le monde comme un enchantement. Les vases de
fleurs, les caisses d'orangers, les bassins et les fontaines qui décoraient les jardins
étaient ainsi que le reste autant de chinoiseries. Les vases et les carreaux de faïence
provenaient des fabriques de Lisieux. En 1687, Mansard reçut l'ordre d'abattre la
maison de porcelaine et de construire à la place le palais du Grand Trianon.
Le jardin du Grand Trianon est un des derniers et des meilleurs ouvrages de
Le Nôtre, qui sut dans cet espace de peu d'étendue tirer très habilement parti du
:23
terrain. A Versailles, on s'ennuyait; à Trianon, il était possible de s'amuser.
Dangeau décrit ainsi une de ces parties de plaisir : « Le lo juillet i6gg, Louis XIV
s'établit sur la terrasse de Trianon qui regarde le canal, et y vit embarquer
monseigneur, madame la duchesse de Bourgogne et toutes les princesses. Madame
la duchesse de Bourgogne monta en gondole avec quelques-unes de ses dames, et
demeura sur le canal jusqu'au lever du soleil».
Petit Trianon
Louis XVI abandonna le Petit Trianon à la reine Marie-Antoinette. Le jardin
fut alors entièrement replanté, selon le goût romanesque et pastoral, par les soins du
DE NUIT DANS
DU Petit Trianon, par Chatei.et (1753-1794).
paysagiste Robert, et l'on vit s'y élever, au bord de l'étang, un hameau, avec sa lai-
terie, sa ferme, sa chapelle. La reine prit ce séjour en affection. Elle venait souvent
avec quelques dames et seigneurs de son intimité, s'adonner à la vie champêtre.
C'est sur le théâtre de Trianon que Marie-Antoinette joua le rôle de Colette
dans le Devin du village et celui de Rosine dans le Barbier de Séville. La cour
assistait parfois à de brillantes fêtes de nuit — comme celle dont on voit l'image
ci-contre — reconstituée par Chatelet, et où la reine avait elle-même prévu les
moindres détails pour les illuminations de toutes sortes.
— 124
o
cq -. -^2
t/3 ^
Singes montés sur des boucs
provenant du Labyrinthe de Versailles
C'est dans le labyrinthe de Versailles que se trouvaient les quarante fon-
taines correspondant aux fables d'Esope. Dans l'une d'elles, dite « le combat
des animaux », étaient les deux groupes de singes ci-contre montés sur des boucs.
Il est donc très intéressant d'en donner la reproduction ainsi que la description
de la fontaine à laquelle ils appartenaient.
« Les oiseaux eurent guerre avec les animaux terrestres. La chauve-souris
croyant les oiseaux plus faibles, passa du côté de leurs ennemis, qui perdirent
pourtant la bataille. Ellle n'a depuis osé retourner avec les oiseaux, et ne vole plus
que la nuit».
Cette fontaine est dans un grand cabinet de treillage de fer et de bois,
couvert de chèvrefeuilles, de roses, et autres fleurs. Il est orné d'architecture, et
finit en dôme ouvert par en haut, avec une petite ballustrade autour de l'ouverture.
La corniche et la voûte de ce cabinet sont pleines d'oiseaux de toutes les espèces,
qui ^■omissent de l'eau en bas dans un bassin de rocaille, au milieu duquel s'élève
un rocher; et le long de ce rocher on voit monter plusieurs animaux à quatre
— 126
HUBERT ROBERT
1733- 1808
Collection de M. Ernest Gouin
pieds, qui jettent de l'eau contre les oiseaux. Tout autour du cabinet, sur des
rocailles, on voit encore d'autres animaux, et dans quatre niches, il y en a encore
plusieurs qui jettent une telle abondance d'eau, que cela représente naïvement une
guerre. Mais ce qu'il y a surtout d'admirable, c'est le nombre infini d'animaux
tous en différentes attitudes, et les uns et les autres paraissent en colère et animés au
combat. A l'entrée de ce cabinet, deux singes plaisamment montés sur des boucs,
jettent par surprise de l'eau par un cornet de bronze doré ».
Le labyrinthe était, de tous les boccages du petit parc de \'ersailles, l'un des
plus plaisants, rempli d'une infinité de petites allées tellement mêlées les unes dans
les autres qu'il était presque impossible de ne pas s'y égarer, et pour que ceux qui s'y
perdent puissent le faire agréablement, une quantité de bosquets avec des fontaines
incitaient à s'y attarder : les animaux de bronze étaient coloriés avec leurs couleurs
naturelles. La diversité des fables et la disposition de chaque fontaine faisaient
qu'on ne se lassait pas d'admirer cette prodigieuse quantité d'inventions ainsi que
l'abondance d'eau que projetait chaque animal. Deux figures de bronze peintes
posées sur un piédestal se trouvaient à l'entrée. L'une représentait Esope, l'autre
l'amour. Esope tient un rouleau de papier et montre l'amour ayant en main un long
fil; cette allégorie indique aux hommes le moyen de sortir des fâcheux enchevê-
trements de l'amour par la sagesse dont Esope enseigne le chemin dans ses fables.
Jardin avec bassin et portiques de verdure
de la collection de Mademoiselle Ysnaga
Il est difficile de reconnaître l'emplacement de ce beau parc. Il devait être
situé dans l'une des colonies anglaises vraisemblablemicnt. Par la richesse de ses
arbustes et de ses treillages il appartient à un pays de végétation puissante. Ses
belles plantes des zones tropicales, sub-tropicales, ou australes l'indiquent.
L'ensemble de ce parc est arrangé avec beaucoup de goût, on y trouve
l'induence d'un style anglais et italien. Il est garni de quantité de belles flores
exotiques. Il y avait entre les colonies et la Grande-Bretagne un commerce actif
dont on voit la trace dans l'horticulture anglaise à cette époque, L'Angleterre
possédait à la fin du xviii'^ siècle de nombreuses espèces de plantes provenant de
l'Afrique, de l'Inde, des îles de la Sonde ou de l'Océanie, de l'Australie et des
Amériques. Ces spécimens très rares y furent soignés merveilleusement dans les
serres, telles que celles de Kew, véritable paradis exotique, sous verre, qui donnait
l'illusion des paysages tropiques. Des naturalistes comme Bridges n'hésitaient pas
à faire des milliers de lieues pour rechercher ces flores rares et les rapporter en
Angleterre.
128 —
! ¥
~ a.
SI <3
fei "SÈ^
Statue;
Le mot statue vient du mot latin « Statura » taille du corps, ou de « stare »
être debout. Dans le célèbre ouvrage de Blondel «Traité de la décoration, distri-
bution et construction des bâtiments, contenant les leçons données en 1760 à
l'Ecole des Arts » il est établi une distinction qu'on ne fait guère plus de nos jours,
entre les statues et les figures. Les premières sont des ouvrages de sculpture
représentant des personnages, et les secondes sont destinées à reproduire des
attributs, des S3^mboles ou des allégories, nues ou drapées, en groupes ou isolées,
et aussi indiquer, avec le style de l'ordonnance qui domine dans la décoration,
l'usage ou l'idée qu'elles représentent.
3o
On peut dire que les statues doivent avoir avec les jardins des rapports
d'harmonie importants à observer, c'est celui du style de leur sculpture.
Celles qui décoraient les parcs étaient des sculptures allégoriques, dont
l'objet exprimait la personnification de quelque qualité abstraite, comme la gloire,
la force, la beauté ou des effets de la nature et de ses œuvres, comme les saisons,
les parties du jour, les éléments, ou encore des spécimens de races, des royaumes,
des villes, des provinces, qu'on représentait avec les symboles de leurs productions,
ou de leurs personnalités.
L'étude de la sculpture nous ramène aux Grecs. Ce ne fut que 3oo ans
après Cécrops que les artistes Grecs commencèrent à reconnaître la difformité des
anciennes statues, à quitter la routine des Egyptiens, à imiter dans leurs ouvrages
i3
les beautés de la nature, à donner à leurs
têtes cette belle expression, et enfin à toutes
leurs figures, cette supériorité, cette touche,
cette élégance et cette finesse inconnues
jusqu'alors; ce sont ces peuples perfectionnés
qui, après avoir découvert les proportions de
l'architecture, surent aussi faire respirer le
bronze, et donner la vie au marbre. Ce fut
chez eux que Prométhée excella dans cet art
divin; ce qui fit dire de lui qu'il avait volé
le feu du ciel, parce qu'il avait su faire, pour
ainsi dire, un homme vivant, a^•ec de l'argile.
Ce fut encore chez
eux que Dédale sut
donner à ses statues
l'attitude d'un homme
qui est en mouve-
ment, et que Scelmis
ou Solmis à Samos
fit cette belle statue de
Junon, l'un des chefs-
d'œuvre de l'antiquité.
Ce fut aussi dans cette
même ville que l'on Mt
naître l'Apollon
du Belvédère,
figure inimita-
ble, et qu'Athè-
nes posséda cette admirable figure du Gladiateur,
ouvrage de premier ordre, et dont tant de belles
copies ornent aujourd'hui les palais. Néanmoins tant
de beautés et de perfections n'étaient encore que l'au-
rore d'un beau jour, qui devait briller sous le gouver-
nement de Périclès, génie heureux, et citoyen soucieux
de la gloire de sa patrie.
Les circonstances favorisèrent les vues utiles
de Périclès, les victoires remportées sur les Perses
échauffèrent l'imagination des vainqueurs; la paix
amena l'aisance et les loisirs qui assurèrent à jamais
— l32 -
E PrI
MAG^
i. s
Q
la gloire de la sculpture. Dans la suite ses successeurs, Alcibiade, et les Pausanias
à Athènes, les Lisandre et les Agésilas à Lacédémone, les Epaminondas à Thèbes,
les Denis à Syracuse, l'oppresseur même de la liberté de ces peuples, Alexandre
le Grand, imitèrent un si bel exem-
1 --smii ^ P'^' encouragèrent les artistes et leur
facilitèrent des succès constants et
multipliés.
Les gymnases, où la jeunesse
nue s'exerçait au pugilat ou autres jeux.
9ncrairc- .
iPnrJ'cm.t Jii-amha-: ■'., 'Jar
fournissant aux Grecs
l'occasion de contempler
les plus beaux modèles
sans voile, furent les
'JUincnie-
OiniJ jAiAouici-iffa
i34 —
écoles des artistes; ils y venaient étudier la nature, apprendre à la copier, à
l'interpréter, leur imagination s'échauffait à l'aspect des plus belles nudités. De-là,
ils parvinrent à la variété des formes; les belles oppositions leur devinrent
familières ; ensuite ils cherchèrent à adapter pour ainsi dire, les parties d'un
individu à celles d'un autre, et surpassèrent par là la perfection du corps humain:
ce qui rend aujourd'hui leurs chefs-d'oeuvre si nécessaires aux artistes et si
intéressants aux amateurs.
Ces exercices alors si fort en usage, les courses de chars, d'hommes et de
chevaux, la lutte et tant d'autres jeux, célébrés avec éclat dans plusieurs villes de
l'Attique, du Péloponèse, fournirent donc aux sculpteurs de nouveaux moyens de
se perfectionner. Cypselus, roi d'Arcadie, avait institué des jeux où l'on disputait
aussi le prix de la beauté. Depuis on célébra ces mêmes jeux à Sparte, à Lesbos,
à Paros, dans le temple de Junon, ce qui fut très favorable à l'art; il s'éleva et se
perfectionna à l'ombre de la liberté qui régnait chez ces peuples. Ainsi la sculpture
fut toujours employée à des usages nobles et élevés; elle n'était destinée qu'aux
divinités, aux objets sacrés, ou à ce qu'il y avait de plus utile pour la patrie; elle
ne fut pas asservie aux caprices des riches particuliers. Tout ce qui s'exécutait en
ce genre, était digne des grandes entreprises de la nation ; chaque ville de la Grèce
voulait posséder les plus belles statues des Dieux, des Héros et des artistes célèbres
de leur temps.
Phidias par son Jupiter Olympien et la statue de Minerve, du Parthénon,
en remporta le prix sur tous ses prédécesseurs et ses rivaux, et ouvrit à ses
successeurs le chemin de l'immortalité. Lisippe mérita d'être préféré à ses contem-
porains, pour avoir modelé et jeté en fonte la statue du vainqueur de l'Asie. Cette
belle Vénus qui fut une des principales curiosités de la galerie de Florence, sortit
des mains d'Apollodore. La Vénus de Praxitèle et celle de Scopas sont autant de
témoignages de l'émulation des artistes Grecs.
Ce qui est certain, c'est que rien ne prouve mieux la magnificence des
Grecs à cet égard, que ce qu'en rapporte Pausanias, qui dit avoir vu dans les
diverses provinces de la Grèce qu'il parcourut, environ deux mille huit cent vingt-
sept belles statues de différentes matières, quoique depuis près de trois siècles les
Romains avaient ravagé l'iipire, et que de son temps Néron eut déjà fait enlever
de la seule ville de Delphes près de cinq cents statues.
Mais sans vouloir citer ici toutes les merveilles des statuaires Grecs, disons
que Callimaque s'est assuré une gloire immortelle par la découverte du chapiteau
Corinthien, ouvrage admirable dans son genre, qui, dans la suite, a produit
d'autres chefs-d'œuvre, qui tous ont contribué à rendre l'architecture plus recom-
mandable, et à nous faire sentir combien cet art est redevable aux Grecs.
— i35 —
En fouillant la terre, on vit les ouvrages de la Grèce sortir des ruines de
Rome. Les chefs-d'œuvre de sculpture qu'on en tira, devinrent l'objet de l'envie
des divers Souverains de l'Italie, qui voulurent en embellir leurs palais et leurs
maisons de plaisance. La France éclairée par François i", eut les mêmes désirs
et put les satisfaire: ce fut alors qu'on admira à Fontainebleau cette belle Diane
chasseresse. On acquit sous Louis XIV, la Vénus d'Arles, la Junon de Smyrne, et
une infinité d'autres antiques ornements de Versailles, qui font revivre de nos
jours la réputation des Anciens.
Les Français et les Italiens, possesseurs alors des richesses des Grecs, en
firent un meilleur usage que les Romains; et tandis que Michel-Ange se faisait
admirer dans la nouvelle Rome, Jean Goujon et Germain Pillon surprenaient
Paris, par des ouvrages qui avaient été jusqu'alors inconnus en France; bientôt
les célèbres artistes Français dans ce genre attirèrent autant d'amateurs et de
connaisseurs dans cette capitale, que les Grecs et les Romains en avaient attiré
dans Rome. Rien n'est plus surprenant en effet, que la rapidité des progrès de nos
sculpteurs depuis cette époque, et l'on peut dire qu'ils atteignirent le but presqu'en
entrant dans la carrière; aujourd'hui notre école Française, attentive à marcher sur
les traces de ses prédécesseurs et de la belle antiquité, décore non seulement la
capitale et les pays étrangers de ses chefs-d'œuvre, mais son ministère relève
l'éclat de l'architecture.
Sans la sculpture, l'architecture se trouverait souvent réduite à la sûreté,
à l'utilité et à la solidité. C'est par son secours que les édifices, les places publiques,
les maisons royales deviennent des monuments dignes de la nation. C'est par elle
qu'ils se trouvent embellis extérieurement par des statues, des groupes, des bas-
reliefs, des vases, des grottes, des cascades et des fontaines. Ces ouvrages exécutés
par la plupart de nos statuaires célèbres sont autant d'objets intéressants qui attirent
les regards, fixent l'attention et symbolisent l'architecture qui leur a donné lieu.
C'est par elle enfin et par le ministère des ornemanistes sculpteurs, classe
particulière et non moins estimable, quoique dans un autre genre, qu'on est
parvenu à donner à l'intérieur de nos appartements, cette élégance enchanteresse
qui plait à tous.
On appelle gaine, un piédestal isolé, qui a moins de base que de sommet,
et dont le plan est quadrangulaire, circulaire ou à pans, destiné à soutenir une
figure ou un buste de bronze ou de pierre. Cet enrichissement d'un parc appartient
autant à l'architecture qu'à la sculpture. Et on peut le considérer comme un
meuble ou comme un accessoire de jardin, tels que les gaines du salon des Maures
à Meudon, ou celles des bosquets de Versailles, et des terrasses des Tuileries. Les
termes, qui soutiennent des figures à demi corps, ne doivent être placés que dans
les parcs ou dans les galeries à l'intérieur.
— i36 —
- i37
Vasques
A ces époques,
où Tart de la décora-
tion extérieure jouait
un si grand rôle, on
trou\e dans les jardins
des vasques de toutes
formes, servant à l'usa-
ge des eaux, en général ;
mais, l'imagination des
décorateurs allait jus-
qu'à en faire des cor-
beilles de fruits et de
fîeurs en pierre sculp-
tée. Leur arrangement
était si remarquable,
que la décoration à elle seule, suffisait à leur donner grand air
sans même y ajouter les effets d'eaux jaillissantes. Il n'y avait
rien de plus joli pour scander une perspective que cette suite de
vas'ques les unes au-dessus des autres, par groupe ou séparé-
ment suivant les besoins de la composition. Les vasques n'étaient
pas toujours de pierre sculptée; on en faisait en marbre, en
plomb doré, et exceptionnellement en terre cuite. Un socle ou
groupe servait à les supporter.
38
APOLLON ET DAPHNÉ
Fin du X VIII' siècle
Collection Doiicet.
La mode des jardins anglais pénétra en France à la lin du xvin' siècle.
Alors ce n'était que temples ou behédères. Si Kent a eu la gloire d'introduire
dans son pays l'art de composer ces jardins, il n'en n'est pas l'inventeur; car en
dehors de leur origine Asiatique, il y avait en France un célèbre jardinier pavsa-
giste Dufresny, à peu près contemporain de Le Nôtre, qui « dit un auteur de
l'époque, avait un goût dominant pour l'art des jardins; mais les idées qu'il s'était
faites sur cet art, n'a^•aient rien de commun avec celles des grands artistes du
xvn^ et xv!!!*^ siècle. Il ne travaillait avec plaisir, et pour ainsi dire à l'aise, que sur
un terrain inégal et irrégulier. Il lui fallait des obstacles à vaincre, et quand la
L. MûRrtu. CoLi ECTiON DE M Rruck
nature ne lui en offrait pas, il s'en donnait à lui-même. Il disposa dans ce goût les
jardins de Mignaux près Poissy, ceux de l'abbé Pajot près de Vincennes. Dufresny
passa les dix dernières années de sa vie à composer des paysages Louis XIV, qui
l'aimait beaucoup et qui connaissait son mérite, lui avait accordé un brevet de
contrôleur de ses jardins. Il avait présenté au roi deux plans différents de jardins
pour Versailles, et les plans, pour lequel il n'avait consulté que ses idées
singulières, ne furent pas acceptés à cause de l'excessive dépense que demandait
leur exécution ».
[40
LA CRUCHE CASSÉE
par Debucourt i-bb-iS32
Collection de M. Maurice Fenaille
%
Pour l'ornement d'un parc les palissades, les ifs, les buis jouent un grand
rôle. Dans les plates-bandes ces derniers sont d'une utilité absolue. Les figures
ci-dessus peuvent servir de modèle.
La première en haut indique que dans les palissades on doit laisser pousser
des baliveaux de charmille auxquels on donne la forme désirable, et qui servent
\ X
à rompre la monotonie des lignes. Cela dans le caractère de l'époque et suivant le
style du jour.
— 141 —
Les plates-bandes de la deuxième figure sont serties par un buis avec un petit
sentier de sable de couleur. On fait alterner un petit if taillé en cône avec la charmille.
Dans la quatrième figure il n'y a qu'une plate-bande de gazon avec des ifs
taillés soit en cône, soit en formes variées.
Enfin la plate-bande d'en bas comporte un gazon serti de buis avec sentier
de sable de couleur s'entrecroisant avec des petits ifs taillés en cône et en formes
diverses.
« L'if est un des plus beaux arbrisseaux verts, il est grand ou petit, en un
mot a toute sorte de formes. Son bois est fort dur, son feuillage très garni et
d'un vert foncé des plus agréables à la vue. Il est propre aux palissades, comme
aussi à garnir les plates-bandes des parterres.
142
Le buis est l'arbrisseau vert le plus en usage et le plus nécessaire dans les
jardins. Il y en a de deu>c sortes : le buis nain appelé buis d'Artois, dont les feuilles
sont semblables à celles du myrthe, mais plus vertes et plus dures. Il sert à planter
47-4— rx^^:i-":^i45^4>
la broderie des parterres, et les bordures des plates-bandes, et on le nomme buis
nain, parce que naturellement il ne croît pas beaucoup. La seconde espèce est le
buis de bois, qui monte bien plus haut, et a les feuilles plus grandes que l'autre.
ce qui le rend propre à former des palissades et des touffes vertes; son bois est
jaunâtre et très dur. On en fait quantité de petits ouvrages comme des boules,
des cônes.
Dans les plates-bandes on espace les ifs, et l'on met un arbrisseau entre
deux. Il vaut mieux dans les plates-bandes tournantes et circulaires planter les ifs
à distance égale les uns des autres et le plus droit possible pour la perspective. »
143
Fabriques
A la fin du
xviii' siècle, lors
de la grande
vogue du style
paysager, il était
d'usage de cons-
truire ça et là des
petits bâtiments,
soit des kiosques,
des pagodes, des
ruines, des tem-
ples en bois peint,
des tours à dix
étages, enfin une
multitude de bâ-
tisses qu'on appe-
lait des « fabri-
ques ».
Ui tTi-ij- A
Souvent
ces assemblages
étaient très dé-
placés; mais ils
étaient de mode.
On en voit quel-
ques types dans
les images ci-
contre; ils em-
pruntaient la plu-
part de leurs for-
mes au style chi-
nois. La Chine et
la Turquie ser-
vaient alors de
modèles aux
constructions de
ce genre.
— 144 —
Jardins
en
Allemagne, Espagne, Flandres,
HORTORVM
V I RI DARI O
RVMQVZ
|! H.^im l^T-J muftiphns Joi mae
in 1 1 rfconuae ,iitis noimam cif
JaSre .Cmmti^ , lohanne 1 >f.{man
no jr,..,o
■••'"■■■^-•'-iJ
Grande-Bretagne, Italie, Russie, Suède
Allemagne
146
L'Espagne sous Tinfluence Arabe
L'Alhambra et le Généralité rappellent le style mauresque. La devise des
rois de Grenade y est inscrite à plusieurs reprises, ça et là. Le canal d'eau revêtu
de marbre, les cyprès et les orangers qui le bordent donnent à ce coin du mer-
veilleux palais un charme indicible. Et l'Espagne est actuellement le seul pays
du monde où l'on retrouve de nos jours des jardins du treizième siècle — tels
qu'ils ont été créés — et cela est fort intéressant à constater.
148 —
Flandres et Pays-Bas
La Néerlande étant un pays plat devait se prêter aux jardins symétriques
— avec les grands carrés, les triangles, losanges et étoiles — mais ce n'était pas le
style large de Le Nôtre. Au prestige du dessin ils préférèrent les couleurs. Leurs
allées étaient sablées de rose, blanc, jaune et rouge. Pas de statues, mais des
bergers, des soldats peints au naturel. Les kiosques étaient revêtus de carreaux de
faïence. Tel était le goût néerlandais sauf dans les grandes résidences des Nassau
^ft*Lw^î-^-.-
ZUYLFSTEYN AU CoMTE FrEDFRIC DE N/
et des Orange où le style français avec ses terrasses, parterres, statues et bassms
l'emportait, comme ci-dessus à Zuylesteyn.
M9
Grande-Bretagne
Avec William Kent qui fut l'auteur des premiers jardins anglais au
xviii^ siècle, on peut citer Pope, l'illustre poète qui créa à Twickenham un
"'V^^f^^l
charmant parc dans le style paysager. Les dessins de Kent faits dans les parcs
de Carlton house et de Ronstham, alors, se ressentent de Twickenham. Kent
i5o —
^ s
EATON HALL
Au Duc de Wesiminster.
fit encore le jardin de Claremont, avec son joli lac, celui d'Esher, de Kensington.
Après lui, Brown transforma Blenheim, près d'Oxford, donné à titre de
récompense nationale au duc de Marlborough; ce parc primitivement arrangé dans
le style français fut ainsi retait et défait à plusieurs reprises. De nos jours il a
été retransformé dans le plus pur style français par le duc actuel. D'ailleurs les
Lyme Hali, a M' Thomas Legh.
parcs de Stowe et de Long Leate subirent à la fin du xviii'' siècle une méta-
morphose semblable à celle de Blenheim. Ce fut à Kew, l'un des domaines préférés
des rois d'Angleterre au xviii' siècle, que l'on introduisit pour la première fois le
genre chinois. Chambers y plaça une pagode, une tour à clochettes, des temples.
Brown créa encore Sion au duc de Northumberland.
i54 -
HOAR CROSS
A M. Meynell Ingram.
Itali
le
Sous l'influence des papes et des grands seigneurs de l'époque de la
Renaissance, l'Italie vit de superbes demeures se construire au milieu des plus
beaux jardins. Il y eut alors ce qu'on appela : « le jardin romain », comme chez
nous « le jardin français » au xvn^ siècle.
Les villas italiennes étaient encadrées de jardins à l'antique. Comme les
Romains de la fin du règne d'Auguste, toute personne de haute condition avait sa
villa, qui ressemblait aux villas impériales, Burckardt disait : « Il ne s'agit pas
d'imiter la nature avec ses hasards, il s'agit de mettre la nature au service des lois
VEK.0 DISSEGNO DELI STVPENDI EDEFITIJ GIARDINI BOSCHI
E MARAVEGLIOSE DI BELVEDERE IN ROM A
Les Jardins'du Belvédère en 1579, par Van Schoël.
de l'art. L'Italie ne comprend ni le partage ni la sentimentalité élégiaque de la
nature. »
Pendant le seizième et le dix-septième siècle les palais et les villas se
multiplièrent et les jardins atteignirent alors un degré de perfection auquel le
temps ne put rien ajouter : galeries de marbre, pavillons, belvédères, bassins,
jets d'eau, vases, balustres et statues, rien ne manquait pour en rendre l'aspect
- i57
'a D'eue de ùz 'JJiqne .Sampruie du Co^t/ des Sa/nUiu
des plus brillants. C'est la distribution panoramique et symétrique, c'est le jardin
de parade avec son cadre de terrasses et ses escaliers à rampes, c'est un ensemble
presque partait.
La villa d'Esté à Tivoli est l'œuvre du cardinal de Ferrare, et fut bâtie
vers i55o. Les terrasses étaient célèbres, ainsi que les berceaux à portiques et les
tonnelles. Les fontaines étaient sous l'invocation de divinités mythologiques telles
que Vénus, Diane, Pomone, Bacchus, Neptune. D'innombrables jets d'eau complé-
taient ce beau cadre, le tout sur les dessins de Pierre Ligorio. Actuellement encore
HORTVS ET PALATIVM ATESTINORVM TYBVRI
/./. lAUJII.VrTiF l'M.AI.iA Cote j,r 1. Vll.l.K ,.a Tl^OJL/ „v--y A .\ss.<rKi;!KtM .-„. TICICl:, M nrrrrf ,. j-.
<
■1 il 1) i] »i n .1 il j_a
de la villa on jouit d'une vue magnifique sur la campagne de Rome et sur les
avenues de grands cyprès séculaires.
i6o —
^i^m^
^4 ■ -1
Villa Gambaka f.r,r,/,j
\.^... G.K.UI.,
Russie
PETERHOF
'après le dessin de Lespinasse au xvni« siècle.
Suèd(
JACOBS DAHL
d'après le Comte Eric de Dalberg, 1693-1714.
Ekholmen.
Collection de M. Th. Bé
166
Jardins de l'Orient
Arabes — Assyriens — - Chinois — Indo-Ctiinois — Hindous
Japonais — Persans — ■ Siamois — Turco- Egyptiens -Mauresques
Dans les jardins d'Orient, les plus anciens et les plus célèbres, furent ceux
de Babylone. Les jardins assyriens étaient gigantesques. Etablis à grands frais par
les rois qui voulaient léguer à la postérité une idée de leur puissance, ils se
trouvaient généralement au sommet des villes. Les jardins suspendus de Babylone
indiquent bien ce genre d'architecture. Ils furent, croit-on, l'œuvre de Sémiramis.
167
Il est encore possible d'en voir les fondations à Hellah, sur la rive de l'Euphrate.
Le jardin était de forme carrée, on y montait par des marches aboutissant à des
terrasses superposées. Les terrasses étaient supportées par d'énormes colonnes. Le
sol était planté d'arbres rares, et par des machines hydrauliques très bien dissi-
mulées, l'eau du fleuve montait jusqu'au sommet. C'était les jardins les plus
complets de cette époque.
Au temps des Pharaons, les jardins se divisaient en deux catégories : les
jardins sacrés et les jardins particuliers. Les premiers entouraient les temples, ils
étaient plantés de palmiers et de sycomores avec de larges bassins de porphyre où
poussait le lotus, et où nageaient les animaux-dieux, tels que le crocodile sacré.
Les seconds, étaient situés générlaement sur les bords du Nil et contenaient un
grand canal, qui venait du fleuve et alimentait les vastes bassins, où le maître se
promenait dans une barque conduite par les esclaves. Ces jardins étaient entretenus
avec beaucoup de soin. Une rangée de palmiers formait le mur d'enceinte où se
trouvait la grande porte d'entrée. Puis c'était des carrés de sycomores, de dattiers,
de grenadiers, alignés au bord des allées ou des plates-bandes, et destinés à ombra-
ger la promenade du seigneur. Enfin il y avait des kiosques ou pavillons à
colonnettes pour les logements du gardien.
Chine
La description au xviii'= siècle en Chine d'un jardin voulait que « Les
Chinois aient orné leurs jardins, de bois, de lacs, et de tout ce qui peut récréer la
vue. Il y en avait qui formaient des rochers et des montagnes artificielles, percées
de tous côtés, avec divers détours en forme de labyrinthe, pour y prendre le frais. »
XC^^
L Empereur dk Chine au xviii< siècle.
Un fameux peintre Chinois Lepqua disait aussi que la nature est leur
modèle, et leur but est de l'imiter dans toutes ses belles irrégularités.
— 169 —
Jardins de l'Empereur de Chine au xviii siècle.
170
Comme les Chinois n'aiment pas la promenade, on trouve rarement chez
eux les avenues, ou les allées spacieuses de jardins de l'Europe. Tout le terrain
est distribué en une variété de scènes, et de paysages tournants, ouverts au milieu
des bosquets, pour arrivera de différents points de vue, indiqués par un siège, par
un édifice, ou par quelqu'autre objet. La perfection de leurs jardins consiste dans
le nombre, dans la beauté et dans la diversité de ces scènes.
Ils y introduisent aussi des rocs artificiels, et ils surpassent toutes les
autres nations dans ce genre de composition. Ces ouvrages forment chez eux
une profession distincte : on trouve à Canton, et dans la plupart des autres villes
171 —
de la Chine, un grand nombre d'ouvriers constamment occupes à ce métier.
Dans les bosquets, les Chinois varient toujours les formes et les couleurs des
172
arbres. Rien de plus curieux que les moyens qu'ils emploient pour exciter la surprise.
Ils vous conduisent quelquefois au travers de cavernes, et d'allées sombres, au sortir
desquelles vous vous trouvez subitement frappés parla vue d'un paysage délicieux.
Galerie de Fleurs du Palais de Wan Shou Shan.
Le palais de l'empereur à Pékin et ses jardins n'offrent rien que de grand
et de véritablement beau, soit par le dessin, soit par l'exécution. Rien en France
ou en Italie n'y est comparable. Les jardins sont délicieux. Ils consistent dans un
grand terrain où l'on a élevé de petites montagnes.
Plusieurs de ces maisons ou palais, sont bâties en bois de cèdre, qu'on
amène à grands frais de cinq cents lieues de Pékin.
Les canaux ou rivières sont coupés par des ponts de distance en distance.
173 -^
wyy//MmMmM'''' -iirn-n^»-
Entrée du Pao-Hè.
Mais l'endroit le plus charmant, est une île ou rocher d'un aspect très sauvage, qui
s'élève au milieu. Sur ce rocher, est bâti un palais, où l'on compte plus de cent
chambres ou salons. C'est l'endroit où habite ordinairement l'empereur, et où
logent aussi toutes les femmes, l'impératrice, les Kouce-Fey, les Fey, les Pins, les
Koucigin, les Tchangtsai, qui sont les titres des femmes, selon qu'elles sont plus
ou moins en faveur. Le nom de l'impératrice, est Hoanghéou; celui de l'impératrice
mère Tay-Héou. Et l'ensemble de cette étonnante maison de plaisance s'appelle
Yven-ming-yven, c'est-à-dire « Le jardin des jardins ».
Imiter la nature, telle est la formule la plus exacte du jardin chinois. Tantôt
sous un côté sévère, tantôt d'une façon riante. On imite la nature en diversifiant à
son exemple les bords des rivières et des lacs. Les rivières ne suivant pas les lignes
- 174 —
ESCALIKR d'entrée DU Pa()-HÈ
droites, on les rend tortueuses, en les faisant serpenter. On construit des moulins
pour animer la scène. On crée des îles au milieu des lacs, avec des rocs artificiels.
Les bosquets sont de formes variées et les teintes des arbres de couleurs différentes.
C'est de ces diversités que vint en Europe le goût des « chinoiseries ». Les résidences
champêtres des « Fils du ciel » comprenait une quantité de petits kiosques enfermés
dans une vaste enceinte : une sorte de ville minuscule. On y travaillait la terre et
l'empereur retournait à Pékin, après avoir vu les ennuques moissonner les récoltes
dans son parc. Certes, les jardins paysagers en Europe ont été sous l'mtluence
chinoise au point de vue horticole, mais leur origine remonte aux anglais, prmci-
palement.
- 175
Cambodge, Indo-Chine
76
Dans cette gravure d'Anglcor, on s'est attaché à reconstituer autant que
possible une partie de la splendeur de ces merveilleux monuments, qu'était la
pagode Angkor Wat. On accédait à l'entrée principale par une large avenue bordée
de verdure au milieu d'une forêt de palmiers. Les dispositions intérieures laissent
croire que ce n'était pas un temple, mais plutôt l'ancien palais des rois d'Angkor.
La pagode royale d'Angkor Wat est celui des monuments Kmers qui a le
mieux résisté aux ravages du temps. On trouve d'abord une gigantesque chaussée
décorée de lions fabuleux et de prodigieux dragons à neuf têtes; cette chaussée
s'avance au milieu des jardins situés en contre-bas, et avec lesquels elle commu-
nique par de larges escaliers ; aux extrémités de leurs rampes de pierre, se dressent
des monstres, étranges. La chaus-
sée est entourée d'eau où se reflè-
tent les animaux de pieirc.
Chez la reine de Siam se trouve un jardin aussi délicieux que curieux ;
c'est un vaste enclos qui contient en miniature tout ce que Ton trouve en grand
dans le monde. Il renferme des montagnes factices, des bois, des rivières, un lac,
avec des îlots et des rochers, des petits vaisseaux, des barques, un bazar ou marché
tenu par les femmes du palais, des pagodes, des pavillons, des belvédères, des
statues, et surtout des arbres à fleurs et à fruits apportés des pays étrangers.
Pendant la nuit ce jardin est illuminé par des lanternes et des lustres ; c'est là que
les dames prennent leur bain avant de se retirer dans leurs appartements.
177
Jardins Hindous
Il V a sur le lac de Cachemire nombre d'îles qui sont autant de jardins de
plaisance, le plus beau de tous est celui du roi Ghah-limar. Du lac, on y pénètre
par un grand canal bordé de gazon, entre deux larges allées de peupliers. Les
extrémités du canal sont entourés d'une galerie et reliés au bord par deux ponts
ornés de colonnes tirées
d'anciens temples païens.
Telle est la description de
M. Bernier.
Une des parties les
plus curieuses du palais
d'Oudeypour,le plus grand,
le plus beau de l'Inde, est
sanscontredit son \aste jar-
din; on est étonné de s'y
trouver à une si grande hau-
teur avec des arbres cente-
naires et de beaux parterres.
Au centre du jardin est un
bassin, d'où rayonnent des
,, -11 j avenues de marbre blanc;
leau circule dans des canaux
incrustés et se perd au mi-
lieu des bosquets d'orangers
et de grenadiers. Autour est
une galerie de marbre où
sur des sofas en velours le
Maharadja vient passer les
heures de la sieste... Dans
ce jardin, une des belles
allées conduit au « Palais
du Plaisir ».
L'image ci-contre
représente les jardins du pa-
lais de Digh. M. Rousselet
dit que c'est une des plus
antiques cités de l'Inde.
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Pr^SP
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Vers 1725, l'un de ses rois y construisit un splendide palais, considéré comme la
merveille de l'art hindou. 11 est placé au centre d'un grand jardin planté d'orangers
et d'arbres fruitiers, et traversé par de belles avenues dallées de pierres avec des
canaux. De superbes pavillons reliés les uns aux autres par des terrasses, enca-
drent les parterres. A l'extrémité de l'allée centrale s'étale un étang célèbre dans les
légendes hindoues, où il est désigné sous le nom de source de Krichna. On prétend
que c'est sur ses bords que le Divin Berger venait faire danser, au son de la flûte,
les bergères de Diràghpoura. Cet étang est dominé par une terrasse plantée de grands
arbres et garnie de plusieurs kiosques. L'un de ces kiosques est un édifice de pierre
entouré à sa partie supérieure d'une gouttière qui, lors des fêtes, laisse tomber une
nappe d'eau formant un véritable mur de cristal; de nombreuses gerbes éclatent
tout autour en bouquet.
Jardins du Palais de bi
^79
Japon
Les jardins de Mvako, 1799, par Sakouma Nishimoura.
Collection du Musée Guimet.
180 —
Il n'est pas de jolie demeure japonaise de la bonne bourgeoisie qui n'ait
son jardin, asile sacré de la solitude, de la sieste et des longues libations de thé
ou du saki. Telle est l'opinion d'un Européen qui a vécu au Japon, M. Humbert.
Si le pays est riche en rochers, en jolis vallons, en grottes, en sources, en étangs,
le Japonais l'utilise de la manière la plus ingénieuse, pour réunir dans un étroit
espace les agréments d'un paysage varié. Si la nature n'y suffit pas, on a soin
d'isoler l'enclos au moyen de haies vives ou de palissades et de cloisons de
i8i
.KS JARDINS UE MyAKO. l/QQ.
Collection du Musée Guimet.
182
bambous recouvertes de plantes grimpantes. Quand il y a une entrée de jardin sur
la rue, on jette un pont rustique sur le canal qui est devant la porte, et on dissi-
mule celle-ci sous des touffes d'arbres et d'arbustes aux épais feuillages. A peine
en a-t-on franchi le seuil que l'on se croirait dans une petite forêt vierge, bien loin
Jardin japonais le M. Kr
JOLY EN JOSAS.
de toute habitation humaine. Cependant des quartiers de rocs négligemment
disposés en escalier, engagent le visiteur à gravir la colline et tout à coup, dès
qu'il en atteint le sommet il découvre à ses pieds un spectacle charmant; il voit au
— i83 —
Jardin japonais de M. Krakt a Jouy en Josas.
Iaruin japonais dk M. Kraft a Jouy en Josas.
— i85 —
Les jardins de Myako, 1799.
Collection du Musée Guimet.
186 —
fond d'un cirque de verdure et de fleurs, un étang gracieusement découpé, dont
les rives sont tapissées d'une bordure de lotus, d'iris et de nénufars ; un léger pont
de bois le traverse, le sentier qui y mène descend de gradin en gradin, serpente
au milieu de bosquets de bambous panachés, d'azalées, de palmiers nains et de
camélias ; ou au pied de beaux groupes de pins des plus petites espèces, couron-
nant des rochers revêtus de lierre; ou le long de collines gazonnées, émaillées de
fleurs, parmi lesquelles se penchent des lys. Quand on contemple ce tableau, on
n'y voit que des lignes gracieuses, des mouvements de terrains ondulés, des combi-
naisons de formes et de couleurs également harmonieuses. Rien n'y attire
particulièrement l'attention ; tout, dans l'ensemble et dans les détails de la scène.
tend à bercer l'esprit dans des rêveries douces, et à ne lui laisser d'autres impres
sions que la grande jouissance du repos. N'est-ce pas là, toujours l'impression que
devrait donner un jardin?
D'autres jardins Japonais offrent tout un assemblage bizarre d'arbustes
nains pourpre, verts sombre étendant leurs petites branches biscornues sur de
petits lacs à poissons rouge : allées lilliputiennes au milieu de parterre de pygmées,
rivières, rigoles sur lesquelles sont jetés des ponts de verdure minuscules, enfin
des tonnelles et berceaux de camélias en fleurs, d'azalées et mille autres plantes
aux parfums enivrants.
Parmi les ornements qui décorent les maisons Japonaises, les jardins sont
ce qu'on y voit de plus remarquable. On y descend ordinairement par une galerie
Jardins a Yokohama.
Lks jardins de Myako, 1799, PAR Sakouma Nishimoura.
Collection du Musée Guimet.
190 —
derrière la maison, et au bout de laquelle il y a un bain et une étu\e; car les Japo-
nais, dont la propreté est un besoin aussi nécessaire à leur existence que le riz qu'ils
mangent, ont la coutume de se baigner tous les soirs. Ces jardins sont en partie pa\és
de pierres rondes de diverses couleurs; le reste est couvert de gravier que Ton nettoie
tous les jours. Les plus belles fleurs sont disposées avec beaucoup d'art, au milieu
de coquettes pièces d'eau, petits ponts, bosquets et labyrinthes; dans un coin du
jardin, il y a toujours un rocher ou coteau parfaitement imité d'après nature, dont
chaque trou contient une plante aux vives couleurs; un ruisseau coule du haut de
ce rocher; il y a souvent un petit bois ou un vivier entouré d'arbres. Et ce genre de
jardin doit exister depuis longtemps, car Kaempfer disait que « les Japonais ont
toujours dans leurs jardins, entr'autres ornements, un petit rocher ou une colline
artificielle, sur laquelle ils élèvent quelquefois le modèle d'un temple. » Il ajoute
qu'« on y voit souvent un ruisseau qui se précipite du haut du rocher avec un
agréable murmure, et que l'un des côtés de la colline est orné d'un petit bois. »
Kaempfer croyait reconnaître là le goût des jardins d'Angleterre importés au Japon.
— '91
Perse
Un érudit, M. Migeon, Conservateur au Musée du Louvre, dit qu'il ne
faut pas chercher les chefs-d'oeuvre de l'art Indo-Persan dans les livres qui ne
Miniature persane de la fin du xiv« siècle. Le Roi dans son jardin entouré de ses femmes.
Collection de M. H. Vever.
LA VISITE DU HANCÉ
Miniature Timouridh, XV<= siècle
sont que des réflexes, sans la beauté de la couleur; il faut les chercher dans les
Miniature persane du sve siècle.
Coi-LATION DU Roi dans son jardin entouré de sa I "I i<
Collection de M. H. Vever.
.93
feuilles isolées, œuvres de caractère personnel qui sont des petits
tableaux représentant des scènes de la vie privée, ou des spec-
tacles épiques. Parfois des paysages, jardins, tout pénétrés d'un
sentiment exact de la nature nous font assister à ces beaux
spectacles de lumière. Ceci est fort juste et nous avons voulu
montrer ici une série de reproductions des miniatures les plus
rares des xiv% xv% xvi' et xvn^ siècles ayant quelque rapport
avec le sujet qui nous occupe.
Il est auparavant utile de jeter un coup d'œil sur l'his-
toire de la Perse, telle qu'a su nous la présenter M. Migeon
dans un sommaire des plus lumineux. L'origine des premiers
Persans remonte aux Sassanides. Ceux-ci disparurent après
la victoire du Khalife Omar; et la Perse, tombant sous la do-
mination des Arabes, devint une province du Khalifat d'Egypte,
pendant les x% xi' et x\f siècles. Survint alors un événement qui
causa un boule-
.,fti>jj_^ ■.~^- __.:,_ .1^ :-:*±r-r-r2ï¥sE» versement total :
l'invasion de
Djengis Khan à
la tête des Mon-
gols. Après avoir
envahi la Chine
en I2IO, et pris
Pékin, il pénétra
en Perse et prit
Samarkand. Son
petit-hls s'empara
de Bagdad et se
litproclamerSul-
tan de Perse. Cet-
te dynastie fut à
son tour chassée
par l'arrivée de
TimourLenkqui
luiaussivenaitde
Mongolie. Vers
1887, il prenait
Téhéran et fon-
dait la famille des
Timourides, dont
W§^m'p^.M^,4È>:Mc^
Collection dk
Minaret da
H. Vever.
94
ARRIVÉE DE HUMAY AU JARDIN IMPÉRIAL DE LA COUR DE CHINE
Miniature transoxiane du XV^ siècle
Collection du Musée des Arts Décoratifs
Miniature persane du \vi' siècle. Réception d'un souverain dans un jardin.
Collection de M. H. Vever.
l'un des princes les
plus brillants fut
Hussein Mirza établi
à Hérat. La Perse
alors était divisée en
un certain nombre de
principautésqui tom-
bèrent toutes sous la
domination du pre-
mier Shah Séfévi, en
1480, fondateur de la
dynastie des Séfévis-
tes dont le plus cé-
lèbre fut Abbas au
xvii^ siècle.
M. Saladin,
architecte, qui s'est
beaucoup occupé
d'architecture orien-
tale et qui a publié
un intéressant ou-
vrage sur l'Art mu-
sulman dit que dans
leurs déplacements,
les rois de Perse
faisaient élever des
pavillons et des ten-
tes ornées de tapis,
de portières bro-
dées, d'étoffes de
tout genre, de meu-
bles dorés, trônes,
escabeaux, tables
basses, le tout dans
un beau jardin.
Voici d'après
Chardin la descrip-
tion du campement
du roi de Perse, lors
RE DE l'Emi'EK
E - Coi.LECTIO>
r
i.:^-v
LE SCHAH THAMASP
dans son jardin caressant son faucon de chasse favori
Miniature persane du XVI'= siècle
Collection de M. A. de Goloubeff
de fêtes données à la campagne : « La tente d'audience est longue de soixante pieds
sur trente-cinq de large et trente de haut; elle est soutenue par cinq piliers ronds, gros
à proportion, lesquels s'emboîtent en trois endroits dans des garnitures dont quel-
ques-unes étaient d'or massif, et d'autres d'argent. Les bouts des piliers qui passaient
au travers de la couverture étaient surmontés de pommes d'or fort grosses, et c'est
la marque à laquelle on reconnaît de loin la tente du roi. Le dedans de cette tente
était tout de brocard d'or, et à côté il y en avait une plus petite, toute semblable à
la première. Les tapis étaient tenus à terre par des pommes d'or posées par rangs
de quatre en quatre pieds. Celles qui tenaient la courte pointe qui couvre le trône
du roi étaient plus grosses et toutes garnies de pierreries. Les tentes du roi étaient
tendues en croix grecque, sans que l'une fût ouverte sur l'autre, quoique pourtant
il y eut communication des unes aux autres.
Les tentes des Grands de la Perse étaient spacieuses. On faisait passer l'eau
devant les tentes du roi, et quelquefois en travers, en faisant des tables de plomb
qu'on mettait en terre, au haut desquelles on attachait des lances d'or en demi-rond
pour servir de rebord. Il y en avait toujours de cette sorte dans la tente d'audience
de parade, autour de laquelle on plantait aussi des fleurs. »
Chardin, au xviu'^ siècle, arrivant en Perse semble un peu déçu par les jar-
dins. Encore tout empreint de l'ordonnancement des parcs Français, de leurs lignes
parfaites il déclare «qu'après ce qui a été dit de la beauté des fleurs de Perse on
s'imaginerait qu'il y a aussi là les plus beaux jardins du monde; mais cela n'est
point du tout. Au contraire, par une règle fort générale, là où la nature est féconde
et aisée, l'art est plus grossier et plus inconnu. Lorsque la nature fait «jardiner»
si excellemment, l'art n'y a presque rien à faire. Les jardins des Persans consistent
d'ordinaire en une grande allée tirée à la ligne, qui partage le jardin, et bordée de
platanes, avec un bassin d'eau au milieu d'une grandeur proportionnée au jardin,
et deux autres plus petites sur les côtés. L'espace entre deux est semé confusément
de fleurs et planté d'arbres fruitiers et de rosiers, et c'en est là toute la décoration.
On ignore ce que sont des parterres, des cabinets de verdure, des labyrinthes ou
des terrasses. Cela vient particulièrement de ce que les Persans ne se promènent
pas dans les jardins, comme nous le faisons, mais qu'ils se contentent d'en avoir
la vue, et d'en respirer l'air; ils s'asseyent pour cela en quelque endroit du jardm
à leur arrivée, et s'y tiennent jusqu'à ce qu'ils en sortent. »
Cette constatation est juste mais Chardin ne restera pas sur cette médiocre
impression première — petit à petit il dut comprendre toute la beauté de l'Orient
dans sa grande simplicité et le charme de sa nature. On en jugera par ses
descriptions sur Ispahan et le jardin des Mille arpents.
Depuis, de nos jours, des explorateurs, des savants ont été enthousiastes de
la Perse. Pour avoir l'idée du jardin Persan on trouve dans l'ouvrage de Dieulafoy
— '97 —
une description intéressante où il est dit qu'en se rendant au palais d'été d'Ispahan,
on longe d'abord un bassin qui s'étend entre deux jardins d'un caractère bien
persan. Les parcs anglais, avec leurs pelouses de gazon égayées par des corbeilles
fleuries ou des bouquets d'arbres, les jardins français du xviii' siècle avec leurs
formes sévères, ne sauraient en donner une idée. Les baghs (jardins) semés sous de
hauts platanes, émondés jusqu'à la cime, sont de véritables champs couverts de fleurs
serrées les unes auprès des autres, sans aucun souci des couleurs ni des espèces.
L'aspect de ces longs parterres est étrange; et, si, en s'en approchant, on peut leur
reprocher un certain désordre, il faut avouer que, vus à distance et au grand soleil,
ils produisent un eff"et charmant, chaque fleur paraissant alors plus éclatante que
l'autre. Au delà du bassin s'élève le pavillon octogonal des Hacht-Bechet, composé
d'une grande salle placée au centre de l'édifice, de quatre porches et de quatre corps
de bâtiments. Il comprend sur deux hauteurs d'étages les « Huit Paradis » desservis
par des escaliers spéciaux mis en communication au moyen de galeries jetées au-
dessus des porches.
M. d'Allemagne donne aussi en igii une intéressante description des
jardins persans dans son voyage en Perse. Ce sont de véritables oasis parfumés
de roses et sillonnées par toute une série de canaux bordés de tuiles en faïence bleu-
turquoise qu'on traverse sur d'élégants petits ponts en fer. Ces jardins remplis de
verdure sont pleins d'oiseaux d'espèces curieuses, surtout des paons, des
cygnes et des colombes. Ils sont ombragés par de superbes platanes, des cyprès,
des pins et des saules, entre lesquels croissent une grande quantité de plantes et de
fleurs les plus belles et rares.
Il y a des pièces d'eau bien dessinées qui sont bordées de massifs d'arbres
aux tons cuivrés d'une richesse de coloris vraiment admirable.
Les poètes ont vanté les fleurs parfumées de l'Iran, et nous ont souvent
bercés du souvenir d'Ispahan et de Chiraz avec leurs fameuses roses dont on tire
un extrait célèbre dans tout l'Orient.
En revenant à Ispahan, un des joyaux de la Perse, que M. Saladin a si bien
étudié, il faut parler du Palais royal sis à peu près au centre de la ville. Sa façade
méridionale est longée par des jardins et des parcs, au milieu desquels se trouvent
des pavillons ravissants, comme le pavillon des quarante colonnes. Dans le prolon-
gement de la façade ouest du Palais on admire une avenue monumentale, appelée
le Tchar-bagh, bordée de superbes constructions, décorée de bassins, d'eaux jaillis-
santes, de petits pavillons, ornée de platanes. Cette très longue avenue traverse le
Zendé-Roud sur un beau pont; et la disposition des canaux, des trottoirs etdes plan-
tations d'arbres en faisaient une promenade unique au monde au commencement
du xvii' siècle.
On peut appeler cette belle allée, le cours d'Ispahan, elle est arrosée par un
— iq8 —
L'ESCARPOLETTE AU JARDIN
Miniature persane de la deuxième partie du XVI« siècle
Collection de M. Henri Vever
canal qui coule au milieu, d'ua bout à l'autre; ses rebords, qui sont faits de pierres
de taille, sont élevés et si larges que deux hommes à cheval peuvent se promener
de chaque côté. Les ailes du Tchar-bagh sont de beaux et spacieux jardins, dont
chacun a deux pavillons, l'un fort grand, situé au milieu du jardin, consistant en
une salle ouverte de tous côtés, et en des chambres et cabinets aux angles; l'autre,
élevé sur le portail du jardin, ouvert au de\ant et aux côtés... Ces pavillons sont de
diverses constructions et figures, mais ils sont presque tous d'égale grandeur et tous
peints et dorés. Les bassins d'eau sont différents aussi, et en grandeur et en figure,
avec des jets d'eau et des chûtes d'eau. Les rues qui traversent cette allée, en
plusieurs endroits, sont de larges canaux d'eau, plantes de hauts platanes à double
rang, l'un près des maisons, l'autre sur le bord du canal.
Le Tchar-bagh finit à une maison de plaisance du roi, qui en occupe la lar-
geur, et dont les jardins sont si grands qu'on les nomme les « Mille arpents ».
Ce jardin des Milles arpents, long d'un mille et large presque autant, est fait
en terrasses soutenues de murs de pierres, on y compte douze terrasses élevées de
six à sept pieds l'une sur l'autre, et qui vont de l'une à l'autre par des talus fort
aisés à monter, et aussi par de grosses pierres qui joignent le canal assez profond,
dans lequel se trouvent, de distance en distance, des tuyaux qui projettent l'eau
fort haut.
Au bas de chaque terrasse, à l'endroit de la chute du canal, laquelle est en
talus et fait une nappe d'eau, il v a un bassin de dix pieds de diamètre et, au haut,
il y en a un second beaucoup plus grand, et plus profond, avec des jets d'eau au
milieu et autour... On voit, proche de chaque bassin, sur les côtés, deux grands
pavillons fort hauts, peints, dorés et argentés, de cette architecture si caractéristique;
au milieu de la sixième terrasse, il y a un pavillon qui coupe l'allée; il est à trois
étages et si grand et si spacieux qu'il peut contenir deux cents personnes assises en
rond; à l'entrée et au bout du jardin se trouvent deux constructions à peu près
semblables.
En sortant du palais sur le Tchar-bagh on voit d'abord, en entrant dans cette
admirable allée, un pavillon carré faisant pendant à ce palais des mille arpents qui
la termine. Il est à trois étages, avec jalousies au lieu de vitres, faites de plâtre,
peintes et dorées de façon fort agréable; à la suite viennent sept bassins, entre la
rivière et la ville, avec des cascades et des jets d'eau. Le pont est au-delà du sep-
tième bassin; dans les jardins qui terminent la vallée, se trouvent la volière du roi,
dont le fil est doré, et la maison des lions à l'autre coin.
Quand les eaux jouent dans ces beaux jardins, ce qui arrive fort souvent,
on ne saurait rien voir de plus grand et de plus merveilleux, surtout au printemps,
dans la saison des premières fleurs, parce que ce jardin en est couAcrt, particuliè-
rement, le lona du canal et à l'entour des bassins.
199
On est surpris de tant de jets d'eau qu'on voit de toutes parts à perte de
vue, et l'on est charmé, tant de la beauté des objets que de la senteur des (leurs
et du ramage des oiseaux qui se font dans les volières et parmi les arbres.
Une avenue parallèle au Tchar-bagh longe le parc du Pavillon des Miroirs,
splendide construction en bordure de l'allée.
La conception d'ensemble consistait à rattacher au Palais royal d'ispahan
un ensemble de parcs, de jardins et d'avenues, qui devaient peu à peu meubler pour
ainsi dire l'espace laissé entre les deux ponts et les avenues, en en formant comme
le prolongement.
Et on ne saurait douter que ces palais entoures de jardins bordant la
magnifique allée, précédés de terrasses, embellis de bassins dallés de faïence bleu-
turquoise ou de toute autre nuance produisant des effets d'eau de tout genre, n'aient
pas été de tradition en Perse et un des luxes les plus appréciés et les plus recherchés.
Les principaux palais de Perse ont de ces grands bassins d'eau; il les
appellent Petite Mer. Les bords en sont de marbre et de jaspe. Les jardins consistent
surtout en allées de grands arbres, et en parterres remplis de fleurs aux couleurs
éclatantes.
D'après Chardin, le prince qui les fit construire pour la plupart, faisait dans
ces jardins ses grandes fêtes et prenait plaisir a y étaler la pompe de sa cour. La
raison qu'il en avait, c'est qu'aimant fort à voir des feux d'artifice jouer de loin, il
les faisait jouer de l'autre côté de sa Petite Mer, y joignant des illuminations dans
les salles, entourées de jets et de chûtes d'eau, et ce spectacle le divertissait mer-
veilleusement. Il est intéressant de donner la description de Chardin lui-même.
« D'abord il vante l'Allée d'ispahan et les « mille Arpents », jardin long
d'un mille, et large presque d'autant, fait en terrasses soutenues de murs en pierre.
On en comptait douze élevées de six à sept pieds l'une sur l'autre, et qui commu-
niquaient par des talus et des degrés de pierre, rejoignant le Canal. Il y avait autant
d'allées dans ce jardin, que de terrasses ; douze étaient des allées en travers avec
un large canal d'eau à fond de cuve qui tra\ersait le jardin parallèlement. Des
allées longues, menaient d'un bout à l'autre; celle du milieu était ornée d'un canal
de pierre. Au bas de chaque terrasse, il y avait un bassin et au haut un autre plus
grand et profond avec jets d'eau au milieu. »
On comprend dans cette description de Chardin pleine de poésie combien
l'artiste Français, enveloppé par l'atmosphère si douce et le langage si poétique des
Persans, a pu donner de ces paysages une impression enthousiaste.
Il y a aussi le Jardin du Rossignol, à Ispahan, dans le Tchar-bagh; c'est
un vrai labyrinthe, un mer\eilleux salon, où l'on se perd presque partout, et les
degrés sont si cachés qu'on ne les reconnaît pas aisément. Le bas, est revêtu de
jaspe; les balustres sont de bois doré. Les châssis sont d'argent et les carreaux
AUDIENCE ROYALE AU JARDIN
Miniature persane de la deuxième partie du XVI' siècl
Collection de M. Henri Vever
de cristal ou de verre fin de toutes couleurs. Les ornements, on ne peut plus riches.
Ce n'est partout qu'or et azur. Les peintures de cet édifice, parmi lesquelles on
voit beaucoup de nudités, sont toutes d'une beauté surprenante, avec des miroirs
de cristal ça et là. Il y a de ces petits cabinets qui sont tout en miroirs. Les
meubles sont les plus magnifiques du monde et les plus voluptueux. Cet endroit
est encore appelé le pavillon des « Huit portes du Paradis » et fut construit par
Feth Ali shah pour y loger ses favorites. Il est encore intact; et ceci est fort inté-
ressant, il appartient à une Princesse Persane qui dut le défendre contre le vanda-
lisme d'un gouverneur, désireux d'en retirer les superbes faïences pour l'ornemen-
tation de son propre palais. Elle eut à cet effet une très ingénieuse idée : elle
hypothéqua le palais au profit d'une banque allemande, qui mit ce joyau d'art
sous la protection du Consulat.
Il serait à souhaiter qu'on put sauvegarder ainsi les restes d'une architecture
déjà trop disparue.
Dans la charmante esquisse de J. Laurens, ci-contre, on retrouve dans la
disposition du jardin les allées en saillie sur les plates-bandes, et celles-ci en contre-
bas des allées dans le but de pouvoir être souvent irriguées. C'est le soir qu'on
arrosait ces plates-bandes, le soleil, le jour, les eût desséchées instantanément. Icil'on
trouve encore dans la composition une similitude de style avec les jardins hindous,
faits d'après la tradition persane. Il ne semble pas présompteux d'affirmer que l'art
persan s'est reflété chez les Maures. Il est entré avec les faïences en Espagne. Cette
influence s'est démontrée dans des fouilles récentes à Medinat-Eszahra d'où l'on a
extrait des faïences du x'' siècle d'ornementation persane, d'après les procédés
persans.
Il est intéressant de retrouver et signaler l'influence de la Perse sur les jardins
mauresques en Espagne. Or M. Saladin l'a fort bien exposé.
Les trois pôles de l'art islamique au moyen âge sont : la Perse, l'Egvpte,
et l'Espagne où subsistaient tant de traditions artistiques que des ouvriers habiles
étaient prêts à faire revivre.
Le premier effet de la conquête islamique fut de provoquer une sorte de
fusion de l'art oriental avec l'art de l'Occident.
C'est de la Perse, de la Syrie, de l'Egypte que les conquérants tirèrent leurs
premières troupes d'invasion. Par suite, les nombreux artisans qui les accom-
pagnaient, forgerons, brodeurs, armuriers, charpentiers, selliers, dinandiers, etc.,
nécessaires à leur existence, emportèrent avec eux dans les pays conquis toutes les
traditions de leurs pays d'origine.
Enfin, les nombreux aventuriers désireux de chercher fortune dans les riches
contrées envahies, comptèrent des artisans qui, bientôt las de leur nouveau métier
de soldat, s'y fixèrent et y apportèrent leurs procédés et leurs motifs artistiques.
Ainsi les Arabes, dès les premiers temps de l'hégire, par leurs invasions en
tous sens, par le bouleversement des peuples, provoquèrent un premier mélange
des traditions orientales et occidentales.
C'est grâce à eux que les germes d'arts lointains trouvèrent des terrains
favorables et formèrent la magnifique floraison artistique de l'Espagne et du
iMaghreb.
Les armées d'invasion étaient de véritables tribus en marche qui emme-
naient avec elles leur smalah, c'est à dire un petit nombre d'artisans.
Les femmes accompagnaient leurs maris, et pour elles, des marchands,
des bijoutiers suivaient les armées. Elles-mêmes tissaient des étoffes d'habillement,
les bandes étroites et longues dont étaient faits les tentes et les tapis qui couvraient
le sol ou formaient des paravents.
Dans ce vaste monde auquel les Arabes imposèrent leurs habitudes, dans
ce chaos continuellement agité par les poussées orientales, il se produisit un con-
tinuel travail d'unification, de transmission et de mélange, dont les arts sans cesse
renouvelés profitèrent.
Le monde musulman riche et puissant fit revivre dans toute la Médi-
terranée, dans la Mer Rouge, le golfe Persique, un commerce considérable. Dans
les longues périodes de paix, sous les grands califes, le luxe et la richesse des
des particuliers amena une facilité d'échanges qui fut très profitable à la propa-
gation des arts.
Dans la décoration extérieure des allées de jardin, en Perse, on trouvait
nombre de revêtements en faïence. C'est dans le mausolée de Moumine-Hatoun à
Nachchevan que cet art a montré qu'il avait été l'élément le plus riche de la déco-
ration des édifices persans. D'abord réduite à la tranche des briques émaillées se
détachant sur le fond rose des briques cuites ou sur le ton blanc des stucs, comme
particulièrement sur ce mausolée, la décoration émaillée envahit bientôt toute la
maçonnerie; puis, afin d'obtenir autre chose que des dessins à éléments rectilignes,
les seuls exécutables avec des briques, on découpa de petits fragments émaillés, et
par leur juxtaposition on constitua de grandes décorations qui firent une marque-
terie de faïence.
L'emploi de carreaux de terre cuite émaillée où des éléments émaillés en
bleu turquoise à relief alternent avec d'autres à reflets métalliques sur fond blanc
ivoire fut en vogue au xiii^ siècle. Au xiv^ et au xv' siècle, la palette des céramistes
s'enrichissant de plus en plus, les dessins se compliquent et certains monuments
contiennent toute la série des applications possibles de la céramique architecturale :
corniches à stalactites, bandeaux, frises à inscriptions, murs et dômes en briques
émaillées comme les édifices d'Ispahan construits par Chah Abbas. Malheureu-
sement, la marqueterie de faïence fut la cause principale de la ruine de la plupart
RÉCEPTION D'UN SOUVERAIN A LA PORTE D'UN JARDIN
Miniature persane par Farruk Beg, peintre de l'empereur Akbar
Fin du XVP siècle
Collection de M. Henri Vever
des monuments persans. Sous le climat variable de la Perse, abandonnés sans être
entretenus, ces revêtements se détachent peu à peu et les monuments qui ne sont
pas vieux de quatre siècles auront dans peu d'années perdu leur parure.
Au xvii'= siècle les couleurs se firent de plus en plus nombreuses, le rose,
le jaune clair, le rouge, le vert feuille complètent la gamme des couleurs autrefois
employées : bleu turquoise, brun, feuille morte, bleu, blanc, violet foncé; l'orne-
mentation qui avait d'abord imité les dessins des tapis, représente des scènes à
personnages, les animaux. Les vitraux de couleurs seitis dans des ossatures de
plâtre découpé, les frises de plâtre ou de stuc sculpté ou moulé, les marqueteries
de bois précieux, les dorures, puis plus tard les glaces de Venise, la peinture et
les riches étoffes brochées d'or ou d'argent venaient compléter un ensemble d'une
richesse dont on ne peut se faire qu'une idée imparfaite.
Le tombeau de Fatma à Koum avait des portes d'argent et le dôme était
décoré de tuiles dorées.
En Perse, il reste les palais des rois Séfys et ceux des principaux seigneurs
persans depuis le xvii' siècle par lesquels nous pouvons encore juger exactement
ce que pouvaient être la splendeur et le goût persan. Cette digression se rapporte
indirectement aux jardins il faut le dire; mais cette richesse dans les faïences y a
laissé des traces que l'on peut admirer encore de nos jours.
Il y avait aussi des jardins remplis de bassins dans le palais de Tchehel-
Soutoun, où fut couronné Soleïman en 1647, amsi que l'indique une image ci-contre.
On ne saurait oublier ce palais d'Ispahan situé entre le Tchar-Bagh et le palais royal.
Il avait été bâti sous Chah-Abbas I". M. Saladin nous dit qu'il fut détruit par un
incendie, puis reconstruit sous le règne du sultan Hussein. C'était un pavillon au
milieu d'un beau jardin, consistant en une salle, dont le plafond en mosaïques
dorées était supporté par dix-huit colonnes également dorées. Les murs étaient
revêtus de marbre blanc, et le reste en cristal de toutes couleurs. Au milieu se trou-
vaient des bassins de marbre blanc, et au-dessus des quatre cheminées de grandes
peintures représentant la bataille d'Abbas le Grand contre les Uzbeks, et des
fêtes royales.
Le palais actuel de Tchehel-Soutoun fut, dit-on, encore plus richement
décoré. D'après Dieulafoy et Coste, son portique extérieur est soutenu par dix-huit
colonnes en bois de cèdre revêtues de glaces étamées. Celles du centre reposent sur
quatre lions groupés ]etant l'eau dans un bassin ; le plafond est en fleurs peintes
a\ec compartiments de glaces biseautées entourées de prismes de cristal, il repose
sur une corniche en mosaïque mêlée d'étoiles qui scintillent. On comprend l'éblouis-
sement qu'on pouvait ressentir en entrant dans ce pavillon par le portique extérieur
donnant sur les jardins.
A Ispahan, près du palais de Tchehel-Soutoun, en bordure du Tchar-
— 2o3 —
Bagh, se trouvait le pavillon des « Huit Paradis », dont il a été parlé plus haut,
avec ses belles terrasses, ses jardins, ses canaux.
De l'autre côté, était le Pavillon des Miroirs, que M. Saladin a décrit
d'une façon très complète.
Situé sur la rive du Zendé-Roud, il était d'un plan plus simple que le
Tchéhel-Soutoun, mais disposé d'une façon analogue. Ses colonnes étaient revê-
tues de miroirs à facettes, et ses plafonds en marqueterie de cyprès, rehaussés
de peintures et de dorures, les lambris revêtus de faïences de couleur, et les murs
décorés de niches à stalactites et de glaces.
Cet ensemble était entouré d'un jardin avec de belles pièces d'eau....
On doit donc les beaux jardins d'Ispahan au Chah Abbas.
Cette idée grandiose, qui consistait à prolonger à travers la ville une
avenue monumentale bordée de petits palais, décorée de bassins, d'eaux jaillis-
santes, de platanes, indiquait une conception d'ensemble digne des grands jardiniers
comme Le Nôtre.
Or cette avenue parallèle au Tchar-Bagh longeait le parc du Pavillon des
Miroirs décrit ci-dessus, et le palais royal se trouvait rattaché ainsi à une série de
jardins les plus \ariés. C'était un « Versailles » persan.
204
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Tombeaux des deux derniers rois de Perse
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Gomme le dit M. Viollet, récemment, à son retour de Perse, il est curieux
de voir qu'en Asie un célèbre schah, suivant les traditions de ses ancêtres les
Sassanides, avait créé un parc — tel que nous le voyons ici dans les cours
d'Ispahan — qui avait les grands côtés de nos jardins français avec les aligne-
(//<■':<//■ ,//cri//'J
ments, les perspectives, les canaux d'eau, bassins, en un mot ce qu'on avait
coutume d'appeler « à la française », et ce parc était entouré de pavillons de
faïence émaillée aux couleurs vives se reflétant dans les eaux des bassins, comme
le « Trianon de porcelaine », l'une des créations du Roi Soleil.
208
Couronnement de Soleiman en 1647, dans le Tchehei, Sourouf
A l'entrée des jardins.
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Le Sar Puchideh dans les jardins de Chehar Bag.
c3 5 i
Siam
Jardins Turcs, Egyptiens, Mauresques.
Mohammed Ali Pacha, vice-roi d'Egypte, fit construire en 1826 dans le
jardin de sa maison de plaisance de Choubrah située à quelque distance au Nord du
Caire, une grande fontaine qui fit l'admiration des Orientaux. Cette fontaine est au
centre d'un grand bassin entouré d'une balustrade ornée de vases, d'une colonnade
^-.
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Choubrah. maison di; piaisanck de Mohammed-Ai
et de quatre grands pavillons ou kiosques placés aux axes du bassin, le tout cons-
truit en marbre de Carrare.
Les architectes levantins cherchaient à produire beaucoup d'effets avec les
moyens les plus simples jusque dans leurs plus petits détails. Là on a mélangé les
ornements de style Empire français avec un ensemble de conceptions arabes.
2l3
Alhambra
Entrée des jardins et de la Cour des Lions
Au point de vue du style mauresque la Cour des Lions est le modèle le plus
parfait de ce merveilleux palais. C'est un parallélogramme de cent pieds sur cinquante
— entouré d'un portique avec des petits pavillons à chaque extrémité — avec cent
pli
'r^
vingt-huit colonnes qui supportent des arceaux du fini le plus délicat et le plus par-
fait. Les allées pavées en marbre qui rejoignaient au portique la fontaine du centre,
supportée par les lions, étaient autrefois couvertes de fleurs et formaient un jardin
charmant avec les quatre grands rectangles fleuris.
— 214 —
Bibliographie
Ouvrages et recueils de planches
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Israël Sylvestre et PÉRrxLE. — ]^ue de Paris et des environs, 167?.
Pérelle. — Bâtiments et vues de Paris. Campagnes et maisons de plaisance, 1680.
Israël Sylvestre et Lepautre. — Statue. Fin du xyii"^ siècle.
Mariette. — Plans de belles maisons. Fin du xvii^ siècle.
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Thouin. — Plans de Jardins, 1823.
ÂKiSATo. — Myako rinsen meisko, 1799 (musée Guimet).
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Pascal Coste. — Monuments de la Perse, 1867.
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Saladin. — L'art musulman. Histoire de l'architecture, 1907.
MiGEON. — L'Art musulman, ses arts plastiques et industriels.
FouQuiER. — L'arl des jardins, 1910.
Table des matières
Les Jardins au Moyen-Age i
La dynastie des Mollet et les parterres de la Renaissance i8
Le Nôtre et son école 28
Parterres et plans de Blondel au xvni^ siècle .... 44
Les Jardins paysagers en France 48
Rénovation des Jardins à la Française au xix^ et au xx' siècle 32
Modèles de jardins pour Petites Résidences 57
Treillages -berceaux -portiques GtJ-GS-ya
Parterres du xvn' et xviii' siècle yS
Plans et dispositions générales d'un jardin au xviii'^ siècle 81
Modèle de parc au xviu' siècle 90-93-97
Plans de jardins par DeneufForge à la fin du xvin'' siècle 98-99-100-101-102
De l'Art décoratif dans les Jardins au xviii'' siècle io3
VasL-s lob
Portiques de treillage 109
Eaux 119
Statues i3o
Gaines i34
Termes iSy
Vasques i38
Plates-bandes, Ifs, Buis 141
Jardins en Allemagne 146
o » Pvspagne . , 148
» » Filandre et Pays Bas 149
» » Grande Bretagne i5o
» « Italie 167
Jardins Orientaux :
» en Chine 169
» au Cambodge et en Indo-Chine 176
« aux Indes 178
» au Japon ■ .180
» en Perse 192
» au Siam 212
» Turco- Egyptiens 2i3
iMPRliMÉ SUR LES PRESSES DE
S.A. D. A. G.
(Société Anonyme des Arts Graphiques)
Genève et Bellegarde (Ain)
Décembre igiS
?/