Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
DES HERESIES,
IIES ERIIEIBS ET DES SCHISMES,
MÉMOIRES
pouriimlrik l'iilatolrc
DES ÉGAREMENTS DE L'ESPRIT Hl'MAIÎ^
TMll llAPI'dlIT A l.\ llRI.jr.UlS CIDtliTlENMÎ.
TOME PREMIER,
^i'viû's f'iniou , cnnigiB aiec soin El su 515 Entés -^e plnsisuri afUclEs .
Par \. ûe PEnnOlilL,
PARIS,
A. BOYKR. ÉDITEPR,
DICTIONNAIRE
DES HÉRÉSIES,
DES ERIIEI'RS ET DES SCIIISIIES,
MÉMOIRES
pour servir à l'I
DES ÉGAREMENTS DE LESPRIT III'MAJ!^
l'VU riAI-PtlItT A LA _I1EI.IGIIJN CUIlÉTirNXE.
TOME PREMIER.
DICTIONNAIRE
DES HÉRÉSIES,
DES ERREURS ET DES SCHISMES.
■<^:
PARIS. — TYPOGRAPUIË UK COSSON| RUE DU FOUK*iAlNT-GERMAiN, 47.
DICTIONNAIRE
DES HÉRÉSIES,
DES ERMimiS ET DES SCHISMES,
OU
MÉMOIRES
Fout Kn'ii à Xhitasi
r DES ÉGABEMENS DE L'ESPRIT HUMAIN
I
PAR RAPPORT A LA RELIGIOH CKRËTIEHNEl.
^ TOME PREMIER. a/*S£l
FAR V. DE PEBRODIL.
PARIS.
A. ROYER, ÉDITEUR,
!41 , place du Paliii-Rijal
184$
;cf(.r3^
m^
Bowle Ce Uctfôd
Gift of
Mrs. E, D. Bfiidageo
•h* *• ''"
PRÉFACE.
Les personnes qui ont le )nalheur d'êlre engagées
dans les liens de l'hér<?sie, ou celles,' plus ]^a|heureuscs
encore, qui, appartenant par leur naissance et leur édu-
cation à l'Église catholique, ont cessé cependant de suivre
ses prescriptions et d*y croire, ne peuvent lire aucun
livre avec plus de fruit que celui que nous leur offrons.
L'ouvrage de Pluquet, véritable labeur de béné-
dictin et tel qu'on n'en fait plus de nos jours, est un ré-
pertoire de toutes les erreurs que les passions humaines
ont opposées à la vérité dii christianisme : erreurs chan-
geantes, variables, s'éteignant et renaissant de siècle en
siècle, d'année en année, de jour en jour ; erreurs hon-
teuses atteignant la dignité de l'homme jusqu^à le ra*
baisser à la condition de la brute ; erreurs insolentes,
méconnaissant sa nature jusqu'à l'égaler à Dieu ; erreurs
enfin qui, en divers temps et en divers lieux, ont divi*
nisé le meurtre, enseigné la débauche, et plongé des
peuples entiers dans des superstitions, ici tellement atro-
ces, là tellement ridicules, qu'il est impossible à un
homme de sens de n'en pas détourner la tête avec mé-
pris et d^oût.
D'où naissent cependant toutes ces erreurs? De l'or-
a*
VI PRÉFACE,
gueil. Des hommes ambitieux, jaloux, atrabilaires, veu-
lent se faire un nom el primer sur tout ce qui les entoure.
Les moyens qu'ils emploient varient ; mais le but esi le
môme. Selon les temps où ils vivent, ils se servent de
rignorance des peuples, de l'ambition des rois et des
grands, et remuent, au proGt de leur orgueil, lessentî-
mens les plus vils qui dormentdans lecœur de l'homme.
Tels sont les chefs de secte; tels ils se montrent par
leurs actions et leurs écrits dans l'admirable travail de
Pluquet.
Le propre de l'hérésie est le changement; la foi dans
la religion catholique est immuable.
Les hérétiques, dit Bossuet après Tertullien, vari<?nt
dans leurs règles, c'est-à-dire dans leurs confessions de
foi ; chacun, parmi eux, se croit en droit de changer, de
modifier par son propre esprit ce qu'il a reçu, comme
c'est par son propre esprit que l'auteur de la secte l'a com-
posé : l'hérésie retient toujours sa propre nature en ne
cessant d'innover, et le progrès de la chose est semblable
à son origine. Ce qui a été permis à Valenlin l'est aussi
aux Yalentiniens ; les Marcionistes ont le même pouvoir
que Marcion et les auteurs d'une hérésie n'ont pas plus
de droit d'innover que leurs sectateurs. Tout change dans
les hérésies ; et quand on les pénètre à fond, on les trouve
dans leur suite différentes en beaucoup de points de ce
qu^elles ont été dans leur naissance.
Ce caractère de Thérésie a toujours été remarqué par
les catholiques 9 et deux saints auteurs du huitième
siècle ont écrit que : t l'hérésie en elle-même est tou-
jours une nouveiiuié, quelque vieille qu'elle soit; mais
que, pour se conserver encore mieux le litre de nouvelle ,
elle innove tous les jours, et tous les jours elle change sa
PRÉFACE. vn
doctrine. Mais pendant que les hérésies, toujours ya-
riables, ne s'accordent pas a\ec elles-mêmes, et introdui-
sent continuellement de nouvelles règles, c'est-à-dire de
nouveaux symboles; dans l'Église, dit Tertullien, la
règle de la foi est immuable et ne se réforme point. C'est
que l'Église, qui fait profession de ne dire et de n'ensei-
gner que ce qu'elle a reçu, ne varie jamais; et, au con-
traire, l'hérésie, qui a commencé par innover^ innoye
toujours et ne change point de nature.
De là vient que saint Gbrysostôme, traitant ce précepte
de l'apôtre : Évitez les nouveautés profanes dans vos dis<>
cours, a fait cette réflexion : évitez les nouveautés dans
vos discours, car les choses n'en demeurent pas là ; une
nouveauté en prtKluit une autre , et on s'égare sans fin
quand on a une fois commencé à s'égarer.
Deux choses causant ce désordre dans les hérésies :
l'une est tirée du génie de l'esprit humain, qui, depuis
qu'il a goûté une fuis l'appât de la nouveauté, ne cesse
de chercher avec un appétit déréglé cette trom^iense dou-
ceur ; l'autre est tirée de la diflérence de ce que Dieu fait
tuyec ce que font les hommts. La vérité catholique, venue
de lAea, a d'abord sa perfection; l'hérésie, faiUe pro-
duction de l'esprit humain, ne se peut faire que par
pièces mal assorties. Pendant qu^on veut renverser,
contre le précepte du sage, les anciennes bornes posées
par nos pères, et réformer la doctrine une fois reçue par
les fidèles, on s'engage sans bien pénétrer les suites de ce
qu'on avance. Ce qu'une fausse lueur avait fait hasarder
au commencement se trouve avoir dts inconvénients
qui obligent les réformateurs à se réformer tous les jours;
de sorte qu'ils ne peuvent dire quand finiront les inno*
vations, ni jamais se contenter eux-mêmes.
viïi PRÉFACE.
Mais tandis que les hérétiques tournent ainsi à tout
vent de doctrine» Dieu, par une providence admirable,
conserve pure et intacte la révélation qu'il a faite à
rhomme. Il Ta mise sous la garde d'une autorité ensei-
gnnnte, infaillible^ visible et perpétuelle. Cette autorité»
il Ta placée dans l'Église que le Christ a fondée et s'est
acquise par son sang ; cl il a voulu expressément que le
fondement de cette Église, édifice indestructible, élevé
pour le salut des hommes, reposât tout entier dans l'as-
semblée des pasteurs, sous le gouvernement d'un seul et
même chef visible qui en animerait toutes les parties. Il
a voulu que tous les hommes fussent soumis à cette
Église.
Il a remis , disons-nous, à cette Église, le dépôt de Isi
révélation, et lui a ordonné de prêcher en son nom l'É-
vangile à toute créature, c'est-à-dire en tout temps et en
tout lieu, lui promettant son assistance, afin qu'elle pût
remplir perpétuellement ce grand ministère sans aflai-
blissement et sans erreur. Il a voulu que pour preuve
éclatante de cette assistance qu'il lui promettait , et qui
jamais ne lui ferait défaut , elle montrât aux hommes
des miracles, des prophéties, des dons ou grâces magni-
fiques, et surtout cette puissance féconde, non-seulement
d'acquérir tous les jours de nouveaux enfans , mais
encore de les conduire à la plus haute sainteté.
Or, cette Église commencée dans Pierre et dans les
apôtres, semblable à une personne morale , ayant duré
sans interruption et pleine de vie jusqu'à nous, forte des
promesses divines , durera encore toujours une, toujours
infaillible jusqu'à la consommation du siècle, remplis-
sant tous les lieux et tous les temps , portant sans cesse
devant elle les preuves cl les témoignages du Très-Haut.
PREFACE. IX
Elle esl restée debout , ferme el invincible conlrc los
machinations de renfer qcii lui avaient élé prédile»,
contre lesgtierresexlériiïurcsqtie lui ont Faites les païens;
el les infidèles, et contre les guerres civiles que des en-
fans ingrats oni porK^es jusque dans son sein, Seauf(i-
sanl à elle-même , ou plulAt forio du secours divin cl
des promesses infaillibles qu'elle a reçues . elle esl aussi
indépendante des faveurs des hommes que de leurs fu-
reurs. Elle regarde les faveurs humaines comme dos
moyens sur lesquels elle ne s'appuie pas , et les persé-
séculions et la haine comme des épreuves qu'elle no
craint pas. Traversant les siècles de triomphe en triom-
phe, produisant sans cesse des fruits éclatans de sainteté,
je veux dire des hommes admirables qu'elle orno de
toutes les vertus el de tous les dons de la grâce , elle ne
cesse d'envoyer au ciel de nouveaux enfans, jusqu'au
moment où le nombre des élus étant rempli , sans ride
et sans tache, elle ira y régner elle-même d'éternités en
éternités ,
Mais , comme Dieu a voulu que l'unité de son Ëgiise
fut établie sur le principe d'autorité, de môme les sectes,
en se séparant de celte autorité divinement élablie, pour
suivre la pensée indépendante de la raison individuelle,
ont substitué à l'autorité de rËglise un principe de dis-
solution et de division. Ce principe une fois posé , il est
arrivé que ces sectes n'ont jamais pu conserver entra
elles l'unité de doctrine, n'ont jamais pu être constantes
que dans leur inconstance même, allant de nouveauté
en nouveauté , d'erreur en erreur , puhliant sans cesse
dfi nouvelles confessions de foi, jusqu'à coque, divisées
en fractions presque imperceptibles.on les vil se consumer
et pérird'elles-mêmes, comme le sel »:dtssouid>uis l'eau.
X PEPFACE.
C'est là ce qui est arrivé aux anciennes sectes ; c'est là ce
qui arrive de nos jours aux nouvelles qui finissent danff
le naturalisme ou le rationalisme, cette dt^rnière béiésie,
ainsi que Tappelle Leibnitz. Si quelquefois » et pour un
temps plus ou moins court , une sorte d'unité paraît
s'être établie entre les prolesians hérétiques anciens et
nio<lernes, cela n'a eu lieu que parce qu'ils ont fait eux-
mêmes l'abandon de leur principe, sut)Stituant d'une
manière ouverte ou cachée leur autorité propre à l'au-
torité de rÉ^lise qu'ils avaient quittée. Otez en effet
celte autorité, il faut que l'unité disparaisse; je displus»
il faut que le principe d'unité, et par conséquent l'Église
elle-même, cesse d'être ; il le (iiut, car cette autorité une
fois ôtée , il ne reste que la liberté individuelle ou le
sens privé de chaque homme. Le lien commun qui lie
au corps les divers membres dont il est composé, ce lien
est rompu , en sorte que toutes ces sectes ne sont plus
qu'une agrégation tumultueuse d'individus , sans autre
lien entre eux qu'un principe de dissolution et de divi-
sion, en d^autrcs termes, une unité native, qui n'est
autre chose que la privation essentielle et absolue de tout
lien et de toute unité.
Et il ne faut pas dire, comme le font les protestons ^
que l'autorité de l'Écriture supplée pour eux au défaut
de l'autorité de l'Église catholique; car , outre qu'ils ne
peuvent connaître d'une manière certaine le nombre ,
l'intégrité , l'inspiration divine des livres sacrés ou de
leurs diverses parties > si ce n'est par le témoignage et
l'autorité de TÉglise catholique , dont ils se font gloire ,
pour parler leur langage, d'avoir brisé les liens, du mo-
ment qu^à l'exemple de tous les protestans anciens , ils
établissent pour principe fondamental le droit d'ad*
1-
I
J8RÉFAGB. Xi
«MM et Kjeter ceux de ces livres qui leur plaisent ou
ne leur plaisent pas, il est éivident qu'ils présentent
comme remède ce qui est la source même du mal. Car ,
comme Tavait fort bien observé saint Augustin , les
liérésies et les dogmes pervers » qui enchaînent les âmes
et les précipitent dans l'abime , sont nés uniquement
de ce que les Écritures qui sont bonnes en elles-mêmes
ont été mal interprétées , et de ce que ces interprétations
mauvaises ont élé soutenues avec audace et témérité. —
Et cette explication du saint docteur est d'autant plus
frappante de vérité , qu'il n'y a pas eu une seule secte
d'hérétiques qui ne se soit appuyée dans ses erreurs sur
quelque autorité des Écritures. Cependant y Dieu y par
une providence admirable y a permis que des hérésies et
des sectes naquissent du vivant même des apôlres » afm
que , par la manière dont les apôtres se conduiraient
avec les novateurs de leur temps y les siècles suivans
connussent , sans pouvoir s'y tromper , quelle était la
source de toute hérésie, et comment l'Église devait trai-
ter les hérétiques ou les protestans qui la troubleraient
à l'avenir, afin qu'elle les chassât de son sein et défendit
ses enians fidèles contre leurs violences et leurs arti-
.fices; afin qu'elle leur annonçât , s'ils ne se repentaient
pas, la certitude absolue de leur châtiment éternel , ne
distinguant pas entre les hérésies de diverses sortes, mais
les condamnant toutes sans exception. Quiconque en
efiet est coupable de protestantisme , c'e$t-à*dire de
protestation contre l'Église que le Christ a établie la dépo-
sitaire perpétuelle de la révélation, la maîtresse et l'inter-
prète, ou, comme parle saint Paul, la colonne et le fonde-
ment de la vérité ; quiconque, dis-je, est volontairement
cou|)ablc de ce crime, est digne aussi des feux de l'enfer.
xîi PRÉFACE.
Au reste, cen'a pas été un faible avantage pour TÉglise
catholique que de voir tant de sectes diverses naître et
périr autour d'elle par leur propre mobilité. Et, d*abord,
les erreurs qui ont fait irruption en divers temps dans le
monde chrétien ont été chaque fois, pour elle, Tocca-
sion d'examiner plus attentivement sa propre foi et de
développer la vraie doctrine en des termes plus clairs
et plus explicites ; ainsi a été mise de plus en plus*
dans tout son jour la liaison intime de toutes les vérités
qu'elle professe, et la beauté du système catholique a
pîiru toujours plus brillante après chacune de ces épreu-
ves. Et puis encore, ce combat de tous les jours et de
tous les instans qu'elle est forcée de soutenir contre les
hérétiques rend sa vigilance plus attentive et son auto-
rité plus ferme. Car , de même que la haine des mé-
chans éprouve le juste et donne à ses vertus un éclat plus
vif, de même aussi l'Église apparaît plus belle et plus
brillante au milieu des machinations, des artifices, des
calomnies, souvent môme des feux et des glaives que
ses ennemis tournent contre elle. Ce n'est pas tout : la
stabilité de TÉglise, comparée à la mobilité des œuvres
Immaines et à leur dissolution , la plupart du temps si
rapide, montre à tous les hommes où sont réellement
les promesses de Dieu. Autant l'Église catholique est fé-
conde, autant les sectes hérétiques sont stériles, et la
main de Dieu se montre encore dans ce résultat, car,
comme nous l'apprenons de l'Écriture, « si Dieu ne bâ-
tit point une maison , ceux qui la bâtissent travaillent
en vain. — Ce n'est point celui qui plante ou celui qui
arrose qui est quelque chose, mais c'est Dieu qui donne
l'accroissement. »
Enfin un dernier avantage de cette différence eptre
PBEFACEi xtii
l'Église cathcJique et les diverses secles, c'est d'appren-
dro aux hommes que la foi est un don gratuit de
Dieu ; qu'elle ne peut filre acquise ni par la science , ni
,par^ûcun lalent , hnbilelé ou industrie, vertus on forces
humaines que plusieurs sectaires possèdent au plus haut
degré ; elle leur apprend que personne ne doit présumer
lie soi-même , conformément à ces paroles de l'apâlre :
n Que celui qui croit Cire ferme prenne garde de tomber, i
Dieu.enefiet.aabandonnéles présomptueux auxdésirs de
leur cœur, et, tandis qu'ils se disaient sages, ils sont
devenus insensés, irëbuchiint çà et la, sous la main do
Dieu, comme des hommes ivres. Aussi n'y a-l-il rien
de si monstrueux, soit dans la théorie, soit dans la pra-
tique, que ces prétendus sages n'aient avancé; point de
contradiction si honteuse dans laquelle ils ne soient
lombes; et de là ressort cette vérité, que l'humilité et
lit prière sont les seuls moyens d'arriver h la foi et d'y
persévérer; car Dieu, nous dit l'apôtre saint Jacques ,
résiste aux superbes et tait grâce aux humbles. Que si
quelqu'un s'étonnait de voir dans l'hérésie cl dans lo
schisme une si grande multitude d'hommes, il doit ré-
flécliîr, et son étonnement cessera, qu'avant la venue
du Christ, Dieu avait laissé toutes les nations marcher
dans leurs voies, à l'exception du peuple juif; mais
qu'après le Christ toutes les nations , au contraire, ont
été appelées à la foi, et le seul peuple juif abandonné
à l'aveuglement de cœur et d'esprit où il est lui-môme
tombé.
En résumé, il y a deux voies seulement pour aller à
In vérité; ces deux voies sont l'autorité et la raison : la-
quelle est la bonne ? Toutes les disputes de religion re-
vimiienl invinciblement à ce point : faut-il, dans les
lit PRÉFACE.
matières religieuses , préférer raatorité à la raison ^ ou
la raison à l'autorité? ou bien ^ ce qui est plus clair » faut-
il f dans ces matières , procéder par voie de recherche et
indépendamment de toute autorité ; ou par la voie de foi
el de soumission à l'autorité publique et légitime de
l'Église? Enfin , faut-il s'en tenir à l'autorité de l'Église
catholique 9 ou^ laissant de côté cette autorité ^ faut-il
donner à chaque homme le droit d'admettre et d'inter-
préter les Écritures selon son propre et privé sens, c'est-
à--dire de se faire soi-même sa religion sur des opinions
plus ou moins probables? J'ai dit expressément l'autorité
de l'Église catholique, parce que , si on admet le sys-
tème d'autorité , il est hors de doute que cette Église , qui
est au-dessus de toutes les autres par son antiquité, son
universalité, son unité et son accord, l'emporte aussi
sur elles toutes en autorité au point qu'aucune ne sau-
rait lui être comparée y même de loin. Supposons, au
contraire, que nous admettions la voie du sens privé,
nom tombons aussitôt dans toutes les absurdités dont
nous avons plus haut donné le détail , absurdités qui
conduisent l'homme à une perte totale de la foi, et le
précipitent dans le scepticisme religieux le plus com-
plet. En cet état, il ne sait plus ni ce qu'il doit croire,
ni ce qu'il doit rejeter , etvle plus ou moins de proba-
bilité des dioses devient son unique règle de foi ; c'est
dire assez que toute foi est éteinte. En effet, ce prin-
cipe une fois admis, il devient permis de disputer sur
la religion de la même manière que les philosophes de
la Grèce en disputaient autrefois. La religion n'est plus
q«'un système philosophique; les sectes sont autant
d'académies et d'écoles philosophiques , où chacun est
libre de croire et de professer ce que bon lui semble.
PRÉFACE, XV
Or, je le demande^ est-il possible qu'un homme à
jeun et dans son bon sens se persuade que Dieu a donné
sa révélation à de telles conditions; qu'il Ta livrée sans
défense aux caprices des hommes > leur permettant de
disputer sans règle sur le véritable sens de cette révéla-
tion et sur son existence même» troublant et confondant
touty de manière à faire dégénérer la religion en pyrrho-
nisme» c'est-à-dire en une vaine question de philosophie?
Dans ce système, le protestant, séparé de TÉglise univer-
selle de tous les siècles, n'ayant môme aucune société
avec les complices de sa révolte, dont chacun a le droit
de se faire à soi-même sa religion, le protestant est seul,
semblable à un écueil jeté au milieu des mers que les
flots et les tempêtes battent de tous côtés.
Quelle espérance donc, quelle consolation sa religion
lui peut-elle apporter î, Qu'arrivera- t-il s'il se trompe?
Quel jugement peut-il attendre du Christ après sa mort?
Tout, dans ce système, inspire profondément la crainte
et l'horreur.
Au contraire, le catholique vit en pleine assurance
sous le système d'autorité; il est en communication avec
l'Église de tous les temps et de tous les lieux ; en société
avec les apôtres, les martyrs, les saints de tous les âges.
Jamais la profession de sa religion ne saurait lui faire
courir aucun danger, à moins, ce qui est complètement
absurde, qu'on ne pût courir quelque danger dans le
sein de l'Église catholique universelle. Il se regarde
comme un membre de cette grande famille dont le chef
invisible est le Christ, qui nous a laissé son image dans
Pierre et les pontifes ses successeurs, famille où tous les
biens sont communs, où un amour universel anime et
gouverne tout> où un ordre admirable subsiste sous la
XVI PRÉFACE.
main du Christ depuis le commencement jusqu'à nous ,
où tous s'asseoient à la même table eucharistique ; et si
quelques taches sont contractées par la fragilité humaine,
il suffit d'une humble confession de ses fautes, faite avec
repentance et sincérité, pour en obtenir du plus tendre
des pères un pardon plein de consolation et de douceur.
Le protestant est toujours seul, le catholique ne Test
jamais, ni pendant sa vie, ni à sa mort. Comme il a avec
tousses frères un même Dieu, une même foi, un seul
baptême, un même esprit, il a aussi avec eux, chacun
selon sa vocation , une seule et même espérance. Il n'est
par même abandonné après sa mort, car il continue de
communiquer, soit avec l'Église militante qui l'aide de
ses suffrages, soit avec l'Église triomphante qui lui tnd
les mains et l'appelle à elle.
Ainsi, ou aucune religion, ou la seule religion catholi-
que ; point de terme moyen, ou, si les hommes en établis-
sent un, ce n'est qu'une contradiction pleine et entière.
Car, si Dieu existe, si sa divine providence gouverne
tout, la vérité de la foi catholique ressort invinciblement
de l'enchaînement de toutes les choses et de la force
même de la raison. Cependant, en terminant, nous en
appelons encore avec plaisir au témoignage et à l'autorité
du grand saint Augustin, dont le génie vient en aide à
notre faiblesse.
«Si la providence de Dieu, dit-il, ne préside pas aux
choses humaines , il est inutile des'occuper de la religion.
Mais si, au contraire, l'aspect de cette nature qui nous
environne, et que nous devons croire sans doute émanée
de quelque source de parfaite et souveraine beauté; si je
ne sais quelle conscience inlcrîciirc cric aux meilleurs
esprits en public et en particulier , pour ainsi dire ,
m
PREFACE. wrt I
qu'il faut chercher Dieu et le servir, nous devons espère* 1
que ce Dieu même aura établi une aulorilé par le secmirK I
de laquelle nous puissions en toute sûreté nous i^lever de ■
lljlegré en degré jusqu'à lui.
l Or.cetleaulorité.mettant decôtéla raison dont nous '
avons déjà dit plusieurs Toisqu'îl est bien difficile que les
iguorans fassent un usage légitime, nous touche et non»
émeut en deux manières, en partie par les miracles, en
partie {lar la multitude de ceux qui lui sont soumis
J'appelle miracle tout ce qui est diflicileou inaccoutumé,
de manière à dépasser, soit l'altente, soit l'inielligence
du spectateur ; et, en ce genre, rien n'est plus accommo-
dé au géniedu petipleet du vulgaire que ce qui frappe
les sens. Néanmoins, en ce genre môme, il y a deux sor~
lesde miracles: les uns causent seulement de l'admira-
tion; tes autres, avec celle admiration, inspirent encora
la reconnaissance et l'amour.
Par exemple, si quelqu'un voit un homme voler, ce
spectacle ne lui étant d'aucune utilité, il s'étonne seuto-
ment; au contraire, si quelqu'un est atteint d'une mala-
die grave et désespérée, et que, sur une seule parole, il
recouvre immédiatement la santé, l'admiration quo sa '
guérison lui inspire le cède encore à l'amour et à la re-
connaissance qu'il éprouve pour celui qui l'a gnéii. Or,
CCS derniers miraclossont ceux quo les hommes ont vus
quand Dieu lui-même, fait homme, s'est montré el»
;u parmi eux. Les lépreux ont élé guéris et purifiés;
boiteux, redressa, ont marché; la vue a été rendue
MX aveugles et l'ouïe aux sourds. Les hommes do ce
temps ont vu le vin changé en eau, cinq mille personnes
rassasiées avec cinq pains, les mers traversées à pied sec,
les morts rrsmscilép, Dp ci's UTiracies, les uns éiaicnl uli-
XVIII PRÉFACE,
les aux hommes par un bienfait évident et manifeste en-^
vers le corps, les autres par une action secrète sur l'esprit,
et tous par le témoignage plein de majesté qu'ils ren-
daient de celui qui les produisait. C'est ainsi que l'au-
torité divine ébranlait alors et appelait à elle les âmes des
mortels livrés à Terreur. Pourquoi, me dites-vous, ces
choses n'ont-elles plus lieu de nos jours ? Paroe qu'elles
ne nous toucheraient plus si elles cessaient d'être éton-
nantes. Le retour successif du jour et de la nuit> la mar-
che constante des corps célestes, le feuillage des arbres qui
tombe et renaît, la force secrète et infinie des semences
confiées à la terre, la beauté de la lumière, la variété des
couleurs et des saveurs, supposons que quelqu'un avec
qui nous puissions parler les voie et les éprouve pour la
première fois, il demeure muet et terrassé d'admiration
devant ces miracles ; et nous, nous les méprisons pres-
que, non certes par la facilité de les comprendre, car qu'y
a-t-il de plus incompréhensible que les causes qui pro-
duisent ces effets, mais par l'habitude de les voir. Ces
miracles dont nous parlions tout à l'heure ont donc eu lieu
au moment le plus opportun, afin que, par eux, une mul*
titude de croyans étant rassemblés et propagés au loin,
l'autorité, qui maintient la foi, pénétrât et s'établît dans
les mœurs mêmes. Les mœurs ont une si grande puis-
sance sur l'esprit des hommes, que, comme il arrive le
plus souvent quand les passions nous emportent, il nous
est plus facile d'improuver et de délester ce qui est mau-
vais, que de l'abandonner en nous corrigeant. Pensez-
vous qu'il importe peu à l'humanité que ce ne soit plus
seulement un petit nombre de doctes parmi les doctes qui,
disputant entre eux de la nature de Dieu, disent qu'il
n'est rien de terrestre , rien qui tombe sous les sens, et
PEÉFAGE. XIX
qu*il est aàiqttemeiit perceptible à Tespril ; mafs que
cette grande vérité soit crue et prèchée même par le vul-
gaire ignorant des deux sexes dans tant de nations diffé-
rentes? Pensez. vous (({u'il importe peu à rhumanité que
l'esprit ait Vaincu la siatîère au point que le jeûne ait été
porté jusqu'à l'abstinence complète de toute nourriture
pendant plusieurs jours ; la chasteté jusqu'au mépris des
satisfactions conjugales et paternelles; la patience jus-
qu'à ne tenir aucun compte des croix et des flammes ; la
Ubéralité jusqu'à livrer son patrimoine aux pauvres ; en-
fin, le mépris absolu de toutes les choses de ce monde
jusqu'au désir de la mort? Peu d'hommes sans doute Tont
ces sacrifices, et moins encore les font comme il faut;
mais la multitude voit, apprend, applaudit, aime enfin ;
elle s'accuse avec amertumede ne pas pouvoir ces grandes
choses, et cet aveu de sa faiblesse n'est pas sans quelque
aspiration avantageuse de l'âme vers Dieu, sans quelque
étincelle de vertu.
Mais quia fait ces choses? La Providence divine. Gom-
ment les a-t-elles faites? Par les oracles des prophètes,
par l'humanité et la doctrine du Christ, par les voyages
des apôtres, par les opprobres, le sang, les croix, la mort
des martyrs, parla vie tout admirable des saints, et par
ces miracles innombrables où brillent, selon l'opportu-
nité des temps, les vertus les plus éclatantes et les plus
diverses.
A l'aspect de ces secours divins si puissans, de ces
avantages si grands et si visibles, pourrions-nous hésiter '
à entrer dans le sein de TÉglise, de cette Église qui, par
une succession non interrompue d'évéques, depuis les
apôlres jusqu'à nous, malgré les clameurs des hérétiques
frémissant autour d'elle, et dont les erreurs ont étécon-
XX PRÉFACE,
damnées en partie par la sagesse imposante des conciles,
en partie par le peuple lui même, en partie par l'éclat
souverain des miracles» a possédé et possède encore Tau-
torité suprême, de l'aveu du genre humain tout entier?
Refuser à cette Église l'obéissance qui lui est due entre
toutes les autres est le comble de l'impiété ou de la pré-
somption la plus insensée. Car si, pour aller à la sagesse
et au salut, il faut nécessairement que la foi ouvre la voie à
la raison, comment l'homme peut~il se montrer plusingrat
envers Dieu qu'en refusant les secours que ce Dieu lui
offre, c'est-à-dire en résistant, à Tautorité de cette Église
qu'il a fondée avec de tels soins? Et si chaque science,
aussi simple et facile qu'elle soit, exige cependant un
maître pour être enseignée et apprise , quoi de plus
orgueilleux et de plus téméraire que de ne pas vouloir
connaître les livres sacrés par leurs interprètes, et de
condamner ceux qu'on ne comprend pas? G^est pour-
quoi, si la raison ou notre exhortation vous touche, si,
comme je le crois, le soin de votre salut vous est cher,
puissicz-vous m'écouter en vous confiant avec foi, espé-
rance et charité aux maîtres légitimes de la chrétienté
catholique; en ne cessant de prier ce Dieu dont la bonté
nous a créés, dont la justice nous cliàtieet dunt la clé-<
menée nous délivre! Ainsi ne vous manqueront, pour
atteindre aisément le but vers lequel vous tendez, ni les
enseignemens ni les explications d'hommes savans
et vraiment chrétiens, ni les livres ni les bonnes pensées
elles-mêmes.
Ce tableau de la perpétuité divine de l'Église catholi-
que, de rinvariabilîté de ses dogmes, fait mieux ressor-
tir tout ce qu'il y a d'humain, c'est-à-dire de vain et de
faux, dans les sectes qui se sont séparées de celliî Église.
PRÉFACE.
Encore ai ces sectes étaient d'accord entre elles! Mnis
elles ne se combattent pas avec moins de Tureurci d'opl-
niâlrelé les unes les autres qu'elles ne comballent le ca-
tholicisme. La vérité est quelque chose en soi de simple
et d'indivisible; on ne peut en conserver une partie et
abandonner l'autre. Or c'est là évidemment ce que fout
les hérétiques, puisqu'ils se divisent sur les points de foi
à rejeter ou à conserver ; en sorte qu'en prennnl de cha-
que hérésie ce qu'elle relient du symbole de l'Église ca-
tholique, on refait aisément ccsymbole tout entier.
A cette preuve si remarquable que In vérité religieuso
est dans ce symbole, et que s'il y en a ailleurs quelques
parcelles.elleshiiappartiennentel en ont été empruntées,
la lecturede Pluquel en ajouie qui nesont pas moinsfrap-
pantes, je veux dire le caractère deshérésîarqueset les mo-
tirsquileuronirailenlrepTcndrelcurs prétendues rérormes.
Sans remonter plus haut que nos siècles modernes et
sans aller réveiller les Donatistes d'Afrique dans leur
couche ensanglantée, ou les victimes innombrables do
l'Arianisme dans les trois parties du monde connu h cette
époque, ne suffit-il pas de voir ce qu'étaient un
Henri VIII, un Luther, un Calvin, pour être persuada
qu'il est impossible que Jésus-Christ leur ait donné la
mission de réformer son Église?
La relJgioncbrélienneest une institution divine ou une
tnslitutionhumaine.il faut choisir; pour nous , qui
croyons qu'elle vient de Dieu, nous sommes conséquens
en refusant d'admelire au nombre de ses apAtres des rois
lubriques, cruels, spoliateurs ; des moines apostats ; des
professeurs de ihéologic qui se changent on bourreaux.
Mais les Anglicans, les lailhiTiens, les Calvinisies, vonus
d'uncsourcc empoisonnée, sont-ils bien conséquens en
1
XXII PRÉFACE,
reconnaissant y comme ils le disent^ la divinité d'une re-
ligion qu'ils prétendent avoir été réformée par de tels
hommes et de tels moyens?
L'ouvrage de Pluquet est tel qu'il le faut pour rame-
ner à la vérité les hérétiques de bonne foi. Ce n'est point
un livre de controverse , c'est fout simplement un ta-
bleau de la vérité et de l'erreur mises en face par l'his-
toire, et cela au moyen d'un récit simple, sincère, véri-
dique. Il n'avance rien qu'il ne l'appuie d^une preuve
irréfragable; il cite partout ses autorités; il montre de
plus une impartialité qui ne peut exister à ce point que
dans le défenseur d'une bonne cause. Les personnes qui
prétendent que le catholicisme est ennemi des lumières
d'une civilisation progressive, trouveront presque à cha-
que page de cet excellent travail un démenti formel à
cette opinion qu'une philosophie sceptique a répandue et
accréditée en France à la fin du siècle dernier, et qui sub-
siste malheureusement encore dans quelques esprits.
L'ignorance, dit Pluquet, est le mobile le plus puis-
sant de l'hérésie ; on n'est jamais si près de douter et
d^admettre le faux que quand on n'a pas du vrai une
notion claire et distincte. Aussi est-ce à l'Église romaine
qu'on doit le renouvellement des études, non pas seule-
ment religieuses, mais même profanes ; c'est là un fait
historique hors de toute discussion.
Sans doute cette Église, à qui Dieu a remis le dépôt de
la foi, oppose aux lumières qu'elle a développées elle-
même une barrière invincible, lorsque les hommes fiers
de ces lumières veulent par orgueil s'ouvrir une voie que
Dieu leur a fermée. Elle leur oppose ces paroles de l'Écri-
ture: Hùc usquevenieset nonprocedes ampliàs. Mais quelle
est cette voie interdite à l'orgueil humain ? C'est celle du
PRÉFACE. xxm
doute et de l'erreur; en un mot, celle où l'ignorance le
conduit. Car l'ignorance et Tabus des lumières n'ont pas
pour l'homme un résultat différent; ce résultat est tou-
jours l'erreur.
Il y a, je le sais, quelque chose de douloureux pour no-
tre orgueil dans cette dernière réflexion. Elle nous dé-
montre que, quand nous nous refusons à l'autorité de
Dieu en matière de foi, nous tournons dans un cercle fa-
tal, et que, de quelque point que nous partions, nous ar-
rivons toujours à l'absurde. Ainsi, de même qu'au milieu
des ténèbres du moyen-âge un homme, appelé Éon,
s'imagine quUl viendra Juger lesvivansetles morts parce
qu'il entend chanter dans les ^lises Per EU M qui ventur
ru» eH; de même, au milieu des dix-huitième et dix-
nenrième siècles, un de ces hommes qu'on appelle savans
asisure qu'il y a dix-huit races d'hommes différentes et
-qu'elles viennent d'un crapaud, d'un singe, etc. — L'une
de ces erreurs n'est pas plus absurde et plus ridicule que
Tautre ; et toutes deux ont cependant trouvé des admira-
teurs et des disciples. Dira-t-on que l'Église catholique
est l'ennemie des lumières ou la protectrice de l'igno-
rance, parce qu'elle les condamne également?
La vérité religieuse est en dehors de ce cercle fatal ; elle
ne va point d'un pointa un autre comme la faible raison
humaine, mais die demeure immobile là où Dieu Ta
placée. De ce lieu élevé elle domine, elle éclaire, elle ap-
pelle à soi les hommes de bonne volonté^ ignorans ou
savans, n'importe, pourvu que leur ignorance ou leur
science ne s'enveloppe point de ténèbres si épaisses
que ses rayons divins ne puissent les dissiper. Sa lumière
douce et pénétrante ne se refuse point aux yeux malades.
jtxtv PRIÈFACE,
mais il faul qu'ils s'en laissent guérir et qu^ils l'aiment
pour la voir dans toute sa splendeur.
Est^il donc si difficile d'aimer la vérilé? Quoi de plus
doux au contraire? Par quelle aberration préférons-nous
si souvent les ténèbres à la lumière? Les ténèbres sont si
tristes! la lumière si consolante ! Marchez à ma lumière,
nous dit la voix d'un Dieu qui est mort pour nous : et
nous détournons la tète, nous embrassons Terreur, nous
nous enfonçons dans la nuit.
Deux mille ans se sont écoulés depuis que la lumière
véritable brille au milieu du monde, et elle n'a pu encore
vaincre les ténèbres, tant les hommes lui ont opposé d'or-
gueil, l'orgueil, le père des ténèbres et de la mort, atta-
ché au cœur de l'humanité comme le vautour à sa proie.
Cependant cet orgueil, si fier de ses œuvres, que pro-
duit-il?Il faut le lire dans Pluquet. En religion, des absur-
dités; en morale, des maximes licencieuses; en philoso-
])hie, des systèmes sans liaison qui croulent les uns sur
les autres ; en histoire, des mensonges ; en politique, des
réformes d'où naissent le meurtre, le pillage, la dévasta-
tion; enfin toujours et partout, le mal, rien que le mal ;
et qu'attendie autre chose du sentiment pervers qui a
banni du ciel les anges mômes et creusé l'enfer?
V. DE Përrodil.
poua SERVIE A l'histoibe
DES ÉGAREMENS
DE L'ESPRIT HUMAIN
PAR RAPPORT A LA RELIGION CHRÉTIENNE.
IÂBAELARS (Pierre), naquit i Palais, en Bretagne, vera la 1
ftn de l'unziëme siècle *, d'une fumille noble : ses amours, ses I
malhCiUrs, aCs démêlés littéraires et ses erreura en ont fait un 1
liDtnme célèbre. ,
Tout le monde connafi les égaremens de soa cœur et ses infoh
tunes ; nous ne considérons ici que ses elTurts pour l'avancement '
de l'esprit humain, les cliangemens i^u'il fit dans la manière de
tnulerla théologie, etiesécueils qu'il r<
Depuis le renouTclleuient des sciences dans l'Occident pu;
Chtrlemagne, la nation française s'était élevée successiTemeut ds
L^' orthographe !ila grammaire, de la p'amma ire aux belles-lettre», '
Vît la poésie, i la pliilosophie et auï mathématiques ; on avait eii
nelque sorte suivi la route qu'Alcuin avait tracée *.
f La philosophie n'avait alors que irob parties : la logique, ta
» En 1079.
* Alcnin, l'ftani proposé de rétablir Ees lettres en France, c
p^BTrKommander l'artlio|p-ap1ie ; il composa ensoile des traités si
■maire, sur la rhéloHqup, sur la diiilecliqueet sur leg malliémati' I
. Faji»rHisl(^]ilt^iûredcFnince,l. A,
2 ABÂ
morale et la physique; de ces trois parties, la logique était pres«
que la seule qu*OQ cultivât, et elle renfern^it la métaphysique.
La logique Quêtait qu« V9lt% de ranger sous certaines classes les
différons objets de nos connaissances, de leur donner des noms et
de former sur ces noms des raisonnemens ou des syllogismes.
Abaelard étudia la dialectique avec beaucoup d'ardeur et même
avec succès ; il réforma celle d*Arislote, devint Toracle des éco-
les et sa fit une grande réputation, parce qu'alors le génie delà na-
tion et de presque tout TOccident était tourné vers la philosophie.
Lorsqu' Abaelard eut embrassé la vie religieuse, il s'attacha
principalement à la théologie, et ses disciples le prièrent de join-
dre aux autorités qui prouvent les dogmes de la religion des ex-
plications qui rendissent ces dogmes intelligibles à la raison ; ils
lui représentèrent qu'il était inutile de leur donner des paroles
qu'ils n'entendaient point, qu'on ne pouvait rien croire sans l'a-
voir auparavant entendu, et qu'il était ridicule d'enseigner une
chose dont ni celui qui parlait, ni ceux qui l'écoutaient, n'avaient
point d'idée ; ils ajoutaient que le Seigneur lui-même avait cen-
suré ces maîtres-là, comme des aveugles qui conduisaient d'au-
tres aveugles ^.
Tel était le goût général de la nation, et ce goût ne s'était pas
toujours contenu dans de justes bornes. Quelques philosophes,
parce qu'ils savaient faire un syllogisme, se croyaient en droit
d'examiner et de décider souverainement de tout ; ils croyaient,
en faisant un syllogisme, approfondir tout, éclaircir même tous les
mystères, et ils avaient attaqué le dogme de la Trinité.
Abaelard, déterminé par ces considérations et peut-être par
son propre goût, entreprit cP expliquer les mystères et les vérités
de la religion, de les rendre sensibles par des comparaisons, de
combattre par l'autorité des philosophes et par les principes de la
philosophie les difficultés des dialecticiens qui attaquaient la reli-
gion.
C'est l'objet quMl se propose dans son introduction à la théolo-'
gie et dans sa théologie chrétienne '.
La méthode qu' Abaelard se proposait de suivre était nouvelle
*■ Ah9fih, ep. 1, c 5 Operum, p. 20.
> L'introduction à la théologie se trouve dans Tédition des ouvrages
d' Abaelard par Amboise, et sa théologie chrétienne dau ;le tome 5 du
Thésaurus anecdotorum du P. Martenne.
ABA
en France; il ne douta pas qu'elle ne fût dScri^e par une cabale
d'hommesconnusdepab souslenomdeCornificieDs; cesComili—
ciens ne pardonnaient pas â un homme de mérite la coasidéralion
qa'it obtenait, el publiaient qne les sciences et les savans per-
draient la religion el l'état.
Pour prévenir les clameurs de ces hommes toujours méprisa-
bles et «ouient en crédit, Abaelard établit comme un principe in~
contestable qu'il n'y a point de connaissance qui ne soit utile el
bonne en elle-même, que la philosophie est d'une grande utilité,
même dans la théologie, lorsqu'on aime la vérité et qu'on cher-
che* la faire connaître. La philosophie n'est contraire ï la reli-
gion qne dans la bouche de ces sophistes possédés de la fureur
de la célébrité : incapables de rien approfondir, ils veulent parler
de tout et dire, sur tout ce qu'ils traitent, des choses inonles ; ils
cherchent dans les objets, non ce qui peut éclairer utilement,
mais ce qui peut étonner ou faire rire; ces sophistes, ou ces
bouCTons de la philosophie, prennent cependant te nom de philo-
Eophes, et les sciences n'ont point, selon Abaelard, de plus dan-
gereux ennemis. Ce sont eux qui retardi'nt, en eOei, le progrés
de la lumière, elquidonnent du poids aux clameurs et aux calom-
nies de l'ignorance contre les sciences et contre la philosophie.
Le vrai philosophe, selon Abaelard, reconnaît la vérité de la re-
ligion et tâche d'en bien coonatlre Tesprit; mais s'il ne dissipe
pas l'obscuril^ïqui enveloppe ses mystères, il pense qu'il ne peut
ni tout voir, ni tout comprendre, et qu'il est absurde de rejeter
nn dogme parce qu'on ne le comprend pas, el lorsque celui qui
nous l'assure ne peut ni se Irooiper ni tromper les autres.
C'est dans cette disposition d'esprit qu' Abaelard compose et
veut qu'on lisesa théologie*.
La théologie n'a point, selon Abaelard, de plus grand objet que
la Trinité. Les noms des trois personnes comprennent l'Être sou-
verainement parfait; la pntssance de Dieu est marquée par le
nom de Père, la sagesse par celui de Fils, et la charité de Dieu
envers les hommes par celui du Saint-Esprit; trois choses, dit
Abaelard, qui font le souverain bien et te fondement de nos de-
voirs par rapport ï Dieu.
La distinction de ces trois personnes est propre à persuader aui
hommes de rendreà Dieu l'adoration qu'ils lui doivent ; car deux
* Théo), christ., 1.3,
1
I
4 ABA
dioses nous inspirent du respect, savoir : la crainte et Tamour»
La puissance et la sagesse de Dieu nous le font craindre, parce
que nous savons qu'il est notre juge, qu'il peut nous punir; et sa
bonté nous le fait aimer, parce qu'il est juste d'aimer celui qui
nous fait tant de bien ^.
Les dialecticiens attaquaient principalement le dogme de la
Trinité : ainsi ce mystère fut l'objet principal qu'Abaelard traita.
Jésus-Christ n'a fait que développer le mystère de la Trinité,
selon Abaelard. Il trouve ce mystère dans les prophètes et dans les
philosophetanciens ; il croit vraisemblable que ceux-ci ont connu
le mystère de l'Incarnation aussi bien que celui de la Trinité, et
qae Dieu leur a révélé ces mystères en récompense de leurs ver-
tus. Abaelard part de cette idée pour louer les belles qualités des
philosophes, la pureté de leurs mœurs, l'excellence de leur mo-
rale, et croit qu'on ne doit point désespérer de leur salut *.
Il passe ensuite aux difficultés des dialecticiens, qu'il résout as^
sez bien, en expliquant les équivoques qui en font toute la force ;
il arrive enfin à une des principales : c'est la nature de chaque
personne, et sa différence, qu'il tâche d'expliquer.
Le propre du Père, dit Abaelard, est de n'être point engendré ;
le propre du Fils est d'être engendré et de n'être ni fait, ni créé;
le propre du Saint-Esprit est de n'être ni fait, ni engendré.
Abaelard remarque qu'il n'y a point d'exemple, dans les créa-
tures, où l'on trouve dans une même essence trois personnes ; ce
n^est que par des analogies ou par des comparaisons qu'on peut
le concevoir, et il ne faut pas, selon ce théologien, chercher dans
ces comparaisons une ressemblance parfaite.
Pour faire concevoir le mvstère de la Trinité, il se sert de
l'exemple d'un cachet composé de la matière et de la figure qui y
estgravée : le cachet n'est ni la matière seule, ni la figure seule,
mais un tout composé de l'une et de l'autre ; et cependant le cachet
n'est autre chose que la matière ainsi figurée, quoique la matière
ne soit pas la figure.
11 distingue la procession du Saint-Esprit de la génération du
Verbe, en ce que le Verbe, étant la sagesse, participe à la puis-
sance du Père, parce que la sagesse est une sorte de puissance,
* Introd«ad theol, 1. 1. Theol, christ., 1. 1, c ?,
' Jbid.
K^'
i ABA
savoif '• la paissance dedisliiigucrle bien du mal, de déterminer
ce qu'il faut laire et ce qu'il ne faut pas faire ■.
Le Saiut-£sprit étauldésigaé par le nom d'amour, qui n'est
une puissante, n'esl point, ï proprement parler, la substance du
Père, quoiqne le Saint-Esprit soil cependant d'une mêmesuliaia
Abaelard explique ensuite la coétemiié des irois personnes par
l'exemple de la lumière du soleil, qui existe dans le même instant
que le soleil *.
Après avoir eiposé tl eipliqué le dogme de la Trinité, il esa-
mine lapuissancedeDieu et s'il peut faire autre cliose que ce qu'il
a fait.
Il sent toute la difliculté de sa question. Pour la résoudre, il
établit que la sagesse et la bonté de l'Être suprême dirigent sa
puissance ; il conclut de ce principe que tout ce que Dieu a pro-
duit, sa sagesse et sa bonté le lui ont prescrit; que s'il y a du
bien qu'il n'ait pas fait, c'est que sa sagesse ne lui permettait pas
de le faire ; de lï il conclut que Dieu ne pouvait faire que ce qu'il
a fait, et qu'il ne pouvait ne le pas faire '.
Voilà les deux principaux ouvrages théologiques d'Abaelard ; il
composa encore des explications sur l'oraison dominicale, sur le
symbole des apiSlres , sur cetni de saint Athanase et sur quelques
endroits de l'Ecriture : il &t un ouvrage qu'il iutilula te Oui et te
non, qui n'est qu'un recueil de passages opposil's, tirés de l'Écri-
ture , sur dilTérentes matières *.
Enfin, il fit un commenLiire sur l'épitre de saint Paul aux Ro-
maioE : ce commentaire n'est qu'une explication littérale de cette
épllre; Abaelard ne se propose que de faire voir l'enchaîne ment
du discours de cctapAtre ".
Dfi erreurs contenues dans lu ouvrage* d'Àbatiari.
Les ouvrages théologiques d' Abaelard furent reçus avec ap-
., et il est certain qu'ils contenaient de très bonnes
choses et des vues pi us étendues et plus élevées qu'on n'en trouve
dans les théologiens de ce siècle; mais ils contenaient aussi des
< IbJiI., I. i. Thcol. clirisL, 1. i,
■ Theol. christ., I. S. Introd.adlbeol., 1.3.
' Cet ouvrage est manuscrit dans la bibliutLiquc deSamt-Germaiii.
* Dans lerecudldesvavresd' Abaelard, parAmbuise.
« ABÂ
expressions inusitées, des opinions extraordinaires, des compa*»
raisons dont on pouvait abuser, et même des erreurs réelles.
Deux théologiens de Reims , Âlbéric et Lotulphe, jaloux de la
réputation d'Al)aelard, n*envisagèrent ses ouvrages que par ces
endroits ; ils y virent des erreurs monstrueuses et dénoncèrent
Abaelard à Tarchevéque de Reims. On assembla un concile â
Soissons ; Abaelard y fut cité. Le peuple » soulevé par Âlbéric et
par Lotulphe , accourut en foule pour insulter Abaelard , et criait
qu'il fallait exterminer cet hérétique , qui enseignait quUl y avait
trois dieux ; effet bien sensible de Tignorance et de la mauvaise
foi des accusateurs d* Abaelard : les expressions d* Abaelard ten-
daient plutôt au Sabellianisme qu'au Trithéisme ^.
Abaelard ne comparut dans le concile que pour jeter son livre
au feu ; il lut à genoux le symbole de saint Athanase , déclara
qu'il n'avait point d'autre foi que celle qu'il contenait , et fut ren-
fermé dans le monastère de saint Médard de Soissons , d'où il
sortit peu de temps après : lorsqu'il fut sorti , il reprit ses exer-
cices théologiques.
Vingt ans après le concile de Soissons, Guillaume, abbé de
Saint-Thierri, crut trouver dans les livres d'Abaelard des choses
contraires à la saine doctrine , et il en tira quatorze propositions
qui expriment ces erreurs *.
1** 11 y a des degrés dans la Trinité; le Père est une pleine
puissance , le Fils est quelque puissance , et le Saint-Esprit n'est
aucune puissance ^.
2» Le Saint-Esprit procède bien du Père et du Plis, mais il
n'est pas de la substance du Père, ni de celle du Fils *,
3** Le diable n'a jamais eu aucun pouvoir sur l'homme , et le
^ Abael. ép. 1, c 9, edit Amboesii.
2 En 1139.
* Il est clair, par divers endroits de l'Introduction et de la Théologie
chrétienne d'Abaelard, qu'il croyait que le Père, le Fils et le Saint-
Esprit sont également tout-puissans ; les expressions que l'on reprend
ici se trouvent dans un endroit où Abaelard explique la différence delà
procession du Saint-Esprit et de la génération du Verbe, et il avertit ex-
pressément qu'il ne faut pas pour cela que Ton croie que le Saint-Es-
prit n'est pas tout-puissant. Voyez la Théologie chrétienne et l'Inlro-
duclion à la théologie.
* Abaelard n'a péché ici que dans Texpression, puisqu'il reconnaît
formellement que le Saint-Esprit estconsubstantid au Père*
■ ABA r
nis de Dieu ne s'est pas iDcarn£ pour délÎTrer l'homme, mais
Bcalement pour l'instruire par ses discours et par ses exemples ,
et il n'a aoufferl, ni u'est mon , que pour faire paraître el rendre
recommandablc sa charité eoTers nous *. *
4° Le Saint-Esprit est l'âme du monde *,
S" Jésus-Christ, Dieu et Homme, n'est pas la troisième per*
sonne de la Trinité, ou l'homme ne doit pas élre proprement ap-
pelé Dieu ^,
6° Noue pouTons vouloir et faire le bien par le libre arbitre,
sanslesecours de la grâce '.
7° Dans le sacrement de l'autel, la forme de la première inb-
stance demeure en l'air ''.
8° On ne tire pas d'Adam la coidpe du péché originel, maïs la
-9° Il n'j a point de péché sans que le pécheur ; consente et
sans qu'il méprise Dieu'.
10° La concupiscence, la délectation et l'ignorance ne produi-
11° Les suggestions diaboliques se font dans les hommes d'aae
manière physique-, savoir, par l'attouchement de pierres, d'her-
bes el d'autres choses dont les démons savent la vertu ".
> Celte proposition est tirée du commentaire sut l'épltre auxKomains;
c'est l'erreur des Pétagieus, et Abaelaid la râtracta. Cette erreur est l'é-
tutée à l'article PALisijtflisuE.
1 Ilesl certain que ce u'esl point ici le sentiment d'Abaelard. S'étaiit
propose de trouver le dogme lie la Trinité dans les philosophes païens,
il crol que, par 1 âme du monde, ils eoteudajeut le Saioi-EapriL
> On ne peut nier qu'Ahaelurd ne parle comme Neslurius ; mais U
est certain qu'il ue recounsiasait en Jésus-Christ qu'une personne.
* Celte propoùtioa est une erreur pËtagienue, et fut rëlractée par
Abaelard.
s Cette proposition n'eiprime qu'une opinion Ihéologique. Guillaume
de Sainl-Tbierri, qui réfute celle propoaiiion en preieudant que les ac-
cidens existent dans le corps de Jésus-Christ, n'est pas conlroin! aux
théologiens, qui admeltent les accidcDS absolus.
s Abaeiardretratia cette proportion, qui est pélagienne.
' Abacinrd prétendn'avoir jamais avancé celte proposition, et on ne
la trouve point dans ses ouvrages.
' Aliadard rétracta ccllre proposition.
■ Cette proposition contient une opinion rcrue parmi les physiciens du
«le d'Abaelard ; ce n'est pas uneerrenrthéolt^ique.
^ilÈele d'Abael
12> La foi est 1'
is qu'oi
ou le jugement qu'
13° Dieu ne peut faire que ce qu'il h fait
11* J&us-Cbrisl o'èst point descendu aux enl
Cuillaunie de Saiut-Thietri envoya à Geofroi , évéque de Cliar-
tres, el i saint Bernard, abbé de Clairvaux, ces propositions el
l'ouvrage qu'il avait composé contre Abaelard.
L'abbâ de Clairvaui , h la lecture de la lettre et de l'ouvrage de
Guillaume de Saint-Thierri contre Abaelard , ne douta pas que ce
dcruier ne fût tombé dans les erreurs qu'on lui imputait ; il lui
écrivit de rétracter ses erreurs el de corriger ses livres,
Abaelard ne déféra point aux avis de saint Bernard ; le lèle de
cet abbé s'enflamma; il écrivit au pape, aux prélats de la cour
lie Borne et aux évêques de France contre Abaelard.
Saint Bernard peint Abaelard sous les traitsies plus horribles;
il mande au pape qu' Abaelard et Arnaud de Bresse ont fait un
complot secret contre Jésus-Christ et contre son Église. Il dit
qu' Abaelard est un dragon infernal, qui persécute l'ÉgUse d'une
manière d'autant plus dangereuse qu'elle est plus cachée et plus
secrète : il en veut, dit-il, à l'innocence des âmes; Arius, Pelage
et Nestorins ne sont pas si dangereux, puisqu'il réunit tous ces
stres dans sa personne, comme su conduite et ses livres le
font connaître: il est le persécuteur de la foi, le précurseur do
r Antéchrist *.
est aisé de voir, par ce que uous avons dit d'Âbaclacd et par
; l'histoire de sa vie, que les accusations de saint Bernard sont
^destituées, non-seulemetil de fondement, mais même d'appa-
rence, aux jeux du lecteur impartial, le ne fais poini cette re-
marque pour diminuer la juste vénéraLioD que l'on a pour cet
' illustre et saint abbé; je voudrais inspirer aux personnes qu'un
lèle ardent anime un peu de défiance pour leurs propres idées , eli
i s'il ilait possible, les rendre un peu plus lentes à condamner. Si,
* On attaquait celle proposition, parce qu'
bijssait la eertitude de la fui.
' Abaelard rétracta celle erreur. Saiut Bemanl, qui réfute
reurs attribuées i Abacluril, ne dit rien de celle-ci. Bern., l
• Abuelard rélracla cette erreur, Dom Gerv
«ique toutes ces piopuailiuits. Vied'âbnelard, I. 3, 1.5, p,
issi sur le m&mc sujet le P, liobiiieau, HisLdcBrelagiie.
» Bernard, f p. 330,331, 338, 337.
qu'elle aOaU
ABA 9
SS^îâ?ïiie aussi pure, maai é<;lalrée que celle de saint Der-
Dard, le zèle a été outré, combien ne devons-nous pas nous dé-
fier de notre zèle , nous qui sommes si éloignés du désînléresse-
raenteldela charilé de saint Bernard*
Les lettres de saint Bernard rendirent la foi d'Abaelard sus-
pecte et sa personne odieuse dans presque toute l'Ëglise ; il s'en
plaignit il l'archeièque de Sens, et le pria de faire venir saint
Bernard au concile de Sens, qui était sur le point de s'assem-
bler.
Saint Bernard se rendit au concile , produisit les propositions
extraites des ouvrages d'Abaelard, et le somma de justifier ces
propositions , ou de les rétracter.
Parmi ces propositions, quelques-unes, comme nous l'avons
TU, n'eiprimaient point les sentimens d'Abaelard; d'autres pou-
vaient s'expliquer et avaient été mal interprétées par les dénon-
ciateurs ; entin , il y eu avait sur lesquelles Abaelard demandait à
s'éclairer.
Hais saint Bernard le pressa avec tant de vivacité, et Abaelard
remarqua tant de cbaleor et de prévention dans les esprits, qu'il
jugea qu'il ne pourrait entrer en discussion ; il craignit même
une émeute populaire : il prit donc le parti d'appeler à Rome, uJi
il avait des amis , et se retira après son appel ' .
Le concile condamna les propositions extraites des ouvrages
d'Abaelard, sans parler de sa personne, et l'on écrivit au pape
iiDe lettre pour l'informer du jugement de ce concile^.
Le pape répondit qu'après avoir pris l'avis des cardinaux, il
avait condamné les capitules d'Abaelard et toutes ses erreurs, et
' Olho Frisingensia, de gestis Fridericî, c. i8.
3 Bércnger, disciple d'Abaelard, dans son Apologie pour son maître,
et dom Gervaise, dans sa Vie d'Abaeliird, ont attaqué la procédure du
concile : le premier n'est qu'un déclnmaleur, et dom Gervaise ne prouve
point que les l'ëres du ronciJe aient outrepassé leur pouvoir. Les évB-
ques prononcèrent sur les propositions qu'on leur présentait ; peut-on
douter qu'ils n'eussent ce droit? Us n'entendirent point les défenses
d'Abaelard, dit-on ; mois était-il nécessaire de l'entendre pour juger A
les propositions qu'on déférait au concile étaient conformes ou contrai-
res à la foi? Il n'eût été née Essaire de l'entendre qu'au cas que le con-
cile eDt jugé la personne d'Abaelard. Vayci d'Argenlré, ColIccL judi-
cîori de nuvis erroribus, t, 1, p. SI. Marlenne, Observation, ad tLeul.
AlwelEirdii t. 5. Ihetaur, anecdot, Natal, Alex, insKc IS, dissert,?,
10 ABE
JQgé que les sectatearsi ou défenseurs àe (sa doctrine devaienl
être retranchés de la communion.
Abaelard publia une profession de foi , dans laquelle il protes*
tait devant Dieu qu*il ne se sentait point coupable des erreurs
qu*on lui imputait ; que s'il s*en trouvait quelqu'une dans ses
écrits, il était dans la résolution de ne la point soutenir, et qu'il
était prêt à corriger ou à rétracter tout ce qu'il avait avancé mal-
à-propos ; il condamna ensuite toutes les erreurs dans lesquelles
on l'accusait d'être tombé , et protesta qu'il croyait toutes les vé*
rites opposées à ces erreurs.
Après avoir publié cette apologie, Abaelard partît pour Romoi
passa par le monastère de Cluni, où Pierre le vénérable, qui en
était abbé, le retint et le réconcilia avec saint Bernard ; il y édi-
fia tous les religieux , et mourut l'an 1142, âgé de soixante-trois
ans , dans une maison dépendante de Gluui , où il s'était retiré
pour sa santé ^.
ABÉGËD ARIENS ouABécÉDAiRES, branche d'Anabaptistes, qui
prétendaient que, pour être sauvé, il fallait ne savoir ni lire,
ni écrire, pas même connaître les prémices lettres de l'alphabeti
ce qui les fit nommer Abécédariens.
Lorsque Luther eut attaqué ouvertement l'autorité de l'Église,
de la tradition et des Pères, et qu'il eut établi que chaque parti-
culier était juge du sens de l'Écriture, Stork, son disciple, ensei-
gna que chaque fidèle pouvait connaître le sens de l'Écriture, aussi
bien que les docteurs ; que c'était Dieu qui nous instruisait lui-*
même ; que l'étude nous empêchait d'être attentifs à la voix de
Dieu, et que le seul moyen de prévenir ces distractions était de
ne point apprendre à lire ; que ceux qui savaient lire étaient dans
un état dangereux pour le salut.
Carlostad s'attacha à cette secte, renonça à l'université et à sa
qualité de docteiu*, pour se faire porte-faix ; il s'appela le frère An-
dré. Cette secte fut assez étendue en Allemagne K
Dans tous les temps, l'ignorance a eu ses défenseurs, qui en ont
fait une vertu chrétienne : tels furent les Gnosimaques, les Gomi-
ficiens, au septième et au douzième siècle. Tous les siècles ont
eu et auront leurs Gnosimaques et leurs Gomificiens.
* Voyez les auteurs cités ci-dessus»
s Osiander, centur. 16, 1. 2. Stockman Lexîci in voce Àbecedârii,
Voyez Part. Carlostad, Anabaptistes.
P ABY 11
ÂBELONITES, pajsans du diocËse d'HijiponG, qui se prirent
de?éuéra[ioD pour Abel; ils prétendirent qu'il fallait se marittr
comme lui, mais qu'il ne fallait point user du mariage; ainsi les
maris et leafemaies demeuraienleueemMe, mais ils taisaient pro-
fessian de continence et adopuieut un petit garçon et une petite
Me qui leur succédaient '.
ABSTINENS, nom qu'on donna aux Encraiites, aux Manichéens,
parce qu'ils voulaient qu'on s'abstînt du vin, du mariage, etc.
ABYSSINS ou ÉiaiopiENS, peuples de l'Afrique qui sont
Entjchien s- Jacobites .
Il est difficile de déterminer le temps de la naissance du cliris-
tianlsmedansTÉthiopie; maisileslceitainqu'il ; fut porté avant
33S, puisque le concile de Nicée, tenu cette même année, donne
ïl'évêqued'Ëthiopie la septième place après l'Évéque de Séleucie.
L'Église d'Âbjssinie reconnaît celle d'Alexandrie pour sa mère,
et elle lui est soumise d'une manière si particulière, qu'elle n'a
pts même la liberté d'élire son évéque : cette coutume , qui est
aussi ancienne que la conversion de t'Abjsginie , est autorisée
dans un recueil de canons pour lesquels les Abyssins n'ont pas
moins de respect que pour les livres saints.
Ainsi , l'Abyssinie a suivi la foi de l'Ëglise d'Alexandrie , et
tes Éthiopiens sont devenus Monophjsites ou Eulychiens, depuis
que l'Égjple a passé sous la domination dee Turcs, et que les
Jacobites sa sont emparés du patriarchat d'Alexandrie.
Les Abyssins n'ont donc point d'autres erreurs que celles des
Cophtes; ils croient, comme eux, tout ce que l'Ëglise romaine
croît sur les mystères ; mais ils rejettent le concile de Chalcé-
doine , la lettre de saint Léon , et ne veulent reconnaître qu'une
seulenatureen Jésus-Christ, quoiqu'ils ne pensent pas que la na-
ture divine et la nature humaine soient confondues dans sa
personne *.
lisent sept sacremens, comme les catholiques; il ne faut pas
croire qu'ils n'aient pas la conGrniaiion et l 'extrême-onction ,
comme le pense M, Ludolf.
• Aug., Hier.. 86.
'Perpft. ili^lafui, I.S,]. ), c. il. Mcndès, 1. 1, c. 6. Luilolr, tlisl.
iCthiop., 1. 3, c. 8. Vpjage ilc Lubo, par LcGraud,
• Ludolf, Hisr. jïlhiop., I. 3, c. 5, Nous ferons queliiucs réfluiidiiï
Hir cette prétention de M. Ludolf.
r
I
<1 ABY
Les Abyssins croient la présence réelle cl la transsiftstan-
tiaiion ; les liturgies rapportées par M. Ludolf ne permel-
Les Abyssins ayant toujours reçu leur métropolitain ou leur évé^ue
du palriarclie d'Aleianârie, et les Cophles, ml^me depuis les conquêtes
des Samsins, ayant conserva la conllrmBtion et l'eitrËme-onction ,
comme on peut le toir dans l'arlicte Cophtes, pourquoi tes Âbyssini
auraient-ils retranché la conGrination?
M. Ludoir s'appuie sur Je témoignage des missionnaires portugais.
Mais ces missionnaires, pluszÉlfe qu'éclairés, ont été trompés appa*
ranment, parce que ce sacrement ne s'administre pas en Ethiopie
comme en Europe ; tes Abyssins le confèrent apparemment comme les
Cophtes, Bprùs lettaptéme, et les missionnaires portugais ont pris la
confumation pour une cérémonie du baptême, et comme ils n'ont
polntvu administrer la conlinnation aux adultes, ils ont conclu que
les Ëlhiopiens ne connaissaient point ce sacrement.
C'est du même principe que vient l'erreur de ces missionnaires sur
l'eittréme^ncllon ; llest certain que les Caphtcs ont conserrécc sacre-
ïtieaX (toyei leur artcile) ; et l'on ne Toil pas pourquoi les Abyssins, qui
receyaient d'eux leurs mÊtropoli tains, n'auraient pas suivi la coutume
deTËglisecophte.
Mais l'eitréme-onctian ne s'administre pas chez les Cophlcs comme
chez les Latins; et d'ailleurs elle s'admini^lrc apK's laconressionetanx
personnes qui se portent bien comme aux malades. Les missionnaires,
qui n'ont pointvu en Ethiopie les cérémonies qu'on pratique dans l'Ë-
gliselaline, el qui croyaient que l'exlrèDic-onclion ne détail s'adminis-
trer qu'aux malades, ont pensé qu'en elTetles Abyssins n'avaient point
ce sacremeiiL
Cette conjecture deviendra, ce me semble, une preuve, s! l'on (bit ré-
flexion surla manière dont les Coplites admiuislrenl l'exlréme-onclion:
I Le prêtre, après avoir donné l'absolution au pénitent, se fait assister
■ d'un diacre. Il commence d'obord par les encensemeni et prend une
> lampe dont il bénit l'huile et y allume une miche; ensuite il récite
■ sept oraisons, qui sont interrompues par autant de leçons, prises de
> l'épltre de saint Jacques et d'autres endroits de l'Ëcriture ; c'est le
D diacre qui lit ; enfin, le préire prend del'huile bénite de la lampe, et
> en fuit une onction sur le front, en disant ; Dieu tous gui'rissc, au
t nom du Père, et du Fils, etdu Saint-Esprit ; il fuit la même onelion à
> tous les Bssiatans, de peur, diseuMIs, que le malin esprit ne passe à
> quelqu'un d'eux. ■ (Nouveaux mémoires des missions de la compa-
gnie de Jésus dans le Levant, t. S. Lettre du père du liemat. Perpé-
lulléde la foi, I. 5,1. 5, c 2.
Croil-nn qu'il fdt bien diflicile que des missionn{ilres qui n'avaient
L
P ABY
tent pas d'en douler, puisqu'elles rpuprinienl rotmellcment
Le culte et l'invacaLion des maints, la prière pour les maris et
pae eu le tempa d'ëiudier la litui^ie des Ëilùopieiu ne reconnussent
pas l'eitrËme-onction aîusi adminisirëe?
* Hist. lEIbioii., 1. I, c. 5. M. Ludolf, malgré la clarlÉ des liturgie*,
prétend que les Abyssins ne croient pas la transsubstaolialion, et il se
fonde sur le témoignage de l'Abyssin Grégoire, qu'il a internée sur cet
M. Ludoir lui demanda ce que voulaient dire les mats : flre changé,
ttreconvcrli, et si l'on croyait que la substance du pain et du ïiu fUt
eonTertieet ebangéeen lasubslaiiceducorpset duBangdeJésus-OirisL
' L'Abyssiu, sans hésiter et sans demander aucune eiplication des ter-
■ nés, lui répond que les Abyssins nereconnaUsent point un pareilchan-
iLgtmeDt, Iqu'ils ne s'engagent point dans des questions si épineuses,
qn'au reste, il lui semble que le pain et le lia ne sont dits convertis et
changé! que parce qu'ils représentent le corps et le sang de Jéau»-
Chriat et passent d'un usageprorane A nn usage sacré.
Faisans quelques rélleiions sur celte réponse de l'Abfssin,
1° L'Abyssin ne nie point J a transsubstantiation ; il dit seulement qu'il
lui paraît qu'on ne la tonnait pas, et que les âbysMns ne imitent
point des questions si épineuses. Une pareille réponse peut-elle halan-
cCT raulorilÉ claire et précise des liturgies éthiopiennes? D'ailleurs,
puisqu'il est cerlaia que les Copbtes croient la présence réelle, p
quoi les Abyssins, qui ont reçu d'eux leur patriarche et qui ont adopta
tantes leurs erreurs, auraient-iiscbangésarl'eucharistie:
!• L'Abyssiu traite de question épineuse le dogme de la Iranssub-
•tanllatian et dit quelcs Abyssius n'agitent point de pareilles qneslioni)
cependant il ne rail it M. Ludoiraueunc question sur ce dogme; iln'
aucun embarras ; il ne demande aucune explication, aucun éclairds-
lement sur cette question si épineuse et qu'an n'agite pointen
Cette précipilalion 6 répondre suppose qu'il n'entendait ni
tiOD que M. LudolF lui Taisait, ni la réponse qu'il a donnée, ou qull
roulait faire une réponse agrtabie ù M. Ludolf dont il ci
«enlimeni sur la transsubstantiation.
3* On a vu à Rome des Abyssins qui assuraient que l'Église d'ËLhio-
piccroyaitla transaubslantiation. M. Ludolf prétend que leur témoi-
^age est suspect, parce qu'ils étalent gagnés par la cour de Bomei
mais voudra'l-il quenous croyions son Abyssin impartial et sinctredani
toutes ses réponses, aprDsqu'ilnousa ei posé lui-même, dans sa préface,
les services qu'il avait rendus et qu'il continuait de rendre A si
Abyssin?
"". LudoIflut-mSnicest-ilbicn sOr de n'avoir pas lin peu suggéré*
il
14 ABY
le culte des reliques se sont conservés chez les Abyssins , comme
chez les Cophtes^.
De quelques pratiques particulières aux Abyssins.
j» Les Abyssins ont , comme les Cophtes, la cérémonie du bap-
tême de Jésus-Christ , que M. Renaudot et le P. Telles ont appa-
remment prise pour la réitération du baptême. Voyez Fart.
Cophtes.
2* Ils ont , comme les Cophtes , la circoncision et quelques
pratiques judaïques , telles que de\ s'abstenir du sang et de la
chair des animaux étouffés : il y a bien de l'apparence qu'ils tirent
cet pratiques des Cophtes bien plutôt que des Mahométans et
des Juifs, coomie le prétend M. de la Croze dans son Christia-
nisme d'Ethiopie K
Grégoire ses réponses par ses conversations et peut-être par la manière
dont il l'interrogeait?
à*' Enfin, en calculant les témoignages, nous avons des Abyssins éta-
blis à Rome qui contredisent Grégoire et qui annulent par conséquent
SdB témoignage ; reste donc Tautorité des liturgies, qui contiennent le
dogme de la transsubstantiation. Voyez ces liturgies dans la Perpét. de
hifoi, t. il, 1. 1, c. 44. — Liturg. Orient., t. 2. — Le Grand, disserl, 42,
à ht suite du Voyage d*Abyssinie, par le P. Lobo.
* M. Ludolf reconnaît tous ces points; mais il croit que ce sont des
abus introduits dans TÉglise d*Abyssinie par les prédications des évê-
ques et par d'autres causes.
Cette prétention n'est pas fondée ; le calendrier des Abyssins, donné
par M. Ludolf, prouve que l'Église d'Abyssinie a toujours invoqué les
saints, honoré les reliques ; leurs litui^ies contiennent des prières pour
les morts; M. Ludolf n'oppose rien de raisonnable à ces preuves : par
exemple, il dit que l'invocation des saints s'est introduite parles prédi-
cations pathétiques des évêques, et il n'y a point en Ethiopie d'autre
évêque que l'abuna ou métropolitain ; d'ailleurs, on n'y prêche jamais.
M. Ludolf convient que les Abyssins prient pour les morts, mais il
prétend qu'ils n'ont point de connaissance du purgatoire. Cette prétcn-
tion est encore fausse ; il est certain que les Abyssins ne nient point le
purgatoire, et qu'ils sont seulement divisés sur l'état des âmes après la
mort, quoiqu'ils reconnaissent que pour jouir de la béatitude éternelle
il fout satisfaire à la justice divine, et que les prières suppléent à ce que
les hommes n'ont pu acquitter.
* Parmi les Cophtes, les uns regardent l'usage de la circoncision
comme une complaisance qu'ils ont été forcés d'avoir pour les mahomé-
^^ «omt
II
ABY 15
S'Aliiuelah, auteur cgjpliBD, qui écrivait il y a enTiroo qua-
Ire cenis ans, dit que les Ëthlapieas , au Heu de conresser leurs
pécliés aux prêtres , les confessaient tous les ans devant un eucen-
soir sur lequel brûlait de l'eDcens , et qu'ils cropieut en obteuir
ainsi le pardon. Michel, roâtropalilaln deDamietle, jusiifiecelle
pratique dans son traiié contre la ndceseité de la coDresslon, el il
n'est pas étonnant qu'elle ait passé en Ethiopie sous leg pairlar*
clies Jean et Uarie qui favorisaient cet abus.
Zanzabo assurait uéanmoins qu'on se confessait en son pays
et, selon la discipline de l'Ëglise d'Alesandrie, on devait le faire :
c'est surles règles qu'onexaminela véritable Iraditiond'uneËglise,
et nou pas sur les abus. Perpétuité de la foi , t. 4, pag. 87, 102.
D'ailleurs, la pratique de la confession n'est pas éteinte chez
les Abyssins ; ils se confessent aux prêtres et quelquefois au mé-
tropolitain, et lorsqu'ils s'accusent de quelque grand péché, le
métropolitain se lave, reprend vivement le pêcheur, et appelle
ses lieleurs, qui fouettent de toutes leurs forces le pénitent; alors
lonl ce qui s'e trouve dans l'église s'approcbe du mélropollialn
et obtient grlee pour le pécheur, auquel le métropolitain donne
l'absolution. Ludolf, ibid., l. 2, c. 6.
i° Le mariage est un sacrement chez les Abyssins , et voici
comme Alvarës décrit la célébration d'un mariage auquel il as-
, et qui fut faîte par l'abuna ou métropolitain. <• L'époux et
t'épouse étaient ï la porte de l'église, oii l'on avait préparé une
espèce de lit ; l'abuna les fit asseoir dessus ; il Gt la procession
autour d'eus, avec la croix et l'encensoir; ensuite il imposa
' les mains sur leurs tètes, et leur dit que, comme aujourd'hui
tons; les autres, comme une pratique purement civile. Les Abjsain^ne
sont pas plus d'accord sur cet objet: il y en a cependant quilaregardcnl
comme une cérémonie reliBiense el nécessaire au salut. Un religieux
abyssin conta au pfreLobo qu'un diable s'tlait adonné A une fontaine,
et tourmentait eitraordiaairemeut les pauvres rcligieui qui allaient y
puiser de l'eau; que Tecla Aimanal, fondateur de leur ordre, l'avait
converti ; qu'il n'avait en de difficulté que sur le point de la drcond-
Bionique le diable ne voulait point être circoncis; que Tecla Aimanat
l'avait persuadé et avait fait lui-m^nc celte opéralien; que ce diable,
ayant pris ensuite l'habit religieux, était mort dix ans après, eu odeur
de sainteté.
I-e P. Lobe, Relation historique de l'Abyssinie, traduction de Le
GTEUid, p, 102.
1
I
I
J
e devaient pins
r et une même volonté ; et leur ayant
• mil un petit discours , conforménienl. à ces paroles , il alla dire
• la messe , oii l'époux et l'épouse assistèreot ; ensuite il leur
> donna la bénédiction nuptiale '. >
> 5* Le divorce est en usage parmi les Abyssins : un mari qui
s est mécontent de sa femme la renioie et la reprend avec la
• même racililé ; l'infidélité de la femme ou du mari , la stérilité
> ou le moindre dilVérent leur en fournissent des causes plus que
• légitimes. Le divorce pour cause d'adultère se renoue lacilc-
> ment en donnant quelque somme à la partie oITensée; le ma-
> TÏaga ne se raccommodait pas si aisément quand le mari et la
> femme avaient eu querelle ensemble ou s'étaient battus : en ce
> cas le juge leur permettait de se remarier ï d'autres, et un
> Éthiopien aime mieux épouser une femme séparée de son mari
> pour cause d'adultère que pour querelle '. ■
6' Les prêtres se marient chez les Abyssins , comme dans tout
l'Orient , mais avec cette restriction inconnue parmi les Réformés,
dit M. Renaudot, qu'il n'a jamais été permis â un prêtre, ni aux
diacres , de se marier après leur ordination, et que le mariage d'un
religieux cl d'une religieuse est regardé cemme un sacrilège ^.
7° Un autre abus, auquel les patriarches d'Alexandrie ont liclié
inutilement de remédier, c'est la pluralité des femmes *.
8° L'Abyssinie est le pays du monde oti il y a le plus d'ecclé'
Bs et plus de
;. On ne peut chanter
idu dans u
siastiques, plus
vent dans plusieurs -, ils chantent les psaumes de David ; ils les
ont tous fidèlement traduits dans leur langue aussi bien que les
autres livres de l'Écriture sainte, ï l'exception de ceux des Ma-
chabécs qu'ils croient néanmoins canoniques,
9° Chaque monastère a deux églises, l'une pour les hommes et
l'autre pour les femmes.
Dans celle des hommes, on chante en ehœur et tonjoni-s de~
bout sans jamais se mettre à genoux; c'est pourquoi ils ont diver-
ses commodités pour s'appuyer et se »
I Treizième dissertation, b la suite du Voyage du P. Lobo, p. HS,
* Lobo, loco cit., p. 76. Thévenol, in-fol., t.-2, p. 0.
' Periiét. de la foi , U â, I. i, c. lï.
ABY
17 1
Leurs IngCniineiis de musique consÎ9l«nt en de petits umboun
qu'ils 0D[ pendus au cou et qu'ils battent avec ies deux mains.
Les principaux et les plus graves ecclésiastiques portunt ces in-
sirumens; ils ont aussi des bourdons dont ils frappent contre terre
Sïec un mouvement de tout le corps ; ils commencent leur musi-
que CD frappant du pied et jouent doucement de ces instrumens ;
puis, s'échauSanl peu ï peu, ils quittent leurs instrumens et se
mettent â battre des maius, k sauter, à danser, k élever leur voix
de toute leur force; ii ta fin, ils ne gardent plus de mesure ni de
pause dans leurs chants. Ils disent que David leur a ordonna de
célébrer ainsi les louanges de Dieu dans les psaumes où il dit :
Omnei gente», plaudile manibai ; jubtlale Dee, etc. ' .
m Du gouvernement ecctèsiasiique des Abysi'ms.
L'Ëglise d'Âbyssinie est gouvernée par un métropolitain qu'ils
appellent abuna, c'est-à-dire notre père ; il n'a aucun évêque au-
dessous de lui , il est nommé et sacré par le patriarcbc d'Alexan-
drie, qui, pour tenir cette %lise dans uneplus grande dépendance,
ne lui donne jamais de métropolitain du pays.
Tout étranger et tout ignorant que ce métropolitain soit pour
l'ordinaire, il a eu autrefois tant d'autorité que le roi n'était pas
reconnu pour roi qu'il n'eût été sacré par les mains de l'abuna ;
' ^menl même l'abuna s'est servi de celte autorité pour conser-
r la dignité royale il celui à qui elle appartenait de droit et
s'opposer aux usurpateurs '.
s rois ont fait leur possible pour obtenir que l'on ordonnât
nsieura évéques dans l'Abyssiuie; mais le patriarche d'Alexan-
F ^trie craignait que, s'il y avait plusieurs évéques en Etbiopie, on
É'en créSt ^ la fin assez pour qu'ils se fissent un patriarche ; il n'a
donc jamais voulu consentir !i ordonner en Ethiopie d'autres évâ-
ques qne l'abuna.
L'abuna jouit de plusieurs grandes terres, et, dans ce pays oti
tout le monde est esclave, ses fermiers sont exempts de toute
sorte de tribut on ne paient qu'& lui seul, à la réserve des terres
qn'il possède daus le royaume de Tigré : on fait encore pour lui
une quête de toile et de sel qui lui rapporte beancoup; il ne con-
naît desupérieur dans le spirituel que le patriarche d'Alexandrie
' Loboihid.. p. 77, VP.
■
I
18 ABY
L^abana seul peut donner des dispenses, et il a souvent abusé
de sa puissance à cetégard^ car il est ordinairement fort avare et
fort ignorant.
Le Komos ou Huguemos est le premier ordre ecclésiastique ;
c^estce que nous appelons archiprêtre.
On ne connaît point en Âbyssinie les messes basses ou particu-
lières.
Il y a dans FAbyssinie des cbanoines et des moines ; les cha-
noines se marient, et souvent les canonicats passent aux enfants.
Les moines ne se marient points et ils ont un très-grand crédit;
on les emploie souvent dans les affaires les plus importantes ; ils
font des vœux. Voyez Ludolf, Lobo, etc.
Des efforts que l'on a faits pour procurer la réunion de VÉglise
d* Abyssinie avec VÉglise romaine.
L*Ég1ise d*Àbyssinie était dans l'état que nous venons d*exposer,
lorsque les Portugais pénétrèrent par la mer Rouge jusqu'à l'E-
thiopie. La reine Hélène, aïeule et tutrice de David, empereur
d'Ethiopie^ voyant l'empire attaqué par ses voisins et troublé par
des guerres intestines, fit alliance avec les Portugais et envoya un
ambassadeur au roi Emmanuel, qui en fit aussi partir un pour
l'Ethiopie. On commença aussitôt à parler delà réunion de TËglise
d'Abyssin le à l'Église romaine.
L'empereur n'y parut point opposé, et Bermudes, médecin de
l'ambassadeur portugais, fut nommé par le patriarche Marc pour
lui succéder.
Dans ce temps, un prince maure, nommé Grané (ou Gaucher),
lequel commandait les troupes du roi d'Âdel, entra en Abyssinie et
en conquit la plus grande partie.
David, alarmé par la rapidité de ses conquêtes, envoya Jean
Bermudes demander du secours aux princes chrétiens ; Bermudes
se rendit à Rome, passa à Lisbonne, obtint du pape le titre de
patriarche et du roi de Portugal du secours pour FAbyssinie.
Etienne de Gama équipa une flotte, entra dans la mer Rouge,
débarqua sur les côtes d' Abyssinie quatre cents soldats portugais,
sous le commandement de Christophe Gama, son frère, qui sauva
l'Abvssinie et remit la couronne sur la tète de David.
Après l'expédition des Portugais contre les Maures, Bermudes
voulut obliger l'empereur à prêter serment de fidélité au pape en-
tre ses mains.
ABY Î9
Le zËIe précipité de Bermades inspira !i l'empereur de l'éloi-
gnemeDl pour la religion catholique ei de la haine pour la per-
sonne do Bermudes ; i! ne le traiia plus avec la coosidéraiion que
ce patriarche crojait qu'on loi devait. Le patriarche le sentit ii-
Temeni, el il se plaignit amèrement de ce que le roi ne luideinaD-
dait pas sa bénédicUon et ne l'eDTojait pas recevoir ; il prétendait
que l'empereur, en ne l'envoyant paï recevoir, violait en sa per-
sonne le respect qa'il devait i J^us-Christ que lui, Bermudes,
représentait. ■ Ainsi, lui dit Bermudes, vous serez rejeté, maudit
> et eicommuDJé, si tous retournez aux hérésies des Jacobites et
B Dioscorlens d'Impie. >
Le roi répondit que les chrétiens d'tgypte n'étaient point des
hérétiques, mais que les catholiques l'étaient, puisqu'ils adoraient
quatre dieux, comme les Ariens ; et il ajouta que, si Bermudes n'é-
tait pas père spirituel, il le ferait écarteler.
Bermudes iu forma les Portugais de ses démêlés avec le roi, et ses
întriguesallumêrenl la guerre entre le roi d'Ethiopie et les Portu-
gais ses lihérateurs.
L'empereur Claude se réconcilia cepend;int avec eax, maïs il
les craignait; il les dispersa donc dans différentes provinces,
etforca Bermudes h sortir d'Ethiopie.
Le pape et le roi de Portugal, inlormésde ce qui se passait en
Ethiopie , y enïojèreot un palriarclie el deus évèques ; le patriar-
che fut Jean ^JugnËs Barreto , plus rccammandable par sa dignité
et par sa piété que par ses lumières ; les deux évoques furent
Helchior Caruegro et André Oviedo.
Ces prélats emmenèrent avec eux dix Jésuites.
L'archevêque demeura à Coa, et Oviedo, évéque d'QierapoIis,
passa en Abyssinic avec quelques Jésuites; mais l'empereur ei
et sou frère Âdamas , qui
à la réunion.
Oviedo lui succéda; mais sa
«sion plus heureuse ; le pape
ec les Jésuites, et de passer
pécha le succès de leurs prédica
lui succéda, fut beaucoup plus
Le patriarche Barreto mourut
nonvelle dignité ne rendit pas n
lui enjoignit de sortir d'Âbyssln
ailleura.
Oviedo répondit qu'il était prêt k obéir, mais qu'il ne pouvait
sortir d'Abyssinie; que les ports étaient fermés par les Turcs;
qu'on ferait mieux de lui envoyer quelque secours que de lo
rappeler; que s'il avait seulement cinq cents soldats portugais,
|l pourrait faire revenir les Abyssins , et soumettre beaucoup de
I
»0 ABY
peuples idolAires ; qu'il ; avait un grand nombre de Ceniils du
eùi£ de Musambique et de Sofala qui ne demandaient que d'^ii'e
instruits. Il reMa donc en Abyssinie , demandant jusqu'à sa mort
des troupes et des soldats , et persuadé que les Abyssins ne se
soumettraient pas volontairement k l'Église romaine.
Les diU'érentesTÉtolutiona qui arrivèrent en Libio pie portèrent
enfin sur le trône Melascgud , qui prit le nom de gullan Se-
gud.
Après la bataille qui le rendit maître de l'Abj'ssinie , les pères
Jésuites qui étaient passés en Abyssinie allèrent le féliciter, et en
furent très-bien reçus ; il manda le père Paés , le traita avec beau-
coup de distinction , et dans une audience lui témoigna qu'il vou-
drait atoir quelques troupes portneaises.
Le père Paés lui assura qu'il en aurait facilement s'il Toulaic
embrasser la religion romaine. Le roi le promit , et le père Paés
écrivit au pape , au roi de Portugal et au vice-roi des Indes, trois
lettres que le sultan Segud signa.
Le roi ne jouit pas d'abord tranquillement de l'empire; il fal-
lut éteindre des factions et arrêter des révoltes, qui se formèrent
pendant près de deux ans.
Lorsqu'il fut afiermi sur le trfine, ii donna un édit par lequel
il défendait de soutenir qu'il n'y avnitqu'une personne en Jésus-
Christ et condamnait â mort les contrevenans.
Le métropolitain vint trouver l'empereur, et se plaignit de ce
qu'il avait publié un édit sans le consulter: les gonds et le peu-
ple murmurèrent , les esprits s'échauffèrent, et l'abuna fulmina
nne excommunication solennelle contre tous ceux qui embrasse-
raient la religion romaine , favoriseraient l'union aveccette Église,
ou disputeraient surles questions qui partageaient l'Ëglise romaine
et l'Église d'Abjssinie.
La hardiesse du patriarche irrita le roi; mais it n'osa le punir,
et se contenta de donner un édit par lequel il accordait la liberté
de suivre la religion que les pères Jésuites avaient établie par
leurs disputes et leurs instructions.
Le tnélropolilain lam^a une nouvelle excommunication contre
tous ceux qui diraient qu'il y a deux natures en Jésus -Chris t.
Les personnes éclairées prévirent bien que ces disputes pro-
duiraient de grands troubles; la mère du roi, les grands , le pa-
triarche, le clergé, se jetèrent aux pieds durai pour obtenir qu'il
changent rien dans la religion ; mais ce prince fut inébranta-
ABY ai
ble; les esprils s'aigrirent, on s'assembla, el l'on résolut de
mourir pour la défense de l'aDcienue religion.
Les pères Jésuites , de leur cûté, publiaieaides liTres, instmi'
saieni, lâchaient de détromper les Abyssins, animaient l'empe-
reur, et l'etlioctaient à demeurer Terme dans le parti qu'il avait
Après une espèce d'agitation sourde dans tout l'empire , la ré~
Tolle éclata dans plusieurs proviaces : malgré ces révoltes , le rui
donna un èdit par lequel il défendait de travailler le samedi; cet
édit produisit de nouvelles révoltes , dont le roi triompha. Lors-
qu'il crut les esprits subjugués , il ht publiquement profession de
la religion romaine ; et le patriarche Alphonse Mendês, qu'il avait
demandé au pape , étant arrivé , l'empereur se mit à genoux , fil
sur l'Ërangile un serment de fidélité par lequel il promettait au
saint Père, au seigneur Urbain el à ses successeurs, une véritable
obéissance, assujéLissant i ses pieds avec humilité sa personne
et son empire ; les princes, les vice-rois, les eccléiiastiques et
les clercs firent !i genoux la même protestation.
On prêta ensuite serment de fidélité à l'empereur et ï. son fils :
Toici corameat Ras Scella CtiTtSlot, frère de l'empereur, prêta son
nermenl : < Je jure de reconnaître le prince pour héritier de son
> père k l'empire; de lui obéir, comme un fidèle vassal , autant
> qu'il soutiendra et TavorUera la sainte foi catholique ; sans quoi
> Je serai son premier et son plus grand ennemi. •
Tous les capitaines de son armée et son Gis aîné prêtèrent le
même serment, et avec la même condition. Incontinent après,
l'empereur fil proclamer dans toute son armée que tous les peu-
ples, sous peine de la vie, eussent \ embrasser la religion ro-
maine, et l'on ordonna de massacrer tous ceux qui refuseraient
d'obéir.
On se souleva de toutes parts , et les peuples se choisirent des
rois on se donnèrent des chefs pour défendre la religion de leurs
ancêtres: le feu du lanatisme se communiqua partout ; on crai-
gnaildc sesDuiller avec le parti de l'empereur; ici des moines
et des religieuses, pour ériter les catholiques , se précipitaient
du haut de ces rochers atTreux, dont l'aspect seul effraie l'imagi-
nation la plus intrépide ; lï , les prêtres portaient sur leurs têtes
les pierres des autels, animaient les rebelles, leur promettaient la
victoire et s'olTraient avec assurance aux tnits des soldats.
Cependant Hendës, tranquille et loul-puissant , changeait, en
52 ABY
maître absolu, toat ce qu'il désapprouvait dans la religion; son
zèle embrassait également et la destruction de Thérésie et la
conservation des biens de TËglise.
Un préfet du prétoire s*étant emparé , avec l'agrément de l'em-
pereur, de quelques maisons réclamées par des moines , Mendès
l'excommunia.
Le préfet tomba en faiblesse , à la nouvelle de cette excommu-
nication ; la cour et l'empereur prièrent Mendès de pardonner au
préfet, et le fléchirent enfin.
Mais cette excommunication offensa profondément tous les
grands ; on ne pouvait souffrir que , pour quelques maisons en
litige avec des moines , et que l'empereur peut ôter et donner à
son gré, un pontife étranger excommuniât un homme respecta-
ble par sa naissance, par ses services et par ses vertus.
Ces semences de haine furent fécondées par une continuité de
sévérités et de rigueurs de la part de Mendès : les courtisans,
qui avaient découvert son caractère , lui demandaient sans cesse
de petites choses , sur lesquelles ils s'attendaient bien qu'il se-
rait inflexible , et comptaient par ce moyen le rendre odieux et
méprisable; ils réussirent du moins à le rendre moins respecta-
ble aux yeux de l'empereur.
Cependant le nombre des révoltés augmentait tous les jours, et
les avantages commençaient à se partager entre eux et les troupes
du roi.
La cour et l'armée représentèrent au roi la nécessité d'user de
quelque tolérance envers les Abyssins ; il consulta le patriarche y
qui y consentit, à condition cependant que ce ne serait que taci-
tement, et non pas par une loi.
Le roi partit ensuite pour combattre les rebelles , et crut avoir
besoin de faire connaître ses dispositions pour la tolérance : il fit
publier dans son armée le changement de quelques bagatelles et
la permission de se servir des livres anciens , pourvu qu'ils fus-
sent revus et corrigés par le patriarche.
Alphonse Mendès écrivit à l'empereur, sur cet édit , et lui re-
mit devant les yeux l'exemple du roi Osias , qui fut frappé de la
lèpre pour avoir entrepris une chose qui n'appartenait qu'aux
Lévites.
L'empereur répondit que quand la religion romaine avait paru
dans son empire , elle ne s'y était établie , ni par la prédication
des Jésuites I ni par aucuns miracles, mais par ses lois, par ses
rABY 3«J
idits , et parce qu'il arait trouvé que les livres de l'Église d'A- ■
I
.et parce qu'il a
bissinie s'accordaient assez blea avec ceux du l'Ëglisi
Les ménagemens de l'empereur ue calmèrent point les esprits ,
il fallut encore lever des armées : les Sdèles se batiireui avec un
■ebaraemeat incroyable, et laissèrent sur le champ de bataille
plus de bail mille morts.
Les courtisans ; conduisirent le roi el lui tinrent ce discours :
■ Vojez, seigneur, tant deniilliers d'hommes morts ;
s point des Mahométans ni des Geulils, ce sont noi
■ notre sang et nos parens. Soit que vous vainquïex ou que votU^
» sojez vaincu, vous metteï le fer dans vos propres eniraillesî^
■ ces gens qui vous font la guerre n'ont rien à vous reprocher ;
■ mais ils ne sont pas contens de la loi que vous voulez leur ioi'
> poser. Combien de morts à cause de ce changement de foi ! Ces
■ peuples ne s'accommodaient point de la religion de Rome , lajs-
■ sez-leur celle de leurs pères; autrement vou
• rojaume, et nous n'aurons jamais de repos *.
L'empereur tomba dans une profonde mélancolie, et, après di£u
longs combats intérieurs , publia un édit qui doimait i tout le'
inonde h liberté de suivre le parti qu'il voudrait.
Cet édit causa une joie incroyable dans tout le royaume ; la re-
lipon romaine fut abandonnée de presque tous tes Abyssins; tout
menlissail de cbants d'allégressB. On fit des cantiques pour con-^ j
HTverla mémoire de cet évènemeni, on y représentait les mis-jJ
sionnaires comme des hyènes ^ venues d'Occident pour dévorefl
ka brebis de l'Abyssinie. y
Le patriarche Menilès alla trouver l'empereur et lui représenta
qn'une pareille liberté de conscience exciterait des guerres ci-
viles. L'empereur ne répondiirien autre cbose, sinon: Que puia-je
pàret Je n'ai plaide royaume à roui.
Sultan Segnd mourut peu de temps après , et Basilide son fils
[hi succéda :ilne fut pas plus tôt sur le trône, qu'il fît arrêter lias
la Chrittet , soa oacle, â cause du serment qu'il avait prêté ;
de 1
A
Aa'M
ut
\e espèce de chien sauvage , particulier à l'Abjuinfe^l
tK'S-dDugErcui, ils cliîissent en troupe et atlaquen^'l
tes maisons des pnsleurs ou des laboureurs, Voy, l'Iiiit, de Ludolf et j
rabr^é de wd hiMoirc , io-lS, imprimé ik Paris.
24 ABY
il ordonna au patriarche Mendès de lui remettre toutes les armes
à feu qu*il avait, et de se retirer incessamment à Frémone, dans
le royaume de Tigré.
Mendès offrit alors divers adoucissemens, et Tempereur n'en
voulut aucun; enfin , il proposa de disputer avec les savans de la
nation , et reçut de Tempereur cette r^onse : « Est-ce par des ar-
» gumens que vous avez établi notre foi? n'est-ce pas par la vio-
» lence et la tyrannie ? »
Le patriarche fut obligé de se retirer à Frémone, et de là il en-
voya demander des troupes au vice-roi des Indes; mais Tempe-
reur, informé de son dessein , lui ordonna de sortir de ses États
et de s'embarquer pour les Indes : il fallut obéir.
L'empereur fit venir d'Egypte un métropolitain , et l'on chassa
tous les missionnaires catholiques de l'Abyssinie , huit ans après
qu'ils y étaient entrés.
Le patriarche, arrivé aux Indes, représenta au vice-roi l'état
des catholiques d'Abyssinie et la nécessité de les secourir : il
proposa « d'envoyer une armée navale par la mer Rouge , pour
» s'emparer de Macun et d'Arkiko ; d'y bâtir une bonne citadelle ;
» d'y entretenir une forte garnison , de gagner ou de soumettre le
» Bharnagas , et de le forcer de remettre aux Portugais le frère
» du Négus , qu'il tenait sous sa garde ; de placer ce frère sur le
» trône , et , par son moyen , d'exciter une guerre civile dans
» l'Abyssinie.
» Le P. Jérôme Lobo tint à peu près le même discours à Rome,
» ce qui fit croire au pape , aux cardinaux et à tous ceux qui en
» eurent connaissance, que les missionnaires pourraient bien avoir
» mêlé dans leurs discours et dans leur conduite un peu de cette
» humeur martiale qui n'est que trop naturelle à la nation portu-
» gaise.
» La résistance faite à Frémone et à Alfa , les tentatives et les
» voies de fait pour tirer Ras Scella Chrislos de son exil, la
» désobéissance, ou pour mieux dire la révolte de Zamarien, ce
» zélé et ce grand protecteur des Jésuites, qui, s'élant joint aux
> rebelles du mont Lasta , mourut les armes à la main contre son
» roi, achevèrent de persuader que, ni les catholiques abyssins,
» ni les missionnaires, n'étaient de ces brebis qui se laissent
» conduire à la boucherie sans se plaindre.
» Le pape et les cardinaux , prévenus contre les Jésuites , char-
» gèrent de celte mission les capucins français. Six entreprirent
ADA 25
■ d'y pénétrer, furent reconnus el condamnés à mort, sur leur
■ seule qualité de missiunnaires Ulins : l'empereur entretint même
D I Sennaguen un ambassadeur pour enipéclier qu'aucun Jésuite
> ne passât en Abyssïnie ' . >
Cependant il y avait en Abjssinle des personnes sincèrement
attachées i l'Église romaine , l'empereur en fil une recherche
exacte et les fit mourir. Comme il craignait ces callioliques ca-
chés, illicba de se faire des alliés, mit J'%eme;idanssesintér(^ts,
et lui fît entendre qu'il permettait l'exercice de la religion maho-
mélane; il lui demanda même des docteurs mabométans.
Le projet du roi fut connu ; le peuple se souleva dans tout le
royaume; les moines furent les premiers i prendre les armes , k
publier qu'il fallait détrôner le roi et mellre à sa place un prince
capable de conserver et de défendre la religion.
Il n'y a point de souverain qui ait un pouvoir plus absolu sur la
fortune et sur la vie de ses sujets que l'empereur d'Abyssinie ; ce-
pendant il ES mit dans un moment en danger de perdre sa coa-
ronne et la vie : il renvoya le doclenr musulman qu'il avait appelé,
et depuis ce temps la religion cophie ou l'Ëuiycbianisme est la
seule religion de l'Âbyssinie *.
AD&LBERT ^ élait Gaulois et naquit au commencement du hui-
tième siècle ; c'éiail le siècle de l'ignorance et des ténèbres, tou-
jours fécondes en superstitieux et en imposteurs; c'est le règne
de l'bypocrîsie.
Adalbert , dès sa première jeunesse , fut un insigne hypocrite i^
il se vantait qu'un ange , sous une forme humaine , lui avait ap-
porté, des extrémités du monde, des reliques d'une sainteté ad-
mirable , par la vertu desquelles il pouvait obtenir tout ce qu'il lui
demandait. 11 gagna par ce moyen la confiance du peuple , trouva
' Le Grand , suite de la rdalion du P. Loba.
' Relation de l'Ahyssiuie , par le P. Lobo, trailuile par Le Grandi
Suite de celle relation.
Ludoir, Hist. d'ËUuopie, I. S, c. 9, 10, 11, la, 13.
Telles, HisL d'Ethiopie, dansThéienot, I. 3, in-fol.
Nouvelle hist. d' Abyssïnie, lir^ deLudolf,in-13, à Paria, ISSi,
La Croie, Chrislianlsmc d'Ethiopie : cet ouimgc n'est pas aans d^
faols; il est beaucoup moins cBlimé que le Cliriilianisme des Indei : <
que l'on a dil contre Ludolf renferme la réfutation de la plupart de*
fautes de M. do La Croie.
* Quelques-uns le nomment Adelbert, d'aulres Aldcbert.
1
26 ADA
accès dans pliuieurs maiaons , et attira k sa suite des femmes et
une multitude de paysans qui le regardaient comme un homme
d'une sainteté apostolique et comme un grand faiseur de miracles.
Pour soutenir son imposture par une qualité imposante , il ga-
gna, à force d'argent , des évèques ignorans qui lui conférèrent
Tépiscopat , contre toutes les règles.
Cette nouvelle dignité lui inspira tant d'orgueil et tant de pré-
somption qu'il osait se comparer aux apôlres et aux martyrs ; il
refusait de consacrer des églises en leur honneur, et ne voulait les
consacrer qu'à lui-même.
11 distribuait ses ongles et ses cheveux au petit peuple , qui leur
rendait le même respect qu'aux reliques de saint Pierre. Il faisait
de petites croix et de petits oratoires dans les campagnes, près des
fontaines , et il y faisait faire des prières publiques , en sorte que
le peuple quittait les anciennes églises pour s'y assembler, au mé-
pris des évêques.
Enfin, lorsque le peuple venait k ses pieds pour se confesser,
il disait: Je sais vos péchés, vos plus secrètes pensées me sont
connues , il n'est pas besoin de vous confesser ; vos péchés vous
sont remis ; allez en paix dans vos maisons , sûrs de votre absolu-
tion. Le peuple se levait et se retirait , avec une pleine sécurité
sur la rémission de ses péchés *,
Adalbert avait composé l'histoire de sa vie : il paraît , par le
commencement de cette pièce qu'on nous a conservée, qu'elle
n'était qu'un tissu de visions , d*impostures et de faux miracles.
Adalbert s'y représentait né de parens simples, mais couronné de
Dieu dès le sein de sa mère ; il disait qu'avant que de le mettre au
monde, elle avait cru voir sortir de son côté droit un veau, ce qui,
selon Adalbert, signifiait la grâce qu'il avait reçue par le ministère
d'un ange.
Un autre écrit d' Adalbert est une lettre qu'il attribuait k Jésus-
Christ , et qu'il supposait être venue du ciel par le ministère de
saint Michel : voici le titre de la lettre.
a AU nom de Dieu, ici commence la lettre de Notre-Seigneur
» Jésus-Christ , qui est tombée à Jérusalem , et qui a été trouvée
» par l'archange saint Michel k la porte d'Ëphrem , lue et copiée
» par la main d'un prêtre nommé Jean , qui Ta envoyée à la ville
» de Jérémie, k un autre prêtre nommé Talasius, et Talasius Ta
* Boniface, ép« 135.
ABA
Anbie , ï on aotre prélra o<
2T
\ê Léoban , ei Léo-
» ban l'a enToyée à la ville de Betbsamie , où elle a éit reçue par
» le prêtre Hacarios, qui l'a enïoj^e à la montagne de l'archange
• Mint Michel , et la lettre est arrivée, par le mojea d'un ange ,
> â la ville de Rome , au sépulcre de saint Pierre, oii senties clés
• du royaume des cieux ; et les douze prêtres qui sont i Rome ont
> fait des veilles de trois jours , avec des jeûnes et des prières ,
Sur la notion qae le concile de Rome, tenu sous Zacharie,
contre Adalbert, nous donne de celle lettre, c'est la même que
H. Baliize a fait imprimer sur nu manuscrit de Tamgone , dans
son appendii aux capitulaires des rois de France; cette lettre ne
contient rien de mauvais ni qui mérile qu'on en fasse menlion.
L'iutilulé de la lettre, qui paraît ridicule au premier coup d'ceil,
me semble fait avec beaucoup d'adresse et de la manière la plus
propre â séduire le peuple : celte suite d'anges , d'archanges , de
prêtres qui se sont transmis la lettre, qui l'ont portée dans diD%-
rentes contrées , et enfin h Rome , se présente i la fois à l'imagi-
Dation du peuple; il loit le mouvenaent des anges, l'étonnement
des prêtres ; il se représente vivement tout ce jeu ; il s'en fait un
tableau qui l'amuse ; il serait fâché que la lettre ne fût pas vraie ;
il est bien éloigné de soupçonner qu'on le trompe.
e priËre d'Adalbert , qu'il avait composée
ir l'usage de ses sectateurs ; elle commençait ainsi : < Seigneur
I IKeu loul-puissant, Père de Noire-Seigneur Jésus-Christ, ^fpAa
> et Oméga , qni êtes assis sur le trône souverain , sur les Oiéra-
• rabins et les Séraphins , je vous prie et vous conjure, ange Uriel,
• ange Baguel , ange Tabuel , ange Uichel , ange laias , ange Ta-
• boas, ange Sabaoth, ange Simiel, etc.'. t
C'était dans la France orientale qn'Adalbert jouait un r61e si
impie el si extravagant. Saint Bonîface , qui travaillait en homme
Traiment apostolique i y détruire l'erreur, fît condamner Adalbert
dans un concile tenu à Soissons; mais Adalbert, bien loin de s'y sou-
mettre, n'en fut que plus eotreprenanl.
Saint Bonifaee eni recours au pape, qui assembla un concile,
dus lequel Adalbert fat condamné*.
1 Depuis cette époque , l'histoire ne parle point d'Adalbert el ne
)Conc.,i
li» d'octd)rc 7&G on 7^8.
r
ADA
it e&rermer p» ^H
in avuieDt ruiné ^M
mais les études '
\a ippreod rien, sinon que saiol Bonirace le lit ei
ordre des princes Carloman et Pépia.
Les irruptions des Barbares dans l'empire r<
les études; h religion seule les avait conservées, mais les études
ecclésiastiques se ressentirent du désordre. Le mépris que les
Barbares avaient pour les arts et pour les sciences, la nécessité
dans laquelle étaient les ecclésiastiques de travailler le plus sou-
vent pour vivre, avaient rendule clergé trés-ignoranl; les Barbares
qui s'étaient convertis avaient conservé une partie de leurs su-
persiilions : le goût du oiervellleus l'emporta sur l'amour de la vé-
rité, comme il arrive toujours dans les siècles d'ignorance. On
publia de tous calés des miracles , des apparitions d'esprits ; la
piété crut quelquefois pouvoir en supposer pour le bien de la re-
ligion, elil n'était pas possible que l'intérêt ne profilât pas de ces
exemples pour séduire le peuple , comme lit Adalbert. Vûye^ le
troisième discours de M. Fleurj sur l'histoire ecclésiastique, et
le tome i de l'Histoire littéraire de France.
ADAMITES, hérétiques qui, dans leurs assemblées, se met-
taient nus comme Adam et Eve l'étaient dans l'état d'innocence '.
Il parait qu'il ; en avait de dïlTérentes espèces.
1" Carpocraie et plusieurs autres hérétiques avaient enseigné
que l'âme humaine était une émanation de l'inlelligence suprême,
et qu'elle avait été renfermée dans des organes corporels par le
Dieu créateur.
Cette manière d'envisager l'homme inspira à leurs disciples
nne haute idée d'eux-mêmes, beaucoup de mépris pour la vie, et
une haine violente contre le Dieu créateur; chacun se fit un de-
voir de violer les lois que le créateur donnait aui hommes, et de
prouver qu'il regardait l'âme humaine comme une portion de la
divinité , et toutes les actions de l'àme unie au corps comme des
actions que le sage et le «hrétien regardaient comme des mouve-
mens indilTérens en eux-mêmes et qui ne portaient aucune atteinte
â la dignité naturelle de l'homme.
Un caractère orgueilleux, alTecté fortement de celte consé-
quence, en Bt un principe auquel il rapporta toute sa morale et
toute sa religion i il ne vit plus de bien et de mal dans le monde ,
mhlableà Adamet àËve, qui, dans l'étal d'innocence,
a connaissaient pas le bien et le mal. 11 se fit un devoir d'eipri-
ADA a»
mer cesentimenl en imilanl leur nudité, lorsqu'ils étulËUi dans le
Paradis lerresire ; et celle nudité devinl le caractÈre disiinciif de
h secle dont il fut le chef, et ses dieciples rormèreni la secte dea
Adamiieg,
Celte secte ne faisait point de prières, et l'on conçoit aisément
que le principe de l'indififéreDce des actions Lumajnes, joint à la
haine qu'ils portaient au Dieu créateur, dût, selon les caractëres
et les tempéramens, produire des mœurs souToni opposées entre
elles, mais conformes au principe fondamental de la secte; les uns
étaient chastes tandis que les autres se livraient i toutes sortes
de débauches, et ils avaient mille manières d'i3tre chastes ou vo-
la plu eux ' .
Toutes ces contrariétés dans les mœurs des Adamites n'étaient
point des contradictions dansia secte, et il est étonnant que M. de
Beausobre ait fait de ces contrariétés un principe sur lequel il
élablitqu'ii n'j a pointeu d'Adamiles. C'est sur ce même principe
qu'il se croit autorisé à déclamer contre la fîdéliié et l'exactitude
de saint Ëpiphane*.
2* C'était un usage chez les Grecs, les Macédoniens et les Ro-
mains, de se découvrir la téie et de se dépouiller en partie, lors-
qu'ils demandaient des grâces avec une profonde humilité. Plu-
(arque dit qu'Auguste, conjurant le sénat de ne pas le forcer i
accepter la dictature, s'abaissa jusqu'à la nudité.
Cet usage avait vraisemblablement passé chez les chrétiens,
comme on le voit par l'exemple des Crées convertis, dont saint
Paul dit qu'ils priaient et prophétisaient la léte découverte, an
contra'ire des Juifs ^.
Un chrétien fervent et pénétré d'une humilité profonde put
TOir cette manière de prier comme l'expression la plus naturelle
de la soumission que l'homme doit ï Dieu et de l'hommage intë-
neur qu'il rendait i la ma] esté divine; d'ailleurs, c'était ainsi
iju'Adam et Eve, innocens, avaient prié dans le Paradis terrestre.
On confit aisément qu'avec une imagination vive et un esprit
■ Ctem. Alei-i I. 3 SIrom., p. 3i; I. I, p. 333. Epipli. Hcr., 51.
Aqe., Hxr., 31. Pbilastr., c. &9, Isidor. Ubpa]., I, S. Ongin,, r, S. Da-
DOMcn, c 51. Pseudo-Hyeron., in indîc Hsres., c là.
' fiibl. Germ., I. 2, an. 1731.
■ Aieiander ab Aleiandro dierum gemaliom, I, S, c. 19. Plulur.i
Tte d'AngusLe,
1
I
30 ADA
faible on pût faire de la nudité dans la prière un devoir, ou du
moins la regarder comme la manière de prier la plus agréable à
Dieu.
L*homme qui le premier imagina cette manière de prier trouva
des imaginations qu*il échauffa, et forma la secte qu'on appelle la
secte des Adamites, parce qu*elle s*autorisait de l'exemple d'Adam
et d'Eve ; il paraît, en effet, qu'il y eut des Adamites de cette es-
pèce. Ils mettaient, au rapport de saint Épiphane, leurs habits bas
dans le vestibule de l'église, et ils allaient ensuite prendre leur
place, nus comme l'enfant qui sort du sein de sa mère. Les supé-
rieurs ecclésiastiques étaient gravement, chacun dans la place qui
convenait à leur rang, et faisaient l'office nus ^.
Les mœurs de cette secte furent d'abord irréprochables, et ils
excommuniaient sans retour ceux qui tombaient dans quelque
faiblesse contraire à l'innocence qu'ils professaient; cette secte
ne tarda pas à se corrompre.
3** Lorsque la vie monastique se fut établie dans la Palestine,
on y vit des prodiges de pénitence, de pauvreté et de toutes les
vertus chrétiennes. « Quelques-uns des solitaires, dit Evagre, in-
» ventèrent une manière de vivre qui semble être au-dessus de
» toute la force et de toute la patience des hommes. Ils ont choisi
» un désert exposé aux ardeurs du soleil pour l'habiter ; il y a
» des hommes et des femmes qui y étant entrés nus , excepté ce
» que la pudeur ne permet point de nommer, y méprisent, dans
» toutes les saisons , ou les rigueurs du froid , ou l'excès de la
» chaleur; ils dédaignent d'user des alimens dont usent les au-
» très hommes, et se contentent de paître comme les bêtes.
» Il y en a quelques-uns, quoique en petit nombre, qui, quand
» ils se sont élevés par un long exercice de vertus au-dessus des
» passions, retournent dans les villes, se mêlent dans la foule des
» hommes, et font semblant d'avoir perdu l'esprit pour mépriser
» la vaine gloire que Gaton dit être la tunique que les plus sages
» ôlent la dernière.
» Ils sont tellement accoutumés à manger sans aucun senti-
» ment de volupté, qu'ils mangent, s'il est besoin, dans les caba-
» rets et dans les tavernes^ sans avoir aucun égard ni aux lieux,
» ni aux personnes ; ils entrent souvent dans les bains publics et
» se baignent indifféremment avec toute sorte de personnes ; ils
A Épiph., ibid.
ADE
iinéntTaincu les passions et triomphëde lanatare, qu'il
B n'j » ni regard, ni adouchement qui puisse esciter en eus ai
> cun mouTement désboonéte. Ils sont des hommes qaand i
> sont parmi des hommes, et il semble qu'ils soient comme des
• femmes parmi les femoies ; enfin, pour tool dire en peu de
> mots, leur vertu suit des lois contraires à celles de la nature,
■ et s'ils sont contraints d'user des clioses les plus nécessaires à la
I vie, ils n'eu usent jamais autant que la nËcessilé le de-
D mande *, ■
Ces hommes étaient trop extraordinaires et trop respectés pour
□'aroir pas d'imitateurs, et il est possible qu'une fausse imitatioi
de ces solitaires ait mis la nudité en usage parmi leurs faux imi
taleurs, et que, dans la suite des temps, ils se soient bornés i ci
trait de ressemblance assez propre ï attirer ratletition et les
bienfaits du vulgaire. Le rapport de ces faui imïtaleurï des soli-
taires de la Palestine avec les anciens Adamites les aura fait ap-
peler de ce nom, et Toilà encore une espèce d' Adamites dont
H. Beausobre nous a fait lui-même connaître la possibilité '.
Les Adamites reparurent au quatorfième siècle. Ils sont plus
connus sous le nom deTurlupinset depauires frères ; on en par-
lera sous ces noms. Un fanatique, nommé Picard, renouvela aussi
cette secte, et ilj eut des Adamites parmi les Anabaptistes. Voijez
les articles Picard et Anabaptistes *.
ADELPHE, philosophe platonicien, qui adopta les principes
its Gnostiques comme des développe in ens du platonisme; il ra-
massa plusieurs livres d'Alexandre le Libjen et de prétendues ré-
vélations de Zoroastre qu'il mêla avec les prbcipes du platonisme
et avec ceux des Gnostiques. Il composa de ce mélange un corps
de doctrine qui séduisit beaucoup de monde dans le truisième
siècle.
Ce même Adelphe prélendit avoir pénétré plus avant que Pla-
ton dans la connaissance de l'Être suprême. Plotiu, qui était le
chef des Platoniciens, le réfuta dans ses leçons et écnvil contre
' Ëvag., L & delà trad. du présid. Cousin, c. 31.
' 11 parait qu'en effet ces solitaires eurent tic faut imitateurs , puisque
le ringl-nEUVJimc canon du coucile de Laodicée défend m
ani lalqoes et aux prêtres, mais aux mobies mêmes, de se baigner
as AEB
lui : Aupéliiis fli quaranie livres pour réfuter celui de Zoitrien, et
Porplijre en lit aussi beaucoup pour montrer que ce livre de Zo-
roaslre était nouveau et compost par Ad el plie et par ses disciples.
Nous avons encore l'ouvrage de Plotin contre ces Gnosiiques
purement philosophes, comme ou le voit par la croyance que
Plotin leur attribue '■
AËRIUS éiaii moine ; il avait suivi le parti des Arieus. et il
Était l'ami d'Ensiaihe. IDuslathe fut élu évoque de Consuntino'
pie, et Aérius devint son plus cruel ennemi.
Eustalhe n'oublia rien pour se faire pardonner par son ami la
sapériorité que lui donnait sa place ; il le combla de marques d'es-
limeei d'amitié, l'ordonna prêtre ei lui donna la conduite de son
bApilal, mais il ne le gagna pas. Aérius se plaignait sans cesse
et murmurait contre son évoque. Eustathelemenaça d'user de son
autorité pour lui imposer silence ; alors Aérius attaqua l'autorité
d'Euslatbe et prétendit querévèquen'étaiipassupérieurau prêtre.
Après ce premier acte d' in dépendance, Aérius attaqua tout ca
qui donnait du crédit i Eustalbe ou qui lui attirait de la considé-
ration de la part du peuple ; il condamna toutes les cérémonies de
l'Eglise et ia léléb ration des fêtes dans lesquelles t'évgqueparaii-
Bait avec éclat et avec distinction; il nia qu'il fallût prier ponr
les morts et soutint que l'Eglise n'avait point le pouvoir de
prescrire des jeûnes.
Aérius, après avoir formé ce plan de réforme, quitta son hûpî-
tal, enseigna ses opinions et persuada beaucoup d'hommes et de
femmes, qui quittèrent l'Église, le suivirent et formèrent la seclc
des Aériens. Comme on les chassait de toutes les Eglises, ils s'as-
semblaient dans les bois, dans des cavernes, en pleine campagne,
où ils étaient quelquefois couverts de neige.
Aérius vivait du temps de saint l^piphane , et sa secte subsistait
encore du temps de saint Augustin^.
Les Proteslaus ont renouvelé les erreurs d' Aérius : noua allons
leseï
De la siipériBrité <kt Mgues mr le» limpla prêtres.
L'Église est une société visible , qui a son culte , ses cérémo-
nies et ses lois î il ; a donc nécessairement des supérieurs et un
> An, 370. Ëpipii., Hsr, 70, Aug.) Hi^r, q:i.
l
AER 33
ordre d'homiufs auxquels il appartieoi d'ensaigner, de prêcher,
de fïire des lois el de veiller !i leur exéculloo.
C'est Jésus-Chrisi lui-même qui a établi cet ordre dans l'ÊgUse;
il a chargé les apâtres d'enseigner; il leur a douoé le pouvoir de
remettre les péchés. Tout le nouveau Testament nous les repré-
sente comme les ministres de Dieu , séparés du reste des fidèles
et établis par le Saint-Esprit pour gouverner l'Église ' .
Il j a donc dans l'Ëgtisd des ministres qui ont, de droit divin,
une vraie supériorité sur les simples fidèles.
Tous les ministres ne sont pas égaux dans l'Ëglise; l'ordre
hiérarchique est composé d'êvéques , de prêtres et de diacres.
Les évéques sont les successeurs des apùlres, et les apùtres
étaient un ordre différent de l'ordre des prêtres. Nous voyons ,
dans les actes des apûtres que saint Paul et saint Barnabe éta-
blissaient des prêtres dans les villes , et ces prêtres n'apparle-
naieal point au collège des apôtres; on ne prend point pour leur
ordination les mêmes mesures que l'on prend lorsqu'il est ques-
tion de choisir un apôtre : partout on parle des apôtres comme
- fnn ordre dislinguë des évêques^.
I C'est au tribunal des évêques qae les prêtres sont cités : ainsi
Ljes évêques ont, par leur institution ou par leur ordination , et
rpar conséquent de droit divin, une supériorité d'ordre et de jn-
ridiction sur tes simples prêtres.
Dans tous les temps, l'ordre des évêques a été distingué de ce-
lai des prêtres, et cette distinction suppose dans l'évèque une
npériorilé de droit divin : on trouve celle distinction marquée
formellement dans les lettres de saint Ignace, dans Ûrigène, dans
TertuUien '.
Lesêvfques avaient seuls le droit d'ordonner des évêques, des
prêtres et des diacres, et l'on a toujours annulé les ordin
faites par les prêtres.
L'Ëglise grecque , les Cophtes , les Nestoriens ,
point d'accord avec l'Ëglise latine *.
' Prima Cor.,c h. SecundaCor., c, 3. Ad., c. 20,
îAcL.c li, V. 10, clS.
1 Ignac. Ep. ad. Magnes., ad Eplies. Orig. Hom, i
Cnron. Uililîs.
' l'erpél. de la foi, I. 3, p. 570. Vot/ec les orlicles NmiobksIjj
Copnns, Aiissins, liCfsujis,
34 A£R
Ainsi , le sentiment qui refuse aux évéques une supériorité
d'ordre , de juridiction et d'honneur sur les simples prêtres , est
contraire à la constitution de TÉglise, à F Écriture, à la tradition
et à la pratique immémoriale de l'Église. Hamond et Péarson ont
sur ce point réduit les Presbytériens à Tabsurde , et M. Nicole a
réfuté sans réplique ce que M. Claude a dit en leur faveur ^.
Mais personne n*a mieux réfuté les Presbytériens , ni mieux dé-
fendu Tépiscopat contre Saumaise et Blondel , que le P. Pétau :
Toyez ses dogmes théologiques.
Gomme chaque évéque en particulier n'est pas infaillible , il n'a
pas sur les simples prêtres une autorité sans bornes ou un pouvoir
arbitraire.
Un évéque , par exemple , n'a pas le droit d'ordonner à ses
prêtres de prêcher rÂrianisme, qui a été condamné par le con-
cile de Nicée, ou de changer la discipline établie par ce concile
pour toute l'Église : il y a donc dans TÉglise une autorité supé-
rieure à l'évêque, laquelle autorité fait des lois que Tévéque est
obligé de suivre, et qu'il ne peut obliger aucun de ses prêtres
d'enfreindre; ainsi, lorsque l'Église a fait des lois, l'évêque a le
pouvoir de les faire observer et de punir ceux qui ne les observent pas.
Mais comme un évéque en particulier n'est point infaillible , il
peut se tromper sur T observation des lois ou sur leur application ;
il peut leur donner trop d'étendue ; il y a donc un tribunal oîi l'on
juge si l'évêque ne se trompe pas en jugeant que telle personne
n'observe pas la loi , ou s'il ne donne pas à la loi et à son propre
pouvoir trop d'étendue.
Ce tribunal était un tribunal purement ecclésiastique; et la
chose ne pouvait être autrement, puisque l'Église était une so-
ciété purement religieuse , dont les lois n'avaient aucun rapport
avec les intérêts purement temporels et civils.
L'alliance deTÉglise et de l'État n'ayantpoint changé la consti-
tution et l'essence de l'Église, il est clair que la puissance ecclé-
siastique et la puissance civile sont différentes et non pas opposées.
De la prière pour les morts.
Nous lisons , dans le second livre des Machabées, que c'est une
^ Hamon , Dissert. cent. Blondel. Bingham^ Antiquit. écoles. Joannis
Pearsonnii opéra posth. Defensio episcopatùs diœcesani , auctore Hcn-
rico Mauritio. Prétendus Réformés convaincus de schisme, 1. 3, c, lOt
pensée sainte ei salutaire de prier pour les morlg, afin qu'ils
soient délivrés de leurs péchés '.
II j a donc des péciiés qui peuvent être remis dans l'autre
monde, par le moyen des prières des Tivans.
Les Protestans, ne pouvant répondre k cet argument, ont nié
qoe le second livre des Hachabées fût canonique ; maïs ils l'ont nié
sans raison , puisqu'il a été mis au nombre des litres canoniques
par presque toutes les Églises chrétiennes, par le décret d'iono'
cent 1, par le quatrième concile de Carihage- Le doute de quel-
ques Pères et de quelques Ëglises particulières ne peut être op-
posé au consentement général des autres.
Jésus-Christ déclare, dans l'Ëvangile , qu'il j a certains pécIiés
qui ne seront remis ni dans ce monde-cï ni dans l'autre ; les
Pères ont conclu de lï qu'il j en avait qui se remettaient dans
l'autre monde , et qu'il fallait prier pour les morts.
La prière pour les morts a toujours été en usage dans l'Église;
elle était pratiquée dès le deuxième siècle , et Tertullien la met au
nombre des traditions apostoliques. Or, ces prières qu'on faisait
pour les morts n'étaient pas seulement pour la consolation des
vivans, ou pour remercier Dieu des grSces qu'il avait faites aux
morts , c'était pour obtenir du soulagement W leurs peines ^.
La dévotion pour les morts s'augmenta de beaucoup vers la fin
du dixième siècle et au commencement de l'onzième, par taint
OdHon et par l'ordre de Clunî K
Celte dévotion est digne de la charité chrétienne : notre amour
ponr Jésus-Cbrist doit nous lier ï tout son corps et nous faire
prendre part aux biens et aux maux de ses membres ; comme nous
devons donc nous intéresser à la gloire des saints, en noua réjouis-
sant de leurs triomphes et de leur bonheur, nous devons aussi
prendre part aux souffrances des justes qui ont encore à satisfaire
la justice divine ; nous devons prier pour eux : tous nos contro-
versistes ont très-bien traité cette question.
L'erreur d'Aérius, sur la célébration des fêtes et sur les cérémo-
nies, a été renouvelée pat les Protestans en partie, et surtout par
'L. !.Macii.,c. 13, v. 46.
' Joan, 6, ï. 27. l'erl. de Moungam-, c 10. Aug., Decura pro mor-
luis, operum, L 6, p. 116. Serai. 3!. De terbisaposL, n. 172, c S,
Cbrj'sost. Ham. in ep. ad Philipp,,
■UïbiUon, Pis, i
c BenedictiaiiiD, p. U9, n. 38.
■ S6 AGI
les PresbjlérieBs , pir quelques Anabaptistes, et enfla par igt
Kouakres : nous en parlerons à- ces articles. On peut voir, sur
cette matière , l'ouvrage de Brujeia intitulé : Défense du culte ex-
térieur.
AESCniNES était un empirique d'AlliÈnes qui suivit les erreurs
des Honlaniates : il enseignait que les apôtres avaient été inspirés
par le Saint-Esprit et non par le Paraclet ; que le Paraclet promis
avait dit , par la bouche de Montan , plus de choses et des choses
plus importantes que l'Évangile '.
AETITJS, chef des Anoméens. Voyez cet article.
AGAPÈTES. Ce mot signifie des personnes qui s'aiment; il a
été donné i une branche de Gnostiques qui subsistait vers la fin
du quatrième siècle, en 39S.
Saint Jérfime représente cette espèce de secte comme composée
principalement de femmes qui s'attacbaient les jeunes gens et qui
leur enseignaient qu'il n'y avait rien d'impur pour les consciences
Peut-être cette branche de Gnostiques tîra-t-elle son nom d'une
I femme nommée Agapie, qui avait été instruite par un nommé
[ Slarc, et quipervertitbeaucuupde femmes de qualité en Espagne.
' Une des maximes des Agapètes était de jurer et de se parjurer
plutôt que de révéler le secret de la secte ^.
AGARÉNIENS. C'est le nom que l'on donna !i des chrétiens qui,
au milieu du septième siècle, renoncèrent & l'Evangile pour pro-
fesser l'Alcorau : ils niaient la Trinité et prétendaient que Dieu
n'avait point de fils parce qu'il n'avait point de femme.
Ces chrétiens apostats furent appelés Agaréniens parce qu'ils
embrassèrent la religion de Mahomet et des Arabes, qui descen-
dent d'Ismaél , fils d'Agar ^.
AGIONITES ou Aoiosois. C'est une secte da débauchés qui
condamnaient le mariage et la chasteté , qu'ils regardaient comme
une suggestion du mauvais principe; ils se livraient k toutes
sortes d'infamies : ils parurent vers l'an 694, sous Jusiinien 11 et
sous le pape Sergius I. Ib furent condamnés par le concile de
Gangres *.
* Iltiglus, Dp hier. , p. 243. Hofman Lcxic. Stockman Les.
* Aug., Hœr. 70. Stockman Leiic,
' Stockinan Leiic.
«nid.
I
I
AGN tm
AGNOÈTES. Ce nom sigailie ignorûnl ; on l'a donné: 1- aiu '
disciples de ThL'opbrone , qui , Ters h fin du quairième siècle ,
prétendit que Dieu ne connaissait pas tout, qu'il acquérait des
connaissances.
Cette erreur est absurde , il est évident que l'Être nécessaire a
une connaissance inSnie ; la seule diECculté contre la toute science
de Dieu se tire de la liberté : les Socinieus ont renouvelé celte
erreur. Voyet leur article.
%• On donne le nom d'Agnoètes !t ceux qui ont pTélendn que
Jésus-Cbrist ne saTsit pas tout ; qu'il avait ignoré le jour du ju-
gement, et le lieu où Lazare était enseveli.
Les erreurs de Neslorius et d'Euijcb es avaient fait naître une
infiuirè de questions sur la nature de Jésas-Christ, sur son hu-
manité, sur sa diviailé, sur la manière dentelles étaient unies,
sur les elTets de cette union.
Thémislins, diacre d'Alexandrie, recbercba gî, après celle
union, n'j ayant qu'une personne en Jésus-Christ, Jésus^brist
avait ignoré quelque cbose : il proposa sa question à Timolbée,
évéqoe d'Alexandrie, qui lui dit que Jésus-Cbrist n'avait rien
ignoré.
' Tbémistius crut trouver le contraire dlDS rEcvilure, puisque
Jésus-Cbrist disait Ini-méme que ni Iw anges, ni le Fils , mais le
Père seul savait le jour du jugemeoL
Il ne parait pas que les Agnoèles aient attribué celte igno-
nnce il l'âme de Jésns-Christ, sans l'attribuer à sa divinité, car
ils ne paraissent pas avoir fait celte distluelion. Comme ils ne
teconnaissaient qu'une personne en Jésns-Cbrist, et que Jésus-
Christ avait dit qu'il ne savait pas le jour du jugement, ils cojt-
dolîeat que Jésiis4!lbrisl avait ignoré quelque cbose : il parait
donc que Bellarmin s'est trompé sur les Agnoèles '.
Il est aisé de s'en convaincre en réfléchissant sur l'origine de
cette secte , et par la lecture des anteurs qui en ont parlé *.
L'erreur des Agnoètes n'a pour Tondeuient que le passage dans
lequel Jésus-Christ dit que le Fils de l'IIonune ne sait pas le jour
du jugement.
Ce passage avait été autreHais te sujet d'une grande dispute
entre les Ariens et les catholiques, parce que les premiers ei^
concluaient que Jésus-Christ n'était pas Dieu.
• Bellarm., de Cbrist., I. i, c. I.
Leonl.,DeKctU,acUprim. ImJot, 1, 30>einit c S. DamnM
U AGN
Quelques Pères, pour répondre à cette difficulté, avaient dit
que c^était en tant qu'homme que Jésus-Christ ignorait le jour
du jugement, non quMls crussent que Jésus-Christ, comme
honmie, ait ignoré quelque chose, puisque, en vertu de Tunion hy-
postadque, tous les trésors de la sagesse et de la science étaient
hii ; mais seulement que Thumanité seule , considérée séparé-
de la divinité , ne peut par elle-même et par ses seules lu-
mières avoir cette connaissance ^.
D'autres Pères ont cru que le Fils de Dieu avait voulu dire
ffOL^'A n'avait pas sur cela une science expérimentale *.
D'autres enfin disent que Jésus-Christ ignorait , en un certain
«ens, ce qu'il ne jugeait pas à propos de nous découvrir; il
ignorait pour nous , il voulait que nous l'ignorassions.
Les apôtres avaient demandé à Jésus-Christ quand la fin du
monde arriverait et quels signes l'annonceraient.
lésus-Christ a répondu à la seconde partie de leur question ,
éuts tout ce qui précède , parce qu'il fallait que ces signes fus-
tent connus ; à l'égard de l'heure et du jour précis, il leur dit
qae oe sont des choses dont le Père s'est réservé la connais-
sance et qu'il ne veut découvrir aux hommes ni par lui-même ,
ni par les anges du ciel, ni par les prophètes, ni par le Fils; en
on mot, qu'il veut, par ce secret impénétrable , nous tenir dans
une vigilance et dans une attention continuelle, et réprimer
en nous la vaine curiosité et les recherches inutiles au sa-
kt».
Forbésius croit qu'en effet l'humanité, ou l'âme de Jésus-Christ,
ignorait le jour du jugement.
Cette explication est contraire au sentiment des Pères , mais
ce n'est pas une hérésie. L'âme humaine de Jésus-Christ , quoi-
que unie hypostatiquement au Verbe , n'est pas infinie ; elle peut,
en vertu de cette union , savoir tout ce qu'elle désire savoir ;
mais comme elle n'est pas infinie , elle ne voit pas tout à la fois :
ainsi Jésus-Christ, dans le temps qu'il disait à ses apôtres qu'il
^ Athan,, Serm, cent Arîan, Ambr. in Luc, 1. 8, Greg, Naz. Or., etc.
2 Orig. inMatth. Epiph., Hxr., 69.
* Orig. Chrys. Aug. 1. 8, quaesU 61 ; 1. 1, De Trin, c 12. De Genesi,
contra Maur., c. 23. iSstius in loc. diff. scrip., p. /iA2, inl. 3. Sent,
dist. lA et 3. Calmet sur S. Matthieu et sur S. Marc, c, 2Âet 13. Na-
tal. Alex., in saec 6 , dissert. 7.
ÀGR 39
ne savait pas le jour du jagement , pouyait ne pas faire attention
actuellement au temps oîi le monde devait finir ^.
AGONICËLITES » c'est le nom de ceux qui prétendaient qa*on
devait prier debout , et que c'était une superstition de prier à
genoux *•
AGRIGOLA (Jean Isleb), ainsi nommé parce qu'il était dlsleb
ou Eisleben , dans le comté de Mansfeld , compatriote et contem-
porain de Luther, fut aussi son disciple : il soutint d'abord les
sentimens de son maître avec beaucoup de zèle ; mais il les aban-
donna ensuite et devint ennemi de Luther.
Après mille variations dans sa doctrine et dans sa foi , après
mille rétractations et mille rechutes, il renouvela une erreur ^e
Luther avait été obligé d'abandonner ; il en poussa les conséquent
ces, etdevint chef d'une secte qu'on appela la secte des Anoméen^
Luther avait enseigné que nous étions justifiés par la foi , et
que les bonnes œuvres n'étaient point nécessaires pour le salut.
Agricola conclut de ce principe que, lorsqu'un homme avait la foi,
il n'y avait [dus de loi pour lui ; qu'elle était inutile , soit pour
le corriger, soit pour le diriger, parce qu'étant justifié par la foi,
les œuvres étaient inutiles, et parce que, s'il n'était pas juste » il
le devenait en disant un acte de foi.
Agricola ne voulait donc pas qu'on prêchât la loi évangâique»
mais l'Évangile; il voulait qu'on enseignât les prinâpes qui nous
portent à croire , et non pas les maximes qui dirigent la eoo*
duite *.
Luther s'éleva contre cette doctrine : Agricola se rétracta plu-
sieurs fois et la reprit autant de fois , parce que Luther, n'aba»-
donnant point ses principes sur la justification^ et les admettant
avec Agricola , il ne pouvait le réfuter solidement , ni le détrom-
per, puisque les conséquences d' Agricola étaient évidemment liéet
aux principes de Latlier sur la justification.
Gomme Agricola rejetait toute espèce de loi , on zipçeàz ses
disciples Anoméens, c'est-à-dire sans loi.
AGRiPPlNlENS, disciples d' A grippa, évêque de Garthage,
qui rebaptisait ceux qui avaient été baptisés par les h^tiqueSa
y^y. l'article REBAmsANS.
*■ Forbes, Instit TheoL, L 3, c 21.
2 Stockman Lexic.
' Stockman Leiic Sekendolf, HisU Luth*, 1. 3^ $ 82.
40 ALB
ALBANOIS , secte du huitième siècle , ainsi appelée du nom
du lieu où elle prit naissance ; c'est l'Albanie *.
Ils soutenaient qu'il était défendu de faire aucun serment ; ils
niaient le péché originel , l'efficacité des sacremens et le libre
arbitre ; ils rejetaient la confession auriculaire comme inutile et
ne voulaient pas qu'on excommuniât.
On leur attribue d'avoir cru le monde éternel et d'avoir ensei-
gné la métempsycose.
Il paraît qu'ils admettaient deux principes éternels et contrai-
res et qu'ils niaient la divinité de Jésus-Christ. Ils condamnaient
le mariage.
Ainsi y les Albanois étaient une branche de Manichéens , qui
s^était renouvelée dans l'Albanie, après leur destruction dans
l'Orient. Ces sectaires se dispersèrent partout , et partout ils trou-
vèrent des disciples et formèrent des sectes : ils en eurent dans
une infinité d'endroits en France.
L'ignorance était alors profonde et presque générale ; le clergé
surtout était fort ignorant , et par conséquent peu régulier ; car
il ne faut pas croire qu'un clergé ignorant puisse long- temps
conserver des mœurs : il en faut dire autant du peuple.
Ces restes de Manichéens, ainsi répandus dans l'Europe, étaient
eux-mêmes fort ignorans ; ils séduisaient le peuple par une ap-
parence de régularité dans leurs mœurs et dans leur conduite ;
ils criaient contre les abus , contre les désordres du clergé : le
peuple ignorant est toujours séduit par cet artifice.
C'est à cette ignorance du clergé et des peuples qu'il faut attri-
buer les progrès rapides de ces sectes qui inondèrent l'Europe
depuis le huitième siècle , qui ont allumé ces guerres si longues
et si cruelles qui n'ont fini que dans le dernier siècle. Voyez les
articles Bogomiles , Tangrelin , Pierre de Bruys , Arnaud de
Bresse, Albigeois , Vaudois, Stadinghs, Caputiés , Béguards,
Fraticelles, Wiclef, Hussites, Luther, Anabaptistes, Ré-
forme.
ALBIGEOIS , Manichéens qui infectèrent le Languedoc , à la
fin du douzième siècle.
L'hérésie des Pauliciens , ou Manichéens de Bulgarie , avait
été apportée en France par une vieille femme qui avait séduit
plusieurs chanoines d'Orléans ; d'autres Manichéens^, répandus
1 Stockman Le&ic, iu voce Aibauenscs. Sauder* Barou^
ALB Ji
dans les ]HOTiiiceE méridioDales de la France, y avaienl conimu-
niqué leurs erreurs ; la sévérïlé avec laquelle on les iraila et les
leeberches exactes qu'on en fit rendireDt les hérétiques plus cir-
conspects, et ne ilétmisïreat point l'hérésie.
Malgré les eSbrts que l'on araii faits pour rétablir les études
et U discipline en France , l'ignorance et le désordre des micurs
Paient extrêmes, mâme dans le clergé ; on exerçait les Todc—
^ons ecclésiastiques sans science , sans mœurs et sans capciié ;
l'usure était commune, et dans beaucoup d'églises tout était
vénal , les saeremens et les bénéfices : tes clercs , les prêtres , les
chanoines et même les évéques se mariaieat publiquement '.
Parmi les laïques , ce n'étaient que metirlres , que pillage ,
que violence; les seigneurs s'emparaient des bénéfices, les doa-
naient, les Tendaient , on les léguaient même par testament '*.
Le elei^é était l'objet de la haine et du mépris du peuple et
des grands.
Les Manichéens, qui conservaient contre le clergé une haine
implacable et un désir ardent de se venger des rigueurs qu'on
snit exercées contre eux , profilèrent de ces dispositions pour
attaquer tout ce qui conciliait de la considération au clergé ; ils
■ttaquèreut donc les saeremens , les cérémonies de l'élise , les
préi'ogaliïes du clergé, prétendirent qu'on ne devait pas pajer
la dtnie, et damnèrent tous les ecclésiastiques qui possédaient
des biens-fonds.
Le peuple ignorant n'était retenu dans la soumission an clergé
que par la terreur des peines canoniques , il prêta facilement l'o-
reille aux insinuations des tianicbéens, et passa du mépris des
ministres à celui de leur doctrine, des cérémonies et des saere-
mens qu'ils conféraient.
Les Hanicbéens, au contraire, condamnaient les richesses et
les dérèglemens du clergé; ils bornaient sa puissance, ils étaient
pauvres , ils aUlchatent la régularité ; ils furent bientôt regardés
comme des apûtrea. L'hérésie manichéenne éclata tout i coup en
France; elle eut une grande quantité de sectateurs dans dilTéren-
tes provinces, et fut favorisée par beaucoup de seigneurs, qui
avaient envahi les domaines de l'Eglise, et que les conciles con-
ine d'excommunication j il rendre les biens
42 ALB
qu'ils âYaient «sorpés : ainsi, les Mamchéens devinrent bieniôl
une secte redoutable.
Les papes envoyèrent dans les provinces méridionales de la France
des légats pour arrêter le progrès de cette erreur. Saint Bernard
y alla et convertit beaucoup d*hérétiques ; mais il ne communiqua
point au clergé ses lumières, ses talens, son zèle, et après son
départ Thérésie reprit de nouvelles forces K
Les évêques et quelques seigneurs de la province s'assemUè^
rent à Lombers , où les hérétiques étaient protégés par les habi**
tans , parmi lesquels il y avait plusieurs chevaliers : les évêques
disputèrent contre les chefs des hérétiques , ils les convainquirent
de renouveler les erreurs des Manichéens, et les condamnèrent.
La condamnation de ces sectaires n'empêcha pas qu'ils ne fis-
sent des prosélytes dans la Provence , en Bourgogne et en Flan^
dre, où ils furent connus sous le nom de Popélicains, de Publi-
cains, de Bons Hommes, etc.
Les archevêques deNarbonne et de Lyon en firent arrêter quel-
ques-uns, et Ton brûla vifs tous ceux qui ne voulurent pas sa
convertir *.
Quelques années après , ces hérétiques se multiplièrent si pro«
digieusement dans le Languedoc , que les rois d'Angleterre et de
France envoyèrent les prélats les plus éclairés de leurs États pour
défendre la vérité de la religion; ils enjoignirent aux seigneurs,
leurs vassaux , de donner main-forte et tous les secours nécessaires
aux prélats et au légat que le pape enverrait pour les conversions
des hérétiques.
Le légat et les évêques entrèrent dans Toulouse au milieu des
clameurs insultantes du peuple , qui les traitait hautement d'héré-
tiques , d'apostats , d'hypocrites ; cependant un des prélats prêcha
et réfuta si solidement leurs erreurs, que les hérétiques, intimidés
par la force de ses raisons et par la crainte du comte de Toulouse,
n'osèrent plus se montrer ni parler en public.
Le légat ne se contenta pas de ces avantages ; et, comme s'il se
fût défié de cette méthode , si conforme à l'esprit de la religion , il
fit des recherches pour découvrir les hérétiques , et fit promettre
par serment , à tous les catholiques , de dénoncer les hérétiques
qu'ils connaissaient et leurs fauteurs.
* Hisl. de Languedoc, t. 2, 1. 17, p. 647 ; I. 3, 1. 19, p. 2,
2Ibid.,t,d, p. hf an. 1178,
ALB 43
Panni les kérétiques dénoncés , on tronva nn nommé Pierre
Mauran, homme riche et que Ton regardait comme le chef des
hérétiques ; on rengagea , par caresses et par promesses , à com-
paraître devant le légat. Dans Tinterrogatoire qu'on lui fit suhir,
il déclara que le pain consacré par le ministère du prêtre n'était
pas le corps de Jésus-Christ : les missionnaires ne lui en deman-
dèrent pas davantage : ils se levèrent , et ne purent s'empêcher de
répandre des larmes sur le blasphème qu'ils venaient d'entendre
et sur le malheur de celui qui l'avait prononcé : ils déclarèrent
Mauran hérétique et le livrèrent au comte de Toulouse , qui le fit
enfermer : tous ses biens furent confisqués et ses châteaux dé-
molis.
Pierre Mauran promit alors de se convertir et d'abjurer ses er-
reurs : il sortit de prison , se présenta nu , en caleçon , devant le
peuple ; et, s'étant prosterné aux pieds du légat et de ses collègues,
il leur demanda pardon^ reconnut ses erreurs , les abjura, et pro-
mit de se soumettre â tous les ordres du légat. Le lendemain l'é-
véque de Toulouse et l'abbé de Saint-Sernin allèrent prendre Pierre
Mauran dans la prison ; il en sortit nu et sans chaussure. L'évê-
que de Toulouse et l'abbé de Saint-Sernin , en le conduisant , le
fustigeaient de temps en temps ^ et l'amenèrent jusqu'aux degrés
de l'autel , où il se prosterna aux pieds du légat et abjura de nou-
veau ses erreurs : on confisqua ses biens , on lui ordonna départir
dans quarante jours pour Jérusalem et d'y demeurer trois ans au
service des pauvres , avec promesse , s'il revenait , de lui rendre
ses biens, excepté ses châteaux, qu'on laissait démolis en mé-
moire de sa prévarication. 11 fut condamné , de plus , à une amende
de cinq cents livres pesant d'argent envers le comte de Toulouse ^
son seigneur; à restituer les biens des églises qu'il avait usurpés,
à rendre les usures qu'il avait exigées , à réparer les dommages
qu'il avait causés aux pauvres '.
Voilà quel était Pierre Mauran , cet ennemi si ardent du clergé,
ce grand zélateur de la réforme.
On découvrit encore quelques-uns des principaux hérétiques ,
que l'on convainquit de Manichéisme et que l'on excommunia : ce
fut là tout le fruit de la mission ^.
La guerre divisait alors les Seigneurs de la province , et Roger,
< Hîst. de Languedoc, t. 3, 1. 19, p. 48.
Mbid.
44 ALB
vicomte d'Alby, ménagea les hérétiques , quUl regarda comme une
ressource contre Raymond , comte de Toulouse , leur grand enne-
mi : ils se fortifièrent dans différens endroits de ses domaines , et
le pape Innocent III , informé de leurs progrès, envoya un légat
en Languedoc.
Ce légat éuit Henri , abbé de Clairvaux , qui venait d'être élevé
au cardinalat et à Tévêché d'Albano : deux ans avant il avait été
employé dans la mission à la tête de laquelle] était le cardinal
Ghrysogone.
Henri, par la force de son éloquence, persuada à un grand
nombre de catholiques de prendre les armes et de le suivre ; il
forma de ces catholiques un petit corps d'armée , s'avança vers les
domaines du vicomte Roger ^ assiégea le château de Lavaur et le
prit.
C'était le siège principal des hérétiques , et deux de leurs chefs,
que l'on prit dans ce château, se convertirent. Le légat porta ensuite
son armée en Gascogne^ où il réduisit les hérétiques, autant par la
force de ses prédications que par la terreur des armes. Après
avoir ainsi terminé son expédition contre les hérétiques , le cardi-
nal légat convoqua des conciles pour régler les affaires de l'Eglise '.
Le cardinal Henri n'eut pas plus tôt terminé son expédition que,
la crainte ne faisant plus d'impression sur les peuples , ils prêtè-
rent l'oreille, comme auparavant, aux discours séducteurs des
Manichéens, et l'erreur prit de nouvelles forces^.
Les papes envoyèrent des légats pour arrêter le progrès de l'hé-
résie; mais les guerres qui divisaient les princes, l'ignorance du
clergé, les démêlés des légats et des évêques rendirent les missions
contre les hérétiques peu utiles. Les hérétiques profitèrent de cet
état de trouble , ils prêchèrent publiquement leur doctrine et sé-
duisirent une grande quantité de chevaliers et de seigneurs.
Les légats s'appliquèrent donc à faire cesser les guerres qui dé-
solaient la province de Languedoc et à réunir les seigneurs entre
eux pour employer leurs forces contre les hérétiques. Le comte de
Toulouse, qui refusa la paix, fut excommunié , et enfin obligé de la
faire et de promettre de ne plus favoriser les hérétiques et de leur
faire la guerre.
Mais le comte de Toulouse ne se comporta pas, dans la suite,
* Hist. de Languedoc, t. 3, p. 57.
' liid., an. 1204.
ALB 43
e manière conforme au zèle des légau, el le légat Pierre de
Castelnau reicommunia.
Ce légal fut assassiné peu de lempâ après ; et le pape soupçon-
nant , non sans quelque vraisemblance , le comte de Toulouse d'a-
Toireupartanmeurlre,reicDnimuniade nouveau, mit sesdomaines
en interdit et délia ses sujets du serment de fidcliic , attendu qu'on
ne devait point garder la fol i celui qui ne la gardait pas fi Dieu.
Le pape informa de celte excommunication le roi de France , et
l'exhorta il prendre les armes , à dépouiller de leurs biens le comte
de Toulouse et ses fauteurs.
L'abbé de Ciieaui et les religieux de son ordre reçurenldu pape
ordre de prêcher la croisade contre te cotnte de Toulouse, et ils
la prêchèrent daus tout te rojaome : le pape accordait aux croisés
la même indulgence qu'à ceux qui altaientàla Terre-Sainte; ainsi
l'on s'empressa de se croiser contre le comte de Toulouse.
Rajmond , comte de Toulouse, pour dissiper l'orage prêt à
fondre eut lui , envoya des ambassadeurs ï Rome ; el enfin , après
bien des négociations, lepapeluipromitderabsoudreeo cas qu'il
fût innocent; mais il exigea , pour préliminaires , que le comte
de Toulouse remit à son légat sept de sesforteresses pour garantie
de sa soumission an saint Siège.
Innocent III envoja Uilon , son notaire , avec la qualité de légat
tlatere, pour examiner l'aflaire de Rajoiond: le légat assembla ï
Honlélimar un concile dans lequel Rajmond comparut ; ce comte
était nu jusqu'à la ceinture et fit le serment suivant : • L'an 12
>du pontiticat du seigneur pape Innocent III, le 18 juin, Je,
• Raymond, duc de Narboone, jure sur les saints Évangiles, en
> présence des saintes reliques , de l'Eucharistie et du bois de U
> vraie croix, que j'obéirai à tous les ordres du pape , el aux va 1res,
> maître Milan, notaire du seigneur pape, et légat du saint Sit^e
■ apostolique, et de tout autre légat dusaint Siège, touchant tous
• et chacun des articles pour lesquels j'ai été ou je suis excommu-
inié, soit parle pape, soit par son légat, soit par les autres, soit
• enfin de droit; en sorte que j'exécuterai de bonne foi cequime
• sera ordonné, tant par lui-même quepar ses lettres et par ses lé-
• gats , iQ sujet desdits articles, mais principale ment les suivant. •
Ces articles sont : d'avoir refusé de signer la paix , de n'avoir
pas expulsa les hérétiques , de s'être rendu suspect dans la foi ,
de n'avoir pas rendu justice à ses ennemis , d'avoir fait lever des
péages et des guidages indus , d'avoir fait airéler quelques évé^
46 ALB
ques et leurs clercs , d^ayoir envahi leurs biens , etc. Le eoakte
de Toulouse consent qu'on dispense ses sujets du serment de
fidélité, supposé que sur tous ces articles il refuse d'obéir au pape.
Seize barons, vassaux du comte, promirent la même chose ;
ensuite le légat ordonna au comte de réparer tous les torts qu'il
avait faits , lui défendit de lever des péages et de se mêler des
affaires de l'Église , etc.
Après que le comte eut promis d'observer toutes ces condi-
tions , le légat fit mettre une étole au cou du comte de Toulouse,
et, en ayant pris les deux bouts, ill' introduisit dans l'Église, ea
le fouettant avec une poignée de verges ; enfin, après cette hu-
miliante cérémonie , il lui donna l'absolution ^
Cependant l'armée des croisés se fortifiait : on voyait arriver
en foule des Flamands , des Normands , des Bourguignons, etc.»
conduits par les archevêques de Reims , de Sens , de Rouen ,
par les évéques d'Autun, de Clermont, de Nevers, de Bayeux, de
Lisieux et de Chartres, et par un grand nombre d'ecclésiastiques»
Parmi les seigneurs séculiers , on comptait le duc de Bourgo-
gne, les comtes de Nevers , de Montfort, etc.
L'abbé de Citeaux , légat du saint Siège , fut nommé généra-
lissime de l'armée *.
Roger, vicomte de Béziers , effrayé de cette terrible croisade ,
alla trouver les légats et leur déclara qu'il était catholique, qu'il
détestait les erreurs des hérétiques et qu'il ne les favorisait
point ; mais toutes ses protestations furent inutiles , on ne le
crut point.
L'armée des croisés grossissait tous les jours par les différens
corps que conduisaient l'archevêque de Bordeaux , l'évéque de
Limoges , etc.
Les croisés prirent plusieurs châteaux et brûlèrent plusieurs
hérétiques ; enfin , l'armée des croisés arriva devant Béziers et
somma tous les catholiques qui y étaient de livrer tous les héré*
tiques.
La ville de Béliers rejeta ces conditions , et les croisés l'assied
gèrent , la prirent , massacrèrent plus de soixante mille babitans,
la pillèrent et y mirent le feu ^.
* Hist. de Languedoc, t. 3, p. 162.
s Ibid., p. 167.
»Ibid.
ALB
4T
les habilans , dit le Père
saccageant ot pillaot
3 passèrent m fil de l'idée
• Benoll , sans distinclioa d'^ge ni
' partout ; ensuite, ajanl sperço sept mille bommes qui s'êlaieot
> retirée dans l'église de U Hadeleine, i dessein de s'y retran-
B cher ou d'ériter h fureur des vainquetirs, ceux-ci suitireat
> le premier mouvement de leur imp^uosilé, et cemme ils n'é-
' taient commandés par aucune personne d'autorité , ils se jctè-
> rent sur ces malbeureni qu'ils massacrèrent sans qu'il en
■ échappSl un seul '. •
Après le sac de Béziers, les croisés allèrent à Carcassonne ,
l'assiégèrent ; et, après une attaque et nne défense très-vigoureuse
et Irës-meurtrière , ils obligèrent les habîtans it rendre h ville,
en leur accordant la lie sanve : ces malheureux haliitans n'em-
pottirent que leur chemise , et l'on retint le comte Aoger, que
l'on enferma dans une p risou , où il mourut peu de temps après.
Les babitans, en sortant, déclarèrent qu'ils étaient caûioli-
qnes, eïeeplé quatre cents, qui furenl arrêtés et brûlés *.
Tous les domaines de Roger furent donnés i Simon de Mont-
fort. Les croisés , qui n'étaient Tenus que pour gugiter l'indul-
genee , se retirèrent lorsque les quarante jours de serrice qu'ils
fiaient obligés de faire furent expirés -, mais les légats et Simon
deHontfort continuèrent de faire la guerre aux hérétiques el i
teoTS pro lecteurs,
Raymond , comte de Toulouse, s'élail joint h l'année des eroi-
■tei et s'était retiré, comme les autres, après la prise de Carcas-
sonue ; maïs il était à peine de retour k Toulouse , que l'abbé de
Citeaui el Rajmond de MontTortlui envoyèrent des dépulés pour
le sommer, aussi bien que les consuls de Toulouse, de livrer aux
barons de l'armée , sous peine d'excommunication , tous les ha-
bilaos que les députés lui nommeraieni, et de livrer aussi leurs
biens , afin qu'ils fissent leur profession de foi en préseuce des
barons de Tannée.
Kmon de Honlfort menaçait le comte de Toulouse , en OS de
refiis de sa part d'obéir à ces ordres , de lui courir sus et de
porter la guerre jusque dans le cœur de ses Éiiils.
Malgré toutes les précauûoas que Raymond prit poar éviter
la guerre , malgré les promesses qu'il fit de rechercher et de pu-
4S ALB
nir les hérétiques , malgré mille protestations d^attachement k la
religion et d'horreur pour Thérésie, les légats et Simon de Mont-
fort tournèrent contre lui les forces de la croisade.
Le comte de Toulouse se prépara donc à soutenir la guerre
et se ligua avec dififérens seigneurs de la proyince.
L*armée du légat était tour à tour grossie et abandonnée par
ces troupes de croisés , qui venaient de toutes les parties de la
France pour gagner Tindulgence , et qui retournaient prompte-
meut chacun dans leur pays, aussitôt que leurs quarante jours de
service étaient expirés : ainsi , les succès des croisés n'étaient nî
' continuels, ni rapides, et ces alternatives de force et de faiblesse
dans Tarmée des croisés entretenaient entre Simon de Montfort
et ses ennemis une espèce d'équilibre qui , pendant long-temps,
fit des provinces méridionales de la France un théâtre de désor-
dres et d'horreurs.
La facilité de gagner l'indulgence en se croisant contre les
Albigeois ruinait les croisades de l'Orient , et, de leur côté , les
princes confédérés souhaitaient la paix , et surtout le roi de
France, qui s'était joint aux croisés. Le comte de Toulouse la
fit , en perdant une partie de ses domaines , en promettant de
raser les murs de Toulouse aussitôt qu'il en recevrait l'ordre du
légat , en jurant qu'il rechercherait les hérétiques et qu'il les
punirait sévèrement.
On n'exigea point de Raymond qu'il livrât personne , et la
guerre n'eut d'autre effet que de le dépouiller d'une partie de^es
domaines.
Raymond alla à Paris pour convenir de tous ces objets, et, après
qu'ils furent arrêtés , il fut introduit dans l'église Notre-Dame et
conduit au pied du grand autel , en chemise , en haut-de-chaus-
ses et nu-pieds , et là il jura d'observer tous les articles qu'on a
rapportés et reçut l'absolution *■ .
Les princes confédérés imitèrent le comte de Toulouse et firent
la paix en promettant de travailler avec zèle à l'extirpation de
l'hérésie.
Le légat assembla plusieurs conciles , et entre autres un à
Toulouse , où les évéques , de concert avec les barons et les sei-
gneurs , prirent des mesures contre les hérétiques ; on y admit
aussi deux consuls de Toulouse , qui prêtèrent serment, sur l'âme
' Hist. de Languedoc, t, 3, U 2/», c. 5 ; t â, p. i8i&.
ALB 49
'9e toute 11 communauté , d'observer tous les statuts que l'on
Terait dans l'assemblée pour la deslrucliun de l'Iiérêgie , el l'on
éUblil l'iaquisition.
Les inquisiteurs parcoarurenl toutes les villes , faisant eibumer
les hérétiques enterrés en lieu saint et brûlant les vitaos. Leur
zèle étail; infatigable et leur rigueur extrême: ils condamnaient
au voyage de la Terre-Saiate ou excommuniaient tout ce qui ne
leur obéissait pas aveuglément. De nouveaux malheurs succédè-
rent donc aux malheurs de la guerre : les peuples étaient partout
dans la consiernalion qui annonce la révolte el la sédition ; dans
beaucoup d'endroits ils se soulevèrent; quelques inquisiteurs fu-
rent massacrés, et l'oD fut obligé de suspendre l'eiercice de l'in-
quisilion, que l'on rétablit ensuite.
On fut souvent obligé de meure des bornes au zèle des inquisi-
teurs, et cependant on brilla beaucoup d'hérétiques. Leur nombre
diminua peu à peu , et l'on ne trouve pas que l'on ait célébré d'à de
de foi depuis 1383. Les inquisiteurs Urent encore des recherches
et ne demandaient qu'A brQler; mais les souverains pontifes,
informés de rirrégulariié de leurs procédures et de l'iniquiié de
leurs sentences , leur impoeèrent des lois sévères ; alors Tinquisi-
tion n'excita plus de troubles, les hérétiques devinrent plus rares
et s'éteignirent enfin tout-i-fait.
Tandis que les inquisiteurs rechercbaieniavec tant d'exactitude
et punissaient avec tant de rigueur les hérétiques , un grand nom*
bre de personnes s'adonnaient à la magie et aux sortilèges , et,
d'un autre côté , l'on vit les Pastoureaux s'attrouper et massacrer
impitoyablement tous les Juifs.
Que de désordres, de crimes et de malheurs ce siècle offre au
chrétien qui réfléchit ! Cependant on était très-ignorant ; il n'y a
point de siècle oti l'on ait lancé plus d'excommunications, brûla
plus d'hérétiques et moins cultivé les sciences et les aris.
De ta doctrine dei AlbigeoU.
Il est certain , par tous les monumens du temps des Albigeois ,
que ces hérétiques étaient une branche de Manichéens ou Cathares ;
mais leur Manichéisme n'était point celui de Uaoès. Ils suppo-
saient que Dieu avait produit Lucifer avec ses anges; que Lucifer
s'élait révolté contre Dieu; qu'il avait été chassé du ciel avec tous
ses anges, et que, banni du ciel, il avait produit te monde visible
surlequel il régnait.
1
it> ALB
Dieu , poar rétablir Tordre , ayait produit un second fils , qui
était Xésus-Ghrist : voilà pourquoi les Albigeois furent aussi appe-
lés Ariens.
Il est donc Incontestable que les Albigeois étaient de vrais Ma-
nichéens ; tous les autres contemporains raltèstent, et leurs inter-
rogatoires, que Ton conserve encore en original , en font foi ^.
11 est vrai que les Vaudois, les Begains et quelques autres hé-
rétiques pénétrèrent dans le Langedoc et y furent condamnés ; mais
il n'est pas moins certain que ces hérétiques ont toujours été dis-
tingués des Albigeois , et qu'ils ne sont point appelés de ce nom ,
BEiais simplement hérétiques ^.
Enfin , Guillaume de Puylaurent , auteur contemporain y dit que
les hérétiques qui s'étaient répandus dans le Languedoc n'étaient
pas uniformes : que les uns étaient Manichéens , les autres Yau-
dois, et que ceux-ci disputaient contre les premiers, qui certai-
Bement s'appelèr^t dans la suite Albigeois. Il ne faut donc pas
confondre toutes ces sectes, comme fait M. Basnage, et il est
certain que les Albigeois étaient de vrais Manichéens, comme
M. Bossuet l'a dit.
Que M. Basnage joigne aux Yaudois, aux Henriciens , etc., les
Albigeois , pour en composer, dans ces siècles , une communion
étendue et visible qui tenait les dogmes des Protestans , c'est ce
que les catholiques ont peu d'inlérêlà réfuter. Nous croyons ce-
pendant devoir remarquer, en passant, que Vaido ne tenait ses
erreurs de personne, et qu'elles n'étaient point celles des Protes-
tans.
Nous ne craignons point d'avancer que M. Basnage n'a fait que
des sophismes pour disculper les Albigeois de l'imputation de
Manichéisme ; toutes ses preuves se réduisent à établir qu'il y avait,
en Languedoc , des hérétiques qui étaient opposés aux Manichéens,
et personne ne le conteste ; mais on prétend que les hérétiques
nommés Albigeois étaient Manichéens , et que ces Manichéens
que M. Basnage convient qui étaient dans le Languedoc , étaient
en effet cette secte contre laquelle on forma la croisade et qui était
appelée la secte des Albigeois : c'est ce qui est évident par tous
^ ffîsL de Languedoc, t. il, p. 183; t. 3, p. 135, 93, etc. Hist. des
Albigeois, par le P. Benoit, t 2, pièces juslificatives.
^ D'Argentré, CoUect. Jud. Hist des crois, contre les Albigeois, par
le P. Langlois, jésuite, Hist. du Languedoc, Hist. des Albigeois^
AMA 5j
les monuiaeBg Aa temps , par les conciles , par les Interrogatoires
et par la distinction qu'on a toujours faite des Albigeois et des
Viiudois : voilà à quoi se réduit la queatiuu sur le Manichéisme im-
puté par M. Bossuet aux Albigeois, et poar l'éclaircisEement de
laquelle il était inutile d'entasser tant de sopliismes '.
Les Albigeois, outre les erreurs des Manichéens, tenaient celles
des Sacrâmes taires ; et c'est sur cela qu'on se Tonde pour avancev
que les Albigeois étaient les précurseurs des nouveaux réformés.
Les erreurs des Albigeois n'étaient pas l'ouvrage du raisonne-
ment , mais l'eiret dn fanatisme , de l'ignorance et de la haine con-
tre les catholiques : elles sont réfutées aut articles Manichéisme,
Calvin, Luther.
ALOGES, hérétiques du second siècle, que l'on croîtqui niaient
la divinité du Verbe : ils rejetaient t'Ëvangile selon saint Jean et
l'Apocaljpse '.
Si leur erreur était différente de celle deThéodole deBysance,
elle rentrait dans les principes de Sabellius, qui niait que le Verbe
fût une personne distinguée du Père , ou dans le sentiment des
Ariens, qui, en reconnaissant que le Verbe était une personad
distinjfuée du Père, prètendaienl qu'il étal tune créature.
AHAUBI, était un clerc natif de Béne, village du diocèse de
Chartres; il étudia i Paris , sur la fin du douzième siècle; il fit de
grands progrès dans l'étude de la philosophie , et enseigna avM
réputation au commencement du treizième siècle*.
On avait alors apporté en France les livres d'Arislote ; tous lei
philosophes arabes l'avaient pris pour guide dans l'élude de la lo-
gique , qui était presque la seule partie de la philosophie que Ton
cultivSt.
Il était difficile de regarder Arlstole comme un guide infaillible
dans la recherche de la vérité , sans supposer qu'il avait fait de
grands progrès dans la connaissance des objets qu'il avait eia^
AmaurI passa doue de l'étude de la logique d'Artstote h l'étude
HiAe H métapbjsique et de sa physique ; il suivit ce philosophe dans
■ HisL des Églises réform., t. 1, période A, c. 9, p. 103. Kst, de
l'Ég-lise, t. ï, I. BD, c. 3, p. liOO.
' Epîpli., Ha:r„ 5!. l'hila^l , De hxr., c. CD. Aug., De iia.'r., c 30.
Tertull,,De pTutcr.
* Rigord, ad au. 1209.
1
I
I
I
52 AMA
la recherche qu^il avait faite delà nature et de Toriginedu monde.
Aristote , dans ses livres de métaphysique , examine toutes les
opinions des philosophes qui Font précédé ; il les trouve toutes
insuffisantes, et il les réfute : il réfute Pythagore, qui regarde les
nombres, ou plutôt les êtres simples et inétendus, comme les élé-
mens des corps ; Démocrite , qui croit que tout est composé d'a-
tomes ; Thaïes , qui tirait tout de Peau ; Anaximandre , qui croyait
que rinfini était le principe et la cause de tous les êtres.
Après avoir réfuté toutes ces opinions, Aristote suppose que
tous les êtres sortent d'une matière étendue , mais qui n'a par
elle-même ni forme , ni figure , et qu'il appelle la matière pre-
mière.
Cette matière première existe par elle-même; le mouvement
quiTagite estnécessaire comme elle, et, quoique Aristote reconnût
que les esprits sont des êtres immatériels , cependant il avait quel-
quefois semblé supposer que les esprits étaient sortis de la matière.
Straton , son disciple , en rapprochant ces différentes opinions
d* Aristote, avait cru que la matière première suffisait pour rendre
raison de l'existence de tous les êtres , et qu'en supposant le
mouvement attaché à la matière première , on trouverait en elle
et la cause et le principe de tout.
Long-temps après Straton , des philosophes arabes , qui avaient
commenté Aristote, lui avaient attrif)ué cette opinion, et elle avait
passé dans l'Occident avec les livres des Arabes.
Martin le Polonais rapporte que Jean Scot Érigène avait adopté
cette opinion , et qu'il avait enseigné qu'il n'y avait dans le monde
que la matière première qui était tout, et à laquelle il donnait le
nom de Dieu ^.
Soit qu'Amauri eût envisagé le système d' Aristote sous cette
face, soit qu'il n'eût fait qu'adopter le système de Straton , soit
qu'il eût suivi les commentateurs arabes et Scot Érigène , il crut,
en effet, que Dieu n'était point différent de la matière première.
Après avoir enseigné la logique avec assez de réputation,
Amauri se livra à l'étude de l'Écriture sainte , et voulut l'expli-
quer. Comme il était fortement attaché à ses opinions philoso-
phiques , il les chercha dans l'Écriture ; il crut les y voir ; il crut
voir, dans le récit de Moïse , la matière première , le chaos ; il crut
* Nicolaus Trinct. in suo chronico, t, 8. Spicileg., p, 550, d'Argen*
tréy Collect. Jud., t 1, p. 128.
que cette maUère première éiaiteila cause productrice, et le fond
duquel tous les êtres étaient sortis , de la mauièrc dont Uoïse la
Toute la religion s'offrait alors h Amauri eomme le développe-
ment des [ihénomènes que (levaient présenter le mouvement et la
matière première.
Ce Tut sur cette base qu'Amaurl bkit sod système de religion
chrétienne.
La matière première pouvait, par ses diiïérentes formes, pro-
duire des êtres particuliers, et Amauri reconDïis.s3it dans la ma-
tière première , qu'il nommait Dieu parce qu'elle était l'être
nécessaire et iîiQai ; Amauri reconnaissait, dis-je, en Dieu trois
personnes , le Père , le Fils et le Saint-Esprit , auxquels il attri-
buait l'empire du monde , et qu'il regardait comme l'objet de la
religion.
Mais, comme la matière première était dîns un m ouve oient con-
tinuel et nécessaire , la religion et le monde devaient Rnir, et tous
les êtres devaient rentrer dans le seïu de la matière première , qui
était l'être des êtres , le premier être , seul indestructible.
La religion, selon Amauri, avait trois époques, qui étaieut
comme les règnes des trois personnes de la Trinité.
Le règne du Père avait duré pendant toute la loi mosaïque.
Le règne du Fils, ou la religion cbtétienae , ne devait pas du-
' ;5 et les sacremens qui , selon Amauri ,
, ne devaient pas être éternels.
0 temps où les sacremens devaient cesser, et
T la religion du Saint-Esprit, dans laquelle
t plus besoin de sacremens et rendraicnt.il
culte purement spirituel.
Cette époque était le r^ne du Saint-Esprit, i^ne prédit, se-
lon Amauri , dans l'Ëcriturc , et qui devait succéder à la religion i
chrétienne comme la religion chrétienne avait succédé à la ruli- J
gion mosaïque.
La religion chrétienne était donc le règne de lèsua-Christ dans
le monde, et tous les hommes, sous cette loi, devaient se regar-
der comme des membres de Jésus-Cbrist.,
On se souleva , dans l'Université de Paris , contre la doctrine
d' Amauri ; il la défendit , et il parait que son principe fundamen-- j
tal était ce sophisme de logique ;
e première est un étru simple puisqu'elle n
1
s toujours
ea faisaient 1'
11 devait y
alors devait
les hommes
l'Être suprême
$4 ANA
Dtéy si quantité 9 ni titsk de ce qui peut déterminer on être ; or,
ce qui B*a ûi qnamtîté , ni qualité , est un être simple , donc la
matière première est nn être simple.
La religion et la théologie enseignent que Dieu est un être
simple ; or, on ne peut concevoir de différence entre des êtres
simples , parce que ces êtres ne différeraient que parce qu'il y au-
rait , dans un de ces êtres , des parties ou des qualités qui ne se-
raient pas dans l'autre , et alors ces êtres ne seraient plus simples.
S'il n*y a ni ne peut y sToir de différence entre la matière pre-
mière et Dieu , la matière première est donc Dieu ; et de ce prin*
cipe Amauri tirait tout son système de religion , comme nous Ta-
▼Ons TQ.
Amauri , c(mdamné par TUniversité , appela au pape , qui con-
firma le jugement de l'Université ; alors Amauri se rétracta, se retira
à Saint-Martin-des-Champs, et y mourut de chagrin et de dépit *.
U eut pour disciple David de Dinant. V&yez cet article.
ANABAPTISTES , secte de fanatiques qui se rebaptisaient et
défendaient de baptiser les enfans.
De Vorigine des Anabaptistes*
Luther, en combattant le dogme des indulgences , avait fait
dépendre la justification de l'homme uniquement des mérites de
Jésus-Christ , que le chrétien s'appliquait par la foi.
Ainsi , selon ce chef de la réforme , les sacremens ne justi-
fiaient point ; c'était la foi de celui qui les recevait *.
Un des disciples de Luther, nommé Stork , conclut de ces prin-
cipes que le baptême des enfans ne pouvait les justifier, et qu'il
fallait rebaptiser tous les chrétiens , puisque , lorsqu'ils avaient
été baptisés , ils étaient incapables de former l'acte de foi par le-
quel le chrétien s'applique les mérites de Jésus-Christ.
Luther n'avait établi sa doctrine ni sur la tradition , ni sur les
décisions des conciles , ni sur l'autorité des Pères , mais sur FË-
criture seule ; or, disait Stork , on ne trouve point dans l'Écriture
qu'il faille baptiser les enfans; il faut, au contraire, enseigner
ceux qu'on baptise , il faut qu'ils croient.
Les enfans ne sont ni susceptibles d'instruction , ni capables
^ Guillem. Armoricns, Hist. de vitâ et gestis Philip., ad an. 1209.
D'Argentré, loc. cit S. Th. con. Cent., c. 17.
2 Luth., De captivit. Babylon., p. 75.
ANA
fle former Racles de Toi sur ce qu'on doit croire pour être chré-
tien. Le liaptôme des enfans est donc une pratique conlraire â
i'Écrilure , el ceux qui ont été baptisés dans l'enrance u'ont point
en eflel reçu le bapiéme.
Stork ne proposa d'abord cette doclrioe qtie comoie une coosé*
<|aence des principes de Luther sur la justilication , conséquence
que Luther n'afait point voulu développer, selon Siork , par mé-
iiagemenl ou par prudence.
Le nonveau dogme de Stork ne fut d'abord qu'un sujet de
ronversatiou ; bienlât il se glissa dans les éi^riles ; on le mit dani
les thèses ; il eut des parlitaus dans les collèges ; enfin , on le pro-
posa dans les prédications.
Stork, pour défendre son Bentimenl , s'était anné de ce prin-
cipe fondamental de la rérnrme, savoir : qu'on ne doit admettre
comme révélé et comme nécessaire au salut que ce qui est contenu
dans l'Ecriture ; il condamne comme une source empoisonnée les
Përea , les conciles , les théologiens et les belles-lettres. L'étude
des lettres remplissait, selon Stork , le cœur d'orgueil et l'ea-
prit de connaissances profanes et dangereuses.
Parce moyen , Stork mit dans son parti les iguorans, les sols
el la populace , qui , dans la secte de Slork, se (roovaienl au ni-
veau des théologiens et des docteurs.
Luther n'avait pas seulement enseigné que l'Ëariture était la
seule règle de foi et que chaque fidèle était le juge du sens de
l'Écriture, il avait insinué qu'il recevait des lumiéi'es eitraordi-
nairea du Saint-Esprit. Il prétendit que leSaint-Esprituerefusait
point k ceux qui les demandaieut les lumières dont il était favo-
risé; les fidèles n'avaient point, selon btork, d autre règle de
leur loi ou de leur conduite que ces inspirations et ces avertis-
semens intérieurs du Saint-Esprit.
Carlosiad, Hiincer et d'autres Protestant, jaloux de la puis-
sance de Luther, ou rebutés par sa diirtlé, adoptèrent les prin^
eipes de Stork , et les Anabaptistes formèrent dans Wittemberg
une secte puissante.
Carlostad et Mnncer, ï la léte de celte secte, coururent d'église
en église , abattirent les images et détruisirent tous les restes du
culte catholique que Luther avait laissé subsister.
Luther apprit , dans sa retraite , les progrès des Anabaptistes ;
il accourut â Wittemberg, prêcha contre les Anabaptistes , et St
^itaïuiir Slork , Muncer et Carlostad.
56 ANA
Garlostad se retira à Orlemonde , d*o{i il passa en Suisse , et y
jeta les fondemens de la doctrine des Sacramentaires.
Stork et Muncer parcoururent la Souabe, laThuringe, la Fran-
conie , semèrent partou t leur doctrine , et prêchèrent également
contre Luther et contre le pape : celui-<;i, selon Stork, accablait
les consciences sous une foule de pratiques au moins inutiles ;
celui-là autorisait un relâchement contraire à F Évangile y sa ré-
forme n*avait abouti qu'à introduire une dissolution semblable
à celle du Mahométisme. Les Anabaptistes publiaient que Dieu
les avait envoyés pour abolir la religion trop sévère du pape
et la société licencieuse de Luther ; il fallait , pour être chré-
tien , ne donner dans aucun vice et vivre sans orgueil et sans
faste.
Les Anabaptistes ne prétendaient point , comme Luther, tyran-
niser les consciences ; c'était , selon eux , de Dieu seul que nous
devions attendre les lumières propres à nous faire distinguer la
vérité de Terreur, la vraie religion de la fausse. Dieu déclarait,
dans rÉcriture , qu'il accordait ce qu'on lui demandait ; ainsi ,
selon Stork et Muncer, on était sûr que Dieu ne manquait jamais
à donner aux fidèles des signes infaillibles pour connaître sa vo-
lonté , lorsqu'on les demandait.
La volonté de Dieu se manifestait en différentes manières, tan-
tôt par des apparitions , tantôt par des inspirations , quelquefois
par des songes , comme dans le temps des prophètes.
Stork et Muncer trouvèrent une multitude d'esprits faibles et
d'imaginations vives qui saisirent leurs principes avidement , et
ils se mirent bientôt à la tête d'une secte d'hommes qui ne raison-
naient plus, et qui n'avaient pour guides que les saillies et les dé-
lires de leur imagination ou les accès de la passion.
Ces deux chefs sentirent bien qu'ils pouvaient imprimer à leurs
disciples tous les mouvemens qu'ils voudraient; ils ne songèrent
plus à opposer à Luther une secte de controversistes , ils aspirè-
rent à fonder dans le sein de l'Allemagne une nouvelle monarchie.
Quelques-uns de leurs disciples ne suivirent point les desseins
ambitieux de leurs chefs , et tandis que Muncer se croyait tout
permis pour établir son nouvel empire , ces Anabaptistes paciG-
ques regardaient comme un crime la défense la plus légitime con-
tre ceux qui attaquaient leurs personnes ou leurs fortunes.
Nous allons suivre les progrès et les différens élats de celte
secle.
■ ANA 57
iia AtitUapliiiei eonquéram depuit la iouvtra'meté de Muni.êr
jasqu'à sa mort.
Une partie de l' Allemagne, ne pouvanl plus Euppotler les Tcxa-
lions des seigneurs et des magistrats , «'était souleTËc el avait
commencé cette EédUioD connue sous le nom de guerre des pnj-
sans; ce soulèvement avait , pour ainsi dire, ébraalé tonte l'Alle-
magne, qui gémissait souE la tyrannie des seigneurs , et qui sem-
blait D'attendre qo'un chef.
Muncer proiita de ces disposilions pour gagner la confiance
du peuple ; -Nous sommes tous frères, disail-it, en parlant
s â la populace assemblée, et nous n'avons qu'un communpërc
• dans Adaro ( d'oii vient donc cette difTcrenee de rangs et
B de biens que la tyrannie a introduite entre nous et les grands du
> monde? Pourquoi gémirons-nous dans la pauvreté el seront
> nous accablés de maux , taudis qu'ils nagent dans les délices
• N'avons-nous pas droit à l'égalité des biens , qui , de leur na-
' ture , sont iàils pour être partagés sans distinction entre tous
> les Lommes? Rendex-nous, riches du siècle , avares usurpa-
• leurs, rendez-nous les biens que vous retenez dans l'injustice;
• ce n'esl pas seulement comme hommes que nous avons droit k
• une égale distribution des avantages de la fortune , c'est aussi
comme chré liens.
A la naissance de la religion , n'a-t-on pas vu les apbtres
)ir égard qu'ans besoins de chaque fidèle dans la réparti-
de l'argent qu'on apportait k leurs pieds? Ne verrons-nous
•jamais renaître ces temps heureux ! Et toi , inrorluné troupeau
• de Jésus-Christ , gémiras-tu toujours dans l'oppression , sous
> les puissances ecclésiastiques < !
• Le Tout-Puissant attend de tous les peuples qu'ils détruisent
> la tyrannie des magistrats , qu'ils redemandent leur liberté les
» armes k la main , qu'ils refusent les tributs et qu'ils mettent
• leurs biens en commun.
• C'est k mes pieds qu'on doit les apporter, comme on les cn-
• tassait autrefois aux pieds des apÛtres: oui, mes frères, n'avoir
• rien en propre , c'est l'esprit du christianisme à sa naissance ,
• et refuser de payer aux princes les imp6ls dont ils nous acca-
• bleni, c'est se tirer de la sen-itude dont Jésus-Christ nous a
' aOranchis^. ■
aLdesAnab. Slcldan.
riiial.duLulh,
58 ANA
Le peuple de Mulhaosen regarda Muncer comme un prophète
envoyé du ciel pour le délivrer de l'oppression ; il chassa les ma-
gistrats y tous les biens furent mis en commun , et Muncer fut
regardé comme le juge du peuple. Ce nouveau Samuel écrivit aux
villes et aux souverains que la fin de l'oppression des peuples et
de la tyrannie des souverains était arrivée ; que Dieu lui avait or-
donné d'exterminer tous les tyrans et d'établir sur les peuples des
gens de bien.
Par ses lettres et par ses apôtres, Muncer porta le feu de la
sédition dans la plus grande partie de l'Allemagne ; il fut bientôt
à la tète d'vne armée nombreuse qui commit de grands désordres :
de plus grands malheurs menaçaient TAllemagne , les peuples ré-
voltés accouraient de toutes parts pour se joindre à Muncer.
Le landgrave de Hesse et plusieurs seigneurs levèrent des
troupes , attaquèrent Muncer avant qu'il fût joint par différens
corps de révoltés qui étaient en marche ; l'armée de Muncer fut
défaite ; plus de sept mille Anabaptistes périrent dans celte dé-
route , et Muncer lui-même fut pris et exécuté quelque temps
après *.
J^es Anabaptistes depuis la mort de Muncer jusqu'à V extinction de
leur royaume de Munster,
La défaite de Muncer n'anéantit pas l'Anabaptisme en Allema-
gne : il s'j^entretint et même s'y accrut ; mais il ne formait plus
un parti redoutable. Les Anabaptistes, également odieux aux ca-
tholiques , aux Protestans et aux Sacramentaires , étaient décriés
et punis dans toute l'Allemagne.
En Suisse , ils soulevèrent sans succès les citoyens et les pay-
sans ; la vigilance et l'autorité du magistrat déconcertèrent leurs
projets , et ils y furent traités avec tant de rigueur qu'ils ne s'y
perpétuèrent qu'avec beaucoup de secret. Dans plusieurs cantons»
on avait porté peine de mort contre les Anabaptistes et contre
tous ceux qui fréquentaient leurs assemblées , et l'on en avait exé-
cuté un grand nombre.
Us étaient traités avec plus de rigueur encore dans les Pays-
Bas et en Hollande : les prisons en étaient remplies , et les écha-
fauds étaient presque toujours dressés pour eux ; mais, quelque
supplice qu'on inventât pour inspirer de la terreur aux esprits , le
nombre des fanatiques croissait.
^ Catrou* Sleidan, Seckendorf, ibid.
ANA es
M en temps il s'életail parmi les Anabapiisiea des chefs
qni leur proneilaieD ides temps plus heureux: tels furent Hosman,
Tripaaker, etc.
Après eui parut Hathisoa , boulanger d'Harlem ; il eDTo;a dix
ap6lres en Frise , à Munster, etc.
La religion réformée s'ÉLiit établie k Munster, el les ÂDabaplis-
les j avaient fait des prosélyit^s qui reçurent les noQTeaux ap&-
1res. Tout le corps des Anabaptistes s'assembla la sait et reçut de
l'enTojé de Uathison l'esprit apostolique qu'il attendait.
Les Anabaptistes se tinrent cachés jusqu'il ce que leur nombre
fût coDsidérablcmenl augmenté; alors ils cuurureut par le pajs,
criant : Repenlei-voiis , failea pénitence et soyes baptiiéi, a/In que
la cetére de Di u ne tombe pas tur vaut.
La populace s'assembla ; tous ceux qui avaient reçu un second
baptême coururent aussitûl dans les rues, faisant le même cri;
plusieurs pcrsoanesse joignirent aux Anabaptistes par simplicité,
craignant en eOet la colère du ciel dont un les menaçait , et d'au-
tres parce qu'ils craignaient d'Être pillés.
Le nombre des Anabaptistes augmenta eu deux mois de plu-
sieurs milliers, et les magistrats ayant publié un cdit contre eux,
iU coururent aux armes el s'emparèrent du marché. Les bour-
geois se postèrent dans uu autre quartier de la ville : ils se regar'
dèrent les uns les autres pendant trois jours; eniin on convint
que chaque parti mettrait bas les armes, eiqne l'on se tolérerait
mutuellemcut, nonobstant la différence des sentiiuens sur la ré-
Mais les Anabaptistes craignirenlqu'on ne les altaqnSt de nuit,
pendant qu'ils .seraient désarmés ; ils envoyèrent seerèlement des
messagers en différens lieux avec des lettres adressées ï leurs
adhérens.
Ces lettres punaïent qu'un prophète envoyé de Dieu était ar-
rivé il Muuster, qu'il prédisait des évënemens merveilleux, et
qu'il instruisait les hommes des moyens d'obtenir le salut : un
Dombie prodigieux d'Anabaptistes se rendit â Hunster ; alors les
Anabaptistes de celte ville coururent dans les rues, criant : Reii-
rei-WI», méchant, si tou» vimlei éviter uae enliire 4e»ttvetlon ;
car on auiera la télé à tout ceuJ^ gui refuseront de te faire rebnp-
liier. Alors le clei^é et les bourgeois abandonnèrent la ville; les
Anabaptistes pillèrent les églises et les maisoni abandonnées , et
. brQlèrail tous les livres, tacepté la Bible.
■
■
60 ANA
Pea de temps après , la ville fut assiégée par Tévéque de Muns<«
ter, et Mathison fut tué dans une sortie.
La mort de Mathison consterna les Anabaptistes ; Jean de Leyde
on Bécold courut nu dans les rues, criant : Le roi de Sion vient;
après cette action , il i entra chez lui , reprit ses habits , et ne sor-
tit plus ; le lendemain , le peuple vint en foule pour savoir la cause
de cette action,
Jean Bécold ne répondit rien , et il écrivit que Dieu lui avait
lié la langue pour trois jours.
On ne douta pas que le miracle opéré dans Zacharie ne se fût
renouvelé dans Jean Bécold , et Ton attendit avec impatience la
fin de son mutisme.
Lorsque les trois jours furent écoulés , Bécold se présenta au
peuple, et déclara , d*un ton de prophète, que Dieu lui avait
commandé d'établir douze juges sur Israël. Il nomma donc des
juges , et fit , dans le gouvernement de cette ville , tous les chan-
gemens qu*il voulut y faire.
Lorsque Bécold se crut bien affermi dans Tesprit des peuples ,
un orfèvre, nomme Tusehocierer, vint trouver les juges et leur
dit : Voici ce que dit le Seigneur Dieu TÉternel : « Gomme autre-
» fois j'établis Saûl roi sur Israël , et après lui David , bien qu'il
» ne fût qu'un simple berger, de même j'établis aujourd'hui Bé-
» cold, mon prophète, roi en Sion. »
Un autre prophète accourut et présenta une épée à Bécold , en
disant : Dieu Rétablit roi, non-seulement sur Sion, mais aussi sur
toute la terre. Le peuple, transporté de joie , proclama Jean Bé-
cold roi de Sion ; on lui fit une couronne d'or et l'on battit mon-
naie en son nom.
Bécold ne fut pas plus tôt proclamé roi qu'il envoya vingt-six
apôtres pour établir partout son empire. Ces nouveaux apôtres
excitèrent des désordres dans tous les lieux où ils pénétrèrent,
surtout en Hollande , où Jean de Leyde disait que Dieu lui avait
donné Amsterdam et plusieurs autres villes : les Anabaptistes cau-
sèrent de grands désordres dans ces villes, et on en fit mourir un
grand nombre.
Le roi de Sion apprit avec douleur les malheurs de ses apôtres;
le découragement se mit dans Munster ; bientôt après la ville fut
prise par l'évêque ; Jean de Leyde ou Bécold fut pris lui-même et
tenaillé en 1536.
C'est ainsi que finit le règne des Anabaptistes à Munster.
Det AMb<9tiifet conguirans depuis l'exlineliM de leur rogame
de Mitai ter.
Les, ÂDabapiisli?s furent poursuhis et observés soigneusement
par tous les princes et les magislriits, qui, ayant toujours devant
ïesyeuKreieniple de Munsicr, ne leur iloonËreut aucun rellcho.
En Hollande on ne cessa , pendant plusieurs années, de faire des
exécutions; dU ans après la réduction de Hunster, on fit péril
beaucoup d'Anahapllites qui cherchaient i rétablir leur parti ;
quelques-uns s'échappèrent , mais le plus grand nombre moi
avec un catirage étonnant : on en vit qui , pouvant se saaver, pri-
férërenl de mourir, parce qu'ils se trouvaient dans un état âne
pouvoir espérer de devenir meilleurs par une plus longue vie.
Les Anabaptistes furent traités avec la même rigueur en Angle-
terre, où cependant ils firent des prosélytes; en Allemagne, en
Suisse, ils se reproduisirent sans cesse.
Voilà quelle fut partout la destinée des Anabaptistes, dont le
principal dessein était de former un rojaume temporel , et même
tme monarchie universelle, par la destruction de toutes les puis-
sances : dispersés sur li terre et hors d'état de rien entreprendre ,
ils renoncèrent au projet insensé de soumettre h terre à leurs o| ~
nions ; leur fanatisme ne fut plus une fureur , ils se réunirent av
les Anabaptistes purs et pacifiques.
Dei ÀnabaplisUi pacifiques.
L'esprit de révolte et de sédition n'était pas essentiel à VAna-
baplUme , et Stork ne trouva pas partout des caractères tels que
celui de Muncer : quelques-uns de ses disciples , au lieu de se iou-
lever contre les puissances séculières , entreprirent de réunir les
Ânabaptiiiles dispersés dans lesdifférentcs parties de l'Allemagne,
de se soustraire aux poursuites des magistrats et de former une so-
ciété purement religieuse : tels furent Hntter , Gabriel et Menno ,
qui formèrent la société des Frères de Moravie et celle des Men-
nonites.
§ 1. — De» Frères de Moravie.
Dutter et Gabriel, tous deux disciples de Stork, achetèrent
dans la Moravie un terrain assez étendu et daus un canton fertile ,
mais ini'ulie ; ils parcoururent ensuite la Silésie , la Bohême , la
âtyrîe et la Suisse , annunçaui partout que Dieu avait élu un peu-
ple selon son Gceur ; que ce peuple était répandu dans les eoutrées
I
M ANA
de riddâtrie; que le moment de rassembler Israël était yen»; qu^l
fallait que les Trais fidèles sortissent de TÉgypte et passassent dans
la terre de promission.
Lorsque Hutter eut réuni assez d* Anabaptistes pour former une
société y il fit un symbole et des lois.
Ce symbole portait : 1° que Dieu, dans tous les siècles, s*était
choisi une nation sainte qu'il ayait faite la dépositaire du vrai
culte ; que la difiiculté était d*en connaître les membres dispersés
parmi les enfans de perdition et de les réunir en corps pour les
conduire à la terre promise ; que ce peuple était sans doute celui
que Hutter rassemblait pour le fixer en Moravie ; enfin, que de se
séparer du chef ou de négliger les lois du conducteur dlsraël, c'é-
tait le signe d'une damnation certaine.
2° Qu'il faut regarder comme impies toutes les sociétés qui ne
mettent pas leurs biens en commun ; qu'on ne peut pas être riche
en particulier et chrétien tout ensemble.
3» Que Jésus-Christ n'est pas Dieu, mais prophète.
4f<* Que des chrétiens ne doivent pas reconnaître d'autres magis-
trats que les pasteurs ecclésiastiques.
5" Que presque toutes les marques extérieures de religion
sont contraires à la pureté du christianisme, dont le culte doit être
dans le cœur, et qu'on ne doit point conserver d'images, puisque
Dieu l'a défendu.
6® Que tous ceux qui ne sont pas rebaptisés sont de véritables
infidèles, et que les mariages contractés avant la nouvelle régéné-
ration sont annulés par rengagement que l'on prend avec Jésus-
Christ.
?• Que le baptême n'effaçait le péché originel ni ne conférait
la grâce; qu'il n'était • u'un signe par lequel tout chrétien se li-
vrait à l'Église.
8** Que la messe est une invention de Satan, le purgatoire
une rêverie et l'invocation des saints une injure faite à Dieu ; que
le corps de Jésus-Christ n'est pas réellement dans l'Eucharistie.
Tels sont les dogmes que professaient les Anabaptistes réunis
par Hutter, et qui prirent le nom de Frères de Moravie.
Comme parmi eux on n'accordait le baptême qu'aux personnes
d'un &ge mûr, on demandait au prosélyte s'il n'avait jamais exercé
de magistratures et s'il renonçait à tout le faste et à toute la
pompe de Satan qui les accompagnent. On examinait ses mœurs»
et il n'était jugé digne d'être admis au nombre ^es Frères que
I
I
I
ANA «I
fane voix uDanime, on avait entendu le peuple nier
Qa»nteàaptUe! Alon le puslcur prenait de l'eâu, la rùpandait
sur le proséljle en prononçanl ces mots : Je le baptise, au nom
du Père, eldu Filseidu Sainl-Eipril.
Parmi les Hultériles, on recevait la cèaeileui fois l'aima, » i
leoips que le cheTavait marqué pour la communion publique ; c'h i
tait d'ordinaire dans on po^le ou dans nne salle qui servait de ré-
fectoire aux Frères que l'on a'assembbit pour partitiper aux
mystères,
La cérémonie commençait par ta lecture de l'Évangile en lan-
gue vulgaire ; on faisait un sermon sur ce qu'on avait lu, el , lia
fin du sermon , l'ancien allait porter i chacun des frères un mor-
ceau de pain commun ; tous le recevaient dans leurs mains qu'ils
tenaient étendues , tandis que le prédicateur expliquait le mys-
tère ; enfin, il prononçait i baute voix ces paroles : Prenex, ma
friret, manget, anneneex la mort dit Seigneur .
Alors tous mangeaient le pain; l'ancien allait ensuite de rang
en rang avec sa coupe, et le prédicateur disait : Buvei, au nom
du ChritI, en mémoire de sa mort. Tous buvaient alors le calice et
demeuraient ensuite dans nne espèce d'extase dont ils n'étaient
tirés que parles eihorlationa du prédicateur, qui leur expliquait
les eftets que devait produire en eux le mystère auquel ils avaient
dA participer.
La cène n'était pas plus lâlfiniequ'on détachait de l'assemblée
de» apôtres dans les provinces voisines.
Les Anabaptistes n'avaient guère d'autres exercices de religion
que la réception de la cène, sinon qu'ils s'assemblaient tous les
mercredis et tons les dimanches, par pelotons, en des maisons par-
ticulières, pour y faire ou pour y entendre des sermons sans ordri;
et sans {Réparation.
Les Frères de Moravie habitaient toujours la campagne, dans
des terres de gentilshommes , qui trouvaient leur intérêt S les
donner 6 ferme h une colonie d'Anabaptistes, qui rendait toujours
■u seigneur le double de ce que lui aurait produit un fermier or-
dinaire.
Lorsqu'on leur avait confié un domaine, ils Venaient y demeu-
rer tons ensemble dans nn emplacement séparé qu'on enfermait
de palissades. Chaque ménage y avait sa liullc, bStic sans urne-
mens; mais en dedans elle était propre.
Aa milieu de la colonie, on avait érigé des appartemens pu-
J
64 ANA
blîcs» destinés aux fonctions de la communauté ; on y voyait un
réfectoire, où tous s'assemblaient au temps du repas ; on y avait
construit des salles pour travailler aux métiers que l'on ne peut
exercer qu'à couvert ; on y avait érigé un appartement où Ton
nourrissait les petits enfans de la colonie. Il serait difficile d'ex-
primer avec quel soin les veuves s'acquittaient de cette fonction.
Dans un autre lieu séparé on avait dressé une école publique
pour l'instruction de la jeunesse; ainsi les parens n'étaient char-
gés ni de la nourriture, ni de l'éducation de leurs enfans.
Gommç les biens étaient en commun, un économe qu'on chan-
geait tous les ans percevait seul les revenus de la colonie et les
fruits du travail; c'était à lui de fournir aux nécessités de la com-
munauté. Le prédicant et l'archimandrite avaient une espèce d'in-
tendance sur la distribution des biens et sur le bon ordre de la
discipline.
La première règle était de ne point souffrir de gens oisifs parmi
les Frères. Dès le matin, après une prière que chacun faisait en
secret, les uns se répandaient dans la campagne pour la cultiver ;
d'autres exerçaient en des ateliers les métiers qu'on leur avait
appris ; personne n'était exempt du travail. Ainsi, lorsqu'un
homme de condition s'était fait Frère, on le réduisait, selon l'arrêt
du Seigneur, à manger son pain à la sueur de son front.
Tous les travaux se faisaient en silence; c'était un crime de le
rompre au réfectoire. Avant que de toucher aux viandes, chaque
Frère priait en secret et demeurait près d'un quart d'heure , les
mains jointes sur la bouche, dans une espèce d'extase. On ne sor-
tait point de table qu'on n'eût prié en secret un autre quart
d'heure; après le repas, chacun reprenait son travail.
Le silence était observé rigoureusement aux écoles parmi les
enfans. On les aurait pris pour des statues d'une même parure,
car tous les Frères et toutes les Sœurs avaient des habits de la
même étoffe et taillés sur le même modèle.
Les mariages n'étaient point l'ouvrage de la passion ou de l'in-
térêt; le supérieur tenait un registre des jeunes personnes des
deux sexes qui étaient à marier ; le plus âgé des garçons était
donné, à tour de rôle, pour mari à la plus âgée des filles. Celle
des deux parties qui refusait de s'allier avec l'autre passait au der-
nier rang de ceux qui devaient être mariés; alors on attendait
que le hasard assortît ces personnes.
Le jour des noces était célébré avec peu d'appareil î seule-
ANA
fflent réeonome aagineDiait de qnelijnes meis le repas des n
ïcaiiï épouï, el ce seul joiir-li olail pour eui un jour <!o fêle ;
□D les eiemplail de travail. Alors od leur assignail uoe haltb
pnrée dans l'endos, à cnodlllon que la femnie se Irouverail tous
iesjoursà son poste, dans la salle des travaux, et que le mari :
transporterait, il l'ordinaire, U la campagne ou dans les atelie:
potir s'acquitter de ses emplois.
Le vice n'avait point corrompu ces sociétés ; on n'j voyait ai
cune trace des dérègleuiens que l'on reprochait huï différentes
sectes des Anabaptistes : on ne punissait les infractions des lois
que par des peines spirituelles , telles que le retranchement de la
cène, et l'on renvoyait ilana le siècle ceux qui ne se eo.
geaient pas.
S'il arrirait que l'emportement eût fait commettre un homicide
qu'il aurait été dangereux de laisser impuni, comme on avait hor
reur de répandre le sang du coupable , on avait imaginé un genn
de supplice fort extraordinaire : c'était de chatouiller le criminel
jusqu'il ce qu'il mourût.
Il s'en fallait beaucoup que les Frères de Horavie dépensassent
tout ce qu'ils gagnaient; de l!i les richesses que les économes de
chaque colonie accumulaient en secret; on n'en rendait compte
qu'au premier chef de toute la secte : elle en avait un qui n'était
connu que des Frères , et qu'on ne révélait point au publie. Par
la destination de ce chef ou de ce premier archimandrite, on em-
ployait le superflu des colonies au profit de toute la secte : souvent
il arrivait qu'on achetait en propre les terres qu'on n'avait tenues
qa'ï ferme.
S II. — De la deilruction des Frères de Moranie.
Tout semblait conspirer Si protégée les FrÈres de Moravie ; la
noblesse trouvait son compte à faire cultiver ses terres par des
Iiommes infaligahles et fidèles. On n'avait point de plaintes 1 faire
d'une société dont tous les règlemens n'avaieni point , ce semble ,
d'autre but que l'utilité publique; cependant le zèle de la religion
l'emporta dans le cœur de Ferdinand sur l'utilité temporelle : ce
prince, dit le P. Catrou, conçut qu'à tout prendre il était dange-
Kui de voir sous son règne se former une république indépen-
dant* des magistrats civils elconiraire à l'obéissance des souverains,
't^'double intérêt de la religion et de l'I^tal le rendit donc eunciDî
66 ANA
déclaré des Huttérites en particulier^ comme il Tavait été des Ana-
baptistes en général.
Le maréchal de Moravie reçut donc ordre de chasser les Ana-
baptistes : ils réclamèrent l'autorité des lois qui les avaient rendus
possesseurs légitimes de leurs habitations. La noblesse et les villes
de Moravie s'intéressèrent pour eux ; mais rien ne put fléchir
Ferdinand , il envoya des troupes contre les Anabaptistes. Alors^
continue le P. Gatrou » les Frères de Moravie abandonnèrent leurs
habitations à Tavarice des soldats; pour eux, sans donner la
moindre marque d'indignation ou de révolte , ils quittèrent la Mo*
ravie par bandes pour se retirer dans un pays inhabité , inculte et
stérile , proche de la Moravie.
La Moravie ne tarda pas à sentir la perte qu'elle avait faite : on
se plaignit bientôt de voir les terres , autrefois si fertiles et si
cultivées par l'industrie des Anabaptistes , devenues désertes ou
négligées depuis leur expulsion.
Tandis que les Huttérites étaient consumés par la faim dans
leurs déserts , les Moraves soupiraient après le retour de ces
pauvres exilés : bientôt on se plaignit , on murmura , et la Mora-
vie était prête à se soulever. On rappela les Anabaptistes , et ce
fut après leur rappel que la discorde troubla leurs colonies ; elles
étaient gouvernées par Hutter et par Gabriel , deux hommes d'un
caractère bien différent. Hutter invectivait sans cesse contre l'au-
torité des magistrats , il prêchait dans toute sa rigueur l'égalité
des hommes. Gabriel, plus doux, voulait qu'on se conformât aux
lois civiles des pays où l'on était. Hutter et Gabriel se brouillèrent
et formèrent deux sectes séparées, qui s'excommunièrent : ainsi
les Frères de Moravie furent partagés en Gabriélistes et en Hutté-
rites. Hutter et Gabriel allèrent , chacun de leur côté , former de
nouveaux établissemens ; leur projet était de se rendre partout
les seuls laboureurs de l'Allemagne et les meilleurs artisans des
villes.
Ainsi , dans les colonies des Anabaptistes on trouvait générale-
ment de quoi fournir aux besoins de toutes les villes. De là , dit le
P. Gatrou , la ruine et les murmures des anciens habitans du pays ;
on s'aperçut d'ailleurs que Hutter, dans les différentes provinces
où il allait , engageait les particuliers à vendre leurs biens pour
ses établissemens ; on l'arrêta comme ennemi de la société , et on
le brûla comme hérétique.
Après la mort de Hutter, ces deux sectes se réunirent ; mais la
I
I
I
ANA «fl
diKif^im se relâcha , le luie s'introduisit dans les colonies et y
attira fous les vices.
Tonte l'adresse des archimandriics sufliflaît ï peine S courrir
les désordres des colonies ; on ne prêchait pins aux Frères que
des raisons de politique pour arrêter le cours des désordres qu'il
était dangereni , disaii-oo , de faire éclater au dehors : on ne les
entretenait presque plus de Dieu et de la sévérité de ses jugemens.
Pour les mystères de la Trinité et de l'incarnation du Verbe, ils
paraissaient entiémnent oubliés; on y tolérait toutes les sectes
de l'ÂnabapIisme , Sabbataires, Clanculaires , etc., dont nous
parlerons dans un article séparé.
Gabriel s'opposa de toutes ses forces à ces désordres ; il devînt
odieux k la secte , qui le fil chasser de Moravie ; il se relira en
Ptdogne , et linit dans la misère nae vie toujours occupée de l'é-
tablissement et de la gloire de sa secte.
La communauté des Frères de Moravie ne laissa pas de subsi-
ster après le départ de Gabriel. Feldhaller, successeur de Gabriel,
s'appliqua nniquenrent à enrichir ses colonies , mais il n'y rétablit
pas l'ordre et la discipline primitive ; le mépris des pciiples suivit
le dérèglement des Anabaptistes , et la persécution fut la suite du
mépris; enfin, vers l'an 1620, cette communauté si défigurée
fnl presque détruite : un grand nombre de Frères se relira en
Transylvanie et s'y réooil avec les Sociniena.
D^uis que les Kouakres se sont établis en Transylvanie et y
ont reçu toutes les sectes chrétiennes , beaucoup d'Anabaptistes
de Moravie y ont passé. J
Da AnabapiiHet pacifiques de Hollande appelés Meanonilet. M
Deui frères , dont l'un se nommait Ubbo et l'autre Théodore
Philippes , fils d'un pasteur de Leuwarde , après avoir embrassé
la secte des Anabaptistes, avaient été établis évêqucs en lS3é.
Ces deni frères n'avaient jamais approuvé ni les senlimens ni les
desseins des Anabaptistes de Huoster au sujet du royaume lem-
portl. Après l'extinction de ce royaume , ils ramassèrent les restes
des Anabaptistes et formèrent le projet d'en faire une nouvelle
eecte : ils communiquèrent leur dessein i Menno, curé dans ta
Frise , el l'engagèrent à quitter sa cure pour se faire évèque des
Anabaptistes.
Menno, devenu l'évéque des Anabaptistes , travailla avec tant
d'ardeur et de succès à Ictablissenieni de sa secte , qu'en peu dçj
68 ANA
temps sa doctrine fut reçue par un grand nombre de personnes
en Frise , en Westphalie , en Gueldre, en Hollande , dans le Bra-
bant et en divers autres lieux.
, Ce ne fut pas sans de grands obstacles : on publia des édits sé-
vères contre les Mennonites , on en brûla un grand nombre et
Ton fit mourir un habitant de Harlingen, en Frise, pour avoir reçu
chez lui Menno Simonis.
Les Mennonites se divisèrent bientôt entre eux ; il s^éleva de
grandes contestations dans cette secte , au sujet de l'excommuni-
cation : on tint un synode à Wismar, où Menno faisait sa rési-
dence.
Dans ce synode, on agit avec force et avec chaleur contre ceux
qui transgressaient les ordres ; on ordonna que le mari abandon-
nerait sa femme excommuniée , et semblablement la femme son
mari , et que les parens d'une personne excommuniée n'auraient
plus aucun commerce avec elle.
Ce synode fut condamné dans une assemblée qui se tint la
même année à Meklenbourg^ et Ton y ordonna que Ton ne pro-
céderait pas si rigoureusement à l'égard des personnes jugées di-
gnes d'excommunication.
Ce différent causa , dans la suite , d'autres schismes parmi les
Anabaptistes , au sujet de plusieurs questions qui furent agitées
sur les moyens de se servir du glaive charnel sans recourir au
magistrat , et ces questions échauffièrent si fort les esprits , que
Menno ayant excommunié un nommé Gnyper parce qu'il n'était
pas dans ces sentimens , celui-ci l'excommunia à son tour.
Cette division des Anabaptistes augmenta considérablement
Tannée suivante , surtout à Embden, où il y eut de grands dés-
ordres au sujet d'une femme dont on avait excommunié le mari :
cette femme n'ayant pas voulu se séparer de son mari , les uns pré-
tendaient qu'il fallait l'excommunier, les autres s'y opposaient.
On écrivit à Menno , qui répondit qu'il ne consentirait jamais
qu'on usât d'une si grande rigueur à l'égard de l'excommunica-
tion ; mais les Anabaptistes rigides le menacèrent de l'excommu-
nier lui-même , et il fut obligé de suivre leur sentiment.
C'est de ces divers sentimens au sujet de l'excommunication
que sont venues les diverses factions qui séparent encore aujour-
d'hui les Mennonites.
Les Anabaptistes rigides se sont encore divisés , de sorte que
les uns sont plus rigides et les autres plus relâchés ; tous s'ex-
AÎSA (i9
l réciproqaemenl , et rien n'a pu récoocilier ces
diDërens partis.
Après la mort de Menno , le schisme s'augnieiita eolro ses sec-
tateurs , et surtout entre ceux de Flandre et de Suisse : pour le
faire cesser, les deux partis prirent des arbitres et promirent de
s'en tenir i. lenr jugement ; les Flamands , qui étaient les Men-
Doniles rigides , furent condamnés; mais ils accusèrent les arbi-
tres de partialité , rompirent tout commerce avec les Mennonites
mitigés , et ce fut on crime de converser, de manger, de parler
et d'avoir la moindre conversation ensemble , même à l'article de
la mort.
Les Provinces- Unies s'étani soustraites à la domination de
l'Espagne, les Anabaptistes ne furent plus persécutés. Guil-
laume I, prince d'Orange , ayant besoin d'une somme d'ai^ent
pour soutenir la guerre, la fil demander aux Metmonites , qui la
lui envoyèrent. Le prince ayant reçu la iomme et signé mie obli-
gation , il leur demanda quelle grâce ils sonbattaient qu'on leur
accordât : les Anabaptistes demandèrent i être tolérés , et ils le
fhrent eu eiTet après que la révolution fut accomplie.
A peine les ministres protestaos jouissaient de l'exercice de
leur religion dans les Provinces-Unies, qu'ils firent tous leurs
cRbrts pour rendre les Anabaptistes odienx et pour les faire
Toutes les difficultés qu'ils essnyèreut de la part des Églises
réformées et des magistrats du pajs, jnsquevers le milieu du der-
mier siècle, ne les empécbèrent point de continuer leurs divisions,
lia assemblèrent cependant un synode il Dordreebt, en IG33, poue
travailler ù se réunir, et il s'y flt une espèce de traité de paix qui
fut signé de ISl Mennonites ; mai.s , quelques années après , il
s'éleva de nouveaux schïsmatiqu es dans la secte de Menno.
Le Mennonisme a aujourd'hui deux grandes Lrancbes en Hol-
lande, sous le nom desquelles tous les Frères sont compris : l'une
est celle des Waterlandcrs , l'autre celle des Flamands ; dans
ceui-ci sont renfermés les Mennonites frisons et les altemanils ,
qui sont proprement la secte des Anabaptistes anciens , plus mo-
dérés , i la vérité, que leurs prédécesseurs ne le furent en Alle-
magne et en Suisse.
Parmi les Flamands , on trouve beaucoup de Sociniens.
En 166i, l'État fut obligé d'imposer son autorité pour leur dé-
disputer sur la divinité de Jésus-Christ. On It
1
I
70 ANA
aussi Galénites 9 du Dom de Galénus > médecin et fameux prédi-
cant mennonite.
Outre ces branches du Mennonisme , il ]f a à Amsterdam diver-
ses petites assemblées moins connues ; ces Mennonites diffèrent
les uns des autres en divers points de peu dUmportance : ces pe-
tites assemblées se forment sans bruit et secrètement dans quel-
ques maisons particulières.
Les disputes que les Galénites eurent avec eux sur la divinité
de Jésus-Cbrist, en 1669» donnèrent naissance à une nouvelle
assemblée des Mennonites , qui se sépara en protestant contre les
opinions sociuiennes ; ceux-ci ont continué de s'assembler, depuis
ce temps-là , dans une église particulière.
Les Mennonites reconnaissent donc la divinité de Jésus-Christ
et prétendent qu*on ne doit obéir ni à FÉglise y ni aux conciles»
ni à aucune assemblée ecclésiastique. Us rejettent le baptême des
enfans; ils soutiennent qu'aucune Église ne doit être réputée la
vraie Église à Texclusion des autres , et que F ouvrage de la ré-
formation ne saurait être regardé comme une entreprise exécutée
par Tautorité de Dieu et de Jésus-Christ. Ils ne croient pas que
les ministres et les diacres aient aucune autorité de droit divin ;
de là ils concluent que Texcommunication n'a plus lieu depuis
les apôtres ) qui seuls ont été établis par Dieu : ils reconnaissent
la nécessité d'obéir aux magistrats.
En 1660, les Anabaptistes allemands d'Alsace souscrivirent à la
confession de foi des Anabaptistes flamands.
Les Anabaptistes de Hambourg ont la même confession de foi
que les Anabaptistes séparés. Ils administrent le baptême et la
cène à peu pr^ comme les Frères de Moravie ^.
Des sectes dévotes qui se sont élevées parmi les Anabaptistes.
C'était un principe fondamental de l'Anabaptisme que Dieu
instruisait immédiatement les fidèles , et que le Saint-Esprit leur
inspirait ce qu'ils devaient faire et ce qu'ils devaient croire: cha-
que Anabaptiste prenait donc pour des vérités révélées toutes
ses idées, quelque étranges qu'elles fussent, et l'on vit une multi-
tude de sectes d'Anabaptistes qui n'avaient de commun que la
* Hîst Mennonitarum. Descript. d* Amsterdam. Gatrou, HisL des
Anab. Une petite hist. des Anabaptistes, in-i2, imprimée à Amster-
dam, et faite sur d'excellens mémoires»
ANA Ti
nfieesrilt ^baptiser ceux qui avaient été baptisa, et qai faisaient
dépendre le salât de différentes pratiqaes. Telles furent :
1 ■ Les Adaniites , qui , au nombre de pins de trois cents, nnu'
lèrent loirt uns stir une haute montagne, pennadës qu'ils seraient
enlevés au ciel en corps et en Sine.
2> Les Apostoliques , qui pratiquaient h la lettre l'ordre que
Jésnâ4^ist a donné de prêcher sur les toits : ces Apostoliques
n'avaient point d'autres chaires que la couverture des maisons; ils
y montaient avec agilité , et de là làisaîent entendre leurs voii aux
passans.
3° Les Taciturnes, au contraire, persuadés que nous étions ar-
rivés â ces temps fâcheux prédits par sainl Paul , dans lesquels la
porte de l'Ëcangile doit être femée , se taisaient obstinément lors-
qn'on les interrogeait sur la religion et sur le parti qu'on avait à
prendre dans ces temps si difficiles.
4* Les Parfaits, qui s'étaient séparés du monde afin d'accomplir
il la lettre le précepte de ne point se conformer au siècle : avoir
un air de sérénité ou de satisfaction , faire le moindre sourire ,
c'était, selon euï, s'attirer cette malédiction de Jésus-Christ :
Mallieur i voui qui rieî, car vous plnirertt.
S' Les Impeccables, qui crojaieiil qu'après la régénération
nouvelle il était facile de se préserver de tout péché , et qui
croyaient qu'en effet ils n'en commettaient plus; c'est pour cela,
qu'ils retranchaient de l'oraison dominicale ces mots ; pardonnes-
nmunoioffeiues;iU n'invitaient personne à prier pour eux.
fi* Les Frères Libertins, qui prétendaient que toute servitude
était contraire à l'esprit du christianisme.
7' Les Sabbataires, qui croyaient qu'il fallait observer le jour
du sabbat et non le dimanche.
8* Les Clanculaires , qui disaient qu'il fallait parler «i public
comme le commun des hommes en matière de religion , et qu'il
ne fallait dire qu'en cachette ce que l'on pensait.
9° Les Manifestaires , qui tenaient des sontîmens diamétrale-
ment opposés i ceux des Clanculaires.
10- Les Pleureurs, qui s'imaginaient que les larmes étaient
agréables à Dieu , et dont touw !" occupation était de s'exercer fc
acquérir la facilité de pleurer ; ils mêlaient toujours leurs pleurs
avec leur pain, et on ne les rencontrait jamais que les soupirs i
b bouche.
- il* Les Réjouis , qui établissaient pour principe que
1
72 ANG
et la bonne chère étaient rhonneur le pluspârfatt qu*(m pût rendre
à Fauteur de la nature.
12* Les Indififérens , qui n'avaient point pris de parti en ma*
tière de religion et qui les croyaient toutes également bonnes.
iZ'* Les Sanguinaires , qui ne cherchaient qu'à répandre le sang
des catholiques et des Protestans.
lé"" Les Antimariens , qui refusaient tout honneur et toute
estime à la Vierge * .
ANDRONICIENS, disciples d'un certain Andronic qui avait
adopté les erreurs des Sévériens ; ils croyaient que la moitié su-
périeure des femmes était l'ouvrage de Dieu et la moitié infé-
rieure l'ouvrage du diable *.
Voyez l'art. Sévériens.
ANGÉLIQUES. Leur secte parait avoir existé du temps des
apôtres ; il semble que ce soit d'eux que parle saint Paul dans
l'épître aux Golossîens : « Que nul ne vous ravisse le prix de votre
» course , dit cet apôtre , en affectant de paraître humble par un
» culte superstitieux des anges, se mêlant de parler de choses qu'il
» ne sait point , étant enflé par les vaines imaginations d'un esprit
» humain et charnel ^. »
On ne voit rien , ni dans la loi, ni dans les prophètes , ni dans
les pratiques des saints de l'ancien Testament , sur le culte des
anges : il est vrai que , lorsque les anges ont apparu et qu'ils ont
parlé au nom de Dieu et comme le représentant, ils ont reçu des
hommages et une adoration ; mais ce culte et cette adoration se
rapportaient à Dieu , dont ils étaient les ministres et les ambas-
sadeurs *,
Depuis le retour de la captivité , les Juifs furent plus curieux
de connaître les anges, de les distinguer par leurs fonctions et par
leurs noms , et peu à peu ils vinrent à leur rendre quelque culte ^.
* Voyez les auteurs cités, et Kromayer, in Scrutlnio religionum.
Panthéon Anabaptisticum et Enthrusiastfcum, 1702, in-fol. Les Uiéo).
allemands ont beaucoup écrit sur TAnabaplisme : voyez-les dans Stock-
man, Lexic, Haeres.
^Eplph., Haer., Zi5.
* Ep. Paul, ad Colos, c. 2, v. 18.
A Exod., c. 3, V. à et 5. Josué, c 5, v. 26. Gènes., c. 18, v. 2,
^ On voit, dans Philon, des discours sur la nature des anges, sur leurs
oflices, sur la distinction des bons et des méchans. Josèphe, et après lui
Porphyre, asçurentque les Esséniens,dan9 leur pr(»fes$ion, s'engageaient
ANG 73
Cë^iît Immiia aime ï étendre les prérogaiires de l'objet de
SOD culte, & agrandir et à anoblir tout ce qui lui appartient; ainsi,
ceux qui honoraient les anges relevérenl beaucoup la loi de Uoîse,
parce que Dieu l'avait donnée aux bommes par le ministère des
anges; ils crurent que l'observation de celte loi était nécessaire
■u salut ; enfin , ils crurent que Dieu s'élant servi da ministère
des anges pour faire connaître sa volonté aux bommes , c'était par
ce mSme ministère que les hommes devaient faire passer leurs
prières ï Dieu , dont la majesté était invisible et macceasible aux
mortels ; eoGo, ils jugèrent que nous n'avions point de médiateurs
plus puissans auprès de Dieu , et ils les croyaient beaucoup pins
propres k nous réconcilier à lui que Jésus-Christ '.
Il y avait des Angéliques sous l'empire de Sévère et jusqu'à
l'iD 360; mais ils n'existaient plus du temps de saint Ëpiphane ,
qui ne savait que le nom de ces hérétiques , et qui ne savait ni en
quoi consistait leur bérésie , ni d'où elle tirait son nom '.
Saint AugusUn croïl que les Angéliques se nommaient ainsi
{tirée qu'ib prétendaient mener une vie angélique^.
Théodore! remarque que le culte des anges, que les faux apA-
tresavaient Taïi recevoir dans la Phrygieet danslaPisidie ,j avait
jeté de si profondes racines , que le concile de Laodicée , qui se
tînt en l'an 3S7 ou en 367, leur défendit expressément d'adresser
L des prières aux anges ; et encore aujourd'hui , ajoute Tbéodoret ,
I «n voit chez eux des oratoires dédiés i saint Michel ; mais le con-
' ciledittimpiemenl qu'il ne faut pasquelescbrélieosabandonnent
t conserver rellgieusemenl les livres de leur secte, apparemment les li-
vres ncrés et les noms des linges, ce qui fait conjecturer qu'ils leur
rendaient on culte. L'auteur du livre de la préiUcation de saint Pierre,
livre Irëa ancien, cité par saint Clément d'Alexandrie, dit que les Juifs
reoilent un culte religieux aux anges et aux arcbauges, et mfme aux
mois et i la Inne. Celse accusait les JuîRi d'adorrr, non-seulement les
Blfe^ mais aussi le ciel. M. Gaulmio, dans ses notes sur l'Histoire de
Uolsefc. &, p. 3D1), cite un livre, composé par le rabbin Abraham Sa-
lomon, où il y a une oraison directe à l'archange saint Midtcl, (Vuj^fz
Calmel, Comment sur saint Pau), ép. aux Col., c. 2, v. IS; et sa dis-
sertation sur les bons et sur les nmuiaïs anges.
> Tbéodorei. Théi^ilact. Grul. Menochiuj. Saint Clirysosl., hom. 7,
adCoL 3;Slo;:kman, Lexicou.
■Epipb., Hxr., 60.
* Aug., Hxr., r. 39,
1. T
74 ANG
rËglUe de Dleui ni qu'ils s'en aillent, et qu'ils iuToquent les
anges ^ et qu'ils fassent des assemblées à part ^
ANGLETERRE (schisme d'). C'est la séparation de ce royaume
âvec le saint Siège, occasionée par le divorce de Henri Vlll avec
Catherine d'Aragon.
bu mariage de Henri VlIIavee Catherine d^ Aragon; de ses efforts
pour le faire casser h Rome et de l'opposition qu*il y trouve.
Heâri VII avait deux fils, Arthus et Henri ; Arthus épousa Ga-
théine d'Aragon, fille de Ferdinand et d'Isabelle, rois de Gastille
et d'Aragon.
Catherine avait une sœur atnée mariée à Philippe, duc de
Bourgogne et comte de Flandre.
Henri VU s'était proposé, dans ce mariage, d'affermir l'union
qu'il avait faite avec Ferdinand et avec la maison de Bourgogne
contre la France.
Le mariage d'Ârthus et de Catherine fut célébré le 14 novem-
bre 1501, et le prince mourut au bout de quelques mois.
L'intérêt de l'Angleterre voulait que l'on entretint encore la li-
gue centré la France ; d'ailleurs, il aurait fallu envoyer un douaire
eonsidéréBle à Catherine et lui rendre deux cent mille ducats qu'elle
avait apportés en dot. Henri VU ne pouvait se déterminer à lais-
ser sortir de son royaume des sommes aussi considérables ; il de-
manda la princesse pour Henri, son second fils, devenu prince de
Galles par la mort d'Arthus, qui n'avait point laissé d'enfans.
Henri et Catherine présentèrent une requête dans laquelle ils
ekposaient : qu'à la vérité Catherine avait été mariée au prince Ar-
thus; que peut-être même le mariage avait été consommé; que
cependant, Arthus étant mort , Henri et elle souhaitaient de se
marier ensemble pour entretenir une paix ferme entre l'un et l'ati-
trt rovaume.
Le pape, par une bulle du â6 décembre 1501,. leur permit de se
marier et confirma le mariage, en cas qu'ils fussent déjà mariés.
Henri, prince de Galles, épousa donc Catherine, et Henri VII,
son père, dans l'esprit duquel on avait jeté des scrupules, fit faire
par son fils une protestation contre son mariage.
1^ protestation portait que Henri, prince de Galles, avait épousé
la lenime d'Arthus étant encore en bas âge, et qu'étant njajeur
* Culroel, loc. cit.
I
I
ANG 75
ce mariage; que, bien loin de le confirmer, il le dé-
ciarail nul; que, ne pouïani vivre sous un tel lieu avec Cailierme,
il le ferait rompre sulyaol les lois, et que sa prolesUtian n'e»t
[loint t'orcâe, mais qu'il la faisait de bon cceur et dans une eiilièro
liberté.
Cetie proleslalion fut secrète, et les choses demeurèrent dans
le même étal par rapport au mariage de Cathcriae et de lleari,
prince de Galles.
Après la mort de Henri VII, on proposa dans le conseil do
rompre le mariage de Henri VIII ou de le con&rmer, et le roi ea
déclara pour ce dernier parti ; six seuiaines après sou avènement
an Irône, lienri épousa soleDQcllemeat Cathcriae, et six semaines
■près ils furent sacrés.
Henri VIII eut trois en faus, deux princes qui moururent bien-
tôt après leur naissance ei une princesse qui vécut.
La reine cessa d'atoir des enfans, et Henri, jugeant qu'elle
n'en aurait plus, donna la qualité de princesse de Gulles à Marie.
- Henri VIU vécut en bonne intelligence avec Catherine ; mais,
livré à la dissipation et aux plaisirs, il avait cuuGé le maniement
âes affaires et le gouvernement de son rojaume h Thomas Vol-
sej, homme élevé de la plus basse naissance ï l'aruhevéchâ
^York et ï la dignité de cardinal,
Cbarles-Qi
Lfonr lui d'entretenir 1'
Iwm de Bourgogne, n'avait
^ Vols«j;illui écrivait toujo
de quelle importance il était
lion des Anglais avec la mai.
légligé pour gagner le cardinal
i lui-même,
our être eu droit de
ii'aprês la mort de Léi
toujours
. exiger de
X les suf'
ir le trône
hii, il lui avait lait espéi
Gagea des cardinaux s'accorderaient pour l'élever
pontifical.
Léon X mourut plus lâi que Charles-Qtiint ne l'avait espéré, et
Volsey ne fut point pape. Ses espérances furent encore trompées
après la mort d'Adrien VI, successeur de Léon X.
Vulsey employa alors contre Charles Quint tout le crédit qu'il
avait employé contre la France ; il jeta dans l'esprit du confessenr
do roi des doutes sur la validité de son mariage avec Catherine
d'Aragon. Le confesseur, homme simple, Gt naître des scrupules
dans l'esprit du roi; Volsey fut consulté, fortifia, ces scrupules et
négqcia avec l'évêque de Tarbes, ambassadeur de France, pour
bire épouser à Henri Marguerite, sœur de François I"et veuve
76 ANG
du ducd*Alençon. Le roi approuva ce projet, et Volsey fut envoyé
en France pour y traiter du divorce de Henri VIII et de son ma-
riage avec Marguerite ; mais Volsey était à peine arrivé à Calais»
qu'il reçut ordre de ne point proposer le mariage de Henri avec
la duchesse d'ÂIençon. Des lettres particulières lui apprirent que
le roi était épris d'Anne de Boulen, fille du chevalier Thomas
Boulen et fille d'honneur de la reine ^.
Anne de Buulen était promise à milord Percy, fils du comte
de Northumberland. Volsey eut ordre de faire rompre cet engage-
ment ; il le rompit, et ce fut alors que Ton entama l'affaire du di-
vorce.
Les circonstances paraissaient favorables à Henri VIII. Charles-
Quint tenait alors le pape prisonnier dans le château Saint-
Ange ; il avait besoin de Henri, et ce prince lui offrait son crédit
et ses armes.
Le pape ne doutait ni du besoin qu'il avait de Henri, ni de la
sincérité de ses offres, et il n'ignorait pas les services qu'il lui
avait rendus ; mais il connaissait les bizarreries et les emporte-
mens de Henri ; il savait que la passion de ce prince était une
maladie que le temps seul pouvait guérir ; il jugea qu'il fallait lier
cette grande affaire et la traîner en longueur.
Il permit donc au roi d'épouser telle femme qu'il lui plairait,
mais à condition que l'on jugerait auparavant si son premier ma-
riage était valide ou non. Le pape nomma, pour examiner la va-
lidité du mariage de Henrî avec Catherine, des commissaires tels
que le roi les demanda : ce furent les cardinaux Volsey et Cam-
pége.
Campége employa tout auprès de Henri pour l'engager à garder
Catherine ; et, d'un autre côté, il conjurait cette princesse de se
relâcher un peu, de prévenir les malheurs qui menaçaient l'An-
gleterre et peut-être toute l'Église, si elle voulait opiniâtrement
défendre son mariage. Mais il ne put rien obtenir ni de l'un ni de
l'autre; Henri, emporté par sa passion, demandait un jugement;
Catherine, prévenue de son bon droit, souhaitait la même chose,
et tous deux étaient persuadés qu'on ne pouvait les condamner '.
On expédia des lettres sous le grand sceau pour commencer
* Bumet, HIst. de la réf., t. 4, 1. 2, p. 118.
s Actes Qe Rymer, t ià. Extrait de ces actes, in-À*, p. 359. Le
Grand, Hist. du divorce; Hist de la réf« d^Anglet^re, loc cit«
ANG 11
rinstradion du procès, et l'on cita le roi et la rcioe à compn-
ratlre: dans les premières sommalIaTis, la reine produisit une
copie d'nne dispense un peu plus ample que celle sur laquelle les
légats ïooiaient juger '.
Henri VIIl s'inscrÏTit d'abord en faux contre celle copie, el de-
irunda que l'on produisit l'original ; mais il ëtail en Espagne, et
l'on refusa de le confier i l'ambassadeur d'Angleterre. On con-
testa et l'on dérendil l'aulheDlicilé de cette dispense par des rai-
sons de jurisprudence et de critique qui embarrassé renL les com-
missaires Ils craignirent de prononcer sur un point si délicat ; ils
proposèrent au pape, au lieu d'évoquer la cause, d'envoyer une
décrélale conforme à la minute qu'ils lui envoyèrenl , et foulè-
rent que, pendant qu'on défendrait de chercher le bref, on lâche-
rait de persuader i la reine d'enlrer en religion ; que c'était le
meilleur moyen pour terminer doucement ce procès et pour satis-
faire un grand roi qui , depuis plusieurs années , sentait sa con-
science déchirée de remords, augmentés tous les jours par les
disputes des théologiens et des canonistes ; enSn , ils disaient
tout ce qu'on pouvait dire en faveur du roi '*,
Le pape craignit que son légat ne se laissSi surprendre ; il lui
écrivit que , <> quoiqu'il voulût faire toutes choses pour le Toi , il
• ne pouvait ni trahir sa conscience, ni violer ouvertement les
> lois de la justice ; que tontes les demandes de ce prince étaient
1 si déraisonnables , qu'on ne pouvait rien lui accorder que toute
> la chrétienté n'en fùi scandalisée ; que déjà l'empereur et le roi
■ de Hongrie avaient faii leurs protestations et demandaient que
■ la cause fût évoquée ; que l'on ne pouvait leur refuser une chose
■ si juste 1 qu'il ne s'était excusé que sur sa maladie, leur ayant
• fait entendre ï l'un et ï l'autre que sa santé ne lui permettait
• point d'examiner leur requête et de rien signer ; que néanmoins
> il ne différait qu'alin de ne point aigrir l'esprit d'Henri ; qu'il
• fallait prolonger cette alfaire le plus qu'il serait possible. >
Telles étaient les dispositions de Clément VII ii l'égard de l'af-
faire du divorce de Henri VIII , qu'il évoqua i, lui : Henri ne ju-
gea pas ï propos d'obéir i la citation ; le pape , de son calé , ne
«Ksa point cette affaire.
raité de Cambrai , entre l'empereur et la France , fut con-
2 * Hist. du (IItotcc de Henri VIII, par Le Grand, I. i, p. 100, elc.
m 9 Blst. du divorce de Henri Vit!, par Le Grand, t. 1, p. 130.
Tg ANG
plu le 5 «oAt 15^ ; les enfans de France furent relâchés Tannée
saÎTante^ ^empereur se rendit ensuite à Bologne , y jrégla les af*
faàreê dltalie; François Sforce fut rétabli à Milan , et la maison de
Médicis acquit la souveraineté de Florence ; ainsi , Henri se vit
tout d*un coup privé du secours de la France et de Tespérancede
pouvoir causer une diversion à Tempereur en Italie. 11 ne doutait
point que le pape ne donnât une sentence contre lui » et qu'il
n'en commit Texécution k Tempereur; et cependant il se trouvait
sans amis et sans alliés.
D'un autre côté, les mouvemens des Protestans en Allemagne
et les préparatifs des Turcs contre la Hongrie empêchèrent Fem-
pereur de penser à TAngleterre , et le pape suivait toujours son
premier plan, traînait l'affaire en longueur et paraissait disposé à
la terminer par des voies de douceur. Henri envoya donc des am«
bassadeurs au pape et h l'empereur, qui étaient à Bologne, pour
faire un dernier effort , qui fut aussi inutile que les autres.
Henri se fait déclarer chef de V Église d'Angleterre et fait casser
son mariage; précaiilions qu'il prend contre l'empereur et con-
tre le pape.
Henri résolut de chercher dans ses propres États la satisfacr
tiQn qu'il ne pouvait obtenir à Rome. Ce parti avait ses difficultés
et ses périls : le roi ne pouvait obtenir la cassation de son mariage
que du clergé , qui était très attaché au saint Siège. En suppo*
sant que le clergé se prêtât aux volontés du roi sur son divorce ,
il y avait à craindre que le pape n'employât contre lui les censu*
res , dont les suites pouvaient être embarrassantes pour le roi ,
par le respect des peuples pour le pape et par la terreur qu'inspi-
raient ses anathèmes : il n'ignorait pas combien ces anathèmes
avaient été funestes à Henri II et à Jean. 11 résolut donc de dé-
truire dans les esprits les principes de soumission et de respect
pour le saint Siège , de gagner le peuple , de soumettre le clergé,
de le mettre dans la nécessité d'autoriser son divorce et de ren-
dre vains les efforts du pape et de l'empereur contre lui.
La doctrine de Wiclef n'était pas entièrement éteinte en An-
gleterre; les Wicléfites , les Lollards s'y étaient perpétués secrè-
tement , malgré les rigueurs du gouvernement et les soins du
clergé. Les nouveaux réformateurs y avaient des prosélytes; on y
avait porté leurs livres , et principalement ceux de Luther.
A mesure que Ta^ffairedu divorce devenait plus vive, ces enne-
I
ANC 7B
mis de l'Égliae de Rome allaquaient le pape avec plas de con-
fiance; beaucoup de caiboliqaes, opposés par esprh de patrio-
tisme i l'auloriié du pape et aux privilèges du deigé, s'uoireut
ï eiu; les courtisans les secondèrent, ei lorsque le roi s'aperçut
que les Anglais a'aiaient plus pour le pape cette Ténération si re-
doutable aux rois, il publia une proclamation qui défendait de re-
cevoir aucune bulle du pape qui tCu contraire aux droits de la
pouronne : il fit ensuite impriiuer et répandre dans le public les
raisons qu'il avail de demander la cassation de son nariage; il
assembla le parlement, lui communiqua son dessein et sesmoiirs,
el les enioja à la convocation du clergé, qui décida que le nia-
tiage du roi était cooiraire k la loi naturelle : le roi n'eu deman-
dait pas davantage pour le présent.
Depuis long-iemps les peuples étaient mécontens; Henri pensa
^e, pour les gagner, il leur fallait une victime, et eruine pou-
Toir leur en donner de plus agréable que Volsey.
Le procureur général du roi porta à la cbambre étollée une
accusation cunire ce cardinal pour s'être ingéré d'exercer l'auto-
rité de légat du pape sans en avoir premièrement obtenu des
lettres patentes do roi ; en quoi il avait violé les statuts des Pru-
HKiiri et des PrœinmiTe.
L'omission de cette formalité si esseolielle fut te prétexte de
a ruine ; le roi lui ôla le grand sceau, et, sur une nouvelle accu-
latioA du procureur générai , il fut condamné ; ses biens furent
wnfitquéa au profit du roi : il fut ensuite accusé de haute trabi-
son ei mourut lorsqu'on le conduisait â Londres pour être mis à
b Tour.
La disgrâce de Volsey fut agréable au peuple, et le roi se crut
«n état de formel' une entreprise importante sur le clergé 1 il fut
accusé d'avoir violé les statuts des Pravkeuri et des Prmmuiiire,
ta reconnaissant l'auloriië de légat , que le cardinal Votsey
l'était attribuée sans avoir une couimission authentique du roi.
Le clergé fut traité comme Volsey ; tous ses biens furent confis-
qnéa an profit du roi.
Le clergé u'avait plus d'appui ni de défenseurs; le roi était
brouillé avec le pape et avait défendu de laisser entrer ses bulles
dans le royaume : d'un autre c6té , la nation anglaise n'était pas
disposée k soutenir les inlérêls du clergé dont elle n'était pas
contente, ni ï recevoir les ordres du pape, quand même il aurait
«ula ûkletvenic dans cette aflâire ; ain», la pretiuce ecdésias-
80 ANG
tique de Cantorbéry assembla un synode, qui prit le parti d*offrir
au roi un présent de cent mille livres sterling pour sauver ses
revenus ; en conséquence , quelques-uns du corps furent chargés
de dresser un acte en forme de lettres patentes , par lequel la
convocation donnait au roi cent mille livres sterling : !<> à cause
de son grand mérite; 2<> pour lui témoigner sa reconnaissance des
avantages qu'il avait procurés à TÉglise par ses armes et par sa
plume ; 3* à cause de son zèle contre les Luthériens , qui s'effor-
çaient de ruiner TÉglise anglicane , dont le clergé reconnaissait
qu'il était le chef suprême ; é* dans Tespérance que le roi voudrait
bien accorder au clergé un pardon de toutes les fautes oîi il était
tombé par rapport aux statuts des Proviseurs et des Prœmunire.
Lorsque cet acte fut lu dans l'assemblée , il y trouva beaucoup
d'opposition , par rapport à la clause qui établissait le roi chef
suprême de l'Église anglicane ; mais le roi fit dire à l'assemblée
qu'il rejetterait l'acte si la clause de la suprématie en était ôtée,
et le clergé fut obligé de la passer.
La convocation de la province d'Yorck imita celle de Cantor-
béry en faisant un acte semblable , sans pouvoir se dispenser de
reconnaître la suprématie du roi.
C'est ainsi que Henri Vlll extorqua de l'Église d'Angleterre
la reconnaissance de la suprématie. Après ce succès , il fit ses ef-
forts pour engager la reine à consentir à la cassation de son ma-
riage ; mais ces efforts furent vains : il cessa de voir la reiîte , et
lui assigna une de ses maisons royales pour y faire sa résidence.
Ce qui venait de se passer dans le parlement et dans la convo-
cation échauffa le zèle des réformés qui avaient pénétré en An-
gleterre ; ils proposèrent leur croyance avec plus de liberté ; les
disputes sur la religion devinrent plus fréquentes et plus publiques
qu'elles ne l'avaient été jusqu'alors.
Henri n'avait pas changé de sentiment par rapport aux dogmes
qu'il avait crus jusqu'alors ; il commençait seulement à se persua-
der que la religion pouvait bien subsister sans que les États fus-
sent soumis au pape : d'ailleurs , il ne voulait pas que l'on crût
qu'en secouant le joug du pape , il voulait porter atteinte à la re-
ligion catholique et aux vérités que l'Église d'Angleterre avait
toujours professées : il ordonna donc que les lois contre les héré-
tiques fussent observées , et l'on brûla , dans le cours de cette an-
née (1531) , trois Protestans.
Le parlement , assemblé l'année suivante, présenta une adresse
ANG 81
an rot povr le prier de conseollr qu'on triTailUl ï corriger cer-
tains ibus qui s'étaient intradails dans les iaunonilés ecclésias-
tiques. C'était le roi lui-même qui , par ses émissaires , avait en-
gagé le parlement k lui présenter celle adresse , afin de faire
sentir an clergé le besoin qu'il aiait de la protection rojale et
pour le délemiiDer à lui confirmer le titre de chef de l'Ëglise.
Sur cette adresse , Henri fil corriger quelques abus légers; et,
afin que le clergé pftl espérer en lui nu proleeleur, il fît abolir,
par un acte du parlement, les annates, et lit fiier le prix des
bulles des éïécbés : il fut ordonné , par cet tcle , que si le pape
refusait de donner des bulles , oo s'en passerait , et que les évé-
qnes seraient établis dans leurs sièges par d'autres voies.
Le parlement s'assembla l'année suivante (en février 1533) , et
fit un acte qui défendait de porter des appels k la cour de Rome ;
alors Henri rendit public son mariage avec Anne de Boolen , quoi-
que son premier mariage ne fût pas encore dissous : cette publi-
cation prématurée était devenue nécessaire , parée que la nou-
velle reine était euceinle.
Cranmer, devenu arcbevéque de Cantorbéry , fit citer Catherine
i, comparaître devant lui; et comme elle refusa d'obéir, il donna
ane sentence qai déclarait nul le premier mariage du roi ; et quel-
ques jours après il en donna une autre qui confirmait le second
mariage du roi avec Anne de Boulen , qui fut ensuite couronnée
le 1" juin.
Voiii quelle fut la conduite de Henri VIII dans l'affaire de son
divorce. Que l'on juge , par ces traits , si ce divorce fut l'ouvrage
des scrupules de ce prince , comme Bumet s'efforce de le per-
le suis bien éloigné de blâmer la circonspection de cet auteur
i juger des motifs secrets des bommes ; mais je ne peux m'empfi-
cher de remarquer qu'il ne fait usage de celte retenue que lors-
qu'il s'agit de juger les ennemis de l'Église romaine , et que lors-
qu'il s'agit au contraire de juger des motifs des catboliqnes, il
oublie toutes les maximes d'équité et basarde sans scrupules les
conjectures les plus injustes sur les motifs des actions des papes
on sur les vues des évèques catholiques.
Aussitôt que le premier mariage du roi fut cassé , it en Gi in-
RMner Catherine et iScba de l'engager 1 se soumettre il la aen-
* Bist. de la réf. d'AnsIderrc, L 1, I. 3, p. IDOctlDl.
ai ANG
tence, mais inutilement; et, depuis ce tempis4à, Catherine ue
fut plus reconnue que pour princesse douairière de Galles.
le pape excommunie Henri VIII , et l'Angleterre se sépare de
V Église de Rome,
Sur rinformaiion que le pape reçut de ce qui s'était passé en
Angleterre, il cassa les deux sentences de Farchevéque de Cantor-
béry , et en donna une comminatoire contre le roi , si » dans un
certain temps , il ne rétablissait toutes eboses au même état oii
elles étaient avant les deux sentences de Tarcbevéque ; mais le
roi et Tarcbevéque en appelèrent au futur concile général^.
François 1" entreprit, mais inutilement, d'arrêter les effets de
cette rupture. Henri ne soubaitait point sincèrement de se récon-
cilier avec le pape, qui n'ignorait pas la mauvaise foi de Henri, el
qui publia sa sentence. Par cette sentence , le mariage de Henri
avec Catherine était confirmé comme légitime , et il était ordonné
à Henri de reprendre sa femme, sous de très-grièves peines'.
Cependant le parlement ôta aux évêques la connaissance du
crime d'hérésie, sans néanmoins diminuer les peines ordonnées
contre les hérétiques. Par un second acte, il fut ordonné que Toq
examinerait les constitutions ecclésiastiques, ahn de conservet
celles qui seraient jugées nécessaires et d'abolir les autres ; et l'on
arrêts^ que , pour cet effet , le roi nommerait trente-deux com-
missaires , tirés également du clergé et du parlement.
Enfin, lorsqu'on reçut la nouvelle de ce qui s'était passé à
Rome , le parlement confirma l'abolition des annates el anéanth
entièrement la puissance du pape en Angleterre : on régla la ma-
nière dont on ferait à l'avenir la consécration des évêques , sana
avoir recours au pape : on abolit le denier de saint Pierre , et
toutes sortes de bulles et mandats émanés delà cour de Rome; 09
cassa le mariage de Henri avec Catherine d'Aragon, et l'on cout
firma son second mariage avec Anne de Boulen; enfin, on or-
donna que tous les sujets , sans exception , jureraient l'observa^
iion de cet acte, sous peine d'être déclarés coupables de trahison.
Le parlement se rassembla le 23 novembre , et fit encore éï^
vers actes qui tendaient k rompre tous les liens qui pouvaient
çncore tenir les Anglais attachés au pape ; on confirmait au roi le
^ Extraits des actes de Rymer^ p, 357.
2 Ibid., p. 372 et 373«
ANG Èi
titre de chef suprême de TÉgllse anglicane, et l'on établissait en
sa faveur les annales que l'on avait ôtées au pape ^.
Après la séparation du parlement , le roi ordonna , par une
proclamation, que le nom du pape fiit eCTacé de tous les livres où
il se trouvait , afin d*en abolir la mémoire s'il se pouvait ; enfin,
il obligea tous les évoques à renoncer ^ Fobéissanee du pape.
Effets du tehiême d'Angleterre par rapport àVɧlueet àtÉlat,
tlenri s^aperçut que Tétat où la religion se trouvait dépuis
là rupture de TÂngleterre avec Rome le rendait plus absolu \
les nns souhaitaient que la réformation fût poussée plus loin , et
les autres le craignaient. Gomme personne ne pouvait se persua-
di^ que le roi demeurât long-temps dans cette situation , chacun
des partis lâcha , par une complaisance aveugle , d'acquérir ses
bonnes grâces , et il en résultait pour le roi un degré d'autorité
auquel aucun de SCS prédécesseurs n'était jamais parvenu, et qu*il
n'aurait pu Usurper dans toute autre circonstance sans courir ris-
que de se perdre ; mais les deux partis se trompèrent également :
Henri se tint dans le même milieu tout le reste de sa vie , et fit
sentir â Tun et à l'autre les terribles effets de ce pouvoir absolu
q[il'ils lui avaient laissé prendre.
La suprématie dont il était revêtu 1c mettait en état de faire
plier le clergé , qui n'était plus soutenu comme autrefois par le
pape. 11 punit sévèrement tous ceux qui refusèrent de reconnaître
cette suprématie, et fit mourir des religieux qui , dans leurs ser-
tttons, s'efforçaient de lui faire perdre Taffection de ses sujets.
Dans la suite , il fit faire une visite générale des monastères e|
Aitt \ la tète de cette commission Cromwel, son vice-gérant, qui
commit lui-même des visiteurs. Ces visiteurs prétendirent décou-
ifxf dans les monastères beaucoup de désordres, et persuadèrent
aUx supérieurs et aux prieurs de se soumettre à la clémence du
roi et de lui résigner leurs maisons avec leurs revenus : quelques-
uns prirent ce parti.
\jt roi fit publier la relation de cette visite, afin d'éteindre dans
le peuple la vénération qu'il avait pour les religieux , en lui of-
frant le tableau des désordres qu'on avait découverts dans les mo-
nastères et qui furent beaucoup exagérés *•
« Kxfrails des actes de Ryiner, p. 37iU
s Ibid., p> 375,
84 ANG
Cette relation fut suivie d*uiie ordonnance par laquelle le roi ,
en qualité de* chef de FÉglise, permettait aux moines de quitter
leurs maisons , et les déliait de leurs vœux.
L*ordonnance du roi ne produisait point Teffet qu'il en atten-
dait; cependant il tenait toujours le clergé dans sa dépendance,
en différant de nommer des commissaires pour choisir les consti-
tutions ecclésiastiques qu'il était nécessaire de conserver.
L*autorité du pape était abolie par acte du parlement , et néan-
moins elle subsistait encore dans les constitutions ; cela jetait le
clergé dans un extrême embarras, puisqu'on plusieurs cas il fallait
nécessairement violer, ou les constitutions , ou les nouvelles lois ;
par-là, le clergé se voyait absolument dépendant du roi, qui pouvait
l'attaquer sur l'un ou sur l'autre, comme il le jugerait à propos.
La reine Catherine mourut dans le courant de l'année 1536,
et, peu de mois après sa mort , Anne de Boulen fut condamnée
par une sentence des pairs et décapitée ; Henri épousa Jeanne de
Seymours , et le clergé approuva ce second mariage.
Le parlement, à la réquisition du roi, supprima tous les mo-
nastères qui avaient moins de deux cents livres sterling de revenu,
et donna tous leurs biens au roi : par ce moyen , le roi acquit un
revenu de trente-deux mille livres sterling en argenterie et en
autres effets.
La suppression des monastères déplut à beaucoup d'Anglais :
les grands et les gentilshommes trouvèrent fort mauvais qu'on eût
donné au roi les biens des monastères supprimés , dont la plu-
part avaient été fondés par leurs ancêtres ; d'ailleurs, ils se
voyaient privés de la commodité de se décharger de leurs enfans,
quand ils en avaient un trop grand nombre , et d'aller, en voya-
geant , loger dans ces maisons , où ils étaient bien reçus. Les
pauvres murmuraient encore plus fortement , parce que plusieurs
d'entre eux vivaient des aumônes qui se distribuaient journelle-
ment dans ces maisons; enfin, beaucoup de catholiques regar-
daient cette suppression comme une atteinte portée à leur religion.
Ce mécontentement ne tarda pas à éclater ; le premier feu parut
dans la province de Lincoln, où un docteur en théologie, prieur
d'un monastère , assembla une quantité de peuple dont il se fit
chef, sous le nom de capitaine Câbler, c'est-à-dire le Capitaine
savetier.
D'abord les révoltés envoyèrent au roi leurs griefs , d'une ma-
nière fort soumise ; ils reconnaissaient sa suprématie et décla-
I
I
ANG am
nient qn'ili étaient très-con[eas ([u'il jouît des décimes ei des
premiers Tniits des béaélicei; mais ils le suppliaient de remédier
i leurs griefs el de prendre conseil de sa noblesse.
Ces griers consistaieDl en ce qu'il avait supprimé un très-
grand nombre de monastères; qu'il s'était fait accorder par
le parlement de grands subsides, sansancane nécessité; qu'il ad-
mettait dans son conseil des gens d'une naissance abjecte, qui
n'avaient en vue que de s'enrichir, au lieu du bien de l'État;
que plusieurs des évéqoes avaient abandonné l'ancienne foi pour
suivre de nouvelles doctrines de tout temps condamnées par
l'Église; qu'après avoir vu le pillage de tant de monastères, ils
crojaienl avoir lieu de craiildre que les églises n'éprouvassent
Le roi envoja le duo de SulFolk contre les rebelles avec une
armée peu considérable, et dissipa la rébellion par une amnistie.
La province d'Yorct se souleva dans le même temps , et ce
sonlèvement était d'une bien plus grande conséquence que celui
de Lincoln. Celui-ci semblait s'être fait par hasard et par un mou-
vement soudain; l'autre était la suite d'un dessein concerté,
dans lequel entrèrent plusieurs personnes de considération , qui
n'atleadaient, pour se déclarer, que de voir un peu plus clair
dans la disposition générale du peuple.
Le voisinage de l'Ecosse, l'éloignement de la cour, le crédit
dont les moines et les ecclésiastiques y jouissaient, rendaient dan-
gereux le soulèvement de cette province. Les mécontens s'assem-
blèrent en très-grand nombre vers la fin du mois d'août ; dès
qu'ils se virent en force , ils ne laissèrent plus auiL gentilshommes
U liberté de demeurer neutres, ils les contraignirent de s'enfuir
ou de se joindre i eux , et de prêter serment qu'ils seraient fidè-
les i la cause pour laquelle ils avaient dessein de combattre :
cette cause était proprement la religion , comme ils te firent bien
comprendre en mettant un cruci&xdans leurs drapeaux et éten-
dards; d'ailleurs, ils rétablirent les religieui dans quelques-ans
de leurs monastères qui avaient été suppriiués.
Le roi leva des troupes el envoya le duc de Norfolk contre les
rebelles; mais les forces du roi n'étaient pas capables de leur
résister.
Aske, leur chef, se rendit maître de llull et d'York, et obligea
toute la noblesse de la province ï se joindre i lui.
La révolte du Nord devenait donc de jour en jour plus sérieuse.
86 ANé
et Ton Commença K craindre que le t>oyauihë èbiiet* tîe suivtt
rexBihple des provinces du Nord.
Des hasards imprévus sauvèrent plus d*iine fois Farinée du roi,
et le duc de Norfolk fut assez heureux poui* engager une négo-
ciation avec les révoltés.
Les rebelles firent des propositions ; Tafiaii^e traîna en longueur,
et le roi accorda une amnistie avec promesse de les satisfaire sui^
letirs griefs ; mais le roi , sous différens prétextes , ne leur tint
point parole, et peu de temps après deux gentilshommes du Nord
se mirent îl la tête de huit mille mécontens et allèrent se présenter
devant Carlisle. Le duc de Norfolk déconcerta les entreprises des
révoltés et arrêta leurs chefs, qui furent exécutés avec plusieurs
des rebelles.
Le roi, persuadé que les religieux fomentaient les mauvaises dis-
positions du peuple, fit faire une visite dans les monastères qui
subsistaient encore; il publia la relation de cette visite et fît ex-
poser en public de fausses reliques qui s'étaient trouvées dans les
lironastères; il découvrit aux yeUx du peuple les ressorts dont
on se servait pour donner, à des statues qui représentaient Jé-
stts-Christ, la sainte Vierge ou les saints, des mouvemens qui
passaient pour surnaturels dans Fesprit de ceux qui en ignoraient
la structure. Le roi fit brûleries instrumensde ces fraudes pieu-
ses, et ion brûla même les reliques de saint Thomas de Cantor-
bôtrv.
Le pape ne pouvait tolérer les égaremens de Henri sans man-
quer à ce qu'il devait à la religion. 11 publia l'excommunication
qui avait été dressée et signée en i33o. Il lâcha d'inspirer à tous
les princes chrétiens son zèle contre Henri VIII ; il offrit même
le royaume d'Angleterre au roi d'Ecosse*
L'excotnmunication lancée par Paul III ne produisit aucun chan-
gement en Angleterre. A la nouvelle de cette excommunication,
le roi exigea des évêques et des abbés un nouveau serment de
fidélité par lequel ils renonçaient à l'autorité du pape.
Les nouveaux réformés avaient des partisans qui n'oubliaient rieil
pour gagner le roi, tandis que les catholiques employaient toutes
lettrs ressources pour rendre les Protestans odieux. Ceux-ci espé-
raient que le roi rentrerait dans l'obéissance du pape; ceux-là
tâchaient de le porter à adopter les principes de la réforme. Au-
cun dos deux partis ne réussit. Henri ne se réforma qu'à demi et
ne se récoticitia jamais avec Rome. Comme il était absolu, i| ne
r
AXG 87
TOuUitjaDiais permettre qv^e ses sujets allassent plus loin que loi ;
et, d'uB autre côté, il les contraignit d'aller a?ec lui jusqu^Qd i)
jugea qu'il était à propos de s'arrêter, également sévère ou plu-
tôt impitoyable contre ceux qui voulaient le suivre et contre ceu^
^ qui voulaient le devancer.
Chaque parti, dans Tespérance de gagner (e roi« favorisât tous
ses desseins. Ainsi le roi, malgré quelques ennemis, supprima
tous les monastères et s'empara de leurs revenus* Il fit courir le
bruit que le royaume allait être envahi ; il visita les côtes et donna
des ordres pour que les troupes fussent prêtes au premier com-
mandement. Le but de toutes ces démarches était de (aire com-
prendre au peuple que le parlement serait obligé d'imposer d^
grandes taxes pour résister à cette prétendue invasion ; mais que
le roi acquérant un revenu considérable par la suppression des
monastères, il n'avait pas besoin de subsides.
Henri voulut faire voir qu'en abolissant l'autorité du pape et en
détruisant les monastères dans son royaume, il n'avait pas changé
de religion. 11 fit porter une loi, intitulée les StatutSt pour exami-
ner la diversité d'opinions sur certains articles de religion.
C'est cette loi qui est plus généralement connue sou? le nom de
L4n de six articles. La peine du feu ou du gibet éu^it ordonnée cQlir
tre ceux,
lo Qui, de bouche ou par écrit, niers^ient la transsubstantiatii^;
â* Qui soutiendraient la nécessité de la commuiiion sons W^
deux espèces ;
3*" Ceux qui prétend^iient qu'il était permis aux prêtres dei ^
marier ;
4* Ceux qui prétendaient qu'on pouvait violer le vobu de eha^
lefé;
5<* Ceux qui disaient que les messes privées étaient inutiles;
6* Cernt qni niaient la nécessité de la confession aurieulaire.
Le roi régnait donc sur la nation anglaise avec un pouvoir ab-
^lu; il déposait à son grêles évêques et les ecclésiastiques, fai-
sait casser ses mariages et couper la tête à ses femmes. 11 avait
épousé la princesse de Clèves et fait casser son mariage pour
épQiiser Catherine Howard. 11 obtint du parlement un acte par le-
quel on donnait force de loi à tout ce que le roi déciderait en ma-
tière de religion; on lui accorda le privilège de l'infaillibililé
qu'on refusait an pape, et l'on soumit à Henri Ylll les consciences
^Uei vie§ de^ Anglais.
SB ANG
Le roi fit assembler plasieurs évêques et plusieurs théologiens
pour arrêter les articles d*une profession de foi qui servit de règle
dans toute TAngleterre. Elle était conforme aux six articles et ne
contenait de répréhensible que la doctrine de la suprématie du
roi et le refus de reconnaître le pape pour chef de TEglise. *
Le pouvoir énorme dont on avaitarmé Henri fut funeste à beau-
coup d* Anglais ; il fit condamner à mort et exécuter plusieurs per-
sonnes, les unes pour avoir nié la suprématie du roi, les autres
pour avoir soutenu la doctrine des Luthériens, quelques-uns pour
avoir soutenu Tautorité du pape. Ce prince s'occupait uniquement
des moyens d'étendre encore le pouvoir qu'il s'était acquis, et veil*
lait sans cesse pour qu'il ne se fît point, dans la religion, d'autres
changemensque ceux qu'il jugeait lui-même utiles ou raisonnables.
Gomme il était d'une détermination inflexible sur ces deux ar«
ticles et que le parlement n'osait s'opposer à ses volontés, aucun
de ses ministres n'avait la fermeté de le contredire. Ainsi c'était
lui seul qui réglait tout, selon son caprice, son conseil ne faisant
autre chose qu'approuver ce qu'il proposait.
Il y avait cependant dans le conseil, comme dans tout le
royaume, deux partis contraires par rapport à la religion ; mais
chacun avait toujours les yeux sur le roi pour connaître son incli-
nation, de peur de s'exposer à la combattre. Les partisans des nou-
velles opinions espéraient toujours que le roi pousserait beau-
coup plus loin la réforme qu'il avait commencée; dans cette
pensée, ils croyaient qu'il y avait de la prudence à ne pas l'irriter.
Par une raison semblable, les catholiques n'osaient s'opposer di-
rectement au roi, de peur que leur résistance ne le portât à pas-
ser les bornes qu'il semblait s'être prescrites ; de là résultait une
complaisance aveugle et générale pour toutes les volontés du roi
et le pouvoir excessif qu'il avait acquis sur ses sujets, dont il fit
un si terrible usage jusqu'à sa mort, qui arriva le 28 ou le 29 jan-
vier 1547, dans la cinquante-sixième année de son âge.
Il laissa trois enfans : Marie , fille de Catherine d'Aragon ; Elisa-
beth , fille d'Anne de Boulen , et Edouard VI , fils de Jeanne de
Seymours. Il avait réglé la succession de ses enfans à la cou-
ronne , selon le pouvoir que lui en avait accordé le parlement : il
mit dans le premier rang Edouard VI , son fils , et toute sa pos-
térité; en second lieu la princesse Marie, et en troisième lieu
Elisabeth , à condition qu'elles se marieraient du consentement
des exécuteurs de son testament. Après ses filles, il appelait à
ANC
h eoniwme Françoise Brandon , iille aînée de sa sœur ei du duc
de SufTolk, i l'esclusion des etifans de Marj^uerite, reine d'Ëcosi-e,
Dei prineipe* et du ichitme de Henri Ytll.
Cranmer avait pensé qu'il fallait atlacher à la royauté la qiii-
lité de clief de l'Eglise : il prélcnduii que le prince ehrétieii est
commis immédiatement de Dieu, autant pour ce qui regarda
radminislralion delà religion que pour l'adDiinisIration de l'état
politique; que, dans ces deux administrations, il doit y avoir des
ministres qu'il établisse au-dessous de lui , comme , par exemple,
le chancelier et le trésorier, les maires et les autres officiers, dam
le civil ; et les èvèques , curés, vicaires , etc. , qui auront titre
par sa majesté d'enseigner la religion; que tous les n
tant de ce genre que de tout autre , doivent être destinés ,
gnés et élus par les soins et par les ordres du prince, avec
verses solennités qui ne sont pas de nécessité, mais de bienséance
seulement ; de sorte que si ces charges étaient données par le
prince sans de telles solennités , elles ne seraient pas moins
données, et qu'il n'y a pas plus de promesse de Dieu que lagrSee
soit donnée dans l'établissement d'un office ecclésiastique que
dans rétablissement d'un office politique.
Après avoir ainsi établi tout le ministère eeclésiasliqne sous
une simple délégation des princes , sans même que l'ordination ou
la consécration ecclésiastique y fût nécessaire, il va au devant
d'une objection qui se présente d'abord k l'esprit : c'est à savoir
comment les pasteurs exerceraient leur autorité sous les princes
inBdèles; et il répond, conformément à ses principes, qu'en ce
temps il n'y aurait pas dans l'Eglise de vrai pouvoir ou comman-
dement, mais que le peuple acceptait ceux qui étaient présentés par
les apâlres, ou antres qu'il croyait ri
et dans la suite les écoutait comme u:
ï de bons conseillers.
Voilï ce que dit Cranmer dans v
Toil!i l'idée qu'il avait de cette divir
a donnée il ses ministres.
Il n'est pas besoin de réfuter une semblable doctrine, condam-
:mplis de l'esprit de Dieu,
n bon peuple, prêt b obéir
[ne assemblée d'évéqnes , Dt
le puissance que Jésus-Christ
, 0 ANG
ôe psup les p((4estaas» et dont M. Burnet Im^ê^e a rougi p(H|r
ranmer.
Il est vrai que Cranmer reconnut que les évéques élaient bien
.'institution divine ; mais il prétendait que Jésus-Christ avait in-
titué des pasteurs dans FÉglise pour exercer leur puissance
omme dépendante du prince dans toutes leurs fonctions; ce qui,
it M. Bossuet, est sans difficulté la plus inouïe et )a plus scaa-
aleuse flatterie qui soitjçunais tombée dans Fesprit des hommes ^.
Appuyé sur ces principes, Henri VIII donnait pouvoir auxév^
ues de visiter leurs diocèses : Fexpédition de ce pouvoir avait une
réface qui contenait que toute la juridiction, tant ecclésiastique
ue séculière, venait de la puissance royale , comme de la source
remière de toute magistrature , dans chaque royaun^e , etc.
11 suffît , selop M. Bossuet, d^exposer de pareils principes poiyr
;s réfuter. H est évident que , dans ces principes „ il faut quç ](a
^ aligion chrétienne n*ait point une origine divine et qu^ellç ne
. oit qu'une purç institution politique , dont les dogmes et le$ ri^
. 3nt déterminés par le pouyoir séculier.
. ANGLICAN E) (Religion). C'est )areligiop prétendue réformée,
. iUe qu'elle est aiyourd'hvii établie et professée par TËglise augU-
ane. Nous allons exaipiner sop origine, ^on progrès çt son état
ctuel.
^e la religion reformée en Angleterre depuis le schisme de Luther
Jusqu'à Edouard VL
Quatre cents ans avant Luther, Wiclef avait attaqué , en Angle-
3rre» Ts^utorité du pape et les dogmes de TÉglise romaine; il
' 'était fait des prosélytes dans le peuple , parmi les magistrats et
. bes les grands. Le zèle du clergé, soutenu de l'autorité dos ropk,
' vait arrêté les progrès de la séduction ; mais il était resté des ger-
. les d'erreur que la vigilance et la sévérité du ministère n'^yaiept
a détruire, çtqui furent nourris par les contestations qui se renoH-
alaient sans cesse en Angleterre sur les droits du pape dans ce
'■ iyaume, sur les biens ecclésiastiques, sur les privilèges du clergé.
Lorsque le schisme de Luther éclata , les Wicléfites et le^ Lol-
rds, dont les sentimens avaient beaucoup de rapport avec ceux
. a Luther, lurent avidement ses livres et ceux des Protestons ;
s les traduisirent en anglais , et l'on vit bientôt , dans Londres ,
» ■.
* Bossuet, Ilist. des variai., l. 7. art, A4.
AHG 9)
il Cambridge , des sociélés entières adopier les erreurs
de la réfonne.
Le clergé s'assembla ; les réformateurs Tureul recherchas avec
soin et punis aveu sévérité; mais on n'arrâla pas l'erreur. Les
partisans des nouTelles opiDÎODS deviureot plus clrconspecu,
plus dissimulés , plus déDans , et par conséqueDi lurent maies
en état d'être détrompés : ils répandirent leurs opinions avec
pbiR de précantion , et peut-être avec plus de succès ; ils per-
vertireol beaucoup de mondeel aflaiblirent tellement dans l'esprit
delà nation lerespectet la soumission pour le souverain pontife et
pourle clergé, que Ihnri VIII, dans l'afTaire du divorce, fut en
él»l de braver les anstbèmes du ppe et de subjuguer le clergé.
Ce prince n'était pas engagé dans les erreurs des Protestans ;
mais le besoin qu'il avait d'eui contre le clergé ne permettait pas
qu'il les traitit d'abord avec rigueur. Il laissa ce parti se fortifier
assez pour faire craindre au clergé qu'il ne se déclarSt pour la
réforme , et fit assez d'entreprises sur le clergé pour faire espérer
aui Protestans qu'il embrasserait leurs aentîmeua.
Par celle politique , la nation anglaise se trouva partagée entre
la réforme et la religion catholique, et il se forma deux partis que
le roi gouTemait avec un empire absolu.
Les catboliques étaient inQniment plus nombreux, et il était
hnporlant pour le roi qu'on le crût toujours attaché ï la religion
ealholique. Il renouvela donc les lois contre tes hérétiques, et fit
punir avec la dernière rigueur tous ceux qui ne souscrivaient pas
les six articles, et qui étaient attachés à la nouvelle réforme.
Veyeî l'article précédent.
■ Hais, dit M, Bossuet, que peuvent sur les unnsciences des
• décrets de religion qui tirent toute leur force de l'autorité
> royale , â qni Dieu n'a rieu commis de semblable, et qui n'ont
> rien de politique^ Encore que Henri VIII les soutint par des
• supplices innombrables et qu'il lit mourir cruellement non-seii-
■ lement les catholiques, qui dé tes laie ni sa suprématie, mais
• mfme les Luthériens et les Zoingliens , qui attaquaient aussi
• les articles de sa foi , toutes sortes d'erreurs se glissèrent in-
» sensiblement dans l'Angleterre , et les peuples ne surent plus ï
> quoi s'en tenir, quand ils virent qu'on avait méprisé la ch aire
1
I
92 ANG
Tel était Tétat de rAngleterre lorsque Henri VIII mourut.^
De la ré formation ious Edouard VL
Edouard VI succéda à Henri VllI, et le comte de Hartfort,
depuis duc de Sommerset , fut déclaré protecteur de tout le
royaume et gouTemeur du jeune roi.
Edouard avait de Tinclination pour la réforme , et le duc de
Sommerset était Zuinglien dans le cœur; les deux archevêques,
des évêques , plusieurs des principaux membres du clergé , beau-
coup de grands et une partie du peuple, avaient embrassé le parti
de la réforme.
Ainsi , toute Tautorité se trouva du côté des Protestans : leur
zèle ne tarda pas à éclater dans les entretiens particuliers et dans
les sermons ; et Granmer, qui avait dissimulé son attachement à
la réforme sous Henri VllI , se joignit au protecteur pour rétablir
en Angleterre après la mort de ce prince.
IjC parlement avait rendu , en 1539, une ordonnance qui revê-
tait d'une pleine autorité les déclarations de Henri YIII et qui
portait que les conseillers de son fils pourraient , durant la mino-
rité, donner des déclarations qui auraient autant de force que
celles du père. Sur ce fondement on proposa, suivant Texemple
de Henri VIIl , d'envoyer des visiteurs dans tout le royaume , avec
des constitutions ecclésiastiques et des articles de foi : on leur
distribua TAngleterre en six parties , et pour chaque partie les
commissaires étaient deux gentilshommes , un jurisconsulte , un
théologien et un secrétaire. Le roi défendit aux archevêques et à
tous autres d'exercer aucune juridiction ecclésiastique tant que
la visite durerait ; et comme le peuple flottait entre des sentimens
opposés, parce que les prédicateurs prêchaient une doctrine op-
posée et se réfutaient dans leurs chaires , Edouard défendit aux
évêques de prêcher hors de leurs sièges, et aux autres ecclésiasti-
ques de prêcher ailleurs que dans leurs églises , à moins qu'ils
n'en eussent la commission : c'était un moyen sûr pour distinguer
les prédicateurs qui appuieraient la réforme de ceux qui y seraient
opposés, et pour empêcher que ces derniers ne prêchassent hors
de leurs cures , tandis que les autres obtiendraient facilement la
liberté de prêcher partout ^
Les visiteurs furent chargés d'ordonnances ecclésiastiques pour
^ Bumet, t. 3, p. 62 et 68.
^ ANG 93
différais points de discipline et pour l'ubolitlua des images e( de
l'autorité du pape. Les catliuliqaes , loio de faire des eflbrls pour
faire réformer ce qui avait été fait sous Henri Vlll , bornèrent leurs
prétentions ï empêcher qu'on ne ftt de plus grands changetnens;
pour cet effet , ils soutenaient qu'on ne pouvait rien décider par
rapport ï la religion , sous une minorité , puisqu'on ne pouvait
rien faire qu'en Terlu de la suprématie du roi.
Mais ceux qui gouvernaient étaient bien Soignés d'admettre
celle maxime qui pouvait avoir des iniloences sur les autres af-
faires du gouvernement ; ils souleuaient que l'autorité rojale était
loujours la même, soit que le roi fût majeur, soit qu'il fût mî-
tes évéques de Londres ei de Winchester furent les seuls entre
les évéques qui s'opposèrent aux règlemens que les TÎsUenra
avaient faits, et ils furent envoyés en prison.
Le parlement, qui s'assembla le 4 notembre 1S54, fit fers la
réformation quelques pas an delà de ce qui s'élail fait autrefois
sous Denri VIII : il abolit certains actes I^Us autrefois sous les
Lollards ; il révoqua la loi de si^ articles , et confirma la supré-
matie du roi ; il abolit les messes privées et Gl donner la commu-
nion sous les deux espèces. Le roi fut ensuite revêtu du pouvoir
de nommer aux évéchés vacans , et les élections furent abolies :
on resserra aussi la juridiction des cours ecclésiastiques; et enfin
le parlement accorda au roi tous les fonds destinés ï l'entretien des
cbaotres, tous ceux qui étaient alTectâsï l'entretien des lampes,
des confréries, etc.
Le roi , le protecteur et le parlement ajant fait connaître de
cette manière combien ils étaient portés â établir la réforme, on
TÏt arriver d'Allemagne en Angleterre une foule de Protestans, et
le protecteur fit venir des théologiens et des prédicateurs , aux-
quels il donna des pensions et des bénéfices. Tels furent Pierre
Ûanjr, Bucer, Okin , etc.
Tout concourait donc ï l'établissement de la nouvelle réforme
en Angleterre ; mais Craiimer , qui conduisait cette entreprise ,
voulait éviter l'éclat, et saper, pour ainsi dire, la religion catho-
lique.
Ou nomma des évoques ei des théologiens pour examiner et
pour corriger les offices de l'bglise, et ces commissaires firent
une liturgie approchante de celle des Protestans.
Le parlement , qui se rassembla le U novembre , travailla da
1
I
I
ANG
., uveau à Taffaire de la réformatîoii. Il autorisa U mariage dds
^tres et approuva la nouvelle liturgie ^.
Les chaugeinens qu*OQ venait de faire et ceux qu*on méditait
isèrent de toutes parts du mécontentement. Les chaires ne rer
itissaient que de disputes : on 6ta aux évéques le pouvoir d^aur
iser les prédicateurs, et op le réserva au roi et à Tarchevêque
Cantorbéry , sous prétexte de calmer les esprits ; mais cette
. 3caution ne produisit point Teffet qu'on eu attendait. La cour
. fendit à tous les prédicateurs de prêcher, et fit )ire dans Téglise
i homélies que Ton avait fait composer pour les visiteurs ^.
. Dès que la loi qui établissait l'uniformité dans le service de
glise eut été rendue publique , le roi ordonna une nouvelle vî-
. 8 de son royaume.
. Cependant la réforme rencontrait de grands obstacles : les car
)liques attaquaient avec force les nouveaux dogmes de la
■ Torme et défendaient avec beaucoup d'avantage la doctrine de
église catholique , et la plus considérable partie de la nation
lit fortement attachée à Tancienne foi : les réformateurs ne sa^
• ient eux-mêmes à quoi s'en tenir sur les principaux pointa con-
. >tés entre les catholiques et les Protestans : ces derniers dér
idaient très-faiblement leurs opinions , même en supposant que
: ns les disputes ils aient employé les raisons que M. Burnet
up prête ^.
, Nous avons réfuté ces raisons, à l'article Vigilance , sur le péli-
. t des prêtres et sur les cérémonies; à l'article Bérengeb» sur la
ésence réelle et sur la transsubstantiation.
Leur lenteur à établir une doctrine suivie était donc la suite de
irs embarras , et non pas l'effet de leur prudence , comme le
étend l'historien de la réforme; mais, chez M. Burnet, l'igno-
ace des réformateurs se change en un doute sage, leurs contra-
3tions en ménagemens , leur fanatisme en zèle apostolique , \k
as lâche faiblesse en condescendance louable.
Depuis le règne de Henri VIII , une grande quantité d'Anabap-
tes s'étaient réfugiés en Angleterre : le conseil eu fut informé ;
.. nomma des commissaires pour les défsouvrir et pour les juger. La
mmission était composée d'évéques, de chevaliers, de docr
* Actes de Rymer, 1. 15. Abrégé des actes dut hi art &, p. i27.
2 Burnet, t 3, p. 203.
ANG {
Umn , k k t^e desqnelB éuit GraBmef , ardiévêqae de Cântorbé.
Oa tfoavt ^é parmi les Anabaptistes lin grand nombre niait
Trinité , la néeessité de la grâce , le mystère de ribcamati(
Pourquoi M. burnet ne nous dit-il pas que ces erreurs avaient (
enseignées par Okin et par les théologiens réformés , que le d
de Soinmerset avait appelés en Angleterre ?
Plusieurs personnes abjurèrent ces erreurs devant les commî
saires ; mais Oli en rencontra d*inflexibles : telle fut Jeanne Bo
cher, ipie les commissaires livrèrent au bras séculier.
Le conseil pria le roi de signer Tordre pour Fexécuter; m:
ce prince le refusa. 11 allégua, dit M. Bumet, que condamr
des misérables au feu pour des matières de conscience , c*é(
donner dans la même cruauté que Ton reprochait à TÉglise r
naine.
Granmer, archevêque de Cantort)éry, représenta au roi que, p
k Im de Moïse , les blasphémateurs étaient lapidés ; que la difi
rëocè était grande entre les erreurs qui attaquent le fondeme
eomen^ dans le symbole des apôtres et celles qui ne regarde
qa» des points de théologie ; que si les dernières étaient tolér
btea» les autres étaient des impiétés contre Dieu , et qu*il n*y av:
point de prince qui ne fût dans Tobligation de les punir en qu
Uté de lieutenant da roi des rois. Tout de même que les lieutr
BÉBS des princes sont obligés de châtier ceux qui offensent c
iMiwes princes.
Le foi , effirayé et non pas persuadé , signa Tordre et dit à Cra
m» qw& s*il faisait mal , puisque c*était par ses instructions
mmn MQ autorité , c^était à lui à en répondre devant Dieu *.
M. Bumet dit que Granmer frémit si fort k ce discours qu*il i
j^ ooftsentir qU*on exécutât la sentence : voilà un remords quN
B^AttlHidait pas dans Granmer après le discours quMl avait tenu :
roi , et ce remords se dissipa vraisemblablement comme un éclai
etr Jeanne Boucher fui brûlée.
8i nous étions aussi peu réservés que M. Bnmet dans les jugr
mens qtt*il porte sur les motifs secrets des catholiques , que r
pourrions-nous pas dire du frémissement de Granmer , qui n*a
riv« qtt*après Textréme répugnance du roi à signer un ordre qi
ee prince croit injuste et barbare?
M. Bumet a pourtant cru qu'on pouvait justifier Granmer
^ Bumet, L 3, p. 33/i,
96 ANG
c Nous pouvons répondre, diUl, queCranmer n^avaii as^rément
9 aucune disposition à la cruauté, et que, de la sorte , ce qu*il fit
» n*eut pas un fondement si mauvais ; mais il faut aussi confesser
» qu'il se laissa entraîner par quelques maximes, suivant lesquel-
» les il se gouvernait ^<
Voilà une apologie qui porte avec elle la preuve de Tembarras
de M. Burnet, et sa réfutation.
Le supplice des Anabaptistes n'arrêta pas la licence de penser :
tout était dans une confusion étrange ; les peuples se soulevèrent
en plusieurs endroits , et les changemens faits dans la religion
n'étaient pas sans influence dans ces soulèvemens.
Les troubles se calmèrent, et Ton continua à établir la réforme ;
on déposa les évéques qui n'étaient pas favorables aux desseins
du gouvernement ; on ajoutait , on retranchait sans cesse aux li<-
torgies et aux professions de foi.
La disgrâce du duc de Sommerset ne changea rien dans le pro-
jet d'établir la prétendue réformation en Angleterre. En 1552 , le
comte de Warvick, qui usurpa le gouvernement, et qui faisait ser-
vir la religion à ses desseins ambitieux , trouva qu'il était plus à
propos, pour se soutenir, de se conformer aux inclinations du roi
et aux vœux de la plus grande partie de la nation , que d'entre-
prendre de les contrarier; ainsi on continua à déposer les évéques
opposés à la réforme. On faisait sans cesse de nouvelles profes-
sions de foi ; on ajoutait , on retranchait sans cesse quelque chose
à ces professions ; on changeait les liturgies : ce n'étaient qu'or-
donnances du roi et du parlement pour obliger à croire telles
choses, et à n'eu pas croire telles autres ; pour prescrire les rits
des ordinations, rétendue du pouvoir des évéques et des pasteurs.
Voilà ce que M. Burnet appelle un ouvrage de lumière, et l'état
où la réforme avait mis l'Angleterre lorsqu'Edouard VI mourut ,
Fan 1553.
La nouvelle profession de foi contenait les erreurs desProtes-
tanssur la justification, sur l'Eucharistie, sur les sacremens, sur
l'Eglise, sur TËcrilure, sur le purgatoire, sur les indulgences, sur
la vénération religieuse des images et des reliques , sur l'invoca-
tion des saints, sur la prière pour les morts; on y confirmait la su-
prématie du roi dans l'Église, et l'on y condamnait les erreurs des
Anabaptistes,
i Ibid.
I
I
' ANG Hfl
Poorh lilargie, od ta rendit U plus semblable qu'il (ut possi-
ble X celle des Prolestans : oq relrancba des églises les autels, les
images, les omeitiens qui servaient dans la célébration de l'office
dmo^ on abolit l'usage de l'huile dans reuréme-ODC lion, etc. '.
De la TéfoTmatioii en Angleterre tous la reine Marie.
Après la mort d'Edouard VI , Marie , fille de Henri VIII el de
Catherine d'Aragon, monta surletrdne. Cette princesse , au mi-
lieu du schisme , était restée inviolablement atiacliée au saint
Siège , qui avait dérendu les droits de sa naissance avec une Ter-
uelé inQexible. Pendant le règne d'Edouard, elle s'opposa de
toutes ses forces aux réforroaieurs , dont les principaux diefs
avaient eu tant de part dans l'affairedu divorce.
Lorsqu'elle fut monléesur le trûne, elle se livra à toute l'ardeur
de son zËle pour le rétablissement de la religion citholique.
Il Tallait, pour y réussir, renverser la religion protestante , ap-
prouvée par le parlement et reçue par une grande partie de la
Cardiner et les principaux des catholiques prétendaient qu'il
bilail remettre la croyance dans l'état oCi elle était  la mort de
Henri Vllt, et qu'ensuite on rétablit par degrés tout ce qui avait
été changé ou aboli depuis la rupture avec Rome.
La reine , au contraire , avait du peu<:liant â rentrer d'abord
dans l'unité de l'élise cathulique, et considérait Cardiner comme
un politique qui s'accommodait au temps.
Cependant, pour paraître mettre quelque prudence dans son
entreprise, elle déclara , dans son conseil , qu'encore qu'elle lilt
déterminée sur la matière de la religion, elle ne contraindrait
personne; qu'elle laissailâ Dieu le soin d'éclairer ceux qui étaient
dans l'erreur, et qu'elle espérait qu'on reviendrait dès que l'b-
Tangile serait prêché purement , el par des théologleus ornés de
piété, de vertus et de lumières.
Bieot&t après, les évéques déposés revinrent dans leurs sièges;
l'évéque de Londresse l'endit dans sa cathédrale, et jr entendit le
■ermon de son chapelain. Comme ce prédicateur exaltait extrême-
ment Mn évi)que , et qu'il censurait vivement ceux qui l'avaient
maltraité , l'auditoire s'émut ; ou lui jeta des pierres , et on lui
tança on poignard avec tant de ruree , que le prédicateur ayant
■ BuriiH, 1. 3, p. &SI).
étitéle eôilp, le poi|iii)rd entra dans le bois de la chaife et y ie-
méutà,
La reine) pour prévenir les désordres qui pouvaient nattre dé
rindiscrétion des prédicateurs , donna ordre à Gardiner d'expé-
dier, sous le grand seeau, des provisions de précliery aux théolo-
giens qu'il croyait sages , éclairés , prudens et capables de bien
annoncer la parole de Dieu.
Ces prédicateurs étaient en droit de monter en chaire partout
ob le chancelier les enverrait^ soit dans les églises cathédrales,
soit dans les paroisses.
Malgré l'interdiction des prédicateurs , la plupart des Protes-*
tans continuèrent â prêcher; et M. Burnet , qui avait blâmé cette
désobéissance dans les catholiques, sous Edouard YI, la canonisé
dans les Protestans , sous Marie ^.
Les étrangers qui s'étaient retirés en Angleterre, sous Edouard,
et ceux qu'on avait appelés, eurent ordre de sortir du royaume.
La reine convoqua ensuite le parlement, et retint, dans les let-
tres de convocation, la qualité de souverain chef de V Église d'An-»
fleterte» Elle fit réhabiliter le mariage de Henri YIII avec Cathe-
rine d'Aragon (le 1*<^ octobre 1553) : on révoqua ensuite les lois
qu'Edouard avait faites sur la religion, et l'on ordonna qu'après le
20 décembre toute forme de service cesserait en Angleterre, hor-
mis celui qui avait été en usage à la fin du règne de Henri YIII.
Pour assurer le succès de celte loi , on renouvela celle que les
réformateurs avaient fait porter contre les catholiques , sous
Edouard : on déclara coupables de félonie , et par conséquent di-
gnes de mort, ceux qui , s'étant assemblés au nombre de douze
ou davantage pour faire des changemens dans la religion établie
de droit public, ne se séparaient pas, une heure au plus tard« après
en avoir été requis par le magistrat ou par quelqu'un autorisé de
1a reine.
Le mariage de la reine avec Philippe d'Espagne occupa la cour
et occasiona des mouvemens dans les provinces ; on les apaisa ,
et lorsque la tranquillité fut rétablie partout, la reine envoya or-
dre auxévéques de faire au plus tôt la visite de leurs diocèses ;
de faire observer les lois ecclésiastiques qui avaient eu cours du
vivant de son père ; de cesser de mettre son nom dans les actes des
oflicialités; de n'exiger plus le serment de suprématie; de ne con-
* Burnet, i. 3, p. 420,
ÂSG »
MMS ï aiicun liomme soup(onoé d'hérésie, el de punir
les hérËliquee; elle voulait, déplus, que l'oa cliassil les ecclésiae-
liqu es mariés, el qu'on les cuntraignll de se séparer de leurs fêlâ-
mes ; enfin, elle voulait que les gens d'alise ordonnés suivaoi le
cérémonial d'Edouard VI, a'étanl pus légitimement ordonués , le
diocésain suppléit ce qui manqunil. Eu conséquence de celle or-
donnance, quaire ëvéques mariés Turenl déposés; la noutetie li-
lurgie fut abolie, el ta messe rélablie parioui'.
Le parlemenl cassa toutes les lois l'allés contre le saint Siège ,
et renouvela loutes celles qu'on avait fuites contre les hérétiques
eoiis Aicbard II et sous Uenri IV.
Le cardioal Polus fut nommé légat en Angleterre, cl, lorsqu'il
; fut arrivé , il s'opposa aux eanseils violens de quelques minis>
1res de la reine ; il voulait que les pasleuis eussent des entrailla s
de compassion, même pour leurs ouailles perdues , et qu'en qui-
lité de pères spirituels , ils regardassent leurs enfaus dans l'égarc-
luent eomiue des malades qu'il Tant guérir, et non pas tuer ; il
remoDlrail que la trop grande rigueuc aigrit le mal ; qu'on devait
mettre de la ditTérence eulre un Ëtat pur, oti un petit nombre de
docteurs se glisse, et un rojaumedoni le clergéet les séculiers se
Irouventplongèsdans un alilme d'erreurs; qu'au lieu d'employer
la force pour les déraciner, il fallait donner au peuple le temps
de s'en défaire par degrés.
Le cbancclier Gardiner prétendait, au contraire , que pour ré-
doire les Prolestans il ne fallait compter que sur la sévérité des
wdonnanccs portées contre les Lollards.
La reine prit un milieu entre Polus et Gardiner, ou plutôt elle
suivit l'un et l'autre en partie; elle eihortu le légal h iravaillur à
laréformedu clergé, el chargea Gardiner d'agir contre les héré-
tiques : ce dernier en fit arri^ler un assez grand nombre, et l'on
en brûla une partie.
Toute l'Angleterre tomba dans une extrême surprise ï la vue
de tant de feux ; les esprits s'aigrirent à la vue de ces terribles
«ipplices ; ceux qui penchaient vers la religion réformée en eu-
rent alors une bien plus haute idée ; et la constance avec laquelle
les Proiesians allaient au supplice inspira delà vénération pour
leur religion , et de l' aversion pour les ccdésiastiques et pour les
cathdiques, qui ne pouvaient tependanl les convertir véritable-
ment qu'en gagnant leur confiance.
^^ » Onruel, L 3, p. 105, UO.
I
iOO ANG
Insensiblement le feu des bûchers alluma le fanatisme dans le
cœur des Anglais ; les réformés professèrent leur religion avec
plus de liberté, et firent des prosélytes.
Sur Tavis que Ton eut que TAngleterre était pleine de livres
hérétiques et séditieux , la reine donna Un édit qui portait que
quiconque aurait de ces livres et ne les brûlerait au plus tôt, sans
les lire , sans les montrer à personne , serait estimé rebelle , et
exécuté sur-le-champ selon le droit delà guerre; elle fit défendre
ensuite de parler aux Protestans qu'on conduisait au supplice ,
de prier Dieu pour eux, et même de dire : Dieu les bénisse.
Plus de deux cents Protestans périrent dans les flammes, plus de
soixante moururent en prison, beaucoup sortirent d'Angleterre,
et un plus grand nombre dissimula ses senti mens pour conserver
sa liberté et sa fortune. Ces derniers éprouvèrent les plus cruels
remords et conçurent une haine mortelle contre les catholiques
qui les avaient réduits à ces extrémités.
Tandis que Ton recherchait et que Ton brûlait les Protestans,
les élémens et les maladies contagieuses semblaient ligués contre
TAngleterre ; elle éprouva des malheurs, des revers fâcheux ; le peu-
ple prit de Taversion pour le gouvernement. La reine fit représenter
aux communes le fâcheux état du royaume et le besoin qu'elle
avait de leurs secours ; mais la chambre des communes était si
mal satisfaite du ministère qu'elle ne fit rien sur les demandes de
la reine. Cette princesse, consumée de mélancolie et accablée de
chagrins, mourut le 17 novembre 1558, âgée de quarante-trois
ans ; « Reine digne d'une mémoire éternelle, selon le P. d'Or-
» léaus, si elle eût plutôt suivi l'esprit -de l'Église que le génie de
9 la nation ; si, dans une révolution de religion, elle eût moins
» imité la rigueur de ses ancêtres dans celle de l'État ; en un mot,
» si elle eût plus épargné le sang, si elle se fût distinguée par-là
» de Henri, d'Edouard et d'Elisabeth, et si elle eût fait réflexion
» que les voies trop violentes d'induire le peuple au changement
» conviennent à l'erreur qui ne porte point de grâce, non à la vé-
» ritable foi qui porte avec^ elle le secours nécessaire pour se
» faire volontairement suivre^.»
De la réformation sous Elisabeth.
Après la mort de Marie, Elisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne
de Boulen, monta sur le trône ; elle était née en quelque sorte
1 Hist. delà révoL d'Angleterre, t 3, p. 186,
ANG 101
ennemie de Rome et du pape ; celle disposition fut fortifiée par
la réponse que le pape fil au résident d* Angleterre : le souverain
pontife déclara « que TAngleterre était un fief de Rome ; qu'Ëli-
» sabeth n^y avait aucun droit, étant bâtarde ; que pour lui il ne
> ponvait révoquer les arrêts de Clément Y11 et de Paul ID, ses
9 prédécesseurs ; 'que ç*avait été une insigne audace à elle de
» prendre possession de la couronne sans son aveu ; que par-là
> elle était indigne qu'on lui fît la moindre grâce ; que si toute-
> fois elle renonçait à ses prétentions et qu'elle en passât par le ju-
» gemoit du saint Siège, il lui marquerait une affection pater-
> nelle et lui ferait tout le bien imaginable, pourvu que la
» dignité du vicaire de Jésus-Christ ne fût pas blessée *, »
Ûisabeth prit la résolution de soustraire l'Angleterre à Tobéis-
sanoe de Rome à laquelle Marie l'avait soumise. Elisabeth savait
que Hmri Ylll, son père, et Edouard YI, son frère, s'étaient vus
fort embarrassés au milieu des divisions de leur État ; que ces
Bnèmes divisions avaient été fatales à Marie, sa soeur, qui n'eut ja-
mais le plaisir de voir son peuple ni lui aider à défendre Ca-
laisy ni la secourir pour reprendre cette place ; la nouvelle reine
forma donc le projet, et de se rendre indépendante de Rome, et
d'établir dans son royaume un corps de doctrine et un culte qui
pussent réunir tous ses sujets dans la profession d'une même re-
ligipD.
L'exécution de ce projet faisait d'ailleurs, dans son règne, une
époque glorieuse ; elle assurait la tranquillité de ses États etren-
dbit sa puissance plus redoutable aux étrangers. Pour réossir,
eDe résolut de prendre un milieu dont tout le monde fût à pea
près satisfait; et, comme elle avait déjà remarqué la facilité du
dergé à approuver l'abrogation de l'autorité dû pape et les chan-
gemens de la religion, elle résolut de suivre la même route, mais
sans rien précipiter.
Elisabeth craignait que le pape ne l'excommuniât, qu'il ne la dé-
posât et qu'il n'armât contre elle toute TKurope. Il était possible
que le roi de France saisit cette occasion d'inquiéter l'Angle-
terre, et que, secondé des Écossais et des Irlandais, il y excitât
des troubles que les évêques et les catholiques d'Angleterre pou-
vaient rendre infiniment dangereux, en irritant le peuple contre
elle.
* Bomct, L â, p. 350.
9*
m ANQ
Pour préf enir ce péril, Elisabeth fit sa paix $tvec Henri tli roi
de France, appuya secrètement les réformés de ce royayme, pror
iégea les Écossais qui désiraient la réformation;, distribua de Far-
gent aux chefs des principales n^aisons d'Irlande, affaiblit secrè-
tement le crédit des principales créatures de Marie, fit reconnaître
son droit à la couronne et se fit reconnaître par les deux chambres
du parlement pour la véritable reine, conformément aux lois, di-
vines et à celles du pays ^.
Le parlement confirma ensuite les ordonnances faites au sujet
de la religion, sous Tautorité d'Edouard VI, Quatre jours après,
on proposa de rendre à la reine la nomination des évêques, selon
que son frère en avait joui ; Tordonnance pour la primatie ecclé-
siastique passa dans la chambre des seigneurs. Le 18 mars, on re-
nouvela les lois de Henri YllI contre la juridiction du pape en An-
gleterre, et Ton abrogea les ordonnances de Marie qui y étaient
opposées ; on déclara que le droit de faire les visites ecclésiastir
ques et de corriger ou de réformer les abus était annexé pour
toujours à la couronne, et que la reipe et ses successeurs avaient
le pouvoir d'en remettre l'autorité entre les mains des personnes
qu'ils jugeraient à propos d'employer. Il fut encore résolu que
ceux qui auraient des charges publiques, militaires ou ecclésias-
tiques, jureraient de reconnaître la reine pour souveraine gouver*
nante dans l'étendue de ses États et en toutes sortes de causes se-*,
culières et ecclésiastiques ; que quiconque refuserait de prêter ce
serment serait déchu de ses charges et incapable d'en posséder.
Le pouvoir que le parlement donna à la reine de faire exercer
sa primauté par des commissaires fut l'origine d'une commission
qui fit les visites.
Elisabeth, en se soustrayant à l'autorité du saint Siège, voulait
cependant concilier, autant qu'il lui était possible, ses sujets et
les réunir dans le même culte ; elle établit des conférences entre
' ■ • -y
les évêques catholiques et les théologiens réformés,
La reine avait pris son parti, et les conférences n'étaient éta-
blies que pour gagner les catholiques ou pour mettre du côté de
la reine l'apparence de la justice et faire juger qu'elle avait cher-
ché la vérité et que les catholiques avaient succombé dans l'exa-
men que l'on avait fait de leur doctrine. Les conférences ne ra-
menèrent donc personne à'I'Église catholique ; mais le parlement
* Buniet, t, A, p. 350,
ANC tt)
fit une loi toucLanl runiformilé dans le service de l'Ëglisi
Les EÉatices du parlemeol ijlanl finies, les évéques et le reito
du dergé reçurent ordre de venir prêter le Bermcnt de Eupréma-
tJe> c'est-à-dire de veuir recosnallre la primauté ecclësîtutiqiu
I |)e la reine et de reoencer ï celle du fape : ils refusèreat de I9
fltiK; on les mit en prisun, el ils fureat dé|iosés.
La reine fil faire des r^gleioeag pour la tisiie dos diocèses,
des raandemens dans lesquels elle alla plus loin qu'Edouard VI >.
Quand les commissaires firent , en I5t)9, le rapport du succèt
de leur visite, on apprit que tout le royaume recevait avec sou-
mission les ordoQuances du parlement et les maudemens de la
reine ; et , par le calcul qui en Tut fait , nn trouva qu'encore qu'il
y eût alors ueuf mille quatre cents bénéfices en ADgleierre, tout
embrassait la réformaiiou, à la réserve de quatorze évëques, de
lix dojens, de douze archidiacres , de quinze principaux de coU
I \ige, de cinquante L-banoines et de quatre- via gis eûtes.
I Ainsi, parle moyen du parlenieul, Hearï VIII établît en Angle^
Icare une religion mêlée , qui n'était ni entièremeut romaine , ni
entièrement protestante, et qui tenait quelque chose de l'une ot
de l'autre; ce prince faisait à cet égard ce qu'il jugeait â propos;
U ajoutait, il retranchait; et, comme s'il eût été infaillible, il
s'avait qu't faire connaître ses seniimeDS pour que le parlement
les approuvai et leur donnJlforcedeloi.
Par la méye voie, les gouverneurs d'IiJauard VI tirent cnsscr
les lois de Qenri Vlll qui leur déplurent, et établirent la réforme,
Uarie se servit du même moyen pour abolir 11 réforaiation et
pour rétablir U religion catholique dans l'état oii elle était avant
le schisme do Henri Vlll; enfin, Elisabeth trouva la même faci-
lité i faire rétablir la réformatiun par te parlement.
Peut-on dire que les Anglais aient ainsi changé du blanc ay
noir volontairement k chaque règne, selon qu'il plabaitk leuff
souverains! Non, sans doute, continue M. Thoïras; mais, dit-il,
les sentîmens du plus grand nombre des députés il la chambrf
basse étaientchangcs en statuts, qui étaient censés confornies auf
lenlimens de U nation ; par-lk ceuï qui ne les approuvaient pgf
étaient obligés de feindre; et, sous les quatre règnes dont on vient
de parler, on vit , dans l'espace d'environ trente ans , les mémei
personnes condescendre ï quatre cbangemens de rcligioD couleur
■ Bumcf, 1. 1| p. AD7.
1
I
104 ANG
tifs , selon qu*il plaisait aux rois /aux reines et aux chambres des
communes.
La plupart de ceux qui embrassèrent la réforme conservèrent
leurs sentimens , parce qu*on les avait forcés et qu*on ne les avait
pas convaincus ; et si le règne d^Ëlisabeth n*eût pas été long et
qn*un prince catholique fôt monté sur le trône d'Angleterre avant
la mort dé tous les catholiques anglais, il eût été facile d*anéantir
la réforme. De là naquirent tant de projets d'attaquer TÂngleterre
•vec des forces étrangères, ou par TÉcosse , ou de quelque autre
côté : ceux qui formaient ces projets ne doutaient nullement que
les catholiques anglais ne se joignissent aux étrangers ^
De la réforme établie et fixée par Elisabeth,
Elisabeth , pour affermir la réforme , résolut de publier , 1* un
corps de doctrine , ainsi qu'on l'avait fait sous Edouard VI ; 2* de
donner au peuple une nouvelle version de la Bible ; 3** de faire
des règlemens pour les tribunaux ecclésiastiques.
Le corps de doctrine dressé par les évéques , sous Elisabeth ,
n'est pas le même que sous Edouard.
Sous ce prince , les Zuingliens et les Luthériens avaient eu la
meilleure part au changement qu'on avait fait dans la liturgie;
ainsi, ils avaient presque anéanti tout le culte pratiqué sous
Henri Vlll.
Elisabeth , élevée dans la haine du pape et dans \% zèle pour la
réforme , aimait cependant les cérémonies que son père avait re-
tenues ; elle recherchait l'éclat de la pompe jusque dans le culte
divin ; elle estimait que les ministres de son frère avaient outré la
réforme dans le culte extérieur, et qu'ils avaient trop dépouillé la
religion et retranché mal à propos les ornemens du service divin ;
elle jugea qu'ils avaient resserré certains dogmes dans des limites
trop étroites et sous des termes trop précis ; qu'il fallait user
d'expressions plus générales , afin que les partis opposés y trou-
vassent leur compte ; son dessein était surtout de conserver les
images dans les églises , et de faire concevoir en des termes un
peu vagues la manière de la présence de Jésus-Christ dans l'eu-
charistie : elle trouvait fort mauvais que , pour des explications si
subtiles , on eût chassé du sein de TËglise ceux qui croyaieiit la
présence corporelle.
1 Abrégé des actes de Rymer, p.|^âA6.
ANG 105
La qualité de souverain cher de l'Eglise lui déplaisait encore ;
l'atiiorité lui on paraissait irop étendue et trop approchante de la
puissance de Jésus-Christ ' .
La reine n'eiécuia cependant pas tout son plan de liturgie; elle
consentit que l'on ôlàl les images , et , malgré sa répugnance ,
elle conserva la suprématie dans toute son étendue ; le parlement
s'attribua conslatn ment la décision sur lepoinldel'eucharistie,et
ce point essentiel de la réforme d'Edouard VI fut changé sous
Elisabeth ; enfin, on fixa les points de la confession de r%lise
anglicane, et cette confession fut approuvée dans un synode de
Londres, tenu l'an 1563.
Cette confession est contenue en treote-neuf articles : dans les
cinq premiers, on reconnaît l'eiistence et les attributs de Dieu, la
Trinité , l'Incarna l'ion , la descente de Jésus-Cbrîsl aux enfers, sa
résurrection et la divinité du Saint-Esprit.
Dans les sixième, septième et huitième, on dit que l'Écriture
sainte suffit pour régler la foi et le culte des chrétiens ; on j déter-
mine le nombre des livres canoniques ; on ; retoit le symbole de
Nicée, celui de saint A.tbanase et celui des apâtres.
Depuis te neuvième jusqu'au dix-huitième, on traite du péché
originel , du libre arbitre , de la justification des bonnes œuvres,
des œuvres de surérogalion , du péclié commis après le bap-
tême , de la prédestination , et de l'impossibilité d'être sans
pécbé.
Sur tous ces points, l'Église anglicane lâche de tenir on milieu
entre les erreurs des Proleslans et les dogmes de l'Église catho-
lique : on _v condamne te Pékigianisme et le semi'Pélagiantsme ;
mais on ne dit pas que la concupiscence soît un péché ; on ne nie
point le libre arbitre; on n'y condamne point les bonnes œuvres;
on ne dit pas que les actions faites atant la justification soient des
péchés, mais que, ne se faisant pas par la foi en Jésus-Christ, elles
ne peuvent être agréables ï Dieu ni mériter la grJce en aucune
manière ; on prétend , au contraire , que ces actions ne se faisant
pas comme Dieu veut qu'elles soient faîtes , elles participent de la
nature du péché.
On y reconnaît que Jésus-Christ seul est exempt de péché; qne,
même après le baptême, les hommes pèchent et peuvent se récon-
cilier ; on condamne donc le dogme de l'inamissibilité de la grâce :
> Burocl, I. t, I. 3,
I
I
106 ANG
OD y enseigne la prédestination gratuite , et Ton ne parle past de
la réprobation de Luther et de Calvin.
Dans les dix-neuvième , vingtième, vingt-unième, vingt-
deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième, on parle de rÉglise,
de son autorité, de ses ministres , des conciles, du purgatoire,
de la nécessité de faire Toffice en langue vulgaire.
L'Église est définie l'assemblée visible des fidèles, dans la*
quelle on enseigne la pure parole de Dieu , et dans laquelle on adr
ministre les sacremens selon institution de Jésus-Christ. On n^
dit pas que TÉglise soit une assemblée de prédestinés et une sq*
ciété invisible, mais on déclare que TÉglise romaine s'est troBdr
pée sur le culte et sur le dogme.
Cette Église visible n'a pas le droit d'obliger à croira ce qnl
n^est pas renfermé dans la parole de Dieu ; mais c'est che^ e\\$
qu'il faut aller chercher la parole de Dieu , dont elle est déposi*
taire et conservatrice.
L'infaillibilité des conciles généraux y est niée , aussi bien que
le purgatoire , les indulgences , la vénération des reliques et des
images , l'invocation des saints ; mais on les rejette comme inur
liles , contraires à la parole de Dieu : on ne dit point que ces pra-
tiques soient superstitieuses ou idolâtres*
Pour les ministres , on croit qu'ils ne sont véritablement mîr
nistres que lorsqu'ils ont reçu la vocation de la part des ministres
que Dieu a établis pour choisir les prédicateurs et pour leseuseigner^
Par cet article, l'Église anglicane condamne les apôtres de la
réforme; car certainement Luther, Calvin, etc., n'ont point été
chargés d'enseigner par les ministres de l'Église visible, auxquels
cependant il appartenait de les appeler.
Dans les art. 25 , 26 , 27 , 28 , 29 , 30 , on parle des sacremens,
de leur efiicacité, du baptême , de l'eucharistie, du sacrifice de
la messe.
L'Église anglicane reconnaît que les sacremens ne sont point
des signes destinés à faire connaître extérieurement que nous
sommes chrétiens , mais des signes efficaces de la bonté de Dieu^
par le moyen desquels il opère en nous et confirme notre foi^
On ne reconnaît que deux sacremens , le baptême et la cène ,
dont l'efficacité est indépendante de la foi ou de la piété des mir
nistres ; cependant on veut que l'élise veille , pour qu'on ne
confie l'administration des sacremens qu'à ceux que leur piété et
leur conduite rendent dignes d'un si saint ministèrç.
ANG
lût
L'ËglUe aDglicane d^are que le bapléme n'est pas seulement
le signe de noire associalion au christianisme, mais le signe par
lequel nous devenons enfans de l'Ëglise , et qui produit en nous
la loi et la grâce.
On reconnaît que la cène est un vrai sacrement , et la commu-
nion du corps et dn sang de Jésus-Christ. On dit ensuite que ce-
pendant on ne mange Jësus-CLHst que spiriiuelIemeDl , et que le
moyen par lequel on mange le corps de Jésus-Christ, dans la cène,
est la loi; niais on reconnaît que l'on mange vérilablement la
corps et le sang de Jésus-Christ ; qu'il ne faut cependant pas ,
paur cela, croire que la nature du pain suit anéantie , ni admettre
[■ Iraossubstantialion , parce qu''on ne peut la prouver par l'Ëcri-
ture, parce qu'elle est contraire i la nature du sacrement et est
une source de superstition,
On voit , daus la manière dont l'Église d'Angleterre s'explique,
combien elle est embarrassée pour ne pas reconnaître le dogme
de la présence corporelle , et avec quel soin elle a cherché des
expressions qui ne fussent point contraires il ce dogme'.
li'Ëglise anglicane se déclare pour la communion sous les deux
npëces , et nie que l'eucharistie soit un sacrifice-
Dans les articles trente-deux jusqu'au trente-neuvième , on con-
damne le célibat des ecclésiastiques; on reconnaît dans Tt^glisa
le pouvoir d'ex(o)nmunier ; ou rejette la nécessité de la tradition
et l'autorité que les catholiques lui attribuent; mais on déclare
qu'aucun particulier n'a le droit de changer les cérémonies et le
culte établi parla Iradilion ; les Églises particulières ont seules ca
droit, encore faut-il que ces cérémonies soient d'institution pu-
rement humaine , et que le retranchement qu'on en fait contribua
i l'édification des fidèles. On approuve la consécration des évêquea
et l'ordinalion des prêtres et des diacres selon le rituel d'E-
douard Vl ; enfin , on y confirme tout ce que l'on a fait sur la su-
prématie du souverain et contre le pape.
Les réglemens et les canons pour la discipline ne furent pas
dressés sitût; il en parut quelques-uns en ISTt, et bien davan-
tage l'an 1397 ; on en publia un recueil beaucoup plus ampla
en 16D3 , au commencement du règne de Jacques 1". Ce détail
appartient i l'Iiistoite de l'I^glise anglicane : nous rapporterons
* VoS'^i Corpus conressionumfidel, Gcnor, lO&j, aii titre Coufcs-
108 ANG
seulement ce que M. Buhtet pense de tous ces règlemens : « Pour
» en dire la vérité , on n*a pas encore donné toute la force néces-
» saire à un dessein si important; les canons de la pénitence n*ont
9 pas encore été rétablis ; le gouvernement de TËglise anglicane
» n*est pas encore entre les mains des ecclésiastiques , et la ré-
» formation est imparfaite jusqu'ici en ce qui regarde la conduite
» de rËglise et la discipline ^. »
Cependant M. Burnet s*efibrce continuellement de nous repré-
senter la réforme comme un ouvrage de lumière.
Nous avons réfuté les dogmes de TËglise anglicane sur la pré**
sence réelle et sûr la transsubstantiation , à Farticle Bérengeb ;
son sentiment sur Tinvocation des saints, sur les images, sur le
célibat des prêtres , aux articles Vigilance , Iconoclastes : nous
réfutons son sentiment sur la faillibilité des conciles , à Tarticle
nÉFORME.
pes sectes que la réformation a produites en Angleterre,
La réformation de TÂngleterre , cet ouvrage de lumière , selon
li. Burnet, ne tarda pas à devenir un ouvrage de confusion; plu-
sieurs Anglais, qui avaient été fugitifs sous le règne de Marie,
retournèrent en Angleterre , pleins de toutes les idées de la ré-
forme de Genève , de Suisse et de France : ces Protestans ne pu-
rent s^accommoder de la réforme d'Angleterre , qui , à leur gré ,
n^avait pas été poussée assez loin.
Ces réformés ardens se séparèrent de TÉglise anglicane et
firent entre eux des assemblées particulières , auxquelles on
donna d'abord le nom de conventicuJes, On appela aussi Presby-
tériens ceux qui s'étaient ainsi séparés^ parce qu'en refusant de
se soumettre à la juridiction des évéques , ils soutenaient que tous
les prêtres ou ministres avaient une égale autorité, et que l'É-
glise devait être gouvernée par des presbytères ou consistoires ,
composés de ministres et de quelques anciens laïques, ainsi que
Calvin l'avait établi à Genève.
11 se forma donc sur ce sujet deux partis qui, au lieu d'avoir
de la condescendance Tun pour l'autre, commencèrent à s'inquié-
ter mutuellement par des disputes de vive voix et par écrit.
Ceux qui adhéraient à l'Église anglicane trouvaient fort mauvais
* Burnet, t à, r* àSi,
ANfî 109
qae des particuliers prétendissent réformer ce qui avait été établi
par des synodes nationaux et par 1& parlement.
D'un autre côté, les Presbytériens ne trouvaient pas moins
étrange qu'on voulût les assujétir à pratiquer des choses qu'ils
croyaient contraires à la pureté de la religion, et on les nonmia à
cause de cela Puritains.
On voyait donc les évêques et le parlement traiter comme des
hérétiques les réformés qui ne voulaient pas suivre la liturgie éta-
blie par Elisabeth, tandis qu'une partie de la nation anglaise n'é-
tait pas moins choquée de voir un ministre faire l'office en surplis
que d'entendre prêcher une hérésie , et traitait de superstitions
idolâtres toutes les cérémonies que l'Église anglicane avait con-
servées.
Les partisans de la liturgie furent nommés Ëpiscopaux , parce
qu'ils recevaient le gouvernement épiscopal ; on les appela aussi
Conformistes, parce qu'ils se conformaient au culte établi par les
évêques et par le parlement.
Les Presbytériens s'appelèrent, au contraire, non Gonformisl«s
ou Puritains.
La hiérarchie est le point principal sur lequel ils sont divisés.
Depuis que ces deux partis se sont divisés , chacun a travaillé
avec ardeur à gagner l'avantage sur l'autre : les différens partis
politiques qui se sont formés en Angleterre, pour ou contre l'auto-
rité du roi, ont tâché d'entraîner dans leurs intérêts ces deux par-
tis ; et comme, dans l'origine, les Presbytériens ou les puritains
furent dans l'oppression , parce que l'autorité royale et celle du
clergé étaient réunies contre eux , les Presbytériens se sont atta-
chés aux ennemis de la puissance royale, comme les Ëpiscopaux se
sont attachés aux royalistes : ces deux sectes ont eu beaucoup de
part aux mouvemens qui ont agité l'Angleterre ; les Puritains fu-
rent la cause principale de la révolution qui arriva sous Char-
les 1, et depuis ce temps ils font le parti le plus nombreux ^.
LesSociniens, les Anabaptistes, les Ariens profitèrent delà con-
fusion que produisait la réforme en Angleterre pour s'y établir ,
et ils y firent des prosélytes ; enfin, les Kouakres sont sortis du
sein même de la réformation anglicane , et toutes ces sectes sont
tolérées en Angleterre.
* Thoiras, Hist. d'Angl, t 8. Règne de Charles I", ibid. Dissert,
sur les wighs et sur les tories. R<^vol. d'Angleterre, t. 3, I. 9.
I. 10
110 ANT
Nous parlerons plus amiilemeut des Prcsbylériens et des Épis-
copaux aux art. PaBSBYTéaiEi^, Épiscopaijx.
ANOMÉENS ivoyei Eunomiens.
ANTHlASiSTES. Philaslrlus parle de cette secte, sans savoir
dans quel temps elle a paru t ils regardaient le trafoil comme un
crime, et passaient leur vie à dormir.
ANTHROPOMORPHITES ou Aktro^hiess , hérétiques qui
croyaient que Dieu avait un corps de figure humaine.
Ils se fondaient sur un passage de la Genèse, dans lequel Dieu
dit : Faisons Thomme à notre image, et sur tous les passages de
rÉcriture qui attribuent à Dieu des bras, des pieds, etc. *,
11 y eut de ces hérétiques dès le quatrième siècle et dans le
commencement du dixième (931).
Ce siècle ignorant et grossier ne produisait que des erreurs de
eette espèce : on voulait tout imaginer, et Ton se représentait tout
sous des formes corporelles: onue concevait les anges que comme
des hommes ailés , vêtus de blanc , tels qu^on les voyait peints sur
les murailles des églises ; on croyait même que tout se passait
dans le ciel à peu près comme sur la terre : beaucoup de personnes
croyaient que saint Michel célébrait la messe devant Dieu tous les
lundis f et par cette raison ils allaient à son église ce jour^là plu*
tôt que tout autre ^.
ANTIDICOMAAIANITES ou Antihariens: ce sont ceux qui ont
nié la vifginité de la mère de Jésus-Christ, et qui prétendaient
qu'elle avait eu plusieurs enfans de Joseph , parce qu'il est dit ,
dans rÉvangile , que Jésus-Christ avait des frères. Voyez Helvi-
BIUS ^.
ANTINOMIENS, c'est-à-dire ennemis de la loi. Voyez Agri-
COLA, qui en fut le chef.
ANTIOCHE : le schisme de celte ville dura près de 85 ans ; en
voici Torigine :
Les Ariens ayant chassé Eustathe d'Anlioche mirent h sa place
Eudoxe, Arien 2élé, et beaucoup de catholiques restèrent attachés
à Eustathe.
Lorsqu'Eusfathe fut mort et qu*Eudoxe eut été transféré à Con-
staniinople, il se fit beaucoup de brigues et de factions pour don-
* Nicephor., 1. 11, c. 14 ;l. 13, c. 10. Itllg., De hser., p. 190,
2 Hisl, littéraire (le France, l, i^,, p, 10,
>£pipb.|Hier.| 7d,
J
A^T iifi
néféqne i Anlioche; chaque parti ijcliail de Taire élii
un liouiDie qui lui Sùi alUcliÉ ; après bieo d^s débals, lei
partis se réunireDl en faveur de Méléce; il fui uboi^i uniiiime-
Héléce, dam ses seroioDs , condamna les senti oieus des Ariens;
il fui exilé, el les AricDs élurent en &a place Eusoïas, Arien lélé ;
alora les cailiolïquïs aitacliésï Mcliics se séparèrent, el ûreul
leurs assemblées ù part '.
Anlioche letruuva donc divisé en trois partis , celui des catho-
liques attachés à Eustaihe, qui ne voulurent communiquer, ni avec
les Ariens, ni avec les catlioliques 3itaclic.s à Méléce, parce qu'ils
regardaient tel évêque comme élu par la Oiction des Ariens ; le
KGond parti était celui des catholiques attachés à Uéléce , el Is
Iroïuème àisîl celui des Ariens.
Ces trois partis avaient rempli la rille de divisions et de iroiiT
blés. I
Lorsque Julien fut parvenu à l'empire , il rappela tous les éi^t I
ques exilés :alorsUéIéce, Lucifer de Cagliari, Eusèbe de Verccîl, 1
partirent de la Thébalde pour revenir dans leurs églises. ■
Eusèbe de Verceil alla à Alexandrie, oii l'on assembla un coDcilai I
Hais Lucifer de Ca)i;llari , au lieu d'aller i Alexandrie, allaDl
Anlioche, ponr j rétablir la paix entre les Eustathicns et les UA^ l
Ugmds. Comme il ironva les Eusiaihiens plus opposés i la rèanioK
que les Méléciens, il ordonna évoque un nommé Paulin , qui élail
alors le chef des Eustatliiens, persuadé que les Uéléciensqui mar-
qnaiw fiiu de désir de la paix se réuniraient à Paulin ; mais
il se trotnpa , le parti de Uéléce lui resta constamment attaché ,
M le Khiame continua: les évêques d'Orient furent pour Méléce,
et les^T^quca d'Occidenl pour Paulin.
Celle dirision fut entretenue par une diCTérence apparente dans
la doctrine : les lléléciens et les évèques d'Orient soutenaient
qu'il bllait dire qu'il y avait en Dieu trois hjpostases, entendant
par le mot hgpoilate la personne.
Paulin el les occidentaux , craignant que le terme d'hjpostai
ne lût pris pour nature , comme il l' avait été aulrefoi
hieDi pas souffrir que l'on dit qu'il ; avait en Dieu U
Uses, ein'en reconnaissaient qu'une.
Quoique ce ne fût qu'une dispute de mots, el que, dans le fon^ |
5, c. 5. Sul|iîiius.&efer„ I. lo. Tbced.) l 11- e. KtM
112 ANT
ils convinssent de la même doctrine , cependant ils parlaient et
croyaient penser différemment ^.
Ce schisme commença à s'apaiser par la convention que Méléce
et Paulin firent ensemble , qu'ils gouverneraient conjointement
rÉglise d'Ântioche; que Tun des deux étant mort , personne ne
serait ordonné à sa place, et que le survivant demeurerait évéque.
Les évêques d'Orient, sans avoir égard à cette convention, choi-
sirent , après la mort de Méléce , un nommé Flavien : Paulin , de
son côté, se donna un successeur, et ordonna Evagre évéque.
Le concile de Capoue nomma Théophile et les évêques d'E-
gypte pour juger cette contestation ; mais Flavien les refusa, et,
après la mort d'Evagre , il eut assez de crédit auprès de l'empe-
reur pour empêcher qu'on ne mît un évéque en sa place. Flavien
demeura donc séparé de la communion des évêques d'Occident ,
et ne se réunit à eux qu'en 393.
ÂNTIT ACTES , hérétiques qui se faisaient un devoir de prati-
quer tout ce qui était défendu dans l'Écriture.
Il y avait , selon ces hérétiques , un être essentiellement bon ,
qui avait créé un monde où tout était bon , et dans lequel les créa-
tures innocentes et heureuses avaient aimé Dieu. Ces hommes ,
portés par le besoin ou par l'attrait du plaisir vers les biens que
l'auteur de la nature avait répandus sur la terre, jouissaient de ces
biens avec reconnaissance et sans remords ; ils étaient heureux ,
et la paix régnait dans leurs âmes.
Une des créatures que l'être bienfaisant avait produites était
méchante : le bonheur des hommes était pour elle un spectacle af-
fligeant, elle entreprit de le troubler ; elle étudia l'homme, et dé-
couvrit que , pour le rendre malheureux , il ne fallait qu'intro-
duire dans le monde quelques idées nouvelles. Elle établit donc
dans les esprits l'idée du mal , l'idée du déshonnête ; elle défen-
dit certaines choses comme déshonnêtes , en prescrivit d'autres
comme honnêtes ; elle attacha une idée de honte à ce que la nature
inspirait ; elle le défendit sous de grandes peines : par ces lois , la
nécessité de satisfaire un besoin qui, dans l'institution de l'auteur
de la nature , était une source de plaisirs , devint une source de
maux ; l'idée du crime se joignait toujours à l'idée du bien ; le re-
mords suivait le plaisir , et l'homme était humilié par le retour
qu'il faisait sur le bonheur qu'il s'était procuré.
. 1 Basil,, epist, 140, uliùs 272.
donne en général ï
>t dans la sub-
ANT (18
L'homme , placé enlre les p^ncbans iju'il reçoit de la nature et
lu loi qui les condamne , mitrmora contre son créateur ; le monde
fut rempli de désordre et de mallieureux qui luttaient sans cesse
contre la nature , ou qui se tourmentaient pour éluder b loi ou
pour la concilier avec les passions.
Voilï, selon les Antitactes , l'origine du mal et la cause du
malheur des hommes. Les Antiiacles se faisaient un devoir de
pratiquer tout ce que la loi défend ; ils croyaient, par ce moyen ,
se replacer pour ainsi dire dans cet état d'innocence d'oh l'homme
n'avait été lire que par l'auteur de la loi , détruire l'empire qu'il
avait usurpé sur les hommes, et se venger de lui.
Les Antitactes étaient une branche de Cainites ; ils parurent
versia lindu deuxième siècle, vers l'an 160; c'étaient des hommes
voluptueux et superficiels. Vojea l'art. Caϻit(
AtSTI-TRIHITAlRES: c'est le nom que l'on
ceux qui nient le mystère de la Trioilé.
La révélation nous apprend qu'il y a trois |
le Père, le Fils et le Saint-Esprit, lesquelles e;
Btance divine : voilà le mystère de la Trinité.
La réunion des trois personnes dans une seule et unique sub-
stance simple et indivisible fait toute la difficulté de ce mystère.
On peut donc te nier, ou en supposant que le Père, le Fils et le
Saint-Esprit ne sont point trois personnes, mais des noms dilTé-
rens donnés ù une même chose ; ou en supposant que ces trois
personnes sont trois substances différentes.
L'abbé Joachim, quelques ministres sociniens , Sherlok , TVis-
Ihoii, Clark ont cru qu'on nepouvail, ni méconnaître dans l'Écri-
ture qu'il y a trois personnes divines, ni les réunir dans une seule
et unique substance, simple et indivisible ; ils ont doue cru que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit étaient trois substances différentes.
Sabeltius , Praxée, Servet, Sociu ont prétendu que la raison et
la révélation ne permettant pas de supposer plusieurs substances
divines, ni deréunirdansune seule substance simple trois person-
nés essentiellement distinguées, il fallaitque le Père, le Fils et le
Saint-Esprit ne fussent point des personnes , mais des noms diiïé'
rena donnés^ la substance divine, selon les effets qu'elle produisait.
~~|Ml y a donc deux sortes d'Anli-lriniiaires : les Trithéites , qui
le ha^r. , sccL 3, c. IS.
«14 ANT
Biippoiei»t qtiê left trois personnes divines sont trois substancts ,
ol les Unitaires , qui supposent que les trois personnes ne soni
que trois dénominations données à la même substance.
On a réfuté le Trilhéisme ^ Tarticle de Tabbé Joacbim, et l'on
a fait voir, contre Clark et contre AlVisthon, que le Fils et le Saint*
Esprit sont deux personnes divines et consubstantieUes au Père.
Voyez les art. Arius» Macedonius.
On a de plus prouvé, contre Sabellius et contre Praxée, que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois personnes , et non trois
noms donnés à «ne seule substance. On a donc établi le mystère
de la Trinité contre les Trithéites qui admettent trois personnes
divines, mais qui en font trois substances, et contre les Unitaires
qui n'admettent qu'une substance divine , mais qui regardent les
trois personnes eom^ie trois noms différens donnés à cette sub*
stance, pour distinguer ses rapports avec les hommes.
Les Trithéites et les Unitaires > si opposés sur ce dogme, s'ap^
puient cependant sur des principes eommuns , ils prétendent : 1°
qu'il est impossible que trois personnes existent dans une substance
simple, unique, indivisible ; 2" que quand il ne serait pas impossible
qH'il j eût trois personnes dans une seule substance , on ne pour-
rait en faire l'objet de noire croyance , parce que nous ne pou-
vons nous former une idée de ce mystère, ni par conséquent le
croire.
C'est à l'article Anti-tri nitaires qu'appartient proprement l'exa-
men de ces deux difficultés, dont les erreurs des Anti-trinitaires
ne sont que des conséquences.
S I. — Esl'il impossible que trois personnes existent dans une seule
substance ?
On suppose une chose impossible lorsqu'on unit le oui et le
non, c'est-à- dire lorsqu'on affirme qu'une chose e^t et n'est pas
en même temps.
Ainsi , il est impossible que trois substances ne fassent qu'une
substance , parce qu'alors cette substance serait unique et ne le
serait pas.
Mais il n'en est pas ainsi lorsqu'on suppose que trois personnes
existent dans une substance, parce que la personne et la substance
étant différenles, la multiplicité des personnes n'emporte point
la multiplicité des substances , ni l'unité de substance l'unité de
personnes.
ANT m
L*unité de substance n*exclut donc point la multiplicité des
personnes , et Ton ne réunit point le oui et le non quand on dit
que trois pefsonnes existent dans une substance.
Pour juger que deux choses sont incompatibles, il faut connaî-
tre ces deux choses , et les connaître clairement ; car le jugement
que Ton porte sur Fincompatibilité de deux choses est le résultat
de la eompararson que Ton fSsiit de ces deux choses ; Ton ne peut
les comparer sans les connaître , ni les comparer assez pour les ju-
ger incompatibles, si on ne les connaît clairement toutes deux
sous les rapports sous lesquels on les compare ; il ne suffit pas
#eB ooMialire une.
Avm, }% sais f^adé à dire que la rondeur et la quadrature sont
iaeompaûble»» lorsque j*»i une idée claire de la rondeur et de la
quadrature ; Bfiaisil est elaîr que je ferais une jugement téméraire
et même insensé si » connaissait le cercle et n*ayant aucune idée
du rouge, je jugeais que le cercle est incompatible avec le rouge.
Le raisonnement des Ânti-trinitaires n*est pas moins yicieux :
ils connaissent clairement et incontestablement qu*il y a un être
nécessaire , souverainement parfait ; mais ils ne connaissent ni
rimmensité de ses perfections , ni l'infinité de ses attributs , et ils
n'ont point une idée claire de ce que c'est que la personne en
Bieu ; cependant il ^gent que les trois personnes et la substance
divine sont inconipatibles.
Ce vice règne dans tous les raisonnemens des Anti-trinitai^es ,
et 'û, est surtout remarquable dans Tau leur des lettres sur h reli-
gion essentielle; comme ces lettres sont entre les mains de tout le
monde , j'ai cru qu'il ne serait pas inutile de faire quelques ré-
flexions sur les difficultés par lesquelles il combat le dogme de la
Trinilé« 11 fait un parallèle entre les principes que la raison admet
comme évidens , sur la nature de Dieu , et les dogmes renfermés
dans le mystère de la Trinité.
Vérité* immuable^, Dogma de la Trinité,
1. 1.
Dieu est un. H y a une Trinité en Dieu.
II. II.
Dieu est un être simple. 11 y a en Dieu trois person-
nes réellement distinctes.
116
ANT
III.
m.
Dieu est exempt de toute
composition.
IV.
Dieu est indivisible.
V.
Dieu ne peut être engendré.
VI.
Dieu n'a point d'origine, il ne
procède de personne.
En Dieu on compte le Père,
le Fils et le Saint-Esprit.
IV.
Le Père n'est pas le Fils, le
Fils n'est pas le Saint-Esprit, et
le Saint-Esprit n'est ni le Père
ni le Fils.
V.
Le Fils n'est pas moins le
Dieu suprême que le Père, car
autrement il y en aurait deux,
un suprême et un subalterne :
le Fils est engendré.
VI.
Le Saint-Esprit , Dieu su-
prême, tout-puissant comme le
Père et le Fils, procède du Père
et du Fils.
d" Lorsque l'auteur que l'on vient de citer dit que c'est une
première vérité de la raison que Dieu est^n, il veut dire , avec
tout le monde, qu'il n'y a qu'une substance divine; et lorsque les
orthodoxes disent qu'il y a trinité en Dieu, ils ne disent pasqu'il
y a trois substances divines ; donc ils ne contredisent pas cette
première vérité.
2" Lorsqu'on dit que Dieu est un être très-simple , on entend
que Dieu n'est point formé par l'union de plusieurs parties ; et
lorsqu'on dît qu'il y a en Dieu trois personnes distinctes, on ne
dit point que ces personnes composent la substance divine ; mais
on dit que , dans cette substance simple , il existe trois choses
qui sont analogues h ce que nous appelons p^r^onn^ : le dogme de
la Trinité ne contredit donc point la simplicité de Dieu.
3*» La raison démontre que Dieu est exempt de composition ,
c'est-à-dire que la substance divine ou l'être nécessaire n'est pas
formé par l'union de différentes parties; mais le Père, le Fils et le
Suint-Esprit ne sont point des parties qui composent la substance
de l'être nécessaire : ces trois personnes existent dans la substance
divine;
ANT
s apprend que Dieu est indivisible , parce que
mpoi^e de parties ; or, le Père, le Fih
^-■SM le Suinl-Espfil ne sont point des parties de la subslancc dl-
5° 1.3 raison nous apprend que Dieu ne peut Être engendi
c'est-i-dire que , la substance divine existant par elle-roèine ,
lie peut, sans absurdité, la supposer engendrée ou produite; lU
lorsqu'on 'dil qu'en Dieu il y a ~"
Père , on ne dit ni que la substai
. ÇSti
Fils qui est engendré par le
"ne soit produite , ni qu'il
puisqu'on dil que le Fils
çst coélemel au Père et engendré, comme disent les tbéologiens,
opération nécessaire et immanente du Père.
6* U faut dire la même chose du Saint-Esprii.
Ainsi, le dogme de la Trinité ne combat aucun des principes de
sur la nature et sur les aiiribnis de Dieu.
Hais, dit le même auteur, les trois personnes ne sont-etles pas
trois êtres, et trois êtres divins? Si cela est, voilk trois dieux bien
disUncts.
Je réponds que ces trois personnes sont trois cboses qui eiis-
tent dans la substance divine , et que , par conséquent , elles ne
sont point trois divinités distinctes.
Mais, poursuit cet auteur, quelle dilTcrence ; a-t-il entre être
et personne ? car, sans cela, ce mot ne signifie rien,
le réponds que le mot être , pris en général , signifie tout ce
qui est opposé au néant, et que, sons cette généralité, il embrasse
les substances et les alTeclions des substances ; que la personne
divine u'est point une substance, mais qu'elle est , si je peux par-
ler ainsi, uneaSection de la substance divine, qui existe dans cette
substance, et qui n'est ni un attribut, ni unesimple relation de la
substance divine avec les créatures , mais quelque chose d'analo-
gue ï ce que nous appelons une personne, parce que la révélation
nous le fait connaître sous ces traits et avec des propriétés que je
vois dans les êtres que j'appelle des personnes.
Il ne Taut donc point supprimer le mot de personne lorsqu'on
parledelaTrJnilé, commele prétend cet auteur; s'il eût été moins
superficiel , il aurait bien vu que la suppression de ce nom n''a-
planit point les diflicultés, et que les personnes divines sont repré-
sentées, dans l'Ëcriiure , sous des traits qui ne peuvent désigner
des attributs de la divinité ; on eu trouvera des preuves aux articles
^AiELucs , Praxêe. m. le Clerc lui-même reconnaît que l'on
1
ue ^^H
I
\ 13 ANT
trouve daos TËcriture des passages très-difliciles à expliquer, se-
lon rhypotbèse des Sociniens ^.
La suppression du mot personne, lorsqu'on parle du Père, du
Fils et du Saint-Esprit, ne remédie donc à rien ; d'ailleurs, nous
avons fait voir que le dogme de la Trinité n'est contraire à aucune
maxime de la raison : on n'a donc aucune raison pour supprimer
ce mot, et on en a d'indispensables pour le conserver, ou tout au-
tre qui exprimât ce qu'il exprime.
Je ne suivrai pas davantage cet auteur, qui, pour prouver que
les personnes divines ne sont que des attributs, s'appuie sur les
définitions que quelques tliéologiens donnent des personnes di-
vines.
II n'est pas question ici de savoir comment les théologiens ont
défini chaque personne divine, mais si l'Écriture ne nous enseigne
pas qu'il y a un Père, un Fils et un Saint-Esprit qui sont consub-
stantiels, et qui ne sont ni dçs attributs, ni des relations de la di-
vinité avec les créatures, mais trois choses distinguées, et qui ont
les attributs et les 'propriétés que nous concevons sous l'idée de
personne ; voilik la question dont cet auteur et tous les Ânti-trini-
taires s'écartent sans cesse.
§ IL — Le mystère de la Trinité peut-il être Vohjet de notre
croyance et de notre foi ?
Pour rendre possible la croyance d'une chose, il faut que nous
entendions le sens des termes dont on se sert pour l'expliquer»
et qu'elle n'implique point contradiction avec celles de nos con*
naissances précédentes que nous savons être certaines et évidentes.
1« Il n'est possible que nous croyions une chose qu'autant qu«
nous concevons les termes dans lesquels elle est proposée ; car la
foi regarde seulement la vérité ou la fausseté des propositions, et
il faut entendre les termes dont une proposition est composée
avant que nous puissions prononcer sur la vérité ou sur la iau&*
seté de cette proposition, qui n'est rien autre chose que la conve*
nanee ou la disconvenance de ces termes ou des idées qu'ils ex-
priment.
1^ je n'ai nulle connaissance du sens des termes employés dans
une proposition, je ne puis faire aucun acte de mon entendement
à cet égard ; je ne puis dire je crois ou )e ne crois pas une telle
^ 3ibU univ«r$«» t, 10, p» 2Q« Vo^i les articles AaubkSiMaçkdqiiws^
ANT MO
chose ; mbn è^tii est parfaitement dans le même état oh \\ était
auparavant, sans recevoir aucune nouvelle détermination ; et si Je
A*ai qu*une notion générale et conf^ise des termes, je ne puis don-
ner qu'un consentement général et confus !li la proposition \ en
sorte que Tévidence de ma croyance est toujours proportionnée à
la connaissance que j'ai du sujet que je dois croire.
Si Ton exige, par exemple, de moi que je croie que A est égal à
B, et que je né sache ni ce que c'est que À, ni ce que c'est que
B, ni ce que c*est qu'égalité, je ne crois rien de plus que ce que
je croyais avant que cela me fût proposé; je ne suis capable d*au<
cun acte de foi déterminé. Tout ce que je puis croire, dans cette
occasion, revient à ceci : qu'une certaine chose a un certain rap-
port à une antre chose, et que ce qu'on veut que je croie est af-
firmé par une personne d'une grande connaissance et qui mérite
d*étre crue, et que, par conséquent, la proposition est vraie dans
le sens dans lequel cette personne l'entend ; mais je ne suis en
rien plus savant qu'auparavant, et ma foi n'a acquis aucun degré
de connaissance par cette proposition.
Que si je sais qu'A et B sont deux lignes égales, et que par deux
lignes égales on entend deux lignes qui ont une même longueur,
celte connaissance ne peut produire qu'une foi générale et con-
fase , savoir, qu'il y a une certaine ligne concevable qui est de la
même longueur qu'une autre certaine ligne; mais si par A et B
on entend deux lignes droites qui sont les côtés d'un triangle
donné, et que je croie sans démonstration, sur la parole d'un
mathématicien, que ces deux lignes sont égales, c'est un acte de
fol distinct et particulier par lequel je suis convaincu de la vérité
d'une chose que je ne croyais ou que je ne savais pas auparavant.
2" Supposons maintenant que je suis obligé de croire qu'un seul
et même Dieu est trois différentes personnes ; je ne puis le croire
qu'autant que j'entends les termes de cette proposition et que
les idées qu'ils expriment n'impliquent point contradiction : pour
faire donc un acte de foi sur ce sujet, il faut que j'examine quelles
idées j'ai de Dieu, de Vuîiité, de Videntité, de la distinctiony du
nombre et de la personne.
Il n'en est pas des noms de Père, de Fils, de Saint-Esprit,
comme de ceux qui expriment les attributs de Dieu : ceux-ci n'ex-
priment qu'une idée incomplète de la divinité ; chacun de ceux-lù,
aa contraire, signifie un être qui a tous les attributs delà divinité.
L'idée que nous avons de Dieu est donc complète avant que
120 ANT
nous lui donnions les noms de Père, de Fils, de Saint-Esprit. Cha*-
cun de ces noms renferme donc Tidée totale de la divinité et
quelque chose de plus, quelque chose que nous ne connaissons
point par la raison et qui fait toute la distinction qui est entre
ces personnes.
Nous ne pouvons concevoir ni croire trois êtres infinis, réelle-
ment distincts Tun de l'autre, et qui aient les mêmes perfections
infinies ; donc la distinction personnelle que nous pouvons conce-
voir dans la divinité doit être fondée sur quelques idées accessoi-
res à la nature divine, et la combinaison de ces idées forme cette
seconde notion qui est exprimée par le mot personne. Quand, par
exemple, nous nommons Dieu le Père, nous formons, autant que
notre infirmité peut nous le permettre, Tidée de Dieu comme
agissant d'une telle manière à tous égards et avec telles relations;
et quand nous nommons Dieu le Fils, nous ne concevons que la
même idée de Dieu, agissant d'une autre manière h tous égards
et avec telles relations : il en est de même du Saint-Esprit.
La différence qui se trouve entre le Père, le Fils et le Saint-Es-
prit vient donc de leur différente manière d'agir : c'est au Père
qu'appartient l'action qui caractérise le Père, comme l'action qui
caractérise le Fils appartient au Fils ; le Père, le Fils et le Saint-
Esprit sont donc trois principes qui ont chacun une action qui leur
est propre , nous pouvons donc concevoir ces trois êtres comme
trois personnes, car le mot de personne ne signifie rien autre chose
qu'un certain être intelligent, agissant d'une certaine manière,
qui existe en soi et qui est incommutable ^ .
Nous avons donc idée des termes qui composent cette proposi-
tion : Dieu est un en trois personnes ; il y a en un seul Dieu trois
personnes , le Père , le Fils et le Saint-Esprit,
D'ailleurs^ nous ne voyons pas qu'il soit contraire à aucune
des vérités que nous connaissons qu'il y ait trois personnes en
Dieu, comme nous l'avons fait voir dans le paragraphe précédent :
nous pouvons donc croire le mystère de la Trinité , ou former
sur ce mystère un acte de foi distinct et déterminé.
Mais , dira-t-on , concevons-nous comment ces trois personnes
peuvent exister dans une seule et même substance , simple et in-
divisible? et si nous ne concevons pas comment ces trois person-
* Voyez Vossius, Étymolog., au mot Persona. Marlinîi Lexicon, au
même mot.
»
ANT la'
I existent dans une même substance , comment pouvoDS-soua
I effet elles y eiisteni?
I que je n'ai pas une connaissance assez claire de la
personne divine , ni une idée assez nette , assez complète de la
substance divine , pour voir comment les personnes eiisteni dans
celle snbstance; mais pour croire qu'elles y existent en eiïet il
sullil que je ne voie point de répugnance entre l'idée de la sub'
stance de l'être nécessaire el l'idée des trois personnes divines.
Ne croyons-nous pas que nous pensons ? el s3vons~nous comment
nous pensons? Révoquons-nous en doute l'existence de la ma-
tière, quoique nous ignorions sa nature? Niona-nons les effets de
l'électricilé , ceux du tonnerre, les phénomènes de l'aimant, le
monvement? El qui peut se Daller de connaître comment touies
ces cboaes s'opèrent ?
Nous avons examiné, aux art. Saoellids, Pbaxée , AniEKS,
Uacedomde, les antres di&icultés qu'on peut faire contre le mys-
tère de laTrinilé; nous ne parlerons point de celle que H. Bajle,
dans l'art. Pirsoti, propose comme une preuve démonstrative
qae les mystères sont contraires aux Tentés de la raison ; c'est un
sophisme que le plus faible logicien peut résoudre, el que les
iLéologiens traitent Uop sérieusement, aussi bien que M, la
Placeiie ' . j
S ni. — Le dogme de la Trinilé a toujours été cru diilinete^
ment dans fflglise. S
Les Sociniens ont prétendu que le dogme de la Trinité avait
été inconnu aux premiers siècles de l'Église; nous avons réfuié
lenrs raisons lorsque nous avons parlé de la consubstantialité du
Verbe et du Saint-Esprit, aux articles ariens hodebnes et Ma-
CEDO.-flCS.
Le ministre Jurieu renouvela cette erreur pour dégager les
Églises protestâmes des conséquences qui naissaient des variations
que M.Bossuelleurreprocba dans son Ilietoire des variations : ce
ministre a prétendu que l'Ëgtise avait varié sur les mystères, et
que , jusqu'au concile de Nicée , on n'a eu dans l'Église qu'une
fui très-informe sur la Trinilé *.
' Bépon» à deox objections sur l'origine du mal el sur le n
1
ift ANT
Nons avons prouvé , dans Tarticle ÂmtS , que là divinité et la
consubstantialité du Verbe a toujours été crue ; nous avons ren-
voyé, pour les détails, au savant Bullus, à M. de Meaui, etc.
Nous observerons seulement ici que T Église a toujours condamné
et ceux qui ont cru que le Père , le Fils et le Saint-Esprit étaient
UPois simples dénominations de la substance divine , et ceux qui
les ont regardés comme trois substances distinctes ; d*otl il suit
évidemment que TÉglise a toujours cru le dogme de la Trinité ,
comme nous le croyons.
Les difficultés des Anii-lrinitaircs et des Sociniens à cet égard
se tirent des comparaisons que Ton trouve dans les Pères sur le
mystère de la Trinité. La nature de cet ouvrage ne nous permet
pas de descendre dans les détails de ces difficultés; nous nous
bornerons à rappeler ce que l'illustre M. Bossuet a dit h ce
sujet :
« Le langage humain commence par les sens : lorsque Thomme
» s'élève k Tesprit » comme à la seconde région , il y transporte
» quelque chose de son premier langage : ainsi Tatlention de Tes-
9 prit est tirée d'un arc tendu ; aiusi la compréhension est tirée
» d'une main qui serre et qui embrasse ce qu'elle tient.
» Quand, de cette seconde région, nous passons à la suprême,
» qui est celle des choses divines, d'autant plus qu'elle est épu-
» rée et que notre esprit est embarrassé à y trouver prise, d'au-
» tant plus est-il contraint d'y porter le faible langage des sens
» pour se soutenir, et c'est pourquoi les expressions tirées des
» choses sensibles y sont plus fréquentes.
» Toutes les comparaisons tirées des choses humaines sont les
» effets comme nécessaires de l'effort que fait notre esprit, lors-
9 que , prenant son vol vers le ciel , et retombant par son propre
» poids dans la matière d'où il veut sortir, il se prend , comme à
» des branches , à ce qu'elle a de plus élevé et de moins impur,
» pour s'empêcher d'y être tout-à-fait replongé.
» Lorsque , poussés par la foi , nous osons porter nos yeux jus-
» qu'à la naissance éternelle du Verbe , de peur que , nous replon-
» géant dans les images des sens qui nous environnent, et pour
» ainsi dire nous obsèdent , nous n'allions nous représenter dans
» les personnes divines, et la différence des âges, et Timperfec-
» tion d'un enfant venant au monde, et toutes les autres bassesses
» des générations vulgaires, le Saint-Esprit nous représente ce
t que la nature a de plus beau et de plus pur, la lumière dans le
ANT 12^
soleil oomine dans sa source, et la lumière dans le rayon comme
dans son fruit : là on entend aussitôt une naissance sans imper-
fection > et le soleil aussitôt fécond qu*il commence d*étre,
comme Timage la plus parfaite de celui qui étant toujoursj est
aussi fécond.
> Arrêtés dans notre chute sur ce bel objet, nous recommen-
çons de là un vol plus heureux , en nous disant à nous-mêmes
que si Ton voit dans le corps et dans la matière une si belle
naissance , à plus forte raison devons-nous croire que le Fils de
Dieu sort de son Père , comme Véciai rejaillissant de son éler-
nelle lumière , comme une douce exhalaison de sa clarté infinie ,
comme le miroir sans tache de sa majesté et Vimage de sa bonté
parfaite; c*est ce que nous dit le livre de la Sagesse *. »
» Et si nos prétendus réformés ne veulent pas recevoir de là
ces belles expressions , saint Paul les leur ramasse en un seul
mot , lorsqu'il appelle le Fils de Dieu Véclat de la gloire et V^m-
freinte de la substance de son Père *, »
n II n'y a rien qui démontre mieux dans le Père et dans le Fils
la même nature , la même éternité , la même puissance que
cette belle comparaison du soleil et de ses rayons, qui, portas à
des espaces immenses, sont toujours un même coi ps avec le soleil
et en contiennent toute la vertu. Mais qui ne sent toutefois que
cette comparaison , quoique la plus belle de toutes , dégénère
nécessairement comme les autres ; e\ si Ton voulait chicaner, ne
dirait-on pas que le rayon , sans se détacher du corps du so-
leil, souffre diverses dégradations, ou, comme parlent les
peintres, que les teintes de la lumière ne sont pas également
vives ?
» Pour ne laisser point prendre aux hommes une idée semblable
du Fils de Dieu , saint Justin , le premier de tous , présente à
Tesprit un autre soutien ; c'est dans la nature du feu , si vive et
si agissante , la prompte naissance de la flamme d'un flambeau
soudainement allumé à un autre : là se répare parfaitement Tiné-
galité que la raison semblait laisser entre le Père et le Fils;
car on voit dans les deux flambeaux une flamme égale , et Tup
allumé sans diminution de Tautre, Ces divisions et ces portions
qui nous offensaient dans la comparaison du rayon ne parais*
* Sapient., 7, v. 25, 26,
» Hebr., 1, 3.
tu ANT
» sent plus; saint Justin observe expressément quMl n*y a ici ni
» dégradation ou diminution, ni partage ^.
» M. Jurieu remarque lui-même que ce martyr satisfait pleine-
» ment à ce qu'elle demandait, Tégalité. Il est donc à cet égard
» content de lui , et peu content de TertuUien , avec ses propor-
» tions et ses parties *.
» Mais s*il n'était pas entêté des erreurs qu'il cherche dans les
> Pères , il n'y aurait qu'à lui dire que tout tend à une même
» fin ; qu'il faut prendre des comparaisons , non comme il le fait,
» le grossier et le bas ; autrement le flambeau allumé de saint
» Justin ne serait pas moins fatal à l'union inséparable du Père
» et du Fils que le rayon de TertuUien semblait l'être à leur éga-
» lité; car ces deux flambeaux se séparent , on en voit brûler un
» quand Taulre s'éteint, et nous sommes bien loin du rayon qui
» demeure toujours attaché au corps du soleil.
X» C'est donc à dire , en un mot , que de chaque comparaison il
» ne fallait prendre que le beau et le parfait ; et ainsi on trouve-
» rait le fils de Dieu plus inséparablement uni à son Père que tous
» les rayons ne le sont au soleil , et plus égal avec lui que ne le
» sont tous les flambeaux avec celui où on les allume , puisqu'il
» n'est pas seulement un Dieu sorti d'un Dieu , mais , ce qui n'a
9 aucun exemple dans les créatures , un Dieu seul avec celui d'où
» il est sorti.
» Et ce qui rend cette doctrine sans difficulté , c'est que tous
» les Pères font Dieu immuable ; ils ne le font pas moins spirituel,
» indivisible dans son être , sans grandeur, sans division , sans
» couleur, sans tout ce qui touche les sens, et inapercevable à
» toute autre chose qu'à l'esprit....
» Qui est donc Dieu est Dieu tout entier, ne dégénère de Dieu
» par aucun endroit. Tous les Pères sont uniformes sur la par-
» faite simplicité de l'être divin ; et TertuUien lui-même , qui , à
» parle^fran chôment , corporalise toutes les choses divines, parce
» qu'aussi son langage inculquant le mot de corps, peut être si-
» gnifié substance , ne laisse pas , en écrivant contre Hermogè-
» nés , de convenir d'abord avec lui , comme d'un principe com-
» mun , que Dieu n'a point de parties et qu'il est indivisible ; de
> sorte qu'en élevant leurs idées par les principes qu'ils nous ont
^ Lib. adversùs Trypb.
2 Tableau du Sociniauisme, let. 6, p. 229.
ANT 125
> donnés enx-mém es ,
> sUnce que l'origine cooinuDC du Fils eL du Suiot-Esprit, d'un
■ principe infmimeni co m muni cal if, cl , i trai dire, te qu'a dil le
■ Fils en parlant du Suin[-Es|>rit , i^ prendra du mien , o\t ie ce
> que j'ai, de meo, comme je prends de mon Père, avec qui
• toutm'est commun.
> 11 ne fallait donc pas imagiuer dans la doctrine des PËrca ce
ï moasire d'inégalitû , sous prclexie de ces expresHons qu'ils
> ont bien su épurer, et lien su dire arec tout cela , que le Fils
> de Dieu était «orfi parfait du parfait éternel de f Éternel, Dieu
■ de Dieu. C'est ce que disait saint GK'goire , appelé par excel-
> lence le faiseur de miracles ; et saint Clémeui d'Alexandrie di-
> sait aussi qu'il était le Verbe né parfait du Père parfait. Il ae
> toi fait pas attendre sa perfeciion d'une seconde naissance, et
> son Père le produit parfait comme lui-même; c'est pourquoi,
■ non-seulement te Père , mais encore en particulier le Fili eil
• tout bon , tout beau, par conséquent tout parfait, etc. '.
• n est donc plus clair que le jour que l'idée d'inégalité n'en-
■ Ira jamais dans l'esprit des Pères ; au contraire , nous venons
> de voir que, pour l'éviter, après avoir nommé, selon l'ordre, le
> ViiTc el le Fils , ils disaient exprès, contre l'ordre, le FiU et la
> Pire , dans le desseiu de montrer que si le Fils est le second ,
■ ce n'est pas en perfection , en dignité , en honneur. Loin de le
• faire inégal , ils le faisaient en tout et partout un avec lai, aaui
» bien que le Saint-Esprit ; et aGn qu'on prit l'unité dans sa per-
> fection , comme on doit prendre tout ce qui est attribué i Dieu,
> ils déclaraient que Dieu était une seule et même ctiose , pariai-
■ tement une , au deb de tout ce qui est uni et au-dessus de
> l'unité même *. >
Dans le reste de l'uvertissemciil. H, Bossuet entre dans des dé-
tails sur le concile de Nicée et sur les bévues de Jurieu , que ni
ne pouvons suivre, mais qu'il faut lire '.
Nous n'entrerons point dans les détails des difficultés que les
Socioiens tirent de l'Écriture , et nous n'entreprendrons point de
réfuter les fausses explications qu'ils douncnt des passages de
I
'Grej. Njss.,DevFiaGreg. Ncoces. Clem. ilei, Pedag., J. 5, fl,
* Clem. Alex. Pedag., 3 ; ulUm. Strom., 9. Pedag., 1, c 3.
* BoKuct, avcrtiss., 6.
1)6 APE
rÉcrilure swr lesquels on fonde le dogme de la Trinité. Les théo-
logiens ont très-bien réfuté les interprétations sociniennes : per-
sonne n*a mieux réussi que le savant P^ Pétau y et il peut » sur
e» point comme sur beaucoup d'autres , tenir lieu de tous les
théologiens ^.
Les théologiens anglais ont très-bien traité ce dogme. Voyez
entre autres les théologiens dont on a parlé dans les articles Arii^ns
MODERNES et MaCEDOMICS. Voy€Z surtout ISAAC BidIROW ^.
Nous avons (ait voir » à Tarticie ariens MOfiSRMEa et k l'article
Macedonius, que la divinité et la consubstantialité du Verbe et du
Saint-Esprit est enseignée comme le fondement de la religion
chrétienne ; nous avons fait voir, aux articles Sabellius , Praxée ,
que FÉglise a toujours condamné ceux qui ont nié la Trinité ; de
là nous tirons trois conséquences :
La première » c'est que le dogme de la Trinité n'est pas une
croyance introduite par les Platoniciens, comme le prétendent
Fauteur du Platonisme dévoilé et M. Le Clerc dans sa Biblio-
thèque choisie et dans sa Bibliothèque universelle ^.
La seconde eonséquence est que la croyance de la Trinité n'é-
tait pas une croyance confuse et vague, comme le prétend M. Le
Clerc toutes les fois qu'il parle de ce mystère.
l^ troisième est que Fauteur des Lettres sur la religion essen-
tielle est opposé à toute Fantiquité chrétienne lorsqu'il dit qu'il
(aut supprimer les noms de Trinité et de Personnes , et qu'il re-
garde ce dogme comme inutile : il n'aurait pas pensé de la sorte
s'il eût mieux connu l'histoire de la religion chrétienne et son
essence. Toute Féconomie de la religion chrétienne suppose ce
mystère , et le chrétien ne peut connaître ce qu'il doit à Dieu s'il
ne sait pas comment les trois personnes de la Trinité concourent
à Fouvrage de son salut : ce mystère ne nous a donc pas été ré-
vélé pour être Fobjet de nos spéculations , mais pour nous faire
mieux comprendre Famour de Dieu envers les hommes. Une pa-
reille connaissance est-elle inutile pour remplir les devoirs de la
religion ?
APELLE, disciple de Marcion, vers Fan 14^> n'admit qu'ui^
* Pétau, Dogm. theol., t. 2.
2 I&aaci Barrows opuscula*
3 Biblloth. choisie» art* crit« BihL uiilv, > 1. 10» art, 8. filtrait de la
vie d'Eusèbe. ''
gfttl prUcifie étemel et nécessaire : cVtait un seatimeot auquel
Apelle était resté attaché par une espèce d'instinct , et dont il dl-
SMt lui-même qu'il ne |>ouYait donner la preuve.
La difficulté de concilier Torigine du mal avec ce principe bon
et tout-puissant dont il reconnaissait l'existence le porta à jugor
que cet être ne prenait aucun soin des choses de la terre ; qu'il
^vaii créé des anges, et un , entre autres , qu'il appelait un ange
de feu» qui avait créé notre monde sur le modèle d'un autre
menée supérieur et plus parfait.
Mais comme ce créateur était mauvais , son monde s'était aussi
tPOHvé mauvais : il reconnaissait que Jésus-Christ était fils du
Dieu souverain , et qu'il était venu dans les derniers temps , avec
le SainWËsprit , pour sauver ceux qui croyaient en lui , ponr leur
dosner la connaissance des choses célestes , mais aussi pour leur
faife mépriser le créateur avec toutes ses œuvres.
11 se rapprochait ainsi de Marcion ; mais il ne croyait pas ,
eojwne lui , que Jésus-Christ n'eût pris qu'un corps fantastique ;
cependant » pour ne pas le faire dépendre du Dieu créateur, il
disait que Jésus-Christ s'était formé son corps des parties de tous
les cieux par lesquels il était passé en descendant sur la terre , et
qu'en remontant il avait rendu à chaque ciel ce qu'il en avait
pm.
Apelle , comme on le voit , avait joint une partie des idées des
GtMtiques aux principes généraux de Marcion ; il imaginait que
les âmes avaient été créées au-dessus des cieux.
Lésâmes n'étaient points selon Apelle, des substances abso-
lument incorporelles ; la substance spirituelle , ou Tàme, était
mue ^ un petit corps très-subtil , et cette extrême subtilité l'cle*
fait dans les eieux.
l , ces intelligences pures et innocentes contemplaient l'Être
snpîèBie et jouissaient d'une félicité parfaite , sans abaisser leurs
regards sur le globe terrestre.
Le Dieu créateur produisit des fruits et des fleurs dont le par-
fum , en s'élevant, avait flatté les organes délicats des esprits.cé-
lestes ; ils s'étaient abaissés vers la terre d'où ce parfum s'élevait,
et l'Être créateur, qui leur avait tendu ce piège, les avait envelop-
pés dans la matière, pour les retenir dans son empire.
Les âmes ensevelies dans la matière s'étaient agitées, et avaient,
par leurs efforts , formé des corps semblables aux corps subtils
qu'ils avaient avant de descendre sur la terre : le corps aérien qu'el-
128 APE
les avaient dans le cîel avait , selon Apelle , été comme le moule
sur lequel les âmes avaient formé leurs corps terrestres.
Ces corps aériens avaient deux sexes différens ; ainsi, les âmes
descendues du ciel et enveloppées dans la matière s^étaient formé
des corps mâles ou femelles , selon le sexe de Tâme qui Tavait
(onné.
Tertullien nomme Apelle le destructeur de la continence de
Marcion^ et dit qu^il se retira à Alexandrie pour fuir son maître,
après avoir abusé d'une femme; il ajoute : qu'étant revenu , quel-
que temps après , aussi corrompu , à cela près qu'il n'était pas
tout-à-fait Marcionite , il était tombé dans les pièges d'une autre
iemme, qui était devenue une prostituée.
Cette femme croyait avoir des apparitions merveilleuses et
ToîrJésus-Ghristsousla forme d'un enfant ; d'autres fois c'était
saint Paul qui lui apparaissait. On croyait qu'elle faisait des mi-
racles et qu'elle vivait de pain céleste : un de ses principaux
miracles consistait à faire entrer un grand pain dans une bouteille
V de verre dont l'entrée était fort étroite, et qu'elle retirait ensuite
\^ avec ses doigts.
Apelle composa un livre des révélations et des prophéties de
Philumène : il rejetait tous les livres de Moïse et ceux des pro-
phètes, et croyait les révélations de Philumène. Une de ses difli-
cultés contre les livres de Moïse était que Dieu n'avait pu mena-
cer Adam de la mort s'il mangeait du fruit défendu, puisqu'Adam
ne connaissant pas la mort, il ne savait si c'était un châtiment *•
Tertullien écrivit contre Apelle ; nous n^avons plus son ouvrage.
Rhodon a aussi réfuté Apelle; voici ce qu'il en rapporte: < J'ai
» eu, dil-il , une conférence avec ce vieillard, vénérable par son
» âge et par le règlement extérieur de sa vie ; et comme je lui fis
» voir qu'il se trompait en beaucoup de choses, il fut réduit à dire
» qu'il ne fallait pas si fort examiner les matières de religion ,
» que chacun devait demeurer dans sa croyance; que ceux qui es-
» péraient en Jésus crucifié seraient sauvés pourvu qu'ils fissent
» de bonnes œuvres ; que pour lui il n'y avait rien qui lui parut si
» obscur que la divinité.
» Je ne laissai pas de le presser, continue Rhodon , et de lui de-
» mander pourquoi il ne reconnaissait qu'un principe , et quelle
* Auctor Âppend. ad. Tert, de prsscript. Ambr., I. i , deparadiso*
Origon., I. 5,conL Cels.
i
I
I
APO 129^
il, lui qui niait la ïériié des prophètes qui nous
assnrenl.
^pondit que les prophéties se cond3n]n.iieDt elles-niê-
\, puisqu'elles ne disaient rien devrai ; qu'elles étaient tou-
■ tes fausses, qu'elles ne s'accordaient pas entre elles et qu'elles
> se contredisaient les unes les autres ; mais il m'avoua ea même
» lemps qu'il n'avait pas de raison pour montrer qu'il n'j a qu'un
> principe ; seulement qu'il avait un iostincl ï suivre ce senli-
> Je le conjurai de me dire la vérité; etil jura qu'il parlait sin-
» cèrement, qu'il ne savait pas comme il n'j avait qu'un seul Dieu,
• sans principe, mais qu'il le croyait ainsi .
• Pour moi , continue Rhodon, je me moquai de son ignorance
> en condamnant son erreur , n'y ayant rien de si ridicule qu'un
1 homme qui se prétend docteur des autres sans pouvoir alléguer
> aucune preuvede sa doctrine '. •
APELLtTES, nom des sectateurs d'Apelle.
APHTARTÉDOCÈTES, étaient les disciples de Julien d'Haï j-
caniasse, qui prétendaient que le corps de Jésus-Christ avait
été impassible , parce qu'il était incorruptible : ils parurent vers
l'an 363 *.
APOCARITES: ce nomsiguiGe suréminentenbonlé;cettesccte
parait une hranche de Uanïchéisme ; elle parut en 279; elle en-
seignait que l'âme humaine était une portion de la divinité '.
APOLLINAIRE, évêqnede Laodicée, croyait que Jésus-Christ
s'était incarnéet qu'il avait pris un corps humain, maïs qu'il n'a-
vait point pris d'àme humaine ; du moins que l'àme humaine k
laquelle le Verbe s'était uni n'était point une intelligence, mais
uae âmesensitive, qui n'avait ni raison, ni entendement.
Apollinaireavaitétéun des plus zélés dérenscurs de la consub-
Mantialité du Verbe , il l'avait prouvée contre les Ariens par une
iofinîté de passages dans lesquels l'Ëcritnre donne ii Jésus-Christ
tous les attributs de la divinité; il jugea qu'une âme Humaine était
inutile dans Jésns-Oirist ; aucune des opérations qui demandent
de l'intelligence et de la raison ne lui parut en supposer la ué-
' Rhodon apud Euseb„LSi e. 13. Epiph., Hsr., àl.Aus.iIIier.,23.
TerL, DeprxKript., c. 30, 31. Baron., ad an. 146.
3 Nicephor., 1.47, c. 39, Damasccn.
n Lexicou.
I
lao Apo
cesslté d^os Jésus-Christ ; la divinilé avait présidé à toutes ses 9C?
lions et fait toutes les fonctions de Tâme ^.
Mais Jésus-Christ avait éprouvé des sentimens qui ne pouvaient
convenir à la divinité ; ainsi Apollinaire suppose en Jésus-Christ
une âme sensitive : cette opinion avait son fondement dans les
principes de la philosophie pythagoricienne « qui suppose dans
rhomme une âme qui raisonne et qui est une pure intelligence »
incapable d'éprouver Fagitation des passions , et une âme incapa-
ble de raisonner et qui est purement sensible. Les principes de
cette philosophie ont été exposés plus en détail dans Texamen du
fatalisme.
Il est aisé de réfuter cette erreur ; car rÉcriture nous apprend
que*Jésus-Cbrist était homme , qu'il a été fait semblable aux
hommes en toutes choses , excepté le péché ^.
fille nous dit que Jésus-Christ , dans son enfance, croissait et se
fortiQait en esprit et en sagesse ^ » ce qui ne peut s'entendre que
de son âme raisonnable : le Verbe ne pouvait pas croître en sa-
gesse, ni Tâne animale en lumière.
Cependant M. Wisthon a embrassé le sentiment d' Apollinaire
et dit que le Verbe a souffert ; M. Wisthon souhaite que cette
opinion soit reçue parmi les chrétiens, et tâche de Tappuyer sur
des témoignages des Pères qui ont vécu après le concile de Ni-
cée ; mais on ne voit pas beaucoup de gens qui adoptent cette
étrange opinion *,
On attribue à Apollinaire d'avoir soutenu que la divinité avait
souffert, qu'elle était morte, etc. Mais ces erreurs sont plutôt des
conséquences qu'on tirait des principes d'Apollinaire que les
sentimens de cet évéque : l'idée que les auteurs ecclésiastiques
nous donnent d'Apollinaire ne permet pas de penser autrement,
Apollinaire a été regardé généralement comme le premier homme
de son temps pour le savoir, l'érudition et la piété. Nous devons
donc avoir beaucoup de défiance de nos propres lumières et uof
grande indulgence pour les hommes qui se trompent, puisque U
science, le génie et la piété ne garantissent pas toujours de l'erreur.
Le temps auquel Apollinaire enseigna son erreur est incertain ;
^ Vincent Lirin Commonitt c 17. Aug;,| Pe )uer.| e* 5^
2 Paul ad Hebr., 4, 15,
8 Luc, 11. V. àO,
* Patres Apost.
APO I3f
î1 florissait SQirla fin du quatrième siècle, souâ Ittlien. lion héi^-
sîe fut d*abord condamnée dans le concile d'Alexandrie, tena Tan
362, sous saint Athanase, après la mort- de Constance : ce concile
condamna Terreur d* Apollinaire, sans le nommer.
Le pape Damase condamna aussi cette erreur et déposa Apol-
linaire ; enfin son sentiment fut condamné dans le second concile
œcuménique assemblé à Gonstantinople *•
L^erreur d* Apollinaire fut combattue par saint Athanase, par
les saints Grégoire de Nazianze et de Nysse , par Théodoret , par
saint Ambroise '.
APOLLINARISTES, nom des sectateurs d'Apollinaire.
APOPHANITES, secUteurs d*Apophane , qui était disciple de
Manès.
APOSTOLIQUES : c'est le nom que Ton donna à une branche
d'Encratites , qui prétendaient imiter parfaitement les apôtres.
Voffez Apotactiques.
Ce nom fut aussi le nom générique que prirent toutes ces petites
sectes de réformateurs qui s'élevèrent dans le douzième siècle, et
qui étaient répandues dans les différentes provinces de la France.
Voffex Albigeois, Yavdois.
Ces petites sectes avaient des erreurs opposées , et souvent des
pratiques contraires : on assembla plusieurs conciles dans les-
quels elles furent condamnées.
On brûla beaucoup d'Apostoliques dans différentes provinces,
et ces sectaires souffrirent le supplice avec une si grande con-
stance, qu'Ervin ne pouvait comprendre comment les membres du
démon avaient pour leurs hérésies autant de constance que les
trais fidèles pour la vérité '.
La secte des Apostoliques fut renouvelée par un homme du peu-
ple : voyez l'histoire de cette secte singulière au mot Ségahel. Il
y eut aussi des Anabaptistes qui s'appelèrent Apostoliques. Vopez
l'art, des sectes des AMABAmsTEs.
^ Epist. sycod. Conc. Alex. Théodoret, Hist., 1. 9, c. 10. Conc. Con-
itant'n.
> Atban., ep. adEpict 1,1. de Incarn. Greg. Nyss. con. Apol. Theod.,
Dial. de incomprehensibili. Hxret., stab., 1. 5, v. 13. Auct,deMyster.
Incarn.
* Demard, Serm. in Cant, 65, 66. Mabil. Analec., t 3, p. ii52«
D'Argentré, Collcct Jud., 1. 1, p. 3G« Natal. Alexaud., sxc. 13,
1 32 ARA
APOTACTIQUES, branche d'Encratites ou Tatianites qui aux
différentes erreurs des Encratites aj outaient la nécessité de renon-
cer aux biens du monde, et qui regardaient comme des réprouvés
tous ceux qui possédaient des biens. On en vit vers la Cilicie et
dans la Pamphilie , sur la fin du second siècle » mais ils furent peu
nombreux. On n'en brûla aucun : on les plaignit d'abord, ensuite
on les méprisa, et la secte s'éteignit. 11 n'en fut pas ainsi des sec-
taires du douzième siècle lorsqu'ils renouvelèrent cette erreur
des A po tactiques et qu'ils prirent le nom d'Apostoliques; on sévit
contre eux , on les brûla , et il fallut lever des armées pour les
éteindre en France. Voy^;5 Apostoliques, Albigeois, Vaddois *.
AQU ARIENS , nom donné aux Encratites.
AQUATIQUES, hérétiques qui croyaient que l'eau était un prin-
cipe coéternel à Dieu.
Hermogènes avait enseigné que la matière était coétemelle à
Dieu, afin de pouvoir imaginer un sujet duquel Dieu pût tirer le
monde visible. Ses disciples voulurent rechercher la nature de
cette matière qui avait servi de sujet à l'action de Dieu , et ils
adoptèrent apparemment le système de Thaïes, qui regardait l'eau
comme le principe de tous les êtres. C'est ainsi que l'esprit hu-
main , après s'être élevé au-dessus des systèmes des anciens , à
l'aide de la religion, y était ramené par sa curiosité et par le pen-
chant qu'il a à tout examiner ^.
ARA , hérétique qui prétendit que Jésus-Christ même n'avait
point été exempt de péché originel ^.
ARABES ou Arabiens. C'est le nom qu'on donne à une secte
qui , dans le troisième siècle , attaqua l'immortalité de l'âme ,
sans cependant nier qu'il y eût une autre vie après celle-ci ; ils
prétendaient seulement que l'âme mourait avec le corps et qu'elle
ressuscitait avec lui *.
Il se tint sur ce sujet, en Arabie, une grande assemblée, à
laquelle Origène assista ; il y parla avec tant de solidité et tant
de modération que ceux qui étaient tombés dans l'erreur des
Arabiens l'abandonnèrent entièrement.
^ Epîph., Hxr., 61. Aug., Hser., àO, Damascen., Hsr,, 61,
2 Slockman Lexicon.
' Slockman Lexicon.
4 Euscb., Hist,, 1. 6, c, 87, Aug., Dehaer., c, 38. Nlcephor., Hist.,
!• 0} C* AQ*
Origëoe a'
j n'arréleni le pro-
sort el eu éteignant
ARC
it éclairé les Arabiens sans les irriter, el ila s'é-
9 sincërement i jamais la rigueur n'a éteint ainsi
snr-le-cliamp une bérésie.
Les coups d'aulorité font des bypocrii
grËs (le l'erreur qu'en Ûtant i l'esprit 31
peu it peu toutes les lumières.
Je crierais donc , si j'osais , ï tous ccui qui sonl cbargés du
soin des imes : Eclairez les bommes, traitez avec douceur ccuit, ]
qui se trompent, si voua voulez les convertir solidement et s
ïDus vouiez anéanlif l'erreur; avez-vous oublié qu'être dans l'er-
reur sur la religion , c'est être tombé dans un précipice ,
être mallieureui , et que les malheureux méritent de l'indulgence
et ilu respect ! Je leur dirais ; Tout homme qui répand une erreur
est de bonne foi , ou c'est un fourbe qui séduit des bommt
sont de bonne foi et qui cherchent la vérité.
Si l'homme qui répand une erreur est de bonne foi, vt
convertirez sûrement et sineèremenl en l'éclairant; l'an
quilefrapperailsans l'éclairer le Qxerait dans l'erreur sans retour.
Si l'homme qui répand une erreur est un fourbe qui séduit des
prosélytes de bonne foi , vous arrêtez i coup sûr le progrès 1
séduction , en faisant voir qu'il se trompe; l'autorité que vous
emploieriez contre ce séducteur, sa
dairemenl la fausseté de sa doctrine , le rendrait plus cher ii son
parti ; vous ne seriez plus alors en état de l'éclairer , vous n'au-
riez plus pour ressource , contre ce parti , que la rigueur, les cliâ-
limens, les supplices.
Mais quand l'usage que vous feriez de ces moyens n'aurait au-
cun inconvénient et ne causerait aucun mal , produirie7,-vous un
autre eOet que celui quela persuasion et la douceur auraient pro-
duit? Un homme que vous voulez obliger par autorité !i quitter ,
ses senlimens suppose au moins que vous n'êtes point en état de: |
l'éclairer, ou que vous le méprisez trop pour daigner l'éclairt
le persuader : il ne faut pas qu'un pareil soupçon puisse tomber,
sur les successeurs des apûtres. Saiut Paul dit : Nuusenseignons,
nous prouvons, nous démontrons.
AltCllONTlOUES, seclc des Valeotiniens, dont Pierre l'Fr-
mitefut le chef; celte secte parut vers l'an 160, sous l'empir» J
d'A n tu nin-le -Pieux '.
' Aug., Hsr,, c. 20. Kpipli., ïlxT., iù, ThéoJonM, llxrcl. Vab. , i
.1, r. a.
l»4 AftI
ÂRf ANISMË , hci'ésle d^Ârius , qni consistait Ik ïiier la consub-
siattitîalité du Verbe ou de la seconde personne de la Trinité, qu'il
regardait comme une créature.
Nous allons exposer Torigine et le progrès de cette erreur jus-
c|ti*à la mort d'Ârius ; nous considérerons ensuite PÂrianisme de-
puis la mort d'Ârius jusqu'à son extinction. Nous le Terrons re-
naître en Occident > dans le quinzième et dans le di)c-huitième
siècle : nous examinerons ses principes, et nous le réfuterons.
§ 1. — De l'origine de l'Arianisme et du progrès de cette erreur
jusqu'à la mort d*Arius,
Alexandre , évéque d'Alexandrie , expliquait, en présence de
ses curés et de son clergé , le mystère de la Trinité ; il voulait
concilier la Trinité des personnes avec Funité de Dieu et expli-
quer comment les trois personnes existaient dans une substance
unique et simple ; car Socrate rapporte qu'Alexandre disait qu'il
j avait unité dans la Trinité, et qu'il se servait pour cela d'un mot
qui signifie non-seulement unité, mais encore simplicité : il disait
qu'il y avait monade dans la Trinité , ou que la Trinité était une
nonade ^.
L'idée de simplicité de la monade et celle de la Trinité se pré-
sentèrent donc à la fois à l'esprit d'Arius, qui assistait au dis-
cours d'Alexandre, et comme les esprits étaient portés, par
Alexandre même, à lâcher de comprendre le mystère de la Tri-
nité , il s'efforça de concevoir comment trois personnes distinctes
existaient dans une substance simple. 11 ne put le concevoir ; il
crut la chose impossible.
Sabellius , en examinant le mystère de la Trinité , n'avait cm
pouvoir le concilier avec l'unité de Dieu qu'en supposant que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit n'étaient que trois noms donnés à
la Divinité , et non pas trois personnes ; il n'y avait pas long-
temps que son erreur avait été condamnée, et elle avait encore
des partisans. L'esprit d'Arius fut porté naturellement à compa-
rer l'explication d'Alexandre avec ce que l'Église avait défini
contre Sabellius ; il crut qu'on ne pouvait allier la simplicité de
la substance divine avec la distinction des personnes que l'Église
enseignait contre Sabellius.
* Socrate, 1. 1, c. A. Monadon esse in Trinîtale, ce qui ne veut pas
dire union , comme Ta traduit M. de Valois, mais simplicité. Voyei
Pasnoge, Annales poliUco-eccIesiastici , t. 2, p. 064.
On ne poavail » selon Ârius , distinguer plusieurs personnes
dans ce qui est simple» ou il fallait que ces personnes, que le
Père et le Fils , par exemple, ne fussent que diiïérens norosqu^on
donnait à la même chose selon qu^elle produisait des effets dif-
Hârens ; ce qui avait été condamné dans Sabellius , et ce qui était
contraire à Tidée que TÉcriture nous donne du Père et du Fils ,
qu*elle nous représente comme aussi distingués entre eux que
Teffet et la cause : le Père engendre , et le Fils est engendré ; le
Père n> point été produit, il est sans principe, et le Fils en a
un , il » été produit.
Ainsi Arius , pour ne pas tomber dans Thérésie de Sabellius
qui confondait les personnes de la Trinité» fit du Père et du Fils
deux substances différentes, et soutint que le Fils était une créa-
ture *,
Alexandre fit voir qu*Arius n'avait pas une idée juste de la
personne du Verbe ; qu'il était étemel comme le Père , et non
pas produit dans le temps , ce qui anéantirait le dogme de la di-
vinité du Verbe.
Arius, plein de sa difficulté , ne s'occupa plus qu'à poursuivre
Alexandre et à prouver que le Verbe était une créature.
Celte doctrine révolta l'Église d'Alexandiie et devint Fobjet
principal de la dispute : on perdit de vue Sabellius ; Arius ne
s'occupa plus qu'à prouver que le Verbe n'était qu'une créature ,
et ses adversaires à défendre contre lui Féternité du Verbe'.
Les sophismes sont toujours séduisans, lorsqu'ils attaquent un
mystère ; Aritis se fit des partisans et causa des divisions dans le
clergé d'Alexandrie.
Alexandre crut qu'en permettant à Arius et à ses partisans de
dbputer et de proposer leurs difficultés , on les détromperait
mieux que par des condamnations et par des coups d'autorité ,
qui , lorsqu'ils sont prématurés, arrêtent rarement Terreur, irri-
tent toujours, et n'éclairent jamais.
Lorsqu' Alexandre crut que sa modération pouvait avoir des
suites fâcheuses , il assettibla un concile à Alexandrie , dans le-
quel Arius défendit sa doctrine : il prétendit que le Verbe avait
été tiré du néant , parce qu'il était impossible qu'il fût étemel ,
comme son Père , de manière même qu'on ne pût concevoir que
* Lettre d'Anus à Eusèbe. Epiph., Uxr., 69. Athan., t. i, p. 635.
'Socrat., 1. 1, C.6.
186 ARI
le Fils eût existé après son Père; n*est-ilpas clair, disait-il, qu*a-
lors le Fils serait engendré et ne le serait pas ? D'ailleurs , si le
Pèren*a pas tiré le Fils du néant, il faut qu'il Tait tiré de sa sub-
stance, ce qui est impossible.
L*Écriture , disait-il encore , ne nous donne point une autre
idée du Verbe : le Verbe dit lui-même , au chapitre huit des Pro-
verbes , que Dieu Ta créé au commencement de ses voies : Dieu
dit qu'il Ta engendré, et cette manière de produire est une vraie
création , puisque TËcriture l'applique aussi bien aux hommes
qu'au Verbe , comme on le voit dans les passages où Dieu dit
qu'il a engendré des fils qui l'ont méprisé * .
Les Pères du concile d'Alexandrie s'appuyèrent sur ces aveux ,
ou plutôt sur ces principes d'Arius , pour le juger. Si le Verbe ,
disaient-ib , est une créature , il a toutes les imperfections des
créatures, il est sujet à toutes leurs vicissitudes, il n'est pas tout-
puissant , il ne sait pas tout ; car ces imperfections sont les apa-
nages essentiels d'une créature, quelque parfaite qu'on la sup-
pose.
Les conséquences étaient évidentes » et Arius ne pouvait le mé-
connaître.
Après avoir ainsi fixé la doctrine d'Arius , les Pères du concile
en prouvèrent la fausseté par tous les passages de l'Écriture qui
attribuent au Verbe l'immutabilité et toute la science ; par ceux
qui disent expressément que tout a été fait par lui et pour lui , et
que rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui.
Ces derniers passages fournissaient aux Pères des argumens
péremptoires ; car si rien de ce qui a été créé n'a été sans le Verbe,
il est évident que le Verbe n'a point été créé, parce qu'alors
quelque chose aurait été créée sans lui , puisqu'un être en aucune
manière n'est cause de lui-même.
A l'évidence de ces preuves tirées de l'Écriture les Pères du
concile d'Alexandrie joignaient la doctrine de l'Église univer-
selle , qui avait toujours reconnu la divinité du Verbe et séparé
de sa communion ceux qui l'attaquaient.
Arius alors se trouva comme placé entre la nécessité de recon-
naître la divinité du Verbe et l'impossibilité de concevoir un fils
coéternel à son père.
Il avait fait tous ses efforts pour concevoir un fils coéternel à
^ Sozomène, 1. 2.
AM fî7
ion p^re, el, du seniinienl de son impuissance h le concerolr, il
Éuil passé i la persuasion âe l'icn possibilité eHeclice qu'un (ils
soli coélernel à son père ; il arait Hiii de celle impossibilité la
base de son senlimeni : il crupit donc, d'un côlé, qu'il était im-
pussible que le Verbe fût coéiernet !i son Père, et, de l'autre, la
divinité dn Verbe était si clairement enseignée dans t'Ëcrilure e*.
par l'Église, qu'il était impossible delà méconnaître.
Arius conclut de Ik que la création du Verbe et sa divinilé
étaient deux vérités qu'il fallait également croire, et il reconnut
que le Verbe était une créature , el cependant vrai Dieu el égal i
son Père.
C'esl ainsi que l'amour- propre et la préoccupation cbangenl ,
aux jeux des hommes, les mystères en absurdités, et les con-
tradictions les plus manirestes en vérités évidentes. Arius avait
rejeté la Trinité qu'il ne comprenait pas, mais qui ne renferme
point de contradiction, et il ne soupçonnait pas qu'il se con~
tredlt en réunissant dans le Verbe l'essence de la divinilé et celle
lie la créature , en supposant que le Verbe avait toutes les peHec-
Uons possibles , el en souteuinl qu'il n'avait pas la première de
tontes les perfeclions , celle d'etisier par soi-même.
Le concile d'Alexandrie définit que le Verbe était Dieu et coc-
lernel ïson Père, condamna la doctrine d'Arius, et excommunia
sa personne.
I<e jugement du concile n'ébranla point Arius; il continua Ji
défendre son sentiment, il l'exposa sans déguisement, il envoja
sa profession de foi à plusieurs évéques , les priant de l'éclairer
s'il était dans l'erreur, ou de le protéger el de le défendre s'il
ëUit catholique '.
Il j a dans tous les hommes un senlimeni inné de compassion
qui agit loujours en faveur d'un homme condamné , surtout lors-
qu'il proleste qu'il ne demande qu'b s'éclairer pour se soumettre.
Arius trouva donc des protecteurs , même parmi les évêqnes ; Eu-
sëbede Nicométlie assembla un concile composé des évéques de
la province de Uitiijuie , et ce concile écrivit des lettres circu-
laires ï tous les évéques d'Orient pour les porter i recevoir Arius
ï la communion , comme soutenant la vérité ; ils écrivirent aussi
h Alexandre pour qu'il admll Arius à sa communion.
Alexandre , de son calé , écrivit des lettres circulaires dans
H * Lettre d'Anus i EnsMie. Eplpli., loc. ciL
lesquelles il censurait fortement Eusèbe de ce qiiUl protégeaii
Ariiis et le recommandait aux cvêques.
La lettre d*Âlexandre irrita Eusèbe, et ces deux évêques de?
ifinrent ennemis irréconciliables.
Ârius, conda^niné par Alexandre et par un concile, mais défendu
psTr plusieurs évêques,, ne se représenta plus que comme un mal-
heureux qu*p9 persécutait; il répandit sa doctrine; il intéressa
méiiiç le peuple en sa faveur. Arius était un homme d^une grande
taille , maig.re et sec , portant la mélancolie peinte sur le visage ^
grave dans ses démarches , toujours revêtu d*un manteaîu ecclé-
siastique , charmant par la douceur de sa conversation ; il était
ipoète et musicien , il fournissait des chansons spirituelles aux
/gens de travail et aux dévots ; il mit en cantiques ^a doctrine , et,
I par ce moyen , il la répandit dans le peuple. Cest un mo^en que
; Valentin et Ilarmonius avaient employé avant Arius et qui a sou-
vent réussi aux hérétiques. Apollinaire remploya après Arius, et
perpétua ses erreurs plus par ce moyen que par ses écrits *.
Ainsi le parti d'Arius se grossit insensiblement, et, malgré lu
subtilité des questions qu^il agitait, il intéressa jusqu^au peu-
ple dans sa querelle. On vit donc les évêques, le clergé et le peu-
ple divisés; bientôt les disputes s'échauffèrent, firent du bruit,
et les comédiens, qui étaient païens, en prirent occasion déjouer
la religion chrétienne sur leurs théâtres.
Constantin n'envisagea d'abord cette querelle qu'en politique,
et écrivit à Alexandre et à Arius qu'ils étaient des fous de se di-
viser pour des choses qu'ils n'entendaient pas et qui n'étaient de
nulle importance ^.
L'erreur d' Arius était d'une trop grande conséquence pour que
les catholiques restassent dans l'indifférence que Constantin leur
conseillait. Alexandre écrivit partout pour prévenir le progrès de
l'erreur d' Arius et pour en faire connaître le danger.
t)'un autre côté, Arius et ses partisans faisaient tous leurs ef-
forts pour décrier la doctrine d'Alexandre. Les catholiques et les
Ariens s'imputaient réciproquement les conséquences les plus
odieuses qu'ils pouvaient tirer des principes de leurs adver-
saires.
1 Voyez Ënicsli Cypriani Dissert, de propagation hsresium , pcr
cantilenas. Lond., 1720, in-S".
2 Âpud Euseb., in vit, Coust,> c. 6Â. ^rat*, U i, C 7»
AU 119
Ces ehoM conlinitels éeliauffèKal les deux partis jusqu'à la sé-
dition ; il y cul même des endroits où l'on renversa les al»lue;i de
l'empereur, pjree qu'il voulait qu'on supportai \qs Ai'ieus ' .
Les clirÉtiens faisaient alors uue partie uoasidérable de l'eiiipiru
romain. Consiaptin sentit qu'il ne pouvait se dispenser de prendre
part i leurs querelles, et qu'il fallait les calmer. Il couToqua uu
coDi;i1e de toutes les provinces de l'empire, et les évéques s'as-
seraLlêreot à Nicce, l'an 3S5.
AuEsiiût que les évêques furent arrivés h NîcËe, ils formâreul
des afsemblfes particulières et y appelèrent Ariu s pour s'instruire
Âprèsl'avuir entendu, quelques évoques opinaient 1 condam-
ner toutes sortes de nouveautés et i es contenter de parler du
Fils dam les termes dont leurs prédécesseurs s'Étaient servis;
d'autres croyaient qu'il ne fallait pas recevoir les expressions des
anciens sans examen ; il s'en trouva dix-sept qui favorisaient les
nouvelles explications d'Arius, et qui dressèrent uuc confession
lie foi «Ion leur sentiment ; mais ili ne l'eurent pas plus loi lu«
dons l'assemblée, qu'on s'écria qu'elle était fausse et qu'on leur
dit des injures , comme il des gens qui voulaient traliir In
fui*.
On proposa de condamner les eipreasions dont les Arieus se
servaient en parlant de Jésus-Christ, telles que sont celles-ci ;
qu'il auail ^tétiréëa néant; qu'il y amit eu un lei»pi où U rt'exis-
lail pat. On proposa de se servir des phrases méuies de l'Lcriture,
telles que celles'i:! : Le FiU esl UHiyiieif«<3 nature ; il ett la roi-
ton, la paissanee, la teiile sageste de uiii l'ère, l'éclat dt »
aliiire, etc.
Les Ariens ayant déclaré qu'ils étaient prêls k admettre une
coafession connue en ces termes, les ûvêqucs orthodoxes craigni-
rent qu'ils n'e.ipliquasseni ces paroles en un mauvais sens; c'est
pourquoi ils voulurent ajouter que le Fils est de b substance da
Père, parce que c'est là ce qui distingue le Fils des créatures.
On demanda dono aux Ariens s'ils ne croyaient pas que le Fils
n'est pas une créature, mais la puissance, la sagesse unique et l'i-
mage du l'ère en toutes choses, enfin vrai Dieu.
Les Ariens crurent que ces expressions pourraient convenir à
140 ARI
ridée quMls avaient de la divinité du Fils et déclarèrent qu'ils
étaieut prêts à y souscrire.
Enfin, comme on avait remarqué qu'Ëusèbe deNicomédié, dans
la lettre qu'il avait lue, rejetait le terme comubstantiel ^ on
crut que Ton ne pouvait mieux exprimer la doctrine orthodoxe
et exclure toute équivoque qu'en employant ce mot, d'autant plus
que les Ariens paraissaient le craindre ^.
I.es orthodoxes conçurent la profession de foi en ces termes :
c Nous croyons en un seul Seigneur Jésus- Christ, Fils de Dieu,
» Fils unique du Père, Dieu né de Dieu, lumière émanée de la
9 lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré et non pas fait,
» consubstantiel à son Père ^. »
Quand on disait que le Fils était consubstantiel à son Père, on
ne prenait pas ce mot dans le sens auquel il se prend lorsqu'on
parle des corps ou des animaux mortels, le Fils n'étant consub-
stantiel au Père ni par une division de la substance divine dont
il eût une partie, ni par quelque changement de cette même sub-
stance ; on voulait dire seulement que le fils n'était pas d'une au-
tre substance que son Père.
Telle fut la décision du concile de Nicée sur l'erreur d'Ârius ;
il fut terminé le 25 août, et Constantin exila tous ceux qui refu-
sèrent de souscrire au jugement du concile.
Alexandre, évêque d'Alexandrie, mourut quelque temps après ;
on élut en sa place Athanase, diacre de son église, et Constantin
approuva son élection.
11 semble que ce fut vers ce temps-là que Constantin fit sa con-
stitution contre les assemblées de tous les hérétiques, soit en
particulier, soit en public. Par la même constitution, l'empereur
donnait leurs chapelles aux catholiques et confisquait les maisons
dans lesquelles on les trouverait faisant leurs dévotions. Eusèbe
ajoute que l'édit de l'empereur portait encore que l'on se saisirait
de tous les livres des hérétiques.
Cet édit et plusieurs autres abaissèrent prodigieusement le
parti d'Arius, et presque toutes les hérésies parurent éteintes
dans l'empire romain.
Arius avait cependant beaucoup de partisans, et parmi ces par-
tisans secrets un prêtre que Constance, sœur de Constantin, re-
^ Ambr., I. 3, De fide, c. ullimd.
2 Socrat., 1, 1, c 8.
ARI
141
commanda en mouranl k son frère comme un bomme extrême-
ment vertueux et fort atUiclié nu service de sa maison. Ce prêtre
acquit bîeutâl restime et la contiance de Constantin, et il lui parla
iI'Ârius ; il le lui repr^enia comme un homme vertaeiix, qu'on
persécutait injustement et dont tes senlimens étaient les mêmes
que ceu;i du concile qui l'avait condamné.
Constantin Tut surpris de ce discours et témoigna que, si Arius
voulait souscrire au cuncile de Nicéc, il lui permettrait de p
raiire dcMnl lui et le renverrait avec honneur i Alexandrie.
Arins obéit et présenta i, l'empereur une profession de Toi, dans
laquelle il déclarait : • qu'il croyait que le Fils était né du Père
■ avant tous les siècles, et que la raison, qui est Dieu, avait fait
> toutes cboses, tant dans le ciel que sur la terre. •
Si Constantin fut vérilabletiicnt satisfait de cette déclaration,
il fallait qu'il eût cbangé de sentiment ou qu'il n'eût pas com-
pris lesjmbolede Nicée, ou que le prêtre arien eût en effet changé
les dispositions de Constantin par rapport ï l'Arianisme.
Quoi qu'il en soit , il permit à Arius de retourner à Âleian'
drie : depuis ce temps les éréques ariens rentrèrent peu à peu ei
faveur, et les eiilés furent rappelés.
Les ûditsde Constantin contre les Ariens n'avaient produit que
l'apparence du calme; les disputes se ranimèrent peu i pen, et
elles étaient devenues fort vives lorsque les évéques exilés furent
rappelés. A force d'examiner le mot coasubitant'iel , il j eut des
évéques qui s'en scandalisèrent : on disputa , on se brouilla , et
enfin l'on s'attaqua avec beaucoup de chaleur. • Leurs querelles,
■ dit Socrate , ne ressemblaient pas mal k un combat nociume ;
> ceux qui rejetaient le mot cousuÉitautkl croyaient que tes autres
> introduisaient par-lï le sentiment de Sabellius et de Uoplan , et
• les traitaient d'impies, comme niant l'existence du Fila de
■ Dieu; au contraire, ceux qui s'attachaient au molconitiManlift,
• croyant que les autres voulaient introduire la pluralité des
( dieux , en avaient autant d'aversion que si on avait voulu réta-
• blir le paganisme. Eustallie, évSqne d'Antioche, accusait Eu-
• sèbe de Césarée de corrompre la croyance de Nicée; Eusèbe le
■ niait et accusait au contraire Euslalbc de Sabellianisme '. •
11 est donc certain , même par le récit de Socrate , que parmi
les dârenseurs d' Arius il y eu avait beaucoup qui ne combattaient
'gocrate, 1. i
:. 23,
143 ABt
poiul la consubsUnliuIilc du Verbe , el qui reieUieul le mot cou-
êubttantlel , non parce qu*il exprimait que Jésus-Christ eiistait
dans la même substance dans laquelle le Père existait , mais parce
qu*ils croyaient que Ton donnait à cette expression un sens con-
traire à la distinction des personnes de la Trinité , et favorable à
Terreur de Sabellius , qui les confondait.
Pour juger la querelle d^Eustaibe et d*Eusèbe, on assembla un
-toncile à Antioche , Tan 329 ; il était composé d'évêques qui n'a*
valent signé le concile de Nicée que par force, et Eustathe y fui
condamné et déposé : on élut ensuite Eusèbe de Césarée pour
remplir le siège d*Antioche. La ville se partagea entre Eusèbe el
Eustathe : les uns voulaient retenir Eustathe , et les antres désir
raient qu*on établît Eusèbe à sa place; ces deux partis alarmèrent»
et Ton était sur le point d*en venir aux mains , lorsqu'un officier
de Tempereur arriva , fit entendre au peuple qu*Eustaihe méritait
d*étre déposé, et arrêta la sédition.
Eusèbe de Césarée refusa le siège d* Antioche , et Ton élut
pour le remplir Euphromius , prêtre de Cappadoce : Eustathe
fut exilé.
Après la déposition d*Eustalhe , le concile travailla à procurer
le retour d'Arius à Alexandrie , où saint Athanase n'avait point
voulu permettre qu'il rentrât. L'empereur, à la sollicitation di|
concile, ordonna à saint Alhanase de recevoir Arius: mais saift(
Athanase repondit qu'on ne recevait point dans l'Ëglise ceux qu}
avaient été excommuniés.
L^attachement de saint Athanase au concile de Nicée avait éga-
lement irrité les Méléciens el les Ariens. Ces deux partis se réu-
nirent contre lui ; ils l'accusèrent d'avoir imposé une espèce de
tribut sur l'Egypte , d'avoir fourni de l'argent à des séditieux ,
d'avoir fait rompre un calice , renverser la table d'une église et
brûler les livres saints : on l'accusait encore d'avoir coupé le bras
à un évêque mélécien, et de s'en servir pour des opérations ma-
giques. Constantin reconnut par lui-même la fausseté des deux
premières accusations , et renvoya l'examen des autres aux évé-
ques qui s'assemblèrent à Tyr Tan 334.
Les évêques de la Lybie, de l'Egypte, de l'Asie et de l'Europe,
assemblés à Tyr, envoyèrent ù Alexandrie quelques évêques
ariens , pour informer contre saint Athanase, qui protesta dès lors
contre tout ce que le concile ferait, et se retira i Jérusalem , où
l'empereur était alors.
ARI 14,1
Lm évêqucs assemblés à Tyr reçurent les inrorma lions d*Ê-
gypie, et saint Athanase se trouvant chargé, on le déposa pour
les crimes dont il était accusé.
Après la déposition de saint Athanase , Tempereur écrivit aux
évèques de se rendre incessamment à Jérusalem pour y faire la
dédicacé de Téglise des Apôtres : pendant cette cérémonie , Eu-
sébe de Gésarée fit plusieurs discours qui charmèrent Temppreur,
Après la dédicace de Féglise des Apôtres, les évéques assemblés
à Jérusalem reçurent à la communion Arius et Eùzoîus , et cela
sur les recommandations de Tempereur, qui exila saint Athanase
à Trêves et rappela Arius à Gonstaniinople , parce qu'il craignait
que sa présence ne causât du trouble à Alexandrie *.
Lorsque Arius fut à Gonstantinople , Tempereur lui proposa de
signer le concile de Nicée, et Ariûs le signa.
LVmpereur, après s^être assuré de la foi d' Arius , ordonna à
Aleiandre , évéque de Gonstantinople , de le recevoir à sa commu-
nHm; mais Alexandre protesta quHl ne le recevrait point, et
Ariys mourut pendant ces contestations.
De Vélat de VArianisme après la mort éTAHuiK
Constantin, ayant été attaqué d^une indisposition considérable
el sentant que sa fin approchait, remit secrètement ses dernières
volontés entre les mains du prêtre arien que sa sœur lui avait re-
commandé ; il lui enjoignit de ne rémettre son testament qu*à
Constance , et mourut.
Par ce testament , Gonstantin partageait Tempire à ses trois
^ans : il donnait h Constantin les Gaules , TEspagne et TAn-
gleterre ; à Constance TAsie , la Syrie et TËgypte , et à Constant
rillyrie , Tltalie et T Afrique.
Le prêtre arien remit fidèlement à Constance le dépôt que Con-
stantin lui avait confié; et comme ce partage flattait son ambi*
tiofl , il conçut beaucoup d^affection et de considération pour ce
prêtre; il lui donna du crédit et lui ordonna de venir le voir
souvent.
Le crédit du prêtre arien auprès de Tempereur le fit connaître
de rimpératrice. H forma des liaisons étroites avec les eunuques,
et particulièrement avec Eusèbe , grand chambellan de Constance;
il rendit Eusèbe arien et pervertit Timpéralrice et les dames de la
t Socratr, If f , c 33t
144 AM
coar. Saint Athanase dit qu*alors les Ariens se rendirent redou-
tables à tout le monde , parce qu'ils étaient appuyés du crédit
des femmes.
Le poison de TArianisme se communiqua bientôt aux officiers
de la cour et à la ville d*Antiocbe, oU Constantin faisait ordi-
nairement sa résidence , et de là se répandit dans toutes les pro-
vinces de rOrient. On voyait dans toutes les maisons , dit So-
crate , comme une guerre de dialectique , qui produisit bientôt
une division et une confusion générale.
Les guerres des Perses, la révolte des Arméniens, les sédi-
tions des armées suspendirent d'abord le zèle de Constance pour.
FArtanisme ; mais lorsqu'il fut de retour à ("onstantinople , il fit
assembler un concile composé d'évéques ariens, qui déposèrent
Paul , évéque de Constanlinople, et mirent à sa place Ëusèbe de
Nicomédie.
Après la déposition de Paul , Constance partit pour Antiocbe ,
afin d*y faire la dédicace d'une église que Constantin avait fait
construire ; il y assembla quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-dix-
sept évêques.
Eusèbe et les Ariens profitèrent de cette occasion pour éloigner
saint Athanase d'Alexandrie , où il était revenu depuis que l'en <
trevuedes trois empereurs en Pannonie avait procuré le retour des
évêques exilés : on le déposa parce qu'il était rentré dans son siège
de son propre mouvement , et Ton ordonna à sa place Grégoire.
Eusèbe , devenu le chef et l'âme de la faction arienne , fit faire
une formule de foi , dans laquelle on supprima le mot consubslan"
tiel , et l'on envoya cette formule dans toutes les villes.
Enfin , ils en firent une troisième , plus obscure et moins ex-
presse , sur la divinité de Jésus-Christ ; sinon qu'elle portait que
le Fils est Dieu parfait ^.
La divinité de Jésus-Christ était donc un dogme bien constant
et bien universellement enseigné dans TÉgiise , puisque le parti
d'Eusèbe , extrêmement éclairé , ennemi violent des orthodoxes
et tout-puissant auprès de Constance, n'avait osé entreprendre de
l'attaquer, et reconnaissait la divinité de Jésus-Christ en niant sa
consubstantialilé : ce parti d'Eusèbe fut celui qu'on nomme le
parti des demi-Ariens , opposé aux Ariens , mais qui se réunis-
sait toujours à ces derniers contre les catholiques.
t Socralc, I, 2, c. 10. Hilar. synod.
ARI 145
Gusëbe , évSqne de Constaatinople , moiiral dans et temps , et
te peuple rétablit Paul ; mais les Eusébîens élurent Hacedouiua ,
et il ae Tornia un schisme et une guerre civile qui remplit Con-
stanlinople de troubles et de meurtres.
CooBlaDce envoya Hermoiièae, général de la cavalerie, pour
chasser Paul de Cousiantinople ; mais le peuple se souleva, mit le
feu au logis d'Hermogëne , se saisit de sa personne , l'attacha à
une corde et l'assomma, après l'avoir traîné parla ville. Ckinstance
se rendit en personne à Constaatinuple, punit le |>eup1eet chaasa
Paul, qui se réfugia en Italie auprès du pape Jules.
Saint Athanase et beaucoup d'orlhodoies s'y étaient retiré:; ; ils
étaient tranquilles sous la protection de Coasiaul qui , touche
des divisions qui troublaient l'Église , écrivit ï Constance pour
l'engager ï convoquer un concile œcuménique pour rétablir la
paix. Saint Athanase et les autres prélats prièrent Comitant de
presser la tenue du concile ; saint Atbanasc lui raconta en p|pu-
rant tous les maux que les Ariens lui avaient tait subir; il lui
parla de la gloire de son père Constantin, du grand concile de
Nicée qu'il avait assemblé, et du soin qu'il avait pris d'alT^ruiir,
par ses lois , ce qui avait été décidé par les Pères du concile , un-
quel il avait assisté lui-niéine.
Comme la douleur de saint Athanase éclata dans ses discours et
dans ses plaintes , il toucha profondément l'empereur, et l'excita
limiter le zélé de son père; de sorte qu'aussitét qu'il ent entendu
saint Athanase , il écrivit à son frère Constance pour le porter à
conserver inviol a blem en t la piété queCongtantln, leur père, leur
avait laissée comme par succession, et il lui représenta que ee
grand prince, ayant alTermi son empire par la piété, avait exterminé
les tyrans qui étaient les ennemis des Romains, et soumis les Bar-
bares *.
Constance accorda 1 son frère h convocation d'uu concile , et les
évéques s'assemblèrent , de l'Orient et de l'Occident , li Sardique ,
l'an 347.
Hais les Orientaux se retirèrent bientôt i Philippopole, ville
de Thrace, qui obéissait ï Constance, parce que lesOccidentaui: n<-
voulurent point exclure du coniile saint Athanase, attendu qu'il
avait été jugé par le cuucita de Home et déclaré bnoceni *.
■ Socrale, I. 1, c 30.
} Vie de S, Allian., p, lïST, llennan,, I. 1, t, 5, C 18.
148 ABI
Les Occidentaux astembléâ à Sardique dofiservèMttt le fiymbote
de Nicée sans y rien changer, déclarèrent innoœns les évéques
déposés par les Ariens , et déposèrent les principaux chefs des
Ariens.
Les Orientaux, de leur côté, confirmèrent tout ce quUls avaient
fait contre saint Athanase et contre les autres évéques oalholî*
ques , retrandièrent de leur communion ceux q^i aTaient corn*-
muniqué arec les évéques déposés , et firent un« formule de Haï
dans laquelle ils supprimaient le terme de cmuuHtmmel ^,
Les évêques assemblés à Sardique et à Pfailippopole sVft relo«w
nèrent dans letftrs sièges après la tenue de leur concile»
GonsUnt informa son frère Constance de ce qui s*était pasaé k
Sardique , et lui demanda le rétablissement de saint Athanase, de
Manière que Constance ne put le refuser. « J'ai , hii écrivail-H ,
y> chcE moi , Paul et Athanase , deux hommes qtue je t&ais qtt*<Mi
j> persécute à cause de leur piété ; si vous me prometlez de les i^
» tabliret de punir leurs ennemis, je vous les renv«ital ; siiMMi>
» j*irai les rétablir moi-même dans leurs sièges. »
Peu de temps après. Constant fut attaqué par Màgnenee, I5t
Uié; mais Magnence fut à son tour défait par Constance , t|ifi 4f^
vint maître de Tltalie et de tout ce que possédait Constant.
Constance prit le succès de ses armes contre Magnence pour
une confirmation de la pureté de ses sentimens , et crut que Dieu
appuyait sa foi et sa religion par les victoires qu'il remportait ; il
assembla un concile dans les Gaules , fit de nouveau condamner
saint Athanase, et donna un édit par lequel tous ceux qui ne ie
condamneraient pas seraient bannis.
Le pape Libère demanda à Constance la convocation d'an con^
cîle à Milan , et Tempereur y consentit ; les Orientaux y étaient
en petit nombre et demandèrent pour préliminaire qu'on signât
la condamnation de saint Athanase ; les Occidentaux s'y opposè-
rent : on cria beaucoup de part et d'autre , eft l'on se sépara sans
avoir rien terminé : l'empereur exila les évêques qui refusèrent de
signer la condamnation de saint Athanase , et le pape Libère qui
refusa aussi d'y souscrire fut banni.
Constance, fatigué de toutes ces contestations, voulut enfin
établir une paix générale , et résolut d'assembler un concile pour
terminer toutes les disputes ; mais la difficulté de réunir dans un
^ Hilar.i Fragm*, 2i, 22| 24,
ABI * 141
mtee lien les Orientaux et lés OccidenUiix fit qu*U assembla les
uns à Séleucie et les autres à Rimini.
11 se troura à Rimini plus de quatre cents évêques , dont qua<
tre-TÎngts étaient Ariens.
Ursace et Valons étaient du parti des Ariens ; ils présentèrent
au concile une formule qu'on avait dressée à Syrmich , avant que
de partir pour Séleucie.
Cette formule portait que le Fils de Dieu était semblable à son
Père en substance et en essence ; mais on y rejetait le mot eoth»
Le concile de Rimini rejeta cette formule , s*en tint au symbole
de Nicée, et anatbématîsa de nouveau Terreur d*Arius. Ursace et
Valens, n'ayant pas voulu signer les anatbèmes prononcés contre
Âriufl 9 furent eondanmés du consentement unanime des évé«'
^[ses*
L'empereur désapprouva le concile, envoya la formule de Syr^
nich aux évéques assemblés à Rimini , afin qu'ils eussent à la
signer, et manda au gouvernement de ne laisser sortir aucun évé-
que qu'il ne Teût signée : Tempereur ordonnait au gouverneur
d'exiler ceux qui refuseraient d'obéir, quand ils ne seraient plufl
qu'au nombre de quinze.
I«eft évéques assemblés k Rimini résistèrent plus de quatre mois ;
malgré les mauvais traitemens qu'ils éprouv&ient , ils n'étaient
point vaincus ; mais enfin ils parurent accablés.
Ursace et Valens profitèrent de leur abattement , leur représen-
tèrent qu'ils souffraient mal à propos ; qu'ils pouvaient finir leurs;
maux et rendre la paix à TËglise sans trahir la foi , puisque la
fimnule de foi que l'empereur proposait n'était point arienne ,
cpi'eUe exprimait la foi catholique , et qu'elle ne différait de
edie de Nicée que par le retranchement du mot c&niubsian'
Ikf , dont elle exprimait cependant le sens , puisqu'elle portait
formellement : que le Fils est semblable en tout à son Père , non-».
semlemtnt par un accord de volonté , mais encore en substance et en
têsence.
Les évéques, accablés de maux , prêtèrent l'oreille aux dis-
cours de Valens , prirent toutes les précautions possibles pour
prévenir les conséquences que l'on pourrait tirer du changement
qu'ils faisaient dans le symbole de Nicée , prononcèrent haute-
meRt f et firent prononcer de même à Ursace et à Valens ana-
thème k quiconque ne reconnaissait pas « que Jésus-Christ était
148 ' ARI
» Dieu 9 vrai Dieu , éternel avec le Père, » ou qui disait < qu*il
» y a eu un temps où le Fils n'était point. »
En un mot, on prononçait anathème contre tous ceux qui, con-
fessant que le fils de Dieu est Dieu , ne disaient pas quHl est de-
vant tous les temps qu'on peut concevoir, mais mettaient quelque
chose avant lui.
Après ces précautions , les évêques assemblés à Rimini signè-
rent la formule que Valens.et Ursace avaient proposée , et obtin-
rent la liberté de retourner dans leurs diocèses.
L'empereur engagea les évêques de Séleucie à signer la même
formule; il prononça ensuite peine de bannissement contre tous
ceux qui refuseraient de la signer ^.
Les Ariens triomphèrent après le concile de Rimini et préten-
dirent que le monde entier était devenu arien ; mais il est aisé de
voir combien ce triomphe était chimérique ; les Ariens eux-mêmes
en étaient si persuadés , qu'immédiatement après le concile ils
changèrent la formule de Rimini : bientôt après ils engagèrent
Constance à convoquer un nouveau concile pour réformer la for-
mule de Rimini et déclarer que le Fils était dissemblable au Père
en substance et en volontés ; cette formule aurait été la dix-neu-
vième , mais ils n'osèrent la faire paraître '.
La mort de Constance dérangea leurs projets ; Julien » qui lui
succéda , haïssait les premiers officiers de Constance , et surtout
Eusèbe le chambellan; il rappela tous les exilés, et permit à
tous les chrétiens de professer librement chacun leur sentiment ;
la foi de Nicée reprit alors son éclat , et TÂrianisme perdit beau-
coup de sectateurs.
Jovien, qui succéda à Julien, ne songea qu'à rétablir la foi de
Nicée ; il rappela saint Athanase , et voulait rendre la paix à l'É-
glise ; mais la brièveté de son règne ne lui permit pas d'exécuter
son projet, il mourut après avoir régné sept mois et vingt
jours ^.
Après la mort de Jovien, l'armée choisit pour empereur Yalen-
tinien : ce prince était sincèrement attaché à la foi de Nicée , et
zélé pour la religion chrétienne : il n'était encore que tribun des
gardes, et il connaissait toute l'aversion de Julien pour les chré-
*■ Sozom., I. ày c. 26.
2 Ibid. Socrate, 1. 2. Athan., de Syn., p. 06. Tillemont,t 6, p. 521.
' Ammiam Marcel., p. d08« Socrate, 9» c 26*
^
ARI 14^
tiens et util son zèle poni le rétablissemeni du paganisme ; ce-
pendant Vatcnlmien ne craignit point de donner des preuves de
son atlachenient i la religion chrétienne dans le temps même que
Julien en donnait de son zftle pour le paganisme : Valenlinien fut
exilé , et il eût perdn la vie si Julien n'eût craint de l'illustrer
par son martyre'.
11 avait été rappelé deson eiil.et Jovienravait misa la tête de
la compagnie des écujers de sa garde ; après la moit de Jovicii ,
Ta rmÈe avait proclamé Valeniinieu empereur.
Valeiitinien , tribun des gardes , avait mieui aimé encourir h
disgrâce de Julien et s' exposer à la mort que d'autoriser une ac-
tion qui pouvait rendre sa foi suspecte ; mais lorsqu'il fut arrivé W
l'empire , il ne crut pas devoir persécuter les ennemis de la reli ■
gion ; il distingua soigneusement le clirctien de l'empereur :
comme chrétien, il soumit sa foi au jugement de l'Ëglise, et sui-
vit toutes les régies qu'elle prescrivait aux simples fidèles ; comme
empereur , il crut n'avoir point d'autre loi que le bonheur de
l'empire *.
Comme empereur et comme législateur, il se crut obligé de lonr-
ner tous les esprits vers le bonlieur de l'Étal, et pour cet effet de
protéger tout citoven utile et vertueux, de quelque religion et de
quelque secte qu'il Tùl. Il donna des lois en Tavcur du clergé
cliréticn et do paganisme ; les pontifes païens furent rétablis dans
leurs privilèges, et il fut ordonné qu'on leur rendrait les mêmes
honneurs qu'aux comtes ^.
oulut ni gouverner l'Eglise , ni prononcer sur ses dog-
ir ses lois , comme il ne voulut point que le clergé prit
ilTaires de l'empire.
Ainsi , lorsque les évêques assemblés en Illyrie lui envoyèrent
décision sur la consubstantialité du Verbe et sur la néces-
sité de conserver inviolable m eut le symbole du concile de Nicée,
Yulenlinien leur n'^pondil qu'il croyait leur décision, et qu'il vou-
lailque leur doctrine fût enseignée partout, de manière cependant
qu'on n'inquiéilten aucune manière ceux qui refuseraient de sous-
crire au jugement du concile , afin qu'on ne crût pas que ceux qui
u 1. SoEom., 1, 6, C S, Théodor., nisU ecclés.,
I. 15, lit, 7, 1^. i. Tillcmont, 1. S.
I
sniTraientlft doctrine du concile obéissaient plutôt k l*emper6iir
qo*àDieu^
Nous ne voyons point que la tolérance et la protection accordée
par Valentinien à toutes les sociétés religieuses aient h\i regar-'
der ce prince comme un hérétique ou comme un ennemi de la re-*
ligion, et lui aient attiré aucune dénomination odieuse; il est même
représenté par les auteurs ecclésiastiques , comme un confesseur,
Yalens, qui gouyernait TOrienl, ne traitait pas aussi bien les
catholiques; ce prince , Arien zélé jusqu^àla fureur, exila, bannit,
fit mourir beaucoup d^éréques et de catholiques attachés à la foi
de Nîcée , et mit dans toutes les Églises du comté d*Orient de$
évèques Ariens. La situation des affaires deTempirene permettait
pas à Valentinien de s^opposer aux cruautés de Valons ; ainsi, sous
ces deux princes, TArianisme triomphait dans TOrient j et la foi
catholique était enseignée dans tout TOccident , ayec liberté, sans
exercer aucune violence , et sans employer la force contre les
Ariens; TArianisme y fut presque éteint. Dans TOrient , au cou»
traire, les Ariens avaient pour eux Valons , et contre eux la pluS
grande partie du peuple , qui demeura constamment attaché à la
foi de Nicéè ; on vit, dans ce temps de persécution, les Basile et
les Grégoire reprocher à Valons ses injustices , et défendre avec
une fermeté héroïque la consubstantialité du Verbe.
L'Egypte avait été tranquille ; saint Alhanase mourut , et les
Ariens voulurent y mettre un évêque arien : ils chassèrent Pierre,
que saint Alhanase avait ordonné sou successeur. Les catholiques
voulurent conserver Pierre ; mais les Ariens, appuyés par Valons,
arrêtèrent, mirent aux fers et firent mourir ceux qui étaient atta-
chés à Pierre; on était dans Alexandrie comme dans une vîlle
prise d*assaut. Les Ariens s'emparèrent bientôt des églises, et l'on
donna à l'évêque que les Ariens avaient placé sur le siège d'A-
lexandrie le pouvoir de bannir de VÊgypte tous ceux qui reste-
raient attachés à la foi de Nicée *.
Tandis que T Arianisme désolait ainsi Fempire, les Goths et les
Sarrasins firent la guerre à Valons ; il ^'occupa alors à se défendre
contre ces redoutables ennemis , et la persécution cessa. Valons
marcha contrôles Goths; son armée fut défaite, il prit la fuite et
fut brûlé dans une maison où il s'était retiré^.
4 Ibid. Théod., ibid.
2Sozom.,I. 6, c. 20,
sibid., cd9,&0.
ART 151
Gratien Tnl alors le seul mallrc de IVmpire , et suivit les maxi-
mes de Val t mini en , son pÈre : il laissa i lout le tnoiiite la liberlâ
de professer la religion qu'il voudrait embrasser, excepié le Mani-
chéisme , le Pholinianisme et les sonlimena d'Eunome; il rappela
iesévêqueschasfés parles évÉques ariens. Plusieurs des conresaeurs
qui revinrent de leur exil témoignèrent plus d'amourpour l'unité
de l'Eglise que d'allachement à leur dignité ; ils consentirent qna
les Ariens demeurassent évêques , en se réunissant fi la foi et à la
communion des catholiques, et les conjuraient de ne pas augmeu-
ter la dÎTision de celle Églj*e , que Jésus-Christ et les apûires
leur avaient laissée , et que les disputes et un amour honteux da
dominer avaient déchirée en tant de morceaui.
Celle modération des évêqn es catholiques rendit odleusks évê-
ques ariena qui rejetèrent ces propositions ; et il y eut des ville»
oii l'on vitTévéque arîcn aliandonoé de tout son parti, qui, gagna
par la douceur de l'évéque catholique , reconnut h vérilé et pro-
fessa la conaubstantialité du Verbe ' .
L'empire romain était déchiré au dedans par les factions, et at-
taqué au dehors pat les Barbares; Craiien, pour soutenir le poids
de l'empire, s'associa Théodose.
Ce prince, plus zélé queCralicn pour la foi deNicée, Dl nue loi
par laquelle il ordonnait k tous les sujets de l'empire de suivre la
loi qui était enseignée par le pape Damase et pir Pierre d Alcvan
drie: il déclarait que ces sujets seuls seraient regardés comme
catholiques, et que les autres seraient traités comme inDnies,
comme hérétiques, et punis de diverses peines
Malgré ces lois, les Ariens s'assemblèrent et ton'^erN rent
même beaucoup de leurs sièges.
Saint Amphiloqne , évéque d'Icone, sollicita foriement 1 empe-
renr pour défendre elTicacemcnt les assemblées des Ariens ; mais
Tbéodose se refusa constamment aui inspirations de son zèle, et
ne céda qn'ï un pieux stratagème <\ae cet évéque employa pour
faire sentir ù l'empereur qu'il ne devait pas donner aui Ariens la
liberté de s'assembler.
Arcade, fils de Tbcodosc , venait d'être déclaré Auguste rsain
Amphiloque , étant chez l'empereur, ne rendit \ Arcade aucune
marque de respect-, Tbéodose l'en avertit , et l'invila b venir sa-
luer Arcade : alors saint A mpbiloque s'approcha d'Arcade, et lui
152 ARI
fit quelques caresses » comme à un enfant , mais il ne lui rendit
point le respect qu*on avait accoutumé de rendre aux empereurs ;
puis, s^adressant à Théodose, il lui dit que c'était assez de lui
rendre ses respects, sans les rendre à Arcade.
Théodose, irrité de cette réponse , fit chasser Amphiloque, qui,
en se retirant, lui dit : « Vous voyez, seigneur, que vous ne pouvez
» souffrir Tinjure qu'on fait à votre fils ; que vous vous emportez
» contre ceux qui ne le traitent pas avec respect : ne doutez pas
» que le Dieu de Tunivers n*abhorre de même ceux qui blasphè-
» ment contre son Fils unique , en ^e lui rendant pas les mêmes
» honneurs qu'à lui, et qu'il ne les haïsse comme des ingrats à
» leur Sauveur et à leur bienfaiteur ^. »
Théodose , que des raisons d'État empêchaient d'interdire aux
Ariens la liberté de tenir leurs assemblées , céda à l'apologue de
saint Amphiloque, et fit une loi pour défendre les assemblées des
hérétiques *»
Le parti des Ariens était trop puissant et trop étendu pour
qu'on pût faire exécuter ces lois avec exactitude ; ils continuant
à s'assembler , inquiétèrent les catholiques , et ne devinrent que'
plus entreprenans : il s'était d'ailleurs élevé d'autres hérésies, et
il y avait au dedans de l'empire une agitation sourde , mais vio-
lente.
Théodose entreprit de rétablir le calme en réunissant tous ces
partis; il manda leurs chefs, afin de les engager à déterminer avec
précision les points qui les divisaient , et à convenir d'une règle
commune qui pût servir à juger de la vérité ou de la fausseté de
leurs sentimens. L'empereur proposa à tous ces partis , et surtout
aux Ariens , de prendre pour règle l'Écriture et les Pères qui
avaient précédé Arius.
Ce moyen, qui avait été suggéré à l'empereur par un défenseur
de la consubstautialité , ne fut pas du goût des Ariens; et l'empe-
reur, voyant qu'ils rejetaient l'autorité des Pères qui avaient pré-
cédé le concile de Nicée , et que les conférences ne terminaient
rien, demanda à chacun des chefs de donner par écrit la formule de
foi qu'il voulait faire professer.
Ainsi, au quatii^e siècle, les Ariens refusaient de s'en rappor-
ter, sur la consubstautialité du Verbe, à la doctrine des Pères qui
^ Sozom., I. 7, c, 6.
2 Ibid.
h
ARI 15S
avaient précédi.^ Arius; et l'on vient, au dix-sepliëme sîËcle, nous
dire que les Pères qui ont précédé le concile de Nicée étaient
Ariens ou ne connaîssaienl pas la cOQsubstanlîalité du Verbe.
S'il y eût eu de l'obscurité dans \a manière dont les Pères s'eipri-
maieol sur ce dogme, les Ariens, qui étaient lu moins aussi eier-
ces que les catholiques dans l'art de la dispute, n'auraient-ils pas
trouvé leurs dogmes danslesPëres, aussi bien que les catholiques?
Les passagesdesPèresdes trois premiers siècles, parlesquelson
prétend aujourd'hui combattre la consubstantialilé du Verbe, ne
prouvaient doncalors rien contre ce dogme ; aurïons-noas la pré-
somption de croire que nous entendons mieux ces passages et la
doctrine des trois premiers siècles de l'Ëglise que les catholiques
et les Ariens même du troisième et du quatrième siècle? Certai-
nement il ; avait eu parmi tes Ariens des hommes habiles, et qui
avaient un grand intérêt !i trouver leur doctrine dans les Pères des
trois premiers siècles , surtout sous Théodose , puisque ce prince
proposait déjuger sur cette autorité tous les partis.
Les cbefede parlisn'ayant donc pu convenir sur rien dans leurs
conrérences, apportèrent par écrit chacun leur formule de lui.
Théodose, après les avoir examinées, déclara qu'il voulait qu'on
suivit la formule de Nicée, défendit les assemblées des héréti-
ques, chassa les uns des villes, nota les autres d'infamie et les
dépouilla des privilèges des citoyens.
Ces lois ne furent cependant pas observées rigoureusement;
Théodose les regardait comme des lois comminatoires deslioées i
intimider ses sujets, !i les porter ù la vérité, et non pas à tes pu-
nir. 11 renouvela ces lois plus d'une fois, et en fit une pour dé-
fendre de disputer en public sur la religion ; enGn Théodose, sur
la fin du quatrième siècle, fit chasser de Constantinople tous
les évéques et les prêtres ariens.
L'impératrice Justine, qui régnait dans l'Italie, l'illyrie et l'A-
frique, sous le nom du jeune Valenlinien, son fils, voulut réta-
blir l'Ârianisme et défendît, sous peine de la vie, de troubler
ceux qui feraient profession de suivre la doctrine du concile ds
Rimini; mais ses efforts furent sans succès, le ferment de l'Aria-
nisme s'était usé ; il s'était élevé d'autres hérésies qui absor-
baient une partie de l'esprit de faction et de dispute; tous ces
partis se resserraient, pour ainsi dire, et les Ariens, ne pouvant
plus s'étendre, se reployèreot en quelque sorte sur eux-mêmes,
etf pour donner de l'alûnenl i l'inquiétude de leur esprit, agite-
i
I
I
iU ARI
not entre eux de nouvelles questions, se divisèrent et formèrent
différentes branches. Ils examinèrent, par exemple, si le nom de
Père oonvenak à Dieu avant qu*il eût produit Jésus*Christ. Les
uns soutenant Faffirmative et les autres la négative, il se forma un
sehisme entre les Ariens ; d'autres divisions succédèrent^ eelle^iy
et les partis se multipliaient parmi les Ariens. Ces partis ne corn •>
muniquèrent plus entre eux et se donnèrent des noms odieux; ils
se rendirent ridicules, tombèrent dans le mépris et s'éteignirent
insensiblement. Après la fin du quatrième siècle, les Ariens n'a«
valent plus d'évéques ni d'églises dans Tempire romain *•
Il y avait néanmoins encore quelques particuliers ecdésiasti*
ques et laïques qui tenaient la doctrine des Ariens, mais ils ne
disaient plus corps.
L'Arianisme subsistait encore chez les Goths où il avait eom<*
mencé à s'établir dès le temps de Constantin , parmi les Vandales
qui s'emparèrent de l'Afrique et chez les Bourguignons auxquels
les Goths l'avaient communiqué.
Les Goths n'eurent pas moins de zèle pour faire professer PA-
rlanisme que pour étendre leur empire. Ils firent égorger la plu-*
part des évéques catholiques et employèrent contre la religion
catholique tout ce que le fanatisme peut inspirer à des Barbares
qui ne connaissaient ni l'humanité, ni la justice '.
Les Bourguignons, qui s'établirent au commencement du cin-
cpiième siècle dans les Gaules et qui avaient reçu la foi catholique
peu d'années après, tombèrent dans l'Arianisme vers le milieu du
cinquième siècle.
Mais les Bourguignons étaient moins barbares que les Goths,
et des prélats illustres par leurs lumières autant que par leur
piété, tels que saint Avite, combattirent l'Arianisme aveo tant
de force qu'ils convertirent Sigismond, roi des Bourguignons, et
rétablirent parmi ces peuples la religion catholique ^.
Les Français embrassèrent aussi l'Arianisme, lorsquMls renon-
cèrent à l'idolfttrie ; le passage de l'idolâtrie à l'Arianisme est
plus facile qu'au dogme de la oonsubstantialité. Lorsque Glovis
fut converti, l'Arianisme s'éteignit insensiblement en France.
^ Voyez , sur tous ces fiaiits, Socrate, Sozomène, Théodoret, desquels
je les ai tirés.
3 Sidonius, 1. 7, ep. 6, édition de Sirmond, p. 1023.
> Adoniis Chronic., ad an. A99, t. 6. Biblioth, PP., édit, Lug«| ia77«
0( la renaitiùnee de TAfiaMttM n Europe.
L'ArîanisDie sortit du sein du Tanalisuie allumé par ta rf (arme ;
un prâdicant anabaptiste préleudit qu'il élut petit-fiU de Dieu,
nia la diiiaïlé de Jésus-Clirlst et se fit des disciples *. BientÛt
les principes de la réforme conduJsirËDt des ihêologieos h celle
erreur.
L'Écriture sainte est, chez les rroteslans, la seule règle de foi
& laquelle on doive se soumeiire, et chaque pacticulîer est l'inter-
prète de l'Écriture et, par cousfqiieiit, le juge des conlrorerses
qui s'élèvent sur la rellgiou.
Par ce principe fondamenlal de la réforme, cbaque pariiculier
avait le droit de juger l'Eglise catliolique et les réformateurs
mêmes, d'eiaminerJes dogmes reçus dans toutes les commuDions
chrétiennes, et de les rejeter s'il n'y découvrait pas les caractères
de révélaiion ou s'il les trouvait absurdes.
Cette liberté fit bientût renaître, parmi les Proleslans, une
partie des anciennes hérésies et l'Arianisme. On vit Capiton Cel-
iarius, d'autres Luthériens et Servet, guidés par ces principes,
soumettre ii leur eiauien particulier tous les dogmes de la reli-
gion, rejeter le rojstère de la Trinité et combattre la consubstan-
tialité du Terbe. L'Arianisme se répandit en Allemagne et en
Pologne, forma une inGnité de sectes, passa en IlolUude el fut
porté en Angleterre par Okin, par Bucer, etc.
Le duc de Sommerseï, tuteur d'Edouard VI, les y avait appe-
lés pour y enseigner la doctrine de Zuingle ; mais Bucer el Okin,
qui prêchaient le Zainglianisme en public, enseignaient l'Aria-
nisme dans leui's conversa lioos et dans des entretiens particu-
liers. Quelques-uns de leurs disciples, plus zélés que leurs mal-
Ires, prêchèrent publiquemeut l'Ariauismeet fureiil brûlés par les
IpAtres de la réformalion.
Après la niori d'Edouard VI, la reine Marie chassa loui les
I llrangers d'Angleterre : plus de trente mille étrangers, infectés
de dilKrentes hérésies, sortirenl de ee royaume; mais ces étran-
gers y avaient laissé le germe el le ferment de l'Arianisme.
La reine Marie, ajant entrepris de rétablir en .Angleterre ta r«-
Sgion catholique, employa contre les Proiestans tout ce que le
lèle le plus ardent peut inspirer de sévérité et même de rigueur ;
alors le parti catholique et le parti protestant absorbèrent, pour
•Art,
156 ARI
ainsi dire, toutes les haines, tous les intérêts et presque loutes les
passions. On fit moins d'attention aux Ariens ; tout le zèle de
Marie se porta contre les Protestans, et Granmer, archevêque de
Gantorbéry, qui avait fait brûler les Ariens, fut brûlé comme Pro-
testant.
Sous Elisabeth, les bûchers s'éteignirent ; elle rétablit la reli-
gion protestante, en tolérant ceux qui ne Tattaqueraient pas.
Cette espèce de calme fit reparaître la plupart des petites sectes
aue l'agitation violente du règne de Marie avait comme étouffées :
Elisabeth craignit que ces sectes n'altérassent la tranquillité pu-
blique; elle bannit du royaume les Euthousiastes, les Anabap-
tistes, les Ariens.
Jacques I*'', qui était savant, écrivit contre eux, et brûla tous
ceux qu'il ne put pas convertir, de quelque qualité qu'ils fussent,
et quelques services quMls eussent rendus à l'Etat. Cette sévérité
donna des victimes à l'Arianisme et multiplia les Ariens *.
Les troubles et les guerres civiles qui désolèrent l'Angleterre
sous Charles h^ donnèrent aux différentes sectes beaucoup de
liberté.
Après la mort de Charles I", le parlement ne consistait pro-
prement que dans une chambre des communes , composée d'un
très-petit nombre de membres, ^tous Indépendans, Anabaptistes
ou attachés à d'autres sectes, mais parmi lesquels les Indépen-
dans dominaient.
Les Indépendans voulaient réduire le royaume en république,
et que chaque Église eût le pouvoir de se gouverner elle-même
et fût indépendante de l'Église anglicane ^.
; Sous le protectorat de Cromwel , les différentes sectes qui s'é-
taient formées en Angleterre jouirent de la tolérance.
Conséquemment au système d'indépendance religieuse qu'on
voulait établir, un Arien fit paraître un catéchisme qui, i^elon lui,
renfermait les points fondamentaux , tirés, à ce qu'il disait , des
seules Écritures , sans commentaire , sans glose et sans consé-
quences. Cet ouvrage était composé , disait-il, en faveur de ceux
qui aimaient mieux être appelés chrétiens que du nom de toute
autre secte. Ce catéchisme enseignait l'Arianisme, et souleva les
orthodoxes; ils portèrent leurs plaintes à Cromwel , qui, malgré
* Hist. d'Ang., par Thoiras. Abrégé des actes de Rymer.
3 Ibid.
I
I
ARI 157
la toi qu'on allait faÎM de tolérer tontes les secles, fit arrêter
l'aatenr du catéchisme, et le lit enrenuer dans un cachot oii il le
laissa périr de misËre ; mais il ne rechercha point les Ariens ,
qui se maintinrent tacitement en Angleterre sous Charles et
Jacques 11.
L'Ariasisrae avait aussi fait des progrès en Hollande ; les Ana-
baptistes ariens y avaient porlë leurs erreurs; ils y avaient fait
des prosélytes et ils s'y étaient multipliés considérablement, à la
faveur de la tolérance qu'ils avaient o{>tenue à force d'argent, sur
la fin du seizième siècle.
Lorsque le roi Guillaume résolut de convoquer le clergé d'An-
gleterre, pour tâcher de réunir les Proteslans, le docteur Bury
crut que la meilleure voie pour y réussir serait d'exposer netlC'
ment les premiers principes de l'Ëvangile, par lesquels on pour-
rait juger de l'importance des controverses qui sont eutre tes
Proteslans : pour cet effet, il distingua les articles qu'il était né-
cessaire de croire de ceux qu'on peut ignorer ou nier, et pré-
tendit que, pourvu qu'on reçût le fond des choses, on ne devait
pas chicaner sur la manière, qui est ordinairement iuconnue.
Il réduit donc la croyance nécessaire pour être cbrélien aux
points les plus simples, et croit que, pour èlre chrétien , il sulQt
de croire que Jésus-Cbrist est le Fils unique de Dieu: il regarde
la consuhslantialité du Verbe comme un dogme iuconnu aux pre-
miers chrétiens ; il prétend que, du temps de sahit Justin, on
regardait encore comme chrétiens ceux qui croyaient que iéeus-
Cbrist était homme, né d'homme, et que l'on parlait de ces gens-
U sans leur dire des injures ; mais que, depuis qu'on veut dispu-
ter sur ces matières, la cbaleur des disputes et les partis qui se
S(Hit formés dans l'Ëglise chrétienne i cause de cela ont fait pa-
raître ces questions importantes, t peu près comme la peine que
l'on a i trouver les diamana et k les polir les rend précieux; car
mdn, dit<il , quoiqu'il s'agisse de la nature divine, il ne s'ensuit
pas que tout ce qu'on en dit soit important ' .
L'université d'Oxford condamna et Bt brûler le livre du d<
leur Bury, et ce jugement lui créa des partisans *.
IoqJ
* L'Évangile nu, etc., par un véritable fils de l'Église anglicL
IflSO, in-t*. Cet ouvrage est écrit en anglais ; ou en irouve un étirait
Irès-bien fall dans ta Blbliolb, univ., I, 19, p. 39.
U8 ARI
Par ce moyen on disputa beaucoup en Angleterre sur la di-
vinité de Jésus-Ghrist| etTattention des personnes qui cultivaient
les lettres ou qui étudiaient la théologie fut excitée et portée
sur cette importante matière ^.
M. Loke, peu satisfait des différens systèmes de théologie qu^U
avait examinés, étudia la religion^ et suivit dans cette étude la
méthode qu'il avait suivie dans Tétude de Tesprit humain : il ré-
solut de ne chercher la connaissance de la religion que dans TÉ-
criture sainte, à laquelle tous les Protestans appelaient » et il re-
nouvela le sentiment du d(/cteur Bury *.
Sociu et ceux de sa secte avaient hardiment avancé qu*avant
le concile de Nicée les chrétiens avaient des sentimens semblables
aux leurs sur la personne du Fils de Dieu.
Quoique Ëpiscopius eût soutenu la divinité de Jésus*Ghrist
contre Socin , il avait pourtant témoigné qu'il croyait que c'était
parmi les disputes et le trouble que les Pères de Nicée avaient
dressé ce fameux symbole qui porte leur nom ^.
Zuicker avait osé soutenir que les Pères de Nicée étaient les
auteurs de cette doctrine, et Gourcelles avaif pensé que les raisons
4e Zuicker étaient solides et sans réplique *.
Sandiufi, qui avait embrassé le nouvel Arianisme, tâcha de for-
tifier le sentiment de Zuicker en donnant une histoire ecclésias-
tique, dans laquelle il exposait les sentimens des Pères des trois
premiers siècles sur la divinité du Verbe, et prétendait prouver
qu'ils avaient enseigné une doctrine contraire à celle des ortho-
doxes ^.
M. Bull réfuta Zuicker et Sandius, qui trouvèrent cependant des
défenseurs en Angleterre ^.
On vit dans ces écrits toutes les ressources de l'érudition et
souvent les finesses de la logique employées à défendre ou à
attaquer la consubstantialité du Verbe; ainsi le temps rendait
* L'Évangile nu, etc«
3 Le Christianisme raisonnable.
> Instit. theol., 1. h, scct. 2,
^ Irenicum Irenicorum, Curcelleus, Quatemio dissert.
^ Ghrîstoph. Sandii Nucleus, Hist. eccl., in-â**.
* ]>efiensio fidei Nicaenae, de primitive et apostolica traditione, etc.,
cont, Zuickcrum. Recueil des œuvres de Bail, parGrabe, in-fol«, i703.
Jugement des P^res, etc., opposé h la Défense de la foi dcNicéCi m-A%
ART 159 '
ingensIUanent cette question plus inl^ressanto , et excitait l'al-
teotion des savans, des lliéologieDs et des philosophes.
M. Wisiho!), au commencement de notre siècle, eiamîna ceiia
question, et crut voir de la différence entre la doctrine de l'Église
des trois premiers siècles el celle de l'Église anglicane sor la Tri-
nité : il sentit combien ce point était important, et rifsotut d'ap-
profondir tout ce qne l'aniiquiié divine et ecclésiastique fournis-
Miilde lumière sur ce sojet; il lut deai fois te nouveau Testament,
tous les aatenrs ecclésiastiques et tous les fragmeos, jusqu'il la
lîn du second siècle ; il en tira tout ce qui avait rapport ï la Tri-
nité, et pour qu'il ne lui échappiit rien sur cette matière, il lut
la défense du concile de Nicée, par BuUus, et compara avec les
auteurs mêmes les extraits de BuUus *.
M. WistboQ , avant de commencer son examen , avait jugé ; il
avait cru voir de la différence entre la doctrine des premiers
siècles et celle de l'Église anglicane sur la Trinité : sans qu'il
s'en aperçût, tout se présentait â lui sous la face qui favorisait C9
premier jugement, qui se cachait pour ainsi dire k H. Wisthon ;
et le résultat de toutes ses lectures fut l'Arianisme , qu'il ensei-
gna dans son Christianisme primitif rétabli.
Le clergé d'Angleterra condamna M. Wisthon ; on le sépara do
l'Église, parce qu'il en corrompait la doctrine, et il fut priva
de ses places ; mais le gonvemement ne sévit point contre lui»
parce qu'il ne violait poinl les lois de la société civile.
Quelque temps après , M. Clark lAcba de concilier avec le sym-
bole de Nicée la doctrine des Ariens sur la personne de Jésus-
Christ '.
La chambre basse du clergé porta ses plaintes contre M. Clark :
j>our en arrêter les poursuites, il envoya à l'assemblée un écrit dans
lequel il déclarait qu'il croyait que le Fila était engendré de ioul«
éternité : la chambre haute se contenta de celte déclaration.
Sans une seconde édition de son ouvrage, M. Clark retrancha
tout ce qu'il avait dit dans la première pour accommoder son
«yslème avec le symbole de Nicée , et ne voulut jamais aucm bë-
■ WisL, Christianisme primilif rétabli.
'14 ductrinc de l'Ecrilure louchant la Trinité, en trois parties, oft
l'on rassemble, où l'on compare, où l'on eipliquc ks princtpiiux pasM-
Be« de la liturgie de l'Ëgltee anglicane par rupport i, celle doctrine.
. Lond., 10-8°, 1712,
160 ARI
ncfice qui Tobligeât à signer ce symbole. Les théologiens anglais
combatlirent les sentimens de M. Clark , et ce docteur les défendit*.
M. Ghub se joignit à M. Clark pour combattre la consubstau-
tialité du Verbe ; il prétendit prouver que le Fils était un être in-
férieur au Père , qui seul était Dieu,: M. Ghub dédia son ouvrage
au clergé '.
La reine Marie avait rétabli en Angleterre les catholiques et
fait brûler les Protestans que le règne d'Edouard VI y avait pro-
duits. Elisabeth rétablit les Protestans » fit pendre les catholiques
et chassa les Ariens ; Jacques I'** adopta la réforme, toléra les ca-
tholiques et brûla les Ariens : aujourd'hui les Ariens , condamnés
par rÉglise anglicane comme hérétiques, ne sont ni recherchés ni
punis par les magistrats.
L'Arianisme ancien, dans son origine, était une erreur raison-
née : elle prit naissance au milieu des assemblées paisibles du
clergé d'Aleiandrie ; elle fut d'abord attaquée et défendue avec
modération; elle fit du progrès; les évêques s'assemblèrent;
Arius fut condamné , il se plaignit , il intéressa , il se fit des dé-
fenseurs ardens, il eut des adversaires zélés; Arius et ses parti-
sans furent condamnés par TËglise ; ils attaquèrent son jugement,
devinrent une faction : le fanatisme s'alluma chez eux, ils se divi-
sèrent, et formèrent une foule de sectes fanatiques.
L'Arianisme moderne , au contraire , sorti du sein du fanatisme,
fut , à sa naissance , l'erreur d'une troupe d'enthousiastes qui ne
raisonnaient point ; aujourd'hui , c'est une erreur systématique ,
que l'on prétend appuyer sur l'autorité de l'Écriture et sur les
plus pures lumières de la raison.
Ainsi , ce système ne fait point actuellement de fanatiques , mais
il séduit beaucoup de monde parmi ceux qui se piquent de raison-
ner, et l'Arianisme a fait tant de progrès en Angleterre , que de
nos jours on a fait , pour le combattre , une fondation semblable
à celle que Boyle fit autrefois pour combattre l'Athéisme ^.
Les opinions anglaises passent depuis long-temps chez nous; les
*■ Hist des ouvrages considérables et des brochures qui ont paru de
part et d*autre, dans les disputes de la Trinité, depuis 1712 jusqu'en
1720. Lond., iii-8% 1720.
^ La suprématie du Père, etc., par Thomas Chub, membre laïque de
rÉglise anglicane.
* Madame Myer a fait une fondation de huit sermons contre TAria-
nisme. Voyez Biblioth. anglaise, t. 7.
ARI 161
sentimens de Loke , de Wislhon , de Clark , sur la divinité de Je ?
sus-Christ, n'y sont point inconnus; leurs principes ont été
adoptés par Fauteur des lettres sur la religion essentielle , et
sont, par ce moyen, entre les mains de beaucoup de lecteurs;
tout le monde lit le Christianisme raisonnable : j'ai donc cru qu^a-
près avoir eiposé Torigine et les progrès du nouvel Arianisme, il
n'était pas inutile d'en combattre les principes.
Les nouveaux Ariens sont de deux sortes : les uns croient que
le dogme de la consubstantialité du Verbe est une question pro-
blématique , sur laquelle l'erreur n'exclut point du salut et ne doit
point exclure de l'Église; les autres prétendent, au contraire,
que la consubstantialité du Verbe est une erreur dangereuse,
contraire à la raison , à l'Écriture et à la tradition : tel était
M. "Wisthon , qui fit à M. Clark des reproches amers sur ce qu'il
avait déclaré qu'il croyait que le Fils de Dieu était engendré de
toute éternité ^.
$ I. — Principes par lesquels on prétend prouver que la consub-
stantialité du Verbe n'est pas un dogme fondamental.
Le docteur Bury, pour réunir les sectes qui partageaient l'An-
gleterre et réduire la religion chrétienne k des points simples et
communs à toutes les sociétés qui se disent chrétiennes, recherche
ce que c'est que l'Évangile que Notre-Seigneur et les apôtres ont
prêché.
Pour s'instruire sur cet article, il n'est besoin, selon Bury, ni
de logique , ni de métaphysique ou d'autres sciences ; il n'est pas
même nécessaire de lire aucun système de théologie , puisque
Notre-Seigneur ne répondit à celui qui lui demandait ce qu'il
devait faire pour être sauvé , sinon : Qu^ est-il écrit dans la loi f
fu^ff lisez-vous T c'est-à-dire qu'il ne faut que lire l'Évangile, où
le saint est promis , tantôt à la foi , tantôt à la repentance , tantôt
à Tune et à l'autre en même temps : c'est là le fond de l'alliance,
auquel il faut s'attacher.
Mais qu'est-ce que la foi? quel est son objet?
Elle en a deux : la personne en laquelle nous croyons , et la
doctrine que nous recevons.
Dans la foi que nous devons avoir en la personne de Jésus-
* Voyez toute cette dispute dans la Biblioth. anglaise et dans les Mé-
moires littéraires de la Grande-Bretagne.
14*
ni AM
Christ » il y SI deux choses k considérer : la première consiste |
savoir quelle sorte de personne Notre-Seigneur veut que nous Iq
croyions ; et la seconde , de bien concevoir ce qu*il entend pai^
croire en lui.
Les titres que Jésus-Christ prend ou que les apôtres lui donnent
sont ceux de Fils de V Homme , celui qui doit venir ^ h MesHe ou le
Christ, le Fils de Dieu, etc.
Comme ces termes, pris dans cette acception vague, peuvent
convenir à d*autres personnes , Jésus-Christ se nomme non-seule^
ment le Fils de Dieu , mais son Fils unique : ce titre est Fonction
qu'il a reçue avant qu*il vînt au monde , et Télève au-dessus de
toutes les natures que TÉcriture nomme dieux.
Tous ces caractères marquent une grandeur si immense , dit W
docteur Bury , qu^après avoir fait nos efforts pour la découvrir
entièrement , il ne nous reste autre chose , si ce n*est que nous
sommes convaincus de ne pouvoir le comprendre.
Bien loin que cette incompréhensibilité nous empêche d'avoic
en lui la confiance qu'il nous demande , c'est pour cette raison
même que nous croyons en lui , comme nous nous confions, pour
ainsi dire , dans la lumière , parce que cette même lumière » qui
éblouit nos yeux lorsque nous regardons fixement sa source , nous
découvre tous les objets sur lesquels elle tombe.
Voilà tout ce qui nous est nécessaire pour croire en Jésus-
Christ ; nous n'avons pas besoin de connaître autre chose de sa
personne pour le croire et pour lui obéir, comme il u'est point
nécessaire à un voyageur de connaître la nature du soleil pour
en tirer les usages dont il a besoin ; comme le soleil n'éclaire pas
le monde pour s'attirer les louanges des philosophes, ainsi le so*
leil d'en haut ne paraît à aucun autre dessein que pour apporter la
santé de l'âme : ceux qui en jugent autrement le déshonorent bien
davantage et nient plus véritablement sa divinité que ne font les
hérétiques , puisqu'ils supposent nécessairement quelque propor^-
tion entre Dieu et l'homme.
11 ne faut pas que nous sachions de Jésus-Christ rien autre
chose , si ce n'est ce sans quoi il est impossible de croire en lui»
Le docteur Bury prétend le prouver par la réponse que Notre-
Seigneur fit aux Juifs lorsqu'ils lui dirent : Pourquoi nous tiens-tu
si long-temps en suspens ? si tu es le Christ, disruous-le ouvertement.
Pour toute réponse , Jésus-Christ leur dit que Dieu est son
père : il n'entreprend point d'exposer ses droits ; il ne leur dit rien
ART 163
3e ce qu'il avait éti? de toute éleniîté en lui-même , mais de ca
qu'il était par rapport au inonde : il Bupprinia te qui passait leur
intelligence , et se contenta de leur dire ce qui ëlait suflisant pour
produire en eux une conviction salutaire.
On ne doutera pas de ce sculiment , selon le docteur Bury , si
l'on fait atlentiou 1 la simplicité et k l'ignorance de ceux î qui
Jésus-Cbrisl 3 d'abord annoncé l'Évangile , et à la faciliiÉ avec la-
quelle les apôtres reeeïaient au bapiÈme ceui qu'ils convertis-
saient; rbisloire de l'eunuque de la reine d'Ethiopie, et les trois
tnille personnes converties dans un seul sermon de saint Pierre ,
prouvent qu'il fallait savoir très-peu de chose potir être chrâtieOi
et que par conséquent ou ne parlait point de ta consubstautlalitÂ
du Verbe , qui e^l une question trÈs-didlcile et infiniment au-des-
sus de la portée de ceux k qui Jésus-Christ et ses apAtres annoiicè-
reuL d'abord l'Évangile.
Enfin , selon le docteur Burj , du temps de saint Justin on re-
gardait comme de vrais chréiienB ceux qui pensaient que Jésus-
Clirist était liomme , né d'Iiotuuie*.
U. Lobe fit , comme le docteur Bury , un élirait de tout ce que
Jésus-Christ et ses ap6lres disent, dans l'Évangile et dans les
Actes , à cens qu'ils voulaient convertir, et crut , par ce moyen ,
avoir tout ce que les apôtres exigeaient des chrétiens.
Dans cet ciamen, M. Lokeerut que la religion chrétienne avait
pour base le dogme de la rédemption , et conclut que , pour con-
naître la religion chrétienne , il rallah examiner en quoi consistait
!■ rédemption du genre humain, c'est-à-dire l'clat auquel le péché
d'.ldam avait réduit les hommes , et comme Jésus-Christ rétablis-
sait le genre humain dans son état primitif.
Il crut trouver que l'étal duquel Adam était déchu était un état
d'obéissancQ parfaite , ei désigné dans le nouveau TestanienI par
le mol de justice.
Peudant cet étal d'obéissance, Adam habitait le paradis ter-
restre i oji était l'arbre de vie; il en fut chassé après avoir désobéi
à Dieu , cl perdit dès ce moment le privilège de riramortalité. U
mon eniniduucdans le monde, cl voilï comment tous les hommes
' L'Ëvangilc nu, où l'on fait voir : J* quel était l'Évangile lorsque
Nolre-Sdjçncur tl ses apùtres le prêchaient ; S* quelles additions et al-
térations 1rs $i^lc5 suivans j ont fnilct; 3* quels avanlDg;es et quch
t mut ecia a iiruduils lOOD, iii-J-, p. iOS. Cibiiolh, un,, I. 10, p. 301.
164 ART
meareut en Adam : toute la postérité d^Âdam i naissante hors du
paradis terrestre > a dû être mortelle.
Jésus-Clhrist est venu annoncer aux hommes une loi dont Fob-
servation ne les garantit pas de la mort , mais elle leur procure le
bonheur de ressusciter, et , après cette résurrection , de n'être
plus exposés à perdre le privilège de Timmortalité.
M. Loke examina ensuite quelle était cette loi à Tobservation de
laquelle Timmortalité était attachée , et qui faisait Tessence du
christianisme ; il crut voir que Jésus -Christ et ses apôtres regar-
daient comme chrétiens tous ceux qui croyaient que JésM y FiU de
Marie y était le Messie, et qu'ils n'exigeaient rien de plus: il ré-
duisit donc l'essentiel de la religion chrétienne à cet article unique.
Cet article emportait avec lui une entière soumission à ce que
Jésus-Christ avait enseigné , et une obligation étroite de pratiquer
ce qu'il avait commandé : cette disposition d' esprit supposait en-
core , selon M. Loke » un grand désir de connaître ce que Jésus-
Christ avait enseigné, et de pratiquer ce qu'il avait ordonné;
mais il est clair , selon lui , qu'on ne sortait point de la soumis-
sion qui faisait l'essence du christianisme , lorsqu'on se trompait
sur les choses que Jésus-Christ avait enseignées ou ordonnées ;
que f par conséquent , celui qui croyait que Jésus-Christ avait en-
seigné qu'il était consubstantiel à son Père devait croire la con-
substantialité ; mais que ceux qui croyaient qu'il avait enseigné
qu'il était une créature devaient rejeter la consubstantialité.
L'auteur d'une dissertation qui se trouve à la fin du Christianisme
raisonnable prétend , par ce moyen , réunir toutes les sociétés
chrétiennes , puisque toutes reconnaissent que Jésus , Fils de Ma-
rie, est le Messie *.
§ 11. — Fausseté des principes que Von vient d'exposer,
Jésus-Christ est représenté , dans le nouveau Testament, comme
* Le Christianisme raisonnable a été traduit en français par M. Goste,
et imprimé pour la première fois en 1696.
Le docteur Jean Edouard écrivit contre le Cbristianisme raisonna-
ble un livre intitulé : le Socinianisme démasqué. Lond., in-8*, 1690.
M. Loke répondit à cet ouvrage parles suivans : Première défense du
livre du Christianisme raisonnnable contre les imputations du docteur
Edouard, Lond., 1696; et, dans la même année,| Seconde défense, etc.
Ces défenses se trouvent dans l'édition du Christianisme raisonnable de
1715. On y'a joint une Dissertation sur les moyens de réunir tous les
chrétiens et un Traité de la religion des dames.
■ ARl tG£
le rédempteur du genre humaiu, comme uu miMialeur entre Dieu
et les hommes , comme un docteur qui doit les éclairer, comme u&
légblateiir qui doit leur prescrire nn culte nouveau ei une luorale
plus parfaite.
il est évident que, pour remplir tous ces titre!;, il ne suffisait
pas que Jésus-Cbrist apprit aux hommes qu'il était le Fils de Dieu
ou le Messie. Jésus-Christ, après s'être Tait connaître aux hommes
comme le Messie, ou commele Fils unique de Dieu, a doue ensei-
gnéaux hommes des vérités inconoues; il leur a prescrit un culte,
il leur a douné des lois , et il ne safSsaitpas , pour être chrétien ,
de croire que Jésus, Fils de Uarie, est le Messie ; il rallait encore
croire les vérités qu'il était Tenu révéler aux hammes , et qui fai-
saient l'essence de sa doctrine et le fondement du culte que Jésus-
Christ venait établir sur la terre.
Le principe rondameuial de Burj et de Lotc est donc absolu-
ment fans ; voyons présentement si la consubstanlialité du Verbe
fait partie de ces vérités Tondamentates : pour le prouver, je vais
faire voir , 1* que la connaissance de la personue de Jésus-Christ
faisait une partie essentielle du christianisme; 3* qu'en effet Jésus-
Christ a enseii^né qu'il était cou substantiel ï son Père-
dé la pfTtonne et de la nature de létat-Chritt
s partie eisenlietle ie la doctrine que J.-C. a miri-
hommes.
C 11 est clair, par tenouveau Testament, que Jésus-Chrislesl venu
~ ir la terre pour faire coimaltre aux hommes un Dieu en trois
personnes, et que le culte qu'il a établi est fondé sur le rapport
de ces trois personnes divines avec le genre humain ; la connais-
sauce de ces personnes divines était donc essentielle et nécessaire
i l'homme pour être chrétien : ainsi Jésus-Christ ne s'est pas fait
connaître seulement sous la dénomination vague de fils de Dieu ;
il a fait connatlre ani hommes quelle était la nature ou l'essence
de sa personne , s'il était coéternel et con substantiel ï son Père ^
DU s'il n'était qu'une simple créature : en voici la preuve.
1* Le culte que Jésus-Christ est venu établir n'est pas seule- .
ment un cuite eitérieur, mais principalement un culte intérieur. '
L'homme ne peut rendre un culte intérieur que par les juge-
mens de son esprit et parles mouvemens de son coiur; il rend on
culte par ses jugemens lorsqu'il reconnaît la grandeur, l'excel- ,
lence et U perfection d'un être.
166 ARt
Comme le culte que Jésus-Christ est venu éublir est «n culte
eu esprit et en vérité, il n'a pas voulu que les hommes jugeassent
qu'il n*est qu'une créature , s'il est vrai qu'il soit consubstantiel à
son Père, ni qu'on jugeât qu'il est le vrai Dieu et coéternel à son
Père, s'il est une créature produite dans le temps.
Les hommes ne pouvaient donc rendre, par leurs jugemens, un
culte légitime à Jésus-Christ qu'autant que Jésus-Christ leur fai-
sait connaître s'il était consubstantiel à son Père , ou s'il n'était
qu'une simple créature. Jésus-Christ n'a donc pu se faire connattre
aux hommes sous la simple qualité de Fils de Dieu ou de Messie
sans exposer les hommes à tomber dans une erreur fondamentale
sur sa personne, sans les exposer à le regarder comme une simple
créature quoiqu'il fût Dieu , ou à l'honorer comme Dieu quoi*»
qu'il ne fût qu'une simple créature.
Il faut dire des sentimens de l'âme ce que nous venons de dire
des jugemens de l'esprit: l'homme rend un culte par les mouve*
mens de son âme , c'est-à-dire par des sentimens de respect , d'a-
mour et de reconnaissance; ces sentimens, par rapporta Jésos^
Christ, doivent être essentiellement différens , selon qu'il est
consubstantiel â son Père, ou seulement une créature.
C'est une impiété d'honorer comme une simple créature Jésus*
Christ, Fils de Dieu et vrai Dieu, et c'est une idolâtrie de l'hono-
rer comme vrai Dieu , coéternel et consubstantiel à son Père, s'il
n'est qu'une créature : il était donc impossible que Jésus-Christ
venant pour apprendre aux hommes à adorer Dieu en esprit et en
vérité se fit connattre à eux sous une dénomination vague , qui
pouvait conduire les hommes à l'idolâtrie ou à l'impiété, sans que
Jésus-Christ eût rien fait pour les garantir de ce crime , quoiqu'il
exigeât cependant un culte.
2° Jésus-Christ est venu pour faire connaître aux hommes Dieu
le Père, non sous la simple qualité de créateur et de conservateur
du monde ; il est venu faire connattre sa miséricorde envers les
hommes, et leur apprendre que, pour les délivrer delà mort et du
péchés Dieu le Père a envoyé son Fils sur la terre ; il était essentiel
à la religion chrétienne qu'elle fît connaître à l'homme toute l'é-
tendue de la bonté et de la miséricorde divines : il fallait donc faire
connaître si ce Fils que Dieu a envoyé sur la terre pour la rédemp-
tion du genre humain est une simple créature plus parfaite quQ
les autres, ou une personne divine , consubstantielle au Père,
Si Jésus-Christ n'eût rempli envers les hommes que la fonction
AKI le;
Wltm ùm^le envoyé, et qu'il ne Tût venu que pour niveler iii|
^eramefi quelques ccrâmouies par lesquelles Dieu voubit Être ho-
noré , il eût suffi de Taire connaître aux hommes la vérité de si
Mission; mais Jésus-Christ est le médiateur des hommes; il est leur
iprélre , il est leur Dieu ; ils lui doivent un culte qu'ils ne peuvent
li rendre sans couuatlre sa personne et sans savoir s'il est vih
9ieu, consubstantiel k sou Père, ou unecréalure; carie culte qM
les chrétiens doivent â Jésus-Christ est essentiellement différent
selon que Jèsus-Clirisl est vrai Dieu ou une créature.
La consubstantialiié du Verbe est donc un article EondamentiL
sur lequel il était nécessaire que Jésus-Christ inslruislt ses di«£
pies ; car on doit regarder comme un point fondamental dans ui^
religion un article sur lequel ou ne peut se tromper sans changv
l'essence de la religion, etsans la connaissance duquel on ne peut
I, rendre le culte qu'elle prescrit.
tST Jéait-Christ a fait cmuiatire aux Iwmmet qu'il Aait eontubilan-
' liel à tan Père, et Voix n'a regarûi comme chTÛiew que c«ito
* qui profaiaient celle iérlté.
Jésus-Christ a pris tons les titres et tons les attributs de I'Êub
Jlopréine: c'est un point reconnu par Wisthon et par Clark,
Celte vérité est exprimée dans le nouveau Testament, en tant d^
rencontres et de tant de manières , qu'il n'j a peut-être ancuii
point de doctrine qui j soit easeigné plus souvent ou avec pli»
d'étendue : or , on ne saurait mieux juger de l'importance d'un^
doctrine, et de la nécessité de la croire, que par la fréquente m^
lion qui en est faite , que par le poids que l'on donne k cet
•a dit, et que parla diversité des tours pour le dire.
Saint Jean pose en quelque sorte la divinité de Jésus-Chritt
CMDine la base de la religion et de t'Ëvangile : • Au comnienca-
• ineiit,dit-d,éuitleVerhe,etteVerbeéta1lOieu. >
Cetapâtre, qui vît naître l'hérésie de Cér'mihe et d'Ebîou q(îi|
regardaientJésus-Chrisl comme un homme, leur opposa son Éva»-',
^le , et le commenta par les déclarations les plus précises etUi'
plus formelles de l'éternité , de la toute-puissance et de l'exi»-
leaee nécessaire de Jésus-Christ ; il refusa de communiquer avM
[ (ériothe, qui ne reconnaissait pas ladivinité de Jésus-Christ; etlei
esou leurs successeurs immédiats retranchèrent de l'ÉgliÙ
iennetousceuxqui uereconnaissaientpascette grande véritâ,
«dififùti gula consubstaulialitc du Vwbcëtaitdoac, ^ te
lés Aftt
naissance du christianisme , un dogme dont la croyattce était né-
cessaire pour être vraiment chrétien, et il ne suffisait pas de croire
que Jésus, Fils de Marie, est le Messie ; car Ebion et Gérinthe re-
connaissaient cet article.
Mais, dit-on , les personnes auxquelles les apôtres annonçaient
rÉvangile étaient ignorantes , grossières , et ne pouvaient com-
prendre le mystère de rincamation.
Cette difficulté tire toute sa force de l'ignorance dans laquelle
on suppose les Juifs sur la personne du Messie; et il est faux que
les Juifs fussent dans cette ignorance.
Les Juifs attendaient le Messie ; cet objet intéressait tout le
monde ; les Juifs connaissaient ses caractères, ses titres et ses per«
fections; ils entendaient les prophéties qui Tannonçaient dans le
sens que Jésus-Christ et les apôtres leur donnaient; en sorte qu*il
n'y avait de différence que dans Tapplication que Jésus* Christ et
ses apôtres faisaient des prophéties à Jésus , Fils de Marie ; ainsi,
pour convertir ces peuples , il ne fallait que prouver qu'en effet
tous les traits sous lesquels les prophètes annoncent le Messie
se réunissaient dans Jésus-Christ ; et c'est ce qu'il était facile de
faire dans un sermon.
Le Messie était le grand objet de toutes les prophéties ; et, par
le moyen des prédictions successives , la lumière, en ce qui re-
gardait le Messie , alla toujours en croissant , à mesure que le
temps de sa manifestation approchait; ainsi, long-temps avant la
naissance de Jésus-Christ , les caractères spécifiques tqui devaient
distinguer le M essie durent être fixés et connus parmi les Juifs
dans le temps que Jésus-Christ annonça sa doctrine, puisquHl est
certain que l'attente du Messie était alors plus vive et plus générale
que jamais : aussi voyons-nous que Jésus-Christ et les apôtres ,
lorsqu'ils parlent du Messie, allègueut les oracles de l'ancien Tes-
tament comme des oracles connus et entendus des Juifs, et pris
par eux dans le même sens que Jésus-Christ et les apôtres leur
donnaient.
11 est certain que les Juifs ont regardé la parole ou le Verbe
comme une personne divine ; le commencement de l'Évangile de
saint Jean en est une preuve (Socin ne l'a pas contesté ; il pré-
tend seulement que cette personne est un simple homme) ; or,
quelle apparence y a-t-il que saint Jean, qui était Juif et qui écri-
vait principalement pour les Juifs , ait employé ce mot dans un
sens tout différent de celui qu'il avait dans sa nation? ou si c'était
ABI
1, pourquoi n'a-l-îl pas dit un mot pour ei
pourquoi dèbute-t-ïl , au contraire , comme un hom
bien qu'il esl entendu , et qui parle de choses coiiiiues i ceux i
qui il écrit ?
Il est constant d'ailleurs , par les écrivains juifs, par Philoo et
parles paraphrases chaldaiques, que les anciens Juifs regardaient
le Verbe comme une personne divine ; or, il esl certain que VÈ-
glise juive > cruquele Verbe était le Messie *.
Tous ces objets n'étaient pas si clairs pour les Juifs qu'il a _
eût quelque oWuritê, quelque peine à les entendre, et voilï pour-
quoi les Juifs font h Jésus-Christ des questions. Les Juifs moder-
nes se sont écartés de tous les principes de l'ancienne Ëglisi
datque ; ainsi, il n'est pas étonnant qu'ils regardent le Messie
comme un simple homme ; mais il ne faut pas juger de la croyance
de l'imcieime Eglise judaïque par celle des Juifs depuis laruiu
de Jérusalem *,
EnGn, on oppose aux orthodoxes un passage de saint Justin .
qui paraît supposer que la primitive Église n'a point regardé la
consubstantialité de Jésus-CLrist comme un point fondamental.
Comme, depuis Episcopius, tous les partisans de son sentiment
répètent ce passage, il ne sera pas inutile de l'ei
sage est tiré du dialogue avec Trypiion.
* - Hais, oTrfphon! [dit saint Justin), il ne s'ensuit pas que Jésus
soit pas le Christ ou le Messie de Dieu ; quand
pas prouver que ce Fils du créateur du monde a existé
auparavant, qu'il est Dieu, et qu'il est né homme de lu Vierge,
■ pourvu qu'on ait démontré qu'il a été le Christ de Dieu , quoi
» qu'il dût être d'ailleurs; que si je ne démontre pasqu'il a existé
• auparavant , et qu'il est né homme , sujet aux mêmes inGrmités
• que nous , étant ohair , selon le conseil et la volonté du Père ,
> tout ce qu'on pourra dire justement, c'est que j'ai erré en cela ,
■ et on ne pourra nier avec jnstice qu'il ne soit le Christ, quoi-
'il paraisse comme un homme , né d'hommes, et qu'on assure
été fait le Christ par élection ; car, mes cticrs amis, il jen
^■p'i
Jugement de l'ancienne Église judaïque contre les Unitaires, sur la
la iliïinilé deuotre Sauveur. Lonil., 1G99. L'ouvrage est
en aillais; ou en trouve un Irés-bon extrait, Répub, des lettr«9, 1009;
■raveoitire, urt 3 ; décembre, art, 1,
ITO ARI
» a quelques-uns de notre race qui , confessant qu'il est le Christ,
» assurent pourtant qu'il est homme, ce qui n^est point du tout
» mon sentiment; et il ne s'en trouve pas beaucoup qui le disent,
» les autres étant de la même opinion que moi ; car J^us-Ghristne
» nous a point commandé de croire les traditions et les doctrines
» des hommes, mais ce que les saints prophètes ont publié. »
Ce passage de saint JusUn , loin d'être favorable à Top inion d*E-
pîscopius , la condamne: saint Justin y fait à Triphon un raison-
nement qu'on appelle adhominem : il est clair qu*ilyeut dire que,
quand Tryphon ne voudrait pas admettre que Jésus-Christ est
Dieu, et reconnaître la solidité des raisons qu'il a exposées pour le
prouver , la cauSe des chrétiens ne serait pas encore désespérée,
pttisqu'il y a quantité d'autres preuves et un grand nombre de ca-
ractères qui établissent que Jésus-Christ de Nazareth est le Mes-
sie prédit par les prophètes , ce qu'il confirme par l'opinion des
Ebionites et des autres hérétiques, qui, quoiqu'ils ne veuillent re-
connaître Jésus-Christ que pour un simple homme, ne laissent pas
d'embrasser sa doctrine comme celle du véritable Messie.
Il est clair que voilà le sens de saint Justin , et non pas que la
divinité de Jéstis-Christ ne soit pas prouvée , puisqu'il assure ex-
pressément que les prophètes, etJésus-Christ lui-même, ont ensei-
gné la divinité du Messie.
On prétend tirer un grand avantage de ce que saint Justin , en
parlant de ceux qui regardent Jésus-Christ comme un homme, dit:
quelques-uns des nôtres.
Mais cette manière de parler ne veut pas dire que saint Justin
cràt qu'on pouvait être chrétien sans croire que Jésus-Christ est
Dieu ; car saint Justin a pu dire de ceux qui , niant la divinité de
Jésus-Christ , faisaient profession du christianisme , ils sont des
nôtres , par opposition aux Juifs , sans pourtant vouloir les recon-
naître pour véritables chrétiens : c'est ainsi que le même saint
Justin, dans sa seconde apologie, parlant des disciples de Simon ,
de Ménandre et de Marcion , dit qu'on les appelle tous chrétiens ,
comme on donne le nom de philosophe à diverses personnes, quoi-
qu'elles soient dans des sentimens tout opposés ^.
^ Judicium Ecdesiae catholic» trium priorum saeculorum, de neoes-
sitate credendi quôd Dominus noster h-C, sit verus Deus, as^ertum
contra Simonem episcopum, auctore BuUo. Kecueil des ouvrâmes de
Bull, par Grabe, lu-fol, i703t
Les Ariens modernes reconuaissent qu'il n'y a qu'une seule
cause suprême de toutes choses , laquelle esl une substance intel-
ligeote et immatérielle , sans composition et sans division, lU re-
connaissent encore que l'Écrilute nous apprend qu'il y s trois per-
somies divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit , et que ces trois
personnes sont distingoée^; mais ils prétendent que de ces trois
personnes le Père seul esl la substance nécessaire , ou la canse
suprême qui a produit tout, et que les autres personnes sont des
créatures.
Nous examinerons , i, l'article Macéddnius , les difficultés qui
regardent la personne du Saint-Esprit; nous allons examiner Ici
celles qui combattent la diTinitédu Fils.
l'Les noDVeaux Ariens prétendent que le Fils, procédant du
Père, n'est pas indépendant, et n'est par conséquent pas l'Ëlre
suprême ou Dieu , puisque la nation de la divinité suprême ren-
ferme l'existence nécessaire et indépendante , l'exiElence par soi-
même.
S'ils conviennent que le Fils est appelé Dieu dans l'ilicTiiurB;
mais ils prétendent que c'est moins pur rapport!) son essence mé*
taphjsique qu'à cause des relations qu'il a avec les hommes , sur
lesquels il exerce les droits de la divinilê.
3" Toutes les opérations du Fds, soit dans la création du monde,
mil dans tout le reste de sa conduite , sont des opérations de la
puissanee du Père, qui lui a été communiquée, et le Fils a toujours
reconnu la suprématie du Pcrc , ce qui prouve sa dépendance , et
par conséquent qu'il n'est pas Dieu.
4* lésus-Christ , avant son incarnation, n'avait point un culta
particulier ; tout le culte ae rendait an Père : ce n'est qu'après sa
résurrection qu'il a un culte , encore n'esl-il fondé que sur les rap-
ports de Jésus-Christ avec les hommes, sur sa qualité de média*
teur, de rédempteur, d'intercesseur, et non stir sa qualité d'Êlrfl
suprême, ou existant par lui-même.
S* Si le Fils, ou la seconde personne à laquelle l'Écriture donne
le nom et le litre de Dieu , était consulistantiel au Père , elles se-
raient réunies dans une seule substance simple , et alors il faudrait
néeesMirement que ces personnes se confondissent et ne fussent
qu8 de pures dénominations extérieures do la subsUnee divine]
comme Sabelli us le prétendait.
1
172 ARI
6« Les nouveaux Ariens demandent dans quels Pères des trois
premiers siècles il est parlé de la consubstantialité du Fils , et sur
quel fondement les Pères de Nicée se sont appuyés pour consacrer
\e moi cansttbstarUiel, qui a été condamné par les Pères du concile
d^Ântioche.
7* Ils demandent comment Tégalité du Père et du Fils, qui, du
temps d'Origène, était une erreur née de rinadyertance d*un petit
nombre d*hommes , et la génération du Fils qui était inconnue au
siècle du concile de Nicée , sont deyenues des articles fondamen-^
taux.
8* Ils prétendent que les Pères qui ont précédé le concile de
Nicée ont tous enseigné Tinfériorité du Fils au Père.
M. Wisthon s'appuie principalement sur les constitutions apos-
toliques et sur les épitres de saint Ignace : il a prétendu que les
constitutions apostoliques ont été dictées par les apôtres k saint
Clément , et qu'elles avaient été dictées aux apôtres par Jésus-
Christ même, pendant quarante jours , depuis sa résurrection ;
M. Wisthon prétend que, sans cela , Jésus-Christ aurait laissé
son Église sans corps de lois : ce qu'on ne peut penser.
A l'égard de saint Ignace , il prétend que ce sont les longues
lettres qui sont l'ouvrage de ce Père, et non pas les courtes, qui,
selon lui, ont été tronquées.
Je vais examiner ces difficultés en détail et les réfuter.
Le sentiment de Wisthon et de Clark est contraire à VÉcriture.
1* On prétend que le Fils étant engendré par le Père , il n'a pas
une existence indépendante , et n'est par conséquent pas le Dieu
suprême.
Cette difficulté n'est qu'un sophisme.
Rien n'existe sans une raison qui le fasse exister : cette raison
est ou dans la chose même , ou hors d'elle ; si cette raison est
dans la chose même, cette chose existe par elle-même , elle a une
existence indépendante ; si la raison qui fait exister une chose
est hors de cette chose , elle a une existence dépendante , elle est
produite.
Si la chose produite est une substance distinguée de la sub-
stance de la cause productrice , l'être produit est une créature ;
mais si la chose produite n'est pas une substance distinguée de la
cause productrice , si elle est une production nécessaire et essen-
tielle 9 alors elle n'est point une créature , elle est coétemelle »
AHl 1T>
GonBubsIâDtielle i son prîiicipi,* , pI son existence , qiioîiiue Jëpen-
dante , n'est poînl onc imperreclion et ne la rédtiU point au rang
descréutnres; or, les orthodoxes qui défendent la dmnilé de
Jésus-Christ, en recunnaissnnt qu'il est engendré par le Père, aou-
lientienl qu'il est engendré nécessairement et de toute éternité
par le Père ; génération qni ne renrerme ui postériorité dans
l'existenee , ni une dépendunce qui emporte avec elle quelque
imperfection; génération qui, par conséquent, n'enpécbe pas
que le titre de Dieu suprême ne eouTienne au Fils.
Ainsi , pour prouver que le Fils est une créature , il ne suffit
pas de prouter qu'il a une existence dépendante ; il TalUit faire
voir que cett« dépendance emportait avec elle quelque imperfec -
lion ; que le Fils était une substance distinguée du Père , et non
pas une personne existante dans la substance divine; qu'il n'était
piis «ne production essenlielle du Père, et par conséquent qu'il
n'était pas une personne étemelle comme lui , et dont l'existence
■ sa source dans la même nécessité absolue qui fait exister le Père.
Pour prouver que Jésus-Chrisl est nue créature , de ce qu'il a
une existence dépendante , il fallait prouver qu'il ne pouvait
£tre engendré nécessairement par le Père dans la même subsiance
dans laqudle le Père existe , et qu'il n'a pas les mêmes attributs
qui naissent de l'essence de l'être nécessaire ; car si le Fils est
engendré néeessairemenl et esseiiiieltement par le Père, dans la
substance divine ; s'il a tous les attributs de l'Être suprême et
nécessaire , on ne peut lui refuser la nécessité d'existence qoî
fait l'essence de l'Être suprême, quoiqu'il soit engendré par le
Père.
H. Clark , dans son Traité de l'existence de Dieu , proUTe qu'il
j a un être nécessaire et existant par lui-même ou par la nécessité
de sa nature, parce qu'il est impossible que tout ce qui est soit
sorti du néant ; ainsi , dans les principes de ce théologien , la né-
cessité absolue d'exister n'est opposée ï l'existence dépendante
qu'autant que l'être dont l'existence serait dépendante aurait été
tiré du néant; ce qu'on ne peut pas dire de Jésus-Christ, car il est
engendré nécessairement et essentiel lemcnt par le Père, et par
conséquent il est éternel comme lui et n'a poiniététiré du néant:
l'Écriture ne nous dit-elle pas que rien de ce qui a été bit n'a été
fait sans lui ? Il n'a donc pas été fait , il n'est pas une créature ;
on ne peut donc dire que le Fils n'est pas le Dieu suprême parce
qu'il a une existence dépendante.
15*
174 AKI
2° Il est faux que le mot Dieu, lorsqu'il s^appliqueà JésuSf
Christ dans TÉcriture , n'ait qu'une signification relative aux fono
lions qu'il exerce envers les hommes. Le Fils n'est-il pas nommé
Dieu , de la manière la plus absolue , dans cent endroits de l'Écri-
ture? L'Écriture ne donne-t-elle pas au Fils tous les attributs de
l'Être suprême?
M. Clark et^es partisans sont obligés d'en convenir : il faut donc
concevoir que le Fils est consubstantiel au Père , ou il faut sup-
poser une créature infinie et souverainement parfaite.
3<» Le Fils ayant tous les attributs de TÉôre suprême » on ne
peut dire que le Fils n'agit que par une puissance empruntée qui
suppose qu'il n'est qu'une créature.
4" Toute l'harmonie de la religion est fondée sur les rapports
des trois personnes de la Trinité avec les hommes; il n'est donc
pas étonnant que l'Écriture nous fasse envisager Jésus-Christ priQ<«
cipalement sous ces rapports , et que le culte qu'elle lui rend soit
fondé sur ces rapports ; d'ailleurs , il est certain que les chrétiens
doivent à Jésus-Christ un culte égal à celui qu'on rend au Père ,
ce qui ferait une vraie idolâtrie s'il était vrai que Jésus-Christ soit|
non le Dieu suprême , mais un Dieu subordonné.
b"^ Puisque le docteur Clark n'attaque le système commun que
parce qu'il le trouve contraire k l'Écriture et à la raison , le bon
sens veut que l'on examine si la raison et l'Écriture trouvent mieux
leur compte dans le système de ce savant théologien.
La moindre chose qu'on doit attendre et que l'on peut exiger
d'un homme qui rejette un sentiment , et qui le rejette à cause
des difficultés qui raccompagnent , c'est que celui qu'il embrasse
ne soit pas sujet à des difficultés mille fois plus grandes.
C'est pourtant le défaut du système du docteur Clark : il avou^
que Jésus-Christ a les propriétés infinies de Dieu , Téternité» la
toute-puissance, la toute-science, etc., tous les attributs, en un
mot, à l'exception de la suprématie : mais comment ces propriétés
infinies peuvent-elles être communiquées à une créature qui est
nécessairement finie ?
On ne comprend pas que Jésus-Christ puisse être autre chose
qu'une créature tirée du néant et finie comme les autres, s'il n'est
pas consubstantiel à son Père.
On comprend encore moins que l'on doit rendre au Fils les
même honneurs qu'au Père, si le Père et le Fils ne participent pas
égaleqieol à la même nature divine; cependant l'Écriture nous
4BI 17S
ordonne de rendre ï Jésus-ChrUi le même culle qu'à son Père ',
Comiue&t M. Clark prouvera-l-il que, dunssou sentîmeiil, l'É*
criiurcue prescrti pas un culle îdoljireî
M. Clark suppose qu'il n'y a qu'un seul objet du culte dmn , i
il suppose qu'il hai adorer le Fils qui n'est qu'une créature : il
suppose qu'il n'y a qu'un vrai Dieu qui existe par lui-même ,
il donne le titre de vrai Dieu au Fils qui n'est qu'une créulure.
Voilà des dilSculiés tirées des propres termes de M. Clark : le
dogme delà consubstaniialiié en cootient-il de semblables *
Le dogme àe la eonsubslanliaUlé ae eonànil point au SabeUiaaiime.
Les personnes de h Trinité n'étaient , selon Ssbellins, que des
noms ditrérens donnés il Dieu, ^lon les différentes relations sous
lesqoelles on le considérait : ainsi le Père n'était que Dieu
sidéré comme faisant des décrets dans son conseil éternel et
solvant d'appeler les hommes au salut ; lorsque ce même Dieu
descendait sur la terre, dans le sein d'une Tiei^e, qu'il soulTrail
et mourait sur la croix , il s'appelait Fils ; eu&n , il s'appelait lé
Slint-Esprît lorsqu'on considérait Dieu comme déployant son
efficace elsa puissance dansl'âmepourla conversion des pécheurs*.
Ainsi, pour que le dogme de la consubstanttalilé conduisit au
Sibellianisme , il fiindraîl qu'il Tût impossible qu'il existât dans la
substance divine deni personnes distinguées, donl l'une Tût la
Père et l'autre le Fils; car s'il est possible qu'il existe dans la
substance divine deux êtres distingués , il est évident qu'on n'est
pasSabellieneosupposaot queleFilseslconsubsianlielï son Père.
Je demande présentement aux nouveaux Ariens s'ils croient
qu'il soit impossible que plusieurs êtres , qui ne sont point des
substances ni des parties de substance , existent dans une sub<
ïtance simple?
Cest une contradiction manireste que de supposer plusieurs
substances dans une seule et unique substance , simple et sans
parties; maie ■% n'est point une conlradiclion de supposer, dans
une substance simple , plusieurs cboses qui ne soient ni des sub*
stances ni des parties substantielles de la substance divine.
■ Joann.) 1, 19, 37. Marc, 1, 3. Lac, i, iiadHebr., 1, 10. Mail.;
37, 9, 30. Psabn., 102, 25. Zucli., 11, 33. Es., UQ, 3. Osée, 1, 7.
* Voi/c: l'cilrail de Clark. Biblioth. dioîsip, loc cit.
* l'ugcz l'article Sadellius.
176 ARl
Nous ne savons pas, il est vrai, comment ces personnes
existent dans une substance simple ; mais savons-nous comment la
fticnlté d^apercevoir, celle de juger et de vouloir, qui sont autant
de facultés bien distinctes , existent cependant dans notre &me ,
aùi est certainement une substance simple?
Les attributs de TËtre suprême sont donnés k Jésus-Christ si
clairement dans TËcriture , quMl n'y aurait qu'une contradiction
ou une absurdité manifeste qui autorisât à douter de la divinité
de Jésus-Christ ; or, on est bien éloigné d'apercevoir cette con-
tradiction ou cette absurdité dans le dogme de la divinité de Jé^
sus-Christ.
Il n'y a absurdité ou contradiction dans un sentiment que lors-
qu'on unit le oui ou le non , lorsqu'on affirme et que Ton nîe la
Viéme chose ; or, personne ne peut faire voir que , dans le dogme
de la divinité de Jésus-Christ, on affirme et Ton nie la même
chose, que l'on unisse le oui et le non. La plupart de ceux qui
décident avec tant de hauteur sur ces questions n'ont aucune de
ces notions : qu'ils ne prennent pas en mauvaise part si je les
avertis que les Clark et les Wisthon ont été embarrassés k dé*
fendre leur sentiment, et qu'ils ne l'ont jamais regardé comme
çxempt de difficulté.
Clark et Wisthon , après un examen sérieux et profond de la
doctrine de l'Écriture et de celle des premiers siècles sur la divi-
nité de Jésus-Christ, ont abandonné î'Arianisme grossier qui fait
de Jésus-Christ une simple créature.
Le docteur Clark reconnaît expressément que, l'Écriture ne nous
gisant point de quelle manière le Fils dérive son être du Père ,
personne n'a droit d'entreprendre de le déterminer, et que l'on
doit également censurer et ceux qui disent que le Fils a été fait
de rien , et ceux qui disent qu'il est la substance qui existe par
elle-même : quelle distance entre les Clark et les Wisthon, et ceux
qui décident aujourd'hui sans hésiter contre la divinité de Jésus-
Christ * !
La consttbstantiaUté du Verbe a toujours été un dogme fondamental
dans V Église avant Arius,
L'Église, pendant les trois premiers siècles, condamnait éga-
* Voyez Clark, Doctrine de rÉcriture sur la Trinité, Wisthon, Chris-
Uanîsme rétabli. Mémoires historiques sur la vie du docteur Clark, par
Wisthon.
ÀRÎ 177
iceiiK qui adinettaiciil plusieurs dieux , et ceux qui
Diaienlla divinité de Jésus-CLrisL L'élise chriHienne reconnais'
Kait donc la divinité de Jtisus-Christ, de manière qu'elle reIran-
chait de sa conimanion ceux qui , en reconnaissant que Jésus-
Chrisl était Dieu, reconnaissaient plusieurs dieux; ainsi elle
reconnaissait que Jésus-Christ cUit Dieu, et ne croyait pas plu-
sieurs substances divines.
L'Ëglise crojait donc que Jésus-Ctirist élnit consubsLaniiel à
son Père, ou qu'il existait dans la même substance ; car il est im-
possible de reconnaître que Jésus-Clirist est Dieu aussi bien que
son Père , et de supposer qu'il n'y a pas plusieurs substances di-
vines , sans croire distinctement que le -Tère et le Fils existent
dans la même substance , et par conséquent sans croire la con-
substantialilé du Fils , quoiqu'on n'exprimai pas toujours celte
croyance par le mot de eentubtiaiit'ialité.
i- l/Ëglise, pendant les trois premiers siècles, a rendu â Jésus-
Cbrisl le culte qui est dû au vrai Dieu; elle a retranché de sa
commnnion tout cenx qui, comme Cériutbe, Théodole, etc., ont
nié la divinité de Jésus-Christ.
Elle ne condamne pas avec moins de rigueur ceux qui, comme
Praiée, Noët, Sabellius, etc., ne contestaient point II divinité du
Fils , mais qui prétendaient qu'il n'était point une personne
distincte du Père.
L'Églisereconnaîssait donc que Jésus-Christ était Dieu, et qu'il
était distingué du Père : elle ne pouvait reconnaître que Jésus-
Christ était Dieu et distingué du Père qu'autant qu'elle croyait
que le Père et le Fils étaient , ou deux substances dilTérentes, on
deux personnes dilTérentes dans la même substance.
Il est certain que l'Ëglïse a condamné tous ceux qui admet-
taient plusieurs principes distingués et nécessaires ; qu'elle n'a
jamais reconnu qu'une substance étemelle, inlinie, eiislanie par
elle-même, et qu'elle a frappé d'analhème Harcion , Hermogëne ,
et tous ceux qui supposaient plusieurs substances infinies et né-
cessaires.
L'Église ne croyait donc pas que la personne du Fils fût une
substance distinguée de celle du Père ; l'I^gtise croyait donc que
le Fils existait dans la même snbstance dans laquelle le Père exis-
tait, et par conséquent elle croyait qu'il était emuabtînntiel.
L'erreurde Sabellius, de Nocl, de Praxëe, qui confondaient les
penoDoes divines; l'erreur des béréti<iues qui admettaient plu-
178 AM
sieon substances éternelles et infinies ; rerreur qui attaquait h
diyinité de Jésus-Christ , ont été condamnées comme des erreurs
nouvelles; on n'a point hésité sur la condamnation : on croyait
donc bien distinctement la consubstantialité du Verbe , puisque
si Jésus-Christ n*est pas consubstantiel à son Père, il faut, ou qu'il
ne soit point Dieu, et que Cérinthe, Théodote, elc«» aient eu rai-
son denier sa divinité; ou s'il est Dieu, n'étant point consubstan-
tiel, il faut qu'il soit une substance distinguée de la substance du
Père , par conséquent qu'il y ait plusieurs substances nécessaires,
comme Marcion, Hermogène et les Manichéens le supposaient; ou
enfin si Jésus-Christ n'est ni une personne distinguée du Père et
consubstantielle à lui, ni une substance distinguée de la substance
du Père , il faut qu'il soit , comme le prétend Sabellius, le même
Dieu considéré sous des rapports dififérens , et non pas une per-
sonne distinguée du Père.
L'Église ne pouvait donc condamner toutes ces erreurs aussi-
tôt qu'elles ont paru, et sans hésiter, qu'autant que le dogme de
la consubstantialité était cru bien formellement et connu bien dis-
tinctement, quoiqu'il ne fût pas toujours exprimé par ce mot.
L'Église , en professant la consubstantialité du Verbe , était
donc également éloignée du Sabellianisme et du Trithéisme ; el
M. le Clerc est tombé dans une méprise grossière pour un homme
tel que lui , lorsqu'il a dit que les Pères qui n'avaient pas pensé
comme Arius reconnaissaient trois substances divines ^.
A la naissance de VArianisme^ V Église enseignait distinctenient
la consubstantialité du Verbe.
1° Arius combattit d'abord les expressions dont Alexandre se
servait en parlant de la Trinité, et il prouvait que les trois personnes
divines n'existaient pas dans une substance simple, parce qu'elles
étaient distinguées entre elles, comme l'effet de sa cause; ce qui,
selon Arius, était impossible dans une substance simple.
Alexandre prétendit que le sentiment d' Arius attaquait la divi«
nité de Jésus-Christ. Arius n'osa nier la divinité de Jésus-Christ,
reconnut qu'il était Dieu , mais prétendit qu'il était engendré
dans le temps.
C'est une contradiction manifeste que de supposer que Jésus-'
Christ était produit dans le temps, et de soutenir qu'il était Dieu ;
* Le Clerc, Blblioth. chrél., t. 3, p. 99.
AHI J79
et il est clair que les principes d^Ârius le conduisaient à nier la
divinité du Fils : il n'a donc pu reconnaître quMl était Dieu que
parce qu'il lui était impossible de le nier, et par conséquent la di-
yiniié du Fils était enseignée lorsqu* Arias tomba dans Terreur.
2» Le concile d'Alexandrie condamna Arius sur cela même qu'il
établissait des principes qui étaient opposés à la divinité du Verbe;
condamnation absurde si la divinité du Verbe eût été un dogme
Inconnu à l'Église.
3* Personne n'attaqua le jugement du concile d'Alexandrie
comme introduisant un nouveau dogme, et les évéques qui pri-
rent d'abord le parti d' Arius ne niaient point la consubstanlialité
du Verbe ; mais , trompés par Arius , ils croyaient que le concile
d'Alexandrie avait décidé que le Fils n'était pas engendré, et qu'A-
rins n'avait été condamné que parce qu'il soutenait que le FUs
était engendré et n'était pas un être existant sans géjiération *.
Eusèbe dit même que la génération du Verbe était inefifable ; ce
qui serait absurde s'il avait cru que le Veribe fût une créature.
Les évêques qui prirent d'abord le parti d' Arius ne croyaient
donc pas alors que le Verbe fût une créature ; ils n'arrivèrent à
cette erreur qu'après qu'ils se furent brouillés avec Alexandre.
4* L'embarras des Ariens pour dire que le Fils n'était pas con-
substantiel à son Père, leur mauvaise foi, la multitude des formu-
les de foi qu'ib firent successivement , toutes leurs supercheries
pour faire supprimer le mot de consubstantiel , prouvent que la
consubstantialité du Verbe était enseignée bien distinctement dans
l'Église , et que la doctrine d' Arius était inconnue , nouvelle et
odieuse.
5* Les Ariens se divisèrent entre eux; les uns voulaient que le
Verbe fût une simple créature , et les autres prétendaient qu'il ne
fallait pas dire que le Verbe fût une simple créature.
Cette division était impossible. si la consubstantialité du Verbe
n'eût pas été enseignée dans l'Église ; car les Ariens étaient trop
ennemis des catholiques pour ne pas mettre Jésus-Christ au nom-
bre des créatures, s'ils l'eussent osé, et s'ils n'eussent pas craint
de révolter les fidèles, ou s'ils n'eussent pas eux-mêmes tenu au
dogme de la consubstantialité.
6* 11 est clair, par l'histoire de l'Arianisme , que l'on n'arriva
à cette erreur qu'à force de raisonnemens et de subtilités i et par
^ Théodoret, Hist, ccclés«, U i, c, 5, 6,
180 ARI
conséquent qu*dle n*étail pas la croyance du peuple chrétien ni
celle de relise.
Ounepeut reprocher à rÉglUe aucune variation $ur le dogme
de la consubstanlialiié.
Les Ariens modernes disent que le concile d* Antioche , assem-
blé soixante ans avant celui de Nicée , avait proscrit le terme de
contubstantielf que le concile de Nicée a consacré. Un même mot,
dit M. le Clerc , peut-il avoir , dans si peu de temps , deux sens
si différens ? Dira-t-on que les Pères de Nicée ne savaient pas ce
qui s^était passé à Antiocbe? ou , dit M. Wisthon, ont-ils eu une
nouvelle révélation?
Je réponds, i* que ce canon du concile d^Antioche sur lequel
MM. Wisthon et le Clerc fondent leur triomphe paraît supposé.
Nous n*avons point les actes du concile d*Antioche , et nous ne
savons qu^l condamna le mot consubstanliel que parce que ce fait
a été cité dans une lettre du concile d'Ancyre *•
Ce concile d*Ancyre était composé d^évêques qui , par amour
pour la paix ou pour plaire à Constance , voulaient conserver le
dogme de la divinité de Jésus-Christ, et supprimer le moi consub-
stantiel: ils anathématisèrent donc la doctrine d'Arius , et con-
damnèrent le mot consubstanliel ; ils informèrent les évéques de
leur jugement, et, dans la lettre écrite aunom du concile, il est dit
que le concile d* An tioche avait condamné le mot consubstantieL
Nous n^avons de preuves de ce jugement du concile d* Antiocbe
que par cette lettre écrite par ordre des évéques du concile d^An^
cyre*.
Cette lettre porte que les évéques du concile d*Antioche, après
la condamnation de Paul de Samosate, écrivirent une lettre, dans
laquelle ils déclaraient qu*ils avaient condamné Paul de Samosate
parce qu'il prétendait que le Fils et le Père sont le même Dieu.
Voilà, selon Fauteur de la lettre du concile d'Ancyre, la raison
que les Pères du concile d*Antioche apportent de leur jugement
contre Paul de Samosate.
Ëusèbe nous a conservé un grand fragment de la lettre du con-
cile d*Antioche, et dans ce fragment les Pères du concile disent
qu'ils ont condamné Paul de Samosate parce qu'il soutenait que
le Fils est venu de la terre, et n'est pas de Dieu.
* Hilar., De synod., p. 1196.
Wf ARI 181
Sslnl miaire , saînl Aihannse n'avaîenl poîiil tu celle leilre du
concile d'Anlioche, telle qu'elle est ciiée dans la lettre du concile
d'Aocjre : la condamnation du mot consubstaniiel , par le concile
d'Antioche, n'est donc prouvée que par un auteur qui Tivaii plus
de cent ans après ce concile , et qui dc l'a point vne , ou qui l'a
falsifiée , puisqu'il fait dire auï Pérès du concile d'An^oche le
contraire de ce qu'ils disent dans le fragment qu'Eusèbe nous a
conserrê.
Onue trouve, dans ce fragment, rien qui soit contraire il lacon-
snbstanlialité : croira~t-OQ qu'Eusèbe n'aii pas vu dans la lettre
du concile d'Autiocbe h condamnation du mot consubslaatiel ,
pour la suppression duquel il se donna tant de peine? ou s'il l'a
vue, cette condamnation, dans la lettre du concile d'Aiitioche,
croira-t-OD qu'il l'ait supprimée?
Les Ariens, qui ont tout employé pour faire retrancher du sym-
bole de Nicée le mot consubsiautiel , n'ont cependant jamais osé
dire qu'il eQt été condamné ; serail'il possible qu'ils eussent
ignoré qnele concile d'Antîoehe , soiianle ans avant Arius , avait
condamné ce mot? il paraît donc que le concile d'Anlioche n'a
pas en elfel condamné le mot consubslaitHet.
Je réponds, 2° que s'il est vrai que le concile d'Anlioche a con-
damné le mot eofimt/ilantiel , ce n'est pas dans le sens que lui a
donné le concile de Nicée , puisque les Ariens , même après la
lettre du concile d'Anlioche , n'ont fait conire les orlhodoies au-
cnn usage de ta condamnation que le concile d'Anlioche a faite
de celle expression.
En elTei, si Paul de Samosaie s'est servi du mol eoriMbslaniiel ,
c'était dans un sens absolument contraire an sens que lui donnait
le concilede Nicée.
Paul de Samosale qui mettait tout en usage poni' enlever !i lé-
sas-Chrisl le nom etletitre de Dieu, s'il s'est servi du mot ccnsub-
ttanliet, ne s'en est servi que dans le sens qui suit:
• Si le Fils est consnbslaniiel au Père, comme vous , caihoU-
> ques, le prétendez, il s'ensuivra que la substance divine est cou-
• pée en deux parties, dont l'une est le Père et l'autre le Fils, et
■ que, par conséquent, il y a quelque substance divine antérieure
p au Père et au Fils, qui a été ensuite partagée en deux, >
l.es Pères d'Anlioche ayant horreur d'tuie pareille conséquence,
et ne se mctlant pas d'ailleurs fort en peine des termes, pounn
qu'ils conservassent le fond de la doctrine, cnirenl que, pour Qier
lU A&I
umi prétexte aux chicanes de cet héréikiue » il faUait défendre de
se servir du mot coMubstantiel lorsqu*on parlerait de Jésus*
Ourist.
Les Ariens étant venus ensuite, et niant la chose même qui était
exprimée par ce terme » savoir la divinité du Fils , les Pères du
concile de Nicée erurent qu'il était à propos de rappeler Tusage
d^ mot dont les docteurs s'étaient servis avant le concile d'An*
tioche, et qui n'avait été proscrit que pour ôter tout prétexte aux
diicanes de Paul de Samosate.
£tff Pères du etmeile de Nicée ont exprimé clairement leur Jugement
tur la doctrine tTÀrius^ et n'ont laine aucune équivoque dans le
mot consubstaniieh
Gourcelles et M. le Clerc prétendent que les Pères du concile de
Nieée n'ont point pensé sur la consubstantialité du Verbe comme
nous prisons aujourd'hui , et qu'ils avaient cru que le Fils était
coBSubstantiel au Père, parce qu'il était une substance semblable à
la substance du Père *•
Cette opinion de Courcelles et de M. le Clerc est destituée de
preuves et de fondement.
Long-temps avant le concile de Nicée, de simples fidèles accu-
sèrent saint Denis d'Alexandrie de ne point croire le Fils consub-
stantiel au Père : le pape et le concile de Rome reçurent leurs
plaintes , et décidèrent que le Fils était consubstantiel au Père.
Saint Denis se justifia , déclara qu'on l'avait calomnié , et qu'il
croyait le Fils cousubstantiel au Père.
Cette expression paraissait donc alors très-claire, très-naturelle
et très-propre à exprimer la foi de l'Église.
Eusèbe lui-même, dans la lettre qu'il écrivit après le concile de
Nicée , avoue que les anciens Pères s'étaieot servis du terme de
consubstantiel : et saint Pamphile fit voir qu'Origène avait ensei-
gné en termes formels que le Fils était consubstantiel au
Père».
Les efforts des Ariens pour faire retrancher le mot consubstantiel
du symbole de Nicée prouvent qu'il exprimait très-clairement
* Courcdles, Qaatemio dissert. Le Clerc, Défenses des sentimens des
théologiens de Hollande, lettre 8. BibUoth. cfarét., t 5, art d ; art.
crit. ép. 3, t. 8.
< Théod.» Hist. ccdés., l 4, e. 12.
^P ARI 183
^ très-etaclenieDt la foi del'Ëglise; que quandily auraiteiidaDs
celle expression quelque obscurité, les Pères du concile de Nicée
l'avaieni dissipée.
Jlsdédarèrenl, en effet, «que celle eïpresslon, le Fils e«( con^
> sul)stantUl à son Pire, ne doïl pas fitre prise dans le sens qu'on
■ lui d(»uie quand on parle des corps ou des animaux , puisque
s celle géuéra^on ne se Tait ni par division, ni par changement ,
» ni par conïersion de la substance ou de la Tenu du Père , ni
• d'aucune aulre manière qui marque quoi que ce soit de passif,
• etqueriende toulcela ne saurait cooTenir à une nature nonen-
» gendrée, comme celle du Pare; que ce terme coniuËifanliel si-
s gnifie seulement que le Fils de Dieu n'a nulle ressemblance avec
• les créatures*. >
PeulKto exprimer plus clairement le dogme de la consubslan-.
tialilé, tel que l'élise l'enseigne aujourd'hui ? et n'esi-il pas évi-
dent que si le Fils était une substance diflcrente du Père , il fau-
drait qu'il eût été produit de quelqu'une des manières que le con-
cile exclut?
Hais , dit II. le Clerc , le mot consubstantiel n'a jamais été em-
ployé que pour sigoilier des individus de la même espèce: c'est
ainsi que le concile de Chalcûdoine dîtque le Fils est conguèslan-
tiel au Pèi« selon ta divinité, et coa substantiel i nous selon
l'humanité *.
Je réponds qu'il est vrai que les auteurs profanes oot souvent
employé le mot con substantiel pour signifier des substances d'une
même espèce ; mais nous avons vu que ce mol avait aussi été em-
ployé par les chréiieus pour signifier des personnes diSérenles
qui existaient dans la même substance.
Ainsi, devant et après le concile de Nicée, le mot consnb-
Etantiel signiQail ou des substances d'une même nature, ou des
personnes qui existaient dans la même substance.
Il fut employé dans ce double sens par le concile de Cbalcé-
doine : dans te second, pour exprimer la consubsunlialité du Fîb,
et dans le premier, pour sigaiHcr que le corps de Jésus-Chriat
était de la même essence que le nAlre.
Il fallait que M. le Clerc Al voir que le concile de Chalcédoine
n'avait pris le mot contubtlaniiel que dans le premier sens,
' AcI. Conc. Nie, ad. 12.
1
184 ABI
mais c'est ce qui est faux ; les Pères du concile de Nicée ont
donc enseigné la consubstantialité, telle que nous la croyons.]
les mUeur$ eeelésiastiques qui ont précédé le concile de Nicée ont
enseigné la consub8tantialité du Verbe,
. Depuis le concile de Nicée, le dogme de la consubstantialité du
Terbe 8*est enseigné constamment dans TËglise.
Lc^ Sociniens ont pensé qu*il était absurde de prétendre qu*un
dogme forgé dans ces derniers siècles soit vrai; ainsi, quoiqu'ils
fassent peu de cas de la tradition et des Pères, ils ont tâché de
trouver une époque ayant laquelle on ne connût point la consub-
stantialité du Verbe, et ils ont placé cette époque avant le con*
cile de Nicée.
. Socin, Sandius, Zuicker, osèrent donc soutenir que les Pères des
trois premiers siècles avaient été Ariens. Glarke,Wisthon^ et leurs
sectateurs ont adopté ce jugement sur la doctrine des Pères, "et les
Ariens modernes prétendent que les Pères des trois premiers siè-
cles n*ayant point connu le dogme de la divinité du Verbe, tel que
les orthodoxes renseignent présentement, il fallait, ou que Ter-
reur eût prévalu dans ]e concile de Nicée, et que, par consé-
quent , il fallait remettre les choses au premier état ;
Ou qu'il était certain que les Pères du concile de Nicée avaient
fait un article de foi d'une chose sans laquelle leurs prédéces-
seurs avaient été de vrais chrétiens et de grands saints ; que, par
conséquent, on n'était point obligé de subir un joug qu'il avait
plu au concile de Nicée de mettre sur les consciences.
On voit aisément combien il est important de dissiper les nua-
ges qu'on s'efforce de répandre sur la foi des Pères qui ont pré-
cédé le concile de Nicée : je vais tirer leur justification de l'his-
toire même de l'Arianisme et de leurs ouvrages.
Première preuve ^ tirée de Vhistoirede VArianisme.
Les Pères du concile d'Alexandrie opposèrent aux Ariens la
nouveauté de leur sentiment et le jugement de toute l'antiquité ;
mais Arius et ses sectateurs refusèrent de s'y soumettre ^.
Arius sentit cependant qu'il était très-important pour lui de ne
pas enseigner une doctrine contraire à toute l'antiquité , et il osa
^ Christianisme primilif rétabli, par Wislhon,
2 Théod., Hlsl, ecçlés., 1. a, c 4.
I
I
AîU 185
soDtemr qa'it n'easeignait que la doctrine qu'il avait reçue des
aociens, et d'Alexandre mâme.
Mais les Ariens renoncèrent bientôt à cette prétention ; et
lorsque les évéques du concile de Hicée proposèrent de juger
Arius et sa doctrine par la tradition et par les Pères , Euïébe
prétendit qu'il (allait s'en rapporter à l'Ëcriture , sans s'arrêter k
des traditions incertaines et douteuses ' .
Eusëbe était assurément aussi en étal que nos Ariens modernes
de décoaTrir, dans les Pères des trois premiers siècles , les sen-
timens d'Arius ; cependant il récuse ces Pères et \eul qu'on juge
ÂriuE sur la seule Écriture.
Il était donc bien clair alors que la doctrine des Pères des trois
premiers siècles n'était pas favorable k l'Arianisme.
Lorsque Théodose, vers la fin du quatrième siècle, voulut
réunir toutes les sectes dont l'empire était rempli , il assembla
leurs chefs.
Un défenseur de la foi de Nicée engagea l'empereur !t deman-
der à cette assemblée si, dans t'eiamen îles questions , on aurait
égard aux Pères qui avaient vécu avant les divisions qui trou-
blaient le Christian isme, ou si l'on rejetterait leur doctrine cl si
on luur dirait anatbème.
L'orthodoxe qui avait donné le conseil était persuadé que per-
sonne n'oserait rejeter la doctrine des Pères , et qu'ainsi il ne
resterait plus qu'it produire leurs passages pour montrer L'éter-
Bité du Fils, ce qui était facile.
Tous les chefs de secte témoiguèrent beaucoup de respect pour
les Pères: l'empereur, les pressant, leur demanda s'ils voulaient
les prendre pour juges des points contestés ; alors ils hésitèrent,
et firent voir qu'ils ne voulaient pas être jugés sur la doctrine des
Pères '.
Les Ariens, malgré la clarté de l'Ëcriture sur le dogme de la
consubstantjalité du Verbe , prétendaient j trouver qu'il n'était
pas consubstantiel , et ne voulaient poiut d'autre règle de leur foi :
ces mêmes Ariens rejettent Tautorité des Pères et ne veulent pas
qu'on décide par letu^ suffrages la question de la consubstantialiié
du Verbe. Les Ariens ont donc toujours pensé que les Pères des
trois premiers siècles avaient cru et enseigné h cousubstantiuliié
• Sotom.,l. 1, c. 17.
Iê6 ABI
da Filfl : ils M réanissMit lur ce iM>int avec le concile de Nicée i
et leur refus constant de s*en rapporter au jugement des Pères ne
permet pas de soupçonner que les Pères du concile de Nicée se
soient trompée ou qu'ils aient toulu tromper les autres, lorsqu'ils
ont déclaré que le symbole du concile de Nicée était conforme k
la doctrine de toute Tantlquité.
M. le Clerc prétend que les Pères du concile de Nicée n'avaient
pas entendu la doctrine de leurs prédécesseurs , parce qu'ils ne
purent s'accorder qu'après de longues contestations ; ce qu'il
prouve par le témoignage d'Eusèbe , qui rapporte que ce ne fbt
qu'après bien des contradictions réciproques que l'on forma le
jugement du concile *.
Sur cette difficulté de M. le Clerc, je remarque : 1** un grand
défaut de logique et de critique ; car Eusèbe dit bien que les Pè-
res du concile de Nicée eurent des altercations assez vives et aih-
sez longues ; mais il ne dit pas que ces contestations eussent pour
objet de déterminer si les P^ês qui ont précédé le concile de
Nicée avaient enseigné la consubstantialité : c'est gratuitemeat
que M. le Clerc l'assure , ou plutôt il l'ajoute au récit d'Eusèbe»
2* 11 est certain que les Ariens ne voulurent point s'en rap-
porter au témoignage des Pères : M. le Clerc pouvait -il ignorer
ce fait? et, s'il Ta connu , pouvait-il assurer que les Pères du
concile de Nicée avaient disputé long-temps avant que de s'assu-
rer si les Pères des trois premiers siècles avaient cru le dogme
de la consubstantialité?
M. le Clerc, après avoir assuré avec tant de confiance que les
Pères de Nicée n'avaient pas entendu le sentiment de leurs pré^
décesseurs sur la consubstantialité , dit : « Mais supposons qu'ils
9 raient entendu sans peine , dans un temps où l'on avait une in-
» finité d'ouvrages que nous n'avons plus, plusieurs secours
» dont nous sommes présentement destitués , il ne s'ensuit nulie-
» ment qu'il nous soit fort aisé d'entendre la doctrine du concile
» de Nicée et de ceux qui l'ont précédé ; il Eaudrait pour cela
, » avoir les mêmes secours qu'alors *. »
Si , de l'aveu de M. le Clerc , nous sommes privés des secours
nécessaires-pour connaître clairement la doctrine des Pères qui
ont précédé le concile de Nicée ; si les Pères du concile de Nicée
* Euseb., Vit. Const., c, 7.
2 Défenses des sentimens des théol, de Holl, lett, é«
I
ABI i^
avaient eM seeonta , comuent M. le Clerc ose-t-il décider que les
Fëres du concile de Nicée o'ont pas entendu les sentimens des
Pères des trois premiers siècles ?
Si Sandius , Courcelles , etc., étaient deslilués des secours né-
cessaires pour riotelligeDce exacte des Pèras des trois premiers
siècles , pourri ons-Qous sans absurdité préférer leurs assertions
au témoignage , au jugement des Pères du concile de Nicée , qui
ont déclaré que leurs prédécesseurs avaient enseigné U consiïb-
slaniialiié du Verbe?
Pensera-t-on que les Ariens , que leurs défenseurs , qu'un Eu-
sèbe , par exemple , ne lui pua en élat de loir les fautes des Pères
duconcilede Nicée dans l' in ter prétaii un qu'ils donna le ni aux ou-
Tnges des Pères qui les traient précédés?
Cependant Ëusèbe ue leur reproche point de mal interpréter
les Pères; il soutient qu'on ne doit point s'en rapporter à leur ju-
gement, ce qui suppose évidemment que les PèresdeNicéenese
Irompaiflnt point dans l'inlerpréiiiiion des ouvrages des Pères
BUT le dogme de la consubsiaDiialité '.
Seconde preuve, tirée des ouvrage» mêmes deâ Pères.
[ l.eE ouvrages des Pères des trois premiers siècles sont destinés
k instruire les Edèles, â combattre les hérétiques et h défendre
la religion contre les Juifs et contre les Païens.
S'ils eiliortent les fidèles ï ta vertu , c'est en leur mettant de-
TSDt les yeui un Dieu mort pour euï , qui doit i>tre leur juge ,
comme il a été leur rédempteur et leur médiateur.
Lorsque Cérintbe, Ebiou, Tbéodote, etc. , attaquent la divinité
du Teiix, saint Ignace, saint Pulycarpe, saint Irénée, saint Jus-
tin et plasieun antres écrivains , instruila parles apôtres mêmes,
«Mibatteat ces hérétiques, et les confondent par l'antorité de
Jésns-Cbrisl et des apôtres *.
Lorsque Praiée , Noët , Sabellius, attaquent la Trinité et sou-
tiennent que les personnes divines ne sont que des noms dilTé-
mi donnés à la même chose, les Pères combattent celte erreur,
Ml'Ëglisela condamne.
Les Pères, qui combattent également Cérintbe, qui niait que
Jjfius-Christ fût Dieu , et Praiée , qui croyait qu'il a'éiail pas lue
), Hjeron. adrer, Helvidium, c. S.
1S8 ARI
personne distinguée du Père , combattent Hermogène , Marcion, et
tous les hérétiques qui admettent plusieurs principes on plusieurs
substances nécessaires : ils prouvent , contre ces hérétiques, qn*3
«si impossible qu*il y ait plusieurs substances nécessaires , plu-
lieurs êtres souverainement parfaits.
Ces Pères supposaient donc : 1** que Jésus-Christ était vrai
Dieu ; â*" qu*il était une personne distinguée du Père ; 3» que le
Père et le Fils existaient dans la même substance ; et je dis que
ces trois principes étaient bien distinctement dans leur esprit et
bien clabement enseignés dans TÉglise.
S*ils avaient cru que le Père et le Fils étaient deux vrais dieux
et deux substances différentes, ils n'auraient pu soutenir, contre
Hermogène, contre Marcion , contre Apelle , contre les Mani-
chéens, qu'il n'y avait pas plusieurs substances nécessaires et
souverainement parfaites, sans tomber dans une contradiction
qui ne pouvait échapper à leurs adversaires.
Et s'ils avaient enseigné, contre Gérinthe, contre Théodote, etc.,
que le Fils est un vrai Dieu, mais qu'il n'est pas consubstantiel à
son Père, Théodote, Ârtémon, etc., leur auraient reproché qu'ils
se contredisaient, et qu'ils admettaient plusieurs êtres souveraine-
ment parfaits, plusieurs principes étemels et nécessaires, ce qu'ils
avaient cependant regardé comme une absurdité, lorsqu'ils avaient
écrit contre Hermogène, Marcion, etc.
Dans quel degré d'ignorance et de présomption ne faudrait-il
pas supposer les Pères qui seraient tombés dans ces contradic-
tions , et les hérétiques qui ne les auraient ni aperçues, ni re-
levées ?
Cependant ces Pères des trois premiers siècles avaient de l'éru-
dition ; ils étaient logiciens et bons métaphysiciens ; ils savaient
examiner profondément et discuter avec exactitude, et les héré-
tiques n'étaient ordinairement pas des hommes médiocres.
Ce principe général est applicable à tous les Pères, et en par-
ticulier à TertuUien, qui a si bien défendu la Trinité contre Praxée,
et exprimé si clairement la consubstantialité du Verbe, dans ses
ouvrages contre cet hérétique, et qui n'a négligé aucune des pré-
cautions nécessaires pour prévenir toute espèce d'abus qu'on
pourrait faire de ses expressions. YoyexVsni. Praxée, Hermogène^
Marcion.
Les Pères des trois premiers siècles prouvent, contre les Juifs,
que Jésus-Christ est le Messie prédit, qu'il est Dieu. Saint Justin,
I
ARl igg
Terlullien, Origène, etc., élablissem tous la diviaiié de Jéiius'
Clirist, coolru les Juifs <.
Après que saint Jiutin a prouvé que Jésus^hrist rcuiiil tous les
caraciÈres du Messie, et que le Messie est vrai Dieu, 'l'r^plion
o'esl plus embarrassé que de la diflJcuUé de concevoir comment
le Messie, Fils de Dieu ei Dieu lui-même, a voulu se faire homme
el mourir pour les hommes.
Dans toute celte dispute, les Juifs oe reproclieni point ï sïinl
Justin de combattre le dogme de l'unité de Dieu : ainsi, il est
clair que saint Jiislin enseignait deux choses :1a première, que
Jésus-Chrisi était vrai Dieu ; la seconde , qu'il n'; avait point plu-
sieurs dieux.
Ce que nous venons de dire de saint Justin s'applique exacle-
menlïTerlutlieD, les Juifs ne lui reprochant point de croire plu-
Le Juif contre lequel Origine dispute attaque la religion cliré-
tienue parce qu'il est absurde d'adorer un Dieu morl cl humilie :
Origène répond aux difficultés du Juif en supposant que Jésus-
Christ réunit la nature divine et la nature humaine , et ne craint
point qu'on lui réplique qu'il admet plusieurs dieux.
D'ailleurs , il esl clair que toutes les difGculléa que Celse tire de
l'humiliation et des souffrances de Jésus-Christ tombaient si Jé-
■BS-Christ n'était pas vrai Dieu : cependant Origène n'emploie
point celte réponse si simple ; il a recours au mystère de l'incar-
■aiion; il croyait donc la consubstantialité du Verbe.
iMjMlice tt faibteiie de» difficullés ies Ariens moderiK* contre Ut
Pérès dei troit premier* siècles.
Il n'y a point de Pères, avant le concile de Nicée, qui n'uienl
enseigné que Jésus-Oirist est éternel , Fils de Dieu êl vrai Dieu ;
ils supposent constamment la divinité de Jéstis-Chrisl et sa con-
mfastantialité , soit <iu'ils combattent les hérésies , soit qu'ils dé-
fendent la religion cotitre les Juifs : le culte qu'ils rendent !i Jésus-
Christ a pour base sa divinité et sa consubstantialité.
Les Ariens modernes reconnaissent ces faits , qui sont incon-
testables ; mais ils prétendent trouver dans ces Pères des passages
qui sembicut laire de Jésus-Christ utie simple créature; et, de
l'aveu de M. Le Cleic , toute la question sur cet objet se réduit k
L
tJitlUu,DiiilcuuTrypli,Tert.iuJutlitws,Origeti.caul. CeU
IM ABI
iftToir dflsqiMli de ces ptan^ietf oa doit recieiiUr le aentioMll
des Pères , et québ sont les passages qui doiteat aenrir d*mtei>-
prétation aux autres ; si oe sont les mots qui semblent dire que le
Fils de Dieu n*est pas étemel qu'il faut presser à la rigueur, «u
ceux qui semblent assurer qu*il Test ^.
Cette question parait décidée par Texposition que nous Teaoïs
de faire de la doctrine des Pères ; car, puisque les Pères, dmas
leurs ouvrages contre les hérétiques, supposent la consubstan-
tialité du Verbe; puisque le culte qu'ils rendent à Jésus-dhrirt
la suppose , il est dair que le dogme de la consubstantialité était
clairement et distinctement dans leur esprit.
S'ils avaient cru que Jésus-Christ fût une créature, ils auraieM
eu une religion essentiellement différente ; ils auraient employé
des principes essentiellement différens contre les hérétiques et
contre les Juifs; ib n'avaient donc point dans l'esprit que Jéswi
Christ fût une créature.
Les passages dans lesquels ils semblent ne parler du Fils <ni
de Jésus-Christ que comme d'une simple créature ne contienaeel
donc point le sentiment des Pères, si Ton prend ces passages à la
lettre ; il faut donc les interpréter par les passages dans lesquds
les Pères enseignent la consubstantialilé du Verbe.
Toutes les fois qu'un homme établit un principe, et que ce prin-
cipe fait la base de tous ses écrits et la règle de sa conduite , il
est injuste et absurde de juger que cet homme ne croyait pas oe
principe parce qu'il lui est échappé quelque phrase qui, prise
à la rigueur, est contraire à ce principe.
L'humanité ne comporte pas une exactitude de langage et d'ex-
pression assez grande pour qu'on ne puisse pas trouver, dans l'au-
teur le plus systématique , des expressions et des phrases qui ,
prises littéralement et dans la rigueur grammaticale , ne parais-
sent conduire à des conséquences opposées à ses principes.
Mais ce serait une injustice et une absurdité de chercher le
sentiment de l'auteur dans ces expressions , et c'est ce que les
nouveaux Ariens font par rapport aux Pères des trois premiers
siècles.
La consubstantialité du Verbe est un principe sur lequel porte
la religion des Pères; ils ont combattu toutes les erreurs qui l'at-
^ Le Clerc, Défenses des sentimens des théologiens de Hollande, let-
tre 3, p, 76, Àrs crlU, U 3, ép, 8, p, 96« Biblioth. uniVf » t. 10, art. 8.
uqiuîenl ; ils In supposent dans tous leun écrits ; et t'oa prétend
qo'ils ODl été Arieus parct qu'on trouve :laas leurs écrits qael-
qnes phrases qui, prises k la lettre, supposent que Jésus-Clirist
est ou inTérieur â sou Père , ou une substance distinguée àc lui '.
Que l'on eiamine les passaj^es que &ndius et Zuicker ont cités;
je défie qu'où en trouve où les Pères, parlant du Verbe, niellent
en principe qu'il est une créature ouqu'ilest une substance diffé-
rente du Père : tous ces passages sont , ou des comparaisons des-
tinées h eipliquer le mystère de la génération éternelle du Fils ,
on des explications que les Pitres donnent pour répondre aux dif-
Scultés qui les pressent, on eoDu ce sont des interprétations de
quelque endroit de l'Ëeriture.
Hais est-ce dans tes passages qu'il faut chercher la doctrine
des Pères sur la consubstauti alité du Verbe? Peut-on opposer
ces passages aux preaves qui établissent que ces Pères ont en-
seigné ce dogme?
Comme les nouveaux Ariens citent en faveur de leur sentiment
le P. Pétau, j'ai cru devoir faire remarquer qu'il s'en faut beau-
ooup que ee savant jésuite ait pensé comme eui sur les Pères des
trais premiers siècles.
Nous n'avons qu'une partie des ouvrages des trois premiers
uèdes ; quand, parmi ceux qui nous restent, le P. Pétau iruii-
lerait que quelques-uns ont parlé peu exactement, pourrait-on
fli conclure qne ce grand théologien a eru qne les Pères qui ont
précédé le concile de Nicée étaient Ariens ?
Au reste, le P. Péta» ne préteml pas que ces Pères aient été
Ariens; il dit seulement qu'ils se sont exprimés peu exaclenieni ;
il reconnaît, d'ailleurs, que ces Pères ont cru le dogme de la
comubslantiatité, et ce savant théologien a loî-méme très-bien
prouvé ce dogme; les Ariens ne peuvent donc réclamer le suf-
frage du P. Pétau.
Il n'est pas possible d'entreprendre une jnsliQcation détaillée
des Pères des trois premiers siècles ; on la trouvera dans Bullus,
dans le Moine, dans H. Ëossuet, dans un excellent traité du la
divinité de Jésus-Cbvist ; c'est l'ouvrage d'un savant bénédivlîn '.
■ Judieîum Ecclesix calhoUfa trium priomm sxculorum, etc. Dc-
Teoûn fidei uicxns, dans le rfcucîl des ouvrages de finll,édit. de Grab.,
iii-fiiL 1703.
Varia ttcra, etc., curt SiqikMii_LolMn& avoLin^*, leSS, kl.
A
1^8 AM
Od lira aussi aVec plaisir, sur celle malièré, un outragé dé
M. Bayle contre le ministre Jurieu, qui ayait parlé des Pères
des trois premiers siècles comme les Ariens en parlent *.
M. Wisthon a prétendu trouver son sentiment dans les consti-
tutions apostoliques ; aussitôt il a fait de ces constitutions un ou-
vrage dicté par Jésus-Christ même aux apôtres, pendant quarante
jours, depuis sa résurrection jusqu^à son ascension ; il prétend
même que, sans cet ouvrage^ TÉglise chrétienne n^aurait pu sub-
sister : ces constitutions, selon M. Wisthon , contiennent 1 Aria-
nisme. • <
Nous voyons encore ici, dans M. Wisthon, un étrange effet de
la prévention ; car, i<* il est certain que les constitutions aposto-
liques ne contiennent point TArianisme; 2** il est encore plus
certain qu'elles sont d*un auteur du quatrième siècle : on trouve
la preuve de ces deux points dans les PP. apostoliques de Gote-
lier, édition de M. le Clerc ^.
Pour les épîtres de saint Ignace , dont M. Wisthon réclame
Tautorité, il est certain que les passages qu'il cite sont des ad-
ditions faites par les Ariens, comme tous les savans Tont reconnu
avant M. Wisthon, et comme M. le Clerc Ta fait voir en réfutant
M. Wisthon 3.
La nature de Touvrage que Ton donne ne permet pas d'entrer
dans ces discussions ; je remarquerai seulement que M. le Clerc
n'était ni contraire aux Ariens , ni favorable aux Pères , et qu'il
avait même prétendu que les Pères qui ont précédé le concile de
Nicée étaient Ariens.
Conclusion générale de cet article.
Ainsi tout l'édifice de l'Arianisme moderne s'écroule lorsqu'on
examine ses principes ; et ces grandes difficultés , qu'on oppose
avec tant de confiance aux défenseurs de la consubstantialité, sont,
aux yeux de la critique , des sophismes.qui tirent toute leur force
Sixième aTertissement contre Jurieu, par M. Bossuet. De la divinité
de J.-C, par D. Maran, chez Colombat; 3 vol. in-12, 1751, t. 2.
^ Janua cœlorum rcserata cunctis religionibns, ù celebri admodùm
viro D. Petro Jurieu.
2 Cotelier, Judicium de constilutionibus apostolicîs, t. d. PP. apos-
tolicorum, p. 19â.
* PP. aposiolici de Cotelier, édil. de le Clerc, t. 2. Bibl. anc et
mod., t. 22, part. %y p. 237. Dup., Bibliotb. des aut ecclcs., t. 4, p« 47.
ABT
133
de l'aboS qne l'on Tiil d'une maiîme eice1lent« lorsrpi'elle est
bien entendue : on prétend qu'il ne faut rien admettre que ce que
l'on conçoit clairement ; comme on ne voit point clairement com-
ment le Fils est consabstantiel an Père, on se croit autorisé ï
rejeter le dogme de la consubsiantialiié ; d'après ce principe, on
prend à la lettre tous les passages qui parlent de Jésus-Christ
comme d'une créature , et l'on prend dans un sens métaphorique
tous ceuK qui e:tpriment sa divinité , quelque clairs que soient
ces passages.
Mais ne conçoît-oo pas clairement qu'il y a des choses que
nous ne pouvons comprendre , que nous ne pouvons concevoir
clairement , et qui sont pourtant incontestables?
Ne eoncevona-nons pas clairement que lorsqu'une autorité în-
failliblc nous assure ces cboses , elles deviennent aussi certaines
que l'autorité même qui les atteste , quelque obscures , quelque
inaccessibles qu'elles soient à la raison?
D'après ce principe, que personne ne peut contester, n'esi-il
pas évident qu'il Taui prendre ï la lettre les passages qui nous par-
lent de la consubstantialité du Verbe , si ce dogme est évidei»'
ment supposé dans l'Ëcrilure , s'il Tait la base de la religion , s'il
a été établi par Jésas-Chrlst et enseij^né par les apAtres comme
le fondement de la religion chrétienne , comme on l'a cent l'ois
prouvé aux Ariens T
Tont le système de la religion chrétienne s'entend très-bien
lorsqu'on l'appuie sur la divinité et sur la consubstantialité du
Verbe : l'Arianisme , qui la nie, est au contraire plein d'absur-
dités et de contradictions , que la sagacité de Clarb et de Wistbon
n'a pu sauver.
L*onhodoxe , appuyé sur la révélation qui est certaine , admet
la consubstantialité qu'il ne comprend pas et qu'il ne conçoit pas
clairement, mais dans laquelle il ne voit point de contradiction ,
et ce dogme lui développe admirablement tout le système de 1>
religion chrétienne.
L'Arieu , au contraire , nie la divinité de Jésus Christ, dans la-
quelle il ne volt pas de contradiction non plus que l'orthodoïe ,
et tombe dans des contradictions , dans des absurdités sans
nombre.
On conçoit donc clairemeni ,non la consubstantialité du Verbe,
mais la vérité de ce dogme, et l'absurdité de l'Arianisme qui le
1
194 ARM
Que le leetear équitable prononce , qui de rÂrien ou de Tor-
thodoxe yiole la maxime qui porte que Thomme ne doit admettre
qœ ce qu^il conçoit clairement.
On examine, dans Tarticle Aiwi-trinitaires, les difficultés'qu*on
oppose k la consubstantialité du Verbe, et que rontiredeTimpos-
sibilité de réunir dans une même substance un Père et un
Fils.
ARMÉNIENS , branche d'Eutychiens ou Monophysites qui reje-
tèrent le concile de Ghalcédoine et s'unirent aux Jacobites , vers
le milieu du sixième siècle.
La religion chrétienne avait été portée dans FArménie avant
Constantin par Grégoire , surnommé Tllluminé ; elle s*y conserva
dans toute sa pureté jusqu'au patriarche Narsès, qui, vers le milieu
du sixième siècle , tint un concile de dix évéques , dans lequel il
se déclara pour Thérésie des Monophysites , soit qu'il eût de Taf-
fection pour cette hérésie , soit qu'il voulût faire sa cour aux
Perses , qui cherchaient à mettre de la division entre les Grecs et
les Arméniens , unis ensemble par leur commune opposition à l'i-
dolÀtrie des Persans ^.
Ce patriarche , qui donna naissance au schisme de sa nation, eut
pour successeurs sept autres patriarches , qui y maintinrent le
schisme durant l'espace de cent douze ans.
Pendant ce premier schisme, les Arméniens souffrirent beau-
coup de la part des Perses : lorsqu'Héraclius eut défait les Per-
ses , les Arméniens marquèrent de la disposition à se réunir à l'É-
glise catholique : on assembla un concile, qui condamna tout ce
que Narsès avait fait , et qui réunit les Arméniens à l'Église.
Cette réunion dura 105 ans, mais le schisme se renouvela au
commencement du huitième siècle. Jean Agniensis , par ordre
d'Omar, chef des Sarrasins , et avec le secours du calife de Baby-
I(me , assembla un conciliabule de quelques évéques arméniens
et de six évéques assyriens ; il y fit définir qu'il n'y avait qu'une
seule nature en Jésus-Christ , une volonté et une opération ; ainsi
ils joignirent le Monothélisme au Monophysisme.
On ordonna encore , dans un concile , qu'à l'avenir on retran-
* Oriens christianus, t, 1, p. 1355. Narratio de rébus Armenorum^
a^d Conbefis aocluar. Biblioth. PP., t. 2. Asseman, Biblioth. Or.,
U d, part. 2, p. 37. Mémoires des missions de la compagnie de Jésus
dans le Levant, u 3.
^ ABH tSS
dtenilTeiD des sacrés mystères pour ne point marquer denx na-
tures en Jésus-ChrUt par le mélange de l'ein avec le ria.
Comme ce palri3r<.-he était aussi hjpocrile qu'artificieux, il se
fil la réputation à'iia saint; il u'eal besoin pour cela que d'aSecler
eiilérieuremeni un air mortifié et de Taire des ordoniiaDces s&ié-
res , dont une défendit , tous les jours de jeûne , l'usage du pois-
son , de l'buile d'olÎTe et du vin , aussi étroitement que la viande
et les œuk ; étaient défesdus.
Le schisme renouvelé par ce patriarche dura jusqu'à la fin dn
ueuTième siècle ; quelques patriarcjies tentèrent la réunion et fo-
rent chassés : Kacik, vojant le ravage que les Turcs Taisaient en
Arménie, transporta son siège i Sébaste pour se mettre soui 11
protection des empereurs ^recs.
Ce Tut dans ce tempa-lï que Kacik, seigneur arménien, entre-
prit de relever le royaume de la petite Arménie ; il prit le tilre
de roi et conquît la Cilicie et une partie de la Cappadoce.
Léon, qui succéda à Kacik, se trouva environné d'infidèles qui
menaçaient de l'attaquer; il eut recours aui Latins qui étaient
alors puissans dans l'Orient ; el, pour se les rendre favorables, 11
lâcha de gagner les bonnes grâces du pape, qui était l'àme des ar-
mées et des mouvemens des princes d'Occident. Il pria le pape
CéJestin III de lui envoyer un cardinal pour faire la cérémouie
de son coaronnement ; ce prince favorisa beaucoup les catholi-
ques dans l'Arménie, et disposa ses sujets i la réunion avec l'É-
glise romaine. Cette réunion n'eut cependant pas lieu ; les efforts
que les patriarches firent et l'opposition des schismaliques causè-
rent même du désordre.
Ces divisions afiaiblirent considérablement l'Arménie ; et les
Tarlares , qui en furent informés , firent une irruption dans ce
royatune, s'emparèrent de la Céoi^ie et de la grande Arméniet dé-
truisirent la ville de Daun , 'dans laquelle on comptait plus de
mille Eglises el plus de cent mille familles.
Les successeurs de Léon, après avoir sontenu difi'ércntes atU-
ques des Sarrasins, el les avoir attaqués eui-mémes en se réunis-
sant aux Tarlares, convoquèrent enfin un concile , au commence-
ment dn qualonième siècle. Dans ce concile on reconnut que
Jésus-Christ avait dcui natures et deux volontés : ce concile était
composé de vingt-sii cvcques , de dix voriabjets ou docteurs et
de sept abbés.
Les Gchismatîques s'élevèrent contre le synode , et prolefilèrent
I
196 ARM
contre tout ce qui s*y était fait : on prétend même qu'ils firent as-
sassiner Hayton et Léon son fils, qui favorbaient la réunion.
Pour faire tomber leur répugnance , le successeur de Léon III
fit assembler un nouveau concile, qui confirma tout ce que le pré-
cédent avait fait; et les Monophysites s^opposèrent à ce concile»
comme ils s'étaient opposés au concile précédent.
On ne se réunit donc point, et les Arméniens monophysites ne
cessèrent point d'insulter les catholiques , et de leur susciter des
persécutions.
Quelques années après la tenue de ce concile , Oscin II mourut»
et les scbismatiques rentrèrent dans les dignités ecclésiastiques.
Après la mort de Grégoire, un moine nommé Giriaque, passionné
pour le scbisme, enleva de la ville de Sis la sainte relique de la
main droite de Grégoire , la reporta à Echmiadzin^ où il eut le
crédit de se faire élire patriarche par les scbismatiques: c'est ainsi
que recommença le schisme du patriarche des Arméniens , qui
dure encore aujourd'hui ; car Sis a conservé jusqu'à présent son
patriarche , dont la juridiction s'étend sur la Gilicie et sur la Sy-
rie, et Ëcbmiadzin a le sien.
Giriaque ne jouit pas long-temps de son usurpation , et fut
chassé deux ans après son élection, en 1447.
Alors les trois prétendans au patriarchat s'en mirent en posses-
sion : un de ces prétendans , nommé Zacharie , emporta la sainte
relique de la main de saint Grégoire dans l'île Aghtamor, oîi il
avait déjà été patriarche, et y forma un troisième patriarchat, ou
plutôt renouvela ce troisième patriarchat, car cette division du
patriarchat était fort ancienne.
Ges .patriarches causèrent beaucoup de troubles et de dissen-
sions dans l'Arménie , parce que tous voulaient avoir la main de
saint Grégoire: comme les patriarches payaient une grosse somme
au roi de Perse, pour l'investiture, et un tribut annuel très-con-
sidérable , ils ne pouvaient satisfaire à cette dépense sans le se-
cours de la relique, qui produisait infiniment.
Gha-Abas, qui sut le sujet de leurs querelles , fit venir la reli-
que à Ispaban , et donna de plein droit le patriarchat à Melchisé-
dec, qui s'engagea à lui payer chaque année deux mille écus ; c'é-
tait beaucoup plus que le patriarche ne pouvait payer, et il
s*enfuit à Gonstantinople.
Depuis ce temps , il y a eu des patriarches qui ont désiré de se
réunir à l'Église romaine , mais sans pouvoir le persuader à la na-
_ ARM I9T
f lion; cepeadant les missionnaires j onlcunverti beaucoup de scbis-
1 naliques, et LraTaillent encore aujourd'buiavec succès dia réunion
de l'Église arménienne avecl'Église catholique *.
Il aujourd'hui divisés en Ârménieus francs et Arméniens
I lebismaiiques : les francs sont ceux que le Père Barlliélemj, do-
'ti envoyé par le pape Jean XXII , ramena i la foi calbolU
[ que ; ils habitent sept Tillages dans un canton ferille, nommé
\ 'Mrener-, il y en a aussi quelques-uns en Pologne, sous un patrlar-
se soumit au siège de Rome en 161G *.
De la erayanee det Arniéaieiu sehiimatiqaei.
L'erreur capitale des Arméniens est de ne pas recoimalire le
concile deCbalcédoioe; â celte erreur pr&s, ils ne diffèrent, à pro-
prement parler, de l'Église romaine que dans le rit ; ils ont tous
les sacremens de l'Église romaine.
II ; a encore parmi eux quelques erreurs sur la procession du
Saint-Esprit et sur l'état des ïmes apr^ la mort : ils croient qne
las âmes ne seront punies on nl'co m pensées qu'au jour du juge-
ment dernier. Quelques-uns croient aussi que Dieu créa toutes les
Imes au commencement du monde , qne Jésus-Christ retira toutes
les imes de Uenfer , qu'il n'y a point de purgatoire et qne les
Ames séparées des corps sont errantes dans la région de l'air.
Mais ces erreurs n'appartiennent point i l'Église d'Arménie , et
■ont des erreurs particulières, qni se sont introduites cbei eux par
le commerce qu'ils ont eu avec les étrangers ; car il n'a jamais été
question de ces erreurs lorsqu'il s'est agi de la réunion des Ar-
méniens avec l'Église romaine ' ,
D'ailleurs , les prières , les cantiques , les hjmnes les plus an-
ciens de l'Ëglise arménienne sont contraires k ces erreurs * : on
' Etirait de la lettre du père Monuier sur l'Armi^nie, L 3 des Me-
mbres des missions de la compaEide de Jésus dans le Le\3ul. Celle
iellre est Iràs-curieuse et Irès-inli^ressante; on n'a rjen de mieux sur
l'Annéiiic. Le P. Le Quint a bien Irailé cette matière dans l'Orii^iis
diristianus.
' La Turquie chrétienne sous la puissante protection de Louis-le
Grand, par H. de la Croii i à Paris, diei Uériuaul, leoâ.
■ Vo]ii!i les actes du concile d'ArmËnie tenu en 13^3, (, 7. CoUecL
du P. Mnrlenne^
• NouTeaui mémoires, ibid. Lettre de l'abb* de Villefroj, avec une
IradadiourranriiM; des eau tiques îinnéoieus. Journal de Tréioux, 1731.
n*
à
IM AKM
IfVVfedMS lein ritads el dans laDs Efics Itt prières pour les
Morts, lecnhedessamtSyCdiiidardîqiMSy eavanoly tovteU
erojance de l*Église toname, et Tob ixe F^wqoe des diange-
sens qû soot sirhrés daas cette Eglise.
L*£gHse romaine B^est donc coupable d^avane des imiOTaUoBS
qoe les Proteslans loi reprochent , pidsqae notts trooTons sa
croyance dans une Église qni ne d^iendait pas da pape; et cette
conformité de la croyance de rË^^ise d^Ârménie avee la doctrine
de l^É^ise romaine n^est point un effet da commcfce des Armé-
niens aTec les Latins , et dn besoin qae les Arméniens eorent des
papes dans le temps des croisades y comme M. de la Croie ton-
drait le faire croire *.
Cette croyance de l^Ëglise romaine est consacrée dans des ritoels
et dans des prières de TËglise d* Arménie beancoop plus anciens
que le commerce des Arméniens avec les Latins *.
11 y a cependant quelques abus parmi les Arméniens , et qo^
qoes traces d'opinions judaïques : ils observent le temps prescrit
par la loi de Moïse pour la purification des femmes, ils 8*abstien-
nent de tous les animaux que la loi a déclarés immondes , dont
ils exceptent la chair de pourceau , sans pouvoir dire la raison de
cette exception : ils se croiraient coupables de péché s'ils avaient
mangé la chair d*un animal étouffé dans son sang.
Comme les Juifs, ils offrent à Dieu le sacrifice des animaux qu'ils
immolent à la porte de leurs églises par le ministère de leurs prê-
tres; ils trempent le doigt dans le sang de la victime , et en font
une croix sur leur porte.
Le prêtre retient pour lui la moitié de la victime , et ceux qui
Tout présentée en consomment les restes : ils font de ces sacrifices
à toutes les bonnes fêtes, pour obtenir la guérison de leurs mala-
dies ou d'autres bienfaits temporels ^.
Dieu, qui avait prescrit aux Juifs leurs cérémonies et leurs sa-
crifices , leur avait promis des biens temporels s'ils observaient
sa loi ; Jésus-Christ n'avait , au contraire , promis que des biens
spirituels. Les Arméniens , pour jouir des avantages des deux al-
liances Joignaient à la profession de la religion chrétienne la pra-
tique de la loi judaïque.
< Christianisme d'Ethiopie, par la Croze, part, à»
3 Nouveaux mémoires, ibid. Lettre de l'abbé de Villefroy, ibid.
sibid.
_ ARM
Du gouvernement ecctétiailique de» Arménimu.
Les Arméniens ont un patriarche qui fait sa résidente à EciH~
llniadziii ; il est reconnu par ions les ArmënieDi! comme le cber &
l'Église arménienne et du gouierncmeul ecclésiastique ; il prend
" m et la qualité de pasteur catholique et universel de toute la
Le patriarclie est élu à la pluralité des voix des Év^ues qai se
,1roaTent âEchmiadzin; l'acte de son élection est envoyé à h cour
de Perse pour avoir l'agrément du roi.
Cet agrément s'achète sous le nom spécieui d'un présent pour
' U majesté et pour ses ministres ; mais si l'ambiiion et la partîa-
,^té viennent à partager les suffrages et à causer une double
/Section, alors le patriarcat est niis !i l'encbére et adjugé au
Ôffranl et dernier enihérisscur.
Le roi n'attend pas toujours que l'élection soii faite, il la pré-
Tient quand il veut, et même sans y avoir égard il nomme pour pl-
triarcheqniillui plall.
Le patriarche s'altribue un pouvoir absolu sur les évéques et
ifirehevèques ; mais par lefait sondroït est réduit!) confirmer lei
:,^ections qui se font par les Eglises particulières ou les nomlnt-
'ëons qui viennent de la part du Grand-Seigneur.
Les revenus du patriarche sont ires-considérables , et monlélll
tout au moins h cent mille écus, sans que, pour être si riche, il en
soit plus magnifique, car il est habillé comme un simple moïne, ne
mange que des légumes , ne boit que de l'eau , et vît dans un mo-
ntstère comme les autres moines.
Ce grand revenu du patriarche se lire en partie des terres ap-
partenant ï son monasiËre , et en partie des contributions de
tout son peuple; et ce revenu est presque tout employé à acheter
delà protection ï la cour , à entretenir le monastère, â réparer et
ï orner les églises , à contribuer aux frais de la natiun, et ii pajer
U tribut pour quantité de pauvres, dont l'indigence serait une oc-
casion proehaine d'abandonner le christianisme.
Tous les évêques vivent comme le patriarche, el cependant ces
hommes sont des schismatlques ; ils forment des brigues et des ca-
bales pour obtenir les dignités ecclésiastiques.
Chaque Église particulière a son conseil , composé des anciens
les plus considérables ; ce conseil élit l'évéque, et prétend avoir
droit de le déposer s'il n'en est pas^conteut, ca qui retient l'évéque
dans une crainle coniiouelle.
1
h1
I
200 ARM
Il y a encore dans TÉglise d* Arménie des vertabjets ou doo-
teurs, qui ne font point de difBcullé de prendre le pas sur les évê-
ques qui ne sont point docteurs : ils portent la crosse et ont une
mission générale pour prêcher partout où il leur platt ; plusieurs
sont supérieurs de monastères, et les autres courent le monde,
débitant leurs sermons que les peuples écoutent avec respect.
Pour avoir et pour porter le titre de vertabjets il ne leur en
coûte que d^avoir été disciple d*un vertabjet; celui qui Ta une
fois acquis le communique à autant d'autres de ses disciples qu*il
le juge à propos : lorsqu'ils ont appris le nom des saints Pères,
quelques traits de Tbistoire eccl^iastique, surtout ceux qui ont
rapport à leurs opinions erronées , les voilà docteurs consommés.
Ces vertabjets se font rendre un grand respect, et ils reçoivent
assis les personnes qui les vont voir, sans excepter même les
prêtres : on s'avance modestement vers eux pour leur baiser la
main, et, après s'être retiré à trois ou quatre pas d'eux , on se met
à genoux pour recevoir leur avis : les plus beaux endroits de
le urs sermons sont des histoires fabuleuses et tendent à entrete-
tenir le peuple dans une quantité de pratiques superstitieuses.
Les vertabjets prêchent assis, et, après leurs sermons, on fait
une collecte pour eux. Les évêques qui ne sont pas vertabjets sont
obligés de prêcher debout.
Ces vertabjets observent, neuf mois de l'année, le jeûne le plus
rigoureux, et le célibat pendant toute leur vie : ce sont des am-
bitieux qui aiment à dominer et qui sacrifient tout à cette pas-
sion. C'est par cet extérieur austère qu'ils dominent sur le peuple
ignorant , et qu'ils l'entretiennent dans son ignorance qui fait la
base du crédit et de la puissance des vertabjets. Ils déclament
sans cesse contre les Latins et contre les missionnaires qui pour-
raient les éclairer ; ils tiennent , autant qu'ils peuvent , le peuple
et le clergé dans l'ignorance et dans la superstition.
La science des prêtres consiste à savoir lire couramment le mis-
sel et à entendre les rubriques : toute leur préparation pour rece-
voir l'ordre de la prêtrise se termine à demeurer quarante jours
dans l'église, et on les ordonne le quarantième; ce jour même ils
disent la messe , qui est suivie d'un grand repas , pendant lequel
la Papodie , c'est-à-dire la femme du nouveau prêtre , demeure
assise sur un escabeau , les yeux bandés , les oreilles bouchées et
la bouche fermée , pour marquer la retenue qu'elle doit avoir à
l'égard des fonctions saintes auxquelles son mari va être employé :
ABSl 201
chaque fois qu'un prèire doit dite la nies^e , il passe ta ouït dans
l'élise.
Lorsque les enfaDsonl appris à lire, leurmalLre d'écoleles pré-
sente ï l'étéque, qui les orilonoe dès rage de dix ou doute ans.
L'évèque reçoit douie sots pour chaque ordonné '.
ARUINIUS (Jacques), naquit^ Ondewaier, en liullande, l'an
1360 , c'esL-â-dire dans le fort de la révolutiuo ; il étudia dans
l'UniTersité de Lejde, et fut ensuite envojéà Genève, l'an 1582,
aux dépens des magistrats d'Amsterdam , afin d'y perfectionner
ses études : il diM'endit avec beaucoup de chaleur la philosophie
de Ramus.
Martin Ljdius , professeur en théologie k Franêker, te chargea
de réfuter unécrildaas lequel les ministres de DelTt cooi huilai en l
la doctrine de Théodore de Bèze sur la prédestination.
Arminius examina l'ouvrage des ministres de Délit , balança les
laisoDS, et enfin adopta les senlimens qu'il s'était proposé de
combattre : il ne put concevoir Dieu tel que Calvin et Béze propo-
saient de le croire , c'est-à-dire ■ prédestinant les honiniea au pé-
> chéet àladamnatioD, conune it la vertu et ï la gloire éiernelle ;
• il prétendit que Dieu étant un juste juge et un père niiséricor-
> dieux avait fait de toute élernilé cette distinction entre les
1 hommes ; que ceux qui renonceraient !i leurs péchés et qui niel-
• Iraient leur conQance en Jésus-Christ seraient absous de leurs
t mauvaises actions, et qu'ils jouiraient d'uie vie Éternelle-, mais
> que les pécheurs seraient punis; qu'il était agréable Ji Dieu
■ que tous les hommes renonçassent â leurs péchés, et qu'après
> être parvenus i la connaissance delà vérité ils ; persévérassent
• constamment ; mais qu'il ne forçait personne : que la doctrine
> de Bèze et deCalvîn faisait Dieu auteur du péché , et endurcissait
■ les hommes dans leurs mauvaises habitudes en leur inspirant
> l'idée d'une nécessité fatale ^. •
Gomar, professeur en théologie à Lejde , prit la défense des
sentimcns de Calvin et 4« Bêze; Âruiiuius et Gumar firent donc
deux partis en Hollande.
Nous exposons , ï l'article Bollandc , combien ces divisions
causèrent de désordre dans les Provinces- Coi es : nous n'examine-
rons ici Arminius et ses sectateurs que comme une sociëlé de
théologiens ei
t. 1, 1. IS, |>. 13Q3.
202 ARM
Àrmînias et ses disciples ne purent donc concîfier àTec les idées
de la bonté de Dieu le dogme de la prédestination et de la fatalité
à laquelle Calvin assujétissait Thomme; ils enseignèrent que Dieu
Toulait que tous les hommes fussent sauvés , qu*il leur accordât
une grâce avec laquelle ils pouvaient se sauver.
Gomme tous les réformés , Ârminius et ses disciples ne recon*
naissaient point d'autorité infaillible qui fût dépositaire des véri-
tés révélées et qui fixât la croyance des chrétiens : ils regar-
daient FÉcriture conime la seule règle de la foi, et chaque
particulier comme le juge du sens de TÉcriture.
Ils interprétèrent donc ce que FÉcriture dit sur la grâce et sur
la prédestination conformément aux principes d* équité et de
bienfaisance qu'ils portaient dans leur cœur et dans leur carac-
tère ; ils ne se fixèrent pas dans la doctrine de TËglise romaine
sur la prédestination et sur la grâce ; ils ne reconnurent point de
choix y point de prédestination, et passèrent insensiblement aux
erreurs des Pélagiens et des semi-Pélagiens.
Gomme les Arminiens croyaient que chaque particulier était
juge naturel du sens de TËcriture , par une suite de leur caractère
et de leurs principes d'équité , ils ne se crurent point en droit de
forcer les autres â penser et à parler comme eux; ils crurent qu'ils
devaient vivre en paix avec ceux qui n'interprétaient point l'Écri-
ture comme eux : de là vient cette tolérance générale des Armi-
niens pour toutes les sectes chrétiennes , et cette liberté qu'ils
accordaient à tout le monde d'honorer Dieu de la manière dont
il croyait que l'Écriture le prescrivait.
Ghaque particulier étant juge du sens de l'Écriture et n'étant
point obligé de suivre la tradition , c'est à la raison à juger du
sens de l'Écriture.
L'Arminien qui a cherché à examiner les dogmes du christia-
nisme a donc rapproché insensiblement ces dogmes des idées que
la raison nous fournit ; il a rejeté comme contraire à l'Écriture
tout ce qu'il ne comprenait pas , parce- que , chaque particulier
étant obligé de croire l'Écriture et de Tiaterpréter, il ne pouvait
croire que ce qu'il pouvait comprendre.
Les Arminiens , en suivant scrupuleusement les principes de la
réforme sur le juge des controverses , se sont donc insensible-
ment réunis avec les Sociniens , au moins en partie.
Par la notion que nous venons de donner de l'Arminianisme, il
est clair qu'il ne peut avoir de symbole et de profession de foi
ARN 208
L^vî ooit Éie, excepté la crojance de l'Ëcriture elle dogme ronda*,
I mental de la rérorme : savoir, que chaque particulier est jage âm'
l tôt» de l'Écrilitre.
Brandt, qui nous a doniiâ la proCcssioD de lui des Arminiens, s
\ déclare que les Arminiens ne prétendent assujétir personne ù 1*
[• fecevoîr telle qu'il la duone ; et elle est coaçae de manière que Ift'
ettholiqaeet le Socinienpouvaienij trouver cbacun leur dogme*. '
Les Arminiens ont compté parmi eux des hommes du premier
ordre: Episcopius, Courcelles, Grolius, le Clerc.
Las Calviniaies ont beaucoup écrit contre les Arminiens, et
leur ont reproché d'être lombes dans les erreurs des Socinieua;
ce reproche n'est pas sans rondement, quoi qu'en disent les Arui-
L niens; maisce reproche u'est pas une réfutation, elles Cahinisl^l
' n'ont point de principes à l'épreuve des difiicullés et des rétor->,
sious des Arminiens : il n'appartient qu'aux catholiques de réfu-
ter solidemeot et sans retour l'Arminien, eu lui prouvant que,
c'est à l'Ëglise qu'il appartient d'interpréter l'Ëcriture et de nous
apprendre ce que Jésus-Clirisl a révélé.
Nous exposons , i l'article Hollande , l'élal actuel des Armi-
niens dans les Provinces-Unies; ils ont formé uu établissement
considérable dans lellolstein, où un grand nombre se relira pour
éviter la persécution en Hollande; le roi de Danemarek li
donna la liberté d'y bûtïr une ville, qui esL devenue considérable,,
et connue sous le nom Fridéricstad *.
Celte secte absorbera vraisemblablemeul toutes les sectes ré<,
formées.
ARNAUD DE BRESSE vint d'Italie étudier en France soi
Abaelard , et retourna en Italie , où il prit l'habit monastique :
ne manquait ni d'esprit , ni de talent pour la prédication , el i
avaîl un désir ardenl d'êlre célèbre.
H fallait, pour parvenir ï la célébrité, se (aire un parti eu
dérabte, donner no nomï une secleet attaquer des ennemis
EÎdérables : Arnaud de Bresse aiiaqua les moines , les clercs
prêtres, les évéques; il prêcha qu'ils ne pouvaieni possédi
fiefs , m biens-fonds , et que tous ceux qui en possédaient ssrool,'
damnés.
Le peuple reçnt avidement celle doctrine , le clergé fui elTrajé
204 ARN
de son succès , et le pape Innocent II chassa d^llalle Arnaud de
Bresse , qui y rentra aussitôt qu'il apprit la mort du pape.
11 trouva sur le siège de saint Pierre Eugène 111 » et le pen^
sur le point de se soulever contre le pape. Arnaud de Bresse sai-
sît Toccasion , prêcha contre le Saint-Père , anima le peuplé et
proposa aux Romains de rétablir Tancien gouvernement qui avtit
rendir leurs ancêtres les maîtres de la terre : il enseigna quHl Al-
lait renfermer Tautorité du pape dans les objets de la religion et
rétablir le sénat.
Le peuple , séduit par cette chimère , insulta les grands sei-
gneurs et les cardinaux , les attaqua et pilla leurs palais ^.
IjB pape Adrien lY excommunia Arnaud de Bresse et ses adbé-
rens , et interdit le peuple jusqu'à ce qu'il eût chassé de Rome ce
moine séditieux.
Los Romains, placés entre la crainte de l'interdit et les assu-
rances que leur donnait Arnaud de Bresse, n'hésitèrent point à
prendre le parti de l'obéissance, et les Arnaudistes furent obligés
de sortir de Rome.
Ils se retirèrent en Toscane, où ils furent bien reçus du peuple,
qui considérait Arnaud de Bresse comme un prophète ^ ; cq>en-
dant il fut arrêté quelque temps après par le cardinal Gérard , et
malgré les efforts des vicomtes de Campanie , qui l'avaient remis
en liberté, il fut conduit à Rome et condamné par le gouverne-
ment de celte ville à être attaché à un poteau , à être brûlé vif
et h être réduit en cendres^ de crainte que le peuple n'honorât
ses reliques.
Ainsi , la crainte de l'interdit força le peuple à faire brûler un
homme qu'il honorait comme un .saint; ce peuple avait cru Ar-
naud de Bresse lorsqu'il prêchait contre l'autorité du pape, il
l'abandonna lorsque le pape employa cette même autorité contre
lui et contre Arnaud de Bresse.
ARNAUD DE VILLENEUVE, ainsi nommé du lieu de sa
naissance, naquit sur la fin du treizième siècle, selon la plupart des
auteurs : après avoir fait ses humanités, il s'attacha â la chimie;
il y fit de grands progrès , et s'appliqua ensuite à la philosophie
et à la médecine.
* Otho Frisingensis, 1. 2, de gestis Friderîci, c. 20.
2 Dupin, Hist. descontrov. du douzième siècle, c. 6. D'Argentré, Col-
lect. jud., 1. 4, p. 26. Natal, Alex, in ssec. 12,
ARN 205
Après STOi'r palreouni les écoIm de France , il passa en Espa-
gne pour y entendre les philosophes arabes , qu'on estimait alors
les pins granils naturalistes. Il alla ensuite en Italie cnnférer avec
cei'lains philosophes pythagoriciens qni étaient en grande répu-
tation ; il forma ensuite le projet de passer en Grèce pour confé-
rer avec les savans qui y restaient , mais les guerres qui déso-
laient ces pays l'en empêchèrent ; il se retira â Paris , oti il
enseigna el praliqna la médecine avec beaucoup de répulation '.
Arnaud de Villeneuve, entraîné par sa curiosité naturelle, avait
eflleuré presque toutes les sciences, et il s'était fait une réputa-
tion qni lui persuada qu'il était capable de tout ; il donna dans
plusieurs erreurs. Voici ce qu'il soutenait :
i' Lu nature humaine eu Jésus-Christ est en tout égale à U
divinité.
3° L'ùme de Jésns-Clirîst , aussitôt après son union , a su tout
ce'que savait la divinité.
3° Le déraon a perverti tout le genre humain cl fait pé(
4" Les moines corrompent la doctrine de Jésns-Chrisl ;
sans charité, et ils seront tous damnés.
S' L'étuda de la philosophie doit être bannie des écoles , et les
ihéologiena ont très-mal fait de s'
6° La révélation faite i Cyrille <
1' Les œuvres de miséricorde
In sacrifice de l'aiilel.
8° Les fondations des bénéfices ou des messes sont inutiles.
9° Celui qui ramasse un grand nombre de gueux el qui fonde
des chapelles ou des messes perpétuelles encouj'l hi damnation
étemelle.
10° Le prélre qui oITrc le sacrilice de l'autel , el celui qui le
fait offrir, n'offrent rien du leur !i Dieu.
H" La passion de Jésus-Christ es
aumônes que par le sacrifice de l'autel.
12' Dieu n'est pas loué par des ceii
messe, mais seulement de bouche.
13> Il n'y a, dans les con£litutions des papes, que
de l'homme.
1
' U foi.
ts sont
Il plus précieuse que l'Ëcriluro
;ont plus agréables it Dieu que
lieux représentée par les
s dans le sacrifice de la
I, Mem„ t. Si, p. 83. PaliriciuA, Bibllolh. lai. medi^ cl it
206 ABN
14* Dieu m*ft point menacé de la damnadon étemelle cenx qaî
pèelient , mais seulement ceux qui donnât maufais exemple*
15* Le monde fimra Fan 1335 *.
Tontes ces propositions sont tirées des différons livres compo-
sés par Arnaud de Villeneuve ; tels sont le livre intitulé : De fMi-
«Mtl/ et de la patience de Jéeue-Chritt ; le livre De la fin du
menai, de la charité, etc. ^.
Nous ne voyons point si ces difiérentes propositions étaient
liées dans Arnaud de Villeneuve, et si elles formaient un sys-
tème de théologie ; il y a beaucoup d*apparence qu'Arnaud de
Villeneuve était un homme qui en voulait aux moines et aux ec-
clésiastiques : rien ne nous oblige à le supposer théologien éclairé ;
ainsi nous ne disputerons pas à M. Ghaufepied qu'il ait été un des
précurseurs des nouveaux réformés '.
Arnaud de Villeneuve fonda en quelque sorte une secte connue
sous le nom d'Amaudistes ; cette secte fit quelques progrès, sur-
tout en Espagne.
Ainsi , ni les excommunications , ni les croisades , ni les ri-
gueurs de rinquîsition, qui furent si multipliées dans le troisième
et dans le quatorzième siècle, ne purent arrêter la licence de pen-
ser et d'écrire , ni celle des prédicants et des fanatiques , qui pro-
duisirent dans ce siècle une infinité de sectes , telles que les Bé-
guards , les Apostoliques , les Frérots , les LoUards, etc.
Un degré de lumière de plus aurait rendu tous ces sectaires
ridicules et les aurait fait rentrer dans le néant.
Les quinze propositions que nous avons rapportées furent con-
damnées à Tarragone, par Tinquisiteur, Tan 1317. Arnaud de Vil-
leneuve, appelé pour traiter avec le pape Clément V, était mort
dans le vaisseau qui le transportait , et fut enterré à Gènes hono-
rablement. Tan 1313.
ARNAUD DE MONTANIER , natif de Puicerda , en Catalogne,
enseignait que Jésus-Christ et les apôtres n'avaient rien en propre
ni en commun ; que nul de ceux qui portent l'habit de saint Fran-
* Nicol. Emcric, Direct. Inguisit., 282, édit 1585. Nîceron, loc. dt.
Cent. Magd., cent, 13, c. à, Hofman Lexie. Dup., ih s«c.,p. A8i«
Natal. Alex., ssec 13. D*Argentré, 1. 1, p. 367.
s D^Argentré, ibid. Trithem. chronic« Hirsaugiensi, t, 2, ad aut 1310^
p. 123. HisL proT. Catalauniae.
» Frateol. ELfacb. Hist. haur., p. «6» Fabricias, Biblîoth. média et
iofim., t. 1, p. 355.
ART wr*
Ht Fr3n<;ois descendail lous les ao»
Il ordre paur les faire
enlin , que l'ordre de saint François durerait
I
,ion, et se réiracu de
le fut pas sincère , et il
; on le saisi! une se-
■n était l'éTèque,
I
I
le Iribntial de rinqaisi
ïancé ; t» rélraclation i
ses folles îmaginatioDS
coode fois dans le diocèse d'Urgel; Ejmérii
condamna Arnaud de Montanierâ une prison perpétuelle.
L'ignorance ne garantit donc point de l'erreur et elle ne rend
point docileii la xérité, ni soumis aux supérieurs ecclésiastiques.
Arnaud, plus éclairé, n'eût ni débité ses extravagances , ni r^isté
\ ses sDpérieurg ; on l'aurait détrompé.
ARNAUDISTES , disciples d'Arnaud de Villeneuve.
ARTEHAN ou ArtemjIS, hérétique qui niait la divinité de
Jésus-Christ et dont les principes étaient les mêmes que ceux de
Théodote de Bjsance. Yùyet cet article '.
ARTOTYRITES, branche de Hontanistes, ainsi appelés parce
qu'ils offraient dans leurs mptèrea du pain et du fromage : ils ad-
neltaieni anssi les femmes à la prêtrise et !i l'épiscopau
Montan avait pris la qualité de réformateur; ses disciples
avaient pris son esprit , ils cherchaient sans cesse â perfecliuDner
la discipline de l'Église : de l!i , chaque Montaniste qui imagina
quelque manière nouvelle d'honorer Dieu fit un article fondamen-
1»1 de sa pratique et forma une secte.
QnelquesHontanistes, faisant rénexionquelespremiersliommes,
dans leurs sacriSces , offraient t Dieu des fruits de la terre et des
productions des brebis , crureni qu'il fallait se rapprocher de la
pratique des premiers patriarches, et offrir i nieu du pain et du
fromage.
Hontan avait associé i son ministère de prophète Priscille et
Haiimille : les Artoljrilen conclurent de là que les femmes pou-
«ient être promues aux ordres, et ils admettaient en effet les
femmes ï la prêtrise et i, l'éptscopat ; ils ne voulaient pas qu'on ni
enlre les denx sexes aucune différence pour le minislëre de la reli-
^on , puisque Dieu n'en faisait point dans la communication de
Ks dons et des qualités propres ï conduire les fidèles et ï gou-
Terner l'Église.
'Enscb., Uisl, ccclet., 1. 5, c 38. Theodor.iHoreti Fab., 1. l,c, à.
208 AUD
• La pénitence » la mortification , la douleur d*avoir offensé Dieu
étaient» selon les Montanistes , les premiers devoirs du chrétien;
Fessentiel du ministère était de faire naître dans le cœur des diré-
tiens ces sentimens , et il parait que les Montanistes croyaient les
femmes plus propres à inspirer ces sentimens aux hommes , et
plus capables de les toucher profondément , apparemment par la
facilité quUls supposaient dans le sexe féminin pour s*aSecter vi-
Tementy ou pour le paratlre lors même quUl ne Test pas, et peut-
être par la disposition qu*ils supposaient dans les hommes à
prendre les sentimens des femmes , à s'attendrir sur le sort d'une
femme affligée et à ressentir la douleur dont elle paraît pénétrée.
On Toyait , dit saint Ëpiphane , entrer dans leurs églises sept
filles habillées de blanc , avec une torche à la main , pour faire les
prophétesses; là elles pleuraient ,. déploraient la misère des hom-
mes, et, par ces grimaces, portaient le peuple à une espèce depé«
nitence ^.
ASGITES , secte de Montanistes qui mettaient auprès de leur
autel un ballon , le gonflaient fortement et dansaient autour. Ils
regardaient ce ballon comme im symbole propre à exprimer qu*ik
étaient remplis du Saint-Esprit ; car c'était la prétention des Mon-
tanistes. Violez l'article MoNTAN^.
ASGODRUGITES , les mêmes que les Ascites.
ASGOPHITES, espèce d'Archontiques qui brisaient les vases
sacrés en haine des oblations faites dans TÉglise. Ils publièrent
leurs erreurs vers Tan 173 : ils rejetaient l'ancien Testament,
niaient la nécessité des bonnes œuvres et les méprisaient ; ils
prétendaient que, pour être saint , il suffisait de connaître Dieu ;
ils supposaient que chaque sphère du monde était gouvernée par
un ange ^.
ATHOCIENS , hérétiques du treizième siècle qui croyaient que
l'âme mourait avec le corps et que tous les péchés étaient égaux *,
AUDÉE, selon Théodoret, et AUDI E, selon saint Ëpiphane ,
était de Mésopotamie , et célèbre dans sa province par sa foi et
par son zèle pour la gloire de Dieu : il écrivait vers le milieu du
quatrième siècle.
*■ Epipb., Hsr., â9. Aug., De haer., c. 28.
> Aug., De haer. , c 62. Auctor praedes., c 62. Philastr., c 75.
8 Theod., Haeret. Fab., 1. 1, c. 10, Ittig., De h»r., sect. 2, c 14, S 2,
4 Cent. Magd., cenU 13, s^ $•
^^^^ AUD 309
Lorsqu'il fo;ait iluns l'Ëglise quelque désordre , il repreuait
avec bauteurles prêtres et même les évêqucB: s'il voyait un [jrélre
ou UD Évêque attachés à l'argent ou vivre dans la mollesse , il eu
parlait , se plaignait , et le censurait amèremenl.
Sa censure et sa hardiesse le reodiceat enfin insupportable; on
le contredisait, on lui disait des injures, quelquefois on le mal-
traitait.
Le zèle pour le salut du prochain , et sans doute le plaisir de
censurer, le soutinrent long-temps contre ces mauvais Irailc-
mens ; mais enflu il se sépara de l'Église.
Tels sont les effets que produit ordinairement l'extrême vanité
dans les hommes d'uu petit esprit et d'une grande austérité de
mffiurs ; et si l'on avait analysé les causes du schisme d'Âudcc ,
on aurait peut-être trouvé qu'il n'était qu'un orgueilleux atrabi-
laire, sans science et sans esprit, quiliaïssaitses supérieurs, les
hommes et les plaisirs.
La franchise audacieuse qui attaque les supérieurs a un empire
naturel sur les caractères faibles et sur les esprits inquiets; ainsi
Audée fut suivi dans son schisme par beaucoup de monde ; uu
évêque même approuva son schisme et l'ordonna évêqne.
Audêe fut donc chef d'une secte , dont le caractère était une
aversion invincible pour toute espèce de condescendance , qu'ils
appelaient du nom odieux de respect humain.
Ce fut par ce motif qu'ils voulurent célébrer la Pâque avec les
Juifs , prétendant que le concile de Nicée avait changé la pratique
de l'Ëglise par condesceodauce pour Conslantiu , que l'on crut
flatter en laissant tomber la fête dePàques au jour de sa naissance ' .
Les Audiens suivaient, pour la rémission des péchés, une
pratique singulière ; ils avaient une partie des livres canoniques ,
et ils en avaient en outre une grande quantité d'apocrjphes ,
qu'ils estimaient encore plus mystérieux que les livres sacrés : ils
mettaient ces livres en deux rangs, les apocryphes d'un côté,
les livres sacrés de l'autre; ils commandaient aux pécheurs de
passer entre ces livres et de confesser leurs péchés , apris quoi
ils leur eu donnaient l'absolution.
Comme Audée se disait suivre par beaucoup de personnes du
peuple , les évêques catholiques le déférèrent à l'empereur, qui le
relégua eu Scyibie , d'où étant passé bien avant dans le pays des
' Kpipb., HiTcs., 70, Théodorel, Uœret. Fab„ t, a, c. 10.
210 AUD
Goths » il y iostraitit plusirars personnes et y étab^ des émbas*
tères » la pratique de la virginité et les règles de la vie solitaiiei
oe qui dura ju8qa*en 372 » que tous les chrétiens ftursnt rhisgél
de la Gothie par la persécution d'Athanarlc.
Saint Épiphane semble dire qu^Audée était mort avant cetenps :
sa secte fut gouvernée après lui par divers évèques qu'il andt
établis ; mais ces évéques étant morts avant Tan 377 , les Audiens
se trouvèrent réduits à un très-petit nombre. Ils se rassemblèrent
vers FEuphrate et vers la Mésopotamie , partieulièrement dniii
deux villages du territoire de Ghaleide ! beaucoup de ceux qvi
avaient été chassés de Gothie vinrent demeurer à Ghaleide^ et
ceux même qui s*étaient répandus dans des monastères du n<mt
Taurus ou dans la Palestine et dans TArabie se rénnireiit aoi
Audiens de Ghaleide.
Ils demeuraient dans des monastères ou dans des cabanes^ k la
campagne et auprès des villes ; ils ne communiquaient point avec
les catholiques , parce que , selon les Audiens , les catholiques
étaient vicieux ou communiquaient avec les vicieux ; ainsi , jamais
un Audien ne parlait à un catholique , quelque vertueux et quel*
que saint quMl fftt ; ils quittèrent même le nom de chrétiens et
prirent celui d'Audéens ou d* Audiens ^.
Il est clair qu'Audée, dans le commencement de son schisme ^
n'était tombé dans aucune erreur sur la foi , puisque ses ennemis
ne lui en reprochaient alors aucune : il paraît que , dans la suite ,
les Audiens attribuèrent à Dieu des mains, des yeux , des oreille»-.
Tbéodoret et saint Augustin rassurent après saint Épiphane.
Le P. Pétau croit que Tbéodoret et saint Augustin ont mal
entendu saint Épiphane , parce que ce Père dit que les Audiens
avaient conservé la pureté de la foi , quoiqu'ils s'obstinassent trop
sur un point de peu d'importance , ce qu'on ne peut dire de l'ep-
reur des Anthropomorphites *.
On peut répondre au P. Pétau que , quoique les Audiens attri-
buassent à Dieu une forme humaine , cependant ils étaient or-
thodoxes sur la Trinité ; en sorte que l'erreur des Audiens sur les
passages de l'Écriture qui attribuent à Dieu la forme humaine ne
paraissait avoir rien changé dans leur foi. '
Saint Épiphane ne trouve donc de répréhensible en eux que
* Epipb., Hœr., 70.Theod., Haeret Fab., 1. A, c 10.
2 Pétau, Dogm, theol., t. 4, 1. 2, c 1, S 8, 9.
BAC m
leur hardiesse St définir m qao! consbuit la reasemblance de
l'homme avec Dieu, et non pas le fond mèine de t' explication;
car il est certain que saînl Ëpipliane réfute l'erreur des Anlliro-
pomorptiiles dans cet endroit même : peut-êlre les Audieng ne
VOjaient-ils point les conséquenceB de leur erreur sur cet article ;
peut-être saint Épiphane a-t-il été porté & interpréter avec Indul-
gence l'eïpHcation des Âudiens , !i cause de leur discipline
Hustëre , dont il parait Taire grand cas ; ce qu'il j a de sûr, c'est
qu'il est injuste de prétendre prouver, par cette indulgence de
saint Épipliaoe pour les Audiens, que ce Père favorisait Tewenr
des Anihropomorpbiles , puisqu'il la réfuie expressément.
Les Audiens donnèrent encore dans quelques-unes des erreurs
des Manichéens : il paraît qu'ils croyaient que Dieu n'aiail point
créé les ténèbres, ni le fen, ni l'eau; mais que ces trois élémens
n'avaient point de cause et étaient éternels. Il parait aussi qu'ils
dégénérèrent de leur première austérité et qu'ils eurent dans la
suite des mœurs fort déréglées. Voijei Théodorel, Bœret. Fait.,
1. 4, c. 9.
m
BACULAIRES, secte d'Anabaptistes qui s'éleva en1S2S, et
qui fut ainsi appelée parce qu'aux erreurs générales des Anabap-
tistes elle ajouta celle qui porte que c'est un crime de porter
d'antres armes qu'un bStou , et qu'il n'est permis i personne de
repousser la force par la force , puisque Jésus-Cbrist ordonne aux
chrétiens de tendre la joue & celui qui les (irappe.
L'amour de la paix , que Jésus-Chrlsl était venu faire régner
sur la terre, devait, selon ces Anabaptistes, éteindre toutes les
divisions et faire cesser tous les prucès : ils croyaient qu'il était
contre l'esprit du christianisme de citer quelqu'un en justice.
Ainsi , l'on voyait en Allemagne des Anabaptistes qui croyaient
qoe Dieu leur ordonnait de dépouiller de leurs biens tous ceux
qui ne pensaient pas comme eux et déporter le meurtre, le feu ,
la désolation , partout où l'on ne recevait pas leur doctrine , tan-
dis que d'autres Anabaptistes se laissaient dépouiller de leurs
biens et âier la vie sans murmurer. Voili ofi les principes de la
réforme avaient conduit les esprits ; et l'on prétend nous donner
'a réforme comme un ouvrage de lumière, commenn parti néces-
313 BAG
siire pour dégager la vérité des ténèbres dans lesquelles rËglise
romaine Tavait ensevelie.
Les Baculaires s'appelaient aussi Stéblériens > du moi Steb^ qui
signifie b&ton^.
BAGÉMIUS , était de Leipsik et vivait au miUeu du dixHsep-
tième siècle : la suite de ses études le porta à rechercher les mo-
tifii qui avaient pu déterminer Dieu à créer des êtres distingués
de lui.
Les théologiens et les philosophes s'étaient fort partagés sur
celte question : les uns croyaient que Dieu n'avait créé le monde
que pour faire éclater ses attributs; les autres, pour se faire
rendre des hommages par des êtres libres.
Bagémius crut qu'un être intelligent ne se portsdt à agir que
par amour, et qu'il n'agissait hors de lui-même que par amour
pour l'objet vers lequel il se portait ; il concluait de là que c'était
par amour pour la créature que Dieu s'était déterminé à la créer :
il prétendait rendre son système sensible par l'exemple d'un jeune
homme que les charmes d'une seule personne attachent et assu-
jétissent à elle.
CSomme les créatures n'existaient point avant que Dieu se fût
déterminé à les créer, il est clair que Dieu n'avait été déterminé
à aimer les créatures que par l'idée qui les représentait ; ainsi Ba-
gémius ne faisait que renouveler le système de Platon , que Va-
lentin avait tâché d'unir avec le christianisme ^.
Bagémius ne paraît pas avoir fait secte : nous n'avons rapporté
son erreur que pour faire voir qu'il y a, dans les opinions et dans
les erreurs des hommes , une espèce de révolution qui les fait re-
paraître successivement , et que l'esprit humain rencontre à peu
près les mêmes écueils lorsqu'il veut franchir les bornes des con-
naissances qui sont départies aux hommes : la lumière et la cer-
titude sont complètes sur ce qu'il est nécessaire ou important de
bien connaître; où la connaissance devient objet de ciu*iosité, la
lumière disparaît ou s'affaiblit , l'incertitude et l'obscurité com-
mencent , c'est la religion des conjectures et l'empire de l'opinion
et des erreurs.
* Voyez, à l'article Anabaptistes, leurs différentes sectes. Voyez
Stockman Lexicon. Petrejus Catal., Haer.
* Voyez Vàrûcle VALEWTiN.On a expliqué, dans le t. i de TËxamen
du fatalisme, le système de Platon.
BAi 213
La révélation, qui fixe nos idées à cet égard, est donc un grand
bienlkit ; elle nous garanlil de toutes ces erreurs que l'esprit hu-
main quille et reprend successivement depuis qu'il raisonne,
livré i son inquiétude et â sa curiosité '■
BAIANISME, C'est le nom que Von donne au s^stëme théolo-
gique renfermé dans soixante-seize propositions condamnées pat
Pie V, tirées en grande partie des écrits ou recueillies des leçons
de Hicbel Baj, plus comniunémeRl appelé Baïus, quoique ca
iLëologicn ne soit poiul nommé dans la bulle , et que , parmi les
propositions condamnées, il y eu ait plusieurs, ou qui ne sont
point de Bay , ou qui n'ont point de rapport aux matières de la
Nous allons examiner les principes et l'origipe de ce système,
les eltets qu'il produisit , la condamnatiou de ce système et les
sidtes de cette condamnation.
SI. — De l'origine el de» principes du BaianUme.
Michel Bay naquit en 1513, ïM;din, village de llaynaul ; il Qt
ses éludes à Louvain , y enseigna la pLilosopLie , el TuL reçu doc-
leur en 1550. 11 fut choisi l'anoée suivante pour rcmpLir la cbuiro
de l'Ëcrilure sainle *.
Les senlimeos de Luther, de Culvin el de Zuingle avaient fait
beaucoup de progrés en Flandre et dans les Paya-Bas : les Pro-
teslans ne reconnaissaient pour règle de la foi que l'Écriture ; ce-
pendant il y avait des Pérès dont ils respectaient l'auiorïté; ils
prétendaient même ne suivTC que les senlimens de saint Augustin
sur la grice et sur lu prédestmation.
BaFus forma le projet de réduire l'élude de la théologie prin-
cipalement à l'Ëcriture et aux anciens Pères pour lesquels les
hérétiques avaient de la vénération , de suivre la méthode des
Pères dans la discussion des points controversés, et d'abandon-
ner celledes scolasliques, qui déplaisait beaucoup aux Protestans.
Ce théologien Gt donc une étude sérieuse des écrits de saint
Augustin et le prît pour modèle, parce qu'il le regardait comme
le plus exact dans les matières qu'il avait traitées ^.
1 Vo3ei celle chaîne d'erreurs dans le L 1 de l'Examen du fatalisme.
* Baison. Michuel Bay op., aecunda pari., in-4', p. 191, Oupin, BL-
bliolli-, seizième hiùclc.
> Lct. de Balus au canliual Simoncl, ùi 1^ fin de In collection des ou-
9 de Baius, hi-i:.
214 BAI
Bains s*applU|iui donc à bien eompreiidfe It dactria» ée «âat
AngnstÎD , surtout par rapport à la grice ; car les PrélcMaM^
comme nous TaTOits dit, prétendant ne smfre pptb k dodriM
de saint Augustin sur ces objets , on ne poofait lei «imbtUie
plus efficacement que par la doctrine de ce Père.
Saint Augustin arait prouTé, contre les PâagteaSy la néeewilé
de la grâce ; il arait prouTé cette ?érité par les passages de TÈf"
criture qui nous enseignent que nous ne pourons^en sans IMeiiy
que toute notre force tient de lui » que notre nature est corrompoey
que nous naissons enfans de colère.
Pelage avait opposé à ces preures la liberté de Tbomaie» qsi
serait anéantie si la grâce lui était nécessaire.
Saint Augustin n*aTait point attaqué la liberté de Tbonme ;
mais il atait prétendu qn*il était dans une impossibilité tbadve
de faire son salut sans le secours de la grâce : il avait enseigné
qu* Adam même » sans le secours de la grâce , n*aurait pu persévé-
rer dans la justice originelle ; que, par conséquent» depuis la
chute de Fhomme» il était non-seulement impossible quH fit son
salut par ses propres forces, que le pécbé originel avait détruites,
mais encore qu*il lui fallait une grâce plus forte qu*à Adam.
Voilà Tobjet que Baïus envisagea dans saint Augustin » il crût
que le changement opéré dans Thomme par le péché d*Adam
donnait le dénoûment de toutes les difficultés sur la liberté de
rhomme , sur la nécessilé de la grâce ^.
Saint Augustin avait prouvé le péché originel et la corruption
de rhomme, par la concupiscence à laquelle il est sujet dès le mo-
ment de sa naissance , par les misères qu*il souffre, par la mort ,
par tous les malheurs, qui^ depuis la chute d*Adam, sont les apa-
nages de Thumanité. Saint Augustin avait prouvé quePhomme n'é-
tait point dans Tétat où Adam avait été créé , parce que sous un
Dieu juste, sage, bon, saint, Thommene peut naître ni corrompu,
ni msdheureux *.
fiaïus conclut de là que Fétat d'innocence, était non-seulement
Tétat dans lequel Dieu avait résolu de créer les hommes, mais en-
core que la justice, la sagesse, la bonté de Dieu n'avaient pu créer
rhomme sans les grâces et sans les perfections de Fétat d'inno-
crace ; que k justice d'Adam n'était point], à k vérité, essentielle
* Voyez Farticle PAlaqb.
s Ibid. Voyez aussi les ouvrages de saint Aug* contre les Pélagiens.
BAI SIS
k l'hoEBD», enca sens qu'elle fût une propriélâ de la nature bn-
maise, en sonequesanselle l'homme ne pût exister; mais qu'elle
lui était essentielle pour n'êlrc pas vicieux, dépravé et iocapable
de remplirai destination,
Ainsi, disait Baïus , un homme peut exister sans avoir de boas
yeui ou sans avoir de bonnes oreilles ; mais s'il n'a que des jeuï
ou des oreilles donticsnerrssoîeatincapables de porter au cerveau
les impressions des couleurs ou des sons , il ne peut remplir les
fonctions auxquelles i'homns eel destiné'.
Dieu ne pouvait donc faire l'homme tel qu'il sst aujourd'hui,
c'est-i-dire avec la concupiscence , sans qu'il eût un empire ab'
solu sur ses sens; sans cet empire, l'âme est l'esclave descorps, et
c'est un désordre qui ne peut exister dans une créature qui sort
des mains de Dieu*.
L'homme, depuis le péché originel, a donc été privé de l'inté-
gritéde sa nature, il esll'esclave delà concupiscence, il n'a plus
de force que pour pécher.
Cette doctrine, selon Baïus , n'est point contraire au dogme de
la liberté : trois sectes l'ont principalement attaquée , selon ce
théologieu , les Stoïciens, les Hauicbéens el les disciples de Lu-
ther, de Calvin.
Lespremiers soumettaient toutes les actions humaines audeslin
qui produisait tout dans le monde ; les seconds supposaient que
lanaturehumaine était essenliellument mauvaise et vicieuse; en-
fin Luther et Calvin enseignaient que l'homme était sous la direc-
lion de la Providence , comme un automate entre les muîns d'un
machiniste : l'homme ne faisait rien parce qu'il était iucspahle
d'agir, etque Dieu le déterminait dans toutes ses actions par une
puissance invincible, mais encore parce qu'il produisait immédia-
tement et seul toutes les actions hums'
Ces trois ennemis de la liberté se trompaient, selon Buîue , et
il crojrait son système propre à réfuter leurs erreurs : voici qml
était ce système.
Dieu avait créé librement l'homme , et il l'avait eréé libre.
Adam avait pécbé librement ; aiasi ilo' était point entraîné par la
loi du destin.
1
I
'Deprimlbominisjuslilla, c. 2, 3, 11,
^^Ibid., c. S, A, 6, 7.
rnyrilesiirlicIcsLriHKii, Calvin,
316 BAt
Le premier homme avaitété créé jqste, innocent et orné de ▼ef'
toi ; ainsi la nature humaine n'était point man^aise , comme letf
Manidiéens le pensaient : le premier homme, dans cet état, com'
mandait à ses sens et à son corps ; tons les organes étaient somnis
à sa volonté , il pouvait suspendre , arrêter les impressions des
corps étrangers sur ses organes.
H a perdu par son péché Tempire qu'il avait sur ses sens ; il a
perdu la grâce qui lui était nécessaire pour persévérer dans la
justice ; il a été entraîné néeessairement par le poids de la eoB-
cupiscence vers la créature ; il ne peut résister à ce paidiant *,
Ce n'était donc pas Dieu qui produisait les péchés de l'homme,
comme Luther et Calvin avaient osé l'avancer , c'était l'homme
lui-même qui se portait vers la créature, et qui s'y portait par son
propre poids, par sa propre inclination , et c'était en cela que eoB-
sistait sa liberté , parce qu'il n'était point forcé par une cause
étrangère , la volonté n'était point contrainte : l'homme péebail
parce qu'il le voulait, et il ne le voulait pas malgré lui ; il ohéîsnit
h son penchant et non pas à une cause étrangère : ainsi il était
libre «.
L'homme pouvait même , dans les choses relatives à cette Tie ,
choisir et se déterminer par jugement , et c'est pour cela que le
libre arbitre n'est point éteint ^.
Baïus reconnaît que les docteurs catholiques qui ont écrit con«
tre les hérétiques ne pensent pas ainsi sur le libre arbitre , et
qu'ils le font consister dans le pouvoir de faire ou de ne pas faire
une chose, c'est-à-dire dans une exemption de toute nécessité ;
mais il croit qu'ils se sont écartés du sentiment de saint Augus-
tin, qui , en s'attachant à l'Évangile, fait consister le libre arbitre
en ce que la volonté de l'homme n'est exposée à aucune nécessité
extérieure, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait le pouvoir de ne pas
faire la chose qu'il fait ou de faire celle qu'il ne fait pas *.
Telle est la doctrine que Baïus et Hessels enseignèrent à Lou-
vain sur la grâce et sur les forces de l'homme: elle fut adoptée
par beaucoup de théologiens.
Baïus , Hessels ou leurs partisans avaient encore d'autres opi-
* L. 1, Debonojustitiae.
2 De lib. arbitr.
s Ibid., c il.
« Ibid., c. 8.
1
I
BAI a
raloM diiTérontes du Beniîmeni commun des docteurs sur le j
[ rite des œuvres, sur la cODceptioa de lu Vierge, eic. , dont n
ne parlerons point.
Dm effet! de la doclrine de Baïiu.
Lorsque les théologiens de Louvain qui éiaienl allés M coDÙlf.J
de Trente fuTent de retour, ils furent ehoqués des opinions àaU
Baïus el du progrès qu'elles avaient fait. Quel est le diable ,
criait un de ces iliéologiens , quel est le diable qui a inUodi^q
ces seutiinens dans notre école pendant noire absence!
Les sentimens de Baîus furent attaqués par les théologiens dsH
Pajs-Bas , et surtout par les religieui de l'ordre de saint FraoA I
sois, qui suivaient les sentimens de Scot, diamétralement opposétl
aux prineipes de Baïus, sur les forces de l'homme.
Scot reconnaissait que riiomme, par les forces de la u;
pouvaitfaire quelques bonnes actions, que Dieu pouvait accorder
ù ces œuvres quelques ho nues grâces , que ces œuvres ne pouvaient
cependant mériter par elles-mêmes , puisqu'il n'y avait aucune
proportion entre les œuvres, qui n'avaient qu'uu mérite naturel,
et la grâce, qui était d'un ordre surnaturel.
Baïus ne s'éUît pas contenté de proposer son sentiment , il
avait attaqué vivemenllcs sentimens qui lui était opposés, el leurs
délenseurs avaient cru^qu'ils étaient eux-mêmes attaqués avec peu
de ménagement dans les leçons de llaïus ; ils attaquèrent k leur
tour les sentimens do ce théologien, la dispute s'échaulla , el les
adversaires de Baïus envoyèrent k la faculté de théologie de Pa-
ris dit-huit propositions qui avaient été avancées par Baïus ou par
ses disciples, el qui contenaieDi les principes de la doctrine que
nous venons d'exposer , et de plus quelques opinions qu'il est
inutile d'examiner , tel est le sentiment qui soumet la sainte
Tiei^e ïla loi du pécbé originel.
la faculté de théologie condamna ces propositions , Baïus les
défendit pour la plupart ; et le cardinal de Granvellc, gouverneur
ées Pays-Bas , voyant que les esprits s'écliautTaient , et craignant
que celle querelle ne commît l'université de Louvaia et celle de
Paris, obtint du pape un bref qui l'autorisait dans tout ce qu'il
jugerait nécessaire pourrapaiser.
Le cardin.il de Granvelte imposa silence aux deux partis, et
écrivit ï Philippe II , pour lui représenter combien il serait dan-
gereux pour Baïus et pour llessels , el en même tei
218 BAI
il serait nuisible k TËglise de donner occasion, par une conduite
trop dure, de prendre un parti dont les suites pourraient être flh
eheuses , et il lui eonseilla de ne suivre dans toute cette affiûre
que le parti de la douceur : il louait beaucoup la catholicité , la
science , la piété de Baîus et de Hessels.
Philippe II approuva la conduite du cardinal de Grajivélle , et
k paix parut rétablie dans Funiversité.
Les adversaires de Eaîus ne tardèrent pas à recommencer {ai
hostilités ; ils présentèrent au cardinal de Granvelle un mémoire
contenant plusieurs propositions qu'ils attribuèrent à ce docteur ,
et ils les dénoncèrent comme étant presque toutes suspectes d'er-
reur ou d*hérésie.
Le cardinal de Granvelle communiqua ces propositions à Balus,
qui en désavoua une partie et soutint que les autres étaient mal
digérées , conçues en termes ambigus et susceptibles d*un mau-
vais sens dont il était fort éloigné : la contestation ne fut pas
alors poussée plus loin, et Baîus fut député au concile de Trente
avec Hessels^.
Baîus , à son retour du concile , acheva de faire imprimer ses
ouvrages : les contestations se renouvelèrent avec plus de cha-
leur que jamais , et Ton tira des écrits de Baîus plusieurs propo-
sitions que Ton envoya en Espagne pour les faire condamner.
Les religieux de saint François députèrent à Philippe II deux de
leurs confrères, Tun confesseur de Marie d'Autriche, Taulre très-
puissant auprès du duc d' Albe, ^ûn de faire intervenir le roi dans
cette affaire.
Desjugemens du saint Siège , sur les propositions attribuées
à Baîus,
On avait extrait des écrits de Baîus, de ses discours ou de ceux
de ses disciples soixante-seize propositions : ces propositions ne
sont presque que le développement de ce que nous avons exposé
de la doctrine de Baîus et elles peuvent se rapporter aux princi-'
pes suivans :
L'état de rhomme innocent est son état naturel; Dieu n'a pu le
créer dans un autre état ; ses mérites en cet état ne doivent point
élre appelés des grâces , et il pouvait par sa nature mériter la vie
élernelle.
* BaïanD., p. 35, 194. Littera Car. Granvelle, quœ Vesontii, in abba-
Uà S. Vinccnlli, asservulur.
BAI
Depais te péché , toutes les œuvres des hommes Fniie)
grSce sont des pécbés ; aÏDsi , toutes les actions des inUdi^les , et
l'inlidélilé même négative , sont des péchés.
La liberté , selon l'Écriture sainte , est la délivrance du péchi
elle esl compatible arec la nécessité : les mouvemeos de cupidité,
quoique involontaires, sont défendus par le précepte, et ils sont
un péché dans les baptisés , quand ils sont retombés en état de
ansU H
les, et ^^M
La charité peut se
core obienu la rémi
point remis par une i
cevoir le bapltme ou l'absolutio
dans un homme qui n'a pas en-
ses péchés ; le péché mortel n'est
31 l'oi
i: les reçoit naturelle-
Personne nenalt sans péché originel, et les peines que la Vierge
et les saints ont souOertes sont des puniUons du péché originel ou
On peut mériter la vie étemelle avant d'être justifié : on ne doit
pas dire que l'homme salisfait par des œuvres de pénitence, mais
que c'est en vue de ces actions que la satisfaction de Jésus-Christ
nous est appliquée.
Pie V condamna lesproposilioosqui contenaient celle doctrine:
• Nous condamnons ces propositions , dit-il , à la rigueur et dans
■ le propre sens des termes de ceui qui les ont avancées , quoî-
■ qu'il y en ait quelques-unes que l'on peut enquelque sorte sou-
1 tenir, c'est-â-dire dans nu sens éloigné de l;i signification pro-
• pre des termes et de l'intention de ceuï qui' s'en sont servis •.
> Les déferiMurs de Baluii lisent aulremenl te prononcé de la bnlle;
ils prétendent qu'il faut lire : i Noua condamnons ces propositions
t quoiqu'il y en ait quelques-unes d'entre elles que l'on peut en quel-
> que sorte soutenir ï la rigueur et dans le sens propre des termes de
> ceux qui les ont avancées, n
La différence de ces deu» leçons dépend d'une virgule placée devant
DU après le mol poaiiat, comme tout le monde peut s'en convaincre en
lisant 1c prononcé de la bulle en latin. oQuasquidemseoleulias, stricto
■ coram nobïs ciamlne ponderata-i, quauquâm nonnuUai aliqno pacio
• sustineri possint, in rigorc et proprio verborum sensu ab audoribus
■ Inlento damnamus. i II esl clair que la virgule qui est après inlt'iilo,
lAocte après poiiint, fait un sens absolument dilTérenl,
Les défenseurs de Bains ont prétendu qu'il Tout lire In virgule aprte
, intcnlo, non pas aprèsjiOHtnf ; nous ferons sur ccUiquelquesniflcxions,
220 BAI
Le cardinal de Granvelle , charge de rexécution de la bulle,
commit pour cela Morillon , son grand vicaire , lui enjoignit de
procéder avec une charité vraiment chrétienne , pour réparer don*
1* Une censure dogmatique a toujours pour objet le sens propre et
naturel des propositions, et la censure du pape serait injuste, informe^
absurde, si elle proscrivait les soixante-seize propositions et les livres
dont elles sont extraites, seulement à cause d*un sens étranger qu^elles
n^ont ni dans le livre, ni dans Tesprit des auteurs, mais qu^on peut leur
donner.
2** Le cardinal de Granvelle, chargé de Taffaire du Balanisme par
Pie y, déclara que Baïus avait encouru les censures portées par la
bulle, pour avoir défendu les propositions dans le sens des paroles de
Tauteur.
8** Grégoire XIII obligea Balus à confesser que ses propositions
étaient condamnées par la bulle dans le sens qui! avait enseigné et
exigea de TUniversité de Louvain qu^elle enseignât la contradicldre
de toutes ces propositions pour se conformer à la bulle.
à* Urbain VIII fit imprimer la constitution de Pie Y avec la virgule
après possint et non pas après intenta.
5" Le saint Siège exigea des Universités de Louvain et de Douai une
acceptation pure et simple de la bulle et voulut que« dans cette accepta-
tion, on déclarât qu'aucune despropositionsnepeutêtre soutenue, prise
en rigueur et dans le sens propre des paroles.
6° Les défenseurs de Baîus prétendent que, dans la copie de la bulle
envoyée par le pape même et déposée dans les archives de la faculté de
Louvain pour y servir d*original, il n*y a ni virgules, ni distinction
d^articles, dont on ne peut deviner la division que par des lettres ma-
juscules qui paraissaient à la tête de chaque article. (Dissert, sur les
bulles contre Baïus, p. 58.)
Dans cette supposition même, ne faut-il pas s^en rapporter sur le
sens de la bulle à Urbain VIII et à Grégoire XIII, et aux principes delà
critique qui ne permettent pas de placer la virgule après intenta
comme on Ta fait voir dans les premières réflexions?
7® Dans les lettres que le cardinal de Granvelle écrivit à Morillon
pour Texécution de la bulle, il est clair que Ton croyait à Rome et
que le cardinal de Granvelle pensait qu'on avait condamné les livres et
les sentimens de Baïus. (Inter opéra Bail, t. 2, p. 59.)
Vayez PHistoire du Baîanisme ou de Thérésie de Baïus, avec des no-
tes historiques, chronologiques, etc., suivies d'éclaircissemens, etc., par
le père J.-B. Duchcsnc, delà compagnie de Jésus ; à Douai, in-A", 1731.
Traité historique et dogmatique sur la doctrine de Baïus et sur T^u^
torité des papes qui Tout condamnée j 1739, 2 vol, in-12.
BAI 331.
eernent la hvle de Baius ; ce qui, dit le cardinal, fera plus d'hun-
neur à rtloiveTsilé et i em-mâmes , et leur procurera plus de ré-
putnLionque s'ils se coudulsaient avec aigreur.
M orilloD assembla la facalié élroiiede Louvain le l^novembra
1^0, publia la bulle de Pie V dans l'assemblée de celle faculté ,
sans en laisser néanmoins la copie , requit que les doclenrs e
théologie la souscrivissent et leur demanda s'ils voulaient obéi
k la constitution du pape qu'il venait rie leur préseuler. Six doc-
teurs de Lonvain et Baîus même se soumirent.
Comme BaTus n'était point nommé dons la bulle , il resta dnn
l'Universilé de Louvain, el fut même fait ehanceller et conserva
leur des privilèges de l'Université de Louvain en 1578.
La même année, les querelles qui semblaient apaisées se rt
nonvelèrent : d'un côté, Baîus Tut accusé de tenir encore les ei
reurs condamnées, et, de l'autre, on fît nalire un doule sur l'ai
Ilienticilé de la bulle; quelques-uns prétendirent qu'elle était
supposée , et d'autres qu'elle était subreptice.
Le roi d'Espagueappu ja la sollicitation de quelques théologiens
de Louvain auprès de Cr^oire XIII pour apaiser ces contesta-
lions , et le pape donna une bulle dans laquelle il inséra la bulle
entière de Pie V, sans la confirmer expressément, ni condamner
de nouveau les articles qui ;r'éiaienL -contenus , mais en déclarant
seulement qu'il avait trouvé cette bulle dans les registres de Pie V
el qu'on devait y ajouter foi.
Celte bulle fut notifiée ï la faculté de Lonvain par le P. Tulel,
jésuite, confesseur de Grégoire XIII, et cLargé de la faire oxé-
Baîus déclara qu'il condamnait les articles portés dans la bulle ;
qu'il les condamnait selon l'intention de la bulle et de la manière
que la bulle les condamnait.
Les docteurs de Louvain firent la même déclaration ; Baîus si-
gna même une déclaration par laquelle il reconnaissait qu'il avait
soutenu plusieurs des soix3nte.4eize propositions condamnées dans
la bulle, et qu'elles étaient censurées dans le sens dans lequel il
les avait enseignées : Baîus signa cet acte le U mars 1 S80, et Gré-
goire Xin lui écrivit ensuite un bref très-obligeant en li
une copie de k bulle de Pie V qu'il avait demandée.
Urbain Vlll cunGrma , en lQi2 , la condamoalion portée
PieV.
a beaucoup disputé sur l'autorilé de ces bulles: cette i
10*
m BAI
cossion n^âppartieni pas à mon sojel # je me contentemi «TiiidH
(faer les aateors qui en ont traité *.
. Suite de* eoniestationt étevées sur la doctrine de Bafui,
Malgré les précaution» qne Ton ayait prises pour étouffor Tes»
prit de diyision entre k» théologiens des Pays-Bas , les conio»»
tations continuèrent dans la fieulté de Loutain : Baîus était ton*
jonrs soupçonné d'attachement anx opinions proscrite» par la bulle
de Pie Y ; on Taccusait mène hautement de r^user de faire prê-
ter aux candidats le serment de soumission k cette bulle , et d*a-
Toîr osé proposer qu'on biffât cet article du serment qu'on nigeait
d'eux lorsqu*ils se présentaient aux grades.
Ces accusations furent euToyées au Père Tolet , jésuite t à qui
on adressa en même temps plusieurs propositions qm coneer-
naient la doctrine et la conduite de Bsïus , et ce jésuite en ren?oya
le jugement aux UniTersités d'Alcak et deSalamanque, quicen»
surèrent les propositions de Balus.
L'évèque de Yereeil , nonce du pape en Flandre, pour rétablir
la paix dans la faculté de LouYain , fit dresser un corps de doc-
trine opposé aux articles censurés par Pie Y, et toute la faculté
de Louvain s'engagea par serment à le prendre pour règle de se»
senti mens *.
Depuis ce corps de doctrine , on croyait la paix si bien établie
dans la faculté de théologie de Louvaiu que rien dans la suite
ne serait capable de la troubler, lorsque la doctrine que deux
théologiens jésuites (Lessius et Hamélius) enseignèrent sur la
grâce et sur la prédestination renouvela toutes les disputes.
Rien n'était plus opposé aux sentimens de Baïus que les prin-
cipes de Lessius. Ce théologien supposait que Dieu, après le pé-
ché d'Adam , donnait à tous les hommes des moyens suffîsans
contre le péché et des secours pour acquérir la yie éternelle;
que l'Écriture était remplie de préceptes et d'exhortations pour
engager les pécheurs à se convertir : d'où Lessius concluait en-
core que Dieu leur donnait un secours suiDsant pour pouvoir se
^ Le père Duchesne, loc. Cit cinquième instruct pastor. de
M. Languet, arcb. de Sens, p. 877, etc. Instruct. pastorale de M. de
Cambrai, 1735. Traité historique cité ci-dessus. Diss. sur les bulles con-
tre Baïus, 1737, in-12. DisserU sur les bulles contre Baîus et sur l'état
de nature pure, par le P. de Gennes, 1722, 2 vol. in-i2.
^Baiana, ibid. Dupin, HisL du seizième siècle.
BAI s,8
convertir, puisque Dien ne commande point des choses impossi-
bles. Lessius croyait que saint Aogtislin ne semblait pas exposer,
selon l'intention de l'Apùire, ces paroles de l'Épftre i Timothée,
flirt* veut que tous Us hommes toienl saavét , en disant que saint
Paul aTait entendu que Dieu Tcut que tous ceuï qui sont sauTés
soient sauvés.
Lessius enseignait que tous les eodroils de l'Écriture sainte
qui si gniiient qu'il est impossible it certaines personnes de se
convertir doivent êtfe entendus de telle sorte que le terme d'im-
possible signiGe ce qui est eitrêmement difficile : il soutenait que
celui qui ignore invinciblement la foi est obligé d'observer les
préceptes naturels , c'est-ii-dire le décalogue , et qu'il avait on
secours moral suffisant pour les accomplir, parce que Dieu n'oblige
personne à l'impossible ; qu'autrement on retomberait dans les
erreurs des hérétiques qui disent que , depuis le péché originel ,
le libre arbitre ponr le bien a été perdu : il croyait que la prédes-
tination à la gloire ne se faisait pas avant la prévision des mérites,
et disait que quand saint Augustin serait d'une opinion contraire
cela n'importerait pas beaucoup.
Lessius enseignait encore quelque chose concernant l'Ëcriture
sainte opposé aux sentimens des docteurs de Louvain , mais qui
n'avait aucun rapport au Baïanisme : nous ne parlerons point de
cet objet , sur lequel on peut voir la censure de la faculté de Lou-
vain, imprimée à Pari», 16il.
n j avait dans la faculté de Louvain des théologiens qui con-
servaient toujours du penrhanl pour les opinions de Baîus ; d'ail-
leurs , l'autorité de saint Augustin était si grande dans celte L'n'i-
versité que la docirioe de Lessius révolta beaucoup de monde, et
il y a' beaucoup d'apparence que Baïus profita de ces dispositions
et employa son crcdii pour faire censurer la doctrine de Les-
La faculté de Louvain censura en effet trente propositions ex-
traites des livres de Lessius , comme contenant, pour la plupart,
une doctrine entièrement opposée à ce que saint Augustin a en-
seigné en mille endroits de ses écrits louchant la grâce et le libre
arbitre; elle déclarait que l'autorité de saint Augustin ayant tou-
jours été extrêmement respectée dans l'Église par les conciles,
par les papes et parles auteurs ecclésiastiques les pins illustres,
c'était outrager les uns et les autres que de ne pas déférer â cette
Write ^ enfiff, que les propositions de Lessius renouvelaient et
I
1
t^'
224 BAI
KisosciuieBt toutes celles des Semi^MlatgieBs de Maesdlle si an-
lemelkawat condamnées par le sadnl Si^*«
La £iciillé de LooTain eoToja sa ceosoreà tontes les églises des*
Fajs-Bas, et, pour perpétoer antaot qn^dle le pourrait ses seatl-
Mess sur les matières oomestées, elle institiia me leçon pablifse
de théologie pour réfuter les opinions de Lessîns , et chargea de
cet emploi Jaoqnes Janson, ami sélé de Bains et maître de lan-
■énins.
^Université de Donaî, qne Ton peut nommer la fille de ceDe
de Lonvain, émne par Fexemple de sa mère et peut-être enoere
aussi ennemie qa^eQe des nouveaux collèges des Jésuites , fit une
censure de leurs propositions semblable à celle de Louvain. Elles
avaient été envoyées à Douai par les archevêques de Cambrai et
de Malines et par Tévêque de Gand : ce fut Guillaume Estîus , doc-
teur de Louvain transféré à Douai , qui- dressa cette censure,
plus forte et plus étendue que celle de Louvain.
Les Jésuites envoyèrent à Rome la censure de Louvain; ISxte-
Qttinty qui occupait alors le siège de saint Pierre, dépèefaa des
ordres au nonce des Pays-Bas pour accommoder ce difirent. Le
nonce se rendit à Louvain et fit assembler la faculté chei lui ;
douze docteurs s'y trouvèrent, entre lesquels étaient Michel Baîus,
Henri Granius et Jean de Lens. Le nonce , après les formantes
ordinaires , témoigna souhaiter que la faculté réduisît ce qui était
en dispute à certains articles : de Lens le fit avec Granius , et le
nonce défendit aux deux partis de discuter de vive voix ou par
écrit sur ces matières , et ils se soumirent tous deux à cette dé-
fense. Le nonce défendit encore, sous peine d'excommunication,
à tous ceux qui embrassaient les intérêts de la faculté ou des Jé-
suites , d'en disputer, ni en public , ni en particulier, en condam-
nant l'un ou l'autre sentiment, que l'Église romaine, la maltresse
de toutes les Églises , n'avait point condamné. 11 excommunia de
plus , en général , tous ceux qui traiteraient les dogmes de l'un ou
de l'autre parti de suspects , scandaleux ou dangereux , jusqu'à
ce que le saint Siège en eût jugé. Par cette ordonnance , le nonce
permettait à Lessius et à Hamélius d'enseigner leur doctrine,
pourvu qu'ils ne réfutassent pas les sentimens de leurs adver-
saires , et donnait aussi la même liberté au parti opposé.
Cette même année, Louis Molina , jésuite espagnol, qui avait
« Hist. congregat. de auxiliis, K 1, c. 7..
BAI- 225
été proresseor en ihéolagie dans l'uDiversilé d'Ëbora , en Portu-
gal , publia son ouvrage, inlitulé : la Concorie de la grâce et du
libre arbitre , etc.
Les DominicaiDS de Valladolid firent soaleoir une dispute pu-
blique en faveur de la doctrine opposée k celle de Holina , l'an
1590; dès lors les deux ordres coinmencferenl à s'éclaiifTcr en
Espagne l'un contre l'autre. CléraeniVlll imposa silence auideui
partis par un bref du 15 août 1594 : Philippe H donna de sem~
bbbles ordres dans ses Ëiats , mab ces ordres ne furent point
exécutés, et le pape, à la sollicilaiion des deux partis , établit une
congrégation i Rome pour juger de celte affaire, en sorte qu'il
n'j eût plus désormais de contestation sur cette matière '.
Ou trouve dans une histoire particulière les suites et tes elTcts
de ces congrégations , qui n'ont rapport qu'aux Jésuites et aux
Dominicains*.
Les disputes sur la grûce et sur In prédestination n'avaient pas
plus été terminées A Lonvain qu'en Espagne : les partisans de
Bains prétendirent que les propositions cundauinées , prises eu un
certain sens, necontenaient quela doctrine de saint Augustin; de
leur cûté, Lessius et ses partisans prétendirent que leurs seuti-
mcns n'étaient point contraires à la doctrine de saint Augustin :
toutes les disputes des théologiens de Louvain sur les matières
de la grïce et de la prédestination se réduisirent insensiblement
ï savoir quel était le sentiment de saint Augustin ; et Janson ,
chargé de combattre la doctrine de Lessius , s'occupa à la com-
battre par les principes de saint Augustin.
Lessius admettait une grâce accordée il tous les hommes pour
se sauver, et dans tous les infidèles un secours moral pour rem-
plir la loi naturelle.
11 devait naturellement s'élever parmi les disciples do Janson
quelqu'un qui combattit les principes de Lessius par l'autorité de
saint Augustin , et qui soubaitSt de trouver dans ce Père que
Dieu ne veut pas sauver tous les hommes, qu'il commande des
choses impossibles, qu'il ne veut pas que tous les hommes soient
II j a bien de l'apparence que ce fut dans ms dispositions que
Jansénius lut saint Augustin ; il en fit une étude proFonde , il lut
' Trad. de l'Ëgliu rom., part à, p- iSA, etc.
I, congrcf. de auxittjs, iiuctpre Âtigi le Qlaae,
1
I
idè BAI
dix fois tous ses onirages et trente fois tous ses écrits contre les
Pélagiens ; il y trouTa la doctrine que vraisemblablement il y avait
cherchée*.
Mais cette doctrine prit entre les mains de Janséâitts tin ordre
systématique qu'elle n'avait point eu jusqu^alors, et ne s^oftrlt
que comme le développement des vérités que saint Augustin avait
défendues et éclaircies contre les Pélagiens, dont Lessius et Mo-
lina renouvelaient les principes.
Jansénius mourut avant la publication de son Ouvrage qui pt-*
rutà Paris en 1640.
Le cardinal de Richelieu , qui avait haï Jansénius pendant qtt*îl
vivait , voulut faire réfuter son livre *. Il chargea de cette cond-
missionlsaac Habert , théologal de Paris, depuis évéque deTabres.
Habert commença à attaquer Jansénius par trois sermons , où il
dit que le saint Augustin de Jansénius était un saint AugnsUn
mal entendu, mal expliqué, mal allégué, et maltraita extrême-
ment les Jansénistes.
Antoine Arnaud prit la défense de Tévéque d'Ypres ; Habert ré-
pondit dans un ouvrage qu'il intitula : Défense delà fifi; M. Ar-
naud répliqua par une seconde apologie , à laquelle H. Habert ne
répondit point ; mais il publia un ouvrage où il exposait les sen-
timens des Pères grecs sur la grâce.
Urbain YIII , après avoir fait examiner avec soin le livre de
Jansénius, le défendit comme renouvelant quelques-unes des pro^
positions de Baïus , qui avaient été condamnées par Pie Y et par
Grégoire XIll.
Jansénius , dans le corps dé son ouvrage , attaque souvent Mo-
lina , Lessius et tous ceux qui pensaient comme eux ; il a mis à
la fin un parallèle de leurs opinions avec celles des Semi-Pélagieùs
de Marseille.
Lessius et Molina étaient membres d'une société féconde en sa<^
vans, en théologiens profonds, qui avaient combattu avec gloire
les erreurs des Protestans ; Lessius et Molma eurent dans leurs
* Gomdîî Jansen. episcopi yprensis, August., Synopsb vit» auctoris,
U If lib. jffaemial, c-lO, p. 10, t. 2.
^ Jansénius était auteur d'un ouvrage intitulé, Mars Gallicus; il sou-
tenait, dans cet ouvrage, les intérêts de TEspagne contre la France, avec
laquelle elle était alors en guerre : on dit que c^est là l'origine 4e la
haine de ce cardinal contre Jansénius. Apol. des Genstt p, iàà*
e parmi tes doc-
n prclendaît
BAI
confrères des dËfenseurs, ils eu trauvËrent
leurs de Louvain el de Paris.
On vit donc alors en France deux partis , dont
défendre lu doulrine de saint Augustin et combattre d:
versaires les erreurs des Pélagietis et des Seuii-Pélagieus , tandis
que l'autre prétendait défendre la liberté de l'homme el la bonté
de Dieu contre les erreurs de Luther el de Calvin.
Les esprits s'échauffèrent en France , les docteurs se partagè-
rent , et le sjndic de la faculté représenta , dans l'assemblée du
1" juillet, qu'il se glissait des seniimens dangereux parmi les
bacheliers et qu'il serait nécessaire d'examiner en particulier
sept propositions, qu'il récita.
Les cinq premières regardaient la doctrine de la grâce ; ce sont
celles qui ont tant fait de bruit dans la suite. La sixième et la
septième regardaient la pénitence.
Od nomma des commissaires, on dressa une censure des pro-
positions ; soixante docteurs appelèrent de la censure comme d'a-
bns : le parlement défendit de rendre public le projet de censure
et de disputer sur les propositions qni ; étaient contenues jusqu'à
ce que la cour eu eût ordonné autrement. Cet arrêt est du S oc-
tobre 1649.
Cependant les défenseurs et les adversaires de Jansénius met-
talent tout en usage pour faire prévaloir leur sentiment. Sur la fin
de l'année suivante (16b0), U. l'évéque de Vabres écrivit une
lettre laline où étaient renfermées les cinq proposiUans , pour
prier le pape d'en juger, et engagea divers prélats i la signer
pour l'envoyer ensuite à Rome,
Innocent X flt eianiiner les cinq propositions, et publia, eo
1653, une bulle, datée du 31 mai, dans laquelle il dit que quel-
ques controverses étant nées en France sur les opinions de Jan-
sénius et parti culièremcnl sur cinq propositious , il avait été prié
d'en juger. Ces propositions sont :
1° Quelques préceptes de Dieu sont impossibles aux justes, selon
leurs forces prfeentes, quoiqu'ils souhaitent et tSclient de les ob-
server ; ils sont destitués de la grlce par laquelle ils sont possibles.
2* Dans l'état de la oatui^e corrompue on ne résiste jamais à la
grâce intérieure.
3* Pour mériter et démériter dans l'étal de nature corrompue,
la liberté qui exclut la nécessité n'est pas requise en l'homme,'
iMis il suffît d'avoir la liberlé qui exclut h ccwUaiule.
1
A** Les Semi-t^éiagiens admettaient la nécessité d*une gr&ce
intérieure, prévenante pour chaque action en particulier, même
dans le comm^cement de la foi , et ils étaient hérétiques en ce
qa*ils prétendaient que cette grâce fût de telle nature que la vo-
lonté eût le pouvoir d'y renoncer ou d*y consentir.
5<> C'est une erreur des Semi-Pélagiens de dire que Jésus-Christ
soit mort et qu'il ait répandu son sang pour tous les hommes.
La première proposition est déclarée téméraire , impie , blas-
phématoire, digne d'anathème et hérétique.
La seconde , hérétique.
La troisième , hérétique.
La quatrième , fausse et hérétique.
La cinquième, fausse, téméraire, scandaleuse ; et si elle est en-
tendue dans le sens que Jésus-Christ ne soit mort que pour le sa-
lut des prédestinés seulement, le pape la condamne comme impie»
blasphématoire , injurieuse , dérogeant à la miséricorde divine
et hérétique.
Le même jour que la bulle fut expédiée. Innocent l'envoya au
roi de France avec un bref ; il écrivit aussi un autre bref aux évé-
ques de France.
Le 9 juillet, le roi fit une déclaration adressée aux archevêques
et évêques de France , où il est dit que la constitution d'Inno-
cent ne contenant rien qui fût contraire aux libertés de TÉglise
gallicane, le roi entendait qu'elle fût publiée partout le royaume.
Trente évêques, qui se trouvèrent en ce temps-là à Paris, écri-
virent une lettre de remercîment, de concert avec le cardinal Ma-
zarin : les mêmes prélats écrivirent ime lettre circulaire aux au-
tres évêques.
Les défenseurs de Jansénius avaient toujours reconnu dans les
propositions condamnées un mauvais sens ; mais ils prétendaient
que ce sens n'était pas celui de Jansénius.
Trente-huit évêques , assemblés à Paris , écrivirent au pape une
lettre datée du 28 mars 1654, dans laquelle ils marquaient, « qu'un
» petit nombre d'ecclésiastiques rabaissaient honteusement la ma-
» jesté du décret apostolique, comme s'il n'avait terminé que des
» controverses inventées à plaisir ; qu'ils faisaient bien profession
9 de condamner les cinq propositions, mais en un autre sens que
» celui de Jansénius; qu'ils prétendaient, par cet artifice, selais-
» ser un champ ouvert pour y rétablir les mêmes disputes; qu'afin
» de prévenir ces inconvéniens, les évêques soussignés, assemblés
ËAÏ 33d
ni déclaré, par une leltrc circulaire jointe It celle
> qu'ils écrivïi eu l au pape, que ces cinq propositions sont de Jan-
• séaius, que Sa Sainteté les avait coadamnées eu termes exprès
■ el très-clairs au sens de Jansénius , et que l'on pourrait pour-
» suivre comme hérétiques ceux qui les soutiendraient. •
Innocent X répondit par un bref du 39 septembre, dans lequel
il les remercie de ce qu'ils avaieoL travaillé i Taire exécuter sa
consiitutioD , el dit que, dans les cinq propositions de Corneille
Jansénius, il avait condamné la doctrine contenue dans son li'
Le clergé de France, assemblé â Paris, écrivit, le â septembre
1656 , une lettre signée de tous les prélats el antres députés de
rassemblée générale, où l'on représentait au pape, que ■ les Jan-
■ sénisles i&cbaient de réduire la controverse à la quesiiao de fait,
I dans laquelle ils enseignaient que l'élise peut errer, et ren-
ia daient ainsi inutile le bref d'Innocent X : on prie Sa Sainteté
D de confirmer celte condamnalioD, comme si la question de droit
■ el celle de Tait était la même. •
La même assemblée du clergé reçut un bref d'Alexandre VU ,
qui confirmait la bulle d'Innocent X et déclarait expressément
que les propositions avait été condamnées dans te sens de Jausé-
Le s défenseurs de Jansénius prétendirent que ce bref n'obligeait
personne S signer le formulaire ; quelques évêques même n'en
cxigeaieut point la signature: alors le roi pria le pape d'envoyer
un formulaire , et le saint Père donna une Imlle , du 15 février
1C6Q, dans laquelle ce formulaire était inséré , avec ordre II tous
les évéques de le faire signer.
Moi N. me soumets !i la constitution apostolique d'Innocent X,
donnée le 21 mai de l'an 1(S65, et je rejette et condamne les cinq
propositions extraites du livre de Cornélius Jansénius , intitulé :
Aagualinus, et dans le sens du même auteur, comme le saint Siège
apostolique les a condamnées par les susdites constitutions;
c'est ce que je jure : ainsi Dieu m'aide et ses saints Evangiles.
Ce lormulaire fut autorisé par une déclaration du roi, vérifiée en
parlement, el reçu de tous les évéques.
Il laut en excepter les évéques d'Alei, de Pâmiez , de Reauvais
cl d'Anvers: dlvneuf Évêques écrivirent ù Clément IX en faveur
des quatre évêques; ils écrivirent ensuite au roi pour lui repré-
senter que • dans celle alTaire il ne s'agissait nullement de la foi ,
* ni des déclarations du roi , et que lont le crime des quatre évé-
I
930 BAI
•
9 ques consistait k s*étre opposés à une nouvelle et pemidepse
» doctrine, contraire à tous les principes de la rdi^^ion, aux in-
9 térêts du roi et à la sûreté de TÉtat, par laquelle on voulait at-
» tribuer au pape ce qui n'appartient qu*à Dieu seul , en rendant
» le pape infaillible dans les faits même ; ils suppliaient )ç roi de
» vouloir ouïr les justifications des quatre évéques. »
Denis Talon , avocat du roi, porta ces plaintes au parlement, et
dit qu*il se faisait des cabales, des assemblées illicites , pour faire
signer à des évéques une lettre adressée au roi, dans laquelle 0 y
avait des maximes capables de troubler la paix de TÉglise et
d*airaiblir Tautorité des déclarations et des bulles enregistrées
dans le parlement touchant la doctrine de Jansénius.
Sur ces plaintes , le parlement défendit de faire imprimer ni
débiter cette lettre, ni aucuns autres écrits semblables, sous peine
d*étre traité comme perturbateur du repos public.
Les quatre évéques firent leur paix avec Clément IX et avec
Louis XIY, et la distinction du fait et du droit n'eut plus lieu en
France, (Voyez le Journal de Saint-Amour, pièces toucJiant les qua-
tre évéques.)
La soumission des quatre évéques semblait avoir assoupi les
disputes, lorsqu'en 1701 on vit paraître un imprimé, appelé Cas
4e conscience , décidé par quarante docteurs de la faculté de Pa-
ris, dont plusieurs déclarèrent dans la suite avoir été surpris pour
cette signature.
On y définissait que tout confesseur pouvait absoudre un pé-
nitent qui aurait signé purement et simplement la condamnation
du livre et des propositions de Jansénius , quoiqu'en signant il ne
crût point à cette décision sur le fait , et qu'il n'eût d'autre vue
que de garder là-dessus un silence respectueux. Cet imprimé fut
condamné par M. de Noailles^ archevêque de Paris, et par le plus
grand nombre des évéques ; et tous ceux qui avaient souscrit à la
décision du Cas de conscience se sont rétractés, un seul excepté ,
que la Sorbonne a exclu de son corps.
Enfin, Clément XI mit fin à toutes ces disputes par sa consti-
tution du 17 juillet i705, dans laquelle, après avoir rapporté les
constitutions d'Innocent X et d'Alexandre Yll, il déclare que celui-
là ne rend pas Vobéissance nécessaire aux constitutions des ponti-
fes sur la question présente, qui ne les reçoit qu'avec un silence res-
pectueux.
Le clergé, assemblé à Parisl'an 1705,reçut cettebulle etl'accepta.
I
BAR
BARDESANE naquil en Sjrie et fui un des plus illustres dé-
fenseurs de la religion ohréliennfl; il vivail S'jus Harc-AurÈle ,
qni conquit la Mi^sopolamie l'an 166. Comme ce prince élalt
Opposé an christianisme, Apolloiie, son TaTori, voul ni engager
Birdesane i renonrer à la foi ; mais Bardesane répondit qu'il ne
craignait point la mort et qu'il ne la pourrait éTiier quand même
il Terait ce que l'empereur demandait de lui.
Cet lomme , si distingué par ses lumières et par ses vertus ,
tomba dans l'hérésie des Valentiniens; il admît plusieurs généra'
lions d'KoDS et nia la résurrection.
Nous ne savons pas bien quelle suile d'idées conduisit Barde-
sane dans celte erreur, qu'il ahandonna dan^^ la suite , mais dont
il ne se dégagea pas eniièremenL
Apprenons, par cet exemple , qu'il n'y a peut-être point d'er-
renr qui n'ait un câté séduisant et capable d'en impi>ser i la raison
éclairée et animée de l'amour de la vërilé ; apprenons encore ,
par cet exemple, quelle doit èlre noire indulgence ponr ceux qui
tombent dans l'erreur , et combien nous devons peu nous enor-
gueillir de l'avoir évitée.
La chute de Bardesane prouve , ce me semble , que le Clerc et
d'autres critiques avec lui ont eu tort de traiter l'erreur de Va-
lentin comme nn tas d'absurdités qui ne méritaient pas d'être
Il est vrai que Bardesane ne persista pas dans celte errenr, mais
il tomba dans d'autres ; il cberchail , comme tous les pliilosopbea
cl les théologiens de son temps, la solution de cette grande que»-
lion: Pourquoi y a-i-It du mat daiifle monde? et voici comment il
]a conçut ;
Il est absurde de dire que Dieu a fait le mal ; il faut donc sup-
poser que le mal a une cause distinguée de Dieu : celle cause, se-
lon Bardesane, était Satan ou le démon , que Bardesane regardait
comme l'cnoeffli de Dieu, mais non pas comme sa créature.
Bardesane n'avuit supposé que ^lan n'était pas une créature
du Dieu bon que pour ne pas mettre sar le compte de l'Être su-
prême les maai qu'on voit dans le monde ; il ne donna donc à
Satan aucun des attributs de la divinité, cTceplé d'exister par
lui-même et il ne s'aperçut pai qu'un être qui existe par lui-
même a toutes les perfections ; il admettait doue un principe du
de l'Etre suprême, et ne reconnaiuail qu'tu seul
\
-1
252 BAS
* Par une suite de celle opinion, Bardesane ne donnail k Satan
aucune part dans Tadminislralion du monde que celle qui était
nécessaire pour expliquer Torigine du mal.
Ainsi , selon Bardesane, Dieu avait créé le monde et Thomme;
mais rhomme qu'il avait formé au commencement n*élait point
rbomme revêtu de chair ; c'était TÂme humaine unie à un corps
subtil et conforme à sa nature.
C'était celte âme qui avait été formée à l'image de Dieu , et
qui, surprise par l'artifice du démon , avait transgressé la loi de
Dieu , ce qui avait obligé le créateur à la chasser du paradis, et à
la lier à un corps charnel , qui était devenu sa prison : Bardesane
disait que c'étaient là les tuniques de peau dont Dieu avait cou-
vert Adam et Eve, depuis le péché.
L'union de l'âme à un corps charnel était donc la suite de son
péché , selon Bardesane, et il en concluait : l"" que Jésus-Christ
n'avait point pris un corps humain ; 2° que nous ne ressuscite-
rons point avec le corps que nous avons sur la terre , mab bien
avec le corps subtil et céleste qui doit être l'habitation d'une ârae
pure et innocente ^.
Bardesane reconnaissait l'immortalité de l'âme , la liberlé , la
toute-puissance et la providence de Dieu *,
Ce philosophe avait combattu le destin ou la fatalité dans un
excellent ouvrage dont Eusèbe nous a conservé un grand frag-
ment: il croyait que les âmes n'étaient pas assujéties au destin ,
mais il croyait que , dans les corps , tout était soumis aux lois de
la fatalité ^.
BâSILIDE , était d'Alexandrie et vivait au commencement du
second siècle. La philosophie de Pythagore et de Platon était
alors extrêmement en vogue à Alexandrie : la religion chrétienne
y avait été annoncée avec succès , et les sectes séparées du chris-
tianisme y avaient pénétré.
Les recherches des philosophes avaient alors principalement
pour objet l'origine du monde, et surtout l'origine du mal dans le
monde. Basilide regarda cette seconde question comme l'objet le
^ Origèn., Dial. contr. Marcion, sect 3, p. 70, 71.
^ Euseb., De praep. Ëvang., 1. 6, c 10.
* Euseb., Hist. eccles., 1. à, c 30. Epiph., Haer., 56. Photius, Bib.
cod., 223. Euseb., Praep., L 6, c. 10. Hist Bardesanis et Bardesaais^
tarum, in-4% 1710, par Slrunzius. IlUg., De hser., p, 133,
I
t
Mai"
BAS 23
plus intéressant pour la curlosilé bumaine ; il en clierulia l'nplict
tian dans les livres dos philosophes , dans les écrits de Simon ,.
dans l'école de Méoandre, chez les chrétiens mêmes.
Aucun oe le satisfit plememeùt sur cette grande dîSicullé ; pour 1
la résoudre , il se forma lui-même un sjslèmp, composé des prin- !
dpes de Pylhagore, de ceus de Simon, des dogmes des chrétien» ]
et de la crojnnce des Juifs '.
Basilide supposa que le monde n'avait point été créé immédi»
Icment par l'Etre suprême, mais par des intelligences que l'Ëtra i
suprême avait produites : c'était ie système !i la mode ; etiadiffi- <
COlté de concilier l'origine du mal avec la bonté de l'Être
,|)rême avait fixé ï celte supposition presque toutes les sectes qui
avaient entrepris d'expliquer rori[;ine du monde et celle du mal.
l^mon , Méoandre, Saturnin , supposaient tous un Être suprême
qui avait produit des intelligences, et faisaienl naître le mal de l'i
perfection de ces intelligences subalternes, que chacun faisait ,
agir de la manière la plus propre à expliquer la diUicullé dont il j
était le plus frappé.
II ne suQjsait pas alors d'expliquer en général commcnlle mal
physique s'était introduit dans le monde ; il rallaît rendre raison J
des désordres et de la misère des hommes , expliquer en particu-
lier l'histoire des malheurs des Juifs , faire comprendre comment
l'Être suprême avait jeté des r^ards de miséricorde sur le genre
humain, et envoyé son Fils sur la terre pour sauver les hommes:
voici quels étaient les principes de Basilide sur tous ces objets.
L'Être iucréé avait prodnil, selon Dasilide, rintelligen
tdltgenœ avait produit le Verbe ; le Verbe avait produit la pm- i
dence ; la prudence avait produit la sagesse et la puissance ; la sa-
gesse et la puissance avaient produit les vertus , les princes , '
anges.
Les afiges étaient de diO'értins ordres , et le premier de ces i
avait produit lepremier ciel ; et ainsi de suite, jusqu'à trois M
soixante-cinq *.
Les anges qui oi^cupenl le dernier des cieux ont fuit le monde ; n
n'est donc point étonnant d'y «oïr du bien et du mal : ils ont'.|
• Fragm.,], d3. Comment Basilld. dansGrab. Spicileg.PP, sasculiJ,
p. SB. Clcm. AlfX,, I. S. Strom., p. 508.
' Les principes philnsopliiiiucs de ce sjsième sont exposés i l'article
filHOIl SlIL'RMN.
!I34 BAS
partagé Teinpire an mondé > et le ptiliée àèA âligèS du cid dans
lequel se trouve la terre a eu les Juifs en partage ; Yoilà pourquoi
il a opéré tant de prodiges en leur faveur ; mais cet ange ambitieux
a voulu soumettre toutes les nations aux Juifs pour dominer sur
le monde entier ; alors les autres anges se sont ligués contre lui ,
et toutes les nations sont devenues ennemies des Juife.
Ces idées étaient conformes en partie à la croyance des anciens
Hébreux, qui étaient persuadés qne les différentes nations étaient
cbacune sous la protection d*un ange K
Depuis que Tambition des anges avait armé les nations , les
bommes étaient malheureux et gémissaient sous leur tyrannie :
l'Être suprême , toucbé de leur sort , avait envoyé son premier
Fils, ou rintelligence Jésus ou le Christ, délivrer les bommes qui
croiraient en lui.
Le Sauveur avait fait^ selon Basilide, les miracles que les cbré-
tiens racontaient ; cependant il ne croyait pas que Jésus-Gbrfst se
fût incamé: c*est apparemment la difficulté d'allier Tétat d'humi-
liation et de douleur, où Jésus-Christ avait paru sur la terre qui
détermina Basilide à soutenir que Jésus-Christ n'avait que Tap-
parence d'un homme ; que, dans la Passion , il avait pris la figure
de Siméon le Cyrénéen, et lui avait donné la sienne, et qu'ainsi les
Juifs avaient crucifié Siméon au lieu de Jésus-Christ , qui les re-
gardait cependant et se moquait d'eux sans qu'on le vit ; ensuite
Jésus-Christ était monté aux cieux vers son Père , sans avoir ja-
mais été connu de personne '.
Basilide croyait qu'on ne devait pas soufi'rir la mort pour Jésus-
Christ, parce que Jésus-Christ n'étant pas mort , mais Siméon le
Cyrénéen, les martyrs ne mouraient pas pour Jésus-Christ , mais
pour Siméon^.
La dépendance dans laquelle les hommes vivaient sous les an-
ges était une difficulté contre la boDté de Dieu : Basilide la résol-
vait en disant que les âmes péchaient dans une vie antérieure à
leur union avec le corps, et que cette union était un état d'expia-
tion, dont l'âme ne sortait qu'après s'être purifiée en passant suc-
cessivement de corps en corps , jusqu'à ce qu'elle eût satisfait à la
* Deuteron., 32, v. 8. Daniel., c 10, v. âO, 21. Fbyez l'article Angé-
liques.
'EpîplL,Hœr., ^4.
'Irsn.,1. 1, c 22.
BAS 235
justice divine qui nMofllgeait point d'autres châtiment, et qui ne
pardonnait cependant que les fautes involontaires ^.
Basilide croyait que nous avons deux âmes; il avait adopté ce
sentiment d'après les Pythagoriciens, pour expliquer les combats
de la raison et des passions ^.
Il s'était beaucoup appliqué à la magie , et il parait qu'il était
fort entêté des rêveries de la Cabale ; il supposait une grande
vertu dans le mot Àbrasas ou Abraxas : voici , ce me semble , la
source de cette singulière opinion , qui a principalement rendu
Basilide célèbre.
Pythagore, dont Basilide avait adopté les principes, reconnais-
sait , comme les Chaldéens ses maîtres , l'existence d'une in-
telligence suprême qui avait formé le monde ; ce philosophe vou-
lut connaître la fin que cette intelligence s'était proposée dans la
production du monde : il porta sur la nature un œil attentif, pour
découvrir les lois qu'elle suit dans les phénomènes^ et saisir le fil
qui liait les évènemens.
Ses premiers regards se portèrent vers le ciel , où l'auteur de
la nature semble manifester plus clairement son dessein. Il y dé-
couvrit un ordre admirable et une harmonie constante: il jugea
que l'ordre et l'harmonie constante qui régnaient dans le ciel
n'étaient que les rapports qu'on apercevait entre les distances des
corps célestes et leurs mouvemens réciproques.
La distance et le mouvement sont des grandeurs, ces grandeurs
ont des parties , et les plus grandes ne sont que les plus petites
multipliées un certain nombre de fois.
Ainsi les distances , les mouvemens des corps célestes s'expri-
maient par des nombres, et Tintelligence suprême , avant la pro-
duction du monde , ne les connaissait que par des nombres pure-
ment intelligibles.
C'est donc, selon Pythagore , sur le rapport que l'intelligence
suprême apercevait entre les nombres intelligibles , qu'elle avait
formé et exécuté le plan du monde.
Le rapport des nombres entre eux n'est point arbitraire ; le
rapport d'égalité entre deux fois deux et quatre est un rapport
nécessaire, indépendant, immuable.
* Clem. Alex. Strom., 1. à, p. 369; 1. 5, p. 398. Origen. In Matth.,
tract 28.
' Clem. Alex., I. 2. Strom., p. 299.
336 BAS
Puisque les rapports des nombres ne sont point arbitraires, el
que Tordre des productions de Tintelligence suprême dépend du
rapport qui est entre les nombres , il est clair qu*il y a des
nombres qui ont un rapport essentiel avec Tordre et Tharmonie,
et que Tintelligence suprême, qui aime Tordre et Tbarmonîê , suit
dans son action les rapports de ces nombres, et nepeut s*en écarter.
La connaissance de ce rapport, once rapport, est donc la loi qui
dirige Tintelligence suprême dans ses productions; et comme ces
rapports s'expriment eux-mêmes par des nombres , on supposa
dans les nombres une force ou une puissance capable de détermi-
ner Tintelligence à produire certains effets plutôt que d'autres.
D*après ces idées , on rechercha quels étaient les nombres qui
plaisaient davantage à Têtre suprême : on vit qu'il y avait un so-
leil, on jugea que Tunité était agréable à la Divinité : on vit sept
planètes, on conclut encore que le nombre de sept était agréable
à Tintelligence suprême.
Telle était la philosophie pythagoricienne qui s'était répandue
dans l'Orient pendant le premier et le second siècle du christia-
nisme, et qui dura long-temps après.
Basilide, qui avait adopté les principes de la philosophie pytha-
goricienne, chercha, comme les autres, à connaître les nombres qui
étaient les plus agréables à Tintelligence suprême , et remarqua
que Tannée était composée de trois cent soixante-cinq jours , que
le soleil formait ces jours par ses révolutions successives autour
de la terre, et recommençait sa carrière lorsqu'il avait fait la trois
cent soixante-cinquième révolution : Basilide jugea que le nombre
trois cent soixante-cinq était le nombre qui plaisait le plus à Tin-
telligence créatrice.
Pylhagore avait enseigné que Tintelligence productrice du
monde résidait dans le soleil , et que c'était de là qu'elle envoyait
ses influences dans toute la nature : Basilide , qui avait adopté la
philosophie pythagoricienne, conclut que rien n'était plus propre
à attirer les influences bienfaisantes de cette intelligence que
l'expression du nombre trois cent soixante-cinq ; et comme on
exprimait les nombres par les lettres de Talphabet, il choisit dans
l'alphabet les lettres dont la suite pourrait exprimer trois cent
soixante-cinq, et cette suite de lettres forma le mot Abraœas *.
* Les lettres du mot Abraxas expriment en grec 365. A vaut 1, B vaut
2, Rvaut 400, X vaut 60, S vaut 200 : ainsi, pour exprimer en caractè-
res grecs 365, 11 fallait réunir les lettres qui forment le mot Abraxas»
BAS 257
Leinoliiïrii£aiaïaDtlaTertud'aLiirerpuUs3U)int'nilesinUQC(i-
ces (le l'intelligence productrice du momie, on fit graver ce [lom
sur des pierres qu'on nomma des Aùra-xai , àoal les diJérenE ca-
binets de l'Europe contiennent un nombre prodigieux.
Comme Pjibagore avait supposé que l' intelligence produc-
trice du monde résidait dans le suleil , on joignît an mol
Aùraxai l'image du soleil, pour expliquer la vertu qu'on lui aitri-
On était dors fort entêté de la vertu des talismans ; ainsi les
Abraxoê se cépandirent presque partout, et, au lieu du soleil, ou
grava sur les Abnum les dilTérens symboles propres i le carac-
tériser, et enfin les difiërenles faveurs qu'on eo attendait, elqn'oD
voulait obtenir, comme on le voit par un Abraicat qn'i repnisenie
un homme monté sur un taureau, avec celle inscription : RenelUî
la matrice de cette femme en ion lieu , voia qui r/glei le amri du
Voilï , ce me semble , d'où vient celle prodïgiense variété que
l'on remarque dans les Abraxat dont le Père de HontfaocoD nou»
a donné les effiles '.
Comme les chrétiens croyaient que lésus-Christ était le Diea
créateur, ceux qui avaient adoptéles principes de Pjlbagore cru-
rent que Jésus-Christ était dans le soleil , el, pensèrent que les
Abraxat pouvaient aussi attirer sur ceux qui les portaient les gril-
ces de Jésus-Christ; et, pour se distinguer des Basilidiens et dei
autres cabalistes , ils firent graver sa figure sur les Abraxat ; car
les chrétiens crojaieni aussi aux talismans , et du temps de saint
Chrjsostôme il y avait des chrétiens qui portaient des médailles
d'Aleiandre-le-Grand , persuadés qu''elles avaient une vertu pré-
Le nombre des révolutions que le soleil Faisaïl autour de la
terre semblait le terme que l'intelligence créatrice s'était prescrit :
ce mot parut propre it exprimer l'essence et la nature de l'Etre
suprême, et ce Tut de ce nom que Basilide le nomma : c'est ainsi
qu'on a Tormé prîmitivemeat le nom des hommes sur leurs qua-*
lités personnelles.
Basilide avait composé vingt-quatre livres sur l'Évangile , et îl
pavait même fait un Évangile qui portait son nom; il avait ausïî
2SS BEG
fait des prophéties qii*9 attribuait à un tomme qui n^avait jaBUtu
existé, etqaHl appelait Barcobas ou Barcoph *.
Basilide fut réfuté par Agrippa, surnommé Castor; son ils Isi-
dore lui succéda. Voyez son article.
BASILIDIENS, disciples de Basilide: ils célébraioit comme
une grande fêle le baptême de Jésus-Christ. 11 y en avait encore
du temps de saint Épiphane ; mais on ne se donnait pas la peine
de les réfuter, on les chassait comme des énergumènes *•
Les Basilidiens se répandirent en Espagne et dans les Gaules, oà
ils portèrent leurs Abraxas ; la faiblesse et la superstition les
adoptèrent , et les chargèrent d^une infinité d^emblèmes différens,
qui n'avaient de fondement que Timagination de ceux qui les por-
taient. De savans hommes y ont cherché les mystères du cbria-
tianisme , mais leurs conjectures ne sont adoptées de personne s
les critiques en ont prouvé la fausseté. Voyez Basnage , Hist, d^
Juifs , t. S, L 3, ch. 26 ; Montfaugon , Antiquité expliquée , L 2.
Les Basilidiens avaient adopté une partie des principes des Gn«
balistes ; nous en parlerons à cet article.
BEGHARDS ou Beguards , faux spirituels qui s'élevèrent en
Allemagne au commencement du quatorzième siècle.
Rien n'avait plus contribué au progrès des Albigeois, des Vau-
dois et des autres sectes qui s'étaient élevées dans le douzième et
dans le treizième siècle , quels régularité apparente des sectaires,
et la vie licencieuse de la plupart des catholiques et d'une partie
du clergé.
On sentit qu'il fallait leur opposer des exemples de vertu , et
faire voir que toutes celles dont les sectaires se paraient étaient
pratiquées par les catholiques ; et comme les Vaudois faisaient
profession de renoncer à leurs biens, de mener une vie pauvre,
de vaquer à la prière , à la lecture de FÉcriture sainte et à la
méditation , et de pratiquer à la lettre les conseils de l'Évangile,
on vit des catholiques zélés donner leurs biens aux pauvres , tra-
vailler de leurs mains, méditer l'Écriture sainte, prêcher contre
les hérétiques, payer les dîmes et les impôts, garder la conti-
nence , etc. Tels furent les pauvres catholiques , les humiliés, etc.
Ces associations , approuvées et favorisées par les souverains
pontifes, firent naître dans beaucoup de catholiques zélés le désir
* Grab. Spidleg. ssec 2, p. 88. Euseb., 1. A, c. 7«
2 Epiph., Haer., 24. Damascem, De haer., c, 24*
BEG 239
nouveaux établissemens religieux: on ne voyait que
de DDuvelles sociétés qui se piquaient toutes d'une plus grande
perfection que les autres , ou d'une perreclioa différenle : ce fut
dans ce siècle que se formèrent les quatre ordres mendians, l'or-
dre de la rédemption des captifs, l'ordre de sainte Harie, celui
de la Merci , Tordre des Servîtes , des Cétestins, etc.
Ou en aurait tu bien d'autres si le concile de Latran n'eût dé-
fendu d'inventer de nouvelles règles ou d'établir de nouveaux
ordres religieux.
Cette émulation de se distinguer par quelque pratique singu-
lière de dévotion dominait encore dans le quatorzième siècle, et
l'on vit une multitude de particuliers prendre différentes formes
d'Iiabits, et s'assujciir Si des pratiques particulières , conformes à
leurs goûls ou aux idées qu'ils s'étaient formées de la perfection
du chrislianisme.
Par goût on par politique, ces dévols se réunirent et formèrent
des sociétés particulières dans les dilTérens endroits oii ils se ren-
contrèrent : on yit de ces sociétés en Allemagne, en France et en
Italie, ob elles étaient connues sous le nom de Béguards, de Fré-
roU ou de Fratieeltet, de Daldniaiei, de Disachei , d'Apoiloti-
quet, etc.
Toutes ces sectes se formèrent séparément et n'avaient point
de chef commun : il paraît que les Fréreli et les Dulàaigteâ ont
en chacun un chef particulier; mais les Béguards se formèrent
par la réunion de dilTéreutes personnes, hommes el femmes, qui
prétendaient vivre d'une manière plus parfaite que les autres
U y avait , selon les Béguards , un degré de perfection auquel
tous les cLrétieus devaient tendre , el au delà duquel on ne pou-
vait aller; car, sans cela, il faudrait admettre dans la perfection
uu progrès U l'infini , cl il pourrait y avoir des êtres plus parfaits
que Jésua-Clirist , qui , comme homme , n'avait qu'une perfection
bornée.
Lorsque l'homme était arrivé an dernier degré de perfection
possible a l'humanité , il n'avait besoin ni de demander la grâce,
ni de s'exercer aux actes de vertus ; il était impeccable, et jouis-
fait dès cette vie de la béatitude possible.
Les Bégaards tendant ou arrivés i l'impeccabilitë formaient
une société do personnes qui s'aimaient plus tendrement que les
Mitres personnes. Ilss'aperçurent(|u'ilg tcualeal encore b un corps
S40 B£Ô
qai n^éuit pas ftifinnchi de la tyrannie des passions; ces pissMM
étaient TÎves, comme elles le sont toujours dans les sociétés fa*
natiques : il fallut céder au torrent et chercltfr un moyen pour
excuser sa défaite.
Ils distinguèrent, dans Tamour, la sensualité ou la volupté, et
le besoin ; le besoin était , selon eux , un ordre de la nature , au-
quel on pouvait obéir innocemment ; mais, au delà de ce besoin,
tout plaisir dans Tamour était un crime.
Ainsi , la fornication était un acte louable on du moins inno-
cent , surtout lorsqu'on était tenté; mais un baiser était un pécbé
énorme.
Ces erreurs furent condamnées dans un concile de Vienne , sous
Clément Y, en 1311.
On réduisit leur doctrine à buit articles , qui suivent tous de
leur principe fondamental : c'est que Thomme, dans cette vie, peut
parvenir au dernier degré de perfection possible à Fbumanité.
lo L*bomme peut acquérir en cette vie un tel degré de perfec-
tion, qu'il devienne impeccable et bors d'état de croître en grftce*
2* Ceux qui sont parvenus à cette perfection ne doivent plus
jeûner ni prier, parce que, dans cet état, les sens sont tellement
assujétis à l'esprit et à la raison , que Tbomme peut accorder li-
brement à son corps tout ce qu'il lui pluit.
S*" Ceux qui sont parvenus à cet état de liberté ne sont plus
sujets à obéir, ni tenus de pratiquer les préceptes de l'Ëglise.
4* L'bomme peut parvenir à la béatitude finale en celle vie, et
obtenir le même degré de perfection qu'il aura dans l'autre.
5' Toute créature inlellecluelle est naturellement bienbeureuse,
et l'âme n'a pas besoin de la lumière de gloire pour s'élever à la
vision et à la jouissance de Dieu.
6° La pratique des vertus est pour les bommes imparfaits , mais
l'âme parfaite se dispense de les pratiquer.
7** Le simple baiser d'une femme est un péché mortel , mais
l'action de la chair avec elle n'est pas un péché mortel.
8" Pendant l'élévation du corps de Jésus-Christ , il n'est pas
nécessaire que les parfaits se lèvent ou lui rendent aucun res-
pect, parce que ce serait une imperfection pour eux de descendre
de la pureté et de la hauteur de leur contemplation pour penser
au sacrement de l'eucharistie ou à la passion de Jésus-Christ *,
* Dupin, qualonième siècle, p. 866. D'Argculré, CoUccU jud., U 1,
p. 876. Natal, Alex, in ssr. i4.
BER 2^1
Selon Emeric, tes Béguards avaient encore d'autres erreurs;
quelques-unes scuiblent imagiiifes pour justifier leurs principes
contre les dillicaltés qu'on leur opposait: lelle est la proposition
qui dit que l'âme n'est point essentiellement la forme du corps ;
cette proposition parait avoir été avancée pour expliquer l'impec-
cabilité, ou cette espèce d'impassibilité il laquelle les Béguards
tendaient; de l'expliquer, dis-je, en supposant que l'ime pouvait
se séparer du corps '.
La condamnation des Béguards n'éleignit pas leur secte; un
nommé Berlliold [a rétablit k Spire et dans diffèrens endroits de
l'Allemagne '.
Une partit' des erreurs des Béguards fut adoptée par les Fré-
rots , par les ûulcïiiistes , non qu'ils les eussent reçues des Bé-
guards , mais parce que ces sortes de sectes finissent toutes par
la débauche. Les Frérots avaient des erreurs qui leur étaient par-
ticulières. Voyes leur article.
Il ne faut pas confondre avec les Béguards , dont nous venons
de parler, les Béguins et les Béguines , qui font le tiers-ordre.
BÉRENGER , naquit k Tours , vers la fin du dixième siècle ;
après avoir fait ses études ï Chartres , sous Fulbert , il retouraa
& Tours et fut choisi pour enseigner dans les écoles publiques de
Saint-Martin ; il fut trésorier de l'élise de Tours , et ensuite ar-
chidiacre d'Angers , sans quitter sa place de maître d'école i
Tours; il attaqua le dogme de la transsubstantiation, abjura son
erreur, la reprit , la rétracta plusieurs fois, et mourut enfia daoa
1
.n de l-É
Teur, il faut noua rapi |
Su du neuvième siècle,
Pour bien connaître l'origine lie son
peler les disputes qui s'élevèrent , vers
sur l'eucharistie.
Pascliase, moine et ensuite a^bé de CorbiC:
vers le milieu du neuvième siècle , pour l'instruction des Saxons,
n traité du corps et du sang de Notre-Seigneur ; il ; établissait
it quels corps que I
, le dogme de la présence réelle,
dans l'encharistie était le n
isqui
était où
E. Quoique Paschase eût suivi, dans cet ouvrage , la doctrine de
il qu'avant lui tous les catholiques eussent cru que le
rluin iiiquisit,, part. S, quxsl. 7, p. afi9.
n. in c'iroo. hirgangienai, 1,3, p, £31. O'Atlteutré, lac ril>
943 BEE
corps et le sang de Jésus-Christ étaient vraiment présens dans
l*eucharistie , et que le pain et le vin étaient changé au corps et
au sang de Jésus-Christ , on n'avait cependant pas coutume de
dire si formellement que le corps de Jésus-Christ dans Teucha-
ristîe était le même que celui qui est né de la Vierge ^.
Ces expressions de Paschase déplurent^ on les attaqua ^ il les
défendit , et cette dispute fit du bruit. Les hommes les plus cé-
lèbres , vers la fin du neuvième siècle , se partagèrent sur ces
expressions , et Ton fit beaucoup d'écrits pour attaquer ou pour
défendre les expressions de Paschase ^ car on convenait sur le
dogme.
Les disputes qui s'élèvent entre les hommes célèbres s'agitent
et régnent , pour ainsi dire , long-temps après leur naissance;
Bérenger, qui enseignait la théologie à Tours , examina les écrits
de Paschase et les difficultés qu'on lui avait opposées.
Paschase disait que nous prenions dans l'eucharistie le corps et
le sang de Jésu^-Christ, le même corps qui était né diç la Yierge;
que nous mangions ce corps ; que, quoique le pain restât en ap-
parence, on pouvait dire que c'était le corps et le sang de Jésus-
Christ que nous recevions dans le pain ; que nous recevions le
corps qui avait été attaché à la croix , et que nous buvions dans
le calice ce qui avait coulé du côté du Christ ^.
Bérenger voyait que le pain et le vin conservaient , après la
consécration , les propriétés et les qualités qu'ils avaient avant la
consécration , et qu'ils produisaient les mêmes effets ; il en con-
clut que le pain et le vin n'étaient pas le corps et le sang qui était
né de la Yierge et qui ava)t été attaché à la croix : il enseigna
donc que le pain et le vin ne se changeaient point au corps et au
sang de Jésus-Christ % mais il n'attaqua point la présence réelle:
^ Mabillon, Praef. in & sœc. Bened., paru 2, c 1, $ â«
2 Tract de corp. Domini, ep« ad Frudegard,
* Nous croyons devoir observer id, contre Topînion de M. Pluquet,
mais d'après les monumens du temps et des autorités graves, que Bé*
renger nia formellement la présence réelle de Jésus-Christ dans Teucha-
ristie, et qu'il peut être regardé comme le chef des Sacramentaires. Il
est vrai qull affecta quelquefois de tenir un Uingage bien rapproché de
l'orthodoxie $ Biais c'était, ou pour mieux déguiser le venin de sa doc-
trine et pour en imposer aux défenseurs du dogme catholique qui s'éle-
vaient avec force contre lui, ou par un effet de cette inconstance
8iogulièrçque}uireprocl«l'bl9toire.On peutconsulter sur cet(d)jet l'His^
fiEfi.
il reconnaissait que l'Ëcriture et la traditioi
243
n ne permeitaieni pas
de dtiuter que l'eiicbaristie ne contînt vraiment et réellemenl le
corps et le sang de Jésus-Christ , et qu'elle ne fût même son vrai
corps ; mais 11 croyait que le Verbe s'unissait au pain et au vin •,
et que c'était par cette union qu'ils deveDaient le corps et le sang
de Jésus-Christ, sans changer leur nature ou leur essence phy-
sique , et sans cesser d'être du pain et du vin.
11 croyait qu'on ne pouvait nier la présence réelle , et il recon-
naissait que l'eucharistie Était le vrai corps de Jésus-Christ; il
croyait que le pain et le vin étaient, aprfes la consécration, ce
qu'ils étaient avant, et il concluait que le pain et le vin éiaieut
devenus le corps et le sang de Jésus-Christ sans changer de na-
ture , ce qui n'était-possible qu'en supposant que le Verbe s'unis-
Bérenger enseigna celte doctrine dans l'âcole de Tours et sou-
leva tout le monde ; on porta à Rome une des lettres qu'il avait
écrites à Laocfranc , dans laquelle il dérendait son sentimenl. La
lettre fut lue dans un concile assemblé par Léon IX , l'an lObO ;
le concile condamna la doclrloe de Bérenger et excommunia sa
personne. Bérenger, informé de sa condamnation , se retira dans
l'abbaye de Preauï, et tlcha d'attirer dans son parti Guillaume,
duc de Normandie ; mais ce prince fit assembler les évéques de la
province, et Bérenger fut condamné.
Bérenger attaquait un mystère incompréhensible ï la raison ; il
opposait à la foi les sens et l'imagination ; il n'était pas possible
qu'il ne se fil des sectateurs ; c'est un défaut de logique inconce-
vable dans des nommes tels que MM. Claude et de La Roque d'en
conclure qu'il y avait dans l'Eglise beaucoup de personnes qui
rejetaient le dogme de la transsubstantiation.
Car, i' toute hérésie qui attaque un mystère est assez spécieuse
pour séduire au premier coup d'oeil les ignorans et les hommes
superficiels; et si l'on pouvait conclure qu'une opinion était en-
seignée dans l'Église parce que celui qui l'a publiée a trouvé des
sectateurs, il faudrait conclure que toutes les hérésies et toutes
les erreurs ont toujours été enseignées dans l'Ëglise , parce qu'en
galiic!
toire de l'I
Tourne!]-, Collet
[(m.)
* Mabillon, Prxf.
;, le Dictionnaire de théologie de M. Bergier,
res UiÉofogicns, (Piate de l'éditeur deBcsan-
'.. Bcncdîct, S 3i P> 4'73,
244 B£R
effet il n'y a point d'hérésiarque qui n'ait eu des sectateurs.
2° Tous les historiens témoignent que l'opinion de Bérenger
fut regardée comme nouvelle , et les Protestans ne peuvent citer
aucun auteur ancien qui témoigne en aucune façon que Bérenger
ait trouvé dans l'Ëglise des personnes qui fussent de son senti-
ment, ni que son erreur ait été soutenue par quelqu'un qui l'eût
apprise d'un autre que de lui : tous témoignent qu'il fut l'unique
cause des troubles *.
L'erreur de Bérenger fut condamnée dans tous les conciles oii
elle fut dénoncée : tels sont les conciles de Verceil , de Tours et
de Paris.
Bérenger comparut dans celui de Tours et y condamna son er-
reur ; mais il agissait avec dissimulation , ou il n*avait pas été
pleinement convaincu dans le concile , et if était retombé dans
son erreur, car il l'enseigna encore après le concile.
Nicolas II assembla un concile dans lequel Bérenger défendit
ses opinions; mais il fut convaincu par Abbon et par Lancfranc ;
il abjura son erreur et brûla ses écrits.
Cette profession de foi paraissait sincère ; mais Bérenger ne fut
pas plus tôt retourné en France, qu'il se repentit d'avoir brûlé ses
écrite et condamné son sentiment : il protesta contre sa dernière
rétractation, prétendit qu'elle lui avait été dictée par Humbert
et qu'il ne l'avait signée que par crainte : il continua donc à en-
seigner son erreur.
Enfin Grégoire VII tint un concile à Rome en 1079 , oîi Béren-
ger reconnut et condamna encore son erreur : le pape le traita
avec indulgence et avec bonté ; il écrivit même en»sa faveur à l'ar-
chevêque de Tours et à l'évêque d'Angers. Après ce concile, Bé-
renger se retira dans l'île de Saint-Côme, proche la ville de Tours,
et y mourut au commencement de l'année 1088.
Les rétractations et la pénitence de Bérenger n'empêchèrent
pas que plusieurs de ses disciples ne persévérassent dans l'erreur
de leur maître.
Il s'en faut beaucoup qu'ils aient été aussi nombreux que l'ont
prétendu MM. Claude , la Roque , Basnage ; les historiens qui
donnent à Bérenger un grand nombre de disciples sont sur cela
contraires aux historiens contemporains.
Guimond, archevêque d'Averse, auteur contemporain, té-
» Perpét delà fpi, t. 1, l 9,c 7, p. 657,
BËB 34C
tnoigne expressément que Bérenger n'a jamais eu une seule buur*
gade pour lui, et qu'il n'élait suivi que par des iguorans : lou
ce qui nous reste de monumens historiques de ce temps est con-
forme au témoignage de Guimond; lui préférera-l-on Guillaume
de Malmesbury , qui ne vivait qu'en 4242, et Matthieu de West-
minster, qui ne vivait que dans le qualorziâme sîËcle ' ?
On trouve , il est vrai , dans le douzième siècle , quelques per-
sonnes qui niaient la transsubstantiation ; mais on ne voit pas que
ces personnes soient des disciples de Bérenger plulOt que des
Manicliéeus qui avaient reparu en France et qui niaient la trans-
substantiation ; comme Bérenger. Les monumens historiques par
lesquels nous counaissons ces ennemis de la transsubstantiation
paraissent le supposer ; car on y voit que ces hérétiqnes avaient
encore d'autres erreurs , dont l'historien dit qu'il ne juge pas k
propos de parler; ce qui ne convient point aux disciples de Bé-
renger ',
Au reste , cette prétendue perpétuité de la doctrine de Béren-
ger, que M. Basnage se donne tant de peine k établir depuis le
neuvième siècle jusqu'à la réforme, n'est point cette perpétuité
de la foi qui convient il celle de la vraie Église, et qui fait le ca-
rsctÈre de la vérité.
Il n'est point étonnant qu^une erreur qui a fait autant de bruit
que celle de Bérenger se soit perpétuée, et il n'y a peut-être
point d'hérésie qui , depuis sa naissance, ne trouvât, à force de
recherches, d'inductions et de sophismes, des sectateurs dans les
siècles précédens, aussi bien et mieus que les Prolestans. San-
diusn'a-l-ilpastrouvé des Ariens dans tous les sièclesderÉglise^?
Mais ce n'est pas une pareille succession qui caractérise la doc-
trine de la vraie Ëglise; il faut: 1° que cette perpétuité soit telle
qu'on ne puisse assigner une époque oii elle était inconnue d^ins
l'Église , comme l'erreur de Bérenger, qui , Lorsqu'on lui opposa
la réclamation de toute l'Église contre son erreur, répondit que
toute l'Église était périe >.
2" La iTuie Église étant une société visible et devant être caiho-
' Perpét. de la Toi, I, 1, 1, !
' Spicileg. d'Acheri, L î, p,
8, Bnn. iï6S.
> Sandius, Kist. ecclcs,
• Derengnrius, apudLancrrimr, c
U6 BEB
liqve , e*est-àdire la société religieose It plus étondae f gncilq—
sectaires obscurs qai enseignent el perpéts^oft leurs Ofrom m
secret , qui sont odieux à tons les fidèles et condamnés par tOMli
rË^ise f qui n*ont ni Ë^Use, ni ministère , ni jnridîctioB , ai mÊf^
tonte f peorentrils représenter TÉgUse de lésas-Christ? Go qile ji
dis ici des Bérengariens ne pent être contesté : la Bocpio 61 Wih
nage n*ont pn pronrer rien de plus en leur f^venr *«
Les Bérengariens ne forent pas constamm^t et n&anfaneflNml
attachés à Ferreor de Bérenger ; tons reconnaissaient qoe le polo
et le yin ne se changeaient point an corps et aa sang de JéÎHlf-
Ghrist; mais quelqnes-uns ne ponraient conceroir qao le YertM
s*nntt an pain et au vin, et ils conclurent que le pain et le Hhk
B*étaient point le corps et le sang de Jésus-Christ ^ et qu'ils ifé*
taient appelés ainsi que par métaphore et parce qo*ib représoil*
talent le corps et le sang de Jésus-Christ.
Ainsi Bérenger et ses disciples niaient la transsubstantiatkMl f
mais Bérenger croyait que le pain deyenait le corps de Jéiss-
Ghrist, et ses disciples croyaient qu'il n'en était que la igore*
Ce dernier sentiment fut adopté par la plupart des hérésie^-»
ques et des sectaires qui parurent après Bérenger^ et qui alliez
rent cette erreur avec d'anciennes hérésies : tels farent Pierire de
Bruys, Henri de Toulouse, Arnaud de Bresse, les Albigeois,
Amauri de Chartres , et, long-temps après , Wiclef , les LollardSi
les Thaborites; enfin , Carlostad , Zuingle, Caltin ont renouvelé
Terreur des Bérengariens , et Luther a suivi le sentiment de bé-
renger et soutenu Timpanation.
Comme ces deux points sont un des plus grands obstacles à la
réunion des Églises réformées , nous croyons qu'il est convenable
de les traiter.
§ L — Du dogme de la présence réelle.
Il n'y a point de matière sur laquelle on ait tant écrit ; l'énu-
mération des ouvrages composés sur l'eucharistie ferait seule un
ouvrage : nous allons réduire Ji des points simples les raisons qui
la prouvent et les difficultés qui la combattent.
Le dogme de la présence réelle est enseigné dans V Écriture.
Lorsque Jésus-Christ institua l'eucharistie, il dit, en tenant du
* La Roque, Hist de l'Euch., part 2, c. 18, p. 702. Basnage, Hist.
des Églises rét, t j, 1. 8, c 5, p. 105.
BEB S4T
pain : Ceci est mon corps ; Pt l'Écriture ne hous parte jamais da
Vf. sacremeol que dan; des termes qui , pris dans un sens naturel
et littéral , expriment la prësencâ réelle dit corps et du saag de
Jésus-Christ, et non pas que le pain el le viu sont la figure du
corps et du sang de Jésus-Christ,
Pour être autorisé !i prendre les paroles de l'Ëcrilure dans le
sens figuré et à soutenir que l'eucharistie est la figure dn
corps et du sang de Jésus'Christ , il faudrait, ou que Jésus-Christ
nous eAt avertis qu'il ne prenait point dans Un sens naturel les
expressions dont U se servait , ou que ces expressions , prises dans
le sens naturel , eussent exprimé une aljsunlilé si palpable et si
grossière que l'homme le plus ignorant eût senti que Jésus-Christ
n'avait pu les prendre dans leur sens naturel et littéral.
l''U est certain que Jésus-Christ n'a point préparé ses disciples
h prendre dans un sens métaphorique les mots dont il se sert dans
l'institution de l'eucharistie: au coulraire, Jésus-Christ, avant
d'instituer l'eucharistie , avait dit ù ses apôtres que sa chair était
vérilahlemenl viande, et que sou sang était vraiment breuvage;
que ceux qui ne mangeraient pas sa chair cl ne boiraient point son
sang n'auraient point la vie éternelle ; il leur avait promis de leiir
donner ce pain ; les Juifs, en l'entendant, se demandaient com-
luenl il pourrait leur donner sa cliair i manger, et Jésus-Christ
ne répond à leurs plaintes qn'en répétant que sa chair est vériiS'
blemenl viande et son sang véritablement breuvage, et que s'ils
ne mangent la chair du Fils de l'homme et ne boivent son sang ,
ils n'auront point la vie éternelle.
Jésus-Christ promettait alors à ses disciples de leur donner sa
chair ù manger, et sa véritable chair : tous les ministres convien-
nent que, dans le sixième chapitre de l'Ëvangile selon saint Jean,
il est toujours parlé de la véritable chair de Jésus-Christ.
I^es disciples attendaient donc que Jésus-Christ leur donnerait
Téritablement sa chair à manger et sou sang ï boire; mais ib ne
savaient pas comment il exécuterait cette promesse.
Dans l'institution de l'eucharistie, Jésus-Christ leur ordonne de
manger le pain qu'il a béni , et les assure que ce pain est son
corps; ainsi, loin d'avoir averti les ap6lres qu'il fallait prendre
dans un sens métaphorique les paroles de l'instituiion de l'eucha-
ristie , il les avait préparés a les prendre dans un sens naturel et
littéral.
Ainsi , les allégories et le» images sous lesquelles Jésus-Christ
24S B£R
s'est quelquefois représenté ne pouvaient porter ses disciples à
interpréter dans un sens métaphorique les paroles de Tinstitution
de Teucharistie.
Jésus-Christ avait promis à ses disciples de leur donner son
corps, son vrai corps à manger, et c'était à la manducation de ce
corps qu'il avait attaché la vie éternelle ; ils étaient dans Tattente
de Texécution de cette promesse , puisque Jésus-Christ leur avait
annoncé sa mort : F importance de cette promesse , toujours pré-
sente à leur esprit , ne leur permettait donc ni d'en méconnaître
l'eiécution dans l'institution de l'eucharistie , ni de croire que
Jésus-Christ leur donnât , dans le pain de l'eucharistie , la figure
de son corps ; ils ne pouvaient donc s'empêcher de prendre les
paroles de l'institution de l'eucharistie dans leur sens propre et
naturel; et Jésus-Christ, loin de les avoir avertis qu'il parlait
d'une manière allégorique , les avait en quelque sorte préparés à
prendre ses expressions dans le sens littéral.
En se plaçant dans ce point de vue, qui est le seul où l'on puisse
envisager la question, on voit clairement que MM. Claude et Bas-
nage n'ont fait que des sophismes pour prouver que l'esprit des
apôtres était assez préparé au sens figuré par la cérémonie même
de la Pâque que Jésus-Christ célébrait, et par l'usage dans lequel
il était d'employer des allégories et des paraboles.
Jésus-Christ et les évangélistes n'avertissent donc point que
les paroles de l'institution de l'eucharistie doivent se prendre dans
un sens figuré.
Secondement , on ne peut pas dire que le sens littéral et natu-
rel des paroles de l'institution de l'eucharistie renferme une con-
tradiction sensible ou une absurdité palpable , en sorte qu'en
entendant ces paroles l'esprit quitte le sens naturel et passe au
sens figuré ; car alors le dogme de la présence réelle ne serait
jamais venu dans l'esprit des apôtres et des chrétiens , mais en-
core il n'aurait jamais pu s'établir, ou du moins on aurait vu dans
l'Église chrétienne des réclamations contre ce dogme , et le plus
grand nombre serait resté attaché au sens figuré.
Cependant, lorsque Bérenger attaqua le dogme de la trans-
substantiation, toute l'Église croyait la présence réelle , et les
Prolestans n'ont jusqu'ici pu assigner un temps où elle ne fût pas
crue , ni un siècle où l'Église crût que l'eucharistie n'était que la •
figure du corps de Jésus-Christ.
Si le sens figuré est le sens qui s'offre à l'esprit lorsqu'on en-
tend les paroles de l'instilalioD du i'eucbarisLii?, pourquoi Carlas-
lad ful-il abandonné de tout le monde lorsqu'il le proposa ?
Pourquoi Zningle a-t-il été plus de quatre ans à trouver que ces
paroles; Ceci est mon corps, devaient se rendre parcelles-ci:
Ceci repréêenle mon corps ' ?
Si le sens Sguré est le sens qui s'ofTre k l'esprit, pourquoi Lu-
ther el tous ses sectateurs ont-ils , aussi bien que les catholiques ,
pris coDstanmient dans le sens naturel et iJLttol les paroles de
i'itistitulioD de l'eucharistie? Pourquoi Eucer, pour intéresser les
princes protestans d'Allemagne en faveur des quatre villes impé-
riales qui su iviii eut l'opinion de Zningle; pourquoi, dis-j'e, Bucer
fut-il obligé de faire faire à ces villes une conlession de fol , dans
laquelle il reconnaît que Jésus-Christ donna \ ses disciples son
vrai corps et son vrai sang il manger et ù boire vériiablementî
Pourquoi, dans une lettre écrite au ducdefirunswick-Lunebourg,
protesta-t-il qu'il croyait, atec Zuingle et OEcolampade, que le
vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ étaient présens dans la
Enfin, s'il était vrai que le sens figuré se présentât nalurelle-
menlà l'esprit, pourquoi les peuples au iquefô Bucer avait prêché
le sens figuré reprirent-ils le dogme de la présence réelle aussi-
tfiL que Bucer et Cupilon, par ménagement pour les Luthériens ,
cessèrent de faire retentir conllauellement W leurs oreilles le sens
Hais, dit-on, les apAtres ne voyaient-ils pas évidemment qu'en
mangeant le pain que, Jésus-Christ avait béni ils ne pouvaient
manger le corps qu'ils avaient devant les veux?
Je réponds que l'esprit ne voit comme impossible que ce qui
unit le mù et le no», c'est-à-dire qui assure qu'une chose est et
D'est point en même temps ; mais il n'y a point contradiction que
le corps de Jésus-Christ se trouve sous les espèces du pain et du
vin ; car il est possible :
1°Que le pain et le vin deviennent le corps et le sang de Jésus-
Christ, comme on le suppose dans le sentiment de l'iuipannion.
3° 11 est possible que Dieu formo dans la substance du pain et
* Zuingle, De verâ relig., p. 309. Rcsp. ad Luther., p, ÙOO. Ep. ad
Poneram,, p. S5S. Perpjt, de la Tui, 1. 2, 1. 1, c. 3.
' [Tospin., part. 2, p, 1S2. PerpéU de la foi, c. &.
250 BER
dans celle da Tin un corps humain auquel Ykmé dé JémiihGliriil
soit unie , comme M. Yarignon Ta imaginé.
3« On ne voit point qn'il soit impossible que le corps àê léMil*
Christ se trouve sous les espèces du pain et du vin , commd II i*y
trouve en effet, et comme on le fera voir en parlant de la triM'
substantiation.
Je réponds , en second lieu , que les apMres , conntilsttlif h
toute-puissance et la souveraine vérité de Jé8us-€hriÉt, li*eiireat
pas besoin de concevoir la possibilité de ce quUl leur disait pour
interpréter son discours dans un sens naturel et littéral. Ils cnt«
rent qu'en effet le pain était devenu le corps de Jésu^-Ghristy
quoiqu'ils ne comprissent pas comment cela pouvait se fiûre.
L'impossibilité de concevoir le mystère de la Trinité a4-il empê-
ché de le croire ?
Le dogme de la présence réelle a ioujoun été emeigné dent
l'Église.
Depuis la naissance de TËglise , la célébration de Feuduiristie
a fait la partie la plus essentielle du culte des chrétiens : les Èpb'
très s'assemblaient pour la célébrer, et ils en établirent la câé^
bration dans TËglise *.
Dans la célébration de Teucharistie , on bénissait du pain , et
l'on disait que ce pain et ce vin étaient le corps et le sang de Jé-
sus-Christ : c'était sur cette présence du corps de Jésus-Christ
que portait toute l'importance de ce sacrement par rapport aux
chrétiens ; cette présence était le fondement de leur respect pour
l'eucharistie, et rien n'était plus important que de bien connaître
le degré de respect qu'on devait à ce sacrement, puisqu'il donnait
la mort éternelle s'il était reçu indignement.
Pour rendre à ce sacrement le respect qu'on lui devait, et pour
le recevoir dignement , il fallait nécessairement savoir si l'on re-
cevait Jésus-Christ réellement , si Ton recevait son corps et son
sang, si l'on n'en recevait que la figure et le symbole. Les apôtres
et les premiers chrétiens n'ont donc pu rester indécis et indéter-
minés sur la présence du corps de Jésus-Christ dans Teucharistie;
ils ont cru la présence réelle ou l'absence réelle du corps de Jé-
sus-Christ dans l'eucharistie.
Toutes les sociétés chrétiennes séparées de l'Ëglise romaine,
*■ Act«, 2, V. A2, ad.
depuis le quatrième siècle jusqu'à B^renger, croient la présence
réelle du corps delésua-Christ dans l'eucbaristie ; les Nestoriens,
les Arméniens , les Jacobites , les Copbtes , les Ëihiopiâns , les
Grecs , reeonnaisseDl encore aujonrd'hui la présence réelle du
corps de Jésus-Christ dans l'eucbarislie '.
Toutes les sociétés catholiques la crojaieot aussi lorsque les
Bérengariens l' attaque lent.
Cette croyance étant générale cbez tes chrétiens au temps de
Béreoger, il faut nécessairement qu'elle soit aussi ancienne que
l'I^lise même, ou que toutes les Églises chrétiennes aient passé
de la croyance de l'ahsence réelle à la croyance de la présence
réelle du corps de Jésus-Cbrist daos l'eucliaristie.
S'il est certain que l'Églige u'a pu passer de h croyance de
l'absence réelle à la crojance de la présence réelle du corps de
Jésus-dirist dans l'eucharistie , il est démontré que la présence
réelle a toujours été enseignée et professée dans l'Ëglise depuis
les apôtres jusqu'à Bérenger ; or, il est certain que l'Église u'a
point passé de la croyante de l'abseoce réelle à la croyance de la
présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'eu-
charistie.
Ce chaugemenl dans la croyance des chrétiens sur la présence
réelle du corps de Jésus-Cbriât n'a pu se faire qu'en deux ma-
niéres : tout d'un coup, ou par degrés.
La première supposition est impossible, car alors il faudrait que
tous les chrétiens, après avoir cru jusqu'aloi's que le corps de
Jésus-Christ n'était pas présent dans l'euebaristie , eussent com-
mencé tous ensemble à croire qu'il yr était , en sorte que s'élant,
pour ainsi dire , endormis dans la croyance que l'eucharistie n'é-
tait quetaCguredu corps de Jésus-Christ, ils se fussent réveillés
persuadés qu'elle contenait réellement le corps et le sang de Jé-
II est impossible qu'une multitude d'Églises séparées de com-
munion, dispersées dans différentes parties de la terre , ennemies
et sans communications entre elles , se soient accordées à rejeter
la croyance de l'absence réelle du corps de Jésus^brist dans l'eu-
charis^e, qu'elles avaient toujours crue, pour professer la pré-
senceréelle que personne ue croyait, el qu'elles se soient accordées
' Voyci ces dilTércns articles, pb leur croyance sur reUCluu'istie est
examinée en particulier.
Ui BËE
sur ce] poiot sans se communiquer, sans que ce changOBenl énaà
leur doctrine ait produit aucune contestation.
Si les Églises chrétiennes ont passé de la cropnce de TaiiMMe
réelle du corps de Jésus-Christ à la croyance de la présence lédiei
il faut donc que ce changement se soit fait par degrés , et alond
faut nécessairement quUly ait eu d*abord un temps, saTôir, à la
naissance de Topinion, « où elle n'était suivie que d*un très-^pe-
» tit nombre de personnes ; qu'il y en ait eu un autre où ce nùotr
» bre était déjà beaucoup augmenté et où il égalait celui des ft-
» dèles qui ne croyaient pas la présence réelle de Jésus-Christ
» dans réuchar'istie ; un autre où ce sentiment s'était r^idii mattre
» de la multitude , quoiqu'avec opposition d'un grand nombre
» d'autres qui demeuraient encore dans la doctrine andenne ; d
» enfin un autre où il régnait paisiblement et sans oppositioii 9
» qui est l'état où les Calvinistes sont obligés d'avouer qu*il était
» lorsque Bérenger commença d'exciter des disputes sur cette
». matière^.
Dans tous ces cas , il est impossible qu'il ne se soit pas élefé
des contestations dans l'Ëglise entre ceux qui croyaient Tabseo^
réelle et ceux qui croyaient la présence réelle. Les plus petits
changemens dans la discipline , les plus légères altérations dans
des dogmes moins développés, moins connus, ont excité des con-
testations dans rËglise ; toutes les erreurs, toutes les hérésies ont
été attaquées dans leur naissance : comment la croyance de la pré-
sence réelle aurait-elle été enseignée sans contradiction dans une
Église où Ton aurait cru l'absence réelle ? comment aurait-on
changé tout le culte, toutes les cérémonies, sans que personne s'y
fût opposé?
Cependant, depuis les apôtres jusqu'à Bérenger, où la croyance
de la présence réelle était universellement reçue dans l'Église ,
on ne trouve aucune preuve que quelqu'un, en publiant que Jésus-
Christ était réellement présent dans Teucharistie , ait cru propo-
ser une opinion dififérente de la croyance conmiune de l'Église de
son temps ou de l'Église ancienne.
On ne trouve point que jamais personne ait été déféré publi-
quement aux évéques et aux conciles pour avoir publié , de vive
voix ou par écrit , que Jésus-Christ était réellement dans la bouche
de ceux qui recevaient l'eucharistie. On ne trouve point qu'aucun
« Porpéluiié de la foi, volume in-i2, p, 49.
BER aS8
Père , aucun évèque , aucun concile se BOÎt mis en peine de s'op-
poser â cette croyance , en témoigaant qu'il y en STait parmi le
peuple qui se trompaient grossiëremeiii et daagereusement eu
croyant que Jésas-CbrisE était présent sur la terre aussi bien que
dans le ciel. On ne trouve point qu'ancua auteur ecclésiastique
niauctu prédicateur sesoit jamais plaint qu'il s'introduisit en son
temps une idolâtrie pernicieuse et damuable en ce que plusieurs
adoraient Jésus-Christ comme réellement présent sous les espè-
ces du pain et du vin *.
On dira peut-être que ces raisons font bien voir que la croyance
de la présence réelle ne s'est point introduite par la contestation,
ni par des personnes qui aient cbangé elles-mêmes de sentiment
et prétendu innover et changer la créancede l'Ëj^lise; mais que
cela ne prouve pas qu'elle n'ait pu s'introduire d'une manière en-
core plus insensible , qui est que les pasteurs de l'Église, étant
eux-mêmes dans la créance que le corps de JésuS'Cbrist n'était
qu'en Sgnre dans l'eucharistie, aient.néanmoins annoncé cette vé-
rité en des termes si ambigus , que les simples aient pris leurs
paroles en un sens contraire â la vérité et ù leur intention, et
soient entrés dans l'opinion de la présence réelle , comme si elle
eùl été celle des pasteurs.
Hais quoiqu'une équivoque de celle sorte eût pu engager dans
l'erreur un petit nombre de personnes simples, c'est le comble de
l'absurdité de vouloir faire croire qu'elle ait pu tromper tous les
chrétiens de la terre.
Car peut-on imaginer, sans extravagance, que les paroles des
pasteurs étant mal entendues par un grand nombre de personnes
de toutes les parties du monde , aucun des pasteurs ne se soit
aperçu de cette illusion si grossière , et ne les ait détrompées de
la fausse impression qu'elles avaient prise de ces paroles?
Peut-on imaginer que tous les pasteurs fussent si aveugles , si
imprudeas, que de se servir de mots qui fussent d'eux-mêmes ca-
pables d'engager les peoples dans l'erreur, sans expliquer jamais
ces équivoques si dangereuses ?
Que si ces paroles n'étaient pas par elles-mêmes sujettes ï un
mauvais sens, et n'étaient mal expliquées que par un petit nom-
bre de personnes grossières , comment les lidèles plus éclairés, et
qui conversaient tous les jours avec les simples, ne découvraienl-
' PerpélDî'édc Jafoi, \olumein-13, p. 23,
r
I
ils pointai par qnelqa'une de leurs actions et de leurs parotës,
l'etreur criminelle dans laquelle ils (étaient enpgés , ce qui de-
vait nécessairement produire un éclaircissement , et ne pouTait
manquer d'être connu des pasteurs , qui dès lors auraient été obli-
gés de déclarer publiquement que 1'
les et qu'on les avait prises dans un
i leuriutention?
Hais pourquoi ces équÏToques n'auraient- elles commeocé de
tromper le monde que vers le neuviËme au le dixiÈme siËcIe ,
comme le prélendenl les réformés , puisqu'on ne s'est point servi
d'autres paroles dans la célébration des mystères et dans la pré-
dication de la parole de Dieu , pour exprimer ce mystère , que de
celles dont on se serrait auparavant? et que peut-on imaginer de
plus ridicule que de dire que les mêmes paroles aient été enten-
dues uniTersellemenL d'une manière dans un certain temps , et
universellement d'une autre manière dans un autre tempa , sans
que personne se soit aperçu de cette mésintelligence ?
Tem 1m Pèrei ont atteigne le dogme de la prétettee réelte.
Les Pères tirant leur doctrine sur l'eucharistie de ce que les
apâires ont enseigné, il ne l'unt , pour juger de leur sentiment,
qu'examiner s'ils ont entendu les paroles. Ceci est mon wrps.dans
un sens de figure ou dans un sens de réalité.
Il est certain. que l'un et l'autre de ces deux sens a des marques
et des caractères qui lui sont propres et qui doivent se trouver
dans les expressions des Pércs , qui n'ont parié que selon qu'ils
ont eu dans l'esprit l'un ou l'autre sens.
Lorsqu'on croit que les paroles de l'institution de l' eucharistie.
Ceci est mon corps, expriment que le corps de Jésus-Clirist est
réellement présent , ou Les prend dans un sens naturel qui se pré-
sente sans peine à l'esprit de tout le monde : il Tant bien que
cela soit ainsi dans les principes des Calvinistes , puisqu'ils pré-
tendent que l'Ëglise a passé sans aucune contestation de la
croyance de l'absence réelle à la crojauce de la présence réelle,
par le mojen de «ce paroles ; Ceci ett mon cerpi.
Mais ces paroles , prises dans leur sens naturel, expriment une
chose incompréhensible ; ainsi le sens littéral et de présence
réelle est Tacile , et la chose qu'il exprime est très-difficile.
Lorsqu'on croit que ces paroles , Ceci ett mon corpi , sigirifien
il la ligure de i
st très-difficile il décout,**
vrlr, et l'e«prit le rejette naturellement ; nous n'en TOulona pour
preuve que ce que nous avons dit sur Carloslad , qui tut quatre
ans persuadé que le corps de Jésus-Christ n'était pus réellemeut
présent dans l'eacharistio , avant de pouvoir trouver que le sens
des paroles , C«ci eit mon corps , était , Ceci est la figure de mon
corpi; il est donc certain qae le sens Ijguré des paroles de Jésus-
Christ est irès-dilficile et très- dé tourné.
Mais il est certain qu'il exprime une cboseaisëeà comprendre:
c'est que le pain et le vin sont les symboles du corps et du sang
de Jésus-Christ , et peuvent produire dans l'àme des effets ulu-
ijiîres , ce qui n'est pas une cbotie plus difficile à concevoir que
Ja production de la grâce par le baptême.
Ainsi , le «ens des catholiques est très-facile dans les lenoei ,
mais il exprime une chose difScile à concevoir.
Le sens des Calvinistes, au contraire, est oj^osé aux règles du
langage , et par conséquent très-difficile à concevoir, mois il et-
1° Les Pères n'ont jamais entrepris d'expliquer le sens de ces
paroles. Ceci esl mon corps, quoiqu'ils aient toujours expliqué
avec beaucoup de soin toutes les métaphores; ils n'ont jamais rien
écrit pour empêcher que les fidèles ne les prissent dans le sens
des catholiques ; ils ont donc cm que ces mots. Ceci eU mon corpi,
devaient se prendre dans un sens naturel et littéral.
3" 11 est certain que tous les Pères ont regardé l'eucharistie
comme un mystère incompréhensible, comme un objet de foi:
ils ont tous recours ï la toute -puissance divine pour le prouver;
ce qui n'a certainement pas lieu dans le sens des Calvinisl» : il
n'est pas possible d'en rapporter ici les preuves ; on les trouvera
dans la Perpétuité de la foi '.
3° Les Pères ont reconnu que l'eucharistie produisait la grlce,
et ils ont attribué l'efficacité de l'cucbaristie il la présence réelle
du corps de Jésus-Christ : c'est encore nn point porté jusqu'i It
démoBslration dans la Perpétuité de la toi *.
i' Les Pères ont toujours parlé de l'eucharistie comme d'un
sacrement qui contenait réellement le corps et le sang de Jéaua-
Cbrist.
5° Pour connaître le sentiment des Pères sur la présence réelle
356 BER
de Jésas-Christ dans reucharistie , il ne faut pas s^attacher à un
petit nombre de leurs passages; il faut considérer en gros tous les
lieux où ils ont traité de cette matière : or, il est certain , par une
foule de passages et de raisons qui produisent une certitude com-
plète, que les Pères des six premiers siècles ont pris les paroles
de rinstitUtion de reucharistie dans le sens naturel et littéral;. il
est certain que le sens figuré ne leur est jamais venu dans l'es-
prit , qu'ils ont reconnu un véritable changement de la substance
du pain en celle du corps de Jésus-Christ.
Ainsi , quand on trouverait dans les Pères quelques passages où
ils auraient donné à reucharistie les noms de signe , d'image, de
figure , on n'en pourrait conclure qu'ils n'ont pas cru la présence
réeUe «.
6* Les espèces du pain et du vin restant après la consécration,
il n'est pas impossible que les Pères aient, même après la consécra-
tion, donné à l'eucharistie le nom de pain et de vin, car les Pères
ont exprimé les symboles eucharistiques par les idées populaires,
et non par les idées philosophiques ; et l'on voit clairement que c'est
pour se conformer au langage populaire qu'ils se servent de ces
expressions , puisqu'ils assurent constamment que le pain et le vin
sont changés au corps et au sang de Jésus- Christ.
7* Parles paroles de la consécration , la substance du pain et du
vin est changée , selon les Pères , en la substance du corps et du
sang de Jésus-Christ; mais on ne voit point immédiatement ce
corps ; nos sens n'aperçoivent que les espèces du pain et du vin :
ainsi , après la consécration , les espèces du pain et du vin sont
les signes ou le type du corps de Jésus-Christ.
Les Pères ont donc pu donner aux symboles eucharistiques le
nom de signes du corps et du sang de Jésus-Christ , sans que
l'on puisse en conclure qu'ils ne croyaient pas la présence
réelle*.
De la transsubstantiation , contre Bérenger et Luther.
Par les paroles de la consécration le pain et le vin sont con-
vertis au corps et au sang de Jésus-Christ , puisque , par ces pa-
roles, le corps et le sang de Jésus-Christ deviennent réellement
* Ibîd., t 2, 1. 1, c 1.
2 Perpétuité de la foi, U 1, 1. 8, a 2 ; t, 3, K 3, c, 5. Natal, Alex.,
Dissert, i2 lu sçec, 11,
1
I
BER UT
ftésens dans l'eucharUtie , es sorte qae le paia el le vin devien-
MDt le corps el le sang de JésuS'CLrist.
Le corps et le sang de lésus-ChrlsI auquel le pain eL le vin sont
changés , c'est le corps et te sang qui a été livré et répandu pour
DOS pécliés sur la croix, ce qu'il est absurde dédire dupaiu*.
Ainsi , après les paroles de la consécration , il n'j a plus danf -
l'eucharistie de pain et de vin ; Ils ont été changés au corps et i
aang de Jésus-Cbrist.
Ce changement de la substance du pain et du vin au corps
an sang de Jésus-Clirist est appelé transsubstantiation, et quù&!
qu'on n'ait eiprimé ce changeaient parle mot de traïusabilantia^
(tan quedansles derniers siècles, cependant ce dogme était conni
dans l'Église aussi anciennement que celui de la présence réelle;
le quatrième concile de Latran en 1215, celui de Constance
en 1414, ceux de Florence et de Trente, l'ont défini.
Tous les Pères , toutes les liturgies parlent de la conversion du
pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ; toutes les
prières de la messe demandent que le pain et le vin deviennent
le corps et le sang de Jésus-Clirist*.
Le mot traassubslantialion exprime trës-bien ce cliangement,
et l'on ne doit point désapprouver l'usage de ce mot parce qu'il
n'est pas dans l'Ëcrilure; le mot de Trinité et le mot consubslan-
tiel ne s'y trouvent pas, et les Protestans n'en condamnent pas
l'osage : le concile de Latran a donc pu consacrer le mot irans-
Gubstantiation , comme le concile de Nicée a consacré le mot
eoruuùslaali£l.
Les Luthériens et les Calvinistes , si opposés sur la présence
réelle , se réunissent contre la transsubstantiation : ils ont com-
battu ce dogme par une inHnité de sopliismes de logique, de
grammaire, etc., dans l'examen desquels il serait également inu-
tile et ennuyeux de descendre , et qu'ils ont eux-mêmes abandon-
nés pour la plupart. Nous allons tlicher de réduire leurs princi-
pales dinicullés ix quelques points simples.
Première difficulté-
Les Protestans prétendent qu'il est absurde de supposer que le
I corps de Jésus-Christ, qui était un corps humain au moins de
> UatUi., !6. Marc, lA. Luc, 23. Paul, ad Cor., SI.
' Pcrpéluilé delà foi, t. 3, I. 0, p. 58G.
358 BER
cinq pieds , soit contenu dans la plus petite partie senaiMe 4i|
pain ou du vin , parce qu'alors il faudrait que les parties de soa
corps se pénétrassent , et par conséquent que la matière perdtt
son étendue et son impénétrabilité , ce qui est impossible , puis-
que la toute-puissance dif ine ne peut dépouiller une chose de
son essence.
Je réponds, 1* que cette difficulté s'évanouit dans le système
qui suppose que Tétendue est composée de pointe inéteodui.
Je réponds , 2" qu'il faudrait tout au plus conclure de là que ce
n'est ni dans l'étendue ni dans l'impénétrabilité que consisle
l'essence de la matière, comme l'ont pensé Descartes et Gasseii4if
mais dans quelque chose que nous ne connaissons pas.
Je réponds, 3° qu'il n'est pas prouvé qu'il soit impossible qu»
le corps d'un homme de cinq pieds soit réduit à uq espace ^^
à celui des espèces eucharistiques : ne condense-t-on pas l'tir a«
point de lui faire occuper quatre mille fois moins d'espace qu'il
n'en occupe dans un état naturel? Si l'industrie humaine peat
resserrer ou dilater si prodigieusement les corps , pourquoi Dieu
ne pourrait-il pas réduire un corps humain à la grandeur des es-
pèces eucharistiques?
Seconde difficulté.
Si le pain et le vin étaient changés au corps et au sang de Jésus-
Christ dans l'eucharistie , il faudrait que le corps de Jésus-Christ
se trouvât sous les espèces eucharistiques ; et comme la consécra-
tion se fait en même temps en différens endroits , il faudrait que
le corps de Jésus-Christ , le même corps qui est dans le ciel , se
trouvât en même temps en plusieurs lieux , ce qui est absurde.
Je réponds qu'il n'est point impossible qu'un corps soit en
même temps en plusieurs lieux à la fois , et que par conséquent
il n'est pas impossible que le corps de Jésus- Christ soit dans le
ciel et dans tous les lieux où Ton consacre : voici ma preuve :
Un corps en mouvement existe en plusieurs lieux pendant un
temps déterminé : un corps , par exemple , qui avec un degré de
vitesse parcourt un pied dans une seconde, se trouve dans soixante
pieds différens s'il se meut pendant une minute.
Mais si, au lieu d'un degré de vitesse, je lui en donnais
soixante, il parcourrait ces soixante pieds dans une seconde, et
par conséquent se trouverait dans soixante lieux différens pendant
une seconde.
BER 259
Si , aa lien de soixante degrés de vitesse , je lui en donnais cent
vingt, il se trouverait dans ces soixante lieux ou parties de l'es-
pace dans une tierce ; ainsi , en augmentant la vitesse i l'infini ,
il a'j 3 point de peti te portion de temps pendant laquelle un corps
ne puisse être dans plusieurs liens ; ou , si l'on veut , la rapidité
du mouvement peut être assez grande pour que , dans la plus petite
durée imaginable, un corps parcoure un espace donné, et se
trouve par conséquent en plusieurs licui pendant la plus petite
durée imaginable.
La plus petite partie imaginable du temps est pour nous nn in-
Etant indivisible; ainsi il est possible que le même corps soit, non-
seulement par rapport à nous, mais réellement dans plusieurslieux
dans le même temps; pour cela, il ne faut que supposer la dislance
des tieui bornée et la vitesse infinie.
D'ailleurs, le mouvement n'est, selon beancouji de philosophes,
que l'eiisteace ou la création successive d'un corps dans dilTérens
points de l'espace, et la création est un acte de la volonté divine;
or, qui peut douter que la volonté divine ne puisse créer si promp-
lement, si rapidement le même corps, que dans le même temps ce
corps eïiste «i pluaieurs lieus , quelle que soit la dislance , «
quelque courte qtiesoit la durée?
Il ne répugne donc point que Dieu fasse exister un corps dans
plusieurs lieux en même temps, et que ce corps y soit Iraosporié,
même sans passer par les intervalles qui séparent ces lieui.
Nous ne prétendons point , au reste, expliquer le mystère de la
transsubstantiation , mais faire voir qu'on ne prouve poini qu'il
répugne à la raison; ce qui suffit pour faire tomber les difficultés
des Pioteslans.
Traliiéme difficile.
Ou prétend que le dogme de la lransstd>staDtiation sape luus
les foudemensde la religion.
La religion est, dit-on, fondée sur des miracles et surdes faits
qni De sont connus que par le témoignage des sens ; ainsi , c'est
ébranler les fondemcns de la religion que de supposer que le
témoignage constant et unanime des sens peut nous tromper: c'est
cependant ce que les catholiques sont obligés de reconnaître dans
le dogme de la transsubslanlialion; car les sens attestent conslam-
ment et ananimemenl à tous les hommes que l'eucbaristie, après
la consécration , est encore du pain el du vin ; et cependaut le
260 BER
dogme de la transubsiantialiou nous apprend qu'il n*y a en effet
DÎ pain, ni vin.
Cette difficulté a paru triomphante aux plus habiles Protestans^.
On peut répondre , 1* que nous ne connaissons les corps que
par des impressions excitées dans notre âme; que ces impressions
pea?ent s*exciter dans Tâme indépendamment des corps et par
une opération immédiate de Dieu sur nos âmes : il n'y a donc
point de liaison nécessaire entre le témoignage de nos sens et
Fexistence des objets dont ils nous rapportent Texistence.
La certitude du témoignage des sens dépend donc de la certi-
tude que nous avons que Dieu n'excite point en nous ou ne per-
met pas que des esprits supérieurs à nous excitent dans notre
âme les impressions que nous rapportons aux corps.
Ainsi , il est possible que Dieu fasse sur notre âme les impres-
sions que nous rapportons au pain et au vin , quoiqu'il n'y eût ni
pain ni vin ; et celui qui le supposerait n'affaiblirait point la cer-
titude du témoignage des sens, s'il supposait que Dieu nous a avertis
de ne point croire nos sens dans cette occasion ; or, c'est ce que
les catholiques soutiennent ; car Dieu nous ayant fait connaître
que , par la consécration , le pain et le vin étaient changés au
corps et au sang de Jésus-Christ , il nous a suffisamment avertis
de ne pas nous fier au témoignage des sens dans cette circonstance.
Mais cette circonstance dans laquelle Dieu nous avertit de ne
point croire nos sens, loin d'affaiblir leur témoignage, le confirme
par rapporta tous les objets sur lesquels Dieu n'a point avertit les
hommes que les sens les trompent: tels sont l'existence des corps,
la naissance , les miracles , la passion , la résurrection de Notre-
Seigneur, objets qui conservent, par conséquent, le plus haut de-
gré de certitude, même dans les principes des catholiques et du
dogme delà transsubstantiation^.
On répond , 2* que le témoignage des sens sur les symboles eu-
charistiques n'est ni faux en lui-même, ni contraire au dogme de
la transsubstantiation. **
Nos sens nous attestent qu'après la consécration il y a sous nos
* Claude, Réponse au second Traité de la perpétuité de la foi, pre-
mière partie, c 5, p. 75. Abbadie, Réflexions sur la présence réelle,
4685, in-12. Traité de la religion réformée, t. 1, secL 1. Tillotson,
Scrm., t 5. Réflexions anciennes et nouvelles sur Teucharistie, 1718,
Genève.
î Perpétuité de la foi, t, 3, 1. 7, c. H,
yeiH et entre dos maiug un objet qui a toales les propriétés du
pain et du vin ; mais ils ne nous disent pas qu'il n'a puse Tnirc et
qa'il ne s'est point fait un changement iniërjeur dans la substance
du pain et dans celle du vin au corps et au sang de Jésna^Christ :
ce changement n'est point du ressort des sens ; leur témoignage
n'en dit rien, et n'est par conséquent poiut contraire au dogme
de la transsubstantiation.
Qu'est-ce donc que les sens nous [lisent eiuictement sur l'eu-
charislie après la consécration?
Rien autre cbose , sinon qu'il y a devant nos yeax un objet qui
a les propriétés du pain et du vin ; mais est-il impossible que
Dieu Tasse que les rayons de lumière qui tombent sur l'espace
qu'occupaient le pain et le vin soient réiléchis après la consécra-
tion comme ils l'étaient avant? Est-il impossible qu'après l'éra-
poration des parties insensibles qui faisaient l'odeur et le goiH du
pain et du vin, avant la consécration, cette odeur et ce guùt se
soient conservés sans se dissiper ? est-il impossible qu'une force de
répnlsion répandue autour du sang de Jésus-Cbrïst prenne la forme
des espèces eucbarisiiques et produise la solidité que nos sens y
découvrent f
Non, sans doute, ces choses ne sont pas impossibles; et, si elles
existaient, elles formeraient un objet tel que nos sens nous le re-
présentent.
Nos sens ne nous trompent donc point en nous rapportant
qu'il y a sous nos yeui un objet qui agit sur nos organes comme
le pain et le vin y agissent.
ibis nous nous tromperions nous-mêmes en jugeant qne cet
objet est du pain, puisque nos sens n'attesteraient pas que ce na
peut être autre chose.
Le dogme de la IranssubstanUation ne suppose donc point que
nos sens nous trompent sur l'existence des objets , et ce dogme
n'affaiblit point la vérité de leur témoignage sur les miracles et
sur les faits qui servent de preuve i la religion.
BKftNAKD DE TUUKINCE éisiii un ermite qui annonça , vers
le milieu du dixième siècle, que la Gn du monde était prochaine.
U appuyait son sentiment sur un paàsagede l'Apocalypse, qui
porte qu'après mille ans et plus l'ancien serpent sera délié , et
que les âmes des justes entreront dans la vie et régneront avec
Jésus-Christ,
Bernard de Thuringe prétendait que ce serpent ébtit l'Aniu-
263 BER
christ , qua par conséquent Tannée 960 étant révolue, U veamo^ 4e
FAntechrist était prochaine , et par conséquent la fin du monde.
Pour concilier plus de créance à son sentiment , Bernard V^
puyait d*un raisonnement ridicule, mais qui fut conTsincant piNir
beaucoup de monde ; il prétendit que, lorsque le jour de Tamioii-
dation de la sainte Vierge se rencontrerait avec le vendredi saint,
ce serait une marque certaine que la fin du monde approchait.
Enfin, Termite Bernard assurait que Dieu lui avait rév^ que
le monde allait bientôt finir.
L^effiroi que causa une peinture vive de la fin du monde , le pas-
sage de TApocal3fpBe, Tassurance avec laquelle Bernard annonçait
que Dieu lui avait révélé la fin du monde, persuadèrent uee ina-
nité de personnes de tout état ; les prédicateurs annoncèreat dans
leurs sermons la fin du monde, et jetèrent Talarme dans tous les
esprits.
Une éclipse de soleil arriva dans ce temps; tout le monde Cfvt
que c^n était fait , que le jour du dernier jugement était arrivé;
chacun fuyait et cherchait à se cacher entre les rodiers, daesdce
antres et dans des cavernes.
Le retour de la lumière ne calma pas les esprits : Goberge,
femme de Louis d'Outremer, ne savait à quoi s'en tenir ; elle enga-
gea les théologiens à éclaircir cette matière , et Ton vit paraître
différens écrits pour prouver que le temps de TAntechrist était
encore bien éloigné.
Enfin Ton vit, au commencement de Tonzième siècle, le monde
subsister comme au dixième , et Terreur annoncée par Termite
Bernard se dissipa ^.
BERYLLE, évêque de Bostres, en Arabie, après avoir gouverné
quelque temps son église avec beaucoup de réputation , tomba
dans Terreur. Il crut que Jésus-Christ n'avait point existé avant
Tincamation , voulant qu'il n'eût commencé à être Dieu qu'en
naissant de la Vierge : il ajoutait que Jésus-Christ n'avait été Dieu
que parce que le Père demeurait en lui, comme dans les prophè-
tes : c'est Terreur d'Artemon.
On engagea Origène à conférer avec Berylle : il alla à Bostres ,
et s'entretint avec lui pour bien connaître son sentiment; lorsqu'il
*■ Martenne, Amplitsima collect, t. 4, p. 860. Abbo, Apologet. ad
calcem codicis canonum veteris Ecclesiae roman», à Francifloo PitkKO,
p. m* HisC liUér. de Fr., t. 5, p. li.
BOfi 363
l'«iiibteacDDau, illeréruU, et Berj'lle, coiiTamcTi par les misons
d'Origèpe, abandonDa sur-le-eliarap son erreur *.
Tels sODt les drohs de la vérilË sur l'esprit bumain, loi^qn'elle
noDE esl offerte par la raison, par la douceur el par la charité : ce
fut avec ces mêmes moyens qu'Origène éteignit l'erreur des Arj-
bieus, qui niaient l'immortaliié de rSme; lezèle ardent, impétoeux
et sons lumière eût irrité BerjUe ; la science et la douceur d'Ori-
gêne l'arrachërent à l'erreur et le gagnèrent il la vérité.
BLASTUS était Juif; il passa dans la secte des Valenlïniens , et
ajouta au sjSitèiiie de Valentin quelques pratiques judaïques aux-
quelles il était attaché ; telle est la célébration de la PiLque le 14
de la lune '.
BOGOHILES: ce nom est composé de deux moisesclavons, qui
signifient solliciteurs de la miséricorde divine ^.
On le donna k certains hérétiques de Bulgarie , disciples d'un
nommé Basile, médecin qui, sous l'empire d'Alexis Comnëne,
renouvela les erreurs des Pauliciens.
Les guerres des Barbares et la persécution des Iconoclastes
avaient presque éteint les éludes dans l'empire grec ; elles s'étaient
un peu relevées sous Basile Hacédunius , par les soins de Photius,
sous Léon le philosophe et sous ses successeurs.
Hais le retour de l'esprit humain h la lumière est peal-èti'o
encore plus lent que ses premiers pas vers la vérité : on parlait et
l'on écrivait mieuï que dans les siècles précédens, mais la su-
perstition et l'amour du merveilleux, inséparables de l'iporance,
dominaient encore dans presque tous les esprits : c'était toujours
sur nn présage que les empereurs montaient sur le trdne ou en
descendaient : il y avait tonjours daus une tie quelqpie calojer
fameux par l'iiustérité de sa vie, qui promettait l'empire k un
grand capitaine, et le nouvel empereur le faisait évêqoe d'un
grand siège ; ces prétendus prophètes étaient souvent de grands
imposteurs ; car il est didicile que les hommes igoorans soient
long'tenps ignorans avec simplicité, el ne deviennent pas impos-
teurs lorsque leur profession peut les conduire i la fortune-
Dans ces siècles d'ignorance et de superstition , quelques ger-
mes de l'erreur des Paulicieua , qui subsistaient encore , se déve-
loppèrent M s'allièrent avec les erreurs des Hessatiais.
' Eu«eb., 1. 6, c SO, 33.
2 Auclor sppend. apudTert,,DeprvscripL, c, 53>
' Oucange, Glossaire.
Î64 BON
Basile le médecin fit Tassemblage de ces erreurs : c'était an
vieillard qui avait le visage abattu et qui était vêtu en moine ; il
se fit d'abord douze disciples qu'il appelait ses apôtres , et qui jré-
pandirent sa doctrine, mais avec beaucoup de soin et de circon-
spection.
L'empereur Alexis Gomnène voulut le voir, feignit de vouloir
être son disciple , et l'engagea à lui dévoiler toute sa doctrine.
L'empereur avait fait placer derrière un rideau un secrétaire
qui écrivait tout ce que disait Basile : cet artifice réussit à l'em-
pereur ; Basile lui exposa sans déguisement toute sa doctrine.
Alors l'empereur fit assembler le sénat, les officiers militaires,
le patriarche et le clergé ; on lut dans cette assemblée l'écrit qui
contenait la doctrine de fasile ; il ne la méconnut point , il ofiritde
soutenir tout ce qu'il avait dit , et déclara qu'il était prêt à souf-
frir le feu , les tourmens les plus cruels et la mort : il se flattait
que les anges le délivreraient.
On fit tout ce qu'on put pour le détromper, mais inutilement ;
il lut condamné au feu.
L'empereur approuva le jugement , et, après avoir fait de nou-
veaux efforts pour le gagner, on fit allumer un grand bûcher au
milieu de l'hippodrome ; on planta une croix de l'autre côté , et
l'on dit à Basile de choisir entre la croix et le bûcher ; il préféra
le bûcher.
Le peuple demandait qu'on fît subir le même supplice à ses
sectateurs; mais Alexis les fit conduire en prison, ou quelques-
uns renoncèrent à Terreur ; il y en eut que rien ne put faire chan^
ger de sentiment. Il n'est pas impossible que l'artifice dont l'em-
pereur usa avec Basile , la rigueur avec laquelle il fut condamné
et exécuté , n'aient contribué à l'opiniâtreté de ses disciples , et
il n'est pas sûr que ceux qui abjurèrent leurs erreurs les aient
abjurées sincèrement.
Un professeur de Wittemberg a donné une histoire des Bogo-
miles en 1711 : on peut voir, sur cette secte, Baronius, Sponde,
Eutymius, Anne Gomnène ^.
BONOSE , évêque de Sardique , attaquait, comme Jovinien, la
virginité perpétuelle de la sainte Vierge , prétendant qu'elle avait
eu d'autres enfans après Jésus-Christ, dont il niait même la divi-
* Eutymius, Panopl., part, 2, tit. 23. Anne Gomnène, Baron, et
Spoude, ad an. iliS.
CAB 36$
e Phoiio ; en sorte que les PLoliniens furent nnniméE
depuis Bonosiaques. Il fui coadamné dans le concile de C^ipoue ,
assemblé peur éteindre le schisme d'Antiocbe.
BROlîSiSTES. branche des Presbyiiriens, disciples de Brown.
Voyei PRESBITÉHEENS.
IIUDOAS s'appi'hit aussi Thérébinle ; Il lut le mulire de Manés.
Voffes cet article.
CA.BALE, ODptutût Causale, comme on l'écrit en hébreu, sU
(,iii6e tradition: dans l'usai^e ordinaire, il signiSe l'art de cou-
nnttre et d'exprimer l'essence et les opérations de l'Être suprême,
des puissances spirituelles et des forces naturelles, et de déier-
miiierleur action par des ligures symboliques, par l'arrangement
Je l'alphabet , par la combinaison des nombres , par le renvei
ment des lettres de l'écriture et par le mojen des sens cachés que
l'on prétend j découvrir.
Gimmenl l'esprit humain est-il arrivé ï ces idées? C'est
qu'il ne faut pas chercher chez les Cabalistes , et c'est ce qui
très-obscur dans les auteurs qui oui parlé de la Cabale. Sans en-
trei' dans ces discussious , nous allons exposer nos conjectures sur
l'origine de la Cabale ; nous parlerons ensuite du mélange des
[irincipes de la Cabale avec les principes du christianisme pai
les premiers hérétiques et dans les siècles postérieurs.
De l'ûrigiat de la Cabale.
Je crois trouver l'origine de la Cabale chez les Cbaldéens, dans
lu philosophie de Pjibagore et dans celle de Platon. Les hérésies
des trois premiers siècles sont en grande partie nées du mélange
de CCS dilférens principes avec les dogmes du christianisme. Le
développement de ces principes peut être agréable â ceux qui
Bndent savoir l'histoire de la religion et celle de l'esprit humain.
^P De la Cabale iet Chalàéeiii.
Les Clialdéens avaient conservé la croyance d'ua Être suprême
qui «itistait par lui-même, qui avait produit le monde et qui le
gouvernait.
Bien n'était plus intéressant pour la curiosité humaine que la
^V M« CAB
^^H connainance de cei Être et celle des lois auxquelles U ttitt »
^^H mis le monde : tes Chaldëens s'occupèrent beaucoup plus de ces
^^H ' objets que les aulres peuples , d^lermiaés apparemmenl par la
^^H beauté du climat, par la tranquîUiié de leur vie et par l'esp^e
^^m d'inquiétude qui Élève l'esprit humain à ces objets, et dont les
^^M côconstances étouB'entou d6ploient l'activité,
^^F Ce ne fut qu'avec le secours de l'imagination qu'ils entrepri-
rent de s'élever k ces connaissances, ou plut6t ce fut l'imagina-
tiou qui construisit le système de U tliéologieet de la cosmogonie
I
I
Comme l'Être suprême était la source de l'existence et de la
fécondité, les OialdéeuG crorent qu'il était dans l'univers ii peu
près ce que li chaleur du soleil était par rapport à la terre; ils
se représentèrent doue l'Être suprême comme un Teu ou comme
une lumière ; mais comme la raison ne peroiettait pas de regarder
Dieu comme uo être matériel , ils le conçurent comme une lumière
inliniment plus brillante , plus active et plus subtile que la lu-
mière du soleil : c'est ordinairement ainsi que l'esprit Lumain
concilie la raison et l'imagina lion.
Lorsqu'une fois les Cbaldéens eurent conçu l'Être suprême
comme une lumière qui donnait l'existence, la vie, l'inieUigence
i tout, ils conçurent la création du monde comme une émanation
sortie de cette lumière; ces émanations, eu s'éloignant de leur
source, avaient perdu de leur activité; par le dècroisGemcnt suc-
cessirde cette activité, elles avaient perdu leur légèreté; elles
s'étaient condensées ; elles avaient, pour ainsi dire, pesé les unes
sur les aulres; elles étaient devenues matérielles, et avaient
formé toutes les espèces d'êtres que le monde renferme.
Ainsi , dans le système des Cliiildécns , le principe des émana-
tions, ou l'intelligence suprême , était environnée d'une lumière
dont l'éclat et la pureté surpassent tout ce qu'on peut imaginer.
L'espace lumineux qui environne le principe ou la source des
émanations est rempli d'intelligences pures et heureuses.
Immédiatement au-dessous du séjour des pures intelligences
commence le monde corporel, ou i'enipjrée : c'est un espace im-
mense, éclairé par la lumière qui sort immédiatement de l'Être
suprême; cet espace est rempli d'un feu infiniment moins pur
quels lumière primitive, mais inQ ni ment plus subtil et plus raré-
fié que tout le ciirps.
An-dessouï dêl'empjpée, c'est l'éther, on un grand espace reni-
CAB !
Tu^ea plus grossier que l'empyrée, mais que le feu de l'em-
parée échaulïe.
Après l'éther, sont les étoiles fixes répandues dans ud espaça
imnieose, où les parties les plus denses du feu étliéré se sont rap-
procliées el ont formé les étoiles.
Le monde des ptaiiëtea suit le ciel des étoiles fixes ; c'est l'e^
pace qui renferme le soleil , la lune et les planètes.
C'est dans cet espace que se trouve b dernier ordre des êtrei,
c'esl-îi-dire la matière, qui non-seulement est destituée de toute
activité, mais encore qui se refuse aux impressions et aux a
vemens de la lumière.
Il j avait donc entre l'Être suprême et les êtres qui sont si
terre une cbalne d'êtres intermédiaires , dont les perfections dé-
croissaient S) mesure que ces êtres étaient éloignes du séjour de
r£tre suprême.
I L'intelligence suprême aiaît communiqué aux premières éi
I Mitions, dans le degré le plus éminenl , l'intelligence , la force «t
Ja fécondité : toutes les autres émanations participaient moin
ee« attributs à mesure qu'elles s'éloignaient de l'intelligence su-
prême.
Comme les parties lumineuses sont des esprits , dans le sys-
tème des émanations, les dilTérens espaces lumineux qui s'éteo-
dciit depuis la luue jusqu'au séjour de l'intelligence suprême si>Ht
remplis de dilTérens ordres d'esprits.
L'espace qui est an-dessous de la lune éclaire la terre; c'eat \
donc de cet espace que desceudeut les esprits sur la terre.
Ces esprits, avant de descendre au-dessous de la lune, sont |
unis i un corps éthérien , qui leur sert comme de véhicule , et ptr |
le mûjen duquel ces esprits peuvent voir et connaître les objets
que renferme le monde sublunaire.
Selon les Cbaldéens, les âmes humaines n'étaient que ces ec>
prils qui , avec leurs corps éthériens , s'unissaient au fœtus b»-
main. Le dogme de la métempsycose était une suite naturelle d« i
ces principes , et l'on supposa que les &raes uniesau corps LnraaÎB
par la volonté de l'Être suprême j rentraient lorsqu'elles I
avaient été dégagées par la mon.
L'esprit humain, toujours inquiet sur la destination , rechercfai
la lin que l'Être suprême s'était proposée en unissant des esprit!
au c«rps humain : l'idée de la bonté de l'Être suprême , U beautA
du spectacle de Ut nature , le rapport de tout ce que la terre pr«*
368 CAB
duit a?ec le plaisir de riiomme , firent juger que Tàme était anie
au corps afin de la rendre heureuse par cette union ; et comme on
supposait la matière sans activité et absolument incapable de se
mouvoir elle-même, la formation du corps humain , la productioa
des fruits , tous les dons de la nature furent attribués à des es-
prits bienfaisans : c*étaient ces esprits qui faisaient parcourir au
soleil sa carrière, qui répandaient la pluie, qui fécondaient It
terre , et Ton attribua à ces génies des fonctions et des forces dif-
férentes.
Dans cet espace même qui est au-dessous de la lune, au mi-
lieu de la nuit on voyait se former des orages, les éclairs sor-
taient de Tobscurité des nuages, la foudre éclatait et désolait la
terre ; on jugea qu*il y avait des esprits ténébreux, des démons
matériels répandus dans Tair.
Souvent du sein de la terre où tout est ténébreux on voyait
sortir des flots de feu ; la terre était ébranlée par les volcans ! on
supposa des puissances terrestres ou des démons dans le centre
de la terre; et comme on supposait la matière sans activité et in-
capable de se mouvoir par elle-même, tous les mouvemens des
corps, tous les phénomènes furent attribués à des génies.
Les tonnerres, les volcans, les orages semblaient destinés à
troubler le bonheur des hommes : on crut que les démons qui
les produisaient étaient malfaisans et haïssaient les hommes ; on
leur attribua tous les évènemens malheureux, et Ton imagina une
espèce de hiérarchie dans les mauvais génies, semblable à celle
qu'on avait supposée pour les bons.
Mais pourquoi Tintelligence suprême, qui était essentiellement
lK)nne, n*accablait-elle pas du poids de sa puissance cette foule de
génies malfaisans?
Les uus crurent qu'il n'était pas de la dignité de Tintelligence
suprême de lutter elle-même contre ces génies, et qu'elle en avait
remis le soin aux génies bienfaisans ; les autres crurent que ces
génies, méchans par leur nature, étaient indestructibles, et que
l'intelligence suprême, ne pouvant ni les anéantir ni les corri-
ger, les avait relégués au centre de la terre et dans l'espace qui
est au-dessous de la lune, où ils exerçaient leur empire et leur
méchanceté ; que, pour soutenir le genre humain contre des en-
nemis si dangereux, si nombreux et si redoutables, l'intelligence
suprême envoyait dans le monde terrestre des esprits bienfaisans
qui défendaient sans cesse les hommes contrôles démons matériels.
CAB 360
I.es bons et les niauTsia génies avaient des funcliuDS par-
ticulières el des degrés différens de iioissanw ; on leur
donn» des noms qui ex primai en l luurs fonclloas et leurs puia-
sanees.
Puisque les esprits bienraisans étalent chargés de proléger les
hommes et de les secourir dau^i leurs besoins, il fallait bien qu'ils
entendissent le langage des hommes, aèa de les secourir lors-
qu'ils seraient appelés. On crut que les hommes avaient des gé-
nies protecteurs contre tous lus njalheurs, et que chaque génii;
avait son nom qu'il suCTisait de prononcer pour leur faire connal'
Ire le besoin que l'on avait de leur secours ; ei pour l'obtenir on
rechercha les noms qui pouvaient convenir aux génies bienlui-
ssats et leur faire connaître les besoins des hommes; et, comme
les noms ue sont que des combinaisons des letii'es de l'alpbabel,
on crut, en combinant différemment ces lettres, trouver les noms
des génies dont ou avait besoin. La prononciation du nom du gé-
nie dont on avait besoin l'iaii une espace d'évocation ou de prif^re
i laquelle on croyait que te génie ne pouvait résigier : el loiti
l'origine de la Cabale, qui attribuait à des noms bizarres la vertu
de faire venir les géulcs, d'être en commerce avec eux et d'opé-
rer des prodiges.
Ces mêmes noms servaient quelquefois k chasser les génies mal-
faisans: c'êtaientdesespècesd'exorcismes; car oncrojaitqae ces
génies étaient reloués dans le centre de la terre, et qu'ils ue fai-
saient du mal que parce qu'ils avalent Iromjié la ligtlanGe des
génies destinés ïlestenlr renfermés, el s'étalent échappés dansVat-
nosphitre. On croyait que ces génies malfaisaus , lorsqu'ils enleu-
daienl prononcer le nom des génies qui les tenaient renfermés
dans le centre de la terre, s'enfuyaient, à peu près comme un pri-
sonnier échappé qui entend appeler ta garde.
Comme on avait supposé dans le nom des génies , ou dans les
signes qui exprimaient leur l'onction , une vertu ou une force qui
les obligeait !i se rendre auprès des hommes qui les invoquaient,
on cmt que le nom ou le signe du génie, gravé ou écrit, Ëierait,
pour ainsi dire, le génie auprès de celui qui le porterait , el o'tHl
apparemment l'origine des talismans faits avec des mots gravés
ou avec des figures symboliques.
Toutes ces pratiques étaient en usage chez les Chaldécns
M chez presque tous les Orieutaua ; tous les monnmcns de
H histoire de leur ibéulogie <?t de leur iiliilusophie ]':illeâteut ot
CAB
s coajectares sDr l'origine de la Ca-
De la Cabote nie de» prineipet 4e Pylbagore.
Les philosophes grecs nevirent, pour la plupart, que dumou-
remcDt et de la maliËre dana les phénomènes que les Chaldéens
attribuaieot i des génies.
Pjlhagore reconnal , comine les Clialiléens ses maîtres , l'eiis-
ence d'une inlellîgeace suprême qui avait formé le monde : ce phi-
losophe pensait que l'ordre, la régularité , l'harmonie qu'il dé-
couvrait dans le monde , De pouvait naître du mouvemeot de la
matière; il admit donc dans le monde une tnlelligoDcequi en avait
arrangé les parties ; tons les phcnomèncf de la nature lui parurent
suites des lois établies par l'intelligence suprême pour la dis-
miou des mouvemeas , et les génies des Chaldéens ilisparu-
reat k ses jeux : il ne vit dans la nature qu'une intelligenee 8u~
préme, de la matière, du mouvement.
.u milieu du magnifique spectacle de la nature , il aperçut des
irrégularités, des désordres qu'on ne pouvait attribuer à l'intelli-
gence suprême, puisqu'elle aimait l'ordre et l'harmoDie; il en con-
clut que les désordres étaient produits par le mouvement de la
matière que l'intelligence suprême ne pouvait arrêter ou diriger^
il en coDclnt que l'intelligence productrice du monde n'était pas
le principe du mouvement , et il admît dans la nature de la ma-
tière une force motrice qui l'agitait , et une inlelligence qui n'a-
vait produit ni la matière , ni le mouvement , mais qui détermi-
nait la force motrice, et qui , piir ce moyen, avait formé les corps
et le monde.
Ce philosophe voulut connaître les lois que l'intelligence pro-
ductrice du monde suivait dans la disirihution des n
il vit que, sur la terre, la régularité des corps et desphéno
dépendait des rapports qu'avaient entre eux les mouvcmens qui
concouraient ï leur production ; il porta les yeux vers le ciel , il
découvrit que les corps célestes étaient placés il des dislances dif-
férentes, et qu'ils faisaient leurs révolutions en des temps diÏÏérens
' Foï« l'Hist, delà philosophie orientale, par Stanley; leCommen-
tan^philolofciquc de M. le Clerc, dans le second volume de sa Philoso-
phie. Paaii Berger! Cabalismus judalco-christianus. Willember^v,
CAB 271
et proportionnés k leur dislaace : il conclut de ces observations
que l'urdre et l'harmonie di?pendaienl des rapports des mouve-
mens et des distances des corps ; c'était donc , selon Pjthagore ,
la connaissance de ces rapports qui avait dirigé l'intelligence
productrice du inonde dans la distribution des mouvemeus.
La distanceetle mouvement sont des grandeurs ; ces grandeurs
ont des parties , et les plus grandes ne sont qae les plus petites
multipliées un certain nombre de Tois.
Ainsi les dislances, les mouvemeus des corps célestes , les rap-
ports des mouvemeus qui devaient concourir à la production des
animaux ou des plantes et mettre de la proportion entre leurs
parties, s'exprimaient par des nombres, et l'iotelligence suprême,
avant b production du monde, ne les connaissait que par des nom-
bres purement intelligibles.
C'est , selon Pylhagore , sur le rapport que l'inlelllgence aper-
cevait entre ces nombres intelligibles qu'elle avait formé et eié-
en lé le plan du monde.
Les rapports des nombres ne sont point arbitraires ; le rapport
d'égalité entre deux fois deux et quatre est nécessaire , indépen-
dant, immuable.
Puisque les rapports des nonibres ne sont point arbitraires el
que l'ordre des productions de t'inlelligence suprême dépend du
rapport qui est entre les nombres, il est clair qu'il y a des nom-
bres qui ont un rapport essentiel avec l'ordre et l'barmonie , et
que l'intelligence suprême , qui aime l'ordre , suit , dans la dis-
tribution des mouvemeus , les rapports de ces nombres etne peut
La connaissance de ces rapports, ou ces rapports étaient donc la
loi qui dirigeait l'inlelligence suprême dans ses productions; et
comme ces rapports s'exprimaient eux-mCmes par des nombres ,
on supposa dans les nombres une force ou une puissance capable
de déterminer l'intelligence suprême h produire certains effets
plutôt qued'aulres. D'après ces idées, on rechercha quels étaient
les nombres qui plaisaient davantage !l l'Être suprême ; et voilà
une espèce de Cabale arithmétique née des principes de la philo-
Sophie pythagoricienne '.
I
t Vayti Laért., I, 8. Siotiée, Ecolog. physic, c I. Jambl.,
aijsièT. Tbéodoreti To-ap., 1. 11. Eianuen du fatalisme, t. 1, A l'ai
la |itiîloKiplue pjlliagcincieune.
Des
J7J CAB
Delà Cabale née des principes de la phUoêophU ie Flakm,
, PlalOQ crut qu*il y avait un Dieu suprême, spirituel et inYÎsible,
qu*il appelait Têtre même , le bien mêmey le père et la. cause de
toutes choses.
11 plaçait sous ce Dieu suprême un être inférieur qu'il appelait
la raison, le conducteur des choses présentes et futures, le créa-
teur de Tûnivers , etc. Enfin il reconnaissait un troisième être ,
qu*il appelait Tesprit ou Tâme du monde : il ajoutait que le premier
était le Père du second et que le second avait produit le troisième *.
Le Dieu suprême était placé au centre du monde : tout est , ^
sait'il, autour du roi de toutes choses , et tout est à cause de lui ;
il est la cause de tous les biens ; les choses du second ordre soiit
autour du second ; les choses du troisième sont autour du troi-
sième.
Le créateur, selon Platon , avait formé le monde très-parfait,
en unissant une nature corporelle et une créature incorpordie.
Platon distinguait trois parties dans le monde : il plaçait dans la
première les êtres célestes et les dieux ; les intelligences éthé-
riennes et les bons démons, qui sont les interprètes et les messa-
gers des choses qui regardent le bien des hommes , étaient dans
la seconde ; enfin la troisième partie du monde , ou la partie infé-
rieure du monde» renfermait les intelligences terrestres et les âmes
des hommes immortels.
Les êtres supérieurs gouvernaient les inférieurs ; mais Dieu, qui
en est le créateur et le père, règne sur tous , et cet empire pater-
nel n*est autre chose que sa providence , par laquelle il donne à
chaque être ce qui lui appartient ^.
Les différens ordres des esprits que le monde renferme sont
donc unis ; et voici comment la philosophie platonicienne expli-
quait leur union: les divisions du second ordre se tournaient vers
les premières intelligences , alors les premières intelligences don-
naient aux secondes la même essence et la même puissance qu'el-
les avaient ; c'était par ce moyen que Tunion s'entretenait entre
les différons ordres d'esprits que l'Être suprême avait produits ^.
^ Voyez son Timée, sa seconde et sa sixième lettre.
2 Hierocles, De providentiâ apud Photium.
' Jambl., De myster. i£gypt, sect, i, c. 19. Ce n'est pas ici le sys-
tème pur de Platon, qui peut-être n*en avait point; mais c'est le sen-
timent auquel il parait avoir donné la préférence et auquel ou avait
GAB 2TZ
Ainsi, dans les principes de la philosophie platonicienne, l'es-
prit humnln pouvait, parson union aui différens ordres d'csprils,
s'élever à la plus haute perfecliou, et il n'élait pas possible qu'on
ne cherchât avec ardeur les mojeos de parvenir h celle union :
voilà donc encore une espace de Cabale qui devait naRre de la
philosophie platonicienne.
De l'union detpriacipet de la Cabale avec le Chritlianitme.
La doctrine desChaldéens sur l'origine du monde, surlesdieui,
sur les génies ; leur astrologie , leur magie s'étaient répandues
dans tout l'Orient ; elles avaient pénétré chezies Juifs et chez les
Samaritains ; les bgypliens avaient une partie de leurs opinions
et de leurs pratiques.
Ainsi, lorsqu' Alexandre et ses successeurs portèrent en Ëgjpte
et en S^^rie tes sciences des Grecs , les esprits étaient disposés à
recevoir les idées de Pjthagore et de Platon , qui s'accordaient
mieni avec la théologie chaldêenne et égyptienne que le syslèmc
des autres philosophes grecs.
La philosophie de Pjibagore, tombée dansl'oubli chez les Grecs,
reparut donc en Égjpte et dans l'Orient; avant la naissance du
Christianisme , on allia les seotimens de Pjlhagore avec ceux de
Platon , et des principes de ces deux philosophes on Tonna un
sjstème de philosophie et de théologie qui l'emporta sur tous les
autres systèmes ; ainsi la doctrine des génies, le système des éma-
nations, l'art de commander aui génies, la science des propriétés
et des vertus des nombres, aussi bien que la magie , étaient Tort
en vogne dans l'Orient â la naissance du christianisme.
La religion chrétienne éclairait l'esprit humain sur les diflicul-
lés dont il cherchait la solution dans les systèmes des philoso-
phes; elle apprenait aui hommes qu'un Etre tout-puissant et sou-
verainement parrait avait produit tout par sa volonté ; qu'il
avait voulu que le monde fût, et que le monde avait existé ; qu'il
j avait dans cet Être suprême trois personnes ; qne l'homme avait
été créé innocent , qu'il avait désobéi à Dieu, et que par sa déso-
bëissaiice il était devenu coupable et malheureux ; que son crime
et son malheur se transmettaient â sa postérité ; qu'une des per-
sonnes divines s'était unie à rtinmanité , qu'elle avait satisfait
■jouté des idées étrangères. Fcyc: l'Eiameu du fatalisme, sur la philo-
S74 CAB
& la juBlice divineet réconcilié les liommes avec Dieu ; qn'uiu té-
lieilé élernelle était préparée aux hommes qui proâieraicot des
grâces du ftédeaipleur et qui pratique raient lea vertus dont il
était veau donner l'eiempte sur la terre.
Ces vérités étaient annoncées et prouvées par les ap6tres et
coniirinées par les miracles les plus éclatans et les plus certains.
Les philosophes platoniciens et pythagoriciens , dont les prin-
eipes avaîeoi plus d'analogie avec les dogmes de la religion chré-
tienne , embrassèrent le cliristianisme.
Hais la religion chrétienne, en instruisant solidement l'hotume
sur tout ce qu'il lui est essentiel de eonnaitre pour éire vertueux
et pour mériter le bonheur éternel , garde le silence sur tous les
objets qui ne peuvenl qu'intéresser la curiosité ou satisfaire la
vanité. Elle n'explique point comment Dieu a tout produit par sa
bonté, elle ne nous donne point d'Idée de la création , et nous
ne pouvons l'imaginer, quoique la raison en voie clairement la
vérité; la religion ne nous dit point pourquoi ni comment Dieu a
créé le monde tel qu'il est, pourquoi il y a des imperfections,
t il le conserve, comment il unit l'âme ao corps hu-
La curiosité inquiète voulut connaître tous ces objets et former
des systèmes pour expliquer tout ce que la révélation n'éclaircis-
sait pas. Les philosophes convertis expliquèrent donc les dogmes
du christianisme par les principes dont ils étaient préoueupési, et
de M naquirent, pendant les trois premiers siècles, presque
toutes les hérésies.
Les philosophes platoniciens et pythagoriciens voulurent donc
allier les dogmes du christianisme avec le syslème des émanations
et avec les principes de la (^bale que nous avons exposés : tels
furent les Gnosliques , Basilide , Saturnin , Valeutiu , Marc , Ëu-
phrate , dont nous avons exposé les principes dans leurs articles.
I^s Juifs adoptèrent aussi les principes de la Cabale. Nous
n'entreprendrons point de fixer l'origine de cet art chezeux,mais
il est certain qu'ils s'y appliquèrent beaucoup et qu'ils préten-
dirent trouver dans les diOérens arrangemens des lettres de l'al-
phabet hébreu de grands mystères ; il y en avait qui adoptaient
le système des émanations , et ils le déguisèrent sous le nom des
Séphirots ', qui ne diffèrent point en effet des Eons des Valenti-
* Les Séphirois sont ta partie la jilus considérable de la Cabale» J|
CAS aie
I. lit (tiétndireiit mâme doDUM ï ces cannaissBnces une ori-
gine divine , et appuyèrent toutes leurs opinions sur des Autorités
qui reraonlaienl k Moïse ou même à Adam , el c'est apparemment
de là qu'est venu le mol de Cabale, qui signilie tradition. Il est
certain que les Juifs avaient une Iradition , mais il n'est pas moins
certain que les Cabalistes ne l'ont point suivie, ou qu'ils l'ont
tellement défigurée que la Cabale des Juifs ne peut être d'au-
cune utilité; leurs écrivains sont d'une obscurité impénétrable,
et les explications philosophiques qu'un en donne ne contiennent
rien que de trivial et qu'on ne sache mieni d'ailleurs. Nous
nous contenterons d'indiquer les auteurs qui en ont traité '.
Après la prise de Constant! no pie par les Turcs, les Grecs ap-
portèrent en Occident la philosophie de Platon , d'Aristoie et de
Pjthagore : on emprunta des Sarrasins des commentateurs pour
les éclaircir, et les Sarrasins , qui avaient reçu en grande partie
les sciences des philosophes d'Orieot et d'Alexandrie , firent pas-
ser en Occident la philosophie de Platon et celle de Pjlhagore
unies ensemble el chargées d'Idées éiran{;ères et de pratiques su-
{lerslt lieuses.
On n'étudia pas les langues avec moins d'ardeur que la philo-
sophie : on apprit le grec, l'arabe, l'hébreu , et il j eut des savans
qui prirent insensiblement les idées des philosophes grecs, arabes
ou juifs , et qni adoptèrent leurs idées cabalistiques : tels lurent
Reuchlin, Pic delà Mirandole, George de Venise, Agrippa, qui
renouvelèrent le système des émanations et les rêveries de Jo
Cabale*.
en 1 dix : on les représente queltiueTois sous la figure d'un arbre, parce
que quelques-uns sont comme la racine, et les antres comme autant de
brtnches qui en naissent : ces dii Sèpliirols sont ta Couronne, la Sa-
gesse, rintelligence, la Force ou la Sévérité, la Miséricorde ouIsMagni-
Hcence. la Beauté, la Victoire, la Gloire, le Fondement, le Royaume.
' Basnagc, Hist, des Juifs, t, S. Buddaius, Introducl. ad philos. He-
braorum. Loiius Biga, Disserl., in-d", 170& Jnannis Chrlstoph. Wallii
Bibliol. hebnua, part, 3; Hamburg., in-A', 1731. Jacobi RheuTordii
opéra phiiulDgica; Ullrajccl., 4TS3, 'ui-U°, Pauli Berger] CabatiBm.ju-
dalco-christianus ; Wiltemberg, 17Q7, iU'4°. Mém. de l'Acad. des li^
scripL, t. 9, p. 37. Bnicker, Hist. philos., t. S.
1 Joan, Picî Mirand. (^nduaones cabatistics, 71, secnndiïm opinio-
nem propriam, ei ipsis Hrhneonim sapicnt. fundameotis cliristianam
j^i^ confirmoutcs, Kcuchlin, De arte cabalisticS, De vctho mirifico.
276 CAI
Enfin f dans le dix-septième siècle , il s^alluma dans rAllemagnè
et en Angleterre une ardeur extraordinaire pour la connaissance
des langues orientales et pour le Rabbinisme. Gomme presque
tous les Rabbins ont quelque teinture de la Cabale, les auteurs
qui les lurent adoptèrent leurs idées , et il se trouva en Angle-
terre et en Allemagne des savans qui firent des efibrts incroyables
pour rétablir la Cabale et pour trouver tous les dogmes de la re-
ligion cbrétienne dans les principes de la Cabale ; plusieurs de
leurs ouvrages sont le fruit d'une érudition immense : tels furent
Marc , Morus , peut-être Cudworlh , Knorius , Tauteur du livre in-
titulé Cabala denudata, dans lequel on emploie une érudition
prodigieuse ; enfin , un Allemand nommé Jonas Scharroius écri-
vit, au commencement du dix- huitième siècle, en faveur de la
Cabale , et prétendit trouver une conformité parfaite entre la Ca-
bale, la philosophie péripatéticienne et la religion chrétienne '.
Les principes des Cabalistes modernes sont peu'différens de
ceux que nous avons exposés en parlant de Torigine de la Cabale ;
à regard de l'application qu'ils font de ces principes , quoiqu'elle
soit différente pour les détails , elle est cependant la même pour
le fond : les explications de ces principes et les conséquences que
Ton en peut tirer sont si arbitraires, et la méthode des Cabalistes
est si obscure qu'il est également inutile et impossible de suivre
Tcspril humain dans ce labyrinthe d'erreurs , d'idées folles et de
pratiques ridicules , parce qu'elles ne tiennent ordinairement, ou
])lutôt jamais , à rien de raisonnable ou d'ingénieux. Nous avons
cilé les auteurs où l'on pourra s'en convaincre.
CAINITES , hérétiques ainsi nommés à cause de la vénération
(fu'ils avaient pour Caïn ; ils parurent vers l'an 159 : voici l'origine
(le cette vénération.
Pendant le premier siècle et au commencement du second ^ on
s'était beaucoup occupé à éclaircir l'histoire de la création et à
expliquer l'origine du mal ; on avait adopté tantôt le système des
émanations, tantôt celui des deux principes.
Quelque peu fondée que soit une hypothèse , elle devient în-
Georg. Venetus, Deharmoniâtotiusmundi ; Promptuarium rerumtheo-
log. Agrippa, De occulta phil. Voyez Bruckcr, Hist. pliîlos., t 4, pé-
riod. 2, 1. 2, part. 1, c. A.
* Jonae Conrad! Scharmii Inlroductio in dialcctiçam Cabalaeorum j
Brunsvigx, 1703, in-8».
^ failli
CAI
iblement un principe dans l'esprit de beaucoup de
l'udoplent : on ne s'occupe plus alors ï la prouver ou i l'êlayer,
OD l'emploie comme une lériié roudamenlalc pour expliquer les
pliéaainèaes.
Le sjslËme des émanalions eL celui qui supposait un bon et un
mauvais principe passèrent dans beaucoup d'esprits pour des vé'
rites incontestables d'où l'on partit pour expliquer les phéno-
mènes , et chacun se crut en droit de supposer plus ou moins de
génies ou de principes , et de mettre duns leurs productions, dans
leur puissance et dans leur manière d'agir toutes les différences
qui lui paraissaient nécessaires pour expliquer le phénomène qui
le frappait le plus ou que l'on avait négligé d'expliquer,
La plupart des sectes qui avaicjU précédé les Caînites avaient
expliqué l'origine du bien, et du mal en supposant une intelli-
gence bJenraisante qui tirait de son sein des esprits heureux et
iiinocens, mais qui étaient emprisonnés dans des organes maté-
riels par le créateur, qui était malfaisant.
Ils n'avaient point expliqué d'une manière satisfaisante pour
tout le monde d'ob venait li différence qu'on observait dans les
esprits des liommcs; ainsi, parmi les sectateurs du système des
deux principes, il y eut quelqu'un qui entreprit d'expliquer la
diirérence des esprits et des caraclèrea des bommes : il supposa
que ces deux principes ou ces deux pu'issances avaient produit ,
Adam et Eve ; que chacun de ces principes avait ensuite pris
un corps et avait eu commerce avec Eve ; que les enfans qui
étaient nés de ce commerce avaient chacun le caractère de la puis-,
siince ï laquelle ils devaient la vie : ils expliquaient par ce mojen
ladilTérencedu caractère de Caïnetd'Âbel,etde tous les hommes.
Comme A.bel avait marqué beaucoup de soumission au Dieu
créateur de la terre, ils le regardaient comme l'ouvrage d'un
Dieu qu'ils appelaient Histére.
Caïn, au contraire, qui avait lue Abel parce qu'il servait le
Dieu créateur, était l'ouvrage de la sagesse et du principe supé-
rieur ; ainsi Caîn était , selon eux , le premier des sages et le pre-
mier objet de leur vénération.
Par une suite naturelle de leur principe fondamental, ils hono-
raient tous ceux qui étaient condamnés dans l'ancien Testament ,
Caïn , fîsaû , Coré , les Sodomiles , qu'ils regardaient comme des
enfans de la sagesse et des ennemis du principe créateur. Par une
suite de leur principe ft^damental , ils lionorairnt Judas. Judas ,
■ I. S4
1
2TS CAL
sekMd les Caînites, sayait seal le mystère delà création des honiineSy
et c'était pour cela qu*il avait livré Jésus-Ghrist , soit qu*il s'a-
perçût, disaient ces impies , qu'il voulait anéantir la vertu et les
sentimens de courage qui font que les hommes combattent le
créateur, soit pour procurer aux hommes les grands biens que la
mort de Jésus-Christ leur a apportés et que les puissances amies
du créateur voulaient empêcher en s'opposant à ce qu'il mourût :
aussi ces hérétiques louaient Judas comme un homme admirable
et lui rendaient des actions de grâces^.
Ils prétendaient que, pour être sauvé, il fallait faire tontes
sortes d'actions , et ils mettaient la perfection de la raison à
commettre hardiment toutes les infamies imaginables ; ils disaient
que chacune des actions infômes avait un ange tutélaire , et ils
invoquaient cet ange en la commettant'.
Les Caînites avaient des livres apocryphes, comme l'évangile de
Judas, quelques autres écrits faits pour exhorter à détruire les ou-
vrages du Créateur, un autre écrit intitulé l'Ascension de saint
Paul ; il s'agit dans ce livre du ravissement de cet apôtre, et les
CaTnites y avaient mis des choses horribles.
Une femme de cette secte, nommée Quintille, étant venue en
Afrique du temps de Tertullien , y pervertit beaucoup de monde ,
particulièrement en détruisant le baptême ; on appela Quintillia-
nistes les sectateurs de cette femme : il paraît qu'elle avait ajouté
aux infamies des Caînites d'horribles pratiques ^.
Philastrius fait uue secte particulière de ceux qui honoraient
Judas *.
L^empereur Michel avait une grande vénération pour Judas et
voulut le faire canoniser ^.
Hornebec parle d'un Anabaptiste qui pensait sur Judas comme
les Caînites^.
On a aussi donné aux Caînites le nom de Judaïtes ''.
CALVIN (Jean) naquit à Noyon , au commencement du sei-
*■ Inen., 1. 1, c 35, aliàs 88.
2 Théodoret, Haeret. Fab., 1. 1, c 15, Tert., De prsescript., 39. Iran,
et Epiph., loc, cit. Aug,9 De haer., c. 18.
>Tert, DebapU
* De haer., c Sii, 36.
» Theoph. Raynaud, De Judà proditore, p. 680.
^ Hornebec Controvers., p. 390.
7 Ittig^ius, De hier., scet 2, J 4, 5.
CAL
xiëneûtele;
319
u eoUége de la
partisan 3(
prétendus
k la défense da
■s premières éludes à Paris , i
Marche , et sa philosophie au collège de Montaigu , sous un Espa
gnol. Il étudia le droit k Orléans, sous Pierre de l'Étoile, el à
Bourges, sous Alciai; il fit connaissance, dans celle dernière
ville , aTec Wolmar, Allemand de nalion el professeur en grec :
ce fol sous ce malire que Calvia apprit le grec, le sjriaque et
l'hébreu.
Les sentimens de Lullier et de Zuingic commençaient â se ré-
pandre en France ; Wolmar, maitre et ami de Calvin , était leur
; Calvin adopta les sentimens de son maître el des
s réformateurs. La mort de son père le rappela i Noyon,
peu de temps ; il alla à Paris , où il composa un com-
ir le Trailc de la clémence de Sénéque ; U se fit biei»-
lâl connaître k ceux qui spcrèlement avaient embrassé la ré-
fonne, niais il n'imiia pas leur discrétion, son zèle impétueux
éclata : on voulut l'arrêter , il sortit de Pan
France, pour se retirer à Bàle, où il se dévoi
la réforme.
On comprenait sous le nom de réformateurs et de réformés
celle foule de sectaires Luthériens , Cartostadiens , Anabaptistes,
Zuingliens, Ubtquiiaires , etc., qui remplissaient l'Âllemagiie et
qui s'étaient répandus en Italie, en France, en An(;[eterre eldins
les Pays-Bas : toute leur doctrine consistait en déciamationi
contre le clergé , contre le pape , contre les abus , contre louies
les puissances ecclésiastiques et civiles.
Les réformés n'avaient ni principes suivis, ni corps de doctrine,
ni discipline, ni symbole.
Calvin entreprit d'établir la réforme sur des principes théolo-
giques et de former un corps de doctrine qui réunit tous les
dogmes qu'il avait adoptés dans la réforme , et dans lequel ces
dogmes sortissent de ceux du christianisme, comme des consé-
quences de leurs principes ; eu un mot , 11 voulait former un sym-
bole pour les réformés.
C'était le seul moyen de les réunir et de faire de la réforme une
religion raisonnable : c'est l'objet qu'il se propose dans ses inati-
lutions chrétiennes.
Après avoir fait imprimer ses Institutions, Calvin passa en Ita-
lie pour voir la duchesse de Ferrare , fille de Louis XII ; mais le
duc de Ferrare, qui craignait que le séjour de Calvin chez lui ne
^ brosillit aiec le pap^i l'obligea de sortir de ses liltats. Calvin
1
I
I
380 CAL
refinl en France , et il en sortît bientôt pour se rendre à Stras-
bourg : il passa par Genève , où Varel et Viret ayaient commeooéà
établir la religion protestante ; le magistrat , le consistoire et le
people engagèrent Calvin à accepter une place de prédicatear et
de professeur, Tan 1536.
Deux ans après , Calvin fit un formulaire de foi et on calé-
diisme , qu*il fit recevoir à Genève , où il abjura solennellement
la religion catholique : tout le peuple jura qu*il observerait les
articles de la doctrine , tels que Calvin les avait dressés.
La réforme 8*était établie à Zurich , à Berne , etc. Un synode
de B«me décida , 1* que dans la cène on ne se servirait point de
pain levé ; 2* qu*il y aurait dans Téglise des fonts baptismaux ;
3* que Ton célébrerait tous les jours de fêtes aussi bien que le
dimanche.
Le nouveau réformateur avait condamné, dans ses Institations,
toutes les cérémonies de FÉglise romaine ; il n*en voulut conser-
ver aucune trace et refusa de se conformer au décret du synode
de Berne : le conseil s*assembla , les ennemis de Calvin firôit ai-
sément sentir au conseil que Genève avait dans Calvin , non pas
un réformateur, mais un maître qui , dans ses ouvrages , récla-
mait la liberté chrétienne , et qui , dans sa conduite , était un
despote inflexible. On chassa Calvin , Farel et ses associés.
Calvin se relira à Strasbourg et y fonda une église française,
qui fut bientôt nombreuse par le concours des Proteslans qui
abandonnaient la France , où ils étaient traités avec beaucoup de
rigueur. Ce fut pendant son séjour à Strasbourg qu'il épousa la
veuve d^un Anabaptiste qu'il avait convertie.
Les talens de Calvin lui acquirent h Strasbourg beaucoup de
considération , et les Proteslans de celte ville le députèrent à la
diète de Ralisbonne.
La ville de Genève n'était pas tranquille depuis le départ de
Calvin ; il s'y était fait un parli puissant , qui l'emporta enfin sur
ses ennemis, et Calvin fui rappelé à Genève trois ans après qu'il
en avait été chassé.
Ce fut alors qu'il prit à Genève un empire absolu , qu'il con-
serva jusqu'à sa mort : il régla la discipline à peu près de la ma-
nière qu'on la voit encore aujourd'hui dans les églises prétendues
réformées ; il établit des consistoires , des colloques , des synodes,
des anciens , des diacres , des surveillans ; il régla la forme des
prières et des prédica^ons, U manière de célébrer la c^ne , de
CAL 281
bapiisur, d'eoicrrer les morts. Il établit uni; jui-ididiuii cunsisto-
ri^le à laquelle il prélendit pouvoir donner le draîi de (
el (le peines canoniqnes, et même la puîssamie d'e;
Il Gl ensuite nn catéchisme htin el français , fort différent du pre-
mier qu'il avait fait , et obligea les nia^isiiats el le peuple h s'en-
gager pour toujours ù le conserver.
La rigueur avec laquelle Calvin eierçait son pouvoir sans bor-
nes, et les droits de son consistoire, lui attirèrent beaucoup d'en-
nemis et causèrent quelquefois du désordre dans la ville ; mais
ses lalejils et sa fermeté trinuiphèrent de ses enneuiis. Il était in
flexible daus ses sentimens , invariable dans ses démarches , et
capable de tout sacrifier pour le soutien d'une pratique indiffé-
rente comme pour la défense des prmiiicrcs vérités de la religion.
Un liomme de ce caractère, avec de grands lalens et de l'austérité
dans les moeurs , vient ù bout de tout , et subjugue infailliblement
la multitude et les caractères faibles , qui aiment mieux k la fia se
soumettre à tout que lutter sans cesse contre la domination armée
de l'éloquence et du savoir.
Calvin ne jouissait cependant pas tranquillement de ses triom-
phes ; à peine une Taction s'était éteinte que de nouveaux enne-
mis s'élevaient : on attaqua aa doctrine. Boiscc , carme apostat ,
l'accusa de faire Dien auteur du péché ; il entreprit de le prouver :
Calvin alla le visiter et s'efforça de le gagner, mais inutilement,
et Bolsec commençait i se faire écouter avec plaisir. Calvin , qui
avait assisté secrètement ï une de ses conlérences, parnt sur la
scène aussitôt qu'elle fut finie, parla pour le réfuter, entassa tous
les passages de l'Ëcrltnre et de saint Augustin qui paraissaient
favoriser son sentiment sur la prédestination. Calvin abusait de
ces passages , et l'emportement avec lequel il les débitait ne dé-
truisait point dans l'esprit de ses auditeurs l'impression qu'a-
vait faite l'accusation de Bolsec : il engagea donc le magistrat
h faire arrêter Bulsec ; on le mit en prison, on 1'; traita fort mul,
sons prétexte qu'il avait causé du scaod^ile et troublé la paii de
l'Ëglise.
L'apàtre de Cenève poussa sa vengeance ou ses précautions
plus loin : il écrivit aux cantons suisses qu'il fallait délivrer la
terre de cet homme pernicicui , de peur qu'il n'allât infecter de
son poison toutes les contrées voisines.
Un seigneur qui jouissait d'une grande considération el que
Calvin avait engagé daus lu réforme , M. Falais, justemftwV 'Wi\-
'IV
282 CAL
gné de la conduite deCaWin, préyint les cantons contre let àe^f
sdns de ce réformateur, qui se contenta du bannissement de Bol-
sec *9 lequel fut banni de G^ève comme conrainca de séditiiMi et
de Pélagianisme.
Ainsi , Ton était séditieux , ennenû de la tranquillité pQbtiqne^
lorsqu'on osait contredire Calvin ; on était Pélagien et IVm méri-
tait la mort , parce qu'on croyait que , dans ses principes « lUea
était auteur du péché. Yoilà le réformateur qui s'est empiété •
avec fureur contre la prétendue tyrannie de TÉgUse romaine. On
dispute dans cette Église sur la nature et sur l'efficacité de la grke;
les partisans de la gr&ce efficace par elle-même et de la prémo-
tion physique prétendent que l'on ne peut nier leur senUmeat
sans tomber dans le Pélagianisme , et les théologiens du sentiment
opposé rejettent la grâce efficace par elle-même et la prémotioii
physique, parce qu'ils croient qu'elle fait Dieu auteur du pédié ;
mais jamais on n'a vu ces théologiens dire qu'il fallait brûler leori
adversaires.
Le bannissement de Bolsec augmenta le nombre des ennemis
de Calvin : on ne trouvait pas qu'il se f(it justifié sur l'odieuse Jm-
pntation de faire Dieu auteur du péché ; on parla ouvertement
contre sa doctrine sur la prédestination ; il y eut même des pas-
teurs de Berne qui voulurent intenter sur ce sujet un procès à Cal-
vin ; Bolsec y renouvela ses accusations , et Castalion , qu'il avait
encore obligé de sortir de Genève , parce qu'il ne pensait pas
comme lui , le décriait à Bâle ^.
Servet , qui s'était échappé de la prison où il était enfermé en
France, se sauva vers ce temps à Genève; Calvin le fît arrêter, et
fit procéder contre lui dans toute la rigueur possible. Il consulta
les magistrats de Bâle , de Berne , de Zurich , de Schafhouse, sur
ce qu'on devait prononcer contre cet Anti-trinitaire ; tous répon-
dirent qu'il fallait le faire mourir^ et ce fut l'avis de Calvin ; les
magistrats de Genève condamnèrent donc Servet à être brûlé vif.
Comment des magistrats qui ne reconnaissaient point de juge in-
faillible du sens de l'Écriture pouvaient-ils brûler Servet parce
qu'il y trouvait un sens différent de celui que Calvin ou eux-
mêmes y trouvaient? Voilà quelle était la logique ou l'équité des
premières conquêtes de la réforme.
* Spond. ad an. 1545. Hist de Genève, t, 2, p. 33. Pré(«ce des kt-
tre» de Calvin à M. Falais,
2 An 1552,
GAX.
Et Calvin , et les ministres protestans qui avaient établi pour
base de la réforme que l'Écriture était seule la rfgle de noire
foi , que chaque particulier était le juge du seos de l'Ëcrïl
Calvin , dis-je , et les ministres protestans faisaient brûler Servet
qui voyait dans l'Écriture un sens diOëreot de celui qu'ils j
voyaient ; ils firent brûler Servet, qui se trompait, à la vérité, et
qui se Irompait grossièrement, et sur un dogme fondamenlal, mais
qui pouvait, sans crime, ne pas déférer au jugement des ministres
et de Calvin , puisqu'aucun d'eux ni leurs consistoires n'étaient
infaillibles , et que ce n'est point à eux que Dieu a dit : Qui vous
écoule, m'écoute.
Calvin osa faire l'apologie de sa conduite envers Servet, et en-
treprit de prouver qu'il fallait faire mourir les hérétiques '.
Lelio Socin et Casialion écrivirent contre Calvin , et furent ré-
futés à leur tour par Théodore de Béze *.
Et cependant les réformateurs , les ministres se sont décbalnés
contre les rigueurs que l'on eierçait contre eus dans tes Étals
catholiques, oli l'on ne punissait les Protestans que parce qu'ils
étaient condamnés par une autorité infaillible, parl'^lise. Voilï
ù quoi ne font pas assez d'attention ceux qui prétendent excuser
Calvin sous prétexte qu'il n'availfait qu'obéir au préjugé de son
siècle sur le supplice des hérâiiques : d'ailleurs, il est certain que
Calvin aurait traité Bolsec comme Servet, s'il l'avait osé ; cepen-
dant Bolsec ne pensait , sur la prédestination, que comme pen-
saient beaucoup de théologiens luthériens. Ce n'était donc point
la nature des erreurs de Servet qui avait allumé le léle de Calvin :
Bajle est beaucoup plus équitable sur cet article que son conU-
Le supplice de Servet n'arrêta pas, à Genève, la licence de
penser : les Italiena qui avaient embrassé les erreurs de Calvin
s'y étaient retirés, et y avaient formé une Église itiMenne, où
Gentilis, Blandrat, etc., renouvelèrent l'Arianisme, 15^8.
Gentilis fut mis en prison et aurait péri comme Servet s'il ne se
fût rétracté; il sortit de Genève, passa sur le territoire de
Berne, où il renouvela ses erreurs, et eut la tête coupée, 1S66.
* Fidelis etpnsitio errorum Micbaelis Serreti, cl brevis eorumdem re-
fulatio, ubi docelur jure giadii coer^endos esse hEerelicos ; an 155A-
3 De ha^rclic. ii maeislratu puniendis.
' Arl. BàiE, noie F, Supplément de Bajie, art. SsnvBT.
1
384 CAL
Okîn ne fut guère mieux traité par Calvin qae Gentilîs ; il parut
donner dans rArianisme, et Calvin le fit chasser de Genève.
Calvin n'était pas seolement occupé à affermir sa réforme à
Genève ; il écrivait sans cesse en France, en Allemagne, en Polo-
gne, contre les Anabaptistes, contre les Ânti-trinitaires, contre
les catholiques^.
Ses disputes ne Tempéchaient pas de commenter rËcriture
sainte et d*écrire une infinité de lettres à différens particuliers. Ce
chef de la réforme avait donc une prodigieuse activité dans Tes-
prit ; il était d'ailleurs d*un caractère dur, ferme et tyrannique ;
il était savant; il écrivait purement, avec méthode; personne ne
saisissait plus finement et ne présentait mieux les côtés favorables
d'un sentiment ; la préface de ses Institutions est un chef-d'œuvre
d'adresse ; en un mot , on ne peut lui refuser de grands talens ,
comme on ne peut méconnaître en lui de grands défauts et des
traits d'un caractère odieux.
11 a le premier traité les matières théologiques en style pur et
sans employer la forme scolastique ; on ne peut nier qu'il ne fût
théologien et bon logicien dans les choses où l'esprit de parti ne
l'aveuglait pas : ses disputes contre Servet, contre Gentilis, contre
les Ânti-trinitaires, contre les Anabaptistes, font regretter l'usage
qu'il fit de ses talens : il mourut au milieu de ses travaux et de l'a-
gitation , le 21 mai 1564. Ses ouvrages ont été recueillis en neuf
vol. in-folio. Voyez l'art. Réforme.
CALVINISME, doctrine de Calvin; nous la tirerons de ses In-
stitutions chrétiennes : nous avons dit, à Farticle Calvin^ commentil
fut déterminé à composer cet ouvrage ; il est divisé en quatre li-
vres, dont nous allons exposer les principes.
Premier livre des Institutions,
La religion suppose la connaissance de Dieu et celle de l'homme.
La nature entière exprime et publie l'existence , les attributs,
les bienfaits de l'Être suprême : le sentiment de notre faiblesse ,
nos besoins , nous rappellent sans cesse à Dieu ; son idée est gra-
vée dans nos âmes ; personne ne peut l'ignorer: tous les peuples
reconnaissent une divinité; mais l'ignorance, nos passions, l'ima-
gination, se sont fait des dieux, et le Dieu suprême était inconuu
presque dans toute la terre.
« Epist. Gahîu.
CAL 285
Il Tallaît donc, pour conduire l'honuiie û Dieu , un niojeu plus
sur que le spectacle de la nature cl que la raison humaine : lu
bonté de Dieu l'a accordé aux hommes, ce moyen ; il nousa réïélé
lui-jiiânie ce que nous devions saïoir.
Depuis long-iemps Dieu n'accorde plus aus hommes de révé-
lation ; depuis long-temps il n'a envojé ni prophètes, ni hommes
inspirés : mais sa providence a conservé les révélations qu'il a
Taitca aux hommes, et elles sont connues dans l'Ëcriliire.
Nous avons donc , dans l'ancien et dnns le nouveau Testament,
<t nécessaire pour connaître Dieu , sou essence , ses
)5 obligations envers
altrihuts, le culte que nous lui dcv
les autres hommes ^
s appeU.1
récri-
ture sainte est en effet révélé î Comment s;
vélalion qu'elle contient n'a pas été allérée? Comment distin-
guons-nous les livres canoniques des apocryphes? N'est-ce pas
ù rfxjlise à fixer noire croyance sur loua ces points î
Ici Calvin se met en colère et se répand en injures assez gros-
sières contre les catholiques : Ces hommes sacrilèges , dit-il , ne
veulent qu'on s'en rapporte sur tous ces points ï eux que pour
donner à l'Ëglise un pouvoir illimité , et pour lui soumettre tous
les hommes, toutes les puissances, toutes les consciences.
C'est ainsi que parlecelui qui a faîlhrùlerServet parce qu'il ne
se soumettait pas k sou sentiment, et qui, s'il l'eût osé, aurait fait
brûler Bolsec parce que Bolsec osait dire que les senlimens de
Calvin , sur la prédestination, faisaient Dieu auleurduiiëché.
Calvin revient ensuite a sou objection : L'autorité derbglisc, dit-
il, n'est qu'un témoignage humain, qui peut tromper, et qui n'est
pas assez sûr pour tranquilliser les consciences : il faut que le
Saiut-Esprit couHrme ce témoignage extérieur de l'Ëglise par
un témoignage intérieur ; il faut que le même esprit qui a parlé
par les prophètes entre dans nos cœurs , pour nous assurer que
les prophètes n'ont dit que ce que Dieu leur a révélé : c'est cette
espèce d'inspiration particulière qui nous assure de la vérité de
l'Écriture.
Cette inspiration qui i
e que l'Ëcriture contient la rt
286 CAL
▼élation divine n'est , au reste , que pour les fidèles ; car divin
ne nie point que l'autorité de F^lise ne soit le seul moyen et
vn moyen sûr pour démontrer à Tincrédule la dhrinité de Ft-
critore ^.
Il expose même assez bien les preuves de la diTimté de l*Kcrir-
tare; mais il prétend qu'elles ne peuvent produire une eertitiide
complète sans le témoignage intérieur du Saint-Esprit *•
Puisque l'Écriture sainte est révélée , et que le Saint-Eiprit
nous instruit pour en connaître le sens et pour développer les
vérités qu'elle contient , il faut regarder comme des fanatûnies
et comme des insensés ces sectaires qui dédaignent de lire l'É-
criture, et qui prétendent que le Saint-Esprit leur a révélé immé-
diatement etextraordinairement tout ce qu'il faut faire ou croife ;
comme si l'Écriture n'était pas suffisante , et comme si saint Paid
et les apôtres n'avaient pas recommandé la lecture des prophètes *.
Après avoir établi l'Écriture comme la seule règle de notre
croyance , Calvin recherche ce qu'elle nous apprend de Dieu ; il
voit d'abord, qu'elle oppose partout le vrai Dieu au dieu des Gen-
tils, et qu'elle nous fait connaître ses attributs , son éternité | sa
justice, sa bonté, sa toute-puissance, sa miséricorde, son unité.
L'Écriture défend de représenter Dieu , de faire des images ou
des idoles ; rien n'est plus rigoureusement défendu dans l'Écri-
ture : de là Calvin conclut que les catholiques, qui ont autorisé le
culte des images , sont retombés dans l'idolâtrie , puisque Dieu
n'a pris tant de soin de bannir les idoles que pour être honoré
seul *.
Quoique l'Écriture nous apprenne qu'il n'y a qu'une divinité ,
on y découvre cependant que ce Dieu renferme trois personnes , le
Père , le Fils et le Saint-Esprit, qui ne sont point trois substan-
ces , mais trois personnes : Calvin traite encore cet article en ha-
bile homme ^.
L'Ecriture nous apprend que ce Dieu en trois personnes est le
^ Instit, 1. i, c. 7.
2 Ibid., c. 8. Nous faisons voir, à l'article RiFoma, combien cette
voie est dangereuse, fausse et contraire à l'Écriture.
3lbid.,c.O.
*Ibid., c. 10, 11, 12. Les Iconoclastes, avant Calvin, avaient pré-
tendu la même chose ; les Calvinistes en ont fait un des principaux fon«
démens de leur réforme ; nous les r(^futons à l'article IcoNQCi«ASTESt
*Ibîd., c. 13,
CAL 387
crdaleur da monde , qu'il Torma le monde visible, qu'il cr^a les
anges elles hommes: il Iraiie paniculièreuent de l'homme, des
foucLioDE de son âme, de son èUt primitif, de sa chute , et de la
perle de la liberté dont il jouissait dans l'état d'innocence.
Toutes les créatures de Dieu sont soumises i sa providence , se-
lon Calvin : il réfute les sophismes des Ëpicurieos et ceux des phi-
losophes partisans du hasard ou du destin <,
11 trouve , dans l'Ëcriture, que Dieu a disposé tout, qu'il pro-
duit tout dans le monde moral (Mimme dans le monde physique ;
que Dieu a fait sur le ciel et sur la terre tout ce qu'il a voulu ;
il en conclut que les crimesdeshoniniesetleursvertus sont l'ou-
vrage de sa volonté : ai Dieu n'opérait pas dans nos âmes toutes
nos déterminations , l'Écriture nous tromperait donc lorsqu'elle
doua dit que Dieu Ole la prudence aux vieillards, qu'il ôte le cœur
aux princes de la terre , a&n qu'ils s'égarent. Prétendre que Dieu
pehnel seulement ces maux , et qu'il ne les veut pas , qu'il ne les
produit pas , c'est renverser toutes les règles du langage et tous
les principes de l'interprétation de l'Ëcriture *.
Second livre.
Dans le second livre , Calvin recherche l'éiat de l'homme sut lu
terre ; il trouve , dans l'Ëcriture , qu'Adam , le père de tous les
homnies , a été créé dans im état d'innocence , qu'il a péché, et
que son péché s'est communiqué ï toute sa postérité ; en sorte que
tous les hommes naissant enfans de colère et pécheurs , toutes les
facultés de leur âme sout infectées du péché qu'ils ont contracté;
une concupiscence vicieuse est le principe de toutes leurs actions;
c'est de tï que naissent toutes lenrs déterminations K
L'homme n'a point de force pour résister !t la coucupiscence ;
la liberté dont il s'enorgueillît est une chimère ; il confond le
libre avec le volontaire , et croit qu'il choisit tibremeni, parce
qu'il n'est pascontraint et qu'il veut faire le mal qu'il fait.
Calvin fonde celte impuissance de l'bonune pour le bien sur
tous les passages de l'Ëcriture obil est dit que l'homme ne peut
< Ibid., c. là, IS, 16, 17.
^ Ibid., c 18. Les Prédestina tiens l'avaieiii soutenu avani (Inh in ;
nous les réfutons.
28ft CAL
aller k Dieu que par Jésus-Christ ; que c'est Dieu qui fait le bien
eo lui ; que sans Dieu il ne peut rien * .
Puisque toutes les facultés de Thomme sont corrompues , et
qa*il n'a point de force pour résister à la concupiseence Yicieuse
qui le domine sans cesse, il est clair que rhomme ne peut parlai-
mème' produire que des actions vicieuses, et des péchés. GtlTÎa
prétend encore prouver cette conséquence par TËcriture , qui as-
sure que les hommes se sont tous écartés du chemin de la verlo ,
que leur bouche est pleine de malédictions *.
Quoique Thomme porte au dedans de lui-même un principe de
corruption , le diable a cependant beaucoup de part à ses dlésor-
(Ires, selon Calvin 3.
YoiU ce que pensait Calvin sur Tinfluence du diable par rap-
port à nos actions : un siècle après, Bekker , calviniste, prétendît
(pie le diable n'avait aucun pouvoir dans le monde , et Bekker
prétendait entendre aussi bien FËcriture que Calvin *,
Dieu n'a pas abandonné l'homme à son malheur ; son Fils est
venu sur la terre pour racheter les hommes , satisfaire pour eux,'
Calvin expose, dans tout le reste du 2* livre, les preuves qui éta-
blissent que Jésus-Christ est médiateur enlre Dieu et les hommes,
qu'il est Dieu et homme , et qu'il n'y a en lui qu'une personne ,
quoiqu'il y ait dans cette personne deux natures. Il recherche en
quoi consiste la médiation de Jésus-Christ ; comment il nous a
mérité la grâce : il trouve dans Jésus-Christ trois caractères prin-
cipaux , qui peuvent nous éclairer sur ce grand objet ; il trouve ,
dis-je , dans Jésus-Christ , la qualité de prophète , la royauté , le
sacerdoce. M. Claude a travaillé sur ce plan , dans son traité de
Jésus-Christ.
Troisième Hure.
Dans son troisième livre, Calvin traite des moyens de profiter
dos mérites de Jésus-Christ.
L'Écriture nous apprend que, pour participer aux grâces du ré-
dempteur, il faut nous unir à lui et devenir ses membres.
C'est par l'opération du Saint-Esprit et surtout par la foi qu'il
* L. 2, c. 2.
2 C. 3.
*C. à.
* Le Monde enchanté.
^™ CAL' sm
nous conduit ï Jésus-Christ et que nous derenoiis ses membres
Pour être uni à Jésus-Christ, il faut croire, et ce n'est ni la chair
ni le sang qui nous fait croire de la manière nécessaire pour être
membres de Jésus-Christ ; c'est un don du ciel , selon Jésus-
Christ. Tous Sles bienheureui, dil-il k saint Pierre, parce que C8
n'est ni la chair ni le sang qui vous ont révélé qai je suis, mais le
Père céleste, etc. Saint Paul dit que les Épbësiens ont été faits
chrétiens par le Saint-Esprit de promission, ce qui prouve qu'il y
3 un docteur intérieur par le mouvement duquel la promesse du
satui pénétre nos Smes, et sans lequel cette pronietse ne serait
qu'un vain son qui frapperait nos oreilles, sans toucher, sans pé-
nétrer nos âmes.
Le même apôtre dit que les Tliessalonicietis ont été clioisis par
Dieu dans la sanctification du Saint-Esprit et dans la foi de la vé-
rité; d'où Calvin conclut que saint Paul a voulu nous apprendre
que la foi vient du Saint-Esprit et que c'est par elle que nous
devenons membres de Jésus-Christ : c'est pour cela que Jésus-
Christ promit à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit , afin
qu'ils fussent remplis de cette sagesse divine que le monde no
peut connaître ; c'est pour cela que cet Esprit est dit suggérer auï
apûtres tout m que Jésus-Christ leur a enseigné ' ; c'est pour cela
que saint Paul recommanda tant le mystère dti Saint-Esprit, parce
que les apûtres et les prédicateurs annonceraient en vain la v^
rite si le Saint-Esprit n'attirait à lui tous ceux qui lui ont Ùé
donnés par son Père.
La foi qui nous unit à Jésus-Christ , qui nous rend nembre^
de Jésus-Christ, n'est puint seulement un jugement par lequel
nous prononçons que Dieu ne peut ni se tromper ni nous trom-
per, et que tout ce qu'il révèle est vrai ; ce n'est point un juge-
ment par lequel nous prononçons qu'il est juste , qu'il punit le
crime ; cette manière d'envisager Dieu nous le rendrait odieux.
La foi n'est point non plus un jugement par lequel nous pro-
nonçons, eu général , que Dieu est saint , bon , miséricordieux ;
c'est une connaissance certaine de la bienveillance de Dieu pour
nous , fondée sur la vérité de la promesse gratuite de Jésus-
Christ, et produite dans nos limes parle Saint-Esprit; il n'ja point
de vrai fidèle gans cette ferme persuasion de notre salut , appuyée
sur les promesses de Jésus-Christ : il faut que le ursi fidèle ,
' L. 3, c. i.
3M CAL
c(HMM «ÔBt Paul, soil certaio que ni lamoft , li k idb^ bLIm
jmlmnnun j ne peuvent le séparer de la ohav de Jéau»4CAràl:
telle eel , selon Calvin , la doctrine constante de œl apôlie A.
Cette certitude de notre salut n*eat point inoompatiye tma àm
tentations qui attaquent notre foi : il n'y a point de foi pina ma
qpB cette de David , et il se représente en mille endittta
duMcelant, ou piutèt comme tenté de manquer de oonftanoa.
Qm tentations contre la foi ne sont point dea dontea; en
dea embairaa qui naissent de Tobscurité même de la feî :
ypjùÊÊ pas asaes clairement pour ne pas ignorer benneoiy de
cImmcs ; mais cette ignorance dans le vrai fid^e n*«ffaililit poûm an
persuasion *.
La ferme persuasion du fidèle sur son salut est jointe avee la
connaissance et Tusage des moyens par lesquels Dieu a réadhi de
sauver les hommes ; ainsi le fidèle qui croit qu'il sera sauvé croit
qn*il ne le sera qu'en fiisant pénitence : la p^itence est donc né-
cessairement liée avec la foi , comme Tefiet et la cause *.
La pénitence est, selon Calvin, la conversion du pécheur à
Dieu y «produite par la crainte salutaire de ses jugemena; oetli
crainte est le motif que les prophètes et les apôtres ont eniplo|é)
elle change la vie du pécheur ; elle le rend attentif sur sa conduite,
sur ses sentimens ; elle produit un désir sincère de satisfaire à la
justice divine ; elle produit la mortification de la chair, Famonr
de Dieu , la charité envers les hommes : c'est l'idée que l'Écri-*
ture nous donne de la pénitence *.
les catholiques sont bien éioignés de la vérité sur la pénitence ;
selon Calvin , ils la font consister dans la confession , la satis&o*
tion. La nécessité de la contrition jetle , selon ce réformateur, les
hommes dans le désespoir ; on ne sait jamais si elle a les qualités
ou le degré nécessaire pour obtenir la rémission des péchés ; on
n'est donc jamais sûr que les péchés sont remis ; incertitude qui
détruit tout le système de Calvin sur le principe de la justification
qui précède la pénitence , comme la cause précède son effet.
Pour la confession, elle n'est point fondée sur l'Écriture, dit Calvin ;
^ Ce sont, au fond, les principes de Luther sur la justification : nous
avons réfuté cette erreur in Tart. Luther, ♦
îinstît,]. 8, c. 2.
» Inslit., I, 3, c 3.
Albid.y c. 3,
GAL
c'estoneiaveiitian hamsbaÎQtTQdaite pour Ijranniser les
Ertfin , les catholiques sont dans aoe erreur dangerense lors-
qu'ils font dÉpeudre la rémission des péchés de Ix satisraction ,
puisqn'alors ils donnenl aux sciions des hommes un mérite ca-
pahle de satislaire i la jutitice divine , et qu'ils détruisent la gra-
tuité de U grâce et de la miséricorde de Oieu K
De ces priHcipe9> Calvin conclut que les indulgences et le pur-
gatoire, que les catholiques regardent comme des supplémens îi la
salisfacùon des pécheurs convertis ou justifiés, sont des inventions
lui na Inès qui anéantissent, dans l'esprit des chrétiens, le pris
de la rédemption de Jésus-Christ^.
Après avoir exposé les principes de la justification et ses elTets,
Calvin expose la manière dont le chrétien doit se conduire après
sa justification ; il parle du renoncement à Boi-îDéme , des adver*
Bilës , de b nécessité de méditer sur l'autre vie *.
Calvin revient , dans les chapitres suivans , à la justiRcation ; il
étend et développe encore ses principes , répond aux difHcultés,
attaque le mérite des œuvres °.
Il parle, dans le dii-nenvième , de la liberté chrétienne.
Le premier avantage de la liberté chrétienne est de nous af-
Tranchir du joog de la loi et des cérémonies ; non qu'il raille abo-
lir les lois de la religion , dit Calvin ; mais un chrétien doit savoit
qu'il ne doit point sa justice â l'observation de la loi.
Le second avantage est de ne pas accomplir la loi pour obéit &
la loi , mais pour accomplir la volonté de Dieu.
Le tioisième avantage de la liberté cbrétienne est la liberté
d'user à son gré des choses indiiFérentes. Calvin prétend , par
exemple , aDrauchir les chrétiens du joug de la superstition , tran-
quilliser une inGnité de consciences tourmentées par des scrapulei
sur une infinité de lois qui ordonnent on défendent des choses qni,
par elles-mêmes , ne sont ni bonnes ni mauvaises ".
* Calvin renouvelle l'erreur d'Osma. Fui/ei cet article.
*L. 3, Inslit., c. A. Lulher avait dit la même chose avant Calvin ;
nous 7 avons répondu à l'arL Luther.
' Ibid., c B. C'est encore ici un sentiment de Luther) nous l'avont
réfuté. Toiiei cet anicle.
'Ibid., c. S, 7, S, 9, 10.
^lUd., c 11, 11, jugqn'au IB, Lnlher avait rail la même chose.
FojTM son artkile.
^m * C'est l'erreur d'Audèe, que nous avons réfutée A cet article
1
I
m CAL
Il parie , dans le chapilre vingtième » de U liécesûlé de la
prière et des dispositions pour prier; il prétend qa*oii ne doit
prier que Dieu; il condamne Tintercession des saints comme une
impiété ^.
Après avoir examiné les causes et les effets de la jusUfiGâtion »
il cherche pourquoi tous les hommes n*ont pas celle foi qui jnslî*
fie. U en trouve la raison dans le choix que Dieu a &il des éliis
pour la vie étemelle et des réprouvés pour Tenfer ; il cherdie la
raison de ce choix : il trouve , dans rÉcriture , que Died a aimé
Jacob et qu'il a haï Ésaû avant qu'ils eussent (ait ni bien ni mal;
il conclut qu'il ne faut pas chercher la raison de cette préférence
hors de Dieu , qui a voulu que quelques hommes fussent sauvés
et d'autres réprouvés : ce n'est point la prévision de leur impénî-
tence ou le péché d'Adam qui est la cause de leur réprobaticôu
Dieu a voulu qu'il y eût des élus et des réprouvés afin d^avmr
dessujets sur lesquels il pût manifester sa justice et sa miséricorde:
comme il a préparé et donné aux prédestinée la foi qui justifie» il
a aussi tout préparé pour empêcher ceux qu'il avait destinés à être
les victimes de sa vengeance de profiter des grâces de la rédenp*
tion ; il les a aveuglés, il les a endurcis ; il a fait en sorte que la
prédication, qui a converti les élus, a enfoncé dans le crime ceux
qu'il voulait punir. Tel est le système de Calvin sur la différence
du sort des hommes dans l'autre vie , et après la résurrection, qui
est certaine *.
Quatrième livre.
Les fidèles profitent donc des mérites de Jésus-Christ en- s' unis-
sant à lui , et c'est la foi qui les unit à Jésus-Christ : les fidèles
unis à Jésus-Christ forment donc une Église qui renferme tons
les fidèles, tous les élus, tous les prédestinés : ainsi cette Église
est universelle , catholique ; c'est la société de tous les saints , hors
de laquelle il n'y a point de salut , et dans laquelle seule on re*
çoit la foi qui unit à Jésus-Christ.
Mais toutes les Églises chrétiennes prétendent exclusivement à
cette qualité; comment distinguer celle qui en effet est la vraie?
Quels sont ses caractères , quelle est sa police , quels sont ses
sacremens?
^ On a condamné cette erreur dans Vigilance. Voyez son article.
2 Voilà le Prédestinatianisme le moins adouci, ou plutôt un vrai Ma-
DichéisQie,
CAL 39S
Voilï ce que Calvin se propose d'enamiaer dans le qualriëme
lulé : Des moyent extérieurt
tiou* conierve dans la sociéti
livre de ses InslitutioDS , qu'il
par lesqaelt Dieu nous a fait
de Jésui-Ckriil.
Sïinl Paul dit que Jésus-Christ, pour accomplir lout, a donné
des apûLres , des propbëles , des évangËlisles , des pasteurs , des
docleurs , aiiD qu'ils iravailleni ii la perfection des saints , aux
fonctions de leur ministère, !k l'édi&catiou du corps de Ji^sus-
Qirist , JDBqu'ii
même Toi et d'une même connaissance du Fils de Dieu , à l'état
d'uD homme parfait, à la mesure de l'Sge et de la plénitude selon
laquelle Jésus-Clirisl doit être formé en nous.
Dieu , qui pouvait par un seul acte de sa volonté sanctifier tous
les élus, a voulu qu'ils fusseni instruits par l'ËglJse et dans l'Ë-
glise, et qu'ils s'j perfectionnassent; il a donc établi une Église
visible , qui conierve la prédicaUon de sa doctrine elles sacremeus
qu'il a institués pour la sanctification des prédestinés.
Les nietubres de cette Lglisc sont donc unis par la prédication
de la même doctrine et par la participation des mêmes sacremens :
l'on a vu , par saint i'uul , que c'est la l'essence de l'Ëgllse ; l'ad-
minislration des sacremens cl la prédication de la parole de Dieu
sont donc les caractères et les marques de la vraie Ëglise.
Par cette notion de l'Eglise, puisée dans l'Ëcrilure, dit Calvin,
on voit qu'elle renferme des pécheurs , et qu'on peut ; enseigner
des opinions opposées pourvu qu'elles ne détruisent point la
doctrine de Jésus-Clirist et des apOtres,
On ne peut donc se séparer de cette Ëglise parce qu'on y sou-
tient des opinions différentes , ou parce que ses membres ne sont
point saints et parla ils.
Par ces principes , Calvin fait voir que les Donatistes , les Ca-
thares, les Anabaptistes , etc., déchirent l'unité de l'Ëgtise et pè-
chent contre la charité lorsqu'ils prétendent que l'Ëglise visible
n'est composée que d'hommes parfaits et de prédestinés'.
Mais lorsqu'une société enseigne des erreurs qui sapent les
foodemens de la doctrine de Jésus^hrist et des upûtres, lors-
qu'elle corrompt le culte que Jésus-Christ a établi , alors il faut
se séparer de cette Église , quelque étendue , quelque ancienne
qu'elle soii , parce qu'alors on ne peut s'y sauver, puisqu'on n'y
'luatit., I, A, c, 1.
293
Il parle, i)aw la cliapiUe vUi|p3
prière et des dUposiliona pour prier;
juier que Dieu; il cuadaniDe l'interc*
'"•P'*^ '■ rt.mame n'était pas la tni»
Après avoir examiné les c j„, lidolâlrie , parce ou U
il cherche pourquoi tou- , ; ^^ ^„i!ége , parce qu'elle arait
fie. 11 eu irouïe la TB' . ,;, jj de supcrslilions , le cutie éUUt
pourlarieétemril ^-^^^es.
«isondflcediojï ^.;0^^ /^gglise catholique a succÉdé UK
Jacob et qu U ■ ^ -^^^js die a corrompu le dépflt de la fol i
Il conclut qu vl /^^'t^k dans cette Église , dans loua les Usmpl^
liore de Dieu ^ <!'J^ràé le dépôt de la foi dans sa pureté , ifû
"'■ ^"'■'^ /C^^^ légilÏTae (iessacremena.
^"^ '"' -^^i^Ies » relranchis de son sein , et ils se Bout ti^
, /'^'^ta'Hs ne pouvaient plus aupporier la corrupUliB
''"" 'ffiS^ : l'É»li» ™m.i™ »■. d..o pi.,, .i «iHZ
^'' '^ii^iiiBe, ni radrainislration des sacremens, ni la piMi>
? p/J^i, pure parole de Dieu ',
£^ V^lfisiTa de l'Église , b sa naissance , ont éié choisis pu
Jk '^isl nême', les apôlres ont établi deux ordres , des pu-
^^ y'It des diacres : personne n'entrait dans le minlslère sans j
appelé , et la vocation dépendait du suffrage des autres mi-
fCff et du coosenlement du peuple ; c'était par l'imposition des
Sm que cette vocation se manifestait , et Calvin veut qu'on It
j^^iye, parce qu'il croit que rien de ce queles apôtres ont pr»-
liqué n'est indilTérenl ou inutile *.
' Calvin eitmlne ensuite les changemens que l'on a faits dans la
Mnière d'appder les fidèles lu ministère; il se déchaîne contre
l'Église romaine et contre le pape, qui, selon lui, ont changé
tout l'ordre de l'Église primitive '>
Il attaque la primauté du pape, et recherdie par quels degrés
ii est arrivé à U puiasuice qu'il possède '.
■ Instlt., 1.1, cl. Calvin retombe ici dans l'erreur des Donalistes,
de WicleF, de lean Hus, de Luther, sËlon la nature de l'Église. Yoget-
en la Ténilatlon & l'article Rbôan,
* Ibid., c 8.
•IUd.,Ci,5.
*Ibid.,c. 6, 7. C'eeibienlefonddespriDdpes des Gtks sur U pri-
mauté du pape) mais Calvin ta infiniment plus loin qu'mix, sus iiqn'
n mtDistËre dans rËglie
3et I
airoi* ■
CAL
iî proUTé qu'il doit y avi
' le quelle est l'aulorili! de ce ministèfe ■ elle a Iroit
E^Ajctrine , la juridictioD et le pouvoir de faire des lois.
«miDÎstère ecclësiaslique ne peutenseignercommelBiJociriiifl
e ce qui est cddIchu dans l'Ëcriture ; les décisioni
jDciles ce peuvent donc obligei' personne , et ces assemblées
f retendent mal i propos être infaillibles dans leurs jugemens *,
Le iniDistère ecclésiastique peut faire des lois pour la police de
l'Église, pour entretenir la paix, etc.; mais il ne peut faire sur Is
culte ou sur la discipline des lois qui obligent en conscience , et
Gilïia traite comme une tyrannie odieuse les lois que l'Ëglise
fait, par rapport k la confession , dans le culte et sur les cérémo-
nies *.
La juridiction de l'Ëglise n'a donc pour objet que les mœurs
et te maintien de l'ordre dans l'Ëgllsc , et cette juridiction n'a ,
pour punir, que des peines purement spirituelles , que de retran-
cberde l'Église par l'eicommunication ceux qui, après les moni-
tioDs ordinaires, ne se corrigent pas, scandalisent et corrompent
les SdËles. Sur cet objet , Calvin reprocbe encore à l'Ëglise ro-
maine d'avoir abusé de son pouvoir, surtout par rapport aux vœux
monastiques ^.
La vraie Ëglisc » deux earaclËres, selon Calvin: la prédication
de la doctrine de Jésus-Cbrist , et l'administration des vrais sacre-
meos; après avoir traité ce qui regardela prédication etl'Ëglisei
il traite des sacremens *.
Toutes les religions ont leurs sacremens, c'est-4'direde?signei
eitérieura destinés à exprimer les promesses ou les bienfaits ds
ta divinité. La vraie religion a toujours eu les siens : tel était
l'arbre de vie pour l'état d'innocence , l'arc-en-ciel pour Pfoé et
pour sa postérité , la circoncision depuis la vocation d'Abraham,
et les sipes que Dieu donna, au peuple juif pour conOrmer I4.|
rei près, cpii ne méritent que du mépris : nous avons réAilé l'erreurM
Calvin sur le pnpe à l'article G«tci. '
I Ibid., c. S, é. Les Danalîstn, les Montanistes, les Albigeois,
hérétiques, en un mot, ont eu les mtmcs prétentions ; nous en
roir la fausseté ï l' article IXtiORns.
3 1bid.iclO.
>IMd., c 11, la, la. Vigilnncc, avant Calvin, aiuitollaquéli'
Il rbtcondamné. Voyei son arlicle,
rlafoussclÉ ilc ce seiUiuieut i l'arl. IIlfok
306 CAL
promesses qu*il lui avait faites et pour affermir la foi; uAs Tarent
les signes donnés à Gédéon.
Le Seigneur a voulu que les chrétiens eussent aussi leurs signés
ou leurs sacremens , c'est-à-dire des signes qui les confirmeDtdans
la foi des promesses que Dieu leur a faites.
Comme Calvin attribue Touvrage du salut à la foi, les sacremens
ne sont des moyens de salut qu'autant qu'ils contribuent à faire
naître la foi ou à la fortifier. 11 définit donc les sacremens » des
êymboleê extérieurs , par le$quel$ Dieu imprime en not eonseUnces
les promeêses de ta bienveillance envers nous pour soutenir mire
foi, et par lesquels nous rendons^ en présence des anges et des
hommes y tésnoignage de notre piété envers Dieu.
Les sacremens ne sont donc ni des signes vides et inefficaces,
destinés à nous remettre devant les yeux les promesses de JésiK-
Gbrist , ni des signes qui contiennent par eux-mêmes une vwtn
cachée et secrète ; ces signes sont efficaces , parce que , lorsque
ces signes nous sont appliqués , Dieu agit sur nos âmes*
Calvin veut trouver ici un milieu entre les catholiques et les
Luthériens ; il est obscur, embarrassé , et parait n'avoir pas bien
entendu la doctrine de l'Église romaine sur les sacremens et sur
leur eflicacilé : tantôt il lui reproche de se tromper sur les sa-
cremens , parce qu'elle attribue je ne sais quelle vertu secrète aux
élémens des sacremens , qui opèrent comme une espèce de magie;
tantôt il l'accuse d'exagérer la vertu des sacremens, parce qu'elle
enseigne qu'ils produisent leur effet dans nos âmes , pourvu que
nous n'y mettions pas d'obstacles ; doctrine monstrueuse, dit-il,
diabolique , et qui damne une infinité de monde , parce qu'elle
leur fait attendre du signe corporel le salut qu'ils ne peuvent obte-
nir que de Dieu *.
De ce que les sacremens ne sont que des signes par lesquels
Dieu imprime dans nos âmes les promesses de sa bienveillance
pour soutenir noire fui , et par lesquels nous témoignons notre
piété envers Dieu , Calvin conclut que les catholiques ont mal à
propos mis de la différence entre les sacremens de l'ancienne loi
et ceux de la nouvelle , comme si les sacremens de l'ancienne loi
n'avaient fait que promettre ce que les sacremens de la nouvelle
pous donnent. '
* Nous avons expliqué le sentiment des catholiques et réfuté Terreur
de Calvin à l'arU Lvthek,
CAL 397
llcvBclutqu'ilu'yaquedeux Eacremeus, le baptême et la cène
]i3rce qu'il n'y a que ces deux eacrem
lidéles et nécessaires à k conslilution de rËglisi
Le baplëme esi le signe de notre iniiialion et de notre entrée
d.ins rËglise, ou la marque extérieure de noire union avec Jésus-
Christ.
Par ce sacrement, nous sommesjustifiés, et les mérites de la
rédemption nojs sont appliques : Cahin assure donc que le ba|w
léme n'est pas seulement un remède contre le péché originel et
contre les pécbés cuiiimis avant de le recevoir, mais encore con-
tre tous ceux que l'ou peut commettre après l'avoir reçu , en sorte
que le souvenir de notre baptême les efface-
La vertu ou l'elTet du baptême ne peut Être détruit par les pé-
cbés que l'on commet après l'avoir reçu; ainsi, un homme qui
a été une fois justitié par le baptême ne perd jamais la justice *.
Calvin prétend , par ce dogme , rassurer les consciences timo-
rées, les empêcherde tomber dans le désespoir, et non pas lâcher
Il attribue au baptême de saint Jean le même effet qu'au bap-
tême de Jésus-Cbrist et des apûtres.
11 Goadanine dans l'administration du baptême tous les exor-
cismes et toutes les cérémonies de l'Église catholique ; il veut
qu'on administre le baptême aux enfans , et réfute les Anabap-
tistes , et en particulier Servet , qui avait pria leur défense '.
La cèue est le second sacrement que Calvin admet : ce sacre-
ment n'est pas seulement institué pour nous représenter la mort
et la passion de Jésus-Christ, commeZuingle, OEcolampade,elc.,
le prétendent , mais pour nous faire participer réellement il la
cbair et au sang de Jésus-Christ. Calvin croit qu'il est absurde
et contraire i l'Ëcriiure de ne reconnaître dans l'eucbaristie que
la figure du corps de Jésus-Christ. Notre-Seigneur promet trop
expressément qu'il nous donnera sa chair à manger et son sang ï
boire ; il attribue à cette manducation des effets qui ne peuvent
convenir à une simple représentation.
Calvin rejette donc le sentiment de Zuingle, et croit que nous
'Instil.,LS,c. 11 LesVaudois, les Albigeois avaient avancé les mêmes
erreurs ;^ant Luther et Calvin ; nous les avons réfutés à l'art. Ldthbb.
* Calvin n'est encore ici que l'écho des hérétiques qui l'ont pricédéi
Voye!, l'art. Ldthib.
•InitiL, I. j, cl5, 10,
n% CAL
miiigeonf réeUement le corps et la chair de Jé8Ud<Ghritt ; mni ee
B*esl point dans le pain que réside la diairet le sang de Jéaw
Christ ; seulement lorsque nous receyons les symboles eudiârifti*
qoes» la chair de Jésus4]lhrist s'unit à nous, ou plat6l Mog
■OBOies unis à la chair de Jésus-Clbrist comme à son esprit.
Il ne faut pas combattre cette doctrine par la difficulté deceii*
ccToir comment la chair de Jésus-Christ qui est dans le cîd t*iiiiit
h bous: faut-il mesurer les ouvrages de Dieu sur nos idées? Ln
puissance de Dieu n*est-elle pas infiniment au-dessus de noire ùl*
teiligence t
Calfin reconnaît donc que nous mangeons réellement le eorpi
de Jésus-Christ; mais il ne le croit ni uni au pain et au Tin^oomnie
Luther, ni existant sous les apparences du pain et du ▼!», fÊJt la
transsubstantiation , comme les catholiques.
Ainsi , depuis que les prétendus réformés se sont séparai de
rÉglise, jusqu'à Calvin, voilà déjà trois manières différente! d'ex-
pliquer ce que TËcriture nous dit sur le sacrement de reucharifta»
tie , et ces trois explications opposées sont données par troii dMA
de parti qui prétendent tous trois ne suivre que rÉcritttre , et
qui prétendent qu'elle est assez claire pour que les simplet Mè*
les découvrent dans rÉcriture quels sont les sentimens vrais on
ftiux sur les questions qui s'élèvent par rapport à la religion *.
Les catholiques romains ont, selon Calvin, anéanti ce sacremenl
par la messe» qu'il regarde comme un sacrilège **
Calvin reconnaît que toutes les Églises chrétiennes, avant la
réformation prétendue, reconnaissaient cinq autres sacremens aveo
le baptême et la cène : il attaque ce sentiment^ et prétend que cet
sacremens ne sont que des cérémonies d'institution humaine
qu'on ne trouve point dans l'Écriture et qui ne peuvent être regar*
dées comme des sacremens , parce que les sacremens étant dee
signes par lesquels Dieu imprime ses promesses dans nos âmes ^
lui seul a le pouvoir d'instituer des sacremens ^.
Dans le 20* et dernier chapitre, Calvin combat la doctrine dee
Anabaptistes sur la liberté chrétienne : il fait voir que le ehrifl«
1 Instit, c 17*
2 Ibid., c. 18. Calvin n'a pas encore ici le mérite de la nqiiveautéi
nous avons exposé, à rarticle Luthbb, a doctrine de l'Eglise catho*
lique.
» Ibid., c 19. Voyez Tart. Luther.
t point opposé au gouvernement politique ; qu'un
chrétien peut être un magistral équitable, un roi puissant el bon ;
que les chréliens doivent respecter le mnglslrat, obéir aux puissan-
oes civiles el temporelles; qu'il n'appavlinit poiut aux hommes
privés de eensurer leur conduite ; qu'ils doivent une obéissance
illimitée ï leurs ordres, dans les ufliiires temporelles, et toutes les
fois qu'ils ne commandent pas des chusea contraires !i la religion ;
car alors il faut se rappeler les paroles de saint Pierre : Faul-it
obéir aux hommes ouï Ôieu? Aux erreurs dont nous venons de
donner le détail, Calvin en ajoute, dans ses autres ouvrages, queU
ques-uues qui ne méritent pas qu'on s'y arrête.
1
Réfîexim
:r te tyUime de Caiiin
Par Texpoei lion que nous venons de Taire du système théologiqne
de Calvin el pat les notes que nous ; avons ajoutées , il esl clair
que les diurnes de l'ii^liae catholique que'Calvin attaque avaient
déjà été niés el combattus par dilTérenles ieclei ; toutes ces sectes
avaient été coudaninées à mesure qu'elles s'étaient élevées , el el-
les avaient formé des sectes absolument séparées ; leurs erreurs
étaient parvenues jusqu'au seizième siècle, ou par des restes èpars
de ces sectes , ou par les raonumens de l'hislolre ecclésiastique.
i.e temps, qui presse, pour ainsi dire, et qui rapproche sans cesse
les erreurs comme les vérités, avait rapproché toutes lea erreurs
des Iconoclastes, des Donallstes, de Bérenger, des Prédestina liens,
de Vigilance, etc. , dans les Albigeois, dans les Vaudois, dans les
Béguards, dans les Fruticelles, dans Wiclel', dans Jean (fus, dan*
les Frères de Bohême, dans Luther, dans les Anabaptistes , dans
Carloslad, dans Zuingle, etc. ; mais elles n'étaient que rapprochées,
Lulher en enseignait une partie et rejetait l'autre; elles n'étaient
doncuiréunies, ni liées: Calvin parut, il avait l'espriiméihodique,
il entrepril de les lier et d'établir des principes généraux d'oft il
pât tirer ces erreurs opposées à l'Église romaine ; il établit pour
base de son système que l'Écriture est la seule règle de notre foi.
Nous avons vu comment, d'après ce principe, it établit toute a3 '
doctrine.
Après que Calvin eut ainsi réuni et lié loules les erreurs qui
entrent dans son système de l'éTurine , les catholiques en atlaquè-
r«ni lesdiHcrentes parties, et les disciples de Calvin prirent la dé-
fense des difTérenles opinions de leur maître : chacune des erreurs
deCulvin redevint, pour ainsi dire, une erreur h part , sur laquelle
tM CAL
me foule de <idiitroversîste8 des deux eonumnÉlomi &*€•! efecveèp,
el ces eontrovenes ont absorbé, pendaul eimr<m dèoi otèélet >
ime grande partie des efforts de Tesinrit humain dant l'&iirèpft.
Qodle multitude innombrable d'ouvrages n*a-t-on pas éerit s
la présence réelle, sur TÉgUse, sur le juge des eontroreriéa ,
la confession , sur la prière pour les morts , sur les indiilgéMMl ,
sur le pape? VajfezYm. RâroRMATioN*
La doctrine de €al?in fut adoptée par les réformés déFknee^
elle s'établit dans les Pays-Bas, en Angleterre , dans miie partie
de TAllemagne ; mais c'est surtout en France que le Calfiaismé
fit de grands progrès et excita de grands mouvemens , bous eH
allons parler dans Tart. Calvinistes. Nous parlerons éà ses j^ro-
grès dans les Pays-Bas 2i l'art. Holuinde.
CALVINISTES , disciples de Calvin : nous avons vu quH y im
eut dans presque toute l'Europe, et surtout en France, ob ils eot^'
tèrent de grands mouvemens ; nous allons examiner rorigitté» te
progrès et la chute du Calvinisme en France ; mais, pour bimi eoiK
Battre les causes du progrès, il faut remonter jusqu'aux tMpsqsil
ont précédé la naissance du Calvinisme.
De l'état de la France à la naissance de la réforme,
La France n'avait point été , comme l'Allemagne , l'asile et le
théâtre des hérésies et du fanatisme qui avaient troublé l'Église
pendant le treizième, le quatorzième et le quinzième siècle : les
schismes qui s'étaient élevés entre les papes, les démêlés des pa->
pes avec les rois , n'avaient point altéré , dans l'Église de France,
les sentimens d'attachement, de respect et de soumission légitime
au saint Siège: on y avait également condamné les excès des sec-
taires et les abus qui servaient de prétexte à leur rébellion.
Cependant la réforme y pénétra insensiblement et s'y établit avec
éclat : il est intéressant de connaître les causes de cet événement»
1<* L'ordre des religieux, et surtout celui àes quatre ordres men^
dîans, s'était fort répandu en France. Ces religieux , si respecta-
bles et si utiles à l'Église , n'étaient point retirés dans des déserts
et dans des forêts , ils habitaient dans les villes, et y vivaient des
dons de la piété des fidèles : ils voulurent travailler au salut de
leurs bienfaiteurs; leur zèle actif établit des pratiques de dévotion,
approuvées par les souverains pontifes et propres à ranimer la
piété; ils prêchaient, ils confessaient ; on gagnait des indulgences
dans leurs églises.
^ CAL SOI
' Le zèle de quelque^uns faUaîl de temps en lempa des enire-
prlses sur les droits des curés : le clergé séculier s'y opposait, ré-
clamail les lois , se plaignait qu'on violait la disciplipe ; les reli-
gieux , de leur cfité , s'appujaienl sur des privilèges, n'oubliaient
rien pour intéresser le pape en leur favenr, et lui attribuaient dans
l'Ëglise un pouvoir illimité, surtout par rapport aux indulgences,
dontilsexagéraient quelquefois la vertu ; enfin, ils exaltaient ex-
cessivenient et souvent ridiculement les vertus de leurs patriar-
ches ondes saints de leur ordre, et le pouvoirde leur intercession.
Le ctergécombattail cette doctrine, et, parmi les ecclésiastiques
séculiers , il s'en trouvait qui se jetaient dans l'extrémité oppo-
sée, quiniaienila veriudes indulgences et qui contestaient au
souverain pontife ses prérogatives les plus certaines.
Ily avait donc en France des personnes qu'un tÈle indiscrète!
sans lumifire avait jetées hors de ce sage milieu que tenait VÉ-
glise de France.
Ces querelles n'avaient point , il est vrai , troublé la France ;
la faculté de théologie , qui veillait sur ces innovations , les con-
damnait , les réfutait et en arrêtait le cours ; mais elles renais-
saient de temps en lempa et entretenaient par conséquent en
France des esprits disposés il goûter les dogmes de la nouvelle
réforme sur le pape , sur les indulgences , sur l'intercession des
saints, sur les pratiques de dévotion '.
S° Sur la lin du quinzième siècle, Alexandre VI avait scandalisé
toute l'élise par ses mœurs et par son ambition.
3° Jutes 11 , son successeur, fut ennemi impitoyable de Louis
XII etde la France. Louis assembla les évéques de son royaume,
et ; fit déclarer qu'il était permis de faire la guerre au pape pour
des choses temporelles; ce prince fit assembler i Pise un concile où
Jules fuicitéet jugé ennemi delà paix, incorrigible et suspens de
Louis mettait touten usage pour rendre Jules odieux àlaPranee
et i l'Europe , et Jules , de son cûté, entraîné par son inclination
guerrière et par sou ambition, secondait les intentions de ce
prince ; on voyait ce pontife faire des sièges, livrer des batailles,
monter à cheval comme un simple ofScier, visiter les batteries et
les tranchées , animer les troupes, s'exposer lui-même au feu, Il
■ Collect. jud., de novis errDribu<i, t. 3. Hiit. i
t. iO. Dup., quinzième siècle. Conlin, de Fleiiry,
ri^llse gai lie;
SOI CAL
soaleya toute Flulie contre Louis, le déponOIa 4^ tout <^ q[U*ii|.
possédait; noa content de combattre ^veç des armes t^mporçUciS^
on le Tit employer contre le royaume les armes smrUq|lIea ; h
F^nce vit ce pape excommunier an roi qu^eUe adorait ^ in^Urft
son royaume en interdit ^ dispenser ses sujets du sormeilt de fid4*
lîté; on vit ce pape ôter à la ville de Lyon le droÂt de tenif diBfk
foires (hmches, parce qu*ene avait donné retraite 9U9 évéqaesdll
concile de Pise.
Ce n*étaît point ici une querelle théologique, c*étaitb<{liere|le
du peuple et de la cour, du citoyen çt du militaire » commif dil
magistrat. Toute la France prit part à ce démêlé, et Vom ne peut
douter qu*il n*ait jeté dans Tesprit des Français des idées contnô,'^
res au respect et à la soumission qu'on doit au saint Siège: Tanto-
rite, la pluç légitime devient suspecte lorsqu*on en fait on abus
manifeste , et que cet abus attaque le bonheur ou la trasqiûUlti
des États.
4* Quoiqu^l s*en fallût infiniment que FÉglise ne fût telle que
les réformés le prétendaient , il est cependant sûr qu*il y axaU dea
abus considérables , que le peuple ne les ignorait point , que lûtes
avsût montré plus de zèle pour acquérir des terres que pour taré-
formation des mœurs et de la discipline , et que Léon X qui lui
succéda ne montra pas plus de zèle pour la réforme que son pré-
décesseur.
5* Il y avait aussi de grands abus dans les quêles qui se fai-
saient à Foccasion des indulgences ou de quelques reliques sin-
gulières : des quêteurs se répandaient dans les diocèses, publiaient
beaucoup de faussetés et jetaient le peuple dans Tillusion et dans
la superstition ; les officiers de la cour ecclésiastique suscitaient
et allongeaient les procès pour extorquer de Targent en mille ma-
nières *.
6° Dans le quinzième siècle et sous Louis XII, la théologie et
le droit avaient été cultivés principalement en France ; au com-
mencement du seizième, on s*occupa beaucoup de Tétude des lan-
gues: les savans , attirés de toutes parts par François I^**, admis
dans sa familiarité , élevés aux dignités de FÉglise et de FËtat ,
tournèrent le génie de la nation, des courtisans et des grands, du
côté des belles-lettres.
Les savans, habiles dans Thistoire , dans la critique et dans la
*Hist,derÉgl. gall., 1. 17.
CAL 303
e des langues , dMaigiiËrent l'élude de la Lhéologie,
et Irailèrenl les orades de l'école avec mépris. Les théologiens ,
de leur cûlé, dérendireot la méthode des écoles et décriant l'é-
tude des belles-lettres, comme une élude fatale et dangereuse à
la religion.
Ce n'était pas.ainsi que Luther en avait usé avec les gens de
lettres, il les avait comblés d'éloges , il s'était attaché des savaoi,
des écrivaias cËlËbres; ainsi, lorsque tes disciples de ce réforma-
teur pénétrèrent en France , ils trouvèrent dans les geas de let-
très des dispositions favorablea ï Luther et conlraires ans thw-
logiens.
Les hommes de lettres, qui n'étaient que des théologiens supet^-
fîciels ou qui ne l'étaient point du tout , furent aisément séduits
par les sopliismes des rérorntés: un trait, une conséquence ridi-
cule imputée aux catholiques, uu passage de l'Écriture mal inter-
prété par les commentateurs, un abus repris et corrigé par Lulhef ,
firent regarder la réforme comme le rétablissement du chrisiik-
nisme.
si, lorsque les ouvrages elles disciples de Luther pénétrè-
n France , il y avait dans presque tous les ordres de l'Ëtat
immes disposés ii admettre quelques-uns des principes da
3 réforme, et propreaàles persuader aux autres; ceux qui s'écar-
1 tËreut de la foi catholique n'adoptèrent pas d'abord les mêmes
points de la réforme ; chacun adoptait le point de réformaiion qui
I ^iiUaquail ce qui lui déplaisait dans le dogme ou dans la discipline
t (|e l'Église calholique.
' De la naissance Se la réforme en France, et de son progrét
jusqu'à la naistance du Calvinisme.
Ce fut à Ueaux que la réforme parut d'abord avec quelqueéclal:
'SnillaumeBriçonnet.quienéiaitciêqueen iSSi, simailles lettres
KiM les sciences ; il avait des vues de réforme pour le clergé ; il tira
e l'Université de Paris des professeurs d'une grande réputation :
«n nomme enlr'autres le Fevre d'Ét3ples,Faret, Roussel, Valable.
L'évéque de Meaus ne tarda pas A s'apercevoir que Farel él^t
imbu des opinions nouvelles, et il le chassa.
, Mais les partisans de la nouvelle réforme avaient inslri
fret quelques babitans de Menus, el fait passer dans le peupla ]
^eors erreurs. Les prétendus réformés fermèrent une seete , et se
ïobirenl pour ministre uncardeui de laine, nommé Jean le Clerc,
I
804 CAL
qui, sans aotre mission , se mit à prêcher et admimstrer les sa*
cremens à cette assemblée.
Voilà la première Église de la réforme en France: le lèle des
iioa?eattx réformés réunis dans leur prêche fermenta, s'édiaolEiy
8*enflamma ; ils déchirèrent publiquement une bulle du pape qui
ordonnait un jeûne et qui accordait des indulgences , ib affidîb-
rent k la place des placards où ils traitaient le pape d*Ântechrisl.
On anêta ces fanatiques : ils furent fouettés, marqués et bannis ;
lean le Clerc fut apparemment de ce nombre , car il se retira à
Metz, où son zèle devint furieux^ et où il fut brûlé ^.
Cependant les livres de Luther , de Carlostad, de Zuiûgle , de
If élanchten , se multipliaient en France ; la faculté de théologie
condamnait ces écrits : on assembla des conciles dans presque tou-
tes les provinces de France , et les sentimens des réforme y fu-
rent discutés avec beaucoup d*exactitude et condamnés : lefÂile-
ment rechercjia avec beaucoup de soin les partisans des nouvelks
erreurs, et il en fit arrêter plusieurs.
François I"' suspendit d*abord les effets du zèle du parlement
et rendit la liberté à plusieurs partisans de la réforme ; mais enfin
leurs attentats contre la religion catholique, les libelles injurieux
qu^ils répandirent contrôle roi, les instances de la faculté de théo-
logie, et les remontrances réitérées du parlement, déterminèrent
ce prince à laisser juger les prétendus réformateurs selon la ri-
gueur des lois portées contre les hérétiques.
Ce monarque ordonna qu'on reprît le procès d*un gentilhomme
nommé Berquin, qu'il avait soustrait aux poursuites du parlement,
et qui attaquait la Sorbonne : douze commissaires nommés par le
roi revirent le procès intenté contre Berquin ; il fut convaincu
d*être dans les erreurs de Luther, et condamné à voir brûler ses
livres, à avoir la langue coupée, et à élre enfermé le reste de ses
jours. Berquin en appela au roi et au pape; sur son appel, les ju-
ges le condamnèrent au feu, et il fut brûlé le 22 avril 1529*
On alluma donc en France des bûchers contre les partisans des
nouvelles erreurs, et, des grandes procédures, on passa jusqu'aux
soupçons , jusqu'aux scrupules '.
^ Dup., seizième siècle, 1. 1, c. 2, % 30. D. Duplessis, Hist de l'Égh
de Meaux, 1. 1, p. 321. Du Boulay, Histoire de l'Université de PariSi
t. 6, p. 101. ;
2 Hist, de r%U gaUic, U 18, U 52, p. 160,
CAL
Souvent la plus petite aDalogie, dans la conduite d'un humiue ,
avec les principes delà réforme, parut un motif su fCsant pour
l'emprisonner, pour le bannir, pour le brûler '.
La vigilance et la sévërilâ des tribunaux qui poQTsuivaieat
l'hérésie n'en arrêtèrent pas les progrès : les dogmes de la naU'
velle réforme se perpétuèrent ï Paris , il Meaux , i Roi
curés, des religieux, des docteurs en tbéologïe, des docteurs eu à
droit , adoptèrent ces dogmes ; ils les enseignèrent et les persua-
dèrent au peuple, aux magistrats, aux bourgeob, aux femmes *.
Les livres de toute espèce, livres de piété, traités dogmatiques,
ouvrages polémiques, inondèrent la France et y allumèrent le
fanatisme : on répandit dans Paris des placards pleins de blasphè-
mes contre k sainte eucharistie , avec des iuvectlves grossières
contre tous les ordres du clergé ; on eut même la hardiesse de
faire aDBcher ces libelles au château de Blois, 0(1 le r< '
cour *.
Cea placards se renouvelèrent à Paris , el François 1" fil publia ]
un édii formidable contre les bérétiques.
Pour réparer les attentats des sectaires contre la religion, le rai 1
fil une procession solennelle dans Paris, après laquelle on brùbi 1
six des principaux complices des attentats. On inventa , pour les À
faire soutl'rir davantage , une sorte d'estrapade , au moyen de la-
quelle ces misérables étaient guindés en baut ; puis on les faisait
tomber dans le feu â diverses reprises jusqu'à ce qu'ils finissent
leur vie dans ce terrible supplice : dix-huit autres personnes attein-
tes du même crime furent punies de la même manière; tous
éiaienl Français '.
Les princes prolestans , ave^; lesquels François 1" était ligué 1
contre Cbarles-Quint, se plaignirent de ce qu'on traitait en Franea 1
avec tant de rigueur des hommes qui n'avaient d'autre crime qu
de penser, sur lu religion , comme les Protestans d'Allemagne.
François I" répondit que les personnes qu'il avait fait brûler
étaient noo-seulement hérétiques , mais séditieuses ; ce prince fit
■ Ërasm., Epist
» Hist. de Paris, p. 088. HisI, des archev. de Rouen, p. G05. HisL <
de Meaux, t 1, p. 3S8. U'Argentré, t. 2, p. S.
' HUl. de Paris, p. 990. Du Boula;, l. 6, p. 2&i. HisL de l'ËgU J
fallic, iMd. ConL de Fleury. J
«DuBoulay, Ibid., p. a&9. HisL de I'%1, galtic, t. IB, p, aeO.Cont. ]
de V\ear3, 1. 135, nrU 70, 1, 37, p. SIO.
1
i
I
s
il
t
s
J
:■
r
M6 CAL
même savoir aux princes proteslâna qu'il Mriît chanuod'feroir
dans son royaume quelques-uns rie leurs lliéologiens '.
Le cardinal du Bellay enlama une espèce de néguciation avec
Uélanchton : ce ihéoloF^ïen euvoja un mémoire on une espèce ds
oonfeBsion de foi, dans laquelle les dogmes catholiques qui pas-
saienl pour Taire le plus de peine aux Luliiériens se trouvaient
modifiés et dègaisès de manière que les simples fidèles auraieet
pu regarder cet Écrit comme quelque cboïe d'assez conforme ji la
véritable doctrine de l'Ëglise *.
La Taculié de théologie fit voir la fausseté des e\plicatioDi de
Mélancliton ; mais ce mémoire s'était répandu dans Paris, et il lé-
duisit beaucoup de monde que la censure de la Faculté de ibëo-
logie ne détrompa point \
De ta naiisance et da progrès (fw Calvinisme en France Jusqu'à la
mort ôe Htnri IL
Tel était l'étal de la France lorsque Calvin publia ses Institu-
tions: il donna, dans cet ouvrage, un corps de doctrine à la ré-
forme 1 son ouvrage se répandit , il eut des partisans, et réunit
bientût tous les réformés de France '.
Le roi ne perdit point de vue les intérêts de l'Ëglise ; il multi-
pliait les édita contre les sectaires k mesure que la liberté de
penser devenait plus commune et plu9 dangereuse ».
On vit paraître une multitude de censures de la Faculté de ibéo-
logie de Paris contre des religieux de différens ordres et contre
des écrits qu'on lui dérérait".
Le roi fit dresser, par la faculté de théologie, un formulaire,
et défendit, sous de grlëves peines, d'enseigner rien de contraire;
cependant l'erreur fallait du progrès, même parmi tee religieux
ei dans la faculté de théologie.
Cette faculté portait des sentences doctrinales ; les tribunaux
de la justice décernaient des punitions coalro les prédiculenra et
contre les partisans de l'hérésie '
' ConL de Flcury, i
^ Hial. de l'Égl. (çailic, ibid., p.
' D'Argcnlré, 1. 1, p. 381, elc, 1
> lllït, de I'ËeI. eallic, I. 13, p. 33S.
<ibld.
' D'Argcntré, I. 3, p. S38, nn. 1538, 15i3, 5'i. Aâ.
CAL SOT
\l la vigilance ne purent éteindre le fanatisme de la
rérorme en France ; le nombre de ses partisans s'accrut dans lei
Tilles et i la campagne; lears assemblées commencÈreni â devenir
publiques; ils y clianlaient les psaumes de Marot, On en arr^
plus de soixante ïMeaux, dont quatorze furenlcondamnés ï Airs
brûlés , et allèrent au feu comme au triomphe < .
Les erreurs des réformés se répandirent à Laon, ï Langres, k
Bourges, â Angers, â AuiuniâTrojes, ti Issoudun, ï Rouen.
Tel était l'état oii François 1" laissa la religion en France : il
mourut en 1S57.
Henri II n'eut pas moins de lèle que son père; il le signala
lorsqu'il fit son entrée à Paris. Apr^s un magnifique Journoi , un
combat naval , on fit une procession solennelle , et le roi dtna &
Tévêché ; il fut complimenté par tous les corps : sur le soir, plu-
sieurs hérétiques furent exécutés dans ditTérens quartiers de Paris,
et le roi, retournant à son palais des Tourtietles, en vit brûler
quelques-uns '.
Ce prince renouvela tous les édits portés contre les hérétiques :
il défendit de vendre ou d'imprimer aucun livre sans l'approba-
tion de la faculté de théologie et défendit i toutes personnes non
lettrées de disputer de la religion , et à qui que ce fût de prêter
aucun secours ï ceux qui étaient sortis du royaume pour cause
d'hérésie *.
Depuis eet édit, les bûchera furent allumés partout , et l'nn ne
fit grice nulle part aux novateurs : on les fit brûler i Bordeaux ,
à Ntmes, k Paris, ï Toulouse, ï Saumur, S Lyon : les exricu'
lions furent terribles. Cependant l'erreur faisait tous les jours àt
nouveaux progrès, même parmi les magislrais. Le mi Cla liux
magistrats la connaissance du crime d'hérésie , et l'attribua Sut
juges ecclésiastiques , ordonnant îi tous les gouverneurs de panirj
sans égard pour leur appel , ceux qui seraient condamnés par les
juges ecclésiastiques et par les inquisiteurs de la foi '.
Ce fut le cardinal de Lorraine qui obtint cette déclaration , et
qui la porta lui-même au parlement.
J, p. i9G. DeThou, 1. fl.édil. in-i", t. 1
' D'Argf nlré, ibid.
' Hist. de rÉgl. gallic.
te la Iraducl.
' Hisl. de I'ÉrI. Rallie, I. 18, p. 497.
t Voget U'Ar^cnlré, l, 3, cl ks auteurs cilfs d-ilcsnis.
908 CAL
Le parlement représenta au roi que, par cet édit, il abandon-
nait ses sujets, et li?rait leur honneur, leur réputation , leur îor*
Urne, et même leur vie, à une puissance ecclésiastique; q«*eft
supprimant la voie d'appel, qui est Tunique refuge de Tinnoceneei
il soumettait ses sujets à une puissance illégitime. « Nous prenons
encore la liberté d'ajouter, disent les remontrances, que, pais*
que les supplices de ces malheureux qu'on punit tons les jours
au sujet de la religion n'ont servi jusqu'ici qu'à faire détester
le crime , sans corriger l'erreur, il nous a paru conforme aux
règles de l'équité et à la droite raison de marcher sur les traces
de l'ancienne Église , qui n'a pas employé le fer et le feu pour
établir et étendre la religion , mais plutôt une doctrine pure »
jointe à la vie exemplaire des évèques : nous voyons donc que
Votre Majesté doit s'appliquer entièrement à conserver la rdi«
gion par les mêmes voies par lesquelles elle a été établie, puis-*
qu'il n'y a que vous seul qui en ayez le pouvoir. Nous ne don»
tons point que par-là on ne guérisse le mal avant qu'il s'étende
plus loin , et qu'on n'arrête le progrès des opinions erronées qui
attaquent la religion : si , au contraire, on méprise ces remèdes
efficaces , il n'y aura point de lois ni d'édits qui puissent j sup-
pléer *. »
Ces remontrances suspendirent l'enregistrement de Fédit, mais
elles n'arrêtèrent point les poursuites contre les Calvinistes , dont
le nombre croissait tous les jours.
Ils s'assemblaient à Paris , et leur aversion pour les catholiques
augmentait tous les jours : un Calviniste zélé témoigna, dans une
de leurs assemblées , une grande répugnaoce à laisser baptiser par
un prêtre catholique un fîls qui lui était né : on délibéra sur son
embarras, et Ton élut un jeune homme^ nommé la Rivière, pour
faire la fonction de pasteur, et dès lors on établit un consistoire
sur la forme de celui que Calvin avait établi à Genève.
L'exemple de la capitale entraîna beaucoup de villes considéra-
bles : les assemblées devinrent plus nombreuses à Blois, à Tours ,
à Angers , à Rouen , à Bourges , à Orléans : on dressait presque
partout des consistoires ; la plupart des pasteurs étaient des arti-
sans ou des jeunes gens dont la hardiesse faisait tout le mérite.
Ces établissemens ne se faisaient pas sans contradiction, et l'on
punissait dans tout le royaume les Protestans avec la dernière ri-
* DcThou, 1. 16, u 2, p. 375. llisl. dcrÉgl. gallic, 1. 1, p. 016.
CAL 309
gueur lorsqu'on pouvait les découvrir. Lesédils portés conlre eui
furent renouvelés, avec la clause, sans préjudice de la juridiclioo
rojate.Le roi prononça peine de mort eon Ire tous les liéréliques ,
contre ceux qui étaient allés k Geoèfe depuis la défense que le
roi en avait faite : on défendit ù tous les juges de moditier celte
peine '.
Ainsi, l'on punissait toujours les Protesians ; mais le zèle coni'
niençait ï se ralentir dans les parlemens, et ils se trouvaient sou-
vent partagcf surles hérétiques qu'on leur dénonçait *.
Les princes de la maison de Guise représentèrent vivement an
roi te progrès de l'hérésie et le ralentissemeul du zèle dans les
parlemens : le roi eu témoigna son indignation, se rendit au par-
lement et St arrêter les conseillers qui osaient prendre la défense
1
La mort arrêta les projets de Henri II contre l'hérésie ; ce
prince lut tné au milieu des fêles et des tournois qu'il donnait
!s de sa fille et de sa sœur '.
De félat iti Calviniites depuis la mari de Henri IL
François 11 succéda 'j. Henri 11, son père : lu reine mère, qui
voulait gouverner et qui craignait que le roi de Navarre et le
prince de Condé ne s'emparassent de l'admiDislrution de l'Ëlat,
s'unit aux princes de Guise, et le roi les chargea du gouverne-
ment du rojaume.
La noblesse, dont le pouvoir était fort grand dans les troubles
domestiques, ennuj'ée des guerres passées, vivait chez elle dans
le repos, sans se soucier des allaires de l'État : le peuple se
tentait de demander la diminution des subsides; du reste, il lui
importait peu qui dominerait ï la cour ; pour le clergé, il était
_ dévoué aux princes deGuise, qui avaient marqué beaucoup dezèle
Eiiour la religion catholique et qui étaient ennemis irréconciliables
les Protesians.
Pour s'attacher davantage ce corps puissant, messieurs de
" e firent reprendre le procès des conseillers du parlemeni
i sous Henri 11, et le conseiller du Bourg fut exécuté : dq
* De Thou, 1. la, L ï, p. 375. Uisl. de l'Égl. gftl., t, l, p, 610.
'DeThou, L17, I, 3, p. 437.
> Ibid., p. (ItiS.
' L'ut less.
310 CAL
continua à rechercher tous ceux qui, à roccâsion des <q[iiiiioaf
nouTelles, s^assemhlaient en secret; on en traîna un grand mn»-
bre en prison ; plusieurs ayant pris la fuite, on vendit leurs meu-
bles à Tencan ; tout Paris retentissait de la toîx des bûssiers qui
proclamaient des meubles ou qui appelaient au ban les fiigituk :
on ne voyait partout que des écriteaux sur des maisons od étaient
quelquefois restés quelques enfans que la faiblesse à% leur âge
n^avait pas permis aux pères et aux mères d^emmener avec eux
et qui remplissaient les rues et les places de leurs cris et de leurs
gémissemens ; ces recherches rigoureuses lurent faites dans tout
le royaume *.
Les Protestans, poussés à bout et devenus hardis par leur nom-
bre^ répandirent contre les Guises et contre la reine mère des li-
belles et publièrent des mémoires pleins d^artifices*.
Cependant le royaume n^était agité d*aucua trouble, le roi itait
révéré et tou^puissant, les gouverneurs et les magistrats exer-
çaient une pleine autorité, la noblesse et le peuple avaient ds
Thorreur pour la sédition et pour la révolte.
Tout était donc tranquille ; mais ce calme extérieur eachait on
mécontentement presque général parmi les grands, qui ne souf-
fraient qu*avec peine le gouvernement des princes de Gulsé. Les
Protestans, inquiétés sans cesse, sans cesse exposés à se voir
obligés de quitter leur patrie, leurs amis, leur fortune, à perdre
leur liberté ou à périr par des supplices terribles, désiraient un
gouvernement moins sévère, et ne pouvaient Tespérertant que les
princes de Guise jouiraient de Taulorité; enfin, il y avait un
grand nombre de personnes à qui Tindigence, des dettes, des cri-
mes énormes dont ils craignaient la punition, faisaient souhaiter
des mouvemens et du trouble dans TÉtat '•
Les mécontens ont un talent pour se distinguer ; Une espëée
d*instinct les porte Tun vers Tautre , et produit presque maôhi-
nalement entre eux la confiance et rattachement : tous les enne-
mis des Guises se réunirent, se communiquèrent leurs désirs ; ils
connurent leurs forces : le plus grand nombre ne pouvait espérer
d*adoucissement sous le gouvernement des Guises; ils formèrent
le projet de leur enlever Tautorité.
Le prétexte fut que les Guises avaient usurpé Tautorité souve-
* De Thou, îbid.
2Ibid.,l. 23.
3 Ibid.
CAL su
rsioc sans le consentement des états ; que ces princes , abusant
de la laiblesse du roi , s'étaient rendus maîtres des armées ; qu'ils
dissipaient les finances , qu'ils opprimaient la liberté publique ,
qu'ils persécutaieiit des hommes innocens, zélés pour la réforme
de l'Ëglise, et qu'ils n'avaient en vue que la ruine de l'État.
On voulut même justifier ces projets factieux par des apparences
de justice, par des formes judiciaires; il t^e filïce sujet plusieurs
délibérations secrËtes : on prit l'avîs de plusieurs jurisconsultes
de France el d'Allemagne et des théologiens les plus célèbres
parmi les Protestans , qui jugèrent qu'on devait opposer la force
1 la domination peu légitime des Guises , pourvu qu'on agit sous
l'autorité àes princes du sang , qui sont nés souverains magistrats
du royaume , en pareils cas , el que l'on combattît au moins sous
les ordres d'un prince de la race royale et du consentement des
ordres de l'Ëtat, ou de la plus grande et de la plus sniue partie
de ces ordres. Ils disaient aussi qu'il n'était pas nécessaire de com-
muniquer ces desseins au roi , que l'ûge et son peu d'expérience
rendaient incapable d'affaires , et qui , étant comme détenu captif
par les Cuises, n'était pas eu état de prendre un parti salutaire
à ses peuples.
Les auteurs de cette entreprise , quels qu'ils fussent , songèrent
à se choisir un chef, et l'on jeta lesyeux sur le prince de Condé ,
disposé par son grand courage , par son indigence el par sa liaine
contre les Guises , !i attaquer ses ennemis plutàt qu'i en recevoir
des injures.
Le nom de cet illustre chef fut caché: onmit à ta lête des con-
jurés la Renaudie, dit la Forêt ; c'était un gentilhomme d'une an-
ci^tie famille du Périgord , brave et déterminé , qui avait eu un
long procès qu'il avait perdu , el pour lequel il avait été condamné
ï une grosseaniende el banni pour un temps, à cause de quelques
titres faux qu'il avait tournis dans le cours du procès : la Renau-
die passa le temps de son ban ï Genève el !k Lausanne , ob il se
lit beaucoup d'amis parmi les réfugiés.
Cet homme, d'un esprit vif et insinuant, parcourut sous un
nom emprunté les provinces de h France , vit tous les ProtesEaos,
s'assurj de leurs dispositions, et assembla les principaux à
Nantes.
Lb , on dressa une formule de protestation par laquelle ils
crojaienl nietlre leur conscience en sùrelé ; on lut les avis et les
jnrpnnalions conlre les Guises , aiusî que les décisions des doc<
leurs ea droit et en théologie, et Ton prit des nemues poor
rexécation.
Oa convint qu^ayant toutes choses un grand nomlMre de per*
sonnes non suspectes et sans armes se rendraient à IKois ; qie
Ton présenterait au roi une nouvelle requête contre les Goises,
et que si ces princes ne voulaient pas rendre compte de leur ad-
ministration et s*éloigner de la cour, on les attaquerait les aniie&
k la main , et qu*enfin le prince de Gondé , qui avait Ywûn <pi*oii
tût son nom jusque-là , se mettrait à la tête des conjurés. Avant
de se séparer, les chefs de la conjuration tirèrent au sort les pro«
vinces dont chacun conduirait les secours.
Les princes de Lorraine ignoraient la conjuration formée eontre
eux; des lettres d* Allemagne la leur annoncèrent, et ils ne la
crurent pas : un Protestant , chez lequel la Renaudie logeait lors-
qu'il venait à Paris, leur ouvrit enfin les yeux ; ils connurrat le
péril et songèrent k Téviter ; le roi quitla Blois et alla à An-
boise.
Les conjurés n'abandonnèrent point leur dessein ; ils se rai-
dirent à Amboise ; mais les princes de Guise en firent arrêter use
partie avant qu'ils fussent réunis , et beaucoup furent tués &k
chemin , entre autres la Renaudie ; le reste fut arrêté ou se sauva ;
ceux qu'on arrêta avouèrent la conjuration , et soutinrent tous
qu'elle n'avait pour objet que les ducs de Guise ; ils déclarèrent
que jamais ils n'avaient conjuré ni contre la vie ni contre l'au-
torité du roi.
Les conjurés furent jugés avec beaucoup de célérité ; on en pen-
dit la nuit aux créneaux des murs du château ; d'autres furent
noyés; quelques-uns furent traînés au supplice, durant le jour,
sans qu'on sût leur nom. La Loire était couverte de cadavres ; le
sang ruisselait dans les rues , et les places publiques étaient rem-
plies de corps attachés à des potences.
Le mauvais succès de la conjuration d' Amboise n'abattit point
le courage des Protestans ; ils conçurent qu'ils n'avaient point à
espérer, sous les princes de Guise , un traitement moins rigou-
reux ; ils prirent les armes dans différentes provinces, et trouvè-
rent partout des chefs, des mécontens qui cherchaient à se venger,
des esprits inquiets qui ne désiraient que le trouble , des soldats
et des officiers congédiés , incapables de s'accoutumer à une vie
tranquille ; des malheureux que l'indigence rendait ennemis du
gouvernement et pour qui la guerre civile était avantageuse.
CAt 3f»
Cëp^Tde l'aotorilù royale ^toiiDail ces s^itions pariiculières,
ei les personnoa commises par les princes de Cuise commettaienl
de grands désordres dans les lieux où les Proiestans s'éiaîeni ar-
mùs pour le libre exercice de leur religion : on pendait les mi-
nistres et les Protestans, sauvent contre les promesses les plus
Tormelles de leur accorder le libre eiercice de leur religion
pourvu qu'ils missent bas les armes.
Ces înfidéliiés et ces rigueurs rendirent la haine des Proipsianit
implacable, et leur 6lèrent toute espérance d'un sort moins ter-
rible.
Le xèledes catholiques, écbaufTû par des intérêts politiques et
par des Tues de religion , prétendait que c'était trahir l'FIglise
et rï:tatque d'admettre aucune espèce d'adoucissement dans les
luis portées contre les hérétiques.
La France renfermait donc dans son sein deux partis puissans
et irréconciliables , et tous deux armés pour la religion ; l'un ap-
puyé sur les lois et soutenu de la puissance du souverain ; l'autre
Hiitlammé par le fanaiisuie et poussé par le désespoir.
Tel était l'état de la France à la mort de Frant;oi5 II.
De l'état dii Cttlvlnlites depuis Vavénetnent de Charirs IX au Irôae
jusqu'au temps où le prince de Coudé ae mit à leur télé.
Charles IX succéda à François II , et la reine fut déclarée ré-
gente avec le roi de Navarre.
La cour fut remplie de partis et les provinces de troubles : on
K'aitaquait par des paroles piquantes , par des invectives , par des
railleries, par des injures; on se provoquait par des noms odieux
de partis ; on se traitait de papistes et de huguenots ; les prédica-
teurs soufflaient le feu de la division et exhortaient le peuple ï
s'opposer aus entreprises de l'arairal de Coligny , qui osait pro-
mettre hautement qu'il leraitprécheret qu'il établirait la nouvelle
doctrine dans tes provinces sans y causer aucun trouble.
11 j eut des émeutes populaires dans beaucoup de provinces ,
et l'on vit de vraies séditions A Amiens, i Pontoise , i BeauTais.
Le roi envoya dans toutes les provinces une ordonnance par la-
quelle il défendait d'employer les noms odieux de huguenot et de
pgpitte, de troubler la sûreté, la tranquillité et la liberté dont
chacun jouissait : par la même ordonnance le roi voulait qu'on
lenlt en liberté ceux qui avaient été arrêtés pour cause de rcli-
t 27
814 CAL
gion, et permettait à tons eenx qui étaient sertis en Wftiûtikt
pour la même cause d'y rentrer.
Le parlement rendit arrêt pour défendre de publier cette or*
donnance : elle eut cependant son effet presque paitont ; dlé
augmenta considérablement le nombre des Protestans ^ et raiiâKt
leurs assemblées plus fréquentes.
Le cardinal de Lorraine se plaignit que Ton abusait de TêêSt
du roi ; que Ton poruit jusqu'à la licence la liberté qn*9 aceor-
dait ; que les villages , les bourgs , lés Tilles retentissaient du
bruit des assemblées , toutes défendues qu'elles étaient; que tout
le monde accourait aux prêcbes et s'y laissait séduire ; que la mul-
titude quittait de jour en jour l'ancienne religion.
Pour arrêter ces effets de la déclaration , le roi tînt uii lit de
justice et rendit Tédit nommé l'édit de juillet , à cause du mois où
il fut rendu.
Par cet édit , le roi ordonnait à tous ses sujets de vivre en paix
et de s'abstenir des injures , des reproches et des mauvais traita-
mens ; défendait toutes levées de gens de guerre et tout ce qui
pourrait avoir l'apparence de la faction ; enjoignait aux prédica-
teurs , sous peine de la vie , de ne point user, dans les sermons,
de termes trop vifs et de traits séditieux ; attribuait la connais-
sance et le jugement de ces objets en dernier ressort aux gouver-
neurs des provinces et aux présidiaux ; ordonnait de suivre, dapi
Tadministration des sacremens, la pratique et les usages de TË-
glise romaine ; réservait aux juges ecclésiastiques la connaissance
et le jugement du crime d'hérésie ; prescrivait aux juges royaux
de ne prononcer que la peine de bannissement contre ceux qui se-
raient trouvés assez coupables pour être livrés au bras séculier.
Sa Majesté déclarait enfin que toutes ses ordonnances subsiste-
raient jusqu'^ ce qu'un concile général ou national en eût autre-
ment décidé. On ajouta à Tédit une amnistie générale et l'abolition
de tout le passé pour ceux qui avaient causé des troubles au sujet
de la religion, pourvu qu'à l'avenir ils vécussent en bons catho-
liques et en paix.
La même assemblée indiqua des conférences à Poissy sur les
matières de religion ; on accorda des saufs-conduits aux ministres
pour s'y rendre. On ne traita proprement, dans ces conférences,
que deux points, l'Église et la cène : l'article de l'Église était
regardé par les catholiques comme un principe général qui ren-
yersait par le fondement toutes les Églises nouvelles ; et, parmi les
CAL
' poiDU [nriiciiliers coniroversés , aucun ne paraissait plus ess
tiel que celui de l'eucbarislic.
Les Calvinistes préseulèrent à Vassemblte une profession
foi fausse, captieuse, obscure, i ni nieiUgib le, etrefusÈrenidest
crire â la profc-ssion de fui que les catholiques proposaient : a
ce colloque ue fut d'aucune uLitiiË ; les ibéoloi^eDs protestansy
nonlièrenl peu de capacité, mais beaucoup d'opiniâtreté cl
ponemcDt: la pétulance et les discours de Bèie soulevèrent tous
les esprits, et déplurent même aux Proiestans,
Depuis le colloque de Puissy, il s'éleva tous les jours de i
veaux troubles ; Paris élait agile par des mouveniens sédiiieus
qui faisaient craindre <Ie plus grands malbeurs ; pour les préve-
nir , le roi convoqua à Saint-Cerinain une nombreuse assemblée
de présidens elde conseillers, députés de tous les parlemeus du
royaume ; on y dressa l'édit qui eniprunla son nom du mois de
janvier, auquel il fut publié.
Cet édit portait que les Protesians rendraient incessamment aux
ecclésiastiques les temples , les maisons, les terres, les dîmes, les
offrandes , et généralement tous les bi^ dont ils s'étaient empa-
rés, el qu'ils les en laisseraient jouir paisiblement ; qu'ils ne ren-
verseront i l'aienir ni les statues , ni les croix, ni les images, et
qu'ils ne feront rien qui puisse scandaliser et troubler la Lranquil-
litépublique; que les cootrevenans seront punis de mort, sans au-
cune espérance de pardon ; que les Protestans ne pourront faire i
dans l'enceinte des villes aucunes assemblées publiques ou parti'- I
culières, de jour ou de nuit, soit pour prêcher, soit pour prier , et
cela jusqu'à ce que le concile général ait décidé sur les points
contestés, ou que S. M. en ait aulrenent ordonné ; qu'on ne fera
point de peine aux Prolestans qui assisteront à leurs assemblées,
pourvu qu'elles sefaesent borsdes villes ; que les magistrats et les
juges des lieux ne pourront les inquiéter, mais seront au con-
traire obligés de les protéger et de les mettre !i l'abri des insalles
qu'on pourrait leur faire ; qu'ils procâderont suivant toute la ri-
gueur des ordonnances contre ceux qui auront excité quelque
sédition, de quelque religi ou qu'ils soient ; que les ministres pro-
tesians seront obligés de recevoir lesmagistrats dans leurs asseut-
blées ; que les Proiestans ue pourront célébrer aucun colloque ,
synode , conférence, consistoire , qu'en présence des magistrats ,
qu'ils seront obligés d'y appeler; que leurs statuts seront cooiniu-
Il magislmt et approuva par lui; qu'ils n'avanceront
3t6 CAL
rien de contraire au symbole de Nicée ; que dans leurs semions
ils s^abstiendront de toute in?ectiTe contre les catholiques et con-
tre leur rdigion ^
Cet édit fut enregistré par le parlement uniquement pour obfo
au roi : les catholiques ne voyaient qu^avec peine que les Protes«
tans jouissaient du libre exercice de leur religion , et il n^était pas
possible que, dans Tétat où les esprits étaient, les catholiques ou les
Protestans 8*en tinssent exactement à robsenration de cet édit.
Les catholiques Tenfreignirent les premiers , à Yassi, petite ville
de Champagne, peu éloignée de JoinriUe, où les Protestans avaient
acheté une espèce de grange dont ils avaient fait un temple et
où ils s*assemblaient.
Le duc de Guise passait par cette ville dans le temps que les
Calvinistes s*assemb]aient;les gens du duc de Guise les insultèrent;
les Calvinistes répondirent injure pour injure ; on en vint aux
coups ; le duc accourut pour arrêter le désordre ; en entrant dans
le temple , il reçut une légère blessure ; ses gens ayant vu covl&t
le sang firent main basse sur les Protestans , sans que les mena-
ces etTautorité du duc pussent les arrêter: plus de soixante, tant
hommes que femmes, furent tués, étouffés, ou moururent de leurs
blessures ; plus de deux cents furent blessés.
Telle est l'aventure qu'on appelle le massacre de Yassi : ce fut une
affaire de pur hasard, et qui devint roccasion d'une guerre civile.
Le roi était alors à Monceaux ; le prince de Gondé lui repré-
senta le massacre de Yassi comme la désobéissance la plus for-
melle à ses édits, et comme une rébellion qui méritait le châtiment
le plus sévère; il demandait sur toutes choses à la reine d'in-
terdire l'entrée de Paris à ceux qui avaient encore les mains teintes
du sang innocent.
Les Protestans étaient bien éloignés d'obtenir ce qu'ils deman-
daient ; le duc de Guise, le connétable de Montmorency et le ma-
réchal de Saint- André formaient un parti trop puissant : le duc de
Guise entra à Paris comme en triomphe, et le connétable alla dé-
truire les prêches que les Protestans avaient à Paris ou aux en-
virons; la reine avait été obligée de s'unir au triumvirat et d'a-
bandonner le prince de Gondé , avec lequel elle s'était d'abord
unie pour résister au triumvirat.
1 Mém. de Gastelnau, 1. 3, c. 7, édit. de Bruxelles, 1731, t* 1» pi 81*
Add. de Laboureur, ibid., p. 7()0. De Thou, 1. 20.
CAL 3
Le Lrlumv irai avait poiii'IuilescatLuliqueE; le prince deCoD
avïil les Prolestans. La t'ranix éUil prlagée entre ces deux p:
tiii, qui se baissaient morlelleinenl, et qui étaieul arinés.
Le triumvirat résolut de faire diklarer la guerre au prince
Condé el ï ceui de son parti.
Oe l'étal des Cahinisles, depuis li déclaration de guerre dupritiee
de Condé jusqu'à la mari de Charlet IX,
Le prince de Condé ajanl appris le changement de la reii
relira il Orliians , écrivit à toutes les Eglises protestantes , et pu-
blia un nianireste , dans lequel il exposait que le but de ses adver-
saires , dans toutes leurs démarches , avait été d'âier à ceux qui
voulaient embrasser une doctrine plus pure la liberté de con-
science que le roi avait accordée par ?es édils ; il le prouvait par
plusieurs faits, et entre autres par le massacre de Vassi , dont
l'impunité avait été comme le signal de la sédition et de la guerre
queronvoulailallumerdans toutes les parties du royaume: ildé-
clarait qu'il ne prenait les armes par aucun motir d'intérêt parti-
culier, mais pour satisfaire il ce qu'il devait i Dieu, au roi et à sa
chère patrie, pour lirer le roi et la famille royale de la captivité.
Ou vit aussi paraître une copie du traité qu'il avait fait avec ses
confédérés pour faire rendre au roi la liberléde sa personne , et à
ses sujets celle de leur l'onecience.
Par ce même acte il était déclaré le légitime protecteur et dé-
fenseur du royaume de France , et en cette qualité on lui promet-
tait obéissance , à lui ou ï celui qu'il nommerait pour remplir sa
place lorsqu'il ne pourrait agir par lui-même; on s'engageait, pour
l'exécution du traité , de lui fournir les armes, les chevaux , l'ar-
gent et tout ce qui était nécessaire pour faire la guerre; enlin ,
l'ou se soumetiait ï toutes sortes de peines et de supplices , si l'on
manquait en quelque chose !i son devoir. Ce traité fut fait eu 1S62.
Ainsi, la moitié de la France était arméeconlre l'autre; et après
beaueoup de négociuiions, dans lesquelles les triumvirs faisaient
toujours entrer l'extinction de la religion protestante , la guerru
commença entre les Prolestans et les catholiques, et se lit avec
une fureur qui nous étonnerait dans l'histoire des nalioas les
jilus barbares.
Un arrêt du partemeol déclara les Prolestans proscrits, ordonna
de les poursuivre, et permit de les tuer. On imiigiiie aisément
tuub les débordiez qui suivirent un {i:ir('i] arrcl; j:imais un uu vli.
818 CAL
lâBt de représailles de vengeance , tant d*actiaiis tfflnribles da U
part des catholiques et des Protestans , dans toutes les YÎUeft d«
royaume. La mort du duc de Guise fut une suite de cette f«Kiir:
Poltrot, qui Tassassina , déclara que ce dessein loi avait été rag-
géré par Tamiral , et qu^il y avait été confirmé par Bèse et per «s
autre ministre; il fit même entendre que les réformés ne s^en
tiendraient pas là *.
Le duc de Guise, en mourant, conseilla à la reine de faire la
paix ; on y travailla , et le roi donna , Tan 1563, le 19 mars, un
édit par lequel Sa Majesté permettait aux seigneurs hauts justi-
ciers le libre et plein exercice de leur religion dans Tétendue de
leurs seigneuries , et accordait à tous les nobles la même liberté
pour leurs maisons seulement, pourvu qu^ils ne demenraasent
pas dans les villes ou dans des bourgs sujets à de hautes justices»
excepté celles du roi : le même édit ordonnait que , dans tous ks
bailliages ressortissans immédiatement aux cours du parlement V
on assignerait aux Protestans un lieu pour y faire Texercice public
de leur religion ; on confirmait aux Protestans la liberté de i&dr
leurs assemblées dans toutes les villes dont ils étaient les maîtres
avant le 7 mars 1563.
L^édit portait pardon et oubli de tout le passé , déchargeait le
prince de Gondé de rendre compte des deniers du roi qu'il avait
employés pour les frais de la guerre , déclarait ce prince fidèle
cousin du roi et bien affectiomié pour le royaume, et reconnais-
sait que les seigneurs, les gentilshommes, les officiers des troupes,
et tous ceux enfin qui avaient suivi son parti par des motifs de re-
ligion , n'avaient rien fait , par rapport à la guerre , ou par rap-
port à l'administration de la justice , que par de bonnes raisons
et pour le service de Sa Majesté.
Get édit, quoique enregistré par tout le royaume, était plutôt
une trêve qu'une loi de paix ; il fut mal observé ; Charles IX ,
qui prit le gouvernement du royaume , annula par des interpréta-
tions la plus grande partie des privilèges accordés aux Protestans,
et les parlemens demandèrent qu'il fût défendu de professer une
autre religion que la catholique.
Les Protestans reprirent donc les armes en 1567 : la France
fut encore désolée par une guerre civile, qui ne finit que par un
nouvel édit , confirmatif de l'éiit porté cinq ans auparavant (1563).
* De Thou, !• 34.
CAL
Cet ëdit fut enregistré au parlement, et la 'guerre et
Malgré ces apparences île paix, tout tendu il à la guerre; les
catholiques disaient que les hu|;ueuots n'éuient jamais contens
qu'après avoir obtenu de la bonté du roi un édit de paci&calioi
pour prix des maux qu'ils avaient causés, ils travaillaient san
cesse à l'étendre à leur avantage , ou à l'aflaililir au préjudici
du roi.
Les Proleslans, de leur cdlé, disaient qu'ils avaient pris les
armes pour la religion et pour la liberté de conscience qu'on leur
laissait en apparence par un édit, mais qu'on leur âlait en effet,
puisqu'en plusieurs endroits on les fanpécbait de s'assembler
que le but de la dernière paciSeation n'était pas de rétablir la tran-
quillité dans le royaume, mais de désarmer les religionna ires sous
préleile de pais, et de les accabler lorsqu'ils seraient désarmés
La guerre recommença donc avec plus de fureur que jamais di
part et d'autre, et la Traucc fut encore inondée du sang des Fran-
çais, un an après l'édit de pacification.
Le duc d'Anjou , frère du roi, commanda son armée, et
prince de Condé celle des Protestans; il fut tué dans le cours
cette guerre, à la bataille de Jarnac; le prince de Bé^rn se i
alors à la léle des Protestans , l'an laTO.
On fit encore la paix, et l'on enregistra au parlement, le 11
août 1370, un édit qui accordait l'amnistie pour le passé, renou-
velait tous les édits faits en faveur des Protestans, et leur accor-
dait quatre villes de sûreté , la Rochelle , MiiuiaubaD , Cognac et
la Charité , que les princes de Navarre et de Coudé s'obligeaient
de remettre deux ans après'.
C'était k la nécessité que l'on accordait ces arrêts , et (e ro.
solut d'abattre tont-ï-fait le parti protestant et de finir la guerra
en faisant périr tous les chefs de parti. Les mesures furent priset
pour les attirer â Paria et pour les faire périr avec tous les Pro-
L'exécution de ce dessein fut confiée au duc de Cuise,
l'assassinat de son père rendait eunemi irréconciliable de l'amiral :
la nuit du 34 août , jour de saint Barlhélemi , on commença dam
^r les Proleslans.
redura sept jours: durant ce temps, il fut lue plus de
cinq mille personnes dans Paris, entre autres cinq k six cenli
» De Thou, 1, i7. Traduction, éilil, ia-li', I. 5.
'3)0 C]AL
gentikhommes ; on n^épargna ni les vielUtrdSy ni les oiluis » ni
les femmes grosses : les ans furent poignardés» les antres toés à
€oaps d*épèe et d*arqaebuses , précipités par les fenêtres » assoM*
nés à coups de crocs , de maillets ou de leTÎers : le détail de la
cruauté des catholiques fait frémir tout lecteur en qm Thmiianilé
ii*est pas absolument éteinte.
« Gomme les ordres expédiés pour les massacrer avaient eoam
» par toute la France, ils firent d*étrange8 effets, principa-
» lement à Rouen, à Lyon , à Toulouse. Gnq conseillers du jpar-
» lement de cette ville furent pendus en robes rouges ; vingt à
» trente mille hommes furent égorgés en divers endroits , el on
» voyait les rivières traîner avec les corps morts Thorreiir et Tift*
» fection dans tous les pays qu*elles arrosaient^. »
11 y eut des provinces exemptes de ce carnage ; la ville de li*
sleux en fut garantie par le zèle vraiment chrétien et par la cha-
rité de son é?éque, qui ne voulut jamais permettre qu*0B fil
aucun mal aux Protestans. 11 arriva de là qu'un grand n^MDbrs
d^hérétiques se réunit, dans son diocèse, à TÉglise catholi^pM;
à peine y en resta-t-il un seul K
« Les nouvelles du massacre, portées dans les pays étrangers,
» causèrent de Thorreur presque partout ; la haine de Thérésie
> les fit recevoir agréablement à Rome ; on s'en réjouit aussi en
» Espagne, parce qu'elles firent cesser Tappréheosion qu'on y
• avait de la guerre de France '. »
Après le meurtre de tant de généraux , la dispersion de ce qui
restait de noblesse parmi les Protestans , l'effroi des peuples dans
toutes les villes , il n'y avait personne qui ne regardât ce parti
comme absolument ruiné ; un grand nombre alla à la messe ; les
autres quittèrent leurs maisons et se retirèrent dans les diff'érentes
villes où les Protestans étaient les plus nombreux ; là les ministres
effrayèrent tellement les Protestans dans leurs sermons et par le
récit des massacres, qu'ils conclurent d'un commun accord que,
puisque la cour avait conjuré leur perte par des moyens si bar-
bares, il fallait se défendre jusqu'à la dernière extrémité. En
moins d'un an les affaires des Protestans se trouvèrent rétablies ,
1 Bossuet, Arb. de Thist de France, L 17, L 12, p. 832. De ThoU|
ibid.
2 Mézerai, U 8, p. 43. Gallia christ. De Thou, 1. 53.
^ Bossuet, ibid.
tÀL
an
a France une quatrième guerre entre les
f:ilht)liques et les Protestaos.
Pour les accabler lout d'un coup le roi leva Ipoîa armteg : les
Proiesmns firent tête partout; la Tureur el le désespoir les ren-
daient invincibles , et Charles IX , après deux ans de guerre ,
mourut sans avoir pu les soumettre : il était igi; de vingt-cinq
ans, el mourut enlSîj'.
Des Calvin'ulet pendant le régne de Henri lU.
Peu de temps avant la mort de Charles IX , Henri III avait été
élu roi de Pologne ; il revint en Frunce pour monter sur le Irâne ,
et trouva encore le rojauuie déchiré par la guerre civile , qu'il
termiDU par un cinquiËme édil de pacification. 11 accorda aux Pro-
leslaus le libre eiercice de leur religion dans toute l'étendue du
royaume, sans eicepiion de temps ni de lieu , et sans aucune
restriction , pourvu que les seigneurs pariiculiers n'y missmit
point opposition ; il leur permit d'enseigner par toute l'étendue
du rovaume , d'aduiiuistrer les sacreœens , de célébrer tes ma-
riages , de tenir des écoles publiques , des consistoires , des sy-
nodes , h condition néanmoins qu'un des odiciers de Sa Majesté y
assisterait. I« roi voulait que , dans la suite , le^ Proteslans pus-
sent posséder également , comme les autres sujets , tons les em-
plois , toutes les charges et dignités de l'État ; il leur accordait
des chambres mi-parties dans les huit parlemens du royaume.
Enfin , on accordait aux Proleslans des villes de sAreté , Beau-
caire, Aigues-Mortes en Languedoc, Issoudun en Auvergne, etc.
Cet édit fut enregistré dans un lit de justice tenu le U mai 1576.
Les catholiques murmurèrent Lautenienl contre cet édit : les
ennemis du prince de Condé, les courtisans méconiens appuyèrent
leurs plaintes ; ils gagnèrent insensiblement le peuple de difTé-
renies villes , ellorsqu'ils crurent leur autoritéalTermie, ils for-
raèreol enfin une ligue secrète , sous le beau prétexte de défendre
la religion contre tes entreprises des hérétiques, dont le parti
grossissait de jour en jour, et de rélormer ce que la trop grande
boulé du roi avait laissé de défectueux dans le gouvernement.
Paris, comme la capitale, voulut donner l'exemple; un parfu-
meur el son fils , conseiller au Châtok-t , furent les premiers el les
plus xélés prédicateurs de celte union.
i Bauuet, Ibid., U 17, Uc Tliuu, toc cit.
332 CAL
Par la fonnule de Tunion , qui derait être signée , an non de
la très-saiote Trinité , par tous les seigneore, princes, bârcna,
gentilshommes et bourgeois , chaque particulier s*engagenit par
serment , « à vivre et à mourir dans la ligue ponr rhomiear et le
» rétablissement de la religion , pour la conservation da vr» colle
> de Dieu , tel qu^il est observé dans la sainte Église romaine» »
Au bruit que fit cette nouvelle union, on commença à maltraiter
les Protestans dans les provinces les plus voisines de la cour ; on
ne voyait que libelles séditieux. La ligue fut signée par une infi-
nité de seigneurs , et devint si redoutable, que le roi lîit obligé de
s'en déclarer le chef, et dans la tenue des états de iS76 il fat ré-
solu que Ton ne soufirirait qu'une religion dans le rojaume*
La guerre recommença donc, et finit par un nouvel édit quieoB-
firmait celui qu'on avait rendu trois ans auparavant.
Cependant les chefs de la ligue ou de la faction ne se tenaient
point oisifs ; ils avaient rempli la cour , la ville, tout le rojanoM,
d'émissaires qui publiaient que les Protestans se préparaient à um
nouvelle guerre civile ; les prédicateurs commencèrent à dédamer
contre l'hérésie , à gémir sur les malheurs de la rdigion, prête à
périr en France : ils annonçaient ces malheurs dans les diaires,
dans les écoles, dans les cercles , dans le tribunal même de la pé-
nitence ; on l'insinuait aux personnes simples et crédules ; on les
exhortait à faire des associations ; on recommandait au peuple les
princes de Lorraine , zélés défenseurs de la religion de leurs an-
cêtres; on élevait jusqu'au ciel leur foi et leur piété , et souvent
on accusait indirectement de dissimulation et de lâcheté les per-
sonnes les plus respectables , qui ne pensaient pas comme les lî«
gucurs.
On se proposait, par ce moyen, d'accréditer les princes de Guise
et de faire haïr et mépriser le roi, aussi bien que tous les princes
du sang royal.
Le roi le savait ; mais, pour réprimer ce désordre, il fallait agir,
réfléchir , et l'habitude de la dissipation l'en rendait incapable :
livré à la mollesse, à l'oisiveté, il dissipait en profusions ridicules
ses revenus, et accablait les peuples d'impôts ; il semblait qu'il ne
réservât son autorité que pour faire enregistrer des édits bursaux ,
et qu'il ne vit de puissance dangereuse dans l'Ëtat que celle qui
pouvait s'opposer à la levée des impôts. Insensible à l'indigence
et aux gémissemens des peuples, il ne connaissait de malheur que
de manquer d'argent pour ses favoris et pour ses puérils amuse-
CAt
333
mens , et laissait m princealoiramE la liberiâ de tout eolrepren-
dre et ans prédicatenrs celle de tout dire en faveur de la ligue.
Cependant , pour montrer combien il afaii d'amour pour la re-
ligion et de haine pour l'iiércsie , il résolut de miner les Proles-
Uns, et de les dépouiller de leurs dignités , de leurs cliarges et
de tonte l'aulorilé qu'ils ayaient ',
Il euTOja le duc d'Épcrnon au roi de Navarre, héritier présomp-
tif de la couronne, pour l'engager à rentrer dans la religion ca-
tboliqne ; il croyait porter un rode coup au parti protestant s'il
pouTait en détaclier ceprïnce.
Les catholiques , associés pour l'extirpation de l'hérésie, n'in-
terprétèrent pas ainsi celte démarche : comme ils haïssaient mor-
tellement le duc , ils disaient que son vojïge n'aïait point pour
objet de maintenir la paix, de ramener le roi de Navarre i la re-
ligion catholique , ni de contenir les Protestans dans le devoir,
mais de conclure ou traité avec ce prince et avec les hérétiques
pour la ruine des catlioliques.
Leduc d'Épem on rapporta que le roi deNavarre était résolu de
persister dans la religion protestante ; d'oti l'on concluait que ce
prince étanlle plus proche héritier du rojaume, après la mort de
Henri 111 la France serait au pouvoir des hérétiques.
Ces bruits, répandus par les émissaires de la ligne , développè-
rent partout l'esprit de révolte contre un prince qui d'ailleurs ac-
cablait ses sujets d'imp&ts et qui s'était rendu méprisable par
une vie pen digne d'un roi.
Le peuple murmurait liautemenl; les prédicateurs déclamaient
dans les chaires et ne cherchaient qu'à jeter la terreur dans les
esprits : on fît des assemblées , on leva des troupes dans les cam-
pagnes, on nomma des chefs qui ne paraissaient point, mais qui de-
vaient se montrer lorsqu'il en serait temps.
Ces nouvelles arrivèrent de toutes parts à la cour, et le roi com-
prit enfin que ce n'était plus aux Prolestans, mais aux Guises qu'il
avait affaire : il défendit toutes les conlëdérations et les lev^s de
troupes, sous peine de lèse-majesté '.
Les ligueurs ramassèrent cependant des troupes, formèrent une
armée, et forcèrent le roi ^ défendre, dans l'étendue du rojaume ,
)ute autre religion que la religion catholique et ro-
> DeThou, 1. 76, U 6, p. :jaD.
\
332 <ilAL
Par la formnle de Fanion , qû à«m\p^^ % MwMpmni ei an*
h Irès-sainte Trinité , pwr tons Iw ■ri'^'^î/aieBl lœi ProMtans
gentilshommes et boorgaou , cha«r^>i'i ^^^*^ mêmes panes
serment , « à vifie et à nounr *-,^x '^*"* "° "®"' ^^^'^^^ ^'«^
» rétablissement.de la religior ;>jï> emplois publics , et mcapables
» de Diea, tel qa'U est^ i:^
Au bruit que fitcett^ y^jf^ ^^ "»»* ®" ligueurs avaient fait
les Protestans dans ' ><>f>^^ religion catholique, le roi oubliait
ne Toyait que Hbf J^if<^'^'^'^ ^^ »^*^«n* eolrepris , soit au d^
' ^ -oyaume *.
~' excom-
y*y/Mtift^i c» ucuri lit pressai cxcvuuuuuc SOU der-
||fBpi| j^^, I^^ÎQ ^^ ^^^ intimider , ne servit qu*à les aigrir :
€f /SSS^ ^^ publier un édit contraire à celui du roi ; tout
P^ JSi^ armes dans le royaume , et la guerre recommença
^ /jT'a France».
yfj^ du fanatisme de la ligue était à Paris , et Ton y pn-
^an^ le roi favorisait en secret les Protestans, et qu'il y avait
éTà^os Paris plus de dix mille Protestans ou politiques , nom
€ggx dont la ligue se servait pour désigner ceux qui étaient at-
J^ésau roi et portés pour le bien public.
par ces discours on échaufla les bourgeois et la populace; les
prédicateurs se déchaînèrent contre le roi de Navarre et contre le
roi même, qu'ils accusaient de favoriser ce prince hérétique ; en-
fin les confesseurs développaient ce que les prédicateurs n'osaient
dire clairement.
On inventa encore en ce temps-là beaucoup de pratiques pro-
pres 5 entretenir l'esprit desédition ; on ordonna des processions
dans toutes les églises de la ville, oii Ton parait les autels de pier-
reries, de vases d'or et d'argent, qui attiraient les regards du peu-
ple ; enfin on conjura contre le roi , et il fut obligé de sortir de
Paris '.
On vit alors en France l'armée du roi, celle des ligueurs et celle
des Protestans.
Les forces des ligueurs augmentaient tous les jours , et le roi
s^accommoda enfin avec eux.
* DeThou, I. 81.
2 Ibid., 1. 82, p. 523.
5 Ibid., I, 90, t. 7, p. 194.
[ CA.L 33S
■ Kn 1S8S, au mois de juiilel , le roi donna un édit par lequel ,
^.n^â s'ùlrt: étendu fort au long sur le zèle qu'il avait toujours eu
mr iiiLin(eiiir la religion et pour entretenir l'union des calholi-
's , il s'obligeait par serment ï travailler erCtacemeDl au réta^
lenient de la religion dans son royaume, et ï l'eitirpation de
nés et des hérésies condamnés par les saints conciles, el ei
dier par le concile de Trente, s'engageani k ne point mettre
•rœes bas qu'il n'eût absolument détruit les bérétiques.
Le roi déclarait qu'il entendait que tous les princes , seigneurs
et états du royaume, toutes les villes commerçantes et les univer-
sités , prissent avec lui le même engagement , et jurassent outre *
cela de ne reconnaître pour roi qu'un prince catholique '.
Le duc de Cuise fut déclaré lieutenant-génfral du royaume, el
l'on continua à Taire la guerre aul Prolestans.
Le roi s'aperçut que toutes ces querelles avaient porté la puis-
sance du duc de Guise au plus haut point ; il résolut de le faire
périr, et crut par ce moyen détruire la ligue ; Henri 111 le fil as-
sassiner à Blois.
Les ligueurs devinrent furieux à la nouvelle de l'assassinat du
duc de Guise; te duc de Mayenne, frËre du duc de Guise, se mil à
Ieurt£le ; la Surbonne déclara que les sujets de Henri III étaient
déliés du serment de Ëdélité ; le duc de Mayenne fut déclaré lieu-
tenant-général du royaume : on leva des troupes, el la ligue fit la
guerre i Henri 111. Les villes les plus considérables embrassèrent
les intérêts de la ligue, et Henri 111 fut obligé de se réunir au roi
de Navarre.
Alors une foule d'écrits séditieux se répandit dans Paris et dans
toute la France; la Sorbonne fît rayer le nom du roi des prières
qui se font pour lui dans te canon de la messe ; enlln elle excom-
munia le roi *,
Le pape excommunia aussi Henri 111 ; enfin Jacques Clément ,
dominicain, l'assassina , persuadé qu'il faisaitune tBuvre agréable
& Dieu et méritoire du salut ^.
Les prédicateurs comparèrent démenti Judith, Henri 111 ï
Holopherne , et la délivrance de Paris k celle de Béthulie : on im-
prima plusieurs libelles dans lesquels l'aseassin était loué comme
,< De Thou, 1. 91, I. 7, p. Î37.
''lUd.deThou, I, 65.
1* IbU,, 1, on.
826 CAL
un saint martyr; on vit l*effigie de ce scélérat exposée sur les au-
tels à la yénération publique.
Deê Cai»i»i8t€i depuis la mort de Henri IUJuâ^^à cMê de
Henri IV.
Henri 111 était mort sans enfons; la couronne appartenait incon»
testablement au roi de Navarre ; cependant Tannée fut d*ai>ord par-
tagée et il ne fut reconnu qu*après avoir juré qu*il maintiendrait
la religion catholique et romaine dans toute sa pureté , qu*il ne fe-
rait aucune innovation ni changement dans ses dogmes ou dans sa
discipline; enfin , il renouvela Tassurance qu*il avait donnée plu-
sieurs fois de se soumettre à la décision d*un concile général ou
national, promettant de ne souffrir dans toute rétendue du royaume
Texercice public d*aucunè religion que de la catholique, aposto-
lique et romaine , excepté dans les places dont les Protestans
étaient actuellement en possession en vertu du traité fait avec
Renri lll.
Le duc de Mayenne , en sa qualité de lieutenant-général du
royaume, fit déclarer roi le cardinal de Bourbon , sous le nom de
Charles S.
Le parlement de Toulouse donna un arrêt pour rendre tous les
ans de solennelles actions de grâces à Dieu de la mort de Heuri lll ,
défendit sous de grièvespeinesde reconnaître Henri de Bourbon ,
soi-disant roi de France , enjoignit à tous les curés de publier la
bulle d^excommunication portée contre lui.
Cependant le duc de Mayenne traitait avec TEspagne pour en
obtenir du secours.
Le parlement de Rouen ordonna de prendre les armes pour la
ligue , et à Toulouse on faisait pour eux des processions guerriè-
res : un moine marchait au nûlieu, et tenant un crucifix à la main,
tournant tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, il disait : Eh bien ! y
a-t-il quelqu'un qui refuse de s^ enrôler dans cette sainte milice ?
S'il s^en trouve d'assez lâches pour ne pas se joindre à nous , je
vous donne la permission de les tuer^ sans crainte d'être repris.
Après la procession , une partie des ligueurs alla à Tarchevé-
cTié, d'oUris avaient chassé le maréchal de Joyeuse; ils jetèrent
de l'eau bénite dans tous les appartemens et donnèrent mille ma-
lédiclions au roi ^.
* De Thou, 1, 07.
GÀL
337
Le pape eavoya un légal pour Hontenir le zèle de la ligue ; e
Sorbonae, vapot que, parmi les ligueurs , quelques-uns avaient
des scrupules sur leur rËsistance au roi , déclara qu'on ne pou-
vait en conscience tenir le parti de Henri IV, ni lui payer d'im-
pôts ou de tributs ; qu'uo hérétique relaps ne pouvait avoir droit
à la couronne ; que le pape avait droit d'excommunier nos rois *.
Ce décret fut signé par le clergé et publié dans Paris.
Le roi d'Espagne fit savoir aux ligueurs qu'il viendrait ï lear
secours, el îl ordonna une levée de deniers sur le clergé pour
celte eipéditioQ et pour empêcber les secours qu'on envoyait
d'Allemagne U Henri IV '.
Pendant que les ligueurs faisaient une guerre vive et opiniâtre
contre Uenri IV, le cardinal de Bourbon , proclamé roi sous le
nom de Charles X , mourut. La mort de ce cardinal ne changea
rien dans le système des ligueurs. La Socbonne déclara que Henri
de Bourbon étant ennemi de l'Église et hérétique, il ne pouvait
être roi, et que quand il obtiendrait dans le for extérieur une
absolution, comme il y avait à craindre que sa conversion ne fût
pas sincère et ne tendit à la ruine de la religion , les Français
étaient obligés d'empêcher qu'il ne montât sur le trûue des rois
très- chrétiens '.
La guerre continua donc entre Henri IV et les ligueurs, cepen-
dant avec des succès bien différcDS : un grand nombre de villes et
plusieurs provbces reconnurent le roi. Une assemblée de prélats
déclara nulle l' excommunication portée contre ceux qui étaient
attachés ï Henri IV ; eufin le roi se fit instruire , abjura la reli-
gion protestante , et fut sacré à Chartres *.
Le parti de la ligue commeu^^ !i tomber ; Paris reconnut le
roi ; la Sorbonne lit un décret pour établir la nécessité d'obéir à
Henri IV.
H ne restait plus , dit H. deThou , de tous les ordres religieux,
que les jésuites et les capucins qui se croyaient dispensés de l'o-
bligation de se soumettre au roi , prétendant qu'il fallait attendre
que le pape eût parlé.
Pour la sOrelé de Paris , on bannit beaucoup de théologiens fac-
* De Tbou, 1. 98, L 7, p. e03, HOà.
îlbid,, p. 607,
■ Ibid., p. 6t0.
• Ibid., 1. 99; I. iOl, U 7, p. SDO i L 8, I. lOS.
328 CAL
ticux t et le calme se rétablit : l'exemple de Paris fut suivi par
beaucoup de villes * .
La ligue résista cepeudant encore quelque temps ; mais enfin
Henri IV se réconcilia avec le pape , qui lui donna Tabsolution *.
Le duc de Mayenne se soumit aussi , ei Henri lY jouit de tout
son royaume.
Les Protestans obtinrent un édit de pacification « semblable à
ceux qu'ils avaient déjà obtenus quatre fois.
Le temps avait , pour ainsi dire , usé le fanatisme de la nation;
mais le zèle était encore dans toute sa force cbez quelque» catho-
liques qui regardèrent Tédit de pacification comme un coup mor-
tel porté à la religion catholique, et Henri lY comme son plus
cruel ennemi.
Henri IV n'eut plus alors à craindre les armées des ligueurs,
mais les poignards du fanatisme , qui afironte les périls et qui se
dévoue avec joie.
Un voiturier de la Loire, nommé Barrière , entendit dire que
c'était une action méritoire de tuer le roi : on lui assura que , 8*il
mourait dans son entreprise , son âme élevée par les anges s^envo-
lerait dans le sein de Dieu , où elle jouirait d'une béatitude éter-
nelle : cet homme , dégoûté d'ailleurs de la vie , forma le projet
d'assassiner Henri IV.
Il vint à Paris ^ agité cependant de remords et flottant; il y
trouva des directeurs et des théologiens qui dissipèrent ses crain-
tes et levèrent ses scrupules : il acheta donc un couteau et se
rendit à Melun pour y tuer le roi , mais il fut arrêté ; il refusa d'a-
bord de nommer ceux qui l'avaient excité à cet horrible parricide,
parce qu'ils lui avaient dit qu'il serait éternellement damné s'il
les nommait ; mais il fut détrompé par un dominicain , et décou-
vrit tout 3.
Jean Châtel entreprit la même chose un an après ; quatre ans
après , Ridicoux , échauffé par les prédications et par les éloges
qu'on donnait à Jacques Clément , forma le même projet.
Enfin Ravaillac l'exécuta en 1610 et fit périr un des meilleurs
rois de la France *,
* De Thou, 1. 109.
2 Ibid., 1. 113.
» De Thou, 1. 107, t. 8, p. 322. Journal de Henri IV, t 1, p, A15 et
suiv. HisL de l'Universilé, t. 6,
A De Thou, ibid.
Des CalviniitM de France depuis la mon de Henri 1\.
Après la mon de flenri-le-Granit , la reine pensa à établir sim
autoriiê ; les principaux ministres de l'État , à maintenir h leur
en appuyant la reine \ les p^nds s'efTorcërent de surlîr de l'abais-
sement dans lequel le règne précédent les aiait mis , et les plus
habiles se serraient de la passion des autres pour ruiner t'autoriié
de leurs ennemis ou pour établir la leur.
Le maréchal de llouillon , animé par ces Tues , proposait aux
Protestans de s'assembler et de demander que Védit de Nantes
lût exécuté en sou entier, tel qu'il avait été concerté avec les Pro-
testans. Ils députèrent au roi pour le prier de leur donner quelque
satisfaction sur vingt-cinq articles.
La cour traita leurs députés avec mépris; le prince de Coudé
profita de leur mécontentement, les engagea ï se déclarer pour
lui ; enfin , le connétable de Luyne , par ses traitemens , les déter-
mina i reprendre les armes.
On Tut encore obligé de fairo la paix et de confirmer l'édlt de
Nantes : l'édit de pacification Tut enregistré le 23 novembre 1632.
Par cette paii , on devait raser le Fort-Louis qui était k mille
pas de La Rochelle ; cependant, deux ans après, il ne l'était pas
encore ; les hostilités recommencèrent, et la guerre ne finit qu'en
1629, par le traité qui rétablissait l'édit de Nantes , et d'autres
édits qui rendaient les temples aux Pratesiana '.
Mais toutes les furiificalions des places qu'ils occupaient furent
démolies , et le parti calviniste se trouva privé de toutes ses villes
de sûreté, et réduit à dépendre de la bonne volonté pure du roi.
Depuis ce temps , le parti diminua sensiblement , et Louis XtV
annula l'édit de Nantes et employa la douceur et la sévérité pour
réunir tes Calvinistes de son royaume ï l'Ëglise romaine : beau-
coup se convertirent, mais plusieurs milliers d'hommes, de
femmes , d'artisans , passèrent dans les pays étrangers. Selon plu-
sieurs , plus de huit cent mille sortirent du royaume *.
Pour bien apprécier les malheurs que la réforme a causés Ji la
France , it faudrait , ï la perte qu'elle a faite par la révocation de
l'édit de Nantes , ajouter tout ce qui a péri dans les supplices et
dans les guerres , depuis le premier bûcher qu'on alluinu contre
aso CAL
les réfonnés en France , jusqu*à la révocation de Tédit de Nantes ;
tous les citoyens qui sortirent du royaume depuis le barniissement
de Jean le Clerc jusqu*au règne de Louis XIY ; il fondrait évidiier
tout le préjudice que reçurent la population , les arts, Iss qiCBOrSy
le progrès de la lumière dans un royaume od, pendant plim d*iiR
siècle et demi» les citoyens, arm^ et divises i se frift^'Apt b
guerre comme les ÂlainSf les Huns et les Goths ravai^t (aile à
TEurope ; en un mot, il faudrait savoir tous les avantages qM lef
étrangers retirèrent de nos malheurs.
Voilà les effets que produisit dans la France une réfiwme gui
ne roidait ni la foi plus pure » ni la morale plus parfaite» qui t^
nouvelait une foule d'erreurs condamnées dians les preimeis âè<*
clés de TÉglise , dont les dogmes renversaient les principes de la
morale » qui niait la liberté de Thomme , qui jetait les lionuBes
dans le désespoir, ou leur inspirait une sécurité funeste qui Atait
tout motif pour la pratique de la vertu , qui se séparait d*iiiia
Église à laquelle les Protestans échirés sont forcés de reconnaîtra
qu'on ne peut reprocher aucune erreur fondamentale, soit dans la
foi 9 soit dans la morale » soit dans le culte.
De Vétat des Calvimtes en France depuis la révocation de VédU de
Nantes.
Il resta en France beaucoup de Calvinistes après la révocation
de redit de Nantes. On continua à les rechercher, et Ton tâcha de
les engager de toutes les manières possibles à rentrer dans le sein
de rËglise; on les réduisit au désespoir dans les Cévennes, où ils
prirent les armes , animés par de prétendus prophètes. Nous en
parlerons à Tarticle Cauisars.
Les princes protestans travaillèrent en leur faveur à la paix d*U-
trecht, et ils obtinrent la liberté de ceux qui étaient en prison ou
sur les galères ; cependant le zèle ne se ralentit point à Tégard
des Calvinistes, et le roi donna une déclaration par laquelle il leur
défendait de sortir de ses Ëtats, et aux réfugiés d'y rentrer sans
une permission particulière : les Protestans ne sont donc aujour-
d'hui ni tolérés en France, ni bannis de ce royaume; ils y sont
dans un état de détention , ou comme prisonniers.
On a beaucoup agité , depuis peu, si on devait leur accorder
la tolérance civile; des citoyens zélés ont jugé qu'on le devait : les
évéques craignent la séduction des fidèles qui leur sont confiés, et
C&Hi 331
s'r opposent. Il a'm peut-être pas de l'inlérèl de l'État Je laisse
inulliplicr les ProlesLaDS en France ; mais on les Iraiiaoi avec hu
inanilé, avec charité < avec douceur, ue pourrait-on pas espère.
de les réunir à l'Ëglise? Voilà ce qui semble n'avoir pas aue:
entré dans les coDsiJérationR de quelques auteurs ({ui ont écrit
sur ces maliéres.
CÂUISâRS, nom des fanatiques des Cévenoes , qui prophéti-
saient ei qui se soulevèrent au commeaceraent du dix-huiiiëme
siècle (1703) : ils furent appelés CataUart parce qu'ils porlaieol
BUT leurs habits une cljemise qui , en paujis laDi;;uedoi;ieu , s'
pelle camise , ou , selon d'autres , à cause de leur souquenille de
toile , qui est rbabiUcrgent ordinaire des pajsans des mouiagnes
de ce pays.
Depuis fa révocaUon de l'édit de Nantes, le Calvinisme était
presque éteinten France; les restes de ce parti, dispersésdans les
diH'érentes provinces et obligés do se cacher, ne voyaient aucune
ressource humaine qui pût lesreniettre en état defbreer Louis XIV
â leur accorder les privilèges et la liberté de conscience dont ils
avaient joui sous ses prédécesseurs ; il fallait , pour souteuir là
foi de ces restes dispersés, des seeours extraordinaires, des pro-
diges; ils éclatèrent de toutes parts parmi les réformés, pendant
les quatre premières années qui suivirent la révocation de l'édit
de Nantes ; on entendit dans les airs , buk environs des lieui o(i
ii y avait eu autrefois des temples , des Tuii si parfaitement sem-
blables aux chants des psaumes , tels que les Protestans les chan-
tent , qu'on ne put les prendre pour autre chose ; cette mélodie
était céleste, et ces voii aagéliques chantaient lés psaumes selon
la version de Clément Manit et de Théodore de Bèie ; ces voix fu-
rent entendues dans le Béara , dans les Cévennea, ï Vassj, etc.
Des ministres fugitifs furent escortés par cette divine psalmodie ,
el mâme la trompette ne les abandonna qu'après avoir franchi kf
frontières du royaume et être arrivés en pajs de sûreté.
Le ministre iurieu a raEsetnblé avec soin les témoignages de ces
merveilles, et en a conclu que, Dira l'étant faitdta bovchei au mi-
lieu dei airt , c'ett un reproche indirect q»e Ut Providence fait aux
Proteitms de France de l'ilTe lui trop facilement *.
1-es prodiges el les visions dans un parti opprimé annoncent
presque toujours des prophètes destinés k soutenir la foi par l'es-
'Letlrc pastorale de Jurieu, on. ISSS.
a89 CÀH
pénnce d*uDe heofwse liberté : dans tous les lieu oli Ton avail
porté des lois contre la prétendue réforme pour en interdire r«i:er>
cice et pour bannir les réfiractajres , il s*était âeté des proplièteB
qui avaient annoncé que leur oppression 'finirait.
Ainsi , lorsque les édits sévères des empereurs anéantirent le
parti protestant dans les États de la maison d^Âutriebe , Hbtteruiy
Drabicius, Christine Poniatonia, Gomménins, annoncèrent Indes*
traction de la maison d*Âutrîche par des armées qui devaient t8»
nir Untôt du Nord, tantôt de TOrient : GusUve Adolphe» Chariei
Gusuve, Cromwel , Ragotski , avaient été successivemsnt pioa»
pour Texécution de ces magnifiques prédictions ^*
M. Jurieu f qui désirait plus ardemmen^qu*aucun Protestant U
destruction de TÉglise romaine , vit dans tous ces lanatiqnes des
hommes inspirés ; le concours de ces prophètes modernes ne lui
permit pas de douter que Dieu n*eût résolu de détruire le papisme;
mais il trouvait, dans les prophéties des nouveaux prophètes , an
choses choquantes qui ne lui permettaient pa$ d^mlfermir êm
eosur êur elles : il résolut de sonder lui-même les oracles divins
pour y trouver quelque chose de plus précis sur le triomphe de
la religion protestante; il chercha cet éclaircissement dans les
oracles qui prédisaient les destinées de TÉgUse, dans TApoca-
Ijpse , et il trouva , dans le seizième chapitre , l'histoire complète
de la ruine du papisme *,
Ce ministre annonça donc à toute la terre Textinction de la religion
romaine et le règne du Calvinisme : Nous irons bientôt porter, di*
sait-il , la vérité jusque sur le trône du mensonge , et le relève-
ment de ce que Ton vient d*abattre se fera d'une manière » f^h^
rieuse que ce sera Fétonnement de toute la terre.
Ce rétablissement glorieux des réformés devait, selon M. Ju-
rien , se faire sans effusion de sang , ou avec peu de sang de ré-
pandu ; ce ne devait pas même être ni par la force des armes , ni
par des ministres répandus dans la France , mais par Teffusion de
respritdeDieu^.
Des ministres protestans adoptèrent les idées de Jurieu» les
portèrent dans les Cévennes , les persuadèrent après s'en être con-
^ Comménius, Hist. Reveat Bayle, Dict., art. Kottehus, DaABiaus,
COXMÉNIUS,
2 Accomplissement des prophéties. Bnieys, Hist. du fanatisme, L 1,
p. AOO.
5 Ibid., part. 2. Uoité de TÉglise, préface.
CÂM 333
nÎDCus eux^méuies, ou aniniéa par les enneoiU de la France,
qui voulaienl proUter du fuDalisme des CilviniEles pour y exciter
uoe 'guerre civile ei de religion.
Ud vieux Culviolsie , nommé du Serre , choisii dans son voisi-
nage quiuie jeunes garçons , que leurs pareua lai confiËrent vo-
lODliers, et il fil donner it sa femme , qu'il ussocia k son emploi,
pareil nombre de filles.
Ces enrans n'avaient reçu pour première leçon du christianisme
que des sentimens d'horreur et d'aversion pour l'Ëglise romaine,
lis aTaienl donc une disposition naluretle au Tanalisme ; d'ailleurs,
îb étaient lort ignorans ; ils étaient placés au milieu des monta-
gnes du Dauphiné, dans un lieu couvert d'épaisses forfits , envi-
ronné de rucliers el de précipices , éloipés de tout commerce, et
pleins de respect pour du Serre , que tous les Proteatans du can-
ton révéraient comme un des héros du parti protestant.
Du Serre leur dit que Dieu lui avait donné son esprit; qu'il
avait le pouvoir de le communiquer à qui bon lui semblait.et qu'il
les avait choisis pnur les rendres prophètes et prophétesses ,
pourvu qu'ils voulussent se préparer à recevoir un si grand don
de la manière que Dieu lui avuit prescrite : les enfans , enchantés
de leur destination , se soumirent ï tout ce que du Serre leur or-
donna.
La première préparation k ta prophétie lut un jeune de trois
jours , après lequel du Serre les entretint d'apparitions , de vi-
sions , d'inspirations ; il remplit leur imagination des images les
plus eBrajantes et des espérances les plus magnifiques ; il leur fit
apprendre par cœur les endroits de l'Apocalypse oii il est parlé
de l'Antéchrist, de la destruction de son empire et de la déli-
vrance de l'Église : il leur disait que le pape était cet Anté-
christ, que l'empire qui devait être détruit était le papisme , et
que la délivrance de l'Église était le rétablissement de la préten-
due réforme.
Du Serre apprenait en même temps ï ses prophètes ï accom-
pagner leurs discours de postures propres ù en imposer aux sim-
ples; ils tombaient ï la renverse, fermaient les yeux, gonilaieni
leur estomac el leur gosier, tombaient dans un assoupissement
profond, se réveillaient tout i coup , et débitaient avec un ton
audacieux tout ce qui s'oSraità leur imagination.
Lorsque quelqu'un des aspirans au don de prophétie était en
eut de bien jouer son râle , le maître proplièle assemblait le petit
1
I
334 CAM
troupeau, plaçait au milieu le prétendant , lui disait que le temps
de son inspiration était venu ; après quoi , d^un air grave et mys-
térieux , il le baisait , lui soufflait dans la bouche , et lui déclarait
qu'il avait reçu Tesprit de prophétie , tandis que les autres , saisis
d^étonnement , attendaient avec respect la naissance du nouveau
prophète , et soupiraient en secret après le moment de leur instal-
lation. Bientôt du Serre ne put contenir Tardeur dont il avait em-
brasé ses disciples ; il les congédia , et les envoya dans leà lievz
où il croyait qu'ils jetteraient un plus grand éclat.
Au moment de leur départ , il les exhorta à communiquer Iq
don de prophétie à tous ceux qui s'en trouveraient dignes , après
les y avoir préparés de la même manière dont ils avaient ét6
disposés eux-mêmes , et leur réitéra les assurances qu*it leur
avait données que tout ce qu'ils prédiraient arriverait infailli-
blement.
Les esprits des peuples auxquels ils s'adressèrent étaient dispo-
sés à écouter avec respect les nouveaux prophètes : leurs préjui^^
la lecture des lettres pastorales de M. Jurieu , la solitude dans la-
quelle ils vivaient , les rochers et les montagnes qu'ils habitaienti
leur haine contre les catholiques et l'extrême rigueur avec laquelle
on les traitait , les avaient préparés à écouter comme un prophète
quiconque leur annoncerait avec enthousiasme et d'une manière
extraordinaire la ruine de la religion catholique.
Deux des disciples de du Serre se signalèrent entre les autres : \^
bergère de Crest , surnommée la belle Isabeau , et Gabriel Âstiçr,
du village de Clîen , en Dauphiné.
La bergère de Crest alla à Grenoble , où , après avoir joué son
rMe quelque temps, elle fut arrêtée, et quelque temps apr^
convertie ; mais sa défection n'éteignit pas l'esprit de prophétie.
Les ^utres disciples de du Serre se répandirent dans le Dauphiué
et dans le Yivarais , et l'esprit prophétique se multiplia si prodi-
gieusement , qu'il y avait des villages qui n'avaient plus que des
prophètes pour habitans : on voyait ces troupes de deux ou trois
cents petits prophètes se former dans une nuit , prêcher et pro**
phétiser sans cesse en public , au milieu des villages , et écou-
tés par une multitude d'auditeurs à genoux pour recevoir leurs
oracles.
Si , dans l'assemblée , il y avait de plus grands pécheurs que
les autres , les prédicateurs les appelaient à eux ; ils tombaient
dans des tourmens terribles ^ dans des convulsions i jusqu*à ce
CAM 335
que les (tâcheurs se fussent approchés d'eux : ils meltaienl les
mains suc eux , el criaient sar leurs têtes : MitéTicorde et grâce ,
exhortant les pécheurs ï la repentance , et le public i prier Dieu
qu'il leur pardonnât ; si les pécheurs se repentaient sincÈrementj
ils tombaient eui-nêmes par terre , comme morts ; rendus ï eux,
ils sentaient une félicité inexprioiahle.
Cette espèce de ministère n'était pas exercé seulement par des
personnes d'un 3ge mùr et d'un caractère respectable, mais par
(les bergers de quinze on seize ans , quelquefois de huit ou de
neuf, qui s'assemblaient , tenaient consistoire, et j faisaient faire
ï cinquante on soixante pénilens léparalion de leur apostasie ,
c'est-â-dire de leur retour à l'Église romaine : ces enfans s'acquit-
taienl de ces fonctions avec une autorité de maître , question-
naient avec Sérérilé les pécheurs , leur dictaient eux-mêmes la
prière pfr laquelle ils devaient témoigner leur repent^nce , et la
finissaient par une absolution exprimée par ces paroles : Dieu
tmu en fane la grûce.
Les accès de prophétie variaient; la règle ordinaire était de lom-
her, de s'endormir, ou d'être surpris d'un assoupissement auquel
se joignaient des mouvemena convulsifs : les exceptions de la règle
furent de s'agiter el de propliétiser en veillant, quelquefois dans
une extase simple , souvent avec quelques convulsions.
Les prédictions des prophètes du Daupbiné étaient confuses et
conçues en mauvais français , d'un stjle bas et rampant, souvent
difficile ï ceux qni n'étaient pas accoutumés au patois du Viva-
reîs et du Daupbiné.
Les prédications des prophètes du Daupbiné étaient pareilles à
leurs prophéties; ils entassaient à torlet à travers ce qu'ils avaient
pu retenir d'expressions et de passages de la Bible, et c'est ce que
leurs auditeurs appelaient de belles exliorlationa qui leur arra-
chaient les larmes.
Avant déparier, les prophètes étaient quatre ou cinq jourssans
manger , et après ils ne prenaient presque point de nourriture :
on laisail saigner les enfans , et ils avaient une maladie qui pré-
c^ait le don de prophétie ; les petites propbétessea disaient qu'a-
vanl de tomber dans l'assoupissement léthargique elles sentaient
quelque chose qui s'élevait peu ii peu depuis les pieds jusqu'il la
gorge ; lorsqu'elles étaient assoupies, elles ne suntiiient pins fien :
plusieurs léinuinsunt assuré que, pendant la prophOiie, qui durait
UiUut que le sommeil, on ne pouvait réveiller le prophète ou la
336 CAM
prophélesie ni en let piquant avec une épingle» ni en les pinçant
bien fort*.
Ces fanatiques étaient ou deyinrent des fonrbef ; on déeoumt
de quelle manière ils dressaient les petits prophètes » et commenl
ees prophètes avaient des souffleurs: ils furent convainens d*i»>
posture à Génère mèmey où deux prophètes du Yifarus et d«
Dauphiné essayèrent, en 1689, de continuer leurs prophéties.
Ces prophètes ayaient formé des attroupemens dans le Dauphiné
et dans le Vivarais, qui furent dissipés par M. de Brof^ie, lieute-
nant général, et par M. de BasyiUe, intendant de la proYinee.
Le feu du fanatisme ne fût cependant pas éteint, et Tesprit pro-
phétique se perpétua secrètement, et entretint dans les GiJfinistes
Tespérance du rétablissement de leur secte : les habitans de ees
provinces étaient presque tous des Protestans, élevés et noorrli
grossièrement. Ils roulèrent toujours dans leurs têtes ees idées
d*inspiraUonque la solitude, leur manière de vivre et peut-éire la
Me indiscret et dur des catholiques fortifiaient, en sorte que dans
ces contrées Tenthousiasme et le fanatisme n'attendaient pour agilr
qu'une occasion. L'impuissance prétextée ou réelle de payer la
capitation fut ou la cause ou Toccasion qui fit éclater le fima-
tisme et le mécontentement de ces peuples : ils se révoltèrent ; les
prophètes parurent aussitôt sur la scène; les puissances qui étaient
en guerre avec la France les secondèrent, et le Languedoc fut le
théâtre d*une des plus cruelles et des plus horribles guerres civi-
les qu*on ait vues.
Ces nouveaux prophètes furent les Gamlsars, qui faisaient profes-
sion d*étre ennemis jurés de tout ce qui portait le nom et le carac-
tère de catholique romain ; c'était le premier article de leur reli-
gion : persuadés qu*il y avait du mérite devant Dieu à massacrer les
prêtres, à piller et à brûler les églises, ils accompagnaient ces désor-
dres delà lecture de sa parole, du chant des psaumes et des prières.
La révolte des Gamisars ne fut éteinte qu'en 1709 ; on trouvera
dans rhistoire du fanatisme de notre temps, par Brueys , tous les
désordres de cette rébellion, dans les plus grands détails.
En 1706, trois des prophètes camisars , Manon , Page et Cava-
lier, passèrent en Angleterre et y prophétisèrent ; Marion, princi-
pal acteur , était sérieux , et la fidélité de sa mémoire le rendait
* Lettre écrite de Genève, 1689. Cérémonies religieuses, t, A, p. 154
et suivantes. T. 1*' des Lettres de Flécbier.
e l'Angleterre, c
z de partisans pour attirer
il arrêter ; ils subirent plu-
P CAP 337
capable d'apprendre et déjouer de grands r&les ; Cavalier, le plus
jeune elle plus vigoureux, réussissait dans tout ce qui dépendait
purement du corps ; il n'était pas aussi grave que Harion ; quel-
quefois, après la fin de ses inspirations, il ne pouvait s'empêcher
de rire: Page était sans esprit. Aussitâtqu'ils eurent prophétisé ï
Londres, M. Falio, de laSocïélé royale de Londres , et mathémati-
cien«élÈbre, se déclara leur protecteur et leur interprète.
Les prophètes de Marion ont été imprimées ; elles ne contien-
nent que des invectives contre la corruption du siècle, de l'Eglise
et de ses ministres, des menaces ce
dres, etc.
LesCaoïisars se firent bientôt a:
Tattention du gouvernement, qui K
sieurs interrogatoires, dans lesquels Page déclara qu'il a'
plusieurs hommes , purement par l'instigation du Saint-Esprit ,
et qu'il n'aurait fait aucun scrupule de tuer son propre père , s'il
avait reçu ordre de le faire.
Les prophètes et leur sectaire Fatio furent condamnés à une
amende de vingt marcs , et attachés au carcan , sur un théâtre
dressé dans la place de Charrin-Grosse, le 9 décembre 1707. Voy.
Clavis PROPHETic* du sieur Marion ; le Journal des savans , 1707 ,
et la République des lettres.
CAPUTIËS, fanatiques qui firent une espèce de schisme civil
et religieux avec tous les autres hommes, et qui prirent pour si~
gne de leur association particulière un capuchon blanc , au bout
duquel pendait une petite lame de plomb : cette secte parut vers
la fin du douzième siècle, l'an 1 166.
On avait vu, dans ce siècle, le sacerdoce et l'empireen division,
l'Église de Rome divisée par des schismes, des papes élus par des
partis opposés s'excommunier réciproqtiement avec les rois et les
Ëtats qui suivaient le parti opposé. Les papes avaient été en guerre
avec les empereurs , les rois et les évéques en différend sur leurs
droits; des hérésies monstrueuses et ridicules s'étaient élevées; ou
ne les avaient arrêtées que par des guerres qui avaient rempli la
France et l'Europe de maliieurs et de désordres; toutes les puis-
sances parurent avoir abusé de leur autorité ; un n'en vit plus de
légitime , parce qu'on croyait que toutes ne reconnaissaient pour
loi que la force , et l'on se crut en droit de s'en séparer , parce
qu'il n'y a plus de société oii la force est la loi et la règle du juste.
Le spectacle des iiiallieurs dont l'IIurope avait élé le lliéSire
Wi' I. 89
338 CAR
fil naître cette idée dans la tète d^uii bûcheron qui, par faBalîaaé
•u par adresse, et peutrêtre par ces deux priBcipea , publia que la
aainte Vierge lui avait apparu , lui avait donné son image et celle
de son fils, avec cette inscription : Agneau de Dieu, qui 4tez le$ pé^
chéê du monde, donner-nom la paix.
Le bûcheron ajouuit que la sainte Vierge lui avait ordoimé de
porter cette image à Tévêque du Puy , afin qu*il prêchât que œux
qui voulaient procurer la paix à TÉglise eussent à former ime
coniédération , ou une société qui porterait cette image avec des
capuchons blancs, oui seraient le symbole de leur innocence et de
la paix qu^ils voulaient établir.
La sainte Vierge ordonnait, de plus, que les restaurateurs delà
paix s^obligeassent par serment à conserver entre eux une pûx
immuable et à faire la guerre aux ennemis de la paix ^.
\a bûcheron eut bientôt des associés ; plusieurs évéqoes , des
consuls et des hommes de tous états et de tous les rangs arborè-
rent le capuchon blanc, et formèrent une société dont tous les mem-
bres étaient étroitement unis entre eux, et séparés de toutes les
autres sociétés , avec lesquelles elles étaient comme dans un état
de guerre , et sur lesquelles les Gaputiés croyaient être en droH
de prendre tout ce qui leur était nécessaire.
La secte des Gaputiés fit beaucoup de progrès dans la Bourgogne
et dans le Berry.
Les évéques et les seigneurs , pour arrêter le progrès de cette
secte, levèrent des troupes et la dissipèrent bientôt ^.
L'abus de rautorité , porté à un certain point , ne produit pas
une seule secte de cette espèce ; on en vit beaucoup d'autres dans
ce siècle et dans le suivant: tels furent les Stadinghs, lesGircon-
eellions , les Albigeois , les Vaudois, les complots des barons de
France pour s'emparer des biens de TÉgliseet la dépouiller de ses
privilèges, sous Innocent IV, sous Innocent V, sous Bon iface VHP..
CARLOSTAD , prêtre ou archidiacre, et professeur en théolo-
gie à Witlemberg , fut d'abord un des plus zélés défenseurs de la
doctrine de Luther.
* Robert de Mont, Append. ad corograpliîam Sigebcrti apud Pisto-
rium, p 074.
îLabbe, Nouv. bibliot., t. 1, p. A77. D'Argentré, Collect.iud., t,4,
p. 133.
» Duchesne, t, 5, p. 71A. D'Argentré, ibid,
CAR 339
Lorsque Luther fut obllgii dese cacher dans la citadelle <lc Wesl-
Itourg, Carlusiad renversa les images , abolll les messes privées ,
établit la commuiiion sous les denx espèces , abolit la conresston
auriculaire, lepréceptedujeâaeetrabstineDce des viandes, donna
le premier aux prêtres l'exemple de se marier, el permit aux moi-
nes de sortir de leurs monastères et de renoncer!) lours vœux-
Luther sortit de s» retraite pour s'opposer aux iunovations de
Carlostad, et l'obligea de quitter Witlemberg.
Carlosiad se relira à Orlemonde, ville de Thurlnge, dépendante
de l'élecleurde Saxe : I* , Carlostad bISma hautement la condnilft
de Luther , qu'il appelait le llaiteur du pape : ces disputes excitè-
rent du trouble , et l'électeur de Saxe envoja Luther !i Orle-
monde pour les apaiser.
Dans le chemin, Luther prêcha i lena , en présence de Carlos-
tad, et ne manqua pas de le traiter de séditieux. Au sortir du ser-
mon de Luther, Carlostad vint le trouver h l'Ourse noire, oti il lo-
geait; lï, après s'être excusé sur lasédition.CarlostaddéclarakLu-
ifaer qu'il ne pouvait souflHr son sentiment sur la présence réelle.
Luther, avecun air dédaigneux, le défia d'écrire contre lui, et
lui promit on florin d'or s'il l'entreprenait : le défi (ut accepté ;
Luther etCarlostadburent b la santé l'un de l'autre; la guerre fut
déclaréeentre ces deni apAtrea de la réforme. Carlostad, en quit-
tant Luther, lui dit; Puisïé-je te voir sur la roue! Et toi, repartit
Luther, puisses-tu te rompre le cou avant de lortir de la ville ' !
Luther fut Ibrt mal reçu h Orlemonde , et par les soins de Car-
lostad fut presque assommé. Luther s'en plaignit A l'électenr , et
Carlostad Tut obligé de sortir d'Orlemonde : il se retira en Suisse, oh
Zuingle, CEcolampade, prirent sa défense: ce fut alors que se ftirmi
lasectedes Sa c rameutai res , qui fut si opposée au Lulhéranîmte.
Carlostad avait adopté quelques-unes dea erreurs des Anabap-
tistes,' il s'était déclaré Abécédarien. Vnï« cet article*.
CARPOCRATE , vivait h peu près du temps de Basilide et de
Saturnin ; il supposait , comme eux , que le monde avait été pro-
duit par des anges , a il adopta tous les principes de la magie ;
mais il entreprit d'expliquer d'une manière plus simple l'origine
du mal, qui était l'écueil contre lequel la faible raison de pres-
que tous les hérétiques de cesiëcle allait se perdre.
340 CAR
11 panh qii*il chercha dans les plûlosophflf U idiilkA de ee
grand prohlème, et qa'll ajusu la religioiiaiixpriiiGipeBdes fdn-
lofophea » au liea de soumettre les principes philiMopliiq«es à
b foi.
n supposait, d*après les principes de Platon , qae les âmes lu-
naines étaient unies au corps parce quVles avaient oublié Dieu :
ilsupposait que, dégradées de leur première dignité» dl^savaûent
perdu le privilège des purs esprits, etqu^elles étaient descendues
dans le monde corporel, où elles étaient soumises aux anges créât»
teurs du monde corporel.
Toutes les connaissances dont ces Âmes étaient douées dans
leur premier état s*étaient effacées; c*était là la cause de igno-
rance dans laquelle tous les hommes naissent: les faibles connais-
sances auxquelles ils s'élèvent avec tant d*efforts n'ébôent, sekm
Carpocrate, que des réminiscences.
L*âme de Jésus-Christ, qui , dans Tautre vie , avait moins ou-
blié Dieu que les autres , avait eu plus de facilité à sortir de Ti-
gnorance dans laquelle le péché plonge les hommes : ses eAxrts
avaient attiré sur lui les faveurs de FÊtre suprême , et JKea lui
avait communiqué une force qui le rendait capable de résister aux
anges et de remonter au ciel malgré leurs efforts* •
Dieu accordait la même grâce à ceux qui imitaient Jésus-Christ
et qui connaissaient qu^ils étaient des esprits infiniment supérieurs
aux corps.
Avec cette connaissance, Thomme s'élevait, selon Carpocrate ,
au-dessus des faiblesses de la nature humaine ; son corps était
tourmenté sans qu'il souffirît : les impressions des corps étran-
gers sur ses organes ne Tassujétissaient point ; il souffrait sans
faiblesse ; il était incorruptible au milieu des plaisirs, parce qu'il
ne les regardait que comme des mouvemens de la matière , qu'un
e^rit bien convaincu de sa grandeur voit sans en dépendre. Im-
mobile au milieu des évènemens qui agitent les hommes , comme
un rocher inébranlable au milieu des flots, que peuvent contre cet
homme les anges créateurs ?
C'était dans cette connaissance de sa dignité que consistait la
perfection de l'homme ; Jésus-Christ n'avait rien eu de plus , et
tous les hommes pouvaient l'imiter, ou même l'égaler, et mériter
la gloire dont il jouissait.
D'après ces idées, les Carpocratiens ne voyaient plus d'action
corporelle bonne ou mauvaise , et c'était le tempérament ou l'é-
CEC
ducatioD qui décidait leurs mœurs ; elles ëlaietii
fort corrompues, comme cek arrive dans loule secle qui n'a i>oitit
d'autres principes de morale.
Il y avail de ces Carpocraliens qui regardaient les plaisirs les
plus honteux comme une espèce de conlribulion que l'âme devait
aux anges créateurs, et qu'il fallait qu'elle acquittât pour recou-
vrer sa liberté originelle: parce moyen, les actions les pins infi-
mes devenaient des actes de vertu ; ils prétendaient se conformer
sur cela à un passage de l'Ëvangile , qui dit : • Lorsque vous sereu
» en voyage avec votre ennemi, lâcher de vous garantir de ses at-
> laques , de peur qu'il ne vous livre au juge, et que le juge ne
» vous fasse conduire en prison, d'oiivons ne sorlireï pas jusqu'à
■ ce que vans ayez payé jusqu'à la dernière obole. •
Les Carpocratieus regardaient les anges créateurs comme des
enneuisqui se plaisaient à voir les hommes rechercher le plaisir
et s'y livrer. Pour éviter l'embarras de résister à leurs attaques ,
ils suivaient tous leurs désirs *.
Les Carpocratiens avaient leurs enchantemens , leurs secrets et
leur magie , comme toutes les sectes qui attribuaient la formation
du monde et les évënemens qui intéressent les hommes ï des gé-
nies sujets k toutes lespaisious et î toutcstes faiblesses humai-
nes. Ils marquaient leurs sectateurs ï l'oreille : ils avaient excité
l'indignatioD des Païens , ei occasioné beaucoup de calomnies
contre les elirétiens, que les Païens coorondaienl avec ces sec-
CATHARES, ce mol signifie pur. Les Mooianisles , les Mani-
chéens, les Novaliens, les Albigeois, prirent ce nom. YsyesleUTs
articles.
CECUS ASCULAN , astrologue du duc de Calabre , soutenait
qu'il se formait dans les eienx des esprits malins , que l'on obli-
geait par le moyen des constellations à faire des choses merveil-
leuses, et assurait que les astres imposaient une nécessité absolue
aut corps et ant esprits sur la terre; en sorte que Jésus-CbrisL n'a-
vait élé pauvre et n'avait souffert une mort honteuse que parce
qu'il était né sons une constellation qui causait nécessairement cet
eDet ; qu'au contraire l'Antéchrist serait rïciie et puissant, parce
< Clem. Âtei-, I. 3. SIrom., p, 313. Fhilastr., De bxr. Inea,, 1. 1, e
SA. Euseb., I. à, c. 7. UisL eccles, Ëpiph,, llmt. 27.
'Ëuleb. IrsD, Epipb. Ibld,
u» cm
qn^il naîtrait sonâ une constellation contraire : cet aatrolo^
brûlé en i327*.
CERDON était Syrien d*origine , U araît d*abord adopté \t$
principes de Simon et de Saturnin ; il reconnut oomine ensFeti»-
taice d*an Être suprême <ini ayait produit des esprits mobs piai^
fiûts que lui : ces esprits féconds, comme le père de toutes diMes,
avaient produit une infinité de générations diflérentes, dont la
puissance toujours décroissante avait formé le monde et ^odld-
sait tous les évënemens sur la terre.
Ainsi, en remontant des effets à leurs causes, on troufait, pour
premier principe de tout, FÊtre suprême.
Si les phénomènes que le monde nous offre n'étalent que des
déplacemens de la matière, des chocs des corps , des moutemem^
on concevrait aisément que les éqianaUons de la cause preaûère ,
des génies ou des forces motrices, produisent tout dans le monde;
mais il j avait dans le monde des esprits affligés , toufmentéi et
malheureux.
D*ailleur8 TÊtre suprême était une intelligence infinuneiit ppf»
fiiite, sage, bienfaisante ; comment trouver dans cet Être la cause
des malheurs qui affligent les hommes?
Simon et Saturnin reconnaissaient toutes ces choses, sans avoir
fait attention à la difficulté de concilier Fexistence des mauvais
génies avec le système qui suppose que tout vient de l*Être su-
prême par voie d*émanation.
Gerdon envisagea le système de Saturnin par ce côté faible , et
crut que Simon , Saturnin et tous les partisans du système des
émanations s'étaient trompés en faisant venir tout de TÊtre su-
prême: il jugea qu*il fallait supposer dans la nature deux princi-
pes, Tun bon et Tautre mauvais ; car, puisqu*il y avait des génies
malfaisans, les uns plus puissans, les autres moins puissans, il (al-
lait nécessairement , en remontant à Torigine , arriver ï un prin-
cipe dans lequel on trouvât le premier germe du mal qui se dé-
veloppe par la succession des temps, ce qui, selon Gerdon, répu-
gnait à la nature deTÊtre suprême.
En effet, dans la doctrine de Simon et de Saturnin , TÊtre su-
prême, qu^ils regardaient comme le père de toutes choses , s*inté-
ressail au sort des hommes assez pour leur envoyer son fils unique,
afin qu*il détruisit Tempire des mauvais démons ; TËtre suprême ,
^ Dup. Bibliot, quatorzième siècle. SpoAd» ad VU U27*
GEB 343
qoeToDr^rdaii oomnie leprincipe etia cause de Lou les choses,
haïssait donc les méchans géoies : cela supposé, comment les lais-
sait-il subsister, s'il pouvait les délruire ? comment leur laissait-
il faire le mal, s'ils n'avaient une existence et une puissance indâ-
pendaaies de luiT
11 fallait donc, selon Cerdon , supposer dans le monde deux
principes nécessairement indêpeodans : nu bon , qui avait prodnit
les génies bienfaisans ; l'autre mauTaie, qui avaii produit les génies
malfaisans.
Cerdon, qui n'avait envîsagâ la nature que dans les rapports que
les phénomËnes avaient avec le bonheur des hommes , ciut 3'
Iroufé dans ces deux principes la raisun de tout et l'explication
de looi ce qu'on racontail des din'érera états du genre humain, car
c'était li l'objet principal de presque tous les sjsièmeB que l'on
avait imaginés jusqu'alors.
Puisque le bien et le mal avaient des principes essentiellement
différens , on attribua au bon principe tout ce qui élail bien, et
ati mauvais tout ce qui était mal. Les esprits qui étaient incapa-
bles de plaisir et qui tendaient sans cesse vers le bonheur étaient
l'ouvrage de l'être bieniaisant. Le corps, an contraire, auquel
ritme humaine était unie, qui l'affligeait en mille manières, était
l'ouvrage d'un mauvais principe : <ie même, la loi des Juifs ne |>a-
raissait II Cerdon qu'un assemblage de pratiques difficiles et pé-
nibles, qui nepoavaientélre ordonnées que par un élre malfaisant.
C'était un être malfaisant qui avait ordonné k ce peuple les
guerres cruelles qu'il avait faites aux nations de la Palestine : le
Dieu des Juifs dit, dans Isale : C'est moi qui crée le mal.
Dans te christianisme , au contraire, tout respire la bienfaisance,
l'indulgence, Iadnac«ur, la miséricorde ; ainsi, la loi des chrétiens
était INjuvragedu bon principe, et le Christ, qui l'avait annoncée,
était véritablemenl le Sis du bon principe.
Ce principe bieniaisant n'avait point soumis son fils aux mal-
heui% de l'humanité ; sa bonté ne le permettait pas, attendu que ,
pour l'instruction des hommes , il suDisait qu'il revêtit les appa-
rences de la chair ; car alors la réalité des soulTranc-es de Jésus-
Cbrisl n'eût été qu'un spectacle que le bon princi|)e se serait
donné, ce qu~
'Iran.,!, i, cas, 37, 6, 3,c. â. TerL, De prxscript., I. 5t. Plii-
last,, Debsr., c. Ai- Spiph., Hxr., Al. Aug. Dcluer., c £1. Tliéodo-
^fiancLFub., U 1, c Si.
844 CER
Gerdon , préveBa de ces idées , rejetait Tancieii Testament et
D^admettait du nouveau que TÉvangile selon saint Luc ; encore ne
Tadmettait-il pas entier.
Cerdon revint à TÉglise , dit saint Irénée, demanda pardon de
ses erreurs , et passa ainsi quelque temps , tantôt enseignant se-
crètement rhérésie qu*il avait abjurée, Untôt Tabjurant de nou-
veau, tantôt étant convaincu de persister dans ses erreurs, et pour
ce sujet séparé de la communion des fidèles. Il eut pour disciple
Marcion , qui fut lui-même chef de cette secte. On peut , en con-
sultant Tarticle Marcion , voir les différentes formes que prit Ter-
reur de Gerdon ; c'est principalement cet enchaînement des erreurs
humaines qui est intéressant dans Thistoire.
GÉRINTHE éuit un Juif d*Antioche , qui s*appliqua beaucoup
à la philosophie : il était à Jérusalem du temps des apôtres.
La philosophie qui était alors en vogue dans FOrient était une
espèce d^alliage des principes de la philosophie chaldéenne avec
les idées pythagoriciennes et platoniciennes : on supposait un
Être suprême qui avait produit des génies , des puissances capa-
bles d'agir et de produire d'autres génies, d'autres esprits ; on en
peupla le monde , on les fit intervenir comme des dieux de la
machine pour exprimer tout.
Cérinthe simplifia ces principes pour les appliquer à l'histoire
du monde : il reconnaissait un Être suprême qui était la source
de l'existence , et qui avait produit des esprits, des puissances ou
des génies , avec différens degrés de perfection.
Parmi les productions de TÊtre suprême était une certaine
vertu ou puissance infiniment au-dessus des perfections de l'Être
suprême; placée, pour ainsi dire , à une distance infinie de lui,
elle ignorait l'auteur de son existence : c'était apparemment la
dernière des productions de l'Être suprême, une espèce de force
motrice ou de forme plastique capable d'arranger la matière et
de former le monde ^.
De cette puissance étaient sortis , avec le monde , des anges
ou des génies terrestres , qui s'étaient emparés de l'empire du
monde et qui gouvernaient les hommes.
Un de ces génies avait donné des lois aux Juifs, et Gérinthe
^ Théod., UbU, ]. 2, c. S. Irxu^ 1. 1, c 25 ; L 3, C 11. Epiph.,
Haer., 28.
CER 34S
croyait , par ce niojen , pouvoir rendre raison de toute l'histoire
de celle naiioa.
Jésus-Christ assurait qu'il était venu pour aholir la loi el pour
délivrer les hommes de la l^raunie des mauvais auges; il avait
prouvé sa mission par des miracles; les apAtres les attestaient, et
conllrniaient eux-mêmes leurs témoignages par des miracles.
Cérinthe fut donc forcé de supposer qu'effectivement l'Être su-
prême s'intéressait au sort des hommes, et qu'il avait envojé son
lîls unique Jésus-Christ pour les éclairer et pour les sauver.
Mais comment concevoir que le fils unique de l'Être suprême ,
qui avait la plénitude de la divinité , fût né de Marie?
Rien n'était plus contraire aux principes de la philosophie de
Cérinthe; il regarda comme une absurdité de dire que le fils
unique de l'Être suprême fût né , eût souffert.
Cependant Jésus-Christ avait assuré qu'il était le Christ , le fils
de Dieu,
Pour concilier des idées si opposées selon Cérinllie , il dit que
Jésus était né de Joseph et de Marie comme les autres hommes ,
mais qu'il excellait en prudence et en justice, et que, lorsqu'il
fut baptisé , le Christ ou le Bis unique de Dieu était descendu sur
lui sous la figure d'une colombe , lui avait révélé la connaissance
de son père, qui était encore inconnu , et par ce moyen l'avait
fait connaître aux hommes. C'était par la vertu de Christ que Jé-
sus avait fait des miracles; il a\-ait ensuite été persécuté par les
Juifs et livré ù des bourreaux , alors le Christ s'était séparé de lui
et avait remonté vers son Père , sans rien souffrir ; pour Jésus , il
avait été crucifié, était mort et avait ressuscité '.
Cérinthe avait écrit, en faveur de sa doctrine , des révélalions
qu'il prétendait lui avoir été faites par un ange : il reconnaissait
la nécessité du baptême pour être sauvé ; il croyait qu'après la ré-
surrection on jouirait pendant mille ans sur la terre de tous les
plaisirs des sens *.
Faisons, sur l'erreur de Cérinthe , quelques réQeiïons.
!• Cérinthe était grand ennemi des apùtres et combattait vive-
ment leur doctrine : vivant de leur temps , il était en état de les
convaincre, s'ils en eussent imposé; cependant il reconnaît que
■Irsn., I.'l, c Ï6. Epiph., Hier., 38. Aug., Dchxr., c. S.TerL, De
przseripL, c iS,
'Euidi., Uni. ecclés., I. 3, c, Iti.
346 GHA
Jésuft-dirist 1 fait des miracles; les mtrades dé JésoMIknst
ayaient donc alors un degré de certitnde on d*éndeBet qui m
permettait pas d*eii contester la mérité.
2* Pour concilier ayec Téut d'humHtation sou leqofll HsÊ^
Christ a para tons les attributs dn fils nniciae deDiaa» Cérirae
supposait en Jésna-Glirist deux êtres différens , Jésm ftb die |fai«
rie, et le Christ qai éuit descendu dn ciel : afnsl, il est éddait
que Jésus-Christ arait enseigné qu*il était le ffls udcjue
et qu*il avait confirmé cette doctrine par des mirades , de
nière que Cérinthe n*avait pu attaquer ni la doctrine, ni les tti^
rades» puisqu'il avait tâché d>xpliquer comment léras dtehle
fils unique de Dieu.
3» Les apfttres chassèrent Cérinthe de l*Église et le reg>idèrep|
comme le corrupteur de la doctrine de Jésus-Christ ; afaul , ^
temps des apôtres même, on regardait la divii^ de lésuê-Glirist
comme un dogme fondamental du christianisme, quoiqifen d||Éi|
les Sociniens, et après #ux Bury, Loke , etc. *,
CHâLDEENS ou Nestobiens ub Strie. Cest le nom qdi^eii
donne aux Nestoriens d*Orient , pour les distinguer def ïfêil»-
riens d'Occident , qui ne subsistèrent dans Tempire roniiJn 419
jusqu'au septième siècle.
L'origine du Nestorianîsme chez les Chaldéens remonte jusqu'aii
temps de Nestorius. Ce patriarche , condamné et déposé dans le
concile d'Ëphèse par les évêques d^Occident , fut absous et dé-
fendu par les évêques d'Orient , qui déposèrent saint Cyrille et
condamnèrent ses anathématismes ou ses ouvrages contre Nesto-
rius : toutes les Églises d'Orient , et entre autres celle d'Ëdesse ,
suivirent le jugement de Jean d'Antioche et des évéques qui
avaient condamné saint Cyrille et qui étaient restés unis à Nes-
torius.
11 y avait à Édesse une école chrétienne pour l'instruction des
Perses, et l'on inspira à ceux qui vinrent à cette école une
haine violente contre saint Cyrille , et des dispositions favorables
pour Nestorius et pour sa doctrine : on y lisait ses ouvrages et
ceux de Théodore de Mopsueste, dans lescpels Nestorius avait
puisé ses erreurs.
Ibas avait jeté lui-même parmi les Perses des semences ou des
1 Bury, Christianisme nu. Loke, Christianisme raisol^lable• On a r6-
futéces erreurs à Part. Abibns.
CttÀ 347
apparences de Nestorianisnie , par le moven de sa lettre i Haris.
Rabulas , éfêque d'Éilesse , se réconcilia avec sainl Cjrille et
cliassa d'Ëdesse tous les Perses attachés d Nestorius.
Barsunas , un des Perses chassés par Rabulas , deruiE é^éque
de Nisibe, en Perse , et forma le projet d'y établir le Nesioria-
U y avait , eolre les rois de Perse et les empereurs ram
une baine innée et une défiance exlrênie : tout ce qu'on approu-
vait dans un des empires était odieux ou suspect dans l'aulri
celle aulipadiie seule avait quelquefois déterminé les empereurs
romains ou les rois de Perse à favoriser ou k persécuter un parti.
Baraumas sut employer habilement ces dispositions pour n
les catholiques suspects et odieux à Pbérose, qui régnait alors
en Perse. Vous avez , lui dit-il , beaucoup de cbrétiens dans
f os Éiuis ; ils sont fort attaches aui Romains et même ï leur em-
pereur, leur attaebement pour les Romains est formé parla reli-
gion; rattachement qu'ils ont pour leur souverain et pour leur
patrie u'esl rien en comparaison des liaisons furmées par la reli-
gion et par le lien d'ane même croyance. Les chrétiens de vos
l^lats sont donc les amis des Romains , leurs espions et nos enne-
mis ; tous souliaitent de viïre sous un prince qui professe leur re-
ligion et leur foi : voulez-vous vous assurer de leur fidélilé,
rompre tout commerce entre eux et les Romains et inspirer aux
chrétiens vos sujets une haine implacable contre ces ennemis de
tolre puissance? semei entre eux des divisions de religion , rende*
tous les chréliees de vos États Neslorîens , et soyez sûr que voua
n'avez â craindre des chrétiens vos sujets ni perlidie , ni défec-
lioB en faveur des Romains. Les Nestoriens font profession d'un
Minebement particulier aux rois de Perse , et c'est cet article de
la doctrine des Kesloriens qui l'a rendue l'objet de la haine des
Romains et qui a causé ces persécutions barbares que les empe-
reurs romains ont exercées sur tous les Nestoriens de leur empire '.
Pliérose fut charmé du projet de Barsumas , et lui promit de
L'évê^ne de Nisibe associa ^ son entreprise quelques évèques
ei set compagnons d'étude , convoqua des conciles , y fil recevoir
le Mvslorianisme, Ht dans la discipline tous les cbangemeng qai
1 Asseman, Diiil. orient, 1. 1, p.SSl; I.S, p,t03)t. 9, p, flS.Ibid.|
, fWU 3, C S, J i, c. i, c. 7.
348 CHA
pouvaient plaire an roi de Perse ou (ayoriser la licoiee et eonci-
lier le clergé à son parti.
On permit aux moines , aux clercs et aux prêtres de se mari^
jusqu'à sept fois , à condition néanmoins qu*à la septième fois ils
ne pourraient épouser qu'une veuve , que Ton ne regardait que
comme la moitié d'une femme ^
Barsumas trouva de l'opposition et beaucoup de chrétiens
fortement attachés à la doctrine du concile d'Éphèse : il obtînt
donc de l'empereur une puissante escorte , avec laquelle il porta
partout la terreur et la désolation. 11 n'épargnait ni les évéques,
ni les prêtres , ni les moines, ni les simples fidèles qui refusaient
de souscrire à sa doctrine : plus de sept mille chrétiens périrent
dans l'horrible mission de Barsumas , et un nombre infini d'autres
prirent la fuite , abandonnèrent leurs églises et quittèrent leur
patrie *.
Tontes les églises des provinces que Barsumas parcourut furent
remplies par les hommes dévoués à ses fureurs.
Après avoir établi le Nestorianisme par les meurtres , par la
violence et par le renversement de la discipline , Barsumas fonda
des écoles pour enseigner le Nestorianisme , et mourut.
Les Nestoriens se créèrent un chef, et placèrent Babée sur le
siège de Séleucie.
Babée était un laïque marié , déjà avancé en âge , et qui avait
des enfans ; il signala son entrée dans Tépiscopat par un concile,
où l'on fît une loi pour obliger les prêtres et les fidèles qui vi-
vaient dans le monde à se marier ; le même concile approuva la
doctrine de Nestorius , et confirma tout ce que Barsumas avait
fait.
Bientôt une multitude d'écrivains entreprit de justifier la doc-
trine de Nestorius et la conduite de ses premiers apôtres en
Perse.
Le temps , l'imposture, les sophismes , l'audace, les brigues et
le crédit des Nestoriens obscurcirent la vérité , placèrent sur tous
les sièges des évêques dévoués à leurs intérêts, et répandirent le
Nestorianisme dans la Syrie , la Mésopotamie , la Ghaldée et dans
toute la domination de Chosroês , qui , dans tous ses États , ne
toléra que le Nestorianisme et persécuta cruellement tous les ca-
* Assemaa, t. 3, part. 2, c, 6, J 2.
2 Asseman, ibid., part, 1, p, 393 ; part, 2, c, à*
CHA 349
leiouturent poini embrasser le Nestomnisme; les
Nesloriens jouirenl de la même faveur sous les successeurs de
Chosroës, et s'aHermirent dans toutes les ^lises qu'ils occu-
lls ne furent pas moios puissaos sous l'empire de Mahomet,
d'Omar et des califes , qui subjuguèrent plusieurs provinees de
Au milieu du septième siècle , le Nestorlaiiisme s'était rj^pandu
dans l'Arabie, l'Égjpte, laMëdie, la Baciriaue, l'Bircaaie,
l'Inde , etc.
Lss Nebtoriens élalilirent des églises dans toutes ces contrées,
et enTojëreui des évéques, des missionnaires dans toute la Tarta-
rie et au Cathaj, pénétrèrent jusqu'i la Chine, et s'étendirent
dans toute la cûte du Ualabar *.
Les ÈTèques de Perse dépendaient du patriarche d'Aniioche;
lesChaldéensou Nestnrieas, après leur schisme , se donnèrent un
patriarche, dont la juridiction s'étendait sur toutes les Églises
cbrêtieunes répandues daas les vastes régions où le Neslorianisme
s'était établi.
Lorsque les Tarlarea renversèrent l'empire des califes, ils ic*
cordèrent aux chrétiens le libre exercice de leur religion , et le
Neslorianisme conserva tous ses avantages sous l'empire des Tar-
tares.
Depuis que les Turcs ont détruit l'empire des Tactares dans la
Sjrie , la Chaldée , la Perse , les Nestoriens se sont soutenus ; mais
ils ont cependant beaucoup perdu d'églises. Les révolutions que
l'Orient a successivement éprouvées par les guerres des Sarrasins,
lefi incursions des Tariares elles conquêtes des Turcs, ontdéU'uit
leurs écoles , interrompu la communication du patriarche avec les
églises qui lui sont soumises, formé de tous les Nestoriens de
rOrieut des corps séparés, altéré leurs dogmes et changé leur
discipline.
Les Nestoriens devaient nécessairement recevoir leur évéque
du patriarche ; ainsi , lorsque l'évéque d'un lieu était luort , il
(allait aller demander un autre évêque au patriarche : peut-ftre
l'eitrêsie dilTicutté d'envoyer en Syrie des députés du fond de la
grande Tartane, pour avoir un évèque , aura-t-elle détenniné les
< Asteman, L 3, p. IID; iliicl,, pari. S.cT,, ^ ], p. 87.
tiO BAS
préfres neslpriens i temité que lebr évtqtfé était itiiiiitfiféf ;}(M(-
me es(-oe là Torigiiie du grand Lama.
Par un concile tenu sons Babée , loi évéques . iiesfoHàit^ tiod-
Taient se marier : peut-être un prince nestorien Youlut41 unir la
sacerdoce etTempire ; peut-être èstrce h. Tori^e deFempir^dK
prêtre léhan? Je ne m'arrête pas plus long-temps à ces eonjècte-
res, auxquelles le lecteur accordera le degré dé Tnûsemblaw^
qn^l voudra.
Les voyageurs ont trouvé, dans la l^irtarle et dans le CâÛmj^
des Nestoriens épars et plongés dans une profonde ignwaaee : Ùà
n*ont ni écoles , ni évêques , ni pasteurs éclairés ; ils toiit seqle-
ment visités à peu près de cinquante ans en mquante a^ par vsft
évêque qui donne Tordre de prêtrise à des fiuaailles entités ^ #t
même à des enfans qui ne sont encore qu*au berceau^.
Leur Église de Malabar était la plus célèbre ; mais die est au-
jourd'hui gouvernée en grande partie par des évêques attachés 4
tËglise romaine ^.
De la doctrine des Chaldéetu,
1* Les Nestoriens do Syrie ou Ghaldéens ne reconnauMant ^oiat
Tanion hypostatique du Verbe avec la nature humaine , et ad-
metient en Jésus-Christ deux personnes.
Cette erreur est clairement enseignée dans leurs ouvrages , les
auteurs de la Perpétuité de la foi et M. Âsseman Vont démontré ^.
Ils citent pour cela des ouvrages inconnus à MM. Simon , Ged-
des et de la Croze , qui ont par conséquent avancé sans fondement
que Terreur des Nestoriens de Syrie est une chimère ou une lo-
gomachie *,
2* Us croient la Trinité , mais ils ont adopté Terreur des 6re<s
* Voyage de Rnbruqnis, p. 60« Description de la Tartarle. WHL des
Huns, par M. de Guignes.
< La Croie, Christianisme des Indes,
> Perpét de la foi, t à, h i, c. 5. Asseman^ Bibfiot orfOilrf t. Bt
P«^ 3» c. 7, $hf p. 910.
A Simon, tradoelîon du Voyage du P. Dandini au mont Libast pw 999,
Oedées, traduction du Synode de Diamper. Hist. abrégée deT^iUse de
Malabar.
Cet auteur ne mérite pas toute la confiance que lui dôme M. de la
Croie. Voyez sur cela la Perpétuité de la foi, t, â, L iO» c, 8 ) tt 5»
1, 9, c9etpa89lm.
CHA 351
Etir la proc£s$ïon du SaiM-Eeprit , ei otoiest qu'il ne procède i)iie
du Pète*.
3* lis nietiL le péché originel.
4° Ile croient que les imes ont été créées arec le monde et
qu'elles s'unissent aui corps liumaias i mesure qu'ils se formeDl.
5° Us croient qu'après la mort les âmes sont privées de tout
seutiment et reléguées dans le Paradis terrestre; qu'au jour du
jugement , les Imes des bîeaheureux reprendront leurs coqis et
■wnteront au ciel , tandis que les imes des damnés resteront sur
bt^re, aprèsavoiraussi repris leurs corps.
6* Ils croient que le bonheur des saints consiste dans la vue d*
rbBnuQité de Jésufi-Chrisl a dans des réfélalions, el non pu
7° lU pensent que les peines des dénions oi colles des damnés
Sauront*.
De ce que l» CkaWent ont de commun avec rÉgti$e romaine.
l^ea Nestoriens ont conservé h croyance de l'^lîse romaine
sur l'eucharistie et sur les sacrcmens: on en Ironte des preuves
coniaincanles daus la Perpéluilé de lo fbi et dans M. Assenian '.
M. de la Croze est , !i cet Égard , tombé dans des méprises con-
sidérables : 1* lorsqu'il a prétendu trouver dans l'Ëglise de Mala-
bar une Église qui , n'ayant eu aucun commerce depuis dotize
cents ans avec les Églises do Rome, de Consiantiuople, d'Alexan-
drie et d'Aniiocbe , consene la plus grande partie des dogmes
admis par les Proteslans , puisqu'ils sont rejetés on tout ou en
partie par ces Ëglises '.
i' Lorsqu'il a prélendu qu'il n'y a aucune secte dans le chris-
tianisme qui approche plus de la vérité que celle des Nestoriens ,
qui , dit-il , n'ont été décriés que par l'injustice de leurs en-
I Assenau, loc, cit.
1 Assemao, ibiil.
■Perpél, de la foi, 1, i, 1, 1, c, 7; 1. 15,c. 8. Biblîol, orient. d'Asse-
man, t. 3, pArl. !.
> Christ, des Indes, p-éraee, et dans l'ouTrage, p. 9ii, 3ii, édîl. de
Hollande.
^ DiveH. h»L sur diren snjeUi b f . Bccbctclics Mir la religiau dire-
363 CIR
3« Lorsqu'il prétend insinuer par-là Tantiqmté des pratiques
des églises réformées.
Eo effet , tous les livres et tous les rituels des Ghaldéens font
foi qu'ils reçoivent comme canoniques tous les livres que FÉglise
romaine reçoit comme tels : on y trouve la doctrine de la présence
réelle , et si quelques-uns s'en sont écartés , ce n*est que dans
Fexplication qu'ils ont voulu donner de ce mystère *.
Quand , au reste , il serait vrai que l'Église de Malabar D*aurait
point eu cette croyance , on ne pourrait en conclure rien autre
chose , sinon qu'elle a altéré la foi qu'elle a reçue , puisque les
livres qu'elle conserve contiennent cette doctrine et qu'elle a été
conservée par les Ghaldéens depuis leur séparation d'avec rÉ^^ise
romaine *.
Ces livres des Ghaldéens contiennent une preuve incontestable
qu'avant la séparation des Nestoriens toute l'Église enseignait
ce que l'Église romaine enseigne aujourd'hui , et qu'elle la regar-
dait comme la doctrine de Jésus-Ghrist et des apôtres , puisque
les Nestoriens n'ont osé la changer.
On trouve dans M. Âsseman tout ce qui regarde les rites, les
cérémonies et la liturgie des Ghaldéens, leurs patriarches , leurs
métropolitains , leurs monastères , leurs écoles '.
GHILIASTES, ou Millénaires. Voyez cet article.
GHRISTOMAQUES , c'est le nom générique sous lequel saint
Athanase comprend les hérétiques qui ont erré sur la nature ou
sur la personne de Jésus-Ghrist^.
GIRGUMGELLIONS ; ce nom fut donné , dans le quatrième siè-
cle , aux Donatistes furieux. Voyez l'article Donatistes. On a aussi
appelé de ce nom une espèce de Prédicans qui s'élevèrent en Al-
lemagne au milieu du treizième siècle (12i8).
Tout le monde sait les longs démêlés de l'empereur Frédéric
avec les papes , et l'excommunication lancée contre lui dans le
concile de Lyon par Innocent IV.
Pendant la chaleur de ces contestations , il s'éleva en Allema-
gne une société qui, sous prétexte de défendre le parti de l'empe-
reur, prêchait que le pape était hérétique , que les évéques et les
* Asseman, loc, cit, S 12.
2 Ibid., S 23.
» Asseman, t 8, part. 2, c il, 12, lô, 14, elc
^ Athan., I. De décret, synod. nlca^n.
CLE 353
autres prélats éuient aussi des ln^réliiiiies et des slmoniaques ;
que tous les prêtres, 6Umt eu péchû uioriel, n'aTalenl plus le pou-
voir de consacrer IVucharislie , qu'ils étaient de* séducteurs; que
ni le pape, ni les évêques, ni aucuu homme vÎTaot n'aviit le dru'
d'interdire l'oMce divin , et que ceux qui lo faisaient étaient des
hérétiques et des trompeurs ; que les Frères Mineurs et les Frères
Prêcheurs pervertissaient l'élise par leurs fauBses prédications ;
que, tiors la société des Circuuicellions, personne ne vivait suivant
l-Évangile.
Après avoir prêché ces maiimes, ils déclarèrent ï leurs audU
leurs qu'ils allaient leur donner des indulgences , non pas telles
que celles que le pape et les évéquea ont imaginées , mais n
indulgence qui vient de la part de Dieu.
Ces Circumcellions firent beaucoup de lori au parti de Frédé-
rie, et en détachèrent plusieurs callioliqu es '.
CLANCULAIRES, nom d'une secte d'Anabaptistes qui disaient
qu'il Tatlaii parler en public comme le commun des hommes , en
matière de religion , et ne dire qu'en secret ce que l'on pensait.
Yoyei , ï l'art. Anabaptistes, leurs sectes.
CLAUDE DE TBURIN, adopta ,
vième siècle, l'erreur des Iconoclastes el de Vîgilan
Quelques abus qu'il remarqua dans la dévotion des fidèles â cet
égard le portèrent i attaquer la vénération des reliques et de
images.
Claude était un des plus fervens chrétiens de son siècle ; maisi
manqua de justesse, d'esprit uu de modération , par rapport a
culte des reliques et des images : il fut réfuté par Dungale, par
lonas d'Orléans , et condamné dans le concile de Paris , qui dé-
clara qu'il falbil retenir les images dansles églises, pourl'în:
tion du peuple, mais quTI ne fallait ni les adorer, ni leur rendre
un culte superstitieux '.
CLÉMENT était Ëcossais d'origine. It rejetait lescanons et les
conciles , les traités des Pères sut la religion el leurs explications
sur l'Ecriture. Il rejetait les ouvrages de saint lérOme, de saint
Augustin, lie saint Grégoire, etc. Il soutenait qu'il pouvait être
< Dup., Ireiiièm G siècle, p. 1E>D< D'Arp;cntrè, loc, cil.
' Mabillon, Anual. ord. Dened., I. se, n. 5!, GQ, Cl, Conc, l.
p. 1913. Hist lilL de France, L A, p. iSS, A90.
tu €LE
é?è^e tprèfl aToir en deux fils en adultère; U tiiBCÛ^ fa* o» cM-
lieu pouvait épouser la veuve de son frère; il disait q«e fémfh
Christ descendant aux enfers en avait délivré tous le» danméf ,
Même les infidèles et les idolâtres : il avançait encore plnai^u»
erreurs sur la prédestination. 11 fut condaaâné , avec Adalb«|«
dans le concile deSoissons, etdansun concile tenu à Roni9 S
Les savans anieors de rkistoire littéraire de France pIlliflMM
relier ce Clément comme un de ceux qui travatUèrenl «m rém^
blissement des lettres sous Charlemagne , et quî'avait été mit^
de Helton, abbé du monastère de Ricbenumd, aa diodkl^ de
Constance » et depuis ambassadeur de Charirmagna ^ finiMiltU
nople et évéque à B&le.
On croit que Clément fut modérateur des études dû pahia**
On sait, au reste, peu de choses de lui : il n*es( pas impofii)de
que, dans un siècle où Ton avait supposé et altén^ tant i^wjngffê
des Pères, un homme qui a commencé à porter la lumièiQ 4a la
critique dans Tétude de la théologie ait rejeté comice de nidU Uh
torilé les ouvrages des Pères et se soit égaré.
L*erreur de Glémait devait naturellement porter Vesprit àf^r
tude de la critique ; mais le siècle était trop ignorant pour ùa»
Terreur de Clément produisit cet effet : son erreur ne fut Ai ntuei
ni dangereuse , il fut condamné et n*eut ni défenseurs ni dis-
ciples.
Que les protecteurs dePignorance ne tournent pas cet exemple
contre la science. Dans ce siècle trop ignorant pour adopter les
erreurs de Clément, une foule d^imposteurs abusaient le peuple ;
les erreurs les plus absurdes étaient prêchées par des fanatiques
sans lettres et reçues avidement; les mœurs étaient aussi cor-
rompues que Tignorance était profonde : les désordres et la su-
perstition croissent toujours en proportion du décroissement de la
lumière. Rapprochez de Tartîcle CLÉHEirr Fartlde Adalbert :
ces deux hommes furent condamnés dans le même concile.
CLÉOBIUS ou Cléobule, hérétique contemporain de Simon,
combattit la religion chrétienne et fut chef de la secte des Ciéo-
biens.
Cléobule niait Tautorîté des prophètes, la toute-puissance de
Dieu et la résurrection ; il attribuait la création du monde aux
1 Conc., t. à. Bonit, ép. 135*
sflist. Uttéraire de France, t. ft, p. 8» 15.
cm 954
BD^ «t pi^tenâait que JésuB-Christ n'éutl pas aé d'auâ Vierge ' .
Ainsi les apùtres et les premiers prédicaleurs de l'Évangile
Irouvèrenl dnns taule la Palestine des contradicteurs, et ces con-
tradicteurs étaient des chefs de sectes, âclairés, exercés dans la
dispute, babiles dans l'art de persuader le peuple, anïntcs par un
intérêt de système, si je peux m'exprimer ainsi, et par l'amour
de la célébrité qui était la passion ordinaice des cbeTs de secte.
Des adversaires de cette espèce opposaient aux apAtres touiea
les difficultés qu'on pouvait leur opposer, et n'oublièrent rien
pour [es rendre sensibles et victorieuses : les faits qui servent da
base au christianisme furent donc alors discutésaveclaplusscro'
puleuse exactitude, et l'ou en St l'examen le plus rigoureux.
Si les ap&lres avaient été coupables de la plus légère infidélité,
leurs ennemis l'auraieul manifestée, et cette iuiidélilé bien prou-
vée arrêtait absolument le progrès d'une religion dont la morale
combattait les passions et proposait k la raison des nijslëres in-
comprébensibles.
Jugeons de ce^ temps par notre siècle : si lei passions et la
présomption transforment aujourd'hui en démonstrations celte
foule de traits qu'on lance à tout propos contre la religion, ces
allégories qui, exprimées simplement, n'offrent ï la raison qu«
d'anciennes et plates railleries, quel effet ne devaient pas faire
sur les esprits les ennemis des apâtres, s'ils avaient pu leur repro-
cher avec fondement une imposture ou une infidélité?
Cependant c'est dans ce temps mèmequeUreligiondirétieniie
fait ses progrès les plus rapides et les plus éclatans, et toutes les
sectes qui la combattent disparaissent et s'anéantissent '.
L'évidence des faits que les apùlres annonçaient est donc évi-
demment liée avec le progrès du christianisme et avec l'extinc-
tion de ces sectes qui l'attaquèrent à sa naissance.
Nous avons donc sous nos yeux des faits subsistao* qui sont
Décetsairement liés avec la vérité du lëmoigaage des apàires, et
aussi nécessairement liée que les monumens les plus autheoliques
avec les faits les plus iacontestables.
Le laps du temps et l'infidélité des témoignages n'ont pu alté-
rer ces faits liés avec la vérité de la prédicatinn des apâtres ; ils
' ConstiL apoat., I. 6, c 8, Tliéodor,, Haret. Fab., L !. Prajf. Eu-
seb., HisL crcles., Lé,c 33,
_ »Tliéodor«, ibid.
S68 COL
Mmtà réprtmre des flcropales da sceptîetnM ei des diftcaltés de
Cnige. Ucerthnde de ces faiu est pour nous égtto à eéUe q«V
Tsieni les contemporaios des apôtres.
GOLARBÂSSE, célèbre Yalentinien, qui paraît aymr ftfipliqaé
aa système de Valentm les principes de la cabale et de Fastralo-
gie*.
GOLLUniE, prêtre d^Âlexandrie, curé d*ane des paroiiiesde
la même Tille, enseigna non-seolementqae Dien n*étût poialnii-
teor da mal, mais encore qa*il n*y avait point de mal qu Ttnt de
Dieu.
Saint Épipbane dit que, pendant qn^Ârius prêchait d*mi ofrté
son impiété, on Toyait d'autres cnrés, comme GoUathe, Sarma- .
tke, etc., prêcher les uns d*une façon, les autres d*ane antre» et
les peuples partageant leurs sentimens aussi bien que lenrs lonsB-
ges, s*appeler les uns Ariens, les autres Golluthiens *.
Ce fut le désir de la célâ>rité qui produisit Thérésie de CMIn-
the : comme il n*était qu*un homme médiocre et qu*il Tinôt dans
mu siècle éclairé, il eut peu de disciples.
Le désir de commander est ordinairement le partage de la mé-
diocrité, et la médiocrité n*emploie jamais que de petits moyens.
Golluthe se sépara d* Alexandre, son évêque, sous prétexte que ce
prélat avait pour Arius trop de ménagement. Pour prendre ce
parti, il ne fallait ni talent, ni lumière, ni mérite ; mais c*est la
seule ressource des ambitieux ignorans pour faire du bruit, et
die a toujours produit cet effet dans les siècles ignorans, mais
elle ne rend que ridicule dans les siècles éclairés. Golluthe, après
s*être séparé d* Alexandre, s*était fait évéque de sa propre auto-
rité : le concile d'Alexandrie le dépouilla de son épiscopat ima-
ginaire et le réduisit à Tétat de prêtre.
C'est ainsi que Golluthe retomba dans Toubli avec tous ces pe-
tits brouillons qui avaient voulu devenir célèbres et former des
sectes ; dans les siècles ignorans, ils auraient formé des schismes
dangereux : Adalbert, Waldo, Arnaud de Bresse et tant d'autres
qui désolèrent l'Eglise, ne valaient pas mieux que Golluthe ; mais
ils parurent dans un siècle où une partie du clergé, sans mœurs
et sans lumière, voulait dominer sur tout et ne défendait la reli-
gion que par des coups d'autorité.
< Auctor Append. ad Tert, De pnescripL, c 5S.
> Epiph., Haer., 69. PhUastr., Hxr. , 78.
CON
COLLYRIDIENS; c'étaient des dévou à la sain» Vierge,
lui rendaioal un culie singulier ; ils lui oiTraienl des gâteaux, n
mes en grec Collyrlde», d'où ils eurent le nom de Colljridiec
Des femmes étaient les prêtresses de eelle cérémonie ; elles
avaient un chariot avec un siège carré qu'elles couTraient d'u
linge ; et, en un certain temps de l'année, elles présentaient u
pain et l'olfraieut au nom de Marie : puis en prenaient tontes leur
Saint Épiphane a combattu cette pratique comme un acte d'i-
dolâtrie , parce que les femmes ne peuvenl avoir part a
CONSCIENCIEUX ; c'est le nom que l'on donna i, d'anciens
pour règle et pour législateur que
fut renouvelée dans le dix-septième
aimé Mathias Knutzen , qui, de celte
Vo^M l'Examen du fatalisme, t. 1".
CONSTITUTION CIVILE du clergé
liérëliques qui ne C'
siècle par un Allemand no
erreur, passa à l'athéisme.
CONSTITUTIONNELS ,
de France.
La révolution française, fille sanglante de la réfonne et du
philosophisme , a produit cette secte beaucoup moins par le rai-
sonnement que par la terreur, son arme favorite.Trois ou quatre
Ëvéques ambitieux ou faibles, un nombre assez restreint de mem-
bres du clergé inférieur, cédèrent par lâcheté aux prescriptions de
VAuemblée nationale , et se séparèrent, sur une question qui tou-
chait aux doctrines fondamentales de l'Ëglise catholique et ï sa
discipline, de leurs frères et du saint Siège.
Cette secte, qu'on peut regarder sans injustice comme une vé-
ritable société de schismatiques et d'hérétiques , niant plusieurs
des vérités essentielles du catholicisme, est aujourd'hui oomplè-
lement éteinte , et il est évident que le très-petit nombre d'adhé-
rens qu'elle conserve encore dans quelques vieillards ne laissera
point de successeurs. Née avec la tourmente révolutionnaire , elle
est passée avec elle , et n'est plus qu'un souvenir historique. Hais
ce souvenir a une valeur néfaste dans un dictionnaire des aberra-
tions de l'esprit humain, il est mêlé, en elTel, aux scènes atroces
des plus mauvais jours delà révolution ; il porte le stygmateinet
façahle des massacres de septembre , des pompes du culte de l>
Raison, des folies de la Mère-Lieu, qui adorait dans Robeepierre
*F.pi|ih.,Hicr.,7B.
858 CON
un noayeta Christ , de rabjoraiion de ViftqpA GoM ai emMNTts,
mentaiit en chaire pour abjurer publiquement le sàjbeidooe, n»
connaître qulls n'avalent été jusque-là que des chariaitanij et 19
lifrer ensuite aux excès de la débauche et de la cruauté.
Les Jansénistes et les philosophes , déistes ou athées , oq| |f$«
tendu et prétendent encore que les décrets de rAssemblép pàÙév
nale éuîent fondés sur le$ libertés île l'Êgliie gà^tie^nêf «t ii^ftti-
quaient en rien les dogmes et la discipline de l'Église catkoli<i|ifl^
Qui donc sera juge des points de foi? les fils de Yoltairf 09 Ofnt
du Christ ? Cest pousser la mauvaise foi jusqu'à l'absurde.
Du reste , voici les ardcles dans lesquds la ConstUut^ekUgin
clergé se montrait manifestement erronée et schisamîqi»;
i*'Elle créait, pour toute la France , une circonscrip^OR Ciiti^
rement nouvelle d'archevêchés ou d'évèchés, de mani^ % ^V^
y en eût un par département , ni plus ni moins : c'e8t-)h£n^.q|/(j|
en détruisait plusieurs anciens , qu'elle en ibstitoait à^ mi^
veaux qui n'avaient jamais existé » et qu'elle cfaangeak r^jotjno
juridictionnelle des autres , l'agrandissant ou la diminvaul fflllMI
l'étendue et b circonscription du département àstm Ieqiu4 ib M
trouvaient.
L'Assemblée nationale avait-elle l'autorité nécessaire pour i!ui4
un changement si radical dans Tétat dç TÉgUse de France, alors
surtout que les membres du clergé qui se trouvaient dans son sein
étaient unanimes ou à peu près pour s*y opposer et le condamuer t
N'avait-elle pas besoin, pour légitimer un acte aussi important» do
l'accession et du concours de TÉglise elle-même , non-seulemeat
de rÉglise de France en particulier, mais encore de l'autorité su-
prême qui régit TÉglise universelle ?
2* Elle confiait la nomination des évêques, des curés, des vi?
caires et de tous les ministres du culte en général aux élections
populaires , au mépris de l'autorité de TËglise et des lois qui de-?
puis des siècles réglaient celte matière et particulièrement la mh
mination des premiers pasteurs.
Des nominations absi faites , sans le consentement ou plat&t
malgré l'opposition et la condamnation positive de l'autorité spU
rituelle , pouvaient-elles être valides et légitimes ?
d"» Elle imposait aux évêques un conseil , celui des vicaire
épiscopaux , et les obligeait à se régler sur l'avis de la majorité de
ce conseil dans l'administration de leurs diocèses. De plus, l'évè-
que mourant, ce n'étaient plus les chapitres qui pourvoyaient par
lëtn âliïg,aéi DU gouTernemenL du dioctse, mais des hommes
désignés par les décrels, les vicaires de l'évéque défual. Cela
D'i>lait-il pas destructif de l'autorité épiscopale Et des canons qui
étaient en TÎgueur depuis un lemps imméaioml ? N'était-ce pas
établir l'organisa lion de l'Ëglise de France sur les princip&i du
prabylirianime , réprouvés et anatLématisés par le concile de
Trente en particulier?
4* Les curés et les Ticaires nommés par des électeurs poa-
vaîent administrer leurs paroisses el exercer toutes les fooctiont
du ministère ecclésiastique en vertu du seul fail de cette élecLÎOD,
sans qu'ils fussent obligés de la faire confirmer par l'autorité ds
l'évéque diocésain.
S° Les évèques élus devaient demander leur confirmation au
métropolitain , ou , ^ son défaut , à un évêque désigné à cet effet
par les directoires de dépariement. Ils n'avaient nul besoin de
s'adresser au souverain pontife pour en obtenir T institut ion cano-
nique; seulement ils devaient lui écrire en entrant en fonctions
pour lui déclarer qu'ils étaient dans sa communion et dans celle
de l'ËgUse catholique.
6' Enfin, tous les évèques et tous les prêtres qui avaient un
bénéfice el qui refusèrent de prêter le serment exigé par la CiniiJi-
luijon furent déclarés d^ntïMiunniirM, privés par conséquent de
toute autorité et juridiction sur leurs diocËses et leurs paroisses ,
et l'on pourvut ï leur remplacement par la nouvelle voie des élec-
tions.
Or, rien de plus évident , de plus mauifeste , que l'opposition
de cas décrels avec les doctrines fondamentales de l'Egliiie ca-
tholique elles canons qui forment sa discipline.
1° Dès le commencement, l'Église s'est posée comme une
puissance spirituelle divinement établie et indépendante de tout
pouvoir humain , tant dans son enseigoemeni que dans son gon-
Tememenl. Nul n'est admis au nombre de ses enfans et de ses
membres, nul n'est compté parmi les fidèlet, s'il ne lui recon-
naît cette indépendance qui résulte immédiatement de sa divins
origine; el quiconque, dans la suite des dix-huit siècles qui se
sont écoulés depuis sa fondation , a voulu l'attaquer sous ce rap-
port, a ceasé par-là même de lut appartenir ; elle l'a toujours re-
jeté de son sein comme un apostat, comme un hérétique.
De quoi s'agitil en eOei pour l'élise, c'est-ï-dire pour las
pasteursî De prêcher et de traosmellre, en fidélea échos, '
I
860 CON
rôle rec*^ àÊOM Torigme de la bouche de lésos-Christ pir tes tp6-
très; d^administrer les sacremens aux fidèles , sdon les renies
et aux conditions posées par le Sauveur ; de perptoor le nims-
tère ecdésiastique conformément à Vordre qui leur en ftit donné ;
CD un mot, de gouTcmer FÉglise foimée par lésusrCSinst el les
apôtres de manière à conserver intact le dépôt de la foi et des
sœurs confié à leur sollicitude, et d*assurer par ce moyen, pour
tous les fidèles, les espérances de la vie future fondées sur loi mé-
rites et sur renseignement de Jésus-Christ. Or, on ne voit pas à
quel titre , sous quel prétexte , la puissance civile pourrait inter-
venir dans ces choses-là. Toute Tautorité des pasteurs prenant sa
source dans ces paroles et dans cette mission de lésus-CSfarist :
Allez, en$eigne% toutes les natUms et apprenez- leur à ohsertef imU
ce que le vous ai enseigné, il est évident que nul ne saurait avoir
la moindre parcelle de cette autorité , s*il n'a reçu lui-même eetle
mis^on divine, soit immédiatement comme les apôtres, soit m^
tHaiement comme les pasteurs eiivoyés par eux et par leurs suc-
cesseurs légitimes au nom de leur maître. Tout pouvoir coiieer-
nant rÉglisedoit être divindansson origine et dans sa transmîAioii.
Celui qui serait puremait humain sous ce double rapport ne serait
pas un pouvoir véritable, puisqu'il serait uiïe usurpation sur
l'œuvre même de Dieu.
C'est pourquoi il est de foi que Jésus-Christ a établi un ordre
de pasteurs pour enseigner et gouverner l'Église , et qu'il leur a
donné à cet effet une puissance spirituelle entièrement indépen-
dante de l'autorité et de la puissance temporelle ; que pour exer-
cer le ministère ecclésiastique il ne suffît pas d'avoir éxé ordonné,
mais qu'il faut encore avoir reçu la mission de Tautorité de l'Église;
que les actes de juridiction exercés par des prêtres et par des évo-
ques qui n'ont pas reçu cette mission sont radicalement invalides
et de nul effet ; qu'il existe une hiérarchie spirituelle instituée
par Jésus-Christ; que le pape, évéque de Rome, a une primauté
d'honneur et de juridiction à laquelle les évêques, les prêtres et
les fidèles doivent obéissance et soumission dans les limites tra-
cées par les canons ; enfin que les évêques , dont le pape est le
chef, sont établis pour gouverner l'Église , qu'ils sont supérieurs
aux simples prêtres de droit divin , et par conséquent que l'exer-
cice de leur autorité dans l'administration et le gouvernement de
leurs diocèses ne peut , en aucune façon , être assujéti aux déli-
bérations d'un conseil composé de prêtres qui leur sont inférieurs.
■ CON
Votfeî le concile de Trenie, sera. ^3, cli. Â, cùn.3 ', sess. M, ch. 7jl
et la profesaion de foi pracrile par le même concile.
Ces principes incontestables prouvent que le coDeentemeni
siiif de l'Ëglise et de ses pasteurs était nécessaire pour légilimeFi. '
en ce qui pouvait l'être , le nouTcl ordre de choses décrété pM; 1
l'Asseoiblèe coDStitnante. Cependant les Jansénistes et les Consllt I
tutiottueU sDutenaieot que ce nouvel ordre de choses avait lonb 1
ce qu'il Tallait pour être légitime , et qu'il n'était contraire il an-]
cun dogme essentiel , à rien de divin en un mot, dans les dilTéreo* J
rëglemens qu'il instiinait. Selon eux, l'élection et l'élection pos 1
pnlaire, puisqu'elle se faisait par tout le corps des âdèles, avMh
été le mode primitif employé pour la nomination des évêque
des ministres de tous les ordres : témoin l'élection de saint Ha-
thias et celle des sept diacres rapportée tout au long dans les jletf*
des apôtres ; témoin aussi toute l'histoire ecclésiastique depuis le
commencement jusqu'il l'époque où le pontife romain et les évê-
ques s'altribuËrent dans ces nominations une part exclusive qui
ne leur avait pas appartenu d'abord , que les apôtres n'avaient
point revendiquée et par conséquent n'avaient pu leur transmettre,
et qui devenait ainsi une véritable violation du droit ancien, lia j
disaient encore que dans l'origine el pendant une longue suite d^ I
siècles la confirmation des évéques élus appartenait ans métropa>^ J
litains et non au souverain pontife, et que l'Assemblée consti-i I
tuante ne faisait que détruire un alius et une usurpation en décré?. I
tant que désormais, en France, on ne s'adresserait plus an pape^ I
mais au métropolitain , pour obtenir la confirmation canonique ^ ]
que plus d'une fois la puissance civile avait elle-même réglé eL 1
détermbé l'étendue juridictionnelle des diocèses, elquerÉglise. J
dans les premiers temps , n'avait Tait qu'adopter pour cela les ài\ I
visions civiles existantes ; enfin, que les Uberléi de l'Église gallir i
cane l'autorisaieut ï se soustraire en particulier au droit nonveaih I
iniroduitpar le concordatdelSIC, contre lequel les parlement, I
l'université et les chapitres s'étaient élevés pendant long'temps, 1
Iqaoiqne sans succès. , I
' Nous répondrons en peu de mots k chacune de ces objecliona; I
I Et d'abord en ce qui concerne les élections de saint Matliias et I
des sept premiers diacres , il ne s'ensuit pas, de ce qu'ils ont étil 1
introduits de celte manière dans le ministère évangélique, que les I
apôtres et saint Pierre en particulier n'aient pu faire seuls ces^ I
choii, et sani demander, sans attendre le eoDsentement des ùi^r, i
I 1, 31 I
S69 GON
1^. ToQi les Mtnto Pères el TËglfee nnif eneHe né Toiil ptti «<>
tendu aatrement. Ainsi» à mesore que U foi s*étendaii el que 1»
Bonbfe des chrétiens s'augmenuit , les éleeiions se rcsBeiiaiént
dms un eerde pins étroit » et bientôt elles en Tinrent à B*ntoif .
yInsUia <i«e per les membres do clergé des églises ptrticalièren
ei des dîTers diocèses* El il en dcYsit être ainsi : dans les pré-
ttlers temps » le frtn iém0igiut§e exigé par TÉgliae pour celni
qtt*alle admet au nombre de ses ministres ne poufsil étta itasdu
qoe pair Tasèonblée si peu nombreuse » mais si unie i de tous le»
idèles; plus tard, au contraire» ce n*éuil plus raniteranlité d«n
ttembres de TÉglise qui pouYsit connallré les oattdidau» iesjii*
geret en rendre témoignsge, c*éuient seulement cent an mUieii
desquels ils Tivaient » c*est-è-dire principalement et avant Umt l6
clergé* Et d^alUeUrs ces premières élections n*étaieAtpriles pnn
pn9dipiéeif êM§ée9 et confirma ensuite dans leurs résultats pt^
les pasteurs, les évèques , les apôtres? En était41 ainsi des élec*
lions Ordonnées par TAssemblée constituante et eiécnlées snsn
ooneOuM auetw de la part des pasteurs légitimes?
Les diapitres des cathédrales ont conservé long-^temps dami
tonte TÉglise tin pouvoir qu'ils n'exetcent plus que dans «n bien
petit nombre de diocèses , celui d'élire Tévéque diocésain ; mais
ce sont les abus eux-mêmes et les fôcheux résultats de ces élec-
tions qui ont amené avec le temps un mode plus simple et com-
parativement meilleur de choisir des hommes ayant un bon té^
moignêge^ àonum habens testimoiiium. On a attribué les concordats,
et celui qui fut conclu en 1516 entre Léon X et François I*' en
particulier^ à des motifs et à des intérêts tout humains. Mais il
n'en est pas moins vrai , pas moins évident pour qui lira Thistoire
ecclésiastique avec attention et impartialité » que Tintroduction
de ce nouveau droit fut un bien ; que les choix faits de celle ma-
nière hsmédièrent k la corruption et aux intrigues qui avaient de-
puis long-temps Vicié les élections capilulaires, et qu'après tout ,
il est presque toujours dans l'intérêt comme dans la pensée des
souverains de ne confier les grandes dignités de l'Église qu'à des
hommes Vertiieut et capables.
On peut également soutenir avec vérité que la confirmation
des évèques par le métropolitain , qui fut en effet le premier mode
de conférer aux élus l'institution canonique , aurait fini par ne
plus donner asses de garanties en faveur de leur orthodoxie el
de leur aitschement k Tuniié , qui est l'esseoce mémo de rÉgUsQ
CON 868
catholique. La central! sa lion devînt nécessaire alors que les
mœurs du clergé s'élaieni si prodigieascment relâchées que t'am-
biLîon avait pénétré dans tous ses ran|;s depuis la tiare jusqu'à
la houlette du curé de campagne , et que le scliisme avait divisé
l'Ëglise d'une extrémité de l'Europe i l'antre. 11 appartenait
d'ailleurs ù l'Ëgliie , qui a exclusivemenl le droit de se gouver*
ner elle-même , de modifier sa discipline sur cet article, comma
elle l'a fait pour laur d'aulres k des époques difTérentes; et, una
fois ce changement opéré , il ne se pouvait pas faire qu'une as-
semblée, exclusivement séculière, détruisit légitimement un
droit qui ne tombait pas sous sa juridiction. Ou ne montrera ja-
mais, par aucun fait de l'histoire ecclésiastique nou plus qua
par aucun dogme de la religion , qu'il appartienne aux puissances
séculiâres de réformer de cette manière la discipline de l'Église.
Quelques princes pieux et zélés ont entrepris de ramener, en di-
vers temps , le clergé ^ l'esprit de son état et au respect des rëglea
canoniques; mais iU l'ont toujours fait avec le concours du ulergâ
lui-même qui , par son approbation et son consentement, a donna
force de lois k des prescriptions qui sans cela n'eussent été qUQ
des règlemens sans valeur ei sans efficacité.
Nous ne disons rien de l'article spécial de la ContHluliev qui
aESUJétissait l'exercice de l'autorité de l'évêque il In sanction et à
l'approbation des hommes qui composaient son conseil. Nous ai-
mons mieux renvoyer le lecteur i la leasion S3 du conoile ds
Trente, où celle indépendance, attaquée par les novateurs, se
trouve décrétée el mise au rang des dogmes qui font partie de la
fui catholique.
Reste l'objection tirée des liberlés de l'Église gallicane.
On a beaucoup parlé des libeTlii de l'Égliie gailicant, et au
milieu de tout ce qu'on en a dit en des sens irés-divers, on aper-
çoit clairement ces deux oliosea : 1° que ces libertés sont en eOet
quelquechose, qu'elles ont existé et qu'elles existent, eomrao
il existe, de temps immémorial, des libertés pour les Eglises da
la plupart des Ëtais particuliers; et 3° que nos libertés ont loni
jours été comprises , expliquées et appliquées , d'une maniera
lout-ii-fait dilTéreole, parle clergé et par les parlement ou lea
représentans de la piiissuoee civile. Il ; a pourtant un point com-
mun dans lequel le clergé et les parlemeos s'accordaient , c'e*t
que ces libertés consistaient, comme le dit Bossuet,dantI«itroif,
dont a toujours joui l'Église gallicane, deutiiwtneT ^ov If
1
I
364 COP
anciens canons , et partant, de n'accepter que Uhrement un droH
nouveau , contraire à ces cauons , de ne s*y soumettre que de son
plein gré , de Tadopter enfin , en tout ou en partie , selon ses con-
venances et ses intérêts. Lorsque, en 1516, parut le concordat en-
tre Léon X et François P% les parlemens , Tuniversité et une
partie du clergé le combattirent par des motifs exdusi?ement
fondés sur ces considérations ; mais enfin il prévalut, malgré cette
opposition , et en 1789 il régissait TËglise de France depois près
de deux cents ans.
Mais que pouvaient avoir de commun avec ces libertés les pré-
tentions et les règlemens de T Assemblée constituante? Ces anciens
canons , n'était-ce pas TÉglise qui les avait faits ? L'Église galli-
cane les avait-elle reçus primitivement de Tautorité laïque? De
quel droit cette autorité laïque venait-elle , seule et malgré les
réclamations , malgré Topposition de T Église universelle, se pro-
nonçant par la bouche de son chef, et spécialement par celle des
pasteurs légitimes de FÉglise gallicane elle-même , la sonstnire
à des règles reçues , établies et régnant depuis si long-temps ,
pour lui rendre, sans son aveu, et sans se soucier si elle lai con-
venait, une discipline qu'elle avait abandonnée? N'était-ce pas
d'ailleurs une amère dérision que l'on voulût vendre libre l'Église
gallicane d'une liberté qui blessait également et les dogmes de
la religion, et la constitution générale de l'Église , qu'elle réprou-
vait avec tant d'unanimité, et qui, en définitive^ n'eût fait que
l'asservir à la puissance civile * ?
COPHTES , c'est le nom que l'on donne aux Égyptiens chré-
tiens Jacobites ou Monophysites , à l'exclusion des autres habi-
tans de l'Egypte.
Pour en bien connaître l'origine , il faut remonter au temps de
Dioscore.
Dioscore, patriarche d'Alexandrie, fut le plus ardent promo-
teur de l'Eutychianisme : l'autorité que lui donnait sa place, ses
libéralités qui le faisaient adorer du peuple, l'horreur qu'il eut
l'art d'inspirer à tous les Égyptiens pour les ennemis d'Eutychès,
qu'il représenta comme des Nestoriens , répandirent l'Eutychia-
nisme dans toute l'Egypte.
Le concile de Chalcédoine qui déposa Çioscore irrita tous les
esprits et alluma le fanatisme dans toute l'Egypte : la sévérité des
* Bergier, Dictionnaire de théologie, U 2, p. 108.
COP 365
lois (les empereurs contrelea ennciuis du concile de CliiJcédoiDO
el tesariiSces des partisans de Dlosrorc donnèreni de l'aliment
au fanulisme, et I'£gjple fut remplie <Ic troubles, de diTisiotis et
l.a puissance impériale établit enfia dans toute l'Egypte l'au-
lorité du concile de Chalcédoine: od envoya de Constautinople
des patriarcbes, des évéques, des magistrats , des gouverneurs, et
les lîlgyp liens furent exclus de toutes les dignités civiles, militai-
res et ecclésiastiques.
On n'éteignit pas le fanatisme : une partie des ennemis du con-
cile de Chalcédoine se retira dans la bauie Egypte ; d'autres sorti-
rent des terres de l'empire , et passèrent en Afrique cl cbez les
Arabes, oii toutes les religions étaient tolérées <.
Ceux qui restèrent en Egypte étaient subjugués el non pas sou-
mis; ils conservaienE une baioe implacable contre les empereurs
romains; les traitemens rigoureux des gouverneurs et des officiera
de l'empereur,- les humiliations et les outrages qu'ils faisaient es-
suyer aux Ëgypliens, plus de cent mille Égyptiens massacrés dans
dilférentes occasions pouc avoir refusé de reconnaître le concile
de Chalcédoine , avaient porté dans le cœur de tous les Égyptiens
une haine implacable contre les empereurs et un désir ardent de
se venger de leurs oppresseurs '.
Les patriarches de leur secte leur envoyèrent des vicaires pour
entretenir ces dispositions et pour les soutenir contre les lois de
l'empereur.
Sous l'empereur lléraclius, lepatriarcbe Benjamin, du fond des
dcserisdelu basse Egypte, envoyailson vicaire A ga thon, déguisé
en tourneur, consoler les Ëgypliens , leur arlmiiiislrer les sacre-
mens, leur porter reucbarislie.
L'Egypte renfermait donc deux peuples qui se harssaienl mor-
tellement: les Grecs ou les Romain s, qui occupaient toutes les pla-
ces, toutes les dîgnilês , et qui faisaient la plus grande partie des
> n'ai, palriarch. Alex,, p. 1G4.
3 Quand les {toutomcurs mai^eaienl, ils raisaïent soutenir leur ta-
ble par quatre ^yptiens et essuyaient IcursmaiNs â leur barbe, nlTroiit
le pluï insuppoHalile qu^n pût leur faire, et qui eicile encore aujour-
d'hui la colore et la haine des Égyptien* contre les empereurs romain5.
Le souvenir des maisacres commis pour feire recevoir le ranùle de
Chalcédoine est encore présent k leur espiiL
aêê cop
trompdi; et UB autre peuple, savoir, lesËgyptieM, qiA étaient Un
fiaîœeDt plus Bombreux et qui formaient la t)ourgeoi8ie , les la-»
koureurs, les artisans.
Pendant que TÉgypte était dans cet état , les Sarrasins conqui-
rent la Palestine et la Syrie : les Égyptiens les invitèrent à Tenir en
Egypte , firent un traité avee Ânurou , général d*Omar, s'unirent
à lui contre les Romains et ftrent passer l'Egypte sous la puisaanee
des Sarrasins. Tous les Grecs ou Romains s'enfuirent et aJ^anden-
nèrent TÉgypte , qui ne fut plus habitée que pi^r les naturels et
par les Sarrasins , qui levèrent une capitalion sur les Égyptiens
et remirent le patriarche Beiyamin en possession de tous les pti-^
▼iléges du patriarcat.
Ainsi , comme les Jaoobites étaient presque tous Égyptiens na-r
tiirels, ils perdirent en très-peu de temps Tusage delà langue grec-
qt%f et firent le service en langue égyptienne, comme ils le font
encore a^)ourd'lltti.
LesGophtes sqnt <]ono tous les Égyptiens qui, faisant profession
de la croyance des Jacobites, sont soumis au patriarche d'Alexan?
drieet îmi Toffioe en langue du pays ^.
Les Gophtes jouirent d'abord de tous les privilèges que leur
avait promis Âmrou, général d'Omar, auquel TÉgypte s'étaitdon-
née : les Sarrasins , d'ailleurs , craignaient qu'en traitant mal les
Égyptiens ils ne rappelassent les Romains ; mais lorsque |es gou-
verneurs sarrasins eurent appris que Léon s'était révolté contre
Justinien, et que les Romains déposaient et créaient les empereurs
à leur fantaisie , ils défendirent l'exercice public de la religion
chrétienne ^.
11 fallut alors acheter des préfets la tolérance qu'on avait stipu-
lée dans l'accommodement , et les Sarrasins devinrent des tyrans
et des persécuteurs impitoyables , qui ne toléraient les chrétiens
que pour en tker des impôts arbitraires et des contributions ex-
cessives.
Les Cophtes se soutinrent au milieu de ces persécutions , et
malgré les schismes qui les divisèrent ils se vantent même d'a-
voir eu dans tous ces temps des martyrs , des confesseurs , des
saiqts, des miracles , et c'est par ces impostures qu'ils entretien-
m
* Rena«^4ot, Perpét. de la foi, t 4,^ 1. 1, c. d. Hist. p^triar. Alex.,
P9r^ 2. Çpnl. de BoUan^us, mois de juin, p. 79, etc.
2HisU patr. Alex., p. 18^
COP Itl
nent encore dans le scbûme le peuple Ignoranl et crédule ',
Les révoluiîons arrivées dans l'empire des califes n'ont point
adouci le sort desCopliles et des (^brétieuE, qui, niulgré lantJ'ub-
£iades, se sont perpétués jusqu'à nos jours en Égyple.
Il n'y a point eu Ëgjple de nallan plus I yraouisée que les Copb-
tes, parce qu'ils n'ont personne qui puisse se faite considérer des
Turcs par son savoir , ou se l'aire craindre par son autorité ; ils
sont regardés conunele rebut du uioude. I^ur nombre est aujour-
d'hui li'és-peiil ; ils étaient plus de si:i cent mille payant tribut
locsqu'Anirou ât la conquête de l'Egypte; ils oe sont pas au-
jourd'hui plus de quinze mille *.
Nous allons esaminer l'élut actuel de cette secte par rapport à
la religion,
De !a doctrine de* Cfpkta.
Les Cophtes rejettent le concile de Chaluédoine , la lettre de
saint Léou à Flavien , et ne veulent point convenir qu'il y a deux
natures en Jésus-Christ, quoiqu'ils reconnaissent que la diTinilé
et rhuuianité ne sont point confondues dans sa personne ; et si
l'on excepte cette espèce de Monophysisme , ils n'ont aucune er-
reur particulière : ils conviennent avec les calboliques et avec les
Grecs orthodoxes el srhismatiques de tous les autres points qui
11 est certain , par tous les livres de« Cophtes , par leurs coa-
Tessionsdu fui, parleurs rituels, qu'ils reconnaissent la présence
réelle, qu'ils ont le culte des images, la prière des morts et toutes
les pratiques qui ont servi de prétexte au schisme des prétendus
réformés.
Celte t^ise copbte est cependant séparée de l'Eglise romaine
depuis plus de douîe cents ans : tout ce que riîglise romaine croit
et pratique aujourd'hui sur l'eucharistie , sur les sacremens , sur
le purgatoire, «ur les images , était donc enseigné et pratiqué par
' HisL patr. Alex., p. 133.
' Noiivrlle relalinn d'un voyaRC fait rn ÉRjptr par Vanslph , p. 15,
p. Î8S.
> Hcnaudot, Httl. patr. Alex., p. 356, porl. !. Pcrpét. de la loi, t. i,
I, 4, c 9. Itoliand , juin, I. 5. Nouveatii mémoires de la compagnie
de Jésus diius le Lcvaul, I. t. Lettre ttu pcie du Bernât au père fku-
riao.
t«8 COP
rËglîs£ , dont les Cophtes raisaieni parlîe aussi bien que ri^lise
latÎDp, avant le schisme de Dioscore, oii il f;iut que l'Église cophte
et l'Eglise romaine aient fait cfs changeineiis dans leur croyance,
dans leur liturgie et dans leur culte.
11 est impossible que ces deux communion se soient accor-
dées ou se soient rencontrées à faire dans leur doctrine et dans
leur culte précisément les mêmes changement sur tant d'objets
sur lesquels elles n'avaient ancune nécessité de se réunir.
Il Tant donc qu'avant le schisme d'Eutjctiës l'Ëglise catholi-
que ait enseigné et pratiqué ce qu'elle enseigne et pratique au-
jourd'hui sur l'eucharistie , sur le culte des saints , sur la prière
des morts : c'est donc avant Eutychês que s'est Fait le changement
dans la foi , s'il est vrai que celle que les catholiques proressent
aujourd'hui n'ait pas toujours Été la foi de l'Église ; et il est
certain que loulel'Eglise, avantle concile de Chalcédoine, crojait
et pratiquait ce que l'Eglise romaine croit et pratique aujourd'hui
sur tous ces objets.
Nousavons prouvé, dans l'article Nestorics, que celle croyance
était générale avant le premier concile d'Ephèsc et même avant
1k concile de Nicée, et qu'il était impossible que cette croyance
fQl alors nonvelle dans l'Eglise.
fd croyance de l'Eglise romaine est donc ta croyance de l'Ë-
glise primitive ; pourquoi donc les premiers réformateurs s'en
sont-ils séparés , et pourquoi les Proteslans de nos jours ne Ao-
ireraieut-ils pas dans une Eglise qui ne croit que ce que l'élise
croyait dans les premiers siècles, danscessiècles si féconds eu pro-
diges de vertus et qui ont donnétant de martyrs et tant de saints?
Comment H. Tillolson opposera-t-il la prétendue diEQculié de se
sauver, dans l'Église romaine , pour justifier le schisme des Ëgli-
' sesréformées?
Ees Proiestans ont prétendu que le patriarche Hacaire avait
changé la litui^ie des Cophtes , et voudraient prouver, par ce
changement , qu'il est possible qu'un patriarche ait établi une
nouvelle doctrine dans l'Église sans qu'on s'y soit opposé, et par
conséquent sans qu'on puisse en marquer l'époque.
• Mais l'exemple du patriarche Macaire n'est pas propre à prou-
ver leur prétention , car les Cophtes avaient beaucoup d'usages
qui n'étaient point fondés sur la tradition, et le patriarche avait
le pouvoir de les changer , sans qu» ce changement causâtdans
l'Église cophte aucune difficulté; mais il n'en est pas ainsi de ce
GOP 869
qui regarde t'eucLirisLie ei les sacremens ; l«s pairiarcbes n'ont
jamiis osé enireprendrtide faire sur ces objets aucun changemeDi,
ei les cbangemens qu'ils om voulu Taire sur des objets qui n'É-
taient pas des poiats de liturgie ont toujours excité des troubles'.
Dm gouvernement ecclésiastique de» CoplUei.
L'£glise cophie a conservé le gouvernement qu'elle avait dans
son instituiion et s'en est éloignée moins qu'aucune antre.
a chef de l'Église est le patriarche d'Alexandrie,
saiul Marc; après lui sont les évéques, su nombre
d'onze ou douze , les prêtres, les diacres , des clercs inrérieurs ,
des moines et des laïques,
Le« éréques , les prêtres et les principaux de la nation s'assem-
blent pour élire le patriarche : celte élection se fait au Caire. On
choisit toujonrs les patriarches parmi les moines, parce qu'il faut
que le patriarche ait vécu toute sa vie dans la chasteté.
Les évéques sont dans une exti'ême dépendance de l'archevê-
que; il les élit, peut les déposer et les excommunier; ils sont dans
les provinces les receveurs des revenus du patriarche , lesquels
revenus consistent en une dtme destinée i son entrelien.
Quoiqu'il n'y ait point d'obligation pour les prêtres de vivre
dans la continence , il y en a néanmoins qui ne sont point mariés
et qui ne l'ont point été.
Les Cophlesn'ont point d'empressement pour l'état de prêtrise,
il faut souvent les j forcer ; comme ils «ont tirés du peuple qui
ne subsiste que par son travail , ils considèrent que ce nouvel em-
ploi leur emportera la plus grande partie du temps et les empê-
chera de faire leur métier , quoiqu'ils soient chargés de pourvoir
k l'entretien d'une famille , l'Église ne leur fournissant presque
Souvent on voit des hommes qui sortent de h boutique à l'Sge
de trente ans pour être élevés au sacerdoce. Onl-ils été jusqu'a-
lors tisserands , tailleurs, orfÈvres on graveurs , savent-ils lire en
cophte, cela suffit pour les onlocner prêtres , parce que la messe
se dit et l'oltlce se fait en celte langue que la plupart d'entre eni
n'entendent pas.
Les prêtres ne prêchent jamais, et cegiendaoi ils sont Irès-res-
pectés du peuple , et tout ce qu'il j a de plus considérable et di:
* Itcoaudol, loc. cit. p. At6.
IfO COP
plus distingué dunfi la nation se courbe devant eux » leur biûie l|
piain et les prie de la leur mettre sur la tête *■ .
Dfs je^n09 de^ Cophtes,
Les Cophtes sont , comme tous les chrétiens d*Orient , grands
observateurs du jeûne : ils ent quatre carêmes dans Tannée; le pre-
mier est celui qui prêche la pâque ; i) commence neuf jours étant
celui des Latiqs: ils demeurent sans boire , sans manger f t saim
fumer jusqu^après roffice, qui finit environ à une heure,
(4e second carême est d^ qu^^^nte-trois jours pour le clergé, 9%
de vingt-trois pour l^autrea ; ce parême e^t avant la nativité de
Notre^igneur.
lie troisième carême se prati(}ue avant la fête iies apôtree saint
Pierre et saint Paul; il ei|t d'euviron treize jours, et cammeiicii
après la semaine de la Pentecôte,
Le quatrièwf^ çarêRie est avant la fête de rAssomptio» et dure
cpiinsejovr^»
)1 n*j a point d^Age prescrit parmi eux pour jei^neF i en neaan^
rait croire qu^ inérit^ \h se font de leurs qarèmes el de Jeun
jeûnes.
De quelques pratifjues particulier es aux Cophtes*
i« Les Cophtes donnent le sacrement de rextrême-onction avee
celui de la pénitence : ils ne désavouent pas que saint Jacques a
recommandé CQ sacrement pour les malades , mais ils distinguent
trois sortes de n^aladie^; cellçç du corps ; celles de Tâme, qui sont
les péchés ; celles de Tesprit , qui sont les afflictions ; ils esti?
ment que Fonction est utile pour toutes ; voici de quelle manière
ils administrent ce ss^çrement.
Le prêtre, après avoir donné Tabsolution au pénitent, se fait
assister d'un diacre ; il commence p^r les encensemens, et prend
une lampe dont i) bénit Thuile, et y allume une mèche ; il récite
ensuite sept pr^^isons et sept leçons tirées de Tépître de saint Jac-
ques ; puis il prend de Thuile de la lampe bénite , et en fait une
onction sur le front, disant: Dieu vous guérisse, au noni du Père
et du Fils; il fait une semblable onction à tous les assistans de
peur, dit-il, que 1^ malin esprit ne passe % quelqu'un d'eux.
%** lU ont dans leurs églises de grands bassins, ou des lavoir^
^ Renaudot, Hist. patriarch. Alex. CoUeot. lilurgiarum orientalium*
DAT «71
qu'ils rempltueni d'eau le jour da l'épiphuie ; le prêtre It bénit,
j plonge les enfans, et le peuple s'y jelii' ; k la campai^ne el sur
le bord du NU , la bénédiction se fait sur la rivière luéme, u(i le
peuple se baigne ensuite : cette coutume est aussi en usage clicx
les Abyssins.
Ne senit-ce point celte cérémonie qui avait fait juger que les
Cophtes bonorenlle Nil oummeuDediviolté?
3" La dissolution du mariage est eu usage cher, les Copliiei ,
non-seulement en cas d'adultcre, mais pour de longues intirmitési
pour des antipathies, peur des querelles dans le ménage , et sou-
vent pur dégoût.
Ia partie qui poursuit la dissolutioD de son mariage s'adresse
d'abord au patriarche ou Ooo évéquc pour la lui demander, et si
le patriarclie ne peut le dissuader, il l'ucoorde ; si le prélat reruse
la dissolution , ils tooL devant le eadi ou magistral turc , Tont
rompre leur mariage, et en contractent un autre!) In turque, qu'ils
nomment mariage dejutliee.
i' Ils ont l'usage de la circoncision , qu'ils ont prise des Malio-
métans ou des Juifs ; mais elle poumii bien n'Atre pas une cM-
monie religieuse, mais un usage du pays; quoiqu'il en soit fait
mention dans leurs rituels, il paraît qu'ils n'ont adopté cet usage
que pour plaire aux HnhuméUins : ils s'abstiennent aussi du sang
et de la chair des animaux Euiïoqués *.
CYNIQUES ; c'est ainsi qu'on appelait les pLilosoplies serU-
leurs d'Antislëne, qui foulaieut aux pieds tonte espèce de régie ,
de mœurs et de bienséance : ce nomPaldonnéauxTurlupIns, qui
s'abandonnaient publiquement el sans remords aux plus hnnleil-
Hs débauches.
CYRÉNAIUUES { ils parurent vers l'an \TS , el pti^lendirent
qu'il ne fallait point prier, parce que Jésus-Christ avaif liil savoir
les choses dont nous avions besoin ' ,
DAnOES, chef des Messaliens. Voyez cet article.
D.WID bF Dînant adopta tes principes d'Amauri ,
et écrivit pour tesjustiCer.
' Nouïcnui mémoires des m
[.evsni, 1. 1, loF, rli.
1 Uufuiiui LcticaUi
S7J DAV
Il y arait alors en France des restes de Cathares oa de ces Ma-
nichâens ?enas d'Italie qui attaquaient Tantorité des ministres
de rÉglise , les cérémpnies et les sacremens : ils niairat la résur-
rection, la distinction du Yice et de la vertu, etc. Ils crurent
trouver dans le système d*Âmauri des preuves de leurs opinions ;
ils Tadoptèrent: ils prétendirent que Dieu le Père s*était incarné
dans Abraham , Dieu le Fils dans Jésus-Christ; que le royaume de
Jésus-Chrut était passé ; que par conséquent les sacremens étalait
sans vertu et les ministres sans juridiction et sans autorité légî-
time> puisque le règne du Saint-Esprit était arrivé, et que la re-
ligion devait être tout intérieure.
Delà ces sectaires conclurent que toutes les actions corporelles
étaient indifférentes. Les sectaires, quf sont presque toujours des
hommes ardens , impétueux et passionnés, n*ont jamais manqué
à tirer ces conséquences des principes tels que ceux d*Amaori ,
et s*en sont toujours servis pour se permettre sans scrupule tous
les plaisirs. Ces restes de Cathares se livrèrent à toutes sortes de
débauches, sous prétexte que le règne du Saint-Esprit était ar-
rivé, que les actions corporelles étaient indifférentes, et que par
conséquent la loi qui en défend d'un certain ordre et qui en pres-
crit d'autres n*avait plus de force et n'obligeait plus personne :
ils tombèrent donc dans les plus grands excès , et firent une secte
qui fut d'abord secrète et qui fut découverte par de faux prosé-
lytes.
Un orfèvre, nommé Guillaume, était le chef de cette secte , il se
disait envoyé de Dieu et prophétisait qu'avant cinq ans le monde
serait frappé de quatre plaies : de famine sur le peuple , de glaive
sur les princes , de tremblemens qui engloutiraient les villes , et
de feu sur les prélats de l'Église ; il appelait le pape l'Antéchrist,
Rome la Babylone , et tous les ecclésiastiques les membres de
l'Antéchrist.
Il avait aussi prédit que le roi Philippe-Auguste et son fils ran-
geraient bientôt toutes les nations sous l'obéissance du Saint-
Esprit.
On arrêta quatorze de ces sectaires ; ils furent conduits au con-
cile qui se tenait alors à Paris ; on les instruisit , mais ils persé-
vérèrent dans leurs erreurs ; dix furent brûlés (dans le mois de
décembre 1210).
On condamna aussi la mémoire d' Amauri , on l'exhuma , et ses
os furent brûlés.
DON 373
Le concile de Paris condamna aussi les livres de b niÉlaphy-
siquc et <le U physique d'Arislote, que l'on regardait comme la
source des erreurs d'Âmauri : ou brûla les ouvrages de David de
Dinanl.
Cette secte n'était qu'une troupe de fanatiques débauchéa
qu'on ne pouvait regarder comme des rËfurmateurs : ila n'avaient
aucun principe honnSte ; o
déFenseurs de la religion. <
secle s'éteignit*.
DAVID GEORGE. Yoyei George.
DËCHÂUSSËS, hérétiques qui prélendaient que, pour éire
sauvé, il fallait marcher im-pieds. {Aaq., De hmi-es., Iner. 08. )
DOCËTES , hérétiques qui niaient que Jésus-Cbriat eût pris un
corps véritable *.
DONàTISTES, schismatiques qui se séparèrent, 1* de la com-
munion deCécilien, parce qu'il avaiiéléordonnépar Félix d'Ap-
lunge, qu'Us prétendaient avoir livré les vases de l'église et les
livres sacrés pendant la persécution ; 2° de toute l'Ëglise , parue
que toute l'Eglise était restée unie de communion avec Cécilien ,
et non pas avec Majorin et avec Donat , successeur de Majorin.
Ce schisme, produit par une petite vengeance particulière, trou-
bla l'Église pendant plus d'un siècle, remplit l'Afrique de cala-
mités et d'horreurs , épuisa la rigueur et la patience de trois em-
pereurs , et ne céda qu'au temps , semblable à ces volcans que le
mineur imprudent allume et qui ne s'éteignent que lorsque le
feu a consommé le soufre et le bitume qu'ils renfermaient dans
leurs entrailles.
Il est important de bien connaître l'origine et te progrès d'un
pareil schisme , et de le suivre exactement dans ses effets.
Du schitme des DonaHsIes ajianl Donat.
La religion chrétienne n'a point été portée en Afrique par les
apâtres, mais elle y lit de grands progrès dans le second siècle,
elles chrétiens, malgré les persécutions, ; avaient beaucoup d'é-
is Dioclétien, sous
CelM dérniiré )[Mfliéctttt61i ddralt tmiMé lotM^fté Mèiâlirilts ,
étéqae dé Onbagé , l\it niandé ptt Malbtieé.
llénsurius , avâtit qii« de partir, conflsi leâ fWHH Aé t^églisê I
quelques vieillards et donna le mémoire de ces vases à voie tielllë
femme, afin que, 8*11 mdtlrélt dans son ^agë, elle le ftarftt ëon
auccessetif.
Mensttrius ttioiinit en effbt etireVenâtit h Gaftha|(è, ëillhittiM
nsndit alorft la paît k TEglise^.
Les évéques de la province d*Arrique s*assemblérëlli i Csifthigê
pour élire un successeur de Mensuf ius ; Cécillett fui êlti UMIii-
mement et ordonné par Félix d^Âptunge ^.
On remit à Gécllien le mémoire des vases sâCtés qùé Mt pttàé"
cesseur avait confiés aux tieillards, qui (iroyaieut qu*dtt fgiiol^it
ce dépôt et qui conçurent une haine violente coUiN Gédlten
qui les obligeait à rendis les vases qu*on leur avait Confiés ^.
Deux persotinés consi(léràble^ dans le clergé de Canbagé , fiô-
tms et CélestiUSy avaient aspiré tdUs deux à l'épiscopat; ils Àl^t
irrités de la préférence que Tou avait donnée à Géctlieii, 6é joi-
gnirent aux vieillards, et décrièreut Gécllien^
Pendant que Gécillen n*était etacore que diacre , UUddamëpttiâ-
saute, nommée Lucille, avant de recevoir le corps et le satig de
Notre-Seigneur, baisait Tos d*un homme qui n'était pas ebédré
recotibu martyr. Cécilien avait blâmé cette pratique et fkit une
réprimande à Lucille, qui , depuis ce temps-là , s*était séparée dé
TÉglise 8.
Lucille s*unit aux ennemis de Gécilien et forma un parti contre
lui ; ce parti s*accrut , s'échaufia , résolut de perdre Gécilien et
chercha les movens de faire casser sob ordination.
Cécilien avait été ordonné par Félix d'Aptunge, et l'on n*âvait
point appelé à son élection les évéques de Niimidie. Les ennemis
de Cécilien prétendirent que son ordination était nulle , et parce
qu'on n'avait point appelé les évéques de Nuraidie , et parce qu'il
avait été ordonné par Félix d'Aptunge , qui » pendant la persécu-
tion , avait livré les vases de TÉglise et leâ livres saini»«
* Optdt., 1. 1. Ali*., Lilt. t^etilî, liv, â, i. 81
2 Jbid.
' Optât,, ibid. Aug. in Parmcn,
A ]bid.
» Ibid.
DON
3TS
Celle préTSrimtiQP iwt, dans l'ËgliKecleCarthiiee , ci
espËce d'apostasie , et l'on regardait comme duU les ïauremeus
doDoés par coui. qui en éuienl coopables.
Les enneniia île Cëcilien crurent donc avoir iroufâ deux inojenE
sÙTs pour le perdre ) iU appelèrent les ëvèques de Numidie ï Car-
tilage , oti Luoille les traita magnitîquemeut : ils gVsemblàreM
comblûs de présens, et ciiëreai CécîlieD.
Le peuple ne permii pas i son évèque de comparallre , et Ceci-
lien répondit aux députés des évèques de Numidie que si ceux
qui rataient ordouné étaient des Iradileurs qui i|e |vi avaient
poini en ellot donné d'ordre , ou n'avait qu'ï le réordonner.
Cécilien ne croyait pas qu'en eflel Félix d'Aplunge fùl Iradl-
leur ; il ebercliait par celte réponse k ouvrir un moyen de co|ici-
lîalion , et croyait arrêter ses ennemis ; mais ils prirent sa réponse
comme un aieu du crime de Félix d'Aptunge, déclarèrent leËiége
de Cartbage vacant , procédËrenl à une nouvelle élection et or-
donnèrent un nommé Mitjorin , domestique de Lucille , lequel
avait été lecteur dans \si diaconie de Cécilien'.
Malgré le jugement des étêqucs de Numidie, toute l'I^glise de-
meurait unie de ooinmunion avec Cécilien ; c'était à lui el non i
Uigorin que s'adressaient les lettres de l'Eglise d'outre-iner.
Le parti des agresseurs est , en quelque sorte , le parti liaïs-
sant , il est plus actif et plus entreprenant que le parti qui se dé-
fend ; les partisans de Majorin écrivirent à toutes les Eglises contre
Cécilien I le caInmniËrent , écbauQèrent les esprits et causèrent
quelques émotions dans le peuple.
Constantin I qui depuis la défaite de Maxence régnait ^ur l'Italie
et sur l'Afrique, en fut averti i il ordonna au prticonsul de celle
province et au préCcidu prétoire des'inibrmer deoeux qui trou-
blaient la pRii de l'Église et de les en empêcher.
Les partisans de Majurin , iuroroiés des ordres de Conslanlin ,
lui présentèrent nn mémoire dans lequel ils accusaient Cécilien
de plusieurs crimes.
Constantin , qui craifjnait les suites d'une querelle do religion
àfirn uqs province nouvellement soumise, aurait bian voulu ne
mécontenter Micun des deux partis : il refusa donc de pronupeer,
et leur donna pour juges des évêques.
Cécilien se rendit à Rome , avec dix évêques do son parti , et
' OpL, ibid. AUE>, iliid, fl iq Gaud., in Prln),, in Cresc^pti
876 DON
Donat deCasesnoîres 8*y rendit aussi, à la tète de dix évèqoes du
parti de Majorin.
Les partisans de Majorin ne purent pTOu?er aucun des crimes
qu*il8 reprochaient à Gécilien , et cet évéque fut déclaré innocent.
En déclarant Gécilien innocent des crimes qu*on lui avait im-
putés , le concile ne condamna point les accusateurs. Le pape
Miltiade , qui avait présidé an concile, offrit d*écrire des lettres
de communion à ceux qui avaient été ordonnés par Majorin et
de les reconnaître pour évéques ; enfin, on avait arrêté que dans
tous les lieux où il se trouverait deux évéques ordonnés, Tun par
Majorin et Tautre par Gécilien , le premier ordonné serait mainteno,
et qu*on trouverait un évéché pour le dernier *.
Le concile de Rome ne prononça ni sur le jugement du condle
de Garthage , ni sur Taffaire de Félix d*Âptunge.
Les partisans de Majorin prétendirent que le concile avait jugé
avec précipitation et sans être suffisamment informé , puisqu'il
n'avait point voulu prendre connaissance de Tafiaire de Félix
d'Âptunge, qui était cependant, selon eux, le point capital delà
contestation.
Gonstantin fit assembler un concile plus nombreux à Arles, où
Gécilien fut encore déclaré innocent et les accusations de ses en-
nemis jugées calomnieuses. Le concile informa Tempereur du
jugement qu'il avait porté et de Topiniâtreté des ennemis de Gé-
cilien *.
L'empereur fit venir les évéques attachés à Majorin ; ils se firent
bientôt des protecteurs , qui demandèrent à l'empereur qu'il ju-
geât lui-même cette affaire : Gonstantin, par lassitude ou par con-
descendance pour les flatteurs qui l'obsédaient, consentit à revoir
lui-même l'affaire de Gécilien et de Majorin , et promit que Géci-
lien serait condamné si l'on pouvait le convaincre d'un seul des
crimes dont on l'accusait \
Après cette révision, Gécilien fut déclaré innocent, et ses enne-
mis condamnés comme calomniateurs.
. Les ennemis de Gécilien publièrent que l'empereur avait été
trompé par Hosius , qui lui avait suggéré ce jugement , et le
schisme continua : peu de temps après Majorin mourut.
* Opt, 1. 1. Collât Garth. apud Âug. et Ep., AS.
3 Euseb., 1. 10, c. 5.
3 Aug. Ep., 162, 168. Euseb., Vit. ConsU, U 1, c 44.
Du tchisme des Donalitles depui» l'élection île Donal jusqu'à
Majorin élant mort, les évâqaes de sa communion flureni en sa
place Donat, non Donal de Casesnolres , mais un autre Donat,
doué de grandes qualités ; il avait l'esprit orné par une longue
étude desbelles-leltres; il Était Éloquent, savant, et recommanda-
ble par l'intégrité de ses mœurs el par son désiniéreBsemenl'.
Il consacra tons ses talens à la défense de son parti ; il composa
' des ouvrages pour le justiHer, et séduisit beaucoup de monde.
La plus grande partie de l'Afrique regardait comme nuls les sa-
cremeus conférés parles hérétiques et par les pécheurs. Soixante-
dix évéques avaient, dans un concile , déclaré Félix d'Aplunge
convaincu d'être tradilenr. Cécilien paraissait l'avoir reconnu
loi-même, puisqu'il avait demandé à être réordonné : le concile
de Rome, qui avait confirmé l'ordination de Cécilien , n'avait pas
voulu prononcer sur te jugement des évèques de Nuraidie , et il
n'avait pas pour cela voulu infirmer l'ordination de Cécilien ; non
qu'il crût Félix innocent , mais parce que l'Église latine regardait
comme valides les sacremens conférés par les hérétiques.
L'innocence de Félix sur les crimes que te parti de Majorin lui
imputait pouvait donc paraître douteuse , et Cécilien pouvait pa-
raître ordonné par nntraditeur.
Presque toute l'Ëglise d'Afrique regardait comme nuls les sa-
cremens donnés par les hérétiques el par les pécheurs : on con-
çoit donc aisément qu'un homme de génie, tel que Donat, pouvait
donner aux raisons du parti de Majorin assez de vraisemblance
pour en imposer, et il séduisit en elTei beaucoup de monde.
Le parti de Majorin reçut en quelque sorte une nouvelle exis-
tence de son nouveau défenseur, et prit son nom : toutes les per-
sonnes attachées au parti de Donat se nommèrent Donatistes.
11 est aisé d'acquérir un empire absolu sur un parti auquel on
a donné son nom: Donat fut bientôt l'oracle el le (jran des Dona-
tistes ; ils devinrent entre ses mains des espèces d'automates, aux-
quels il donnait U direction et le mouvement qu'il voulait *.
Donat avait lu plus haute idée de sa personne , et le plus pro-
fond mépris pour les hommes , pour les magistrats et pour l'em-
'Opl-, 1. 3, Aug., Lin. PcUl.
^ Opt-, ibid. Aug. in Crcsccnl., in Parmen,
I
pereur même. Ses sectateurs prirent tous ses sentimens ; lesDona-
tistes ne voyaient que Donat au-dessus d*eux, et se croyaient nés
pour dominer sur tous les esprits et pour commander au genre
hun^ain.
he^ Donatiste^ i animés par cette espèce 4o fanatise d*ail%Qlff-
propre (|^i ue se montrai^ que sous Tappareuce 4u ^h^ ç| SjOiv^îe
yoile de la religion, sédu^aient beaucoup de mond^ ^ ^\ Çp^sVim-
tin, pour arrêter le schisme, çonÇsqua leurs églises à $e$ ^ûiWMlsf •
Cet acte d'autorité fit des Ponatistes autant de furiei^ q^i ne
counaissaient ni bonnes ni lois : ils chassèrent )eai catt^Cl^q^e|l ifi
plusieurs églises çt qe voulurent plus comn^uxiiiquer avec. ^\^.
Goji^stantin craignit les snites de sa sévérité ; il é^ivi^smxév^
ques d'Afrique d'user de douceur ayec les Donatistesi» ^t, ^e fé^-
ver à Diev^ la vengeance contre ces furieui^.
Çoustantiq hai[ssai^ les Ponatis^es et n'avait c^ss^ 4e left traiter
ayec rigi^iur que par )a crs^inte ()>xçiter dç^ traites ^% VA"
frique ^.
Ûoim le sentie , et jugea qu*it i^e po^vs^i^ se soutenir centre (e
i^èie des catholiques qn'en insp^ant à s^ discipiçs vi^ cqpvic-
tion et i^e sécurité qui fussent ^ l'épreuve de la foroe , de l'évi-
de^ç^ et de la crainte d^ la Q^prt.
Il opéra quelques prestiges, et fit publier qu'il savait fait des
miracles : on le crut , et plusieurs Donatistçs se vautère-nt aussi
çl'avoii? fait 4es choses miraculeuses en priant sur le tombeau de
ceux de leur ço^nfi union.
Pen de temps après , chaque évoque prétendit être infailiible et
içapeccabie : on le crut , et le schisme devint uq mal incurable.
Les Donatistes furent persuadés qu'ils ne pouvaient se perdre en
suivant leurs évoques , et lorsqu'ils étaient convaincus par l'évi-
dence delà vérité^ ils disaient qu'ils ne laissaient pas d'être en sû-
reté dans leur schisme, parce qu'ils étaient brebis et qu'ils suivaient
leurs évéques, lesquels répondaient d'eux devant Dieu ^.
De ce degré de confiance ou passa bientôt ^ la persuasion de
la nécessité de défendre le parti de Donat ; on vit une foule de Do-
natistes quitter leurs occupations, renoncer à l'agriculture çt
s'armer pour défendre leur parti contre les catholiques : on les
appela Agnostiques ou Combatlc^ns, i^rce qu'ils étaiçnt, disait-on ,
1 Eusèbe, Vit. Const., 1. d, c. AS.
? Aug. in Parmen,, I. 2, ç, 10.
\«a EoldïU de Jésus-CfarUt contre le diable. Comme ils n'avaieB^
poini de demeure iixe , ei que pour trouver de quoi vivre il$ aU
laient autour des maisons des pajsans, on les appela CireojiceltioHi *,
lU élaienl arméE de bStous ei non d'épées , pnee que Jésus-
Christ avait dérendu l'épéeï saint Pierre : avec ces bâtons ils lirv*
wiem les Qs d'un faomme, et quand ils voulaient faire miséricoriîf
jl quelqu'un, ils l'assommaient d'un seul coup : ils appelaient cçf
bâtons des Israël Lies *'
. Pendant leurs expéditions contre les catholiques, ils cliaotaieU
ImangeàDieu: c'était i^e signal , c'était ^ cesmots qu'Us rqmn-
daient le sang liuiuain ; tout Tuyait à leur approcbei les évê(|u«f
donatistes, appuyés de celte redoutable milice, poriaieutla déso?
)atioa oi| ils voulaient et cliassaient les catholiques de leurs
églises a.
Âprâs la mort de Constanlint Constant > qui eut l'Afrique daui
ses domaines , j envoya Paul et Uacaire porter des aumône» et
exhorter tout le monde ^ 1^ p^ix . Mais Donai refusa de recevoir les
■uménesde Constant ; on rerua les portes de la ville de ISagal 4
Macaire; bienl6lil fut attaqué par les Circoncellions, et obligé d«
faire venir des troupes ; les Circoncelliouf tirent léte aux troupes
etc ombaitireut avec acharnement ; uiais ils lurent enfin dissipéf)
et Macaire, irrité, traita les Donatistes avec beaucoup de rignetiff
Les Donatistes se plaignirent , dirent qu'on les persécutait, et
publièrent qu'on avait précipité Uarculplie du haut d'un roclier
et Douai daps unpuils.
nonatelUarctilphefurent aussitôt érigés en martyrs, cllagloiif
du martyre devint la passion dominante des Circoncelliuns. 11g-
n'altaquèrent pas seulement les catbuljques : on les voyait cou^'
eu troupe, attaquer les païens dans leurs plus grandes létes, pcmr
se faire tuer; ils se jetaient sur les traits que leur présentaient \m
païenfl , qui , de leur côté , croyaient honorer leurs dieuï en im-
Quand ces occasions leur manquaient , ils donnaient ce ({u'ila
avaient d'argent alln qu'on les fit mourir ; et quand Ils n'ét3!eti|,
point en état d'acheter la gloire du martyre, ils allaient dans A.
I. Litl., p, L 3, 0. 10. In Jouk, honk 11,
I
dicmiiiii H forçaient ceux qu'ils renconiraienl de les taer, sons
peine d'ttre toéa enx-m^e» s'ils rerusaient de leur procurer la
gloire du martyre '.
La séYérilé de Hacaire et les bis de l'empcrear devioreot donc
inDlile» contre les Circoncellions el conlre les Donaiisles , et ne
puent les obliger ï commoDiquer avec les callioliques : ils ai-
maient mieux se donner la mort que faire im acte de communion
ttecnn catholique.
On les TOTsit tant&t se précipiti?r du haut des inoDUigiies, tan-
tôt, craignant lewr propre laiblease et qu'on ne les eoBageât ï se
léonir ani catholiqnes, ils allnmaient eux-mêmes un bùcLer, s'y
précipitaient et j monraient avec joie.
Tons les joora la terre était Uinic du sang de ces malheureux ;
tons les jours on voyait des troupes d'iiomuies et de Temnies gra-
vir les montagnes les pins escarpées et s'ébncer au milieu des
rochers et des précipices.
Le peuple honorait leurs cadavres comme l'Lgfise honore le
corps des marljrs, et célébrait loue les ans le jour de leur mort
comme une (été.
Ils tâchaient de justifier leur mon volontaire par l'eiemple de
Razias, et mouraient persuadés qu'ils allaient reccToir la con-
ronne du martyre *.
•Opt, I. 3. Théod., I. h, C.6. Aug.,Ha!r, 69, ép. 50.
' Raiias était un Juit extrêmement lété pour sa rel^ion : Nîcanor,
dans l'espérance de le pervertir, envoya cinquante soldats pour le
prendre dans une tour où il était ; Ratias, se voyant sur le pi^t d'être
pris, se donna uncoupd'épée, aimant mieux luourir noblement que de
se voir assujéti au pécheurs et de souDrir des outrages indignes de sa
naiisaDce ; mais parce que dans la précipitation il ne s'était pas donné
un coup qni l'e&l làit mourir sur-^e^champ, lorsqu''îl vit tous les std-
dats entrer en foule par les portes, il courut avec une fenneté eilraor-
dinaire i la muraille, et il se précipita du haut en lus sur le peuple,
tomba au milieu de la foule, se relcra, passa au travers du peuple,
monta sur une pierre escarpée, tira ses entrailles hors de son corps et
les jeta sur le peuple, invoquant le dominateur de la vie et de l'Ame,
aBn qu'il les lui rendit un jour, et mouruL Machab., 1. 3, c 1&, t. 39
et snivan».
Les Juifs mettent Itaiias entre leurs plus illustres martyrs et préten-
dent montrer, par son exemple et par celui de Saiil et de Sanuon, qu'il
est de certains cas où le meurlre volonlaire est non-seulement pamis.
DON
391
mûuèrà force de rigueurs, alTaiblil beaucoup le parti de Do-
nat; les Donatistes ne conservcrenl que quelques églises, les 6\è-
ques Turent dispersés. Douât mourut en exil et Masiuiiliea lui
succéda.
Du schisme des Donaihles depuis h mort de Dcnat jusqu'à son
Julien, étant parvenu ï l'empire, rappela tous ceux qui avaieiil
été bannis pour cause de religion, et il permit aux évâques dona-
tistesde relouruer dans leurs sièges '.
Les Donalistes voulurent rentrer dans les églises dont les ca-
tholiques s'étaient emparés, et l'on se badit; presque toutes les
églises furent remplies d'hommes mis en pièces, de femmes as-
sommées, d'eafans massacrés et d'avortemens.
Les Donalistes, soutenus par les gouverneurs, chassèrent enSn
les catholiques et devinrent loul-puissans en Afrique ; presque tout
plia sous ce terrible parti : les évêques donatistes assemblèrent
un concile de plus de trois cent-dix évoques el mirent en péni-
tence des peuples entiers, parce qu'ils ne s'étaient pas séparés des
catholiques '.
Quelques années après, Rogat, évèque dans la Mauritanie, so
sépara des Donatistes, apparemment parce qu'il désapprouvait les
Circonce liions : les Donatistes virent cette division avec beau-
coup de chagrin, animërenL contre les Rogatistes ta paissaoce sé-
culière et éteignirent ce parti.
mais mCImc louable cl méritoire ; ces cas sont : 1° la juste défiance cic
EC3 propres forces et la crainte de succomber à la persécution ; !° lorv
qu'on prévoit que si l'on tombe entre tes mains des ennemis il
prévaudront et en prendront occasion d'insuller au Seigneur et de blas-
phémer son nom.
Quelques théologiens prétendent justifier Razias, en disant qu'il agit
par une inspiration particulière ; ils le justifient encore par l'eiemptc
de quelques vierges qui se sont tuées plulùt que de perdre leur vii^-
nilé. (Lyran. ïirin. Serrât, in-12, Machab., là.) S. Augustin el
S. Thomas ont soutenu que l'action de Raiias, étant non approuvée
mais simplemeni racontée dans l'Écriture, on n'en peut rien conclure
pour justiGer son action dans l'ordre moral. Aug,, ep. 61) aliis 20a,
Rib. coni. Gaudent, c. 31. S. Th. prima sccundx, art, 5, ad. S, p. 04.
"Opt.,1, 2.
<'Opl., L 3.
m DON
Ce iài durait ùt temps et au mîlimi de« ealoiiiiiM 4«ii lei Do-
Batistes chargèrent TJ^lise, qoe Parménien, lenr éréque à Qi»-
thagp, epireprit de justifier par écrit le scjiisme des Donatialef;
il se proposait, dans son ouvrage, de prouver que le baptême des
hérétiques est nul et qu'ils sont exclus de TÉf^lise.
Saint Oput réfuta Parménien \ le fainatisme tombait parmi les
Donatistes, et quelques-uns d^eux entrevirent la vérité.
Tycone prouva la validité du baptéine dea hépéliqiias» condamna
la rehaptiaitioii et fit voir qu'on devait tolém daM l-Ëgliae les
abus et les crimes qu'on n0 pouvait e<^rriger» et qu'il nci ftUaifcpis
pour ()ele riin^pM Vmté,
Parménien attaqua lea principea de T^conei saint AmnaUn
féTuta le lettre de Parménien.
Gomme les Don$iUstes n*avaient pour ptincipes d'onité que b
fiéçesaité de se soutenir contre h^ catholiques, auasitèt qu*ils
fuirent vepfis du crédit, ils se divisèrent en une inultitade 4e
Motes et de bfancbea ^
Pendant la persécution, les haines personnelles élaiMi sne^
pendues chea les Donatistes ; mais çUes reprirent \em aetifilé
lorsqu'ils furent en paix.
PlifKÛen, devenu évéqu^ de CJarthage, avait été souvent morti-
fié par Donat ; il voulut s'en venger sur le diacre Maûmien, par-
font de Don^t, et rendit une sentence contre lui.
Maximien se défendit ; plusieurs évéques assenibléa à Garthage
cassèrent la sentence de Primien ; ils examinèrent sa conduite,
ils le trouvèrent coupable de crimes atroces, le déposèrent et or-
donnèrent Mai^iwiep en sa place.
Primien convoqua un concile de trois cent-dix évéques qui le
déclarèrent innocent et condamnèrent Maximien et tous ceux qui
avaient eu part à son ordination. Primien informa les proconsuls
du jugement du concile de Bagaï, demanda l'exécution des lois
de TÉtat contre les hérétiques, fit chasser de leurs églises tous
ceux qui avaient été condamnés dans le concile quMl avait assem-
blé, et détruisit l'Église de Maximien. Les contestations de ces
deux partis durèrent pendant le gouvernement de quatre pro-
consuls.
Optât, éyéque de Tamgad^, tout-puissaipt auprès dfJ GildoP»
commandant d'4firî^ue, sg seryit de tout i^on crédit po\ir pw§é9*-
* Aug., ep. A8.
__4^, wsn m
1er l« raÀfiiiqaeB, les HogatUteâ elles Haiimianlatcs : ilfutap-
pelé pendant rlii ans le gémissemeDi de l'Afrique, elsea cruaulés
ne finitent que par la mort de Gildon, qui, ajant Youlu se rendre
souverain, fut défail ei s' étrangla.
Ilanorius, informé de ces désordres, donna Une loi qui con-
damnait i mort tous ceux qui seraient DonTaincua d'avoir attaqué
les églises ou de les a toi r troublées.
Les catholiques commentèrent donc à assembler des conciles,
ï Écrirei !t prêcher.
La protection accordée aux catholiques ralluma toute la haine
des Donaiisies : aucune église catholique ne fut il l'abri de leurs
insultes ; ils arrêtaient dansles chemina tous les catholiques qui
allaient prêcher l'union et la paix ; leur tt\i: barbare ne respectait
pas même les évêquea, et les Circoncellions répandus dans les
ennipagneB exerçaient mille cruautés coilli'e les catholiques qui
osaient olfrir la paix ei iuTÎter les Donatistes k se réunir.
U concile de Carthage députa i l'empereur polir obtenir qu'il
mtt i couvert des insulles des Doualistes les catholiques qui prê-
chaient la vérité ou qui écrivaient pour la défendre-
Saint Augustin et d'autres évêqucs jugèrent qu'il ne fallait point
demandera l'empereur qu'il ordonnai des peines contre les Dona-
tistes, Saint Augustin crojait qu'il ne fallait forcer personne ù
embrasser l'unité; qu'il fallait agir par conférence, combat-
tre far des disputes et Taincre par des raisons, de peur de chan-
ger des hérétiques déclarés en catholiques déguisés.
liais le» Donatistes avaient rempli l'Ëlatde désordres; ils trou-
blaient la tranquillité publique : c'étaient des assassins, des iti-
cendiaires, des séditieux, et l'empereur devait au publie des lois
plus sévères contre d'aussi dangereux sectaires ; ils n'étaient dans
le cas ni de la tolérance civile, ni de la tolérance ecclésiasliqae :
ainsi ce fut avec justice qu'il ordonna, sous les plus grandes pei-
nes, que les schismatiques rentreraient dans l'Ëglise '.
La loi de l'empereur rendit la paix à l'Église de Carthage. L'an-
née suivants, il exempta des peines enuoui'ues par le schisme
tous ceux qui reviendraient il l'Ëglise ; eniin, trois ans après, il
)>criuit aux schismatiques le libre exercice de leur religion ; mals)
3 la sullicitalion dL's Pères du concile de Carthage, l'empereur ré-
voqua cet édit et en donna un aulre par lequel il proscrivît et
■ Aug., rp. 90, Co<in ThcDd-, 10, Lii, 6, ], s, p. IDS,
1
U* DON V
ordOBU de punir île mort les Lérélîqiies et les schlsma tiques.
Enfin, let Donatisles et les catliollques dcmaailéreDt ï conré-
Kr,etlloiu>riiu donna, l'ao 410, unédlt pour assembler les évé-
qnes catholiques et donjlistes.
Les conCËrences s'ouvrirent l'aniiée suivante: les évêques catho-
liques étaient deni cent qustre'Viugi-un ei les Donatistes deux
cent soiiante-dii-neuf. On l'iioisil de pari et d'autre sept Évéques
pour disputer.
Aprte trois jours de disputes, le coiute Harcellin prononça en
faveur des catholiques, ei, sur son rapport, l'empereur, par une
loi de Tan 412, imposa de (grosses amendes aux Donatistes, exila
tous leurs éiéques et adjugea tous les biens de leurs Églises aux
catholiques.
Ce coup de séT(;rîlé, semblable à la (bndre qui tombe sur le
soufre et sur le bitume , ranima la fureur des Donatistes ; ils
coururent aux armes, massaurËreot les catholiques, se tuèrent
eui-mémea et se brûlèrent plutôt que de l'entrer datis l'I^lise ca-
tholique; mais la prudence et la rermetc du comte Uarcellin
réprimèrent bienlût leurs fureurs *.
Les éïjèques dotiatistes publièrent que Marcellin anil été ga-
gné ï force d'argent par les catholiques et qu'il n'avait pas per-
mis aux Donaûstes de se défendre ; mais saint Augustin déirubit
aisément ces calomnies.
Théo dose-le-Je une renouvela les lois d'Honorius contre les Do-
nalisles et affaiblit encore leur parti. Peu de temps après, les
Vandales s'emparèrent de l'Afrique et maltraitèrent également les
catholiques et les Donatistes. Le fanatisme des Donatistes s'affai-
blit considérablement : il se ranima cependant sous l'empereur
Maurice; mais ce prince fit exécuter les lois portées contre les Do-
natistes, et ils restèrent dispersés dans différens coins de l'Afri-
que et ne firent plus un parti.
Dei erreur* dei Donatistes.
Le schisme natt presque toujours de l'erreur , ou il la produit.
Les Donatistes s'étaient séparés de l'Église parce qu'ils préten-
daient que l'ordination de Cécilien était nulle , attendu qu'U avait
' CollaL CarlhaK., an. Ail habita. Vid. Nov. collecl. conc. Ballasif,
apud. Aug. Brelliculus, CoUaliouiscumDonall9Lisadit.B«iicdicU, t, 9,
p. 515.
DON S8S
aé ordonné pir Félix, évéque d'Âptange, qui éuittradîteDr; ils
furenl donc conduits natorellement à nier la validité des sacre-
mens donnés par les hérétiques et par les pécheurs.
De ce que les aacremens donnés par les pécheurs étaient nuls ,
il s'ensuivait que l'Eglise était composée de justes ; que, par con-
séquent , Cécilien , Félix d'Aptunge qui l'avait ordonné , le pape
Uiltiade qui l'avait absous , et plusieurs de ses coofrères ajanl été
convaincus decriœes, devaient être déposés et chassés de riïglJse;
que leurs crimes les avaient fuit cesser d'être les membres de l'Ë-
glise ; que tous ceux qui les avaient soutenus et qui avaient com-
muniqué avec eux s'étaient rendus complices <Je leurs crimes en
les approuvant , et qu'ainsi , non-seulement l'Ëglise d'Afrique ,
mais aussi toutes les Eglises du monde qui s'étaient liées de corn-
raunion avec les ïlglises du parti de Cécilien ajant été souillées,
elles avaient cessé de faire partie de la véritable Église de Jésus-
Christ, laquelle avait été réduite au petit nombre de ceux qui
n'avaient point voulu avoir de paît avec les prévaricateurs et qui
s'étaient conservés dans la pureté.
Ils croiraient donc que l'I^glise n'était composée que de justes,
et qu'ils étaient cette Église.
Toute la dispute des catholiques et des Donatisles se réduisait
donc il trois questions :!■ si Félix était coupable des crimes qu'on
lui imputait; 2° si , en supposant qu'il en fût coupable, il avait pu
ordonner validemeut Cécilien ; 3° si l'I^glise n'était composée que
de justes et de saints , ou si elle était composée de bons et de
méchans.
On a vu , dans l'histoire du schisme des Donatistes , qu'ils
n'avaient jamais prouvé , contre Félix et contre Cécilien , aucun
des crimes dont ils les accusaient. Je fais voir, dans l'article Re-
BAFTisAHs , que les sacremens donnés par les hérétiques et par les
pécheurs sont valides ; je vais examiner l'erreur des Donatistes
sur l'Église.
Les Donatistes prétendaient que l'Ëglise n'était composée que
de justes , et ils le prouvaient par les caractères que lui donnent
les prophètes et par les images sous lesquelles ils l'annoncenl.
Isaîe nous la représente, disaicni-ils, comme une ville sainte
dans laquelle aucun impur ou încirconcis ne doit être admis ; elle
doit contenir un peuple saint ' .
1 Isole, SI, es, iS,
1
I
Le Oantiqufl àei cantiques noili It peiitl soilâ l'cmblgnie d'une
femme sans défaut et ilans loqiielle il n'j a rien ï reprendre '.
Le nouveau Teatameni éuit encore plus clair et plus précis, se-
lon les Donaiisiea ; saint Paul dit eipressëmeni que Jésus~Cbmt a
aimé aun Église, qu'il l'a aaociiliée, qu'elle est pure et sans
uclie *.
Ils prétendaient que la vraie Église était composée d'un peiil
noiiilire de justes ; que la grande étendue n'était point essentielle
i U triie Église; qu'elle atail été renfermée dans Abraham,
Isaar et Jacob ; qu'elle élsit désignée dam l'Êcrilure soue l'em-
blème d'une poKe étroite, par laquelle peude monde enlraii, etc. ^.
iisjustinaient leur scliisnie par l'exempte d'I^lie, d'filisée, qui
n'avaient point communiqué avec lesSamaritains; ils s'appujaient
sur ce que Dieu dit , par la beuclie d'Aggée, qu'il déleste une
nation souillée par le pèclié, et que tout ce qu'elle offre est
souillé '.
Les wttboliquea firent voir que les Uonali^teg étaient dans l'er-
reur sut la nature et sur l'étendue de l'Ëglise.
On prouva au» Donatistes que l'I^lise était représentée dans
l'Écriture eorame une société qui renrermail les bons et les mé-
cLans; que Jésus-Chrisll'availlui-méme représentée sous ces traits.
Tantôt c'est du filet jeté dans la mer et qui renferme toutes
Mrtes de poissons ; taBlât c'est un champ où l'homme BBoemî ■
Mraé de l'iTraie ; d'autres fois , c'est une ail-e qui renlerme da la
paille mêlée iveo le bon grain ".
L'ancienne Eglise renfermait les pécheurs dans son sein : Adren
et Holse se firent point de schisme, et eepéndantl'Ëgliae d'Israël
coaleuail des sacrilèges; Saûl et David appartenaient I l'Ë^liae db
Jada ; il j avait de mauTsis prêtres et de mauvais Juifs dans l'Ëglisé
jadalque et ^aas la ibëme société dont Jérémie « Isaïe , Diaki i
Éaéchiel éUieht raembKs '.
Saint Jean ne se sépara point de la communion des pétjwurs;
H les regarda comme étant dans l'Église , malgrâ leurs pëobée :
> CanL, c S.
' Ad Ephea., 5, â. Cor., t H.
'Aug., De unJtBteeccle*. Collât, Carihag., t, S, edll. beoedicf, tol-
lecL tialusii,
* Aggtel, c. 3, V. di, 15.
> Haltb., IS, 38.
' Aug. «nu ep. Pamen., L 2, c 7, De uniU eceto-j S. 11.
BON
o'«Bt ridée que ssini Paul noua donnsde l'Église, ei leculu, les
prières, les cérémonies aussi anciennes que l'ËglIse même, sup-
pusenl qu'elle renferme îles pécheurs <.
Tous les endroits dans lesquels l'Église nous est reppéBenlce
comme une société pure dont les péetieurfi soni exclus dpiveqt
s'entendre de l'Église Iriomphanie , selon siiint Augustin
Sur la lerreelle eet une société religieuse, composée d'hommes
unis extérieurement par la communion des mêmes sacreniens, pitr
la suumissioQ iuil pasieurs légitimes , et unis intérieurement par
la foi , respêraocB et la charité.
On peut donc distinguer dans l'Église une partie exlérieure et
visible, qui est comme le corps de l'Église, et une partie înté-
rieure invilible, qui est copmel'àme de l'Ëgliae.
Ainsi , si rpD ne considër« que la partie intérieure de l'Église,
on peut dire que les hérétiques et les pécheurs n'appartiennent
point à l'Ëglise ; mais il n'est pas moins vrai qu'ils appartiennent
au corps de l'Église , et c'est ainsi qu'il rallail expliquer les dif-
féren s endroits dans lesquels saint Augustin, etapris lui plusieurs
ihéologieus, disent que les pécheurs ne sont point membres de
l'Église.
Le uardinal Bellarmin a donné la solution de toutes ces diffi-
cultés par la comparaison de rhomme . qui est cumpusâ d'un
corps et d'une &me, et dont un bras ne laisse pas d'flru partie,
quoiqu'il soit paralytique.
Les catholiques ne prouvaient pas avec moins de foroe et d'é-
vidence qu'une société renfermée dans une partie de l'Église de
l'Afrique ne pouvait être la vraie Église.
Tous les prophètes nous annoncent que l'Église de Jésus-Clipist
doit se répandre par toute la terre ^.
Jésus-Cbriat s'applique lul-mAme toutes ces prophéties; il dit
qu'il fallait que le Christ souffrit et qu'on prêchât en son nuiH
la pénitence el la rémission des péchés i toutes les naiient, en
commençant par Jérusalem *.
Tous les Pères , avant les Donatistes, avaient pensé que l'A-
glise de iésus-Clirist , la \Taio Église , devait être ealkolique ;
■ Ad. Rom., d, v. 3^. Uiebr., 9, v. 13. Ad Tim. prima, c 3.
}4ug-, 1, ■, Itelract.,e.l8.
• Genèa. 21. Isaîi, â9, 5â. Malacb,, i. Ps, S, ^t, AQ, ^ ?i,
* Luc. !5, v. ii, 47. Act, 1, v. 8.
1
I
«BK DOS
c'éuit par ce nom que, depuis saint Polycarpe , on la dlstia-
guaildea sectes qui l'étaient élevées dans le christiaiiisme'.
ËDËD, c'était la doctrine de toute l'Église contre les Donalisifs *.
11 n'est donc jamais permis de se séparée de l'Église calholinue,
puisqu'elle esllavraie Église: on peut toujours s'y sauver; oan'a,
par conséquent, jamais de juste sujet de rompre avec elle lu lien
de la communion , et toutes les sociétés qui s'en séparent sont
schismaliques.
Avant les disputes que Luther, Zuîngle et Calvin eicii6rcnt
dans l'Occident, l'Ëglise romaine était incontestablement l'Ëglise
catholique, et tous ceux qui ont embrassé la réforme éuient
dans sa communion : ils n'ont donc pu s'en s'éparer sans être
schismatiques : car ils ne peuvent reprocher ^ l'bglise catholique
de soutenir un seul dogme qui n'ait été soutenu par de grands
saints ; par conséquent, on a pu dans tous les temps faire son
salut dans l'Église romaine ; il n'y avait donc, au temps de Lu-
ther, deZuingle , de Calvin, aucune raison légitime de se séparer
de l'Église romaine, comme les chefs de la prétendue réforme
l'ont fait.
L'Ëglise réformée n'est donc pas la vraie Ëgllse , et ceux qui
onl embrassé sa communion n'ont aucune raison pour rester sé-
parés de l'Église romaine.
Voila ce que le clergé de France , à la fin du siècle passË , ex-
hortait les prétendus réformés à examiner, et c'est ce que tous
les catholiques devraient encore aujourd'hui les engager à exami-
ner sans passion ; je ne doute pas que cette méthode , proposée
si sagement par le clergé, ne réunit beaucoup de Proteslans i.
l'Église catholique.
Mais il est bien difficile que cette méthode réussisse s'ils haïs-
sent les catholiques ei s'ils sont irrités contre eux , s'ils croient
qu'on veut les tyranniser et non pas les éclairer.
La question du schisme des Protestans a été épuisée par
H. Nicole dans l'excellent ouvrage intitulé : Lei prétenâtu rifar-
mé» cimvaineut de tehigme.
DOSITHÉE, était un magicien de Samarie qui prétendait élre
le Messie : il est regardé comme le premier hérésiarque.
> Eusèb., Hisl., L d, c 16, Gjril., Catech, 18, cbcà fin. Ang. cool.
Ep. fundam., c. 7. Cypr., De unit, eccles.
* Ang. cont Cracent.
Les Samari
que la gloire du Messi
DOS 389
étaient aliachés ï la loi de Moïse commo les
ils attendaient le Messie.
3 pouvait aspirer !i rien de plus grand
et il n'était pas possible que, dans le»
is qui l'attendaient , il ne s'élevât des ambitieux qui ci
passent le litre et qui en imitassent les caractères.
Le Messie avait été annoncé par les prophètes et devait signa-
ler sa puissance par les miracles les plus éclalans ; on dut donc
s'occuper beaucoup de l'art d'opérer des prodiges , et c'est peut-
être à ces ?ues , jointes au progrès du pjthagoricisme , du plato-
nisme et de la philosophie cabalistique, qu'il faut attribuer le
goût de la magie, si répandu chez les Juifs et les Samaritains
avant la naissance du christianisme.
Quoi qu'il en soit , au reste , de cette conjecture , il est certain
que Dosithée s'était fort appliqué h la magie , et qu'il séduisait
l'imagination par des prestiges , par des enchaniemens et par des
tours d'adresse.
Doaithée annonça qu'il était le Messie, et on le cruL
Comme les propbËtes annonçaient le Messie sous des caractè-
res qui ne pouvaient convenir qu'ï Jésus-Christ , Dosilbée chan-
gea les prophéties et se les appropria : ses disciples souliurent
qu'il était le Messie prédit par les prophètes,
Dosithée avait à sa suite trente disciples, autant qu'il y avait
de jours au mois , et n'en voulait pas davantage ; il avait admis
avec ses disciples une femme qu'il appelait la Lune ; il observait la
circoncision et jeûnait beaucoup. Pourpersuader qu'il était monte
au ciel , il se retira dans une caverne , loin des yeux du monde ,
et s'y laissa mourir de faim.
La secte des Dosithéens estimait beaucoup la virginité; entêtée
de sa chasteté , elle regardait le reste du genre humain avec
mépris ; un Dosiibéen ne voulait approcher de quiconque ne pen-
sait et ne vivait pas comme lui. Ils avaient des pratiques singu-
lières, auxquelles ils étaient fort attachés .* telle était celle de
demeurer vingt-quatre heures dans la même posture où ils étaient
lorsque le sabbat commençait.
Cette immobilité des Dosithéens était une conséquence de la
défense de travailler pendant le sabbat. Avec de semblables pra-
tiques , les Dositbéens se croyaient supérieurs aux hommes les
plus éclairés , aux cito<fens les plus vertueux , aux ùmes les plus
bienfaisantes ; en restant pendant Si heures plantés debout, et
m ^
la main dro^a ou la main gauclie ftendae i iU croï^ient pUire ï
i)ieu liîen aulrcmeiU (]u'uq lionime qui s'èuit Aoané beaucoup de
rtouveiutMil pour consoler les aOligiU ou pour souhger les mal-
lieu reui-
Celle leele subsista en Égjple jusqu'au sixième siètk ' .
Un des disciples de DofiiibÉe étaui mort , il p^it à «a |iUce Sir
mon , qui surpassa bienlôt son mailrc el, devint cbeT du secte :
ce fulSimop le Magicien.
DUALISTKS ; c'est un nom que l'on a donoé ^ ceui qui sou-
tieunem qu'il j a dans le monde deuï principes cle^^nels ei né-
cessaires , dont l'un produit tout le bien et l'autre tout le ainl.
Yoget les ar|. Mificios, S(*nès.
IIUl.CIN, laïque né à Novare, en Lombacdîe, fut diaçiplç de
St^^arel , cl aprës la mprt de son maître , devint clieC de sa secte,
qui pnl le nom d'Apostolique. Voya l'art, Sécabel,
ÉBIONITES; ce mot en hébreu signilie pauvre, et fut donné
i une ïecte d'bérëliques qui avaient adopté |es scntiniens des
Naiaréens , ï la doctrine desquels ils avaient ajouté quelques pra~
tiques et quelques erreurs qui leur étaient particulières. Les Na-
niràens, p.ir i'\emii!e, recevaient toute l'tcrîlure qui Mail ren-
fermée dans le canon des Juifs; les Ébionîtes, au eoniraîre,
rejetaient tous las prophètes , ils avaient en horreur les Boms d«
David , de Salomen , de Jéréniie , d'Éiéchiel ; Us na recevaient
pour Écriture sainte que le Pentateuque.
Origène dislingue deux sortes d'Èbionites : lei uns crojatent
que Jésus-Christ était né d'une vierge , comme le CMjaiest Im
Nazaréens , et les au^«s pensaient qu'il était né à la manière de
tous les autres hoatmes.
Quelques Ëbionites étaient sobres et chastes ; d'aulr^s ne v^ea-
valent p»sonne dans leur secte qu'il ne fût marié, même avant
l'usage de puberté ; ils permettaient de plus la polygamie ; ils d<
' Eus^b. Ilist. eccles., 1. 5, c. !2. Origen., Tract. 17, in Ualh., i. i,
conl, Cebum, c. ai, I. 6, jv SSS, ed>t. Spenceri. PerUrvk., I. i, ç. S.
Piiilocal., c 1, n. as. Origeq. Hucl., t. 3, p, 31ft. f^iotim, BjUint., ç^
S30, |i. k66, edîL gr. ; p, 331, ediU {aL,
Epiplw, Hœr. (3. Hieron adver^^ Lvcit,ç. 6, Tef\., l» (««K^pt,,
t, 44, PHIaslr., pe l^rea,, c, i.
oc H(
laanguitqit d'aiicuii animal , ni de ce qui en venait , çomnie laii,
teufs, etc.
lU se servaient , aussi bien que les Nazaréens, <Ie l'Ëvangile
selon saint Maiibieu, mais ils l'avaieDl corrompu eq beaucoup
d'endroits; iU en avaient ôlé la généalogie (le Jés(t9-Christ que
les Nazaréens avaient conservée.
Outre rËvanE'ls hébreu selon saint Matthieu , les Ëbioniles
avaient adopté plusieurs autres livres , sous les noms de Jacques,
de Jean et des autres apStres ; ils se servaient aussi des voyages
«le saint Pierre.
Quelques auteurs ont prétendu qiie les Ëbionites élaieut une
branche de Nazaréens , d'autres ont cru qu'ils rormaicnl une secte
afasolnuient différente; celte question, peii importante « peut-
être assez difficile à décider, a été eiaminée par le P. le Quicn ,
dans ses dissertations sur saint Jean DamasçËne. Origène, sain^
Jean Damascèue, Eusèbe , saint Irénée, ont (raitë de l'Lérésie
des Ëbionites '.
Les Ëbionites et les Nazaréens, qui se divisaient ainsi en diffé-
rentes sectes , qui se contredisaient dans leur croyance et dans
leur morale, se réunissaient pourtant sur un point : fis reconnais^
saient que Jésus-Christ était le Bjessie; il est ^ouc certain qu'il
réunissait les caractères sous lesquels il était annoncé.
ELCËSAI'CES; ils se nommaient aussi Osso:iiens et Sastséens.
C'était une secte de fanatiques qui , ï quelques idé^ de chris-
lianisme , avaient joint les erreurs des Ëhionites, les principes de
l'astrologie judiciaire, les pratiques de U magie, l'invocation des
démons , l'art des encbantemens et l'observation des cérémunies
judaïques.
il ne faut cherclier, chez ces hérétiques, rien de suivi , rien de
lié ; ils n'adoraient qu'un seul Dieu, ils s'imaginaient l'honorer
beaucoup en se baignant plusieurs Tois par jour ; ils reconnais-
saient un Christ , un Uessie , qu'ils appelaient le grand roi. (la ne
sait s'ils croyaient que Jésqs lût le Messie, ou s'ils croyaient qu6
ce filt un autre , qui ne Tût pas encore venu ; ils lui donnaient uoe
forme humaine, mais invisible, qui avait environ trenle-liuil lieifes
* Origen. conL Cels. Epip., H^r, 30. Inen., 1. I, c SO.
Eusèb. HisL ccclcs., 1. 3, c S7. Panni les modernes dq n^uE con-
sulter le Clerc., UisL ceci., p. 177, an, 72 ; Itligius, Dit^t. d^ ^{cres.
saic. 1, c 6; leP. le Quicn, Disscrl. |u^ soiq^ jç^Qpia^
sn EON
de liant ; ses membres éialent proportionnés k sa taille ; ils
erojaieol que le Sainl-Esprit étaîl une Temme , peut-être parec
que le mol qui, en hébreu, exprime le Saint-Esprit, est du genre
féminin , peut-être aussi parce que le Saint-Esprit étant descendu
sur Jésus-Cbrist îi son baptême , sous la forme d'une colombe, et
ayant dit de Jésus-Christ qu'il était son fils bien-aimé, ils avaient
conclu que le Saint-Esprit était une femme, afin de ne pas don-
ner deux pères i Jésus-Christ ' .
Sous l'empire de Trajan , un Juif nommé Eliaï , se joignit i eut
et composa un livre qui contenait, disail-il, des prophéties et
une sagesse toute divine : les Elcésaltes disaient qu'il était des-
cendu du ciel.
Elxaï était considéré par ses sectateurs comme une puissance
révélée et annoncée par les prophètes, parce que son nom signifie,
selon l'hébreu, qu'il est révélé ; ils révéraient même ceux de sa
racejusqu'à l'adoration, et selaisaieni un devoir de mourir pour
11 y avait encore, sous Valens, deux sœurs de la famille
d'Elxaï, ou de la race bénite, comme ils l' appel nient ; elles se
nommaient Marthe et Martene, et elles étaient considérées comme
des déesses par les Elcésaftes ; lorsqu'elles sortaient en public, les
Elcésalles les accompagnaient en foule , ramassaient la poudre de
leurs pieds et la salive qu'elles crachaient ; on gardait ces choses
et on lesmettaitdans des bottes qu'on portait sur soi , et qu'on re-
gardait comme des préservatifs souverains ^.
Ha avaient quelques prières hébraïques, qu'ils voulaient qu'on
récitSt sans les entendre. U. Basnage a bien prouvé que les Elcé-
ENCRATITES. Voyez Tatibb.
ÉON DE L'ÉTOILE, était un gentilhomme breton, qui vivait
au douzième siècle.
On prononçait alors fort mal le latin , et an lieu de prononcer
eum , comme nous le prononçons aujourd'hui , on prononçait ton :
ainsi, dans le symbole, au lieu de chanter : P«r eum qui venturu*
ett judicare vwo» et moHuoi, on chantait : Per ton qui venlumi est
Jadicare vives et mortuos.
'■ * Grab., Spidieg;. PP.
' 'Epiph., Hzr, 10.
> BainaEe, Annales écdés,, t. L
£0N 3
Sur celte pronoDciaiion , Éon de l'Ëioile s'imagine que c'était
de lui qu'il était dit dans te symbole qu'il viendrait juger les vi-
vans et les morts : cetle vision lui plaît, son imagination a' é-
cliauffe , il se persuade qu'il est le juge des vivans et des niuris
et par conséquent le fils de Dieu , il le publie , le peuple le
croit , s'assemble et le suit en foule dans les différentes provin-
ces de la France , dont il pille les maisons et surtout les monaa-
11 donna des rangs à ses disciples : les uns étaient des anges,
les autres étaient des apôlres ; celui-ci s'appelait le jugement, ce-
lui-là la sagesse , un autre la dt^minalion ou la iciertee.
Plusieurs seigneurs envoyèrent du monde pour arrêter Ëon de
l'Étoile; mais il les traitait bien, leur donnait de l'argent, et
personne ne voulait l'arrêter : on publia qu'il enchantait le monde,
que c'était un magicien , qu'on ne pouvait se saisir de sa per-
sonne ; celle imposture fut crue généralement ; cependant l'arche-
vêque de Reims le fit arrêter, et l'on crut alors que les démons
t'avaient abandonné. L'archevêque de Reims te fit paraître de-
vaut le concile assemblé ï Reims par Eugène 111 contre les er-
reurs de (lilbert de la Porée. On interrogea dans le concile Ëon
de l'Étoile , et l'on vit qu'il n'était qu'un insensé; on le condamna
a une prison perpétuelle, aiaisoa &l bMei te jugement, la icience,
et quelques autres de ses disciples qui nâ voulurent pas reconnai-
ire la fausseté des prétentions d'Lon de l'tloile '.
Dans ce même siècle, oii une partie du peuple était séduite par
ÉoH de l'Étoile , Pierre de Brujs , TancheGn , Benri et une foule
d'autres fanatiques enseignaient différentes erreurs et soulevaient
les peuples contre le clei^é: d'un autre cdté , les théologiens se
divisaient dans les écoles, élevaient sur la théologie les questions
les plus subtiles, et formaient des partis opposés et ennemis ; mais
le peuple ne participait point à leurs haines, parce qu'il était trop
ignorant pour prendre part à leurs querelles.
Le peuple, trop ignorant pour prendre part aux querelles ihéo-
logiques, était très-ignorant d'ailleurs sur la religion ; car la lu-
mière ou l'ignorance du peuple sont toujours proportionnées ï l'i-
gnorance ou aux lumières du clergé : ce peuple ignorant était
échauffé eiséduil par le premier imposteur qui voulait se donner
!C 12. Dup. Bibliol.,
il4 EPI
ito [mIbo de le iromper , cl jumais on ne manque de ces impos-
teurs dans Ira siècles d'ignorani^.
ÊPiPllANE, GUde Carpocraie , fui inslruiL tlaos U pliilosopliie
pltlooicicDiie, et crut j Irouver des principes propres i expliquer
IViftine du mal et !i justifier la morale de son père.
lUuppouitun principe éternel, inSni, incompréhensible, el al-
liait avec ce principe fondamental te système de Valenlin.
Pour rendre raison de l'origioe du mal , il s'éleva jusqu'auj
idto prinilives du bien et du mal, du juste elde l'injuste ; il ju-
gea que la bonté dans l'Etresuprème n'était point diiTérenle de h
jusiise. L'univerE , envisagé sous ce point de vue , n'offrait plui
k Kpipliane rien qui fat contraire ï la lioDlé de Dieu.
Le soleil se lève également sur tous les animaux; la terre uQïï
^lemenlâ tousses pruductîons et ses bienfaits; tous peuvent sa-
tûfaire leurs besoins, et par conaéquenl la nature oITre W tous une
égale matière de boiiLeur: loutcequirefpireesl sur la terre comme
nae grande famille , aux besoins de laijuelle l'auteur de la nature
pourroit abondamment ; ce sont l'ignorunce et la passion qui, en
rompant cette éyaliié et cette communauté , ont intnxluit le mal
éans le monde : les idées de propriété exclusive n'entreul point
dans le plan de l' intelligence suprême , elles sont l'ouvrage des
hommes.
Les bommes, en formant des lois, étaient donc sarlis de l'ordre,
et pour y rentrer; il fallait abolir ces lois et rétablir l'état d'éga-
lité dans lequel le monde avait été lormé.
De UËpipImne concluait que la communauté deslemmea éUit
le rétablissement de l'ordre , comme la communauté des fruits de
la terre: les désirs que nous recevions de la nature étaient nos
droits, selon Ëpiphane, et des titres contre lesquels rien ne pou-
vait prescrire, 11 justifiait tous ces principes par les passage de
saint Paul qui disant qu'avant la loi on ne cuoMÙïait pm\ ïe
péché , et qu'il n'j aurait point de péché s'il o'j nmt piÙHV de
lt>i.
Avee ces priniùpes, Ëpiphane justifiait toute h lUwitlç deiCiu^
pocratiena, et combattait toute celle de l'Ëvaugile.
Ëpiphane pourut ïl'Sgede dix-sept aua > Il fut T&fiié iwnBW
un Pieu; on lui coosaçra un templ« 1 S^mé, fille de Qépixilmkt
il eut des autels , et l'on érigea une académie en son nom. ToQS
les premiers joure iv mois, les Çéphalonieft^ s'î^sofoMaip flt dfi»
son temple pour célébrer la fêle de son apothéose : tlf {i^i flfTfiiflm
. . EUS 881
des HofiAÉëi) ils faisaienl «les festios et chsnuleot des hymnes
en son honneur',
ÉPISCOPADX. Voget Pbesbttébiehs.
ESQUINISTIUS, secle de MonUnUlcs qui cunfondaienl les per-
sonnes de la Trinité. Vopet l'ari. Moktui. Ce senliincni a été
reeilu célèbre par Sabellius. Vayei aon article.
EUCIllTES ouEUTYCHITES, disciples de SimoD, qui croyaient
que les âmes étaient unies au corps pour s'; liTrer ï toutes sortes
de voluptés: ce sentiment était le même que celui des Aniitaclee
et des Caînites. Voffei ces articles *.
EtJNOME , éliit originaire de Cappadocc ; il avait beaucoup
d'esprit naturel : des prêtres ariens, auxquels il s'atlachi, l'inslrui-
sireni; il adopta leurs senlimeDS et fut fait évêque de C^zique ;
il détint  rie a zélé, el, pour défendre l'Arianisme, retomba dans
le Sabellianisme, dont Arius avait cru qu'on ne pouvait se garaii>
tir qu'en niant la divinité du Verbe ^.
Arius, ponr ne pas tomber dans l'hérésie de Sabellius qui cnn~
fondait tes personnes de la Trinité , St du Père et du Pils deux
personnes diOSrenles , et aoulinl que le Fils était une créature.
ÏA divinité deJésus-Cbrist était donc devenue comme le pivot
de toutes les disputes des catholiques et des Ariens.
Les catholiques admettaient, dans la substance divine, un Pérc
<]ui n'était point engendré, et un Fils qui l'était, et igui cependant
était con substantiel et eoéternel i son Père.
La divinité de Jésus-Cbrist était évidemment enseJ{;nËe dans Vf.-
criture, et les Ariens ne pouvaient éluder la force des passages
que les catholiques leur opposaient.
Funome crut qu'il fallait examiner ce du^nie en lui-même , et
voir si elTectivejnent on pouvait admettre dans la substance di-
vine deux principes, dont l'un était engendré, et l'autre ne l'était
pas.
Pour décider cette question , jl partit d un point reconnu par
les catholiques et par les Ariens, savoir, la simplicitéde Dieu.
Il crut qu'on ne pouvait supposer dans une chose simple deux
principes dont l'un était engendré et l'autre engendrant : une
>Tliéod., Ha»%Ll'ab.,Ll,c. S. Epiph.,Ha'r. 3Ï. lrxii.,I. 1. c. 11.
Clem. Alex. Strom., I. 3, p. i26. GralL, Spicilt^. PP.
' Théodorcl) HxreL Fob., I. 5, c 9.
> SocnL, I. i, C 13, Emph., ïtmm, 70>
SM EUN
dioM simple pouvait , selon ï^unome , avoir différens rapports,
mais elle ne pouvait contenir des principes différens.
De ce principe , Arius , poar éviter le Sabellianisme qui con-
fondait les personnes de la Trinité, avait conclu que le Pèra et le
Fils étaient deux substances distinguées ; comme d^ailleurs onne
pouvait admettre plusieurs dieux, il avait jugé que le Verbe ou le
Fils n*étaitpas un Dieu , mais une créature*
De ce même principe, Eunome conclut, non-seulement qa*on ne
pouvait supposer dans Tessence divine un Père et un Fils , mais
qu*onne pouvait y admettre plusieurs attributs, et que la sagesse,
h vérité , la justice , n'étaient que Tessence divine considérée
sous différens rapports, et n'étaient que des noms différens donnés
à la même chose, selon les rapports qu'elle avait avec les objets
extérieurs ^.
Voilà Terreur qu'Eunome ajouta à rArianisme; elle portait sur
un faux principe, en voici la preuve :
Une substance simple ne peut contenir plusieurs principes qui
soient des substances ou des parties de substances : c'est tombef
dans une contradiction manifeste que de l'avancer ;mais on ne voit
pas qu'une substance simple ne puisse pas renfermer plusieurs
choses qui ne soient ni des substances , ni des parties de sub-
stances.
La substance divine étant infinie, quel homme oserait dire
qu'elle ne renferme pas en effet des principes différens qui ne
soient ni des substances , ni des parties de substances? pour oser
le dire, ne faudrait-il pas voir clairement l'essence de la divinité ,
la comprendre parfaitement, et connaître Dieu aussi parfaitement
qu'il se connaît lui-même?
Voilà pourquoi les Pères qui réfutèrent Eunome ,tels que saint
Basile , saint Chrysostôme, lui opposèrent l'incompréhensibilité
de la divinité *.
Car, je penserais volontiers comme Vasquez , qu'Eunome ne
croyait pas connaître la substance divine autant que Dieu la con-
naît lui-même , quoiqu'il soutînt qu'il connaissait toute l'essence
divine ^.
C'est ainsi que le plus mince géomètre pourrait soutenir qu'il
* Greg. Nyss., OraU 12.
2 Basil., Ep. 16e. Chrvsosf., De incompreheu, Dei nalur\
« Vasquez, in primùparl, DispuS 37, c. 3*
EUN 897
Voit aussi bien que le plus habile géomètre le cercle qu*il trace
et que comme lui il le voit tout entier , sans croire pour cela
connaître aussi bien que Clairaut toutes les propriétés du cercle.
Eunome reconnaissait, comme les catholiques, un Père, un Fils
et un Saint-Esprit ; mais il regardait le Fils et le Saint-Esprit
comme des créatures, et croyait que le Saint-Esprit était une pro-
duction du Fils : il exprimait cette croyance dans son baptême «
qu'il donnait au nom du Père qui n'était point engendré , du Fils
qui était engendré, et du Saint-Esprit qui était produit par le
Fils.
11 supprima les trois immersions : c'était une suite de son sen-
timent sur les trois personnes de la Trinité : il ne faisait plonger
dans l'eau que la tête et la poitrine de ceux qu'il baptisait , re-
gardant comme infimes et comme indignes du baptême les par-
ties inférieures.
L'erreur d'Eunome était une spéculation peu propre à intéres-
ser le grand nombre : il sentit que , pour se concilier des secta-
teurs, il fallait joindre à son opinion quelque principe de morale
commode ; il enseigna que ceux qui conserveraient fidèlement sa
doctrine ne pourraient perdre la grâce , quelque péché qu*ils
commissent *,
Cette adresse , employée souvent par les chefs de secte , ne
réussit pas toujours : la secte d'Eunome fut absolument éteinte
sous Théodose *,
EUNOMIENS, disciples d'Eunome ; on les appelait aussi Ano-
niéens , du mot Anomiony qui signifie dissemblable , parce qu'ils
disaient que le Fils et le Saint-Esprit différaient en tout du Père:
on les appelait aussi Troglodytes* Voyez ce mot.
EUNOMKDUPSIGHIENS , branche des Eunomiens , qui se sé-
parèrent pour la question de la connaissance ou de la science de
Jésus-Christ : ils conservèrent pourtant ks principales erreurs
d'Eunome.
Ils avaient pour chef, selon Nicéphore , un nommé Eupsyche '.
Ces Eunomiœupsychiens sont les mêmes que ceux que Sozomène
nomme Eutychiens , et auxquels il donne pour chef un nommé
* Tliéod., Haeret. Fab., L A, c 3. Aug., De hsr. Epiph., Hxr. 76.
Baron ad an. 356.
2 Codex Thcod., 1. 8.
* Nicéphore, 1. 12, c. 30.
I. S4
89t EBN
Eotyche : il est pourtant certain que Nicéphore etSoKomène pjrfw
lent de la même secte, puisque Nicéphore a copié Sozomène ;
mais il y a de l'erreur sur le nom du chef de la secte *.
M. de Valois, dans ses notes sur Sozomène, et Fronton-du-Duc,
dans ses notes sur Nicéphore , l'ont remarqué sans dire celui qui
s*est trompé.
EUNUQUES ou YALÉSIENS , hérétiques qui se mutilaient, et
ne permettaient à leurs disciples de manger rien qui eût vie, jus-
qu'à ce qu'ils fussent dans le même état.
Origène, pour faire taire la calomnie qui répandait des bruits
ficheux sur ce qu'il recevait des jeunes tilles à son école , se mu-
tila lui-même, et arrêta par ce moyen tous les discours injurieux
à sa vertu.
Cette délicatesse d'Origène sur sa réputation fut prise par les
uns pour uu acte de vertu extraordinaire , et par les autres pour
un accès d'un zèle irrégulier et bizarre.
La sainteté de sa vie et Véminence de son mérite firent qu'on
se partagea sur cette action.
Démétrius, patriarche d'Alexandrie, admira l'action d'Orîgène,
elle patriarche de Jérusalem le consacra prêtre.
D'autres blâmèrent cette action comme une barbarie, et désap-
pfouvèrent que l'on eût élevé au sacerdoce un sujet que sa mutila-
tien en rendait incapable.
Valésius , né avec une forte disposition à Tamour et placé
sous le climat brûlant de TArabie , ne connaissait point de plus
grand ennemi de son salut que son tempérament, ni de moyen
plus sage pour conserver sa vertu et assurer son salut que celui
qu'Origène avait employé pour faire taire la calomnie.
Valésius se fit donc eunuque, et prélendit que cet acte de pru-
dence et de vertu ne devait point exclure des dignités ecclésiasti-
ques : on eut d'abord de Tindulgence pour cet égarement , mais
comme il faisait du progrès , on chassa de rÉglise Valésius et ses
disciples, qui se retirèrent dans un canton de l'Arabie.
Valésius n'avait pour disciples que des hommes d'un tempéra-
ment impétueux et d'une imagination vive , qui , sans cesse aux
prises avec l'esprit tentateur, jugèrent que leur pratique était le
seul moyen d'échapper au crime et de faire son salut.
Les hommes qui sont animés d'une passion violente, ou trans-
•So2om.,l. 7, r. 17.
EUN 399
portés par les accès du tempérament, ne supposent point dans les
hommes d'autres principes ou d'autres sentimens que celui qui
les fait agir. Les Yalésiens jugèrent donc que tous les hommes
qui ne se feisaient point eunuques étaient dans la voie de perdi-
tion et livrés au crime.
Comme FÉvangile ordonne à tous les chrétiens de travailler au
salut de leur prochain, les Valésiens crurent qu'il n'y avait pas de
moyen plus sûr de remplir cette obligation que de mettre leur
prochain, autant qu'ils le pourraient, dans l'état où ils étaient eux-
mêmes: ils faisaient donc tous leurs efforts pour persuader aux
autres hommes la nécessité de se faire eunuques; et lorsqu'ils ne
pouvaient les persuader, il les regardaient comme des enfans, on
comme des malades en délire , dont il y aurait de la barbarie à
ménager la répugnance pour un remède infaillible, quoique dér
sagréable.
Les Yalésiens regardèrent donc cottune un devoir indispensa-
ble de la charité chrétienne de mutiler tous les hommes dont ils
pourraient s'emparer, et ils ne manquaient pointa faire cette opér
ration à tous ceux qui passaient sur leur territoire , qui devint la
terreur des voyageurs, qui ne craignaient rien tant que de s'égarer
chez les Yalésiens.
C'est apparemment pour cela que , selon saint Ëpiphàne , 09
parlait beaucoup de ces hérétiques , mais qu'on les connaissait
peu*.
Ce fut à l'occasion de ces hérétiques que le concile de Nicée
fit le neuvième canon , qui défend de recevoir dans le clergé ceux
qui se mutilent eux-mêmes *.
Que Tesprit humain est étrange ! Le concile qui faisait ce ca-
non contre les Yalésiens en fit aussi un contre les ecclésiastique^
qui faisaient des contrats d'adoption par lesquels un prêtre pre-r
nait chez lui une veuve ou une fille , sous le nom de sœur ou 4^
nièce spirituelle. L'institution de ces familles spirituelles était
fondée sur l'exemple de Jésus-Christ, qui se retirait chez Marthe
et Madeleine, et sur celui de saint Paul, qui menait avec lui une
femme sœur.
Cette dernière coutume s'était établie dans les premiers siècles
^ Epiph., Hsr. 56. Aug. , Haer. 37. Fleory, Hist ecclés., !• Il*
Baron ad an 249.
3 Gonc Nicsn. Gollea. conc Hist, du oonc de Nicée, itHS**, i vot
400 £UP
de l'Église; il n*éuit pas rare de voir des jeunes gens de Tuii et
de Faulre sexe vivre ensemble^ et, pour triompher plus glorieuse-
ment de la chair, se jeter au plus fort du péril, tandis que les Va-
lésiens ne croyaient pouvoir se sauver qu*en cessant d'être capa-
bles de tentations.
Nous^ qui trouvons avec raison ces deux sectes insensées f que
penserons-nous de la tolérance que notre siècle accorde à une es-
pèce de Valésiens infiniment plus barbares et plus justement mé-
prisables , qui , dans la mutilation, n'ont en vue que la perfec-
tion de la voix des victimes de leur avarice?
EUPHRâTE , de la ville de Péra , en Gilicie , admetuît trois
Dieux, trois Verbes, trois Saints-Esprits.
Parmi les philosophes qui avaient recherché la nature du
monde, quelques-uns Pavaient regardé comme un grandtout dont
les parties étaient liées , et ne supposaient dans la nature qu'un
seul monde , comme Ocellus de Lucanie Tavait enseigné , et non
pas plusieurs , comme Leucipe , Épicure et d'autres philosophes
le soutenaient.
Euphrate adopta le fond de ce système , et n'admit point celte
suite de mondes diflërens à laquelle la plupart des chefs de
secte avaient recours pour concilier la philosophie avec la reli-
gion, ou pour expliquer ses dogmes: il supposait un seul monde,
et distinguait dans ce monde trois parties, qui renfermaient trois
ordres d'êtres absolument différens.
La première partie du monde renfermait l'être nécessaire et in-
créé , qu'il concevait comme une grande source qui faisait sortir
de son sein trois Pères, trois Fils, trois Saints-Esprits.
Euphrate croyait apparemment que l'être nécessaire étant dé-
terminé par sa nature à produire trois êtres différens , le nombre
trois était en quelque sorte le terme de toutes les productions de
l'être nécessaire , et qu'il fallait admettre en Dieu trois Pères ,
trois Fils, trois Saints-Esprits.
Gomme Jésus-Christ, qui était Fils de Dieu, était homme , Eu-
phrate croyait que les trois Fils étaient trois hommes.
La seconde partie du monde renfermait un nombre infini de
puissances différentes.
Enfin , la troisième partie de l'univers renfermait ce que les
hommes appellent communément le monde.
Toutes ces parties de l'univers étaient absolument séparées, et
devaient être sans commerce ; mais les puissances (Je la troi^ièmç
EUP 401
partie avaient attiré dans leurs sphères les essences de la seconde
partie du monde et les avaient enchaînées.
Vers le temps d'Hérode, le Fils de Dieu était descendu du sé-
jour de la Trinité pour délivrer les puissances qui étaient tom-
bées dans les pièges des puissances de la troisième partie du monde*
Le Fils de Dieu , qui était descendu du ciel sur la terre, était un
homme qui avait trois natures, trois corps et trois puissances.
Euphrate croyait apparemment que le Fils de Dieu devait avoir
ces trois essences ou ces trois natures pour remplir la fonction de
libérateur des puissances qui étaient tombées de la seconde partie
du monde dans la troisième ; il croyait peut-être encore , par ce
moyen, expliquer pourquoi Jésus-Christ, le Fils, avait été choisi
pour être le libérateur des puissances tombées plutôt que les au-
tres personnes de la Trinité.
Après que les puissances de la seconde partie du monde seront
remontées à leur patrie , ce que nous appelons notre monde doit
périr, selon Euphraie *.
Le P. Hardouin croit que c^est contre les disciples d*Euphrate
qu'on a fait le quarante-huitième des canons attribués aux apô-
tres , et que le symbole attribué à saint Athanase a eu en vue ces
hérétiques dans le verset où il est dit qu'il y a un seul Père, et
non trois Pères, un seul Fils, et non trois Fils K
Il me semble qu'Euphrate et Adamas avaient adopté le système
philosophique d'Ocellus , et qu'ils avaient tâché de le concilier
avec le dogme de la Trinité , avec celui de la divinité de Jésus-
Christ et avec sa qualité de médiateur ; c'était pour_cela qu'ils
avaient joint aux principes généraux d'Ocellus quelques idées
pythagoriciennes sur la vertu des nombres ^.
Combien ne fallait-il pas que ces dogmes fussent certains parmi
les chrétiens, pour qu'on ait entrepris de les concilier avec le sys-
tème d'Ocellus , avec lequel ils n'ont aucune analogie et auquel
ils sont opposés ? Que répondront à cette conséquente ceux qui
prétendent que les dogmes de la religion chrétienne sont l'ouvrage
des Platoniciens ?
Euphrate eut des disciples qui formèrent la secte des Péréens
* Théodoret, Haeret Fab., 1. 1, c. 18. Philaslr.
2 Hardouin, De triplici baptismo.
s Voyez, sur la vertu attachée aux nombres , les arL Cabale , Basi-
lîdc, Manès.
34*
402 EUS
ou Péraliques , du nom de la ville Péra dans laquelle Euphrate
enseignait.
EUPHRONOMIENS, hérétiques du quatrième siècle, qtiianis-
saient les erreurs d*Eunome avec celles de Théophrone. Socrate
dit que les différences de système entre Eunome et Théophrone
sont si légères qu'elles ne méritent pas d'être rapportées *.
El^STATHE : Baronius croit que c'est le nom d'un moine que
saint Ëpiphane appelle Eutacte. Eustathe vivait dans le quatrième
siècle *.
Ce moine était si follement entêté de son état , qu'il condam-
nait tous les autres états de la vie; il joignit à cette prétention
d'autres erreurs, qui furent déférées au concile de Gangres. !• Il
condamnait le mariage et séparait les femmes de leurs maris, sou-
tenant que les personnes mariées ne pouvaient se sauver. 2* Il dé-
fendait à ses sectateurs de prier dans les maisons. 3* Il les obli-
geait à quitter leurs biens, comme incompatibles avec l'espértnce
du paradis. A^ Il les retirait des assemblées des autres fidèles
pour en tenir de secrètes avec eux, et leur faisait porter un habil-
lement particulier. Il voulait qu'on jeûnât les dimanches , et di-
sait que les jeûnes ordinaires de rÉglise étaient inutiles , après
qu'on avait atteint un certain degré de pureté qu'il imaginait.
5' 11 avait en horreur les chapelles bâties en Thonneur des mar-
tyrs et les assemblées qui s'y faisaient.
Plusieurs femmes, séduites par ses discours, quittèrent leurs
maris , et beaucoup d'esclaves s'enfuirent de la maison de leurs
maîtres : on déféra la doctrine d'Eustathe au concile de Gangres ,
et elle y fut condamnée l'an 342 3.
Rien n'est plus contraire à l'esprit de la religion , ni plus
propre à détruire dans les simples fidèles la soumission à leurs
pasteurs légitimes que des assemblées telles que celles d'Eu-
stathe, et des hommes tels que ce moine ne méritent pas moins
d'attirer l'attention du magistrat que celle des premiers pasteurs de
l'Église.
EUSTATHIENS. C'est le nom que l'on donna aux sectateurs du
moine Eustathe, dont on a parlé dans l'article précédent.
^ Socrat., L 5, c 2à»
s Baron, ad an. 319.
» Epiph., Hœr., AO. Socrat., I. 2, c. 23. Sozom., i, 3, c. 3. Basil.,
ép. 7A et 82, Nicéphore, ). 9, c 16,
EUT 403
EUTYCHES, était abbé d'un monastère auprès de Constanti-
nople : il enseigna que la nature divine et la nature humaine s'é
taient confondues, et qu'après l'incarnation elles ne formaient
plus qu'une seule nature , comme une goutte d'eau qui tombe
dans la mer se confond avec l'eau de la mer.
Le concile d'Éphèse et les efforts de Jean d'Antioche , après sa
réconciliation avec saint Cyrille, pour faire recevoir ce concile ,
n'avaient point éteint le Nestorianisme : les dépositions, les exils,
avaient produit dans l'Orient une infinité de Nestoriens cachés ,
qui cédaient à la tempête et qfui conservaient un désir ardent de
se venger de saint Cyrille et de ses partisans ; d'un autre côté, les
défenseurs du concile d'Éphèse haïssaient beaucoup les Nestoriens
et ceux qui conservaient quelque reste d'indulgence pour ce parti.
11 y avait donc en effet deux partis subsistans après le concile
d'Éphèse , dont l'un, opprimé , cherchait à éviter le parjure et à
se garantir des violences des orthodoxes par des formules de foi
captieuses , équivoques et différentes de celles de saint Cyrille ;
l'autre, victorieux, qui suivait les Nestoriens et leurs fauteurs dans
tous leurs détours , et s'etforçait de leur enlever tous leurs sub-
terfuges.
Le zèle ardent et la défiance sans lumière durent donc , pour
s'assurer de la sincérité de ceux auxquels ils faisaient recevoir le
concile d'Ephèse, imaginer différentes manières de les examiner,
et employer dans leurs discours les expressions les plus opposées
à la distinction que Nestorius supposait entre la nature divine et
la nature humaine : ils devaient naturellement employer des ex-
pressions qui désignassent , non-seulement l'union , mais encorç
la confusion des deux natures.
D'ailleurs , l'union de la nature divine et de la nature humaine ,
qui forme une seule personne en Jésus-Christ , est un mystère , et
pour peu qu'on aille au delà du dogme qui nous apprend que la
nature divine et la nature humaine sont tellement unies qu'elles
ne forment qu'une personne , il est aisé de prendre l'unité de na-
ture pour l'unité de personne , et de confondre ces deux natures
en une seule , afin de ne pas manquer à les unir et à ne recon-
naître en Jésus-Christ qu'une personne et non pas deux « comme
Nestorius. .
D'un autre côté , les Nestoriens et leurs protecteurs soufiraient
impatiemment le triomphe de saint Cyrille et de son parti ; ils
l'accusaient de renouveler l'Apollinarisme et de ne reconnaître
404 EUT
dans Jésus-Gbrist qa*une seule nature , et ne pouvaient manquer de
peser toutes les expressions de leurs ennemis , de les juger à la
rigueur, de se déchaîner contre eux et de publier qu^ils ensei-
gnaient Terreur d'Apollinaire , pour peu que leurs expressions
manquassent de la plus grande exactitude lorsqu'ils parlaient de
l'union des deux natures en Jésus-Christ.
Ainsi , après la condamnation du Nestorianisme, tout était pré-
paré pour l'hérésie opposée et pour former dans l'Église une secte
opiniâtre , fanatique , dangereuse ; il ne fallait pour la faire écla-
ter qu'un homme qui eût beaucoup de zèle contre le Nestoria-
nisme , peu de lumières , de l'austérité dans les mœurs , de l'opi-
niâtreté dans le caractère et quelque célébrité.
Cet homme fut Eutyches ; il avait , comme tous les moines , pris
parti contre Nestorius : comme il était en grande réputation de
sainteté et qu'il avait beaucoup de crédit à la cour, saint Cyrille
l'avait flatté et l'avait engagé à servir la vérité de tout son crédit
auprès de l'impératrice * .
Eutyches , par cela même, avait conçu beaucoup de haine contre
les Nestoriens ; il paraît même qu'il fut le premier auteur des ri-
gueurs qu'on exerça contre eux en Orient *.
L'âge n'avait point modéré son zèle , et cet abbé , tout cassé de
vieillesse , voyait partout le Nestorianisme , regardait comme en-
nemis de la vérité tous ceux qui conservaient pour les Nestoriens
quelque ménagement ou quelque indulgence , et tâchait d'inspirer
à toutes les personnes puissantes le zèle qui Tanimait ^.
Il employait, pour combattre le Nestorianisme, les expressions
les plus fortes , et pour ne pas tomber dans le Nestorianisme qui
suppose deux personnes dans Jésus-Christ , parce qu'il y a deux
natures , il supposa que les deux natures étaient tellement unies
qu'elles n'en faisaient qu'une , et confondit les deux natures en
une seule , afin d'être plus sûr de ne pas admettre en Jésus-Christ
deux personnes , comme Nestorius. La passion , jointe à l'igno-
rance , ne voit que les extrêmes ; les milieux qui les séparent et
où réside la vérité ne sont aperçus que par les esprits éclairés ,
attentifs et modérés.
Eutyches enseignait donc à ses moines qu'il n'y avait qu'une
* Synod. Can, c. 203. Baluse, Nova coUect. conc, p, 909,
2Tiilem., t. 45, p. 482.
3 Léo, ép 19. Théodor., ép. 8i, p. 055,
EUT 405
seule nature en Jésus-Christ ; il ne voulait pas que Ton dît que
Jésus-Christ était consubstanliel à son Père selon la nature divine,
et à nous selon la nature humaine ; il croyait que la nature hu-
maine avait été absorbée par la nature divine comme une goutte
d^eau par la mer, ou comme la matière combustible jetée dans
une ftumaise est absorbée par le feu ; en sorte qu'il n'y avait plus
enJésus-Christ rien d'humain et que la nature humaine s'était en
quelque sorte convertie en nature divine ^.
L'erreur d'Eutyches n'était donc pas , comme le prétend M. de
la Croze, une question de nom^.
Car Eutyches, en supposant que la nature humaine avait été
absorbée par la nature divine et confondue avec elle de manière
qu*elle ne faisait avec elle qu'une seule nature, dépouillait Jésus-
Christ de la qualité de médiateur, et détruisait la vérité des
souffrances, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ ,
puisque toutes ces choses appartiennent à la nature humaine et à
la réalité d'une âme humaine et d'un corps humam unis à la
personne du Verbe, et n'appartiennent pas au Verbe.
Si le Verbe n'a pas pris notre nature , toutes les victoires qu'il
a pu remporter sur la mort et sur l'enfer ne sont point une expia-
tion pour nous ^.
En un mot, si la nature humaine est tellement absorbée par la
nature divine qu'il n'y en ait en Jésus-Christ que la nature divine,
Eulyches retombe dans l'erreur de Cérintbe , de Basilide , de Sa-
turnin et desGnostiques, qui prétendaient que Jésus-Christ ne s'é-
tait point incarné et qu'il n'avait revêtu que les apparences de
l'humanité : voilà ce qu'il est étonnant que M. de la Croze n'ait
pas vu dans l'Eutychianisme.
Eutyches répandit son erreur, premièrement dans les esprits de
ce grand nombre de moines qu'il gouvernait , et ensuite parmi
ceux du dehors qui venaient le visiter ; il engagea dans son er-
reur beaucoup de personnes simples et peu instruites; elle se
répandit dans l'Egypte et passa en Orient, où les Nestoriens
avaient conservé des protecteurs et où le zèle d'Eutyches lui avait
fait des ennemis , même parmi les personnes attachées au concile
d'Ephèse. Les évêques d*Orient attaquèrent les premiers l'erreur
^ Apud Tbéodor. , Dial. inconfusus, conc. Const., act. 3,
2 Hist du christ. d'Ethiopie, 1. 1, p. 26,
> f,co, ép. 25, c, i, 2. Théod,, p, 247,
406 EUT
d'Eutydies , et écrivirent à l'empereur sur cette nouvelle hérésie ^
Eusèbe de Dorylée , qui avait été un des premiers à s^élever
contre Nestorius et qui s'était alors lié avec Eutyches , tâcha de
l'éclairer, mais inutilement. Cet évêque , pour arrêter le prof^
de l'erreur, présenta contre Eutyches une requête aux évéques
qui s'étaient assemblés à Gonstantinople pour juger un différend
qui s'était élevé entre Florent , métropolitain de Lydie , et deux
de ses suflragans.
Par celte requête , il accusait Eutyches d'hérésie , sans spéci-
fier en quoi , s'engageant à soutenir son accusation , et demandait
à Flavien et au concile , par les conjurations les plus pressantes ,
qu'on ne négligeât point cette affaire et que l'on fit venir Eu-
tyches.
Eutyches refusa de comparaître , sous prétexte qu'il avait fait
vœu de ne point sortir de son monastère : il envoya ensuite deux
de ses moines dans les différens monastères , pour les soulever
contre Flavien. Ces envoyés disaient aux moines qu'ils visitaient
qu'ils seraient bientôt opprimés par ce patriarche s'ils ne s'unis-
saient à Eutyches contre lui : ils proposaient d'ailleurs de signer
un écrit dont on n'a pas su l'objet.
Le concile , après avoir encore envoyé sommer Eutyches de
comparaître , le menaça de le déposer ; alors Eutyches fit dire au
concile qu'il était malade et qu'il ne pouvait sortir. Enfin , après
mille mensonges, Eutyches comparut et fut convaincu d'enseigner
que dans Jésus-Christ la nature divine et la nature humaine étaient
confondues. Le concile, ne pouvant détromper Eutyches ni vaincre
son obstination, le priva de la dignité ecclésiastique, de la com-
munion de rÉglise et de la conduite de son monastère.
La condamnation d'Eutyches fut signée par vingt-neuf évêques.
Il est clair, par la conduite d'Eutyches et par ses réponses dans le
concile de Constantinople , qu'il soutenait en effet la confusion
des deux natures en Jésus-Christ , et qu'il ne fut point condamné
pour une logomachie ou pour un malentendu*.
Eutyches avait beaucoup de crédit à la cour ; il présenta à
l'empereur une requête pleine de calomnies contre le concile qui
l'avait condamné , et demanda à être jugé par un autre concile.
* Isid. Telus, I. 1, ép. 419, t. A. Conc, p. iA, 17, 157. Facund.,
la O, C« O.
2 Conc,, t. 4. Conc. Consl,
EUT 40f
L*emt)ereur en conYoqûa un à Éphèse , dont il rendit maître ab-
solu Dioscote , patriarche d'Âlelandrie.
Les évéques se rendirent à Ëphèse : saint Léon y envoya ses
légats ; mais lorsque le concile fut assemblé , on les récusa , sous
prétexte qu'en arrivant ils étaient allés chez Flavien , qui était là
partie d'Eutycbes ; on éldda les lettres de ce pape, on refusa
d'entendre Eusèbe de Dorylée , et Ton ouvrit le concile par la
lecture des actes du concile de Gonstantinople.
Lorsqu'on entendit la lecture des actes de la séance dans la-
quelle Eusèbe de Dorylée pressait Eutyches de reconnaître deux
natures en Jésus-Christ, même après l'iocarnation , le concile
s'écria qu'il fallait brûler Eusèbe tout vif et le mettre en pièces ,
puisqu'il déchirait Jésus-Christ.
Dioscore , président du concile , ne se contenta pas de ces cla-
meurs ; il demanda que ceux qui ne pouvaient pas faire entendre
leurs voix levassent leurs mains pour faire voir qu'ils consen-
taient à l'anathème des deux natures , et aussitôt chacun, levant
l&s mains , s'écria : Quiconque met deux natures en Jésus-Christ,
qu'il soit ana thème ; qu'on chasse , qu'on déchire , qu'on massa-
cre ceux qui veulent deux natures ^.
Après cela , Eutyches fut déclaré orthodoxe , et rétabli ou con-
firmé dans le sacerdoce et dans le gouvernement de son monas-
tère.
Dioscore lut ensuite la défense que le concile d'Éphèse faisait
de se servir d'aucune profession de foi autre que celle du con-
cile de Nicée , et pria les évêaues de dire si celui qui avait re-
cherché quelque chose au delà n'était pas sujet à la punition
ordonnée par le concile : personne ne contredit Dioscore ; il pro-
fita de cet instant de silence et fit lire une sentence de déposition
contre Flavien et contre Eusèbe de Dorylée *.
Les légats de saint Léon s'opposèrent à ce sentiment ; plusieurs
évéques se jetèrent aux pieds de Dioscore pour l'engager à sup-
primer cette sentence ; il leur répondit que quand on devrait lui
couper la langue, il ne dirait pas autre chose que ce qu'il avait dit;
et, comme il vit que ces évoques demeuraient toujours à genoux,
il fit entrer dans l'église le proconsul , avec des chaînes et un
grand nombre de soldats et de gens armés. Tout était plein de
J Conc, t« à* Couc Const*
2 Ibid«
4oft ËtJÏ
tumulle : on ne parlait q^e de déposer et d*exi1er tout ce qmi
n^'obéiraît pas à Dioscore ; on ferma les portes de Féglise, on mal-
traita 9 on battit » on menaça de déposer ceux qui refdsemie&t de
signer la condamnation de Fiavien ou qui proposaient de le
traiter avec douceur ; enfin , un évèque dédara que FlaYien el
Eusèbe devaient non-seulement être déposés, mais il les con-
damna formellement à perdre la tête *.
Flavien fut aussitôt foulé aux pieds , et reçut tant de coups
qu'il mourut peu de temps après *.
Dioscore déposa ensuite les évéques les plus respectables et
les plus éclairés , et rétablit tous les méchans qui avaient été dé-
posés. Tbéodoret fut condamné comme un hérétique ; on défen-
dit de lui donner ni vivres , ni retraite : c'est ainsi que se termina
le second concile d'Éphèse.
Théodose « séduit par Ghrysaphe, son premier ministre» loua
et confirma par une loi le brigandage d'Éphèse.
Saint Léon employa inutilement son crédit et ses talens pour
obtenir de Théodose qu'il assemblât un autre concile en Occident,
pour j examiner l'affaire de Flavien et d'Eutyches : Théodose ré-
pondit qu*il avait fait assembler un concile à Éphèse , que la chose
y avait été examinée , qu'il était inutile ou même impossible de
rien faire davantage sur cet objet.
Blarcien , qui succéda à Théodose , l'an ^50 , entra dans d'au-
tres sentimens , parce que Pulchérie , qui en l'épousant l'avait
mis sur le trône , avait beaucoup de considération pour l'évêque
de Rome. Cet empereur assembla à Chalcédoine un concile , qui
se tint dans la grande église de Sainte-Euphémie , en présence
des commissaires , des oiïiciers de l'empereur et des conseillers
d'État , qui ne purent cependant empêcher qu'il ne s'élevât beau-
coup de tumulte. Tout ce qui avait été fait à Éphèse fut anéanti
à Chalcédoine ; tous les évéques déposés furent rétablis , et enfin
le concile fit une formule de foi.
Elle contenait l'approbation des symboles de Nicée et de Con-
slautinople , des lettres synodiques de saint Cyrille à Nestorius et
aux Orientaux , et la lettre de saint Léon.
Le concile déclare que, suivant les écrits des saints Pères, il
fait profession de croire un seul et unique Jésus-Christ , Notre-
* Conc, t. A. Conc. Const.
2 Zonar. Niccph Léo, ép. 93, I. 2, c. 2.
ÈtJÏ 4o9
Seigneur, Fils de Dieu » pariait en sa divinilé ei parfait en son
iiumanilé , consubstanliel à Dieu selon la divinité et à nous se-
lon rhumanité ; qu*il j avait en lui deux natures , unies sans chan-
gement, sans division, sans séparation; en sorte que les pro-^
priélés des deux natures subsistent et conviennent à une même
personne » qui n*est point divisée en deux , mais qui est un seul
Jésus-Christ, Fils de Dieu, comme il est dit dans le symbole de
Nicée.
Cette formule fut approuvée unanimement *.
Ainsi rËglise enseignait, contre Nestorius, qu*il n*y avait
qii*une personne en Jésus-Christ, et contre Eutyches, qu'il y
avait deux natures.
Si le Saint-Esprit n'a pas présidé aux décisions du concile
d'Ephèse , si ce concile n'était composé que d'hommes factieux
et passionnés, qu'on nous dise comment des hommes livrés à des
passions violentes et divisés en factions qui veulent toutes faire
prévaloir leur doctrine et lancer l'anathème sur leurs adversaires
ont pu se réunir pour former un jugement qui condamne tous les
partis , et qui n est pas moins contraire au Nestorianisme qu'à
ï'Eulychianisme? Nous ne ferons pas d'autre réponse aux déclama-
tions de Basnage et des autres ennemis du concile de Chalcédoine *.
Le concile de Chalcédoine étant fini au commencement de no-
vembre 451, Marcien fit une loi par laquelle il ordonna que tout
le monde observerait les décrets du concile : il renouvela et con-
firma cet édit par un second , et fit une loi très-sévère contre les
sectateurs d'Eutyches et contre les moines qui avaient causé
presque tout le désordre.
Le concile de Chalcédoine confirma tout ce que le concile de
Constantinople avait fait contre Eutyches , et cet hérésiarque dé-
posé, chassé de son monastère et exilé, défendit encore quelque
temps son erreur ; mais enfin il rentra dans l'oubli et dans l'obscu-
rité , dont il ne serait jamais sorti sans son fanatisme.
L'histoire ne parle plus de lui depuis 454. Ce chef Je parti ,
mort ou ignoré , eut cependant encore des partisans qui excitè-
rent de nouveaux troubles : nous allons en parler sous le nom
d'Euty chiens *.
' Lco, Ép. éO, t 4> Conc.
3 Basnage, Hist. ecclés,, 1. 10, c. 5, p. 515.
) Tillem., 1. 15, p. 722.
410 EUT
EUTTGHIANISME, erreur d*Eutjches, qui enseignait qu*il n'y
aTtit point deux natures en Jésus-Christ et que la nature hu-
maine araît été absorbée par la nature d'mne. Voyez Euttches.
EUTYCHIENS , sectateurs de Terreur d'Eutycbes. Nous avons
▼u ce qu*ils firent jusqu'à la mort d*Eutyches; nous allons exa-
miner ce qu*ils firent depuis le concile de Ghalcédoine.
Le concile de Ghalcédoine ne donna pas tellement la paix à
rÉglise qu'il ne restât encore des Eu ty chiens qui excitèrent des
troubles et du désordre dans la Palestine.
Un moine , nommé Théodose , qui avait assisté au concile de
Ghalcédoine , ne voulut point se soumettre à son jugement , et
engagea dans sa révolte quelques autres moines avec lesquels il
souleva la Palestine contre le concile de Ghalcédoine.
Théodose et ses adhérens publièrent que le concile avait trahi
la vérité , quMl autorisait et faisait rentrer dans TËglise le dogme
impie de Nestorius, et qu'il violait la foi de Nicée; qu'il obli-
geait à adorer deux Fils , deux Ghrists et deux personnes , en éta-
blissant la croyance de deux natures en Jésus-Christ ; et , pour
appuyer ces calomnies, Théodose fabriqua de faux actes du con-
cile , dans lesquels on lisait ce qu'il avançait contre le concile de
Ghalcédoine.
L'impératrice Eudoxie , veuve de l'empereur Théodose 11 , de-
meurait dans la Palestine ; elle s'intéressait vivement pour Dios-
core , que le concile avait déposé , et conservait toujours de l'in-
clination pour le parti d'Eutyches, pour lequel l'empereur
Théodose avait tenu jusqu'à la mort.
Elle reçut chez elle le moine Tliéodose , et le favorisa dans le
dessein qu'il avait de s'opposer au concile de Ghalcédoine ; une
foule de moines qui vivaient des libéralités de l'impératrice s'u-
nirent à Théodose : les simples et les personnes peu instruites cru-
rent les calomnies de Théodose, et toute la Palestine fut bientôt
soulevée contre le concile de Ghalcédoine , et armée pour défen-
dre ce moine séditieux , qui sut profiter de la chaleur du peuple ,
et se fit déclarer évêque de Jérusalem , d'où il chassa Juvénal ,
le légitime évêque.
La nouvelle dignité de Théodose rassembla autour de lui tous
les brigands de la Palestine, et ce nouvel apôtre, secondé de
cette milice , persécuta , déposa , chassa tous les évéques qui n'ap-
prouvèrent pas ses excès.
Une foule de moines répandus dans loiiles les iniaisons publiaient
EUT 411
que l'empereur voulait rétablir le Nestorianisine ; par cet artiQee,
ils séduisaient le peuple , rendaient Tempereur odieux et e^^cir
taient des séditions dans toute la Palestine : on pillait , on brûlait
les maisons de ceux qui défendaient la foi du concile de Chalcé-
doîne , et qui refusaient de communiquer avec Théôdose : il sem-
blait qu'une armée de barbares avait fait une irruption dans cette
province.
Malgré les désordres dont le moine Théodose remplissait U
Palestine , les peuples étaient si étrangement abusés par le faux
zèle de ce moine imposteur, que beaucoup de villes venaient
d'elles-mêmes lui demander des évéques.
Dorothée , gouverneur de la Palestine , informé de ces désorr
dres, accourut de T Arabie où il faisait la guerre ; mais il trouva les
portes de Jérusalem fermées par les ordres d'Ekidoxie : il ne put
y entrer qu'après avoir promis de suivre le parti que tous le$
moines et le peuple de la ville avaient embrassé.
Marcien y envoya une forte garnison, chassa le moine Théor
dose et rétablit la paix; les soldats furent logés chez les moines
et les insultaient. Les moines s'en plaignirent dans une requête
adressée à Pulchérie , à laquelle ils parlaient moins ep supplians
qu'en séditieux et en ennemis des lois de l'État et de Dieu ; car, au
lieu de vivre dans le repos de leur profession et de se rendre les
disciples des prélats , ils s*érigeaient en docteurs et en maîtres
souverains de la doctrine et de l'Église ; ils osèrent mêine soute-
nir qu'ils n*étaient point coupables de tous les désordres qui s'é-
taient commis.
L'empereur usa d'indulgence envers ces méchans moines , dé-
trompa les peuples auxquels ils en avaient imposé sur sa foi, et la
paix fut rétablie ^.
Le trouble ne fut pas moins grand en Egypte : Dioscore avait été
déposé par le concile de Chalcédoine, et saint Protère avait été
mis à sa place. Quoique son élection fût tout-à-fait conforme aux
règles , elle fut suivie d'un grand trouble : le peuple se souleva
contrôles magistrats; les soldats voulurent arrêter la sédition ; le
peuple devint furieux , attaqua les soldats , les mit en Aiite, les
poursuivit jusque dans l'Eglise de Saint-Jean-Baptiste, les y assié-
gea, les força, et enfin les y brûla vifs ^.
A Conc, t. à. Léo, ép. 87, Goteller, Monum. EccL graec*
2 Ëvagr., 1. 2, c. 5 ; 1. 3, c, 3i, Léo, ép. 93.
413 EUT
Marcîen punit sévèrement le peuple d*Âlexandrie , et les sédî-
tieox furent bientôt réduits ; mais les habitans d'Âle xandrie res-
tère nt tellement infectés des erreurs d*Eutjcbes , que Marcîen
renouvela, le premier août 455, toutes les rigueurs qu'il avait
ordonnées, trois ans auparavant, contre cette secte.
Ces lois ne changèrent point le parti de Dioscore ; cet éréque ,
chargé de tous les crimes, était adoré par son parti pendant sa vie,
et après sa mort il fut honoré comme un grand saint ^ .
Cependant Tempereur faisait recevoir le concile de Ghalcé-
doine, et tout y paraissait soumis.
Timothée et Elure persistaient cependant toujours dans le parti
de Dioscore , avec quatre ou cinq évêques et un petit nombre
d'Apollinaristes et d'Euty chiens. Ces schismatiques avaient été
condamnés par TÉglise et bannb par Marcîen ; mais à la mort de
cet empereur , ils soulevèrent le peuple d'Alexandrie ; Elure fit
massacrer Protère, se fit déclarer évêque , ordonna des prêtres ,
remplit TÉgypte de violences, gagna le patrice Aspar, et se sou-
tint quelque temps*.
Mais enfin saint Gennade fit connaître la vérité à Tempereur
Léon, qui avait succédé k Marcîen, et obtint un édit contre Elure,
qui fut chassé d'Alexandrie, relégué à Gangres, puis envoyé dans
la Chersonèse , parce qu'il tenait des assemblées schismatiques à
Gangres.
Après la mort de Tempereur Léon , Elure sortit de son exil ,
et tâcha, mais en vain , d'obtenir de Zenon que Ton assemblât un
concile pour juger le concile de Ghalcédoine.
Basilisque, qui s'empara de Tempire et détrôna Zenon, fut plus
favorable à Elure : il cassa , par un édit , tout ce qui s'était fait
dans le concile de Ghalcédoine , et ordonna qu'on prononcerait
anathème contre la lettre de saint Léon ; il bannit , fit déposer,
persécuta tous ceux qui refusèrent d'obéir : plus de cinq cents
personnes souscrivirent à la condamnation du concile de Ghalcé-
doine ^.
Acace, patriarche de Gonstantinople, s'opposa à la persécution ;
le peuple s'émut et menaça de brûler Gonstantinople , si l'on fui-
* Evagr., ibid.
' Cotelier, Monum. Eccl grœc, l» 3, Balus. Appcnd. conc, t Â|
p. 894.
5 tab. couc,, t. 4, p. 1091,
EUT 413
sait violence à Acace. Basilîsque , effrayé , révoqua son édît , en
donna un pour rétablir les évêques chassés ou exilés, et condamna
Nestorius et Eutyches.
Basilîsque ne jouit pas long-temps de Tempire ; Zenon Payant
recouvré cassa tout ce que Basiiisque avait fait , et les troubles
recommencèrent . Chaque parti déposait des évéques, en établis-
sait de nouveaux , et les sièges les plus considérables étaient la
proie de Taudace ou le prix de Tintrigue , de la bassesse et du
parjure *.
Zenon, occupé à éteindre les factions po\itiques et à résister
aux ennemis de Tempire, n*osait prendre un parti sur les divisions
des catholiques et des Eutychiens ; il aurait beaucoup mieux aimé
les réconcilier ; il Tentreprit.
Les catholiques et les Eutychiens étaient divisés , surtout par
rapport au concile de Chalcédoine: les Eutychiens le rejetaient
comme irrégulier, comme renouvelant la doctrine de Nestorius.
Les catholiques , au contraire , voulaient absolument que tout
le monde souscrivît le concile de Chalcédoine , et qu'on le con-
servât, comme nécessaire contre TEutychianisme.
Les deux partis paraissaient donc souhaiter qu*on enseignât
Tunion des deux natures et que Ton reconnût qu'elles n'étaient
point confondues : les catholiques voulaient qu'on conservât le
concile de Chalcédoine > comme nécessaire pour arrêter l'Euty-
chianisme, et les Eutychiens voulaient qu'on le condamnât, pour
arrêter le Nestorianisme.
Zenon crut qu'en anathématisant Nestorius et Eutyches on
remplirait les prétentions de chaque parti , et que dès lors le
concile de Chalcédoine ne serait plus nécessaire aux catholiques ,
que par conséquent il pourrait leur en faire approuver la suppres-
sion et réunir par ce moyen les deux partis ; c'est ce qu'il es-
saya dans son Hénotique , c'est-à-dire Êdit d'union , édit qui ne
contenait aucune hérésie , qui confirmait la foi du concile de
Chalcédoine et condamnait en effet le Nestorianisme et l'Euty-
chianisme ^.
L'édit de Zenon ne rétablit point la paix ; il fut souscrit par
quelques-uns , et rejeté communément par les Eutychiens et par
les catholiques, comme n'arrêtant point le progrès de l'erreur. Les
* Evngr., I. 3, c 8.
2 IbiJ., !. 2, c. !0. Lco, Bysanl., act. 5, 6,
35*
414 EUT
catboliqaes ne voulaient point se départir de la nécessité de â-
gner le concile de Chalcédoine « et les Eutjdûens ne voulaieni
point se relâcher sur la condamnation de ce concile , et la deiiiafr>
daienl à I^empereur * .
Zenon cependant voulait faire recevoir son édit d^onion , et dé-
posa beaucoup de métropolitains et d^évêqoes qui refusèrent d*j
souscrire *.
Il se forma donc trois partis, et ces trois partis étaient fort ani-
més lorsqu^Anasiase succéda à Zenon : pour les calmer, il punis-
sait également ceux qui voulaient faire recevoir le concile dedul-
cédoine là où il n^élait pas reçu, et ceux qui le condamnaioit et
publiaient qu*il ne fallait pas le recevoir '.
(Test pour cela qu^Anaslase fut mis dans le troisième parti ,
qu^on nommait le parti des Incertains ou des Hésitans.
11 y avait dans Tempire trois partis puissans , dont chacun von-
bit anéantir les deux autres. Anastase, environné d^ennemis puis-
sans , ménageait ces trois partis, et surtout les catholiques , dont
il redoutait le zèle. De Tinquiétude il passa à la haine , et ne se
vit pas plus tôt délivré de la guerre de Perse qu*il se déclara plus
ouvertement en faveur des Eutychiens; il obligea ceux qu*il croyait
attachés au concile de Chalcédoine, et tous ses gardes , k rece-
voir redit de réunion de Tempereur Zenon, et choisit tous ses of-
ficiers parmi les Eutychiens.
Macédonius, patriarche de Constantinople , s'opposa de toutes
ses forces aux desseins deTempereur. Le peuple adorait son évê-
que ; Tempereur ne se croyait point en sûreté dans Constantino-
ple : il fit enlever Macédonius, et mit à sa place un nommé Timo-
thée, exila les partisans les plus zélés de Macédonius, et fit brûler
les actes du concile de Chalcédoine.
Lorsque le prêtre arrivait à Tautel , c'était un usage dans TÉ-
glise d'Orient que le peuple chantât : Dieu saint. Dieu fort. Dieu
immortel, et c'est ce qu'on nommait le Trisagion *.
Pierre-le-Foulon avait ajouté au Trisagion ces mots : Qui avez
été crucifié pour nous , ayez pitié de nous.
Cette addition , qui pouvait avoir un bon sens , était employée
* Conc, t. A.
2 Ibld.
3 Evagr., 1. 3, c 30.
* Pholius, Bibl. Cod., 222.
l
EUT 415
par les Euty chiens et devint suspecte aux catholiques ; ils jugè-
rent qu'elle contenait la doctrine des Eulychiens ThéopaschiteS|
qui prétendaient que la divinité avait souffert.
Timothée ne fut pas plus tôt sur le siège de Gonstantinople, quUl
ordonna qu'on chanterait le Trisagion avec Taddition faite par
Pierre-le-Foulon : cette innovation déplut aux fidèles de Gonstan*-
tinople ; cependant ils chantaient le Trisagion avec Faddition y
parce qu'ils craignaient d'irriter l'empereur.
Mais un jour des moines entrèrent dans l'Église , et au lieu de
cette addition chantèrent un verset de psaume ; le peuple s'écria
aussitôt : Les orthodoxes sont venus bien à propos ! Tous les par-
tisans du concile de Chalcédoine chantèrent avec les moines le
verset du psaume, les Eutychiens le trouvèrent mauvais : on inter-
rompt l'office , on se bat dans l'église , le peuple sort , s'arme ,
porte par la ville le carnage et le feu et ne s'apaise qu'après avoir
fait périr plus de dix mille hommes ^ .
Anastase , après la sédition , songea plus sérieusement que ja-
mais à éteindre un parti si redoutable, et résolut de faire condam-
ner le concile de Chalcédoine : il mit tout en usage pour y réussir ;
il flatta, menaça, persécuta, et fit recevoir la condamnation du con-
cile par beaucoup d'évêques.
Après s'être assuré par ce moyen de leur consentement , il fit
assembler à Sidon un concile, composé de quatre-vingts évêques»
qui condamnèrent le concile de Chalcédoine, excepté Flavien
d'Antioche et un autre , qui s'opposèrent k ce décret et furent
déposés.
Flavien ne quitta cependant pas Antioche ; on lui envoya des
moines pour le contraindre à souscrire au concile de Sidon : ils
voulurent user de violence ; des moines orthodoxes accoururent
au secours de Flavien, le peuple se mit de la partie , défendit soa
évêque , fit main basse sur les moines eutychiens, et il y eut un
horrible carnage ^.
L'empereur était environné d'Eutychiens ; il chassa Flavien et
mit sur le siège d'Antioche Sévère , Eutychien ardent et célèbre :
sous cet usurpateur, les catholiques furent persécutés dans tout
le patriarcat d'Antioche.
Tandis qu' Anastase employait toute son autorité pour forcer les
^ Evagr., 1. 3, c 23, M ; Vita Theodos.
2Ibid.,c32.
416 EUT
catholiques à condamner le concile de Chalcédoine » un de ses
généraux , nommé V italien, se déclara le protecteur des catholi-
ques, leva, dansTespace de trois jours, une armée formidable,
et, sur le refus que Tempereur fit de rétablir dans leurs sièges
les évéques catholiques qvCïX avait chassés, s^empara de la Mossie,
de la Thrace , défit les troupes de Tempereur et s*avança devant
Gonstantinople avec son armée victorieuse * .
Anastase envoya une grande somme d'argent à Vitalien » pro-
mit de rappeler les évéques exilés , assura qu'il convoquerait un
concile pour terminer les difiérends de religion , et Vitalien s'é-
loigna de Gonstantinople et congédia son armée.
L'empereur donna pendant quelque temps l'espérance qu'il
exécuterait ses promesses , s'appliqua à se concilier le cœur du
peuple , donna des charges à Vitalien , et , lorsqu'il crut n'avoir
plus rien à craindre de Vitalien , fit de nouveaux efforts pour
anéantir l'autorité du concile de Chalcédoine, et mourut sans
avoir pu réussir ^.
Justin , préfet du prétoire , fut élu par les soldats et succéda
à Anastase : le nouvel empereur chassa les Euty chiens des sièges
qu'ils avaient usurpés , rétablit les orthodoxes et ordonna que le
concile de Chalcédoine serait reçu dans tout l'empire. Les évéques
catholiques s'occupèrent à réparer les malheurs de rÉglise ; on
assembla des conciles, on déposa les Eutychiens; ils furent ban-
nis , exilés , punis , comme les catholiques l'avaient été sous
Anastase.
Justinien , qui succéda à Justin son oncle , se déclara pour les
orthodoxes : l'impératrice, au contraire, favorisait les Eutychiens ;
elle obtint de l'empereur que l'on tînt des conférences pour réu-
nir, s'il était possible , les catholiques et les Eutychiens ; la con-
férence n'opéra point la réunion ; elle fut suivie d'une nouvelle
loi des plus sévères contre les Eutychiens, qui ne furent plus alors
que tolérés.
Ils étaient cependant encore en grand nombre. Sévère, qui, sous
Anastase , avait été patriarche d'Antioche , y avait multiplié les
Eutychiens ou Acéphales, qui rejetaient le concile de Chalcé-
doine : il avait établi sur le siège d'Édesse Jacques Baradée ou
Zanzale , qui en fut chassé par les empereurs romains , se retira
* Evagr., 1. 3, c. 32.
2 Ibid.
EUT 417
sur les terres des Perses , parcourut tout TOrient , ordonna des
prêtres , institua des évêques et forma la secte des Jacobites.
Sévère , chassé d*Antioche et obligé de se cacher, ordonna
dans sa retraite Sergius pour lui succéder, et les Eutychiens eu-
rent toujours un patriarche d'Antioche caché.
EnGn , après la mort de Théodose , patriarche d* Alexandrie
queTempereur avait exilé, trois évéques eutychiens , cachés dans
les déserts de TÉgypte , ordonnèrent à sa place Pierre Zéjage » et
perpétuèrent ainsi , presque secrètement, leurs patriarches jus-
qu'au commencement du septième siècle.
De nouvelles querelles théologiques s'élevèrent entre les moi-
nes d'Egypte sur la doctrine d'Origène. Justinien , par habitude
ou par goût, s'en mêla, et donna un édît contre la doctrine d'O-
rigène: les partisans d'Origène^ qui d'ailleurs étaient opposés au
concile de Chalcédoine que les ennemis d'Origène défendaient ,
persuadèrent à l'empereur que s'il condamnait Théodore de Mop-
sueste , Théodoret et Ibas , comme il avait condamné Origène , il
rendrait à l'Église tous les Eutychiens , qui ne rejetaient le con-
cile de Chalcédoine que parce qu'il avait approuvé les écrits de
ces trois évêques.
Justinien ne demanda pas mieux que de condamner, et donna
un édit contre ces trois évêques , quoique morts.
L'édit de l'empereur produisit une longue contestation ; on
crut qu'il portait atteinte lu l'autorité du concile de Chalcédoine ;
il fallut un nouveau concile pour terminer cette affaire , et ce con-
cile est le cinquième concile général de l'Église et le second
concile général tenu à Constantinople.
Justinien, qui avait fait condamner les trois chapitres, à la
sollicitation d'Eusèbe de Césarée , qui était Eutychien dans le
cœur, tomba enfin lui-même dans l'Eutychianisme des Incorrup-
tibles ^
Il employa pour faire recevoir cette erreur tous les moyens
qu'il avait employés pour faire recevoir le concile de Chalcédoine;
mais la mort arrêta ses desseins *.
Les Eutychiens reprirent donc un peu faveur sur la fin du règne
^ Parmi les Eutychiens il y en avait qui soutenaient que Jésus-Christ
avait pris un corps incorruptible et qui n'était point sujet aux infir*
mités naturelles.
2 Evagr., 1. 4, c. 39, 40, 41» B^ron, ^û î^n, 303, Pç^jî çid ç»n, qQ5i
418 FAM
de Justinien et sous ses successeurs, qui s'occupèrent k les récoih
cilîer avec les catholiques , et les efforts que l'on fit pour celte
réunion produisirent une nouvelle hérésie , qui était comme une
branche de l^Eut^chianisme et qui occupa tous les esprits : c'est
le Monothélisme.
L*Eutychianisme paraissait donc absolument éteint dans toute
les provinces de Tempire romain.
Les conquêtes des Sarrasins le Grent reparaître avec éclat dans
rOrient et dans l'Egypte, d*oii il passa dans l'Arménie et dans
TAbyssinie. Voyez les art. Gophtes , Jacobites, Arméniens , Abys-
sins.
Les Eutychiens , au milieu des troubles dont ils avaient jrempli
Tempire , agitaient mille questions frivoles , se divisaient sur ces
questions et se persécutaient cruellement : telle fut la question
qui s'éleva sur Tincorruptibilité de la chair de Jésus-Christ avant
sa résurrection. Le peuple d'Alexandrie se souleva contre son
évêque , qui avait pris le parti de rafiirmative. Tels furent les
Acéphales qui reconnaissaient deux natures en Jésus-Christ»
mais qui ne voulaient pas souscrire au concile de Cbalcédoîne ;
les Théopaschites , qui croyaient que la divinité avait été cruci-
fiée , et qui avaient pour chef Pierre-le-Foulon. Voyez Nicéphore^
Hist, ecclés,, l. 18, c. 53. Leont,, De sectis Eutych,
L'Eutychianisme a été combattu par Théodoret, évêque de
Cyr, dans vingt-sept livres dont on trouve Textrait dans la biblio-
thèque de Photius (cod. 46), et dans trois dialogues, intitulés:
l'Immuable, Vlnconfus, V Impassible ; ^bt Gélase, dans un livre
intitulé : Des deux natures ; par Vigile , qui écrivit cinq livres
contre Nestorius et contre Eutyches ; par Maxence et par Ferrand,
et par beaucoup d'autres que Léonce indique dans son ouvrage
contre les Eutychiens et les Nestoriens. Voyez la collection de Ca-
nisius, édit. de Basnage, et la bibliot. de Photius, 29, 30.
FAMILLE , ou Maison d'amodr ; c'est le nom que prit une secte
qui faisait consister la perfection et la religion dans la charité et
qui excluait l'espérance et la foi comme des imperfections. Les
associés de la Famille d'amour faisaient donc profession de ne
faire que des actes de charité et de s'aimer ; c'est pour cela qu'ils
prétendaient ne composer qu'une famille, dont tous les membres
étaient unis par la charité.
FAN 4iâ
Ils ftimaienttons les hommes et croyaient qa*oii ne devait jamais
nt se quereller ni se haïr parce qu*on atalt sur la religion des
opinions différentes.
La charité mettait , selon ces sectaires, Thomme au-dessus des
lois et le rendait impeccable.
Cette secte avait pour auteur un certain Henri Nicolas , de
Munster, qui se prétendit d'abord inspiré et qui se donna bientôt
pour un homme déifié. 11 se vantait d*être plus grand que Jésus-*
Christ, qai, disait-il , n'avait été que son type ou son image.
Vers l'an 1540, il tâcha de pervertir Théodore Volkarls Korn-
heert : leurs disputes furent aussi fréquentes qu'inutiles; car,
quand Nicolas ne savait plus que répondre à Théodore , il avait
recours à l'esprit qui lui ordonnait, disait-il, de se taire. Cet en-
thousiaste ne laissa pas de se faire bien des disciples, qui, comme
lui, se croyaient des hommes déifiés.
Henri Nicolas fit quelques livres : tels furent l'Ëvangile du
royaume , la Terre de paix, etc.
La secte de la Famille d'amour reparut en Angleterre au
commencement du dix-septième siècle (1604), et présenta au roi
Jacques ube confession de foi dans laquelle elle déclara qu'ils
sont séparés des Brounistes. Cette secte fait profession d'obéir
aux magistrats, de quelque religion qu'ils soient ; c'est un point
fondamental chez eux ^.
FANATIQUE ; ce mot , selon quelques-uns , vient d'un mot
grec qui signifie lumière , d'où l'on a fait fanatique , pour signi-
fier un homme illuminé, inspiré.
D'autres prétendent qu'il vient du mot fanum, qui signifie
temple; d'où l'on a fait fanatique, pour désigner un homme qui
fait des extravagances autour des temples et qui prophétise en in-
sensé *.
Quoi qu'il en soit de ces étymologies, le mot fanatique signifie
aujourd'hui un homme qui, prenant les effets d'une imagination
déréglée pour les inspirations du Saint-Esprit, se croit instruit des
vérités de la foi par une illumination extraordinaire , et fait des
actions déraisonnables et extravagantes de dévotion et de piété.
^ Stockman Lexicon, voce Familists; Hist. de la ré£i des Pays-BaS|
pnr Brandt, 1. 1, p. 8â.
2 Voyez Hofaian Lexic. Godefroi, sur le Digest, 1. 21, tit* De cdil*
cdjct.) leg» 4» S 9> iO. Vos$lu<ï| EtymoU Du Catige, GIoss«
4â0 ^t^h
Les fanatiques ne forment donc point une secte partScalièfe ,
et il s*en trouve dans toutes les sectes , comme il y en a dans
toutes les religions.
Du mot fanatique on a fait fanatisme, c'estrà-^ire une dis-
position d'esprit qui fait prendre pour une inspiration divine les
fantômes d'une imagination déréglée. On voit, par cette définition,
que rhistoire du fanatisme n*est pas une des portions les moins
intéressantes deThistoire de Tesprit humain ; mais cet objet n*ap-
partient pas k noire ouvrage ; nous avons seulement voulu expli-
quer ici le mot fanatisme, parce que nous nous en servons sou-
vent.
FÉLIX , évêque d*Urgcl , en Catalogne , enseigna que Jésus-»
Christ , selon Thumanité , n'était que fils adoplif de Dieu , comme
les hommes sont appelés, dans T Écriture, en fans de Dieu, Le nom
de fils de Dieu n'était , selon Félix d'Urgel , qu'une manière d'ex-
primer plus particulièrement le choix que Dieu avait fait de l'hu-
manité de Jésus-Christ.
Les Sarrasins ou les Arabes , après avoir battu plusieurs fois
les troupes d'Héraclius , se rendirent maîtres de la Syrie et de
rÉgypte ; ils se répandirent ensuite en Afrique, prirent Carthage,
se mirent en possession de la Numidie et de la Mauritanie, et,
par la trahison du comte Julien , s'emparèrent de TËspagne.
Les Sarrasins , maîtres de l'Espagne , donnèrent aux chrétiens
dos juges de leur religion , comme l'avaient pratiqué en Asie les
califes , qui avaient même admis des cvêques dans leurs conseils.
Les chrétiens furent encore mieux traités dans la suite par les
premiers conquérans.
L'Espagne l'ut , par ce moyen, remplie de chrétiens , de Juifs et
de Mahométans , qui cherchaient tous à se convertir et qui se pro-
posaient des difficultés.
Le principal article de la croyance des Mahométans est l'unité
de Dieu; ils traitent d'idolâtres tous ceux qui reconnaissent quel-
que nombre dans la divinité : ils reconnaissent bien Jésus-Christ
comme un grand prophète , qui avait l'esprit de Dieu ; mais ils ne
peuvent souflrir qu'on dise que Jésus-Christ est Dieu et fils de
Dieu par sa nature.
Les Juifs étaient alors et sont encore aujourd'hui dans les
mêmes principes, quoique le Messie soit annoncé par les pro-
phètes comme le fils naturel de Dieu.
Les Juifs elles Mahométans ait iquaient donc les chrétiens sur
FEL 4U
la divinité de lésas-Christ, et prétendaieDt qu*oii ne devait pas lui
donner le titre de fils de Dieu.
Pour répondre à ces difficultés sans altérer le dogme de Tunité
de Dieu , les chrétiens d'Espagne disaient que Jésus-Christ n*é-
tait point le fils de Dieu par sa nature , mais par adoption : il pa-
raît que celte réponse avait été adoptée par des prêtres de Cor-
doue , et qu'elle était assez communément reçue en Espagne ^.
Élipand , qui avait été disciple de Félix d'Urgel , le consulta
pour savoir ce qu'il pensait de Jésus-Christ et s'il le croyait fils
naturel ou fils adoptif.
Félix répondit que Jésus-Christ, selon la nature humaine,
n'était que le fils adoptif ou nuneupatiff c'est-à-dire de nom seu-
lement , et il soutint son sentiment dans des écrits.
Jésus-Christ étant, selon Félix d'Urgel, un nouvel homme,
devait aussi avoir un nouveau nom. Comme dans la première gé<
nération , par laquelle nous naissons suivant la chair, nous ne
pouvons tirer notre origine que d'Adam , ainsi dans la seconde
génération , qui est spirituelle , nous ne recevons la grâce de
l'adoption que par Jésus-Christ , qui a reçu l'une et l'autre : la
première de la Vierge sa mère , la seconde en son baptême.
Jésus-Christ en son humanité est fils de David , fils de Dieu;
or, il est impossible qu'un homme ait deux pères selon la nature»
Tun est donc naturel et l'autre adoptif.
L'adoption n'est autre chose que l'élection , la grâce , l'appli-
cation par choix et par volonté , et l'Ëcriture attribue tous ces ca-
ractères à Jésus -Christ^.
Pour faire voir que Jésus-Christ comme homme n'est que Dieu
nuncupatif, c'est-à-dire de nom, il raisonnait ainsi, suivant le
témoignage de Jésus-Christ même : L'Écriture nomme dieux ceux
à qui la parole de Dieu est adressée , à cause de la grâce qu'ils
ont reçue ; donc , comme Jésus-Christ participe à la nature hu-
maine , il participe aussi à cette dénomination de la divinité ,
quoique d'une manière plus excellente, comme à toutes les autres
grâces.
Suint Pierre dit que Jésus-Christ faisait des miracles parce que
Dieu était avec lui ^.
^ Alcuin, ép. 15.
2 Ibid., 1. 1, 2, 3, cont. Felicem,
i Act. 10, v. 38,
J. 36
4if FKL
Saint Pftul dit que Dieu était en Jésus-Christ se réconciliant lé
monde ^.
Ils ne disent pas que Jésus-Christ était Dieu *.
GoÉnme Dieu, Jésus-Christ est essentiellement bon; mais
comme homme , quoiquUl soit bon , il ne Test pas essentielle-
ment et par lui-même : s*il a été yrai Dieu dès qu*il a été conçu
dans le sein de la Vierge , comment, dit-il, dans Isaîe, que Dieu
Ta formé son serviteur dans le sein de sa mère^?
Se peut-il faire que celui qui est vrai Dieu soit serTÎteur par sa
conduite , comme Jésus-Christ dans la forme d^esclave ? Car on
prouve qu'il est fils de Dieu et de sa servante , non-seulement par
(di>éis8ance , comme la plupart le veulent « mais par sa nature: en
quelle forme sera-t-il éternellement soumis au Père , s*il n*j a au-
cune différence entre sa divinité et son humanité * ?
Jésus-Christ est donc un médiateur, un avocat auprès du Père
pour les pécheurs, ce qu'on ne doit pas entendre du vrai Dieu,
Biais de l'homme qu'il a pris.
Pour prouver toutes ces propositions , Félix d'Urgel citait plu-
sieurs passages de l'Écriture et des Pères détournés de leur vrai
sens et tronqués : il se fondait principalement sur la liturgie
d'Espagne , dans laquelle il était dit souvent que le Fils de Dieu
a adopté la nature humaine.
On répondait à Félix d'Urgel que l'Église était en paix lorsque
son sentiment avait commencé à se répandre , et que ce sentiment
l'avait troublée ; on lui fit voir que son sentiment n'était au fond ,
quoi qu'il pût dire , que le Nestorianisme , puisque si l'on dis-
tingue en Jésus-Christ deux fils , l'un naturel et l'autre adoptif ,
il fallait nécessairement que la nature humaine et la nature divine
fussent deux personnes en Jésus-Christ ; car dès le premier instant
que Jésus-Christ s'est incarné , le Verbe et la nature humaine sont
unis d'une union hypostatique : il n'y a dans le Verbe qu'une
personne , et l'homme a tous les titres de la divinité ; d'où il suit
qu'il faut dire que le fils de Marie est Dieu par sa nature , ce qui
ne veut rien dire autre chose si ce n'est que la même personne
qui est le fils de Marie est fils de Dieu par la génération éter-
* Cor. 2, c. A, V. 19,
2 Aicuin, ibid.
» isaïa-, AO, V. 5.
'* Alcuin, 1* 6.
FËL 438
nelle. C'est ainsi que , dans Tordre naturel , quoique Tapie du fils
ne soit pas sor^e du père, comme son corps, il ne laisse pas
d'être tout entier le propre fils de celui qui a produit son corps.
Si le fils de la Vierge n'est que fils adoptif de Dieu , de quelle
personne de la Trinité est-il fils ? Sans doute de la personne du
Fils , qui a pris la nature humaine ; il ne sera done que le fils
adoptif du Père éternel.
On se trompe lorsqu'on prétend prouver que Jésus-Christ n^est
pas proprement Dieu , parce qu'il est dit que Dieu était en ,lui ;
car il faudrait dire aussi que le Verbe n'est point Dieu , ni le Père
même , puisque Jésus-Christ dit : mon Père est en moi , et je suis
dans mon Père. On fit voir que Félix d'Urgel appliquait mal les
passages des Pères ou qu'il les avait tronqués , et Ton prouva
que tous étaient contraires à son sentiment^.
La principale difficulté de Félix d'Urgel consistait en ce que
Thomme n'étant point essentiellement et par sa nature uni à la di-
vinité, l'homme n'était, en Jésus-Christ, fils de Dieu que par élec-
tion et par choix.
Cette difficulté n'était qu'un sophisme : si Ton n'a égard qu'à
Télévation de la nature humaine à l'union hypostatique du Verbe,
on peut fort bien dire que le fils de Marie est fils de Dieu par
grâce ; car c'est de la pure grâce du Verbe éternel qu'il a voulu
prendre à lui la nature humaine, et sans grâce jamais cette pro-
position n'eût eu lieu : L'homme est Dieu , le fils de Marie est fils
de Dieu. Ainsi , si Ton regarde le principe par lequel l'incarnation
s'est faite à cet égard , le fils de Marie est fils de Dieu par grâce.
Mais si Ton considère la nature humaine unie hypostatiquement
au Verbe, ou , pour me servir des termes de Técole, si Ton cour
sidère l'union hypostatique in facto esse , il est clair que le fils de
Marie est fils de Dieu par nature ; car, après l'incarnation , la sa-
ture divine et la nature humaine ne faisant qu'une personne , il
est clair que la même personne , qui est fils de Marie , est fils de
Dieu par la génération éternelle ^.
Félix d'Urgel fut condamné dans le concile de Ratisbonne et
^ Alcuin« loc. cit. Paulin d'Aquilée. Benoit d*Aniane. Les lettres 4a
pape Adrien dans le concile de Francfort, qui se trouvent dans les
Conciles de France du P. Sirmond., t. 2. Dans la Bibliothèque des
Pères, t. àt part 2. Dans les Conciles du P. Labe, t. 7. p. 1014*
2 Voyezl?L Réfut deNestorius, à son article,
4J4 FLA
abjura son erreur, qu'il reprît après qu'il fut retourné dans son
diocèse. On le clla au concile de Francfort, dans lequel il fut dé-
posé de Fépiscopat à cause de ses fréquentes rechutes , et relé-
gué à Lyon pour le reste de sa vie , qu'il finit sans être détrompé.
Voyez le P. le Cointe , an 799 , n» 1617.
FLÂGELLANS, pénitens fanatiques et atrabilaires qui se fouet-
taient impitoyablement et qui altribuaient à la flagellation plus
de vertu qu'aux sacremens pour effacer les péchés.
Rien n'est plus conforme à l'esprit du christianisme que la mor-
tification des sens et de la chair : saint Paul châtiait son corps et
le réduisait en servitude. Cet esprit de mortification conduisit
dans les déserts les pénitens de l'Orient , où ils pratiquaient des
austérités incroyables : il ne paraît pas que les flagellations volon-
taires aient fait partie des austérités que pratiquaient les premiers
pénitens, mais il est certain que les flagellations étaient employées
par les tribunaux civils pour châtier les coupables *.
On regarda donc les flagellations comme des expiations : la
flagellation de Jésus-Christ et l'exemple des apôtres et des mar-
tyrs firent regarder les flagellations volontaires, non-seulement
comme des actes satisfactoires , mais encore comme des œuvres
méritoires qui pouvaient obtenir le pardon des péchés de ceux
qui exerçaient sur eux celte mortification et de ceux pour lesquels
ils les offraient à Dieu ; on cita des exemples de damnés rachetés
par ces flagellations ; la superstition et l'ignorance reçurent avi-
dement ces impostures , et les flagellations devinrent fort fré-
quentes dans le onzième et le douzième siècle ; enfin , ces idées
produisirent, sur la fin du treizième siècle (1260), la secte des
FJagellans , dont un moine de Sainte-Justine de Padoue rapporte
ainsi la naissance.
Lorsque toute l'Italie , dit-il , était plongée dans toutes sortes
de crimes et de vices, tout d'un coup une superstition inouïe se
glissa d'abord chez les Pérusiens, ensuite chez les Romains, et
de là se répandit presque parmi tous les peuples d'Italie.
La crainte du dernier jugement les avait tellement saisis, que
nobles , roturiers de tout état , se mettent tous nus et marchent
par les rues en procession: chacun avait son fouet â la main et se
fustigeait les épaules jusqu'à ce que le sang en sortît ; ils pous-
saient des plaintes et des soupirs, et versaient des torrens de laç-
* Bojlcau, Ilisl. des Flaçellans, c 9,
FLA 425
mes; ces exemples de pénitence eurent d^abord d^heureuses sui«
tes; on vit beaucoup de réconciliations , de restitutions, etc.
Ces pénitens se répandirent bientôt dans toute Tltalie ; mais le
pape ne voulut point les approuver, et les princes ne leur permi-
rent point déformer des établissemens dans leurs États *.
Près d'un siècle après que cette secte eut paru pour la première
fois, la peste qui se fit sentir en Allemagne (au milieu du quator-
zième siècle) , ressuscita tout à coup la secte des Fiagellans : les
bommes attroupés couraient le pays ; ils avaient un chef principal
et deux autres supérieurs, auxquels ils obéissaient aveuglément ;
ils avaient des étendards de soie cramoisis et peints, ils les por-
taient à leurs processions et traversaient de cette manière les vil-
les et les bourgs.
Le peuple s*attroupait pour jouir de ce spectacle , et lorsqu'il
était assemblé , ils se fouettaient et lisaient une lettre qu'ils di-
saient être en substance la même qu'un ange avait apportée de
l'Église de Saint-Pierre à Jérusalem ; par laquelle l'ange décla-
rait que Jésus'Christ était irrité contre les dépravations du siècle,
et que Jésus-Christ, prié par la bienheureuse Yierge et par l'ange,
de faire grâce à son peuple , avait répondu que si les pécheurs
voulaient obtenir miséricorde , il fallait que chacun sortît de sa
patrie, et qu'il se flagellât durant trente-quatre jours, en mémoire
du temps que Jésus-Christ avait passé sur la terre : ils firent une
grande quantité de prosélytes.
Clément Yl condamna cette secte ; les évêques d'Allemagne ,
conformément à son bref, défendirent les associations des Fiagel-
lans et cette secte se dissipa *.
Elle reparut dans la Misnie, vers le commencement du quinzième
siècle ,1414.
Un nommé Conrard renouvela la fable de la lettre apportée par
les anges sur l'autel de Saint-Pierre de Rome pour l'institution
de la flagellation : il prétendit que c'était l'époque de la fin de
l'autorité du pape et de celle des évêques, qui avaient perdu toute
juridiction dans l'Église depuis l'établissement de la société des
Fiagellans; que les sacremens étaient sans vertu, que la vraie re-
ligion n'était que chez les Fiagellans , et qu'on ne pouvait être
^ Boileau, ibid.
2 D'Argcnlré. CoUect. jutl., t. 1. p. 331; Natal, Alex.in sœc. 13 et
lA : Boileau, ioc. ciL
36*
1126 FOU
sauvé qu'en se faisant baptiser de leur sang. L'inquisiteur fit ar-
rêter ces nouveaux Flagellans , et Ton en brûla plus de quatre-
TÎngt-onze *.
Si les Flagellans étaient devenus plus forts que Tinquisiteur,
ils auraient fait brûler Tinquisiteur et tous ceux qui n^auraient
pas voulu se flageller.
Il y a encore aujourd*bui des confréries de Flagellans , qu^il
faut bien distinguer des sectaires dont nous venons de parler ; il
se trouve de ces confréries en Italie, en Espagne et en Allemagne.
Le P. Mabillon vit à Turin, le vendredi saint , une procession de
Flagellans à gage : « Ils commencèrent, dit-il, à se fouetter dans
» rÉglise cathédrale , en attendant son altesse royale ; ils se
» fouettaient assez lentement, ce qui ne dura pas une demi-heure ;
» mais, d* abord que ce prince parut, ils firent tomber une grêle
i de coups sur leurs épaules déjà déchirées , et alors la procès-
» sion sortit de Téglise. Ce serait une institution pieuse , si ces
9 gens se fustigeaient ainsi par une douleur sincère de leurs pé-
9 chés , et dans Tintention d'en faire une pénitence publique , et
> non pour donner au monde une espèce de spectacle'. »
Gerson écrivit contre les Flagellans, et crut qu'il fallait que les
prélats , les pasteurs et les docteurs réprimassent cette secte par
leurs exhortations, et les princes par leur autorité^.
L'abbé Boileau a attaqué les flagellations volontaires *.
Le P. Gretzer en a pris la défense ; M. Thiers a écrit contre
l'histoire des Flagellans; cette réfutation est longue, faible et en-
nuyeuse ^.
FOURIER (Charles), auteur d'une théorie sociale qui nie en
plusieurs points les dogmes de la religion chrétienne et en ren-
verse la morale. Les ouvrages dans lesquels il a expliqué cette
théorie sont assez volumineux et écrits d'un style aussi singulier
que les doctrines en sont étranges. Né à Besançon le 7 avril! 772,
il a vécu dans l'obscurité; mais depuis sa mort il compte en
France un assez grand nombre de partisans.
* Contin. de Fleury, t. 21, p. 206.
^ Mussum italicum, p. 80.
2 Gerson, t. 2, p. 660,
* Hist Flagellantium.
* De spontancâ disciplinarum scu flagellorum cnice : Colonîx,
4660, in-42. Critique de l'histoire des Flagellans, par J.-B. Tliiers.
FOU 427
Les bouleversemens successifs de notre ordre social ont produit
ces rêveries décorées des grands noms de système humanitaire,
égalitaire, et dans lesquels, sous prétexte d'améliorer le sort de
la classe la plus nombreuse et la plus pauvre de la société, on
détruit la société elle-même en s'efforçanl de prouver que son
organisation actuelle, qui s*appuie évidemment sur les doctrines
du christianisme , est ce qu'on peut voir de plus injuste, c'est-à-
dire de plus contraire aux droits de l'humanité en général et de
chaque homme en particulier.
La maladie la plus incurable de l'esprit humain est de cher-
cher le bonheur parfait sur la terre, où il est évident qu'il n'existe
pas et ne saurait exister. C'est cette maladie que Fourier a flattée,
et dont il promet de guérir ses disciples en satisfaisant d'une
manière facile et légitime tous leurs désirs de quelque nature
qu'ils soient.
Satisfaire légitimement tous les désirs que l'homme peut former
est extraordinaire sans doute , mais y a-t-il jamais eu quelque
chose qui embarrassât les faiseurs de systèmes?
L'homme, d'après Fourier, est obligé, par la faute des lois civi-
les, politiques et religieuses, de lutter sans cesse contre ses pas-
sions, ses penchans, ses appétits les plus naturels. C'est Ik ce
qui le rend malheureux. Détruisez les lois politiques et civiles,
ôtez à la religion ce qu'elle a de dur et de sévère, notre bonheur
est assuré.
La vertu, qui a consisté jusqu'ici tout entière dans le sacrifice,
se trouvera dans la jouissance. Plus de lutte entre la matière et
l'esprit. La vertu ne sera jamais contraire au bonheur, ni le bon-
heur à la vertu, et l'homme sera ce qu'il doit être, ce qu'il a le
droit d'être, tout à la fois heureux et vertueux. '
Mais comment Fourier opérera-t-il ces merveilles? rien de plus
aisé. Supposez en effet que la société actuelle est détruite de fond
en comble, que tous les intérêts, toutes les idées, tous les devoirs,
tous les sentimens, ont changé de nature et de forme; supposez,
en un mot, qu'il ne reste rien de ce qui est ; aussitôt Fourier s'a-
vance avec ses disciples organisés en phalanges. 11 leur démontre
que le bonheur consiste dans la jouissance de ce qu'on aime, de ce
qu'on désire, de ce qui fait plaisir ; que la vertu est dans tous les
actes par lesquels l'homme accorde à ses passions ce qu'elles lui
demandent ; que Dieu ne peut créer un besoin, et en refuser ou
même en ajourner la satisfaction ; que le mariage, qui attribue
428 FRA
une femme à un seul homme, est une institution absurde , révol-
tante et tyrannique ; que la propriété est un vol, etc. Aussitôt,
grâce à ses enseignemens, une harmonie parfaite et un équilibre
inviolable s*établissent : nul excès n'est possible ; dans chaque
genre de satisfaction, nul ne s'accorde rien au delà du vrai be-
soin ; aucune passion ne jouit aux dépens de celle d'autrui ; et
comment cela, encore un coup? C'est que dans la société phalansté-
rienne (organisée par phalanges de deux k trois mille individus)
chacun fait ce qui lui convient , choisit le travail ou l'occupation
vers laquelle son penchant naturel le porte. Ainsi , par exemple,
les fonctions les plus viles, les plus méprisables, les plus rebu-
tantes même dans notre état social actuel, seront remplies dans
la société phalanstérienne avec goût, plaisir et bonheur par ceux
à qui la nature aura donné les passions ou instincts qui s'y rap-
portent. Ils n'auront pas même la pensée de chercher d'autres
satisfactions que celles-là, que dis-je? ils seraient très-facfaés de
les laisser prendre à d'autres. Ainsi ils seront parfaitement heu-
reux en faisant ce qui rend aujourd'hui parfaitement malheureux.
Ce que c'est que de prendre les choses comme il faut et du bon côté !
A vrai dire, ces doctrines bizarres et repoussantes ne peuvent
jamais former un corps de secte qui les applique en grand ; elles
sont destinées à nourrir l'esprit d'un petit nombre d'insensés,
mécontens de leur sort ; mais au fond ne sauraient pénétrer dans
les masses au point d'être de quelque danger pour la société et la
religion. Le devoir des gouveruemens est cependant de veiller
sur ces folies, et peut-être ne le font-ils pas assez.
A l'article Saint-Simoniens , nous reviendrons sur ce système
incohérent, et non moins digne de pitié que de mépris.
FRATRIGELLES ou FRÉROTS. Le désir de se distinguer par
une sainteté extraordinaire n'était pas moins vif en Italie qu'en
Allemagne , où il avait produit les Béguards, vers le quatorzième
siècle. Quelques frères mineurs obtinrent de Célestin V la per-
mission de vivre en ermites , et de pratiquer à la lettre la règle
de saint François.
Beaucoup de religieux , sous prétexte de mener une vie plus
retirée et plus parfaite, sortirent de leurs couvens ; beaucoup de
laïques les imitèrent, et tous ces aspirans à une sainteté extraor-
dinaire se réunirent, s'appelèrent frères , et formèrent une secte ;
les Franciscains s'appelaient Frères , et les séculiers Frérots, ou
Fratricelles, ou Bisoches.
FRA 429
Ces troupes de moines , échappés de leurs couvents , vivaient
sans règle , sans supérieur, et faisaient consister toute la perfec-
tion chrétienne dans un renoncement absolu à toute propriété ,
parce que la pauvreté faisait le caractère principal de la règle do
saint François, à laquelle étaient singulièrement attachés les frères
Macerota et un autre Franciscain , qui avaient donné naissance à
cette secte.
Les Fratricelles se promenaient ou chantaient, et, pour obser-
ver plus scrupuleusement le vœu de pauvreté, ne travaillaient ja-
mais de peur d'avoir en travaillant droit à quelque chose : comme
les Massiliens , ils disaient qu'il fallait prier sans cesse , de peur
d'entrer en tentation ; et si on leur reprochait leur oisiveté, ils di-
saient que leur conscience ne leur permettait pas de travailler
pour une nourriture qui pérît; ils ne voulaient travailler que pour
une nourriture céleste, et ce travail spirituel consistait à méditer,
à chanter, à prier ^.
Malgré ce renoncement à tout , les Fratricelles ne manquaient
de rien : une multitude d'artisans , de charbonniers , de bergers,
de charpentiers , abandonnèrent leurs travaux , leurs maisons ,
leurs troupeaux , et prirent l'habit des Fratricelles. Tous les re-
ligieux mécontens de leur état, et surtout des Franciscains, sous
prétexte d'observer plus exactement la règle de saint François ,
quittèrent leurs couvons et grossirent la secte des Fratricelles ,
qui se répandit en Toscane , en Galabre, etc.
Jean XXII vit les abus de ces associations ; il les défendit et
excommunia les Frérots et leurs fauteurs *,
Les Fratricelles attaquèrent l'autorité qui les foudroyait , et se
fondèrent sur le spécieux prétexte de la pauvreté évangélique ,
qui faisait la première obligation de l'ordre de saint François et
du christianisme.
Ils ne niaient point l'autorité du pape : ils prétendaient seule*
ment la restreindre , et croyaient que son excommunication ne
pouvait nuire aux Frérots , 1* parce qu'ils avaient été approuvés
par Célestin V, et qu'un pape ne pouvait détruire ce que son pré-
décesseur avait établi ; 2° parce que leur société était autorisée
dans l'Ëvangile, et que le pape ne pouvait rien contre ce qui est
dans l'Évangile ; 3*» enfin, pour trancher la question sans retour,
* An. 1294. D'Argeutré, Collecf. iud. R^ynaldadan, 1317, n. 56.
? im.
430 FRA
ils distinguèrenl deux Églises ; une élait tout extérieure , riche ,
possédait des domaines et des dignités ; le pape et les évéques
dominaient dans cette Eglise» et pouvaient en exclure ceux quHls
excommuniaient ; mais il y avait une autre Église toute spiri-
tuelle, qui n'avait pour appui que sa pauvreté , pour richesses que
ses vertus ; Jésus-Christ était le chef de cette Église , et les Fré-
rots en étaient les membres : le pape n'avait sur cette Église au-
cun empire , aucune autorité , et ses excommunications ne pou-
Talent exclure personne de cette Église.
De ce principe les Frérots conclurent que hors de leur Église
il n'y avait pas de sacremens , que les ministres pécheurs ne pou-
vaient les conférer : en développant ce principe fondamental de
leur schisme, ils renouvelèrent différentes erreurs des Donatistes,
des Albigeois et des Yaudois ^.
Ils se dispersèrent dans toute Tltalie pour prêcher ces erreurs ,
et soulevèrent les fidèles contre le pape.
Jean XXII écrivit à tous les princes contre les Frérots, et char-
gea tous les inquisiteurs de les juger rigoureusement *,
Pour se concilier les princes que Jean XXII excitait contre les
Frérots , ces sectaires mêlèrent à leurs erreurs des propositions
contraires aux prétentions des papes ; ils soutenaient que le pape
n'était pas plus le successeur de saint Pierre que les autres évé-
ques; que le pape n'avait aucun pouvoir dans les États des princes
chrétiens , et qu'il n'avait nulle part aucune puissance coactive.
Le concours de tous ces artifices soutint quelque temps les
Frérots contre l'autorité du pape : cependant on en brûla beau-
coup, mais ils réparaient leurs pertes par de nouveaux prosélytes ;
et enfin, n'ayant plus ni églises, ni ministres, ils prétendirent que
les Frérots avaient tous le pouvoir d'absoudre et de consacrer, et
qu'il élait inutile de prier dans les églises consacrées.
Les Franciscains unirent leurs efforts aux ordres des papes
pour l'extinction des Frérots ; et la secte des Frérots , après avoir
résisté long-temps aux attaques des papes , se dissipa ; les restes
passèrent en Allemagne , et y subsistèrent sous la protection de
Louis de Bavière, qui haïssait Jean XXII, et elle se confondit avec
les Béguards.
Le nom de Frérots fut donné indistinctement à cette multitude
* Raynald ad an, 1318, n. A69,
« Ibid,
G IL 431
de sectes qui inondèrent TEurope dans le treizième siècle et au
commencement du quatorzième. Ces sectes tombèrent dans les dé-
sordres les plus horribles ; elles reuouTelèrent toutes les infamies
des Gnostiques et des Adamites ; elles prétendaient que ni Jésus-
Christ ni les apôtres n'avaient observé la continence , et quMls
avaient en leurs propres femmes, ou celles des autres. Parmi ces
sectaires , il y en avait qui soutenaient que l'adultère et l'inceste
n'étaient point des crimes lorsqu'on les commettait dans leur
secte *.
Tel est à peu près le tableau que nous offî*e tin siècle ignorant ,
précédé par des siècles plus ignorans encore, et pendant lesquels
on n'avait épargné ni le sang ni le fer ; l'Europe chrétienne était
remplie d'armées de croisés , de bûchers et d'inquisiteurs : on
avait détruit les hérétiques , et l'on s'était appliqué k corriger les
désordres qu'ils reprochaient aux catholiques ; on avait entrepris
de réformer les mœurs, mais on n'avait point éclairé les esprits ;
et la réformation dans les mœurs , laquelle avait été regardée
comme un préservatif contre la séduction des Albigeois et des
Vaudois, avait conduit à toutes les erreurs , et produit les Fré •
rots, les Béguards, la secte de Ségarel , etc. , parce que cette ré<
formation n'avait pour principe qu'une piété sans lumière.
FRÈRES DE LA PAUVRE YIE ; c'est le nom que prenaient les
disciples de Dulcin : ils s'appelaient ainsi eux-mêmes , sous pré-
texte qu'ils avaient renoncé à tout, pour ne vivre que de la vie
apostolique.
FRÉROTS. Voyez Fratricelles.
FRÈRES POLONAIS ; c'est un nom que les Sociniens prirent
pour montrer que la charité régnait entre eux , et que leur con-
fraternité était inviolable.
GENTILIS VALENTIN. Voyez Sociniens.
GILBERT DE LA PORRÉE naquit à Poitiers, dans l'onzième
siècle.
^ D'Argeiilri', !<iCé cil.
4SS GlL
prétâtions de Porphyre , et des catégories attribuées à saint Au*
gtistin *•
La logique, à laquelle on réduisait presque toute la philosophie,
n*était que Fart de ranger les objets dans de certaines classes, de
leur donner différons noms, d'analyser, pour ainsi dire, ces noms,
de distinguer les différentes qualités des objets, de marquer leurs
différences et leurs rapports.
Toute la philosophie consistait à traiter de la substance, de la
qualité, des attributs, et de semblables abstractions K
Cette méthode passa dans les écoles de la théologie , et ron
traita les différens objets de la théologie selon les règles de la
dialectique.
Les théologiens des siècles précédens n'écrivaient sur les véri-
tés théologiques que lorsque le besoin de défendre la vérité les
obligeait à écrire; mais lorsque la dialectique se fut introduite
dans les écoles de théologie , on traita les différens objets de la
ihéulogie par goût , pour son plaisir, et Ton vit paraître une
foule de traités de théologie.
Gilbert de la Porrée suivit le goût de son siècle ; il s^était beau-
coup appliqué à Tétude de la philosophie ; il avait ensuite étudié
la théologie ; il avait même composé plusieurs ouvrages théolo-
giques, et il avait traité les dogmes de la religion selon la mé-
thode des logiciens.
Ainsi , par exemple , en parlant de la Trinité , il avait examiné
la nature des personnes divines , leurs attributs , leurs proprié-
tés ; il avait examiné quelle différence il y avait entre Tessence
des personnes et leurs propriétés, entre la nature divine et Dieu,
entre la nature divine et les attributs de Dieu.
Comme tous ces objets avaient des définitions différentes, Gil-
bert de la Porrée jugea que tous ces objets étaient différens, que
Tessence ou la nature de Dieu , sa divinité , sa sagesse , sa bonté,
sn grandeur n^est pas Dieu , mais la forme par laquelle il est
Dieu.
Voilà, ce me semble, le vrai sentiment de Gilbert de la Porrée :
ainsi il regardait les attributs de Dieu et la divinité comme des
formes différentes, et Dieu ou TÉtre souverainement parfait
^Ducbesne, t, 4» p. 259. Mabillon , Annal. Bened., U 71, p. S$.
Hîst. littéraire de France, t 9, p. A5, 180,
2 Hist. lilt , r. 7, p. 130.
(jîL 438
liôMme là collection de ces formes : voilà l'erpeûr fondamentale de
Gilbert de la Porrée ; d'où il avait conclu que les propriétés des
personnes divines n'étaient pas ces personnes; que la nature divine
ne s'était pas incarnée.
Gilbert de la Porrée conserva tous ces principes lorsqu'il fut
éluévêque de Poitiers, et les expliqua dans un discours qu'il fit
à son clergé.
Arnaud et Galon, ses deux archidiacres, le déférèrent au pape
Eugène 111 , qui était alors à Sienne, sur le point de passer en
France : lorsqu'il y fut arrivé , il fit examiner l'accusation qu'on
avait portée contre l'évéque de Poitiers. Ge prélat fut appelé à
une assemblée qui se tint à Paris en 1147, et ensuite au concile
de Reims, qui se tint l'année suivante, et dans lequel on con-
damna les sentimens de Gilbert de la Porrée, qui rétracta ses er-
reurs et se réconcilia sincèrement avec ses archidiacres. Quelques-
uns de ses disciples persévérèrent dans leurs sentimens , mais ils
ne formèrent point un parti. Ainsi , voilà un philosophe qui re-
connaît sincèrement qu'il s'est trompé, et les philosophes ses dis-
ciples ne font point une secte rebelle et factieuse : il en fut ainsi
d'Abaelard, dans le même siècle ^.
L'erreur de Gilbert de la Porrée détruisait, comme on le voit,
la simplicité de Dieu, et c'est par cette conséquence que saint
Bernard combattit ses principes.
11 parait que cet évéque supposait que la substance de Dieu n'a.
vait point par elle-même les attributs ou les propriétés qui font la
divinité, mais que la collection de ces attributs qui faisaient la di-
vinité était une espèce de forme qui s'unissait à la substance di-
vine, ou même qui ne lui était point essentielle.
Ainsi , l'Être suprême , ou l'être par soi-même , selon Gilbert
de la Porrée, n'était pas essentiellement sage, étemel, bon, etc., '
parce qu'il ne renfermait point dans son idée la collection des at-
tributs qui faisaient la divinité.
La substance de l'être nécessaire n'était Dieu que parce que la
collection de ces attributs était unie à sa substance.
Nous croyons donc qu'on ne doit pas confondre l'opinion des
Scotistes avec l'erreur de Gilbert de la Porrée ; car les Scotisles
^ Voyez, sur Gilbert de la Porrée, Pétau , Dogm., Théo)., t. 4, 1. 2.
c 8.; d'Argentré, GoUect. jud.;Dup., 12* siècle, c 8; Natal. Alex.;
Hist. eccles., sxc. 12, art. 9*
I. 37
4M &N0
croieAt bien que les attributs de Dieu sont distingués de son es-
sence , mais ils croient pourtant qu'Us naissent nécessairement d^
cette essenee , comme de leur source ou de leur principe , et qu^
l'existence par soi-même renferme nécessairement l'infinité , ria-
(elligeace, la bo^ et toutes les perfections.
ONO^MIQUE ; ce mot est composé de deux mots grencs , gno-
ns, qui signifie science , et make, qui signifie destruction, Og ap-
pela de ce nom certains hérétiques dji^ sep^ème siècle , qi^ f^u-
damnaient les sciences et touites les connaissances , mjêmi^ i^eQes
qu'on acquérait par la lec|.ure de l'^Uvjre ^^\^pQ, parcç qjt}^,
pour èjtre sauvé, il fallait bien vivre , et non pas être s^iv^t ^.
GNOSTIQUES ; ce mot signifie hon^me savanit et joéjj^r^e.
Les premiers bérétiq\ies prirent cie nonjt , parce qu'ils se van-
taient d'avoir des connaissances et d^s lumières extraordÎAa^es.
€'est une question parmi les savans de sayoir si Ijbs Gnpstium^
étaient une secte particulière , ou si l'on ne dopnaiit pas qç ii^oopi
Il toutes les sectes qui se piquaient d'enseigner u^e doct^jj^e éle-
vée et difficile.
11 est certain que les Pères et les a.ttteurs ecclésiastiques pj^
donné ce nom aux disciples de Simon , aux EasiUdieps, f^.
Cependant saint Épipbane , saint Augustin , eto., no^j» parlent
des Gnostiques comme d'une secte particulière qui .^v^il; pris le
nom de Gnostique parce qu'elle croyait entendre mieu^ les cho-
ses divines que les autres sectes. Saint ^piphane surtoujt parle
des Gnostiques comme d'une secte qu'il connaît et qui avai^ une
doctrine particulière qu'il avait connue par la lecture des livres
que les Gnostiques avaient composés; ce qui ne serait point con-
traire à l'usage dans lequel on était de donner le nom de Gnos-
tiques à ceux qui avaient adopté quelques-uns des principes des
Gnostiques ; d'ailleurs , on n'oppose au sentiment de saint Ëpi-
phane aucune difficulté réelle.
Quoi qu'il en soit de cette question , nous allons tâcher de dé-
mêler quels étaient les principes généraux des Gnostiques et com-
ment ces principes adoptés successivement par difiérens héréti-
ques ont pris différentes formes et produit des sectes différentes ^,
* Damascen., De haer., 88.
2 Prima ad Tiin., 6, v. 20. Hamond, Dissertât de jure episcopatûs,
applique au\ Gnostiques un très-grand nombre de passages de saint
Paul,
GNO 4%&
Saint Paul ave^tH Tiniothée d'éviter \ei BOûveamés profanes ,
et tout ce qu'oppose mie science fatrsseraent appelée Gnose, dont
quelques-uns faisant profession , se sont égarés dans k foi ; de ne
point s'amuser à des fables et à des généalogies sans fin, qui ser-
vent phitôt à exciter des disputes qu'à établir par k foi le véri-
table édifice de Dieu.
Il paraît , par te passage' de saint Paul et par saint Épiphane,
que le caractère principal de la Gnose était d'imaginer une foule
de générations d'Éons ou de génies , auxquels ils attribuaient k
production du monde et tous les évèdemens; voici vrais^ooMable-
ment l'origine de leur sentiment.
Les Gnostiques reconnaissaient un Être suprême qui existait
par hii-méme et qui donnait l'existence à tous les êtres ; maïs ils
crurent trouver dans le monde des irrégidarités , des désord^es^
des contradictions , et ils en conclurent que le monde n'était pas
sorti immédiatement des mains de l'Être suprême f souveraine^
ment sage et infiniment parfait. Il fallait, selon eux, qu'il eût une
cause moins parfaite , et ils supposèrent que l'Être suprême avai^
produit un être moins parfait que lui.
Cette première production ne suffîsah pas pour créer le monde,
car on y voyait des mouvèmens coàtraires y et une grande variété
de phénomènes contraires , et qu'on ne pouvait attribuer à vAe
seule et même cause : on imagina donc que cette première pro-
duction avait donné l'existence à d'autres êtres.
Ce premier pas fait, on imagina difiérentes puissances dans le
monde , à mesure que l'on crut en avoir besoin pour expli<|tter
les phénomènes qu'on observait, et l'on se forma de ces puissan-
ces des idées analogues aux efiets qu'on leur attribuait : de là vin-
rent toutes leis générations d'Eons , de génies ou d'anges, tels que
le Nous ou l'intelligence, le Logos ou le Verbe , la Phronese ou
la Prudence^SophiaeiDynamiSf ou la sagesse et la puissance, etc.
C'est à peu près ainsi qu'Hésiode expliquait le débrouillement
du chaos et la formation du monde par l'amour, etc., et c'est à
peu près ainsi que les Péripatéticiens imaginaient des vertus eu
qualités occultes pour tous les phénomènes.
L'objet principal des Gnostiques n'était pas d'expliquer les
phénomènes de la nature, mais de rendre raison de ce que
l'histoire nous apprenait sur le peuple juif et de ce que les chré-
tiens racontaient de Jésus-Christ.
Ils supposèrent donc plusieurs mondes produits par les anges ;
4a« GNO
ils supposèrent qu'un de ces anges gouvernait le monde » et ib
imaginèrent tantôt plus , tantôt moins de mondes et d^anges, et
leur attribuèrent des qualités différentes, selon qu'ils imaginaient
les choses.
Ainsi , beaucoup reconnaissaient deux principes , Tan bon et
l'autre mauvais.
D'autres disaient qu'il y avait dix cieux, qu'ils nommaient k
leur fantaisie ; le prince du septième en remontant était Sabahot ,
selon quelques-uns d'eux; c'est lui , disaient-ils, qui a fait le dd
et la terre ; les six cieux qui sont au-dessus de lui et plusieurs
anges lui appartiennent; ils le faisaient auteur de la loi des Juifs;
ib disaient qu'il avait la forme d'un âne ou d'un cochon, ce qui
t vraisemblablement servi de fondement au reproche que les Païens
fiûsaient aux premiers chrétiens d'adorer un âne : on ne sait pour-
quoi ils avaient fait du prince du septième ciel un âne ou un co-
chon ; ce n'était vraisemblablement qu'un emblème.
Ils mettaient dans le huitième ciel leur Barbélo , qu'ils nom-
maient tantôt le père , tantôt la mère de l'univers. On assure que
ceux qui prirent le nom de Gnostiques distinguaient le créateur
de l'univers , du Dieu qui s'est fait connaître aux hommes par son
fils, qu'ils reconnaissent pour le Christ ^.
Saint Irénée assure que , quoiqu'ils eussent des sentlmens fort
différens sur Jésus->Ghrist , ils s'accordaient néanmoins à nier ce
que dit saint Jean , que le Yerbe s'est fait chair, voulant tous que
le Verbe de Dieu et le Christ , qu'ils mettaient entre les premières
productions de la divinité , eût paru sur la terre sans s'incarner,
sans naître , ni de la Vierge , ni de quelque autre manière que
ce fût.
Comme Jésus-Christ n'était venu que pour le salut des hommes ,
c'est-à-dire, selon les Gnostiques , pour les éclairer, les instruire,
ils ne lui faisaient faire que ce qui était nécessaire pour cet objet,
et les apparences de l'humanité suffisaient, selon les Gnostiques,
pour remplir cet objet.
Pour sauver les hommes il ne fallait , selon les Gnostiques , que
les éclairer : leur corruption et leur attachement à la terre étaient
l'effet de leur ignorance sur la grandeur, sur la dignité de
l'homme et sur sa destination originelle.
* Aug., Haer., c. 6, Ep. 26, c. 10, n. 91. Epiph. Haer, 26. Tert,
f pol., c. 16. Iraîn,
Depuis que les âmes bumaînes étaient encbstnées dans des or-
ganes corporels, c'était par l'eDtremise des sens qu'on éclairait
l'esprit, el Jésus-Christ avait eu besoin de prendre les apparences
d'un corps pour pouvoir converser avec eui et pour les instruire;
mais il ne s'était point uni ï ce corps ranlastique, comme noire
âme est unie au corps buoiain ; cette union eût dégradé le Sau-
veur, et elle n'était pas nécessaire pour instruire les hommes:
ainsi , l'ouvrage de la rédemption n'était, de la part de Jésus-
Christ, qu'uD ministère d'instruction.
La doctrine de Jésus-Cbrist pouvait élre enseignée i tous les
hommes , parce que tous avaient des organes propres i écouter et
k entendre un homme qui parle , mais tous n'étaient pas suscep-
tibles de l'instruction que Jésus-Christ arai
D'après les principes des Pythagoricien
les Gnosliques distinguaient dans la nature
matérielle ou hyliqae, la nature psnehique
ture pneumatique ou spirituelle.
Ils admettaient entre tes hommes !i peu près les mêmes difTc-
rences , et distinguaient toute la masse de l'humanité en hommes
matériels ou hyliquei , en hommes animaux ou ptgchiquei , et en
hommes spirituels ou pnesma figura.
Les premiers étaient des automates qui n'obéissaient qu'aux
mouvemens de la matière , qui étaient incapables de recevoir au-
cune idée , de suivre un raisonnement et de s'instruire : tout en
eu\ dépendait de la matière; ils subissaient toutes les viùsailudes
qu'elle éprouvait, et n'avaient point d'autre sort qu'elle.
Les hommes animaux ou psychiques n'étaient pas intraitables
comme les hommes matériels ; ils n'étaient pas incapables de rai-
sonner, mais ils ne pouvaient s'élever au-dessus des choses sen-
sibles , et jusqu'aux objets purement intellectuels ; ils ne pou-
vaient donc se sauver que par leurs actions, c'est-à-dire appa-
remment qu'ils pouvaient se perdre ou se sauver, selon que, par
leurs actions, ils acquerraient des habitudes qui les détacheraient
de la terre ou qui les ; attacheraient.
Les spirituels , au contraire , s'élevaient au-dessus des sens et
h la contemplation des objets purement spirituels; ils ne per-
daient jamais de vue leur origine et leur destination ; rien n'était
capable de les attacher à la terre , et ils triomphaient de toutes
les passions qui tyrannisent les autres hommes.
Les Gnostiques prétendaient donc s'occuper à recliercher A/ias
37*
'4S8 6N0
FÉcriturôdes «eus cachés, des vérités sublimes, et, par le moyen
de ces vérités , se rendre inaccessibles airt {cassions.
L*esprit btimain peut bien s'élever jasqu'i ces s^é<^latioiis ;
pent^tre n'èst-îl pais împossible qu'il s'y soutienne un instant ;
mais cette sublimité ne ^ent être son étot sur la terre. Chaque
homme réunit les trois espèces d'hommes dans lesquels les Gnos-
fiques divisaient le genre humain ; et le Gnostiqoe le mieux con-
vaincu de sa perfection était en effet matériel , animal et spîritud;
le poids de son corps le faisait bientôt Retomber sur la terre , la
sensibilité animale rentrait dans ses droits, les passions renais-
saient et s'enflammaient.
Tous les Gnostiques livraient donc la guerre ans- passions ,- et
chacun d'eux , pour les vaincre, employait des armes différentes :
les uns , pour triompher des passions , se séparèrent des objets
qui les faisaient naître , et s'interdirent tout ce qui les fortifiait;
les autres les désarmèrent , pour ainsi dire , en épuisant leurs
ressources ; ceux-ci , pour les combattre avec plus d'avasitage,
voulaient les connaftre , et, (»our les bien connattre , se livraient
i tous leurs mouvemens et s'observaient ; ceux-làt les regardaient
comme des distractions inopportunes qui troublaient Fhomme
dans la contemplation des choses célestes, et dont il fallait se
débarrasser en satisfaisant , ou même en prévenant tous les dé-
sirs : le crime et Favilissement de Thomme ne consistaient point,
selon ces Gnostiques , à satisfaire les passions , mais à les re-
garder comme la source du bonheur des hommes et conune sa
fin.
On conçoit aisément que de pareils principes conduisaient à
tous les désordres possibles, et comment les Gnostiques, en par-
tant du projet de la sublime perfection , tombèrent dans la plus
honteuse débauche.
Les Gnostiques prétendaient allier les vérités et la morale du
christianisme avec ces principes , ou plutôt ils regardaient ces
principes comme la perfection de Jésus-Christ. Voici comment
un évèque gnostique justifiait sa secte. «J'imite, disait-il, ces
» transfuges qui passent dans le camp ennemi sous prétexte de
» leur rendre service, mais en effet pour les perdre. Un Gnosti-
» que, un savant doit connaître tout; car quel mérite y a-t-îl à
» s'abstenir d*une chose que Ton ne connaît pas? Le mérite ne
» consiste pas à s'abstenir des plaisirs , mais à en user en maître,
» à tenir la volupté sous son empire lorsqu'elle nous tient entre
GOM 439
» ses bras : pour moi, c*est ainsi que j'en use y et je ne Tembrasse
» que pour Pélouffer *. »
Eufin il y eut des Gnostiques qui , en cherchant à connaître le
jeu et Tempire des passions pour en triompiier et pour yivre en
purs esprits , tombèrent insensiblement dans une opinion con-
traire et crurent que les hommes n'étaient en effet que des ani-
maux ; que cette spiritualité dont ils s'étaient enorgueillis était
une chimère , et qu'ils ne différaient des quad^rùpèdes , des rep-
tiles ou des Toïatiles, que par la configuration de leurs organes :
telle fut cette branche des Gnostiques que Ton nomma Èof-
borites.
Les Gnostiques , comme on vient de le voir, se divisèrent éoi
différentes branches , qui prirent différens noms , tirés tantôt du
caractère distinctif de leur sentiment, tantôt du chef de là secte ;
tels furent les Barbelonites , les Fleriens, les Phibéonites , les Zflh
chéens, les BorboriteSy les Coddiem , les Lévites, les EutuchiieSf
les Stratiorites , les OphriteSy les Séchiens,
Quelques-uns des Gnostiques recevaient l'ancien et le nouveau
Testament ; ils attribuaient à l'esprit de vérité ce qui semblait les
favoriser , et ce qui les combattait ils l'attribuaient à l'esprit de
mensonge , car ils voulaient que les prophéties vinssent de diffé-
rens dieux.
Ils avaient un livre qu'ils disaient avoir été composé par Noria^ |
femme de Noé, un poème intitulé V Évangile de la perfection,^
l'Évangile d'Eve , les Livres de Seth, les Révélations d'Adam, les
Questions de Marie et son accomUement , la Prophétie de Bahuba,
r Évangile de Philippe K
Le système moral des Gnostiques avait pour base fondamen-
tale le système métaphysique des émanations , c'est-à-dire ce sys-
tème qui supposait qu'il y avait un Être souverainement parfait ,
dont tout les êtres particuliers sortaient, comme la lumière sort
du soleil. On peut voir l'exposition de ce système aux articles Ca-
bales , Basilide , Yalentin , Marc.
Les Gnostiques se sont perpétués jusqu'au quatrième siècle ,
comme on peut le voir dans saint Épiphane , hérésie vingt-sixième.
GOMAR ( François ) , théologien protestant et professeur de
Leyde , connu par sa dispute avec Arminius.
*■ Clenu Alex,, Strom,, L 2, p. Mi,
^ Epîpk., H»r„ 26. Aug, Irsen., loc cit.
440 GOM
Calvin avait enseigné que Dieu prédestinait également les éluâ
à la gloire et les réprouvés à la damnation éternelle ; quMl pro«
duisait dans Thomme le crime et la vertu , parce que Thomme
était sans liberté et déterminé nécessairement dans toutes ses ac-
tions
Cette doctrine , enseignée par Luther , avait été attaquée par
ses propres disciples , et, parmi les Protestans , il s^était toujours
élevé quelque théologien qui Tavait combattue ; elle le fut par
Arminius, théologien de Leyde et collègue deGomar. Gomarprit
la défense de Calvin et soutint que le sentiment d'Arminîus ten-
dait à rendre les hommes orgueilleux et arrogans, et qu*elle ôtait
à Dieu la gloire d'être Tauteur des bonnes dispositions de Tesprit
et du cœur de Thomme.
Avec ces déclamations , Gomar mit dans ses intérêts les mi-
nistres , les prédicateurs et le peuple. Nous avons exposé , à
Farticle Hollande , comment le prince Maurice prit parti pour
les Gomaristes et profita de cette querelle pour faire périr Bar-
nevelt.
Les Goiparistes obtinrent qu*on assemblât un synode , où Ton
discuta les sentimens d*Arminius et la doctrine de Calvin : les actes
de ce synode sont bien rédigés , mais la doctrine de Calvin y est
extrêmement changée : on y abandonne le décret absolu par le-
quel ce réformateur prétend que Dieu a destiné de toute éternité
la'plus grande partie des hommes aux flammes étemelles, et qu^en
conséquence il les a mis dans un enchaînement de causes qui les
conduit au crime et à Timpénitence finale.
On suppose dans ce synode que le décret de damner a eu pour
motif la chute de Thomme et le péché originel ; ce synode sup-
pose que tous les hommes étant coupables du péché originel et
naissant enfans de colère , ils naissent tous dignes de Tenfer ; que
Dieu , par sa miséricorde , a résolu d'en tirer quelques-uns de la
masse de perdition et de les faire mourir dans la justice , tandis
qu'il y laisse les autres.
A l'égard de la liberté, le synode ne la nie pas ouvertement ,
comme Luther et Calvin ; on reconnaît dans l'homme des forces
naturelles pour connaître et pratiquer le bien ; mais on soutient
que ses actions sont toujours vicieuses parce qu'elles partent tou-
jours d'un corps corrompu : on reconnaît que la grâce n'agit pas
dans l'homme comme dans un tronc ou comme dans un auto-
mate ; qu'elle conserve à la volonté ses propriétés , et qu*elle ne
GOR
la force point malgré elle , c'est-ti dire qu'elle ne la h'n point
Toulair sans vouloir '.
Quelle élrange ihêologie ! dit M. Bossuet ; n'est-ce pas vouloir 9
tout embrouiller que s'expliquer si laiblemeat sur le libreirbi
On ne reprochera pas de semblables Tariatione ï l'Ëglisi
Iholique ; elle a toujours condamné é|jalemenl les Pélagien
niaient la nécessité de la grâce , les semi-Pélagiens qui niaient SI
gratuité et la prédestination, les Prédestin atieiu qui n
liberté et qui prétendaient que Dieu avait créé un certain nombre
d'homroea pour les damner, que les réprouvés n'avaient point de
grâces pour se sauTer, et que Dieu n'en accordait qu'aux élus.
Voilà la doctrine de l'Ëglise catholique , doctrine sur laquelle
elle n'a jamais varié, quelque liberté qu'elle ait accordée aux
théologiens pour expliquer ces dogmes; elle n'a jamais permis de
proposer ou de défendre ces explications qu'autant que les théo-
logiens reconnaissaient et soutenaient qu'elles ne combattaient
point la doctrine de l'Ëglise contre lesPélagiens, contre les semi-
Pëtagiens et contre les Prédestina tiens. Que l'on juge, après cela,
■i c'est avec quelque fondement que Basnage et Jurieu prélen-
' dent que l'Église catholique a varié sur la prédestination et sur
la grflce.
GONSALVE (Martin), natif de Cuença, en Espagne, préten-
dit qu'il était l'ange saint Michel à qui Dieu avait réservé la place
de Lucifer, et qui devait combattre un jour contre l'Antecbrist :
l'inquisiteur, pour réfuter la vision de Martin Gonsalve , âl périr
ce malheureux dans les flammes.
Il eut un disciple nommé Nicolas le Calabrois , qui voulut le
faire passer après sa mort pour le Fils de Dieu ; il prêcha que le
Saint-Esprit devait un jour s'incarner, et que Gonsalve délivre-
rail au jour du jugement tous les damnés par ses prière
Nicolas le Calabrois prêcha ces erreurs h Barcelone; il fut a
damné par l'inquisiteur et mourut dans les flammes.
Gonsalve parut dans le quatorzième siècle'.
CORTHËE, disciple de Simon le Magicien : il ne Ht daiujfl
1 CorpusctSfntngma conTessouum fldei, in-i*; Histidela réfbi
des Pajs-Bss, par Brandi, I, S,
' Bossuet, HiiL deaviriaL, 1. ià.
' Dop. li" siècle, Nalal. Alei,, lA sa;c, D'Argcrilré, Collecr. jud
I, 1 , p. 970, au. 13^(i,
'441 GfiE
doctrine de son iiiaftre qàe do lég^ chsftf^èiilèÂs i selon quèlqaetf
auteurs.
Gorthée est mis par d^àutres àk nomli^O dès sapi ^éïnîors hé-
rétiques qui , après Fascétisibn de Jésus-Chriât ^ corrom{)fii^nt lâ
doctrine de rÉgKse naissante , et dont on coniiàtt plutôt les noms
que les dogmes : nous savons seulement <|tl'ils combattaient le
culte que les apôtres et les chrétiens rendaient à Jésùs-Ghrîst ; et
qu*ils niaient la résurrection des morts *.
GOTËSGALQUEouGoDesGALQVE. Vay. l'article PUÊoimmATïÊns,
GRECS , schisme dès Grecs ; c'est la sépàratiot de l'Ëglisé de
Gonsuntinople d'avec l'Église romaine.
Pour être en état de mieux juger du poids des plaintes dès Grecs
contré l'Église romàitf e , nous avons cru qu'il était à propos de
rappeler en peu de mots l'origine de la grandetr dû pâtf iàrehe de
Ga^tantinople.
Avant lai translation du siège de Fempire romaîii k ConstàMi-
nople , il y avait dans l'Ëglise trois patriarches : le pàiHarche de
Home; le patriarche d'Ântîoche et le patriarche d'ÂIelàndrié.
Qtitre ces trois paftriarches , il y a^ait trois diocèses qui étaient
soMnîs èhàcun à un ptitoat et qui ne relevaient d'aucun patriarche'^
ces trois diocèses étaient : le diocèse d'Asie , qui était sounCiis aA
primaft d'Éphèse ; le diocèse de Thrace , qui était soumis au pri-
mat d'Héraclée , et le diocèse de Pont , qui était soumis au primat
de César ée *.
L'Église de Gonstantinople n'avait point encore d'évêc(ue, ou
cet évêque n'était pas considérahie , et il était souoiis au métro-
politain d'Héraclée*.
Depuis la traïifslartioh du siéjgé de Tempire roàiaiù à Gonstanti-
nople^ les évêquês de cette ville devinrent considérables et ob-
tinrent enfin le ring et là juridiction sur la Thrace , sitt l'Asie et
sur le Pont*.
nsensiblement ils s'élevèrent an-dessUs des patriarches d'A-
lexandrie et d'Antîoche, et prirent enfin le titre de pàtflafche
e^cTAiénrc^é àvt un^^ériSiel.
* Tbéodor., Hâef:, Fàb., 1. 1, c t ^ Gonstit. ApoSt, I; 6, c. (T. ^té^
phore, Hist. ecdes., L à, c. 7. Ittigius, De Uœr., sect. i, c 1, S 5,
2 Pagi. ad an. 37. Oriens Christ., 1 1. Patriarch., ConsU, e. 1.
* Panoplia adverse sehiana Grascoruâu
«Ihid.
GJIE 443
Les papes s*étaient opposés constamment aux entreprises des
patriarches de Gonstantinople, et avaient CQQservjê tous leurs droits
et un grand crédit dans tout TOrient.
Photius , qui voyait que les papes seraient un obstacle inyin-
cible aux prétentions des patriarches de Constantinople , entre-
prit de se séparer de TËglisie latine , prétendant qu*elle était en-
gagée dans des erreurs pernicieuses ^.
Le projet de Photius n*eut pas le succès quMI en espérait ; il
fut chassé de son siège , et, après un schisme assez court, TÉglise
romaine et FÉglise grecque se réunirent.
Il restait cependant des causes secrètes de rupture entre les
deux Églises : les patriarches ne se relâchaient point sur leurs
prétentions au titre de patriarche universel, et les papes s'y op-
posaient constamment.
Ainsi , les causes de division que Photius avait imaginées ne
pouvaient manquer de faire renaître le schisme , pour peu qu'il se
trouvât sur le siège de Constantinople un patriarche ambitieux ,
aimé du peuple et puissant auprès de Tempereur.
Ce patriarche fut Michel Cérularius; il vit que TÉglise romaine
serait un obstacle insurmontable aux desseins ambitieux des pa-
triarches, et que pour régner absolument sur TOrient il fallait
séparer TÉglise grecque de Tj^glise latine : Photjus avait trapé
cette rou^ à Fambition ifis patriarches.
Michel Cérularius mit dafîs ses intérêts révê(}iie d'Acride, mé-
tropolitain de Bulgarie , et ils écrivirent tous deux ui^e lettre à
Jean , évêque de Trani , dans la Pouille , afin qu'il la communi-
quât au pape et à FËglise d'Occident. Cette lettre contient quatre
griefs contre l'Église latine : 1° qu'elle se sert de pain azyme dans
la célébration des saints mystères ; 2» que les Latins mangent du
fromage , des animaux et des viandes étou^éeç ; 3<> qu'on jeûne
les samedis dans l'Église latine; 4<> que les Latins ne changent
point Alléluia dans le carême *,
Sur d'aussi frivoles prétextes , Michel Cérularius fit fermer les
églises de Constantinople, et ôta à tous les abbés et à tous les re-
ligieux qui ne voulurent pas renoncer aux cérémonies de l'Église
romaine les monastères qu'ils avaient à Constantinople.
Léon IX répondit à cette lettre, éleya beaucoup la dignité d(3
< Voyez Tari. Photius, Baron, Dup. Oriens CbrUtt
2 Ibid.
444 GÈË
TËglise romaine , reprocha au patriarche son ingratitude enVerâ
les papes, et justifia FÉglise latine sur les pratiques que Michel
lui reprochait.
Soit que Cérularius désirât effectivement la paix, soit que Con-
stantin , qui avait besoin du pape et de Fempereur d*Occident
contre les Normands qui étaient sur le point de s^emparer de tout
ce qui lui restait en Italie , obligeât ce patriarche à dissimuler
pour quelque temps, il écrivit au pape pour le supplier de donner
la paix à TÉglise ; Tempereurlui écrivit aussi pour lui témoigner
qu^il voulait procurer la réunion des deux Églises.
Le pape envoya des légats à Gonstantinople ; Tempereur les re-
çut très-favorablement ; le patriarche refusa de conférer avec eux^
et même de les voir.
Les légats, ne pouvant vaincre Tobstination de Michel Cérula-
rius, Texcommunièrent publiquement et en présence de l'empe-
reur et des grands.
Le patriarche , irrité de cette excommunication et de Tespèce
d'approbation que l'empereur y avait donnée, excita une sédition,
et l'empereur n'osa plus s'opposer à l'acte de schisme que Céru-
larius méditait : ce patriarche excommunia les légats, mit tout en
usage pour rendre le pape odieux et pour étendre le schisme : il
chercha de nouveaux sujets de rupture entre TÉglise de Constan-
tinople et l'Église romaine, et les plus légères différences dans la
liturgie ou dans la discipline devinrent des crimes énormes.
Après la mort de Constantin , l'empire passa à Théodore , et
ensuite àMichel ; le schisme continuait, mais l'empereur ne le fa-
vorisait point. Michel VI, pour se rendre agréable au sénat et au
peuple , choisit parmi eux les gouverneurs et les autres princi-
paux officiers de l'empire : les ofQciers de l'armée, irrités de cette
préférence, élurent pour empereur Isaac Comnène.
Le patriarche , qui ne disposait pas à son gré de Michel , vou-
lut aussi avoir un empereur qui dépendit de lui , fit soulever le
peuple, feignit de le calmer, et, paraissant céder à la force et au
désir de préserver l'empire d'une ruine entière, fit ouvrir les por-
tes de Constantinople à Isaac Comnène ; en même temps il envoya
quatre métropolitains à Michel YI , surnommé Straiioticus , qui
lui déclarèrent qu'il fallait nécessairement , pour le bien de l'em-
pire, qu'il y renonçât.
Mais , dit Michel aux métropolitains , que me promet donc le
patriarche, au lieu de l'empire? Le royaume céleste, lui répondi-
ittt les méU'Opotiialiis; sur cela , MicLel qukta la jiôui'pre, et m
Btira dans sa miîsoD ou dans ud monastère,
haac, plein de recoonaissaoce, donna un grand ctédh au pia
[■toitrche '.
Cérularius en abusa bientût : il voulut prendre une au
, et menaça l'empereur, s'il ne suivait ses conaeils, de lui
■e perdre la couronne qu'il lui avait mise sur la tâle. L'empe-
reur, quiredouiait le pouvoir de Cérularius sur l'esprit du peuple,
le fit arrêter secrètement , l'envoya en eiil o(i il mourut, et plaça
sur le siège de Constantin opie Constantin Lichnude, et le schisme
continua; maislespapes entretenaient cependant des liaisons avec
tesempereurs '.
De puissans motifs atUtcbaient les empereurs de Coastantino-
ple aux papes : on était dans la fureur des croisades, dont le pape
dirigeait la marche, et qu'il pouvait faire agir en faveur de l'em-
pire d'Orient ; d'ailleurs , les démêlés des empereurs d'Occideot
et des papes firent renaître dans l'esprit des empereurs d'Orient
l'espérance de recouvrer un jour l'Italie.
Les papes profitèrent de ces dispositions pour entretenir avec
les Grecs des liaisons , et pour faire tomber la haine et les préju-
gés qui éloignaient les Grecs de l'Ëglise romaine.
Cette intelligence des empereurs et des papes fut interrompue
par le massacre des Latins qui étaient à Constantinople sous l'em-
pire d'Andronic, et par la prise de Constantinople par les armées
des latins.
L'empire se trouvait alors divisé entie les Latins , Théodora
Lascaris qui s'était retiré i Nicée , et les petils-fils d'Andronia
qui avaient établi l'empire de Trébisonde.
Les latins avaient un patriarche ï Constantinople , et Germain ,
patriarche grec , s'était retiré à Nicée.
Cinq frères Hiuenrs, qui étaient missionnaires en Orient , pro-
posèrent k ce patriarche de travailler i la réunion de l'Égliu
grecque et de l'Église latine: le patriarche Germain en rendit
compte àl'empereur Jean Vaiace, qui approuva le projet, et Ger-
mainécrititaupape et aux cardinaux.
Dans celte lettre, le patriarche de Constantinople qui aspirait
un empire absolu sur toute l'Église , le successeur de Céruli-
* Zouard., I. 13, Cedren, p. SOI ; Ducange, Glossar,
a Curopalat. Psellus. Zonar.
1
446 6BE
rîqs qui prétendait élever les empereurs sur le trftne ei les en fain»
descendre, ce patriarche, dis-je, dans sa lettre, reprocha 411 pipe
son empire tyrannique^ ses exécution^ violentes et les redevan-
ces qu'il exigeait de ceux qui lui étaient soumis : de son c6té, le
pape reprochait au patriarche ripjustÎQ^ de s^ pré^^nliops , Tin-
gratitude des patriarches envers rÉglis§ foçoaii^g; il comparait le
schisfn^ des Grecs ani schisme de Samarif^ , e^ déclarait que les
deux glaives lui appartenaient.
Ces deux lettres fpnt voir qu'il y ^vait peu 4e dispositions sin-
plires à la paix entre le pape et le patriarche ; cependant le pape
^vpyades religieux, qui curent avec les Grecs des conférences,
où Ton s'échauffa beaucoup de part et d'autre , et enfin dans les-
quelles op réduisit tons les sujets de controverses k deux points ,
la procession du Saint-Esprit et l'usage du paiQ ^izyme : on disputa
bf^ucoiip ^ur ces deux poin^, et Vq^ se sépara sans s'être accordé
sur quoi que ce soit.
fliéQ^Qr^ (j^scaris, qui sucpéda à V^tace, ne marqua pas beau-
coup de désir pour la réunion des Gr^cs et des Latins ; mais M i-
çbeî Paléologue, qui s*empara de l'empirç après Théodore Las-
çaris, ayant repris Constantipople sur les Jjatins, prévit que le pape
ne manquerait pas d'armer contre lui les princes d'Occident , et
résolut de réunir l'Eglise Grecque avec l'Ëglise romaine , pour se
délivrer de ces terribles croisades qui faisaient trembler les em-
pereurs daps Gonstantinople , les sultans dans Babylone et dans
le Caire , et les Tartares mêmes dans la Perse.
Michel Paléologue enyoya donc des ambassadeurs au pape, lui
doDua les titres les plus flatteurs , et lui témoigna un grand dé-
sir de voiries deux Églises réunies.
Urbain Y, qui occupait le siège de saint Pierre, témoigna une
grande joie des dispositions de Michel Paléologue et du désir
qu'il avait de conclure l'union des deux Églises : « En ce cas , dit-
» il à l'empereur, nous vous ferons voir combien la puissance du
» saint Siège est utile aux princes qui sont dans sa communion ,
» s'il leur arrive quelque guerre ou quelque division ; l'Église
» romaine^ comme bonne mère , leur ôte les armes des mains , et
9 par son autorité les oblige à faire la paix : si vous rentrez dans
» son sein, continue-t-il , elle vous appuiera , non-seulement du
» secours des Génois et des autres Latins , mais , s'il est besoin ,
» des forces des rois et des princes catholiques du monde entier ;
» mais tant que vous serez séparé de l'obéissance du saint Siège,
GBË 441
« tioiid ne pottrc^ icftiffrir èii (îoiiàcieiide i|iié léS (MAdis, M <]^''
» qu*autres Latins que ce soit, tous donnent du secours *. >
La rédfiiôn dé l'Église ^èéque et dé rËjliâë làtiiie dèYitii ddàc
un objet de {tôliti^tiè i et Tëttipëreiir init tout éh usage podr là
procurer. Aptes des diffîëttltéi^ sans liômbrë , réiripërètlr étirbyà
au concile de Lyon des ambassâderirs, qui préseùtè^ettt ùhê pro-
fession- de foi telle qtie le pape l*aTàit éligéé , et tinë lettré de
vingt-six métropolitàitïs d'Asie , qui déclaraient qu'ils rèôéYàiéiit
les articles qui jusqu'alors âvàieùt diViéé les deiil Églises *.
L'empereur ctoyait la réunion des deux Églises nécessaire àù
bien de l'empire; mais le clergé et le peuplé regardaient ceité réu-
nion comme le renvetsethent de la religiola , et copiaient jpiout'
rieula conservation d'un empire où le peuple de^Hiis si long-ténjps'
n'éprouvait que des malheurs, que la religion seule àtaii ^èàdiiâ'
supportables par l'espétâiice du bonheur ctti'ëllé ptmèi àût £.-
dèles.
Tout le liionde se soiilevà contre le projet dé U rénfiiôti , et lé
trduble augmenta par les actes d'autorité Une l'éiU{Jërèfiir em-
ploya pcrttr amener le clergé, leà évêqués et lëi^ tfibinëà â sclù lâën-
timefat.
1^ despote d'Épirë et le duc de PàttaS déclsti'èrëiit ^tf ils regar-
daient comtoie helvétiques lé pàpë, l'eMpërèùf', et tduâ ceux c|ui
étaient soumis ati pape.
L'empereiït sfssëinbla contre eut deé aroblééâ , màiâ il iOé i>iK
trouver de généraux qui voulussent combattre lèà èébîstàrâti-
qûes , et lé diic de Patras sissembla ëtfliron céht moitiés, plu-
sieurs abbés, huit évéqùes , qui tinrett un conèllé dàtià le^tLéf le
pape, l'empérétlt et tous ceui qui voitâàieiit VHiâiHi furent anài-^
thématisés.
Michel n'abandtftîftait point le projet de là téunioli,' et âévli^ait
confie tous ceux qui s'y opposaient * ihâris là éévéHté ûë faibit
qtf allumet le fanatisme. Goiifàtantiùoplë était féta^e âë libéflëé
contre l'empereur : il fit publiei^ tine loi qui portait peiné ie iâân
coiftre ceux qui, ayant trotÉvé ttù libelle diffàïttatdirè, àii llëd de le
brûler, le liraient où le lalsse^ietit lire.
Cette loi tit'arféta ni là lieeàèe , tï là curiosité ', elle pottà dihé
tous les cœurs une haine implacable eoùti^é Ytitpéftéûtf et ti
* Fleury, 1. 85, n. 18.
> Reginald ad an. 127A> n. 00.
448 GUE
naître dans tous les esprits un grand mépris pour la msyesté im-
périale.
Ce fut dans ce temps de trouble qu^arri^èrent les nonces que le
pape ayait envoyés en Orient y après le concile de Lyon , pour y
consommer la réunion, et pour demander que les Grecs réformas-
sent leur symbole , et y ajoutassent les mots : FUioque.
L'empereur fut d'autant plus étonné de cette nouyelle demande,
que lorsqu'il s'était agi de la réunion des deux Églises, sous rem-
pire de Yatace , le pape Innocent IV avait consenti que les Grecs
continuassent de chanter leur symbole suivant l'ancien usage : il
comprit que s'il voulait satisfaire le pape, il courait risque d'une
révolte générale ; il refusa de faire dans le symbole le changement
que les nonces exigeaient : ils se retirèrent , et le pape excom-
munia l'empereur ^.
L'excommunication était conçue en ces termes : « Nous dénon-
» çons excommunié Michel Paléologue, que l'on nomme empereur
» des Grecs, comme fauteur de l'ancien schisme et de leur héré-
» sie, et nous défendons à tous rois, princes, seigneurs et autres,
» de quelque condition qu'ils soient, et à toutes les villes et corn-
» munautés, de faire avec lui, tant qu'il demeurera excommunié,
» aucune société ou confédération, ou de lui donner aide ou con-
» seil dans les affaires pour lesquelles il est excommunié. »
Martin IV renouvela cette excommunication trois fois , et elle
subsistait encore l'an 1282, lorsque Michel mourut, accablé de
chagrin et d'ennui.
Ândronic, son fils, annula tout ce qui avait été fait pour l'union :
il fit assembler un concile à Constantinople , dans lequel on con-
damna le projet de la réunion ; ce concile fut signé par quarante-
deux évéques.
Clément Y excommunia Andronic, et le schisme continua.
Michel ayant perdu son fils fît déclarer empereur Andronic le
jeune, son petit-fils, qui se révolta et l'obligea de quitter l'empire,
l'an 1328, quatre ans avant sa mort.
Andronic le jeune laissa deux fils, Jean et Manuel , dont l'atné
fut déclaré empereur à la mort de son père; mais comme il n'a-
vait alors que neuf ans , Jean Cantacuzène fut nommé son tuteur,
et protecteur de Tempire peqdapt sa minorité.
Cantacuzène remplit toutes les obligations de tuteur du prince
« L'an 1281,
GRE
et de protecteur de l'empire ; mai» le patriarche Joseph, qui pré-
Icndait que la charge de tuteur dti prince lui appartenait, rendit
Caniacnzène suspect \i l'impératrice : elle fit arrêter les parena du
protecteur, et lui eavoja ordre d'abdiquer sa charge,
Canlaouzène était ï la tête d'une armée qu'il conduisait contre
les Serviens : il reAiaa d'obéir ; les ofGciers l'engagèrent ï pren-
dre la pourpre ; il fut proclamé empereur , et obligea Jean Paléo-
loguc à partager l'empire avec lui.
Les deui empereurs ne purent régner en paix ; la guerre s'al-
lama entre etu ; ils appelèrent ù leur secours les Serviens , les
Bulgares, les Turcs, etc.
Durant ces troubles, les Turcs passèrent l'Hellespont et s'éta-
blirent en Europe , vers le milieu du quatorzième siècle. Amurat
prit ensuite plusieurs places fortes dans la Thrace, et s'empara
d'Audrinople , dont il fit le siège de son empire.
Les empereurs grecs seolireot alors combien ils avaient besoin
du secours des Lalius, et ils ne cessëreul de négocier pour pro-
curer la réunion de l'Égliae grecque et de l'Eglise latine ; i
trouvaient dans leurs sujets une opiniâtreté invincible-
Jean Paléologue, pressé par les Turcs, se soumit ï tout ce qu'Ur- i
bain V exigea de lui ; mais il n'obtint que de faibles secours ; son
Ris Manuel vint en Occident pour demander du secours contre
Bajaxet , qui avait mis le siège devant Constantin opte ; mais il
parcourut inutilement l'Ilalie , la France , l'Allemagne, l'Angle-
terre; il n'obtint que du roi de France Irès-peu de secours , de I
sorte qu'il devint ennemi des Latins , et écrivit c<
la procession du Saint-Esprit '.
Cependant l'empire grec touchait ï S3 ruine : Jean Paléologue 1
fut obligé de recommencer à négocier avec les Latins ; il
des ambassadeurs ï l'empereur Sigismond et au pape : il se rendit
même au concile qui devait se tenir à Ferrare , et qui fut trans-
féré ï Florence : il était accompagné du patriarche Joseph , d'un
grand nombre de prélals et de personnes considérables. Après
plusieurs conférences et beaucoup de difficultés, l'union fut enfla y
conclue.
Eji conséquence de cette union , le pape avait promis à l'erape- ]
is les ai
3t deux gal^ I
itpourla garde delà ville de Conslantînople ; â" que les galëret j
< Dup., lA' siicle, p, Sîi.
450 GRE
qdi porteraient les j^èlerinij JQSC(Q'à Jértëàlem irt^etii ICk>Astaii'
^fiople ; ?<* ^e quand Femfyerear àiïrait besotti âè viii^gt galères
|K>ar six mois, ou de dix pour un an, Te pape les hii fo^c^mirait ; 4«
que s'il avait besoin de troupes de terre , le pape sollicitéraîC for-
tement les princes chrétiens d'Occident de lui en'fouttiir.
Le décret d'union ne contenait aucuue erreur ; iF ne changeait
rien dans la discipline des Grecs ; il n'altérait en rien la morale ;
on y reconnaissait la primauté du pape , qu'aucune Église n^avait
jamais contestée : l'union procurait d'ailleurs un secours de la plus
grande importance pour l'empire de Gonstantinople; cependant le
clergé ne voulut ni accéder au décret, ni admettre aux fonctions
ecclésiastiques ceux qui l'avaient signé.
Bientôt on vit contre les partisans de l'union une conspiration
générale du clergé, du peuple, et surtout des moines, qui gouver-
naient presque seuls les consciences , et qui soulevèrent tous lés
citoyens, et jusqu'à h plus vile populace : ce soulèvement géné-
ral engagea la plupart de ceux qui avaient été k Florence à se
rétracter ; on attaqua le concile de Florence, et tout l'Orient con-
damna l'union qui s'y était faite.
L'empereur voulut soutenir son ouvrage ; on le menaça de l'ex-
communier , s'il continuait de protéger l'union et dé communi-
quer avec les Latins : tel était l'état d'un successeur de Constan-
tin-le-Grand.
Taudis que les Grecs se déchiraient ainsi , Amurat et Maho-
met II s'emparaient des places de l'empire et préparaient la con-
quête de Gonstantinople ; mais le schisme et le fanatisme comp-
tent pour rien la destruction des empires, et les Grecs regardaient
comme le comble de l'impiété d'hésiter entre la perte de Pempire
et le schisme.
L'indifférence des Latins pour l'état de l'empire grec n'est pas
moins inconcevable que le fanatisme des Grecs. Mahomet II sut
en profiter; il assiégea Gonstantinople, et s'en rendit mattre *,
De Vétat de V Église grecque depuis la prise de Constantinople.
Après la prise de Gonstantinople par Mahomet , le patriarche
George se réfugia en Italie, et les chrétiens qui restèrent à Gon-
stantinople interrompirent l'exercice public de la religion. Maho-
^ Ducas, c. 31,
6RE Uï
met en fat informé , et lenf eràamta dtf se cbtoîsîr ttH pgh^téhë ^
on élut Gennade. Le sultan le fit venir au palais , lui donna ttùt
crosse et un cheval blané y sor le^el Geiiinade se rendH à TégHse
des Apètres , oowdnit par leè évéqués et par ks premiers officiers
du sultan.
Lorsqne Gennadèfut arrité, le patriarche d*Héraelée Finstàlla
dans la chaire patriarcale , lui mit la nfain snr k tété et laf crosse
en main *.
Le patriarche de Gonstantin'oplé s'élit encore a«rjonr<f hni de
la même manière ; mais Télection n'a auicnne fo^ce sans Tagrè*
ment du Grand-Seigiietir, à ^ le patriarche va denrander si con-
firmation.
Les brigues des ecclésiastiqnes grecs , et les disputes <|ni arri-
vent très-souvent entre eux pour le patriarcat , ont câr^é'de grands
désordres dans leur Église , car pour obtenir cette dignité étài-
nénte il ne tant qxxé de Pargent : les ministres de la Porte dépo-
sent et chassent les j^aftrîarc^ff,' pour peu qtfoh leur ofiGre dfé Far-
gent pour en placer un ai^re.
Les patriarches ne se maintiennent doné stfT le^ siège <!pi*an
moyen des somnties immenses qctih donnent iiii. visîrs , <^i ôm
soin de susciter de tenip^ èh temps cfûelifcte compétiteur, afin d'av
voir un prétexte ^our demander de Fargent anf pàtriàrehe.
Le patriarche, pour payer ces contributions , lève de fosses
taxes sur les évéques, qui les lèvent eûi-m'émé^ sttt leâ fidèk^v et
dont ils retiennent une partie; en sorte (pie les éVêqnes étïx-mè'-
mes seraient très-fâchés que le patriarche de* Gonlstantinoplê ^$-
sédât paisiblement son Église K
Les patriafrches d'Antioèhe et de Jérusalem sent si patihnre?,
qu'à peine ^ûvetf(-3s s'entrétenit, et ils ont peu de considération.
L'ÉgKsegrecquen^est pas renfermée dans ces troi^ [Matriarcats:;
les Grecs ont uà patriarche à Alelandrie , et léis Moscovites soùt
encore aujourd^hiin attachés afux erreurs et an schisme (fes Grècs^:
voyez Fart. Mosgovtte».
Les évêques , aussi bien que l'es patriarche^ , Ate peuvent entrer
en fonction sans une commission ou baratz du Grand-Seigneur ;
c'est en vertu de cette côthihissîon que les couvents sôntprotégéif^
^ Oriens christ., t 1, p. ât^.
3 Hlst. de Fétat présent de FÉglise grecque, par Ricaut, €• 3| p. 9i.
Oriens Christ., loc cit.
453 GRE
qu*ils subsistent : voici comment ces commissions ou haraiz soi^
conçues :
€ L'ordonnance, le décret de la noble et royale signature du
grand état et du siège sublime du beau seing impérial qui force
tout Tuniters, qui, par l'assistance de Dieu et par la protection
du souverain bienfaiteur, est reçu de tous côtés, et auquel tout
obéit, comme il s'ensuit.
» Le prêtre nommé André SafQano , qui a entre ses mains ce
bienheureux commandement de Tempereur , est, par la vertu de
ces patentes du grand état , créé évoque de ceux de File de
Schio, qui font profession de suivre le rit latin.
> Le prêtre ayant apporté son ancien baratz pour le faire re-
nouveler , et ayant payé à notre trésor royal le droit ordinaire
de six cents aspres, je lui accorde le présent baratz comme une
perfection de félicité.
» C'est pourquoi je lui commande d'aller être évêque dans l'tle
de Schio, selon leur ancienne coutume et leurs vaines et inuti-
les cérémonies , voulant et ordonnant que tous les chrétiens de
cette île, tant grands que petits, prêtres, religieux et autres
faisant profession du rit latin, reconnaissent ledit André Saffîano
pour leur évêque; que, dans toutes les affaires qui relèveront de
lui et appartiendront à sa charge, on s'adresse à lui, sans se dé-
tourner des sentences légitimes qu'il aura rendues; que de
même personne ne trouve à redire que selon ses vaines et inuti-
les cérémonies il établisse ou dépose des prêtres ou des person-
nes religieuses, comme il jugera qu'ils l'auront mérité ; qu\au-
cun prêtre, aucun moine, ne présume de marier qui que ce soit
sans la permission de cet évêque , et tout testament qui sera fait
en faveur des pauvres églises , par quelque prêtre mourant,
sera bon et valide; que s'il arrive que quelque femme chré-
tienne de la juridiction de cet évêque quitte son mari , ou qu'un
mari quitte sa femme, personne que lui ne pourra ni accorder
le divorce, ni se mêler de cette affaire; enfin il possédera les
vignes , jardins, prairies, etc. *. j»
Les prêtres séculiers tirent leur principale subsistance de la
charité du peuple ; mais comme cette vertu est extrêmement re-
froidie, le clergé, pour subsister, est presque contraint de vendre
les mystères divins , dont il est le dépositaire : ainsi on ne peut
« Ricaut, ibid.
GRE J63
.r one abiolulion, ni être admis à la confessîoD , ni faire
baptiser ses eofaos , ni entrer dans l'élal de m»riage, ni se séparer
de 9» remme, ni obtenir l'eicommunication coDtrean autre, ou la
communion pour les malades , que l'on ne soîl convenu du prix,
ei les prêtres font leur marché le meilleur qu'ils peuvent '.
Des jeûnes de» Gr«*.
Les Grecs ont quatre grands jeûnes ou carêmes : le premier
commence lelS novembre, ou quarante jours avant Noël ; le se-
cond est notre carême ; le troisième est le jeûne qu'ils appellent
le jeune des sainls apAtres et qu'ils observent dans la pensée que
les apâtres se préparèrent par la prière et par le jeûne il annoncer
l'Évangile ; il commence dans la semaine après la Pentecôte et
dure jusqu'à la saint Pierre ; le quairiÈme commence le premier
août, el dure IS jours.
Jlja, outre ces carêmes, d'autres jeûnes, et ils observent tous
ces jeûnes avec beaucoup d'exactitude; ils eslimenlque ceux qui
violent sans nécessité les lois de l'abstinence se rendent aussi cri-
minels que ceui qui commettent un vol ou un adultère ; l'éduca-
tion et l'habitude leur donnent une si haute idée de ces jeûnes,
qu'ils ne croient pas que le christianisme puisse subsister sans
leur observation. Ils croient qu'il vaut mieux laisser mourir un
homme que de lui donner un bouillon de viande. Après que le ca-
r£mc est passé, ils s'abandonnent entièrement à la joie et au di-
vertissement.
De la doctrine de f Église grecque.
L'Église grecque professe tous les dogmes que l'Église latine j
professe ; on en trouvera des preuves convaincantes dans diiTércuB i
MU.RicautetSmîih «connaissenicetleconlormité de croyance ^
des Grecs avec celle des Latins : le dernier reconnaît qu'il
imme les Latins, sept sacremens, maïs il prétend que les Grecs j
* Ricaul, ibld.
' Pelri Arcudii concordia Eccleslœ orientalis et oecIdcntalU) Alla-
I, de Eccleiix occïdenlalis et orienlalis perpétua consensione. Cen-
ra orientât]* Ecclesisc , tie pniKipuis noslri sœculi hxrcticorum dog-
iBalibun. Perpei. de la Toi, i. 5, 1. S. Iticuut, lue, cil, Stuilb, De slatv 1
" iilierno Ecclcsiîc grîPca',
1
I
454 GttË
se tout écartés de la doctrine dé rânciemië %l!sé grèc(iîf « , et
qu'ils ont pris les idées des Latins sur tes objets.
M. Smith avance ces choses sans ittttité pteû^rë et c!ontrëk tA^
rite: 1" parce que les liturgies grecijucs supposeiit que les sept
sacremens Cdnfèrent la grâce ; 9" parce que les Père^ grecs qui
ont précédé le schisme parlent des sept sacremens comme TÉglise
latine; 3" parce que Photius et Gérularius n'ont jamais reproché
aux Latins de différence avec FÉglise grecque sur les sidremens,
ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire s'il y en avait m quel-^
qn'nne : pensera-t*on que des gens qui se séparaient dé FËglise
latine parce qu'elle jeûnait les samedis et parce qà'dllcf ne chan-^
taltpasil/l^ltiia pendant le carême, pensera-t-on, dis-je, que ceê
schismatiques eussent manqné de reprocher à l'Église rcrtnainé ëâ
doctrine sur les sacremens , si l'Église grecque n'avait pAS eu snf
cet objet la même doctrine ? N'aurait-on vu MCiUnè dispute HAtte
les Grecs et les Latins sur cet objet ? à*" enfin , lés Gtëc& moi-
nes, qui admettent sept sacremens comme les Ljttîns, sbti poèr-
tant demeurés dans le schisme ; ils y persévèrent : ce n'est donc
point par complaisance pour les Latins qne les Gl-^cs ârdmettent
sept sacremens , comme M. Smith l'a prétendu.
Le point de conformité entre l'Église grecque et l'Église ro-
maine qui a fait le plus de difficulté^ c'est la croyance de là pré-
sence réelle et de la transsubstantiation.
L'auteur de la Perpétuité de la foi avait avancé qu'au temps àè
Béranger et depuis toutes les Églises chrétiennes étaient tttAts
dans la croyance de la présence réelle ; M. Claude nia ce fait et
soutint que la transsubstantiation était inconnue à toute la terre ,
à la réserve de FÉglise romaine, et que tï les Grecs, ni lels Ar-
méniens , ni les Jacobites , ni les Éthiopiens, ni en général a£tcnns
chrétiens, hormis ceux qui se soumettaient au pape, ne croyaient
ni la présence réelle, ni la transsubstantiation *.
L'autenr de la Perpétuité de la foi répondit à M. Claude, qui
défendit les preuves qu'il avait données sur la croyance des Grecs,
et l'auteur de la Perpétuité de la foi réfuta la réponse de M. Claude '.
Enfin, les savans auteurs de la Perpétuité de la foi portèrent
^ Réfutation delà réponse d'un ministre, à la suite de ce qu^on ap-
pelle communément la petite perpétuité de la foi , p. 464* Claude,
rép. la Perpét, a« part., c 8. Rép. M. Claude, 1. 1. c 6, etc.
a Perpét, de la foi, t. i, 1, 2, 3, A, La créance de l'Église grecque
Q^E 455
jusqu^à la démonstration la conformité de la croyance de TÉgUse
grecque avec TÉglise latine sur la présence réelle , en produisant
une foule d'attestations des archcTéques, des évéques, des abbés
et des moines grecs , soit en particulier, soit dans les synodes te-
nus par le patriarche. Le Père Paris, chanoine régulier de Sainte-
Geneviève, prouva très-bien la même chose, ainsi qiieM.Simon.
M. Claude ne fut point convaincu par ces attestations, et il
écrivit au chapelain de Tambassadeur d Angleterre pour s*assurer
de la vérité de ces attestations. M. Gonel , chapelain de T ambas-
sadeur, lui répondit que les Grecs croyaient la présence réelle ;
mais il se consola de cet aveu forcé en reprochant aw^ Grecs beau-
coup d'ignorance *•
M. Smith , chapelain du chevalier Harvey, à Constantinople ,
en 1668, reconnaît la même chose , et prétend que cette confor-
mité de la croyance actuelle des Grecs n'est pas un triomphe pour
les catholiques, puisque la croyance de la présence réelle est un
dogme que les Grecs ont pris dans les écoles des Latins ^.
Mais comment M. Smith nous persuadera-t-il que la croys^nce
de la présence réelle est chez les Grecs l'effet de la séduction des
Latins , lui qui nous apprend , dans le même endroit , que les
Grecs sont si attachés à la doctrine et aux coutumes de leurs an-
cêtres qu'ils regardent comme un crime le plus léger changement
dans ce qui regarde l'eucharistie , et qui , en conséquence de cet
attachement, ont conservé l'usage du pain fermenté dans l'eucha-
ristie?
Groira-t-on que les Latins aient pu faire passer les Grecs de la
croyance de l'absence réelle à la croyance de la présence réelle ,
sans que ce changement ait causé aucune contestation chez les
Grecs , qui n'avaient point eu commerce avec les Latins ? Pour-
quoi , lorsque le patriarche Cyrille , séduit et gagné par les Pro-
testans , proposa aux Grecs la croyance de Calvin ; pourquoi, dis-
je, tous les Grecs se soulevèrent-ils contre lui ?
Mais , dit M. Smith , cette croyance est si moderne chez les
Grecs que le mot metotniosis, qui signifie tranuubftantiationf est
défendue par le P. de Paris, 2 vol. in-i2, Hist. crit. de la créance des
nations du Levantt
* Mémoires littéraires de la Grande-Bretagne, t. 9, p. 13i. Créance
de rÉglise orient., par Simon.
2 3milli, loc. cit., p. 102,
456 &ilË
un mot qu*on ne trouve que chez les Crées modeméé , et incôoSft
même au temps de Gennade , qui fut patriarche après la prise de
Gonstantinople.
On conyieut que le mot melomiosis ne se trouve ni dans les Pè-
res ni dans les liturgies, ni dans les symboles; mais la chose qu*il
signifie s^y trouve: il en est de ce mot comme du mot omausianf
que rÉglise a employé pour signifier plus clairement la divinité du
Verbe , et pour exprimer mieux qu*il existait dans la même sub-
stance dans laquelle le Père existait.
A regard de Gennade , il s'est servi du mot metousiosis, et ce«
pendant ce Gennade était un des plus grands ennemis des Latins.
Ges deux points ont été prouvés par Simon et par M* Tabbé Renau-
dot, qui ont très-bien relevé les méprises de H. Smith, surtout à
regard de Gyrille Lucar, dont les Galvinistes ont tant vanté la
confession ou profession de foi *.
Gyrille Lucar était natif de Gandie ; il avait eu des relations as-
sez étroites avec les Galvinistes ; il avait adopté leurs sentimens. A
force d'intrigues (pour ne rien dire de plus), Gyrille se fit nommer
patriarche de Gonstantinople ; alors il fit une confession de foi
toute calviniste *.
Hottinger fit imprimer cette profession de foi , et triompha ;
mais les Luthériens, et, parmi les Galvinistes, Grotius et Aubertin,
ne la regardèrent point comme la confession de foi de TÉglise
grecque , mais comme la confession de foi de Gyrille seul ; et il
est certain que ce patriarche ne la communiqua point à son clergé,
et qu'elle fut réfutée parles Grecs et rejetée comme contenant une
doctrine contraire à la croyance de TËglise grecque.
Gyrille lui-même l'avait si peu donnée comme la confession de
l'Église orientale, qu'en l'envoyant il déclare qu'il déteste les er-
reui's des Latins et les superstitions des Grecs, et prie M. Léger
d'attester qu'il meurt dans la foi de Galvin 3.
Est-ce ainsi que parlerait un patriarche de Gonstantinople qui
aurait proposé à son Église la confession de foi qu'il envoyait?
Dcclarerait-il qu'il déteste les erreurs des Grecs , s'il était vrai
que cette profession eût été approuvée par l'Église grecque ? Les
^ Perpétuité de la foi, t. 4, 1. 5, c. 1, p, 345, Simon, Créance de
rÉglise orient.
2 Perpétuité de la foi, t. 1, 1. A, c 6, p. 299.
* Holting., Analect., p, 303.
GRE J3Î
Calviûstes peuvent-iU drer de celte confession aucun araniai^e,
sinon de prouver que Cjrille était Calviniste et avait une doctrine
opposé* Ji celle de son EgUsef
Cyrille de Bërée, qui succéda à Cyrille Lucar, pour réparer
riioaneur de l'Église grecque , ilétrie eu quelque Borte par l'apos-
tasie de son prédécesseur et par la proression de fui qu'il avait
ruussemeni publiée sous le nom de l'Église grecque , assembla un
concile o<i se trouvèrent les palriarchesde Jérusalem et d'Alexan-
drie, avec vingt-trois des plus célèbres évêques de l'Orient et
tous les ofticiers de l'Ëglise de Coustantinople. On eiamina, dans
ce synode, la confession de foi de Cyrille Lucar, et on prononça
anathème ï sa personne et ï presque tous les points de sa confes-
sion, et surtout sur ce qu'il avait enseigné que le pain et le vin ne
sont point changés au corps et au sang de Jésus-Christ par la bé-
nédiction du prêtre et l'avènement du Suint-lCsprit '.
Cyrille de Bérée fut chassé quelque temps après par Parlhénius,
qui se fit reconnaître patriarche de Constantinople; jamais homme
n'eut moins d'intérêt de maintenir les décrets de Cyrille de Bérée
que Parthénius ; il avait, au contraire, un grand intérêt il le faire
passer pour un hérétique , aGn de jusiiSer l'expulsion de ce pa-
triarche : cependant, aussitôt que Parthénius fut établi sur le siège
patriarcat, il assembla un concile de vingt-cinq évéques, entre les-
quels était le métropolitain de Moscovie , et là , après qu'on eut
examiné de nouveau les articles de Cyrille Lucar, ils furent con-
damnés par le jugement de tous les évéques , comme ils l'avaient
été dans le concile assemblé par Cyrille de Bérée.
Que l'on juge, après cela , ai Cyrille Lucar est regardé par lei
Grecs comme un martyr, ainsi que le soutiennent UU. Claude ,
Smith, Aymon, etc. *.
Enlin Dosiibée, patriarche de Jérusalem, et plusieurs métropo-
litains , évêques et autres ecclésiastiques de la communion grec-
que, étaient assemblés ù Bethléem il l'occasion de la dédicace
d'une nouvelle église ; M. de Nointel , ambassadeur de France k
Constaniinople, lil proposer à cette assemblée d'examiner la vérité
des preuves que UH. de Port-Royal avaient données dans la Ptr-
péluiU de la foi sur la conformité de la croyance des Grecs et des
.a par rapport à la transsubstantiation. Le patriarche de ié-
I Perpétuité de la fui, I. 1, I. i, c, T.
L* Vose: \Vl Perpil. t'elafoii t. 1, I. l;l. i, I. 9.
1
I
4&8 G&E
nisalem et les autres prélats reconnurent que la eonfessioik de foi
de Cyrille Lucar ne contenait point la doctrine de TÉglise d*Orient,
et condamnèrent la doctrine des Calvinistes *.
Les plus habiles Protestans, tels que Smith, Àlliz, reconnais-
saient Tauthenticité de ce synode, que Ton ne peut regarder
comme une assemblée de Grecs latinisés, puisque Dosithée était
un des plus grands ennemis des Latins '•
L'examen du concile de Jérusalem feit une grande partie du
gros in-8« qu'Aymon a fait sous le titre imposant de Monumem
authentiqua de la religion dei Grecs.
Cet ouvrage n'est que la répétition de ce que Mil. Claude ,
Smith, etc., ont dit, et que lili. Simon, Renaudot, le P. de Pa-
ris Génovésain avaient déjà réfuté >•
Quelque peu dangereux que soit Vouvrage du sieur ÂynM>n , H
a été réfuté dans un ouvrage fait exprès par M. Tabbé Renaudot,
que nous avons indiqué.
De l'autorité du clergé tur le peuple.
Les Grecs ont un respect extraordinaire pour le clergé; ils se
soumettent à leurs ecclésiastiques, soit dans les choses spirituelles,
soit même dans les temporelles : le métropolitain décide sur toutes
leurs contestations, conformément à ce que dit saint Paul : a Quand
» quelqu'un de nous a un différend avec un autre, ose-t-il bien
» aller en jugement devant les iniques et non point devant les
» saints? »
La crainte de Texcommunication est le plus puissant motif pour
les faire obéir; elle fait une si forte impression sur leur esprit,
que les pécheurs obstinés et eudurcis tressaillent lorsqu'ils en-
tendent une sentence qui les sépare de l'unité de TËglise , qui
rend leur conversion scandaleuse, et oblige les fidèles k leur re-
fuser même ces secours de charité que le christianisme et l'hu-
' On trouve les extraits de ce concile, Perpétuité de la foi, t. 3,
1. 8, c. 16 ; Toriginal fut envoyé au roi Louis XIV, et déposé dans la
bibliothèque du roi, où il fut volé par le sieur Aymon. Voyez la dé*
feiise de la Perpétuité de la foi contre les calomnies d*un livre intitulé:
Monumeus authentiques, in-8°. Cet ouvrage est de Tabbé Kenaudot« ,
^ Smith Miscellanea. Allix, notes sur Nectaire.
* Nous avons déj^ indiqué ces ouvrages.
GRE 459
manité commandent de donner généralement à tous les hommes.
Ils croient , entre autres choses , que le corps d'un excommu^
nié ne peut jamais retourner dans ses premiers principes que
la sentence d'excommunication n'ait été levée : ils croient qu'un
démon entre dans le corps des personnes qoi sont mortes dans
l'excommunication et qu'il le préserve de k corruption en l'ani^
mant et en le faisant agir à peu près comme l'âme anime et fait
agir le corps. Ils pensent que ces morts excommuniés mangent
pendant la nuit , se promènent , digèrent et se nourrissent : ils
ont sur cela toutes les histoires qu'on raconte des vampires.
Les Grecs mettent si souvent l'excommunication en usage ,
qu'il semble qu'elle devrait avoir perdu sa force et devenir mé-
prisable; cependant la crainte de l'excommunication ne s'est
point affaiblie ^ et la vénération des Grecs poilr les arrêts de leur
Église n'a jamais été plus grande : ils sont entretenus dans cette
soumission par la terreur qu'inspirent les termes de la sentence
d'excommunication , par la nature des effets qu'ils sont persua-
dés qu'elle produit, effets dont les prêtres grecs les entretiennent
sans cesse et dont personne ne doute *. .
C'est par cette terreur que le clergé retient irrévocablement le
peuple dans le schisme f et qu'il lève sur lai les contributions
qu'il est obligé de payer aux visirs : ce clergé schismatique a
donc un grand intérêt à entretenir le peuple dans one ignorance
profonde et dans la terreur des démons : voilà les fondemens dé
leur excessive autorité.
De quelque» opinions et tuperstilions des Grecs.
Lorsque les Grecs posent les fondemens d'tili édifice , le prétfè
bénit l'ouvrage et les ouvriers ; après qu'il est parti , ils tuent uù
coq ou un mouton et enterrent le satïîg sou^ lâ |iremiéte pierre;
ils croient que cela attire le bonheur sur la maistffi.
Quand ils veulent du mal à quelqu'un , ils prennent ta mesute
de la longueur et de la largeur de son corps avec du fil ou avec uii
bâton , et la portent à un maçon ou à un menuisier, qui va poser
les fondemens d'une maison ; ils lui donnent de l'argent pour en-
fermer cette mesure dans la muraille ou dans la menuiserie , et
ne doutent pas que leurs eiinemis ne meurent lorsque le fil oti le
bâton seront pourris.
^ Ricaut, État présent de l'Église grecque.
460 GRE
Ils croient fortement que, le 15 août, jour de rAssomption ,
toutes les rîyières du monde' se rendent en Egypte : la raison de
cette opinion est qu'ils remarquent que yers ce temps toutes les*
rivières sont basses, à la réserve du Nil qui inonde alors TÉgypte :
ils croient que les débordemens du Nil sont une continuelle béné-
dictibn du ciel sur TÉgypte , en récompense de la protection dont
le Sauveur du monde et sa mère y jouirent contre la persécution
d*Hérode.
Les Grecs, aussi bien que tous les peuples du Levant, croient
encore aux talismans. Les sauterelles font de grands ravages à
Alep ; on y voit des oiseaux que les Arabes nomment êmirmûr^
qui mangent et détruisent beaucoup de ces sauterelles; les Grecs
ont, pour attirer ces oiseaux, une espèce de talisman ; ils envoient
chercher de Teau d'un lac de Samarcande , et ils croient que cette
eau a la vertu d'attirer lesmirmor: voici comment Ricaut raconte
cette cérémonie.
La procession commence à la porte de Damas, qui est au midi ;
chaque religion et chaque secte y assiste avec les marques d'une
dévotion extraordinaire, suivant ses propres usages, et faisant
porter à sa tète l'enseigne de sa communion ; ainsi l'on voit suc-
cessivement paraître la Loi , l'Évangile et l'Alcoran : chacun
chante des hymnes à sa façon ; les mahométans y sont avec plus
d'éclat que les autres ; ils ont environ cent belles bannières de
leur prophète, portées par des schaighs , qui , à force de hurler,
jettent Técume par la bouche et deviennent furieux.
Dans une de ces processions , il y eut une dispute entre les
chrétiens et les juifs pour la préséance ; les juifs la prétendaient
par droit d'ancienneté; mais les mahométans jugèrent en faveur
des chrétiens parce qu'ils étaient plus gens de bien que les juifs,
et qu'ils payaient plus qu'eux pour l'exercice de leur religion.
L'eau ne peut passer sous aucune arcade; ainsi, lorsqu'on est
arrivé à Alep, on tire cette eau par dessus les murailles du châ-
teau, et de là on la pose dévotement dans la Mosquée ^.
Des points de doctrine ou de discipline qui servent de prétexte au
schisme des Grecs,
Trois points principaux séparent aujourd'hui les Grecs des I<a-
tins : 1» ils condamnent l'addition que l'Église latine a faite au
^ l^icaut, ihid,
GRE 46f
symbole de Gonstanlinople, pour exprimer que le Saint-Esprit
procède du Père ; 2» ils ne veulent pas reconnaître la primauté
du pape ; 3° ils prétendent qu^ou ne peut consacrer avec du pain
azyme. Nous avons réfuté le premier chef à l'article Macédonius ;
nous allons faire quelques réflexions sur les deux autres.
De la primauté du pape.
L'Église est une société ; elle a des lois , un culte , une disci-
pline , des ministres pour les enseigner, un ministère pour les
faire observer, un tribunal pour juger les controverses qui s'élè-
vent sur la foi , sur la morale et sur sa discipline : telle est l'Église
que Jésus-Christ a instituée.
Il faut , dans une société telle que l'Église , un chef; et Jésus-
Christ, en fondant son Église , lui donna pour chef saint Pierre et
ses successeurs.
Les Pères et les conciles ont , dans tous les temps , reconnu
cette vérité , et l'on en trouve la preuve dans tous les théolo-
giens.
11 n'est pas moins certain que l'évéque de Rome est le succes-
seur de saint Pierre et que c'est à ce successeur qu'il a transmis la
primauté de l'Église. Tous les Pères le reconnaissent , et dans
tous les temps on s'est adressé à l'évéque de Rome comme au
chef de l'Église : il en a exercé les fonctions par lui-même ou
par ses légats dans tous les siècles ; on en trouve la preuve dans
les conciles généraux et dans la condamnation de toutes les hé-
résies.
Les Grecs eux-mêmes n'ont jamais contesté cette primauté avant
le schisme : l'histoire ecclésiastique fournit mille exemples de
l'exercice de la primauté du pape sur le siège de Constantinople.
Saint Grégoire dit expressément : « Qui doute que l'Église deCon-
» stantinople ne soit soumise au siège apostolique? L'empereur et
» l'évéque de cette ville l'annoncent sans cesse *. » ^
Les papes ont même exercé cette primauté sur Photius, comme
on peut s'en assurer dans son article.
La primauté du pape était également reconnue dans le patriar-
cat d'Antioche , d'Alexandrie et de Jérusalem. Timothée , arche-
vêque d'Alexandrie, fut repris par le pape Simplicius de ce qu'il
< Greg., Ép.,p. 941.
39*
462 ORE
avait réeité le nom de Dioscore dans les dypik|ttes , et Timothée
en demanda pardon au pape ^ .
Lorsque Gérularius se sépara de TÉglise d'Occident , il fit tous
ses efiorts pour engage Pierre d^Antioche dans son schisme ; mais
Pierre soutint la primauté du pape contre Gérulariu» ^.
Toute rÉglise d'Afrique reconnaissait aussi la primauté du
pape ; on le Toit par rkistoire des Donatistes et par celle des Pé-
lagiens : saint Grégoire fournit mille exemples d'actes de primauté
exercés sur TAfrique ^.
Les premiers réformateurs , dans le commencement de leurs
contestations, reconnaissaient la primauté èa pape. Jean Ha»,
condamné par Farchevéque de Prague, en appek au sïège apos^
tolique ; Jérôme de Prague approuva te jugement àa concile de
Constance sur les articles de Wiclef et de Jean Hus *.
Luther, au commencement de son schisme , traitait de calom-
niateurs ceux qui l'avaient voulu décrier auprès de Léon- X : Je
tte jette à vos pieds , dit-il , danis la disposition d'écouter Jésus-
€&risl qur pairie piarvous K
Il le prie de l'écouter comme une brebis commise à ses soins;
îk preiestie qu'il< recomiaft le suprême pouvoir de l'Église romaine,
et il aroue que de tous lés temps les papes ont eu le premier rang
dems TÉgrise ®.
Zuingle avoue qu^il était nécessaire qu'il y eût un chef dans
rÉglise \
M élanchton consentit qu'on laissât au pape son- autorité, et il* re-
connaissait qu'elle pouvait être utile *.
Henri Vlll, roi d'Angleterre, défendit d'abord contre Luther h
primauté du pape et de FÉglise romaine. Léon X hii* avait donné
le titre de défenseur de la foi ®.
Grotius prétend que l'évêque de Rome doit présidter sur toute
^ Conc, t A, p. 1031.
^ Benery, Pandect., t. 1, p. 154.
» Ibid, t. 2, p. 561, 611, 694, 916, 976 ; t, 4, p. 142 , 1186, 1198.
Traité de raulorité des papes, 1. 1, 1, 1, c. 3, 4^
* Conc, U 12, p. 164,
«Luth., Op., t. 1, p.l01.
« Ibid, p. 285, t. 7, p. 4.
7Z'uingle,0p., t. 1, p. 27.
8 Ibid., t. 4, p. 825.
^ Raynald, ad au. 1521, ii. 74.
GRE 469
rÉglise; Texpérience a , selon Im, eonfinné qs'im elKef éuitfié-
eessaire dans FËglise pour 5 cdnserrer TicAhè : il assure que Mé^
lanchtou et Jacques 1«% roi de la Grande-dretagne, ont reconnu
cette vérité.
Gretius se fait jxvm dilBcuhié , et dît : Mais le pape ue peut- il
pas abuser de son pouvoir ?
11 ne faut pas lui obéir, répond Grotius , lorsque ses comman-
démena sont contre les canons; mais il ne faut pas pour cela nier
son autorité ni refuser de lui obéir lorsque ses comKiandemens
sont justes : si on avait fait attention à ce que nous venons de dire,
contînue-t-il, nous aurions une Église réformée et unie^.
Le clergé de France et toutes les universités du royaume re-
connaissent la même vérité, sans cependant croire que le pape
soit infaillible ou quHl ait aucun pouvoir sur le temporel des rois.
La primauté du pape dans l'Église est une primauté d'honneur
et de juridiction ; c'est à lui de faire observer les canons de TÉ-
glise par tout le monde , de convoquer des concfles et d'excom-
munier ceux qui refusent d'y comparaître.
Quoique les décisions du pape ne soient pas infiaillibles , elles
doivent cependant être d'un grand poids , et elles méritent beau>-
coup de respect. Le pape peut faire de nouvelles tois générales
et les proposer à l'Église; mais elles n'ont force de loi que par
l'acceptation : le clergé de France reconnatt que ces droits sont
l'apanage de la primauté, et que le pape a cette primauté de droit
divin : je ne sais comment on a pu reconnaître la primauté et
contester ce dernier point *.
Le clergé de France reconnaît encore que le pape est métropo-
litain et patriarche dans son diocèse , qu'il a des prérogatives par-
ticulières et une puissance temporelle sur ce qu'on nomme Fétat
ecclésiastique ; mais on reconnaît qu'il a acquis ce» choses et
qu'il ne les a pas de droit divin ; qu'il est inférieur au concile
œcuménique , qui peut le déposer ; qu'il ne peut déposer les évê-
ques, ni absoudre les sujets du serment de fidélité envers le
roi *.
Les théologiens ultramontains ont bien d'autres idées de la pri-
« Grot., t. 5, p. 617, 641, 648.
2 Voyez BeW^rm., De summo pontif. Melchior Ganus, De loc theol.,
!• 6. Dupin, Diss. de antiqu Ecles, disciplinA, Defensio deri gallicani,
^ Defens. cleri gallicani.
464 GRE
mauté du pape; on a recueilli tous les ouvrages faits pour défen-*
dre les prétentions de la cour de Rome , et cette collection com-
pose vingt-un volumes in-folio ^ .
Ces prétentions ont été fortement combattues par les théolo*
giens français : il suffit de lire la défense du clergé de France.
De l'usage du pain azyme dans Veucharistie,
Les Pères ont tous reconnu que Jésus-Christ se servit du pain
azyme dans la dernière cène en instituant Teucharistie : nous
n*examinons point ici si Jésus-Christ fit en effet la dernière cène
avec les Juifs , ou s'il prévint le temps des azymes ; nous concluons
seulement , du témoignage unanime des Pères , quUls ont cru
qu*on pouvait consacrer Feucharistie avec du pain azyme.
Cependant Texemple de Jésus-Christ n'a pas été une loi qui ait
obligé nécessairement TÉglise à se servir de pain azyme dans la
consécration de Feucharistie, Jésus-Christ ne s'en étant servi que
par occasion , à cause qu'il n'était pas permis aux Juifs d'user
d'autre pain pendant la Pâque , et il y a beaucoup d'apparence
que les apôtres se sont servis indifféremment de pain levé et de
pain azyme.
Il paraît que les saints Pères, qui ont établi les premiers la dis-
cipline dans l'Église, étant persuadés que Noire-Seigneur s'était
servi de pain azyme dans l'institution de l'eucharistie, ont ordonné
qu'on s'en servirait à la messe pour garder Tuniformité, et que les
Grecs, au contraire, croyant n'être point obligés de s'arrêtera une
chose qui ne venait que d'une pratique de la loi judaïque , avaient
mieux aimé se servir du pain levé.
11 n'est pas bien aisé de décider si chaque Église a toujours été
dans l'usage où elle est encore aujourd'hui; mais il est certain
que l'usage du pain azyme est très-ancien dans l'Église latine ,
qu'il y était généralement établi avant le schisme de Photius , et
qu'on n'avait jamais blâmé l'Église latine ^.
On ne trouve rien daos l'Écriture, ni dans la tradition , ni dans
les Pères , ni dans les liturgies , qui condamne l'usage du pain
azyme. 11 est certain , d'ailleurs , que le pain azyme peut être la
matière de l'eucharistie aussi bien que le pain levé; enfin, l'Église
* Bibliol. pontificia.
2Mabillon, loco citato* Giampinl, Conjectura de perpeiuo azymo-
rum usu, Rom., in-4%
HEM 465
latine, en conservant le pain azyme , ne condamne point les Grecs
qui se servent de pain levé : ainsi', Fasage de TËglise latine , par
rapport au pain azyme , ne pouvait être une cause légitime pour
se séparer de sa communion ^.
Les Grecs modernes ont écrit pour justifier leur schisme. Scy-
ropule, porte-croix de TÉglise de Gonstantinople, a fait une his-
toire du concile de Florence , dans laquelle il se déchaîne contre
rËglise romaine. M. Greygthon , chapelain du roi d'Angleterre ,
Ta traduite en latin , avec des notes , et y a mis une longue pré-
face : le traducteur surpasse son auteur en invectives contre TË-
glise romaine ; il a été réfuté par M, Alassi , garde de la biblio-
thèque vaticane.
M. AUix a aussi traduit du grec la réfutation que Nectaire a faite
de Tautorité du pape , sous ce titre : Beatissimi et sapientistimi
magnœ et sanctœ urbis Jérusalem patriarchœ domini Nectarii re-
fUtatio thesium de papœ imperio, quas ad ipsum altulerunt fratres
qui Hyerosolymœ agunt : t»-8°, 1702.
Le P.leQuien, sous le nom de Stephanus de Altimura, a réfuté
Nectaire , dans le livre intitulé : Panoplia advenus schisma Grœ-
eorum: Paris, tn-4<'.
H
HËLYIDIUS était un Arien qui avait à peine la première tein-
ture des lettres ; il fit un livre contre la virginité de la sainte
Vierge : il prétendait prouver, par TÉcriture, que Jésus-Christ avait
eu des frères : les sectateurs de cette erreur furent appelés Anti-
dicomnrianites ^.
HEMATITES : saint Clément nomme ces hérétiques , sans ex-
pliquer quelle était leur hérésie *.
Spencer a cru que ces hérétiques étaient ainsi appelés parce
qu*ils mangeaient des viandes suffoquées ou consacrées aux dé-
mons; d^autres pensent quMls ont eu ce nom parce qu*ils ofiraient
du sang humain dans la célébration des mystères ^.
^ AUatius in Robert, Creygthonis apparatum ; Sirmond, Disquisît. de
azymo; Bona., 1. 1, c. 23. Liturgiarum. Mabill. Praef. in saec, 8,
Ordinis Benedict. Lupus , t. 3. Scbol. in decr. conc de actis Leonis
papae, 9, c. 7. Natal. Alex, in «se. il et 12.
2 Hyeron. cont. Helvid. Aug., Hxr. 84* Epipb., Haer. 78*
s Oem. Alex., I. 7 Slrom.
4 Spencer, Pissert, ad ^ct», cap. i5, v, 20*
'466 HEN
HENRY DE BRUYS était un ermite qui adopta ^ au eommea-
oement du onzième siècle , les erreurs de Pierre de Bruys. Voyez
cet article.
Il niait que le baptême fût utile aux enfans; il condanmait Tu-
sage des églises et des temples , rejetait le culte de la croix » dé-
fendait de célébrer la messe et enseignait qu*il ne fallait point prior
pour les morts.
11 ayait reçu cette doctrine de Pierre de Bruys » qui Tayait pré-
ohée en Provence et qui en avait été chassé à cause de ses dérè-
glemens. La violence que Pierre de Bru]fs avait employée pour
établir sa doctrine ne lui avait pas réussi ; il avait été brûlé à
Saint-Gilles.
Henri, pour se faire des partisans , {urit la route de Vinaiikuation
et de la singularité : il était encore jeune ; il avait les cheveux
courts et la barbe rase; il était grand et mal habillé ; il marehail
fort vite et pieds nus , même dans la plus grande rigueur de Thi-
ver ; son visage et ses yeux étaient agités comme une mer ora-
geuse ; il avait Tair ouvert, la voix forte et capable d'épouvanter;
à vivait d'une manière fort différente des autres ; il se retirait
ordinairement dans les cabanes des paysans , demeoniH le jour
sous des portiques , couchait et mangeait dans des lieux élevés
et à découvert : il acquit bientôt la réputation d'un grand saint ;
les dames publiaient ses vertus et disaient qu'il avait l'esprit de
prophétie pour connaître l'intérieur des consciences et les péchés
les plus secrets.
La réputation de Henri se répandit dans le diocèse du Mans ;
on le supplia d'y aller, et il y envoya deux de ses disciples qui
furent reçus du peuple comme deux anges. Henri s'y rendît en-
suite , fut reçu avec les plus grands honneurs et obtint de Févé-
que la permission de prêcher et d'enseigner.
On courut en foule à ses prédications , et le clergé exhortait le
peuple à y aller.
Henri avait une éloquence naturelle et une voix de tonnerre ;
il eut bientôt persuadé qu'il était un homme apostolique , et
lorsqu'il fut sûr de la confiance du peuple , il enseigna ses er-
reurs.
Ses sermons produisirent un effet que l'on n'attendait pas : le
peuple entra en fureur contre le clergé et traita les prêtres , ks
chanoines et les clercs comme des excommuniés : on refusait de
rien vendre à leurs domestiques ; on Youlait abattre leurs maisonS}
HEH 48T
[hUw iMirs biens et les lipîder ou les pendre, Quelque»-uiii forent
irninéa dans la boue et battus cniellemeni.
Le chapitre du Hans défendit à Henri , soua peine d'eiCDuunu-
nicadoD, de prêcber ; mais ceux qui lui uotifièreni celte sentence
furent maltraitas, el il continua ses prédications jusqu'
de l'évêque Hildebert , qui était allé ï Rome.
Ce ne fut point en réfutant les erreurs de Henri que Hildebert
arrêta le désordre ; il conduisit ce prédicant devant le peupli
lui demanda de quelle profession il était : Henri, qui n'entendait
pas ce mot, ne répondit point ; Hildebert lui demanda alors quelle
chaire il avait dans l'Ëglise ; Heari répondit qu'il était diacre.
Hildebert lui demanda s'il avait assisté ï l'oflice ; Henri répon-
dit que non ; eh bien 1 dit l'évêque, récitons les hymnes qu'on
chante à Dieu ce matin ; Henri répondit qu'il ne savait point l'of-
fice qu'on disait chaque matin : alors l'évfique commença i chan-
ter les hifinoes ï la sainte Vierge. Henri ne les savait pas; il de-
vint interdit et confus : il confessa qu'il ne savait rien , mais qu'il
s'était étudié è faire des discours au peuple. Hildebert lui défen-
dit de prêcher, et lui ordonna de sortir de son diocèse. Henri
quitta le Mans et passa dans le Fijrigord , parcourut le Langue-
doc et la Provence, oh il se fit quelques disciples.
Le pape Eugène 111 envoya dans ces provinces un légat, et saint
Bernard s'y rendit pour garantir le peuple des erreurs et du fa-
natisme qui désolaient ces provinces. Henri prit la fuite ; mais îl
fut arrêté et mis dans les prisons de l'archevêché de Toulouse,
oh il mourut <.
Voilï encore un des patriarches des réformateurs, et c'est par
Henry de Bruys que M. Basnage prouve la perpétuité de la doc-
trine des Proteslans sur la nécessité de ne prendre que l'Ëcriture
pour règle de la foi , indépendamment de la tradition^.
HlilNRlCIENS , disciples de Henri de Bruys ; ils se répandirent
dans les provinces méridionales , se confondirent avec les Albi-
geois et finirent avec eux. Voyez l'art. Albigeois , dans lequel on
a traité des causes du progrès que firent les prédicans qui s'élevè-
rent dans le onzième siècle.
HËRACLÉON adopu le système de Valeniin ; il y fit quelques
changemens ; il se donna beaucoup de peine pour ajuster î ce
■ Coffridui, 1. 3. De vill S. Bernard-, c 5, D'Argcntcé, t. 1, p. 15.
' Bisnage, Hist, des Ëglises réf., 1, 1, jiériod, 1, e. 0, p. 4A5,
1
I
468 HËR
système la doctrine de rÉvangile et fit pour cela des cominéuiai-
res très-étendus sur rÉvangile de saint Jean et de saint Luc.
Plusieurs auteurs ecclésiastiques avaient déjà entrepris d'ex-
pliquer rÉcriture sainte ; tout y paraissait précieux, et Ton croyait
que tous les mots contenaient des vérités importantes et utiles ;
on avait cherché des sens cachés dans les choses les plus simples
en apparence , et Ton avait employé cette méthode pour expliquer
les endroits difficiles à entendre dans leur sens naturel et littéral.
Avec cette méthode , Héracléon crut pouvoir concilier le sys-
tème valentinien avec rÉvangile , et se donna une peine infinie
pour tirer de TÉvangile des sens allégoriques qui continssent le
système des Éons.
Héracléon était un Valentinien entêté de son système , et il se
donna une peine infinie pour le trouver dans TÉcriture ; il adopte
les allégories les plus forcées ; il a recours à des explications qui
ne sont fondées ni sur la tradition, ni sur la raison : il fallaitdonc
qu'Héracléon ne pût nier Tautorité de TÉcriture et qu'il fût bien
convaincu qu'un système qui n'était pas conforme à l'Évangile ne
pouvait être vrai : Héracléon est donc une preuve que les personnes
qui avaient le plus d'intérêt à nier la divinité de l'Écriture sainte
n'osaient l'entreprendre , et nous avons dans Héracléon un témoin
qui avait examiné et discuté les preuves de la divinité de l'Écriture.
Héracléon, à la faveur de ces explications, fit recevoir par beau-
coup de chrétiens le système de Yalentin , et forma la secte des
Héracléonites.
Origène a réfuté les commentaires d'Héracléon , et c'est d'Ori-
gène que Grabbe a extrait les fragmens que nous avons des com-
mentaires d'Héracléon ^.
Ces commentaires , comme on l'a déjà remarqué , ne sont que
des explications allégoriques, destituées de vraisemblance, tou-
jours arbitraires, et souvent ridicules.
HERMIAS était de Galatie ; il adopta l'erreur d'Hermogène sur
l'éternité du monde, et crut que Dieu lui-même était matériel ,
mais qu'il était une matière animée plus déliée que les élémens
des corps.
Le sentiment d'Hermias n'était que le système métaphysique
* Philostorg., De hseres., c. 41. Auctor. Append. apud Tert., c &9.
Aug., Dehser,, c. 16. Epiph., Hger. 36. Grabbe, Spicileg, secundi sae-
culi, p. 80.
HER 46B
des Stoloiens, avec lequel il tàcla d'alliec les dogmes du chris-
11 faisait sortir l'âme de la terre , et croyait que le mal venait
tant&t de Dieu , et taatût de la terre ; il pensait que le corps de
Jésus-Cbrist n'était pas dans le ciel , et qu'après la résurrection il
avait mis daos le soleil le corps dont il avait été revêtu sur la
terre, ce qui tient au mépris que les Stoïciens avaient pour le
Hermias avait donc des principes philosophiques qui le por-
taient à regarder la résurrection comme un Tait contraire â l'idée
de la grandeur el de la perfection du Fils de Dieu ; cependant
Heroiias ne nie point h résurrection ; il suppose seulement que
JésuB'Christ a déposé son corps dans le soleil .
Herœias ne pouvait donc alors révoquer en doute la résurreclioD
<le Jésus^brist, et certainement Hermias n'était pas homme à se
rendre !i de mauvaises preuves ; comment donc ose-t-on aujour-
d'hui regarder la résurrection de Jésus-Christ comme un fait cru
légëremeut, adopté sans examen, et Eeulement par les premiers
chrétiens !
Hermias crojait , comme les Stoïciens , que les Smes humaines
étaient composées de feu et d'esprit ; il rejetait le baptême de l'É-
glise , fondé sur ce que saint Jean dit que Jésus-Christ baptisa
dans le feu et par l'esprit.
Le monde était , selon Hermias , l'enfer, et la naissance conti-
nuelle des enfans élailla résurrection : c'est ainsi qu'il prétendait
concilier les dogmes de la religion avec les principes du StoE-
Hennias eut des disciples , qui prirent le nom d'Hermialites :
ils étaient retirés dans la Galaiie , oti ils avaient l'adresse de faire
des prosélytes ' ,
IILRUOCf^NE, après avoir étudié la philosophie stoîcieime, I
embrassa la religiou chrétienne, et réunit les principes de la phi-
lusephie des Stoïciens avec les dogmes du christianisme : son hé- {
résie consistait U supposer l'exisLence d'une niaiiérc incréée, sans
mouvement, sans principe , coéieroelle il Dieu , et dont il avait
formé le monde.
Il y a , pour loul homme qui étudie un sysltme une dlfficullé
principales laquelle il rapporte toutes les autres, ou qui l'cuipé-
> Philastr., Deluer., c. 95, ii,
1
47è H£R
che de l«s sentir dans tonte leur force : si vous présentez \ s<a
esprit une idée qui résolve cette difficulté, il Tadmetsans réserve
et sans restriction, et tontes les diUBoultés disparaissent k cet in-
stant.
Mais iorsqne cette prennère impression , qui tient nn peu de
Tenthonsiasme , est affaiblie , les difficiles renaissent ; on.sent
ifu^cna avait donné trop de généralité k ses principes , et ^'iis ont
besoin de modifications ; alors il se fait naturellement un retonr de
req[>rit vers ses pnemiers sentîmens , «fa^on allie le miens qn'on
peut avec les principes -«(u^on vient d*acquérir : c"^ ainsi qnffer-
anagène allia les princ^es du christianisme a'^sc cen des Stoï-
ciens^
Les Stoïciens reoonn&îssaîent dans le inonde nn Être snprême
et infiniaiient^afrfkit ; mais cet être , selon eux , était itneÂme im-
mense , mél^ et <M>nfondne avec la matière , emprisonnée dans
«ne infinité de corps différens, et soumise à raveugleimpétnosité
des élémens. Hermogène avait été Irappé de dette -drfBcnlté,
CMHie on le voit par le livré i|ne T^rtiAlien a .écrit loemne hii.
Les chrétiens, au contraire , enseignaient qu'un esprit éternel ,
fsistant par 'lui-même , souverainement pafrMt et distingué du
monde, avaitpar sa seule volonté produit tout : c^était par la pa-
role toute^puissante de cet esprit que le chaos et tontes les créa-
tures étaient sorties du néant ; il avait commandé qne^out ce qui
est fax, et tout avait été.
Hermogène fut épris de la beauté ^e cette idée ; il n'hésita pas
entre le dogme de Tâme universelle et la religion chrétienne ,
qu'il adopta sans restriction.
Mais, en réfléchissant , il crut voir que la religion chrétienne
n^expliquait pas comment cet être étant souverainement bon et le
maître absolu de la nature , il y avait du mal dans le monde : il
conclut que les chrétiens donnaient trop d'étendue à la puissance
de cet Être suprême ; toutes les idées des Stoïciens sur rétemilé
de la matière et sur l'explication des désordres qu'on voit dans
le monde se réveillèrent ; il crut qu'il fallait chercher la cause de
l'origine du mal dans la matière, qui , étant étemelle et incréée,
résistait à la bonté de l'Être suprême.
C'était, selon Hermogène, dans cette matière qu'on trouvait la
cause de tous les maux : toutes les sensations qui nous affligent ,
les passions qui nous tyrannisent ; ont leur source dans la ma-
tière; tous les monstres sont des effets de Findocilité de la ma^
H£R 471
tîère et de sa résistance inflexible aux lois que VÉtre suprême a
établies pour la génération des corps.
SI la matière n'est pas éternelle et incréée » disait Hermogène,
il faut que Dieu ait , ou tiré le monde de sa propre substance» ce
qui est absurde » puisqu'alors Dieu serait divisible ; ou. <|UL'iI Tait
tiré du néant, ou qu*il Tait formé d'une matière coétemelle à loi.
On ne peut dire que Dieu ait tiré le monde du néant ; car Dieu
étant essentiellement bon , il n'eût point tiré du néant un monde
plein de malheurs et de désordres ; il eût pu les empêcher s'il l'a-
vait tiré du néant ^ et sa bonté ne les eût pas sou£Garts dans H
monde*
Il faut donc ^ue Dieu ait formé le monde avec une matière
coétemelle à lui , et qu'il ne l'ait formé qu'en travaillant sm? un
fonds indépendant de lui.
L'Écriture» srionHermogène» ne disaU nulle part <{v;e (i^eii e^
fait la matière de rien ; au contraire , dîsait-il » elle nou^ lepr^
sente Dieu formant le monde et tous les corps d'une m^tiê^e
préexistante, informe , invisible; elle dit : IKeu. fit le ciel çt ^ terçe
dans leur principe, tuprincipio»
Ce principe dans lequel Dieu forma le del et \a ten^e n'é^t
que la matttèîre préexistante et éternelle com^ Diei^: Vidée dip la
création de la matière n'est exprimée nulle part dagns rËcrilwpci.
Cette matière informe était agitée par ua Q(iouveme[it yaSIH^ 9
sans dessein et sans objet ; Dieu nous est représenté, dans VÉerî-
ture , comme dirigeant ce mouvement j, et le modifiant de (& 9»a«
nière nécessaire four produire les corps , les pUnte^» \f^ ai^
maux.
La matière étant éternelle et incréée, et son sckouve^ei^^étaiH
une force aveugle , elle ne suit pas scrupuleusement h^ (ois que
Dieu lui prescrit , et sa résistance produit les désordres dans le
monde.
L'imagination d'H^rmogè^e fut sa^isfsâte de cette hypothèse ,
et il crut que » pOH? expliqua l'origine du mal , il fallait réu9ir
les principes des Stoïcien» sur la nature de la mati^e et ceux des
chrétiens sur la puissance productrice du monde.
RéfitUUion dtt uiUime^i d'Hermogène^
TertuUien prouve, contre Hermogène : l** qu'on ne pouvait faire
de }a matière un être étemel et incréé sans l'égaler à Dieu , puis-
I
ii toutes Tes
IIER
par elle-niOme , elle aurait
qu'Hennogène luî-mËmc n'osait avouer.
D fait voir qu'Hermogène ne donne aucune idée
Ile mslière coéiernelle i Dieu ; qu'il la dit tantôt
tantôt incorporelle ; qu'il regarde le mouvement ,
un être dlGTërent de la matière , tantât comme U
, quoique le mouvement ne aoil qu'un accidept de
r son hjpo-
47Ï
qn'ayant t'
perfection g, c
TerluUi
distincte de c
corporelle , e
tantôt comme
matière mèm
la matière.
3- Terlullien fait voir qu'Hermogène ne peut
thèse, rendre raison de l'origine du mal dans le mande : cette ma-
tière sur laquelle vous prétendez que Dieu a travaillé, dît-il, g
un mouiement vague et indilTéreni à toutes sortes de délermi.
Si la détermination du mouvement de la matière est êtemetlB
et nécessaire comme elle, Dieu n'a pu, ni le modifier, ni le chaa^
ger;et sile mouvement de la matière n'est qu'un déplacement va-
gue et indilTérent à toutes sortes de déterminations , elle n'avait
par sa nature aucune détermination au mal, aucune opposilîun au
bien, et tout le mal vient de l'intelligence qui l'a mise en œuvre ;
par conséquent Hermogène n'eiplique point l'origine du mal.
4* TertuUien fait voir qu'Hermogène a mal expliqué le récit de
Hoïse, etqu'ilabusede l'équivoque du mot principe, itiprinvipio,
dont la Cenèse se sert.
Le mot principe , dit TertuUien , peut désigner, ou l'ordre de
l'existence des eboses , ou la puissance qui les fait exister, ou le
sujet duquel on les tire. Le mot prineipium, dans Moïse, ne sert
qu'à exprimer le commencement de l'existence ■- In priiicipio Deux
feâtoxium et terram, sigaifie, au commencement Oieafit le ciel il
la terre, et non pas , comme le Iruduisait Hermogène , D(eu fit le
ciel et la terre dans un pfintipe qui était la matière; car lorsque te
mot prineipium est employé pour eiprimer le sujet ou lu matière
avec laquelle on forme une chose , on ne dit pas que la chose est
formée dans ce principe, mais qu'elle est faite de ce principe; on
ne dit pas qu'on a fait une médaille dans l'argent, mais avec de
Moïse, dans la Genèse , se propose de donner l'histoire de l'o-
rigine du monde : pour remplir cet objet, il fallait nécessiiireiuent
que Moïse nous Ht l'énumâration des principes qui ont, pour ainsi
dire, concouru â celle production ; il faillit que , dans son récit ,
Moïse nous narlât de Dieu , qui est le principe actif ou ta cause
HER 47»
{iToduclrïce do monde qui esi l'eQet de son acLîon , et de U ma-
tière qui a été le sujet duquel il a tiré le monde. Si Moïse eût
pensé que Dieu avait tiré le monda d''uiie matière qui lui était
caéternelle , il nous aurait parlé de celle matière ; cependaut il
D'en parle point ; elle n'existait donc pas avant la créiilion ia
monde, et elleaété tirée du néant, selon lerécildeHoïse.
Mais, répliquait Hermogëne , Moïse dit qu'avant que Dieu eût
formé le ciel et la terre , elle était inrorme , invisible, ce qui sup-
pose sa préexistence, et qu'elle est éternelle et incréée.
Vousn'opposez ici qu'une chicane, dit Tertullien ; vous préten-
dez prouver la préeiistence et réternilé de la matière , parce que
Moïse dit que la terre était: mais ne peut-an pas dire d'une chose
qu'elle est, aussitôt qu'elles reçu l'eïisience?
Ces mots , la matière était , ue supposent que l'existence de la
matière, et non pas la raison pour laquelle elle existe ; ainsi rien,
dans le récit de Moïse , n'autorise le sentiment d'Hermogène sur
l'éternité de la matière.
Mais enfin, disait Hermogène, l'Ëcriture ne dit nulle part que la
matière a été tirée du néant.
L'Écriture nous dit qu'elle a eu un commencement , répond
Tertullien , et par conséiquent qu'elle a été tirée du néant ; si le
monde avait été tiré d'une matière préexistante , l'Écriture naos
l'aurait dit , comme elle nous le dit de toutes les autres produc-
tions : lorsque Moïse nous raconte la production des plantes , il
les tire de la terre ; lorsqu'il raconte celle des poissons, il les lire
L'endroit même de Moïse qu'Hermogène cite en sa faveur
anéautit tous ses principes ; car Moïse , dans ce passage, dît que
la terre était informe, imparfaite, ce qui ne peut convenir qu'à un
être prodait et lire du néant.
A l'égard deladiISculté d'Hermogène sur la permission du mal ,
en supposant que te monde a été créé par un Être tout-puissant ,
Tertullien répondait que le mal qui est dans le monde n'est ron-
Iraire ni ï la bonté , ni il la loute-puissance de Dieu , puisqu'il y
aura un temps où tout sera dans l'ordre *.
Cette réponse est victorieuse, surtout contre Hermogène, qui
reconnaissait l'autorité de l'Ëcriture et de la révélation.
Ceux qui attaquent la bonté de Dieu sans savoir quel est le
' TerL coul. Hennogen.
474 HES
plan que TÊtre suprême s^est proposé dans la création du inonde
ne peuvent opposer que des ^ophismes .
M. le Clerc n*a pas rendu justice à Tertullien sur la manière dont
il réfute Hermogène ; il parait même que M. le Clerc n*a pas assea
bien pris le sens des difBcultés d*Hermogène, qui n^attaquaientpas
directement la possibilité de la création , mais qui portent abso-
lument sur r impossibilité de concilier la permission du mal avec la
création *.
TertuUien s'est sagement renfermé dans ces bornes , et n*a pas
établi la nécessité de la création, dont on ne doutait pas, puisque
Tertullien traite d*opinion nouvelle le sentiment qui suppose la
matière éternelle ; ce qui , pour le dire en passant , hïi voir ce
qu'on doit penser de la vérité ou de Térudition de ceun qui assu-
rent avec tant de confiance que la création était Inconnue aux pre-
miers siècles.
On prétend qu'Hermogène croyait que le corps de Jésus-Christ
était dans le soleil, et que les démons se dissoudraient un jour et
rentreraient dans le sein de la matière première.
HERM06ËN1ËNS , disciples d'fierm6gène;il y en eut plusieurs*
deux des plus célèbres furent Hermias et Séleucùs , qui firent des
sectes particulières. Voyez leurs articles.
HÉSICaSTES, moines grecs, qui enseignèrent leQuiétisme,
vers le milieu de Tonzième siècle.
Siméon le jeune, abbé de Xérocerce avait porté fort loin les
exercices de la vie contemplative; il avait donné des maximes pour
s'y perfectionner , et ses moines priaient et méditaient sans cesse.
Comme la gloire céleste était Tobjet de tous leurs vœux , elle
était le sujet de toutes leurs méditations ; ils s'agitaient , tour-
naient la tête, roulaient les yeux, et faisaient des efforts incroya-
bles pour s'élever au-dessus des impressions des sens , et pour se
détacher de tous les objets qui les environnaient, et qui leur sem*
blaient attacher l'âme à la terre : tous les objets se confondaient
alors dans leur imagination ; ils ne voyaient rien distinctement;
tous les corps disparaissaient , et les fibres du cerveau n'étaient
plus agitées que par ces espèces de vibrations qui produisent ces
couleurs vives qui naissent comme des éclairs , lorsque le cerveau
est comprimé par le gonflement des vaisseaux sanguins.
Les disciples de Siméon, dans la ferveur de leurs méditations,
* Le Clerc, Hist, eccles., an. 158.
HES 475
prirent ces laeurspour une lumière céleste, et les regardèrent
èomme un rayon de la gloire des bienheureux ; ils croyaient que
c*était en regardant le nombril que cette lumière s^offrait à eux.
On blâma ces yisionnaires. Siméon , sibbé de Saint-Mammas ,
prit leur défense, et traita comme des hommes charnels et terres-
très les ennemis des Hésicastes , qui jouirent dé la liberté d« se
procurer, par leur méditations , les Tisions qui les rendaient heu-
reux.
Au commencement du quatorzième siècle , Grégoire Palamas ,
moine du mont Âthos , qui ayait quitté la fortune et les honneurs
pour la YÎe monastique , adopta les règles qoie Siméon le jetm
avait prescrites, et les accrédita.
11 écrivit sur la nature de cette lumière que les contemplatifs
apercevaient à leur nombril : il prétendit qu^elle n*était point dif-
férente de la lumière qui avait paru sur le Thabor ; que cette lu-
mière était incréée et incorruptible, quoiqu'elle ne fût pas Tes-
sence de Dieu ; c'était une opération de la divinité, sa grâce, sa
gloire , sa splendeur, qui sortaient de son essence.
Un moine, nommé Barlaam, attaqua le sentiment des Hésicas-
tes sur la nature de la lumière qui avait paru sur le Thabor, et
prétendit que cette lumière n'était point incréée; que le sentiment
de Palamas semblait admettre plusieurs divinités subordonnées ,
et émanées de la divinité substantielle.
On assembla un concile pour décider cette question qui com-
mençait à faire du bruit, et Ton condamna Bariaam.
Acyndinus , autre moine , entreprit la défense de Barlaam ; on
assembla un concile pour juger Acyndinus ; il fut convaincu d'éti'e
du sentiment de Barlaam , et de croire la lumière dû Thabor ude
lumière créée; on condamna Acyndinus etBarlaam; on imposa si-
lence sur ces contestations , et Ton défendit^ sous peine d'excott-
mucation , d'accuser les moines d'hérésie.
Les Hésicastes ou Palamites ne crurent pas devoir se borner à
cette victoire; ils remplirent Gonstantînople de leurs écrits contre
Barlaam , répandirent leur doctrine, persuadèrent ; et Gonstanti-
nople fut remplie de Quiétistes qui priaient sans cesse, et qui, les
yeux baissés sur le nombril , attendaient toute la journée la lu-
mière du Thabor. Les maris quittèrent leurs femmes pour se li-
vrer sans distraction à ce sublime exercice , et les Hésicastes leur
donnaient la tonsure monacale : les femmes se plaignirent, et les
Quiétistes remplirent Gonstantinoplede trouble et de discorde.
476 HOL
Le patriarche ordonna aux Hésicastes de se contenir ; ils ne dé-
férèrent ni à ses avis, ni à ses ordres ; il les chassa de la ville, as-
sembla un concile composé du patriarche d*Antioche et dje plu-
sieurs éyéques : ce concile condamna Grégoire Palamas, ses
opinions et ses sectateurs.
Ceci se passa sous rimpératricç Anne , pendant Texil de Can-
tacuzène ; mais lorsque Cantacuzène se lut rendu maître de Cons-
tantinople, Timpératrice Anne et Jean Paléologue, voulant se servir
de Palamas pour faire leur paix, le firent absoudre dans un synode
qui condamna le patriarche Jean : ce patriarche étant mort, Can-
tacuzène fit élire à sa place Isidore , sectateur zélé des opinions
des Hésicastes.
Les Barlaamites se séparèrent de la communion d'Isidore:
pour rétablir la paix entre ces deux partis , les deux empereurs
Cantacuzène et Jean Paléologue firent assembler un concile com-
posé de vingt-cinq métropolitains , de quelques évêques , de plu-
sieurs prêtres et moines : on cita à ce concile les ennemis de Pala-
mas ; on examina leurs accusations et les réponses de Palamas ;
on traita ensuite de la lumière du Thabor. Quelques jours après,
on se rassembla pour traiter à fond quelques questions qui re-
gardaient Fessence et Topération divine. L'empereur proposa lui-
même toutes ces questions , on rapporta tous les passages des
Pères, pour les expliquer ; on examina avec le même soin la doc-
trine de Barlaam ; on reçut la profession de foi des moines du mont
Athos, et Ton condamna Barlaam , Acyndinus , et tous ceux qui
croyaient que la lumière du Thabor était créée ; ce concile fut
tenu vers Tan 1345 *.
Le nombre des ouvrages composés pour et contre les Hésicastes
est très-considérable ; ils sont encore pour la plupart manuscrits ;
il y en avait beaucoup dans la bibliothèque deCoissin ^.
HOLLANDE, nous nous proposons de donner, dans cet arti-
cle , rhistoire de l'origine et de rétablissement du Calvinisme
dans les Provinces-Unies.
^ Dupin, ià* siècle, p. 322. Natal. Alex, in ssec. ià» Panoplia adver-
8ÙS schisma Graecorum, centuria 13, c 3, p. 381. Fabricius, Bibl.
graec, t. 10, p. àH. Allatius, etc.
2 Voyez le catalogue de la bibliothèque de Coissin,
De la riformat'toa dans le» Paiis-Bas depuis Luiher jasqn'à la for
vialioa de la ligue, connue triui le nota de CompromU.
La doctrine de Luther se répandit dans les Pajs-Bas vers l'a
1521. Cbarles-Quint fit publier un placard, et numma deuxinqjl-
slleurs qDi firent arrêter tous ceux qu'ils crurent engagés dans le^
opinions de Lutber : plusieurs auguslins d'Anvers Tureut etnpri-
sonnÉs, et deui furent brûlés : leur supplice donna de la célébritô
aux erreurs pour lesquelles ils étaient morts , et Cbarles-Quint
ajouta â ne premier placard plusieurs édils, par lesquels tous les
hérétiques étaient condamnés à perdre la tète , les relaps à être
brûlés, et les femioes k être enterrées vives : oo accordait la vie à
ceux qui se convertissaient , pourvu qu'ils ne Tussent pas relaps
ou emprisouués '.
Ce inéuieédit défendait, sous peine de mortel de conBscation de
biens, de recevoir cbez soi aucun hérétique : toutes les personnes
soupçonnées d'hérésie étaient exclues des emplois bonorables, et,
pour mieux découvrir les bérétiques , on promettait la moitié de
leurs biens aux accusateurs, pourvu qu'elle n'excéditpasla somme
de cent livres de Flandres *.
Les Anabaptistes qui désolaient l'Allemagne pénétrèrent alon
(tans les Pajs-Bas, et l'on punit les Anabaptistes avec encore plus
de rigueur que les Luthériens.
Le fanatisme s'alluma bientût , etl'on vil les Anabaptistes et lea
Luthériens courir au supplice avec joie , et se disputer la gloire
d'aller au bûcher ou sur l'écbafaud ucec moins de regret et plus
de constance : on vit des réformés arracher aui prêtres l'hostie
pendant l'élévation, la briser et la fouler aux pieds pour la gloire
de Dieu , el pour Taire voir qu'elle ne conlenail pas Jésus-Christ.
Les auteurs de ces attentats ne Tuynient point après les avoir com-
mis : ils attendaient Troidemeui qu'on les arrêtât , et souffraient,
VoiU quel était l'état des Pajs-ltas , lorsque Cbarles-Quinl ré'
signa l'Espagne à Philippe son fils.
Philippe confirma tous les édils de son père contre les héréti-
ques , el fit punir avec la même rigueur les Luthériens el les Ana-
bap listes.
> HisL de la réforme des Pitjrs-Bas, parBrti)<ll, t, 1, 1, I,
1
478 HOL
Les exécutions multiplièrent les hérétiques, et Ton vit en plu-
sieurs lieux des communautés entières de ProtestauBts qui entr»^
prirent d'enlever ceux que Fou Gooduisait au suppVke ^ .
Philippe, pour arrêter plus sûrement le progrès de Thérésie ,
Toulut établir Finquisition dans les Pays-Bas , comme elle Tétait
en Espagne.
Un de ses ministres lui représenta que sa sévérîté pourrait lui
faire perdre les Pays-Bas , ou du moins quelques-unes des pro-
Tinces, et Philippe répondît qu*il aimait mieux être dépouillé de
tous ses États que de les posséder imbus d^hérésies.
Ce fut dans ce même temps que parut la bulle de Pbuf tV pour
Térection de trois nouveaux évôchés dans les Pays-6as : la bulle
marquait expressément que les nouveaux évéques , assistés de
leurs chapitres , feraient la fonction d*inquisiteurs dans leurs dio-
cèses.
La fondation des nouveaux évéchés n^avait pu se faire qu'en
leur assignant des terres et des revenus ; on les prit sur des ab-
bayes et sur d'autres communautés religieuses. Les abbés et les
communautés en murmurèrent , se plaignirent , et firent si bien
valoir leurs droits qu'on fut enfin oblige de composer avec eux
et de leur laisser une bonne partie de ce qu'ils possédaient.
Les magistrats d'Anvers , de Louvain , de Ruremonde, de De-
venter, de Groningue , de Lewarde , sentant bien que leur auto-
rité serait affaiblie par celle des évéques , s'opposèrent aussi avec
vigueur à la bulle , et trouvèrent le moyen d'empêcher les évé-
ques d'entrer dans leurs villes ou les en firent chasser.
Cette opposition des catholiques aux desseins de la cour de
Rome augmenta le courage des nouveaux sectaires ; ils parlèrent
avec plus de liberté contre Rome : beaucoup de personnes crurent
ne voir en eux que des citoyens zélés et des ennemis de l'oppres-
sion, leur nombre s'accrut considérablement, et enfin, en 1 559» ils
firent paraître une profession de foi en trente sept articles , qui
étaient presque tous opposés à la doctrine de l'Église romaine et
conformes à celle de Genève ; c'est pourquoi les sociétés qui la re-
çurent prirent le titre d'Églises réformées '.
* Histoire de la réforme, par Brandt, U 1, L 4, p. 96, an. 1515.
2 Ibid., 1. 1, L 5, p. 106.
HOL 47è
I>u Calviniimeett Hollande depuis la ligue jusqu'à la prise d'armes
par le prince d'Orange.
La crainte de f inquisition avait tellement alarmé les esprits ,
que la noblesse fit secrètement une ligue pour en empêcher réta-
blissement , et que les plus zélés catholiques entrèrent dans ce
projet comme les autres : cette ligue fut connue sous le nom de
Compromis.
La noblesse confédérée ne put agir avec tant de secret que la
bruit confus de leurs desseins ne vînt aux oreilles de la gouver-
nante : Philippe , pour calmer les esprits, envoya de Madrid un
arrêt qui condamnait aux galères les Prédicans, les écrivains pro-
testans, et tous ceux qui les recevaient dans leurs maisons ou
qui permettaient qu^ils y fissent leurs assemblées.
Les ministres s^assemblèrent dans les bois ou dans la campa-
gne ; ils prêchaient, et après les prédications on chantait quel-
ques psaumes : ces assemblées étaient quelquefois composées de
sept à huit mille personnes ^.
Le bruit de ces assemblées si publiques et si nombreuses fit
comprendre à la princesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas,
que les Protestans et les mécontens étaient beaucoup plus nom-
breux qu^elIe ne Tavait cru : elle manda aux magistrats d'Anvers
de chasser tous les Français et d*empêcher absolument les as-
semblées *.
Les magistrats publièrent un placard qui défendait les assem-
blées publiques » et ils reçurent une requête qui leur représentait
que le nombre des réformés s^était tellement augmenté, qu'il ne
leur était plus possible de s'assembler en secret ; que les ma-
gistrats étaient donc suppliés de permettre ces assemblées, en
assignant des lieux qui leur fussent propres; que cette liberté
attirerait dans les Pays-Bas un nombre infini de Français et
d'Allemands.
La gouvernante fit publier un placard qui commanda de nou-
veau à tous les ofQciers de dissiper les assemblées et de faire
pendre sans miséricorde tous les prédicateurs réformés.
C'était manquer de parole à la noblesse confédérée , à laquelle
on avait promis d'attendre la réponse de Philippe, et qui s'était
^ Histoh'e de la réformei par Brandt» t, i, 1» 6, pt 130*
2 Ibid», p. iH.
4s6 HÛL
dallée qu*on h'entreprendrail rien que l*oii n*eût assemblé les
étais^généraux: ce placard fil donc an très-mauTais effet ; on en
murmura, on se plaignît ouvertement; plusieurs villes, même
celle d'Anvers, refusèrent de le publier dans les formes ; les pré-
dications publiques devinrent plus fréquentes , non sans causer
du désordre, surtout à Anvers, où la sédition fut sur le point d*é-
claier et où Ton ne put empêcher les Protestans de s'assembler :
leur exemple donna du courage ,aux réformés ; on vit presque
aussitôt établir des églises prétendues réformées à Lille, à
Tournai, à Yalenciennes, dans les provinces d'Utrecht et de Hol-
lande.
Le fanatisme des Protestans , augmenté par ces succès , pro-
duisit de nouveaux désordres: ils s'attroupèrent dans le district de
Saint-Omer, pillèrent le couvent des religieuses de Woleverghem,
y brisèrent les images et tout ce qui était destiné au service di-
vin ; l'esprit iconoclaste se répandit subitement dans la plupart
des provinces et l'on pilla plus de quatre cents églises en trois
jours. On voyait tant de voleurs et de femmes débauchées qui se
mêlaient dans la foule, et tout le reste était si peu de chose, qu'on
était également irrité de la fausse dévotion des uns et de l'inso-
lence des autres.
Voilà les premiers fondateurs de la réforme en Hollande ; une
populace qui, sous prétexte d'un zèle ardent pour la religion, s'a-
bandonnait aux plus grands excès et foulait aux pieds les lois
divines et humaines.
Le parti des réformés grossissait par ces émeutes ; il osa faire
ses exercices publiquement dans quelques-unes des plus grandes
villes: il s'empara même de plusieurs églises *.
Des progrès aussi rapides étonnèrent la duchesse de Parme ;
elle promit que l'inquisition serait abolie , qu'on réglerait les af-
faires de la religion et que l'on demanderait au roi la tenue des
élats.
Le roi d'Espagne avait des desseins bien contraires; il comptait
se servir de ces circonstances pour établir dans les Pays-Bas une
autorité despotique , et, pour y réussir , il se proposait de perdre
le prince d'Orange et les comtes d'Egmont et d'Horn.
Une lettre qui contenait ce projet tomba entre les mains du
prince d'Orange , qui la communiqua à ses principaux amis, qui
* Histoire de la réforme, par Bran 1», t. d, I. 7, p. Vô9,
HOL ^8l
se réuDiFent et Ërent aa roi des représentations am h nécessita
de tolérer les secUires en les répriinunl ; ils punirent donc les
nouveaux Iconoclastes et se rendirent odieux aux r6formés, san^
se réconcilier avec les catholiques , que l'impiâLé des prétendus
réformés aTsiteitrèoienientirrilés *.
Il y avait donc trois partis en Hollande : les catholiques ennemis
de l'inquiaition et déreoseurs des privilèges de la naijon ; les ca-
iboliques dévoués k la cour d'Espagne, et qui voulaient tout sa-
crifier pour la ruine des réformés ; et entin des Proleslans fana-
tiques qui voulaient se maintenir et éteadre leur préteodue
réforme.
Les Églises rèfarméesdemandàrent du secours aui princes pro-
testanad'Allemague; mais ceux-ci exigèrent que les réfonués des
Pays-Bas signassent la confession d'Ausbourg, ce que les réfor-
més refusèrent absolument. Les Luthériens et les Calvinistes des
Pays-Bas firent donc deux sectes séparées ; elles s'excommuniè-
rent, elles Luthériensse réunirentavec les catholiques contre les
réformés d'Anvers , qui avaient pris les armes pour soutenir leur
cause. Les catholiques profitèrent de ces divisions, et l'on ôla aux
religionnaires leurs prêches et les lieux qu'ils avaient usurpés
sur les catholiques,
La cour d'Espagne crut alors h ligoe hors d'état d'agir ; elle
evigea des seigneurs, des nohies et des magistrats, de jurer qu'ils
soutiendraient la religion catholique et romaine , de punir les sa-
crilcges cl d'extirper les hérésies; enfin on voulut s'assurer des
peuples , et l'an contraignit tout le monde , de quelque qualité
qu'il fût, à prendre les mêmes engagemens.
Les réformés , pour résister il la tempête qui s'élevait conire
eux. s'imposèrent volontairement des taxes, établirent un caissier
général, levèrent des troupes, s'emparèrent de Bois-le-Duc el s'y
fortifièrent. Ils furent moins heureux A Utrecht el à Flei^singue :
le parti qui avait Ifnté celte dernière expédition fut défait par
les catholiquesd' Anvers, et les réformés de celte ville, sur la nou-
velle de la défaite de leui-s frères, courureut aux armes: la ville (ut
remplie de meurtres et de désordres, que le prince d'Orange n'ar-
rêta qu'en armant contre les Calvinistes , les catholiques et les
Luthériens.
Le roi d'Espagne se rendit ensuite maître absolu dans Valen-
1 Hisioirc de la rèrormc, par Brandi.
I
I
489 HOt
ciennes, dans Cambrai, dans Maestricht, Hassdt, Bois4e-Dnc» etc.,
et traita les réformés avec la dernière rigueur : les ministres fa-
rent pendus, etFon trancha la tète à beaucoup de réformés ^.
Le prince d^Orange, qui Toyait que Forage qui désolait les Pro-
testans fondrait sur lui , songea à les réunir avecles Luthériens»
mais inutilement ; il se retira en Allemagne, et Ton continua à sé-
Tir contre les Protestans. Un nombre prodigieux de familles aban-
donna les Pays-Bas ; les gibets forent remplis de corps morts, et
r Allemagne de réfugiés.
Ce fut dans ce temps que le roi d'Espagne envoya le duc d'Albe
dans les Pays-Bas , à la tête de douze cents hommes de cavalerie
et de huit mille hommes d*infanterie. 1567, 1568.
Ce duc entra dans Bruxelles , et, après avoir distribué ses trou-
pes dans les villes voisines , il fit arrêter les comtes d*Hom et
dflgmont et plusieurs personnes considérables. La nouvelle de
cet emprisonnement jeta la terreur dans tous les esprits ; plus de
vingt mille habitans abandonnèrent précipitamment leur patrie.
En vain la duchesse de Parme voulut prévenir la désertion par
des édits qu'elle fit publier : on ne Técouta pas , et de son côté le
duc d'Albe ne reUcha rien de sa sévérité ; il établit même une
nouvelle cour de justice, sous le nom de conseil des* tumultes.
Ce conseil posa pour maxime fondamentale , < que c'était un
» crime de lèse-majesté de faire des remontrances contre les nou-
» veaux évêchés, contre Tinquisition et contre les lois pénales ,
» ou de consentir à l'exercice d'une nouvelle religion, ou de croire
» que le saint office soit obligé d'avoir égard aux privilèges et aux
» chartes , ou de dire que le roi est lié à ses peuples par des
» promesses et par des sermons. »
Le conseil était composé d'Espagnols , qui avaient pour chef
Jean de Yargas , qui s'annonça dans le public par ce raisonne-
ment : « Tous les habitans de ces provinces méritent d'être pen-
» dus , les hérétiques pour avoir pillé les églises, et les calholi-
» ques pour ne les avoir pas défendues ^. »
La gouvernante se retira, et laissa toute l'administration au dac,
qui fit mourir beaucoup de monde : dix-huit cents personnes péri-
rent en peu de temps par les mains du bourreau , et l'on ordonna
de punir comme hérétiques dans toute la rigueur tous les ha-
* Histoire de la réforme, par Brandt, 1. 8.
«Ibid.,t. i, I, 8, p. 164.
excepté les personnes dont le conseil des
Du Calvinisme dans len Payê-Baf iepuh la prise d'an
prince d'Orange jutqu'à la paei/tcalien de Caad.
Les peuples soupiraient après un libérateur , et n'eu voyaient
point d'autre que le prince d'Orauge ; ce fat donc !> lui que l'on
s'adressade tous côtés, et on le détermina à secourir sa patrie.
Les princes protestaus d'Altcmague lui permirent de lerer des
troupes; tous les Proiestans loi roarnirent de l'argent; les églises
de Londres, de Clèves , etc., lui en^ojèrent des sommes considé-
rables ; il leva une armée et déclara les raisons qui le détermi-
naient à prendre les armes : « En conservant le respect dû au
■ souverain des Pays-Bas , on voulait maintenir les aJiciens pri-
' viléges, abolir les lois pénales, rétablir (a paix de l'Ëtat et dé-
> livrer les provinces do joug espagnol. >
Le commandement généralde l'armée lut donnéau comte Louis,
qui marcha dans la Gueldre , prit Werde et Dam , el gagna une
bataille.
La bonté et la douleur que le duc d'Albe ressentit de cette dé-
faite irritèrent sa férocité (laturelle ; il bannit le prince d'Oramee,
son frère Louis , et confisqua leurs biens. Les comtes d'F^mnut
et <le llom périrent sur un écbafaud , avec plus de vin^ gentils-
hommes ou barons.
Précédé de ces flots de sang , te duc se mit en campagne et livra
bataUle au comte Louis , qui lut défait. Les rélormês et les Ana-
baptistes furent traités avec la dernière rigueur ; cinquante per-
sonnes furent décapitées dans la seule ville de Valencieunes, pen-
dant l'espace de trois jours; dans moins d'une année, le duc
d'.4lbe rendit désertes plus de cent mille maisons et peupla tons
les États voisins des sujets de son maître '.
Le gouvernement n'ignorait point les suites de sa rigueur, mais
il en était peu touché ; il Ht publier un placard pour extirper
l'hérésie. Pour mieux découvrir les hérétiques, le duc d'Albe
envoyait des espions dans toutes les rues, afin qu'ils observassent
l'air et la contenance du peuple, et l'on continua I punir avec la
dernière rigueur les réformés et les Anal>aptistes.
* Histoire de la réforme, par Brandt, t, J i U Si I
iienipar
484 HOL
Ainsi les réformés, les Anabaptistes et les catholiques gémis-
saient sous le joug espagnol et souhaitaient une révolution. Tous
les partis se réunirent enfin contre le duc d^Albe , et le prince
d*Orange se rendit maître de beaucoup de villes , où la nouvelle
religion fut permise et exercée ; mais en beaucoup d'endroits on
fit des capitulations expresses en faveur de Tancienne religion ,
et partout les ordres du prince défendaient de faire violence à qui
que ce fût pour les affaires de la conscience et de molester les
catholiques en aucune façon.
Le duc d'Albe fut rappelé en Espagne , où il se vanta d*avoîr
livré au bourreau plus de dix-huit mille hérétiques ou rebelles ,
sans couipter ceux qui avaient péri dans la guerre. Vargas , qui
Tavait accompagné, ajoutait que Ton perdait les Pays-Bas par un
excès d'indulgence : la miséricorde, disait-il , est dans le ciel , la
justice est sur la terre ^.
Dom Louis de Requesens lui succéda et se proposa de réparer
par sa douceur les maux qu'avait produits la barbare sévérité du
duc d'Albe. Mais les choses étaient dans un état où les esprits ne
pouvaient être ni intimidés par la sévérité , ni gagnés par la dou-
ceur ; les états de Hollande s'occupèrent à donner quelque forme
au projet de la liberté.
Ils commencèrent par un acte qui semblait y être contraire ,
car, étant assemblés à Leyde, ils défendirent l'exercice public de
la religion catholique romaine; c'était donner atteinte aux fré-
quentes promesses du prince d'Orange , à la capitulation de plu-
sieurs villes, aux résolutions de la Haye et à la confiance qu'il
fallait établir entre les différens partis qui étaient engagés dans
la même querelle : ces considérations, quelque fortes qu'elles
fussent , cédèrent à la nécessité où l'on se trouva de mettre un
mur de séparation entre les Espagnols et les provinces : on ôta
peu après les églises aux catholiques ; on les exclut des charges
et de la magistrature ; on leur laissa néanmoins la liberté des
assemblées particulières , et la religion qu'on professait à Genève
et dans le Palatinat devint la religion dominante de ces provinces.
Les Luthériens et les Anabaptistes jouirent de la même tolérance
que les catholiques *.
* Histoh'e de la réforme, par Brandt. 1. 1, 1. 10, p. 220,
? ï|)id., 1. 1, 1. 10,
Du Calvinisme dans let Pai/i-Bas depai» la paeificalion de Gand
Jusqu'à la (ùTfngtion àe la république de Hollande.
Dom Louis de Requesens mourut peu de temps après que le
duo d'Âlbe lui eut remis le gouvernement. Après sa mort , l'armée
espagnole se débanda par peloums et se mît à piller de luus cb-
lés : les soldats , abandounés à leur propre fureur, firent tant de
ravages et commirent tant de désordres dans le Brabaut et dans
la Flaudre , que le conseil d'Ëtai les proclama traîtres et rebelle»
l^a dédaralion du conseil n'arrèla pas les désordres, et il se fit
un traité d'alliance entre les Étais de Brabanl, de Flandre, d'Ar-
tois , de Hainaut et leurs associés d'une pari , et les Ëlats de Hol-
lande , de Zélande et leurs confédérés d'autre part.
Selon cet accord , on se pardonnait réciproquement toutes les
injures passées; on s'uuissail pour chasser les Espagnols el les
étrangers , après quoi l'on se proposait d'obtenir la convocation
des états-généraux, à la décision desquels les uns et les autres
promettaient de se soumettre : en attendant , les Hollandais et les
Zélandais s'engageaient ï n'entreprendre rien contre la religion
catbolique bors leur juridiction, les lois pénales étant néanmoinB
suspendues dans toutes les provinces de la confédération.
Le prince d'Orange , confirmé dans les emplois d'amiral et de
gouverneur de Hollande , de Zâlande et de Bommel , devait com-
mander en chef les forces alliées jusqu'à l'entière expulsion des
Espagnols.
Tel est le traité que l'on nomma la pacification de Gand, traité
que les états firent approuver par les théologiens et par les uni-
versités catholiques, par les jurisconsultes, par les curés, parles
évêques , par les abbés.
Don Juan d'Autriche arriva alors pour prendre le gouvernement 1
des Pays-Bas; il entreprit, mais inutilement, de rompre la paci-
fication de Gand ; il l'enfreignit et fut déclaré enuemi du pajs.
La province d'Utrecbt se joignit aux autres provinces , & condi-
tion que la religion catbolique serait maintenue à l'exclusion de J
L'année suivante , une grande partie des seigneurs des Pajs- I
Bas redoutèrent la puissance du prince d'Orange , et ils oSriretir I
* An 1577. Bistoircdela réforme, pnrBrandt, I. H.
486 HOL
le gouvernement à rarchiducMathias, qui vînt en prendre posses-
kk» en Vft9.
Ce nouveau gouverneur établit le prince â*Orange son stathou-
der général , et ils promirent tous deux , par serment , de miûn-
tenir la pacification de Gand, d*entretenir la tranquillité publique»
et surtout de ne permettre pas que Ton entreprît rien au préjudice
de la religion catholique.
Les réformés , enflés du tour que les choses prenaient , donnè-
rent un exemple remarquable de Tinsolence de Torgueil humain
dans la prospérité : ceux d'Amsterdam firent soulever la popu-
lace , s'emparèrent de Thôtel-de- ville, chassèrent les moines et les
prêtres , brisèrent les images , s'emparèrent des églises et rédui-
sirent les catholiques à n'avoir des assemblées que dans leurs mai-
sons particulières ; encore cette indulgence déplaisait-elle à quel-
ques réformés.
Ils commirent des désordres à peu près semblables à Harlem.
Les réformés de Flandre et de Brabant n'étaient pas assez forts
pour y faire des exploits de cette nature , mais ils se donnèrent de
grandes libertés : ils prêchèrent et administrèrent la communion
publiquement , en plusieurs endroits , sans aucun égard k la dé*
fense qu'on en avait faite peu avant. Elnfin, ils demandèrent
l'exercice public de leur religion , et cette démarche fut approu-
vée par le synode national assemblé à Dordrecht, qui adressa une
requête à l'archiduc pour obtenir le libre exercice de la religion
protestante.
L'archiduc et le conseil d'État^ en réponse à cette requête,
formèrent un projet de paix religieuse , qu'ils communiquèrent
aux provinces , en leur laissant une entière liberté de l'adopter ou
de le rejeter.
Ce projet de paix religieuse laissait à tout le monde une par-
faite liberté de conscience , rétablissait la religion catholique dans
tous les lieux où elle avait été abolie » si dans ces villes il y avait
cent personnes qui la demandassent : il portait que , dans les
autres lieux , on suivrait la pluralité des voix , et que ce serait la
même chose pour la religion réformée^ dans les lieux où elle n'a-
- vait point encore été établie; que personne n'entrerait dans les
églises d'une communion différente pour y donner du scandale, et
^ que l'élection des magistrats et des officiers se ferait par la dif-
férence du mérite et non par celle de la religion.
Ce projet ne fît qu'irriter les Protestans et les catholiques ;
HOL 487
ceux-ci ne voulurent rien accorder aux Protestans , et ceux-là ,
non contens d*une simple tolérance , entreprirent d*obtenir pa^r
la force ce quUls ne pouvaient prétendre par justice ; ils s'abau;
donnèrent à leur fanatisme partout où ils se trouvèrent les plus
forts , de sorte que les mêmes personnes , qui auparavant agis-
saient de concert contre les Espagnols , leurs enneipis communs ,
tournèrent leurs armes les unes contre les autres avec un acharne-
ment incroyable , et ce projet de paix alluma dans toutes les pro-
vinces une guerre intestine aussi cruelle que celle qu* elles avaient
soutenue contre TEspagne^.
Les peuples d'Artois , du Hainaut et les habitans de Douai
s^associèrent pour maintenir la religion romaine, Fautorité du
roi et la pacification de Gand , et pour s'opposer à la paix reli-
gieuse.
Le prince d'Orange crut qu'il était nécessaire d'opposer une
ligue à celle des catholiques ; il unit les pays de Gueldre , de
Zupbten , de Hollande, deZéiande, d'Utrecht et des Ommelandes
de Frise , qui sont entre i'Ems et le Lawers.
L'union se fit à Utrecht, le 10 janvier 1579, en déclarant au
préalable qu'on ne voulait point enfreindre la pacification de Gand.
Cette confédération , que l'on appela l'union d'Utrecht, et qui
a produit la république des Provinces-Unies , fut bientôt après
fortifiée par la jonction de la Frise , du Brabant et d'une partie
de la Flandre.
L'acte de confédération portait : « Que les confédérés s'unis-
» saient à perpétuité pour ne faire qu'un seul et même État ; que
» chaque province serait néanmoins indépendante des autres et
» souveraine chez soi quant à son gouvernement particulier, et
» que par conséquent chacune établirait chez elle tel gouverne-
» ment ecclésiastique et maintiendrait telle religion qu'il lui plai-
» rait ; on témoignait même qu*on était disposé à recevoir dans la
» confédération les provinces qui ne voudraient tolérer que la
» religion romaine , pourvu qu'elles se soumissent aux autres ar-
V ticles. »
La pacification de Gand, la paix religieuse et l'union d'U-
trecht ne calmèrent point les esprits ; les tumultes recommencè-
rent à Anvers , à Gand , etc., (^ les ecclésiastiques furent mal-
traités. Â Utrecht, à Bruges, à Bois-le-Duc et en plusieurs
*• Histoire delà réforme, par Brandt, 1, 11, 12,
4S8 HOL
autres endroits , les réformés oe furent ni plus soumis , ni plus
sages , et enfin ce que Ton craignait arriva : F Artois , le Hainaut
et les autres peuples wallons firent leur paix avec Philippe II et
se remirent sous son autorité. Cette désunion fut Teffet des infrac-
tions que les réformés faisaient presque partout au traité de Gand
et de leurs fréquentes perfidies envers les catholiques romains : ils
insultaient les prêtres , Jes curés , pillaient les églises, brisaient
les images , chassaient les catholiques de leurs églises.
Quoique la république fût opprimée par les Espagnols « affai-
blie par la séparation des Wallons et déchirée par les catholi-
ques , par les Luthériens et par une infinité de sectes d* Ana-
baptistes, quelques ministres réformés suscitèrent encore des
disputes flàcheuses au sujet de la police ecclésiastique : les uns
voulaient que le magistrat eût la principale part dans le choix
des ministres , d^autres voulaient que ce choix dépendît du con-
sistoire.
Au milieu de ces tumultes et de ces querelles, les ministres
s^assemblèrent et donnèrent à FÉglise réformée de Hollande la
discipline que Calvin avait établie à Genève.
Malgré cette discipline, les églises réformées de Hollande fu-
rent agitées par mille divisions intestines, et surtout par les efforts
qu^elles firent pour se soumettre les magistrats et pour empêcher
qu'on n'accordât aux autres religions la tolérance qu'elles avaient
d'abord demandée pour elles-mêmes aux catholiques, comme une
justice*.
Enfin , les disputes du clergé et des magistrats s'apaisèrent ; les
magistrats eurent égalité de voix avec les ministres dans les élec-
tions , et l'élection n'avait lieu qu'après l'approbation du bour-
guemestre.
Tandis que la république était agitée par ces divisions intérieures,
elle était attaquée au dehors par des puissances étrangères , et le
prince d'Orange défendait sa liberté avec toutes les ressources
que fournit le courage et le génie ; la Hollande était sur le point
de le déclarer comte de cette province , lorsqu'il fut tué d'un coup
de pistolet, par un Bourguignon, àDelft, le 10 juillet 1584.
La mort du prince d'Orange jeta la république dans la conster-
nation ; les Provinces-Unies s'offrirent à Henri 111 , roi de France,
qui n'était en état ni de recevoir ce peuple , ni de les secourir, à
* Histoire de la réforme, par Brandi, 1. 13, 14,
HOL 46b
cause des affaires que la Ligne lui suEcitail dans son propre
royaume : ils s'adressèrent ensuite fi Elisabeth , reine d'Ânglc-
terre , qui refusa la souveraineté , mais qui accorda des secours
aux Provinces-Unies , il condition qu'elle placerait des garnisons
anglaises dans les villes qui senties clés de la Hollande el de ta
Zélunde.
Le comte de Leycestre commandait les Anglais, et, !i l'aide des
ministres , il augmenta le trouble et la cournsion : on eut recours
au prince Maurice, tib du prince d'Orange tué !i Délit, qui sou-
tint par soD courage et par son bonheur l'état chancelant des PrO'
vi nces- Unies ; on le fit stathouder d'Utrecbt, de Gueldre, de
Zuphten, de Hollande et de Zélande; il remporta de si grands
avantages sur les Espagnols qu'il donna aux confédérés le temps
de respirer.
Henri 111 avait été assassiné , et Henri IV conquérait sur la
Ligue le rojaume de France ; Philippe , aveuglé par la haine qu'il
portait il ce prince , s'unit aux ligueurs, el envoya le duc de Parme
en France. Les Hollandais devinrent plus hardis ; leur puissance
égala bientét leur courage. Après s'être tenus long-temps sur la
défensive, trop heureux d'abord de pouvoir résister i leurs en-
nemis, ils commencèrent ù les attaquer, et leur enlevèrent enfin
les provinces voisines ; la victoire les suivit presque tonjours sur
mer et sur terre , dans les sièges comme dans les batailles ' ; ils
firent de nouvelles lois , réglèrent l'administration de leurs finan-
ces, Eouliurenila guerre pendant quatorze ans contre l'Espagne,
se liguèrent contre elle avec l'Angleterre el avec la France, et
parviurenl enlin à un degré de puissance qui les mil eu état de
feire reconnaître par toute l'Europe pour une naiion libre sur I
quelle l'Elspagne n'avait rien à prétendre.
Des lecUt qui te formèrent en Hollande depuis que le CeMnitm
fut la religion nalionale.
Les Provinces-Unies, soulevées contre l'Espagne el contre ,
l'inquisition, devinrent l'asile de toutes les sectes chrétiennes
condamnées par les lois de l'Espagne et de l'inquisition : les Etats
de Hollande leur accordèreni leur protection , et les Anabaptistes
furent traités avec beaucoup d'humanité. Les tliéologiens protea-
' En 16i8. Toyei de Thou, I, 10. Traité de Munster. Rial. du liaîUi
de Wrsiphalic, '
1
490 HOI'
tans atuquèrent dans leurs sonnons et dans levrs écritft Viidd^
gence des magistrats ; ils soutinrent que les magistrats ne peo-
Taient accorder la liberté de conscience, et qu'ils éuient obligea
de punir les hérétiques. Voilà quelles étdent les prétention da
clergé protestant contre les Sociniens, cwitre les Anabaptia*
tes, etc., au milieu des malheurs de la guerre, et malgré 1m
alarmes que causaient aux Provinces-Unies les efforta de FEs-
paguft, efforts qui pouvaient faire rentrer les Protestans sons one
domination dont ils n'étaient sortis que parée qu'elle ne toiérail
pas les hérétiques.
Dans le temps que les théologiens protestans s'efforçaient d'ar*
mer le peuple et les magistrats cgutre les Socinôens , les Àni^p«
tistes , les Luthériens , etc., ils se divisaient entre eux sur la
grâce , sur la prédestination , sur le mérite des œuvres , et leun
disputes produisirent des divisions , des (actions et une gueire de
religion.
Calvin avait nié la liberté de l'homme et soutenu que Dieu ne
prédestinait pas moins les hommes au péché et à la damnation
qu'à la vertu et au salut. Cette doctrine, que beaucoup de Pro-
testans avaient condamnée dans Luther, avait été attaquée dann
Calvin lors même qu'il régnait à Genève ; elle trouva des adver-
saires plus redoutables dans les Pays-Bas et parmi les réformés ,
qui prétendirent que la doctrine de Calvin sur la prédestination
n'était pas un point fondamental de la réforme.
Arminius , ministre d'Amsterdam et professeur à Leyde, se dé-
clara contre la doctrine de Calvin : ce ministre croyait que Dieu
« étant un juste juge et un père miséricordieux , il avait fait de
» toute éternité cette distinction entre les hommes , que ceux qui
j» renonceraient à leurs péchés et qui mettraient leur confiance en
» Jésus-Christ seraient absous de leurs péchés , et qu'ils joui-
» raient d'une vie éternelle ; mais que les pécheurs endurcis et
» impénitens seraient punis : qu'il était agréable à Dieu que tous
» les hommes renonçassent à leurs péchés, et qu'après être par-
» venus à la connaissance de la vérité , ils y persévérassent con-
» stamment, mais qu'il ne forçait personne *. »
« Gomar prit la défense de Calvin , et soutint que Dieu , par
» un décret étemel , avait ordonné que, parmi les hommes , les
» uns seraient sauvés et les autres damnés; d'où il s'ensuivait
* Hist. de la réforme des Pays-Bas, t. i, p, 864.
aw m
• tfM 1m ans étaient attira ft la jnstice , et qu'ainsi ^tant atiîréa
D ils ne pouvaient pas tomber, mais que Dieu permettait que tous
• les autres restassent dans (a comiptioD de la oature humaine et
• dans leurs ioiquités. >
Gomar ne se contenta pas de défendre son sentiment, il pu-
blia qu'Arminius ébranlait les fondemens de la Réforme , qu'il
introduisait le papisme et le jésuiiisme.
La plupart des ministres et des prédicateurs combattirent Ar-
minius , qui trouTs cependant des défenseurs : les écoles s'intê-
ressËrent dans cette contestation; des écoles elle passa dans les
chaires, et tout le peuple en fut instruit. Quelques prédicateurs
se plaignirent avec empLirtement de ce qu'on révoquait en doute
la vérité de la confession de foi qui avait été sceUée du sang d'un
si grand nombre de martyrs'.
Les états de Hollande prirent connaissance de ces disputes, et
s'elforcërent de les apaiser, mais inutilement; les deux partis
s'écbauDëreut , intriguèrent, cabalërent, et les deux sectes de-
vinrenldeuiiactioDs; maiscdle de Gomar prit bient&t le dessus,
et les Arminiens présentèrent une remontrance aux états de Hol-
lande, dans laqucdle ils se juatiliaienldes imputations des Goma-
risies , qui publiaient qu'ils voulaient faire des changemens dans
la religion. Hs prétendaient qu'il fallait examiner la confession de
foi et le catéchisme, après quoi ils rendirent compte de la doc-
trine de leurs adversaires et de la leur. Celte remontrance , pré-
sentée par les Arminiens , les lit nommer Keniontrans.
Les Gomoristes présentèrent une remontrance opposée, et fu-
rent appelés contre-Aemontrans *.
Les états imposèrent silence snr les matières eontrOTersées
entre les Arminiens et les Gomaristes, et les exhortèrent à vivre.
en paix; mais ce parti ne fut pas approuvé par toutes les villes,
et les ministres continuèrent a déclamer contre les Arminiens et
à les rendre odieux.
Dès le commencement de la réformation , plusieurs bourgeois
d'Amsterdam, et même quelques magistrats de cette ville, avaient
rejeté h doctrine de Calvin touchant la prédestination et quel-
ques autres dogmes de ce tbéologien ; leurs descendans se décla-
' Histoire delà réforme des Pays-Bas, p. 885, 389.
' Nous avons exposé les principes tliéologiciues de ces deux sectes
MU aiildei AuuKtns elOoiua.
I
I
49Û HOL
•
rèreot pour les opinions des Remontrons : quelques mmiibres de
rÉglise wallone se joignirent k eux , et s'assemblèrent en particu-
lier. Les Remontrans , excités par leur exemple et las des in?ec-
tives des ministres gomaristes , formèrent aussi des assemblées
dans la province de Hollande. La populace les atUqua, brisa la
chaire du prédicateur, et eût démoli la maison si on ne l'eût dis-
persée. Le dimanche suivant on pilla la maison d'un riche bour-
geois remontrant, dans la même ville; les Remontrans de Hol-
lande et d*Utrecht , prévoyant la tempête , formèrent entre eux
une union plus étroite par un acte particulier.
Le magistrat fut donc alors forcé de prendre part dans cette
querelle théologique , et les prédicateurs , ne se bornant pas à
instruire , mais soufflant le feu de la sédition , les magistrats ren-
dirent un édit qui ordonnait aux deux partb de se tolérer.
Cet édit souleva tous les Gomaristes , et Ton craignit de voir re-
nouveler les séditions : le grand pensionnaire Bamevelt proposa
aux états de donner aux magistrats de la province le pouvoir de
lever des troupes pour réprimer les sè^tkux et pour la sûreté de
leur ville.
Dordrechty Amsterdam , trois autres villes fiavorables aux Go-
maristes , protestèrent contre cet avis ; néanmoins la propositiou
de Barnevelt passa , et les états donnèrent un décret en confor-
mité le 4 août 1617.
Le prince Maurice de Nassau haïssait depuis long-temps Bar-
nevelt; il crut, à la faveur des querelles de religion, pouvoir
anéantir son autorité ; il prétendit que la résolution des états pour
la levée des troupes, ayant été prise sans son consentement, dé-
gradait sa dignité de gouverneur et de capitaine général. De pa-
reilles prétentions avaient besoin d'être soutenues du suffrage du
peuple : le prince Maurice se déclara pour les Gomaristes, qui
avaient mis le peuple dans leur parti , et qui étaient ennemis jurés
de Barnevelt.
Le prince Maurice défendit aux soldats d'obéir aux magistrats ;
il engagea les états généraux à écrire aux magistrats des villes
pour leur enjoindre de congédier les troupes levées pour la sûreté
publique ; mais les états particuliers , qui se regardaient comme
souverains, et les villes qui, à cet égard, ne croyaient devoir
recevoir des ordres que des états de leurs provinces , n'eurent
aucun égard aux lettres des états généraux.
Le prnce traita cette conduite de rébellion, et convint avec
HOL 49d
les états généraux qu'il marcherait lui-même avec les troupes qui
étaient à ses ordres pour obtenir la cassation de ces soldats levés
irrégulièrement y quM déposerait les magistrats arminiens» et
qu'il chasserait les ministres attachés à ce parti.
Le prince d'Orange exécuta le décret des états généraux avec
toute la rigueur possible : il déposa les magistrats , chassa les
Arminiens, fit emprisonner tout ce qui ne ploya pas sous son
autorité tyrannique et sous sa justice militaire ; il fit arrêter Bar-
nevelt , un des plus illustres défenseurs de la liberté des Pro-
vinces-Unies , et lui fit trancher la tête.
Barnevelt avait aussi bien servi les Provinces-Unies dans son
cabinet que le prince d'Orange à la tête des armées ; la liberté
publique n'avait rien à craindre de Barnevelt ; cependant il fut
immolé à la vengeance du prince d'Orange, qui pouvait anéantir
la liberté des provinces, et qui peut-être avait formé le projet
d'une dictature qui aurait trouvé dans Barnevelt un obstacle in-
vincible*.
Les Gomaristes, appuyés du crédit et de la puissance du prince
d'Orange, firent convoquer un synode à Dordrecht , où les Armi-
niens furent condamnés, et où l'on confirma la doctrine de Calvin
sur la prédestination et sur la grâce ^.
Appuyés de l'autorité du synode et de la puissance du prince
d'Orange , les Gomaristes firent bannir, chasser, emprisonner les
Arminiens : après la mort du prince Maurice , ils furent traités
avec moins de rigueur, et ils obtinrent enfin la tolérance en
1630.
Ainsi , le Calvinisme est la religion dominante en Hollande, et
celle dont on fait profession publique dans toutes les villes et
bourgs des sept Provinces-Unies; mais ceux de la confession
d'Ausbourg et les Remontrans ou Arminiens ont plusieurs tem-
ples ; les Anabaptistes, dont le nombre est fort augmenté depuis
l'expulsion de ceux qui étaient dans le comté de Berne , ont aussi
leurs assemblées; les Sociniens -sont aussi tolérés en Hollande,
et se sont joints pour la plupart aux Anabaptistes ou aux Armi-
niens.
Les Puritains et les Rouakres ont aussi leurs assemblées en
Hollande.
* Voyez du Maurier, le Yasser, le Clerc.
* Voyez les articles Comar, Arminius.
I. 42
494 HUS
Les catholiques romains sont tolérés en BoAande » ils ont leurs
cbipeUes particulières ; ils sont beaucoup plus répandus dans les
campagnes et dans les villages que dans les villes.
Enfin les Juifs ont en Hollande plusieurs synagogues, deux à
Amsterdam , une à Rotterdam , etc.
On a beaucoup blâmé la tolérance des Provinces - Unies ;
M. Basnage a prétendu la justifier ^.
HUS (Jean de), ou JEAN DE HUSSINETS, communément
JEAN HUS , fut ainsi nommé , selon la coutume de ce temps4à ,
du nom d^une ville ou d'un village de Bohême , dont il était ori-
ginaire : il fit ses études dans FUniversité de Pragiae , y prît le
degré de mattre es arts, devint doyen de la faculté de théologie, et
fut fait recteur de Tuniversité au conmiencement du quinzième
siècle *.
Le quatorzième siècle avait produit une foute de sectes qui
s^étaient déchaînées contre la cour de Rome et contre le clergé ;
elles s^étaient élevées contre Fautorité des papes, elles avaient
attaqué celle de FÉglise.
Les ennemis du clergé de Rome et de FÏJ^lise n'étaient pas
seulement des fanatiques et des enthousiastes , c*étaient des reli-
gieux , des théologiens , des hommes savans , tels que Jean d*0-
liva, Marelle de Padoue, Wiclef, et tous ces Franciscains qui
écrivirent pour prouver que les Franciscains ne pouvaient possé-
der rien en propre , quMls n^avaient pas même la propriété de leur
soupe , et qui attaquèrent Fautorité du pape qui les avait con-
damnés.
Leurs ouvrages s'étaient répandus partout , et ceux de Wiclef,
surtout , avaient été portés en Bohême.
L'état dans lequel le clergé était presque partout donnait du
poids à ces écrits séditieux : on voyait le clergé comblé de ri-
chesses et plongé dans Fignorance n*opposer à ses ennemis que
le poids de son autorité et son crédit auprès des princes ; on
voyait des antipapes se disputer le siège de saint Pierre , s'ex-
communier réciproquement , et faire prêcher des croisades contre
les princes soumis à leurs concurreus.
Ce spectacle et la lecture des livres des ennemis de FËglise
^ Stoup.Helig., des Hoil, Hist. des Proviuces-Uniesi par Basnagej
1. 1, p. 135.
2 En UOdé
HUS 49f|
firent nattre dans beaucoup d'esprlls le dâsir d'une réCormaiion
dans la discipline el dans te clergé. Jean Hus la recommaDda
comme le seul remède aux maux de l'Ëglise; il osa même la prè-
ciieret s'élever contre l'ignorance, contre les mœurs et cooireles
richessea du clergé, qu'il regardait comme la cause primilive de
tous les vices qu'on lui reprochait.
I! recommandait la lecture des livres des sectaires, qu'il croyait
Irès-proprea !i faire sentit la oécessilé de celte réforme, par la
hardiesse areo laquelle ils peignaient les désordres do clergé ; i]
fallait, selon Jean Hus, permettre la lecture des livres des héré-
tiques, parce qu'il y aïait des Térilés qu'on trouvait mieui déve-
loppées ou plus fortement exprimées cbex eux ; eetle perraUsioo
n'était pas dangereuse, pourvu qu'on réfutît solidement les er-
Jean Hus n'avait encore adopté aucune des erreurs de Wiclef ;
sa hardiesse, le succès de ses prédicalious, la lecture des livres
de Wiclef , indisposèrent une infinité de monde contre le clergé :
on fut alarmé du progrès de sa doctrine ; on le cita ï Rome, et
on le chassa de Prague ; on condamna ensuite tes livres de Wi-
clef; on punit sévèrement tous ceux qui les gardaient, et l'on en
brûla plus de deux cents volumes '.
Jean Hus prit la défense de Wiclef; il ne justifiait pas ses er~
rcurs, il les condamnait ; mais il prétendait prouver par l'autorilë
des Pères, par celle des papes, par les canons et par la raison)
qu'il ne Tallait point brûler les livres des hérétiques, et eu parti-
culier ceux de Wiclef, ï la vertu et au mérite duquel l'Univeraité
d'Oxford avait rendu des témoignages authentiques.
• L'essence de l'hérésie, disail-U, consiste dans l'opiniâtreté
ï de la rêsistaDCe i, la vérité : qui sait si Wiclef ne s'est p»B r»-
•> peati 7 Je ne prétends pas qu'il n'a pas été hérétique, mais je
I ne me crois pas en droit d'assurer qu'il l'a été. >
Celait, selon lui, penser trop avantiigeusement des aophJsnes
des hérétiques et en donner une trop haute idée aux fidèles, qm
de les défendre comme des ouvrages qui séduisent inTaillibleiiiMit
ceux qui osent les lire. Instruisez te peuple, disait-il, mettei-le en
état de voir le faux des principes des hérétiques ; qu'il soil aSHi
instruit pour comparer leur doctrine avec l'Ëcriture ; par ce
496 HUS
moyen il distinguera facilement dans les livres des Kérétiques ce
qui est conforme à rÉcrîture de ce qui lui est contraire ; c'est le
moyen le plus sûr d'arrêter Terreur.
Jean Hus commençait donc à établir TÉcriture comme la seule
règle de la foi, et les simples fidèles comme juges compétens des
controyerses de la foi ; car il n'adoptait point les erreurs de Wiclef
sur la transsubstantiation, sur l'autorité de l'Église , sur le
pape, etc. Il prétendait seulement avec lui que les rois avaient
le pouvoir d'ôter à l'Ëglise ses possessions temporelles, et que les
peuples pouvaient refuser de payer la dîme *.
Après la mort de l'archevêque Sbinko, Jean Hus revint à Pra-
gue, et ce fut alors que Jean XXIll donna sa bulle pour prêcher
une croisade contre Ladislas, roi de Naples.
Dans cette bulle, « le pape priait, par l'aspersion du sang de
» Jésus-Christ, tous les empereurs et princes de la chrétienté,
» tous les prélats des églises et tous les monastères , toutes les
» universités et tous les particuliers de l'un et de l'autre sexe,
» ecclésiastiques et séculiers, de quelque condition, grade, di-
» gnité qu'ils soient, de se tenir prêts à poursuivre et à exterminer
» Ladislas et ses complices, pour la défense de l'état et de l'hon-
» neur de l'Église, et pour la sienne propre. »
Le pape accordait à ceux qui se croiseraient la même indulgence
qu'à ceux qui s'étaient croisés pour la terre sainte : il promettait
les mêmes grâces à ceux qui, ne combattant pas en personne, en-
verraient à leurs dépens, selon leurs facultés et leur condition,
des personnes propres à combattre ; il mettait les uns et les au-
tres, avec leurs familles et leurs biens, sous sa protection et sous
celle de saint Pierre, commandant aux diocésains de procéder
par censures ecclésiastiques, même jusqu'à employer le bras se- -
culier contre ceux qui voudraient molester les croisés dans leurs
biens et dans leurs familles, sans se mettre en peine d'aucun appel.
La bulle promet pleine rémission des péchés aux prédicateurs
et aux quêteurs des croisades ; elle suspeod ou annule toutes les
autres indulgences accordées jusqu'alors par le saint Siège , et
traite Grégoire Xll, concurrent de Jean XXlll, d'hérétique, de
schismatique et de fils de malédiction *.
* Voyez Joannls Hus hist et monum.
* Ces bulles sont dans la collection des ouvrages de Jean Has , t, l,
p. m, édition de Nuremberg.
HtlS
Jean Uus attaqua ceue bulle et les indulgences qu'ellt; proniei-
tail; il praieala qn'il était prèl â se rétracter si on lui TaisaU
voir qu'il se trompait; qu'il ne prétendait ni défendre Ladislas,
ni soutenir Grégoire XII, ni attaquer l'aulorllé que Dieu avait
donnée au pape, mais s'opposer ï [''abus de cette autorité.
Après ces protes talions, Jean Hus eouiinl que la croisade
donnée par Jean XXIII est contraire ï la charité évangélique,
parce que la guerre entraîne une infinité de désordres et de oial-
lieurs, parce qu'elle esi ordonnée â des cbrctiens coolre des
chrétiens; parce que ni les ecclésiastiques, ni les évêques, ni les
papes ne peuvent faire la guerre, surtout pour des iniérêts tem-
porels ; parce que le royaume de Naples étant on royaume chré-
tien et faisant partie de l'Ëgtise, la bulle qui met ce royaume en
interdit et qui ordonne de le ravager ne protège UTie partie de
l'Eglise qu'en détruisant l'autre ; que si le pape avait le pouvoir
d'ordonner la guerre, il fallait que le pape fût plus éclairé que
Jésus-Christ, ou que la vie de Jésus-Christ fût moins précieuse
que la dignité et les prérogatives du pape, puisque Jésus-Christ
n'avait pas permis à saint Pierre de s'armer pour lui sauver la vie-
Jean Hus n'attaqua ni le pouvoir que les prêtres ont d'absou-
dre, ni la nécessité du sacrement de pénitence, ni même le dogme
des indulgences pris en lui-même, mais il en condamna l'abus;
il disait qu'il croyait qu'on l'expliquait mal aux fidèles, et qu'ils
comptaient trop sur ces indulgences; il croyait, par exemple,
qu'on ne pouvoit accorder des indulgences pour une contribution
aux croisades.
Il prétend qu'on n'abuse pas moins du pouvoir de punir que du
pouvoir de pardonner, et que le pape excommuniait pour des cau-
ses trop légères, pour ses intérêts personnels. Par exemple, Jean
Uns prétend qu'une pareille excommunication ne sépare point les
fidèles du corps de l'élise, et que, puisque le pape peut abuser
de son pouvoir lorsqu'il inflige des peines, c'est aux fidèles k voir
et à juger si l'excommunication est juste ou injuste, et que
s'ils voient clairement qu'elle est injuste, ils ne doivent point la
craindre '^
Ce principe portait un coup mortel ï l'auiorilé des papes et k
celle du clergé, autorité que Jean Hus regardait comme un obsta-
cle invincible à la réforme qu'il souhaitait qu'on établit.
< DJspul. JoannssNusadvertùsindulgenliaspapalcB, loccil., p. m.
498 UUS
Il poru tous ses efforts ^ers cet objet, et, pour affermir les
consciences contre la crsdnte de Texcommunication,; il entreprit de
faire Toir que Texcommunication injuste ne séparait en effet per-
sonne de rÉglise ; c'est ce qu'il se propose d'étaUir dans son
Traité de FÉglise.
La base de ce traité, c'est que l'Église est un corps mystique
dont Jésus-Christ est le chef, et dont les justes et les prédestinés
sont les membres : comme aucun des prédestinés ue peut périr,
aucun des membres de l'Église n'en peut être séparé par aucune
puissance; ainsi l'excommunication ne peut exclure du salut
étemel.
Les réprouvés n'appartiennent point à cette Église ; Us n'eu sont
point les wais membres : ils sont dans le corps de rÉgHse, parce
qu'ils participent à son culte et à ses sacremens, mais ils ne sont
pas pour c^a du corps de l'Église, comme les humeurs vicieuses
sont dans le corps humain et ne sont point des parties du corps
humain.
Le pape et les cardinaux conuposen^ iojac \t corps de l'Ëgllse,
et le pape n'en est point le ch^C.
Cependant le pape et les. évèques^ qui sont les successeurs des
apôtres dans le ministère, ont le pouvoir de lier et de délier ; mais
ce pouvoir n'est, selon Jean Hus, qu'un pouvoir ministériel qui
ne lie point par lui-même ; car le pouvoir de lier n'a pas plus
d'étendue que le pouvoir de délier, et il est certain que le pouvoir
de délier n'est dans les évêques et dans les prêtres qu'un pouvoir
ministériel, et que c'est Jésus-Christ qui délie en effet, puisque,
pour justifier un pécheur, il faut une puissance infinie qui n'ap-
partîenl qu*à Dieu : de là Jean Hus conclut que la contrition suf-
fit pour la rémission des péchés, et que l'absolution ne remet pas
nos péchés, mais les déclare remis.
Le pape et les évêques abusent, selon Jean Hus, de ce pouvoir
purement ministériel, et l'Église ne subsisterait pas moins quand
il n'y aurait ni pape ni cardinaux.
Les chrétiens ont dans l'Écriture un guide sûr pour se conduire :
il ne faut pourtant pas croire que les évêques n'aient aucun droit
à l'obéissance des fidèles : sans doute les fidèles doivent leur obéir,
mais celle obéissance ne doil^pas s'étendre jusqu'aux ordres ma-
nifeslement injustes et contraires à l'Écriture , car l'obéissanoe
que les fidèles doivent est une obéissance raisonnable.
Tous ces sujets sont traités avec assez d'ordre et de méthode
nus
par Jean Hus : on y trouve des invectives grossières'; c'élait le
ton du siècle, et les livres de Jean Bas ont servi de répertoire
»m réformateurs qui l'ont suivi.
Tels sont les principes tbëolagiques sur lesquels Jean Qus fon-
dail la résistance qu'il Taisait aui ordres des papes et le plan de
réforme qu'il voulait établir dans l'Église, en resserrant sa puis-
sance et donoant aux simples SdËles une liberté qui anéantissait
en etTet l'autorité de l'Église ^
Ces principes étaient soutenus par des déclauutioDS violentes
et pathétiques contre les richesses, contre les tnœws, contre l'i-
gnorance du clergé, et surtout contre l'autor'té qu'il eierçaii sur
les fidèles; par des peiulureft lives des malheurs du christia-
nisme, par U régularité de la vie de Je;.n dus. Ce théologien de-
vint l'oracle d'une partie du peuple ; ses disciples attaquèrent les
indulgences et se déchaînèrent contre le clergé, tandis que les
prédicateurs des indulgences s'efforçaient de décrier Jean Hus et
ses sectateurs , qui insultèrent les prédicateurs des indulgences
et publièrent que Le pape était l'Anlechrisl.
Le magistrat en fît arrêter quelques-uns, leur fît trancher la
léte : cet acte de rigueur ne causa point de révolte; mais les dis-
ciples de Jean Hus enlevèrent les corps, et honorèrent ces morts
comme des martyrs.
Cependant les disciples de Jean Hus se multipliaient, et le toi
de Bohême donna un édit par lequel il retranchait aux ecclésias-
tiques de mauvaises mœurs leurs dîmes et leurs revenus. Autorisés
par cet édit, les Hassitee en déféraient tous les jours quelqu'un de
ce caractère, et le clergé devint l'objet d'une espèce d'inquisition.
Plusieurs ecclésiastiques, pour n'être pas déftouillés de leors
bénéfices, se rangèrent du parti des Qussites, et le zèle des catho-
liques contre les Uussites commençait k a'aflàiblir*.
Conrard, archevêque de Prague, pour ranimer le zèle, j,eta un
Interdit sur la ville de Prague et sur tous les lieux uîi Jean Ilus
séjournait; il déleadit d'j prêcher et d'y làire l'oUice divin pen-
dant tout le temps de son séjour, et même quelques jours après ^.
Jean Hus sortit de Prague ; mais on continua d'j lire ses ou-
vrages, et il composa des écrits violens et injurieux centre l'élise
1 Joan. Hus, De EcclesiA milllanle.
' Coclit,, HisL Hussil,, J. 1, p. 62.
^ Jbid. LenfanE, conc de Pkc, t. 3, p. 237.
I
I
600 HUS
de Rome : tels sont son Ânatomie des membres de rÀntecbrist»
son Abomination des prêtres et des moines charnels, de rabolition
des sectes ou sociétés religieuses, et des conditions humaines.
Ces écrits, de TaTeu de M. Lenfant, sont aussi opposés au goût
de notre siècle qu'au caractère évangélique ^ .
Tous ces ouvrages de Jean Hus étaient reçus avidement par le
peaple ; il se forma une secte redoutable qui partageait la Bohême
et qui résistait au magistrat et au clergé.
Lorsque le concile de Constance fut assemblé, un professeur en
théologie et un curé de Prague y dénoncèrent Jean Hus.
Le roi de Bohême voulut que Jean Hus y allât, et Ton demanda
un sauf-conduit à TeiLi tireur Sigismond.
Lorsque Jean Hus fut arrivé, il eut des conférences avec quel-
ques cardinaux ; il protesta qu*il ne croyait enseigner ni hérésie,
ni erreur, et que si on le convainquait d*eu enseigner^ il Jes ré«
tracterait : cependant il continuait à enseigner ses sentimens
avec beaucoup d'obstination et d'ardeur.
Ainsi Jean Hus ne promettait point d'obéir au concile ni d'ac -
quiescer à son jugement , il ne promettait de lui obéir qu'autant
qu'on le convaincrait : il le dit lui-même dans une lettre, dans la-
quelle il assure qu'il n'a jamais promis que conditionnellement de
se soumettre au concile, et qu'il a protesté, en plusieurs audiences
particulières comme en public, qu'il voulait' se soumettre au
coDcile quand on lui ferait voir qu'il a écrit, enseigné et répandu
quelque chose contraire à la vérité^.
11 y avait beaucoup d'apparence que Jean Hus , qui était fort
opiniâtre dans ses sentimens et qui était flatté de se voir à la tête
d'un parti auquel il avait insinué qu'il était inspiré , il y avait ,
dis-je , bien de l'apparence que Jean Hus n'obéirait pas au con-
cile, et que, malgré son jugement , il continuerait à répandre une
doctrine contraire à FËglise et à la société civile : on crut donc
devoir s'assurer de sa personne.
Le consul de Prague, qui avait accompagné Jean Hus , réclama
aussitôt le sauf-conduit accordé par Sigismond ; mais en arrêtant
Jean Hus on ne crut pas violer le sauf-conduit, et en effet on ne le
violait pas. ^.
* Dans la collection des ouvrages de Jean Hus.
2 Jean Hus, lettre d 5. Lenfant, Hist. du conc de Const., 1. i, p. 307.
2 Voici le sauf-conduit, tel que le rapporte M. Lenfant,
« Sigismond, par la grâce de Dieu, etc. A tous, Salvt, etc. Nous re-
HtS 5
On donna des commissaires â Jeaii llus, eL l'un iiiuduisii uu
concile Ireotc articles, tirés des livres même du Jean Hus , qui
cuulieiinenl loute sa doctrine, telle qu'on l'a euposée.
Après avoir vérifié les propositions esiraites des livres même
de Jean Hus, letoncile déclara que beaucoup decesproposîtions
étaient erronées, d'autres scandaleuses, d'autres oOTensant les
■ commandons, d'une pleine affection, lionomblc liumme maitre lean
f HuB, bachelier en UiËolDgie et maître ti arts, porteur des présentes,
B allant de Bohême au concile de Constance, lequel nous avons pria
I sous nuire protection et sauvegarde, et sous celle de l'empire, dË-
• nraut que, lorsqu'il arrivera chci vous, vous le receviez bieo et le
> traitiei fatorablemenl, lui roumissant tout ce qui lui sera ntcessaire
■ pour hâter cl assurer son voyage, tant par eau que par lerre, sans
I rien prendre ni de lui, ni des siens, aui cuIrÂcs et aux sorties,
u pour quelques droits quece soit, et de le laisserlibremeut et sûrement
I passer, demeurer, s'arrêter et retourner, en le pourvoyaut mtme de
> bons passeports, pour l'Iiooncur et le respect de la majeslâ impériale.
K Donné 1 Spire, le 18 octobre l^li, >
VoilA le rondement sur lequel on prétend que le concile de Constance
B manqué de foi à Jean Hus : je Cerai sur celje accusation quelques
réflewoos,
1* Jean Hus n'était point en droit de se dispenser d'obéir !i la dta-
llon du concile de Constance, puisqoe le roi de Bohême cl l'emperrur
le lui ordonnaient , d'aeeord avec le concile M. Lenfant en confient,
Hist. du conc. de Con»l., t. 1, p. 37.
Si Jean Hus était obligé d'obéir à la citation, il était donc soumis au
jugement du concile : or, il est absurde de citer un homme à un Irl-
buual auquel il est nalurellcment soumis, et de lui promettre qu'il ne
sera point obligé d'obéir au jugement de ce tribunal j il n'y a donc
point d'apparence que rintenliondeSIgismond ait été de prendre lean
Hua sous sa prolecliou en cas qu'il fût condamné par le concile.
S' Le sauf-conduit ne dil point que l'on ne pourra arrêter Jenn Hus,
quelque jugement que le concile porte sur sa ducirine cl sur sa pur-
sonne; il n'est donné que pour la route depuis Prague jusqu'il Con-
stance, dans laquelle il <!tail diflicltc de vojager , surtout pour Jean
Hus, qui avait un grand nombre d'ennemis en Allemagne, depuis qu'il
avait 1^1 ûler aux Allemands les privil^es dont ils jouissaient dans
l'Universilé de Prague, de laquelle tons les Allemands l'étaienl retirés.
3° Jean Hus lui-même ne croyait point que le sauF-condult qu'il
avait demandé et obtenu lui assurât l'impunité de sa résislanee aa
ici quefûl lejugciuculducouuile; ouïe voit par les lettres
grand nombre téméraires eisécGÎ
Léréiiques el condamnées par les Pères et
SOS
oreilles pieuses,
par les conciles.
Après la dégradalion de Jean Hus , l'empereur s'en k
comme avocat et comme défenseur de l'Église, et le remit aa n^
gisuat de CoDsiaoce : on n'oublia rien pour l'engager à reconii
qu'il 3Tsit<!crites avant que de partir pour Prague: ildlldans cesletires
qu'il s'allend A trouter dans le concile plus d'ennemïa que Jésus-Cbri5l
n'en Irouia dans Jérusalem. Dans celte mftmelclCre, Jean Bus demande
à KS amis le secours de leurs prières, afin que s'il est condamné,
il gloriQe Dieu par une fin chrétienne ; il j parle de son retour comme
d'une chose fort incertaine.
Esl^ce Ift le langage d'un homme qui croit avoil un sauf-conduit qui
le mci à l'abri des suites du jugement du concile? Voyet Lentanl,
Hiit. du eonc. de Coml., t, 1, p. 39, AO.
4" M. LenFant prétend que Jean Hus n'a demandé le saur-conduit
que pour Constance, et non pas pour le voyage de Prague ï Constance.
Mais je demande pourquoi le sauf-conduit ne parle ^itit du séjour
de Jean Hus à Constance, si ce n'était pour son s^our dans celte ville
qu'il l'avait demandé P
M, Leofant reconnaît lui-même que Jean Hus avait sur sa route une
infmilé d'ennemis : pourquoi Jean Hus n'aurait-il pas craint d'être
insulté par CCS ennemis, lorsqu'il allait & Constance?
Jean Hus, pour se dispenser d'obéir à la citation de Jean XXlll,
atanl le concile de Conslancc, ne s'était Tonde que sur la difljculté du
voyage et sur le peu de sCUïté des clicniins : pourquoi celte même
diUiculté n'eût-elle pas encore été le motir pour lequel il demanda un
sauf-cou du il ?
En un mot, si Jean Hus n'a demandé son sauf-conduit que pour son
retour de Conslancc à Prague, ou pour son séjour ù Constance, pour-
quoi n'en esE-ilfiùt aucune mention dans le sauf-cDoduit? pourquoi oe
sauf-conduit ne par1e-l-il que du voyage de Prague âConalaoce?
Ainsi rien ne prouve que le sauf-conduit accordé i Jean Hu» ft
une assurance ou une promesse qu'un ne l'araéterait pas à Conslanee
supposé que sa doctrine fdl condamnée par le concile, el qu'on ne le
jugerait pas selon les lois, s'il refusait d'obéir au concile.
5' Les Bohémiens, dans leurs lettres au concile, après la déletUioB
de Jean Hus, ne se plaignent pas deoe qu'on l'a arrêté, mais de et
qu'on l'a arrêté sans l'eatendre, ce qui e!t contraire au saur-cou diût,
attendu, disent ces Jetircs, que le roi de Bohême a vail demandé im
sauf-conduit en conséquence duquel Jean Hu» devait être c
HUS
il fut InQeiible ,
fitlS
(eu sans remords
disciples; ils prirent
es Euîles du supplice
Ire ses tTreurs ; mais il fut InOeiible , et jilla a
Le supplice de Jean Rus souleva tous :
les armes et désolèrent la Bohême. Voyt
de Jean Hus, h l'arlicle IIdssites.
IIUSSITES , secUteurs de lean Hus : il s'en était fait un grand
nombre , en Bohème et dans la Foméranie , avant le concile de
Constanue, qui les excommunia tous.
Pendant que Jean Hus était ï Constance, un docteur saxon alla
trouver un curé de Prague , nommé Jacobel, et lui dit qu'il était
surpris qu'un homme aussi savant que lui et aussi saint ne se l'ùl
pas aperçu d'une grande erreur qui s'était glissée dan» l'Église
depuis long-temps, savoir, leretranchementde la coupe dans l'ad-
ministration de l'eucharisiifl , retranchement qui était contraire
au commandement de Jésus-Christ, qui dit : • Si vous ne mangez
> la cliairduFils del'honime, et Si vous ne buvez son sang, vous
lacobel , ébloui par ce sophisme , prêcha la
les deux espèces, afficha des thèses
seule espèce.
On était alors dans le Tort des querelles de Jean Hus ; le peuple
et l'Église de Prague étaient dans une agitation violente et dans
une espèce d'anarchie qui rend les esprits avides de nouveautés.
publiquement, et n'était soumis au concile qu'après avoh* été con-
vaincu d'enseigner une doctrine contraire jl l'Ëcriture, car les Bohé-
miens reconnaissent que dans ce cas le roi avait soumis Jean Hus au
ju|;eœentel i la décision duoondle. Voseï Rajnsld, ad an. tAll>.
0' Jean Bui avait obtenu un sauf-conduit pour venir rendre au
concile raison de u doctrine; les lettres des Bohémiens le disent ei-
presséfflent : cependant Jean Hus, au lieu de se renAirmer dans ces
bornes, continuait à dogmatiser et à répandre ses erreurs; le sauf-
conduit n'autorisait cerlaïneiuent pas cette licence; linsi le concile, en
le Taisant arrêter, même avant de l'avoir convaincu d'erreur, u« violait
point la foi du sauf-condulL
T Jean Rus avait voulu fuir de Constance; or, le sauf-Gondull ne
Iji accordait pas la liberté de fuir, et Wenceslos ne l'avait pas deman-
dée. Voyez Raynald, ad an. 1415, n" 31,
' Lenfant, loc. ciL Halid Alex, in »a;c. 15, Dupin. in sax, 15. Raj-
nald, ad an. UlSetaulv,
.S04 BUS
Jacobel fut secondé par un de ses confrères ; le sophisme qui les
avait séduits séduisit le peuple , et ces deux curés donnèrent la
communion sous les deux espèces.
Le clergé s'opposa à cette innovation ; on chassa Jacobel de sa
cure, et Tarchevêque l'excommunia ; mais Texcommunication n'é-
tait plus un frein. Jacobel, persuadé par Jean Hus qu^une excom-
munication injuste ne doit point empêcher de faire son devoir, ne
prêcha qu'avec plus de zèle , et le clergé de Prague déféra la doc-
trine de Jacobel au concile de Constance.
Jean Hus était à Constance; ses disciples le consultèrent, et non-
seulement il approuva la doctrine de Jacobel, mais encore il écri-
vit en faveur de la communion sous les deux espèces *,
Les Hussites adoptèrent donc le sentiment de Jacobel , et la
nécessité de communier sous les deux espèces s'incorpora pour
ainsi dire avec le Hussitisme.
Les théologiens catholiques combattirent l'innovation de /aco>
bel, et le concile deConstance la condamna.
Jacobel et les Hussites ne déférèrent point au jugement du
concile, et la communion sous les deux espèces fit de grands pro-
grès en Bohême et en Moravie, favorisée en quelques endroits par
les seigneurs et par le peuple , traversée ailleurs par les uns et
par les autres.
Elle trouva de redoutables adversaires dans le territoire de Bé-
chin : les curés et leurs vicaires chassaient à main armée les prê-
tres qui donnaient la communion sous les deux espèces , comme
autant d'excommuniés. Quelques-uns de ces prêtres se retirèrent
sur une montagne voisine du château de Béchin : là ils dressè-
rent une tente en forme de chapelle , y firent le service divin , et
communièrent le peuple sous les deux espèces; ils appelèrent cette
montagne Thabor, peut-être à cause de la tente qu'ils y avaient
dressée pour y faire le service ; car le mot Thabor, en bohémien,
signifie tente ou camp *,
On vit bientôt sur cette montagne un concours prodigieux de
peuple qui communiait sous les deux espèces, et les partisans de
cette pratique se nommèrent Thaborites.
Le supplice de Jean Hus , l'excommunication lancée contre ses
disciples, le retranchement de la coupe , avaient soulevé beau-
* Lcnfiint, Hist. du coiic. de CoiisL, t. 1, p. 271.
2 Supplrnipjit î\ la guerre do? Hussites,
i
k
?K«i
HirS 505
Mvi^ile inDiidc ; les Ilussiiee, ardens et passionnî-s, se servirent du J
ces mêmes moiifs pour animer le peuple contre le clergé.
Ils appuyaient la nécessité de la communion sous les deux n
pËccs sur UD passage de l'Ecriture, sur U parole même de Jésus-
Christ, qoi disait qu'an n'aurait point la vie si l'on ne buvait m
«ang : le sophisme que les Haesites fondaient sur ce passage &
duisit un évêque de Nicopolis, qui conféra les ordres et le sacer- |
doce i plusieurs Hussites, et le peuple regarda le retranchement
de la coupe comme une pratique qui damnait les chrétiens, <
communion sous les deux espèces comme nécessaire ausaliil.
clergé , qui refusait la communion sous les deui espèces , devint
odieux , et les Hussites qui la donnaient furent révérés comme
des apAtres qui voulaient le salut du peuple et qui étaient per-
sécutés pour lui : tout était donc disposé pour un schisme en 00-
l.e concile de Conslarice n'ignorait point l'état de la Bohême ,
et Martin V voulait ordonner une croisade contre ce royaume {
nuis Sigismond le dissuada , et le pape prit le parti d'écrire aux 1
Bohémiens et de leur envoyer un légat.
Les choses étaient dans un état oti les écrits , les lettres e'
qu'allumer le feu. Jean Oaminique, cardinal de 1
i. Sixte, écrivit au pape que la langue et la plume étaient désor-- 1
nais inutiles contre les Hussites , et qu'il ne fallait plus balancer I
,b prendre les armes contre des hérétiques opiniïtres.
Le cardinal de S. Sixte n'avait pas peu contribué â mettre let '
losïs dans cet étut par la rigueur qu'il employa contre les llus-
tes ; un prêtre et un séculier qu'il fit brûler furent comme le si-
goal de la sédition ; les catholiques et les Hussites prirent les
chambellan de Wenceslas et sectateur passionné de b J
doctrine des Hussites, courut la campagne, pilla tesmouasières, I
)kassa les moines , s'empara des richesses des églises , et rornit;!
projet de bâtir une ville sur la montagne de Thabor , et d'i
lire une place forte, qui fâi comme le cbef-lieu des Hussites.
Les Hussites devinrent donc une secte guerrière , ignorante #
inatique,dans laquelle se jetèrent toutes les sectes révoltées a
ftre l'Église de Rome.
insinuèrent leurs erreurs , et les iniroduisira
elle/ les Hussites retirés il Thabor ; mais, ï Prague et dai
lieux de la Bohème , les Hussites, excepté la t
t
606 HCS
nion sous les deux espèces et les erreurs de Jean Hus , ne s*é-
taient poin^ écuries de la croyance de TÉglise romaine ; ainsi les
Hussites se trouvèrent divisés en deux secies principales > pres-
que dès leur origine.
Les Hussites du Thabor» qui étaient des espèces de bandits et
des soldats , adoptèrent les erreurs de quelques Yaudois ou de
quelques Sacramentaires réfugiés chez eux, qui condamnaient les
cérémonies de TEglise , et formèrent la secte des Thàborites : au
contraire, tous ceux qui restèrent attachés aux cérémonies de TË-
l^ise romaine se nommèrent Galixtins , parce qu'ils donnaient le
calice au peuple ^.
Ces deux sectes eurent des démêlés fort vife , et ne purent se
réunir sur les articles de leur confession de foi ; mais ils se réu-
nissaient lorsqu'il était question d'attaquer TËglise romaine, et ce
fut par cette union qu'ils firent de grand progrès.
Du progrès des Hussites.
Avant que les divisions des Hussites eussent éclaté, Sigîsmond
avait fait assembler les garnisons qu'il avait en Bohème , pour
•^opposer aux assemblées des Hussites: les Hussites s'attroupèrent
en force ; il y eut plusieurs combats sanglans entre les troupes
de Sigismond et les Hussites.
Zisca écrivit à tous les Hussites pour les exhorter à prendre les
armes, et fit de Thabor une ville et une place forte : il dressa peu
à peu ses Hussites à la discipline militaire ^ entra dans Prague ,
où les Hussites, animés par la présence de ce chef, pillèrent et
ruinèrent plusieurs monastères et massacrèrent beaucoup de moi-
nes et de catholiques ; Zisca lui-même tua un prêtre , après l'a-
voir dépouillé de ses habits sacerdotaux ; de là il conduisit les
Hussites à la maison de ville, où il savait que les sénateurs étaient
assemblés pour prendre des mesures contre les Hussites.
Onze des sénateurs s'échappèrent ; les autres furent pris ou
jetés par les fenêtres avec le juge et quelques citoyens ; la popu-
lace en fureur reçut leurs corps sur des lances, sur des broches et
sur des fourches , tandis que Jean de Prémontré animait le peu-
ple, en lui montrant un tableau où le calice était peint.
Le lendemain les Hussites mirent tout à feu et à sang dans les
monastères. Les magistrats n'avaient pas prévu ces malheurs ,
* Lenfant, Conc. de Bôle, t. 2, p. 132, 142.
HUS 507
lorsque quelque temps avant ils avaient fait couper la tête à plu-
sieurs Hussites dans la cour de Thôtel-de-ville.
La nouvelle de ces désordres consterna Wenceslas ; il fut
frappé d'apoplexie , et mourut.
La reine Sophie fît quelques tentatives inutiles contre Zisca ; et
Sigismond, occupé en Hongrie contre les Turcs, ne put rétablir
Tordre en Bohême. Zisca continua ses ravages et fortifia Thabor.
La ville d'Aust était au pied de cette montagne. Zisca craignant
que le seigneur de cette ville , qui était catholique zélé et fort
animé contre les Hussites , n'inquiétât les Thaborites , surprit la
ville d'Aust, dans une nuit de carnaval , pendant Fabsence du
gouverneur et tandis que tout y était enseveli dans le sommeil
ou livré à la débauche. La ville fut prise avant qu'on sût qu'elle
était attaquée; les habitans furent tous passés au fil de l'épée, et
la ville réduite en cendres : de là Zisca vola à Sedlitz, qu'il sur-
prit et qu'il traita comme il avait traité la ville d'Aust. Ulric ,
seigneur de ces deux villes, fut tué dans la dernière.
II y avait à Prague une grande quantité de Hussites , mais ils
n'avaient pas conservé l'exercice libre de la communion aous les
deux espèces: les Thaborites leur proposèrent de s'unir à eux pour
se rendre maîtres de Prague , détruire le gouvernement monar-
chique , et faire de la Bohême une république : on accepta ces of-
fres, les Galixtins et les Thaborites réunis assiégèrent Wisrade,
et la prirent d'assaut *•
Zisca se serait rendu maître de la ville , si les ambassadeurs de
l'empereur n'eussent engagé les Hussites à accepter une trêve de
quatre mois, à condition qu'il y aurait pour tout le monde liberté
de communier sous une ou deux espèces et qu'on ne troublerait
personne ni dans l'un ni dans l'autre usage ; que les Hussites ne
chasseraient point les religieux et les religieuses , et qu'ils ren-
draient Wisrade.
Sigismond, après cette trêve, tint une diète à Braun ou Br%m :
de là il écrivit à la noblesse et aux magistrats de Prague de s'y
rendre; ils s'y rendirent, et demandèrent la liberté de conscience.
Ces conditions ne furent pas du goût de l'empereur ; il déclara
qu'il voulait gouverner comme Charles lY avait gouverné. '
Charles lY avait publié des édits sévères contre les hérétiques;
les catholiques triomphèrent , et les Hussites consternés allient,
^ Wisrade, forteresse séparée de la Yille de Prague par la Moldave,
508 HUS
les uns à Tbtbor auprès de Zisca » les autres à Sadomits auprès
de Hussinets , seigneur puissant et Hussite zélé.
L'empereur ne crut pas devoir entrer dans Prague ; il alla k
Breslauy en Silésie, et y signala son séjour par des exécutions
sanglantes : il fitécarteler un Thaborite de Prague qui prêchait la
communion sous les deux espèces. Dans le même temps , le nonce
du pape fit publier et afficber à Breslau la croisade de Martin Y
contre les Hussites.
Lorsque les Bohémiens apprirent cette nouvelle , ils firent tous
serment de ne recevoir jamais Sigismond pour roi , et de défendre
la communion sous les deux espèces jusqu'à la dernière goutte de
leur sang. Les hostilités recommencèrent à la ville et à la cam-
pagne ; ils écrivirent des lettres circulaires à toutes les villes du
royaume, pour les exhorter à n*y pas laisser entrer Sigismond , et
Ton vit une guerre ouverte entre Teropereur et les Hussites.
L*empereur mit sur pied une armée de plus de cent mille
hommes , qui fut battue partout où elle voulut pénétrer en Bo-
hême ; elle fit le siège de Prague , et le leva après y avoir perdu
beaucoup de monde. Le duc de Bavière , qui était dans cette ar-
mée f en parle en ces termes ^ à son chancelier : < Nous avons
» attaqué les Bohémiens cinq fois , et tout autant de fois nous
» avons été défaits avec perte de nos troupes , de nos armées , de
» nos machines et instrumens de guerre, de nos provisions et de
» nos valets d'armée ; la plus grande partie de nos gens a péri par
» le fer, et l'autre par la fuite ; enfin , par je ne sais quelle fata-
» lité, nous avons tourné le dos avant d'avoir vu l'ennemi. »
Sigismond, après avoir désolé la Bohême et perdu la plus
grande partie de son armée , licencia ce qui lui restait de troupes.
Zisca fut donc maître de la Bohême ; il y mit tout à feu et à
sang, et ruina tous les monastères : son armée grossissait tous
les jours, et pour éprouver la valeur de ses troupes, il les mena
à la petite ville de Rziezan, qui avait une forteresse; il emporta
l'une et l'autre, et brûla sept prêtres. De là il se rendit h Pra-
chaticz, la somma de se rendre et de chasser tous les catholi-
ques ; les habiuns rejetèrent ces conditions avec mépris : Z'sca
fit donner l'assaut, prit la ville, et la réduisit en cendres.
Les Thaborites de Prague et des villes qui s'étaient liguées
avec les Hussites avaient à leur têle des généraux d'une valeur
4 Lenfant, Guerre des Hussites,
HUS 509
et d'une habileté reconnues » qui rayageaient les terres des sei-
gneurs catholiques ; et Sigismond, pour ne point céder à Zisca et
aux Hussites en barbarie, infestait tous les environs de Guttem-
berg de ses hussards , et mettait tout à feu et à sang autour de
Breslau.
11 reçut une armée de Moravie, et voulut rentrer dans Prague ;
mais son année fut détruite, et il fut lui-même obligé de prendre
la fuite.
Les Hussites et les catholiques formèrent donc alors comme
deux nations étrangères qui ravageaient la Bohême et qui exer-
çaient Tune sur Tautre des cruautés inouïes et inconnues aux na«
tions barbares.
Sigismond se forma encore une nouvelle armée , et fut encore
défait par Zisca, et obligé de se retirer en Hongrie.
11 y avait plusieurs années que Zisca était aveugle, et, malgré
sa cécité , les forces de Tempire n'étaient pas capables de l'arrê-
ter. Sigismond voulut traiter avec lui ; il lui envoya des ambassa-
deurs, lui offrit le gouvernement de la Bohême, avec les conditions
les plus honorables et les plus lucratives , s'il voulait rame-
ner les rebelles à l'obéissance.
La peste fit échouer ces négociations ; Zisca eu fut attaqué, et
mourut ^.
1 Son corps fut transféré à Czaslau , ville considérable de Bohême, et
cnleiTë dans la cathédrale de cette ville : c'est une fable que Tordre que
Von raconte qu'il donna en mourant de faire un tambour de sa peau ;
Théobald témoigne qu'on lisait encore de son temps cette épitaphe :
»Cy gist Jean Zisca, qui ne le céda à aucun général dans Part militaire ,
» rigoureux vengeur de l'orgueil et de l'avarice des ecclésiastiques,
» ardent défenseur de la patrie. Ce que fit en faveur de la république
» romaine Appius Claudius l'aveugle, par ses conseils, et Marcus Furius
» Camillus par sa valeur, je l'ai fiiit en faveur de ma patrie : je n'ai
«jamais manqué à la fortune, et elle ne m'a jamais manqué ; tout
9 aveugle que j'étais, j'ai toujours bien vu les occasions d'agir; j'a|
9 vaincu onze fois en bataille rangée ; j'ai pris en main la cause des
» malheureux et celle des indigens contre des prêtres sensuels et char-
» gés de graisse, et j'ai éprouvé le secours de Dieu dans cette entre-
» prise. Si leur haine et leur envie ne l'avait empêché, j'aurais été mis
» an rang des plus illustres personnages; cependant, malgré le pape,
9 mes os reposent dans ce lieu sacré. »
La massue de Zisca était attachée & l 'épitaphe. Balbin raconte que
43*
510 HUS
Après la mort de Zîsca , son armée se partagea en trois corps :
les UDS prirent pour chef Procope Raze , surnommé le Grand :
Tautre partie ne voulut point de chef, et ces Hussites se nommè-
rent Orphelins; et un troisième corps de cette armée prit le nom
d'Orébiies , et se nomma des chefs.
Cette division des Hussites n*empèdia pas qu'ils ne s'unissent
étroitement lorsqu'il s'agissait de la cause commune : ils appe-
laient la Bohème la terre de promission , et les Allemands , qui
étaient limitrophes , ils les appelaient , les uns les Iduméens , les
autres les Moabites» ceui-ci les Amalécites, ceux-là les Philis-
tins.
Ces trois corps de Hussites traitèrent en effet toutes les pro-
vinces voisines de la Bohème comme les Israélites avaient traité
les peuples de la Palestine.
Le pape renouvela ses exhortations et ses instances pour une
croisade contre les Hussites , et l'Allemagne mit sur pied une ar-
mée de cent mille hommes. Les impériaux , Bialgré la supériorité
de leur nombre, furent défaits, et les Hussites continuèrent leurs
ravages.
On prêcha contre les Hussites une troisième croisade , et les
armées des croisés furent encore taillées en pièce.
Le pape etTempereur, voyant qu'il était impossible de réduire
les Bohémiens par la force , proposèrent des conférences et des
moyens d'accommodement ; on les invita au concile de Bâle , on
leur donna un sauf-conduit tel qu'ils le souhaitèrent , et les dé-
putés des Hussites se rendirent à Bâle, au nombre de trois cents,
à la tête desquels étaient le fameux Procope, élève de Zisca, Jean
de Rokisane , prêtre , disciple de Jacobel , et quelques Hussites
de considération.
Les Hussites réduisirent leurs prétentions à quatre chefs:
1<> que l'eucharistie fût administrée aux laïques sous les deux es-
pèces ; 2** que la parole de Dieu pût être prêchée librement par
Ferdinand I*' demanda un jour à qui appartenait cette massue, et
qu*aucun des courtisans n*osant le lui dire, un plus hardi répoiktit que
c'était la massue de Zisca : Tempereur sortit sur-le-champ de Téglifie
et de la ville , et s'en alla à une lieue de là , quoiqu'il eût résolu de
passer la journée à Czaslau ; il fuyait en disant : Celle mauvaise bète,
toute morte qu'elle est depuis cent ans, fait encore peur aux vivans.
( Voyez la Guerre des Hussites, t. i, p. 207. )
\
HUS 511
ceux à qui il appartient, c*e6t-à-dire par tous les prêtres; S» que
les ecclésiastiques n'eussent plus de biens ni de domaines tempo-
rels ; 4° que les crimes publics fussent punis par les magistrats.
On raisonna beaucoup sur ces articles ; mais les disputes pu-
bliques et les conférences particulières furent inutiles : les Hus-
sites ne se départirent point des quatre articles , et le concile ne
voulut point les accorder. Les députés des Hussites retournèrent
donc en Bohême , et les hostilités continuèrent ; mais les Thabo*
rites éprouvèrent des revers, les deux Procopes furent défaits et
tués. Les Tbaborites , affaiblis par la perte de ces deux généraux
et par plusieurs défaites , eurent moins d'éloignement pour la
paix ; le concile envoya des députés qui iirent avec les Bohémiens
un traité par lequel on convint que les Bohémiens et le» Moraves
se réuniraient à TËglise, et se conformeraient en tout à ses rites,
à Texception de la communion sous les deux espèces, que Ton
permettait à ceux chez qui elle était en usage ; que le concile dé-
ciderait si cela devait se pratiquer suivant le précepte divin ^ et
qu'il réglerait par upe loi générale ce qu'il jugerait à propos pour
l'utilité et pour le salut des fidèles ; que si les Bohémiens persis-
taient ensuite à vouloir communier sous les deux espèces , ils en-
verraient une ambassade au coucile, qui laisserait aux prêtres de
Bohême et de Moravie la liberté de communier sous les deux
espèces les personnes parvenues à Tâge de discrétion , qui le sou-
haiteraient, à condition qu'ils avertiraient publiquement le peuple
que la chair de Jésus-Christ n'est pas seule sous l'espèce du pain,
ni le sang seul sous l'espèce du vin, mais que Jésus-Christ est
tout entier sous chaque espèce.
L'empereur convint aussi de laisser, par forme de gages, les
biens des églises à ceux qui en étaient en possession , jusqu'à ce
qu'ils fussent retirés pour un certain prix.
Les Bohémiens, deleurcôié, accordaient le retour des reli-
gieux et des catholiques , à condition néanmoins que les monas-
tères qui avaient été démolis ne seraient point rétablis. On laissa
la disposition des églises de Bohême au pape , et on donna six
ans aux Orphelins et aux Tbaborites pour se résoudre à accéder
au traité.
L'empereur Sigismond fit ensuite son entrée à Prague , où il
mourut l'année suivante, 1437, et Albert d'Autriche, qui avait
épousé sa fille, fut élu roi de Bohême, mais il ne survécut que
deux ans à son élection.
515 HUS
Après la mort d* Albert d'Autriche , les Bohémiens se choisirent
deux gouverneurs , en attendant la majorité de Ladîslas , fils d'Al-
bert, à qui Pogebrac succéda.
Pogebrac acheva de détruire le parti des Thaborites , mais il
maintint Tusage de la communion sous les deux espèces , qui de-
vint ordinaire dans la plupart des églises de Bohême , sans qu'on
prit la précaution d'avertir le peuple qu'il n'y avait point de né-
cessité de l'observer.
Quoique Pogebrac eût ruiné le parti des Thaborites , il resta
néanmoins plusieurs personnes imbues de leurs opinions; ces
Bohémiens se séparèrent des Galixtins , et formèrent une nouvelle
secte connue sous le nom de Frères de Bohême. Voyez cet article ^
Tels furent les effets et la fin de la guerre des Hussites : elle fut
allumée par le bûcher qui consuma Jean Hus , par les rigueurs
des légats , par les armées que Sigismond envoya contre les Hus-
sites » par le sang qu'il répandit. Elle attira sur la Bohême tous
les fléaux de la colère de Dieu ; elle fit de ce royaume et d'une
partie de l'Allemagne un désert inondé de sang humain et cou-
vert de sang et de débris; elle finit sans corriger les abus contre
lesquels on avait pris les armes et prêché les croisades.
Aurait-on causé plus de maux à la Bohême et à l'Église si,
après la condamnation de Jean Hus et de sa doctrine, l'empe-
reur, au lieu d'envoyer ses troupes contre les Ilussites qui s'ns-
semblaient pour communier sous les deux espèces ; si , dis-je ,
cet empereur eût fait passer en Bohême des théologiens habiles
et modérés qui eussent instruit les peuples et combattu avec les
armes de la religion , de la charité et de la raison , les erreurs
des Hussites?
D^s erreurs de Jean Hus et des Hussites,
Les erreurs principales de Jean Hus et des Hussites regardent
e pape, dont ils attaquent la primauté; l'Élise, qu'ils compo-
sent des seuls élus ou prédestinés; la comn^nion sous les deux
espèces , qu'ils regardent comme nécessaire au salut.
Nous avons réfuté, dans l'article Grecs , l'erreur de Jean Hus
sur la primauté du pape.
Son erreur sur la nature de l'Église avait été avancée par les
Donatistes, par les Albigeois, par les Vaudois, par Wiclef; elle
* Sur Thisloire des Hussites, voyez les auteurs cités, Fleury, Dupîn, elc.
HUS 513
fut après lui adoptée par les Protestans ; c'est Tasilc de toutes les
sociétés séparées de TËglise romaine : on a réfuté celte erreur
à Tarticle Donatistes.
Il nous reste à parler de la communion sous les deux espèces,
Les catholiques reconnaissent que , durant plus de mille ans ,
rÉglise d'Occident, aussi bien que celle d'Orient, administrai^
même aux laïques la communion sous les deux espèces *.
Cette pratique n'était cependant pas si générale qu'en plusieurs
occasions on ne donnât la communion sous une seule espèce ; la
communion du vieillard Sérapion et celle des malades, les com-
munions domestiques, la messe du vendredi saint, sont une
preuve Incontestable de cette vérité: on ne réservait alors , comme
on ne réserve encore aujourd'hui , que le corps sacré de Jésus-
Christ ; cependant il est certain , par tous les auteurs , que le
célébrant , tout le clergé et le peuple , communiaient dans ces
saints jours, qu'ils ne communiaient, par conséquent, que sous
une espèce. On ne voit point l'origine de cette pratique , qui
était générale au huitième siècle.
11 est même certain que, dans l'office ordinaire de l'Église , les
fidèles avaient la liberté de communier sous une ou sous deux
espèces : le décret du pape Gélase, pour la communion sous les
deux espèces , en est une preuve : « Nous avons découvert que
» quelques-uns, prenant seulement le corps sacré , s'^ibstiennent
» du sacré calice , lesquels , certes , puisqu'on les voit attachés à
» je ne sais quelle superstition , il faut, ou qu'ils prennent les
» deux parties de ce sacrement , ou qu'ils soient privés de l'une
» et de l'autre*. »
Ainsi, le pape Gélase n'ordonne de prendre la communion sous
les deux espèces que pour s'opposer au progrès de je ne sais
quelle superstition , ce qui suppose évidemment la liberté de com-
munier sous une seule espèce avant la naissance de cette supersti-
tion et lorsqu'elle sera éteinte.Yoilà une conséquence que toutes les
subtilités de MM. de La Roque et du Bourdieu ne peuvent éluder '.
< Mabillon, Prxf. in 3 saec Benedict., Observ. 10, p. 130. Bossuet,
Delà commun, sous les deux espèces. Perpét. de la foi, t. 5, 1. 3.
Boileau, Hist. de la communion. Traité de reucharlstle, à la fin.
2 Décret. Grat. deconsecr., ôU\. 2. Ep. ad Major, et Joan.
* La Roque, Hîst. de Teuch., V |)art., c, 12, p. ?/|4. DuBourdîeU|
Rép., c 13.
514 HUS
La pratique de donner la communion sous une seule espèce
s'établit et devint générale dans rOccident , sans qu'il y ait eu sur
cela aucune contestation, aucune opposition ; on ne croyait donc,
en aucune Église d'Occident, qu'il fût nécessaire de communier
sous les deux espèces , lorsque Jacobel entreprit de rendre le ca-
lice aux simples fidèles.
Était-il permis à un simple curé de changer une discipline éU-
blie généralement? le pouvait-il faire contre la défense du concile
de Constance? Il n'aurait été autorisé à ce changement qu'autant
qu'il serait évident que la communion sous les deux espèces est
nécessaire au salut, ou il faut anéantir tout principe de subordi-
nation dans l'Église.
Mais peut-on dire qu'il est évident que la communion sous les
deux espèces est nécessaire au salut , et qu'on ne reçoit pas le sa-
crement de l'eucharistie lorsqu'on communie sous une seule espèce
Dans Tadministration des sacremens on est obligé défaire, noa
tout ce que Jésus-Christ a fait (autrement il faudrait donner l'eu-
charistie après souper) , mais seulement ce qui appartient k la
substance du sacrement : or, on ne saurait trouver dans l' eucha-
ristie aucun efiet essentiel du corps distingué du sang ; ainsi la
grâce de Tun et de l'autre, au fond et dans la substance , ne sau-
rait être que la même.
En effet Jésus-Christ, en instituant le sacrement de l'eucharistie,
dit à ses apôtres : Prenez et mangez ^ ceci est mon corps; or, le
corps, le sang, ràoie, la divinité de Jésus-Christ sont insépa-
rables; car Jésus-Christ lui-même dit, en saint Jean, qu'il a
donné son corps vivant dans reucharislie : or, il ne peut être vi-
vant qu'il ne soit uni avec le sang, l'âme, la divinité , sous chaque
espèce ; les catholiques , en donnant la communion sous une seule
espèce, ne changent donc point la substance du sacrement.
Ce changement dans l'administration de l'eucharistie ne touche
as plus la substance du sacrement que le changement qui s'est
ait dans l'administration du baptême touche la substance du bap-
tême , changement que les Protestans ont pourtant adopté. Tout
ce qu'ils diront pour justifier le changement de l'administration du
baptême , les catholiques le diront en faveur du retranchement de
la coupe.
Enfin, le retranchement de la coupe touche si peu la sub-
stance du sacrement , que les Protestans eux-mêmes ont fait un
décret pour administrer l'eucharistie sous la seule espèce da
l
HYB 515
pain à ceux qui ont une aversion insurmontable pour le yin ^.
En vain prétendrait-on que Teucharistie étant destinée à nous
rappeler la mémoire de la mort et de la passion de Jésus-Christ ,
on ne reçoit qu'imparfaitement ce sacrement lorsqu'on ne reçoit
que le pain ; car le pain eucharistique nous rappelle la mort de
Jésus-Christ , comme la communion sous les deux espèces ; et s'il
faut conserver Tusage du calice parce qu'il nous rappelle mieux la
passion de Jésus-Christ, il faudrait aussi donner la communion
après souper , parce que cette circonstance nous rappellerait en-
core mieux la mort de Jésus-Christ.
Les Luthériens ont renouvelé la communion sous les deux es-
pèces , et le concile de Trente a condamné celte innovation : c'est
un des obstacles les plus considérables à la réunion des églises
luthériennes , et il y avait sur cela une espèce de négociation
entre M. Bossuet et M. Leibnitz , dont on trouve le détail dans
les œuvres posthumes de M. Bossuet '.
Il est certain que la communion sous les deux espèces ayant été
en usage et n'étant contraire ni à la nature du sacrement , ni à
l'institution de Jésus-Christ , l'Église peut rendre le calice aux
simples fidèles; mais comme le retranchement du calice a pris
naissance dans les inconvéniens qui résultaient de la communion
sous les deux espèces , il n'appartient qu'à TÉglise de rétablir la
communion sous les deux espèces; elle seule a droit déjuger si
les inconvéniens qui naissent du retranchement du calice sont
plus grands que ceux qui naissent de la discipline actuelle , et si
elle doit se relâcher sur cet article.
HYDROPARASTES , nom donné aux Encratiques qui n'of-
fraient que de l'eau dans l'eucharistie.
1
Bossuet, Traité de la communion sous les deux espèces ; Bellarm.,
Natal. Alex. , ont traité à fond cette question, et tous les théologiens
après eux.
*T. l,p, 20A.
FIN DU TOM£ PBEMIEB.
BiBiioTnÈfE chrétiesim du w mm,
i t'oUGI DO CLr.RGÏ ET DEl CBISÏ BU 11CI:1DK,
Formât crand ia-18, papier jésus snperfîn, satiaé,,^
Pi'ix de cliaque volume , broché : 5 fr. SOcJ
Momeaelaturo des Ouvrag«i pànu.
(Kui'i'Z) de Miiil Friincoiii île Sakn, cou
lenfnt l'iulroduclioii a la vie Ùivotc
un ChoïK de set laires spiriiuellra e
le Traité de l'utnour de Dieu, prtté-
Uéesd'unenalicesurMiiectsestCTÎls;
psr V. DU PunnoDiL 3 vnl.
IM'.ttvrHipiri'uclUidcfViicliin, contcnanl
ion Trailc ilc l'itistence de Dieu et ut
Lettres sur la religion; nouvelle édition,
rangée daiis un meillenr ordre et jirOcâ-
dëe d'un discourïpréliminaire ; pur M. de
liEHOCDb 3 vol.
CrainoHi funiires de Bosscei, rtÉi'HiEH,
UisSILLON, MtSQilUOII, UaVBUtLOCE ct
L»Hci< prteËdHt d'eiutli's historiiiiei
..tarées orateurs, par A, Kt^iuiEnT:UV'-
Slndes lillârdrcs sar IVnisgn fanâbrr,
KlrLjkUUFRietdGiHiUcesbiograpbiinies,
■r Di;>e«ui.T S. toI.
pivlHlté tic Jittu-Chriat awwittée far
t prepUltM, d^monlrte par te) iaaii'
ilîilia, prûuvct far {'aceompliuemenl
a prUietioii» dt JitM-Ckrui, ct i-e-
\t par Ut fils» grands platoaophfi
nieers ; ouvrage suiii de l'hisloire
_... inieelUocello desconverwonsira
as célèbres! RarM-deGii.voDDï, îvol.
7ie de Jéiin-Christ «u point de nue de
pteiente, par Jean Kulin. docleor de la
■eullé de tliénldg^c de TubinguE: tra-
duite de l'allemand, par f. Î(bttui»nt,
pour faire suite II ta Itaiioii du ekrinUa-
Hçlionneirc lUi liMsiei, ou Mémoires
ir m-'-Dlr à l'IiUloire dri égaremfai
JjffttprXl ftnimriii parrapport à la re-
KjK'B clirclinne; par PlvqwtJ
vTuge continua josqu'A no» jotui
V. de pEDRonn. ••..._
Béfmae du tkriitlaniiraejiar ta pM
prtimla't flSeUt de l'Égtàe Mnll
pkilotapha, la paimi et (m Juifi,
dueiions publiées par H. de Hm
Le Chemin du sanctuaire iiienlri li
qui aupirenl au sacerdoa, ou Jl_
dt» ecrlriiaillqad , traduit de rifl
du n. P. fOBESTIDA C*HPI, de lÔ]
pagaie di! Jiisus, par un ilireclmr i
minaire; ouvrage nt<prouir<i parlai
gr^Blion de l'Iudet. . . ''
UKitlioni li Dieu, ouTiag« m
dinaire de la winir au»f » ,-
d'une notice sur Bnnuei i par V, ai
iTii par la i
DUcauri jiir Ui raf^iitmtralmti
et la religion Hoilii, ]in —
par XlcoLAS Vt^SDiiM)i,A
potoDios, docleur en Iht
du collëge anglaîa, el p
de l'èglîie c
Rigle gÈoénile rie là i , ,
Vèion, MatiiaesilerKftfiscaarlsl
des hommes pnrM -'■" " ■ -
Ln Couffmoia dt S. .iBjpufte 4J
irtque d'Ifippoiui, (elle latin «1 M
Traduclion de M. Lionct m ftifd
Nouvelle Ëdilii>n, re
Patl»/-1llMl«VMt S. Ojilm,
il
I-